Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 8 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


CALGARY, le jeudi 31 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, s'est réuni en ce jour, à 13 h 12, dans le but d'examiner ledit projet de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Veuillez vous présenter à tour de rôle et nous dire où sont situées vos exploitations agricoles.

M. Russell E. Smith: Je viens de Vulcan, en Alberta. Avec mon fils, j'exploite une entreprise céréalière de 2 000 acres et nous exportons des céréales biologiques vers divers pays, depuis maintenant dix ans. Je m'y connais en exportation et j'ai des doutes quant aux mérites du système actuel.

M. Richard Strankman: J'ai une exploitation près de la frontière avec la Saskatchewan. Je suis marié, j'ai deux enfants, Pam et Jay, et je fais de la polyculture. J'ai environ 2 500 acres ensemencées en céréales, et une entreprise d'élevage-naissage d'environ 130 têtes.

Le président: Voulez-vous commencer, s'il vous plaît?

M. Smith: Je remercie ce comité du Sénat canadien de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Mon opposition au projet de loi C-4 est liée à la proposition concernant la responsabilité des agriculteurs, ainsi qu'au mandat donné à la CCB de vendre tout le grain dans l'année, quel qu'en soit le prix. Nous avons eu un bon exemple l'an dernier, quand 60 à 80 p. 100 seulement de la première livraison contractuelle ont été acceptés. Quand le cours mondial du blé a chuté, la CCB a vendu beaucoup plus de grain, et elle va maintenant accepter 100 p. 100. Je suis sûr que la CCB est la risée des négociants en grain, car elle semble toujours vendre quand le marché est au plus bas.

La Commission a consacré beaucoup d'argent à des recherches afin de déterminer si les marchés sont utilisés de la manière la plus avantageuse possible pour les céréales. Elle doit être à l'abri des poursuites, sans quoi ses employés seraient constamment devant les tribunaux. Le fait que la CCB ne soit pas assujettie à la Loi sur l'information, et qu'elle soit exempte des vérifications du vérificateur général, sont deux des grandes erreurs qui ont été commises lors de sa création. Si les employés étaient conscients des énormes erreurs qui ont été commises, ils se montreraient maintenant plus prudents.

Si le canola est devenu si populaire dans l'Ouest canadien, c'est parce qu'il est vendu sur le marché libre. Il y a des gens qui appuient sans réserve la CCB, et qui souhaitent que la canola y soit assujetti; mais même ceux-là le cultivent pour avoir des liquidités, et cela ne serait plus possible sous le régime de la Commission.

Je crois que l'intention cachée derrière le projet de loi C-4 est de contrôler tous les grains produits dans l'Ouest, mais non pas dans l'Est. Si la CCB est tellement extraordinaire, elle devrait être imposée également à tous dans tout le Canada, et nous verrions alors ce qui arriverait.

Par le passé, la CCB a refusé les petites quantités de grain. Est-ce que cela s'appliquerait aussi au lin? Il y a eu une fois une commande pour des céréales en sac. Elle a été refusée, parce que le Canada n'ensache pas les grains pour l'exportation. À l'époque, le chômage était à 14 p. 100 à Vancouver. Je ne sais pas pourquoi on a refusé l'ensachage. À mes yeux, c'est la meilleure raison pour avoir deux marchés parallèles.

Le président: Avez-vous bien dit que vous êtes un producteur biologique?

M. Smith: Oui, à 100 p. 100.

M. Strankman: Je vous remercie de cette occasion qui m'est offerte de présenter mon point de vue sur le projet de loi C-4. Comme vous le savez probablement, il a déclenché un tumulte de protestations dans l'Ouest. Il est d'ailleurs significatif que l'entrée en vigueur de ce projet de loi préoccupe suffisamment le Sénat du Canada -- soupape de sécurité du régime parlementaire canadien -- pour que celui-ci prenne le temps de venir rencontrer des cultivateurs concernés. Nous vous félicitons de ce geste et nous espérons que votre décision sur le projet de loi C-4 aura des effets positifs pour le Canada.

Je viens à ces audiences sans trop de certitude. Le gouvernement fédéral a engagé des frais importants pour mettre sur pied le groupe de travail sur la commercialisation des grains de l'Ouest. Mais il n'a pas tenu compte de ses conclusions unanimes. Il y a eu ensuite un plébiscite, qui a également été vivement critiqué pour ses lacunes. Je ne suis pas sûr que tout ceci soit utile. Mon point de vue sur le projet de loi C-4, c'est tout simplement qu'il ne laisse pas aux agriculteurs de l'Ouest la liberté suffisante pour vendre leurs produits comme ils l'entendent. Les agriculteurs du Canada central ont davantage de liberté dans la commercialisation des grains. Si j'avais pu vendre moi-même ma production en 1996, j'aurais encaissé 50 000 $ de plus. Les cultivateurs qui souhaitent s'exclure du système devraient avoir la possibilité de le faire.

Il y a une autre faiblesse dans le projet de loi; elle concerne la nomination des administrateurs. Je ne comprends pas pourquoi il ne serait pas préférable pour les agriculteurs d'avoir un conseil entièrement élu. Vous êtes des représentants de la chambre de réflexion, pour citer M. John A. MacDonald, et je tiens à vous dire que les cultivateurs demandent plus de choix. Ce projet de loi ne leur donne pas ces choix.

Le président: Merci.

Monsieur Bell, pouvez-vous nous dire d'où vous venez?

M. Stan Bell: J'ai une exploitation à Carstairs. Je suis membre d'organisations d'agriculteurs depuis longtemps. Ces sujets m'intéressent tout particulièrement, et j'ai déjà fait des présentations devant des organismes gouvernementaux.

Le président: Monsieur Sackett?

M. Ken Sackett: J'ai une ferme à Crossfield, à 35 milles au nord-ouest d'ici.

M. John Ross: Je viens de Gadsby, à 80 milles à l'est du centre-ville de Red Deer.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je n'ai pas préparé d'allocution. J'apprécie cette occasion de prendre la parole devant votre comité. Je parle en mon nom, au nom de mon fils et de mes voisins. Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas un jeune agriculteur. Avec mon fils de 35 ans, je cultive principalement les céréales sur l'exploitation familiale. Je suis un défenseur convaincu de la Commission du blé, et je suis un peu inquiet et confus de voir que nous semblons discuter des mérites de la CCB. Mes voisins et moi estimons que nous devons essayer de la rendre plus forte et plus efficace. Nous souhaitons qu'elle puisse faire ce qui était prévu à l'origine, c'est-à-dire vendre plus efficacement les grains de l'Ouest, non seulement dans l'intérêt des agriculteurs, mais de tout le Canada. Je ne parle pas seulement du prix. Quand je parle d'efficacité, j'entends: vendre le bon produit au bon endroit, au bon moment, pour satisfaire nos clients. Je suis fermement convaincu que la Commission joue en ce sens un rôle important.

Je suis inquiet de voir que nous semblons avoir oublié les principes de la démocratie. Après tout, l'Ouest a voté, et il a très majoritairement exprimé son soutien à la Commission. La décision était démocratique, et je crois à la démocratie. En tant qu'agriculteurs, nous sommes aussi des hommes d'État, tout comme les représentants du gouvernement, et nous nous devons d'améliorer la CCB.

La Commission canadienne du blé a été créée en 1948 à la demande des agriculteurs. Les premiers ministres des trois provinces des Prairies, représentant chacun un parti politique différent, ont jugé utile d'assister à cette réunion d'agriculteurs. Ils ont ensuite accepté de convaincre le quatrième, les libéraux fédéraux, de nous accorder les droits exclusifs en matière de commercialisation du blé, de l'avoine et de l'orge, par l'entremise de la Commission.

Je tiens à améliorer la CCB, et j'espère que les décisions que vous prendrez suite à ces réunions y contribueront. Il est d'une certaine manière regrettable que nous soyons ici, puisque le vote a montré clairement que nous croyons à la Commission du blé. Si le débat a lieu, c'est parce qu'il a été voulu par des individus, des partis politiques et des gens qui ont de l'argent. À mon avis, la Commission du blé a fait des progrès.

Le président: Merci. Monsieur Sackett?

M. Sackett: Je tiens à remercier les sénateurs d'avoir pris le temps et l'initiative de venir dans l'Ouest rencontrer les agriculteurs. M. Goodale est déjà venu nous voir. Malheureusement, il ne nous a pas écoutés.

J'estime que le projet de loi C-4 est bourré de phrases vagues et menaçantes. Les agriculteurs de l'Ouest sont déjà excessivement réglementés, et ce projet de loi donne encore plus de pouvoir au gouvernement fédéral. Le bon sens serait d'arrêter ce projet de loi tout de suite. On enseigne aux enfants qu'on ne guérit pas le mal avec le mal, mais le gouvernement fédéral, en imposant le projet de loi C-4 contre la volonté des agriculteurs de l'Ouest canadien, ne fait qu'empirer la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles je suis opposé non seulement au projet de loi C-4, mais également à la CCB. Je produis du blé de meunerie et la loi m'oblige à le vendre à la Commission du blé, qui est un monopole d'achat, et non de vente. Je suis obligé d'accepter le paiement initial qui m'est offert, et je dois attendre qu'on ait besoin de mes céréales. Je dois ensuite attendre 14 à 15 mois après la moisson avant de recevoir le paiement final qui m'est dû. Avec des règles pareilles, je ne peux pas vivre décemment.

Nous cultivons le canola, les pois et d'autres cultures «hors Commission» que je peux vendre quand le prix me convient. La facture est acquittée à la livraison. Si le prix est intéressant, je peux appliquer des stratégies de gestion du risque en vendant une partie des moissons un an d'avance. Le projet de loi C-4 ne facilitera pas la commercialisation aux agriculteurs.

Au cours des années, la Commission a démontré qu'elle était irresponsable, inefficace et parfois même stupide. Il y a deux ans, les cours mondiaux du blé avaient atteint des records. Dans ces conditions, on attendrait d'un bon vendeur qu'il vende le plus possible. Mais à la fin de l'année, les stocks de blé avaient augmenté. Pourquoi?

Durant l'année commerciale en cours, la Commission canadienne du blé a réussi à vendre environ 700 000 tonnes métriques d'orge. Cela représente environ 4 p. 100 de l'orge produit dans les Prairies. Pourquoi la Commission veut-elle absolument maintenir le contrôle sur l'exportation d'un produit alors qu'elle ne parvient à vendre que 4 p. 100 de la production? L'année du vote sur l'orge, la Commission avait vendu quatre fois plus d'orge. Quelles sont les motivations de nos estimés vendeurs? L'intérêt de l'agriculteur des Prairies ou la politique?

Il y a quelques années, la CCB avait publiquement déclaré qu'elle suspendait les exportations d'orge, craignant une pénurie dans les parcs d'engraissement de l'Ouest canadien. Mais les pénuries font monter les cours. Alors, pour qui travaille la Commission du blé?

Il y a quelques années, l'un des membres de la Commission a démissionné, dégoûté. Il avait accès à des livres de vente et de comptabilité que même le vérificateur général ne pouvait obtenir. M. Beswick a alors déclaré que la CCB coûtait aux producteurs d'orge de l'Ouest canadien un million de dollars par jour. M. Beswick se consacre maintenant à des cultures «hors Commission», au Costa Rica.

La CCB nous dit qu'elle coûte aux agriculteurs des Prairies 1,80 $ à la tonne métrique. Une étude réalisée pour le gouvernement de l'Alberta montrait qu'elle coûte jusqu'à 20 $ la tonne métrique. Si vous ne connaissez pas le rapport Carter-Loyns, je vous le recommande; et les auteurs donnent des preuves de ce qu'ils avancent.

Les défenseurs de la Commission canadienne du blé aiment à dire que les prix payés aux agriculteurs tomberaient sans la Commission. Mais le canola n'a connu le succès que l'on sait qu'après avoir été libéré du contrôle de la Commission. Depuis qu'on a réussi à arracher l'avoine à la Commission, le prix au boisseau et le nombre de boisseaux exportés ont tous deux augmenté. Rien que l'an dernier, les agriculteurs de la Saskatchewan ont remplacé un million d'acres de blé par des pois, autre culture «hors Commission». De plus en plus, les agriculteurs se détournent des cultures assujetties à la Commission, frustrés par la surréglementation et les inefficacités du système. La Commission canadienne du blé n'a pas aidé les agriculteurs progressistes et l'adoption du projet de loi C-4 n'améliorera pas la situation.

Si la CCB sait si bien vendre nos céréales, pourquoi les gouvernements antérieurs n'ont-ils pas étendu son contrôle à l'Ontario et au Québec? Pourquoi le maïs et le soja ne sont-ils pas sous le contrôle de la Commission? Selon le projet de loi C-4, le ministre responsable de la Commission nomme et licencie son président. Si les membres de la Commission n'ont pas ce droit, ils n'ont aucun pouvoir et ne sont que des prête-noms. La situation ne sera pas très différente avec la nouvelle Commission, dont les membres seront nommés pour une période indéterminée et ne rendront des comptes qu'au gouvernement fédéral. Même si les administrateurs élus souhaitaient licencier le président, ils ne pourraient pas le faire légalement.

Je trouve en outre insultant que 10 seulement des 15 membres du conseil soient élus par les agriculteurs. M. Goodale dit que le gouvernement du Canada doit garantir les engagements financiers de la Commission. Il le fait aussi pour les producteurs de blé de l'Ontario, mais il n'y a aucun membre nommé par le gouvernement à cette commission-là. Et en ce qui concerne ces prétendues «élections», le projet de loi C-4 ne donne aucune précision quant à la participation. Est-ce que seuls les détenteurs de carnets de livraison pourront voter? Ou les élections seront-elles ouvertes à tous les producteurs de blé et d'orge? Si j'ai quatre carnets, est-ce que j'aurai quatre voix? Est-ce qu'il y aura une voix par personne ou les voix seront-elles distribuées en fonction du nombre d'acres cultivées ou des tonnes produites? Rappelons que 20 p. 100 des agriculteurs produisent environ 80 p. 100 des céréales des Prairies. J'estime qu'il faut prévoir une pondération dans le vote. Malheureusement, tout cela est laissé à la décision de M. Goodale, et le vote sur l'orge nous a montré combien il aime manipuler les choses.

M. Goodale dit que les agriculteurs éliront la majorité des membres de la Commission. En réalité, chaque fois qu'il y aura un vote, les agriculteurs auront contre eux les cinq voix du gouvernement. Comme cela est-il démocratique? Les agriculteurs constituent une communauté très hétérogène. Leur nature même fait qu'ils n'obtiendront jamais un consensus total sur un sujet. Il suffit que trois des dix élus se rangent avec les cinq nommés, pour que le gouvernement remporte tous les votes.

Tant l'inclusion que l'exclusion sont une plaisanterie. Pour qu'il y ait exclusion, les administrateurs doivent d'abord la recommander. Pourquoi le feraient-ils? Renoncer à une culture, c'est renoncer à une raison d'être. Ce ne serait pas dans l'intérêt de la Commission. Pour qu'il y ait inclusion, il suffit qu'un organisme agricole -- composé de qui et de combien, on ne le sait pas -- le demande. M. Goodale considérera-t-il qu'un syndicat des Prairies constitue une association ou faudra-t-il que cela vienne des représentants des producteurs dans toute une région désignée? Ce serait une bonne façon de forcer une plus grande partie des grains à passer par les élévateurs des syndicats. M. Goodale est certainement un ami des syndicats. Ne vous laissez pas tromper par leurs listes de membres. J'y figure, et je hais le sol sur lequel ils sont construits.

Toujours en ce qui concerne l'exclusion, la Commission canadienne des grains, la CCG, doit présenter une procédure acceptable pour préserver l'identité d'un grain exclu. Au Canada, cela signifie souvent la reconnaissance visuelle des graines. Cela signifie-t-il qu'à l'avenir les grains exclus devront avoir des graines carrées? L'inclusion et l'exclusion sont injustes et ne sont pas équilibrées.

Le projet de loi C-4 stipule que le conseil pourra recommander la révocation du président, et prévoit les conditions dans lesquelles pourront être révoqués les administrateurs élus. Mais on ne fait aucune mention de la révocation des administrateurs nommés. Voilà un bel exemple de démocratie. L'article 3.13 prévoit que les administrateurs pourront être indemnisés de tous les frais engagés lors d'une procédure civile ou pénale, à la condition qu'ils aient agi au mieux des intérêts de la Commission. Le gouvernement doit s'attendre à des procédures très coûteuses.

La Commission canadienne du blé a actuellement des comptes débiteurs d'environ 7 milliards de dollars; il s'agit de ventes qui n'ont pas encore été pleinement acquittées. La Commission dit que ce sont des comptes courants, mais tout le monde n'est pas de cet avis. Combien de gens sont prêts à payer quelque chose qu'ils ont mangé il y a deux ans ou cinq ans? Je crains que le fonds de réserve qui est proposé ne serve à financer ces mauvaises créances, libérant ainsi le gouvernement des conséquences de sa gestion financière incompétente. De plus, en ce qui concerne le fonds de réserve, c'est le ministre qui décidera quand la réserve sera suffisante. Le montant pourra donc changer selon l'humeur des différents ministres.

Le plébiscite en Alberta a démontré que 60 p. 100 des agriculteurs de cette province souhaitent avoir un choix dans la vente de leurs produits. Même le vote truqué de M. Goodale pour l'orge a démontré que 37,5 p. 100 des agriculteurs des Prairies préféreraient ne rien avoir à faire avec la CCB. La Commission sur la commercialisation, dont les membres avaient été soigneusement choisis par M. Goodale lui-même, a également suggéré que l'on retire immédiatement du contrôle de la Commission l'orge fourragère.

Il n'y a pas de véritable efficacité sans concurrence. La manière la plus simple, la plus rapide et la moins coûteuse de réformer la CCB, c'est d'avoir un marché parallèle. Si c'est possible pour les agriculteurs de l'Ontario, pourquoi pas pour ceux de l'Ouest? Avec un marché parallèle, la Commission du blé serait très vite obligée de se montrer responsable et efficace. Si elle vaut la peine d'être préservée, elle résistera à l'épreuve. Sinon, elle mérite de disparaître. Le système des contrats est déjà en place. Les agriculteurs pourront simplement passer un contrat avec la CCB ou non, comme ils le font en Ontario.

Certains préconisent le régime à guichet unique, bien que je ne puisse imaginer pourquoi. Deux marchés parallèles satisferaient tout le monde. Le système a existé pendant six semaines en 1993 et il s'est avéré avantageux pour les agriculteurs. La conclusion à propos du projet de loi C-4, c'est que le devoir de prudence revient au gouvernement et non aux agriculteurs. Le projet de loi ne présente aucun avantage pour nous.

En conclusion, j'exhorte le Sénat à renvoyer le projet C-4 à la Chambre des communes pour qu'il y meure de sa belle mort.

Le président: Merci, monsieur Sackett. Nous allons maintenant entendre M. Stan Bell.

M. Bell: Monsieur le président, je n'ai pas préparé de déclaration. J'avais quelques documents à déposer, et c'est ce que j'ai fait. L'un est intitulé: «The Evolution of Grain Marketing in Alberta». C'est en fait L'histoire de la CCB. Je vous les fournis à titre d'information, parce que j'étais membre des organisations agricoles lors des événements de 1978. J'étais jeune, mais je n'ai pas oublié la grève. Je n'ai pas oublié les milliers d'agriculteurs qui, à leurs propres frais, se sont rendus à Ottawa pour obliger le gouvernement libéral à inclure les grains de provende dans la sphère de la CCB. Je suis membre de l'organisation d'agriculteurs de la province depuis cette époque, et j'y ai occupé des postes importants. Pendant toutes ces années, des centaines de délégués à des congrès tenus dans tout l'Ouest canadien ont eu l'occasion de poser des questions et de donner leur avis sur certains des changements apportés à la CCB. Malheureusement, ce n'est plus le cas depuis 10 ou 15 ans, puisque le gouvernement de la province a décidé de castrer les groupes.

Quelqu'un ce matin a demandé pourquoi les groupes de l'Ouest canadien ne s'unissent pas. La réponse, c'est qu'ils sont totalement divisés. Certains groupes représentés ici aujourd'hui ont le privilège des prélèvements, et donc ils ont de l'argent. Pour les autres, nous sommes abandonnés à nous-mêmes. J'ai fourni des documents là-dessus.

L'audience a pour sujet le projet de loi C-4. Le comité consultatif de la CCB a publié une étude la semaine dernière qui répond à bon nombre des questions que j'aurais soulevées. Toutefois, j'aimerais que nous en examinions quelques-unes de plus près.

