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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 9 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


EDMONTON, le mercredi 1er avril 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 13 h 10 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi l'honorable Ed Stelmach, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural de l'Alberta.

Monsieur le ministre, nous disposons d'une bonne heure, aussi vous demanderais-je de nous faire votre exposé après quoi nous passerons aux questions, si cela vous convient.

L'honorable Ed Stelmach, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural de l'Alberta: Honorables sénateurs, permettez-moi de vous souhaiter à chacun la plus chaleureuse des bienvenues; j'espère que votre séjour en Alberta est des plus agréables et je vous souhaite un bon voyage de retour à l'issue des audiences.

Pour commencer, permettez-moi de vous présenter mes collaborateurs. M. Ray Bassett et M. Joe Rosario sont bien connus dans le domaine du commerce et de la politique, et M. Gordon Harrington, également de notre ministère de l'Agriculture, s'intéresse de près à ce problème particulier de la commercialisation du grain.

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner cette occasion de vous parler des changements proposés à la Loi sur la Commission canadienne du blé. Nous avons étudié attentivement la mesure législative proposée et, comme vous le savez, avons déposé plus tôt un mémoire écrit auprès du greffier.

Aujourd'hui, mon exposé viendra compléter celui que nous avons fait au sujet du projet de loi C-72. Pendant le temps dont je dispose pour cette présentation orale, je résumerai certaines des vues du gouvernement de l'Alberta, mais je dois préciser qu'elles sont conformes à celles de la majorité des agriculteurs de cette province et, j'imagine, vraiment, de l'Ouest du Canada.

Voici ce que veulent les agriculteurs pour l'industrie céréalière de la province: des changements dans le système de commercialisation et dans la logistique qui soient compatibles et axés sur le marché; pour le grain, un système de logistique concurrentiel et efficace attentif aux besoins des clients; une Commission canadienne du blé comptable aux agriculteurs et dotée de la souplesse voulue pour soutenir la concurrence; des signaux du marché transparents; une croissance viable de l'industrie de transformation et à valeur ajoutée au pays en plus de l'exportation de grains non préparés. Nous sommes d'avis, opinion que partage la majorité des agriculteurs albertains, que la meilleure solution consiste à offrir le choix en matière de commercialisation, de manutention et de transport.

Monsieur le président, le projet de loi C-4 comporte des lacunes fondamentales car il ne s'intéresse pas aux raisons pour lesquelles un examen de la loi a été entrepris. Les agriculteurs voulaient plusieurs choses: tout d'abord, plus de choix, outre la Commission canadienne du blé, pour produire et commercialiser leur blé et leur orge; deuxièmement, une reddition des comptes par la Commission canadienne du blé aux agriculteurs; troisièmement, une responsabilité au niveau individuel pour tous les aspects de la commercialisation du blé et de l'orge comme cela existe actuellement pour d'autres produits et ailleurs au Canada; et quatrièmement, des signaux du marché transparents et un système de logistique concurrentiel axé sur le client pour le grain. Ce sont là les conditions à satisfaire pour que nous obtenions ce dont nous avons besoin en Alberta.

Le projet de loi C-4 et les hypothèses sur lesquelles il repose auront un résultat entièrement différent. Nous sommes d'avis que le projet de loi C-4 se fonde sur quatre hypothèses erronées. La première, c'est que seul un système à guichet unique peut permettre à l'industrie céréalière dans la région désignée, encore une fois seulement dans l'Ouest du Canada, d'être rentable et compétitive.

La baisse généralisée de rentabilité de l'industrie céréalière de l'Ouest, qui devrait sans doute s'accentuer, résulte en grande partie des augmentations de coût imposées par un système réglementé, sur lequel l'agriculteur n'a aucune prise. Il en coûte environ 63,26 $ la tonne pour amener le grain albertain jusqu'aux ports. Imaginez quel effet cela produit sur l'industrie de transformation et à valeur ajoutée en Alberta. Dans notre mémoire écrit, nous fournissons des données qui illustrent l'ampleur du problème et la tendance des dernières années vers la détérioration de la marge relative dans le secteur de l'orge et du blé. À mon sens, le fonds de réserve est un coût ajouté -- à maints égards une taxe obligatoire -- qui perturbera encore plus le marché et accroîtra l'interfinancement.

La deuxième hypothèse erronée, c'est qu'une organisation de mise en commun volontaire ne peut fonctionner dans un libre marché et qu'il doit donc y avoir contrainte. À cela, nous rétorquons que les exemples de succès dans ce domaine ne manquent pas dans bien des segments agricoles du monde entier. Nous avons fourni des documents de recherche à ce sujet par le biais du rapport Senechal, que nous avions commandé et que nous avons déposé et mis à votre disposition.

Plus près de nous, l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario propose à ses producteurs des choix volontaires. Si les producteurs de l'Ontario peuvent avoir le choix, pourquoi pas les producteurs albertains de blé et d'orge? Dire que nous ne pouvons avoir en parallèle le choix du marché et la mise en commun est un argument destiné à protéger une vieille institution et, à bien des égards, c'est tout simplement une attitude intéressée.

La troisième hypothèse erronée, c'est que le gouvernement fédéral a besoin d'exercer un contrôle en raison de ses obligations financières. On n'a pas besoin d'une participation obligatoire à un guichet unique pour fournir des garanties de paiements initiaux. Il existe d'autres mécanismes. Par exemple, l'Office de commercialisation du blé des producteurs de l'Ontario offre ces garanties aux termes de la Loi sur la commercialisation des produits agricoles, et la Société pour l'expansion des exportations pourrait être utilisée pour entreprendre des ventes à crédit. En fait, ces derniers mois, le gouvernement fédéral a procédé à des ventes à crédit en Asie; donc, pourquoi ne pouvons-nous pas fournir de crédit, comme le font les Américains ou tout autre grand pays exportateur de céréales?

La quatrième hypothèse erronée, c'est que nous avons besoin du système à guichet unique pour gérer et régler le commerce transfrontière avec les États-Unis. Nous reconnaissons qu'il existe des irritants au commerce des céréales entre le Canada et les États-Unis, mais offrir le problème comme solution est un peu exagéré. Depuis des années, du moins de l'avis du gouvernement américain et des agriculteurs en général, c'est la Commission canadienne du blé qui constitue le problème en raison de l'absence de transparence et de la nature monopolistique du commerce. Le problème, c'est la Commission canadienne du blé; comment régler le litige sur le plan des prix des céréales si la frontière demeure fermée au commerce agricole? Dans un tel cas, comment empêcher un agriculteur du Montana ou du Dakota de soupçonner qu'il y a manipulation des prix? C'est ce qu'on nous a dit, monsieur, très clairement quand nous nous sommes rendus à Washington, D.C., il y a quelques semaines; nous avons tout un problème.

Le gouvernement du Canada est-il réellement en faveur d'un commerce administré? C'est là une question non négligeable, et il existe plusieurs autres importants problèmes que nous avons soulevés au sujet de ce projet de loi dans notre mémoire écrit. En ma qualité d'homme politique vous faisant part de ce que j'estime être les vues de mes commettants, à savoir la majorité des agriculteurs de l'Alberta, j'aimerais vous soumettre quelques points à vous qui êtes les représentants du Sénat du Canada.

Nous parlons tous de concurrence planétaire, de l'importance de l'orientation du marché, de la suppression des obstacles à l'innovation, de l'investissement, de la valeur ajoutée, de la création d'emplois et des exportations. C'est le message qui revient constamment dans la bouche du Premier ministre, du ministre des Finances, du ministre du Commerce et, bien entendu, de M. Vanclief. En même temps, Ottawa impose un monopole de commercialisation par le biais de la Commission canadienne du blé, qui réglemente les variétés produites, la façon dont elles sont vendues, à quel prix et à qui, sous forme d'économie dirigée seulement dans une région bien précise du Canada.

L'agriculture primaire tout comme l'agriculture de transformation ont prospéré en Alberta. Nous avons considérablement augmenté la production et la fabrication. Nos exportations ont connu une croissance à deux chiffres. Il nous a fallu des années et près d'un demi-milliard de dollars en paiements de compensation avant qu'Ottawa supprime le désavantage imposé à la transformation et à la valeur ajoutée en nous débarrassant de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Cependant, l'agriculture et l'industrie céréalière en Alberta ont radicalement changé depuis qu'il est devenu à la mode de disposer d'un organisme de vente à guichet unique comme la Commission canadienne du blé.

Par le jeu des fluctuations, le blé comme pourcentage des recettes monétaires agricoles en Alberta a perdu du terrain, passant d'environ 40 p. 100 au début des années 50 à près de 12 à 15 p. 100 au début des années 90, alors que le pourcentage des exploitants agricoles titulaires d'un diplôme de neuvième année ou moins passait de 46 p. 100 en 1971 à moins de 15 p. 100 dans le recensement de 1991. Le pourcentage de ceux ayant fait des études postsecondaires a augmenté, passant de 8 à 26 p. 100, tandis que celui des diplômés d'universités passait de 3,6 à plus de 12 p. 100.

En 1951, plus de 84 000 agriculteurs disposaient d'un capital agricole de 21 000 $. En 1996, seuls un peu plus de 59 000 exploitants agricoles disposent en moyenne d'un capital de 680 000 $. Même en dollars constants de 1996, la valeur du capital agricole a pratiquement quintuplé.

Nos efforts concertés en vue d'ajouter de la valeur à nos matières premières, avant exportation, sont frustrés par l'organisation à guichet unique, qui demeure axée sur l'exportation de grains non préparés et s'appuie sur un système de logistique de plus en plus coûteux.

Pour ce qui est des marchés mondiaux, nous avons également assisté à des changements considérables comme en témoignent tant d'études. Ce que je veux dire, c'est que nous disposons d'une industrie très différente qui fonctionne dans une économie et une industrie mondiales tout à fait nouvelles. Cela vaut autant pour le contenu du commerce agricole planétaire que pour les variétés de blé. Et cela est vrai pour l'Alberta. Je suis sûr que le scénario n'est pas très différent dans d'autres parties de la région désignée. Pourtant, Ottawa et le gouvernement fédéral voudraient nous faire croire que le milieu institutionnel n'a besoin que d'un modeste rafistolage pour le mettre à l'heure des années 90, sans parler de ce qui arrivera dans les années 2005 à 2010.

La majorité des électeurs que je représente sont les agriculteurs et les grands éleveurs de l'Alberta. Certains d'entre eux estiment qu'ils ne sont pas entendus du gouvernement du Canada. Il y a eu des motions à l'Assemblée législative, un plébiscite, et un certain nombre de plaidoyers de la part des premiers ministres et des ministres, mais rien de tout cela n'a eu un quelconque effet sur le gouvernement fédéral, que ce soit pour cette question ou d'autres importantes questions agricoles.

L'incapacité d'Ottawa à évaluer l'ampleur du mécontentement sur cette question dans l'Alberta rurale mettra à rude épreuve nos relations fédérales-provinciales. Je ne suis pas ici pour critiquer ce qui est arrivé dans le passé. Je voudrais seulement préciser certains points ce matin.

Nous devons nous poser cette question: comment n'y aurait-il pas de cynisme de la part de nos agriculteurs, quand leur expérience, les diverses études, la commission et les rapports de comité semblent constamment être ignorés par Ottawa?

