Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 7 - Témoignages pour la séance de l'après-midi
SASKATOON, le jeudi 26 mars 1998
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 13 h 06, pour étudier le projet de loi C-4 modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, qui lui a été référé.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Notre premier témoin, cet après-midi, est M. Bill Rosher, de la Federation of Production Co-operatives. Auriez-vous l'obligeance de nous présenter la personne qui vous accompagne? Je vous demanderai de faire votre présentation et ensuite, nous aurons des questions à vous poser.
M. Bill Rosher, secrétaire, Saskatchewan Federation of Production Co-operatives: Merci, Monsieur le président. Je pense que nous allons simplement vous lire notre mémoire.
La Saskatchewan Federation of Production Co-operatives est une organisation volontaire de coopératives de production agricole et d'agences de machines agricoles, qui a été fondée en 1945. Nous avons représenté les intérêts de nos membres à tous les niveaux de gouvernement pour l'élaboration de politiques favorisant le développement de coopératives modèles de production et de commercialisation agricoles. Les diverses coopératives membres appartiennent entièrement aux familles d'agriculteurs qui ont reçu les services de ces coopératives. Nous nous attachons tout particulièrement à encourager le développement de petites coopératives de production alimentaire nouvelles et existantes au Canada et à l'étranger.
Nous avons pleinement appuyé le modèle de coopérative de commercialisation des grains incarné par la présente Loi sur la Commission canadienne du blé. Grâce à la création réussie d'un mouvement canadien en faveur des coopératives agricoles dans les années 20 et 30, la Commission canadienne du blé est un simple outil fondé sur nos valeurs et nos principes, qui sert à équilibrer le pouvoir économique exercé par les sociétés céréalières, les bourses des céréales, les multinationales, les chemins de fer, et cetera.
Les vraies coopératives, tout comme la Commission canadienne du blé, n'existent pas pour faire des profits pour elles-mêmes. Elles ont pour vocation de maximiser les revenus des agriculteurs en réduisant les coûts ou en obtenant un meilleur rendement sur le marché.
Le succès de la Commission canadienne du blé a été attribué à trois facteurs: la commercialisation à comptoir unique, la mise en commun des prix et les garanties financières du gouvernement. Ces atouts institutionnels profitent aux producteurs céréaliers depuis une soixantaine d'années et auraient continué à leur profiter sans nul doute si le contexte dans lequel la commission a fonctionné avait également été maintenu. La commission faisait partie intégrante d'un système céréalier canadien dans lequel les agriculteurs étaient les propriétaires des installations de manutention des grains. Le gouvernement appuyait et réglementait l'acheminement des grains depuis les silos jusqu'aux ports et la commission coordonnait son acheminement depuis le producteur jusqu'au client.
Aujourd'hui le cadre de réglementation du système de transport des grains a disparu et la déréglementation, qui suppose notamment la suppression du plafonnement des tarifs de transport, est à l'ordre du jour. Certaines coopératives sont en train d'abandonner leur vocation d'organisation vouée au service de ses membres pour se transformer en sociétés axées sur la maximisation des profits pour leurs actionnaires privés. L'existence de la Commission canadienne du blé semble être en contradiction avec la politique globale du gouvernement qui favorise l'indépendance, la privatisation, la déréglementation, le libre marché, la concurrence et autres notions néo-conservatrices qui donnent à tous ceux qui croient aux principes des coopératives l'impression d'être dépassés.
L'industrie canadienne des céréales est indéniablement en train de subir une profonde transformation. Nous félicitons M. Goodale pour sa tentative de glaner le point de vue des agriculteurs sur l'avenir de l'industrie céréalière. Malheureusement, le message reçu par le gouvernement est celui de l'élite de l'industrie plutôt que celui des producteurs canadiens de grains.
L'apparente impossibilité de faire entendre le message de la base est notre responsabilité. Les organisations agricoles de notre pays représentent un large éventail de politiques agricoles mais aucune ne représente vraiment les intérêts des agriculteurs eux-mêmes. Un certain nombre de groupes bien financés et organisés font pression sur le gouvernement pour le faire réagir. Mais les agriculteurs en tant que mouvement sont en train de perdre le contrôle de leurs grandes coopératives, sont écartés des centres bureaucratiques du pouvoir dans les organisations provinciales et provinciales et sont divisés au point de ne pouvoir présenter au gouvernement une proposition claire pour l'avenir de l'industrie, qui soit représentative de la base.
Les Canadiens, en tant que groupe, ont tendance à éviter les confrontations ou les réalités désagréables. Nous rompons avec cette habitude car c'est notre dernière solution. Nous ne cherchons pas être agressifs mais nous nous devons de vous faire part de nos inquiétudes quant à l'avenir de la Commission canadienne du blé en tant qu'outil économique et social au service des agriculteurs.
La Saskatchewan Federation of Production Co-operatives rejette le projet de loi C-4. Nous ne croyons pas que ce projet de loi serve à régler quelque problème que ce soit. De fait, nous n'arrivons pas à savoir quels problèmes l'adoption de ce projet de loi est censée résoudre.
Nous apprécions que le Sénat ait reconnu que ce projet de loi ne réglait pas la question de la commercialisation dans l'Ouest du Canada. Les audiences sur cette législation nous donnent l'occasion de nous pencher sur ses inadéquations et sur l'incapacité du gouvernement à donner aux producteurs la possibilité de participer au processus d'élaboration de la politique.
Le gouvernement fédéral a entamé le processus en nommant un groupe d'examen de la commercialisation des grains. Dans ce groupe, la place accordée aux représentants du commerce des céréales dépassait nettement celle faite aux agriculteurs. Le mouvement anti-commission a été choisi pour préparer la plupart des documents pertinents dont le groupe s'est servi. Parmi les membres de ce groupe se trouvaient des agriculteurs ou des dirigeants de l'industrie à la retraite qui ont donné leurs conseils sur des questions qui ne les concernent plus ou qui, par le passé, auraient eu l'occasion de procéder aux ajustements nécessaires mais, pour une raison ou une autre, ont refusé de le faire
Les modifications préconisées dans le projet de loi C-4 reflètent largement les opinions personnelles des actuels commissaires de la Commission canadienne du blé sur le futur institutionnel de la commission. Nous ne croyons pas que le trio des commissaires actuels soit en mesure d'établir la politique à suivre par la commission. Ceux-ci ont été nommés par un gouvernement antérieur qui avait un programme politique différent. Leur principal devoir est de commercialiser les grains et non pas d'élaborer une politique qui refuse de reconnaître les changements en cours dans le secteur agricole ainsi que la tendance générale des politiques de l'État dans le contexte des accords commerciaux régionaux et internationaux.
Nous estimons, de concert avec la majorité des membres du comité consultatif de la Commission canadienne du blé, que le projet de loi C-4 ne donne pas aux agriculteurs la responsabilité ou le contrôle de leur commission. Il accroît la participation et l'autorité du cabinet et du ministère dans les affaires de la Commission canadienne du blé, tout en réduisant le rôle du Parlement et l'engagement du gouvernement en ce qui concerne l'octroi de garanties.
Les modifications visant les fondements de la Commission canadienne du blé sont laxistes et pourraient s'avérer néfastes dans les mains d'un gouvernement, d'une commission ou d'une direction qui ne défendrait pas une organisation méthodique du marché. Il importe de noter qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui traduise l'appui donné oralement par le gouvernement à la commission, en dispositions législatives qui renforceraient la commission du blé.
Le ministre responsable de la Commission canadienne du blé a reconnu très honnêtement dans une déclaration que l'avenir de la commission était un problème qui concerne les agriculteurs, et qui devrait être résolu par ceux-ci. Les gens qui détiennent le pouvoir dans la structure institutionnelle actuelle de l'industrie céréalière ne sont pas des agriculteurs et la représentation des agriculteurs est pour le moins douteuse.
Nous, en tant qu'agriculteurs, devrions pouvoir choisir publiquement les valeurs et politiques qui orienteront la transformation de la structure du pouvoir de l'industrie céréalière. Nous devons reconnaître les valeurs conflictuelles qui existent au sein de notre groupe que le gouvernement essaie de satisfaire. L'avenir de la commission du blé ne fera pas l'objet d'un consensus. Nous respectons tout à fait le droit des autres à défendre des valeurs différentes de celles de nos coopératives. Il faut cesser de faire croire que la mise en application du projet de loi C-4 renforcera la viabilité politique de la commission.
Les politiques de déréglementation poursuivies par le gouvernement et la priorité donnée à la maximisation des profits plutôt qu'aux services fournis à leurs membres par d'importantes coopératives, ont fait de la commission une institution dysfonctionnelle. Toute tentative de légiférer la viabilité et l'acceptation de la commission aura pour effet d'accroître les tensions sociales dans les communautés rurales et entraînera la désobéissance civile de certains. Nous estimons que l'avenir de la commission à long terme sera assuré si sa viabilité et sa durabilité sont le fait naturel de la communauté, plutôt que de l'imposition d'une législation.
La Saskatchewan Federation of Production Co-operatives prétend que le projet de loi C-4 n'a pas grande valeur mais respecte le droit d'un gouvernement fédéral élu en bonne et due forme d'élaborer une législation conforme à son programme politique. Toutefois, l'absence de représentation du gouvernement dans l'Ouest du pays laisse penser que ce régime a perdu la confiance des électeurs des Prairies. Aussi, la seule modification que nous proposons au projet de loi C-4 est de donner aux agriculteurs la possibilité de l'accepter au moyen d'un référendum ayant force exécutoire. Les paramètres de ce référendum pourraient être définis par le gouvernement en collaboration avec l'actuel comité consultatif de la commission du blé.
Dans le cas où les producteurs n'appuieraient pas l'adoption du projet de loi C-4, l'élaboration et la mise en application d'un régime de commercialisation convenant aux producteurs canadiens seraient confiées aux représentants reconnus des agriculteurs comme le comité consultatif. De cette manière, le débat serait mené par les intéressés dont le gagne-pain est en jeu.
Le président: Pouvez-vous nous préciser si votre coopérative s'occupe d'agriculture?
M. Rosher: Oui.
Le président: Et vous représentez différentes fermes coopératives?
M. Rosher: Oui. Nous représentons la Saskatchewan Federation of Production Co-operatives, soit une organisation qui représente des coopératives agricoles.
Le président: Seulement des exploitations agricoles ou représentez-vous aussi d'autres coopératives ou commerces de détail?
M. Rosher: Seulement des exploitations agricoles, seulement la production.
Le président: Combien d'exploitations agricoles représentez-vous?
M. Rosher: La dernière fois que je me suis informé, plus de 50 étaient enregistrées dans la province, celles-ci représentant un nombre inconnu de membres. Nous n'avons jamais fait d'étude à ce sujet.
Le sénateur Stratton: Cela veut dire 50 coopératives différentes qui représentent...
M. Rosher: Un certain nombre de membres que nous devrions en fait chercher à connaître plus précisément, mais nous utilisons nos ressources à d'autres fins.
Le sénateur Hays: Vous suggérez un référendum sur le projet de loi C-4 auprès des producteurs de grains contractuels de la commission seulement, ou quel genre de référendum?
M. Rosher: Je pense qu'il faudrait s'adresser à tous les producteurs du secteur alimentaire de l'Ouest du Canada. Je connais un certain nombre d'agriculteurs qui pratiquent des cultures qui ne relèvent pas de la commission tout simplement pour ne pas avoir à commercialiser leur production par l'entremise de la commission. Je crois que l'idée que nous essayons de faire passer est que tous les agriculteurs, tous les producteurs, y compris les producteurs d'herbes et d'épices, devraient s'unir pour établir un système de mise en marché, afin de profiter de la puissance d'un système unique au lieu de s'éparpiller parce que certains ne sont pas d'accord avec la politique de l'un ou l'autre des groupes.
Le sénateur Hays: L'idée paraît bonne. Comment vous y prenez-vous?
M. Rosher: C'est à vous que je pose la question. Nous vous demandons un suffrage direct pour l'évaluation d'un projet de loi du gouvernement, compte tenu du fait que l'Ouest du Canada n'a aucune représentation, du moins de représentation effective pour l'instant. Je ne sais pas si cela s'est déjà fait, mais il est difficile de remettre en cause le suffrage direct.
Le sénateur Hays: Mais bien sûr que si, vous avez des députés qui vous représentent et parlent en votre nom au Parlement, vous avez des relations avec eux; il manque simplement de députés libéraux. Je ne crois pas vraiment que le fait que vous n'ayez pas de nombreux députés au Parlement soit une raison suffisante pour douter du bon jugement du gouvernement lorsqu'il s'efforce de mettre en oeuvre quelque chose qui tiendra davantage compte des besoins des producteurs, ce qui est vraiment conforme, si je comprends bien, aux principes des producteurs du secteur alimentaire que vous essayez de promouvoir.
M. Rosher: Le seul problème est que nos députés ont voté contre ce projet de loi, alors pouvez-vous me dire comment notre message a été pris en compte dans l'étude de ce projet de loi? Je crois qu'il a déjà été dit que la commission avait tenu une série de réunions sur des questions ayant trait aux grains. Dans la majorité de ces réunions, les producteurs ont condamné ce projet de loi. Y a-t-il eu des modifications à ce projet de loi qui reflètent cela?
Les producteurs sont allés à Ottawa, diverses organisations ont présenté diverses modifications, et pas une seule n'a été retenue. La seule modification que nous ayons obtenue a été que les organisations agricoles générales ne peuvent prendre l'initiative de la clause d'inclusion. Comment les agriculteurs sont-ils représentés?
Le sénateur Hays: Et bien, jusqu'où iriez-vous pour élargir cette clause? Si un secteur de production voulait invoquer la clause d'inclusion et faire évaluer la possibilité d'inclure certaines graines de céréales ou graines oléagineuses parmi les produits relevant de la commission, pourquoi les producteurs d'autres secteurs devraient-ils avoir leur mot à dire dans ce processus?
M. Rosher: Je crois que nous pouvons prendre l'exemple du seigle. Dans la région où je cultive, le seigle serait un avantage certain, car il s'agit de culture en terre sèche dans le triangle Palliser Sud. S'il existait un système de commercialisation fiable, je ferais pousser du seigle. Or pour l'instant il est difficile d'obtenir un prix pour cette céréale avant les semailles car le seigle n'est même pas coté en bourse. Pourquoi devrais-je être exclu du vote sur l'inclusion du seigle parmi les produits de la commission simplement parce que je n'en fais pas la culture? C'est le problème de l'oeuf et de la poule, me semble-t-il. Si l'on nous donnait suffisamment de préavis, on se mettrait à le cultiver, mais je ne peux pas me permettre de m'amuser à semer certaines céréales lorsque je ne sais même pas à combien elles se vendront.
Le sénateur Whelan: Combien d'acres ou hectares possèdent vos membres?
M. Rosher: Vous me posez une question difficile. Nous avons la ferme Matador, qui est l'une des plus grandes en Saskatchewan -- elle compte huit membres. Et puis il y en bien d'autres que nous ne connaissons pas vraiment bien. Nous leur demandons combien d'acres elles possèdent lorsqu'elles adhèrent; je crois que ce sont des exploitations représentant de deux à huit membres, qui vont de six à sept quarts, jusqu'à huit sections peut-être, ce genre de chose.
Le sénateur Whelan: Matador est une grande et vieille exploitation.
M. Rosher: Oui. Je pense que c'est probablement la plus grande de notre organisation.
Le sénateur Whelan: Est-ce l'une des plus anciennes?
M. Rosher: Oui, elle fait partie des membres fondateurs.
Le sénateur Whelan: J'allais vous demander quelles variétés de céréales vous cultivez, combien de tonnes. En avez-vous une idée? Vous cultivez du blé, du colza, du...
M. Rosher: Je peux vous dire ce que nous cultivons sur notre ferme. Nous faisons un peu d'élevage de bétail et nous cultivons du blé, surtout du blé dur, et parfois un peu de seigle, en majeure partie pour nourrir le bétail, mais le blé dur est notre culture principale.
Le sénateur Whelan: Vendez-vous votre produit Saskatchewan Pool?
M. Rosher: Nous sommes restés sur notre ferme la plupart du temps.
Le sénateur Whelan: Mais n'êtes-vous pas tenu, en tant que membre, de vendre à une coopérative?
M. Rosher: Non.
Le sénateur Stratton: Si le projet de loi est adopté, si je comprends bien, vous dites que vous aimeriez que tous les membres de la Commission canadienne du blé votent sur l'inclusion ou l'exclusion de tout grain?
M. Rosher: Je crois que nous devons dire tout d'abord que nous ne sommes pas en faveur de ce projet de loi.
Le sénateur Stratton: Je vous comprends, mais mettons cela de côté pour l'instant et parlons de la clause d'inclusion et d'exclusion. Vous disiez au sénateur Hays que vous aimeriez cultiver le seigle mais que vous ne pouvez le faire car son prix est trop bas et que s'il y avait un vote sur l'inclusion du seigle parmi les produits relevant de la commission du blé, vous aimeriez y participer bien que vous n'en fassiez pas la culture?
M. Rosher: C'est exact.
Le sénateur Stratton: Et vous aimeriez également voter à propos du colza?
M. Rosher: Oui. Il est possible de cultiver le colza dans notre région.
Le sénateur Stratton: Vous estimez que pour tous les grains qui ne figurent pas sur la liste actuelle, tout détenteur d'un carnet de livraison, même s'il ne cultive pas la céréale en question, devrait avoir le droit de voter sur son inclusion à la commission du blé?
M. Rosher: Oui.
Le sénateur Taylor: Votre mémoire est intéressant, mais dans votre titre vous vous présentez comme la Saskatchewan Federation of Production Co-operatives. Comment pouvez-vous utiliser le terme de «coopératives»? Vous avez l'air de négociants individuels et vous êtes en faveur d'un libre marché, alors que faites-vous de coopératif?