Les paragraphes concernant l'organisation sociale sont importants. Je suis pleinement en faveur de l'ajout d'un autre délégué des agriculteurs au conseil d'administration et de réduire à quatre le nombre d'administrateurs nommés par le gouvernement. Le chiffre me paraît encore élevé. Nous avons déjà fait remarquer au gouvernement et au ministre, M. Goodale, que l'un des principaux obstacles au changement dans le système des versements intérimaires ou même pour l'annonce des paiements initiaux, est le fait que trois ministères fédéraux soient concernés. Nous comprenons la raison de cet état de choses mais le gouvernement doit aussi accorder ses violons et s'assurer que ces trois personnes se décident rapidement. Cela permettrait d'accélérer grandement le processus.

À la fin des années 60 et au début des années 70, les organisations agricoles avaient demandé que les ajustements de fin de campagne ne soient pas versés avant janvier. J'étais membre de l'exécutif des comités qui ont suggéré cela à la FCA et au gouvernement. Personnellement, je m'y suis opposé jusqu'au bout, mais l'idée a été adoptée. C'était une erreur, car les agriculteurs qui demandaient ce changement ne souhaitaient pas recevoir deux paiements en un an, dont l'un à l'automne. C'était ridicule à l'époque et ça l'est encore plus aujourd'hui. Les syndicats devraient boucler leur compte dès que possible. L'argent devrait être versé en septembre ou dès qu'il est disponible. Il ne faut pas laisser traîner. On peut régler cela rapidement.

Pour ce qui est de l'élection des administrateurs représentant les agriculteurs, il faut qu'ils puissent s'appuyer sur des délégués. S'il y a 10 ou 11 administrateurs de l'Ouest canadien, il y en aura probablement trois de l'Alberta. Comment pourront-ils rester en contact avec tous les producteurs?

Je suggérerais qu'il y ait au moins 10 délégués par administrateur, et que ceux-ci élisent l'administrateur. Les administrateurs ne devraient pas seulement avoir des comptes à rendre à la masse. C'est tout simplement trop difficile de couvrir un aussi vaste territoire, et les délégués pourraient l'aider. Les délégués apprendraient à mieux connaître les administrateurs et pourraient même les choisir. Je comprends que cela nous éloigne du lien entre administrateurs et producteurs, mais c'est de loin préférable.

Beaucoup de groupes réclamaient l'exclusion et ont été très étonnés de voir que les autres demandaient l'inclusion. Quant à moi, on pourrait éliminer cet article entièrement. Que les changements se fassent dans le cadre de la loi actuelle. C'est de toute manière le Parlement qui doit en décider, alors laissons faire. Cela calmerait beaucoup les esprits.

Le sénateur St. Germain: J'ai une question pour ceux qui sont contre la CCB. Nous avons entendu parler des difficultés des producteurs d'orge, et des clients qui achètent de l'orge de brasserie. Que diriez-vous si l'on excluait l'orge et que l'on maintenait le blé, en raison de sa dimension internationale? On pourrait réexaminer le système tous les cinq ans, à la lumière des nouvelles tendances du commerce mondial. Ainsi, les agriculteurs ne seraient plus les otages de commissions nommées par le gouvernement. Ce qui m'inquiète à propos de la Commission qui serait chargée d'investir les fonds du Régime de pension du Canada, donc de gérer des milliards de dollars, c'est qu'elle sera constituée par des nominations politiques. Ces groupes ont tendance à vouloir satisfaire le gouvernement en place, au lieu de défendre les intérêts de l'actionnaire. Vous êtes ces actionnaires. Si l'on recommandait d'exclure l'orge et de garder le blé, sous réserve de réexamen dans cinq ans, qu'en diriez-vous?

M. Sackett: Pour moi, la solution c'est d'avoir deux marchés. Quant à un nouveau délai de cinq ans, je signale tout simplement qu'on attend déjà depuis 50 ans.

Le sénateur St. Germain: Je ne crois pas qu'un système à double commercialisation pourra fonctionner, car si le prix est élevé, tout le monde voudra sortir de la Commission, ce qui serait normal; mais quand les prix chuteront, tout le monde voudra remonter à bord. Je ne crois pas qu'on puisse avoir les deux systèmes à la fois, même si cela peut être tentant.

M. Sackett: Comme je l'ai dit, le système des contrats existe déjà. Vous êtes inclus ou non. La Commission ne vend rien tant qu'elle ne sait pas combien d'agriculteurs sont prêts à lui fournir du grain, et dans quelle quantité. Elle le sait au début de l'année. Avec un système à deux marchés, elle saura bien à l'avance ce qu'elle aura à vendre; si certains préfèrent rester à l'extérieur du système, cela ne la concerne pas.

M. Strankman: J'ai réfléchi à votre question -- même si les partisans de la Commission penseront que je n'ai pas suffisamment réfléchi -- mais je crois qu'il s'agit d'un changement de société. Si la Commission est notre agent de commercialisation, et non pas l'agent de la Couronne, dans tout système de libre entreprise le meilleur vendeur, le plus efficace, survivra. Ces messieurs en complet cravate vous diront qu'ils obtiennent le meilleur prix possible pour nos grains. Devraient-ils craindre ma concurrence? J'ai 2 500 acres. Je vends peut-être 1 000 tonnes par an. Ils en laissent probablement échapper plus que cela.

Le sénateur St. Germain: Je ne sais pas si c'est un fait de société mais j'ai l'impression que les gens de mon âge ont davantage tendance à appuyer la Commission canadienne du blé. C'est peut-être parce qu'ils ont connu la grande Crise. Les jeunes agriculteurs voient le monde différemment. Ils ont une autre idée des marchés et ils ne demandent pas la sécurité que recherchent ceux qui ont vécu la Crise.

M. Strankman: Je suis tout à fait de votre avis. Et je ne prétendrai pas que l'histoire ne se répète pas.

Il est vrai également que l'accès à l'information est tout à fait différent. Les gens savent ce qui se passe partout dans le monde. Quand mon grand-père se rendait au village avec son attelage, il devait tout acheter et vendre dans ce village-là. Maintenant, il suffit de prendre le téléphone et de se renseigner sur les meilleurs prix.

Le sénateur St. Germain: Quand je vends mon bétail, j'ai très peu d'acheteurs en Colombie-Britannique. C'est déprimant. Ne craignez-vous pas que les Cargills et autres gros acheteurs ne fassent front commun et ne limitent encore davantage vos options? Rien n'est plus déprimant que de mettre votre bétail aux enchères et de voir qu'il n'y a que deux ou trois acheteurs. Que pensez-vous de cette possibilité si vous vendiez votre grain en dehors de la Commission?

M. Strankman: J'allais dire, en plaisantant, que tout le bétail de l'Ouest canadien devrait être vendu par la Commission canadienne du blé. Si ces messieurs font un aussi bon travail qu'ils le prétendent, nous ne devrions avoir aucune hésitation à leur confier cela. Je n'ai jamais assisté à une enchère où M. Sackett s'efforcerait d'obtenir un prix inférieur à ce que je demande.

M. Ross: Comparer le bétail et le grain, cela revient à comparer des pommes et des oranges. C'est assez évident.

Quant à savoir si nos opinions sont différentes parce que nous sommes plus âgés, je le conteste, monsieur. Quand je vais au silo-élévateur, je me fais l'avocat du diable. Dans mon district, il y a beaucoup de jeunes agriculteurs qui luttent contre la Commission. Les vieux sont toujours en train de dire aux jeunes comment faire mais, croyez-moi, on me fait de fichues bonnes leçons. Soit dit en passant, l'une des meilleures leçons que j'aie apprises, je l'ai eue à Regina d'un jeune agriculteur, diplômé universitaire, féru d'informatique, qui habite à 20 milles de la frontière américaine. Je me suis encore une fois fait l'avocat du diable et il a presque réussi à me convaincre de la nocivité de la Commission. Ça n'a rien à voir avec l'âge, monsieur.

Que reproche-t-on à la commercialisation collective? Le commerce mondial en dépend. En exagérant à peine, je pourrais dire que la Commission du blé de l'Alberta est un organisme de commercialisation collective qui travaille pour moi et quelques autres céréaliculteurs de l'Ouest, à un certain prix. Ce prix a été amplement démontré, contrairement à ce qu'a avancé ici même un des plus grands et des plus respectés cabinets comptables du Canada. Que voulons-nous de plus? Que nous donneraient de plus Cargill ou d'autres?

M. Sackett: Vous avez dit que l'absence de concurrence serait néfaste pour les céréaliculteurs. Malheureusement, en nous imposant la Commission contre notre gré, vous éliminez la concurrence. Où est la concurrence?

Le sénateur St. Germain: Je m'en rends compte, mais si elle disparaissait, risquez-vous de devenir les otages des grandes compagnies?

M. Sackett: Si la Commission du blé disparaît, le blé serait traité comme le canola, les pois ou l'avoine. Nous vendrions à qui nous offrirait le meilleur prix. Nous plantons ce qui nous rapportera le plus d'argent. La Commission n'est certainement pas un monopole de vente. Elle ne parvient pas à obtenir 1 $ de plus la tonne qu'un pays sud-américain ou que les États-Unis, pour la même qualité.

Le sénateur St. Germain: Nous risquons de tourner au débat philosophique, monsieur le président. Je respecte les opinions exprimées de part et d'autre.

Quoi que vous vendiez, s'il n'y a pas d'acheteur, ou un nombre limité d'acheteurs qui peuvent manipuler le prix qu'ils vous paieront, vous aurez des difficultés. Si nous nous débarrassons de la Commission, nous nous débarrassons aussi des chèques. Je ne suis pas un des plus ardents défenseurs de la Commission car je crois à la libre entreprise. Je suis prêt à courir un risque, mais je tiens à avoir une chance raisonnable de réaliser un bénéfice quand je vends mes produits. C'est la raison pour laquelle j'ai posé ces questions.

M. Sackett: Je souhaite également avoir cette chance, et c'est pourquoi je veux voir disparaître la Commission.

Le président: À ce propos, sénateur St. Germain, il y a d'autres compagnies dans ce domaine maintenant. Par exemple, en Saskatchewan, Archer Daniels Midland a racheté United Grain Growers. Elle a également acheté un silo de Pioneer à Stouton, qui porte maintenant l'inscription «United Grain Growers». ConAgra a ouvert trois grandes installations capables d'expédier 45 000 boisseaux à l'heure. Il y a Dreyfus, compagnie française, l'une des sept plus grandes au monde. Cela indique certainement, tout d'abord, qu'elles croient à la capacité de production des agriculteurs canadiens. Ces entreprises n'investiraient pas autant d'argent au Canada si elles ne pensaient pas qu'il y a des possibilités ici. Bien entendu, la seule restriction, dans bien des cas, tient actuellement à la Commission.

Je vends le canola que nous produisons, qui va essentiellement à Valva, au Dakota du Nord, à Archer Daniels Midland. J'obtiens un meilleur prix qu'au Canada, et on vient le chercher par camion.

Il est vrai, sénateur St. Germain, qu'il est préférable d'avoir le choix entre plusieurs acheteurs concurrents. Je ne vois pas comment ça ne serait pas avantageux.

Le sénateur St. Germain: Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y ait pas de concurrence.

M. Ross: Voilà que je m'engage dans un débat avec vous tous, et en particulier avec le président.

Le principal atout de la Commission, c'est sa qualité de vendeur unique. Je ne considère pas la Commission comme un acheteur. Je la considère comme un vendeur. Un client étranger achète le grain lorsqu'il est chargé sur le navire. C'est à ce moment-là que je vends, en qualité d'actionnaire de la Commission. Peu importe combien de Cargills ou d'autres se battent pour avoir ma production, ça ne change rien au prix. Le prix est fixé lorsque le blé est chargé sur le navire. La seule variable tient aux coûts de manutention. La manutention des grains «Commission» jusqu'à la côte est moins chère que pour le colza. Personne ne peut le nier.

Le président: J'ai représenté ma circonscription pendant 14 ans comme député et, plus particulièrement, comme agriculteur; il y en va de même maintenant que je suis sénateur. J'ai probablement produit autant de grains que n'importe lequel d'entre vous ici. Je suis un véritable agriculteur et producteur et je comprends assez bien la situation. Malheureusement, la question est maintenant politisée, et nous n'en sortirons probablement plus.

Le sénateur Hays: J'aimerais revenir sur une chose qu'a dite M. Ross. Nous sommes en train de nous engager dans un débat avec les témoins, et ce n'est pas une bonne chose. Ils sont venus pour essayer de nous convaincre. Si nous nous efforçons de les persuader, nous perdrons beaucoup de temps; l'expérience ne sera pas aussi utile pour nous que si nous nous contentions d'écouter ce qu'ils ont à nous dire. C'est à eux de nous convaincre, et non l'inverse. Nous aurons plus tard l'occasion de débattre de ces questions et de décider ce que nous devons faire du projet de loi. Je tenais à le dire car je crois que c'est la première fois qu'un témoin signale le problème à notre attention.

J'ai quelques questions. Ceux qui sont contre le monopole de la Commission suppose qu'il va continuer. Mais je me demande à quoi ressemblerait la Commission si cela se produisait effectivement? Vu le système actuel, où la Commission est vendeuse, mais n'a pas de terminaux, pas de camions, si elle n'assumait plus ce rôle de commercialisation, à quoi ressemblerait-elle? Pensez-vous qu'elle achèterait des terminaux, des camions? C'est important. Beaucoup de gens imaginent qu'elle disparaîtrait tout simplement. Ceux qui sont contre la Commission disent qu'elle survivra ou disparaîtra selon qu'elle sera compétitive ou non.

M. Strankman: J'ai vendu du canola à des compagnies qui n'avaient pas de silos terminaux. Elles font affaire avec des compagnies de chemin de fer, ou sous-traitent avec d'autres compagnies. Vous avez raison de demander si la Commission devrait avoir les moyens de mélanger les grains ou d'autres installations. Je ne sais pas comment s'organiserait la Commission dans un marché libre. Mais, en tant que vendeur sur la scène internationale, comme l'a dit M. Ross sauf erreur, elle pourrait obtenir un meilleur prix. Elle vendrait sur un marché libre. Elle achète dans un marché fermé, et elle vend sur un marché libre où elle a des concurrents. La seule différence serait qu'elle achèterait également dans un marché libre, et elle deviendrait donc essentiellement un agent à contrat ou un vendeur sur commission. Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Hays: Oui, je comprends. Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite décrire ce que serait la situation dans un régime à deux marchés?

M. Smith: Elle serait mise au régime minceur. Elle n'aurait pas une aussi grosse marge. Elle serait obligée de licencier beaucoup de gens à Winnipeg. Elle aurait également une orientation plus commerciale que maintenant.

M. Bell: On dit que ceux qui ne tirent pas les leçons de l'histoire répètent leurs erreurs. De 1923 à 1931, nous avions un syndicat à participation volontaire. Tout a bien fonctionné tant que le prix montait, mais en 1929, quand les cours se sont effondrés, tous les grains sont allés à la Commission. À l'époque, le syndicat central des ventes était géré par trois syndicats. Nous avons eu un syndicat à participation volontaire de 1935 à 1943. Le gouvernement y apportait sa garantie, mais il a fini par trouver que c'était trop cher, car le même phénomène s'est reproduit. C'est la raison pour laquelle, en 1943, on a décidé que le blé serait vendu exclusivement par la Commission. Au cours des cinq ou six années qui ont suivi, les agriculteurs ont insisté jusqu'à obtenir l'inclusion de trois autres céréales en 1948. L'expérience devrait nous apprendre quelque chose.

M. Strankman: Ce que dit monsieur est tout à fait juste. Vous avez entendu ce matin le Prairie Centre vous dire que l'on doit beaucoup d'argent à la Commission canadienne du blé. Je ne demande pas de subvention, ni la charité. Je ne crois pas que ce soit le rôle de la Commission. Bien entendu, nous pouvons nous lancer dans un débat philosophique là-dessus. Mais je ne crois pas que ce soit son rôle. Si ces messieurs sont intéressés à recevoir l'aumône du gouvernement, qu'ils la prennent.

M. Sackett: En 1929, quand les cours ont commencé à tomber, les agriculteurs voulaient participer à la Commission. Le modèle proposé maintenant ne le leur permettrait pas. Le même problème ne se présenterait plus.

Le sénateur Spivak: Si la situation de 1929 se reproduisait, ce serait la faillite. Qu'arriverait-il dans les mêmes circonstances?

M. Strankman: Dans les mêmes circonstances, nous produirions des cultures «hors Commission» qui rapportent et nous ne ferions pas faillite.

M. Bell: Nous avons entendu à quelques reprises aujourd'hui que 6 milliards de dollars sont dus à la Commission. C'est faux. Il s'agit de prêts garantis par le gouvernement pour certains clients. Il y a notamment la Pologne. Ce n'est pas la Commission qui est responsable. C'est le contribuable canadien qui paiera la facture. Ne confondons pas les deux, s'il vous plaît.

Le sénateur Hays: Vous avez parlé de la sélection des administrateurs et vous avez proposé un système de délégués. Est-ce qu'ils seraient choisis dans un district et ils choisiraient ensuite les administrateurs parmi eux? Pourriez-vous nous expliquer cela? Je ne suis pas sûr de bien comprendre pourquoi ce serait préférable à une élection directe.

M. Bell: Au cours des dernières années, lorsque nous avons élu le comité consultatif, il y avait trois membres de l'Alberta. Je vous parie que moins de 5 p. 100 des agriculteurs savent qui est leur représentant. Très peu de gens se sont déplacés pour voter. Il n'y a pas de rétroaction. Je connais les trois membres, et tous trois m'ont dit qu'ils aimeraient savoir ce que pensent les agriculteurs, et pouvoir discuter de certaines idées avec d'autres cultivateurs.

Le président: Si le projet de loi C-4 est adopté, pensez-vous que les élections au conseil d'administration susciteront davantage d'intérêt?

M. Bell: Au début, mais il y a un sérieux risque de politisation. Il y a trop d'argent en jeu. Le comité consultatif a présenté ce matin des recommandations au groupe pro-Commission, en disant qu'il faut avoir des règles très strictes quant aux responsabilités des administrateurs. Ce sont des choses dont il va falloir tenir compte. Pour moi, il n'y a rien de tel que d'avoir à rendre des comptes à dix délégués pour vous garder sur le droit chemin.

Le sénateur Whelan: Vous m'avez entendu dire plus tôt que j'étais l'un des premiers administrateurs de la Commission ontarienne de commercialisation du blé. Aucun des grands groupes d'intérêt n'était en faveur d'un système à deux marchés pour le blé de l'Ontario. La Ontario Flour Millers Association en particulier, qui représente les plus gros clients des producteurs ontariens, a déclaré qu'elle n'était pas en faveur d'un système à deux vitesses. Elle préfère maintenir le statu quo, avec un office de commercialisation, ou passer à un marché totalement libre.

M. Strankman: Cela n'est pas étonnant. Avec le système actuel, le grain n'est pas cher.

Le sénateur Whelan: Ils négocient leur prix, et ils ne se font pas concurrence entre eux. Le sénateur St. Germain était aviculteur, et il négociait son prix. La Fédération canadienne des producteurs de lait est régie par la Commission canadienne du lait. L'industrie laitière est probablement l'un des secteurs agricoles qui se porte le mieux au Canada. Leur produit est périssable, contrairement au blé que l'on peut entreposer pendant des années dans de bonnes installations de stockage à sec. Cela améliore même son contenu protéinique.

Vous avez parlé de permis d'exportation. Même si la Commission ontarienne du blé allait de l'avant, savez-vous qu'elle doit obtenir un permis d'exportation de la Commission canadienne?

M. Strankman: Je sais que c'est une simple formalité. Nous devons le racheter.

Le sénateur Whelan: Savez-vous que ces ventes représentent environ 1,3 million de tonnes?

M. Strankman: Je croyais qu'elles atteignaient les 2 millions.

Le sénateur Whelan: Elles atteignent très rarement les 2 millions. Environ 45 p. 100 de la production sont vendus sur le marché national, 30 p. 100 sont exportés aux États-Unis, selon la demande, et les 25 p. 100 restants sont destinés au marché mondial, au prix qu'on peut obtenir. Cela comprend généralement les graines.

Comme je l'ai dit, lorsque j'étais ministre de l'Agriculture, je me suis rendu dans de nombreux pays, même si je n'ai jamais été responsable de la Commission canadienne du blé. Aucun groupe canadien n'était plus respecté que celle-ci, car elle tient toujours parole. Ses vendeurs sont des gens honnêtes et compétents. Les représentants de la Commission savaient qu'ils avaient un produit de très grande qualité, une des meilleures qualités au monde, et les acheteurs le savaient également.

M. Strankman: La qualité n'a strictement rien à voir avec la Commission.

Le sénateur Whelan: Oh si!

M. Strankman: Mon oeil!

Le sénateur Stratton: Nous nous engageons à nouveau dans un débat, et nous avions dit que nous ne le ferions pas.

Le sénateur Whelan: J'ai 39 ans d'expérience dans la vie publique, et je n'accepte pas ce langage.

Le président: Monsieur Ross, voulez-vous dire quelque chose?