Le projet de loi C-4 fait croire à tort que les agriculteurs obtiendront le contrôle de la Commission canadienne du blé et que des produits additionnels y seront assujettis au nom d'une prétendue justice et d'un prétendu équilibre.

Est-il juste d'offrir un choix aux participants, comme les transformateurs, les courtiers et les autres membres de l'industrie, à l'exception des agriculteurs de l'industrie du colza canola? Nos agriculteurs n'ont jamais demandé cela. Nos obligations internationales nous l'interdiraient. Pourquoi voudrions-nous nous nuire?

Je pense que le changement vers une structure utilisant un «directeur élu» va dans la bonne direction, mais cela ne change rien au fait que la Commission canadienne du blé demeurera comptable au gouvernement du Canada, et le projet de loi C-4 donne l'impression que tout le débat, les études, la Commission et les représentations faites par les agriculteurs ne servent à rien.

En Alberta, les agriculteurs veulent avoir le choix du marché, pas l'élimination de la Commission canadienne du blé. Ils veulent que nous fassions le choix et ils veulent avoir le choix que les producteurs de blé de l'Ontario obtiendront sous peu sans doute. La seule solution viable à long terme consiste pour le gouvernement fédéral à supprimer le recours à l'obligation d'un guichet unique pour instituer une organisation de mise en commun volontaire placée sous le contrôle effectif des agriculteurs.

Dans l'intervalle, je propose que nous mettions ce projet de loi de côté jusqu'à ce que le juge Estey fasse ses recommandations sur l'examen du transport et de la manutention du grain, parce qu'en soi, sénateurs, c'est une question très importante pour les agriculteurs; nous estimons que si nous allions de l'avant maintenant avec ce projet de loi, cela pourrait réellement empêcher le juge de formuler une recommandation qui, une fois pour toutes, traitera de cette question de transport que nous traînons avec nous depuis plus de 40 ans. Il se pourrait que cet examen exige d'importants changements; il cédera peut-être une certaine partie du risque et de la responsabilité aux agriculteurs, aux compagnies céréalières et aux chemins de fer, et une certaine responsabilité en vue de procéder à des gains d'efficacité et de promouvoir la concurrence entre les fermes et les ports.

Avant de terminer, j'aimerais rappeler brièvement ce que les agriculteurs de la province ont déclaré devant la Commission des grains de l'Alberta lors de la discussion la plus récente tenue par le groupe de réflexion dans le cadre du processus Estey. Ils n'ont cessé de soulever les problèmes de coût dans la commercialisation des grains. Ils ont rappelé les efforts presque effrénés déployés pour se soustraire aux grains de la Commission canadienne du blé en raison des coûts associés obligatoires; ils ont déclaré ne pas pouvoir gagner leur vie en appuyant une institution qui, au lieu d'être leur serviteur, est maintenant devenue leur maître et, bien franchement, un maître pas mal dispendieux.

En conclusion, honorables sénateurs, nous avons besoin de votre aide comme Chambre de réflexion; vous devez vous pencher cet après-midi, sur le triste sort de nos agriculteurs. Cela conclut notre exposé. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions.

Le sénateur Hays: Monsieur le ministre, c'est un grand honneur pour le comité que vous et votre ministère ayez pris le temps de préparer cet exposé et de comparaître devant nous; comme je suis votre concitoyen, je voulais vous remercier pour cela. Nous sommes quatre Albertains dans la salle ici aujourd'hui. Nous vous remercions.

J'ai trois questions. Tout d'abord, au cours de nos discussions, nous nous sommes interrogés sur l'option albertaine, si je peux l'appeler ainsi, advenant que l'Alberta n'aime pas la tournure des événements; autrement dit, que fera l'Alberta si le guichet unique demeure soit parce qu'aucune modification n'est apportée au projet de loi C-4 ou parce que celui-ci est adopté et qu'un conseil continue de procéder à la vente par guichet unique? Sans vouloir trop entrer dans les détails, l'Alberta mettrait-elle sur pied une entité pour acheter le grain et le vendre, comme je l'ai entendu dire? Dans votre réponse, pourriez-vous parler de la façon dont les producteurs albertains se retireraient du système en recourant aux tribunaux.

M. Stelmach: Merci pour votre question, sénateur. Bien entendu, le recours à cette option n'est maintenant plus possible. Avant que des amendements ne soient apportés au projet de loi C-4, nous allions procéder par le biais d'un renvoi au tribunal pour déterminer si la Commission canadienne du blé avait préséance sur la Couronne; nous avons envisagé cette question, et n'étant pas avocat...

Le sénateur Hays: C'est tout à votre avantage.

M. Stelmach: Nous avons envisagé cette possibilité pendant un certain temps, comme vous le savez, quand nous avons fait cette présentation au tribunal et, dans l'intervalle, l'Alberta a dû abandonner cette option quand un amendement très précis a été proposé au projet de loi C-4. Supposons que cet amendement ne soit pas adopté, cependant, et que le tribunal reconnaisse la question de la justice; si nous devions en arriver à certaines options sur la façon de commercialiser le grain, nous proposerions un système de mise en commun d'une quelconque nature pour les agriculteurs albertains, mais pas un système qui supposerait que le gouvernement albertain mette sur pied à cette fin une autre bureaucratie ou quoi que ce soit d'autre, parce que les agriculteurs le feraient eux-mêmes. À notre avis, la seule possibilité qui s'offrait à nous dans la loi à ce moment-là -- possibilité qui nous est maintenant retirée, bien entendu -- consistait pour nous à acheter le grain, pour ainsi dire, et à le revendre au producteur, et à laisser ensuite ce producteur trouver un marché aux États-Unis.

Le sénateur Hays: Ma deuxième question concerne le report du projet de loi C-4 jusqu'à ce que la Commission Estey dépose son rapport. De nombreux témoins nous ont fait cette suggestion, de sorte que c'est un problème de toute évidence. Nous ne savons pas exactement sous quelle forme le projet de loi sera adopté, parce que nous avons entendu beaucoup de demandes d'amendements, et cetera, mais plutôt que de rester dans l'incertitude, ne vaudrait-il pas mieux que le juge Estey sache si le projet de loi C-4 a été adopté, et sous quelle forme? Autrement dit, le juge Estey serait mieux placé pour faire une recommandation si le projet de loi C-4 était adopté sous une forme ou une autre, plutôt que de rester dans l'incertitude jusqu'après son rapport.

M. Stelmach: J'aimerais faire quelques commentaires sur cette question. Premièrement, le transport est un problème depuis des années, et je peux parler pour les agriculteurs albertains. Il est inefficace et je dirais vraiment tout à fait improductif si on le compare à certains des systèmes de transport des autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence aujourd'hui.

Sénateur, le problème du transport existe depuis ma plus tendre enfance. Mes parents en parlaient: «Malgré tout l'argent que nous dépensons pour le transport, nous semblons incapables de leur livrer le produit à temps.»

Cette année, quand nous sommes allés au Japon, j'ai visité une minoterie à Fukuoka. Le grain qu'ils moulaient venait de l'Australie; pas du Canada. Il contenait de l'orge et de la folle avoine, mais ce n'était pas une farine multigrains qu'ils moulaient. Je leur ai demandé pourquoi ils achetaient de l'Australie alors qu'ils connaissent les normes que nous avons au Canada. Ils m'ont répondu que c'est parce que nous ne pouvions le leur livrer à temps quand ils en ont besoin. Ce n'est pas quelque chose dont nous pouvons être très fiers; car, une fois que nous perdrons ce marché, nous ne pourrons jamais le récupérer, à moins qu'un autre pays fasse pire que nous. Vous savez, les gens ne restent pas les bras croisés à attendre que l'Alberta ou le Canada commette une erreur pour ce qui est d'approvisionner les marchés. Ils progressent tous, incorporant la technologie dans le monde, restructurant leurs systèmes de transport, et ils livrent leurs produits à temps aux clients.

Étant donné que les questions de commercialisation et de transport sont liées, quel mal y aurait-il à reporter l'adoption de ce projet de loi pour que le juge Estey puisse l'examiner au complet? Pour ma part, j'ai toute confiance en sa capacité de secouer le système et d'en arriver aux recommandations les plus solides nécessitant une certaine fermeté de la part du gouvernement fédéral et des provinces, de même que des agriculteurs, pour incorporer un système de manutention du grain et de logistique. C'est cela, mon raisonnement.

Nous vivons avec ce problème depuis tant d'années que nous pourrions encore nous permettre d'attendre huit ou dix mois, ce qui lui donnerait l'occasion de faire quelque chose.

M. Ray Bassett, sous-ministre adjoint, ministère de l'Agriculture, Alberta: Permettez-moi d'ajouter un commentaire. Nous avons pas mal travaillé avec les autres provinces de l'Ouest et avec l'industrie pour préparer notre contribution au processus Estey, et nous en sommes venus à la conclusion, notamment, que nous avons besoin d'uniformité. Nous avons besoin d'une approche uniforme sur la façon dont nous commercialisons, vendons, transportons et manutentionnons notre produit.

Divers objectifs ont été formulés par les quatre provinces dans cette présentation. Les deux premiers montrent vraiment le conflit entre la direction que pourrait prendre la Commission du blé et celle que nous pourrions vouloir prendre pour corriger les problèmes du système de transport. Les objectifs consistent, tout d'abord, à établir un cadre législatif et réglementaire qui favorise la mise sur pied d'un système de manutention et de transport du grain compétitif, axé sur la logistique et avantageux pour les producteurs et les autres parties prenantes; ensuite, à élaborer un système axé sur le client qui se veut un modèle mondial sur le plan du rendement et de l'efficacité en favorisant l'adoption de pratiques de logistique modernes pour accroître le rendement obtenu par les producteurs. Un autre important objectif consiste à promouvoir la concurrence entre les divers éléments du système de transport et de manutention du grain pour maintenir des taux compétitifs, améliorer le service et réduire les frais généraux. Enfin, le tout devrait être soumis aux lois du marché, le gouvernement n'intervenant qu'en cas d'échec du marché.

Les principes qui, à notre avis, devraient permettre de corriger les problèmes de transport diffèrent donc des prémisses et des hypothèses sur lesquelles repose le projet de loi C-4. Voilà une des raisons pour lesquelles nous devrions attendre de connaître la proposition de M. Estey en matière de transport pour ensuite l'aligner sur la commercialisation.

Comme vous le diront les professionnels de la logistique et des systèmes de vrac, il faut pouvoir faire concorder la commercialisation avec le système de transport; autrement, on est voué à l'échec.

Le sénateur Hays: S'il est adopté, le projet de loi C-4 donnera aux agriculteurs, par le biais des dix administrateurs élus, le pouvoir de changer la façon dont fonctionne la Commission du blé, y compris les façons qui répondront aux préoccupations des Albertains et d'autres intervenants. S'il est clair qu'une majorité est de cet avis, qu'y a-t-il de mal à laisser le projet de loi C-4 suivre son cours et à permettre aux agriculteurs de faire ce choix plutôt que d'essayer de deviner les intentions au niveau politique?

M. Stelmach: Il existe deux raisons: premièrement, la loi ne prévoit aucun choix en matière de commercialisation; deuxièmement, les administrateurs, bien qu'ils soient élus, sont encore directement comptables au gouvernement canadien, et pas aux producteurs. C'est le grain des producteurs. Ce n'est pas celui du gouvernement, et c'est le problème fondamental.