M. Rosher: Chacune des exploitations est incorporée en vertu de la Loi provinciale sur les coopératives et les fermes elles-mêmes sont donc des coopératives. Notre organisation est également une coopérative, bien que nous soyons une fédération regroupant les autres coopératives. Je fais partie de deux coopératives. Ici, je suis membre de la Federation of Production Co-operatives et je suis également membre de ma propre exploitation coopérative.
Le sénateur Taylor: Vous dites que chaque exploitation agricole peut être enregistrée comme coopérative. Cela veut-il dire maman, papa et les enfants, ou plutôt des voisins ou parents ou quoi d'autre?
M. Rosher: Cela dépend. Certaines sont simplement des coopératives familiales et certaines regroupent d'autres parents ou voisins. Cela dépend de qui veut s'unir pour former une coopérative agricole.
Le sénateur Taylor: En quoi cela est-il différent d'une corporation?
M. Rosher: Il y a une différence majeure. Nous sommes considérés comme une petite entreprise dans la réglementation de Revenue Canada et la principale différence est que nous avons une voix par membre, plutôt qu'une voix par action.
Le sénateur Fairbairn: Laissons de côté pour l'instant votre principale proposition voulant que ce projet de loi ne soit pas adopté ou alors sous réserve d'un référendum très large. Vous parlez de la désirabilité de décisions et politiques menées par des agriculteurs ou leurs représentants.
Concernant le projet de loi, il me semble qu'il existe au moins un début de volonté de faire participer les agriculteurs aux affaires de la Commission canadienne du blé, de façon majoritaire. Je me demande si vous y voyez au moins un certain intérêt, il s'agirait alors d'un processus dirigé par les agriculteurs eux-mêmes et leurs représentants. Les élections sont une chose bizarre. Elles font l'objet de luttes enthousiastes ou vigoureuses, et ont très souvent pour résultat de faire entrer des voix dans une pièce où elles ne sont jamais encore entrées. Ne serait-il pas intéressant, à votre avis, d'avoir dans cette pièce et autour de cette table une majorité de voix de gens élus par les agriculteurs pour défendre leurs intérêts et leurs opinions au sein même de la commission du blé?
M. Rosher: Ce qui nous dérange dans ce processus, c'est que le gouvernement a pris la peine de consulter les agriculteurs -- le Groupe d'examen de la commercialisation des grains -- mais que nous n'avons retrouvé aucun des points de vue des agriculteurs dans ce rapport. Aussi aimerions-nous savoir pourquoi les modifications à ce projet de loi ont été proposées par les commissaires et le conseil d'administration actuels de la commission, pourquoi ils n'ont pas d'abord mis en place les agriculteurs, pour leur demander ensuite de décider comment modifier le projet de loi.
Nous allons élire dix producteurs pour siéger au sein d'une organisation qui gère des ventes de grains de plus de 6 milliards de dollars. Personnellement, l'idée d'élire même un producteur, sans le connaître, et de le placer ainsi aux côtés de cinq personnes désignées par le gouvernement, me met mal à l'aise. J'ai l'impression que cette personne devra revenir sur le terrain au moment des prochaines élections et représenter le point de vue de la commission auprès des agriculteurs alors qu'un tiers de ses membres sont des fonctionnaires.
Qui a placé les commissaires actuels, dont les modifications proposées incluent les achats au comptant, qui favorisent les sociétés d'État? Pas le gouvernement actuel, pas les gens qui ont voté lors de ces dernières élections. Pourquoi les modifications proposées par ceux-ci devraient-elles servir de fondement au futur cadre de mise en marché?
Je vous encourage donc à envisager la situation sous un angle différent. A mon avis, vous devriez la mettre entre les mains des agriculteurs et les laisser décider d'une structure de commercialisation appropriée. Ensuite le gouvernement fédéral pourrait s'adresser à eux et leur dire, nous pouvons vous fournir ceci, cela et cela. Tenez compte de leur point de vue. Car la situation est en train de changer et nous ne pensons pas qu'il convient de demander à ces commissaires comment faire pour répondre aux nouveaux défis qui se posent, en se basant sur le passé.
Le sénateur Fairbairn: N'avez-vous pas besoin d'une certaine structure à mettre à la disposition des agriculteurs pour la proposition de leurs points de vue?
M. Rosher: Tout à fait.
Le sénateur Fairbairn: C'est le troisième jour de notre tournée et nous avons entendu des points de vue d'agriculteurs fort divergents. Pour y voir clair -- s'il s'agit d'un effort de la part du gouvernement pour faire entrer les agriculteurs à la commission du blé, ce qui, d'après vous est prématuré -- il faudrait demander à un autre genre d'organisme de présenter ces idées dont vous parlez à la commission ou au gouvernement.
J'aimerais simplement savoir si, dans votre réflexion, vous estimez que le fait qu'il y aurait des agriculteurs dûment élus au sein de cette commission est bien, ou mieux que de ne pas en avoir du tout?
M. Bev Currie, codirecteur, Saskatchewan Federation of Production Co-operatives: Notre avis est que nous préférons la situation actuelle à celle qui est proposée...
Le sénateur Fairbairn: Vraiment?
M. Rosher: Oui.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Vous dites que vous êtes une association coopérative et cela est un regroupement d'associations. Est-ce que vos producteurs sont membres de la National Farmers Union ou d'autres associations de ce genre?
[Traduction]
M. Rosher: Je ne peux pas répondre avec certitude. Peut-être. Nous ne demandons pas ce genre d'information au moment de l'adhésion. Il se peut qu'il y ait des membres de l'Union des agriculteurs ou également de l'Association des Wheat Growers, bien que j'en doute.
Le sénateur Hays: Vous avez également indiqué que vous faites partie d'une agence qui s'occupe de machines agricoles et vous avez dit que vous n'étiez pas dans le commerce de détail, comment cela est-il possible?
M. Rosher: Notre exploitation est organisée de manière à nous permettre de réunir les ressources nécessaires pour acheter des séries de machines agricoles qui servent sur l'ensemble des terres de notre coopérative. Nous ne vendons pas de machines au détail.
Le président: Encore une fois, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Nous apprécions le temps que vous avez consacré à l'élaboration de ce rapport très intéressant.
J'aimerais à présent donner la parole à M. Hymer, secrétaire-trésorier de la Canadian Organic Certification Co-operative Ltd. Auriez-vous l'obligeance de vous présenter?
M. Ken DeMong, directeur, Canadian Organic Certification Co-operative Ltd.: Ken Hymer n'a pu venir aujourd'hui. Je suis Ken DeMong. Je siège au conseil d'administration de la Canadian Organic Certification Co-operative et je vais vous présenter le mémoire au nom de Ken Hymer qui est notre secrétaire.
Mike Kasper m'accompagne. Il fait également partie du conseil d'administration de notre coop de certification. Il a son exploitation agricole à Young et moi à Cudworth.
Je ne sais pas combien d'acres les agriculteurs de notre coopérative de certification possèdent, mais personnellement j'exploite 500 acres, et les fermes biologiques ont tendance à être plus petites en moyenne.
Le président: J'aimerais souligner que vous êtes, me semble-t-il, le cinquième groupe de culture biologique à se présenter devant nous, et on semble se poser bien des questions dans ce secteur de l'agriculture.
M. DeMong: Les producteurs biologiques que nous représentons sont pour la plupart de petites exploitations familiales traditionnelles. Leur décision de passer à la culture de produits biologiques découle avant tout d'une conviction morale qu'il faut protéger notre environnement et fournir ce que nous considérons comme des «produits alimentaires propres». Bien sûr tous les producteurs ne partagent pas ces opinions mais un nombre croissant de petits agriculteurs traditionnels sont en train de voir dans la culture de produits biologiques une solution de remplacement aux grandes exploitations intensives faisant usage d'engrais chimiques.
Lorsqu'il s'agit de commercialiser nos produits, par contre, les producteurs biologiques font face, plus que les petits agriculteurs traditionnels, à tous les problèmes liés aux transactions avec les acheteurs, les courtiers et agents, tout simplement du fait de la nature de leurs produits et du créneau visé, c'est-à-dire les consommateurs de produits biologiques.
L'industrie des produits biologiques souffre sérieusement de l'absence d'un cadre de commercialisation ordonnée. Nous connaissons de nombreux producteurs biologiques qui vendent leurs grains certifiés sur le marché conventionnel et choisissent de ne pas être certifié dans le contexte chaotique actuel de mise en marché, afin d'éviter ainsi les inconvénients de passer par des vendeurs, courtiers et agents.
Nous sommes convaincus que si nous pouvions avoir le privilège de profiter de l'expertise et des débouchés mondiaux de la Commission canadienne du blé, l'industrie se stabiliserait immédiatement. Le potentiel de croissance serait énorme et les producteurs seraient protégés contre les fluctuations quotidiennes des prix grâce à la mise en commun, aux garanties de paiement de la Commission canadienne du blé consenties par le gouvernement et aux ventes à comptoir unique -- un système dont tout économiste qui se respecte vous dira qu'il permet au vendeur de rentabiliser au maximum la vente de ses produits.
Un représentant de la Commission canadienne du blé chargé du développement des marchés a assisté à notre assemblée annuelle en janvier 1997 et nous a laissé entendre que la commission serait disposée à commercialiser nos céréales biologiques une fois que l'Office des normes générales du Canada aurait approuvé les normes proposées pour les produits biologiques.
Nous avons absolument besoin de plus d'aide pour la commercialisation de nos produits, pas de moins. Nous invitons les transformateurs industriels, les négociants et les courtiers à devenir des agents de la Commission canadienne du blé et à former ainsi une équipe de ventes à guichet unique, au lieu de se faire concurrence aux dépens du producteur.
Notre organisation appuie donc fortement la notion de vente à comptoir unique et de mise en commun des prix assortie d'une garantie du gouvernement.
Ce qui m'amène à parler du projet de loi C-4. En bref, nous avons déterminé que les changements suivants recommandés par le projet de loi C-4, à savoir ceux visant 1) les pouvoirs de la commission pour les achats au comptant, 2) le fonds de réserve et 3) la clause d'inclusion inutilisable contribuent tous à miner la Commission canadienne du blé.
Premièrement, les pouvoirs de la commission dans les achats au comptant, sous leur forme actuelle, annuleraient les avantages fournis aux producteurs par les mécanismes de mise en commun et, en l'absence de paramètres pour restreindre les achats outre-mer, les grains provenant d'autres pays pourraient servir à répondre aux demandes du marché, possiblement au détriment de nos propres réserves.
Deuxièmement, les fonds de réserves préconisés, combinés aux dispositions sur les autorités, ont pour effet de retirer le gouvernement canadien de l'équation en ce qui concerne la garantie des prix de la Commission canadienne du blé. La politique de production alimentaire bon marché lancée au Canada à la suite d'une série de rapports de groupes de travail formés par le gouvernement et de livres blancs sur l'agriculture promouvant des politiques qui ont regroupé et industrialisé l'agriculture, nous a laissés avec un pouvoir d'achat de dollars de 1980 pour nous procurer des biens et des services de 1998.
Depuis des années, les producteurs canadiens subventionnent les consommateurs en leur fournissant des produits alimentaires bon marché, à un coût encore inconnu pour nos sociétés rurales, mais se traduisant par une population vieillissante, la disparition des voies de chemins de fer et le dépérissement des communautés. Le fait que le projet de loi C-4 retire aux producteurs le seul régime de soutien assuré par le gouvernement, sous forme de garantie des prix de la Commission canadienne du blé, est indécent.
Et troisièmement, en ce qui concerne la soi-disant clause d'inclusion 47.1, il convient de dire que ce serait une insulte aux principes démocratiques que de vouloir supprimer cette clause alors que l'on conserve la possibilité d'exclure des grains. Ceci dit, la clause d'inclusion est redondante sous sa forme actuelle et demande à être revue.
Conclusion: Ces réserves et autres réserves similaires à l'égard du projet de loi C-4 vont dans le sens des critiques de la majorité des détenteurs de carnets de livraison de la Commission canadienne du blé et ce fait se reflète dans la position du comité consultatif de la Commission canadienne du blé, qui, soit dit en passant, est l'entité démocratiquement élue qui est encore ce que nous avons de mieux comme représentation pour les questions liées à la commission du blé.
Recommandations: Nous préconisons le rejet complet et la rédaction d'un nouveau projet de loi C-4 ou, du moins, nous recommandons les changements suivants: 1) Que le comité consultatif de la Commission canadienne du blé propose des paramètres pour le fonctionnement du mécanisme d'achat au comptant; 2) Que le gouvernement maintienne ses garanties des prix de la Commission canadienne du blé; et 3) Que la clause 47.1, la clause d'inclusion, soit améliorée de manière à permettre, conformément aux principes démocratiques, à tous les détenteurs de carnets de s'exprimer lorsqu'un vote sur l'inclusion ou l'exclusion d'un grain est imposé par une pétition de 5 p. 100 des détenteurs de carnets de la Commission canadienne du blé.
Nous espérons vous avoir été utiles pour vos délibérations sur ces questions et anticipons avec plaisir les questions que vous voudrez bien nous poser.
Le président: J'ai une seule question. Produisez-vous du blé sur votre ferme, du blé biologique?
M. DeMong: Oui, c'est exact.
Le président: Le rachetez-vous à la commission du blé ou comment fonctionnez-vous?
M. DeMong: C'est ce que nous faisons.
Le président: Que vous rapporte un boisseau de blé biologique?
M. DeMong: L'agent du Saskatchewan Wheat Pool, ou personne responsable dans le bureau de Regina m'a dit que nous pouvions recevoir entre 1,50 $ et 2,50 $ par boisseau.
Le sénateur Stratton: J'aimerais revenir à la clause d'inclusion et d'exclusion, car vous avez la ferme conviction que tout détenteur de carnet devrait avoir le droit de voter pour l'extension de la Loi sur la Commission canadienne du blé à un grain nouveau et vous indiquez également qu'il suffirait que 5 p. 100 des producteurs demandent ce vote.
M. DeMong: C'est exact.
Le sénateur Stratton: Donc même si vous ne produisez pas de seigle, d'avoine ou de colza, vous devriez avoir le droit de déterminer si ces grains devraient relever de la commission du blé ou non?
M. DeMong: Bien souvent, nous sommes des producteurs potentiels de tout grain qui pousse dans les Prairies, et beaucoup de cultivateurs ne veulent pas de l'instabilité du libre marché et ne produisent pas de grains pour lesquels il leur faudra trouver personnellement un acheteur.
Le sénateur Stratton: Avez-vous jamais entendu parler de tyrannie exercée par la majorité? Je sais que la démocratie n'est pas grand-chose, mais c'est tout ce que nous avons. Je vous dis ceci dans ce sens qu'un agriculteur qui produit du colza ou de l'avoine vous dira qu'il appartient à un groupe minoritaire ici. Si nous appliquions ce principe à plus grande échelle, nous ferions face à de sérieux problèmes. Mais selon vous, cette démarche est acceptable dans un contexte économique?
M. DeMong: Ce que je veux dire, c'est que nous avons tous notre lot d'erreurs ou de sagesse, et dans l'Ouest du Canada, nous avons même élu des gens à la Chambre des communes qui ne représentent pas nos opinions. Pourquoi ne pas permettre aux agriculteurs de faire une supposition éclairée de ce qu'ils veulent?
Le sénateur Stratton: Vous dites donc que les minorités ne comptent pas? Je vous mets les mots dans la bouche, vous vous en rendez compte?
M. DeMong: Oui, je m'en rends compte. Mike, voulez-vous répondre?
Le sénateur Stratton: Voilà, en résumé, ce que je retiens de votre intervention: un producteur de colza ou d'avoine qui gagne bien sa vie sur le libre marché ne doit pas avoir plus de poids que vous dans la décision d'inclure ou non son produit parmi les produits relevant de la Commission canadienne du blé. C'est en gros ce que vous dites?
M. DeMong: Exactement.
M. Mike Kasper, directeur, Canadian Organic Certification Co-operative Ltd.: Bien souvent les forces économiques nous poussent à cultiver des grains que nous ne produirions peut-être pas autrement. Mais d'autre part, nous faisons de la culture biologique, nous effectuons une rotation de nos cultures et nous faisons pousser bien des produits qui ne sont pas considérés comme traditionnels. Le seigle en est un. Sa culture ne me rapporte pas nécessairement grand-chose, mais elle est très bénéfique pour ma rotation et, en conséquence, je la pratique. Aussi aimerais-je bien avoir mon mot a dire sur la façon dont ce produit va être commercialisé.
D'un autre côté, je suppose que le colza a été drôlement maltraité ici. En 1957, j'ai apporté le premier chargement de colza dans notre district et la plupart des gens n'avaient aucune idée de ce que c'était. Ils pensaient que je cultivais un champ de mauvaise herbe, mais aujourd'hui plus personne ne penserait ainsi. Je ne cultive pas de colza en règle générale, seulement lorsque les conditions sont très humides, mais j'en ferais peut-être pousser régulièrement si son prix était stable et je déplore que ce ne soit pas le cas. Il n'y a pas si longtemps, le prix du colza était de trois dollars et quelque au moment des semailles et au moment de la récolte son prix était passé à 9 $. J'estime que cela est tout à fait déraisonnable.
Mais il se peut également, à mon avis, que les acheteurs aient décidé tout d'un coup que le prix du colza était monté trop haut et qu'ils aient décidé de cesser d'acheter pendant un certain nombre de jours ou de...
Le sénateur Taylor: Vous nous rendez la tâche difficile, car au cours des derniers jours nous avons eu, je crois, deux, peut-être trois...
Le président: Quatre.
Le sénateur Taylor: Quatre producteurs de produits biologiques et la plupart d'entre eux étaient tout à fait contre la commission; ils n'aimaient pas l'idée du rachat et voulaient quitter -- et prétendaient représenter l'avis de tout le monde, de surcroît. Bien sûr, nous sommes payés pour écouter tout le monde et faire ensuite la part des choses.
