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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 8 - Témoignages pour la séance du matin


CALGARY, le mardi 31 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts auquel est renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 03 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs, et vous demande de bien vouloir vous présenter.

M. Ken Larsen, Alberta Pro-Canadian Wheat Board Group: Monsieur le président, je m'appelle Ken Larsen et je suis accompagné aujourd'hui par M. Steve Bothi. Je fais de l'agriculture mixte, orge et bovins, à Benalto, en Alberta, soit à près de deux heures au nord-ouest d'ici, tandis que Steven vient de la région de Bassano, en Alberta.

M. Bothi, Alberta Pro-Canadian Wheat Board Group: Je cultive des céréales en terre sèche à Bassano, au sud-est de Calgary, en bordure du district d'irrigation est. Notre expérience agricole est diversifiée.

Le président: J'ai déjà acheté des bovins à Bassano.

M. Bothi: Je suis sûr que vous en avez été satisfait.

M. Larsen: Il importe de souligner, je crois, que Steven et moi-même ne faisons pas partie d'un groupement de producteurs spécialisés ou d'un organisme agricole. Nous sommes des agriculteurs à temps plein, nos épouses ne travaillent pas à l'extérieur de l'exploitation agricole, nous ne sommes pas des courtiers en grains, nous n'avons pas de silos; nous sommes uniquement des producteurs. Le Pro-Canadian Wheat Board Group est un groupe d'agriculteurs qui s'est formé en raison du plébiscite fédéral sur l'orge et qui a organisé certains rassemblements en faveur de la Commission du blé à l'Assemblée législative de l'Alberta. Nous n'avons jamais pensé que nous finirions par passer autant de temps à faire ce genre de choses.

Point intéressant, j'ai trouvé facile de regrouper les agriculteurs albertains qui se déclarent en faveur de la Commission du blé. Nous avons rassemblé à l'Assemblée législative de l'Alberta 300 agriculteurs venant du sud de la province jusqu'à la région de la Rivière de la Paix. Dans le sud de la province à ce moment-là, c'était la saison des andins, dans la partie centrale, celle de la fauche et au nord celle des meules. Nous avons trouvé dans la province beaucoup d'agriculteurs en faveur de la commission et leur nombre ne fait que s'accroître. Nous comptons près de 300 membres actifs qui donnent de l'argent pour aider à défrayer les coûts.

Nous sommes heureux de vous accueillir à Calgary, ville où la Commission du blé a débuté il y a bien longtemps par l'entremise de l'Alberta Pool et des efforts de Henry Wisewood et d'autres. Cette bataille ardue qui a duré de nombreuses années témoigne de notre tradition coopérative. Nous croyons pouvoir dire sans nous tromper que l'esprit de ce projet de loi est généralement bien défendu et qu'il vise en fait, d'après nous, à ajouter un niveau de responsabilité au sein de la Commission du blé et à assurer un autre genre de suivi entre les agriculteurs et la commission; or, cette institution est déjà très satisfaisante et je crois que nombreux sont ceux qui sont prêts à se déclarer tout à fait satisfaits de la Commission du blé telle qu'elle existe actuellement.

À notre avis et sans vouloir paraître trop présomptueux, votre comité doit améliorer quelque peu ce projet de loi. Certains de ces aspects doivent être modifiés pour qu'il fonctionne mieux et nous ne pensons pas qu'il puisse miner la commission de quelque façon que ce soit.

Si nous sommes là, c'est parce que nos institutions, les syndicats du blé des Prairies et d'autres, n'ont pas été en mesure de défendre le principe du point de vente unique de la Commission canadienne du blé dans les guerres de propagande qui font rage depuis dix ans, en Alberta notamment. C'est ce qui explique notre présence aujourd'hui. Nous avons consulté les exploitants agricoles qui vivent de la terre, qui ne sont pas courtiers en grains, et cetera. Nous allons essayer aujourd'hui de vous dire ce qui importe aux yeux de producteurs comme nous-mêmes. Tout d'abord, nous devons respecter ce qui a fait de la CCB une institution recherchée: principe du point de vente unique, mise en commun des prix et soutien financier du gouvernement fédéral. Il s'agit des trois éléments, des trois piliers dont vous avez tant entendu parler et qui sont essentiels pour la Commission du blé.

Certains ont essayé de brouiller la discussion en utilisant l'expression «système mixte de mise en marché», après leur défaite écrasante lors du plébiscite sur l'orge au printemps dernier. Ne vous y trompez pas, le principe du «système mixte de mise en marché» était au centre de cette campagne et les agriculteurs savaient parfaitement bien ce pour quoi ils votaient et ce contre quoi ils votaient. Les agriculteurs ont compris que toute définition de système mixte de mise en marché se rattache au concept de marché libre et positif auquel participerait un genre de commission du blé. Ce n'est pas une troisième option, mais une option de marché libre seulement. N'oubliez pas que ni le comité Steers ni le groupe d'experts sur la mise en marché du grain de l'Ouest n'ont jamais appuyé un système mixte de mise en marché, mais ont clairement recommandé l'une de deux options. Si le troisième choix était viable, nous ne serions certainement pas là.

En guise d'avant-propos, nous dirions qu'un consensus constant et croissant se dégage à propos de ces trois piliers et de leur importance. Nous aimerions féliciter le comité consultatif de la CCB pour le mémoire du 19 mars que vous avez sans doute entendu à Ottawa. Le comité consultatif représente un large éventail d'options et je pense que le consensus qu'il a réussi à susciter à propos du projet de loi C-4 est un reflet assez fidèle des conclusions de la plupart d'entre nous qui vivons en fait de la céréaliculture.

Après le plébiscite et les débats, la plupart des producteurs se rendent compte qu'ils doivent prendre au sérieux leur rôle en ce qui concerne la commercialisation internationale des céréales et que, pour rester indépendants en tant que producteurs canadiens sur le marché international, ils ont besoin de la Commission du blé qui leur sert d'agent sur ce marché. L'organisation est une question qui a souvent été soulevée.

La question de l'organisation préoccupe beaucoup de gens. Nous sommes d'accord avec le comité consultatif qui propose que le nombre des membres du conseil d'administration soit porté à 11. L'autre aspect de l'organisation qui est véritablement important et que le comité Steers a précisé également, c'est que le PDG -- ou le président -- devrait être embauché par le conseil d'administration après consultation du ministre, au lieu de la façon dont le projet de loi le prévoit actuellement. À mon avis, cela permettrait de garantir l'intégrité sociale de l'organisation et donnerait l'impression d'une structure plus démocratique.

Pour refléter notre tradition coopérative en Alberta, nous proposons d'aller plus loin: que les délégués élisent le conseil d'administration. Ceci a toujours bien fonctionné dans les coopératives du Canada, surtout en Alberta. La collectivité rurale appuie fortement ce principe et je sais que les délégués de l'Alberta Wheat Pool sont aujourd'hui saisis d'une motion à ce sujet et doivent vous transmettre leur décision à cet égard.

Les dispositions relatives à l'inclusion et à l'exclusion des grains posent également un autre gros problème et nous avons entendu beaucoup de bêtises au sujet du contrôle du gouvernement et autres choses du genre. Le défaut de ce projet de loi, c'est qu'il devient trop facile d'exclure des grains de la CCB et trop difficile d'en inclure; il y n'a pas d'équilibre naturel. Nous aimerions appuyer le comité consultatif qui propose d'équilibrer les dispositions d'inclusion et d'exclusion; il faudrait que cela découle d'une initiative que les agriculteurs présenteraient au conseil d'administration élu et au ministre et qui ferait ensuite l'objet d'un vote des agriculteurs. Ainsi, le processus serait démocratique. Ceux qui sont élus réagiraient à l'initiative des producteurs, ce qui court-circuiterait tout le débat relatif aux représentants légitimes des agriculteurs, puisqu'on traiterait avec des élus. La médiation des groupes de producteurs spécialisés, dont certains peuvent, ou non, représenter légitimement les agriculteurs, n'est pas nécessaire. Enfin, le tout serait soumis au vote des producteurs.

L'achat au comptant est au coeur du problème, car la Commission du blé n'est pas un acheteur de grains. The Western Producer publie encore des lettres amères où les agriculteurs disent: «Nous serions plus riches si la CCB voulait bien nous donner un meilleur prix pour nos céréales.» La Commission canadienne du blé est en fait un vendeur de céréales sur le marché international et nous impose les cours du marché, lesquels ne sont tout simplement pas assez élevés; nous ne pouvons toutefois pas tirer sur le messager sous prétexte qu'il est porteur de mauvaises nouvelles. Le problème que pose l'achat au comptant, c'est qu'il modifie la nature de la CCB qui n'est plus vendeur mais acheteur, ce qui influe sur le traitement équitable intrinsèque des agriculteurs. En fait, la production des agriculteurs est échangée l'une contre l'autre. Les céréales sont un produit non différencié; par conséquent, on ne peut pas faire la différence entre l'orge que cultive Steven, l'orge que cultive l'autre agriculteur dans la région de la Rivière de la Paix ou l'orge que je cultive. L'achat au comptant crée du ressentiment, car Steven peut vendre son produit à un prix plus élevé que moi. Nous comprenons qu'il s'agissait de permettre à la CCB d'acheter des grains aux producteurs s'il lui en manquait, et cetera. Nous aimerions vous proposer d'envisager un genre de structure de réglementation pour que cela n'influe pas sur la mise en commun des prix.

Beaucoup de gens disent que la CCB empêche les rentrées d'argent. Nous aimerions proposer que l'on reparte à zéro, puisque pratiquement toutes les industries ont recours à la mise en commun des prix d'une façon ou d'une autre. Vous vous trouvez aujourd'hui dans une ville où l'industrie nationale du gaz a recours depuis des années -- par l'entremise de Trans-Canada Pipelines -- à la mise en commun des prix et qui offre un traitement équitable en matière de livraison. Par ailleurs, nous pouvons obtenir des avances en espèces sans intérêt. Quiconque s'y connaît un peu en opérations bancaires sait que l'on peut obtenir un prêt en fonction des céréales encore non livrées ou tarifées. Le comité consultatif a proposé la création d'un compte de capital commun; ce serait un bon élément à ajouter à ce projet de loi.

La participation financière du gouvernement à la CCB est le troisième pilier. Cela n'a jamais rien coûté au gouvernement sauf à une occasion et c'est ce qui permet à la CCB de s'autofinancer de la façon la plus rentable possible. N'oublions pas non plus ce que nous a dit le ministre Goodale tout au début, à savoir que la Commission canadienne du blé est l'entité qui au Canada réalise les plus grosses recettes nettes en devises étrangères. Cela s'explique en partie par le fait que la CCB peut financer ses ventes par l'entremise du gouvernement canadien. C'est un élément conservé dans la loi pour les paiements initiaux mais non pour les paiements de rajustement. Comme les paiements de rajustement n'ont jamais causé de déficit, pourquoi supprimer cette garantie? Nous proposons de la conserver, ce qui, bien sûr, permettrait de se débarrasser du fonds de réserve. Constituer un fonds de réserve pour une opération de 6 ou 7 milliards de dollars nous semble être fort coûteux pour les agriculteurs. Nous préférerions nous débarrasser de l'achat au comptant plutôt que de perdre les paiements initiaux et de rajustement garantis.

Nous tenons à préciser que nous sommes distincts du comité consultatif à de nombreux égards. Nous rejetons la possibilité d'un autre plébiscite sur ce projet de loi. Les agriculteurs nous disent: «Passons à l'action.» Nous vous demandons d'adopter ces amendements mineurs qui permettront d'améliorer cette législation. Par ailleurs, nous ne sommes pas critiques à l'égard de Ralph Goodale; nous pensons qu'il a peut-être essayé d'en faire un peu plus que nécessaire dans certains domaines et qu'il n'a peut-être pas suffisamment souligné l'importance des trois piliers de la Commission du blé, ce que les amendements que nous proposons peuvent permettre de rectifier.

Nous condamnons ceux qui ont utilisé cet examen de la Loi sur la Commission canadienne du blé pour servir leurs propres intérêts aux dépens de la majorité des agriculteurs. Certains ont même bâti leur carrière à partir de ce débat. Ils ont d'abord dit que c'était pour des raisons financières qu'il fallait se séparer de la CCB. Puis, lorsque cette affirmation a été réfutée par l'examen minutieux des producteurs, ils ont essayé de changer de tactique, ont parlé de liberté tout en essayant de prétendre qu'ils n'étaient pas là pour enterrer la CCB, mais pour en chanter les louanges. D'après nous, ceux qui ont le plus d'argent dans leurs poches sont ceux qui ont le plus de liberté; nous affirmons avec insistance que la vente à guichet unique sert les meilleurs intérêts de la plupart des agriculteurs et que ces derniers ont donc plus de liberté et de choix que si la CCB était ébranlée. Je pense que ceux qui sont en faveur de la CCB le savent bien.

Quoi que vous décidiez, essayez de ne pas oublier les facteurs qui ont rendu la CCB si séduisante pour nous, c'est-à-dire les trois piliers. Je pense que Steve a bien fait de dire qu'il faut utiliser le savoir-faire collectif de nos agriculteurs pour soutenir la concurrence à l'échelle internationale plutôt que de dresser les agriculteurs les uns contre les autres, car cela ne fera que tout chambarder.

Pour conclure -- je suis un mordu de l'histoire -- j'ai trouvé des renseignements sur le pouvoir d'achat et le coût de certaines choses comme le plombage d'une dent ou l'achat d'un magazine. J'ai trouvé ces chiffres dans Tides in the West de Nesbitt, qui retrace l'histoire de l'Alberta Pool. En 1932, le plombage d'une dent coûtait l'équivalent de 200 livres de blé à 30 sous le boisseau à Stettler. Ma fille vient juste de se faire plomber une dent, ce qui a coûté près de 750 livres d'orge en dollars de 1996. On ressent beaucoup d'amertume à l'égard de la CCB, car elle est porteuse de mauvaises nouvelles pour l'agriculture de l'Ouest canadien, à savoir que les cours ne sont pas ce qu'ils devraient être; c'est du moins ce que nous pensons. C'est ainsi que se termine mon exposé et je vous remercie de votre aimable attention.

Le président: Merci pour votre exposé. Le directeur d'une société céréalière m'a dit que la Commission canadienne du blé aimerait se débarrasser de l'orge. D'après lui, il n'y a pas suffisamment d'orge, la plupart de l'orge est vendue comme aliments pour animaux et la récolte n'est pas suffisamment importante. Qu'en dites-vous?

M. Larsen: Pour le plébiscite sur l'orge, nous avons examiné les chiffres de Statistique Canada et la tendance va en fait à l'opposé. Lors de la dernière campagne agricole, plus d'agriculteurs ont vendu à la CCB. Nous avons produit, je crois, près de 12 millions de tonnes métriques d'orge au Canada et près de six millions de ce total ont été vendus à la Commission canadienne du blé. La tendance est donc à la hausse et non à la baisse. La région de Lethbridge étant déficitaire en céréales fourragères, il est plus payant d'y réaliser des ventes que de vendre à la commission, mais comme les distances de camionnage sont de plus en plus longues, il vaut beaucoup mieux vendre par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Je ne comprends absolument pas qui vous a dit une telle chose à la Commission canadienne du blé et pourquoi. J'imagine que cette personne prend peut-être ses désirs pour des réalités.

Le président: Nous pourrons le vérifier plus tard lorsque nous convoquerons la Commission canadienne du blé devant le comité. En ce qui concerne le PDG, comment proposeriez-vous de procéder? Vous avez parlé d'une décision conjointe, entre le ministre et la Commission canadienne du blé.

M. Larsen: Étant donné que le conseil élu représente des agriculteurs et que le ministre élu représente les intérêts du Canada, il faudrait prévoir un processus de collaboration entre les deux parties pour le choix de cette personne.

M. Bothi: Le fait est que le ministre a le pouvoir de nommer certains membres au conseil d'administration. Ce qui suscite la méfiance dans le pays, c'est je crois le fait que le PDG soit plus ou moins choisi par le ministre, même si le projet de loi C-4 fait mention de consultations et, aussi bien sûr, le fait que ce soit le conseil lui-même qui fixerait la rémunération du PDG. Nous pensons qu'il y aurait davantage de confiance si le conseil était un groupe de réflexion et si le dialogue entre producteurs, conseil et gouvernement s'instaurait. Du point de vue opérationnel, nous pensons que ce conseil serait parfaitement capable de choisir un PDG qui serait en mesure de jouer le rôle de directeur de la Commission canadienne du blé et de faire rapport au conseil d'administration élu.

Tous les domaines de responsabilité sont alors couverts et le secteur des activités est à part; le conseil élu ne s'occupe pas de la gestion opérationnelle et ne sape pas l'administration des affaires.

Le sénateur Stratton: Je vais essayer d'être bref, si vous permettez. Bienvenue et merci pour votre exposé fort intéressant.

On dit que le pouvoir réel de tout conseil réside dans sa capacité d'embaucher et de renvoyer le PDG et qu'à part cela, il n'a pas beaucoup d'influence. Je suis convaincu que le conseil doit être élu, en raison de la présence importante du gouvernement. Seriez-vous prêt à accepter la sélection du PDG par le ministre sur approbation du conseil?

M. Larsen: Comme il s'agit d'une question de capacité fonctionnelle, il semble que cela serait acceptable.

Le sénateur Stratton: Le gros problème bien sûr c'est de savoir qui a le pouvoir de renvoi, car c'est une question qui va finir par se poser. Il est intéressant d'entendre votre point de vue au sujet de l'inclusion et de l'exclusion -- et si je m'y intéresse, c'est peut-être parce que nous avons entendu beaucoup de témoignages à cet égard. Ceux qui ne relèvent pas de la commission en ce moment ne tiennent pas vraiment à ce qu'on leur dise que c'est ce qui va leur arriver, alors qu'ils se débrouillent fort bien sans la commission. Pouvez-vous expliquer de façon plus détaillée comment vous régleriez la question de l'inclusion et de l'exclusion?

M. Larsen: Actuellement, ce sont les groupements de producteurs spécialisés qui déclenchent la disposition d'inclusion. Je suis membre de l'Alberta Canola Council, même si je ne le veux pas; je suis membre de l'Alberta Cattle Commission, même si je ne le veux pas; je suis membre de l'Organic Crop Improvement Association également; aucune de ces organisations ne m'a jamais envoyé de sondage; or, s'agit d'organisations, notamment les deux premières, qui disposent de beaucoup de ressources, car elles pratiquent le prélèvement obligatoire. Elles ne m'ont jamais téléphoné; elles ne m'ont jamais demandé à moi ni à aucun de mes voisins ce que nous pensions de leur prise de position au sujet du projet de loi C-4. Si ces organisations déclenchent la disposition d'inclusion, comment peuvent-elles prétendre que le canola marche bien? Très franchement, le canola a été la première céréale que j'ai jamais cultivée et pratiquement aussi la dernière, car il s'agit d'un produit du marché libre. Quand j'étais à l'université, j'ai loué de la terre; j'ai dû vendre à l'automne; le prix est monté en flèche au printemps, et cetera. Il faut tenir compte du point de vue des producteurs et non de celui de ces groupements de producteurs spécialisés, car ils ne représentent pas nécessairement tous les producteurs. C'est très important. Nous aimerions que ce niveau disparaisse et que l'on traite directement avec les producteurs.

Le sénateur Stratton: Si vous permettez, êtes-vous en train de me tenir ce discours, parce que le débat porte essentiellement sur les produits qui vont être inclus et les autres? Est-ce que ce sont les producteurs qui vont voter pour l'inclusion ou l'exclusion de leurs produits?

M. Larsen: Je crois qu'il faut inclure tous les producteurs agricoles, car beaucoup d'agriculteurs ne font pas la culture du canola, simplement parce que cette céréale ne relève pas de la commission. On dénombre beaucoup d'organisations et beaucoup de producteurs, comme les producteurs de seigle, par exemple, ne sont pas regroupés. Je crois qu'il faut envisager un mécanisme qui permette de dire: «Il s'agit de la collectivité des exploitants agricoles», car nous faisons des cultures autres que celles du blé et de l'orge. Nous cultivons le colza canola, et cetera. Il faut élargir l'inclusion et tous les agriculteurs devraient pouvoir voter à cet égard, car plus on ajoute de céréales au mandat de la commission, plus cela influe sur le mandat de cette dernière.

Le sénateur Stratton: Je suis un démocrate fervent, mais dans de nombreux cas, comme je l'ai dit la semaine dernière, je m'inquiète au sujet de la tyrannie de la majorité; dans ce cas précis, les producteurs de canola ne relèvent pas de la compétence de la commission, ils se débrouillent assez bien et s'inquiètent que la majorité puisse quasiment décider de leur avenir économique. C'est une inquiétude réaliste. Comment y réagiriez-vous?