C'est mon grain, et je veux le commercialiser à ma façon; si je veux me joindre à un pool volontaire, soit; si je préfère continuer de faire affaire avec la Commission canadienne du blé, c'est mon choix. Personne ne me dit de la supprimer ou de l'éliminer. Elle demeure en place et ces dix administrateurs pourraient être encore en place, ceux de la Commission canadienne du blé, mais permettez à ceux qui ne veulent pas vendre leur blé à la Commission canadienne du blé de le commercialiser eux-mêmes.

Le sénateur Hays: J'imagine que la majorité des membres du conseil d'administration seront élus sur la foi de ce qu'ils auront dit aux agriculteurs, soit directement, soit indirectement, qu'ils feraient pour améliorer la commercialisation du grain en conservant la Commission canadienne du blé. S'il est clair que les agriculteurs sont mieux servis si on leur donne le choix, alors c'est une option dont peut se prévaloir le conseil. De la façon dont je comprends la mesure législative, le gouvernement ne dirige pas la Commission. La Commission sera dirigée par le conseil. Elle aura à sa tête un président, alors qu'actuellement elle est dirigée par les commissaires et le commissaire en chef.

Je suppose qu'il existe un lien avec le gouvernement, mais les décisions ne se prendront pas dans le bureau du ministre responsable du grain; plutôt, à supposer que le siège social demeure à Winnipeg, les décisions seront prises à Winnipeg et soumises à la supervision et aux directives de ce conseil qui tiendra à ce que la Commission du blé agisse dans l'intérêt des fermiers, et si cet intérêt les fait pencher dans un sens plutôt que dans un autre, c'est ainsi que ça se passera.

M. Stelmach: Tout d'abord, de la façon dont je lis la loi, et je suis sûr qu'il y a ici des gens qui en savent probablement beaucoup plus que moi, le premier dirigeant est encore nommé par le ministre responsable.

Le sénateur Hays: C'est un problème.

M. Stelmach: Oui. Cependant, si c'est le cas, et que l'on veut apporter des changements de l'intérieur, on peut nommer les cinq administrateurs qui seront nommés par le gouvernement et qui sont en faveur du choix.

Le sénateur Hays: Ou deux, deux et un.

M. Stelmach: Il s'agit là de l'un de ces points sur lesquels, à mon avis, le Canada central exerce encore un certain contrôle, et abstraction faite de toutes les autres questions, notamment ce qui se passe maintenant en Ontario et notre visite à Ottawa relativement au projet de loi C-4, j'ai remarqué que les opinions sont tranchées à ce sujet. Il a engendré beaucoup de division dans notre province, et il s'agit seulement de nous donner cette possibilité de choisir: «Laissez-nous libres, nous, les agriculteurs; nous allons survivre.»

Le sénateur St. Germain: Monsieur le ministre, dans votre demande, vous précisez que vous aimeriez conserver la Commission canadienne du blé. J'aimerais savoir pourquoi, car elle va être complètement restructurée. Dans son état actuel, je pense qu'elle demeure une institution dirigée par le gouvernement, le président et premier dirigeant étant nommé par le gouvernement, et le conseil d'administration étant incapable de le destituer s'il ne l'estime pas à la hauteur. Monsieur le ministre, j'aimerais savoir pourquoi vous voudriez la conserver si ce n'est seulement parce que les gens le veulent? J'aimerais connaître votre raisonnement.

M. Stelmach: Je pense qu'elle va survivre, si elle fournit un service valable aux clients. Mais pour le savoir de façon certaine, on n'a qu'à permettre aux agriculteurs de décider s'ils vont expédier leur blé à la Commission ou trouver eux-mêmes des marchés. Deuxièmement, si nous voulons vraiment secouer le système, alors nous devrions envisager de déménager la Commission, qui a son siège dans les Prairies, pour l'installer dans un port. Laissez-la acheter au port, ce que le projet de loi ne lui permet pas de faire, pour qu'elle crée de la concurrence, tant au niveau des compagnies céréalières que des compagnies ferroviaires, pour que ce grain arrive au port à une date précise et à un prix précis. Essayez certains incitatifs; en cas de retard, les coûts liés à l'inefficacité ou à l'incapacité d'acheminer le grain au port ne devraient plus être assumés par les agriculteurs, parce qu'il n'y a plus de marge de manoeuvre. On n'a plus les moyens de faire face à ces inefficacités, et on peut dire en voyant les changements dans la production des céréales de la Commission canadienne du blé qu'ils sont perdants dans ce domaine en particulier.

Le sénateur St. Germain: Vous êtes-vous rendus au Japon uniquement à cause de l'incapacité de la Commission de répondre aux besoins du client?

M. Stelmach: Sénateur, les Japonais sont très polis, et ils ne veulent rien dire qui pourrait nous indisposer. Je crois que ceux d'entre vous qui se sont rendus au Japon -- et le sénateur Whelan y est sûrement allé à de nombreuses reprises -- constatent que si on les indispose, ils se braquent. Ce n'est pas simple.

Ils nous ont dit beaucoup de choses, mais ce qui les ennuyait le plus, c'est le fait que nous ne pouvions leur livrer à temps. Ils ont parlé des variétés que nous avons, des différentes qualités que nous avons, et nous sommes très fiers de la confiance que le consommateur a envers notre produit, le fait qu'il soit sûr, qu'il soit bien classé, et cetera.

Par contre, si cela ne dérange pas un client en particulier d'avoir du blé auquel est mélangé un peu d'orge, ou un peu de folle avoine, nous devrions peut-être lui vendre ce genre de grain plutôt que de lui dire: «Ce n'est pas ce qu'il vous faut. Voici ce que nous avons à vous offrir.» Il y a d'un côté l'inefficacité du système de transport et, de l'autre, le besoin du client.

Le sénateur St. Germain: On a fait allusion à la clause dérogatoire ici ce matin. Avez-vous jamais songé à l'invoquer? Je veux dire à l'égard du grain seulement; strictement à l'égard du grain.

M. Stelmach: Oui, dans ce cas particulier; encore une fois, je ne suis pas avocat.

Le sénateur St. Germain: Ni moi non plus. C'est pourquoi j'ai posé la question.

M. Stelmach: Je ne crois pas que cela s'applique ici. Nous ne pouvons le faire; cependant, d'après les instances que nous avons reçues à notre bureau et lors de certaines réunions publiques auxquelles j'ai assisté dans toute l'Alberta, je suis d'avis que l'Alberta est un allié inconditionnel du gouvernement fédéral sur la question de l'unité du pays. Le premier ministre a toujours montré l'exemple sur ces questions, ne craignant pas d'essuyer des critiques ici à ce sujet.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le ministre, à la suite de vos voyages, estimez-vous refléter les sentiments de la majorité de vos électeurs?

M. Stelmach: Tout à fait. Je fonde ce que j'avance sur les voyages que j'ai effectués dans la province. Je me fonde non seulement sur les instances présentées devant la Commission des grains mais aussi à l'occasion d'autres réunions que nous avons eues sur d'autres questions. On peut être en train de parler de questions intéressant le bétail, par exemple, et puis soudainement la question du grain est soulevée. Elle l'est souvent. Elle l'est surtout au sujet de la question du choix, et c'est difficile à défendre.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur Stelmach, à la page 7 de votre «présentation orale», vous dites à l'avant-dernier point:

La seule solution viable à long terme consiste pour le gouvernement fédéral à supprimer le recours à l'obligation d'un guichet unique pour instituer une organisation de mise en commun volontaire placée sous le contrôle effectif des agriculteurs.

Pourriez-vous nous dire à quoi ressemblerait, à votre avis, une organisation placée sous le contrôle effectif des agriculteurs?

M. Stelmach: Diverses études ont été effectuées sur les organisations de mise en commun dans d'autres pays. Nous pouvons les utiliser à titre d'exemples; il y a aussi le fait que nous croyons fermement, dans cette province du moins, que les agriculteurs devraient mettre sur pied leurs propres systèmes de mise en commun volontaire, commercialiser leur blé et leur orge sur le modèle de ce qui se fait pour d'autres céréales produites hors-Commission. En outre, dans ce cas particulier, nous disons que le choix en matière de commercialisation permettra d'assurer une véritable concurrence pour ce qui est de l'achat et de la vente à la Commission canadienne du blé, ce qui fait que personne ne trichera. Nous pourrons vérifier le rendement, mesurer le rendement des deux systèmes. Et les agriculteurs feront ce choix.

Le sénateur Fairbairn: Quand vous parlez d'une «organisation de mise en commun volontaire», vous n'envisagez pas une seule entité. Ce serait un réseau d'organisations individuelles qui seraient administrées par les agriculteurs eux-mêmes, exploitées par les agriculteurs?

M. Stelmach: M. Bassett vient juste de trouver le passage dans l'exposé.

M. Bassett: Si vous avez la chance de parcourir le livret bleu que nous vous avons remis, vous y verrez des exemples d'organisations de mise en commun volontaire de différentes tailles, et vous constaterez qu'elles ont en commun deux ou trois éléments. Le premier, c'est qu'elles adopteront un modèle avantageux pour les participants et la façon dont ils s'organisent, les rapports qu'ils établissent envers l'organisation, et la taille qu'ils donnent à l'organisation. Vous verrez dans le document un exemple qui montre tout le processus pour la fabrication de blue jeans.

En fait, l'organisation adoptera une formule qui lui permettra d'offrir la meilleure valeur ajoutée aux producteurs. Elle a également ceci d'avantageux que les producteurs peuvent monter la chaîne de valeurs, selon la façon dont les choses sont organisées, et profiter de certains des avantages qui peuvent être obtenus par le biais de la commercialisation, du système de manutention ou de transformation.

On commence à en voir des exemples dans la province. L'usine de transformation de Red Deer produisait du gluten; des agriculteurs lui vendent du grain à contrat. Ils y ajoutent de la valeur, et il existe une série de contrats et d'ententes. Il pourrait s'agir d'un arrangement contractuel ou d'une entente de propriété. C'est très souple. Si vous avez la chance d'y jeter un coup d'oeil, je crois que vous trouverez cela très intéressant. Pour répondre à votre question, cependant, nous ne savons pas à quoi elle ressemblera, parce que sa forme dépendra de ceux qui en feront partie.

Le sénateur Ghitter: Juste un commentaire. Pour ce qui est d'un système à deux volets, si je peux l'appeler ainsi, il me semble que l'agriculteur et le gouvernement veulent vraiment avoir le beurre et l'argent du beurre. Ils veulent peut-être pouvoir compter sur la Commission du blé quand les temps sont difficiles, mais ils n'en veulent pas en période de prospérité, et j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

M. Stelmach: D'accord. Les agriculteurs s'engagent longtemps d'avance à fournir leur production à la Commission canadienne du blé, s'ils veulent utiliser la Commission canadienne du blé; ceux qui veulent produire et vendre leur récolte hors-Commission n'ont qu'à lui dire qu'ils ne vont pas lui vendre pendant les deux, trois ou cinq prochaines années.

Le sénateur Ghitter: Ils ne peuvent pas tergiverser indéfiniment. Ils doivent s'engager à long terme.

M. Stelmach: J'imagine que ceux qui tiennent vraiment à disposer d'un choix en matière de commercialisation trouveront des façons de contourner ce problème en disant qu'ils vont mettre sur pied ce système pendant x temps sans faire affaire avec la Commission. Point final. Encore une fois, nous verrons ainsi quel rendement obtiennent la Commission ou ces organisations de mise en commun volontaire au cours de cette période. Personne ne pourra tricher. C'est tout.