Ce qui m'amène à une question qui n'a été évoquée qu'une seule fois, à savoir que la commission du blé songeait à vous assujettir à la Loi sur les grains ordinaires à condition qu'il y ait un régime de certification d'envergure nationale. Apparemment vous attendez cela depuis deux ou trois ans. Pouvez-vous me dire si cela est vrai, et si vous pensez que cela se fera? Où en sont les discussions sur ce sujet?
M. Kasper: Nous devrions avoir une réponse sous peu. J'ai entendu dire que nous en entendrions parler d'ici le 30 avril.
Le sénateur Taylor: Pensez-vous que vous allez être inclus ou exclus?
M. Kasper: Nous demandons des normes canadiennes depuis 1991.
Le sénateur Taylor: Ce n'est pas ce que je voulais savoir. Je sais que vous réclamez des normes canadiennes. La commission vous a-t-elle laissé entendre qu'elle accepterait les grains biologiques parmi les grains qu'elle commercialise?
M. DeMong: Cela ne se fera pas automatiquement une fois que les normes auront été établies. Je crois qu'il faudrait trouver un consensus parmi les producteurs biologiques.
Le sénateur Taylor: En d'autres termes, la question des exclusions et inclusions revêt une grande importance pour vous. Pour tous les autres ici, c'est une question plutôt théorique, mais pour ceux qui pratiquent la culture biologique, il se peut qu'il y ait un vote au cours de la prochaine année et qu'on leur demande si oui ou non ils veulent faire partie de la commission. C'est donc une question beaucoup plus importante pour vous que pour tous les autres groupes?
M. DeMong: Je dirais que oui.
Le sénateur Sparrow: Nous parlons d'une culture donnée et la seule question est de savoir si elle doit être inclue ou exclue. La question n'est pas de savoir s'il s'agit de blé biologique ou non; soit c'est du blé, soit ce n'en est pas et il en va de même pour tous les autres produits biologiques. La loi ne prévoit pas de disposition particulière pour le blé biologique ou le seigle biologique ou le colza biologique ou autre culture, quelle qu'elle soit.
M. DeMong: A ce stade, je crois que la question que devront se poser les agriculteurs est de savoir s'ils préfèrent l'orge en tant que grain biologique pris en charge par la Commission canadienne du blé, ou le blé, car ce sont les deux grains qui relèvent de sa compétence pour l'instant. Si d'autres grains sont soumis à un vote, je crois que les agriculteurs qui cultivent des produits biologiques devront déterminer s'ils veulent que la Commission canadienne du blé s'occupe de leurs produits biologiques, quels qu'ils soient.
Le sénateur Hays: Pour ma propre gouverne, pourriez-vous me dire si dans la culture biologique, la jachère fait partie du cycle de rotation?
M. Kasper: Nous faisons comme tout le monde. Nous sommes très soucieux de l'environnement. De fait, je pense qu'il s'agit pour nous d'une mesure primordiale et nous utilisons généralement une culture de couverture pour toutes nos terres.
M. DeMong: Sur mes terres, j'ai tendance à utiliser du trèfle. Je fais pousser quelque chose comme de l'avoine que j'intercale avec du trèfle et pendant la jachère, je retourne celui-ci. J'ai remarqué une absence considérable d'érosion depuis que je procède ainsi. La terre est noire, presque aussi noire que celle des jachères conventionnelles et ne s'érode pas.
Le sénateur Whelan: C'est de l'engrais vert.
M. DeMong: Il faut laisser pousser le trèfle et ensuite l'enfouir comme un engrais vert et il reste ainsi jusqu'aux semailles du printemps suivant.
Le sénateur Whelan: Je voudrais simplement vous demander si vous avez eu connaissance d'un sondage réalisé par le ministère canadien de l'Agriculture dans tout le pays, où l'on a demandé à 2 240 personnes quelles étaient leurs plus grandes inquiétudes?
M. DeMong: Je ne vois pas.
Le sénateur Whelan: Eh bien, 82 p. 100, ce qui a beaucoup étonné les gens qui ont effectué le sondage -- car c'est un pourcentage très élevé quel que soit le sondage -- se sont dit préoccupés par la qualité de leur alimentation qu'ils souhaitent sûre et pure. Je pense que vous répondez tout à fait à cette préoccupation.
M. DeMong: Bien sûr.
Le sénateur Whelan: Vous dites quelque chose à propos de votre député qui est parti à Ottawa et vous a oublié.
M. DeMong: C'était en réponse à la question du sénateur qui voulait savoir si la démocratie avait des désavantages aussi bien que des avantages. Dans ma circonscription elle a un désavantage certain car il n'y a pas de député qui représente mes opinions, il représente le Parti réformiste.
Le sénateur Whelan: J'allais faire une comparaison avec moi-même et ce que j'ai fait, mais je ne vais pas le faire.
Le président: J'appelle maintenant M. Larson, M. Bryan, M. Bailey, M. Anderson, et M. Cooper. Pourriez-vous vous présenter et indiquer au comité où vous exercez vos activités d'agriculteurs? Commencez à ma gauche.
M. David Bailey: Je suis agriculteur à Glaslyn, qui se trouve à 40 milles au nord de North Battleford. Je cultive les céréales.
M. Charles Anderson: Je suis agriculteur à Rose Valley, à 150 milles au nord-est de Saskatoon. Je pratique une culture mixte.
M. David Bryan: Mon exploitation se trouve à environ 100 milles au Sud d'ici, je cultive le blé et les lentilles.
M. Bill Cooper: Je représente le Foam Lake Marketing Club, de Foam Lake, en Saskatchewan.
M. Russell Larson: Je viens d'Outlook, à environ 60 milles au Sud d'ici.
Le président: Je vais demander à M. Larson de commencer. Je vous demanderais de limiter vos présentations à cinq minutes afin qu'il y ait du temps pour les questions et réponses.
M. Larson: Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'être venus jusqu'ici pour nous entendre.
Je ne suis pas ici pour critiquer le contenu du projet de loi mais plutôt pour parler de ce qui y manque. Je pense en particulier à une disposition prévoyant une option de retrait pour les agriculteurs qui ne souhaitent pas commercialiser leurs grains par l'entremise de la Commission canadienne du blé.
Pour l'instant, le blé et l'orge destinés à la consommation humaine passent obligatoirement par la commission et toutes tentatives de vendre sans recourir à celle-ci ont fait l'objet d'arrestations, d'accusations au criminel, d'amendes écrasantes et même de peines de prison. De plus en plus d'agriculteurs progressistes et bien éduqués sont mécontents de la performance de la commission. Les démarches effectuées pour tenter de persuader Ralph Goodale de permettre à certains agriculteur de se retirer ont totalement échoué. Ses consultations auprès des agriculteurs se sont avérées de pures farces; même le groupe de commercialisation des grains qu'il a nommé personnellement s'est dit en faveur d'un marché double pour l'orge, or cette possibilité a été rejetée sans aucune explication.
Ce matin et cet après-midi les opposants au libre marché des grains ont soulevé plusieurs objections à ce que nous souhaitons, à savoir un marché double, et j'aimerais me pencher sur certaines de ces objections.
Tout d'abord, la commission du blé ne possède ni silos-élévateurs ni terminaux et ne serait pas en mesure de recueillir les grains pour honorer ses obligations contractuelles.
Il n'est pas nécessaire de posséder des installations pour vendre des grains. J'ai chargé des wagons de colza vendu à la Louis Dreyfus Company qui étaient destinés au terminal Pioneer Grain à Vancouver. Louis Dreyfus n'a pas un seul silo dans les Prairies et pourtant, il vend du colza. La commission peut faire pareil. Les compagnies céréalières vendent leurs services de manutention tous les jours à la concurrence. Il n'y a aucune raison de croire qu'elles ne feraient pas la même chose pour la commission du blé. Elle peut contracter les services d'entreprises de location de silos pour certaines qualités et quantités et prendre possession des grains au port.
Deuxièmement, les agriculteurs pourraient choisir leur marché selon les circonstances. En période de bas prix ils vendraient à la commission et en période de prix forts, ils vendraient sur le marché libre.
Avant les semailles, un agriculteur devrait décider s'il va vendre sa production à la commission. Une fois le contrat signé, il serait engagé légalement et s'exposerait à de graves amendes en cas de non-respect. Après la récolte, il serait tenu de préciser à la commission la quantité et le grade de ses grains. Cela permettrait à la commission de préparer ses ventes, en ayant la conviction qu'elles correspondront aux spécifications de ses clients. Les agriculteurs qui se seraient prévalu de leur option de retrait ne pourraient vendre leur récolte à la commission et seraient libres de la vendre à qui ils veulent.
Les agriculteurs essaieraient de vendre moins cher que leurs collègues afin de s'assurer les ventes, ce qui ferait baisser les prix. Mais les agriculteurs ne sont pas fous. Je n'ai jamais vu un agriculteur à qui on avait offert 9 $ pour son boisseau de colza faire une contre-offre à 8,50 $. Sur le marché des grains hors-commission comme le colza, ils se sont révélés futés et disciplinés. Les données sur ce marché sont faciles à obtenir pour ceux que ça intéresse. Nous avons accès aux derniers renseignements grâce à Internet, aux systèmes satellites comme le DTN et aux ordinateurs et télécopieurs à communication mondiale.
Quatrièmement, un double marché ne profiterait qu'à ceux qui vivent près de la frontière américaine. Ils obtiendraient le prix fort mondial alors que les agriculteurs vivant plus au Nord recevraient un prix plus faible.
Avec l'ouverture des frontières, le prix du blé de Meadow Lake dans le nord de cette province serait le même que celui du Dakota du Nord, mis à part le coût du transport et le taux de change.
Un arbitrage permettrait d'assurer l'égalité des prix comme cela se fait pour les récoltes hors-commission. Des gens comme moi-même qui seraient trop loin pour transporter leurs récoltes pourraient toujours les transporter jusqu'au silo local et obtenir le même prix que ceux qui vivent près d'Estevan.
Cinquièmement, l'Ouest du Canada produit un blé de grande qualité très demandé. Le fait d'avoir un comptoir de vente unique permet au vendeur d'obtenir sa pleine valeur auprès des clients.
Le fait est que le marché du blé de haute qualité est restreint et stagne. Environ 75 à 80 p. 100 de la demande concerne le blé de qualité moyenne, et c'est ce marché qui est en train de prendre de l'ampleur, surtout en Asie. La priorité donnée par la commission au blé de force roux de printemps lui a fait perdre de nombreuses occasions de ventes, et les agriculteurs de l'Ouest du Canada en ont souffert.
Le Canada est en train de devenir une anomalie sur le marché mondial du blé. La commission australienne du blé a perdu le monopole de la vente des grains au pays et pourtant elle traite toujours 70 p. 100 des grains. Des négociations sont en cours qui lui enlèveront son monopole outre-mer et la transformeront en coopérative. Au cours du dernier mois, l'Office de commercialisation de l'Ontario a voté pour permettre aux agriculteurs de vendre leurs grains à l'extérieur de la province sans restriction. Un ancien pays communiste, l'Ukraine, a récemment annulé l'exigence selon laquelle les agriculteurs étaient tenus de vendre 10 p. 100 de leur blé au gouvernement à des prix inférieurs au marché.
La question de la commercialisation des grains a suscité des dissensions et des incertitudes et provoqué des conflits entre frères et voisins. Le projet de loi C-4 n'a rien fait pour résoudre la controverse soulevée par la commercialisation des grains. En fait, elle l'a amplifiée. Il est temps de mettre fin à cela. En fait, je vous demande de modifier le projet de manière à y inclure une option de retrait de la commission pour les agriculteurs. Si la commission en vaut la peine, les agriculteurs voteront en sa faveur en lui confiant leurs boisseaux.
Pour terminer, j'aimerais que vous réfléchissiez à cela: cinquante-trois ans après le retour de soldats canadiens partis combattre pour libérer d'autres peuples, j'ai moins de liberté pour vendre mes grains que mon grand-père n'en avait. Il est temps de mettre fin à cette aberration.
M. Cooper: Merci, Monsieur le président. Comme je l'ai indiqué, je suis ici pour représenter notre club de commercialisation. Nous nous sommes réunis ce matin, comme nous le faisons tous les jeudis matin durant les mois d'hiver.
En ce qui concerne le projet de loi C-4, nous avons de grandes réserves. Si vous voulez bien vous reporter à mes notes, j'ai énuméré les 10 commandements -- et je ne sais pas très bien de quelle église ils relèvent. J'aimerais d'abord faire un commentaire global à propos de l'influence de la commission sur l'ensemble de l'industrie. Il importe de reconnaître que le rôle de la commission ne se limite pas à la vente du blé et de l'orge, mais qu'elle a une influence sur toute l'industrie céréalière dans l'Ouest du Canada; de fait, pas seulement l'industrie céréalière mais celle du grain fourrager, qui influe sur la production du bétail et sur nos industries à valeur ajoutée. Il est important de considérer le projet de loi dans ce contexte. Aussi mon premier argument sera que si le projet de loi C-4 n'est pas retiré ou rejeté, il faudra au moins envisager de retarder son adoption jusqu'à la conclusion de l'étude Estey. Cette étude porte sur le rôle de la commission dans le transport et la manutention du grain et dans d'autres aspects. Il serait donc important de retarder ce projet de loi jusqu'à la fin de cette étude.
Plus précisément, j'estime que l'élection des administrateurs est un processus imparfait si l'on veut adopter une approche professionnelle dans la gestion d'un programme de ventes de 7 milliards de dollars. Les administrateurs devraient être choisis en fonction de leurs qualifications et ne devraient pas nécessairement être des agriculteurs, bien que je reconnaisse qu'il serait bon que ceux-ci soient en majorité. Il faut examiner ce pour quoi ils sont qualifiés, car si l'on se fie à la façon dont les élections se sont déroulées pour le comité consultatif, on semble n'avoir recruté que des politiciens. Nous devons exiger plus que cela.
Le projet de loi C-4 ne fait rien pour garantir la transparence des prix et des coûts ou l'imputabilité de la commission envers les agriculteurs. Un conseil privé garantirait cela. J'estime que c'est extrêmement important, cette transparence des prix et des coûts, qui sont influencés par le conseil d'administration.
Le projet de loi C-4 n'est pas conforme aux récents changements apportés à la commission du blé de l'Ontario, qui permet aux agriculteurs d'avoir directement accès aux marchés d'exportation.
Le projet de loi C-4 ne fait rien pour favoriser un régime de manutention et de transport compétitif et économique, entre l'exploitation agricole et le navire. L'ouverture de la frontière avec les Etats-Unis et la prise de possession F.A.B de la cargaison au navire par la Commission canadienne du blé répondrait à ce besoin.
Le fonds de réserve proposé est une mesure qui fait peur, car il pourrait servir à couvrir des problèmes de commercialisation et ne manquera pas d'être considéré comme une entrave au commerce par nos concurrents.
Le projet de loi C-4 ne fait rien pour garantir la transparence des prix et l'arbitrage pour l'utilisateur du grain fourrager, la minoterie ou l'agriculteur.
La clause d'inclusion, telle qu'elle est proposée dans le C-4, envoie un message négatif à nos partenaires commerciaux et est vraiment insultante pour les agriculteurs et négociants de cultures comme le colza, les pois, l'avoine, le lin, la moutarde, les lentilles et ainsi de suite.
Le projet de loi C-4 ne résout pas les problèmes de la mise en commun des prix, des coûts, des locaux d'entreposage et des parcs de wagons pour livrer le bon type de grain, à la bonne destination et en temps voulu. Seul le recours à des contrats comportant un prix final fondé sur la valeur du produit, du service et de l'investissement en capital garantira une livraison en temps opportun.
Le projet de loi C-4 n'encouragera pas les nouveaux investissements et ne permettra pas aux investisseurs actuels d'utiliser leurs acquis de façon à optimiser les profits des actionnaires.
J'aimerais à présent attirer votre attention sur certains de mes tableaux car ceux-ci -- qui ont trait à l'influence de la commission du blé sur d'autres paramètres du marché -- j'aimerais que vous vous reportiez brièvement à celui qui est intitulé «Prix américains moyens (long-terme)» qui indique les prix entre 1976-1977 et 1997-1998, soit une période de 20 ans. Ils sont exprimés en dollars U.S., mais vous remarquerez qu'au cours de ces vingt dernières années, le prix du blé de force roux de printemps n'a dépassé les 4 $US qu'une seule fois, et qu'il est retombé ensuite, bien sûr, à son niveau actuel. Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus car je veux vous parler d'autres problèmes de prix et de l'incapacité de ce projet de loi à les résoudre.
J'aimerais à présent vous renvoyer au tableau des «Prix agricoles américains moyens», toujours en dollars U.S. Ces chiffres vont de janvier 1990 à septembre 1996, et c'est en mai 1996 que les prix du blé de force roux de printemps ont atteint leur maximum. Ils étaient en progression constante et ont dépassé les 4 $ à partir de mai 1995, pour atteindre leur maximum en mai 1996. J'ai ensuite pris ces prix et examiné les années de récolte 1995-1996 et 1997, comparé le prix mensuel moyen américain, et fait une moyenne pour la période de 12 mois en me basant sur notre année de récolte.
Donc si vous regardez ce tableau, qui donne les prix américains moyens sur une base mensuelle, vous voyez que le prix à la ferme moyen de 1995-1996 est de 6,61 $ canadiens. Pour 1996-1997, la moyenne était de 5,45 $ canadiens, soit un taux de change de 1,36, qui est actuellement de 1,4 je crois, j'ai donc pris le taux que je pensais avoir été en vigueur à l'époque.
Le prix final de la Commission canadienne du blé pour le blé de protéine 13,5 était de 5,55 $ en 1995-1996. J'ai fait remarquer que le prix américain était de 6,61 $, soit une différence de 1,06 $, ou 38,90 $ par tonne. En 1996-1997, nous avons reçu 4,36 $ de la commission; le prix à la ferme moyen américain était de 5,45 $, soit 1,09 $ le boisseau ou 40,00 $ la tonne.