M. Larsen: La dernière fois que j'ai examiné la situation, c'était toujours une démocratie et je pense que si un vote majoritaire permet d'inclure ou d'exclure une céréale, on peut dire que la démocratie est toujours à l'oeuvre. Je ne vois pas comment on pourrait procéder autrement. Que faire? Avoir des dispositions d'exclusion ou créer une petite Bosnie et y mettre tous ceux qui ne sont pas d'accord avec la majorité?

Le sénateur Stratton: Ils ne veulent absolument pas de dispositions d'inclusion et d'exclusion.

Le président: Il vous reste trois minutes environ.

M. Bothi: Ce que nous disons, c'est que le pouvoir devrait au bout du compte revenir au producteur et à personne d'autre.

Le sénateur Hays: Je voudrais vous donner l'occasion de parler au sujet de -- et soit dit en passant, je vous félicite de réussir dans l'une des entreprises les plus difficiles qui soit. J'aimerais savoir si, d'après vous, la Commission et la stratégie adoptée ont eu un effet négatif sur la diversification et sur les cultures à valeur ajoutée; ce sont des critiques ou des inquiétudes dont il a été fait mention.

M. Bothi: Je dois le démentir, car en lisant toute la documentation publiée, notamment le rapport du groupe de commercialisation du grain de l'Ouest, j'ai découvert que l'industrie du maltage se vantait de sa réussite canadienne et que l'industrie meunière affirmait qu'elle avait toujours pu se développer et lancer ses produits à valeur ajoutée sur les marchés d'exportation. Je ne me rappelle pas des chiffres exacts, mais depuis les années 70, la croissance de l'industrie meunière équivaut à plusieurs centaines de points de pourcentage.

Cela fait contraste avec des industries comme celle de la trituration du canola qui a connu des moments difficiles dans les années 80; le gouvernement provincial a d'ailleurs aidé les triturateurs de canola en leur versant 40 millions de dollars en 1984; nous ne savons jamais si les marges ou les prix sont trop élevés et une telle instabilité a causé la fermeture d'usines l'année dernière. Nous avons connu des hauts et des bas dans plusieurs domaines. Le seigle a déjà été une céréale très importante; or actuellement, une ou deux sociétés seulement s'y intéressent et on ne sait pas ce qui en fixe le prix. Je suppose que tout est relatif.

Nous avons de la difficulté à croire que ceux qui essaient d'ajouter de la valeur aux produits commercialisés par la Commission canadienne du blé sont desservis, puisqu'ils s'en sortent relativement bien par rapport aux autres.

Le sénateur Fairbairn: Merci d'avoir répondu à notre invitation d'aujourd'hui. J'aimerais revenir sur la question de l'inclusion et de l'exclusion qui a certainement suscité un débat animé au cours de nos audiences, des deux côtés. Pouvez-vous m'expliquer la différence entre ce qui se fait actuellement et ce qui est proposé dans le projet de loi? Si je comprends bien, vous vous demandez qui va avoir le droit de vote et c'est votre principal point de préoccupation. Pourriez-vous me l'expliquer, s'il vous plaît?

M. Larsen: Il y a en fait deux points de préoccupation, sénateur. Il s'agit tout d'abord d'une question de justice naturelle, les deux dispositions devraient être symétriques. Autrement dit, le mécanisme utilisé pour l'inclusion devrait être également celui utilisé pour l'exclusion. Deuxièmement, et vous l'avez bien dit, qui déclenche la disposition d'inclusion? Cette disposition est beaucoup plus exigeante que la disposition d'exclusion. Nous proposons d'établir une symétrie entre la disposition d'inclusion et la disposition d'exclusion; en effet, dans le cas de la disposition d'inclusion, vous avez des groupements de producteurs spécialisés qui, selon beaucoup d'entre nous, ne nous représentent pas de façon légitime. Par contre, les groupements de producteurs spécialisés prétendent qu'eux seuls représentent les producteurs. Le sénateur Stratton a mis le doigt sur le problème lorsqu'il a demandé: «Qui est producteur?» Suis-je producteur de canola? Oui, à l'occasion, mais je ne suis pas sûr qu'ils me classeraient dans cette catégorie. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'assurer la symétrie entre ces deux dispositions. Suivez la proposition du comité consultatif -- instaurez une structure démocratique directe, à partir des agriculteurs jusqu'au conseil élu -- qui est structuré -- et jusqu'au ministre, puis organisez un plébiscite pour les agriculteurs. Les dispositions seraient alors symétriques.

Le sénateur Fairbairn: Il se peut que le projet de loi lui-même ne soit pas clair. J'ai toujours cru que les producteurs eux-mêmes déclencheraient le processus de décisions avant de passer au vote.

M. Larsen: C'est là que se pose le problème. Par qui sont représentés les producteurs eux-mêmes? Autant que je sache, le projet de loi fait mention des groupements de producteurs spécialisés ou des organisations représentant la majorité des producteurs du produit en question. A l'heure actuelle, il n'y a pas d'organisation de ce genre dans l'Ouest canadien qui puisse le faire. Nous proposons de mettre de côté ce niveau et de ne pas compliquer les choses; mais bien sûr, je ne suis pas avocat.

Le sénateur Whelan: Beaucoup d'observations ont été faites au sujet de la vente de céréales aux États-Unis d'Amérique. Je viens de passer la fin de semaine en Colombie-Britannique où l'industrie du bois de sciage est en péril. L'une des raisons données, c'est que l'on ne peut pas expédier de bois aux États-Unis. Pensez-vous que si la Commission du blé disparaissait, les Américains seraient heureux de nous acheter un million de tonnes de blé?

M. Larsen: J'en doute vraiment; il suffit d'observer ce qui s'est déjà passé: la dernière fois que l'on s'est débarrassé de la Commission, les Américains ont imposé un tarif de 60 p. 100 sur les céréales canadiennes au bout de six mois seulement. C'est comme si on voulait vendre du charbon à Newcastle. Les États-Unis, comme on le sait en général, sont un grand producteur de céréales. Ils n'accueilleront pas nos céréales à bras ouverts. Ils parlent beaucoup de libre-échange, mais il ne faut pas se leurrer, les débouchés pour nos céréales ne sont pas très nombreux.

Le sénateur Whelan: Ce ne sont pas de très grands libre-échangistes non plus.

M. Larsen: Non, beaucoup de gens sont prêts à le dire et je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Whelan: Ils sont très protectionnistes.

Le président: Il faut reconnaître toutefois que les échanges de céréales entre le nord et le sud sont plus nombreux que par le passé. Nous nous trouvons probablement dans un marché commun nord-américain; lorsque les États-Unis ou le Canada vendent moins cher que l'autre, les agriculteurs des deux côtés de la frontière en subissent les conséquences. On devrait pouvoir corriger la situation.

M. Bothi: Cette question a été soulevée en 1990 et abordée par la Commission Steers, laquelle a conclu que le marché continental prend de l'ampleur, en raison de l'ALÉNA. Le Comité Steers a déterminé deux options à ce moment-là. La première consistait à intégrer les normes canadiennes de qualité, commercialisation, et cetera, à celles des États-Unis. Cela résoudrait le problème, tout serait équivalent et les échanges se feraient librement. La deuxième option consistait à maintenir les normes canadiennes en matière de céréales -- et il a été conclu que la Commission canadienne du blé jouait un rôle important à cet égard. Pour servir les intérêts financiers du producteur individuel, c'est la deuxième option qui a été retenue dans le rapport.

Le sénateur Spivak: Lorsque vous parlez des trois piliers, il me semble que vous oubliez la fonction de la Commission canadienne du blé relative à la vente dirigée.

Si l'on faisait beaucoup d'achat au comptant et que les recettes n'étaient pas également réparties entre les divers groupements, j'aimerais savoir comment vous réagiriez et si les agriculteurs continueraient d'accepter le principe d'un point de vente unique.

M. Larsen: Je ne crois pas que l'on conserverait la confiance des agriculteurs si l'on adoptait le principe de l'achat au comptant à grande échelle, car cela reviendrait à dresser un agriculteur contre l'autre, une région contre l'autre.

Le sénateur Spivak: Que pensez-vous donc de l'achat au comptant?

M. Larsen: Il faudrait le limiter au niveau des ports seulement, peut-être, et ne pas mettre les agriculteurs en cause, car cela ébranle tout le principe de l'équité. Par ailleurs, au sujet de la vente dirigée -- qui nous ramène à la question des échanges nord/sud -- il ne faut pas oublier que notre production de blé et d'orge équivaut à 20 p. 100 de la production mondiale. Comment le marché libre pourrait-il absorber cette quantité de céréales en l'espace de trois à six mois, sans que cela n'ait d'effet sur les cours -- ce qui nous amène à l'autre point fort de la Commission, à savoir qu'elle étale ses ventes de manière à ne pas inonder le marché de céréales, ce qui entraînerait la chute des cours, possibilité réelle que l'on observe souvent dans le cas d'autres produits.

Le président: Merci pour votre exposé.

Nous allons maintenant demander à Greg Rockafellow et à Doug Robertson, de la Western Barley Growers Association, de se présenter. Nous vous souhaitons la bienvenue, messieurs, et vous demandons de faire votre exposé à la suite duquel les sénateurs vous poseront des questions.

M. Doug Robertson, Western Barley Growers Association: Nous aimerions remercier le comité sénatorial de donner à la Western Barley Growers Association l'occasion de présenter ses points de vue au sujet de ce projet de loi fort litigieux. Nous allons déposer un mémoire écrit qui expose nos points de vue plus en détail et espérons qu'il vous sera utile pour vos délibérations.

Tout d'abord, disons clairement que même si la Western Barley Growers Association reconnaît la nécessité de remanier complètement le projet de loi C-4 sous son libellé actuel, elle préfère une participation volontaire à la Commission canadienne du blé, et non l'instauration d'un nouveau monopole amélioré. Si la participation à la Commission canadienne du blé était volontaire, la plupart des problèmes relatifs à la Loi sur la Commission canadienne du blé et à la Commission elle-même en général disparaîtraient. Les marchés et la concurrence le garantiraient. Nous préférerions également une vérification annuelle authentique de la Commission du blé par le vérificateur général pour qu'elle soit plus responsable à l'égard des agriculteurs, même si seules les anciennes données et non celles de la campagne agricole en cours sont examinées. Une telle approche, ainsi que les règles qui permettent au vérificateur général d'exempter les documents indicatifs du marché, devraient suffire pour dissiper les inquiétudes exprimées par la Commission du blé au sujet d'un éventuel avantage concurrentiel découlant de la divulgation de renseignements secrets en matière de ventes. Selon nous, plus que tout autre changement proposé par le projet de loi C-4, ces changements permettraient de sensibiliser la Commission aux réalités du marché de la fin du XXe siècle.

Compte tenu du peu de temps dont nous disposons pour cet exposé oral, nous aimerions nous concentrer sur deux domaines seulement, soit l'efficacité du conseil d'administration et les dispositions relatives à l'inclusion et à l'exclusion. Notre mémoire écrit traite d'autres questions également. Selon M. Goodale, le principal avantage de ce projet de loi, c'est qu'il va donner aux agriculteurs le contrôle de la Commission canadienne du blé, puisque 10 d'entre eux seront élus au conseil d'administration. C'est complètement faux et il le sait très bien. Tout d'abord, c'est lui qui nommera le président ou le PDG, non le conseil d'administration. Le président est chargé de diriger la Commission canadienne du blé. Le conseil d'administration qui n'a aucun contrôle sur le président sera donc amené à donner des approbations automatiques à l'instar des assemblées de délégués des trois syndicats du blé des Prairies, et n'aura aucun pouvoir. Ottawa approuve le plan général de la Commission et tous les aspects financiers relatifs à la Commission canadienne du blé, si bien que le conseil approuvera ce qu'Ottawa jugera être dans les meilleurs intérêts de la Commission et non dans ceux des agriculteurs.

Deuxièmement, le projet de loi stipule très clairement que le conseil d'administration et le président doivent agir dans les meilleurs intérêts de la Commission, non pas uniquement pour répondre aux exigences de leurs postes, mais pour se protéger de toute responsabilité. Ils ne peuvent absolument pas transmettre des renseignements à quiconque à l'extérieur de la Commission du blé ni non plus faire quoi que ce soit qui aille à l'encontre des souhaits d'Ottawa, à moins d'être renvoyés.

Troisièmement, comme M. Goodale nomme cinq administrateurs, y compris le président, il suffit d'élire trois administrateurs de plus selon les modalités précédentes pour faire échec aux souhaits de la majorité des producteurs. Même si 70 p. 100 des administrateurs agriculteurs sont pour une participation volontaire à la Commission canadienne du blé à l'avenir, leur proposition sera rejetée par huit voix contre sept.

Quatrièmement, le projet de loi ne s'engage nullement à ce que les dix administrateurs élus soient des agriculteurs; et puisque M. Goodale préside à l'élection, nous avons peu d'espoir que ces personnes-là soient impartiales. Il suffit de penser au récent plébiscite sur l'orge qui a révélé selon les propres données de M. Goodale que 80 p. 100 des agriculteurs préféreraient une participation volontaire à la Commission du blé. C'est pour cela qu'il a refusé d'inclure cette option et qu'il a simplement demandé aux agriculteurs s'ils voulaient conserver la Commission du blé telle qu'elle est ou s'ils voulaient s'en débarrasser purement et simplement. Près de 40 p. 100 des agriculteurs des Prairies lui ont dit de supprimer la Commission du blé, de toute façon.

Si M. Goodale tenait véritablement à donner aux agriculteurs la responsabilité qu'ils demandent, il n'aurait qu'à examiner la situation de la Commission ontarienne du blé. Ottawa garantit la plupart de ses ententes financières de la même façon que pour la Commission du blé, mais 10 agriculteurs élus sont chargés du fonctionnement et de la surveillance de la Commission ontarienne, sans aucune intervention de la part de représentants fédéraux nommés. Ils ont le pouvoir d'embauche et de renvoi et n'ont pas besoin de demander à M. Goodale ou au cabinet de permission chaque fois qu'ils veulent se réorganiser.

Dernièrement, les administrateurs de cette Commission ont voté à 90 p. 100 en faveur de la participation volontaire. M. Goodale prétend que des représentants fédéraux nommés doivent siéger au sein de la Commission du blé, puisque Ottawa donne plus de garanties financières à la Commission du blé qu'à la Commission ontarienne. Si c'est tout ce qui empêche les agriculteurs des Prairies de jouir de la même liberté que les agriculteurs de l'Ontario et du Québec, je peux dire que la majorité des agriculteurs des Prairies sont prêts à renoncer à ces garanties supplémentaires. Il est moralement injuste que la loi continue d'adopter le principe de deux poids deux mesures.

M. Rockafellow, président, Western Barley Growers Association: Monsieur le président, je vais poursuivre.

J'aimerais m'attarder quelques instants sur la disposition relative à l'inclusion et à l'exclusion, ainsi que sur l'amendement de dernière minute proposé par le ministre Goodale, puisque le canola est une des cibles préférées de la Commission. Les agriculteurs se sont mis à cultiver le canola -- malgré les plus grands risques que cela suppose -- au lieu de cultiver le blé et l'orge, car c'était une céréale qui ne relevait pas du mandat de la Commission et qui pouvait produire des rentrées d'argent bien nécessaires, lorsque les céréales relevant du mandat de la Commission ne rapportaient pas beaucoup ou lorsque les agriculteurs avaient besoin d'avances, de liquidités. Le marché des opérations à terme permet de régler le risque de prix. Le canola est une céréale facile à vendre et rapidement payable. Les cours mondiaux sont visibles et fixés par le marché libre par opposition aux céréales relevant du mandat de la Commission et dont les cours, toujours inférieurs aux cours mondiaux, sont fixés par des bureaucrates. En fait, ce n'est que lorsque les bureaucrates se sont mêlés du canola que les agriculteurs ont commencé à avoir des problèmes. Je veux parler du moment où les négociants ont supplanté les producteurs dans le domaine du transport et où le marché d'appel de liquidités s'est tenu à Vancouver.

Il semble que le ministre Goodale et le cabinet tiennent véritablement à semer la pagaille en incluant le canola et d'autres céréales dans le champ de compétence de la CCB. Cela ne répond pas aux souhaits des agriculteurs, mais à ceux des libéraux fédéraux et des trois syndicats du blé des Prairies. La Western Barley Growers Association s'oppose fondamentalement au fait que la CCB contrôle davantage de céréales, alors que des études indépendantes révèlent qu'elle n'arrive pas à commercialiser comme il le faut les céréales relevant de son mandat. Si les agriculteurs cultivent le canola, c'est pour éviter la Commission et nous ne serons jamais en faveur de l'inclusion du canola. Les sénateurs de l'Ontario et du Québec devraient également examiner de près cette disposition d'inclusion. À l'instar des conseillers juridiques, nous pensons que rien n'empêche les groupes de producteurs de l'Ouest de présenter des pétitions à la CCB pour inclure n'importe quelle céréale cultivée au Canada dans le champ de compétence de la CCB et partant, dans celui du gouvernement fédéral. Je suis sûr que vos agriculteurs ne seraient pas plus contents que nous si le gouvernement fédéral leur disait où ils peuvent vendre les produits agricoles qu'ils cultivent et pour combien.

Je propose donc que vous n'appuyiez pas la disposition d'inclusion sous quelque forme que ce soit. On a dit qu'il fallait une disposition d'inclusion à cause de la disposition d'exclusion. On a prétendu qu'on pourrait ainsi plus facilement soustraire des céréales au contrôle de la CCB, ce qui ne serait pas le cas si on conservait la loi actuelle. C'est tout à fait le contraire. En vertu de la loi actuelle, seul un décret du cabinet peut retirer une céréale du champ de compétence de la CCB.

Le projet de loi C-4 exige cinq étapes dont chacune peut torpiller cette suppression. Tout d'abord, cela doit être recommandé par le conseil d'administration, ce qui est fort peu probable, étant donné que légalement il doit servir les meilleurs intérêts de la Commission, tels qu'ils sont définis par Ottawa. Deuxièmement, la Commission canadienne des grains doit mettre en place un procédé de caractérisation de la céréale en cause afin d'éviter qu'elle ne soit confondue avec d'autres, tâche monumentale et tout à fait inutile. Troisièmement, un plébiscite des producteurs conçu et dirigé par le ministre Goodale doit l'emporter, plébiscite qui -- si l'on s'en tient à la façon dont le ministre a formulé la question pour le plébiscite sur l'orge -- ne serait jamais juste ou probable. Enfin, le ministre et le cabinet doivent approuver l'exclusion, ce qui équivaut au bout du compte à exposer tout le processus aux caprices du pouvoir politique.

Le fait est que le processus d'exclusion ne mène à rien de pratique. Une céréale peut uniquement être exclue si le cabinet adopte un règlement en ce sens. Le projet de loi C-4 abroge également, en catimini, l'alinéa 46b), qui permettait l'adoption de tels règlements. La seule façon dont nous pouvons exclure une céréale, une fois les cinq étapes franchies, c'est d'élaborer et d'adopter un projet de loi, comme le projet de loi C-4, pour modifier la loi. Je ne crois pas qu'on soit prêt à reprendre tout le processus.

En ce qui concerne l'amendement de dernière minute proposé par le ministre Goodale, l'opposition a eu raison de le rejeter. Il facilite l'inclusion de grains dans la compétence de la CCB, mais rend leur exclusion encore plus compliquée. Il ne ferait qu'alourdir encore davantage les obstacles insurmontables que j'ai déjà mentionnés. D'abord, les agriculteurs doivent demander au ministre de tenir un vote sur l'exclusion. Deuxièmement, ils doivent voter en faveur de l'exclusion. Troisièmement, ils doivent attendre que le ministre élabore un projet de loi pour exclure la céréale en question et espérer qu'on l'adopte. Une fois ces étapes franchies, ils peuvent entreprendre le processus d'exclusion en cinq points déjà mentionné. Nous pensons qu'il est fortement improbable qu'une céréale puisse franchir ces trois premières étapes, et ensuite les cinq autres. Par conséquent, les dispositions d'inclusion et d'exclusion devraient être supprimées et remplacées par une autre, soit un simple vote pris auprès des agriculteurs, administré par un organisme indépendant du ministre et de la CCB. M. Goodale sait fort bien qu'une CCB à participation volontaire survivrait et prospérerait.