M. Ross: Très brièvement, monsieur le président, je n'apprécie pas que l'un des témoins suggère que j'attendais l'aumône. Aucun des principes de la Commission canadienne du blé, que j'appuie, ne prévoit une aumône des contribuables canadiens. Il est plutôt dans l'intérêt du Canada d'essayer d'obtenir le meilleur prix possible pour les céréales de l'Ouest. Qu'est-il advenu de la démocratie? Voilà ce que je demanderais en réponse aux accusations qui ont été lancées ici. Nous allons élire un conseil d'administration qui pourra décider. M. Bell a raison de dire que certaines de ces décisions devraient peut-être être laissées au conseil d'administration.

Le sénateur Hays voulait des précisions sur le système des délégués. Il a fait ses preuves dans les organisations provinciales. Les délégués élisent les administrateurs. Les représentants du gouvernement fédéral, par leur député, en font autant. C'est ce que font la plupart des coopératives. Soit dit en passant, la plupart des coopératives et beaucoup d'organismes exigent une majorité des deux tiers pour faire adopter tout changement fondamental au statut.

Je recommande que tous ces principes soient inclus dans les changements proposés à la Commission en vue d'en faire un organisme plus démocratique, et de lui permettre ainsi de satisfaire les autres témoins présents aujourd'hui et la population de l'Ouest canadien.

M. Strankman: Lors du plébiscite de l'Alberta, les deux tiers des agriculteurs souhaitaient un système à deux marchés. Est-ce que cela vous suffit, les deux tiers?

M. Bell: Qu'a-t-on fait des résultats du vote fédéral où la question était directe?

Le président: Messieurs, je vous remercie d'être venus aujourd'hui. J'invite maintenant MM. Spencer, Hertz, Young, Sawyer et Miller.

Bonjour messieurs. Comme à ceux qui vous ont précédés, je vous demande de nous indiquer votre nom et de nous dire d'où vous venez. En commençant à droite, s'il vous plaît.

M. Buck Spencer: Merci, de votre invitation. Nous sommes en train de transmettre la ferme familiale à la troisième génération, et j'ai déménagé au village. Ma fille et mon beau-fils rachètent ma ferme.

M. Don Young: Je viens de Blackie, en Alberta. Je ne cultive que du grain, en partenariat avec mon associé.

M. Jim Miller: J'ai une exploitation au nord-est de la ville, à une cinquantaine de milles, à Rockyford. J'y travaille actuellement avec mon épouse, mon fils et ma fille. Nous produisons diverses cultures, dont certaines sont assujetties au contrôle de la Commission du blé, ainsi que du bétail -- des porcs et des bovins.

M. Shane Hertz: Je viens de New Brigden, à l'est de Hanna, sur la frontière avec la Saskatchewan.

M. Glen Sawyer: J'ai une ferme à 50 milles au nord-est de Calgary, que j'exploite avec mon épouse et mon fils. Nous produisons du canola et différentes sortes de blé -- telles du blé de printemps des Prairies canadiennes, du blé de force roux de printemps -- de l'orge fourragère, du foin et des vaches.

Le président: Vous avez chacun cinq minutes pour faire votre présentation, puis nous passerons aux questions des sénateurs. Monsieur Spencer?

M. Spencer: J'ai consacré toute ma vie à l'agriculture, tant dans la production qu'à ses politiques. Depuis trois ans, beaucoup d'individus, d'organismes et d'entreprises s'efforcent activement de convaincre M. Goodale et son comité que le projet de loi C-4 aura des effets néfastes sur les céréaliculteurs des Prairies, sur l'économie de l'Ouest et, au bout du compte, sur l'ensemble du Canada. Malgré cela, le projet n'est pas très différent du C-72, proposé il y a trois ans.

Voyons comment la Chambre des communes a voté. Aucun député libéral n'a voté contre le projet de loi C-4. Et ce, en dépit du fait que la plupart des députés libéraux n'aient pas participé au débat, ni au dépôt des amendements, et qu'à certains moments il n'y ait en fait eu aucun libéral à la Chambre. Un seul député du Bloc a voté en faveur, tandis que tous les députés réformistes ont voté contre. Jean Charest n'a pas voté. Sur les 132 députés qui ont voté pour le projet de loi, 14 seulement habitent dans la zone assujettie à la Commission canadienne du blé, et quatre à peine viennent d'une circonscription rurale. Je tiens à le répéter. Des 132 députés qui ont appuyé le projet de loi C-4, 14 seulement vivent dans les limites de la région assujettie à la Commission, et sur ces 14, quatre seulement représentent une circonscription rurale. C'est une démocratie dure à avaler. Le projet de loi C-4 ne donne aucune autorité au vérificateur général du Canada sur la Commission canadienne du blé. Or rien ne justifie que le vérificateur général ne puisse avoir accès aux livres de la Commission. Celle-ci a un chiffre d'affaires de près de 7 milliards de dollars par an et des comptes débiteurs étrangers de 7 milliards. Nous ne suggérons pas qu'il se soit passé des choses malhonnêtes, mais le gouvernement se montre irresponsable en continuant de fermer ces livres au Vérificateur. Au bout du compte, ce sont les contribuables canadiens qui sont responsables et ils ont le droit d'avoir une vérification occasionnelle impartiale.

Le projet de loi C-4 n'assujettit pas la Commission canadienne du blé au régime de la Loi sur l'accès à l'information. En 1943, lorsque le monopole lui a été confié, personne n'a remis en question le secret absolu dont jouissait la Commission. Après tout, nous étions en pleine guerre mondiale et la liberté de la planète entière était menacée. Mais cette exemption n'est plus nécessaire aujourd'hui. De fait, elle est moralement inacceptable. Personne ne demande qu'on révèle des secrets à la concurrence, mais exempter totalement la Commission est inacceptable.

Les agriculteurs des Prairies veulent avoir le choix dans la commercialisation de leurs grains. Je ne crois pas un seul instant que cela mettrait fin à l'institution sacrée de la Commission canadienne du blé. Bien entendu, elle serait obligée de changer et de s'adapter. Mais c'est une réalité dans notre vie quotidienne à tous. Si la Commission ne survit pas, tant pis. Aucune société ni aucun organisme ne devrait avoir le droit de maintenir son existence en faisant fi des droits fondamentaux de la personne. Le Canada est-il une démocratie? Pourquoi les agriculteurs de l'Ouest sont-ils traités différemment des autres? Le seul fait qu'il y ait une zone d'activité de la Commission en est la preuve incontestable.

Le Sénat a une très grande responsabilité avec ce projet de loi. Si les sénateurs veulent faire savoir aux Canadiens qu'ils sont un élément viable et responsable de notre gouvernement, il leur incombe d'empêcher l'adoption du projet de loi C-4 au moins jusqu'à ce que deux amendements y soient apportés. Premièrement, le vérificateur général doit avoir accès aux livres de la Commission canadienne du blé. Deuxièmement, la Commission doit être assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Aucun de ces deux amendements ne changerait fondamentalement le projet de loi C-4. Le Sénat a le devoir d'insister là-dessus.

M. Young: Merci de m'avoir donné l'occasion de venir aujourd'hui. C'est un honneur que vous nous faites de venir nous entendre. Je vais vous lire mon mémoire.

Pour parler de l'avenir de la Commission canadienne du blé, il nous faut d'abord comprendre ce qu'elle signifie pour les céréaliculteurs. J'ai choisi exprès le terme de céréaliculteurs plutôt que d'agriculteurs parce que ce dernier comprend trop de gens qui ne sont pas intéressés à vendre des céréales ou des graines à profit. Quel intérêt un producteur de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard, membre du Syndicat national des cultivateurs, peut-il bien avoir dans la production et la vente des grains des Prairies? En quoi la vente des grains de l'Ouest peut-elle intéresser un producteur laitier ou un éleveur de porcs? Et la liste est longue de gens à qui on a permis d'exprimer une opinion et qui n'ont rien à voir dans la vente des grains et des céréales en vue d'un bénéfice. Si le terme «bénéfice» en effraie certains, je leur rappelle que les céréaliculteurs ne travaillent pas seulement parce que le travail, c'est la santé.

Privilèges et responsabilités vont de pair. Continuer d'accorder à la Commission canadienne du blé le privilège du contrôle exclusif des céréales de l'Ouest entraîne une énorme responsabilité. En tant que producteur de céréales exclusivement, je dois cultiver les produits que le marché demande et est prêt à me payer. Vous prévoyez de vendre 20 p. 100 sur le marché national et 80 p. 100 à l'exportation. Si le prix des exportations monte soudainement, vous devez pouvoir profiter de l'occasion. Mais les meuniers, malteurs et brasseurs, éleveurs de porc et engraisseurs de bovins canadiens se mettent tous à gémir qu'ils ne peuvent pas faire de bénéfices. Ils peuvent demander à la Commission canadienne du blé de contrôler les stocks nationaux afin de créer un prix artificiellement bas pour nos produits, et fournir ainsi des aliments bon marché aux Canadiens. Qui règle la facture? C'est le producteur primaire de céréales qui paie, parce qu'il n'est pas censé faire de bénéfices. Puis, comme la Commission constitue des stocks nationaux très importants, elle est peu active sur le marché des exportations et nous perdons des contrats. Nous laissons passer l'occasion de prix mondiaux élevés et nous entrons dans une situation d'excédent. C'est un conflit d'intérêt pour la personne qui est censée vendre votre produit que de pouvoir vous dire combien vous devez en garder en stock, à un prix inférieur au marché.

Les nouvelles règles du commerce mondial ont rendu les subventions impopulaires, et nous nous en sommes débarrassés. Nous pensions nous en être débarrassés, mais permettez-moi de vous demander quelles subventions le céréaliculteur paie aux autres Canadiens en vendant son produit, année après année, à un prix inférieur au coût de production? Lors d'une récente conversation téléphonique avec quelqu'un à la Commission canadienne du blé, j'ai dit: «Je soupçonne que toute la récolte de blé de l'an dernier a été vendue à l'étranger à un prix inférieur au coût de production; ai-je raison?» On m'a répondu: «Vous avez probablement raison». Ce n'est pas ce que j'appelle vendre du blé. C'est du dumping. Et ils font du dumping non pas pour mieux défendre les intérêts des céréaliculteurs, mais parce que le gouvernement canadien est affamé de devises. C'est un bon moyen d'en obtenir.

J'ai dit plus tôt que les privilèges s'accompagnent de responsabilités. Si le gouvernement, à Ottawa, veut contrôler les grains de l'Ouest par l'entremise de la Commission afin d'assurer une alimentation bon marché aux Canadiens, il doit être disposé à subventionner les céréaliculteurs. Si vous voulez éliminer les subventions, éliminez tout simplement la Commission.

Considérons un instant une Commission du blé constituée des céréaliculteurs: 100 000 personnes qui produisent des céréales et les vendent, pour une valeur de 6 milliards de dollars. Mais Ottawa intervient: «Nous, le gouvernement, nous ne pensons pas que ces gens d'affaires soient capables de gérer cela, et nous allons les aider». Les céréaliculteurs ontariens n'ont pas ce problème. On leur permet d'avoir la Commission ontarienne de commercialisation du blé. Je ne comprends pas très bien. Nous allons créer une Commission canadienne du blé, à travers laquelle 30 millions de personnes contrôleront les 100 000 céréaliculteurs de l'Ouest, mais pas ceux de l'Ontario? C'est très étrange, me semble-t-il. Et si vous pensez que cela peut se faire sans subvention, ce n'est pas possible. Malheureusement, c'est actuellement le céréaliculteur de l'Ouest qui subventionne. Cela ne peut pas continuer.

La Commission canadienne du blé est actuellement un véhicule accidenté auquel tout le monde met la main. Les producteurs laitiers demandent qu'on le répare, et qu'on y mette un sac qu'ils puissent traire. Le producteur de porc voudrait un capot en forme de groin. L'éleveur demande qu'on l'agrémente de cornes. Et le carrossier, qui n'y comprend plus rien, se demande: «Pourquoi permet-on à tous ces gens de donner leur avis?» Selon les experts le véhicule n'est plus réparable. Voilà la situation du céréaliculteur. Nous avons tiré un trait sur la Commission canadienne du blé et nous aimerions pouvoir nous chercher un autre véhicule pour vendre nos récoltes. On nous demande notre avis de céréaliculteurs sur la meilleure façon de réparer le tas de ferraille, mais ce tas de ferraille appartient à papa, mieux connu sous le nom de gouvernement fédéral. Les céréaliculteurs ne peuvent s'en servir que sous les instructions de papa.

Ralph Goodale et compagnie s'imaginent pouvoir garder les clés de ce tas de ferraille et qu'une bonne couche de peinture suffira pour qu'il puisse reprendre la route. Pas question. Beaucoup de céréaliculteurs ont déjà cessé de cultiver les grains «Commission», mais cela ne fait que fausser le problème. Nous aurons un excès de pois et d'orge de provende «hors Commission», et une pénurie de blé de meunerie à exporter. Il n'y a plus de leadership parce qu'il n'y a aucun encouragement, aucun plan. Seul le céréaliculteur est obligé de traiter en dollars. Les compagnies d'élévateur à grains, les chemins de fer, la Commission canadienne du blé et les terminaux s'intéressent au volume. Pourquoi faire monter le prix? Il semble tous plus intéressés à augmenter les volumes que les prix. Dites-moi ce qui inciterait la Commission canadienne du blé à chercher un meilleur prix pour les producteurs, au risque d'avoir un volume moindre, si elle travaille pour les Canadiens en général et non pour les céréaliculteurs? Ses employés recevront leur paye de toute manière, tout en donnant l'impression de faire entrer de grandes quantités de devises, à cause des importants volumes que traite la Commission. Je dis «traite», parce qu'on ne peut pas parler de vente. C'est du dumping.

Les céréaliculteurs veulent avoir la liberté de vendre leur propre produit comme ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent. Ils choisiront peut-être de le mettre en commun, mais c'est une décision qui doit être individuelle. Nous voulons une communication plus rapide des informations du marché sur les produits en demande et les prix offerts.

J'espère que votre comité veillera à n'écouter que les vrais céréaliculteurs.

M. Miller: Je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée d'exprimer mes préoccupations concernant le projet de loi C-4. Il représente une tentative erronée pour modifier une loi dépassée, la Loi sur la Commission canadienne du blé. Celle-ci visait des problèmes datant de 1935 et qui n'existent plus aujourd'hui. Le projet de loi ne règle aucun des problèmes que je vois dans la Commission canadienne du blé. Au lieu d'améliorer celle-ci et de rendre la participation volontaire, il confirme le statu quo qui ne laisse aux agriculteurs, propriétaires des céréales, aucune liberté dans la façon de les vendre. Il menace d'inclure d'autres grains qui sont actuellement commercialisés librement, pour ma plus complète satisfaction. Il propose d'instituer un conseil d'administration au service du gouvernement et non des agriculteurs. Le PDG et cinq des administrateurs seront nommés par le gouvernement et leurs plans financiers et plans d'exploitation devront être approuvés par celui-ci.

Le projet de loi C-4 montre que la démocratie ne fonctionne pas au Canada. Il n'y a qu'un seul député libéral élu dans une circonscription rurale dans l'Ouest canadien. Les quatre autres qui ont été mentionnés ont été élus dans des circonscriptions partiellement urbaines. Pourtant, le Parti libéral, avec un soutien essentiellement ontarien, a voté en faveur de ce projet de loi régressif et discriminatoire à l'endroit des agriculteurs de l'Ouest. La loi ne s'applique pas aux agriculteurs de l'Ontario, qui ont obtenu de vendre leur blé «hors Commission». En tant qu'agriculteur de l'Alberta, je demande à avoir les mêmes possibilités que les producteurs de blé de l'Ontario, mais ce projet de loi ne me le permet pas. Il rend en outre impossible l'Alberta Marketing Choice Program.

Je dois payer la terre que je cultive, les intrants, la main-d'oeuvre et les machines. Je devrais être libre de vendre ma production comme je l'entends. Je devrais avoir la possibilité de chercher librement mes marchés, en tout temps. J'ai une ferme d'environ 1 500 acres. Plus de la moitié sont irrigués. Je peux produire jusqu'à 100 000 boisseaux. Nous élevons également des bovins et des porcs. Les offices de commercialisation peuvent être une bonne chose lorsqu'ils sont volontaires, comme l'a démontré la décision prise récemment dans les trois provinces des Prairies de passer à un système volontaire pour la commercialisation des porcs. Au Manitoba, 80 p. 100 des porcs continuent d'être vendus par l'entremise de l'Office. Nous avons diversifié nos cultures: blé de printemps des Prairies canadiennes, blé de force roux de printemps, orge de provende à grain nu et ordinaire, canola, pois de semence, de consommation et de fourrage, lentilles, avoine, foin et graines de graminées. J'aimerais avoir la liberté de vendre mes cultures «hors Commission». Aux printemps 1994 et 1996, le cours du blé aux États-Unis était d'au moins 3 $ le boisseau supérieur au prix moyen de la Commission. Pour mon exploitation, cela représentait une perte d'environ 90 000 $, perte que j'aurais pu éviter si j'avais pu vendre moi-même.

J'appuie entièrement la position des groupes de producteurs spécialisés, qui représentent les cultures hors commission, et dans leur coalition contre le projet de loi C-4. Pourquoi l'article sur l'inclusion figure-t-il encore au projet de loi alors que tous les groupes de producteurs spécialisés s'y opposent? Je commence à me sentir découragé. J'ai voté dans le plébiscite de l'Alberta sur la commercialisation du blé et de l'orge, j'ai participé aux consultations du groupe de travail sur la commercialisation des grains de l'Ouest, et j'ai fait tout mon possible pour avoir la liberté de vendre mes céréales comme je l'entends. Pourtant, le projet de loi ne tient pas compte du point de vue des agriculteurs de l'Ouest -- de ceux de l'Alberta, en particulier -- et le ministre les a carrément ignorés. Je ne serai pas satisfait tant que nous n'aurons pas un système à deux marchés pour les exportations de grains.

J'espère que vous tiendrez compte de mes préoccupations dans vos délibérations en vue de modifier le projet de loi C-4 et que vous nous donnerez les mêmes choix qui ont été accordés aux producteurs de blé de l'Ontario.

M. Hertz: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, d'être venus dans l'Ouest entendre les agriculteurs vous exprimer leur opposition à la Commission canadienne du blé. Je représente ici aujourd'hui les jeunes agriculteurs de notre génération. Nous sommes peut-être moins nombreux que les anciens qui cultivaient des quarts de section, mais nous produisons la plus grande partie des céréales consommées ou exportées. Notre première objection concerne le principe de donner une voix à chaque agriculteur pour décider du mode de commercialisation des céréales. L'agriculture est une grosse entreprise, avec un chiffre d'affaires de 6 à 7 milliards de dollars. Dans les autres secteurs, les voix sont distribuées en fonction du nombre d'actions. Dans l'agriculture, une voix devrait correspondre à un certain nombre de tonnes vendues. La céréaliculture dans l'Ouest est en grande difficulté parce qu'elle est trop contrôlée par le gouvernement et que les individus n'ont aucune possibilité d'expansion et d'innovation. Produire un boisseau de blé coûte au moins 4 $. La Commission ne paye à l'agriculteur que 2,70 $ à 3,70 $ le boisseau. Il y a vraiment un problème grave.

Le projet de loi C-4 devrait au moins être amendé pour laisser aux agriculteurs la possibilité de ne pas participer au monopole de la Commission. Cela leur permettrait de trouver de nouvelles façons de vendre leurs céréales, comme on le fait dans presque tous les autres pays, au cours mondial. La Commission canadienne du blé s'apercevrait tout à coup qu'elle doit vendre au cours mondial et donner la plus grosse partie de cet argent aux agriculteurs qui, sinon, seraient de plus en plus nombreux à opter pour le marché libre. On peut se demander ce qu'un peu de concurrence ferait pour améliorer le rendement de la Commission.

Vous vous demandez sans doute ce que nous reprochons à la Commission. Chaque fois que nous essayons d'expliquer pourquoi nous ne lui faisons pas confiance, ou qu'elle nous coûte 1 $ à 2 $ le boisseau parce qu'elle utilise la Voie maritime du Saint-Laurent, qui est dépassée, et qu'elle manutentionne nos grains jusqu'à 25 fois, nous ne pouvons pas prouver ce que nous avançons, car les preuves sont cachées dans les coffres secrets de la Commission. C'est extrêmement frustrant. La Commission nous dit sans cesse qu'elle fait un merveilleux travail et qu'elle ne nous coûte que quelques cents du boisseau, alors que nous perdons entre 1 $ et 3 $ sur chaque boisseau qu'elle vend en notre nom. Dans n'importe quel autre domaine, devant de tels résultats, vous vous adressez ailleurs. Nous voulons avoir la possibilité de vendre nos grains ailleurs.

L'autre jour, autour d'un café, un ami parlait du cas Alan Eagleson disant combien il avait été malhonnête de dire aux joueurs qu'il défendait leurs intérêts, alors qu'il ne cessait pas de les voler. Et il a ajouté «Alan est exactement comme la Commission.»