L'heure est donc à l'ouverture des frontières américaines, comme d'autres l'ont mentionné. De même, il est très important dans ce contexte que la commission prenne possession au port, sur le navire. Nous ne recevons pas notre juste part en ce qui concerne le prix mondial. Et le problème ne tient pas simplement au prix de la commission; il est lié à de nombreux coûts intermédiaires. Vous remarquerez que la commission du blé a également transporté 3,5 millions de tonnes métriques en 1995-1996 et 1996-1997. Je n'ai jamais réussi à savoir pourquoi, en tant qu'office de commercialisation canadien, la commission continue à livrer autant de grain. Entre 1996-1997 et 1997-1998, on a livré 7,5 millions de tonnes métriques, ce qui exclut le blé dur, soit l'équivalent d'un quart de notre production, ou plus, par an. Pourquoi a-t-on transporté cela alors que nous avions le prix le plus fort en 25 ans ou plus?
Si l'on compare ceci avec certains des chiffres que j'ai notés auparavant, les 40 $ par tonne, la perte est de taille; elle éclipse la perte dont la commission du blé fait état, concernant les frais de surestaries payés correspondant à 65 millions de tonnes, et ainsi de suite. Je voulais vous signaler cela, simplement à cause du manque de transparence des prix.
Je voulais également vous signaler un autre facteur qui, encore une fois est influencé par la commission et d'autres agences, à savoir le coût réel du transport ferroviaire auquel nous sommes actuellement assujettis dans ce type de système communautaire. Depuis notre exploitation, nous payons environ 48 à 50 $ la tonne en frais qui ne sont pas soumis à la concurrence du marché. Je parle des frais de transport, qui sont plafonnés, des frais de manutention et de séchage, qui sont tous toujours réglementés et sont les mêmes pour tous. Au total, il pourrait bien s'agir de 60 $ par tonne.
J'ai examiné certains des tarifs; en ce moment il existe deux systèmes en opération au Canada. Dans l'Ouest, nous avons le tarif réglementaire qui est fixe et l'attribution réglementaire des wagons et ainsi de suite, qui ne s'inscrit pas dans un système compétitif. Donc votre tarif est fonction de la région de transport dans laquelle vous vous situez. Je viens juste de vérifier cela; j'ai téléphoné à mon ami Norm Flaten, du terminal de Weyburn, que Len connaît bien, en venant ici. Il m'a dit qu'il n'est vraiment pas possible de négocier le prix du transport, que celui-ci est fixé. Ainsi, un chargement de 100 wagons de blé à destination de Minneapolis, au départ de Weyburn, reviendrait environ à 36 $-37 $ par tonne. Ce tarif n'est pas négociable. Peu importe que le transport coûte effectivement ce prix-là, c'est le tarif que la commission du blé a prévu dans son système de mise en commun.
Je me suis renseigné auprès d'un autre groupe de transporteurs qui négocient directement avec les chemins de fer. J'ai pris Watson, en Saskatchewan, une station de collecte du colza, vous verrez les tarifs sur cette page; ils expédient de grandes quantités de colza directement à Velva, dans le Dakota du Nord, soit une distance d'environ 40 milles. Le tarif de transport par camion se situe entre 37 $ et 40 $ la tonne. Le tarif ferroviaire qu'ils ont négocié pour leurs propres wagons en 1997 -- vous le trouverez dans le haut de la page, c'est celui pratiqué par Archer Daniels Midland dans ce cas -- est de 12,35 $ la tonne pour un chargement de 100 wagons. Le CP demande 19,74 $ la tonne.
Lorsque les agriculteurs négocient leurs propres tarifs, ils n'ont pas besoin de se préoccuper de plafonnement ou d'aire de recrutement comme le fait la commission du blé. Il est donc possible de négocier ces tarifs. Je disais à Norm Flaten, ce matin au téléphone, que si nous pouvions négocier nos tarifs de Weyburn à Minneapolis, je suis certain que nous pourrions obtenir bien mieux que ce qui est imposé, car il ne s'agit que de 700 milles.
Donc si l'on compare, les agriculteurs qui passent par la commission paient 36 $ ou 38 $ la tonne ou quelque autre prix imposé pour le blé de force de printemps, alors qu'ils paieraient 19 $ la tonne pour ce parcours de 400 milles avec leurs propres wagons.
Je voulais signaler cela à cause des distorsions créées du fait de l'intervention de ces nombreux joueurs dans l'obtention et l'attribution des wagons, et de l'absence de transparence dans l'ensemble du système, et donc dans le prix net imposé aux agriculteurs.
Je crois que les principaux intervenants de l'industrie voudraient tous que la commission prenne possession des grains sur le navire. J'ai posé cette question la nuit dernière lors d'une réunion à laquelle participait le responsable du transport du Saskatchewan Pool. Il a dit qu'ils préféreraient vraiment que la commission prenne possession sur le navire plutôt même que dans le port, car la mise en commun des wagons dans le port pose tout autant de problèmes que la mise en commun du grain à la sortie de l'exploitation. Il nous faut un prix net, un prix global à la ferme, afin que nous sachions quand vendre et où envoyer notre grain.
Mon argument est que l'influence de la commission -- et dans une certaine mesure de la commission du grain, car elle réglemente certains des tarifs -- est bien plus vaste et ne se limite pas au prix du grain, et cetera.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et attends vos questions.
M. Bryan: Tout d'abord, merci d'être venus entendre ce que nous avons à dire. Je vais prendre une approche plus philosophique. Je crois que si l'on comprend bien les principes, l'aspect économique va de soi.
J'ai cinq enfants, qui ont toujours eu dans leur bibliothèque un exemplaire de La petite poule rousse. Tout le monde connaît l'histoire: la petite poule rousse et ses poussins font pousser du blé sans l'aide de personne et à la fin de l'histoire, la petite poule rousse estime que les miches de pain qui sont le fruit de son labeur lui appartiennent. L'histoire continue à se raconter car les parents cherchent à faire comprendre à leurs enfants qu'un travail productif donne généralement droit au bien produit.
L'histoire de la petite poule rousse illustre avec éloquence l'importance de la propriété. La personne qui cultive le grain devrait être celle qui décide à qui il va être vendu. C'est une idée toute simple. Là où il n'y avait rien, nous faisons pousser du grain grâce à notre temps, notre argent et nos efforts productifs. Ce grain n'existerait même pas sans nous et c'est ce qui nous donne le droit de décider à qui nous voulons le vendre.
Qu'est-ce que la liberté? Lorsque nous disons du Canada que c'est un pays libre, s'agit-il d'une abstraction galvaudée, sans grande signification, ou de quelque chose de tangible? Cela ne signifie-t-il pas que nous avons le droit de créer, produire et posséder? Ne cela ne suppose-t-il pas un régime de droit qui protège les petites poules rousses du monde des vaches, des cochons, des chevaux et de tous ceux qui seraient tentés de s'approprier le produit des efforts d'autrui?
La liberté ne consiste-t-elle pas simplement à protéger un individu et ce qui lui appartient contre la collectivité? La liberté est simplement la protection légale des droits individuels. Et le droit à la propriété en fait partie. Sans protection légale de la propriété, il n'y a pas d'intérêt pour les gens d'entreprendre le travail productif nécessaire à notre survie.
La liberté et le droit à la propriété; ces valeurs sont fondamentales dans notre société et lui sont inhérentes, que nos politiciens décident ou non de les inclure dans la Charte des droits et libertés. Ce sont ces valeurs qui distinguent notre société de la pauvreté et du despotisme du tiers monde.
Les enfants grandissent. Qu'y a-t-il de surprenant dans le fait que certains de ces enfants des Prairies s'identifient à la petite poule rousse? Je suis l'un d'eux et j'ai refusé de laisser la Commission canadienne du blé s'emparer de mon grain. J'ai choisi plutôt de vendre mes récoltes à l'extérieur du pays, à quelqu'un qui ne faisait pas partie du monopole, et j'ai été arrêté. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, lorsqu'on m'a passé les menottes et que l'on m'a enfermé à l'arrière d'une voiture de police pour me conduire en prison, ça a été pour moi, du moins psychologiquement, un soulagement. La démarche avait quelque chose de propre et d'honnête. Cela mettait fin à cette mascarade de liberté, à l'illusion voulant que le monopole de la commission du blé soit le partenaire des agriculteurs, le gros mensonge. La vérité est que derrière le secret, la tromperie, le faux-fuyant, derrière le mirage qui a si bien été bâti par les doreurs d'image de la commission, se cache le fait que le monopole de la Commission canadienne du blé est fondé sur la force et la coercition pour prendre le grain des agriculteurs de l'Ouest.
Les enjeux sont la liberté et la propriété. Ce sont les deux droits fondamentaux que le projet de loi C-4 enfreint, et c'est pour cela qu'il faudrait s'y opposer.
J'aimerais vous mettre en garde contre certaines questions comme la clause d'inclusion qui ne sont que des leurres et qui ont été incluses dans ce projet de loi afin de détourner le mouvement d'opposition à ce projet de lois des vrais enjeux comme la liberté et servir au contraire à axer ce mouvement sur le rejet de cette clause d'inclusion tout à fait offensante. Lorsque cette clause d'inclusion aura été supprimée, on y verra un compromis de la part du gouvernement et une victoire pour les partisans de la libre commercialisation des grains.
J'estime que cette clause est une insulte à l'intelligence des agriculteurs, encore qu'ils aient été nombreux, la Coalition contre le projet de loi C-4 y compris, à s'être laissés prendre.
Si à l'issue de ces audiences vous décidez de recommander que le Sénat appuie ce projet de loi sous réserve de la suppression de la clause d'inclusion et autres modifications mineures du genre, vous aurez simplement participé à une imposture politique élaborée, et vous aurez perdu l'occasion de contribuer à l'avancement de notre industrie et de notre pays.
Je recommande instamment à votre comité de s'opposer au projet de loi C-4 car il enfreint le droit à la propriété des individus et ainsi va à l'encontre de l'un des fondements d'une société libre qui devrait nous tenir à coeur. La solution consiste simplement à permettre aux agriculteurs de choisir, de nous permettre de nous retirer du monopole de la Commission canadienne du blé.
M. Anderson: Chers membres du comité sénatorial sur l'agriculture, je m'adresse à vous au nom de tous les agriculteurs canadiens qui croient en la liberté de choix.
J'aimerais avoir le droit de vendre mon blé et mon orge à la Commission canadienne du blé ou de me retirer et de les vendre à qui bon me semble. Ceci représente, pour moi-même et de nombreux autres agriculteurs, un droit fondamental.
En Ontario, les agriculteurs auront la possibilité de vendre tous leurs grains à la commission ou de les vendre exclusivement sur le marché d'exportation. Ils auront à choisir chaque année entre tout ou rien.
Dans les Prairies, nous n'avons pas ce choix. Il ne devrait pas y avoir de telles différences entre l'Est et l'Ouest.
Le projet de loi C-4 ne fait rien pour résoudre les problèmes de commercialisation des grains; il donne simplement l'illusion que les agriculteurs auront le contrôle de la situation. Les administrateurs et le président directeur général rendent des comptes à leur patron, le gouvernement.
La clause d'inclusion prévue au projet de loi C-4 fait planer une incertitude sur toutes les récoltes qui ne dépendent pas de la commission. Personne n'a demandé cette clause et la plupart des groupes d'agriculteurs se sont prononcés contre.
La politique axée sur une alimentation bon marché et les très faibles bénéfices réalisés par l'entremise de la commission du blé ont eu un effet dévastateur dans les Prairies, ce qui a découragé les jeunes agriculteurs et les a poussés en grand nombre à chercher du travail dans d'autres domaines.
Si la Commission canadienne du blé doit être maintenue, il faudra avant tout que les agriculteurs puissent y participer de façon volontaire. Et pour ceux qui veulent recourir à ses services, il faudra soumettre ses livres au vérificateur général. La Commission canadienne du blé doit rendre des comptes. Le secret qui entoure la commission doit être levé. Rappelez-vous, ce sont nous, les producteurs, qui payons les salaires des employés de la Commission canadienne du blé; or ils ne rendent des comptes à aucun d'entre nous. Nous, les producteurs, devons pouvoir choisir comment nous voulons commercialiser nos grains; il s'agit d'un droit fondamental.
Merci de votre temps et, s'il vous plaît, transmettez ce message à M. Goodale: nous devons avoir le droit de choisir; le monopole de la Commission canadienne du blé doit être levé.
J'ai un bref post-scriptum à rajouter ici. Lorsqu'on a réalisé un sondage auprès des agriculteurs au sujet d'un double marché, 80 p. 100 d'entre eux se sont dit en faveur. Aussi Ralph Goodale leur a-t-il simplement demandé de voter pour ou contre la commission. Ce n'était pas juste.
Par ailleurs, si la commission du blé obtient le meilleur prix, pourquoi l'agriculteur des Prairies reçoit-il le prix le plus bas pour un grain de la plus haute qualité? Où l'argent est-il passé?
L'Union des agriculteurs parle fort, avec Nettie Wiebe, mais elle ne parle pour presque personne, en tous cas pas pour moi.
En ce qui a trait à l'avoine, les cultivateurs d'avoine sont satisfaits du système actuel. Leur culture a pris beaucoup d'importance, alors que lorsque ce grain relevait de la Commission canadienne du blé, il passait pratiquement inaperçu. C'est ce que je voulais dire.
M. Bailey: J'aimerais remercier le comité sénatorial de s'être déplacé. J'aimerais préciser que je ne suis ni courtier en grain, ni camionneur, et que je ne possède pas d'entreprise céréalière.
Je me présente devant vous au nom de mon exploitation familiale et de sept autres producteurs du nord-ouest de la Saskatchewan qui ont lancé une campagne. Nous avons procédé en demandant aux agriculteurs présents lors de ventes aux enchères, d'assemblées et sur les lieux des silos, d'envoyer des lettres à leurs députés et au premier ministre. Nous avons fait parvenir des milliers de lettres au gouvernement du Canada demandant que davantage de céréales et de grains oléagineux relèvent de la compétence de la Commission canadienne du blé et que le mandat de cette dernière soit renforcé.
En moyenne, 89 p. 100 des agriculteurs abordés ont signé ces lettres. Nous avons lancé ce mouvement car nous en avions assez de lire dans les médias une propagande anti-commission du blé fausse et voulions la dénoncer pour nous-mêmes et pour les autres. Nous savons d'après les réponses recueillies que la Commission canadienne du blé jouit d'un appui considérable.
S'agissant du projet de loi C-4, s'il y a une clause ou un mécanisme d'exclusion, alors il faut également une clause ou un mécanisme d'inclusion. Le 19 mars 1997, les intervenants devant le comité permanent sur l'agriculture et l'agroalimentaire ont demandé maintes et maintes fois une clause d'inclusion pour le projet de loi C-72. Il existe des enregistrements de ces séances.
On a également pressé la Western Grain Marketing Panel de placer davantage de grains sous la compétence de la Commission canadienne du blé, et elle a fait la sourde oreille. Cela s'est passé en 1996, à Edmonton en plus.
La clause d'achat au comptant gène la mise en commun des prix et de ce fait affaiblit la commission. Car si l'on se sert du prix du disponible, moins de grain passera par le compte de mise en commun et cela réduira donc les chances de tirer le rendement maximum.
Le fonds de réserve n'est pas acceptable de la façon prévue car il accroît le coût des agriculteurs et affaiblit donc la Commission canadienne du blé. Les agriculteurs à cours de liquidités seront réticents à voir davantage d'argent déduit de leurs chèques. Nous payons déjà le plein tarif pour le transport et maintenant vous voulez que nous payions encore davantage. Le gouvernement veut se retirer or il doit être présent, avec ses garanties de prix et ses paiements intérimaires; il doit participer.
Ce qui est en train de se passer est que le gouvernement est en train de nous pousser vers un marché totalement ouvert, un système déréglementé. Cela est en train de se faire par l'intermédiaire de groupes de pression qui prétendent être des groupes d'agriculteurs et qui reçoivent une bonne part de leur financement de la bourse des marchandises de Winnipeg et des compagnies céréalières. Ces dernières retireraient des millions de dollars de profits en commercialisant les grains sur le marché libre.
Des parents agriculteurs dans le Minnesota me disent -- et je l'ai constaté moi-même lorsque j'étais là-bas -- qu'ils ne parviennent pas à obtenir un rendement acceptable pour leurs produits sur le marché libre. La loi de l'offre et de la demande s'est imposée et est à la merci du moulin à rumeur. Elle est toujours hostile aux agriculteurs, et il est plus difficile d'obtenir un bénéfice équitable sur le marché libre. Les rumeurs ont plus vite fait de faire baisser le prix que de les faire monter.
Je vais vous donner un exemple de ce type de rumeur: le ministère de l'agriculture américain et la bourse des marchandises ont rapporté que les inondations entraînées par le débordement du Mississipi en 1993 n'avaient pas eu d'effets sur les récoltes cette année-là. En fait, elles ont eu un effet dans la mesure où les agriculteurs auraient pu retirer un meilleur rendement du marché si les rumeurs n'avaient pas fait baisser les prix.
Au Canada, cette même année, 65 à 75 p. 100 du colza vendu au Canada s'est vendu pour un prix variant entre 5,85 $ et 6,35 $. On nous a dit que la pénurie de wagons de train avait fait baisser les prix. Les négociants en grains nous ont également signalé que le colza était dans les cellules de stockage et ils savaient que nous allions devoir payer la facture; ils nous ont forcé à leur livrer la marchandise.
Les négociants en grain au Canada et aux Etats-Unis ont rapporté que l'Australie avait une importante réserve de blé et d'orge ainsi qu'une bonne récolte de colza en 1996-1997. Ce n'était qu'une rumeur de plus pour faire baisser les prix en Amérique du Nord. Il n'y avait pas de réserve en Australie. Les producteurs australiens ont dit à ma femme Gail et à moi-même que lorsque les réserves sont importantes en Australie, leurs soutes et leurs silos sont pleins. Or leurs silos n'étaient pas pleins et leurs soutes étaient vides.