Le sénateur Ghitter: Pensez-vous que la corporation pourra vraiment fonctionner de façon appropriée compte tenu de toutes les nouvelles incertitudes auxquelles elle sera confrontée?

M. Stelmach: Tout à fait, et il s'agit de voir jusqu'où baisseront les prix? Il n'existe pas de marge de manoeuvre à l'heure actuelle, comment les choses pourraient-elles être pires?

Le sénateur Ghitter: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Stelmach: Cela veut dire qu'il y a beaucoup de place pour l'amélioration, mais que lorsque vous imposez un système de vente à guichet unique, il n'y a pas moyen d'ajouter de concurrence, parce que vous dites au producteur de ce produit, ou du blé: «Voici à qui vous allez vendre; voilà le prix, et je vais vous dire quand vous allez l'expédier, avec quelle compagnie, dans quels délais, et je vais vous dire également à quel port.» Laissons l'agriculteur décider.

Le sénateur Ghitter: J'y verrais certains problèmes si j'étais l'un de ces nouveaux directeurs qui essaie d'établir des plans à long terme dans l'intérêt du conseil et du fonctionnement de la Commission avec toutes ces forces du marché que vous appliquez. Je ne m'y oppose pas mais j'y vois beaucoup de problèmes.

M. Stelmach: Par contre, sénateur, la quantité de grains «Commission» diminue rapidement parce qu'ils n'obtiennent pas de bonnes marges de profit; ensuite, ce qui est encore pire, si vous examinez la séquence des valeurs du blé dans cette province, les résultats sont déplorables parce qu'il n'a pas progressé. Nous ne produisons pas de biscuits ici, ni de farine ou de gluten. Est-ce normal que nous soyons obligés d'acheter du gluten des Américains?

Le sénateur Ghitter: Est-ce que le conseil devrait s'occuper de ces choses?

M. Stelmach: Il ne le fait pas pour l'instant.

Le sénateur Ghitter: Devrait-il le faire?

M. Stelmach: Il le peut mais qu'on laisse l'agriculteur décider. L'agriculteur décidera s'il veut vendre à la Commission ou s'il veut établir sa propre méthode de commercialisation et produire des biscuits ici en Alberta.

Le sénateur Ghitter: J'ai trouvé intéressante l'observation que vous avez faite à ce sujet, monsieur le ministre. Vous n'avez pas eu l'occasion dans vos remarques préliminaires de parler de l'inclusion et de l'exclusion bien que vous souleviez certains aspects éthiques qui s'y rattachent. J'ai trouvé votre documentation détaillée très intéressante car vous y soulevez certaines questions dont je n'étais pas au courant.

À la page 5 de votre analyse du projet de loi C-4, en caractère gras, pour résumer vous dites:

En résumé, ces critères semblent faciliter le lobbying de la part des agriculteurs et priver les autres membres de l'industrie ou les autres parties intéressées de toute possibilité d'influencer la réglementation.

Pourriez-vous m'expliquer cette déclaration? C'est un argument intéressant.

M. Stelmach: L'une des choses que recherchent les investisseurs dans l'industrie agroalimentaire et l'industrie de la transformation, c'est un régime réglementaire très prévisible et stable; si vous examinez les produits soumis en général à un point de vente unique, y compris le porc à une époque, et les céréales, on constate une hésitation de la part des investisseurs surtout maintenant que des pays comme le Japon et la Chine se tournent vers notre pays pour des investissements dans la production alimentaire. Ils ont donc une certaine hésitation lorsqu'un produit est contrôlé par un point de vente unique et qu'il n'y a aucune concurrence au niveau du marché, de l'achat du produit primaire.

À l'heure actuelle, certains disent que d'ici l'an 2010, près de 50 p. 100 de notre production agricole servira à des fins non alimentaires et les entreprises du secteur de la haute technologie convertiront les produits agricoles en produits non alimentaires qui seront vendus dans le monde entier. Il est possible qu'ils ne fassent pas ce genre d'investissement dans cette province ou dans ce pays, à cause de la possibilité que des produits comme les pois des champs ou le canola soient soumis à un système de point de vente unique. Nous n'obtiendrons tout simplement pas cet investissement.

Pour assurer l'essor de notre industrie dans cette province afin que son chiffre d'affaire passe d'environ 6,7 milliards de dollars à 20 milliards de dollars à valeur ajoutée d'ici l'an 2005, nous aurons besoin de cinq à sept milliards de dollars en capitaux et un grand nombre de ces capitaux proviendront de l'étranger, ce qui augmentera la valeur ajoutée dans cette province. La situation sera sans doute la même pour des provinces comme la Saskatchewan et le Manitoba.

M. Bassett: Un autre point intéressant à prendre en considération pour ce qui est de la clause d'inclusion et d'exclusion, c'est de mettre sur pied d'autres organismes et structures de commercialisation. Nous permettons aux éleveurs de poulets et à l'industrie laitière de le faire, mais ils relèvent tous d'un groupe central, dans notre cas, l'Office de commercialisation des produits agricoles, et ce sont eux qui établissent leurs propres règlements administratifs et les règles destinées à protéger l'intérêt public. Il existe donc un système de freins et de contrepoids qui empêche qu'on fasse n'importe quoi sans tenir compte des répercussions sur d'autres gens, comme les transformateurs, les investisseurs et d'autres secteurs de l'industrie.

Le projet de loi, lui, accorde à un groupe de personnes, un petit groupe de personnes -- ce serait sans doute des gens qui détiennent des permis -- le droit de se prononcer sur le rôle d'un organisme dont les décisions ont un impact considérable sur l'ensemble de l'économie agricole des Prairies.

Dans un sens, si vous ne faites pas attention, vous allez priver de leurs droits un grand nombre d'agriculteurs qui sont très touchés par les décisions de cet organisme. La structuration de la Commission risque d'ouvrir la voie à un conflit assez grave.

Comme l'a indiqué le ministre, lorsque la valeur ajoutée est à la hausse, les chaînes de valeur, les liens entre le producteur et le transformateur doivent être resserrés, sinon, ces gens n'auront aucune voix au chapitre pour ce qui est des produits qui doivent être régis par le point de vente unique. Je trouve cela inquiétant.

Si j'étais un investisseur, j'examinerais tout cela de très près. Si vous comparez cette mesure législative aux autres lois qui régissent les organismes de commercialisation, vous allez constater qu'elle comporte des lacunes et qu'elle porte atteinte à l'intérêt public et aux autres droits acquis.

Le sénateur Ghitter: Est-ce pour ces raisons que vous préféreriez que les dispositions d'inclusion et d'exclusion soient supprimées? Est-ce que vous recommanderiez qu'elles le soient?

M. Stelmach: Oui. Avez-vous déjà vu une coalition aussi important de producteurs spécialisés et de groupes d'intérêt qui sont totalement opposés à la disposition d'inclusion? Il y a autre chose qui me préoccupe, et je ne devrais peut-être pas en parler, mais je vais le faire quand même. Est-ce un député de l'Ouest qui a proposé cet amendement au projet de loi C-4? Non, c'est un député des Maritimes. La disposition d'inclusion, si je me souviens bien, ne figurait pas dans le projet de loi C-72. Elle a été proposée par un député des Maritimes. Quel impact aura-t-elle sur ce député? Aucun. Toutefois, elle va nuire au marché et nous empêcher de produire des cultures à valeur ajoutée dans l'Ouest canadien. Il y a beaucoup de personnes qui sont contre cette clause. Évidemment, si vous arrivez à la faire disparaître, nous vous en serons très reconnaissants.

Le sénateur Hays: Vous n'avez exploré qu'un seul point de vue avec le sénateur Ghitter. Vous avez dit que les autres intervenants de l'industrie ont un mot à dire au sujet de la façon dont les producteurs commercialisent leurs produits, ainsi de suite. Et qu'en est-il des producteurs? Est-ce qu'ils participent aux décisions des autres intervenants? Par exemple, l'industrie de l'élevage du bétail compte de gros joueurs, comme Cargill. Est-ce que ce sont des producteurs responsables? J'essaie de voir les choses de leur point de vue. Est-ce que cela marche dans les deux sens?

M. Stelmach: Les producteurs auront une plus grande liberté de choix parce qu'ils pourront négocier avec un plus grand nombre d'organismes.

Si l'industrie de l'élevage du bétail dans cette province est si forte, c'est parce que les éleveurs ont la liberté de choix. Ils peuvent vendre aux gros producteurs comme Cargill, ou faire affaire avec un abattoir local. Ils ne sont pas assujettis à un processus réglementaire, ce qui favorise les investissements et leur donne une marge de manoeuvre encore plus grande.

Le fait de placer un autre produit sous le contrôle d'un point de vente unique -- encore une fois, seul dans l'Ouest canadien -- ne peut que nuire aux investissements. Voulons-nous créer un avantage indu et déplacer ces investissements vers l'Ontario? En fait, je doute que les choses se passent ainsi. Ces investissements iraient sans doute ailleurs, mais pas ici.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. J'ai trouvé vos propos très intéressants. Vous avez pratiquement répondu aux quatre questions que j'avais en tête. La première portait sur le droit de retrait ou la liberté de choix, et vous avez été très clair à ce sujet. C'est ce que vous voulez. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Ma deuxième question concernant les dispositions d'inclusion et d'exclusion. Vous voulez qu'elles soient supprimées. Ma troisième portait sur le fonds de réserve, et il n'y figure pas, si j'ai bien compris.

Ma dernière question, qui est la principale, porte sur l'élection du PDG du conseil. Le projet de loi propose que le conseil soit composé de dix membres élus et de cinq membres désignés, le PDG étant nommé par le ministre. La politique étant l'art du possible, le ministre pourrait peut-être recommander un candidat et soumettre ce choix à l'approbation des membres élus du conseil. Cette solution plairait peut-être davantage aux agriculteurs, et confirmerait le rôle important que joue le gouvernement fédéral au sein de la Commission canadienne du blé en tant qu'organisme de commercialisation du grain, qu'elle recueille ou non notre appui. Autrement dit, il faudrait que le ministre et les membres élus s'entendent sur le choix du PDG, et c'est le genre de chose que l'on voit souvent en politique.

Pourriez-vous envisager une telle solution, tout en tenant compte du fait que, en bout de ligne, le seul pouvoir qu'a le conseil, c'est d'embaucher et de renvoyer le PDG? Après tout, c'est le PDG qui dirige l'entreprise. S'il commet des erreurs, le conseil se doit de le renvoyer. En d'autres mots, non seulement le conseil devrait-il avoir le droit d'approuver le choix du ministre, mais en plus, s'il adopte une motion proposant le renvoi du PDG, le ministre, lui, devrait l'accepter. Est-ce que cette solution de compromis vous paraît acceptable?

M. Stelmach: Sénateur, si l'on tient compte de la façon dont le ministre responsable est en train de structurer la Commission canadienne du blé, l'Alberta aura droit, au plus, à deux voix sur 15, bien que 40 p. 100 de l'orge produite au Canada provienne de cette province.