M. Robertson: La Western Barley Growers Association estime que les nombreux problèmes que pose la Commission canadienne du blé et ceux que crée le projet de loi C-4 rendent impossible toute solution politique. Les libéraux fédéraux et M. Goodale se servent de la Commission non pas pour commercialiser le grain, mais plutôt pour permettre aux bureaucrates fédéraux et aux politiciens d'exercer une mainmise sur les agriculteurs de l'Ouest. Par conséquent, nous proposons le retrait de l'orge du mandat de la Commission, et la création d'une Commission canadienne du blé à participation volontaire pour le blé. Comme seul un petit pourcentage d'orge est vendu par l'entremise de la Commission, tant que les agriculteurs n'auront pas accès aux prix internationaux, ce sont tous les producteurs d'orge de l'Ouest qui seront pénalisés du fait qu'ils n'ont accès ni au prix ni aux marchés mondiaux.

De nombreux sondages, votes, études, et même le comité de mise en marché des grains, dont les membres ont été choisis par M. Goodale, proposent à tout le moins la création d'une Commission canadienne du blé à participation volontaire, ou le retrait de l'orge du mandat de la Commission. M. Goodale n'a pas tenu compte de ces recommandations et tente maintenant d'accroître le contrôle qu'exerce la Commission par le biais de la disposition d'inclusion. Pour reprendre les mots de M. Goodale, «la liberté de l'un est la camisole de force de l'autre». Au moyen du projet de loi C-4, il passe la camisole de force aux producteurs d'orge de l'Ouest, alors que ces derniers souhaitent simplement être libres de vendre leur propre grain.

Le sénateur Hays: Vous avez tout d'abord parlé du secret entourant la Commission, et du fait qu'il est difficile d'avoir des renseignements sur les décisions qu'elle prend concernant la commercialisation des grains, l'établissement de prix, ainsi de suite. On nous a dit que la Commission a ceci d'avantageux qu'elle peut pratiquer la discrimination par les prix, c'est-à-dire d'imposer aux clients des prix différents pour un même type de grain. On nous a également dit que les négociants -- je ne les nommerai pas, puisque nous savons qui ils sont -- n'en parlent pas, mais la Commission est favorisée par le fait qu'elle exerce un contrôle sur un produit particulier, c'est-à-dire un type de blé, et qu'elle conclut des ententes à long terme avec les clients, ce qui lui donne un avantage. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

Dans une certaine mesure, j'ai l'impression qu'on cherche tout simplement à s'attaquer à la Commission, à remettre en question le monopole qu'elle exerce en tant que concurrent. Parce qu'elle détient un monopole et constitue un point de vente unique, on soutient qu'elle ne livre pas une juste concurrence aux gens qui assurent la commercialisation de produits similaires au pays.

Il y aussi, je suppose, un problème de confiance. On ne fait pas confiance à la Commission et celle-ci doit opérer de façon plus transparente.

M. Rockafellow: J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de la transparence de la Commission, un point qui soulève beaucoup de questions parmi les producteurs. Ceux-ci font de moins en moins confiance à la Commission, comme en témoigne ce débat qui dure depuis quelques années. On pourrait, par exemple, demander au vérificateur général d'examiner les livres. Il n'est pas obligé d'examiner les ventes de cette année ou de l'année dernière, mais peut-être celles qui remontent à trois ans ou encore à 60 ans. Il peut ensuite décider si la Commission a été juste.

Le sénateur Hays: Ce que j'essaie de savoir, c'est pourquoi vous ne faites pas confiance à la Commission. Bien entendu, les partisans de la Commission soutiennent que le secret entourant ses activités et son statut de concurrent constituent des aspects importants de son mandat, puisqu'elle doit obtenir le prix le plus élevé possible pour les céréales qu'elle commercialise. Il y a aussi le fait que vous ne vendez pas votre grain à la Commission, mais plutôt qu'elle le commercialise pour vous.

M. Rockafellow: Nous partons du principe que la Commission peut obtenir le prix le plus élevé possible en raison du monopole qu'elle exerce. Elle exerce son monopole non pas en achetant, mais en vendant le grain que lui fournissent les producteurs des Prairies. Elle livre concurrence à de nombreuses sociétés céréalières dans divers pays du monde. Donc, l'argument selon lequel ce monopole nous donne un avantage à l'échelle internationale ne tient pas. Ce qui choque les agriculteurs avant tout, c'est le prix qu'ils reçoivent de la Commission canadienne du blé par rapport à celui que reçoivent les autres agriculteurs à l'échelle mondiale, ou ce qu'ils peuvent obtenir par arbitrage. Qu'il s'agisse du marché américain, du marché national ou des marchés sur lesquels la Commission n'exerce aucun contrôle, lorsque vous jetez un coup d'oeil sur la rentabilité de votre exploitation, vous constatez que les grains qui relèvent de la compétence de la Commission ne rapportent pas nécessairement grand chose. Il suffit de voir si les agriculteurs peuvent vendre leur produit de manière rentable sous ce régime, et la réponse est non.

M. Robertson: On a laissé entendre que, d'après la loi, la Commission doit obtenir le meilleur prix possible pour le grain qu'elle vend. C'est faux. Nulle part est-il écrit que la Commission doit même essayer d'obtenir le meilleur prix. Elle doit uniquement vendre le grain que lui remettent les producteurs. Nous devons lui faire confiance.

Vous avez essayé de comparer la Commission aux sociétés céréalières. Nous entendons souvent ce commentaire, «eh bien, je ne vois pas les livres de Cargill quand je lui livre du grain.» Cela n'a pas d'importance, parce que tout ce que je dirais à Cargill ou peu importe à qui je vendrais du grain, les syndicats du blé par exemple, serait, «dites-moi combien vous me donnez pour mon grain, et si je trouve votre prix acceptable, vous pouvez en faire ce que vous voulez». Je me moque de ce que l'on fait du grain. Je n'ai pas à m'inquiéter de savoir si Cargill sera là ou non demain. Je n'ai pas à me demander si la Commission remplit bien son mandat.

Par exemple, si vous me vendez un produit 2 $ et que j'accepte de vous verser un dollar maintenant et un dollar plus tard, selon que j'arrive ou non à le vendre, vous allez vouloir savoir si mes efforts ont porté fruit. Par ailleurs, si je vous dis, dès le départ, «je vais vous donner 2 $ pour ce produit» et que c'est le prix que vous voulez, plus rien ne comptera pour vous à partir de ce moment-là. Voilà où se situe le problème. Nous pensons, à tort, que la Commission doit obtenir le meilleur prix possible pour le grain qu'elle vend.

La loi ne dit rien à ce sujet. C'est là le problème. La Commission n'est pas tenue de faire quoi que ce soit. Mais là n'est pas la question. Le problème, c'est que, en tant que producteur, je n'ai pas le droit de dire, par le biais d'un vote, si elle remplit bien ou non son mandat.

Si la participation à la Commission était volontaire, je n'attacherais aucune importance à la question de savoir si elle remplit bien ou non son mandat parce que j'aurais le choix de lui faire confiance ou non. Si j'étais d'avis qu'elle mérite notre confiance ou qu'elle cherche à obtenir le meilleur prix possible, je miserais sur elle. Sinon, je regarderais ailleurs. Mais je n'ai pas ce choix. Le monopole est censé vous donner un pouvoir de force. Or, je ne vois aucune preuve de ce pouvoir quand la Commission exerce son monopole en tant qu'acheteur, et non en tant que vendeur.

Le sénateur Hays: Avez-vous des exemples de régimes de mise en commun à participation volontaire qui fonctionnent bien?

M. Robertson: Est-ce que vous parlez des régimes de mise en commun dirigés par une coopérative ou des régimes de mise en commun des céréales?

Le sénateur Hays: Eh bien, des régimes de mise en commun de produits. Pour moi, le régime de mise en commun signifie que tous les producteurs s'engagent à mettre leurs ressources en commun, à opter pour un prix commun, à partager les recettes, quelles qu'elles soient. Le modèle que vous proposez serait à participation volontaire.

Existe-t-il des exemples de régimes, comme celui que vous proposez, qui, à votre avis, sont efficaces?

M. Robertson: Nous ne pouvons pas établir une commission à participation volontaire parce que les États-Unis ont essayé de le faire, mais sans succès. Nous ne pouvons donc pas nous inspirer de ce modèle. Il existe des exemples, et je ne les ai pas sous la main, de régimes de mise en commun qui sont efficaces et qui s'appliquent à divers produits, y compris le grain. Toutefois, nous ne demandons pas à ce qu'on établisse un régime pour un produit particulier. Nous voulons un régime qui réponde aux besoins du Canada. L'idée qu'on soit obligé de créer un système identique au modèle américain et de copier tout ce qu'ils font est tout à fait ridicule. Nous avons la possibilité de créer un régime unique. Le problème avec la Commission, c'est qu'elle ne comprend pas les modalités des contrats.

Je suis obligé, en tant que producteur, de comprendre ce que disent les contrats parce que lorsque je m'engage, par contrat, à livrer du canola à une société céréalière, par exemple, mais que la quantité ou la qualité n'y est pas, cela me coûte de l'argent. Il y a une clause de rendement dans le contrat. C'est ce qu'on appelle un contrat immuable.

Si la Commission, au début de la campagne agricole, voulait qu'on lui fournisse des garanties quant à l'approvisionnement, les producteurs seraient tout à fait disposés à les lui donner. J'ai parlé à bon nombre d'entre eux. Si je veux fournir tout mon blé dur à la Commission, je signe un contrat. Je suis obligé de le faire. Si je ne respecte pas ce contrat, j'en subis les conséquences. Si je veux que le canola que je produis soit régi par la CCB, tant mieux. Autrement, j'ai le droit de faire affaire avec un organisme autre que la Commission.

C'est très simple. L'idée de confier une quantité importante de grain à un monopole en vue d'obtenir un meilleur prix est ridicule. Si vous examinez les faits, et la CCB le reconnaît, il suffise qu'elle fasse affaire avec des acheteurs qui sont prêts à payer le gros prix. Supposons que les acheteurs de la Commission acceptent de débourser 50 $ pour une tonne de grain, et que tous les autres à l'extérieur de ce groupe ne la paient que 30 $. Toutes les tonnes de grain que vous vendez au prix de 30 $ diminuent le prix commun. Vous faites du tort aux producteurs qui ont fourni du grain de qualité au système de mise en commun.

Le fait d'avoir moins de grain à vendre ne peut que servir les intérêts de la CCB. Elle n'est pas obligée d'obtenir le meilleur prix possible pour celui-ci, mais elle doit le vendre, conformément à la loi. Cela a impact sur le prix commun et nuit aux producteurs qui font partie du système. Donc, le fait d'avoir moins de grain sous sa compétence constitue un avantage pour la Commission.

L'idée qu'on inonderait le marché avec ce grain si la CCB n'en assurait pas la commercialisation de façon ordonnée est tout à fait ridicule. Je ne vends pas mon grain en même temps que Greg. De plus, nous vendons des céréales qui ne sont pas régies par la Commission, nos coûts de production n'étant pas les mêmes. La situation de chaque agriculteur est unique. Si vous demandez à dix agriculteurs de vous dire quel est le meilleur prix qu'on peut obtenir pour le canola, vous allez obtenir dix réponses différentes quant au prix qu'ils accepteraient ce jour-là. Et le prix que je vais accepter demain sera peut-être différent de celui d'aujourd'hui, puisque j'aurai peut-être reçu entre-temps un appel de la banque qui me réclame un paiement.

L'idée que nous allons inonder le marché avec notre grain est ridicule. Il ne sera pas acheminé aux États-Unis si nous réussissons à avoir accès à un prix mondial parce qu'il y a, dans les contrats à terme, ce que nous appelons une «menace de livraison». Cela vaut aussi pour le grain livré aux États-Unis. S'il quelqu'un menace de livrer son grain en vue d'obtenir le prix mondial, je vais avoir droit au même prix à la ferme, moins ce qu'il en coûte pour en assurer le transport jusqu'au point de livraison le plus rapproché, que ce soit aux États-Unis ou dans un autre pays. Je suis prêt à parier que, demain, pas un seul boisseau de plus ne traverserait la frontière si nous avions un marché de libre concurrence.

Le sénateur Spivak: Combien de membres compte votre association? Qui représentez-vous?

M. Rockafellow: Nous comptons environ 600 membres.

Le sénateur Spivak: C'est-à-dire 600 agriculteurs?

M. Rockafellow: Oui. Nous vous exposons aujourd'hui les points de vue qui ont été exprimés lors d'une convention qui a eu lieu récemment et au cours de laquelle de nombreuses résolutions ont été adoptées et soumises à l'association.

Le sénateur Whelan: Combien de producteurs d'orge y a-t-il dans l'Ouest?

M. Robertson: L'Alberta Barley Commission, qui doit comparaître devant le comité aujourd'hui, va sûrement être en mesure de vous le dire. D'après la Commission, il y en aurait entre 35 000 et 40 000. Je ne sais pas combien en compte la Saskatchewan et le Manitoba.

M. Rockafellow: Il suffit de jeter un coup d'oeil sur le nombre de tonnes métriques que la Commission reçoit en moins, année après année. En ce qui nous concerne, nous avons pour mandat de défendre les intérêts des agriculteurs que nous représentons. C'est pour cette raison que nous n'avons pas réclamé la disparition de la Commission, parce que les producteurs devraient avoir la possibilité de transiger avec elle s'ils le désirent. Toutefois, je ne devrais pas être obligé de le faire. Nous avons parlé de la règle de la majorité. Les témoins qui nous ont précédés ont eux aussi abordé le sujet. Or, dans les faits, nous n'avons jamais l'occasion de tenir un vote et de vérifier si c'est bien la majorité qui l'emporte. Ce principe fonctionne tant que vous n'êtes pas obligé de faire quelque chose.

Pourquoi la Commission donne-t-elle l'impression qu'elle fonctionne comme une coopérative alors que ce n'est pas le cas? Une vraie coopérative, par définition, est une association à participation volontaire. Quand je fais affaire avec la United Farmers Association, qui est une coopérative, ou n'importe quel autre groupe, c'est moi qui décide si je veux ou non acheter ou non du grain ou du matériel agricole de cette coopérative. Je ne serai pas pénalisé si je décide de ne pas acheter un John Deere de cette coopérative.

Il y en va de même avec les régimes de mise en commun. Si je veux fournir du grain au syndicat du blé de l'Alberta, ou à n'importe quel autre syndicat, et obtenir en retour un prix commun ou un autre montant, c'est mon choix. Toutefois, cela ne veut pas dire que je suis obligé de livrer chaque boisseau à ce syndicat-là. C'est ridicule. Personne n'accepterait cela.

Le sénateur Whelan: Nous savons que les producteurs d'orge ont décidé de rester affiliés à la Commission. Je présume, d'après votre mémoire, que ce vote ne voulait rien dire? Vous demandez que la Commission exclue l'orge de son mandat, sans tenir de vote.

Avant de répondre, je tiens à vous signaler que les activités de la Commission font l'objet d'un examen par un cabinet de vérificateurs bien connu et très respecté. Elle fait l'objet d'une vérification tout comme de nombreuses autres grandes entreprises. J'ai été un des membres fondateurs et un des dirigeants de la Commission du blé de l'Ontario, et je sais comment elle fonctionne. Cette question soulève peu d'intérêt. S'ils la soumettaient à un vote en Ontario, ils ne pourraient jamais obtenir ce qu'ils veulent. Maguire, qui est le président de la Wheat Growers Association, a dit que cela ne l'intéresse pas. Quand on l'a interviewé après les réunions, il a dit qu'il n'accepterait pas d'être assujetti à des règles restrictives parce que vous devez, dès l'automne, indiquer si vous avez l'intention de vendre du blé à un organisme autre que la Commission en Ontario. Cela n'a pas encore été approuvé, soit dit en passant, et ne le sera peut-être pas.

Comme je l'ai déjà mentionné, je reviens de la Colombie-Britannique où j'ai passé trois jours à écouter les gens parler du secteur forestier et des mesures restrictives auxquelles ils doivent se conformer pour exporter du bois aux États-Unis. Ils ne peuvent augmenter leurs exportations, leurs ventes étant assujetties à des quotas. J'ai eu l'occasion de rencontrer, au fil des ans, trois secrétaires de l'agriculture des États-Unis, et ils étaient tous protectionnistes. Les membres du Congrès et les sénateurs au sud de la frontière figurent parmi les plus ardents partisans du protectionnisme que je connaisse.

Je ne peux pas croire qu'ils vont permettre que le marché américain soit inondé de grain. Ce ne sont pas des libre-échangistes. Ils le sont uniquement quand ils arrivent à dominer un marché.

M. Rockafellow: Sénateur Whelan, vous avez raison de dire que les Américains sont très protectionnistes. Ils le deviendront encore plus, leurs exportations accusant cette année un déficit. Vous vous souvenez de l'affaire du marché continental de l'orge, il y a quelques années de cela. Vous avez peut-être vu à la télévision les gros camions qui faisaient la queue au silo Shelby. Le camion qui était en tête de ligne, si vous avez vu cette séquence, transportait du grain qui provenait de notre exploitation agricole. Le problème, c'est que la Commission était disposée à me donner un dollar le boisseau, soit 80 cents américains, pour le grain que je lui vendais. Les agriculteurs américains, eux, touchaient 2,40 $ le boisseau. J'ai appelé certains de mes amis, aux États-Unis, pour les informer du prix qu'on nous offrait. Cette année, l'Ouest canadien a produit 13,5 millions de tonnes d'orge. La Commission va en vendre 700 000, ce qui représente 3 p. 100 de la production. Peut-on dire qu'elle est efficace si elle n'arrive à vendre que 3 p. 100 de notre production?

M. Robertson: Il y a trois points que j'aimerais souligner. D'abord, les Américains vont-ils nous permettre d'écouler sur leur marché une grande quantité de grain? Comme Greg l'a dit, sûrement pas. Il ne faut pas croire, non plus, que la Commission est blanche comme neige parce que nous avons des documents, datant de quelques années, qui montrent que la Commission a écoulé, au sud de la frontière, de l'orge qu'elle avait achetée à Westlock et payée 90 cents le boisseau, dans le seul but de narguer les Américains.

Comme je l'ai déjà mentionné, il y a cette menace de «livraison» dont il faut tenir compte et qui peut, à elle seule, faire augmenter le prix à la ferme. Si on nous permet d'avoir accès au marché mondial, les États-Unis ne seront plus inondés de grain parce que le prix que j'obtiendrai à la ferme sera le même que celui accordé au port ou au point de livraison américain, moins les coûts de transport. C'est le prix que j'obtiendrai, parce que c'est ce qu'il m'en coûterait pour livrer mon grain au point de livraison américain. Supposons qu'ils me donnent 100 $ et que j'en dépense trente pour acheminer le grain là-bas. Je devrais recevoir 70 $ des responsables de l'élévateur régional. Si je n'obtiens pas ce montant, je vais menacer de livrer mon grain. C'est aussi simple que cela. Tous les exploitants des parcs d'engraissement dans le sud de l'Alberta sont conscients des prix, jusqu'au dernier cent, et ils sont prêts à agir. Ils sont prêts à acheter du grain des États-Unis si le prix est intéressant. Je n'y vois aucun problème, du moment qu'on puisse appliquer les mêmes règles.

Pour ce qui du vote sur l'orge, parlons-en. Comme nous l'avons mentionné, le ministre de l'Agriculture nous a consultés, et je sais qu'il a pris le temps de bien formuler la question parce qu'après avoir interrogé tout le monde, il s'est rendu compte qu'il perdrait le vote s'il posait la question suivante, «Voulez-vous avoir accès au double système de commercialisation?» Il n'a pas osé poser la vraie question, parce qu'il n'avait pas le courage de le faire. Il s'est rendu dans les régions situées plus au nord, où il compte beaucoup d'appuis, et n'a pas cessé de téléphoner aux gens pour leur demander, «si nous formulions la question de cette façon, seriez-vous plus porté ou moins porté de voter oui ou non?» Il a longuement travaillé la question, demandant aux producteurs, «Voulez-vous que la Commission disparaisse?» Comme je l'ai déjà indiqué, je suis surpris de voir que près de 40 p. 100 des répondants ont dit oui, signe que la colère gronde parmi les producteurs. C'est 20 p. cent de plus que lors du dernier sondage réalisé par le ministre.

La question n'est pas, «Allez-vous faire disparaître la Commission?» Personne ne veut sa disparition, sauf un très petit nombre de producteurs qui en ont assez. La plupart d'entre nous voulons que la Commission soit au service des agriculteurs, et non des bureaucrates fédéraux qui veulent imposer un prix et des conditions aux producteurs. Nous aimerions qu'elle travaille en notre faveur. Or, la loi dit clairement que la Commission ne peut servir les intérêts des agriculteurs.

En ce qui concerne la vérification, Wayne Easter, tout excité, s'est mis à agiter le rapport de vérification du cabinet Deloitte & Touche et a demandé, «Êtes-vous en train de dire que le cabinet Deloitte & Touche n'est pas fiable?» Là n'est pas la question. Le rapport de vérification et la vérification du rendement sont deux choses différentes, et c'est ce que nous voulons. Le rapport de vérification sert à calculer les bons au comptant et à vérifier les totaux. De nombreux comptables, dont le mien, m'ont dit qu'ils calculaient les bons au comptant dans le cadre de la vérification. Ces rapports de vérification ne veulent pas dire grand-chose.