En 1997-1998, au Canada, le bruit a circulé que la culture de colza occupait des terres importantes, ce qui était vrai, et que la récolte serait assez abondante, ce qui n'était qu'une rumeur. Les fleurs ont brûlé prématurément sous l'effet de la chaleur et nous n'avons pas obtenu le rendement habituel. La pile de colza s'est vendue à 8 $ à peine passée par la moissonneuse batteuse.
Au cours des deux dernières semaines, les compagnies céréalières nous ont dit qu'elles fermeraient leurs usines de transformation si les agriculteurs ne continuaient pas à livrer leur produit pour le même prix; ils n'étaient pas disposés à laisser monter les prix.
J'aimerais passer à présent à la transparence des prix et à l'imputabilité. Rappelez-vous que tout ceci a été démarré par un groupe de pression financé par des compagnies céréalières, la Bourse des marchandises de Winnipeg et les chemins de fer, le CN et le CP. Tous veulent une déréglementation. La transparence des prix a seulement permis aux compagnies céréalières et à la bourse des marchandises d'avoir un aperçu de ce qui se passait à la Commission canadienne du blé en matière de prix. Ceci donne au libre marché l'avantage de savoir exactement ce qu'ils n'ont pas -- et je répète n'ont pas -- à payer à l'agriculteur pour son blé ou son orge.
Le libre marché du colza de 1991 illustre ce qui se passe lorsqu'on connaît d'avance les prix des autres. C'était notre première année sous le régime du RARB. Nous avons semé du colza moyennant une garantie de 6,85 $ le boisseau. Des centaines de milliers d'acres ont été ensemencés sans pratiquement aucun engrais ni fertilisant, et nous avons obtenu un rendement moyen de six à sept boisseaux. Les réserves avaient diminué après la récolte. Comme le RARB nous avait garanti un prix de 6,85 $, les négociants en grains n'ont pas laissé monter ce prix. Le prix moyen de cette année-là était de 5,84 $ le boisseau. Ces prix avaient été fournis par la commission des grains.
Je tente de démontrer ainsi que la Commission canadienne du blé doit avoir des prix discrétionnaires. Il ne faut pas que le libre marché sache ce qui se passe à la Commission canadienne du blé. Essayez de suivre ce qui se passe à la Bourse des marchandises de Winnipeg et dans nos propres compagnies céréalières. C'est impossible.
Je suis certain d'une chose, c'est que nous sommes toujours sur notre ferme familiale et parvenons à payer nos factures grâce aux bénéfices supplémentaires que nous réalisons en commercialisant nos récoltes par la Commission canadienne du blé. Les paiements intérimaires et finaux nous rapportent un profit supplémentaire, de sorte que nous pouvons continuer à cultiver nos terres.
Pour finir, le projet de loi C-4 n'est pas favorable à la commission du blé. La clause d'inclusion renforce la commission, et ce mécanisme doit donc être prévu. Mais de la façon dont il est rédigé, il n'est pas très favorable à la commission.
Je ne peux pas recommander les achats au comptant ni le fonds de réserve, car ils affaiblissent et minent la Commission canadienne du blé.
Les médias d'information ont rapporté cette semaine que les décisions du gouvernement et des bureaucrates avaient entraîné l'effondrement de l'industrie de la pêche de la côte Est. Je crains que si vous, les représentants du gouvernement, n'appuyez pas et ne renforcez pas les mécanismes de vente à comptoir unique et de mise en commun des prix à la Commission canadienne du blé, le rendement des investissements des agriculteurs ne s'effondre également.
Je vous laisse sur cette question: allez-vous, vous les autorités, nous obliger à entrer dans un système de marché ouvert non réglementé comme aux Etats-Unis ou en Argentine, ou allez-vous nous aider à conserver un excellent régime de commercialisation, la Commission canadienne du blé, avec ses ventes à comptoir unique et ses comptes de mise en commun, qui nous amènera vers le XXIe et ses profits accrus pour les cultivateurs canadiens de grains en général.
Jetez un coup d'oeil à l'annexe I pour vous faire une idée de la déréglementation. Voyez ce qui est arrivé en Australie et en Argentine.
J'aimerais également que l'on note que je suis un cultivateur d'avoine et que l'Association des cultivateurs d'avoine ne me représente pas. Je veux que l'avoine soit à nouveau placée sous l'autorité de la commission. La dernière année au cours de laquelle l'avoine a relevé de la Commission canadienne du blé et qu'un paiement final a été versé aux minotiers, j'ai reçu 3,16 $ par boisseau. Jamais je n'ai touché autant depuis que l'avoine a été retirée de la compétence de la Commission canadienne du blé.
Le sénateur Andreychuk: Monsieur Bryan, j'ai trouvé votre histoire plutôt poignante. Vous parlez beaucoup de droits et vous espérez avoir le droit d'exercer votre option de ne pas participer. Selon vous, c'est ce qu'est un pays libre et démocratique. Je n'ai pas grandi en lisant La petite poule rousse, mais j'ai grandi en sachant ce qu'étaient mes droits. Mais j'ai également appris à tenir compte des responsabilités. Si vous avez le droit de ne pas participer, quelle serait votre responsabilité à l'égard de tous ces autres exploitants qui estiment qu'ils ont le droit de continuer d'avoir la commission du blé et un monopole?
M. Bryan: C'est simple. Ils ont le droit de commercialiser leur grain de la façon qu'ils choisissent. Cela ne me pose aucun problème. Ce dont je parle...
Le sénateur Andreychuk: Mais ce qu'ils disent, c'est si vous obtenez ce droit, vous détruisez le leur car, en fait, le monopole disparaîtra.
M. Bryan: Ils n'ont aucun droit sur ce que je produis. C'est aussi simple que cela. Ce que je produis, je le produis et je devrais avoir le droit d'en disposer comme je le veux. Personne dans notre société n'a de droit sur les efforts productifs de quelqu'un d'autre.
Le sénateur Andreychuk: Dans la plupart des sociétés professionnelles, on investit beaucoup pour réussir, mais on a la responsabilité d'écouter l'évaluation et les critiques des pairs. Le fait de pratiquer le droit ou d'être un médecin n'est pas un droit inconditionnel. Estimez-vous qu'il y a quelque chose de spécial à propos de l'agriculture qui vous donne un droit inconditionnel?
M. Bryan: Non, les agriculteurs n'ont pas ce genre de droit. Dans notre société, il y a beaucoup de cas où l'État prend de force le bien des gens. Je dis que cela est répréhensible et que ceci en est un autre exemple. Il s'agit d'un exemple très frappant d'un cas où le collectif veut imposer sa volonté sur l'individu. Ce n'est pas propre à la société canadienne, mais je dis simplement que c'est répréhensible. Pour rendre notre société plus libre, nous pourrions peut-être commencer par là et progresser étape par étape. C'est un bon point de départ.
J'aimerais dire également que ce n'est pas une situation où les agriculteurs pleurent pour avoir des subventions. Je suis tout à fait contre ce genre de subvention agricole. Je veux être indépendant et je ne veux pas être un fardeau pour les contribuables canadiens. Je veux tout simplement avoir le droit de commercialiser mon grain.
Le sénateur Andreychuk: Nous avons entendu les arguments des deux côtés. Les deux se défendent très bien, mais ils ne sont pas compatibles. Pensez-vous que le choix pourrait être carrément entre les mains du Parlement ou, comme je le crois si le projet de loi C-4 est adopté, que les membres élus de la commission du blé devront décider? Où pensez-vous que le débat sera le mieux traité, compte tenu de la polarisation?
M. Bryan: Cette question est probablement plus une question juridique que politique. Mais nous accepterons l'aide quel que soit l'endroit d'où elle vienne. Pour répondre à votre question, je crois que personne n'a le droit de m'enlever mon droit de commercialiser mon grain. Peu importe que 99 p. 100 des agriculteurs souhaitent un monopole de la Commission canadienne du blé. Ils peuvent très bien commercialiser leur grain dans un système volontaire et en fait, cela se produira peut-être si la commission du blé fait son travail avec efficacité. Les agriculteurs commercialiseront leur blé par son intermédiaire, et c'est très bien. Le fait est que personne ne devrait pouvoir me retirer, par un vote, mon droit de commercialiser mon grain.
Le sénateur Andreychuk: Si vous avez la possibilité de vous retirer du système, estimez-vous qu'un nombre important d'agriculteurs de la Saskatchewan se retireraient de la commission du blé?
M. Bryan: Oui, simplement en raison de l'écart des prix. La commission a un monopole depuis 55 ans et pendant tout ce temps -- je fais ici une supposition car il n'y a pas de chiffres pour le prouver -- tout comme n'importe quelle bureaucratie, elle est devenue inefficace. La question est maintenant d'actualité car la subvention de transport rend les prix aux États-Unis et au Canada compatibles. Nous étions tout à fait satisfaits lorsque nous obtenions une subvention d'un dollar le boisseau aux frais du contribuable canadien.
Maintenant, il y a une grande différence dans les prix. Il y a une différence d'au moins un dollar le boisseau. Je pense qu'à moins que la commission devienne efficace -- peut-être le peut-elle, je ne sais pas -- un nombre important d'agriculteurs se retireraient du système.
Le sénateur Andreychuk: Ce sera ma dernière question. Si, en fait, vous aviez la possibilité de vous retirer, ce qui vous obligerait à commercialiser votre propre grain, et si la commission du blé devenait efficace, l'utiliseriez-vous comme une de vos options?
M. Bryan: Je suppose qu'une commission volontaire permettrait aux agriculteurs de conclure des contrats de production pendant une période de cinq, dix ans ou pour toute la vie. Une commission du blé volontaire aurait des règles de participation, ce qui est sans doute valable, car il faut connaître précisément le montant du grain à commercialiser. Apparemment, l'Office de commercialisation du blé de l'Ontario va permettre aux producteurs de choisir leur option chaque année. Cela va peut-être fonctionner, je ne sais pas. Ce sera à eux de le montrer.
Si je choisis de me retirer du système, je le ferais à mes propres risques si je n'arrive pas à commercialiser mon grain.
Le sénateur Sparrow: Dans une certaine mesure, il s'agit d'un argument philosophique, n'est-ce pas, dans lequel la question de la liberté entre en jeu?
M. Bryan: Certainement, oui.
Le sénateur Sparrow: Vous nous dites, comme pratiquement tous les intervenants ici aujourd'hui, que vous voulez pouvoir exercer une option de non-participation. Quelle que soit la décision prise par certains, vous devrez exercer cette option toute votre vie ou pendant cinq ans ou deux ans. Êtes-vous prêt à accepter cela?
M. Bryan: Oui.
Le sénateur Sparrow: Après quoi, la commission peut faire ce qu'elle veut. Cela ne vous importe pas vraiment?
M. Bryan: Vous avez raison.
Le sénateur Sparrow: Vous avez dit, je pense, au dernier intervenant que vous seriez un certain nombre à choisir de ne plus participer, et d'après ce que nous avons entendu lors de nos audiences, vous n'êtes pas seul dans ce cas.
Vous ne voulez pas d'une double commercialisation, vous voulez simplement ne plus participer?
M. Bryan: Oui. Tout ce que nous voulons, c'est un choix. Ce serait à la Commission canadienne du blé de décider, dans toute sa sagesse, si elle permettra aux gens de commercialiser leur blé par son intermédiaire ou s'ils auront la possibilité de se retirer. Elle peut nous isoler pendant le temps qu'elle souhaite. C'est au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé de décider.
Le sénateur Sparrow: Nous avons des lois d'expropriation et la commission du blé a en fait ce droit. Votre seule défense est de ne rien vendre, n'est-ce pas? Si vous vendez, cela devient de l'expropriation?
M. Bryan: Apparemment oui, en effet. La commission du blé a le droit d'exproprier les agriculteurs, oui.
Le sénateur Sparrow: Monsieur Bailey, vous avez dit que quelque 80 p. 100 d'un groupe, je pense, souhaitait que l'on commercialise davantage de grain par l'intermédiaire de la commission du blé?
M. Bailey: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que 89 p. 100 des agriculteurs que nous avons consultés à ces réunions ont signé les lettres. Il y avait deux types de lettre: l'une disant qu'ils voulaient que la commission du blé soit responsable d'une plus grande quantité de grains et de graines oléagineuses et l'autre précisant qu'ils voulaient un mandat plus fort.
Le sénateur Sparrow: Dans la plupart des cas, sinon tous, il semble bien que les représentants de ces récoltes ne veulent pas qu'elles soient commercialisées par la Commission canadienne du blé. C'est le cas par exemple de la Canola Growers Association.
M. Bailey: Non, ce sont les agriculteurs en général. Nous nous sommes rendus à des réunions ou à des ventes aux enchères. Nous n'avions aucune idée de ce pensaient ces gens sur la commercialisation. Nous voulions nous prouver à nous-mêmes et à d'autres qu'il existait un soutien pour la commission. Les gens pouvaient signer une lettre ou l'autre, mais pas les deux, selon leur opinion.
Le sénateur Taylor: Monsieur Cooper, vous vous êtes dit préoccupé par le fait que ce comité est dominé par l'Est. Six des huit sénateurs qui siègent ici sont de l'Ouest et quelques-uns viennent de beaucoup plus à l'ouest que vous.
M. Cooper: Pourrais-je faire une observation? Je l'ai dit dans mon mémoire, le mémoire que j'ai préparé pour le comité permanent sur l'agriculture. Je suis donc désolé. J'aurais dû être plus précis.
Le sénateur Taylor: Vous avez fait un très bon travail, très intéressant. En comparant les prix moyens à la ferme aux États-Unis et au Canada, vous avez parlé surtout du blé de force roux de printemps et du blé dur. Je crois comprendre qu'aux États-Unis, on obtient 70 cents ou un dollar le boisseau de subvention aux exportations pour ces grains. Autrement dit, il y a une subvention. Cela a-t-il été pris en compte?
M. Cooper: Je pense que la subvention aux exportations sur le blé n'est pas utilisée depuis un certain nombre d'années.
Le sénateur Taylor: Ce n'est pas vrai. Nous allons continuer, mais je pense que vous devriez vérifier.
M. Cooper: Je pense que vous devriez vérifier.
M. Bailey: Il n'y a pas eu de subvention aux exportations depuis deux ou trois ans.
Le sénateur Taylor: Nous vérifierons tous les deux. Aujourd'hui, un certain nombre de gens ont parlé de la commission australienne du blé. J'ai ici un document daté du 30 janvier 1998 qui précise que la commission australienne du blé fonctionne toujours selon le principe du comptoir unique avec un monopole pour l'exportation des grains. La double commercialisation n'est valable qu'au pays et non pour l'exportation. La commission du blé traite également l'avoine, le sorgho, le canola, les graines de coton, le triticale et les légumineuses à grain.
M. Cooper: Je crois comprendre que l'on en a fait une coopérative. Je crois qu'un vote aura lieu bientôt.
Le sénateur Taylor: Je pense qu'un autre aspect que nos agriculteurs ne supporteraient pas est le fait que la commission australienne du blé possède des minoteries au Vietnam et des lignes de navigation. Elle possède de nombreuses autres entreprises.
M. Cooper: Je pense que c'est le cas ici aussi. Si l'on en fait une coopérative de la nouvelle génération, elle pourra faire la même chose.
Le sénateur Taylor: Vous avez dit également quelque chose qui m'intéresse car je n'étais pas au courant. Vous avez dit que des créditeurs étrangers du gouvernement possédaient 6,6 milliards de dollars. Je croyais comprendre que la commission du blé n'avait jamais perdu d'argent depuis 40 ou 50 ans, que cet argent est un type de dette d'exploitation qui existe depuis toujours et qu'il y a un roulement. Que savez-vous de cette question?
M. Cooper: S'il fallait en rendre compte, ce qui n'est pas le cas actuellement, comme je le fais remarquer, le ministre des Finances, Paul Martin, aurait à s'inquiéter car le gouvernement du Canada devrait payer. L'autre aspect intéressant est que les agriculteurs ont pensé qu'ils avaient vendu ce blé. Mais en fait, nous ne l'avons pas vendu puisque personne ne l'a payé. Si nous avions dû en rendre compte, il y aurait une diminution importante de la valeur, une diminution plus importante qu'actuellement.
Ce n'est pas un argument complètement philosophique.
Le président: Sénateur Taylor, j'ai posé la question au Sénat. J'ai reçu une réponse deux semaines plus tard. J'ai posé la question au président du Sénat et on m'a dit que cet argent qui est dû au gouvernement canadien s'élève à 6,6 milliards de dollars et que cela est payé par le gouvernement et les agriculteurs. C'est la somme due actuellement.
Le sénateur Taylor: La dernière question s'adresse à M. Bailey. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi les achats au comptant nuisent à la mise en commun? Si l'achat au comptant est rentable, le profit de la commission du blé est-il répercuté dans votre paiement final à tous les agriculteurs qui n'ont pas vendu au comptant? Je n'en suis pas certain.
M. Bailey: Non. D'après ce que je comprends, les gens qui veulent un prix au comptant doivent livrer. Cela nuit à la mise en commun des prix car moins de grains passent par ce compte de mise en commun. Si les acheteurs au comptant ou les gens qui veulent vendre sur le marché au comptant, devaient placer l'argent découlant des ventes effectuées au moyen de l'achat au comptant dans le compte de mise en commun, cela améliorerait ce dernier. Mais d'après ce que je crois comprendre, actuellement, ce grain ne passe pas du tout par le compte de mise en commun, ce qui en réduit l'importance.
Le sénateur Sparrow: Ce serait une vente perdue.
Le sénateur Taylor: Je ne pense pas. Je ne suis pas d'accord.