De plus, qui va voter? Parce qu'ils ressentent beaucoup de frustration à l'égard de l'ensemble de l'industrie céréalière, de nombreux agriculteurs ne présentent même pas de demande à la Commission en vue d'obtenir un permis. Ils ne participeraient donc pas à l'élection des administrateurs. Or, dans cette partie-ci du pays, l'élevage de bétail, la production de céréales et la production fourragère sont toutes des activités étroitement liées les unes aux autres. Au fur et à mesure que la technologie évoluera, différentes cultures seront produites dans les Prairies, que ce soit la betterave à sucre, la pomme de terre, ainsi de suite, en alternance avec le blé et l'orge. Nous avons besoin de ces cultures. Or, d'après la carte la plus récente qui a été établie, il n'y a que deux régions ou districts électoraux dans la province de l'Alberta et ils ne s'étendent pas jusqu'en Saskatchewan. Je trouve cela injuste.

Pour ce qui est des cinq membres désignés par le gouvernement, j'ai l'impression que les candidats proposés par le ministre seront acceptés par le conseil.

Le sénateur Stratton: Par les membres élus du conseil.

M. Stelmach: Par l'ensemble du conseil, le tiers des membres étant nommés.

Le sénateur Stratton: Le ministre a le droit actuellement de désigner cinq membres sans l'approbation des membres élus, n'est-ce pas?

M. Stelmach: C'est exact.

Le sénateur Stratton: Voilà où j'essaie d'en venir. Pour que le conseil soit efficace, il faut que les membres collaborent ensemble. Par conséquent, si le PDG est nommé par le ministre, les membres élus doivent avoir le droit d'approuver ce choix. Voilà où je veux en venir. Ils doivent également avoir le droit de le renvoyer. Autrement, pourquoi avoir un PDG ou des membres élus, si ces derniers n'ont aucun pouvoir à ce chapitre?

M. Stelmach: Sénateur, qu'arriverait-il si c'était le conseil qui s'occupait de trouver un PDG et non pas le ministre responsable?

Le sénateur Stratton: Je comprends ce que vous dites, mais nous ne pourrons pas, à mon avis, aller jusque là. J'essaie de trouver une solution que le ministre jugerait acceptable, parce qu'il pourrait, en consultation avec les membres élus du conseil, désigner un PDG. Est-ce que le ministre, à l'heure actuelle, doit obtenir le consentement du conseil? Je ne le crois pas.

M. Stelmach: À mon avis, non.

Le sénateur Stratton: Non.

Le sénateur Fairbairn: Ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Le PDG ne serait pas nommé sans consultation.

Le sénateur Stratton: Eh bien, les membres vont être consultés, mais, je crois qu'il faut tenir un vote au sein du conseil.

M. Bassett: Puis-je faire un bref commentaire? Je crois qu'il faut également, dans ce cas-ci, tenir compte de l'obligation fiduciaire du conseil. A-t-il une obligation envers le gouvernement du Canada ou envers les producteurs? Il s'agit-là d'une question fondamentale qui devrait faire partie de la discussion.

Si la Commission avait pour mandat, entre autres, de maximiser les recettes à la ferme, le conseil aurait l'obligation fiduciaire de voir à ce qu'elle le fasse au nom des agriculteurs. Toutefois, ce n'est pas ce que dit le projet de loi.

Le sénateur Hays: Pour de nombreuses personnes, la Commission canadienne du blé et le gouvernement du Canada ne sont qu'une seule et même entité. Nous avons eu des discussions là-dessus, monsieur le ministre, et je crois que vous en avez également parlé. Or, si j'ai bien compris, la Commission est un organisme indépendant et elle a son siège à Winnipeg. Elle agirait, comme le propose le projet de loi C-4, de façon indépendante. Autrement dit, ce n'est pas le ministre responsable de la Commission canadienne du blé qui prendrait les décisions. Le ministre serait chargé de veiller à l'application de la loi et de rendre des comptes au Parlement, ainsi de suite, mais il ne prendrait pas les décisions à la place de la Commission, puisqu'elle constitue un organisme indépendant. Corrigez-moi si je me trompe.

M. Stelmach: Vous soulevez là un point très important, car lorsque la Commission canadienne du blé a rompu les contrats qu'elle avait conclus avec des agriculteurs du nord de l'Alberta et que l'affaire a été portée devant les tribunaux, et il s'agit d'une affaire récente, le juge a clairement indiqué que, à son avis, la Commission relevait directement du gouvernement du Canada. Ce qui donne à penser qu'il existe des liens très étroits entre les deux. Elle relève d'abord et avant tout du gouvernement. Bien entendu, les producteurs, eux, ne figurent nulle part dans tout cela.

Le sénateur Hays: Aux termes du projet de loi C-4, la Commission rendrait des comptes aux producteurs. Toutefois, d'après votre interprétation, la Commission travaillerait également pour le gouvernement. C'est bien cela? Nous devrions demander des précisions au ministre, parce que ce n'est pas du tout ce que j'ai compris.

M. Stelmach: Je vais demander à M. Harrington de répondre à cette question.

M. Gordon Harrington, ministère de l'Agriculture: D'après les jugements les plus récents qui ont été rendus, la Commission canadienne du blé est un organisme fédéral qui relève du gouvernement du Canada. Elle n'a aucune obligation envers les agriculteurs, et le projet de loi C-4 ne change rien à cela. La Commission demeure un organisme fédéral.

Le sénateur Hays: D'après vous, la Commission rend des comptes au gouvernement et non aux gens qui élisent les membres du conseil?

M. Harrington: C'est exact. Le projet de loi C-4 ne modifie pas le statut de la Commission en tant qu'organisme fédéral.

Le sénateur Hays: Nous allons demander des précisions au ministre.

Le sénateur St. Germain: J'aimerais poser une question supplémentaire. Est-ce que cette obligation a été clairement établie, ou ce point fait-il toujours l'objet de discussions?

M. Harrington: Je ne fais que répéter ce que les juges ont dit récemment.

Le sénateur Ghitter: Ce qui m'inquiète, c'est que les administrateurs, qui sont élus par les producteurs, ne partagent peut-être pas les mêmes vues que ces derniers, ce qui risque de leur créer des ennuis en tant qu'administrateurs de cette nouvelle entreprise. Qu'en pensez-vous?

M. Bassett: C'est une question fascinante, un sujet de discussion intéressant. La personne qui se présente aux élections va, au cours de la campagne, défendre certains principes, faire certaines propositions. Or, si elle est élue, elle devra, en vertu de la loi, agir au nom de l'organisme. Elle devra rendre compte des décisions de l'entreprise et de la diligence raisonnable dont elle fait preuve. C'est pourquoi il est important de bien définir son rôle.

Le sénateur Ghitter: Le gouvernement dit qu'il est en train de démocratiser la Commission, mais c'est une façade, ce n'est pas du tout ce qu'il est en train de faire. Il est en train de désigner des administrateurs qui sont liés par une loi avec laquelle ils ne sont peut-être pas d'accord, ce qui n'est pas du tout démocratique. N'êtes-vous pas du même avis?

M. Bassett: Oui.

Le sénateur Hays: J'aimerais faire un autre commentaire. Si je faisais partie de la Commission, je défendrais les intérêts des gens que je sers en tant que membre de celle-ci. Je ne demanderais pas au ministre de me dire ce que je devrais faire aujourd'hui, puisque je dois ce poste aux gens qui m'ont élu. Je proposerais ma candidature soit parce que je veux qu'il y ait du changement, soit parce que je veux que les choses restent telles quelles. En tant que producteur, je veux une Commission qui défend mes intérêts de façon plus efficace.

Dans votre déclaration liminaire, monsieur le ministre, vous avez parlé de la nécessité de mettre en place un système efficient, ainsi de suite. Or, l'un n'exclut pas l'autre. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas avoir les deux.

M. Stelmach: Je ne crois pas que ce soit possible.

En ce qui concerne les contrats que la Commission a annulés avec les agriculteurs du Nord-Ouest, on aurait pu penser qu'elle leur aurait dit, étant donné que ce sont les agriculteurs de la province qui élisent les membres: «Si nous signons un contrat avec vous et que vous ne le respectez pas, nous allons, et ce n'est que justice, vous imposer une amende de 18$ la tonne. Par ailleurs, si nous signons un contrat avec vous, que vous gardez le grain pendant un an parce que vous vous êtes engagé, par contrat, à nous le fournir et que nous décidons à la fin de l'année, pour une raison ou une autre, de ne pas respecter les modalités du contrat, nous allons vous indemniser.»

Ce que vous dites, sénateur, c'est que ces administrateurs vont dire à la Commission: «Nous devrions leur verser une indemnité.» D'après la loi actuelle, les administrateurs ont une obligation envers le gouvernement du Canada, non pas envers les producteurs. À moins qu'elle n'ait été modifiée, ils sont comptables au ministre responsable et au gouvernement du Canada.

Le sénateur Hays: Nous allons nous pencher là-dessus. Toutefois, ils ont une autre obligation. Ils veulent faire affaire avec ces gens l'année prochaine. Ils veulent une entité viable qui soit capable d'assurer, de la façon la plus efficiente qui soit, la mise en marché d'un produit qu'ils pourront choisir ou non de cultiver, soit un produit qui relève de la compétence de la Commission.

M. Stelmach: J'ai plusieurs commentaires à faire là-dessus. Toutefois, je tiens d'abord à vous rappeler que je ne suis pas un avocat et que je ne sais pas comment les tribunaux trancheraient la question si jamais elle leur était soumise.

Supposons que les dix membres élus disent au ministre responsable: «voici ce que nous allons faire.» Quelles dispositions pourrait-on invoquer pour obliger les administrateurs à rendre des comptes au gouvernement plutôt qu'à l'agriculteur qui les a élus?

Ensuite, si vous jetez un coup d'oeil sur la façon dont les circonscriptions électorales sont délimitées, et si vous partez du principe que les cinq administrateurs sont nommés par le ministre, l'Alberta ne pourra faire entériner aucune des propositions qu'elle mettra de l'avant pour modifier le système. Ce sera impossible, malheureusement, même si elle produit 40 p. 100 de l'orge qui est cultivé au Canada et que les emblavures de blé diminuent. En effet, les agriculteurs se tournent vers d'autres cultures.

Le sénateur Whelan: Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser la question suivante: si, par exemple, les producteurs de blé de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et du district de Peace River en Colombie-Britannique tenaient un vote sur la question de savoir s'ils veulent un point de vente unique, et que vous étiez d'accord avec la formule actuelle, accepteriez-vous d'une façon ou d'une autre le résultat du vote?

M. Stelmach: C'est une très bonne question; en effet, plusieurs plébiscites ont eu lieu dans la province de l'Alberta et deux tiers des électeurs se sont déclaré en faveur de la liberté de choix. Je sais toutefois que de gros producteurs de céréales, dont l'exploitation peut s'étendre sur 3 000 acres, n'ont pas eu la possibilité de voter; ils ont été privés d'une partie de leurs droits. C'est le premier point.

Deuxième point, la question posée la dernière fois a été formulée comme ceci: Voulez-vous conserver la Commission ou voulez-vous l'éliminer? Il n'était nullement fait mention de choix, ce n'était pas une option. Trente-sept pour-cent des producteurs ont voté pour l'élimination de la Commission. J'imagine que si une troisième question avait été posée, une majorité écrasante aurait appuyé la liberté de choix en matière de commercialisation.

Le sénateur Whelan: Vous parlez du Japon; je m'en souviens très bien. Pour ce qui est des achats japonais de céréales en Australie, je parie, monsieur le ministre, que c'est un acheteur japonais qui en est à l'origine.