Le président: Je vous remercie de votre témoignage. Je vais permettre au sénateur St. Germain de poser une brève question.

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Whelan a raison de dire que l'industrie forestière a de sérieux problèmes avec les Américains. C'est parce que les gouvernements fédéral et provincial ont décidé d'établir un système de quotas tout à fait ridicule, un système qui cause énormément de tort à l'industrie en Colombie-Britannique. Si les Américains commençaient à subventionner leurs agriculteurs, ce qu'ils font parfois, croyez-vous que le double système de commercialisation constituerait une solution efficace, ou est-ce qu'à ce moment-là, vous inonderiez la Commission de votre grain, ce qui aurait presque pour effet de la paralyser?

M. Rockafellow: Il faut tenir compte du marché, que nous ayons ou non une commission ouverte, un double système de commercialisation, ou que ce soit les agriculteurs eux-mêmes qui s'occupent de vendre leur grain. Le grain se vend actuellement 70 $ la tonne en Europe. Les Américains vont sans doute prendre des mesures de représailles -- c'est ce que veulent les agriculteurs. Nous venons tout juste de participer aux travaux du comité consultatif national sur la protection du revenu, et les intervenants ont souvent mentionné le fait que les subventions à l'échelle internationale, en Europe et aux États-Unis surtout, étaient beaucoup plus élevées qu'au Canada. Nous nous situons entre l'Australie et les États-Unis. Quand nous commençons à créer des programmes spéciaux pour aider le secteur agricole, les gens ont l'impression que cela contribue à renforcer notre position concurrentielle à l'échelle internationale. C'est faux. Ces mesures ne font qu'accroître la concurrence entre les agriculteurs eux-mêmes. Chaque fois que nous investissons de l'argent dans un programme pour régler un problème, le prix des terres et de l'équipement agricoles augmente, tout comme le loyer foncier, de sorte que les agriculteurs se retrouvent sans argent. Qu'il y ait ou non une commission ou que les agriculteurs s'occupent ou non de vendre leur grain, cela ne changera rien au marché mondial. La Commission doit livrer concurrence sur ce marché. Elle ne peut pas obtenir trois fois le prix demandé par le marché mondial pour le grain. Comment y arriverait-elle? Qui l'achèterait?

Le président: Messieurs, je vous remercie d'avoir comparu devant nous ce matin.

M. Rockafellow: C'est à nous de vous remercier. Notre exposé a été très bref. Nous devrions recevoir notre mémoire d'un instant à l'autre, et j'invite tous les sénateurs à le lire.

Le président: Honorables sénateurs, je vais maintenant demander à MM. Ness et Docksteaderm, de la Prairie Centre for Prairie Agriculture Inc., de prendre la parole.

Bonjour, messieurs. Nous avons environ une demi-heure. Vous pourriez d'abord présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions. Pouvez-vous nous dire où se situe votre exploitation agricole, et qui vous représentez?

M. Jim Ness, président, Prairie Centre for Prairie Agriculture Inc.: J'exploite une ferme à New Brigden, en Alberta.

M. Craig Docksteader, coordinateur, Prairie Centre for Prairie Agriculture Inc.: Je m'appelle Craig Docksteader. Je suis le coordinateur du Prairie Centre. Je ne suis pas agriculteur. Je m'occupe plutôt de la recherche et des tâches administratives.

M. Ness: Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie d'être venus dans l'Ouest pour entendre les préoccupations des agriculteurs et des associations agricoles, qu'ils soient ou non en faveur de la Commission canadienne du blé. Je tiens à vous féliciter pour votre travail. Je tiens également à vous remercier de nous donner l'occasion de vous exposer nos vues sur le projet de loi C-4.

Le Prairie Centre est un organisme sans but lucratif qui regroupe plus de 10 000 agriculteurs et éleveurs des Prairies. Nos membres s'intéressent de près au projet de loi C-4 et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de parler en leur nom. Le projet de loi C-4 avait pour objet de responsabiliser davantage la CCB et de permettre aux agriculteurs d'exercer un plus grand contrôle sur son mandat. Or, le projet de loi n'atteint ni l'un ni l'autre de ces objectifs, et ce, pour plusieurs raisons. Nous allons nous contenter d'en mentionner trois.

En ce qui concerne la responsabilisation de la CCB, le projet de loi C-4 comporte deux grandes lacunes. D'abord, il néglige d'assujettir la CCB à la Loi sur l'accès à l'information. Deuxièmement, il néglige de placer la Commission sous la supervision du vérificateur général. Les agriculteurs des Prairies demandent depuis longtemps que la Commission rende compte de ses décisions et qu'elle mette fin au secret entourant ses activités et opérations. Tout en se disant en faveur d'une plus grande responsabilisation de la CCB, le gouvernement n'a pas saisi l'occasion qui lui était offerte d'assujettir la Commission à la Loi sur l'accès à l'information et de la placer sous la supervision du vérificateur général du Canada.

Ces deux changements s'imposent pour les raisons suivantes: d'abord, ils mettraient fin au secret injustifié entourant la CCB, de sorte que le public serait informé de ses activités; ensuite, ils permettraient aux agriculteurs, contribuables, journalistes, députés et sénateurs d'évaluer le rendement de la Commission et de voir si elle remplit bien le mandat qui lui a été confié.

Bien que la Commission prétende agir dans l'intérêt des agriculteurs, elle n'a aucun mandat en ce sens et n'est aucunement tenue de par la loi de fournir, outre les rapports annuels soumis au Parlement, des renseignements qui permettraient aux agriculteurs et au public en général de vérifier cette affirmation.

Nous savons que l'idée d'assujettir la CCB à la Loi sur l'accès à l'information et de permettre au vérificateur général d'examiner ses livres soulève plusieurs objections. Nous aimerions les passer rapidement en revue.

Première objection: la CCB ne peut être assujettie à la Loi sur l'accès à l'information en raison de sa vocation commerciale. Réponse: Faux. La Loi sur l'accès à l'information prévoit déjà des dispositions qui visent à protéger les renseignements commerciaux de nature délicate. Si la Commission était assujettie à la loi, elle ne serait pas obligée de divulguer des renseignements de nature délicate ou personnelle.

Deuxième objection: seuls les agriculteurs assument les coûts d'exploitation de la CCB, pas les contribuables. Par conséquent, les contribuables n'ont pas le droit d'avoir accès à des renseignements détaillés sur la Commission. Réponse: Faux. D'après les comptes publics du Canada, les contribuables versent des millions de dollars à la CCB. Les agriculteurs et les contribuables dans leur ensemble ont le droit de s'attendre à ce que la CCB informe davantage le public.

Troisième objection: la CCB n'a pas à être assujettie à la Loi sur l'accès à l'information ou à être supervisée par le vérificateur général parce qu'elle fait déjà l'objet d'une vérification par un cabinet privé de bonne réputation. Faux. Le fait d'assujettir la Commission à la Loi sur l'accès à l'information n'a rien à voir avec la réputation du cabinet de vérificateurs. Il est question ici d'avoir accès à des renseignements qui ne figurent pas dans les rapports annuels de la Commission, les états financiers vérifiés et autres documents publics. De plus, la CCB devrait être tenue de rendre des comptes aux agriculteurs et aux Canadiens, au sujet non seulement de sa situation financière, mais également de son rendement. Tous les cinq ans, les sociétés d'État supervisées par le Bureau du vérificateur général font l'objet d'un examen spécial où le vérificateur général fait état de toute lacune observée au chapitre de l'économie, de l'efficience, de l'efficacité ou du respect de l'environnement. La CCB n'est pas soumise à une telle exigence.

Quatrième objection: ces mesures laissent entendre que la Commission remplit mal son mandat. Faux. Ces mesures sont essentielles, car elles ont pour but de faire en sorte que la Commission, un organisme établi par une loi du Parlement, informe le public de ses activités. Elles n'ont absolument rien à voir avec le rendement de la CCB.

Cinquième objection: la CCB divulgue déjà plus d'informations que ses concurrents du secteur privé. Réponse: la CCB n'est pas une entreprise privée et on ne peut pas s'attendre à ce qu'elle soit assujettie aux mêmes règles. Si nous donnons aux politiciens le pouvoir de créer des sociétés, nous avons le droit d'exiger que ces sociétés rendent compte de leurs décisions. La Commission canadienne du blé est une entité gouvernementale qui a été exemptée de l'obligation de fournir au public les renseignements devant lui permettre de juger de son rendement et de déterminer si elle atteint ses objectifs d'intérêt public.

Sixième objection: le projet de loi C-4 permettra aux agriculteurs d'élire les administrateurs du conseil. De plus, ce sont les administrateurs qui décideront quels renseignements devraient être divulgués au public. Réponse: cet argument serait valable si chaque producteur participait volontairement à la CCB. Or, ce n'est pas le cas. Il serait juste de dire que, aux termes de la Loi sur la Commission canadienne du blé, les agriculteurs sont les actionnaires d'une entreprise de commercialisation établie par le gouvernement et dans laquelle ils investissent chaque année des milliards de dollars. Or, ils n'ont pas accès aux renseignements qui leur permettraient d'évaluer, de façon indépendante, l'efficacité de la Commission. De plus, même s'ils ne sont pas satisfaits du rendement de la Commission, ils ne peuvent, en vertu de la loi, vendre leurs actions et transiger avec une autre société de commercialisation. Le fait d'avoir la possibilité d'élire les administrateurs d'une entreprise avec laquelle vous ne voulez pas faire affaire leur apporte donc peu de satisfaction et ne favorise pas la responsabilisation de l'entreprise.

Par conséquent, nous recommandons que le projet de loi C-4 soit modifié pour que la CCB soit assujettie à la Loi sur l'accès à l'information et supervisé par le vérificateur général du Canada.

Le projet de loi C-4 prétend donner aux agriculteurs un plus grand contrôle sur le mandat de la CCB. C'est faux. Comme le sait le comité, les agriculteurs veulent avoir accès à un plus grand nombre d'options de commercialisation. Personne ne réclame l'abolition de la Commission canadienne du blé. Les agriculteurs qui le désirent veulent avoir la possibilité de se désaffilier de la Commission pendant un certain temps, et de vendre leur grain sur le marché libre par l'entremise de l'agence de commercialisation de leur choix. Le projet de loi C-4 non seulement passe cette question sous silence, mais introduit deux mesures qui auront pour conséquence directe de réduire les options offertes aux agriculteurs. Les deux mesures en question sont les dispositions d'inclusion et d'exclusion. La disposition d'inclusion mettrait fin à la commercialisation actuelle du grain dans des conditions de pleine concurrence et placerait ce dernier sous le contrôle de la commission. La disposition d'exclusion empêcherait les agriculteurs en faveur de la Commission de commercialiser un type de grain par le biais de la CCB en retirant celui-ci du champ de compétence de la Commission. De plus, les agriculteurs veulent avoir la possibilité de commercialiser leur produit comme ils l'entendent. Or, le projet de loi C-4 risque de réduire leur marge de manoeuvre. Les agriculteurs en faveur de la Commission ne pourraient plus commercialiser leur produit par l'entremise de celle-ci, et ceux qui souhaitent avoir accès au marché libre perdraient la possibilité de commercialiser leur produit hors de la Commission. Le projet de loi C-4, même s'il est peu probable qu'on le modifie de manière à permettre la création d'un double système de commercialisation, doit à tout le moins ouvrir la voie à un tel système. Autrement, nous risquons encore une fois de ne pas tenir compte des exigences des agriculteurs, qui veulent avoir la possibilité de commercialiser leur produit comme ils l'entendent.

Recommandation: Le projet de loi C-4 devrait être modifié de manière à permettre l'établissement d'un double système de commercialisation en vertu duquel les producteurs seraient libres de faire affaire avec l'organisme de commercialisation de leur choix.

Conclusion: le projet de loi C-4 n'atteint pas les prétendus objectifs du gouvernement. Il contient de sérieuses lacunes et la majorité des agriculteurs le rejettent. Nous demandons que le comité sénatorial de l'agriculture recommande l'adoption des trois changements importants que nous avons décrits. Nos recommandations figurent à la dernière page du mémoire.

Le président: Merci, messieurs, pour cet exposé.

Le sénateur Hays: Je tiens seulement à faire quelques précisions, parce que je crois que vous résumez assez bien ce que veulent les agriculteurs pour ce qui est de la vérification des activités de la Commission. Le vérificateur général pourrait très bien vérifier les livres de la Commission, tout comme le fait le cabinet de vérification comptable retenue par celle-ci. Mais là n'est pas la question. Ce que vous voulez, c'est que la Commission fasse l'objet d'une vérification du rendement, une vérification intégrée qui ressemble à celle dont font l'objet les ministères du gouvernement et certaines sociétés d'État. Est-ce exact? Seriez-vous satisfait si la Commission confiait cette responsabilité au vérificateur général?

M. Docksteader: Il y a encore plus. Bien entendu, le cabinet Deloitte & Touche est très compétent et nous ne remettons aucunement en question le fait qu'il est le vérificateur désigné de la Commission. Toutefois, le vérificateur général, comme nous le savons tous, remplit un rôle différent de celui du vérificateur du secteur privé. Il examine non seulement les états financiers de l'entreprise, mais vérifie aussi si elle remplit ses objectifs d'intérêt public. C'est essentiellement pour cette raison que nous voulons que le vérificateur général examine les livres, les activités, le rendement de la Commission, parce qu'il analyserait non seulement la situation financière de l'organisme, mais également la question de savoir s'il remplit bien le mandat qui lui a été confié en vertu de la loi.

Le sénateur Hays: Il s'agirait là d'une vérification intégrée. Personne n'aime faire l'objet de telles vérifications et je suppose -- je ne le sais pas -- que la Commission s'inquiéterait des comparaisons qui pourraient être établies. À quel organisme serait-elle comparée? De plus, j'aimerais savoir, et j'ai déjà posé cette question au témoin précédent, si la Commission serait en mesure d'obtenir le meilleur prix possible pour le grain qu'elle vend si elle était tenue de divulguer plus de renseignements que ne le font ses concurrents.

M. Docksteader: Il y a une différence entre la vérification dont fait l'objet un ministère et une société d'État. J'ai discuté de cette question avec le bureau du vérificateur général, et j'ai appris que les sociétés d'État ne font pas l'objet d'une vérification du rendement. Seuls les ministères du gouvernement sont soumis à une telle vérification. Toutefois, les sociétés d'État font l'objet, tous les cinq ans, d'une vérification qui doit permettre de déterminer si elles respectent les principes d'économie, d'efficience, d'efficacité ou de respect de l'environnement. La Commission, elle, serait comparée à d'autres sociétés d'État. À mon avis, il serait ridicule d'essayer de comparer la Commission canadienne du blé à une agence de commercialisation du secteur privé, parce que la Commission est un organisme d'intérêt public et c'est ainsi qu'elle devrait être évaluée.

Votre deuxième question portait sur la divulgation de renseignements que d'autres compagnies ou sociétés céréalières ne fournissent pas, et sur l'impact que cela pourrait avoir sur la position concurrentielle de la Commission. D'abord, la Loi sur l'accès à l'information protège les renseignements commerciaux de nature délicate et la CCB ne serait pas tenue de divulguer de tels renseignements. Nous ne voulons pas avoir accès à des renseignements qui, en fait, compromettraient la position concurrentielle de la Commission. La Loi sur l'accès à l'information s'applique à divers types de renseignements, pas seulement aux contrats de vente. Si nous ne voulons pas que les contrats de vente les plus récents soient divulgués, nous pouvons inclure une sorte de disposition de temporarisation qui permettrait de garantir la confidentialité de ces renseignements pendant un certain temps. Par exemple, devraient-ils être gardés secrets pendant cinq ans? Dix ans? Vingt ans? Pendant combien de temps les contrats de vente peuvent-ils être gardés secrets par la Commission? À un moment donné, ces informations doivent cesser d'être considérées comme des renseignements commerciaux de nature délicate. Il faut déterminer à quel moment ils peuvent être divulgués. Une fois le délai écoulé, les renseignements devraient être divulgués au public.

M. Ness: Le Bureau du vérificateur général est une institution dans laquelle les Canadiens de l'Ouest ont encore confiance et je crois que s'il assurait la vérification de la Commission et indiquait que la Commission fait bien son travail et obtient un prix élevé pour les agriculteurs, comme les représentants de la Commission nous l'ont dit, cela contribuerait nettement à dissiper le ressentiment qui sévit dans l'Ouest du Canada depuis les quelques dernières années. Il est vraiment important que le vérificateur général ait carte blanche pour ce qui est de vérifier les activités de la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Fairbairn: Lorsqu'il a parlé de ce projet de loi à la Chambre des communes, le ministre a indiqué en ce qui concerne la vérification que si le nouveau conseil d'administration estimait qu'un changement s'imposait dans la façon dont on vérifie les activités de la Commission canadienne du blé ou au niveau des responsables de la vérification, on prendrait ses vues en considération.

Simplement pour préciser, les témoins précédents, les Western Barley Growers, en ce qui concerne la participation du vérificateur général, trouveraient cela acceptable si le processus ne s'appuyait pas nécessairement sur les documents actuels mais plutôt sur les documents pour lesquels une période limite est prévue, compte tenu du caractère délicat ou confidentiel de l'information.

M. Docksteader: L'idée que le nouveau conseil désigne le vérificateur général comme le vérificateur de la Commission est un pas en avant mais selon nous, ce n'est pas suffisant parce que la Commission canadienne du blé n'est tout simplement pas comptable envers les agriculteurs. Il faut que la Commission canadienne du blé soit tenue de rendre compte de ses activités aux contribuables, au Parlement et au public canadien. En désignant le vérificateur général comme le vérificateur de la Commission canadienne du blé, on reconnaît qu'il s'agit d'un instrument d'intérêt public qui doit être évalué en conséquence. Même s'il était préférable de donner au moins à la Commission la possibilité de nommer le vérificateur, à notre avis, cela ne serait pas suffisant. Il faut que cette décision émane du Parlement. Nous sommes convaincus que le Parlement même devrait réclamer ce genre de mesure, que les députés et les sénateurs devraient exiger que le vérificateur général ait accès aux livres de la Commission canadienne du blé, car c'est une société de six milliards de dollars par année dont l'État assume un passif éventuel important. Le vérificateur général lui-même a demandé plus d'une fois de consulter ses livres, ce qui est une raison très suffisante pour nommer dès maintenant le vérificateur général au lieu de se contenter d'attendre la décision du prochain conseil d'administration.

En ce qui concerne l'information actuelle en matière de vente, nous nous sommes penchés brièvement sur cette question. Nous ne cherchons pas de l'information qui compromettrait la position concurrentielle de la Commission canadienne du blé. Cependant, suite à nos réunions avec la Commission canadienne du blé, nous savons que nous aurions certaines divergences d'opinion quant au type d'information en question. Il faudrait déterminer l'information de nature délicate sur le plan commercial dans le cadre d'une tribune publique quelconque au lieu de laisser simplement la Commission canadienne du blé en décider. Notre intention n'est toutefois pas de rendre publique de l'information de nature délicate sur le plan commercial ou susceptible de compromettre la position de la Commission canadienne du blé sur le marché.

Le sénateur Spivak: Je pense que nous voyons très bien ce que vous voulez dire à propos du vérificateur général et de l'obligation de rendre compte. Ce dont vous parlez, c'est d'une vérification exhaustive, comme l'a dit le sénateur Hays. Il serait bon que cela puisse s'appliquer aussi à d'autres sociétés et organismes publics comme la Société pour l'expansion des exportations qui donne un milliard et demi de dollars à la Chine sans que personne ne puisse consulter ses livres.

J'aimerais savoir ce que vous pensez du rapport Furtan, qui a été préparé en 1995 et a examiné tous les prix de vente du blé roux canadien et a constaté qu'ils avaient permis aux agriculteurs de récolter la coquette somme de 265 millions de dollars par année. Ça, c'est une vérification exhaustive, pas aussi exhaustive je suppose que si elle avait porté sur tous les autres aspects, mais c'est une indication de ce qui s'est passé. Est-ce le genre de choses que vous attendez?

M. Ness: Il ne faut pas oublier qui a commandé le rapport Furtan.

Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que vous doutez des résultats?

M. Ness: La plupart des agriculteurs de libre entreprise les prennent avec un gros grain de sel.

Le sénateur Spivak: En d'autres mots, les résultats ne sont pas crédibles.