M. Bailey: Je pense que oui. C'est ce que je crois comprendre.
Le sénateur Taylor: Selon moi, cela devient le bien ou cela revient à la commission du blé à la vente. Cela peut faire partie de la mise en commun ou non, mais elle ne va pas perdre d'argent.
Le président: Je ferais un autre commentaire. La SARM de la Saskatchewan a comparu devant le comité du Sénat. Elle a comparé une exploitation de 1 100 acres dans le Dakota du Nord et une exploitation de 1 100 acres en Saskatchewan. Vous pouvez lui demander son mémoire. On voit que l'exploitation de 1 100 acres qui produit du blé dur et du blé dans le Dakota du Nord a donné un revenu net de 40 000 $ de plus aux États-Unis qu'au Canada. La SARM de la Saskatchewan peut vous remettre cette comparaison.
M. Cooper: Cela confirme assez bien les chiffres; c'est la différence d'un dollar l'acre.
Le sénateur Whelan: Premièrement, je voudrais répondre à ce qu'a dit le sénateur Taylor à propos de ces gens de l'Est -- comment avez-vous dit, orphelins de père?
Je vous défie de trouver quoi que ce soit que cet homme de l'Est a pu faire, en tant que députés ou votre ministre, qui ait représenté un traitement différent au niveau national. J'ai été ministre canadien, député canadien, ce que font la plupart des députés, quel que soit le parti qu'ils représentent. Je voulais simplement apporter cette précision.
J'aimerais également demander à chacun de vous si vous appartenez au secteur du grain, du camionnage ou des produits chimiques? Non? Bon, je me sens mieux.
Monsieur Larson, vous avez parlé de votre grand-père. Je suis sûr que votre grand-père a été un de ceux qui ont exigé la commission du blé.
M. Larson: Non, il vivait de façon très frugale. Il faisait en sorte d'avoir suffisamment d'argent pour aller d'une saison de récolte à l'autre et en janvier, lorsqu'il faisait moins 40 et que personne d'autre n'avait le bon sens de sortir les chevaux et de faire les 22 miles jusqu'à Hanley, il le faisait.
Le sénateur Whelan: Bon nombre d'entre eux ont dû avoir le bon sens de le faire ou ils n'auraient pas survécu comme ils l'ont fait, ne pensez-vous pas? Même s'ils étaient membres de la commission du blé, il fallait faire la même chose.
M. Larson: Il y a une différence entre survivre et prospérer.
Le sénateur Whelan: Je le sais très bien. J'ai été élevé par une mère veuve qui avait neuf enfants, pendant la dépression. Je sais comment j'ai survécu et je sais ce que j'ai pu faire de ma vie aussi. Nous avons dû faire face à des difficultés, mais cela ne nous a pas empêchés de penser aux voisins. Nous n'aurions pas survécu pendant la dépression si nous n'avions pas partagé et travaillé ensemble. Nous n'avions pas d'argent, nous n'avions rien. Nous n'avions pas d'assurance-maladie. C'est pourquoi je porte ces choses technologiques que nous appelons des appareils auditifs.
Monsieur Cooper, qu'entendez-vous par système communautaire?
M. Cooper: Voilà. Nous plaçons plein de wagons dans un système communautaire, et ils sont triés par les bureaucrates. Il y a environ pour 90 000 $ de wagons qui se déplacent -- ou qui sont immobilisés -- dans le pays, et tout le monde s'en moque.
Laissez-moi vous donner un exemple. J'ai transporté deux chargements d'orge vers un terminal du nord-est. Je l'ai transporté lorsqu'il faisait moins 35, le 15 janvier. Ces wagons sont arrivés à Thunder Bay le 21. Ils sont restés en entreposage, au compte de la Canada Malt. J'ai commencé à m'énerver le 6 mars et j'ai téléphoné à la commission du blé. J'ai dit: «Ces wagons doivent vous intéresser puisque vous possédez des wagons et que vous devez nous payer pour l'orge brassicole». On m'a répondu: «Non, nous ne sommes pas du tout intéressés tant qu'ils ne sont pas déchargés». Tout le monde s'en moque.
Le sénateur Whelan: Vous l'appelez un système communautaire mais vous envoyez un chargement de wagons à Minneapolis ou ailleurs?
M. Cooper: Oui.
Le sénateur Whelan: Ces wagons retournent en Saskatchewan par la Nouvelle Orléans ou un endroit du genre.
M. Cooper: Ces wagons appartiennent toujours au système communautaire et tout le monde s'en moque. C'est le problème.
Le sénateur Whelan: Est-ce que les Américains s'en moquent également? Ils aiment bien les utiliser aussi.
M. Cooper: C'est exact. Les propriétaires devraient assumer vraiment leurs responsabilités à l'égard de leurs biens et s'intéressaient à ce qu'ils possèdent. Un wagon de 90 000 $, c'est assez important. Mais tout le monde s'en fiche. Voilà ce qu'est le système communautaire.
Nous avons beaucoup de choses dans ce système communautaire, y compris un tarif de transport, des frais de séchage et de manutention. Tout cela fait partie du système communautaire qui ne fonctionnera jamais et n'attirera jamais le bon grain au bon port au bon moment. C'est là le problème.
Le président: M. Bailey voulait répondre.
M. Bailey: J'aurais trois observations à faire au sujet des wagons de grain. Il a l'air de dire que c'est de l'orge de la commission.
En 1996-1997, en Saskatchewan, une grande partie de l'avoine était expédiée à l'extérieur, dont une grande partie de Hamlin. L'orge était laissée dans les wagons là-bas jusqu'à ce qu'elle soit nettoyée et séchée.
Quelqu'un a parlé des coopératives de la nouvelle génération et estimait que c'est ce que nous devrions faire, que c'est là la réponse. C'est ce que l'on a fait aux États-Unis. Un bon nombre de ces coopératives ont fait faillite parce qu'elles passaient par un système déréglementé, en particulier le système ferroviaire.
Le système ferroviaire est passé à un système de soumission et tous les grands intervenants soumissionnent sur les wagons. Ils font une soumission suffisamment élevée pour que les coopératives de la nouvelle génération qui souhaitent ces wagons doivent payer 400 à 600 $ de plus aux principaux intervenants -- les Archer Daniels Midlands et les Cargills -- pour les obtenir.
Il y avait du grain là-bas qui pourrissait au sol à ce moment-là. Cette information figure dans le rapport de 1995 qui se trouve à la bibliothèque de l'Université de Saskatchewan.
L'Office de commercialisation du blé de l'Ontario a également décidé que chacun pouvait choisir sa propre option. Ce n'est pas vraiment normal. Un fort pourcentage de son blé est vendu aux minotiers locaux et doit être commercialisé par l'Office ontarien. Les agriculteurs ne peuvent toujours pas, d'après ce que j'ai pu comprendre, vendre directement à ces minotiers. La plus grande partie du blé est dirigée vers leurs propres gens.
Le marché le plus important de la Commission canadienne du blé et le nôtre est celui de l'exportation. C'est pourquoi la Commission canadienne du blé doit conserver ce monopole, tout comme l'Office ontarien doit conserver son monopole car ils vendent principalement à leurs minotiers.
Le sénateur Whelan: Vous avez parlé de l'Office du blé ontarien. J'ai été un de ses administrateurs fondateurs. Nous l'avons créé en raison de l'iniquité du système de commercialisation.
Vous parlez du marché libre, monsieur Bryan. Nous avons maintenant un système monopolistique dans l'industrie de la farine et de la meunerie puisqu'une seule compagnie, Archer, Daniels Midland, contrôle 80 p. 100 de ce secteur au Canada, dans l'Est et dans l'Ouest. À Windsor, cette compagnie possède un très grand silo qui est situé sur la rivière Détroit tout près de la grande usine de concassage des graines oléagineuses. La commission du soja a négocié des pouvoirs en Ontario; je ne sais pas pourquoi on les lui a retirés. Les membres de la commission du soja ont dit que les responsables de Archer Daniels Midland leur avait dit qu'ils n'avaient même plus besoin de leur parler. Il ne reste qu'un silo sur les Grands Lacs qui appartienne aux Canadiens, au gouvernement, et c'est celui qui se trouve près de Cornwall en Ontario. Ils craignent donc de perdre leur indépendance.
Je vais m'arrêter ici. Lorsque nous parlons d'un système communal, parlons-nous des écoles, des églises, des routes, du système de lutte contre les incendies auquel nous contribuons tous? Je suis un peu choqué de vous entendre dire que vous ne voulez pas de nouvelles subventions. Toutes ces activités sont subventionnées je crois. Proposeriez-vous que nous adoptions des routes à péage, ce genre de chose? Êtes-vous en train de suggérer qu'il n'y ait pas davantage de subventions pour la recherche? Nous avons mis au point toutes ces variétés de grain, les lentilles, le canola, les légumineuses à grain, grâce à une recherche financée par le gouvernement à 100 p. 100. Nos universités sont probablement ce qu'il y a de plus subventionné au pays. Suggérez-vous que nous supprimions tout cela et que seuls ceux qui peuvent se le permettre aillent à l'école?
J'interprète peut-être mal ce que le sénateur de la Saskatchewan a dit. Il me semble qu'elle craignait que nous voulions créer une nouvelle philosophie, une nouvelle société où les gens se préoccupent surtout d'eux-mêmes.
Le sénateur Andreychuk: Oh, non, sénateur Whelan, parlez pour vous-même. Ne parlez pas pour moi. Je n'ai pas dit que l'on créait une nouvelle société. Je voulais que ces témoins parlent de leur définition de la responsabilité, rien de plus rien de moins.
M. Cooper: Je suppose que je m'en suis pris particulièrement au système communautaire. Notre problème est que la commission du blé est encore trop comme une église. Le fait qu'elle soit une église ou une école ne me pose pas de problème. La participation du gouvernement ne me pose pas de problème. Vous le savez puisque nous nous sommes rencontrés à maintes reprises lorsque j'étais dans le secteur du canola. Lorsque vous étiez là, vous nous avez beaucoup aidés à vendre notre canola aux États-Unis. Vous vous rappelez lorsqu'ils nous avaient empêchés d'exporter notre canola? Vous avez fait du bon travail.
J'ai été un des partisans les plus convaincus de la recherche et de la recherche gouvernementale. Je ne comprends pas pourquoi on la supprimerait.
Mais pour ce qui est de la commercialisation du grain, nous n'avons pas besoin du gouvernement. Nous en avons besoin pour la recherche. Comme on l'a dit, la recherche c'est le GATT et l'OMC et personne ne s'oppose à la recherche gouvernementale. Mais je pense que nous n'en avons vraiment pas besoin dans la commercialisation du grain.
Le président: Je tiens à vous remercier messieurs d'avoir comparu et du temps que vous avez passé à préparer vos mémoires.
Nos prochains témoins pourraient-ils se présenter et nous dire où se trouve leur exploitation?
M. Allan Moorman: Monsieur le président, comme il est dit dans mon document, mon exploitation se trouve dans la région de Humboldt, mais c'est en fait à Muenster, une petite collectivité juste à l'est de Humboldt. J'exploite une ferme de grains mixtes et j'ai une entreprise porcine, environ 1 200 acres cultivées et environ 1 000 porcs par an.
M. William Rudolph: Ma femme et moi-même exploitons une ferme de 3 200 acres mixtes de sol brun foncé dans la terrasse de Cypress, au sud-ouest de la Saskatchewan, à environ 210 milles d'ici.
Le président: Dans les collines?
M. Rudolph: Dans les collines. Mais là haut, c'est plat.
Mme Vicki Dutton: Notre exploitation se trouve à Paynton, qui est à environ deux heures d'ici sur la Yellowhead. Nous exploitons également une usine de traitement de cultures spéciales et de graines à North Battleford, appelé «Western Grain».
M. Con Johnson: Je viens de Bracken, en Saskatchewan, qui est dans la partie la plus au sud-ouest de la province.
M. Walter Nisbett, Canadian Registered Organic Marketing Cooperative: Monsieur le président, je possède une exploitation de cultures en plein champ juste au nord de Swift Current. M'accompagne M. Ray DeMong, de Cudworth. Il y a eu une petite confusion. Je ferai une présentation au nom de la Canadian Registered Organic Marketing Corporative.
Le président: Monsieur Johnson, êtes-vous un exploitant agricole également?
M. Johnson: Oui.
Le président: Merci. Nous commencerons avec les témoignages. S'il vous plaît.
M. Moorman: Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de comparaître aujourd'hui. Je serai bref. J'ai essentiellement deux arguments.
Je suis en faveur d'un organisme de vente centrale fort comme la commission du blé.
En tant que producteur individuel, je produis un aliment dont le monde a besoin. Mais j'ai besoin des autres pour développer ces marchés pour moi, pour montrer ce que nous avons à offrir, pour acheminer le produit aux acheteurs et pour avoir l'expertise nécessaire pour traiter des milliards de dollars de produits.
Je veux également avoir la sécurité de savoir que je partage les risques avec mes collègues. Je ne peux pas me permettre de trouver ces marchés par moi-même et je n'ai pas non plus le savoir-faire pour cela. La Commission canadienne du blé le fait pour quelques centimes le boisseau et je partage les hauts et les bas. Je préfère cela aux incertitudes de fluctuations permanentes des prix du marché libre où je profite rarement des hauts mais suis plus souvent à l'autre bout. J'ai besoin de vendre du grain pour vivre et pour payer mes factures.
J'entends beaucoup de gens dire qu'ils veulent commercialiser leur propre grain. Ce qu'ils veulent dire vraiment, c'est qu'ils font de la recherche de prix, pas de la commercialisation. La recherche de prix, c'est chercher le meilleur prix et transporter le grain à un endroit particulier. La commercialisation, c'est acheminer le produit à l'utilisateur final, et c'est exactement ce que la commission du blé fait pour moi, et le fait très bien.
Nous devons nous assurer que nos décisions sont fondées sur des réalités et non sur des conjectures et de la publicité. De nombreux groupes ont parlé des marchés américains et du fait que l'on a du mal à y accéder. Mais ce n'est qu'un marché et il serait rapidement saturé et se fermerait si les frontières étaient largement ouvertes. La CCB vend du grain à environ 70 pays et transporte 25 à 30 millions de tonnes de grain par an. Elle ne peut pas se limiter aux États-Unis. Nous devons garder les choses en perspective pendant que ce débat se poursuit.
En ce qui concerne le projet de loi C-4, j'appuie fortement le concept de la clause d'inclusion. En fait, je crois que c'est la pierre angulaire de tout changement. L'option d'inclusion ou d'exclusion est fondamentale à la démocratie. Je pense que ce sont des clauses justes et équilibrées. Les grains peuvent être retirés de la compétence de la commission ou lui être confiés en plus grandes quantités. C'est aux agriculteurs de décider, c'est eux qui prendront la décision grâce à leur vote. C'est ainsi que cela doit se faire -- et non à la fantaisie d'un organe politique ou d'un groupe de pression commercial.
Au congrès le plus récent de la SARM, il y a deux semaines à Regina, on a présenté une résolution visant à retirer la clause d'inclusion du projet de loi C-4. Cette résolution a été heureusement rejetée.
Je soutiens également la clause d'inclusion car personne ne peut prévoir l'avenir. Étant donné l'évolution rapide de la technologie et de la biotechnologie, de nouveaux types de grains et de nouvelles variétés pourraient nécessiter l'expertise de la commission. D'autre part, l'explosion de la population dans la région de l'Asie-Pacifique pourrait exiger la création d'un grain à très haut rendement qui nécessiterait l'expertise de la CCB en matière de commercialisation. Il n'est pas nécessaire d'avoir d'autres organismes si l'inclusion des grains sous l'autorité de la commission n'est pas possible. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue.
Je crois également que la majorité devrait l'emporter. Nous vivons dans un pays démocratique et nous devons pouvoir croire aux lois de ce pays. Je pense que ces lois doivent être respectées.
Le projet de loi C-4 a un autre grand défaut, le fait que le président et PDG n'est pas nommé par le conseil, bien qu'il y siège. Par conséquent, il ou elle peut ne pas être responsable devant le conseil. Je pense cependant que ce projet de loi réussit à moderniser le conseil -- en le rendant plus proche des agriculteurs tout en maintenant les avantages d'une garantie fédérale sur les paiements initiaux et le crédit.
Une fois encore, j'aimerais vous remercier de l'occasion qui n'est donnée de présenter mes réflexions. Je tiens à répéter que la clause d'inclusion est à la fois nécessaire et équitable pour tous. Laissons les agriculteurs décider de ce qui doit être ou ne pas être de la compétence de la commission du blé.
Le président: Merci. Nous passons à M. Rudolph.
M. Rudolph: Merci. J'étais occupé à aider une vache qui voulait absolument être mère hier soir, c'est pourquoi je ne suis pas aussi bien organisé que je l'aurais voulu ce matin. J'allais vous dire la même chose que j'avais dit au comité qui a examiné le mandat de la commission du blé il y a longtemps -- quand, il y a un siècle? C'est l'impression que j'ai. Il y a environ quatre ans je pense. C'est le document que vous avez devant vous. Après quoi, je ferai quelques commentaires. Ce que j'ai dit dans ce mémoire est tout aussi valide aujourd'hui qu'il y a quatre ans.
Rien n'a changé. Il n'y a aucun argument économique rationnel à avancer contre le pouvoir commercial d'un grand organisme de vente centralisé. Ce concept est bien documenté dans n'importe quel texte d'économie universitaire de première année. Le pouvoir commercial des monopoles et des oligopoles est largement accepté, même dans les écoles d'économie les plus conservatrices du monde occidental.
La nécessité de ces pouvoirs, comme le montre la théorie, devient encore plus important lorsque l'on voit que le commerce mondial du grain d'exportation est dominé par six ou sept grands négociants internationaux, afin de compenser leur propre pouvoir oligopolistique sur les marchés. Pour citer le président-directeur général d'une grande société de grain internationale, «nos concurrents sont nos amis, nos clients sont ennemis». C'est ce qui a été dit à une réunion annuelle. Je ne vous dirai pas qui, mais la presse en a parlé.