Je me trouvais à Prince Rupert avec un ministre de la Colombie-Britannique, au moment du chargement de la première cargaison de charbon à destination du Japon. C'est à peine quelques mois plus tard que le Japon a commencé à acheter son charbon à l'Australie, car il y avait fait l'acquisition des terrains houillers; il avait pratiquement tout acheté, ce qui a été catastrophique pour les terrains houillers.

Je n'étais pas ministre responsable de la Commission du blé au moment où j'ai rencontré l'ambassadeur du Japon au sujet d'un engagement que nous avions pris à propos du prix du canola; il a demandé avec insistance que nous respections notre contrat et nous avons répondu par l'affirmative; bien sûr, j'avais obtenu l'accord voulu au préalable. Toutefois, lorsque le colza de France à bon marché est arrivé sur le marché, le Japon n'a pas vraiment respecté le contrat et n'a plus acheté au Canada. Si je raconte cette histoire, c'est pour dire que d'après mon expérience, les échanges internationaux peuvent être très ardus.

Par ailleurs, vous avez parlé du député qui a proposé la motion -- je n'en suis pas sûr, mais d'après ce que vous avez dit à son sujet, à savoir qu'il vient de l'est du Canada, il s'agit, si je ne me trompe, de Wayne Easter qui était président du Syndicat national des cultivateurs au Canada. Peu importe qu'il soit originaire de l'Est du Canada, je le suis moi aussi, même si j'ai travaillé en Alberta dans ma jeunesse.

Le sénateur Stratton: Parlez-lui de votre professeur.

Le sénateur Whelan: Je ne me suis pas arrêté au Manitoba, parce que je voulais aller plus loin et que le train m'a amené jusqu'en Alberta.

Le sénateur St. Germain: Vous auriez dû aller en Colombie-Britannique.

Le sénateur Whelan: Ce que je veux dire, aussi humblement que possible, comme M. Diefenbaker aimait à le dire, c'est que vous ne pouvez pas avancer que j'ai pris des décisions qui n'ont pas été justes pour l'ensemble de notre pays, lorsque j'étais ministre. Il me paraît difficile d'accepter que nous donnions l'impression d'opposer une région du pays à l'autre. J'espère que ce n'est pas le but recherché.

M. Stelmach: Permettez-moi de répondre. Il y a quatre, peut-être cinq façons d'opposer l'Ouest canadien à l'Est du Canada; je vais en parler plus tard.

En ce qui concerne le Japon, vous pensez qu'on aurait incité ce pays à acheter du blé en Australie. Ma question à ce sujet est la suivante: Où était notre représentant? Pourquoi n'a-t-il pas insisté pour que le Japon respecte son contrat et achète des céréales au Canada?

Je ne parle pas de la performance de la Commission canadienne du blé, car nous ne pouvons l'évaluer à partir de l'information dont nous disposons. Tout est secret. Même pour les 10 ans précédant les années 90, nous ne pouvons toujours pas savoir où les céréales étaient vendues et à quel prix. Par conséquent, je pense que l'ouverture et la transparence apaiseraient certaines des inquiétudes des agriculteurs. C'est un point.

Le sénateur Whelan: Peut-être m'avez-vous mal interprété. Je pensais que c'était un Japonais qui avait dit à son pays d'acheter ces céréales en Australie, à cause de l'affaire du charbon, et cetera. Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas qu'un représentant défende les intérêts des cultivateurs canadiens de blé. Le représentant du Canada aurait dû dire que notre blé était meilleur; il aurait fallu améliorer l'offre du Canada; c'est ce que je voulais dire.

M. Stelmach: Le fait est que nous avons perdu cette vente et quelques autres. Beaucoup de problèmes se posent, pas seulement celui de la commercialisation, mais aussi celui du transport.

Le Japon est très judicieux dans ses achats. Il s'adresse à de multiples sources pour ses achats de produits et nous espérons qu'il se tournera de nouveau vers le Canada pour les céréales. On a certainement parlé du Canada à cause de deux cargaisons d'orge que nous avons exportées et qui étaient soi-disant contaminées, ce qui n'est pas très bon pour notre système. Je ne dis pas que c'est la faute de la Commission canadienne du blé, de la Commission canadienne des grains, et cetera. Le fait est que cette orge a été approuvée, malgré notre système d'autocontrôle très sophistiqué.

Il est très important de savoir qu'à l'aube de l'an 2000, la politique commerciale va subir d'importants changements en raison de la crise dans cette partie du monde qu'est l'Asie. Le Japon ne peut plus subventionner ni protéger ses industries de trituration et son secteur primaire par l'imposition de tarifs élevés. Il se heurte à d'énormes problèmes budgétaires, ce qui ne manquera pas d'offrir quelques débouchés au Canada dans le proche avenir.

Je répète de nouveau que nous devons être prêts à relever ces défis, à profiter de ces opportunités qui, à mon avis, au chapitre de la production alimentaire, vont être considérables pour le Canada dans son ensemble. Au plan alimentaire, le Japon n'est autosuffisant qu'à 50 p. 100.

Passons maintenant à la disposition relative à l'inclusion et à l'exclusion, la disposition d'inclusion proposée par Wayne Easter. Nous produisons ici près de 40 p. 100 de la production canadienne d'orge; or, avons-nous eu une audience à ce sujet? A-t-on demandé l'avis de l'Alberta? Non, il n'en a pas été question tant que nous ne nous sommes pas déplacés pour rencontrer le ministre Vanclief avec lequel il est d'ailleurs très facile de travailler. Je pense qu'il était mal à l'aise.

Nous n'avons certainement rien reçu à notre cabinet nous informant que quelqu'un d'ici -- représentant la majorité des agriculteurs, des producteurs, des producteurs de canola et de pois, et cetera -- lui avait écrit pour lui demander d'inclure une telle disposition dans cette législation en raison de son caractère très positif. Je ne sais pas si la Commission du canola ou toute autre organisation s'est déclarée en faveur de l'inclusion. Je n'ai rien vu de cela.

En ce qui concerne l'Ouest canadien, effectivement, c'est ce genre de malentendu qui crée certaines divisions dont nous n'avons certainement pas besoin en ce moment. Nous avons suffisamment de problèmes dans notre pays. Pourquoi agissons-nous de la sorte au sujet de l'agriculture?

Il a déjà été dit que tout est politisé, la santé, les services sociaux. Je ne crois pas qu'il y ait d'industrie plus politisée que l'agriculture et je paie pour le savoir en tant que ministre.

Nous ne voulons pas procéder de la sorte. Nous souhaitons avoir un dialogue comme celui-ci où des témoignages sont entendus et où, au bout du compte, une décision est prise dans le meilleur intérêt du Canada entier, le point de vue des agriculteurs de l'Ouest étant pris en compte.

Le sénateur Whelan: C'est ce que nous faisons maintenant, notre comité se penche sur la question avec beaucoup de sérieux, d'ailleurs.

Pour ce qui est des États-Unis, on peut dire qu'ils peuvent être difficiles et très protectionnistes par moments. Le pouvoir du gouvernement fédéral américain est très étendu, alors qu'en vertu de notre Constitution, les pouvoirs sont également partagés entre le fédéral et les provinces. Le ministère américain de l'Agriculture détient pratiquement tout le pouvoir en matière d'agriculture, qu'il s'agisse de commerce ou d'autre chose. Le pensez-vous également?

M. Stelmach: Oui, à l'exception de la Californie, d'après ce qu'on me dit.

Le sénateur Whelan: À l'exception du Texas également.

M. Stelmach: Nous sommes allés à Washington il y a un mois environ pour parler de certains de ces irritants -- exportation de bovins, de céréales, et cetera, aux États-Unis. Au cours de nos entretiens avec les sénateurs et les membres du Congrès, nous avons pu régler certaines de ces questions devenues prioritaires. Nous leur avons rappelé que peut-être, c'était à cause de leurs subventions à l'exportation que nous avons pu vendre notre blé dur.

En général toutefois, les États-Unis sont notre meilleur client et vice-versa. Chaque jour, les échanges de produits agricoles, et autres, se chiffrent à près d'un milliard de dollars, si bien qu'il faut vraiment leur accorder beaucoup d'attention. Si l'on tient à avoir accès à l'Union européenne, il va falloir former une région économique beaucoup plus vaste et coopérer et travailler comme il le faut avec les Américains pour essayer de renverser certains de ces obstacles aux échanges.

Les audiences de votre comité sont jugées positives, du moins par les agriculteurs de l'Alberta.

Le sénateur Spivak: Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser des questions au sujet des coûts. Je suis membre de ce comité de l'agriculture depuis plusieurs années et il me semble que le problème de l'augmentation constante des coûts des intrants se pose toujours. Les prix des produits de base n'augmentent pas suffisamment. Dans ma province du Manitoba, la suppression du transport du grain de l'Ouest s'est traduite par une augmentation de 39 p. 100 des coûts du transport ferroviaire. Je suis sûre que vous le savez.

Dans votre exposé -- et j'espère vous avoir bien compris -- vous semblez attribuer une grande part de cette augmentation des coûts à l'inefficacité de la Commission canadienne du blé. Un des témoins que nous avons entendus ce matin estime que ces coûts, les coûts de la commercialisation du blé, s'élèvent à près de 5 sous le boisseau. J'aimerais que vous nous parliez de cet aspect des coûts.

M. Stelmach: Madame le sénateur, à mon avis ce sont les contraintes auxquelles sont soumis les producteurs qui leur rendent la vie difficile.

Le sénateur Spivak: Sans parler des prix.

M. Stelmach: Effectivement. J'ai également parlé de la suppression de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest; c'est ce qui a permis l'Alberta d'ajouter de la valeur à son secteur primaire, qu'il s'agisse de viandes de boucherie ou de transformation ultérieure, puisque géographiquement parlant, l'Alberta est plus proche du marché asiatique que n'importe quelle autre province.

Je le répète, c'est à cause du régime actuel de réglementation de la commercialisation des céréales que nous ne pouvons ajouter de valeur et profiter de ces forces naturelles du marché qui existent, qu'il s'agisse du maltage, de l'orge, du blé, de la farine; ce régime entrave le concept de valeur ajoutée.

Le sénateur Spivak: J'aimerais vous souligner que toutes les provinces des Prairies ne sont pas touchées de la même façon. Le Manitoba souffre plus que toutes les autres provinces de cette suppression.

D'après les exposés que nous avons entendus, il est évident que la liberté de choix et le double système de commercialisation sont des questions essentielles. Qu'en est-il des coûts des intrants? En effet, certains secteurs sont très concentrés. Pensez-vous que la liberté de choix est suffisante? Par liberté de choix, vous voulez parler de compétition et non de monopole; pensez-vous donc que la concurrence marche bien? La Commission du blé devrait-elle être un point de vente unique? Ne craignez-vous pas que dans ce marché concentré, on court le risque d'un autre monopole? C'est tout ce que je voulais vous demander.

M. Stelmach: Bien que les coûts des engrais, des produits chimiques, et cetera aient augmenté, je crois que les coûts d'intrants sont toujours établis en fonction du marché libre.

Le sénateur Spivak: Ils ont pas mal augmenté.

M. Stelmach: Même en ce qui concerne le carburant. D'après nous, la concurrence existe. Plusieurs études ont examiné si les prix étaient exagérés, et cetera et ont permis d'arriver à la conclusion que la concurrence subsiste dans ce domaine.