Je suis prêt à prédire que je verrai de mon vivant des sénateurs élus. Nous vous demandons de faire sentir votre présence au Canada en ajoutant au projet de loi C-4 une clause de non-participation et de prouver ainsi à tous ceux qui vous observent que vous n'êtes pas simplement des béni-oui-oui dont tout le monde se moque.

M. Sawyer: Je vous remercie de m'avoir permis de venir présenter mon point de vue devant votre comité. Je suis membre du conseil d'administration de la Western Canadian Wheat Growers et je remplis actuellement deux fonctions. Je suis également administrateur de la Alberta Canola Producers Commission et, par conséquent, j'appuie pleinement les présentations que vous avez entendues jusqu'ici venant de la coalition contre le projet de loi C-4, coalition constituée de 16 ou 17 associations, et non 14. C'est toutefois en tant que producteur de céréales et d'oléagineux que je comparais devant vous.

En tant que producteur de canola, je suis très satisfait de la prospérité que connaît cette industrie avec l'appui du gouvernement, de l'industrie et des agriculteurs. Nous avons de nombreux acheteurs. Il y a beaucoup d'acheteurs et de vendeurs, et j'apprécie tout particulièrement la possibilité de vendre à terme une partie de ma production. Je peux ainsi gérer les risques. En tant que producteur de blé et d'orge, je suis constamment entravé par la Commission, puisque je ne peux pas vendre le blé à terme. La Commission vous tend une carotte en vous annonçant des rendements de 6 $ à 7 $ par boisseau; tout le monde se met à semer du blé, le ciel vous tombe sur la tête et vous n'avez aucun moyen de faire garantir le prix.

La Commission n'exporte que très, très peu d'orge fourragère car elle ne peut pas faire concurrence à notre forte industrie nationale. J'ai vendu de l'orge fourragère entre 2,60 $ et 3 $, FAB à la ferme, tandis que le Pool payait environ 2,50 $. En Alberta du moins, il est évident pour moi que la Commission ne compte pas. Elle n'achète pas beaucoup d'orge de ce côté-là.

J'aimerais vous présenter mon point de vue sur un système à deux marchés, avec des contrats exécutoires, des incitatifs et des pénalités. La Commission et les vendeurs privés seraient libres de vendre à n'importe quel acheteur dans le monde, y compris sur le marché national. Chaque agriculteur décidera s'il veut vendre par l'entremise de la Commission, ou sur le marché libre, cette année-là. Il s'engagerait pour une période donnée, et il ne pourrait pas aller et venir à plaisir. La Commission saurait exactement quelles quantités elle aurait à vendre cette année-là, et les deux parties signeraient un contrat exécutoire.

Chaque agriculteur choisirait un portefeuille équilibré, tout comme il choisit ses cultures. Il équilibrerait aussi ses méthodes de commercialisation. Je souhaiterais que la Commission ne reçoive les céréales qu'au port. Les agriculteurs, les compagnies céréalières, les chemins de fin et les camionneurs les y achemineraient, avec un système d'incitatifs et de pénalités, que nous n'avons pas. Actuellement, il n'y a aucune responsabilisation dans le système de transport.

Je souhaiterais que les administrateurs de la Commission soient élus, et leur président-directeur général également. Je ne vois pas la nécessité d'un fonds de réserve. Le blé et l'orge pourraient être vendus sur le marché libre, tout comme le canola, avec des marchés à terme, des cours quotidiens au comptant, des opérations de couverture et des ventes à terme, pour que les agriculteurs puissent gérer leurs propres risques avec le blé et l'orge, comme ils le font actuellement avec le canola. Voilà le système idéal.

Faute d'un système à deux marchés, je pourrais peut-être appuyer le projet de loi C-4 avec les amendements suivants. Vous pourriez rayer les mots «canola» et «colza» de la loi, et retirer toute l'orge de la Commission canadienne du blé.

Je voudrais que la Western Canadian Wheat Growers adopte un système d'options sur 25 p. 100 de la production, permettant ainsi aux agriculteurs de vendre jusqu'à 25 p. 100 de leur blé à terme sur les marchés de Minneapolis, de Chicago ou du Kansas. Les agriculteurs pourraient vendre jusqu'à 25 p. 100 de leur production par un contrat à terme et, quelque temps avant de devoir convertir en comptant, le producteur livrerait son blé à la Commission, au terminal ou au transformateur. À la livraison, le producteur remettrait la couverture à la Commission, qui la rachèterait et vendrait le grain à l'acheteur. Le paiement au producteur consisterait du prix à terme, moins le prix de base, c'est-à-dire le prix de la Commission. Mais tout serait transparent, et nous espérons donc que cela nous donnerait un prix de base acceptable. Celui-ci serait ajusté en fonction des taux de change, du grade, de la teneur en humidité, et cetera.

Les prix de la Commission éveillent des soupçons de plus en plus tenaces, et un simple mécanisme de prix au comptant lié aux PDR ou EPR ne suffira plus. Tous les administrateurs de la Commission devraient être élus et ils devraient pouvoir élire eux-mêmes leur président.

J'invite instamment ce comité à transmettre au gouvernement fédéral le message que ce projet de loi satisfait bien peu de personnes. Un système à marchés parallèles, où les agences privées et la Commission seraient en concurrence pour nous acheter notre production serait la solution que je propose à la plupart des problèmes de commercialisation et de transport que connaît la Commission. Nous n'avons aucun de ces problèmes avec le canola, alors essayons les marchés parallèles.

Le sénateur Spivak: Monsieur Sawyer, vous dites dans votre mémoire que la Commission canadienne du blé se contenterait de recevoir les grains au port et que les agriculteurs, les compagnies céréalières, les chemins de fer et les camionneurs l'achemineraient à destination par des contrats exécutoires, des incitatifs et des pénalités. Pourriez-vous expliquer comment cela fonctionnerait?

M. Sawyer: Si la Commission ou d'autres acheteurs sont au port et veulent du blé de force roux de printemps de première qualité, ils le font savoir par le système. L'agriculteur aura peut-être cinq cents de plus au boisseau s'il arrive dans un certain délai. Ensuite, les chemins de fer et le système des silos, ou les compagnies céréalières signeraient des contrats s'engageant à acheminer le blé à destination.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, vous signeriez des contrats individuels avec tous ces intervenants: les camionneurs, les chemins de fer ou les compagnies céréalières. C'est ce que vous voulez dire?

M. Sawyer: Non, pas nécessairement. Je n'ai pas réfléchi à tous les détails, mais il faudrait que le contrat soit exécutoire.

Le sénateur Spivak: J'ai une autre question, concernant le fonds de réserve. Vous semblez croire qu'il n'est pas nécessaire, ou voulez-vous dire qu'il n'est pas nécessaire de changer le système? Je me demandais si vous trouvez que le fonds de réserve est nécessaire maintenant. Pourquoi avoir un fonds de réserve dans les dispositions actuelles du projet de loi C-4?

M. Sawyer: À mon avis, ce n'est pas nécessaire. Si Commission, que Dieu nous garde, avait le contrôle du canola, je suis sûr que nous n'aurions pas 9,20 $ le boisseau. Nous aurions un prix initial de 5 $, parce qu'elle ne veut pas courir de risque. Je ne vois absolument aucune nécessité d'une garantie gouvernementale.

Le sénateur Spivak: Le fonds de réserve serait financé par les agriculteurs, par la voie des prélèvements. C'est ce que je veux dire.

M. Sawyer: Oui, je sais. Je n'en veux pas

M. Spencer: Si la Commission allait au port, elle chercherait des marchés et les suivrait quotidiennement. Elle continuerait d'offrir des contrats à différentes compagnies céréalières pour un certain nombre de tonnes de tel produit, à telle date. On pourrait alors s'adresser aux chemins de fer et aux compagnies de camionnage et quelqu'un d'autre prendrait la responsabilité d'acheminer les grains à temps. Si la livraison est en retard, le transporteur paierait des surestaries et non les agriculteurs.

M. Young: En réponse à votre question sur le fonds de réserve, j'estime qu'il est nécessaire parce que les mises en commun durent 18 mois. J'ai mis de l'engrais sur mes terres l'automne dernier, mais je serai payé pour mes céréales en l'an 2000. C'est pourquoi il nous faut une caisse temporaire, en quelque sorte. Si les mises en commun étaient plus courtes, peut-être qu'il ne serait pas nécessaire. Vous payez, vous passez un contrat et vous vous débarrassez du fonds temporaire. Il ne serait plus du tout nécessaire d'avoir des versements intérimaires et tout le reste. Vous sauriez exactement quel est votre bénéfice net. Pour le moment, je ne dis pas que nous ne devions pas avoir de Commission, mais s'il y a deux marchés, il ne devrait pas être nécessaire d'avoir un fonds de réserve si les périodes de mise en commun sont courtes. À l'ère des ordinateurs, 18 mois, c'est beaucoup trop long. C'est de la folie.

Le sénateur Fairbairn: Comme le savent ceux d'entre vous qui sont ici depuis le début de la journée, il a beaucoup été question de la responsabilité comptable de la Commission. Certains ont mentionné le rôle du vérificateur général. M. Spencer nous a dit que les contribuables devraient pouvoir obtenir de temps à autre une vérification impartiale et que le vérificateur général devrait avoir accès aux livres comptables de la Commission. Monsieur Spencer, j'aimerais une précision. Pensez-vous que le vérificateur général devrait être le vérificateur officiel de la Commission, ou devrait-il périodiquement examiner ses méthodes comptables, comme le fait actuellement la personne qui occupe ce poste?

M. Spencer: C'est exact. Le vérificateur général serait simplement là. La Commission choisirait un comptable -- je crois que c'est actuellement Deloitte & Touche. Le vérificateur général pourrait à certains moments aller s'assurer que tout fonctionne comme il se doit, que personne n'a payé 50 000 $ pour un marteau. Ces choses-là arrivent dans les entreprises privées et partout ailleurs. J'ai entendu des rumeurs -- et ce ne sont que des rumeurs -- selon lesquelles des céréales vendues à crédit à certains pays n'auraient jamais été déchargées dans ces pays, mais revendues ailleurs contre du pétrole ou de l'argent. Mais c'est le Canada qui accorde le crédit. Ce sont des rumeurs. On mettrait fin à ce genre de choses en permettant au vérificateur général de contrôler les livres. Comme je l'ai dit, je ne suggère absolument aucune action malhonnête dans mon mémoire.

Le sénateur Fairbairn: Non, je comprends. Je sais aussi que si le comité de la Chambre des communes, par exemple, souhaite faire enquête sur ces rumeurs, rien n'empêche que l'on demande au vérificateur général d'intervenir. Mais vous proposez que ce soit une vérification non pas permanente, mais peut-être régulière?

M. Spencer: Il faudrait examiner la performance générale et les procédures de la Commission tous les cinq ans environ.

Le sénateur Fairbairn: Dans les exposés de cet après-midi il n'a pas vraiment été question de l'élection du conseil d'administration, sauf dans celui de M. Miller. Vous avez entendu la discussion parmi les témoins qui vous ont précédé sur la méthode d'élection. À simple titre d'information, est-ce que quelqu'un voudrait exprimer une opinion sur l'idée des délégués plutôt que d'un vote direct? J'espère également -- et je ne parle qu'en mon nom propre -- que vous verrez de votre vivant, et peut-être même du mien, un Sénat élu.

M. Hertz: Ce serait une bonne chose. En ce qui concerne le vote, si le projet de loi C-4 est adopté, je ne souhaite pas voir un système de délégués. Ce n'est qu'une nouvelle étape bureaucratique, et nous essayons justement d'éliminer la bureaucratie. Je préférerais 15 administrateurs élus, si c'est ce qu'il faut, mais si je comprends bien le projet de loi, s'il est adopté, c'est le ministre qui a le dernier mot sur toutes les propositions du conseil d'administration. En réalité, il n'y a aucune démocratie.

Nous avons eu une discussion avec le sénateur Taylor, l'autre jour. Il était invité à une foire agricole à Drumheller et, en réponse à une question qui lui était posée, il a prétendu que le conseil d'administration aurait plus d'autorité que M. Goodale. Je ne suis pas au courant de tout, mais si j'ai bien compris, c'est M. Goodale qui aura le dernier mot sur les propositions des administrateurs. Il semble y avoir deux scénarios différents.

Si les 15 administrateurs sont démocratiquement élus et que le ministre leur dit: «Messieurs, votre idée ne me plaît pas, je vais donc procéder autrement», je ne vois pas où est la démocratie.

Le sénateur Fairbairn: Il me semble que si l'on prévoit des administrateurs élus, c'est justement pour qu'ils puissent intervenir plus directement dans les opérations de la Commission qu'ils ne le font actuellement. Selon le point de vue, on peut considérer que c'est important ou non, mais si l'idée d'avoir à la Commission canadienne du blé des agriculteurs élus par des agriculteurs a le moindre sens, la question est alors de savoir si c'est mieux que de ne pas en avoir? Mais c'est peut-être un débat qu'il vaut mieux réserver pour une autre occasion.

Je me demandais simplement si cette idée, ardemment défendue par certains, et non par d'autres, d'un système de délégués, était préférable, mais il semble que là aussi les avis soient partagés.

M. Hertz: J'aimerais conclure sur la question du vote prétendument démocratique que M. Goodale a organisé pour l'orge. Je suis l'un de ces agriculteurs qui n'ont pas reçu de bulletin de vote et j'ai une très grande exploitation céréalière. Je l'ai reçu tard, et je suis sûr qu'il n'a pas été compté, car je l'ai renvoyé à la date limite, et je n'ai aucune confiance dans le service postal.

Le sénateur Fairbairn: C'est là un tout autre débat.

M. Miller: En ce qui concerne le choix des administrateurs, je crois qu'il est très important que les voix soient pondérées en fonction de la production. On ne peut tout simplement pas permettre que quelqu'un qui a vendu 25 boisseaux d'orge ait le même poids que celui qui en a vendu 100 000. Il faut tenir compte de la production. C'est aussi simple que cela. Nous n'accepterons rien d'autre. Dans ce type de situation, on ne peut pas avoir une voix par producteur. Il s'agit d'une décision commerciale. Ce n'est pas la même chose que l'élection d'un député, ou autre représentant. Si, malheureusement, vous ne pouvez pas couler le projet de loi, il faut que les administrateurs soient élus et que les voix soient pondérées.

M. Young: Si vous me permettez d'aller un peu plus loin, ce n'est pas seulement une question de savoir qui peut voter, mais aussi pour qui nous votons. Autrement dit, nous ne pouvons pas accepter comme candidat pour nous représenter un producteur laitier du Québec. Vous comprenez ce que je veux dire? Les critères d'éligibilité sont aussi très importants, si vous me suivez.

Le sénateur Fairbairn: Oui.

Le sénateur Stratton: Les défenseurs de la Commission, surtout aux audiences de la semaine dernière, ont beaucoup insister sur l'idée qu'il devait y avoir un vote par permis. Ils avançaient notamment que les producteurs de canola, par exemple, ont leurs propres organisations et ils estiment qu'ils doivent pouvoir décider s'ils tombent ou non sous le contrôle de la Commission. Un autre argument que des agriculteurs ont avancé était le suivant: «Je produis du canola, mais je ne crois pas à ce type de système, et si je devais passer par la Commission pour vendre, je ne cultiverais pas le canola». Ces gens disent: «J'ai un permis, j'ai droit à une voix. Même si je ne produis pas de canola, même si je ne produis pas d'avoine, je devrais avoir le droit de décider si ce grain doit être régi par la Commission». Que leur répondez-vous?

M. Spencer: Nous n'avons pas d'objection à ce que la Commission canadienne du blé vende ou commercialise du canola, tant que ce n'est pas un monopole. Si elle veut vendre du canola, qu'elle se mette en lice avec toutes les autres compagnies céréalières. Je n'ai aucune objection à ce que la Commission canadienne du blé vende des vaches, tant qu'elle n'a pas de monopole.

M. Young: Il y a moyen, par d'autres mécanismes, de déterminer combien de grains certains ont vendu, qu'il s'agisse de canola, de blé ou d'autre chose. On pourrait donner une voix par tonne vendue, en moyenne, au cours des cinq dernières années. C'est un calcul rapide, mais les mécanismes existent, au lieu de compter le seul carnet de livraison.

Par exemple, si vous donnez une voix à un agriculteur qui produit du canola, du blé, ou autre chose sur une petite surface pour pouvoir utiliser son fumier, le vote est déséquilibré. Cela se produit. En Alberta, 45 p. 100 des agriculteurs élèvent des bovins. Si chacun a un vote, cela fausserait les résultats.

M. Spencer: L'ouverture de l'usine de Cargill à High River a été une merveilleuse aubaine pour les éleveurs de bovins. Voyant l'argent que faisait Cargill, IBP a racheté Lakeside Beef. Nous en profitons tous quand deux géants se font concurrence pour les bovins.

Je reviens tout juste de Californie, où l'essence coûte 93 cents le gallon. Quand nous y sommes allés en novembre, le prix variait entre 1,28 $ et 1,35 $ le gallon. Quand le prix du pétrole est tombé de 19,60 $ à 12 $ le baril, les prix à la pompe ont immédiatement suivi aux États-Unis. Ce n'est pas le cas au Canada, parce qu'il n'y a pas de concurrence, il n'y a pas de concurrence non plus dans les banques. Il n'y a pas suffisamment de joueurs.

Le sénateur Stratton: C'est ce que je crains avec les grandes compagnies céréalières.

M. Spencer: Les compagnies céréalières viennent toutes s'installer ici et elles offrent toutes des services. ADM est une compagnie internationale qui peut offrir des marchés dans le monde entier. Elle est en concurrence avec Cargill, Bunge et Louis Dreyfus. Elles sont venues en partie parce qu'elles apprécient les frais de silo à 11 $ la tonne qu'on leur a garantis, mais elles alimentent la concurrence.

Le sénateur St. Germain: Aux États-Unis -- et c'est tant mieux pour les Américains -- les lois antitrust et anticoalition sont très strictes. Ce n'est pas le cas ici; c'est une plaisanterie. Si nous avions un véritable marché libre, avec de véritables lois contre les cartels et les coalitions, ce serait différent. Mais le fait est que tout gouvernement suffisamment puissant pour vous donner tout ce que vous voulez l'est aussi pour vous prendre tout ce que vous avez. Peu importe quel est le parti au pouvoir. J'étais membre de la majorité conservatrice auparavant, et c'était pareil. Si nous ne corrigeons pas cela, les dangers sont très réels pour les agriculteurs et pour tout le monde.

M. Young: J'ai une réponse à votre question sur le multiculturalisme. On a l'impression qu'il n'y a pas de concurrence, mais quand Caterpillar avait trop de machines en 1986, elle les a bradées sur le marché mondial. Elle les a envoyées en Roumanie contre des complets, et elle a fini par obtenir de l'argent comptant. Quand le cours de l'orge était trop élevé, il y a deux ans, la CCB n'a pas voulu faire d'offre à l'Arabie saoudite, comme nous l'a dit son représentant lors d'une rencontre à Blackie. Le type nous a dit: «Vous pouvez étrangler le client, mais vous ne pouvez pas le tuer». La CCB n'a même pas fait d'offre, ce qui me laisse supposer qu'elle ne fait pas de gros efforts pour vendre. Un vendeur d'Oldsmobile ne s'excuse pas d'avoir à vous demander 40 000 $. La Commission canadienne du blé refuse le troc, elle ne fait rien pour essayer de nous obtenir le meilleur prix possible. Ce ne sont pas des vendeurs, mais des exécutants. Dès qu'ils ont l'impression que le pays avec lequel ils essaient de signer un contrat pourrait avoir des objections, ils ferment leur carnet de commande et rentrent chez eux. C'est là le problème. S'ils travaillaient pour Caterpillar, ils prendraient notre meilleur blé et ils feraient du troc.

Le président: J'ai une question. La province de l'Alberta a fait savoir qu'elle pourrait ne pas participer à la Commission canadienne du blé. Le cas échéant, pensez-vous que la Commission pourrait survivre?

M. Young: Ça nous est égal.

M. Spencer: Aux termes du projet de loi C-4, je ne crois pas que l'Alberta aurait ce choix.

M. Miller: Nous avons parlé de l'élection au conseil d'administration. Dans un marché libre, les agriculteurs voteraient avec leurs camions. Peu importe que la Commission survive ou non, mais elle survivra si elle est concurrentielle. De nos jours, un monopole n'est plus acceptable. Ça devrait être illégal.

Le sénateur Hays: Monsieur Young, vous avez dit que le prix serait plus élevé s'il n'y avait pas autant de blé à vendre. Vous avez demandé également: «Qu'est-ce qui les motiverait à faire monter le prix?» Comme vous l'avez fait remarquer, les exploitants de silos-élévateurs, les chemins de fer et la CCB dépendent du volume plutôt que du prix final; ils encouragent à la production, puisque c'est ce qui leur rapporte le plus. Cela veut donc dire que le prix serait plus élevé si la production était plus faible.