Chacun sait que la majorité de la production de grain du Canada de l'Ouest doit continuer d'être exporté. Même si l'on convertit cette production en boeuf à huit contre un ou en porc à cinq contre un, il n'est pas besoin d'être un grand physicien pour voir que nous n'avons tout simplement pas la population locale nécessaire pour consommer cette production.
Les changements récents dans la façon dont les chemins de fer sont payés pour transporter les grains pourraient entraîner une plus grande conversion de la production du grain ou des terres à grain en production de bétail, mais personnellement, je ne crois pas que cela sera aussi important que certains oracles le prétendent. Il n'y a qu'à regarder au sud de la frontière pour voir que la dépendance à l'égard des exportations est toujours une réalité alors qu'ils ont une population beaucoup plus importante. Je pense plutôt que l'évolution se fera dans le sens de récoltes de faible volume et de plus grande valeur. Cela pourrait avoir un effet négatif sur la production de bétail dans ma région.
Réfléchissez à ce scénario -- je cultive actuellement de l'orge brassicole dont une grande partie est exportée sous forme de malt ou de grain. Le malt n'est pas moins volumineux que le grain à transporter car, par rapport au blé dur, au blé de force roux de printemps et au canola, l'orge brassicole donne environ 50 à 100 p. 100 de plus que ces autres récoltes par livre ou boisseau. Il est évident que l'augmentation du tarif de transport que je paie aura un effet plus grand sur le coût par acre pour la production de cette récolte par rapport à d'autres.
Par conséquent, comme je suis un entrepreneur logique, je vais certainement cultiver moins d'orge brassicole et de nombreux autres agriculteurs feront la même chose. En quoi cela influe-t-il sur la production de bétail, me demanderez-vous? Eh bien, lorsque l'on plante des variétés d'orge brassicole, on sait que toute année donnée, la production peut ne pas donner de malt et, dans ce cas, le produit est vendu sur l'autre marché, à savoir le marché de l'orge fourragère. Si l'on plante moins d'orge brassicole, il y aura en moyenne, toute année donnée, moins d'orge fourragère à vendre. Il y aura donc moins de bétail à nourrir.
On peut donc dire que cette situation entraînera une production de variétés fourragères à plus haut rendement, mais d'après mon expérience, ces variétés ne donnent qu'une production légèrement supérieure dans ma région que les variétés brassicoles. En fait, une des variétés fourragères les plus populaires actuellement cultivées dans ma région est une ancienne variété brassicole qui n'est plus acceptée par les brasseurs. Dans mon cas, il est clair que l'évolution se fera dans le sens des récoltes à plus grande valeur comme le canola ou le blé dur.
Ma production continuera évidemment d'être largement exportée. Ma présence sur le marché mondial est insignifiante. Par conséquent, je n'ai aucun pouvoir. Mais la part des exportations de l'Ouest du Canada sur les marchés mondiaux du blé représente environ 20 p. 100 des exportations mondiales, le blé dur représentant la partie la plus importante. C'est une part de marché considérable et qui constitue un pouvoir commercial important à saisir. Toute diminution de ce pouvoir en réduisant le nombre des producteurs qui ont recours à la commission ou en adoptant le concept brumeux de double commercialisation préconisé par des groupes d'intérêt petits mais bruyants nuira à la majorité des producteurs de l'Ouest du Canada qui utilisent actuellement la CCB. Allons-nous tous souffrir pour satisfaire quelques-uns? Je ne le pense pas.
La société a toujours réussi à restreindre légèrement la liberté de certains individus afin de protéger la société en général. Pensez à nos lois sur la vitesse, aux lois qui interdisent les agressions ou les homicides et bon nombre de nos lois actuelles régissant la direction d'une entreprise. Nous ne sommes pas des anarchistes. J'aime la liberté comme n'importe qui, mais je ne pense pas que l'on doit me permettre de conduire en toute impunité sur une autoroute à 150 milles à l'heure tout simplement parce que mon GMC diesel d'une demi-tonne de 1982 me le permet. La liberté et l'extase de quelqu'un peuvent être la peur et l'angoisse ou un préjudice physique et économique réel pour d'autres. On peut tout aussi bien appliquer cette logique à la commercialisation du grain comme à n'importe quel autre aspect de l'organisation de la société.
Examinons maintenant le concept brumeux du double marché. Étant donné que le fait d'autoriser ces gens à vendre en dehors de la commission sera préjudiciable à nous tous, quel avantage cela a-t-il pour eux? Les partisans de la vente hors-commission prétendent qu'ils pourront recevoir des prix plus élevés. Là encore, les faits semblent ne pas leur donner raison. Il est bien connu que pour les grains vendus sur le marché libre -- et à mon grand chagrin, c'est parfois le grain que je dois vendre sur le marché libre -- deux tiers des producteurs vendent dans le tiers inférieur du marché. Ce sont en général ceux qui ont le moins de pouvoir économique.
J'ai été élevé en écoutant les histoires d'autrefois, avant la vente centralisée, lorsque les pauvres agriculteurs étaient forcés de vendre leur grain à l'automne alors que leurs riches voisins pouvaient attendre la hausse des prix, en général au printemps. Le principe de mise en commun a atténué considérablement cette inégalité. Cela nous a permis, à nous les agriculteurs, de nous concentrer sur la production plutôt que de regarder derrière nous pour voir ce que font nos voisins. Cela a permis aux producteurs de mettre au point la technologie qui fait de nous les producteurs de grain les plus compétitifs et dont les coûts sont les moins élevés du monde. Là encore, nous bénéficions tous.
Je pense personnellement que la plupart des partisans du marché libre se font des idées, malheureusement, ou sont extrêmement prétentieux, s'ils croient qu'à long terme ils s'en sortiront mieux qu'avec un comptoir unique.
Si l'on devait mettre fin au monopole de la CCB, il devra être clair qu'il n'y aura pas de va et vient. Je propose une forme de contrat progressif d'une durée d'au moins cinq ans. Par exemple, vous devrez demander une option hors-commission au moins cinq ans à l'avance et demander d'y revenir au moins cinq ans à l'avance. On ne peut pas avoir le meilleur des deux mondes aux dépens des autres.
Le président: Monsieur Rudolph, vous avez parlé sept minutes. Combien de temps encore...
M. Rudolph: C'est assez long. Je vous demanderais de le lire. J'aurais quelques observations à faire sur le projet de loi lui-même.
Le président: S'il vous plaît.
M. Rudolph: Le ministre a reçu un mandat précis à la suite des résultats du plébiscite et j'aimerais que l'on aille de l'avant. L'élection des administrateurs doit se faire. Il est absolument inconcevable que les agriculteurs n'aient pas leur mot à dire sur la façon dont leur grain est et sera commercialisé. Les clauses d'inclusion et d'exclusion doivent être maintenues et on doit laisser ceux qui cultivent les grains décider de la façon dont ils veulent les commercialiser et s'ils le veulent. Il est fort probable que les producteurs de seigle aimeraient organiser une mise en commun de leurs récoltes. Ils y travaillent depuis plusieurs années. Les partisans du marché libre ne le souhaitaient pas. La bourse des marchandises les a éliminés.
Pour ce qui est de la nomination du président et d'une minorité des administrateurs, j'aimerais dire que cela ne me pose pas de problème tant que le gouvernement continue d'assurer une sorte de garantie au conseil.
Même s'ils n'étaient plus nommés par le gouvernement, je pense qu'il serait toujours utile que des experts soient nommés par les administrateurs. Cela permet d'avoir une expertise du domaine et, tant qu'ils ne représentent pas une majorité des administrateurs, cela ne me pose pas de problème car la majorité des membres du conseil continueront d'être responsables devant ceux qui les ont élus.
La formulation de la loi, telle que je la comprends, n'est plus très claire sur la façon dont le président serait choisi. On dit qu'il sera choisi en consultation avec les membres élus. Je préférerais une formule très simple comme: nous vous donnons une liste courte et vous choisissez à partir de cette liste par un oui ou par un non.
C'est la seule amélioration réelle que j'aimerais voir apporter au projet de loi C-4 tel qu'il existe actuellement. Je peux vivre avec le reste. Nous devons faire en sorte que le gouvernement n'intervienne plus dans les affaires de la CCB et je pense que le fait d'avoir un conseil d'administration élu est la bonne formule. Le temps du débat est terminé. Le temps de la consultation est terminé. Il est temps d'adopter le projet de loi.
Le président: Merci, monsieur Rudolph. Nous allons passer à Vicki Dutton.
Mme Dutton: J'aurais dû vous dire d'où je suis. Je viens du pays de Herbie Sparrow.
Le sénateur Sparrow: Ah, j'en suis très heureux.
Mme Dutton: Dans notre région, nous pensons que c'est un des sénateurs les plus productifs. Nous sommes fiers de lui.
J'aimerais simplement répondre à votre question, madame le sénateur Andreychuk. La production du grain est une entreprise, ce n'est pas une politique sociale. Cela a été une politique sociale au Canada pendant de nombreuses années. Mais ma contribution en tant que chef d'entreprise, d'exploitant agricole, est celle d'un contribuable. Si je fais plus de profits, je donne davantage en tant que contribuable.
J'aimerais faire ma présentation dans ce sens, c'est-à-dire que le grain est une entreprise et non une politique sociale et que comme productrice, c'est mon entreprise, c'est mon gagne-pain. Plus je peux contribuer ou percevoir de recettes, mieux je peux survivre. D'autre part, plus je perçois et plus je suis un contribuable productif, qui offre une meilleure base économique à ma famille, à ma province ou à mon pays. En même temps, nous nourrissons le reste du monde.
Je pense que la question est une question de choix. Il s'agit de savoir qui prend les décisions au sujet de mon grain. Je ne serai pas plus philosophe que cela.
Je ferais porter mes commentaires sur le projet de loi car je crois qu'il sera finalement adopté. Je passe maintenant à ma présentation.
Premièrement, je crois qu'un conseil d'administration élu démocratiquement peut ajouter la clause d'inclusion par la suite. Il n'est pas nécessaire qu'elle figure dans la loi. S'il y a une clause d'inclusion, il doit également y avoir une clause d'exclusion.
Le projet de loi C-4 doit essentiellement concilier deux philosophies. Il doit satisfaire à la fois les partisans du marché libre et ceux qui souhaitent une commercialisation centralisée.
L'agriculture est un secteur extrêmement difficile. Pour ceux qui ne suivent pas les statistiques économiques, en 1998, le revenu agricole net prévu va chuter de 300 millions de dollars. En 1974, il s'agissait de 1,4 milliard. Ce n'est pas un secteur en bonne santé. Il y a beaucoup d'agriculteurs insatisfaits, des deux côtés, qui pensent que nous ne tirons pas assez de revenu de nos activités. Il y a un problème évident.
Mais ma principale préoccupation a trait à la question de l'exercice de l'autorité car je crois que, à moins d'en arriver à la bonne solution, à moins de définir un processus qui permet aux agriculteurs des deux côtés de se sentir représentés par le projet de loi C-4, personne ne sera jamais satisfait. Si nous ne trouvons pas la bonne solution, il n'y aura pas assez de prisons dans l'Ouest du Canada pour nous contenir tous.
On pourrait supposer, si nous élisons des candidats au conseil, que ce serait des personnes responsables et capables. C'est pourquoi je remets en question la nécessité d'avoir des personnes nommées par le gouvernement fédéral. Je demanderais un conseil pleinement démocratique pour les producteurs de l'Ouest du Canada, comme c'est le cas pour les producteurs de l'Ontario.
Je demanderais à Eugene, de nous dire pourquoi les producteurs de l'Ontario n'ont pas utilisé la CCB s'ils estimaient que le contrôle fédéral était la solution idéale.
Je pense que le fait d'avoir des membres nommés par le gouvernement fédéral, un gouvernement paternaliste, est une insulte à mon intelligence d'agricultrice.
Lorsque je lis ce projet de loi, je ne peux pas imaginer de garantie satisfaisante dans ce processus de nomination. Si l'on choisit ce genre de nomination, quelle que soit la capacité des personnes, je ne vois pas comment ces membres du conseil refléteraient les préoccupations de notre industrie ni comment ils satisferaient les membres élus. Le seul compromis serait de faire élire les membres du conseil par les agriculteurs afin qu'ils aient la crédibilité voulue et la confiance des producteurs.
Je pense qu'il y a deux poids deux mesures au Canada; les producteurs de l'Ontario viennent de voter à 90 p. 100 en faveur de l'option hors-Office. Nous ne pouvons même pas voter. Je ne peux même pas décider.
À mesure que nous obtenons plus de renseignements sur la CCB, nous nous rendons compte qu'elle fait effectivement l'objet d'un mythe. J'ai inclus un graphique à la fin de ma présentation qui montre qu'entre 1943 et 1953, la commission du blé a cassé les prix du grain de l'Ouest sur les marchés mondiaux. Il y a un graphique là. Pour ceux d'entre vous qui sont sceptiques et pourraient ne pas le croire, c'est la réalité.
La Commission canadienne du blé a appliqué la politique fédérale en fournissant du grain de l'Ouest, moyennant des rabais énormes, au marché mondial en passant par l'Angleterre. Ces ventes concernaient seulement les producteurs de l'Ouest relevant de la compétence de la CCB. Les producteurs des autres régions du pays étaient exclus.
Par conséquent, le mythe est dissipé. Dans le climat économique difficile de la production du grain dans l'Ouest du Canada d'aujourd'hui, ce processus de réforme de la CCB doit être valide pour être crédible. Votre défi consistera à le rendre crédible car il ne l'est pas actuellement.
Depuis 1943, la Commission canadienne du blé n'a pas eu à rendre des comptes aux agriculteurs ni même au vérificateur général du Canada. Si je suis obligée par la loi de vendre certains produits par l'intermédiaire de la CCB, elle devrait tout au moins ouvrir ses registres sur tous les accords passés et présents.
Poursuivons ce processus en sachant que bon nombre d'agriculteurs ne font pas confiance à la Commission canadienne du blé. Au cours de ces audiences, vous avez certainement entendu les porte-parole des deux côtés de ce débat hautement polarisé: ceux qui adorent la CCB et ceux qui veulent qu'elle ait compétence sur tout, même sur le pain tranché, et ceux qui ne veulent pas qu'elle touche à aucun de leurs produits. Ces deux camps doivent avoir un minimum de confiance dans cette nouvelle institution.
Si ce processus ne permet pas de rendre la confiance, je répète qu'il n'y aura pas assez de prisons dans l'Ouest du Canada pour nous contenir tous.
Le principe de la nomination des administrateurs est une insulte à la crédibilité de la commission. Le système de deux poids deux mesures que connaissent les agriculteurs de l'Ouest du Canada, avec les compliments du gouvernement fédéral, depuis qu'ils ont subventionné l'Angleterre, n'est plus tolérable.
On a attendu des exploitants de l'Ouest qu'ils s'adaptent très rapidement au taux du Nid-de-Corbeau. Je pense qu'il est temps que le gouvernement fédéral s'adapte à la nouvelle réalité et que l'on donne finalement aux paysans de l'Ouest un système réellement démocratique.
Si j'étais agriculteur en Ontario, je ne comparaîtrais pas devant un comité du Sénat pour demander ma liberté démocratique; j'aurais simplement voté. D'ailleurs, ce vote a eu lieu et les agriculteurs de l'Ontario peuvent se retirer du monopole en 1999.
Le président: Merci. Vient ensuite M. Johnson.
M. Johnson: J'aimerais présenter mes excuses pour la façon dont mon mémoire est tapé. Comme M. Rudolph, j'aidais une vache hier soir et lorsque je suis revenu à mon ordinateur, le nouveau programme de ma fille avait tapé et imprimé, mais il n'y avait ni paragraphe ni en-tête.
J'aimerais remercier le comité du sénat de me donner l'occasion de comparaître. Je suis quelqu'un de simple et mon mémoire l'est aussi.
Nous sommes ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-4. C'est probablement le projet de loi sur l'agriculture le plus détesté jamais présenté au Canada. C'est également le texte de loi le plus inutile.
Il y a plusieurs années, le ministre de l'Agriculture d'alors, M. Goodale, avait mis sur pied un groupe censé traiter de l'industrie et de tous nos problèmes. Ce groupe comptait des gens appartenant aux deux camps du débat sur le monopole et à tous les partis politiques. Mais ils ont fait quelque chose que M. Goodale n'avait jamais pensé possible -- ils en sont arrivés à une liste de recommandations unanimes. Certaines de ces recommandations n'étaient pas au programme de M. Goodale et ont été rejetées.
En parlant avec des membres du groupe par la suite, j'ai appris que M. Goodale ne leur avait jamais demandé les raisons de leurs décisions, qu'ils n'avaient pas été remerciés pour le travail qu'ils avaient fait et qu'ils n'avaient jamais été officiellement libérés de leurs fonctions dans le cadre de ce groupe.
Si le ministre avait eu le courage de suivre les conseils de son propre groupe, nous ne serions pas ici aujourd'hui. Maintenant, il prétend que le projet de loi C-4 permettra aux exploitants de l'Ouest du Canada de contrôler la CCB. En fait, ce projet de loi fait exactement l'inverse. Il donne encore plus de pouvoir au bureau du ministre. Lorsque les agriculteurs ne peuvent pas engager ou révoquer le président et cinq des administrateurs, ils n'ont aucune possibilité d'apporter des changements autres que ceux que le ministre juge utiles.
En vertu de la loi, le processus électoral ne serait pas de nature économique mais idéologique. Les agriculteurs voteront pour des candidats en raison de leur idéologie et non de leurs capacités. La stratégie de M. Goodale sera de diviser pour régner afin de contrôler encore plus la commission. Comme pour la dernière élection du conseiller, ce sera strictement le statu quo contre le changement. M. Bean et Donald Duck auraient pu se présenter pour le statu quo lors de la dernière élection du conseil consultatif et gagner haut la main.