Nous espérons que dans les Prairies, si nous faisons bien notre travail -- et c'est là que je donne un coup de pouce à la valeur ajoutée -- les producteurs de produits de base bénéficieront de meilleures marges de profit dans la mesure où ils pourront se charger de la transformation ultérieure sur place, au lieu d'envoyer les produits de base non transformés sur les marchés d'exportation et d'en assumer le coût du fret. Il est beaucoup plus facile d'envoyer une livre de boeuf que d'envoyer l'orge nécessaire pour obtenir cette livre de boeuf. Il est également beaucoup plus facile d'exporter le produit précuit, prêt à la consommation, vers d'autres pays, plutôt que de l'envoyer à l'état brut.

Les débouchés ne manquent pas; il s'agit essentiellement de suivre de près ce qui se passe. Il faut surveiller la situation et je crois que si nous optons pour le concept de la valeur ajoutée, nous assisterons alors à un changement fondamental, une petite révolution de l'agriculture. Je répète qu'une grande partie de notre production agricole permettra la fabrication de produits non alimentaires, de produits de canola, d'huiles biodégradables, et cetera. Je ne peux pas faire de démonstration aujourd'hui, mais sachez que l'on utilise de l'avoine fractionnée, au lieu de poudre de talc minéral, pour enfiler les gants de chirurgie, et cetera. Tout cela ajoute un peu plus de valeur au secteur primaire, ce qui changera énormément de choses au bout du compte.

Le président: Notre comité a entendu un peu plus de cent témoins jusqu'à présent. Beaucoup d'entre eux ont parlé de la liberté de choix. Les agriculteurs sont sous contrat avec la Commission canadienne du blé. Nous disons que nous allons vendre X tonnes de céréales à la Commission canadienne du blé et si nous ne respectons pas ce contrat, nous sommes pénalisés.

Si je comprends bien, selon le modèle proposé en Ontario, un agriculteur pourrait accepter de vendre à contrat 75 p. 100 de sa production à la Commission de commercialisation et de vendre les 25 p. 100 restants ailleurs. Quel que soit le pourcentage, je veux avoir le choix de vendre où je le peux. Un régime de ce genre pourrait-il fonctionner d'après vous?

M. Stelmach: Proposez-vous, monsieur le sénateur, des amendements au projet de loi?

Le président: Oui, il faudrait y apporter des amendements.

M. Stelmach: Je ne sais pas comment formuler ces amendements, vu qu'ils se rapportent directement à la Commission canadienne du blé et à ses activités.

Le président: Sans amendement, il n'y aura pas de liberté de choix. C'est ainsi que j'interprète le projet de loi. Beaucoup des témoins demandent cette liberté de choix; comment l'accorder?

Il me semble que l'on pourrait décider de ne pas participer à la CCB pendant cinq ans ou de participer pendant une année, selon les règlements prévus en matière de période. Il me semble que l'on pourrait décider de ce choix d'une année à l'autre.

Nous renouvelons notre contrat trois fois par an environ. Cela devient un peu difficile. C'était beaucoup plus facile lorsqu'on me disait: «Vous pouvez produire deux boisseaux par acre». Toutefois, cela posait un problème dans le nord, ce que la Commission canadienne du blé et les intéressés ont bien compris, car on produisait plus de boisseaux de céréales dans les régions du nord.

M. Stelmach: La question du monopole est bien sûr fondamentale. Vous êtes en train de dire, monsieur le sénateur, qu'un agriculteur qui a 1 000 tonnes de blé, dont 75 p. 100 sont destinés, en vertu d'un contrat, à la Commission, pourrait vendre les 25 p. 100 restants aux États-Unis, dans le Dakota du Nord par exemple.

Le président: Il pourrait vendre à contrat ses 1 000 tonnes ou un pourcentage de sa production. Je soutiens depuis longtemps que les agriculteurs utiliseraient les services de la Commission canadienne du blé beaucoup plus qu'on ne le pense, car la plupart des agriculteurs ne veulent pas que la Commission disparaisse.

S'il y avait liberté de choix, je crois très franchement que la Commission canadienne du blé s'en tirerait très bien, car je ne pense pas qu'il y ait des marchés pour le blé là où nous pensons qu'il y en a. Je vis à la frontière américaine, si bien que je vois très bien ce qui se passe en matière d'échanges.

Je demande tout simplement si à votre avis, ce genre d'entente serait possible? D'après moi -- on me dit qu'en ma qualité de président, je ne devrais pas dire trop souvent ce que je pense -- si cette liberté de choix n'est pas donnée aux agriculteurs, la Commission canadienne du blé risque de disparaître.

M. Bassett: D'après le rapport Sénéchal, ce sont en fait les producteurs qui doivent demander cette liberté de choix. Il a fallu à l'Australie deux, trois ou quatre ans pour créer une organisation bénéficiant de l'appui de tous.

On pourrait permettre que la participation soit facultative, auquel cas il faudrait amorcer un processus en vue d'établir un organe qui correspondrait aux besoins de ceux qui jugent la participation utile. Je suis entièrement d'accord avec vous. Bien des producteurs ne souhaitent pas vendre eux-mêmes leur grain. Ils préfèrent payer quelqu'un pour le faire parce que cela ajoute de la valeur à ce qu'ils font.

Le truc, c'est d'arriver à contourner la notion de la participation obligatoire. L'organe aura les pieds solides s'il repose sur la valeur que les gens y voient. Dès que la notion d'obligation entre dans le tableau, les énergies se dissipent dans tous les sens.

Le président: J'ai une autre question. Elle a trait au marché continental du grain, plus particulièrement au commerce.

Le président Clinton a essayé de faire approuver le traitement accéléré de la question du commerce. Il semblerait que cela aura tout un impact sur les grains et le boeuf de l'Ouest du Canada surtout, probablement plus que sur les produits de l'Est. Vous avez dit que vous étiez allé à Washington pour discuter de cette question. Quelle impression en avez-vous rapporté?

M. Stelmach: Sénateur, quand nous avons rencontré divers fonctionnaires du commerce, des sénateurs et des membres du Congrès, il semblait que la majorité de ceux que nous rencontrions en privé souhaitaient vraiment que le président obtienne ce qu'il a demandé.

Quand j'ai rencontré vos homologues du comité sénatorial de l'agriculture, ils me l'ont précisé. Toutefois, la question n'a jamais été mise aux voix. Beaucoup craignaient qu'on ait raté le coche.

Ils s'en vont naturellement en élection. Ils craignent que d'autres pays ne concluent des arrangements commerciaux qui reviendront peut-être les hanter parce que, dès lors, la norme aura été en quelque sorte fixée et qu'il sera beaucoup trop tard pour agir. Cette observation est d'une grande sagesse, sénateur. C'est une source de préoccupation réelle.

Le président: Monsieur Stelmach, je vous laisse clore le débat.

M. Stelmach: Avant de vous laisser, je tiens à vous remercier sincèrement d'avoir prêté l'oreille à ce que nous avions à dire cet après-midi, à Edmonton. Ce fût pour nous un grand plaisir et tout un honneur d'expliquer ce qu'est, selon nous, l'opinion de la majorité des Albertains. Nous essayons de régler certaines de ces questions de manière à regagner la confiance de nombreux producteurs albertains. Avec un peu de chance, votre visite ici atténuera certaines préoccupations et, de retour à Ottawa, vous incitera à faire un examen sérieux de nos exposés et à proposer des modifications qui s'imposent.

La question qui me tient vraiment à coeur, cependant, est celle du transport. Selon nous, ces questions sont liées entre elles. On ne fera aucun mal en reportant l'adoption du projet de loi. Commençons par régler les questions de transport, parce qu'elles ont un rapport. Réglons le problème une fois pour toutes parce que, si nous ne le faisons pas tout de suite, quand en aurons-nous à nouveau l'occasion? Combien d'autres agriculteurs délaisseront la culture du grain pour autre chose parce que nous n'aurons pas réussi à améliorer l'efficacité du système?

À nouveau, je vous remercie au nom de ceux qui ont témoigné. Nous vous souhaitons un retour à Ottawa sans anicroche à la fin de vos audiences.

Le président: Je crois comprendre qu'il reste cinq personnes à entendre. Nous devions les entendre séparément, mais nous pourrions les entendre tous ensemble. Il s'agit de Cory Ollika, de Steve Snider, de Ken Stickland, de Louis Berg et d'Ian Bourgeault.

Je demanderais à ces messieurs de s'avancer à la table des témoins, de se présenter et de nous dire où se trouve leur ferme.

M. Ian Bourgeault: Je viens de Morinville, en Alberta. J'y exploite une ferme avec mon fils et son épouse. J'ai actuellement 150 vaches en train de vêler.

M. Steven Snider, fermier: Moi-même, je cultive des produits biologiques dans la région de New Norway, qui se trouve à proximité de Camrose. J'exploite la ferme avec mon père, ma mère et mon frère. Nous avons 23 quarts de section qui sont consacrés à la culture du grain.

M. Cory Ollika, fermier: Je suis céréaliculteur et éleveur de bétail près de Wasetna, en Alberta. J'y exploite la ferme avec mon père.

M. Ken Stickland, fermier: Je suis fermier et consultant en gestion agricole. J'exploite depuis quelque vingt ans une entreprise à partir d'Edmonton, mais comme beaucoup d'autres fermiers de la Saskatchewan, au printemps et à l'automne, je viens travailler à notre ferme de Red Deer. Elle compte 2 200 acres d'orge, de pois, de canola et de blé. J'ai aussi à l'occasion fait de l'élevage de porc.

Dans le cadre de mon travail en tant que consultant, j'ai passé pas mal de temps à examiner des questions d'orientation. De plus, j'ai effectué trois grandes analyses portant sur la Commission canadienne du blé. C'est un sujet qui me tient vraiment à coeur. Je viens tout juste de donner cinq colloques un peu partout dans la province pour aider les agriculteurs à planifier leur survie au cours des deux prochaines années, étant donné le faible cours des produits.

M. Carl Berg, fermier: J'exploite une ferme dans le centre-est de l'Alberta, soit 25 quarts de section, avec l'aide de mon fils et de ma fille. Nous cultivons essentiellement du canola et du blé, par rotation. Nous avons aussi quelques têtes de bétail.

Le président: Messieurs, je vous remercie. Vous avez la parole.

M. Bourgeault: Je n'ai pas apporté de notes aujourd'hui parce que j'ignorais qu'on me demanderait de prendre la parole.

J'ai appelé à la Wheat Growers' Association, hier soir, pour savoir qui serait le porte-parole des producteurs de blé. On m'a répondu qu'il n'y aurait personne. J'ai donc dit que j'aurais quelques remarques à faire.

Je ne tiens pas la commission responsable de tous nos maux; je blâme le gouvernement. Il me semble que, chaque fois que l'agriculteur de l'Ouest fait un peu d'argent, la commission adopte un prix du grain digne des prix en temps de guerre, comme ce fût le cas en 1917 et en 1920.

En 1935, il existait jusqu'à un certain point une sorte de double marché. Puis en 1943, je suppose que le gouvernement a décidé que ce double marché n'était pas très bon, parce que les prix sur le marché libre étaient la plupart du temps supérieurs. Il a donc aboli la bourse des grains et s'y est substitué en tant que dictateur.