Sur le marché mondial, je vois des produits européens et américains vendus à bas prix. Autrement dit, le marché mondial nous donne le signal de ne pas produire du blé. Mais c'est un faux signal parce que nous savons que ces prix sont les résultats de subventions qui persistent, même si nous avons donné l'exemple dans l'élimination des subventions. Nous avons négocié une meilleure position concernant les subventions, mais nous n'y sommes pas encore arrivés. Pourriez-vous expliquer comment une réduction des volumes contribuerait à régler le problème?

M. Young: Avec la CCB, le délai est beaucoup trop long. Nous ne saurons pas avant janvier ce que nous aurons obtenu pour la campagne de cette année. Il nous faut des signaux plus rapides sur les prix; alors nous planterons. Nous réduirons la production; c'est aussi simple que cela. À ces prix-là, les Prairies produisent 20 p. 100 de trop. Si vous réduisez la production, les prix monteront.

Il y a trois mois, Lorne Hayne disant: «La Commission s'engage à obtenir un prix concurrentiel sur le marché nord-américain.» Pour moi, cela veut dire le prix le plus bas possible pour tous les utilisateurs. Nous devons réduire la production et ne pas produire les quantités qu'ils attendent; peut-être qu'alors ils augmenteront les prix. Je ne préconise pas les subventions, mais vous ne pouvez pas laisser toute une industrie s'effondrer, et c'est ce qui va arriver au cours des prochains mois. Il va y avoir d'importantes distorsions.

Le sénateur Spivak: Dans quelle mesure les agriculteurs pourraient-ils se tourner vers d'autres cultures dans les régions propices à la culture du blé? Ces régions sont-elles propices à d'autres cultures, comme les pois?

M. Hertz: Je viens de l'est de la province, où le blé et le blé dur règnent. Nous avons essayé les lentilles, les graines à canaris, le canola et l'orge mais, à cause de la sécheresse, ils poussent mal. On nous a dit que si nous ne sommes pas satisfaits du statu quo, nous n'avons qu'à cultiver autre chose. Le blé est notre principale culture de rotation et, en agriculture, la rotation est indispensable. Nous pratiquons actuellement un cycle de quatre ans avec des pois, du blé, du canola et des graines à canaris, et nous recommençons. Sans rotation, on risque des maladies; il nous faut donc faire une place au blé.

Le sénateur Spivak: Quel type de blé les autres pays vendent-ils? Je crois comprendre que le Canada produit le meilleur blé dur. Ces autres pays ont-ils des subventions? La qualité de notre blé n'entraîne-t-elle pas une différence prix? Autrement dit, le blé canadien n'obtient-il pas un meilleur prix?

M. Hertz: Il y a bien une prime à la qualité sur le marché mondial, mais nous ne semblons pas l'obtenir de la Commission.

Le sénateur Spivak: Le Canada est-il le principal et le meilleur producteur de blé dur?

M. Young: Oui, je le crois.

Le sénateur St. Germain: On nous a indiqué un coût de production de 4 $ le boisseau. Je mets en doute l'intégrité de la personne qui a donné ce chiffre, mais j'aimerais savoir si vous jugez que c'est une bonne estimation. Il nous a aussi dit qu'il vendait sa production entre 2,97 $ et 3,97 $ le boisseau. Peut-on dire que presque tout le monde vend à un prix inférieur au coût de production?

M. Hertz: C'est moi qui ai donné ces chiffres; j'ai parlé de 2,70 $ à 3,70 $. Dans notre région, dans l'est de la province, c'est un coût de production réaliste, mais nous ne faisons pas de grosses quantités. Les coûts diminuent peut-être dans l'ouest, où la production est plus importante. Mais ces chiffres traduisent notre situation, dans l'est.

M. Young: Si vous tenez compte du CSRN, le boisseau de blé nous coûte 5,02 $ à la production.

Le président: Nous remercions les témoins d'être venus.

J'appelle maintenant le groupe suivant. Bonjour. Je vous prie de vous présenter et de nous dire ce que vous produisez et où.

M. Murray Woods: Je suis céréaliculteur à Linden, en Alberta.

M. Russell Barrows: J'ai une exploitation à Coutts, sur la frontière américaine. Mon père l'exploitait avant moi, et mon fils y travaille actuellement.

Mme Colleen Bianchi: Je viens de Coutts. J'ai aussi une ferme sur la frontière du Montana.

Mme Alanna Hermanson: J'ai une exploitation à l'est de Calgary, à Strathmore. Je suis membre du conseil d'administration de la Western Barley Growers Association et vice-présidente de la Western Grains Research Foundation.

M. Burt Bystrom: J'ai une ferme dans la région de Sylvan Lake-Red Deer, à mi-chemin entre Calgary et Edmonton. J'y ai travaillé toute ma vie. Je produis du canola. Je suis membre du conseil d'administration de la Alberta Canola Producers Commission.

Le président: Je donne la parole d'abord à M. Woods. Vous avez chacun cinq minutes pour présenter votre exposé, puis nous passerons aux questions.

M. Woods: Le 6 mars, les producteurs de blé de l'Ontario ont choisi le système de double commercialisation. À peu près au même moment, le gouvernement fédéral adoptait une loi obligeant l'agriculteur des Prairies à continuer de donner son grain à la Commission.

Il est intéressant de noter que le projet de loi C-4 ne s'applique qu'à certains habitants de ce pays. Le concept est extrêmement dangereux. La loi a été adoptée sans l'appui des députés représentant les personnes concernées, et le parti au pouvoir est très peu représenté dans la région. Il a également été adopté sans le soutien des organismes agricoles qui représentent les exploitants.

Je suis convaincu que le projet de loi C-4 vise trois objectifs. Le premier est de consolider l'autorité du ministre, le deuxième de limiter les responsabilités passées et futures du gouvernement pour les décisions de la Commission et le troisième de créer un fonds que le ministre pourra utiliser comme il l'entend.

En ce qui concerne le premier point, le projet de loi donne l'impression que la Commission sera constituée de membres élus, mais le paragraphe 3.12(2) stipule que les administrateurs devront -- et non pas pourront -- respecter les ordres qui leur sont transmis conformément à la loi. Le ministre continuera de nommer un tiers des administrateurs, y compris le président. Cela revient à transférer le pouvoir du Parlement au ministre.

Pour ce qui est du deuxième point, depuis l'établissement de la Commission, des milliards de dollars ont été enlevés à l'économie agricole de l'Ouest canadien. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la CCB versait aux producteurs de blé un prix inférieur au cours mondial afin que le gouvernement puisse respecter ses engagements pris la Grande-Bretagne sans conduire le Trésor à la faillite. Je suis convaincu que cette pratique existe encore aujourd'hui, et je crois que durant la campagne 1996-1997, la CCB a fait perdre aux céréaliculteurs de l'Ouest plus d'un milliard de dollars.

Cette année, j'ai vendu du blé sur le marché national des provendes à 3,08 $ le boisseau. Le règlement final, tel qu'évalué par la CCB, se situe quelque part entre 3,27 $ et 3,82 $. Elle a accès à tous les marchés au monde et elle ne parvient pas à obtenir un aussi bon prix que moi sur un seul marché.

Mon troisième point traite de la constitution d'un fonds de réserve. Aucun détail n'est donné quant aux sommes qui seront prélevées sur les agriculteurs, comment elles seront investies, si elles nous seront ou non rendues ou, même, si nous aurons un jour le droit d'avoir une réponse à ces questions. Si l'on se fie à la pratique de la CCB jusqu'ici, je pense qu'on peut s'attendre à ce que le fonds soit versé au gouvernement fédéral, ou dilapidé, et nous n'en saurons jamais rien. La CCB et le gouvernement nous diront que ce sont là des renseignements commerciaux confidentiels. Cela me rappelle la manière dont on traite notre argent dans le RPC.

Bien des Canadiens estiment que le Sénat est devenu inutile et qu'il doit être aboli. Je ne suis pas de cet avis. J'estime que dans toute démocratie il est important d'avoir un organisme qui puisse défendre les droits de la minorité contre la tyrannie de la majorité. Par le passé, nous avons vu les droits des minorités bafouées, comme dans le cas des Canadiens japonais lors de la Deuxième Guerre mondiale, ou dans celui des enfants mis en pensionnats, ou de l'expropriation de milliards de dollars de l'Alberta. Dans chacun de ces cas, le Sénat a regardé sans rien faire. Vous avez encore une fois le choix. Êtes-vous au service du Premier ministre et de son parti, ou êtes-vous au service du peuple? Allez-vous défendre les droits individuels?

Le sentiment d'aliénation de l'Ouest et la volonté de séparation gagnent du terrain, et ce sont des projets de loi comme celui-ci qui en sont responsables. Nous ne sommes pas traités comme les agriculteurs de l'Ontario. Nous sommes traités différemment de toutes les autres industries. Je suis la politique de très près, et j'ai l'impression que les gouvernements lancent des ballons d'essai, ou proposent des projets de loi oppressifs, pensant que quelques modifications mineures suffiront à rassurer et à satisfaire les citoyens. J'imagine que le Sénat va probablement proposer quelques changements sur la nomination du président, l'inclusion des grains, et peut-être le fonds de réserve. Mais tout cela n'est pas acceptable. Les agriculteurs de l'Ouest doivent être traités de la même manière que leurs homologues ontariens. Le Sénat doit rejeter ce projet de loi et le comité doit proposer des amendements qui rendent volontaire la participation à la CCB.

Le président: Merci, monsieur Woods. Monsieur Barrows?

M. Barrows: Je remercie Dieu que vous soyez venus nous entendre aujourd'hui. Si les choses se passent comme elles doivent, toute l'économie de l'Ouest pourrait en être transformée.

Je m'appelle Russell Barrows. Depuis 45 ans, j'exploite une ferme dans la région de Coutts, près de la frontière du Montana. J'habite à une rue de la frontière, et à quatre rues du poste de douane. Dès que nous sortons de la ferme, nous sommes aux États-Unis. Et bien sûr, tous les agriculteurs de ce côté-là sont américains. Mon beau-fils exploite une ferme aux États-Unis, mon frère l'a fait; j'ai donc une bonne idée de ce qui se passe de l'autre côté de la frontière.

Le projet de loi C-4 m'inquiète beaucoup. J'ai lu des informations sur Internet, et je suis la question de près. Ce qui m'inquiète surtout, c'est l'absence de comptes à rendre aux agriculteurs. Je me suis vraiment inquiété quand les libéraux sont sortis et n'ont même pas écouté le débat. D'après moi, une coopérative où la participation n'est pas volontaire ne peut pas réussir et n'est pas démocratique.

Mon père et moi, nous avons voté dans l'affaire de l'orge, mais on ne nous a jamais demandé notre avis sur la Commission. Elle nous contrôle et elle nous coûte des milliards de dollars.

M. Goodale n'a rien fait pour les agriculteurs, et il ne semble pas se préoccuper de leurs intérêts. Il semble ne rendre des comptes qu'au gouvernement. Il n'écoute même pas les conseils de son comité consultatif, pourtant trié sur le volet; il n'a pas voulu entendre ses recommandations de changement. La CCB n'est pas assujettie à la Loi sur l'accès à l'information, et on voudrait maintenant adopter des lois qui la protégerait des actions en justice pour ses décisions passées et futures. Que devons-nous en penser?

Un journaliste de Lethbridge me demandait un jour ce que je pensais de la Commission. Je lui ai répondu: «Nous avons créé un géant et il nous faut maintenant le contrôler ou le détruire car il est en train de nous dévorer». C'est ainsi que je vois la situation. Regardez leurs livres et leurs coûts -- au nom des agriculteurs, ils envoient des gens dans le monde entier pour installer des meuneries et enseigner dans les universités, et le Pool fait la même chose. Ces coûts nous écrasent. Si la CCB a une bonne réputation, c'est parce qu'elle soigne ses relations en offrant ce genre de services gratuitement, mais cela coûte très cher aux agriculteurs.

Dans les provinces des Prairies, les agriculteurs sont déjà furieux de ne pas avoir le choix pour le blé et l'orge, et maintenant la CCB voudrait étendre son contrôle à d'autres grains. Nous ne nous contenterons de rien de moins que d'un système à deux marchés. Si la Commission n'est pas concurrentielle, à quoi nous sert-elle? C'est ce qu'ont dit aussi les producteurs de l'Ontario.

Je remercie Dieu de vivre dans une société démocratique, mais certaines forces cherchent à détruire nos libertés; elles nous enlèvent nos droits civils et nos droits de propriété, et bradent nos grains à un prix inférieur à nos coûts de production. Le Canada est le seul pays au monde où un agriculteur peut faire de la prison et être humilié pour avoir vendu lui-même sa production. Andy McMechan a subi les menottes et les fouilles corporelles 52 fois pour démontrer le pouvoir du monopole. Nous n'avons pas besoin de cela. Des membres de ma famille sont morts à la guerre pour mettre fin à ce genre de choses, et nous devons nous aussi combattre cela.

Le projet de loi est très vague et ne ferait que semer la confusion dans le milieu agricole. Beaucoup d'exploitations disparaîtront si ce projet de loi est adopté. Chaque année, le nombre de vente aux enchères augmentent; les agriculteurs vendent parce qu'ils ne peuvent plus s'en sortir, à cause de ce genre de choses. Quand je dis «vague» j'entends qu'il faudra des années avant de tirer certaines de ces choses au clair.

Je vis sur la frontière, et nous avons tout fait pour ne pas traiter avec la CCB. Nous avons produit de l'avoine, de la moutarde, du canola, des lentilles et des pois, et nous continuons d'en produire, parce que nous pouvons vendre ces produits-là librement aux États-Unis. Nous n'avons jamais vendu un seul boisseau de l'autre côté de la frontière, malgré sa proximité. Ce serait facile, mais il n'y aucun avantage à le faire, puisque tout ce qui n'est pas sous le contrôle de la CCB est payé au même prix des deux côtés de la frontière; toutes ces denrées-là sont au même cours. Depuis 1929, j'aurais pu gagner beaucoup d'argent en vendant mon blé et mon orge aux États-Unis, mais il tombe sous le coup de la Commission canadienne du blé.

Les gardes frontières m'ont dit que 65 camions par jour en moyenne passent la frontière chargés de céréales de la Commission et du Pool. Le Pool et certains exploitants de silos-élévateurs semblent l'acheter moins cher que nous, car nous ne pourrions pas faire un sous de bénéfice si nous achetions à plus cher que le prix de revient. Et pourtant, ils passent la frontière tous les jours. Quand on nous a imposé des amendes, on nous a dit: «Adressez-vous au douanier en chef.» Et bien, j'affirme que 65 camions passent la frontière chaque jour et ne sont pas arrêtés. Ces choses-là sont tout à fait inacceptables.

Si rien ne change, je ne vois pas comment je vais m'en sortir. La CCB nous dit qu'elle nous obtient toujours une prime à la qualité; elle ment. J'habite à la frontière, et je ne l'ai jamais vu.

En fait, les Américains vont devoir réagir devant le fait que le pool vend des grains à un prix inférieur à leur coût de revient. Je suis allé à Washington où, en 1993, on a vendu du grain pour à peine 98 cents le boisseau. Une partie a été vendue comme numéro 2, et du numéro 3 comme blé de fourrage. Cela continue. En mai dernier, mon beau-fils et d'autres agriculteurs ont décidé qu'il n'était plus possible de faire des bénéfices tant que les Canadiens pratiquent le dumping, et ils sont restés chez eux. Ils restent chez eux et attendent que la CCB inonde les marchés. Cela fait tomber le prix aux États-Unis, et ici aussi.

Au début, le principal conseiller du Premier ministre pour la question du blé était John McFarlane, qui était contre la Commission canadienne du blé. Il avait déclaré que si l'on abolissait le marché à terme, il n'y aurait plus de place que pour un monopole d'État et que la perspective était trop horrible. Vous pouvez le lire. C'est ça qui est le plus triste à propos de la CCB. Elle ne fait jamais monter les cours. Elle les fait toujours baisser.

S'il y avait deux marchés parallèles, la Commission aurait de la concurrence. Elle devrait y faire face ou disparaître. Placer d'autres grains sous le contrôle de la CCB n'y changera rien, sauf augmenter les coûts. Tout le reste ne changera pas.

L'Ouest canadien a besoin de développement économique. Je suis convaincu que la seule façon de l'encourager, c'est d'avoir un système de commercialisation double.

Le président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre Mme Colleen Bianchi.

Mme Bianchi: Honorables sénateurs, mon mémoire ressemble peut-être à un livre, mais j'y ai annexé des documents. C'est ce qui explique son épaisseur. Ce n'est pas vraiment une Bible, même si je peux le considérer ainsi. Le sujet est complexe et ne peut pas être débattu en un jour. Il y a de très nombreuses facettes à la production céréalière. J'exploite une ferme avec mon mari depuis 24 ans, mais j'ai vécu toute ma vie à la ferme. Je ne connais rien d'autre.

La question est très vaste, bien entendu, mais on a déjà discuté de nombreux éléments, et je vais essayer d'aborder des aspects différents. J'apprécie la discussion qui a eu lieu aujourd'hui. Il ne m'appartient peut-être pas de le dire, mais j'estime que c'est important et je vous en remercie.

En 1995, les producteurs d'orge de l'Alberta ont voté à 63 p. 100 en faveur d'un marché libre pour leur produit. Aujourd'hui, ils seraient encore plus nombreux à le faire. Nous savons que les agriculteurs de l'Ontario jouissent d'un traitement différent. Dans ma région, près de la frontière du Montana, il y a des petits agriculteurs qui chaque année produisent de moins en moins de céréales contrôlées par la Commission, à cause du mécontentement et des inquiétudes qu'elle provoque.

Le système de mise en commun n'est pas sans problème. Par exemple, nous produisons de l'orge qui atteint la qualité de maltage cinq années sur six, et notre orge va aux fabricants de provendes. Nous ne pouvons pas attendre que la Commission nous demande notre malt; nous ne pouvons pas attendre 18 mois avant d'être payés alors que nous avons des frais. Nous livrons donc notre orge brassicole au parc d'engraissement, qui nous paye une bonification, et nous recevons le règlement au complet dans un délai d'une semaine. Pas 18 mois. Attendre 18 mois avant de payer leur dû aux agriculteurs, c'est trop long. Les citadins n'attendent pas si longtemps le plein paiement de leur salaire.

Si la Commission permettait aux agriculteurs de voir les prix des grains et la liste des coûts, même pour des années antérieures, peut-être comprendrait-on mieux le système. Mais les agriculteurs doivent lui faire aveuglément confiance, croire qu'elle leur obtient le meilleur prix possible alors que Brian Hay, avocat de la Commission, a reconnu devant le tribunal que celle-ci ne se préoccupe que d'écouler méthodiquement le blé, et non pas d'obtenir le meilleur prix.

Bob Roehle, directeur des communications de la Commission a déclaré sur bande magnétique que celle-ci veillait à obtenir un prix suffisant pour que les agriculteurs continuent de produire. Nous avons la preuve qu'en 1993 et en 1994, la Commission a pratiqué le dumping du blé aux États-Unis à des prix qui allaient de 98 cents à 2,18 $. J'ai eu des échos d'autres ventes à bas prix, mais dans ce cas là nous avons la preuve écrite; vous trouverez les transcriptions à la suite de mon mémoire. Nous avons les tickets de caisse comme preuves à l'appui, et ça ne vous donne qu'une partie du tableau.

Les compagnies céréalières canadiennes pratiquent le dumping, sur le marché national et international. Les parcs d'engraissement peuvent acheter de l'orge à meilleur prix à la Commission qu'auprès des producteurs. Les agriculteurs ne vendent pas à un prix inférieur à leur coût de production à moins d'y être obligés. Vendre un produit moins cher qu'il ne vous a coûté, ce n'est pas une très bonne pratique commerciale.

Les entreprises et les sociétés doivent rendre des comptes à ceux dont elles utilisent l'argent. Comme la Commission n'a pas de compte à rendre aux céréaliculteurs, comment ceux-ci peuvent-ils savoir ce qui se passe? Après tout, c'est de notre argent que se sert la Commission. Tous les agriculteurs qui travaillent dans la zone captive voient une partie de l'argent qu'ils gagnent aller dans la caisse de la Commission. En tant que productrice, je ne sais pas de combien d'argent dispose la Commission, ni quels sont ses coûts réels. On engage des vérificateurs, mais ils devraient venir de l'extérieur et le vérificateur général devrait aussi avoir accès à tous les comptes de la Commission.

Les gens de la ville n'accepteraient jamais de travailler dans ces conditions. Ils n'attendraient pas 18 mois avant d'avoir leur paye complète. Permettriez-vous que quelqu'un garde votre argent, sans savoir quels sont les coûts ou à quel prix votre travail est payé, sans pouvoir poser des questions, d'être obligé de rémunérer des gens sans savoir ce qu'ils gagnent? Pourquoi la Commission fait-elle tant de mystère autour de l'argent des agriculteurs? Quels autres travailleurs accepteraient de travailler dans ces conditions?