Nous connaissons tous où se trouvent les partisans du monopole. Les agriculteurs du Nord qui s'en sortent mieux dans le système de mise en commun semblent favoriser davantage le monopole que les agriculteurs du sud.
La principale injustice du projet de loi C-4 est qu'il ne permet pas le même genre de vote représentatif que celui qu'il a créé. Comme les députés libéraux de l'Ontario de M. Goodale l'appuient, ils ont permis au projet de loi d'aller aussi loin. L'unité de base d'une élection politique étant l'électeur, plus il y a d'électeurs, plus ils peuvent élire de députés. Compte tenu du grand nombre d'habitants en Ontario, ils peuvent élire plus de députés que les provinces des Prairies. C'est ainsi que M. Goodale a obtenu son appui pour le projet de loi C-4.
Dans une élection économique agricole, l'unité de base est l'acre ou l'hectare. Plus l'on dépend de son exploitation pour survivre, plus on devrait avoir son mot à dire sur la façon dont l'économie agricole affectera cette exploitation. Est-il équitable qu'un agriculteur qui occupe à mi-temps un emploi à la ville puisse annuler mon vote? Ce n'est pas juste maintenant et ça ne le sera jamais. Le vote devrait être fondé sur la superficie ensemencée. Point final.
Chaque agriculteur est censé avoir une année de prix record dans sa vie. Cette période vient juste de passer et les agriculteurs dans la région désignée ne l'ont jamais su. Avec des contrats de production simples et des contrats à terme, on aurait pu vendre trois récoltes en 18 mois de prix élevés et obtenir certaines des primes, si on nous l'avait autorisé. La CCB a choisi de ne pas vendre beaucoup de blé pendant cette période et comme d'habitude, les agriculteurs de l'Ouest ont payé le prix.
M. Goodale voudrait nous faire croire qu'il veut confier aux agriculteurs le contrôle de la commission. Mais parallèlement, son gouvernement dépense des millions et des millions de dollars pour poursuivre des agriculteurs qui se sont lancés dans ce qui est en fait des formes simples de désobéissance civile. Pour avoir transporté des petites quantités de grain au-delà de la frontière, ils se sont vus imposer des amendes énormes et, dans certains cas, la prison. Pour avoir transporté cinq sacs d'orge valant environ 20 $ au-delà de la frontière, et pour toutes les accusations qui ont été portées contre moi après cet incident, on m'imposait un maximum de 150 000 $ d'amende et 18 mois de prison. Comment puis-je croire que ce même ministre veuille confier le contrôle de la commission du blé aux agriculteurs?
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles le projet de loi C-4 devrait être éliminé et en particulier le fait que ce texte est rédigé au bénéfice du gouvernement plutôt que des agriculteurs. D'autres parleraient de l'absence d'imputabilité de la CCB à l'égard des agriculteurs, de l'exemption de la Loi sur l'accès à l'information et de l'exemption de la surveillance du vérificateur général.
L'histoire juge les hommes politiques. M. Goodale sera jugé comme l'homme politique le plus nuisible à l'agriculture que l'Ouest du Canada ait jamais connu. J'espère qu'on se rappellera de vous comme le Sénat qui a jeté à la poubelle le projet de loi C-4, là où il doit être.
J'aimerais simplement ajouter deux ou trois choses sur ce qui a déjà été dit.
Dans la dernière présentation, on nous a dit que lorsque l'avoine a été exclue de la commission, le prix a considérablement diminué. Si vous deviez vous rendre à la CCB et obtenir le relevé de ce compte d'avoine cette année-là, vous verriez que le déficit a été de 36 millions de dollars. Le prix initial a été maintenu à un niveau artificiellement élevé de sorte que lorsque l'avoine a été exclue de la commission, le prix est revenu au niveau du marché. Le prix n'a pas baissé, les contribuables canadiens l'ont maintenu.
M. Rudolph a dit que ceux d'entre nous qui pensons mieux vendre notre grain nous-mêmes nous faisons des illusions ou sommes prétentieux. Je ne sais pas ce que je suis, mais lors de la contestation de la Charte des producteurs d'orge de l'Alberta, pour laquelle j'ai été témoin, je me suis rendu à la Cour fédérale et j'ai dit qu'avec le dumping du blé fourrager en 1992 aux États-Unis, la CCB a coûté à mon exploitation au moins 100 000 $ et a continué de le faire chaque année jusqu'à ce que j'aille devant les tribunaux. Tout cela était documenté et il n'y a pas été fait allusion lors du contre-interrogatoire. On n'y a pas touché parce que l'on savait que j'avais raison.
Dans toutes les causes depuis lors, lorsqu'on invoque les prix, les avocats de la CCB disent que la Commission canadienne du blé n'a pas pour fonction de prendre soin des agriculteurs. Son travail est de vendre du grain, pas d'obtenir le meilleur prix.
Le sénateur Sparrow: Nous allons marquer M. Johnson comme «indécis».
Le président: Monsieur Nisbett.
M. Nisbett: La Canadian Registered Organic Producers Marketing Cooperative Ltd., CROP, vous remercie de l'occasion qui lui est donnée de présenter son point de vue sur le projet de loi C-4, modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Comme notre nom l'indique, nous commercialisons des produits biologiques, principalement du blé, du blé dur, de l'avoine et du lin. Nous sommes des partisans convaincus du système de vente par comptoir unique de la Commission canadienne du blé, de la mise en commun du prix et des garanties financières gouvernementales. Nous voulons que la Commission canadienne du blé soit renforcée dans ces domaines et nous soutiendrons les amendements qui appuient ces principes.
La Commission canadienne du blé offre actuellement un traitement raisonnablement équitable de tous les producteurs de la région afin qu'ils obtiennent le meilleur prix possible et les mêmes possibilités de livraison ainsi qu'une garantie du gouvernement sur l'emprunt et les ventes à crédit.
Les producteurs de produits biologiques se sont réunis en coopérative pour commercialiser leur grain. C'est une situation temporaire. Nous appuyons la commercialisation de nos grains biologiques par la commission du blé. Nous prévoyons également de mettre en commun les prix de nos grains vendus hors-commission pour nos membres. Nous soutenons fortement la commission du blé, d'où notre présence ici aujourd'hui.
Le projet de loi C-4, tel qu'il a été approuvé par la Chambre des communes, est une calamité, une bombe à retardement. Nous aimerions souligner certains des problèmes que nous y voyons.
Le fait d'avoir un conseil d'administration élu en partie par les agriculteurs suppose que tous les candidats seraient des agriculteurs et qu'une fois élus, ils seraient en mesure de contrôler le conseil. Les règlements proposés ne précisent pas qu'il faut être un exploitant actif pour être candidat à l'élection. Il y a de fortes chances pour que des gens d'opinions très diverses soient élus et que l'on en vienne à une impasse.
Les cinq administrateurs nommés le sont au gré du ministre. Ils agiraient essentiellement au nom du ministre et non au nom des agriculteurs. Cela pourrait créer des frictions au sein du conseil. Le contrôle du conseil par les agriculteurs est une illusion puisque le gouverneur en conseil a le dernier mot.
Un plan d'entreprise sera présenté chaque année au ministre. Nous n'avons rien contre ce plan, mais le contrôle par les agriculteurs est une illusion. Le ministre, le ministre des Finances et le gouverneur en conseil ont le dernier mot.
Les achats au comptant et la fermeture des comptes de mise en commun à tout moment avant la fin d'une campagne agricole créent l'inégalité entre les producteurs. Laissez-moi vous expliquer. Dans un marché à la baisse, le producteur peut vouloir obtenir un prix au comptant car il s'attend à ce que le prix soit inférieur plus tard dans l'année.
Les achats au comptant et les garanties visant l'augmentation du paiement initial semblent être la principale raison de la création d'un fonds de réserve. Si ces aspects ne faisaient pas partie des choix dont dispose le conseil, le fonds de réserve serait inutile. Le ministre dit qu'il est prématuré d'envisager l'alimentation du fonds de réserve par une forme de retenue sur le producteur. Mais comment serait-il alimenté autrement?
On a mis fin au taux du Nid-de-Corbeau et on a éliminé la subvention du Nid-de-Corbeau. Les tarifs de transport du grain continuent d'augmenter chaque année, et maintenant il va y avoir un fonds de réserve.
Selon nous, pour que la commission du blé soit efficace, il faut que tout le blé relève de la commission du blé. Le monopole ainsi créé permettrait à l'agriculteur d'obtenir le meilleur rendement. Cela signifie qu'il n'y aurait pas de commercialisation à deux régimes. Le ministre a dit, et nous sommes d'accord, que la commercialisation à deux régimes ne fonctionnera pas.
Nous croyons que la commission du blé doit avoir le pouvoir de réglementer le transport du grain vers les marchés et les ports. Nous devons disposer de moyens de transport suffisants. Le projet de loi n'est pas précis sur ce point.
Une des nouveautés du projet de loi est de prévoir une méthode d'inclusion des grains autres que le blé et l'orge. Cette procédure est compliquée et pourrait ne pas être réalisable. L'inclusion d'autres grains pourrait être rendue plus démocratique en permettant un vote des producteurs après la présentation d'une pétition par un certain nombre de producteurs.
Nous craignons que la commission du blé ne perde le statut d'organisme d'État car elle deviendrait une entreprise mixte. La garantie financière gouvernementale qui est prévue dans le projet de loi ne comprend pas l'augmentation du paiement initial qui a été fixée au début de la période de mise en commun, comme c'est le cas actuellement. Le fait de retirer ce soutien ne peut être interprété que comme le début d'une nouvelle érosion de la garantie.
Si ce projet de loi devait être amendé, nous ferions les propositions suivantes: sur pétition d'un groupe suffisamment important, un vote aurait lieu pour inclure ou exclure le grain relevant de la commission. Nous pourrions voter pour inclure la vente de nos grains biologiques par la commission. La couverture du risque de change, l'achat au comptant et les périodes de mise en commun plus courtes qu'un an ne serait pas inclus. La pleine garantie du gouvernement se poursuivrait comme maintenant et il n'y aurait donc pas besoin d'un fonds de réserve. Nous proposons également que lorsque tous les membres du conseil sont élus par les agriculteurs, ils soient nommés par le ministre pour administrer le conseil, de façon à maintenir le statut d'organisme d'État. Le PDG serait nommé par le ministre.
Si des changements de ce genre ne sont pas apportés, nous recommandons que le projet de loi soit rejeté et reformulé.
Le sénateur Eugene Whelan (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président: Il nous reste seulement 15 minutes car un grand nombre des députés doivent prendre l'avion.
Le sénateur Sparrow: Madame Vicki Dutton a fait une proposition ferme concernant l'élection de tous les membres du conseil. C'est la démarche la plus forte qui a été faite à cet égard. Il me semble que nous devrions envisager cette proposition avec soin. Après tout, qu'est-ce qu'une demi-démocratie? Dans tout le pays, et certainement dans l'Ouest, nous avons des caisses d'épargne, des coopératives très efficaces qui élisent des administrateurs qui deviennent très efficaces et font ce que je considère comme du bon travail dans bien des cas. Quant à moi, je suis prêt à étudier avec soin la proposition d'une élection de tous les membres du conseil. Ce serait alors un organisme réellement représentatif des producteurs.
J'aimerais poser une question à nos témoins sur le choix de ne pas participer. Y aurait-il beaucoup d'oppositions au choix de ne pas participer par chaque agriculteur? Je pense que la commercialisation à deux régimes n'est pas un aspect réaliste de la commission du blé. Mais je pense que le choix de ne pas participer serait possible pour ceux qui veulent cette indépendance. Cela nous donnerait également la possibilité de faire des comparaisons entre les deux systèmes.
J'apprécie l'observation de Vicki au sujet des prisons qui ne seraient pas assez grandes pour contenir tous ceux qui finissent en prison. M. Dave Bryan, qui était ici ce matin, est allé en prison pour une question de principe -- la liberté de l'individu dans le système de commercialisation.
Quelle est votre opinion sur la possibilité de ne pas participer?
Mme Dutton: Je vous remercie de vos commentaires et du fait que vous envisagez sérieusement un processus électif. Je pense que c'est une question de crédibilité et que pour que cela fonctionne, il faut établir un niveau de confiance parmi les producteurs pour qu'ils soient sûrs que cet organisme travaille pour ceux qui choisissent de faire partie de ce processus.
Je crois également que ceux qui ne veulent pas en faire partie puissent se prévaloir d'une option. Comme vous l'avez probablement remarqué, ces idées sont diamétralement opposées. Il n'y a pas de juste milieu. Je pense que les producteurs seraient prêts à faire ce choix, que ce soit pour toute la vie ou pour une certaine période. Je vous encourage à tenir compte des deux parties à ce débat. Pour que ce projet de loi soit efficace, vous le devez.
Le sénateur Andreychuk: Je pense que vous ne m'avez pas comprise. Je ne parle pas de politique sociale. Nous avons abandonné l'agriculture comme style de vie lorsque j'étais enfant. Je parlais de la responsabilité à l'égard d'une industrie et d'une entreprise.
Si vous avez un conseil totalement élu, mais que nous ne pouvons pas convaincre le Parlement d'amender le projet de loi de façon à inclure une clause de non-participation, pensez-vous que la commission du blé, par l'intermédiaire de ses administrateurs, ferait ce que vous voulez, c'est-à-dire accorderait le droit de ne pas participer?
Mme Dutton: Bien sûr, cela a à faire avec le processus démocratique. Je crois qu'à un moment donné, ce sera le cas. Il y a eu une diminution rapide de la population agricole. La majorité des agriculteurs qui restent accumulent de plus en plus de terres et ce sont probablement ceux qui demandent le plus de changements. Mais je ne pense pas que nous devons perdre notre temps avec le processus politique. Je pense que cette décision doit être prise maintenant. Si on laisse faire le processus démocratique, cette décision sera prise éventuellement, mais il y aura beaucoup de gens très mécontents dans l'intervalle. C'est une question de temps. Je le répète, ce n'est pas un secteur sain. Regardez les chiffres.
Le sénateur Taylor: J'aimerais étudier la question de la non-participation. C'est-à-dire avoir la possibilité de profiter d'un créneau du marché sans avoir à passer par la commission. M. Rudolph a en parlé. En fait, il a proposé de rationaliser le processus de rachat pour qu'une personne qui trouve un marché puisse racheter à un prix pas trop exorbitant. Vous dites que la commission du blé demande un prix trop élevé à ceux qui veulent racheter.
Avez-vous des suggestions solides sur la façon dont cela pourrait être fait raisonnablement, de façon à ne pas nuire au processus de mise en commun et à ceux qui constituent ce groupe?
M. Rudolph: C'est un problème très difficile n'est-ce pas? Si suffisamment de gens choisissent de ne pas participer, nous serions aussi bien sans la commission du blé. C'est le problème qui a été soulevé maintes et maintes fois par ceux qui s'opposent à cette possibilité d'option, que ce soit au moyen du mécanisme que vous avez suggéré ou par une déclaration de l'agriculteur disant simplement qu'il ne veut plus commercialiser son grain par le biais de la commission.
Si suffisamment de gens le font, il sera plus difficile d'avoir un pouvoir commercial en tant que vendeur de 20 p. 100 du grain, du blé -- davantage dans le cas du blé dur -- d'exportation mondiale. Si c'est un vendeur ou dix vendeurs, ce n'est pas trop grave. Si c'est 250, cela commence à être inquiétant.
Je veux dire simplement que s'il existe un véritable avantage à transporter mon grain directement de mon exploitation à la minoterie du Dakota du Sud ou à une usine de blé dur ou autre, je devrais avoir la possibilité de le faire. Je ne pense pas que la structure actuelle tienne suffisamment compte de cette possibilité. Cela a trait en partie au jeu que nous jouons à essayer de pondérer les tarifs de transport -- pour que le coût soit le même, en fonction de la distance. Il est probablement plus économique de transporter le grain plus loin jusqu'à Thunder Bay qu'à Vancouver. Mais Thunder Bay n'est pas un port océanique.
Nous avons remanié quelque peu le système dans la mesure où nous avons changé les zones de collecte pour le blé dur et l'orge de sorte que le prix de la base est différent à différents points dans le Sud par rapport à avant. Je ne pense pas que nous soyons aller assez loin. Je pense que cela nécessite quelques améliorations.
Si le système de rachat était organisé de façon à être surveillé par les membres élus du conseil, nous saurions quand un agriculteur se trouverait devant une bonne occasion et on le laisserait faire. Je ne vois pas où serait le problème.
Le sénateur Taylor: Certains ont dit qu'il serait plus démocratique de faire comme a fait le Syndicat du blé, c'est-à-dire d'élire un délégué qui, à son tour, choisit le représentant au conseil plutôt que de tenir des élections directement. Il s'agit d'éviter les campagnes électorales ou, peut-être, de voir Cargill glisser à l'un des candidats des frais de publicité pour être plus en vue. Le syndicat a pensé éviter ces problèmes de cette manière.
Avez-vous pensé à la façon d'élire les administrateurs?
Mme Dutton: Je pense que les producteurs étaient en général mécontents du système des délégués au Syndicat du blé de la Saskatchewan. Je sais que les producteurs n'aimaient pas le fait que les délégués ne les représentaient peut-être pas vraiment. Je pense que je choisirais la démocratie directe.
Pour ce qui est du choix de ne pas participer, je crois comprendre -- et vous le savez sans doute mieux que moi -- que 20 p. 100 du grain commercialisé est en fait vendu aux grandes compagnies céréalières.
Le sénateur Sparrow: Par la commission du blé?
Mme Dutton: Oui.
Le sénateur Sparrow: Oui.
Mme Dutton: Si nous devions nous retirer, il est évident que le blé qui serait retiré pourrait bien être acheminé aux grandes compagnies céréalières et la commission pourrait maintenir les 80 p. 100 des ventes dans cette direction.
Le sénateur T