M. Ness: C'est exact.

M. Docksteader: Cela revient au même problème, à savoir que nous pouvons faire faire une foule d'études indépendantes et fournir de l'information confidentielle aux responsables de l'étude en question et que malgré cela les agriculteurs eux-mêmes n'ont aucune façon d'évaluer la crédibilité de ces études parce que même l'information de base est confidentielle. Je ne suis au courant d'aucune autre étude technique ou universitaire où l'information de base demeure confidentielle, ce qui empêche ceux qui analysent le rapport de revenir à l'information de base pour vérifier l'exactitude de l'étude et l'authenticité des prétentions. On a donc affaire à une situation où il y a derrière cette étude une file de partisans du double système de commercialisation et une file de partisans de la Commission, ce qui indique uniquement que les agriculteurs n'ont aucun moyen d'évaluer le travail de la Commission canadienne du blé. Les tentatives en ce sens n'ont pas réussi à concilier les divergences d'opinion, vu l'impossibilité d'avoir accès à l'information de base.

Le président: J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que le gouvernement du Canada finance effectivement la vente du blé. Au Sénat j'ai posé la question suivante: «Quelle est la somme qui est due à la Commission du blé et assumée par le gouvernement du Canada?» Elle est de 6,6 milliards de dollars. J'ai posé cette question il y a à peine deux semaines. Cela présente un avantage direct pour les agriculteurs, sans compter les intérêts, ce qui a été indiqué dans la réponse à la question. Cet intérêt est également assumé par le gouvernement du Canada. Il est sans doute préférable, sur le plan politique, de ne pas communiquer cette information au contribuable. Je vous pose simplement la question: quelle sera la réaction? Puis il y a aussi le rapport avec le fonds de réserve, du moins dans l'esprit de nombreux producteurs.

M. Ness: Je crois que les contribuables et les agriculteurs en ont assez des secrets. Ils en ont assez et ils veulent des précisions sur cette dette que le Prairie Centre croit être de 7,1 milliards de dollars et que doit assumer le contribuable. J'estime que les contribuables sont en droit d'exiger des réponses à ces questions.

Le président: On a beaucoup parlé de liberté de choix dans le cadre des audiences du comité. À votre avis, la Commission du blé survivrait-elle si les agriculteurs avaient la liberté de choix?

M. Ness: Selon moi, la liberté individuelle est énormément plus importante qu'une institution publique désuète comme la Commission canadienne du blé.

M. Docksteader: À mon avis, l'important est de se rendre compte que si les agriculteurs avaient cette liberté de choix, ce serait eux qui détermineraient l'avenir de la Commission du blé. Ce serait à mon avis la meilleure solution. Il me semble que cela correspondrait même aux souhaits du ministre. Le double système de commercialisation semble le meilleur moyen de s'en assurer. En ce qui concerne votre question précédente au sujet des garanties gouvernementales, et je crois que vous vouliez dire que la Commission devrait pouvoir emprunter de l'argent au taux garanti du gouvernement, nous ne voyons pas pourquoi cela devrait cesser. Rien n'empêche le gouvernement de continuer à avoir une forme quelconque de programme d'exportation. La plupart des autres pays d'exportation de céréales ou de blé ont des programmes de ce genre. Je suis sûr qu'ils pourraient, grâce à leur créativité, poursuivre ce programme, même dans le cadre d'un double système de commercialisation.

Le président: À l'heure actuelle, la Commission du blé prend possession du grain au silo. Si on modifiait cette façon de procéder pour que la Commission du blé prenne possession du grain au port ou au niveau de l'exportation, ce qui permettrait à un agriculteur de racheter le grain d'une entreprise et ainsi de suite, s'agirait-il d'une importante amélioration?

M. Ness: À mon avis, ce serait un progrès considérable parce que cela permettrait de réduire le nombre excessif de bureaucrates à la Commission et d'améliorer le rendement de ceux qui restent.

Le président: Et vous continuez à croire que la Commission du blé survivrait?

M. Ness: Oui.

Le président: Combien de gens représentez-vous, 10 000?

M. Ness: Dix mille agriculteurs et éleveurs.

Le président: Sont-ils tous des Albertains ou y en a-t-il quelques-uns en Saskatchewan et au Manitoba?

M. Ness: La Saskatchewan et le Manitoba aussi, et très peu d'entre eux veulent voir disparaître la Commission du blé.

Le président: Mais ils veulent la liberté de choix.

M. Ness: Ils veulent la liberté de choix. En fait, au Prairie Centre, nous avons constaté un revirement important de l'opinion publique au cours des quatre à cinq derniers mois, un changement radical. Il y a des producteurs ici même dans cette salle qui n'ont jamais pu voter lors du vote sur l'orge. Si ce vote devait avoir lieu aujourd'hui dans des conditions véritablement démocratiques, je pense que 80 ou 90 p. 100 d'entre eux voteraient contre le monopole de la Commission.

Le sénateur Whelan: Tout d'abord, j'aimerais simplement vous raconter l'expérience que j'ai eue avec le vérificateur général lorsque j'étais votre ministre de l'Agriculture pendant plus de 11 ans. Il n'a remis en question nos activités qu'une seule fois. C'était à propos d'un petit projet que nous avions en Alberta. Nous avions installé une conduite d'eau de huit milles de long, je crois. Je ne me souviens pas des deux villes en question, mais l'une d'entre elles était la ville de Hanna. Le vérificateur général nous a demandé la raison d'être d'une telle mesure. Il a demandé, «Qu'est-ce que cela a à voir avec l'agriculture?». C'est la seule chose qu'il avait relevée. Nous avions une réunion chaque année au cours de laquelle nous examinions les livres du ministère de l'Agriculture, et on faisait des recherches et ainsi de suite. Notre ministère était tellement bien administré que c'est la seule chose à laquelle il a trouvé à redire. Ces villes auraient disparu si elles n'avaient pas eu d'eau. Voilà quelle a été ma mémorable expérience avec le vérificateur général.

Le sénateur Gustafson a posé une question à propos du nombre de vos membres. Avez-vous des frais de cotisation? Comment êtes-vous financés?

M. Docksteader: Nous avons des frais de cotisation et notre mémoire indique que nous avons 10 000 partisans. Nous avons un peu plus de 5 000 membres auprès desquels nous avons recueilli plus de 5 000 chèques en frais de cotisation l'année dernière et chacun des chèques, en moyenne, représente deux personnes. Donc nous avons 10 000 partisans ou 5 000 membres.

Le sénateur Whelan: Cette liste est-elle publique?

M. Docksteader: Non, elle ne l'est pas.

Le sénateur Whelan: La Commission des producteurs de blé de l'Ontario, que vous citez, et vous m'avez probablement entendu le dire auparavant, n'a pas clairement indiqué ses intentions. Il s'agit d'une commission dirigée par des intérêts privés mais qui fait l'objet d'une supervision de la part du gouvernement ontarien et jusqu'à un certain point du gouvernement fédéral. Elle a un vérificateur privé qui vérifie les livres. Je me souviens qu'il avait préparé un rapport indiquant les aspects à améliorer et formulant des recommandations en ce sens. Les activités de la Commission ont été à mon avis vérifiées d'une manière très équitable et j'ai fait partie de bien des conseils différents avant de devenir député. Tous ces conseils ont fait l'objet de vérification. À chaque assemblée annuelle, les membres pouvaient poser des questions au sujet du rapport du vérificateur. Proposez-vous que l'on fasse la même chose pour ce qui est du vérificateur général, ce qui, selon vous, fait défaut à l'heure actuelle en ce qui concerne la Commission du blé?

M. Docksteader: Nous considérons que le vérificateur général donne à une vérification une perspective qu'un vérificateur du secteur privé ne possède pas, à savoir une perspective d'intérêt public. Comme la Commission canadienne du blé est d'abord et avant tout un instrument d'intérêt public, elle devrait être évaluée en tant que tel. Une façon de s'en assurer consiste à donner au vérificateur général l'accès aux livres de la Commission.

Le sénateur Stratton: Je préfère parler d'option de retrait plutôt que de double système de commercialisation car si vous avez l'option de vous retirer, vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux. Soit vous participez, soit vous vous retirez et pendant un certain temps parce que vous ne pouvez pas vous retirer pendant une bonne année puis revenir pendant une bonne année. Cela détruirait la Commission. Je pense que cela est évident pour tout le monde. Si vous aviez une option de retrait, s'agirait-il d'un retrait permanent? S'agirait-il d'un retrait de cinq ans? Comment envisagez-vous la chose?

M. Ness: Je demanderais aux agriculteurs la période de temps qu'ils veulent. Les agriculteurs veulent avoir leur mot à dire à propos de ce genre de choses. Ils en ont assez de se faire dire ce qui va leur arriver.

Le sénateur Stratton: Je comprends mais c'est une question compliquée. Si vous posez la question aux agriculteurs, ceux qui veulent se retirer le font parce qu'ils veulent protéger leur avenir économique, et il faut donc prévoir des pénalités et aussi des récompenses. Si vous optez pour le retrait, vous devez alors être fermes. Certains ont dit, «Je suis parti, mais pas de façon permanente.» Je pense qu'il nous serait utile de savoir, ce qui constitue, selon vous, une période de temps raisonnable?

M. Ness: Je dirais que les agriculteurs devraient avoir au moins deux options en matière de retrait. L'une serait le retrait à vie, et je sais que beaucoup d'entre eux choisiraient cette option, et l'autre serait un retrait d'au moins cinq ans. La Commission saurait donc mieux à quoi s'en tenir.

Le président: Cela ne pourrait-il pas se faire par contrat, comme c'est le cas à l'heure actuelle? Vous indiquez à la Commission du blé le nombre de boisseaux que vous devez livrer. Si vous ne les livrez pas, vous payez une pénalité. Ne pourriez-vous pas indiquer que vous voulez vous retirer avec 25 p. 100 et lui donner un chiffre, vendre 75 p. 100 par son entremise ou quoi que ce soit? N'est-ce pas le cas en Ontario?

M. Ness: Je ne crois pas que cela serait possible pour nous ici. Les agriculteurs devraient avoir l'option de continuer à passer par la Commission, de se retirer à vie ou de se retirer pour une période de temps prédéterminée. Cela devrait être aussi simple que ça.

Le président: Mais en vertu d'un contrat, ils n'auraient pas à passer de contrat pour quoi que ce soit avec la Commission du blé. Ils se trouveraient automatiquement à se retirer s'ils ne passaient pas de contrat.

M. Ness: Oui, on pourrait procéder de cette façon-là.

Le sénateur Spivak: Il me semble que deux des principales questions ici sont celles du double système de commercialisation et de la liberté de choix. Vous avez dit que vous croyez que la Commission survivra dans un cas comme dans l'autre. Il n'y pas beaucoup de preuves qui appuient cette affirmation, car historiquement le double système de commercialisation n'a pas fonctionné et si la Commission a été créée, c'était pour compenser les fluctuations du marché. Ne croyez-vous pas que lorsque les prix seraient élevés, tout le monde se retirerait de la Commission puis reviendrait à la Commission une fois que les prix s'effondreraient, et le gouvernement se trouverait alors à payer la note? Je suis sûre que notre pays ne laissera pas les agriculteurs des Prairies faire faillite. C'est l'argument invoqué par la plupart de ceux qui s'opposent au double système de commercialisation.

M. Docksteader: Il faut se rendre compte que la mise sur pied de la Commission du blé a permis entre autres d'établir un niveau de base. Si les agriculteurs passaient du marché ouvert à la Commission du blé, c'est parce qu'ils savaient qu'ils obtiendraient un prix garanti de la Commission du blé à un certain niveau. Si les prix sur le marché ouvert tombaient en dessous de ce prix, ils se tourneraient alors tous vers la Commission du blé. Ce n'est plus le cas. À l'heure actuelle, nous nous occupons de la campagne agricole et je ne vois pas pourquoi qui ce soit devrait se retirer pendant plus d'un an parce que les syndicats ferment d'ici un an. Le retrait devrait se faire avant que la Commission du blé indique ses prévisions du prix initial et ses perspectives de rendement. Il faudrait donc que cela se fasse avant, mais autrement je ne vois pas pourquoi ce retrait devrait durer plus d'un an à moins que l'éleveur en décide ainsi.

Le risque ici, c'est que si la Commission du blé prévoit un certain rendement et le marché libre prévoit un rendement inférieur, vous aurez un problème. L'autre facteur, c'est que la Commission du blé vend sur le marché ouvert. Donc, elle n'a pas vraiment de contrôle sur les prix parce que le prix de vente n'est pas subventionné à moins qu'il tombe en dessous du prix initial.

Le sénateur Spivak: Vous proposez donc un retrait d'un an?

M. Docksteader: Je ne vois pas pourquoi il devrait être prolongé davantage à moins qu'un éleveur décide de se retirer plus longtemps, mais pour ce qui est de protéger la Commission, je ne vois pas l'avantage que cela présenterait.

Le sénateur Spivak: Que se passe-t-il au niveau de la commercialisation? D'après ce que je crois comprendre, la Commission est devenue un assez bon organisme de commercialisation. Vous ne craignez pas qu'un double système de commercialisation nuise à sa capacité de vendre un produit céréalier particulier d'une grande qualité universelle? C'est l'argument qui a été avancé.

M. Ness: Beaucoup de gens ont attribué la grande qualité du blé canadien à la Commission canadienne du blé. C'est l'agriculteur qui cultive le bon blé, pas la Commission.

Le sénateur Spivak: Nous sommes en train de parler de commercialisation. La Commission du blé ne cultive pas le blé.

M. Ness: Les agriculteurs et leurs organisations commercialisent très bien toutes les autres céréales cultivées dans l'Ouest canadien mais qui ne relèvent pas de la Commission. Je ne crois pas que cela poserait problème. Les agriculteurs veulent simplement avoir cette option.

M. Docksteader: En fait, je croirais que la Commission du blé, si elle fait un aussi bon travail de commercialisation qu'elle le prétend, et notre but ici n'est pas de le contester, devrait avoir l'avantage. Elle a l'avantage. Elle a les contacts. Elle a des années d'expérience. Je ne vois pas pourquoi cela menacerait la Commission du blé. En fait, si elle fait un aussi bon travail qu'elle le dit, elle devrait en tirer un avantage concurrentiel.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Lorsque l'on a discuté d'une dualité au niveau du marketing et du «opting out», vous n'avez pas tous donné la même réponse à la question posée. Un de vos membres nous a dit que ce serait pour une période indéterminée et l'autre a suggéré une période maximale d'un an. Si j'acceptais une de vos positions, laquelle devrais-je accepter?

[Traduction]

M. Docksteader: Je ne crois pas que nous nous sommes contredits. Un retrait d'une année protégerait la Commission. Ce serait au producteur de décider s'il veut une période de retrait plus longue.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Monsieur Docksteader nous a suggéré que cela soit permanent ou pour une période d'un an. Est-ce que vous êtes d'accord avec votre collègue qu'une période d'un an serait suffisante?

[Traduction]

M. Ness: Je répétais ce que les agriculteurs m'ont dit. J'ai rencontré des agriculteurs qui m'ont dit qu'ils voulaient se retirer à vie. J'en ai rencontré d'autres qui ont dit qu'ils aimeraient se retirer pendant cinq ans puis évaluer la situation.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que vous êtes d'accord avec une période d'un an?

[Traduction]

M. Ness: Une période d'un an serait positive.

Le président: Le projet de loi prévoit la possibilité d'achat de grains au comptant. Bien des témoins qui ont comparu devant le comité ont laissé entendre que c'est le début d'un important changement à la Commission du blé. Êtes-vous du même avis?

M. Ness: Je considère qu'il s'agit d'un changement très, très minime. Je suis dans l'agriculture depuis 30 ans. Je suis l'un de ceux qui réclament des changements à la Loi sur la Commission du blé depuis probablement 25 ans. Je commence à perdre légèrement patience. Je veux que des changements y soient apportés pendant que je suis encore agriculteur car les enjeux sont élevés. C'est l'avenir de la ferme familiale qui est en jeu dans l'Ouest canadien. La seule façon de permettre à l'agriculture de maximiser ses profits, c'est en lui donnant la liberté de choix et non en lui dictant ce qu'il doit faire.

Le président: Je tiens à vous remercier, messieurs, d'avoir comparu devant nous ce matin et de nous avoir présenté votre mémoire. Nous cédons maintenant la parole à l'Alberta Winter Wheat Producers Commission.

M. Otto, président sortant, Alberta Winter Wheat Producers Commission: Je m'appelle Brian Otto et je suis président sortant de l'Alberta Winter Wheat Producers Commission. J'ai une exploitation agricole à Warner en Alberta.

M. Lanier, président sortant du conseil d'administration, Alberta Winter Wheat Producers Commission: J'ai une exploitation agricole au sud-est de Lethbridge et je suis le président sortant du conseil d'administration de la Winter Wheat Commission.

L'Alberta Winter Wheat Producers Commission représente environ 1 900 producteurs dans l'ensemble de l'Alberta. Les activités de la Commission sont financées par un prélèvement obligatoire mais remboursable sur les ventes du blé d'hiver en Alberta. Historiquement, ces remboursements ont toujours été inférieurs à 5 p. 100 de nos prélèvements totaux, ce qui témoigne d'un appui très solide de la part de nos membres. L'Alberta Winter Wheat Producers Commission s'est opposée au projet de loi C-72 devant le comité permanent parlementaire de l'agriculture et j'aimerais reprendre le paragraphe d'introduction de ce mémoire. Historiquement, les agriculteurs ont surtout reproché à la Loi sur la Commission canadienne du blé l'absence de solutions de rechange ou d'options pour la commercialisation de leurs céréales et l'impossibilité dans laquelle elle les met de participer de façon concrète aux décisions de leur organisme de commercialisation. Le projet de loi C-72, qui se veut une tentative sincère de donner suite à ces préoccupations, est à cet égard un échec retentissant et ne fait qu'aggraver une situation déjà mauvaise.

Puis, nous poursuivons notre mémoire en décrivant notre appréhension au sujet du mandat vague du conseil d'administration et de sa structure de gestion ainsi que des aspects pénibles du fonds de réserve. Nous avons trouvé absurdes les paiements d'entreposage proposés, qui rembourseraient les agriculteurs à l'aide de leur propre argent.

L'Alberta Winter Wheat Producers Commission n'est que l'un des membres très militants de la coalition qui s'oppose au projet de loi C-4. La coalition représente une vague d'opposition sans précédent à la loi fédérale que l'on est en train d'imposer aux agriculteurs de l'Ouest canadien, à savoir le projet de loi C-4. Dans l'Ouest canadien, 30 000 de nos membres, c'est-à-dire des agriculteurs, cultivent la majorité du blé, de l'orge, de l'avoine, du lin, du canola, du seigle et du triticale. Cela comprend 17 000 entreprises individuelles des Prairies. Où sont les statistiques qui appuient les affirmations de M. Goodale? La coalition représente un véritable consensus des agriculteurs des Prairies, surtout étant donné que ces groupes qui habituellement rejetaient notre position s'opposent aussi au projet de loi C-4.

Pendant des dizaines d'années, les gouvernements fédéraux canadiens ont invoqué ce qu'ils percevaient comme une absence de consensus parmi les agriculteurs de l'Ouest pour empêcher tout changement concret et toute véritable participation de la part des agriculteurs aux décisions de la Commission canadienne du blé. Les réalités du commerce international obligent maintenant le gouvernement à amorcer le processus de changement. La nouvelle réalité dans les Prairies, c'est l'existence d'une opposition véhémente et généralisée à une politique gouvernementale réglée d'avance, destinée à maintenir et à accroître le contrôle gouvernemental sur les producteurs céréaliers de l'Ouest.

M. Goodale ne veut ni ne peut révéler exactement l'identité et le nombre de ceux qui appuient son projet de loi. Nous soupçonnons que M. Goodale a perdu du terrain et essaie de donner le change. Il est certain qu'il a perdu sa crédibilité et la confiance des agriculteurs de l'Ouest. Mesdames et messieurs du Sénat, laisserez-vous M. Goodale employer les grands moyens pour forcer l'adoption du projet de loi C-4 par le Parlement, en faisant preuve de mauvaise foi et en dénaturant les faits? Nous espérons que non, pour notre avenir et pour le vôtre.

Le projet de loi C-4 ne pourra que nuire à l'unité nationale et au développement d'une industrie céréalière dynamique et concurrentielle dans l'Ouest canadien. On semble vouloir imposer deux poids deux mesures aux agriculteurs canadiens, ce qui est inadmissible. Les agriculteurs ontariens ont voté récemment en faveur de la liberté d'exporter des céréales sans passer par la Commission ontarienne du blé. Cela permettrait aux agriculteurs ontariens de faire des profits mais mettrait les agriculteurs de l'Ouest dans une situation compromettante, une autre absurdité du projet de loi C-4.