L'article qui prévoit «l'immunité contre les poursuites» soulève de nombreuses questions. Quand plus de 500 personnes à la Commission utilisent votre revenu agricole pendant 18 mois, qu'elles n'ont pas de compte à rendre aux agriculteurs à la base, n'auriez-vous pas aussi des questions? Ce genre d'article m'inquiète vraiment. Le Canada est un pays libre, avec un gouvernement démocratique, et nous devrions avoir le droit de voter sur les questions qui nous concernent directement. Certains agriculteurs ont des questions, mais ils n'obtiennent aucune réponse. Il a fallu traverser des frontières pour obtenir des réponses devant les tribunaux.

Tout cela semble prouver que tout est lié. Les tribunaux ont dit que la réponse doit venir du législateur, mais le gouvernement refuse de nous écouter, et la frustration monte chez les céréaliculteurs. La plupart se rendent compte que les choses doivent changer. On a déjà dit que les agriculteurs ont des avis et des sentiments bien arrêtés. Certains sont cependant capables de changement. Mais le Sénat et les libéraux, par exemple, vont-ils vraiment écouter les producteurs concernés par la Loi sur la Commission canadienne du blé et le projet de loi C-4?

Ce sont les producteurs qui doivent essayer de tirer leur gagne-pain de la terre. Quelqu'un s'est-il déjà demandé pourquoi les agriculteurs quittent la terre, pourquoi les fils ne veulent pas reprendre les exploitations familiales? Dans l'ensemble, les agriculteurs vieillissent. Les jeunes ne veulent plus rester à la ferme quand ils voient comment leurs parents vivent. Quand va-t-on entendre et écouter les agriculteurs? Combien de temps et d'argent faudra-t-il encore dépenser?

Cette question concerne la Commission et les producteurs. Je recommande vivement que les compagnies céréalières, comme les syndicats du blé des Prairies n'aient pas autant de poids décisionnel ou de pouvoir que les producteurs. C'est le produit et l'argent des agriculteurs qui sont dans le système de la Commission. Les compagnies céréalières sont censées être de simples mandataires. Le projet de loi C-4 c'est mon affaire, pas la leur. Ce sont mes céréales et mon argent dont on parle.

Le problème c'est que le système est un triangle inversé. Le producteur est en dessous, et tout le monde oublie son importance. Quand il s'agit d'estaries, de grèves et de transport, tout le monde oublie d'où vient le produit. Il faut remettre la pyramide à l'endroit, en n'oubliant pas qu'elle repose sur les producteurs.

Mais je comprends que la Commission, si elle faisait un bon travail, pourrait survivre même dans un marché concurrentiel. Il semble que lorsque les cours des céréales montent et que les agriculteurs empochent davantage, les prix de l'engrais, des produits chimiques et des machines montent également.

Nous avons parlé un peu aujourd'hui du marché libre, mais personne n'a parlé des marchés à valeur ajoutée. Avec un marché libre, ce genre d'autres activités serait possible. À Milk River, à 30 milles de chez moi on essaie d'ouvrir une fabrique de pâtes alimentaires, puisque la région produit un excellent blé dur. Personnellement, nous ne voulons rien avoir affaire avec cette fabrique tant que la Commission y est pour quelque chose.

Je vis près de la frontière, mais ni mon mari ni moi n'avons vendu des céréales aux États-Unis. Je préconise un marché libre parce que je veux pouvoir vendre aux entreprises de maltage, aux meuneries ou aux fabriques de pâtes, mais avec un marché libre, le prix pourrait être fixé à partir de mon propre silo, que le produit soit destiné à Milk River ou à Lethbridge. Je n'irais pas nécessairement aux États-Unis, parce que j'aurais mon prix ici.

Si rien ne change, ce sont les grandes entreprises qui domineront tout l'Ouest canadien, à moins qu'on ne fasse quelque chose pour la ferme familiale. Si rien ne change, le paysage du sud de l'Alberta va changer. Je suis sûr que cela se produira ailleurs. Brian Otto a dit que dans notre région nous ne produisons pas de grosses quantités; nous faisons plutôt de la qualité; les coûts de production sont donc très importants pour nous.

Je tiens à dire que j'ai essayé de rester objective et que j'en parle avec des gens autour de moi. Quand les gens ont su que j'aillais venir ici aujourd'hui, ils m'ont bien sûr félicitée car, comme on l'a dit, les agriculteurs, pour une raison ou une autre, ont du mal à se faire entendre.

Nous produisons de l'orge, du canola, de la moutarde et un peu de blé dur, et autrefois nous avons cultivé le blé de printemps et le blé d'hiver. Je suis membre du Alberta Women's Institute, qui est un groupement de femmes rurales. Je suis membre du Alberta Women's Network. Je suis membre du Prairie Centre, ainsi que du groupe Farmers For Justice. J'ai un fils de 15 ans qui, depuis qu'il a cinq ans, veut devenir agriculteur. Je ne sais pas s'il pourra vraiment le faire. Si vous pensez que j'ai une idée derrière la tête, c'est vrai. Je veux défendre la ferme familiale. Elle est menacée. Si rien ne se passe, les grandes entreprises vont tout prendre, parce que le petit agriculteur qui n'a qu'une section ou à peine plus vit de plus en plus mal.

Mon député était ici au début de la journée, et il a pensé que je devrais vous dire que j'ai travaillé avec un groupe de base qui rassemble des agriculteurs du Montana et de l'Alberta et qui se réunit depuis un an et demi ou deux. Nous avons le sentiment que nos gouvernements, de part et d'autre de la frontière, ne nous écoutent pas, et ce que nous craignons surtout c'est de voir les fermes familiales disparaître du continent nord-américain dans l'intérêt d'une politique de bas prix des aliments.

Je pourrais continuer encore, mais je pense qu'il vaut mieux que je m'arrête.

Le président: Merci beaucoup, madame Bianchi.

Nous allons maintenant entendre madame Alanna Hermanson, s'il vous plaît.

Mme Alanna Hermanson: Merci de m'avoir permis de venir aujourd'hui. Je serai brève, car bien des choses que j'avais prévu de dire l'ont déjà été, et ça ne sert à rien de se répéter.

J'ai des inquiétudes sur la rédaction du projet de loi C-4. Certaines parties semblent avoir été tirées directement de la Loi sur la Commission canadienne du blé, sans penser à l'application. Je vais donner un exemple au comité. En novembre 1994, le projet de loi C-50 est venu modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé. Les paragraphes 33(1) et (2) prévoyaient la possibilité de prélèvements effectués sur le règlement final de la Commission pour tout le blé et l'orge livrés durant la campagne, aux fins de la recherche sur l'amélioration génétique de ces deux céréales. Une disposition permettait aux détenteurs de carnets de livraison avec suffixes A et B de donner par écrit un avis de non-participation.

Un décret désignait la Western Grains Research Foundation comme organisme chargé d'administrer le programme de 1994 à 2016. Les prélèvements étaient fixés à 20 cents la tonne pour le blé et 40 cents la tonne pour l'orge. La date limite pour l'acceptation des avis de non-participation était fixée au 1er novembre.

Les amendements proposés par le projet de loi C-4 permettent les prélèvements auprès des producteurs qui participent à la mise en commun de la Commission canadienne du blé, et il n'y a pas de problème. Toutefois, il faut faire quelque chose du côté du règlement au comptant, c'est-à-dire s'assurer que tous les producteurs qui souhaitent participer aient la possibilité de le faire. Il faut donc mettre un système en place qui permette un remboursement pour ceux qui sont payés au comptant à la livraison.

Je me suis fait une opinion du projet de loi en examinant certains segments et en essayant de voir comment il fonctionnerait; le Très Honorable M. Goodale n'a pas pris la peine de réfléchir aux conséquences de tous les aspects du projet de loi C-4.

Durant la campagne 1996-1997, les producteurs ont volontairement contribué 5 339 285,45 $ pour la recherche sur l'amélioration génétique du blé et de l'orge. Les prélèvements sur le blé représentaient 4 205 625,77 $ du total et ceux de l'orge 1 033 459,68 $. C'était de l'argent que les producteurs ont versé volontairement. Plus de 163 000 producteurs de la Commission, à suffixes A et B, qui détenaient en moyenne plus de 120 000 carnets de livraison ont participé. Six mille huit cent vingt-quatre seulement ont choisi de ne pas participer. Cela donne un taux volontaire de participation de plus de 96 p. 100. Nous avons également opté pour la contribution. Cet élément doit rester volontaire dans le projet de loi C-4, mais il faut que le Sénat trouve un moyen pour que cela fonctionne aussi pour les producteurs payés au comptant.

Bien entendu, le problème se pose lorsque les agriculteurs sont prêts à participer. Vous avez entendu les objections à la Commission canadienne du blé, et les pourcentages. Je dirais qu'il vaudrait mieux examiner tous les aspects, parce que ce travail a été très mal fait.

Je suggère que le Sénat revoie ce projet de loi C-4 avec la même attention que j'y ai portée. Le Sénat a les ressources nécessaires pour procéder à ces recherches, et il lui serait plus facile de corriger les erreurs et de réécrire le projet de loi avant son entrée en vigueur. J'espère, en fait, qu'il rejettera le projet de loi entièrement, mais je ne sais pas si c'est en votre pouvoir.

Dans notre ferme, nous travaillons pour l'avenir de l'agriculture et pour notre propre prospérité. Si nous puisons dans les poches de nos voisins par la mise en commun, ce n'est pas nous qui l'avons voulu. Nous y sommes forcés par la loi fédérale et parce que nous devons cultiver le blé dans le cycle de rotation. Nous ne produisons pas d'orge brassicole, ni d'orge à grain nu pour la consommation humaine ou la transformation industrielle. Ne songez même pas à confier une autre culture à la Commission canadienne du blé. Je vous demande officiellement de retirer l'orge du contrôle de la Commission.

Nous sommes au courant des différentes possibilités de commercialisation pour les céréales. Nous savons que la Commission a besoin d'un approvisionnement constant en blé pour respecter ses engagements. Nous ne sommes plus disposés à continuer de donner en moyenne, sur 15 ans, 83 cents par boisseau sur le prix net à la ferme à cause de l'incompétence de la Commission.

Pour la viabilité à long terme de la ferme, il faut remplacer les machines. Nous n'avons plus au Canada un grand éventail de marques. Les fabricants américains n'acceptent plus le dollar canadien à parité. Le climat ne nous permet pas d'augmenter la production pour compenser l'écart dans le taux de change. C'est par une commercialisation avisée que l'agriculteur peut combler cet écart. Il faut permettre aux Prairies de développer pleinement tous leurs secteurs agricoles. La Commission ne doit plus être autorisée à s'ingérer dans l'approvisionnement et la vente du blé et de l'orge sur le marché national.

Je ne voulais pas venir à la réunion. J'y ai été obligée. Il y a longtemps, une grande personnalité libérale, C.D. Howe, déclarait à sa femme: «Ce qui se passe dans la maison te regarde. Ce qui se passe au-delà du portail me regarde.» Le projet de loi C-4 passe mon portail. Ça ne me plaît pas. C'est pour cela que je suis venue.

Le président: Merci, madame Hermanson.

Nous allons maintenant entendre M. Bert Bystrom, qui était censé venir plus tôt mais il avait été mal informé.

Nous nous en excusons, monsieur Bystrom, et nous vous souhaitons la bienvenue.

M. Bert Bystrom: Monsieur le président, c'est peut-être pour le mieux, car mon exposé est très bref, et nous pourrons avoir des questions.

Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir tiré de ma campagne où il y en a épais de boue, de neige et de fumier. L'asphalte et les bouches d'égout ont un air plutôt sympathique.

En tant que producteur de canola et de colza depuis près de 25 ans, le projet de loi C-4 m'inquiète. Le canola est une denrée extrêmement évolutive qui fait intervenir beaucoup de joueurs. S'il y a à l'occasion des accrocs, les exportateurs, les triturateurs nationaux et autres participants dans le processus de valeur ajoutée ont investi et créé des emplois qui ont contribué à nous donner une industrie viable. Pour moi, je peux dire que le canola a sauvé mon exploitation.

Rien de tout cela n'aurait été possible sans la collaboration d'Agriculture Canada, du ministère provincial de l'Agriculture, du Conseil canadien du canola, de l'Association des producteurs canadiens de canola et bien d'autres. Le canola est une culture à haut risque qui nécessite la collaboration et les efforts de tous ces gens pour rester compétitive. L'expansion équilibrée de cette industrie jusqu'ici montre bien qu'on ne s'est pas trompé.

Certains signes montrent que les exportateurs et triturateurs japonais et américains sont inquiets d'apprendre que le canola pourrait être placé sous le contrôle de la Commission canadienne du blé. Il semble aussi que l'ALENA et les négociations en cours à l'OMC et au GATT n'accepteront pas nécessairement l'inclusion du canola. Le seul moyen de maintenir l'équilibre mentionné plus tôt serait de rayer les termes «canola» et «colza» de la définition des grains dans la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Je suis également inquiet de la possibilité que la commercialisation du canola soit soumise à un système de vente exclusive. Aux premiers jours du canola, la commercialisation était intermittente, et le produit était vendu pendant toute la campagne ou par contrat de livraison. Il y a maintenant plusieurs méthodes possibles, y compris les contrats à terme et à option, les prix à terme, avec plancher, ou les contrats de production. La rapidité des communications et de l'information mondiale permet au producteur de garantir son bénéfice, à condition de connaître ses coûts de revient et d'atteindre le niveau prévu de production.

Beaucoup de producteurs se sont habitués à utiliser les instruments de commercialisation à leur disposition, et d'après ce que nous entendons dire à l'Alberta Canola Producers Council, ils sont nombreux à appuyer le marché libre actuel. Je ne dis pas cela sans preuve. Il y a au Canada 75 000 producteurs de canola; en Alberta, nous sommes plus de 24 000 sur lesquels est effectué un prélèvement remboursable dont nous devons rendre compte. Nous devons donner des comptes, croyez-moi, j'en sais quelque chose. Nous n'avons jamais eu à rembourser plus de 3 p. 100 de ces prélèvements, ce qui me paraît être une indication assez claire que les producteurs approuvent ce que nous avons fait dans l'industrie du canola.

Encore une fois, je vous demande de rayer les termes «canola» et «colza» de la définition de «grain» dans la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Le président: Merci, monsieur Bystrom. J'ai beaucoup de questions, comme en ont aussi les sénateurs St. Germain et Hays.

Le sénateur St. Germain: Ce qui me préoccupe le plus, c'est cette politique de «l'alimentation bon marché» que nous avons au Canada, et dont a parlé Mme Bianchi. Elle a tout à fait raison quand elle dit que les banlieusards insistent pour se nourrir à peu de frais.

Si nous avions un marché libre, pensez-vous vraiment que cela améliorerait le prix à la ferme de vos produits? Le cas échéant, pouvez-vous expliquer pourquoi? Ma question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous.

M. Barrows: Tous les produits qui ne sont pas assujettis à la Commission canadienne du blé sont vendus au même prix des deux côtés de la frontière. Si le blé ne relevait pas de la Commission -- bien que cela serait possible, si elle veut être concurrentielle -- mais était vendu selon un système de double commercialisation, on s'apercevrait très vite qu'il n'est pas nécessaire d'aller vendre notre blé à l'étranger. On est en train de monter beaucoup de silos. On est en train de construire de nouveaux terminaux pour acheter ce blé. Il ne serait pas nécessaire de passer la frontière. Vous vous demandez peut-être pourquoi il n'est pas nécessaire de vendre aux États-Unis les produits qui ne relèvent pas de la Commission? Le prix est essentiellement le même, tandis que les prix des denrées de la Commission sont très bas.

M. Woods: J'aimerais répondre aussi. Je cultive quatre produits: des pois, du canola, du blé et de l'orge. Au cours des trois dernières années, les pois et le canola m'ont rapporté 150 p. 100 à l'acre de ce que me rapporte le blé et l'orge. Je les vends moi-même directement. Je vends aussi une bonne partie de mon blé et de mon orge. Je ne vends plus beaucoup à la Commission, mais elle a un effet à la baisse sur l'ensemble du marché national pour ces produits.

J'aimerais poser une question aux sénateurs. Les Albertains ont voté sur la question de la commercialisation de l'orge, et il était assez clair qu'ils voulaient se retirer de la Commission. Ces audiences, et le projet de loi tout entier, traitent la Saskatchewan, le Manitoba, l'Alberta et une petite partie de la Colombie-Britannique comme une seule entité, mais excluent l'Ontario. Pourquoi l'Alberta devrait-elle faire partie de la Commission? Si c'est ce que souhaitent la Saskatchewan et le Manitoba, je n'y vois aucun inconvénient. Mais pourquoi est-ce que nous devons en faire partie?

Le sénateur St. Germain: Je ne peux pas vous répondre. Peut-être que quelqu'un de plus sage que moi le pourra. Je cède la parole au sénateur Hays.

Le sénateur Hays: Je crois que nous devons entendre le ministre de l'Agriculture de l'Alberta demain; vous trouverez peut-être une réponse à cette question dans le procès-verbal. Mais je dirais tout simplement que pour avoir un vendeur exclusif il faut avoir le soutien fédéral, puisque c'est du commerce international et interprovincial. Le gouvernement de l'Alberta, sauf erreur, a pour projet de mettre sur pied un office qui achèterait tous les grains. Ce serait peut-être une manière de contourner le problème. Des idées intéressantes circulent, mais je ne suis pas particulièrement bien informé. Toutefois, ce n'est pas la première fois que cette idée est lancée. Comme je l'ai dit, lisez peut-être le procès-verbal de la réunion de demain lors de laquelle le ministre de l'Agriculture aura peut-être quelque chose à dire sur ce sujet.

J'ai une question à l'intention du groupe, que je remercie en particulier d'avoir soulevé le sujet des prélèvements, entre autres. C'est très utile pour nous. Le Sénat fait parfois meilleure figure qu'il ne le mériterait tout simplement parce qu'il est aidé par des gens comme vous qui attirent notre attention sur les lacunes des projets de loi. Quoi qu'il en soit, l'une des utilités du Sénat, c'est qu'il signale des erreurs de ce genre. Le plus souvent, il le fait parce que des gens comme vous les lui ont signalées et lui ont donné la possibilité de les corriger, si le projet de loi est adopté.

J'ai une question sur le rôle du producteur tel que le prévoit le projet de loi C-4. Je vous ai entendu dire qu'élire 10 des 15 administrateurs n'est pas une façon suffisante de faire véritablement participer les producteurs. Mais si l'on prend comme exemple la Commission ontarienne de commercialisation du blé, et certains d'entre vous ont fait des commentaires positifs à ce propos, ne pensez-vous pas que ce que l'on propose pour la Commission canadienne s'inspire de cet exemple?

J'aimerais avoir votre avis là-dessus, parce qu'on pourrait changer des choses à la Commission grâce à un conseil élu. La Commission ontarienne a évolué d'une manière que certains d'entre vous jugent positive. Ce serait sûrement une bonne chose pour la Commission canadienne du blé. Avez-vous un avis?

M. Woods: À mon sens, il y a une différence énorme. La Commission ontarienne de commercialisation du blé est un organisme de producteurs. Il en existe dans l'Ouest également. On les appelle les syndicats. Ils n'ont pas de compte à rendre au ministre. Leur commission n'est en aucune manière contrôlée par le ministre. Il n'y nomme pas des administrateurs. Ils ne sont pas obligés de s'unir à d'autres provinces, tandis que certaines sont exclues. Leur commission est donc entièrement différente. Si l'on pouvait avoir ce type de commission en Alberta, avec un office à participation volontaire, et un office à participation volontaire en Saskatchewan, ce serait très bien, mais ce n'est pas du tout ce qu'on propose. Nous en sommes très loin. À mon avis, ceci n'est pas une ouverture, mais une ossification.

Le sénateur Hays: Je ne veux pas me lancer dans un débat.

Mme Bianchi: Je ne connais pas suffisamment la Commission ontarienne, mais si nous avions au moins la possibilité d'être informés, ce serait une chose. Par le passé, d'après ce que je comprends, les agriculteurs n'ont jamais eu leur mot à dire; les choses ont simplement évolué, et maintenant on nous donne cette possibilité et il y a beaucoup d'inquiétude. Même les défenseurs de la Commission ont des inquiétudes. Si on voulait suivre le modèle de l'Ontario, j'aimerais y regarder d'un peu plus près, parce que je ne voudrais pas avoir de mauvaises surprises.

Le sénateur Hays: De toute évidence c'est une mesure qui nous éloigne, mais elle pourrait nous rapprocher. J'ai également une question sur les industries de transformation et le canola. Nous n'avons pas autant d'industries de transformation que nous pourrions le souhaiter, surtout parce que nous vendons beaucoup de canola au Japon qui ne veut que des graines et pas d'huile.

Pouvez-vous nous dire ce que nous pouvons espérer comme activité de transformation additionnelle pour les céréales de la CCB, si l'on se fie à l'exemple du canola, et nous dire quel genre de problèmes se sont posés?

M. Bystrom: C'est à mon avis la raison de l'incroyable évolution que nous avons vue au cours des 25 dernières années. Actuellement, la moitié environ de la production est exportée et l'autre moitié est triturée au Canada. Il y a sans cesse des nouveautés. Je veux parler encore une fois d'Agriculture Canada et d'autres instituts de recherche qui font un excellent travail dans le domaine de la génétique et d'autres secteurs qui permettent au canola canadien d'être à la fine pointe.

Nous ne sommes pas toujours aussi en avance, mais c'est là toute la différence entre ce que vous avez avec la CCB et ce qui se passe dans le secteur du canola. Tout tient à la responsabilité, au fait que chaque intervenant sur ce marché a des comptes à rendre aux producteurs ou doit produire un bénéfice. C'est aussi simple que cela. Cela peut paraître simpliste, mais c'est ainsi.

Le sénateur Whelan: Si vous me permettez d'ajouter un peu d'information à propos des producteurs ontariens de blé d'hiver. Nous nous sommes organisés par un vote de l'ensemble des producteurs. Les deux tiers des producteurs ont voté pour mais il est faux de dire qu'il n'y a aucune supervision. Ils sont placés sous la supervision du ministère provincial de l'Agriculture, par l'entremise de la Commission de commercialisation des produits agricoles de l'Ontario. Les producteurs voulaient voter l'automne dernier, et le ministre ne les y a pas autorisés. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je crois que c'était parce que les autres 42 offices de commercialisation de l'Ontario craignaient un dérapage. Ils n'avaient pas toutes les règles en place pour leur permettre de voir comment s'en sortir. C'est ce que je suppose.

Colleen, je ne sais pas si vous êtes trop jeune pour vous souvenir de mon passage à Milk River, mais j'y étais allé pour fêter le 50e anniversaire de la colonisation de la région. Une grande partie des habitants étaient venus de Hongrie et des îles Falklands. C'est de là qu'était parti mon beau-père pour s'installer en Saskatchewan. Je connais donc très bien la région. On m'avait posé des questions à l'époque à propos d'un terrible problème laitier, je ne sais pas si vous vous en souvenez.

Mme Bianchi: Un terrible quoi?

Le sénateur Whelan: Un problème laitier. Barbara Frum m'avait interviewé sur la question du lait, à partir de Milk River en Alberta, pour son émission nationale. J'ai gardé un souvenir très vif de Milk River et je me souviens des habitants de la région. On a dit beaucoup de choses ici aujourd'hui contre les gens de l'Est. Mais j'ai été votre ministre pendant 11 ans et je défie quiconque de dire que j'ai causé une rivalité entre l'Est et l'Ouest. J'aimerais aussi faire remarquer que trois premiers ministres provinciaux appartenant à des partis politiques différents ont demandé au gouvernement fédéral, avec un important appui, de créer la Commission du blé. Ottawa a fait ce que les premiers ministres de l'Ouest souhaitaient. Je ne dis pas que nous allons faire ce que vous demandez, mais nous sommes venus ici parce que nous le souhaitions. Je ne sais pas si nous avons fait plaisir à M. Goodale. Vous avez ici des sénateurs de toutes les régions du Canada, mais les membres de ce comité sont en majorité de l'Ouest.

M. Woods: Je suis tout à fait d'accord avec vous. La Commission ontarienne a été créée par un vote des producteurs. Elle est placée sous la supervision du ministre provincial, et non sous son contrôle. C'est là toute la différence. Si nous avions une commission albertaine, placée sous la supervision du gouvernement de l'Alberta, créée par les producteurs de l'Alberta, je ne m'y opposerais pas. Je n'y verrais aucune objection.

Le sénateur Whelan: Je voulais simplement préciser cela parce que vous aviez dit qu'elle n'était pas sous la «supervision».

M. Woods: Si j'ai dit qu'il n'y avait pas de supervision, je vous prie de m'en excuser, car je sais qu'elle est placée sous supervision.

Le sénateur Whelan: Et une supervision assez stricte. Toutes leurs propositions sont examinées. Je suis d'accord avec bon nombre de choses qui se font actuellement, mais quand nous avons organisé la Commission, on nous a traités de communistes et de tout le reste, et nous étions parmi les plus gros producteurs. C'était une bonne façon d'attaquer l'opposition. Dans un pays démocratique, le pire que l'on puisse faire à ses opposants c'est de les accuser faussement. Les pays communistes n'ont jamais donné la parole à leurs producteurs. Le sénateur St. Germain et moi-même sommes associés depuis longtemps aux offices de commercialisation, commissions des volailles, Commission canadienne du lait, et le sénateur St. Germain était aviculteur en Colombie-Britannique.

M. Barrows: Quand la Commission canadienne du blé a été créée en 1935, c'était un organisme volontaire et tout allait bien. Mais pendant la guerre, elle a été assujettie à la Loi sur les mesures de guerre et elle est devenue obligatoire. Jusque-là, tout allait bien.

Le sénateur Whelan: Une seule province a tenu un vote. Je vérifierai, mais il me semble que le Manitoba a voté en 1953 et 82 p. 100 des voix étaient en faveur de la Commission. Je ne sais pas pourquoi le Manitoba a été la seule province à voter.

Mme Bianchi: Je sais que vous êtes tous dans une situation difficile. Vous entendez le pour et le contre et vous ne voyez pas comment régler le problème. On a laissé entendre que l'Alberta se différentie peut-être des autres provinces de la zone désignée. Je sais que différentes personnes ont parlé à M. Pakowski et à Ed Stalmach, et je crois que nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de beaucoup discuter. Je m'exprime donc à titre individuel, mais je pense que si nous avions un office provincial, il y aurait probablement plus de consultations des agriculteurs, une meilleure communication entre le producteur et l'office.

La politique de l'alimentation bon marché pose un véritable problème sur le continent nord-américain parce que nous consacrons trop d'argent à d'autres choses qui nous paraissent importantes. Les pays qui ont connu des guerres s'assurent de n'avoir plus jamais à s'inquiéter de savoir d'où viendra leur pain. Mais nous n'avons jamais connu cela en Amérique du Nord et c'est un problème. Je crois que nous devons éduquer les populations urbaines quant à l'importance de l'approvisionnement alimentaire. J'ai vraiment le sentiment que les fermes familiales sont menacées. Un jour, ce seront les grandes sociétés qui vous diront combien vous paierez votre pain si nous ne changeons pas les choses maintenant.

Le sénateur Spivak: Oui. Je dois dire que j'apprécie vos commentaires sur la nécessité de préserver l'agriculture familiale et sur les mesures que nous pouvons prendre en ce sens. Ce comité avait réalisé une étude il y a quelques années sous la présidence, sauf erreur, du sénateur Hays. Je pense que c'est important, car c'est le coeur de la question. Nous ne voulons pas que les fermes soient exploitées par des sociétés. Nous voulons des fermes gérées par des familles, et des collectivités rurales prospères.

Je ne crois pas que vous ayez parlé du fonds de réserve, à moins que j'aie été absente à ce moment-là. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et pourquoi il est nécessaire dans ce projet de loi? Je ne comprends vraiment pas pourquoi on a proposé ce fonds de réserve.

M. Woods: Quant à moi, le fonds de réserve a pour seul but de permettre au gouvernement fédéral d'aller chercher de l'argent chez les agriculteurs. Depuis plusieurs années, il se sert dans nos poches et je ne sais pas si cet argent est gaspillé ou empoché ailleurs, mais il est certain qu'il n'a pas servi à un véritable effort de commercialisation. Avec ce fonds, ils pourront nous prendre notre argent et le faire ouvertement. D'après moi, c'est encore une caisse noire, comme nous en avons vu beaucoup, et dont nous avons un bel exemple avec le Régime de pension du Canada.

Le sénateur Spivak: Vous êtes donc contre le fonds de réserve proposé dans le projet de loi C-4?

M. Woods: Je suis contre une Commission obligatoire. Si la Commission est volontaire, peu m'importe qu'il y ait un fonds de réserve. Mais si nous maintenons le monopole, je continuerai de m'y opposer. Je suis tout de même contre le fonds de réserve parce que je dois dire franchement que je ne leur fais pas confiance pour investir et dépenser cet argent.

Le sénateur Spivak: Dans beaucoup de vos exposés vous avez bien marqué la différence entre les cultures «hors Commission» et les cultures «Commission». J'aimerais approfondir un peu le sujet, mais peut-être pas ici. Il me semble que c'est toujours le prix des denrées qui tombent. Le prix des intrants, le prix de la transformation augmente; je me demandais si c'était non pas en raison de la méthode de commercialisation, mais plutôt des énormes subventions et des systèmes de soutien qui existent dans tous les autres pays, depuis longtemps. Charlie Mayer parlait de guerre. Il disait que c'était la guerre, parce que la situation était horrible lorsqu'il était ministre. Il y avait une course aux subventions entre les États-Unis et l'Union européenne, et le prix des céréales est tombé à presque rien. Je me demande si vous avez un avis là-dessus. Il me semble qu'un certain nombre de facteurs agissent sur le prix des céréales. Pourriez-vous donner un avis sur ce facteur en particulier et sur la différence que cela ferait s'il n'y avait plus de Commission et si vous étiez en concurrence sur le marché mondial avec du blé bénéficiant de ces subventions?

M. Barrows: Comme nous sommes sur la frontière, quand nous regardons les prix, nous tenons compte des subventions; elles sont à peu près au niveau du prix régulier payé au silo. On y ajoute des subventions de stockage. Certains ont entreposé des céréales pendant des années à 28 cents le boisseau par mois. Ils ajoutent d'autres subventions. Le gouvernement leur verse une fois par an une somme qui est fonction de leur production. Certains ont pris le prix de base et quand ils ont vendu leur blé, ils ont divisé cela, mais le prix de base au silo est fondé sur le cours du jour. Ça ne veut pas dire grand-chose là-bas. J'ai pu le constater il n'y a pas très longtemps quand la Commission payait 4,06 $. J'ai rencontré un agriculteur américain qui m'a dit: «Je suis venu vendre du blé aujourd'hui. J'ai pensé vendre 10 000 boisseaux avec terme en février. C'est du blé que j'ai livré à la dernière moisson.» Je lui ai dit: «Tu dois avoir payé cher le stockage là-dessus.» Il m'a répondu: «Non, on ne nous fait pas payer le stockage.» Le prix de la Commission était à 4,05 $ ou 4,06 $, et il a obtenu 4,52 $ sur le marché à terme. J'ai dit: «Bon, mais tu vas devoir attendre février pour avoir tes 4,52 $.» «Oh, non, ils te font un chèque tout de suite. Le blé est vendu depuis longtemps. C'est juste une formalité.» Ce genre de choses se passe fréquemment. Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent. Mais quand on commence à déverser sur le marché du grain canadien à 3 $, il reste là. Tant qu'ils ont du blé canadien, les agriculteurs attendent qu'il se passe quelque chose, qu'il n'y ait plus assez de blé. Ça fait donc tomber le prix là-bas et ici aussi.

Mme Hermanson: Nous moissonnons sur commande. J'ai des clients jusqu'au Texas. Je peux comparer les prix tout le long du chemin. C'est de là que j'ai mon chiffre de 83 cents le boisseau. Je sais qu'il est juste. Si vous appliquez cela aux 500 tonnes moissonnées cette année, j'y perds 17 000 $. Je ne peux pas me le permettre, compte tenu des coûts excessifs que nous payons pour le stockage en silo et pour le transport. Il faut que le marché trouve son propre niveau. Nous ne pouvons pas nous permettre de financer une caisse noire pour le syndicat. Nous ne payons pas cela pour Cargill. C'est vrai que Saskatchewan Pool et Alberta Wheat Pool ont nos prélèvements qui leur permettent de se constituer une réserve, mais nous n'allons pas le faire pour ABM ou pour les autres compagnies. Nous ne le ferons pas non plus pour la Commission canadienne du blé. Nous n'y sommes pas tenus. Ils devraient faire leur travail de commercialisation, gagner le respect des banquiers et avoir le crédit nécessaire pour une année d'opération.

Au sénateur Hays, à propos de la recherche et à quoi sert l'argent. Les grandes compagnies font de la recherche sur le canola, ça fait monter le prix des semences, des intrants et de tout le reste, mais ces compagnies sont présentes. Elles nous offrent un meilleur produit. Depuis 1952, il y a eu une expansion extraordinaire de la surface de cette nouvelle culture. Nous avons une valeur ajoutée. Nous avons développé une industrie ici. Pendant ce temps, le blé recule. Nous avons perdu quatre moulins à farine, notamment. Aucune grande compagnie n'est venue pour améliorer notre blé. Ça ne les intéresse pas. C'est à trop long terme. Ça ne rapporte pas. La semence n'est pas assez chère. Il n'y a pas d'argent à faire. L'industrie est mourante, à moins qu'on ne libère le marché et qu'on ne laisse les prix remonter. Nous ne pouvons pas nous permettre un système à trois paliers. Nous ne pouvons pas nous permettre un premier palier, celui des syndicats, des Cargills et des autres, et au deuxième palier nous avons la Commission canadienne du blé, et après cela il y a le client de la Commission qui revend encore à quelqu'un d'autre. Je suis sûre que cela se produit souvent. Je voudrais donc que vous y réfléchissiez très sérieusement.

M. Woods: Vous demandez si nous pourrions vendre sur un marché international. Il y a plusieurs choses.

Le sénateur Spivak: Face à d'énormes subventions.

M. Woods: Nous exportons du canola et des pois sur les marchés internationaux et nous nous en tirons très bien. Nous exportons aussi du blé, face à d'énormes subventions. La Commission ne nous subventionne pas. Au contraire, elle nous prend de l'argent. Je ne vois donc pas ce que cela change. Pour vous donner un exemple, au printemps de l'année précédente, les cours du blé au Canada avaient atteint des records mondiaux. D'après le peu d'information que j'ai pu obtenir de la Commission -- et je n'ai pas obtenu grand-chose -- je ne crois pas que nous ayons vendu un seul boisseau durant cette période-là. La Commission n'a rien vendu du blé qu'elle avait. Il n'y a pas eu de prévente. J'ai demandé plusieurs fois, mais je n'ai obtenu aucun document. Pendant la même période, j'ai vendu du canola pour des termes allant jusqu'à deux ans. J'ai vendu de l'orge en prévente, parce que quand les prix atteignent des sommets, c'est le moment de vendre. Quand j'ai rencontré Lorne Hayne à Trochu, je lui ai dit: «Combien de blé la Commission a-t-elle vendu à terme?» et il m'a répondu: «En juillet, en pleine sécheresse, j'aurais été très inquiet si j'avais eu de gros contrats à terme.» Voilà le problème de la Commission. Je n'aurais pas à être inquiet, mais lui il l'était. Et donc nous n'avons pas vendu de blé pendant ces périodes-là. Je crois au marché international. Je peux gagner de l'argent quand les cours montent et je peux en gagner quand ils baissent. Je ne peux pas gagner d'argent quand ils sont toujours bas et c'est l'effet qu'a la Commission sur les prix.

Encore une chose. Je ne suis pas d'accord avec l'un des membres du panel. Je ne crois pas que nous ayons une politique de l'alimentation bon marché. Nous avons un marché libre, un jeu de l'offre et de la demande, et dans ce type de marché il y aura des gagnants et des perdants. Je suis tout à fait prêt à jouer sur ce marché-là. Pour être honnête, je veux pouvoir jouer sur ce marché.

Mme Bianchi: Je ne dis pas le contraire, mais je ne crois pas que les consommateurs nord-américains consacrent un pourcentage suffisant de leur revenu à l'alimentation, comparé à ce qu'ils dépensent pour les loisirs, les loteries, les cigarettes et tout le reste.

Le sénateur Whelan: J'ai toujours trouvé que la recherche était notre produit le plus important. Nous avons dépensé des millions de dollars en recherche sur le canola, les lentilles, et cetera. Je pourrais donner toutes sortes d'exemples. L'une de mes premières tâches a été de mettre au point un canola qui soit acceptable aux États-Unis, parce que les Américains disaient qu'il n'était pas sain et ils lui avaient fermé la frontière pendant cinq ans. Elle ne s'est ouverte qu'après 1984. Ils disaient que nos scientifiques se trompaient, et cetera. Puis, un grand centre de recherche de Chicago, je ne sais plus lequel, a déclaré que c'était l'une des huiles les plus saines au monde. Nous le savions déjà, mais ils nous ont refusé le sceau d'approbation pendant cinq ans. Nous avons mis au point ces cultures pour que vous puissiez diversifier votre production. C'était notre principal objectif. Nous le devons surtout aux scientifiques d'Agriculture Canada. Quant aux coentreprises avec Monsanto et autres grandes compagnies, je ne les approuve pas, car nous n'aurons pas alors les recherches indépendantes nécessaires pour protéger les producteurs et les consommateurs américains.

Le président: Si vous me permettez, à propos de la recherche et particulièrement du canola, mes voisins américains étaient très intéressés par les nombreuses variétés de canola cultivées au Canada et par notre expérience ici. Ils examinent de près toutes ces variétés.

Mme Bianchi: Vous avez raison. Vous nous demandez pourquoi nous ne faisons pas confiance à la Commission. Quand mon propre député m'a téléphoné pour me dire qu'il y aurait un débat sur le projet de loi C-4 à Ottawa, il m'a dit que nous avions bien de la chance que M. Easter y soit, et que la plupart du temps il n'y avait aucun libéral. Tout à coup j'ai vu rouge et j'ai dit: «Vous voulez dire qu'ils ne participent pas au débat et n'écoutent pas ce que nous avons à dire? C'est important pour tout l'Ouest canadien. Il n'y a que trois libéraux dans la zone désignée et ils n'ont même pas écouté le débat. Comment peuvent-ils voter s'ils ne savent même pas ce qui est en jeu?» Ça m'a vraiment fâchée parce que c'est une question qui concerne l'Ouest et ils ne vont même pas suivre le débat; les libéraux ne vont même pas entendre ce que les gens ont à dire sur une question si importante pour l'Ouest. Même les défenseurs de la Commission ont des problèmes et réclament des changements. Mais on refuse de les écouter. J'ai vraiment du mal à accepter cela. Deux autres députés m'ont confirmé qu'ils n'étaient pas présents. Ce n'est donc pas simplement une rumeur.

En 1996, j'ai eu l'occasion d'assister à une rencontre avec M. Goodale sur les politiques agricoles. Ce qui m'a vraiment frappée -- et c'est pour cela que j'ai voulu venir ici aujourd'hui -- c'est qu'il était question de tout l'éventail des politiques agricoles. Nous avons essayé de voir les choses strictement en tant que producteurs, et non pas en tant que producteurs du Sud de l'Alberta. Nous étions tous des Canadiens qui examinaient cette politique. On n'a pas dit un mot sur la Commission canadienne du blé. Petite agricultrice ignorante que je suis, le moment venu, j'ai décidé de poser une question sur la Commission. Je n'en revenais pas de la réaction. J'ai demandé: «Est-ce que personne ne peut parler de la Commission du blé? Pourquoi ne figure-t-elle pas à l'ordre du jour?» Je n'en revenais pas que l'on discute de toutes ces grandes questions de politique, sans jamais mentionner les céréales. On a parlé de tout le reste, d'exportation et de tout. Je suis donc allée à la réunion, et je n'ai plus eu de nouvelles. Nous étions censés avoir du suivi. J'espère vraiment que ces audiences du comité sénatorial aboutiront à quelque chose, et que les agriculteurs seront tenus au courant.

Le sénateur St. Germain: Encore une question. Si le conseil d'administration était composé exclusivement de producteurs et que le directeur général et le président étaient choisis par le conseil, changeriez-vous d'avis?

Une voix: L'esclavage reste de l'esclavage!

Le sénateur St. Germain: Mais ce serait peut-être un premier pas vers la libération des esclaves.

M. Woods: Cela changerait légèrement mon point de vue, mais je continuerais de demander pourquoi le gouvernement fédéral juge nécessaire de traiter les Prairies comme une seule entité, alors que les sept autres provinces ne sont pas incluses? Ce serait certainement une amélioration, car je pense qu'avant longtemps les agriculteurs diraient: «Nous ne voulons plus de ces obligations. Nous sommes pour la liberté de choix.» Ça me dérange toujours d'avoir un gouvernement -- quel que soit le gouvernement, à différents paliers -- qui pense en savoir beaucoup plus long que les gens qui l'ont élu. Et ce n'est pas seulement le cas en agriculture. Il y a sans cesse des projets de loi qui nous disent: «Il faut que nous nous occupions de vous. Vous n'êtes pas capables de vous prendre vous-même en main.» Ça me gêne.