Sénateurs, il existe une solution. Toute tentative sincère de privatiser la Commission canadienne du blé devrait éliminer un monopole désuet qui ne s'appuie que sur le mythe et la légende. Comment peut-on décrire autrement le fondement d'une entité qui est complètement enveloppée de mystère? Toute évaluation ou étude légitime d'un monopole dont les activités sont secrètes est impossible. Ce monopole a été imposé par le gouvernement et non décidé par les agriculteurs.

Le mystère dont elle s'entoure rend les revendications en faveur d'un point de vente unique, un pilier du monopole, indéfendables. Le monopole est une instance qui a une responsabilité financière envers les agriculteurs. Cela sous-entend une obligation légale de rendre des comptes. Cela n'est possible que si le vérificateur général du Canada est désigné vérificateur de la Commission canadienne du blé et la Commission canadienne du blé est assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Les partisans du monopole prétendent divulguer plus d'information que les entreprises céréalières privées. Cette prétention est absurde. Le monopole gouvernemental exproprie mes céréales. Nous sommes obligés par la loi de livrer au monopole ou d'accepter un prix inférieur sur le marché libre intérieur. Par contre, nous choisissons les compagnies céréalières avec lesquelles nous voulons faire affaire.

Sénateurs, nous vous pressons une fois de plus de faire le nécessaire pour retarder ou empêcher l'adoption du projet de loi C-4, s'il n'est pas remanié en profondeur. Les agriculteurs de l'Ouest, les gouvernements provinciaux et l'industrie céréalière s'occupent à l'heure actuelle de l'étude Estey sur le système de transport du grain de l'Ouest mis sur pied par le gouvernement fédéral. L'adoption du projet de loi C-4 avant que cette étude soit rendue publique constitue un grave affront envers tous les intéressés et ne fait qu'aggraver la méfiance suscitée par le projet de loi C-4. Il n'y a aucune urgence à adopter un projet de loi qui nuira à l'agriculture dans l'Ouest et constitue un abus du processus politique.

Le président: Pourriez-vous nous indiquer la quantité de blé d'hiver produit au Canada?

M. Lanier: Cela varie. La production a été très élevée au milieu des années 80, c'est-à-dire probablement plus d'un million de tonnes. Elle a diminué depuis car nous avons de très rares variétés adaptables. Cette production est toutefois à la hausse maintenant surtout parce qu'elle offre aux agriculteurs des choix de gestion importants en ce qui concerne l'utilisation de leurs biens d'infrastructure et la répartition de leur allocation de matériel et ce genre de choses. Il semble également se prêter extrêmement bien au marché mondial des pâtes et je pense que ce sera un très bon créneau.

Le président: Je pense que c'est aussi le cas dans la région où se trouve mon exploitation agricole. Il y a des périodes ou les agriculteurs cultivent beaucoup de blé d'hiver et d'autres où ils n'en cultivent plus. On le cultive sans doute davantage en Alberta?

M. Lanier: Non. Il est surtout cultivé en Saskatchewan. Traditionnellement, en Alberta, le blé d'hiver est cultivé dans le sud de l'Alberta, dans la Chinook Valley, mais maintenant, grâce aux nouvelles variétés rustiques et celles dont le rendement est plus élevé, on le cultive aussi au centre de l'Alberta et surtout au centre de la Saskatchewan. La production au Manitoba augmentera probablement plus, relativement, que dans les autres provinces parce que la maturité précoce du blé d'hiver permet d'éviter certaines des maladies des céréales, comme la cédidomye et le fusarium.

Le président: On cultive beaucoup de blé d'hiver au Montana. Comment le prix se compare-t-il dans votre exploitation agricole à celui du Montana?

M. Lanier: En moyenne, mon prix est moins élevé.

Le président: De combien?

M. Lanier: De plusieurs dollars en 1995 et en 1996.

M. Otto: Le prix cité vendredi, FAB, à Great Falls au Montana, était de 2,88 dollars U.S. Le prix canadien au silo aujourd'hui est d'environ 2,70 $ avec peut-être un paiement final, qui sait? Mais la différence est la valeur nette actuelle, ce qu'il faut examiner lorsqu'on établit le prix du grain. Lorsqu'ils déchargent leur grain au silo, il est payé là-bas. L'année dernière, ce prix a atteint, car j'ai suivi la situation, 3,25 dollars U.S. Si vous convertissez ce montant en dollars canadiens, cela fait presque plus de quatre dollars et nous n'aurons pas 3,50 dollars canadiens nets dans nos poches. Nous devrons attendre jusqu'en janvier pour constater une telle chose.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur Lanier, vous avez exposé très franchement les vues de la Winter Wheat Producers Commission. Elles sont très claires. Je suis au courant de votre position et je la respecte comme je le fais depuis longtemps. Je me demande toutefois, en laissant de côté votre présentation pendant un instant, si vous pouvez nous proposer des suggestions sur certains aspects du projet de loi comme l'élection d'agriculteurs au conseil d'administration. Avez-vous des conseils et des propositions à nous faire sur des dispositions du projet de loi qui, dans le cadre plus général de la Commission du blé, pourraient nous être utiles ou considérez-vous que le projet de loi comporte tellement de lacunes qu'une discussion sur un conseil élu à la majorité serait à ce stade inutile? En ce qui concerne l'élection du conseil, est-on sur la bonne voie? Car pour l'instant, de toute évidence, on ignore comment fonctionneront les règlements régissant l'élection du conseil.

M. Lanier: Je pense que par le passé, les faits ont démontré que l'élection d'un conseil de ce genre ne sert qu'à diviser l'industrie agricole des Prairies. Il ne faut pas se cacher qu'il existe des divergences d'opinions extrêmement fondamentales à ce sujet. Ceux à qui je parle considèrent que le projet de loi C-4 ne règle pas le problème fondamental, c'est-à-dire le problème du monopole. Il impossible d'avoir une Commission qui rendra compte de façon satisfaisante de ses activités sans éliminer le monopole. Je défie qui que ce soit de produire des faits à l'appui du monopole, à cause de tout le secret dont il s'entoure. Comment peut-on définir une pareille chose? Toutes les études utilisent des chiffres qui ont été fournis par la Commission ou qui n'ont pas été fournis du tout. Je veux dire qu'il n'existe aucun moyen d'évaluer efficacement la Commission à l'heure actuelle et qu'il n'y en aura jamais tant que le monopole existera.

Pourquoi le monopole est-il si important? Cela ne touche que le blé et l'orge et la production du blé et de l'orge connaît une baisse importante. Très bientôt, si la Commission continue ainsi, elle n'aura plus de céréales à commercialiser. En raison de la consommation de céréales fourragères qui est proposée, l'Alberta pourrait devenir une région déficitaire au niveau de l'orge. C'est une chose difficile à imaginer, mais l'Alberta produit 80 ou 85 p. 100 de l'orge et nous serons une région déficitaire? C'est à cause des taux de fret. Nous payons le plein taux à l'heure actuelle et il n'est pas difficile de prendre une décision lorsque vous calculez le poids de votre fret et ce que vous toucherez net. Quelle est la raison qui nous oblige à passer par la Commission? Nous nous occupons très bien de toutes les autres céréales que nous cultivons. Le ciel ne s'est pas effondré parce que la Commission n'a pas de canola ou de pois ou que sais-je encore. Mais je m'emporte.

Le sénateur Spivak: Dans le Calgary Herald d'aujourd'hui, on laisse entendre que l'exploitation bovine doublera et que la production de porc triplera ou quadruplera. J'aimerais vous demander, si tout le monde se retire -- et je suis d'accord avec vous, les taux de fret sont exorbitants, au Manitoba ils ont augmenté de 39 p. 100 -- y aura-t-il suffisamment de céréales dans les Prairies pour nourrir tous ces animaux d'élevage?

M. Lanier: Il y aura suffisamment d'orge si nous arrivons à faire de l'argent. Il faudra que sa culture nous permette de réaliser des profits. Si la demande est là, le prix sera là aussi.

Le sénateur Spivak: Oui, mais pourquoi dites-vous qu'il y aura un déficit au niveau de l'orge? Vous pouvez commercialiser les céréales fourragères comme bon vous semble.

M. Lanier: C'est exact. Mais ce n'est pas tout le monde qui veut cultiver des céréales fourragères. On cultive le canola. On cultive des lentilles. On cultive des pois. Ce n'est pas tout le monde qui se retirera.

Le sénateur Spivak: Non. Mais ce que je veux dire c'est que si la production du bétail et du porc augmente de façon exponentielle et elle augmente rapidement dans ma province aussi, je me demande comment vous arriverez à établir un équilibre pour éviter un déficit au niveau de l'orge. C'est la question que je vous pose.

M. Lanier: Le marché décidera si nous le laissons faire.

Le sénateur Hays: J'aimerais avoir quelques précisions. J'en déduis que vous considérez que la Commission du blé n'a jamais joué de rôle utile. Le témoin qui vous a précédé trouve que le travail de la Commission laisse à désirer depuis 25 ans. Dans votre présentation, vous dites que le monopole a été imposé par le gouvernement et non décidé par les agriculteurs. Dois-je en conclure que vous considérez que la Commission n'a jamais joué un rôle positif?

M. Lanier: Je vous répondrai qu'en pratiquement 50 ans de production céréalière, je n'ai jamais su combien s'est vendu un boisseau de mes céréales. Je sais ce que la Commission m'a payé mais j'ignore combien elle l'a vendu. À mon avis, ce ne sont pas de bons signaux de marché pour une marchandise quelle qu'elle soit.

Le sénateur Hays: Donc votre réponse est «oui»?

M. Lanier: Avec des réserves.

Le sénateur Hays: L'autre question que je voulais vous poser, pour ce qui est d'attendre, c'est que vous n'avez pas obtenu un prix satisfaisant pour votre produit et la Commission en est la cause, mais il existe aussi d'autres facteurs comme la guerre des céréales, par exemple. La Commission est fautive mais l'Union européenne et les États-Unis ont une politique de subventions à la production et aussi à l'exportation. De ces deux importants facteurs, lequel est le plus responsable de ces bas prix, la Commission ou la guerre des céréales?

M. Lanier: Je n'aime pas rejeter la responsabilité sur qui que ce soit ou quoi que ce soit. Ce n'est pas très constructif. Je pense que nous nous débrouillons nettement mieux avec les cultures qui ne sont pas commercialisées par la Commission qu'avec celles commercialisées par elle. La production de blé de force roux de printemps diminuera. Avec de tels prix, les profits sont impossibles. Il faut en cultiver des quantités beaucoup plus importantes pour faire de l'argent. Aujourd'hui, il est impossible de survivre si vous avez une mauvaise récolte. Il faut avoir une récolte raisonnable pour faire de l'argent et je ne crois pas que les céréales commercialisées par la Commission le permettent chaque année.

Le sénateur Hays: J'ai une dernière question concernant les choix que nous avons à faire. Nous pourrions rejeter le projet de loi, ce que vous préconisez d'après ce que je crois comprendre, mais cela laisserait la Commission du blé telle quelle et ce n'est pas une situation qui vous satisfait. Faire un choix me paraît un jeu dangereux. Certains nous pressent de renforcer le pouvoir de la Commission, d'en renforcer le monopole et ainsi de suite. D'autres nous encouragent à opter pour le double système de commercialisation ou un type de commission différent. Il me semble que c'est une question qui provoque la dissension. Il serait possible d'assurer la participation directe des agriculteurs grâce à un conseil élu, même si ce n'est pas la solution idéale, et c'est peut-être une option que le comité devrait examiner soigneusement. Mais que nous prenions partie pour un camp ou pour l'autre, il y aura dissension. Il me semble ne pas y avoir vraiment de juste milieu, ou est-ce que je me trompe? Le Sénat serait sans doute l'institution indiquée pour brandir l'étendard, mais il me semble que les dissensions persisteraient si nous prenions partie pour les agriculteurs au lieu de donner suite au projet de loi C-4 qui vise à donner un rôle plus direct aux agriculteurs dans les décisions qui les concernent.

M. Otto: Je ne sais pas trop comment répondre à cette question car tout le monde semble beaucoup insister sur ce conseil élu. Il ne faut pas oublier que seulement les deux tiers d'entre eux sont élus. Un tiers d'entre eux est nommé. Ce conseil n'a aucun pouvoir. Il peut formuler une recommandation au ministre de l'Agriculture mais rien n'oblige le ministre de l'approuver. Ce conseil d'administration n'a aucun pouvoir. Vous pouvez y élire qui vous voulez. Si le conseil fait une recommandation qui déplaît au ministre, il ne l'approuvera pas. Le gouvernement ne l'approuvera pas. Quel est donc le pouvoir de ce conseil d'administration élu? Il est illusoire.

Le sénateur Hays: La réponse, c'est que le projet de loi C-4 ne fournit pas aux producteurs de moyen de participer de façon concrète aux décisions concernant l'avenir de la Commission parce qu'un tiers des membres du conseil est nommé par le gouvernement. Mais si tous les membres du conseil étaient élus par les agriculteurs, quelle serait alors votre réponse?

M. Otto: Quant à l'efficacité du conseil d'administration?

Le sénateur Hays: Comme moyen de régler ces divergences d'opinion qui ne cessent de surgir au cours de nos audiences entre ceux qui réclament un double système de commercialisation et ceux qui veulent conserver la Commission. Je suppose que le gouvernement a de la difficulté à décider de la voie à suivre. L'un des objectifs visés par le projet de loi C-4, s'il est adopté, est de favoriser la participation directe des agriculteurs aux décisions concernant l'avenir de la Commission. Vous répondez non, vous n'y croyez pas parce que le gouvernement continuera à contrôler la prise de décision. J'essaie de vous amener un peu plus loin en vous demandant ce que vous penseriez de l'efficacité d'un conseil qui représente vraiment les producteurs et n'est pas une entité contrôlée par le gouvernement? Serait-ce, à votre avis, une bonne façon de procéder?

M. Otto: Pour résoudre le problème de la double commercialisation ou pour choisir entre elle et...

Le sénateur Hays: Pour décider de l'avenir de la Commission canadienne du blé. C'est ma question.

M. Otto: L'avenir de la Commission dépendra évidemment des décisions prises par le conseil d'administration. Pour moi, peu importe qui siège au conseil d'administration, l'avenir de la Commission canadienne du blé dépendra de la façon dont elle commercialise les céréales. Est-elle concurrentielle? La seule façon de le savoir est de la mettre en concurrence avec d'autres agences vendant des céréales au Canada. Fait-elle de l'aussi bon travail que ces agences? Peut-elle offrir le prix qui convient au producteur? Au fond, le producteur a besoin d'une récolte qui lui rapporte. On ne sait pas à quel prix nos céréales sont vendues. Il faut rompre le silence pour que nous sachions à quel prix la Commission vend nos céréales. Je sais à quel prix je dois vendre un boisseau de blé pour être rentable, mais ce prix n'est pas le même pour Ike. Ses coûts de production sont différents. Actuellement, la Commission canadienne du blé fixe un prix commun et on ne connaît le prix qu'on va recevoir que 18 mois après la récolte.

On a dit plus tôt ici que les producteurs se font concurrence entre eux. C'est incroyable, mais c'est ce que fait le système de la Commission, parce que je ne peux pas produire du blé au même prix qu'un producteur du centre de l'Alberta. Je dois donc compter sur un meilleur prix et il se peut que j'ai accès à un meilleur prix en raison de mon mode de gestion, de l'endroit où se trouve mon exploitation et de la qualité de mon produit. Mais je dois vendre mon blé à la Commission et le mettre en commun avec celui des autres producteurs de l'ouest du pays qui n'ont peut-être pas accès au même prix. Vous me mettez en concurrence avec ces producteurs. Je ne peux pas produire autant qu'eux, mais mon exploitation est en concurrence avec les leurs sur le marché, par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Hays: Votre réponse est claire. Pour vous ce qui compte ce n'est pas comment la décision est prise mais quelle est cette décision. C'est ce qui vous intéresse et je le comprends. Nous entendons l'opinion de beaucoup de gens, et nos questions visent simplement à obtenir plus d'informations pour nous aider à évaluer des points de vue divergents.

M. Otto: Puis-je poser une question à tous les sénateurs qui sont ici autour de la table?

Le sénateur Hays: C'est au président d'en décider.

Le président: Certainement.

M. Otto: Combien parmi vous savent comment la Commission canadienne du blé détermine le prix commun pour chaque catégorie de céréale? On me l'a expliqué deux fois et je ne comprends toujours pas. Il ne s'agit pas seulement de fixer le prix moyen d'un boisseau de blé. On utilise une formule compliquée, et pour vous prononcer sur le rendement de la Commission canadienne du blé, vous devriez peut-être vous la faire expliquer par un de ses membres, ce qui va être difficile je pense. Je vous garantis que vous aurez du mal à trouver quelqu'un capable de vous l'expliquer. J'ai moi-même posé la question à des employés de la Commission et très peu parmi eux sont en mesure de me donner un début de réponse.

Le sénateur Whelan: Nous rencontrons des représentants de la Commission jeudi à Winnipeg et nous leur reposerons la question. Notre système de classification des céréales est probablement le plus élaboré, en fait le meilleur au monde, et c'est un avantage remarquable pour la Commission canadienne du blé d'être en mesure de vendre le blé de la meilleure qualité qui soit. Ce système, qui est l'un des plus perfectionnés, permet de savoir de quelle région de l'ouest du pays le blé provient et quelle est sa teneur en protéines. Permettez-moi d'abord de vous raconter une anecdote au sujet de celui qu'on a appelé Ike. J'ai visité votre exploitation il y a de nombreuses années, quand on a agrandi la station de recherche agricole de Lethbridge, la plus importante au Canada. J'étais ministre à l'époque. Vous aviez creusé un petit trou dans le sol pour me montrer comme il était sec. Je vous avais alors demandé ce dont vous aviez besoin, et vous m'aviez répondu: «De pluie». Ce soir-là, il est tombé un pouce et demi de pluie. Quoi qu'il en soit, j'ai été frappé par votre hospitalité et la qualité de votre exploitation, mais je veux vous poser une question. Quand vous parlez de concurrence, vous savez sans doute que 80 p. 100 de l'industrie meunière au Canada est monopolisée par une entreprise, Archer Daniels Midland. Les États-Unis et le Canada unissent leurs efforts pour lutter contre les coalitions, et il y a de moins en moins de débouchés sur le marché. Quand j'étais ministre de l'Agriculture, nous avons dépensé des millions de dollars pour le canola et nous avons engagé un Américain pour faire des recherches sur les lentilles. Nous croyions fermement que les producteurs devaient pouvoir diversifier leur production s'ils le voulaient. C'est pourquoi nous avons consacré autant d'argent à la recherche. Nous avons créé le plus important service de recherche financé par le gouvernement. J'entends dire que la Commission canadienne du blé n'a rien fait au sujet des nouvelles variétés, mais c'est faux. Si ce n'est pas vous qui l'avez dit, c'est le témoin précédent, et on l'a entendu aussi à d'autres séances.

Vous avez déclaré que vous ne saviez pas à quel prix on vendait votre blé. Pensez-vous que Archer Daniels Midland, ConAgra et Continental Grain vous le disent? Je n'ai jamais entendu dire que ça se faisait.

M. Otto: Je ne me préoccupe pas du prix auquel on vend mon blé, mais de celui qu'on me donne sur le blé que je livre, le prix sur lequel je peux faire un choix. Quand je verse mon blé dans le silo à Warner, je n'ai pas la moindre idée du prix que je vais recevoir pour ce blé. Je ne sais pas si j'obtiendrai le prix qu'il me faut pour rentabiliser ma récolte. Je ne le saurai que 18 mois plus tard. Dans un marché ouvert, je connais le prix qu'on m'offre avant la livraison. S'il ne me convient pas, j'ai toujours la possibilité de trouver un autre acheteur.

Le sénateur Whelan: La Commission représente les producteurs et n'avantage aucun de ses dirigeants. Elle ne fonctionne pas comme les banques qui accordent d'énormes primes aux cadres qui donnent un bon rendement; les banquiers peuvent toucher une indemnité d'un million de dollars pour leur travail. Les employés de la Commission ne sont pas là pour toucher des indemnités, mais pour servir les producteurs. J'ai constaté lors de mes voyages à travers le monde que la Commission canadienne du blé était grandement respectée. Elle pouvait exiger certains prix parce qu'elle était reconnue pour vendre des produits de qualité, ce qui était le cas pour pratiquement tous ses produits, y compris le canola et les lentilles.

Nous sommes considérés comme la capitale de la lentille dans le monde, réputation que nous avons la capacité de soutenir. Nos vendeurs, que ce soit dans le secteur privé ou à la Commission canadienne du blé, ont le meilleur produit à offrir. Ils n'ont pas à le prouver.

Par exemple, en France aujourd'hui, les producteurs de baguettes, pains très populaires là-bas, exigent du blé canadien et refusent qu'il soit mélangé à la camelote américaine, qui comprend un certain pourcentage de poussière. Ils n'en veulent pas.