Une voix: À bas le projet de loi! À bas le projet de loi! À bas le projet de loi!

Le président: Silence!

Mme Hermanson: Je veux que vous compreniez ceci. Si la Commission canadienne du blé n'était pas chargée de commercialiser nos produits et si nous avions nos propres offices, ou si nous vendions directement, nous aurions plus de poids à Ottawa. Vous sauriez ce que nous faisons ici. Vous sauriez ce qui se passe réellement, parce que vous entendriez parler de nous, parce que nous aurions assez d'argent pour venir vous voir là-bas de temps en temps.

Le président: J'invite maintenant M. Christenson, M. Hugo et M. Liede. Honorables sénateurs, ces messieurs ont demandé à comparaître. Nous leur avons dit que nous les entendrions, bien qu'ils ne figurent pas sur la liste des témoins. Messieurs, veuillez vous présenter, nous dire qui vous représentez, où sont vos exploitations et ce que vous produisez.

M. Frank Hugo: Je m'appelle Frank Hugo. J'habite actuellement à Calgary et je fais la navette. Je suis la troisième génération sur notre ferme, à l'est de Three Hills. Je ne suis pas agriculteur, mais céréaliculteur. On mélange trop l'agriculture avec la céréaliculture, et cela inquiète nos céréaliculteurs. J'essaie d'élever la quatrième génération d'agriculteurs sur une ferme que mon grand-père a créée en 1906.

M. Norman Christenson: Je m'appelle Norman Christenson et je viens de Hanna et Drumheller, en Alberta.

Le président: Il devrait y avoir un autre monsieur. Voulez-vous commencer, M. Hugo, s'il vous plaît?

M. Hugo: Mon grand-père est arrivé avec son cheval et sa charrette. Il pensait qu'il aurait un avenir au Canada. Mais comme le savent les céréaliculteurs, nos espoirs ont beaucoup faibli. On nous a imposé la CCB dans les années 40 -- j'ai grandi avec -- et nous vivons sous son monopole depuis.

Ce qui me gêne, c'est le problème de la responsabilité. La CCB a traîné devant les tribunaux ceux qui ont essayé de livrer illégalement du blé aux États-Unis. Mais devant les tribunaux, elle a nié toute responsabilité, disant qu'elle n'est pas responsable du prix -- que son rôle consiste simplement à transporter le grain et à le vendre.

Sur la côte, nous payons les frais d'estaries aux compagnies de transport maritime. Ça peut paraître modeste, mais la CCB n'a pas fait son travail pour organiser l'expédition maritime. Les gros navires viennent chercher le blé et aucun des terminaux n'a la capacité suffisante pour les remplir; ils doivent revenir trois ou quatre fois, à nos frais. La durée de rotation des wagons de chemin de fer est de 14 à 21 jours, alors qu'aux États-Unis elle est de quatre jours. La question de la responsabilité m'irrite vraiment; la Commission offre sans cesse des excuses, disant qu'elle fait son travail.

Nous avons appris qu'un réacteur a été vendu à la Chine. Ce n'est qu'une rumeur, mais j'ai également entendu dire que le gouvernement avait vendu du blé à un prix plus avantageux pour que les Chinois achètent le réacteur. Nous ne pouvons rien prouver, mais est-ce vrai? Le problème de la CCB va beaucoup plus loin. Il touche au coeur de la politique de notre pays. Nous ne pouvons plus le tolérer. Dans ce débat sur le projet de loi C-4, le ministre a déclaré que la CCB nous prenait 1 $ du boisseau depuis sa création. L'an dernier, elle a reçu environ un milliard de boisseaux. Je parle de boisseaux plutôt que de tonnes, parce que j'estime que parler de tonnes c'est simplement une façon d'essayer de nous tromper quand nous comparons notre situation à celle des États-Unis.

En Alberta, nous vendons aussi du pétrole. Nous le vendons au baril, comme aux États-Unis, et les prix sont ceux du baril américain. Mais pour tromper l'agriculteur, on s'arrange pour qu'il ne sache même pas à combien il vend son blé. On parle de tonnes, disant qu'il y a eu une augmentation de 3 $ la tonne, ou une baisse de 2 $ la tonne. Utilisons des termes comparables et parlons de boisseaux.

On nous a pris 1 $ du boisseau et ce milliard de dollars arrange bien l'Est du pays, car si on avait exporté pour 1 milliard de dollars de céréales de l'Ouest, il aurait fallu accepter des produits en échange. Quelqu'un l'a dit, Caterpillar a dû accepter des chemises pour ses machines. Mais il faut les revendre, et cela perturbe considérablement la manufacture. La plupart des fabricants de vêtements, et d'ailleurs la plupart des manufactures, sont au Canada central. Ne vous y trompez pas, c'est toute une affaire politique.

La Commission veut garder son monopole, parce que c'est la quatrième plus grande industrie canadienne. Il y a des industries privées, comme les fabricants automobiles et IBM, et puis il y a la Commission. L'an dernier, nous avons vendu pour environ 6,1 milliards de dollars de blé. Tous nos élus viennent du Canada central, et la région nous tient en otages. Nos élus se fichent de nous; quels que soient la politique ou le parti, on profite de nous par l'entremise de la Commission. Personne ne s'intéresse à l'Ouest.

Quant au conseil d'administration, vous pouvez y mettre 25 agriculteurs, mais ils doivent jurer allégeance à la Commission, et ils seront obligés de suivre les ordres. À Disney World, il y a des petites marionnettes et des singes qui dansent. Ça me rappelle nos agriculteurs, qui sont obligés de danser sur l'air que leur chante la Commission canadienne du blé.

J'aimerais qu'on modifie l'article 13.13, où il est dit que la Commission peut indemniser ses dirigeants présents ou futurs. Je m'y oppose. Je veux que le processus soit transparent, et je pense qu'il ne faut pas accorder ce privilège, même aux administrateurs actuels. Je pense que c'est là une des raisons d'être principales du projet de loi C-4. Le reste n'est que fumée.

M. Christenson: Honorables sénateurs, je suis très heureux que vous soyez venus dans l'Ouest nous entendre. Je sais que vous avez entendu beaucoup de gens aujourd'hui. Je suis le dernier, mais j'espère ne pas être le moindre et je suis un ardent défenseur de la CCB. Contrairement à tous ceux qui ont parlé contre la CCB, je ne suis pas accompagné d'une équipe de partisans et je ne m'attends pas à des applaudissements. Ça ne fait rien. Je suis capable de défendre ce que j'ai à dire, j'y crois, et j'espère que vous m'écouterez attentivement.

Je pratique l'agriculture depuis près de 40 ans. Je travaille seul, mais j'ai trois fils qui sont aussi agriculteurs. Tous trois sont de fermes partisans de la CCB, ce qui montre que tous les jeunes agriculteurs ne sont pas contre la Commission. J'ai vendu chaque boisseau de mon blé et de mon orge à la Commission. J'ai entendu dire beaucoup de choses contre elle aujourd'hui, et je tiens à vous faire savoir que je continue de l'appuyer pleinement.

Je voudrais vous faire part de quelques expériences que j'ai vécues en 1969, quand le blé était difficile à vendre. Pendant les années 50, nous avions eu de gros excédents, et nous avions de petits contingents. La Commission a eu beaucoup de mal à vendre notre grain.

J'ai loué une ferme et le fermier m'a dit que ses conteneurs étaient pleins et qu'il avait 2 000 boisseaux entassés par terre. Il voulait me louer sa ferme, mais il ne pouvait pas me céder ses compartiments à blé, et il m'a dit que je devrais acheminer sa moisson en ville lorsque le moment serait venu de la livrer à la CCB. Cet automne-là, les producteurs vendaient leur blé aux parcs d'engraissement à 60 cents le boisseau. La CCB payait alors 1,25 $ le boisseau, et c'est ce que j'ai obtenu. Je n'ai jamais vendu un seul boisseau de blé à quiconque en dehors de la CCB, et j'ai obtenu 1,25 $. Beaucoup de mes voisins ont reçu 60 cents.

J'ai toujours été convaincu que la CCB obtient le meilleur prix possible. Je sais que ce n'est pas toujours suffisant, mais il ne faut pas oublier que nous sommes les seuls agriculteurs au monde à vendre directement sur le marché mondial. Nos concurrents sont subventionnés, ce qui fait toute une différence dans le prix. Nous pouvons nous plaindre de la CCB et du gouvernement, mais il ne faut pas oublier qu'il est difficile de faire monter les prix lorsqu'il y a beaucoup de blé sur le marché. Nous ne pouvons obtenir que ce que les marchés sont prêts à payer, et tous les autres producteurs reçoivent des subventions de leur gouvernement. Avec une population de 30 millions, le Canada ne peut pas se le permettre. Il faut pour cela une population beaucoup plus importante.

L'automne dernier, nous avons vendu un réservoir de blé dur en octobre. Le prix du blé dur est monté trois fois entre octobre et janvier. Cela aurait été une catastrophe si je n'avais reçu que le prix initial. Grâce à la mise en commun par la CCB, j'ai reçu trois chèques.

J'ai été très troublé quand on a retiré l'avoine de la Commission sans que les producteurs ne puissent voter. Assurons-nous que l'inclusion et l'exclusion ne puissent se faire qu'avec l'approbation des deux tiers des producteurs.

Je suis tout à fait en faveur que le canola soit placé sous la Commission. Je vends du canola depuis 30 ans, et je fais tout mon possible, mais je n'ai encore jamais reçu le prix maximum. Je ne pense pas qu'un système à marchés parallèles puisse fonctionner. La CCB n'a pas d'installations de stockage, ni de silos-élévateurs. La concurrence serait déséquilibrée. Comme le savent certainement ceux qui recommandent ce système parallèle, ce serait la fin de la CCB.

Tant que le gouvernement fédéral appuie la CCB, je ne vois pas la nécessité d'un fonds de réserve.

Nous ne sommes que quatre ici aujourd'hui à défendre la Commission, et 12 sont contre. J'espère que vous n'en déduirez pas que c'est représentatif du sentiment des agriculteurs à l'égard de la Commission; nous quatre représentons la majorité silencieuse. Les mémoires et les exposés que vous avez reçus aujourd'hui viennent principalement des organisations et des particuliers qui sont contre la CCB. En outre, bien que 13 organisations prétendent représenter 30 000 agriculteurs, c'est faux. Ces groupes n'ont jamais organisé de vote pour permettre à leurs membres d'exprimer une opinion.

On a beaucoup parlé aujourd'hui du vote qui a été tenu en Alberta pour retirer l'orge du contrôle de la Commission. Mais la question ne permettait pas vraiment aux agriculteurs de choisir. La première question disait: «Voulez-vous la liberté de choix?» La plupart des agriculteurs n'ont pas compris et, bien entendu, ils ont voté oui. Qui ne voudrait pas avoir la liberté de choix? Le gouvernement conservateur a choisi dix membres pour rédiger ce bulletin de vote et un seul d'entre eux était favorable à la CCB. Avec ce genre de maquignonnage, il est surprenant que le vote n'ait pas été encore plus défavorable contre la CCB. Il y a eu un vote juste dans l'Ouest, avec une question bien rédigée, et dans ce cas-là, 63 p. 100 des votants voulaient garder l'orge sous le contrôle de la CCB. C'était un vote véritablement démocratique.

La Alberta Canola Producers Commission vous a envoyé une résolution disant qu'elle ne veut pas que le canola soit inclus dans la CCB. Cette résolution ne représente pas vraiment la volonté des membres, puisqu'il n'y a jamais eu de vote pour savoir ce qu'ils souhaitent. J'ai cultivé et vendu environ 6 000 boisseaux de canola par an, depuis 30 ans, et personne ne m'a jamais demandé mon avis. Je suis tout à fait pour que le canola soit commercialisé par la CCB. Il faudrait toujours avoir une majorité des deux tiers des producteurs pour décider si un grain doit ou non être inclus dans la CCB.

Ceux d'entre nous qui sont favorables à la CCB ont lu avec plaisir dans le journal que M. Goodale a le bon sens de qualifier les députés réformistes de babouins baragouineurs. Nous sommes aussi parfaitement conscients de la grande difficulté que présente pour vous cette tâche. N'oubliez pas qu'il y a toujours eu des gens contre la CCB, qui s'expriment dans la presse et en personne. La majorité silencieuse des agriculteurs fait moins de bruit, mais elle compte sur vous, ses élus, pour faire preuve de bon sens. Ne vous laissez pas influencer par une minorité bruyante prête à tout pour affaiblir la CCB.

Nous vous invitons instamment à ne prendre que des décisions qui permettront de maintenir et d'améliorer les opérations de la CCB, afin qu'elle puisse continuer de faire un bon travail pour tous les agriculteurs de l'Ouest canadien. Nos ancêtres ont fait beaucoup d'efforts pour nous léguer la CCB. Soyez leur reconnaissants et continuons leur oeuvre. Merci, et continuez votre bon travail.

Le sénateur St. Germain: J'ai une question pour M. Hugo. Vous avez parlé de tonnes et de boisseaux. Voulez-vous dire que l'effet négatif est moins évident si on parle de tonnes? J'ai toujours détesté le fait qu'on soit passé des gallons aux litres. Quand on augmente le prix du litre, les gens se disent que ça ne fait que quelques sous, mais il y a une grosse différente entre un litre et un gallon. Pourriez-vous élaborer?

M. Hugo: Les grains ont toujours été vendus au boisseau. C'est une bonne façon, et on parle encore de boisseaux dans beaucoup de régions. Mais quand le gouvernement canadien mentionne un prix, il donne le prix à la tonne. Ce n'est pas clair, parce qu'une tonne d'orge compte 45 boisseaux. Une tonne de blé, 36. Un boisseau a toujours mesuré un certain nombre de pieds cubes. Je crois que c'est quatre cinquièmes d'un boisseau par volume de pied cube. C'est une très bonne méthode.

Quand on dit qu'on a vendu tant de tonnes de grains, ce n'est pas clair, parce qu'on ne sait pas exactement ce que cela représente. C'est vendu au poids. C'est comme si l'on vendait de l'or et de l'aluminium à la tonne, ça ne vous donne pas la même quantité. C'est aussi trompeur parce que les États-Unis vendent des boisseaux. Si nous faisions la même chose, nous n'aurions plus qu'à tenir compte du taux de change, et l'agriculteur saurait ce qu'il reçoit effectivement. Je ne dis pas que tous les agriculteurs sont ignorants, mais certains acceptent tout ce qu'on leur dit.

Dans les années 20, il y a eu une vérification de la mafia aux États-Unis. Est-ce que la Commission est comparable à la mafia? Il y a eu une vérification, mais est-ce que cela garantit son honnêteté, ou sa légalité? Quel est l'effet pour nous? Des agriculteurs se suicident, des familles se séparent, tout cela parce que la CCB les trompe.

Sous la CCB, le canola se vendait à environ 5 $ le boisseau. Aux États-Unis, l'huile de soja se vend continuellement entre 6 $ et 7 $. Depuis que le canola a été exclu de la Commission, le prix est monté à 9 $, 10 $. Le soja est toujours à 6 $, et c'est une catastrophe. Deux usines de trituration en Alberta ont fait faillite. Et ce n'est que la pointe de l'iceberg.

Un sondage a révélé que les céréaliculteurs de l'Ouest canadien recevaient moins pour leurs produits que tous les autres producteurs au monde, même les Argentins. Aux États-Unis, la National Cattlemen's Beef Association a déjà produit une étude démontrant un avantage à l'engraissement de 58 $ par tête de bétail dû au faible prix des céréales de l'Ouest canadien. Nous devrions nous inquiéter quand le Montana expédie des veaux en Alberta pour les faire engraisser. Ils ne s'arrêtent pas à la rivière Milk, car elle coule vers le Montana. Ils vont au nord de la Oldman, et s'assurent que leur pollution reste bien ici. Une fois leurs bovins bien gras, ils les ramènent au Montana où ils sont abattus avec un bénéfice de 58 $. Ils n'achètent pas nos céréales, ils nous confient leurs bovins pour que nous puissions marcher dans leur fumier. Et vous allez continuer de me dire que la CCB est bonne pour vous? Je me suis retiré de la Commission. Je reste agriculteur, nous avons encore une exploitation familiale, et je ne veux pas suivre l'exemple de certains agriculteurs.

L'année dernière, un de nos voisins s'est suicidé à cause du prix des céréales. Mais le Canada a de l'avenir, et nous sommes Canadiens. Traitez-nous tous comme des Canadiens, sans privilégier une partie de la population par rapport à une autre. Autrefois, j'étais libéral, mais je suis passé à un autre parti, et je suis fier maintenant d'appartenir à la droite réactionnaire. Je me fiche du sort de la CCB, mais je crains les répercussions. J'ai peur, parce que les signes sont évidents.

Le sénateur Fairbairn: J'aimerais demander à M. Christenson -- mais M. Hugo peut certainement aussi répondre -- son avis sur l'élection des représentants des producteurs au conseil d'administration. Il est proposé que les deux tiers des administrateurs soient élus, et qu'ils puissent choisir leur président. Ils consulteraient aussi le ministre sur la nomination du président et du directeur général. Je crois qu'on veut par là essayer de créer un nouveau type de conseil, plus proche des milieux agricoles.

Nous avons entendu des gens exprimer leur inquiétude quant aux postes de président et de PDG. Mais le conseil d'administration aura son mot à dire. Il fixera les salaires des administrateurs, du président et du PDG. Il aura la possibilité d'examiner la performance du président et de recommander sa révocation s'il n'en est pas satisfait. Il pourra aussi créer son propre comité de vérification interne. Tout cela est prévu dans le projet de loi.

L'un des articles stipule d'ailleurs que les administrateurs doivent agir au mieux des intérêts de la CCB. Cela a été interprété de différentes manières. Pour certains cela veut dire qu'ils seront au service du gouvernement, qu'ils ne pourront en aucune manière influencer le fonctionnement de la CCB.

Jusqu'ici, nous avons entendu 73 agriculteurs et 21 organismes. Les opinions sont très arrêtées de part et d'autre. Les présentateurs ont fait preuve de force, de courage, de volonté et d'indépendance. Ne peut-on pas imaginer que les représentants des producteurs manifesteraient ces mêmes qualités à la CCB et pourraient la transformer? J'aimerais avoir votre avis.

M. Christenson: Quelle est la différence entre ce conseil élu et le conseil consultatif de dix membres que nous avons actuellement? Y a-t-il une grosse différence entre les dix membres du conseil consultatif et les membres élus?

Le sénateur Fairbairn: La principal différence, c'est que les dix membres élus feraient partie du conseil d'administration. Ils n'auraient pas un rôle consultatif. Le processus électoral donne beaucoup de pouvoir, et je n'accepte pas qu'il n'aurait aucun pouvoir et ne pourrait exercer aucune influence. Je pense que les producteurs élus auraient une influence de par leur seule présence, ainsi que du fait qu'ils ont été choisis par leurs pairs.

M. Christenson: Les dix membres du conseil consultatif ont aussi été élus par les agriculteurs. Mais je comprends bien qu'en tant qu'administrateurs ils auraient beaucoup plus de pouvoir.

Le sénateur Fairbairn: Et ils auraient la majorité au conseil.

M. Christenson: J'ai des questions sur l'utilité des changements. Je n'ai aucune plainte à formuler sur le fonctionnement actuel de la Commission. Nous avons déjà un conseil consultatif qui donne le point de vue des agriculteurs aux administrateurs. Lequel parmi nous, agriculteurs, aurait les compétences nécessaires pour gérer une entreprise de la taille de la CCB? Je ne connais aucun agriculteur qui en serait capable. Mais j'en connais qui pourraient être membres d'un conseil consultatif. Je ne suis pas à 100 p. 100 pour un conseil d'administration élu.

M. Hugo: Cela paraît intéressant, mais je me demande qui sera élu. Des céréaliculteurs, apparemment, mais je ne suis pas sûr que ce soit nécessairement le cas. La plupart des agriculteurs font de la polyculture, parce qu'ils doivent faire de tout pour survivre. Il faut d'abord déterminer qui est agriculteur, et quelle doit être la taille de son exploitation. À la radio, le sénateur Taylor a dit qu'il était agriculteur. S'il est agriculteur, moi je suis pétrolier, parce que je recycle mon huile.

Un monsieur de Lethbridge était membre du comité consultatif, mais il a démissionné il y a un an ou deux. Il a simplement dit que l'affaire était dans les mains de la mafia. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Élus ou non, les administrateurs doivent agir au mieux des intérêts de la société, si quelqu'un comprend ce que cela veut dire.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur le président, je pense que bon nombre des personnes que nous avons entendues aujourd'hui feraient d'excellents administrateurs élus de la CCB.

Le président: Je vous remercie tous de cet après-midi très intéressant et d'avoir préparer des mémoires. Jusqu'ici, nous avons entendu 73 personnes et 21 organismes, et nous avons fait de notre mieux pour les accueillir tous.

La séance est levée.


Haut de page