Quand j'étais au Nebraska, j'ai vu comment les employés de la Commission surveillent les chargements de blé acheminés en train jusqu'à la côte pour être expédiés à Amsterdam; et les clients néerlandais sont satisfaits de ce blé qui est supérieur à celui qu'ils achètent généralement.

M. Otto: Je m'excuse, mais je crois que c'est la Commission canadienne du grain et non la Commission canadienne du blé qui en est responsable.

Le sénateur Whelan: C'est un organisme gouvernemental.

M. Otto: Oui, mais vous mélangez les pommes et les oranges ici. Ça ne fait pas partie du mandat de la Commission canadienne du blé qui s'occupe de vendre le blé. L'autre garantit la qualité.

Le sénateur Whelan: Mais elle garantit la qualité du blé que la Commission canadienne du blé vend et les deux commissions travaillent main dans la main, ne pensez-vous pas? Elles travaillent en étroite collaboration.

M. Otto: Mais elle travaille aussi dans l'industrie privée, sur le marché des lentilles, des pois, du canola et des épices.

Le sénateur Whelan: Dans un précédent rapport -- dont j'oublie le nom, mais vous l'avez peut-être lu -- on dit que nos lois et nos règles pour la classification des grains devraient être les mêmes qu'aux États-Unis. Je suis sûr que vous conviendrez avec moi que, si elles l'étaient, cela réduirait notre qualité.

M. Otto: Je n'ai jamais recommandé cela.

Le sénateur Whelan: Non. C'était disons dans le rapport «A» présenté par un témoin, mais il y a aussi eu un rapport «B» qui nous a été recommandé. Aux termes de l'ALENA, nous sommes censés combiner les éléments pour uniformiser le système de classification en Amérique du Nord, ce qui veut dire que nous réduirions nos critères pour les ajuster à ceux des États-Unis.

M. Lanier: Je ne m'en étais pas rendu compte, mais vous parlez comme un consultant. Faut-il que vous veniez sur place pour apporter la pluie? Puis-je vous appeler chaque fois que j'aurai besoin qu'il tombe un pouce et demi de pluie?

Le sénateur Whelan: Vous savez ce qui s'est passé là-bas? Ensuite, je suis allé en Saskatchewan et j'ai demandé aux producteurs s'ils avaient prier pour avoir de la pluie. Puis je suis parti dans l'Est. Je suis revenu dans l'Ouest six semaines plus tard pour apprendre qu'il avait plu depuis mon départ. Les producteurs voulaient faire leur récolte et m'ont demandé de faire arrêter la pluie. C'est là que je leur ai demandé s'ils avaient remercier le ciel de la pluie reçue. Deux jours plus tard, le vent s'est levé, le soleil apparaissait, et les producteurs ont pu faire leur récolte, une des meilleures jamais enregistrées.

M. Lanier: Le bon moment, ça compte, n'est-ce pas? Sénateur, vous avez dit que la France exigeait d'avoir du blé canadien. C'est merveilleux, mais nous ne savons pas si elle paie le gros prix pour ce blé. Nous ne savons pas si elle paie plus cher pour obtenir le produit qu'elle exige. Nous n'avons aucun moyen de le savoir.

Le sénateur Whelan: Nous n'avons habituellement aucun moyen de savoir si notre blé est mélangé au blé américain ou à autre chose avant d'être expédié. Les chefs et les boulangers exigent du blé canadien en raison de sa qualité, mais avec certains mélanges la qualité n'est pas la même.

Auparavant, quelqu'un triait le grain comme on le faisait pour l'or à certains silos. Son travail valait son pesant d'or parce qu'il pouvait mélanger à du bon grain de la poussière et d'autres grains de blé pour faire du blé de catégorie 2 avec des grains de catégorie 1 et de catégorie 4. Aujourd'hui, ça se fait par ordinateur, mais on mélange toujours de la camelote au bon grain pour faire des profits.

Cependant, grâce à notre système de classification, ceux qui achètent des grains provenant des silos supervisés par la Commission canadienne des grains savent qu'ils en ont pour leur argent.

Le président: En somme, les producteurs savent ce qu'ils reçoivent pour leur blé et, compte tenu de leurs coûts de production, ce revenu n'est pas suffisant pour leur permettre d'en vivre. Les cultures spéciales sont une bénédiction pour nous producteurs. Je peux vous dire que, si je ne cultivais pas de canola, je ne serais plus en affaires.

Le sénateur Whelan: Mais sans les recherches en agriculture, vous n'auriez pas de canola à vendre non plus.

Le président: C'est vrai. Nos chercheurs ont fait de l'excellent travail. Le problème, j'imagine, est la clause d'inclusion qui inquiète beaucoup de producteurs qui ont besoin des cultures spéciales pour survivre à cause des coûts de production qu'ils doivent assumer.

Le sénateur St. Germain: Si la question était soumise au vote de tous les producteurs visés, pensez-vous que la majorité rejetterait le projet de loi C-4? Je crois comprendre que les contre ont atteint 40 p. 100, mais dans le cas du projet de loi C-4, quel serait le résultat selon vous? Je sais bien que vous allez me répondre jusqu'à un certain point en fonction de votre point de vue, mais vous pourriez peut-être me dire comment vous pensez que les producteurs assujettis à la Commission canadienne du blé voteraient?

M. Lanier: C'est une question dangereuse.

Le sénateur St. Germain: Je sais. Nous répondons à des questions de ce genre tous les jours. Maintenant, c'est à vous, producteurs, que nous en posons une.

M. Lanier: Le vote sera-t-il pris en fonction de la superficie ou de la production? Quelle question voulez-vous poser?

Le sénateur St. Germain: J'imagine que ça nous ramène à la composition du conseil d'administration. Qui en fera partie? Sera-t-il composé de producteurs ou non? Je crois que c'est le dilemme que nous essayons de résoudre ici. Nous devons trancher la question, mais ce n'est pas simple et c'est pourquoi je fais appel à votre aide.

M. Lanier: Je ne pense pas qu'il serait adopté si la question était bien formulée et que tout le monde avait un vote. C'est aux producteurs de se prononcer. Allez-vous pondérer les votes en fonction de la superficie en acres ou de la production? C'est très dangereux. Quel mal y a-t-il à nous donner le choix? Le Sénat hésite à trancher et à choisir la règle qui va s'appliquer. Pourquoi ne pas nous laisser décider?

Le sénateur St. Germain: J'en déduis que la Commission canadienne du blé n'est pas viable si vous avez le choix. C'est ce qu'on nous a dit.

M. Lanier: Le moment n'est-il pas venu, 50 ans après sa création, de nous laisser décider du sort de la Commission?

Le sénateur St. Germain: Je suis prêt à vous donner le choix et, de toute façon, je vous remercie d'essayer de répondre au meilleur de votre connaissance.

Le sénateur Spivak: Mais c'est à la demande des producteurs que la Commission canadienne du blé a été créée. C'est ce qui a fait élire les progressistes conservateurs.

M. Lanier: On n'a jamais soumis la question au vote des producteurs.

Le sénateur Spivak: C'est vrai, mais ce sont les agriculteurs, par leurs exigences, qui ont entraîné la création de la Commission canadienne du blé parce qu'au départ, le gouvernement y était vivement opposé.

M. Lanier: Combien d'agriculteurs? Qui l'a exigé?

Le sénateur Spivak: Cela remonte aux années 30.

M. Lanier: C'est juste. Vous avez là un point valable.

Le sénateur Spivak: Plus maintenant.

Le président: Je tiens à vous remercier d'être venus, ce matin. Le débat a été animé, mais c'est pour cela que nous sommes ici. Après le déjeuner, l'après-midi sera consacré à entendre des agriculteurs qui viennent témoigner à titre personnel. Entre-temps, il reste un exposé à entendre.

Le sénateur Whelan: Si l'on me permet d'ajouter quelques mots, je tiens à ce que les témoins sachent que, pendant que nous tenons des audiences ici, on nous considère absents du Sénat, donc que, pendant deux semaines, nous serons portés absents. Vous pouvez être sûrs que la presse -- tous les médias en fait -- dira que nous ne faisons pas notre travail. Toutefois, elle ne précisera pas que nous sommes ici en train d'entendre des témoins. Elle dira simplement que nous sommes absents. C'est toujours ainsi. Vous pourriez peut-être en tenir compte quand vous lirez certaines critiques.

Le président: J'appelle à la barre M. Clifton Foster, de l'Alberta Barley Commission.

M. Brian Criz, président, Alberta Barley Commission: Par souci de clarté, je précise que Clifton Foster, directeur général de la commission, ne pourra pas être des nôtres aujourd'hui. Je me présente: Brian Criz, président de l'Alberta Barley Commission. Je suis accompagné de notre vice-président, Glen Logan, qui exploite une ferme au sud-est d'ici. Nous sommes tous deux des agriculteurs.

Nous avons suivi un peu le débat et nous nous présentons ici de bonne foi. Quand le projet de loi C-72 a fait l'objet d'audiences, nous avions aussi témoigné après M. Ike Lanier. Je puis au départ vous dire que nous sommes d'accord avec ce qu'il a dit. L'Alberta Barley Commission est ici pour représenter les intérêts des producteurs non pas de blé, mais d'orge pour laquelle les enjeux sont certes différents de ceux du blé.

Les normes de qualité dont parlait le sénateur Whelan en rapport avec le blé ne s'appliquent pas à l'orge fourragère. Les problèmes de nos producteurs portent entre autres sur l'établissement des primes et le transport de produits de qualité jusqu'au marché. Vous êtes ici aujourd'hui pour entendre l'Alberta Barley Commission et les agricultures albertains. Je puis vous affirmer que notre cause n'a pas été bien servie par la Loi sur la Commission canadienne du blé et qu'elle ne le sera pas plus par le projet de loi C-4.

Notre commission exige de l'agriculteur une contribution qui est remboursable, et nous utilisons un taux de 93 p. 100 qui reste au sein de la commission. Nous participons aux activités de la commission depuis 1991. Il existe une commission de l'orge en Alberta aujourd'hui en raison des problèmes de commercialisation que pose la production de la céréale dans cette province. C'est notre raison d'être. Au sein de l'Alberta Barley Commission, nous sommes tous des producteurs d'orge et nous sommes confrontés à des problèmes de commercialisation causés par le monopole. Je ne suis pas ici pour faire le procès de qui que ce soit, pas plus que je ne suis forcément ici pour me plaindre du passé. J'aurais cependant quelques suggestions à faire pour l'avenir.

Notre commission estime que le projet de loi C-4 est une tentative ratée en vue de mettre en place un régime de commercialisation. Nul ne demande jamais à savoir pourquoi l'orge et le blé sont inclus. Nous aimerions vraiment avoir la réponse à cette question. Sur une ferme mixte, nous pouvons choisir nos cultures. J'en ai entendu dire: «Si vous ne souhaitez pas cultiver des céréales relevant de la compétence de la commission du blé, rien ne vous oblige à faire partie de ce monopole». Toutefois, là n'est pas la question. Il s'agit de pouvoir choisir de faire des profits. On cultive l'orge parce que cette culture est profitable -- elle est garantie contre bien des risques dans cette région-ci du pays.

Les producteurs de toutes sortes d'autres produits, par exemple les producteurs de mil et de foin, sont libres de les vendre comme bon leur semble. En tant que particulier, vous avez le droit de revendre votre voiture. La capacité de vendre votre produit, de faire des distinctions de qualité et d'interagir avec votre client est innée. Or, ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi C-4, ni l'actuelle Loi sur la Commission canadienne du blé. Pourquoi vous intéressez-vous à un nouveau projet de loi qui ne laissera pas le producteur interagir avec son client, quel qu'il soit? Les normes s'appliquant à l'orge au Canada même sont excellentes. Toutefois, celles qui s'appliquent aux exportations sont médiocres.

Je précise, sans les nommer, que des céréaliers canadiens profitent de ce régime depuis quelque temps déjà. Je ne les en blâme pas, puisque les règles sont ainsi faites, mais les normes de qualité de nos exportations d'orge fourragère laissent beaucoup à désirer. Ainsi, des livraisons d'orge viennent tout juste d'être rejetées et vendues à rabais en raison des excréments de cerfs qu'elles contenaient. La Commission canadienne des grains n'effectue pas de contrôle de la qualité de l'orge fourragère. En règle générale, l'orge fourragère consommée au Canada est plus propre que celle qui est exportée. Or, si je peux cultiver de l'orge de qualité supérieure pour la laiterie ou la porcherie de mon voisin, on ne me permet pas, en tant qu'agriculteur, d'exporter cette orge en Corée ou au Japon. Il faut mettre fin à cette situation, ce que ne fait pas le projet de loi C-4. Il ne nous en donne pas les moyens.

Le débat au sujet des clauses d'inclusion et d'exclusion nous intéresse. Au début, nous avons cru qu'elles avaient été incluses dans le projet de loi par Ralph Goodale pour le rendre plus potable, qu'elles sèmeraient la confusion et prolongeraient le débat. Plus nous y regardons de près, toutefois, plus nous nous rendons compte qu'il n'en sera rien. La clause d'inclusion coûtera cher et la clause d'exclusion, encore plus.

Le conseil d'administration est mandaté pour voir aux meilleurs intérêts de la Commission canadienne du blé. Je ne vois donc pas comment il pourrait un jour être dans le meilleur intérêt de la commission d'exclure le blé. Cela ne se produira jamais. Je puis toutefois concevoir qu'il soit dans le meilleur intérêt de la commission d'inclure plusieurs autres céréales. Voilà où le bât blesse. Ce n'est pas équitable. Le recours aux clauses d'inclusion et d'exclusion tel qu'envisagé dans le projet de loi C-4 n'est pas juste. Voilà notre opinion. Je comprends que le ministre Goodale souhaitait, par l'inclusion de ces articles dans le projet de loi, donner aux agriculteurs un droit de regard sur ce que fait la Commission canadienne du blé. Cependant, le projet de loi actuellement à l'étude ne donnera pas ce résultat.

Cette idée a été examinée sous toutes les coutures durant les audiences, point qu'on oublie parfois de mentionner. Le Western Grain Marketing Panel a passé beaucoup de temps à interroger les divers intervenants un peu partout dans les régions rurales et il s'est servi des témoignages qu'il a entendus pour faire quelques recommandations. Nous avons aussi trouvé des recommandations faites dans des études remontant au début des années 90; elles portent sur la valeur ajoutée et sur la transformation au Canada. Elles n'ont jamais été rendues publiques. L'actuel gouvernement, par l'intermédiaire du Western Grain Marketing Panel, n'a pas sérieusement envisagé la possibilité de donner suite à ces recommandations, ce qui nous oblige à nous demander: si c'était un exercice bidon, celui d'aujourd'hui l'est-il aussi?

Le principe d'une commission canadienne du blé à participation volontaire serait équilibré et équitable. Les producteurs auraient droit de regard sur le mandat de la commission, du simple fait qu'ils seraient libres de décider d'y participer ou non. C'est le message qu'a envoyé la Winter Wheat Commission, et je crois que c'est notre message à nous, aussi; quelle que soit la forme sous laquelle la commission survit, ce sera la seule forme sous laquelle elle aurait pu survivre.

Lors des audiences concernant le projet de loi C-72, j'ai cité en exemple les avantages de la pleine concurrence. Vous connaissez bien l'agriculture. Réfléchissez à ce qui se passe à la mi-mai dans les Prairies; le fermier ne s'inquiète pas des facteurs de production, pas plus que du fait que quelqu'un est en train de décider qui obtiendra quoi. Il ne s'inquiète pas non plus de ce que font les chemins de fer. Le fermier obtient un signal de prix très net avant de s'en servir, à quelques milles à peine de sa ferme. Au Canada, ce régime de pleine concurrence en ce qui concerne les facteurs de production est très efficace. La population urbaine n'entend pas parler des problèmes que nous avons du côté des facteurs de production, en agriculture. C'est là justement une des caractéristiques du marché libre, et nous le comprenons. Dans notre cas à nous, l'intrant est notre production, et nous aimerions que le même régime de marché libre s'applique à sa vente. On fait une confiance aveugle du côté des intrants, et on se sert des mêmes valeurs quand on construit une maison et qu'on a recours à des entrepreneurs; il n'y a pas de régime où la valeur est fixée à l'avance. Nous demandons que le commerce du blé et de l'orge ne soit pas soumis, lui non plus, à un pareil régime.

M. Logan: En somme, l'enjeu est la liberté de l'agriculteur de choisir le genre de régime de mise en marché qu'il souhaite utiliser. Plus tôt dans le débat, nous avons entendu parler de la possibilité de se retirer de la Commission canadienne du blé pour un an ou en permanence. Je ne crois pas que ce soit un enjeu ici. Si nous voulons nous convaincre que la Commission canadienne du blé est un négociant de premier ordre, il faudrait pouvoir accepter un contrat d'elle le lundi, un contrat de Cargill le mercredi et un autre de la Commission canadienne du blé le vendredi -- du moment que le prix convient au producteur. Pour l'instant, on n'a pas ce choix en ce qui concerne les grains relevant de la Commission canadienne du blé.

Le président: Votre exposé est-il fini?

M. Criz: J'aimerais aborder un autre point. Nous aimerions discuter de qui sont les concurrents et de la nature de leur régime de commercialisation des grains par rapport à celui du Canada. Nous n'évoluons pas dans le vide; nos concurrents sont en train de réorganiser leur régime de commercialisation des grains dans l'espoir d'accroître la part du marché de leurs agriculteurs. Grâce aux réformes du commerce multilatéral, ils peuvent aussi avoir une influence sur nos propres débats en matière de politique. Vous avez vu à quel point les Américains s'intéressaient à nos débats, avec raison. Ce climat politique fait comprendre la nécessité de procéder à une réforme de notre orientation en vue de permettre aux producteurs de conclure des partenariats avec des entreprises en aval. Les céréaliers peuvent actuellement le faire, mais pas les agriculteurs. Comme vous l'ont dit les meuneries et l'industrie des produits biologiques, les agriculteurs ne peuvent même pas se diversifier en aval sur leur propre ferme. On vous a parlé de ces problèmes.

Les producteurs ontariens ont leur mot à dire dans la commercialisation de leur culture et peuvent commencer à conclure des partenariats. Pourtant, on ne le permet pas aux producteurs des Prairies. C'est là une différence de taille que bien des Albertains ont de la difficulté à avaler. Les producteurs d'orge albertains souhaitent prendre en charge leur propre avenir en concluant des alliances stratégiques avec les consommateurs de leurs produits. C'est la nature actuelle de l'agriculture, et il faudrait que la Commission canadienne du blé en prenne acte dans les modifications. La solution n'est pas de prévoir une clause d'inclusion ou d'exclusion dans la loi. Rendre la participation à la Commission canadienne du blé volontaire est le seul moyen efficace de régler ces questions et de mettre fin au débat.

Le président: Vous avez demandé s'il s'agissait d'un exercice bidon. Pendant 14 ans, j'ai fait partie de comités de la Chambre des communes; quant aux comités sénatoriaux -- il faut que je pèse mes mots --, les sénateurs nommés qui sont assis ici ont beaucoup d'expertise. Nous nous efforcerons vraiment de faire des recommandations et de proposer des modifications au projet de loi à l'étude. C'est mon point de vue personnel, et les autres sénateurs membres du comité auront sans doute les leurs. Nous tenions particulièrement à entendre de la bouche même des agriculteurs et de leurs représentants les répercussions qu'aurait le projet de loi sur les agriculteurs de l'ouest du Canada. Sénateur Whelan?

Le sénateur Whelan: Quand vous avez parlé de la présence d'excréments de cerfs dans l'orge, vous avez ni plus ni moins laissé sous-entendre que c'était la faute de la commission des grains. J'ai pelleté toutes sortes de grains, de même que toutes sortes de fumier. Ne croyez-vous pas que c'est en partie la faute de l'agriculteur qui a expédié le grain? Il savait qu'il ne fallait pas le faire. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai parlé d'y voir vous-même -- vous le savez quand vous n'êtes pas censé faire quelque chose.

M. Criz: Je suis d'accord que le fermier est à blâmer. Il n'est pas pénalisé, cependant, parce qu'il ne représente qu'un joueur dans le compte de mise en commun -- il n'assume pas de blâme et il n'a pas de comptes à rendre. C'est notre régime qui n'a pas de comptes à rendre.

À mon avis, il n'y a pas de place pour ce genre de chose. Il y a toujours des crottes de souris devant la cellule de stockage des greniers à céréales. Si vous les mettiez dans les céréales, toutefois, vous le feriez à vos risques et périls. Sur la ferme, il faut rendre des comptes; soit que vous mangiez ces céréales vous-même, soit que vous les épurez. Quand les exploitants de silos-élévateurs et les agriculteurs n'ont pas de compte à rendre, cependant, c'est alors qu'on a ce genre de problème. Le projet de loi C-4 ne changera rien à la situation.

Le sénateur Whelan: L'avoine a été soustraite à la compétence de la commission du blé sans que les producteurs aient voix au chapitre. Seriez-vous contre l'idée de demander aux producteurs de se prononcer au sujet de clauses d'inclusion et d'exclusion qui soustrairaient des grains comme le blé ou le canola au monopole de la Commission canadienne du blé?

M. Criz: Il s'agit selon moi d'une question sans intérêt pratique. Pourquoi ne pas voter sur l'inclusion, dans la compétence de la Commission canadienne du blé, des faucheuses-andaineuses d'occasion ou de tout autre produit? Pourquoi ces deux seuls produits, le blé et l'orge?

Sur ma ferme, nous gagnons notre vie en cultivant l'orge. C'est notre principal produit, et je crois donc avoir un intérêt beaucoup plus grand dans ce dossier que celui qui, tous les cinq ou six ans, lanterne sur le marché des produits de malt. C'est là la différence. Ma ferme se trouve dans les montagnes, à 3 500 pieds d'altitude. La saison de culture y est donc plutôt courte. L'orge est une culture importante et le sera toujours. Les difficultés qu'a éprouvées la Commission canadienne du blé sont attribuables au centre-ouest de l'Alberta, où se cultive l'orge. C'est dû aux injustices du marché, à l'arbitrage des prix pour l'orge de meilleure qualité et à tous ces autres problèmes.

Du temps où mon père cultivait le grain, la production contingentée nous posait problème. On n'attribuait aux secteurs très productifs du centre-ouest de l'Alberta que des quotas minimaux. Nous produisions entre 50 et 60 boisseaux d'orge par acre. En Saskatchewan, ils cultivaient de 12 à 13 boisseaux de blé par acre, et ils avaient pourtant droit au même quota initial. La question de savoir qui avait besoin du plus grand nombre de silos et qui devait attendre le plus longtemps de toucher des rentrées nettes ne se posait même pas. C'est ainsi qu'on a modifié le régime de la production contingentée et qu'on a effectué d'autres changements en vue de régler les problèmes fondamentaux posés par le monopole. Nous réclamons un dernier petit effort, le passage à un régime à participation volontaire, ce qui réglerait tous les problèmes.

Le sénateur Whelan: Il a été question du régime de la pleine concurrence. Il y a beaucoup de pétrole en Alberta. Chaque jour, chacun d'entre nous consomme des produits énergétiques -- on utilise des autos, des tracteurs, on chauffe les maisons, et cetera. J'ai suivi le dossier de très près, et même Kaddafi participe maintenant au grand mouvement en faveur de fixer le prix du pétrole, tout comme le marché libre et l'OPEP. Hier, dans un journal de Calgary, j'ai vu un article qui disait: «Nous espérons que le coût du pétrole remontera à 17 $ le baril». Ils souhaitaient l'adoption d'un prix fixe et ils réduisaient leur production. Seriez-vous disposés à accepter l'application d'un pareil régime mondial au blé?

M. Criz: Il n'a pas amélioré le sort des producteurs de pétrole. En fait, il n'a jamais rien fait d'utile pour le pétrole. Vous avez choisi le mauvais exemple. Il y a toujours quelqu'un qui triche quelque part -- on le constate pour toutes les marchandises dont l'offre est régie. Cela finit par faire monter le prix du quota et ce qui auparavant était sans valeur en acquiert une. Cette valeur est capitalisée et elle entre dans le calcul du prix que paye tout le monde.

Le sénateur Whelan: En 1974, quand nous souhaitions mettre en valeur les sables bitumineux, il avait été question de la controversée politique de l'énergie. Le pétrole se vendait alors 7,50 $ le baril, et les éminences grises de la finance nous ont dit que nous ne pouvions pas exiger autant parce qu'à l'époque, le pétrole s'achetait 2,20 $ le baril en Arabie saoudite. Voilà les grands conseils économiques que nous avons reçus.

Je me souviens que nous avons perdu une vente importante d'orge à l'Arabie saoudite parce que, comme le pays était pauvre, les Américains se sont servis de leur programme de subvention pour s'accaparer le marché. Je ne prétends pas tout savoir, mais le système de marché équitable est souvent très inéquitable.

M. Criz: Inévitablement, nous sommes en train de libéraliser notre marché parce que c'est la seule solution efficace et durable. Si vous examinez les échanges commerciaux du passé, vous constaterez que c'est ce vers quoi nous nous dirigeons. Nous aimerions que le marché de notre produit emprunte la même voie.

Le sénateur Stratton: Combien de producteurs représentez-vous?

M. Criz: Notre liste de diffusion comporte quelque 43 000 membres dont la moitié serait probablement des producteurs d'orge professionnels. C'est à peu près cela. Un peu plus de la moitié de la production d'orge canadienne provient de l'Alberta, ce qui donne en moyenne 6,5 millions de tonnes. Il s'agit d'une culture très importante pour l'Alberta et pour l'industrie des provendes. On craignait que l'Alberta accuse un déficit à cet égard. Cela n'arrivera pas. Si la demande se fait sentir, le prix évoluera rapidement de manière à pousser la culture de l'orge. C'est ça le marché libre.

Le sénateur Stratton: Le fait que l'on va doubler l'élevage du bétail et doubler ou tripler celui du porc vous réjouit-il?

M. Criz: Nous espérons qu'il s'agit d'une bonne nouvelle. Nous espérons que cela se fonde sur la véritable valeur de l'orge. En tant que producteurs albertains d'orge, nous estimons être sous-payés depuis un bon bout de temps et ce, en raison de signaux de prix erronés et du fait que nous n'avons pu trouver un meilleur prix pour notre orge en offrant notre meilleur produit sur les marchés étrangers. Nous espérons que cette industrie n'est pas bâtie sur le sable, que le prix réel de l'orge ressortira ici, et que, si le prix augmente, d'autres pourront soutenir la concurrence. En tant qu'agriculteurs, nous craignons d'être aux prises avec des problèmes commerciaux s'il est prouvé que nos politiques ont laissé le prix de l'orge sous la normale dans les Prairies. Nous espérons que cela n'arrive pas.

Le sénateur Stratton: Certains groupes sont en faveur du libre-échange alors que d'autres veulent vraiment pousser le double système de commercialisation que je préfère appeler le système d'exclusion volontaire. Pourquoi ne pas vous présenter devant nous en tant que groupe ce qui nous donnerait une idée du nombre de gens que vous représentez? D'après ce que nous savons, vous êtes assez nombreux. Peut-être ne vous entendez-vous pas sur des questions comme l'inclusion et l'exclusion, mais pourquoi ne viendriez-vous pas nous parler en tant que groupe?

M. Criz: J'ai une petite histoire qui vous permettra de comprendre pourquoi nous ne pouvons venir ensemble et cela a à voir avec ce que nous sommes. Nous sommes des producteurs, des agriculteurs et des touche-à-tout. Il y a sept ans, j'étais chez-moi à m'occuper d'élever du bétail et quelques enfants. J'exploitais alors un parc d'engraissement et je n'ai jamais assisté à quelque réunion que ce soit. Je ne m'intéressais pas à la politique. Quelqu'un m'a appelé pour me parler de la création de l'Alberta Barley Commission et m'a demandé si je voulais faire partie du premier conseil d'administration. Je me suis rendu à la première réunion à Edmonton, une réunion consacrée à la recherche où il a été question de la façon dont le gouvernement fédéral dépenserait les nouveaux crédits qu'il y affecterait. On m'a demandé de prendre la parole et j'aurais dû faire n'importe quoi d'autre hormis cela. Même si j'ai fréquenté l'université, il est presque impossible pour des gens comme moi qui exploitent activement une ferme de parler à des gens comme vous. Je me suis levé à 6 h ce matin, j'ai effectué mes corvées et j'ai mis au monde deux veaux que j'ai placés dans l'enclos qui leur est réservé. Il s'agit de tâches tout simplement normales pour un agriculteur. Se présenter à une réunion et y parler de façon cohérente n'est pas facile et cela exige du temps. Les gens dont vous n'entendez pas parler sont importants.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela. Jusqu'ici ce matin, nous avons entendu plusieurs groupes. Pourquoi ne viendriez-vous pas tous ensemble pour nous montrer que vous êtes nombreux? Pourquoi ne feriez-vous pas cela? Pourquoi n'iriez-vous pas en Saskatchewan et au Manitoba et rencontrer les gens là-bas?

M. Criz: Parce que les agriculteurs sont des individualistes.

Le sénateur Stratton: Je parle d'organisations, monsieur.

M. Criz: Nous avons fait certaines choses en commun, mais il se crée des dissensions à l'égard de certaines subtilités. Au bout du compte, les gens ont leur propre autonomie. Certains de ces organismes existent pour travailler dans les coulisses; ils ont un intérêt direct à exercer des pressions et à présenter des exposés de principes. D'autres organismes, le nôtre par exemple, sont là pour permettre aux agriculteurs d'unir leurs forces. Les commissions ont vu le jour parce qu'elles s'occupent de produits différents. Elles sont aux prises avec les différents problèmes que posent le développement du marché et la formulation des politiques.

La coalition contre le projet de loi C-4 à Winnipeg représentait 30 000 personnes. Nous n'y avons pas participé parce que le débat sur l'inclusion et l'exclusion nous semblait une forme de diversion et que nous ne voulions pas nous laisser entraîner dans ce genre de discussion. Nous voulions parler de l'adhésion volontaire.

Le président: Je crois qu'environ 13 groupes participaient à cette coalition; il y avait des cultivateurs d'orge et de canola et ainsi de suite.

M. Criz: Nous sommes d'accord avec un grand nombre de leurs préoccupations mais nous ne voulions pas nous laisser entraîner dans ce débat.

Le sénateur Hays: En ce qui concerne son utilisation dans l'Ouest canadien, de toute façon l'orge devient de plus en plus un grain «hors Commission», et jusqu'à un certain point, le rôle de la Commission canadienne du blé devient de moins en moins pertinent. Je comprends qu'il vous est impossible de commercialiser l'orge aux États-Unis mais il me semble que la Commission du blé a un rôle de moins en moins important à jouer à cet égard. Il existe une exception, et c'est en ce qui concerne le prix sous la normale de l'orge comme produit.

Pourriez-vous nous expliquer cela, et aussi pour revenir à ma première question, pourquoi, contrairement aux autres produits comme le blé, l'orge, de plus en plus, fait l'objet d'un commerce interprovincial et intraprovincial.

M. Criz: Nous faisons la promotion de l'orge parce que nous représentons la Commission de l'orge de l'Alberta. Il existe toutefois une autre raison. Si l'on examine les utilisations de l'orge, son fractionnement et ses propriétés, on constate qu'il possède des propriétés pour la santé supérieures à celles de céréales comme l'avoine. Il offre d'énormes possibilités pour l'alimentation humaine car il peut être utilisé comme farine et pour les diabétiques non insulinodépendants. Nos études nous ont amenés à constater que nous avons à peine effleuré les possibilités de l'orge.

Notre commercialisation se fonde sur les marchandises en vrac. Le système de mise en commun des céréales dilue la qualité du grain, qui est ensuite nettoyé au port et auquel on rajoute alors ce qu'il faut pour qu'il corresponde aux normes. C'est loin d'être l'idéal si vous voulez isoler de l'orge de bonne qualité, destiné directement aux marchés étrangers. Il serait sans doute possible de cultiver une plus grande quantité d'orge, mais les signaux de prix pour un produit à quai destiné à l'exportation ne sont pas assez forts pour favoriser une telle mesure. Nous pensons également qu'il existe des débouchés à l'échelle mondiale pour l'orge de brasserie.

Dans certains cas, nous estimons que nos normes sont trop élevées. Elles protègent l'industrie intérieure canadienne en lui offrant une énorme quantité d'orge de brasserie dont elle choisit environ le tiers. Au Canada, tout se fait dans un seul sens; on peut choisir le grain de meilleure qualité, ce qu'on fait d'ailleurs, et on le paye à prix d'or. Nous aimerions que l'on offre de l'orge de brasserie de qualité secondaire outre-mer -- à la Chine, par exemple. Nous pensons que ce marché est plus vaste et qu'il permettrait de payer son fret. Nous pourrions alors cultiver plus d'orge dans les Prairies. Ces signaux que nous ne recevons pas empêchent ce genre de chose de se produire.

Par suite du changement apporté à la subvention du Nid-de-Corbeau, nous constatons le problème qui se pose au niveau du fret. La subvention du Nid-de-Corbeau payait jusqu'à 25 $ la tonne pour les céréales fourragères à la ferme. En Alberta, cela permettait de garder l'orge à la ferme jusqu'à un certain point. La Saskatchewan et le Manitoba ont décidé d'offrir des programmes équivalents pour ne pas perdre leurs industries de céréales fourragères. Ces politiques gouvernementales ont reconnu le problème qui existait au niveau du fret, et l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau ne l'a rendu que plus évident.

M. Logan: Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt du cultivateur d'orge d'être captif de l'industrie des productions animales. Nous devons avoir accès aux marchés internationaux de sorte qu'en cas de ventes à prix fort, nous y ayons accès. Nous n'avons pas cette possibilité à l'heure actuelle.

Le sénateur Hays: Pourquoi la situation de l'orge est-elle moins mauvaise avec la Commission canadienne du blé que sans elle?

M. Criz: C'est une question de politique. On veut exporter du blé et du durum; c'est pourquoi il n'y a pas beaucoup d'orge exportée au sud sur les marchés à prix fort. C'est une accusation assez facile à faire et je n'ai rien pour l'appuyer. Je suis sûr cependant que le marché de l'orge ne fait pas l'objet d'une promotion active pour des raisons politiques. Lorsque nous avions le marché continental de l'orge en 1993, le tonnage avait triplé en peu de temps et la Commission canadienne du blé ainsi que les exportateurs accrédités étaient très actifs parce qu'ils se livraient une concurrence serrée. Cette situation ne s'est pas reproduite depuis.

Le sénateur Hays: Y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles le prix de l'orge est sous la normale?

M. Criz: Le genre de qualité que nous offrons pour l'exportation n'est pas la même que celle que je peux vendre à l'agriculteur d'à côté. Nous devons être en mesure d'offrir une meilleure qualité qui permettra d'en payer le fret -- c'est-à-dire payer l'expédition, le nettoyage et ainsi de suite -- et nous estimons qu'il existe un meilleur marché pour cela.

Nous sommes en train de faire des études au Mexique, en coopération avec la Commission canadienne du blé, je tiens à le préciser. Nous voulons montrer que l'orge peut très bien remplacer le maïs dans l'alimentation du bétail au Mexique. Le Mexique est un important importateur de céréales fourragères, bien que nous ayons certains problèmes politiques à l'heure actuelle, en raison de certaines limites en matière tarifaire. On peut très bien utiliser l'orge partout dans le monde pour nourrir le bétail et le porc. Nous n'avons pas encore envisagé toutes ces options.

Le sénateur St. Germain: À votre avis, le projet de loi C-4 tient-il compte de la mondialisation et des changements en train de se produire au niveau des échanges commerciaux? D'après certains témoignages que nous avons entendus aujourd'hui et lors de séances précédentes, j'ai l'impression que le projet de loi ne fait que rafistoler une situation qui est déjà dépassée, et que nous ne prenons pas les moyens qui s'imposent.

M. Criz: Je pense effectivement que ce n'est que du rafistolage et je ne crois pas que cela plaira davantage à nos partenaires commerciaux. Il ne peut pas être si difficile que ça d'être vendeur à la Commission canadienne du blé; vous n'avez pas à être propriétaire du produit tant que vous n'avez pas couvert tous vos frais. Vous avez la meilleure qualité et toutes les céréales du Canada sont à votre disposition. Votre travail consiste à vendre toutes ces céréales au cours d'une année donnée.

Si vous étiez ce vendeur, et que vous étiez à un moulin quelque part à l'étranger, vous pourriez offrir un prix plus bas que celui coté, quel qu'il soit. C'est la réalité. Je ne sais pas dans quelle mesure vous voulez offrir un prix plus bas, mais c'est ainsi que fonctionne la Commission. Vous pourriez dire que c'est un outil, mais il ne plaît pas tellement à nos concurrents. Comme agriculteur, cela ne vous plaira probablement pas non plus, mais c'est la réalité. La Commission canadienne du blé peut demander un prix moins élevé parce qu'elle n'achète le grain qu'une fois que tous les frais sont couverts. C'est le système en vigueur à l'heure actuelle et il continuera en vertu du projet de loi C-4.

Le sénateur Fairbairn: Quel est le marché pour l'orge de brasserie au Canada?

M. Criz: Au Canada, il existe des règles qui stipulent que le grain doit être brassé dans la province où la bière est consommée. Bien que les Canadiens soient de bons buveurs de bière, ils ne sont pas si nombreux que cela. Le véritable marché de l'orge de brasserie est par conséquent le marché américain.

Le système de classement au Canada ne reconnaît pas le type d'orge que les Américains utilisent pour leur bière. Il a une couleur différente et le processus de sélection est différent. Nous avons de la difficulté à cultiver leur variété d'orge parce que la CCG ne nous y autorise pas par crainte qu'il se mêle au système canadien et affecte notre marché.

Il ne sera pas facile de pénétrer le marché américain sauf dans le cadre d'un programme régulier de passation de marchés. Notre capacité d'exporter de l'orge de brasserie aux États-Unis est limitée; en tant que particuliers, nous devons racheter les céréales et vous avez sans doute entendu des histoires d'horreur au sujet de ce processus.

Nous estimons qu'il n'y a jamais eu tant de débouchés pour l'orge de brasserie. C'est un produit de grande valeur et le climat sec de la Saskatchewan se prête particulièrement à sa culture.

Le sénateur Fairbairn: Il y a des restrictions?

M. Criz: Il y a des restrictions en ce qui concerne le type et la qualité et au niveau de la vente. En tant qu'agriculteur, je ne peux pas vendre directement au brasseur, même s'il se trouve à dix minutes de mon exploitation agricole.

Le sénateur Hays: Le sénateur St. Germain s'est demandé ce que tout cela avait à voir avec les efforts déployés par le Canada pour rendre le commerce mondial des céréales plus équitable. Nous avons devancé nos concurrents. Nous avons éliminé la subvention du Nid-de-Corbeau ainsi que certains filets de sécurité discutables. Il existe encore des programmes provinciaux comme le FIDP et le FSIP, qui obtiennent un appui de 70 p. 100, mais nous avons fait beaucoup de chemin.

Aux États-Unis, on constate certains changements dans la dernière loi agricole, et il semble que le budget agricole diminuera. Ils ont toutefois davantage d'aide que nous et ils ont conservé des programmes qui leur accordent des prix plus élevés. Quelle est votre opinion à ce sujet?

Un grand nombre des problèmes que nous connaissons aujourd'hui sont attribuables au fait que nous ne finançons pas les agriculteurs comme nous le faisions auparavant parce que nous croyons qu'il sera davantage dans notre intérêt de rendre les règles du jeu plus équitables au niveau du commerce international. Je ne suis pas sûr que le projet de loi C-4 a quoi que ce soit à voir avec cela, mis à part la préoccupation concernant l'existence d'un organisme commercial d'État. Comme vous le dites, ils sont obligés de vendre leurs céréales à des prix concurrentiels mais ils n'ont pas de subventions à l'exportation et ils n'ont pas de programme d'encouragement des exportations.

M. Criz: Nous avons l'intention de créer un système réellement concurrentiel qui attirera les gens vers le secteur agricole. Mon père a grandi dans les années 30 et à cette époque, les enfants pas très doués restaient à la maison et les enfants intelligents allaient au collège et finissaient par aller travailler à la ville. Je pense que cette industrie agricole concurrentielle attirera les enfants intelligents et qu'ils resteront à la maison. Je pense que c'est ce qui se produira. Ce sont eux qui participeront au débat; c'est-à-dire les avant-gardistes qui veulent avoir la possibilité de se démarquer, eux et leur entreprise. Je pense que cela fait honneur au Canada. Nos exportations seront aussi importantes qu'il le faudra.

En tant qu'agriculteur, je n'accorde pas vraiment d'importance à l'idée que nous desservirons toutes les installations de manutention du grain, que les travailleurs portuaires seront heureux et que les navires auront de pleines cargaisons. Ce n'est pas vraiment important et pourtant, nous y sommes constamment confrontés, à la capacité d'exporter l'excédent, les paiements et tout le reste. Pour moi, en tant qu'agriculteur, cela n'a pas vraiment d'importance.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant nous. Je tiens également à remercier tous ceux qui ont fait des présentations ce matin.

La séance est levée.


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