C'est alors que nous avons conclu un marché avec le Royaume-Uni. À l'époque, j'étais un jeune homme de 16 ans qui s'en allait travailler aux États-Unis. Mon séjour là-bas m'a ouvert les yeux. J'ai compris que tout ne tournait pas rond au Canada, qu'il n'y avait plus de démocratie, que nous vivions une dictature.

Je n'ai jamais eu la vie facile parce que, depuis 1947, je me bats soit contre la commission soit contre le gouvernement. Je n'étais pas content à ce moment-là, et je ne le suis toujours pas.

Nous avons un libre marché. Si vous souhaitez faire une offre sur du colza, du canola, des pois, je ne crois pas qu'il soit essentiel de passer par la commission, à moins qu'on ne veuille vous soutirer de l'argent. Pourquoi tout dédoubler? Nous apportons nos bêtes jusqu'au marché où des acheteurs nous font des offres. C'est comme ça que j'aime transiger. J'aime la concurrence. Sans concurrence, que sommes-nous?

Quant au Sénat, cinq de ses membres viennent de l'Alberta, une province de près de deux millions d'habitants. J'ignore pourquoi on essaie de tenir l'Alberta à l'écart. Il y a dix membres de la Nouvelle-Écosse au Sénat. Qui décide qui devrait être sénateur?

Le sénateur Spivak: La Constitution.

M. Bourgeault: La Constitution. Parlons-en de la Constitution! Je me souviens de l'introduction, par Trudeau, de la Charte des droits et libertés. Ensuite, on y a ajouté une clause de dérogation. Si vous voulez mon avis, nous n'avons pas de Constitution, parce que chaque fois que le gouvernement souhaite en mettre au pas, en écraser quelques-uns, ceux-ci peuvent invoquer la clause de dérogation. J'ai raison ou non?

Klein s'en est presque servi, et il y a eu tout un tollé.

De plus, quand Klein a essayé d'abaisser de 5 p. 100 le salaire des juges, je suppose que la magistrature a gagné. Voilà de quoi je voulais vous parler, de ce genre de choses. C'est ici que prend fin mon exposé. Si vous avez des questions, j'y répondrai avec plaisir.

Le président: Nous cédons maintenant la parole à Steven Snider.

M. Snider: Je suis un peu intimidé de prendre la parole devant un comité du Sénat, mais je ferai de mon mieux. J'espère que vous avez tous reçu copie de mon mémoire.

Comme je l'ai dit, je suis un producteur agréé de grain biologique. Nous vendons tout notre grain, cultivé sur 1600 acres. Toute notre production est reconnue comme étant biologique. Mes principaux débouchés se trouvent aux États-Unis. Naturellement, je suis souvent en conflit avec la Commission canadienne du blé pour l'exportation de mon grain.

Je vais simplement reprendre les grandes lignes du mémoire que vous avez devant vous. Attaquons pour commencer les renseignements sur les prix. En raison des variations quotidiennes des prix de rachat et l'incertitude qui entoure les paiements provisoires et définitifs, il est extrêmement difficile de donner un prix à un acheteur puisque vous ignorez combien vous allez obtenir.

Quand l'acheteur de grains des États-Unis m'appelle, il faut que j'appelle à la commission du blé pour savoir quel est le prix de rachat de cette journée-là. Quand j'effectue un rachat, bien sûr, des paiements provisoires et définitifs s'y rajoutent. J'ignore où j'en serai à la fin de l'année, en ce qui concerne mon rendement par acre selon le produit vendu. Il me faut donc attendre six, sept, huit, voire neuf mois avant d'être fixé. Il devient difficile de planifier dans un tel contexte.

Les retards. Certains contrats exigent une livraison immédiate. Le rachat et l'obtention du permis d'exportation peuvent prendre entre cinq heures et trois jours. En tant que producteur, je ne peux pas appeler moi-même à la Commission canadienne du blé pour obtenir un permis de rachat. Il faut que je passe par un agent de la commission, par exemple l'Alberta Wheat Pool. Lui-même doit passer par l'administration centrale de Calgary afin de traiter le rachat à un terminal qui se trouve quelque part dans la province. Il obtient un permis d'exportation auprès de la Commission canadienne du blé. Il faut donc franchir bien des étapes avant d'obtenir le permis.

Si un camionneur m'appelle pour me demander s'il peut garer son camion dans ma cour en prévision de son chargement le lendemain, je ne sais quoi lui répondre.

L'intégrité du grain. Il faut identifier nos grains individuellement par numéro de lot et prévenir qu'ils ne soient contaminés par les grains d'autres provenances, ce qui empêcherait leur livraison à un terminal. En Alberta, il n'existe pas de terminaux actuellement capables d'accueillir des grains biologiques. Je ne peux donc pas expédier ou livrer mes grains à ces terminaux. Il faut que je les livre directement au client. Ma production ne cadre donc vraiment pas avec le régime mis en place par la Commission canadienne du blé.

Des personnes compétentes. Je constate un manque flagrant d'agents de grains capables d'effectuer des rachats pour ceux qui cultivent des produits biologiques, à tel point qu'on veut à peine me parler quand j'appelle pour effectuer un rachat. On n'en a tout simplement pas le temps; c'est trop de trouble. Cette transaction ne rapporte pas suffisamment, du moins c'est ce que me disent les agents. De plus, beaucoup d'entre eux ne savent pas comment effectuer des rachats pour un producteur biologique parce que le produit n'est pas livré à un terminal; il faut recourir à un processus tout à fait différent, et beaucoup d'entre eux n'ont pas les programmes informatiques voulus pour effectuer ce genre de transaction.

Le développement du marché. La vente de grains biologiques homologués est effectuée exclusivement par le producteur. La Commission canadienne du blé ne fait rien pour développer nos marchés. Pourquoi, à ce moment-là, faudrait-il que nous contribuions à ce système? La commission a pour mandat de faire la mise en marché. Pourtant, elle n'en fait pas pour nous. Nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous effectuons tout nous-mêmes et, pourtant, nous sommes tenus de contribuer au système et de nous soumettre à ses contrôles.

Les permis d'exportation. Le permis d'exportation n'est valide que pour 30 jours, avec possibilité de prolongation jusqu'à concurrence de 60 jours. Si le client ne prend pas livraison à la fin de cette période, il faut rapporter le grain.

Justement, je peux vous parler d'une situation bizarroïde dans laquelle je me suis moi-même retrouvé. J'ai vendu à contrat trois chargements d'orge à un acheteur américain. Il s'agissait d'orge de brasserie homologuée produite par des moyens biologiques. Il a accepté la livraison de deux des chargements et disposait de six mois pour prendre livraison du troisième. Quand j'ai rédigé le contrat, j'ai effectué le rachat pour les trois chargements en entier, et mon permis était bon pour 60 jours. J'ai téléphoné à la commission du blé qui m'a dit que je devais racheter à nouveau le troisième chargement, ce qui n'est pas juste. À nouveau, voilà une situation unique à laquelle fait face le producteur biologique, où il est laissé pour compte.

Les déductions injustes. Nous versons à la Commission canadienne du blé des frais d'administration de 5 $ par tonne quand nous effectuons un rachat, et il est souvent arrivé que des entreprises exigent des frais de transport, d'entreposage, d'expédition, de manutention et de nettoyage de grains qu'elles n'ont jamais vus. C'est un problème dû au système informatique. Quand j'effectue un rachat du terminal, un montant de 48,36 $, c'est-à-dire la déduction qui a cours par tonne, est retenu d'office sur le chèque. Impossible de changer cela, du moins c'est ce qu'ils disent.

J'ai trouvé un moyen de contourner le système, mais je connais beaucoup de producteurs biologiques qui ont peur de vendre leurs produits aux États-Unis parce qu'ils ne peuvent pas récupérer cette somme. La retenue de frais de 48 ou de 50 $ par tonne élimine complètement votre marge de profit. Selon moi, c'est non seulement inéquitable, c'est du vol, car on n'a jamais même vu, encore moins expédié, nettoyé ou entreposé le produit.

Passons maintenant aux solutions.

La clause d'inclusion est le pire des scénarios. Ne permettez pas que l'on place le reste de nos grains sous le monopole de la Commission canadienne du blé. Actuellement, je peux vendre mon seigle, mes pois et mon avoine comme bon me semble, et la transaction est très simple. Le blé et l'orge me donnent beaucoup plus de fil à retordre, et je ne voudrais pas être obligé de passer par là pour vendre le reste des grains.

Les rachats directs. Actuellement, tous les rachats doivent passer par un agent de la Commission canadienne du blé. Si nous pouvions effectuer nos rachats directement de la commission, cela simplifierait et accélérerait le processus.

Exempter les grains biologiques homologués et les semences homologuées peuvent être exportées sans rachat. Le processus d'inspection des semences et celui des grains biologiques homologués sont presque identiques. Pourquoi ne pas exempter aussi les grains biologiques?

Nous sommes aussi des producteurs de semences canadiens. Certains de nos produits sont exportés en tant que semences canadiennes. J'ai un peu d'orge -- exactement la même orge brassicole dont il était question tout à l'heure et qui a été expédiée à un acheteur des États-Unis. C'est aussi de la semence de fondation. Si l'acheteur avait pu l'acquérir en tant que semence, le rachat ne m'aurait pas coûté 10c.; toutefois, comme il l'a acheté sous forme d'orge brassicole, l'exportation m'a coûté, si j'ai bonne mémoire, 53c. par boisseau. Je lui ai dit: «Si vous achetez l'orge sous forme de semence, je vous la vendrai 50c. moins cher». Il tenait cependant à demeurer honnête. Il ne voulait pas tricher. Il a donc dit: «Je vous obtiendrai un permis, et nous verrons à partir de là».

Si les producteurs de semences ont le statut de producteurs spéciaux, pourquoi pas nous? Nos produits sont inspectés. Nous tenons un carnet de notre production. Les deux productions présentent beaucoup de similitudes, et pourtant seuls les producteurs de semences sont exclus du système.

En guise de conclusion, au sein d'une société libre et démocratique, le gouvernement a pour tâche de créer un climat favorable à des échanges commerciaux justes et équitables, non pas de monopoliser et de contrôler le commerce. Si je ne peux pas livrer concurrence aux autres producteurs en me soumettant aux mêmes règles qu'eux, ma présence dans ce secteur d'activité n'est pas justifiée.

J'ai assisté, il y a quelque temps de cela, à une réunion où un producteur des États-Unis a fort bien résumé la situation. Il a dit: «Quand je pense aux producteurs de grain du Canada, l'image qui me vient à l'esprit, c'est celle d'un panier d'écrevisses. Il n'est pas nécessaire de mettre un couvercle sur un panier d'écrevisses, parce que dès que l'une d'entre elles essaie de se glisser hors du panier, les autres la rattrapent.» Je veux tout simplement sortir de ce panier.

Le président: Nous allons maintenant entendre Cory Ollika.

M. Ollika: Je tiens à remercier le comité d'être venu dans l'Ouest pour entendre nos vues sur le projet de loi C-4. Je suis un jeune agriculteur et la Commission canadienne du blé représente à mes yeux une option sensée de même que la stabilité financière pour mon exploitation agricole et ma communauté. Je ne suis pas un agriculteur biologique, mais je travaille avec plusieurs personnes qui pratiquent cette forme de culture.

La mise en commun des prix, le point de vente unique, la commercialisation, le partenariat financier avec le gouvernement fédéral sont tous des éléments qui font de la Commission un outil de gestion des risques idéal. Il importe de souligner que chaque fois que les décisions de la Commission sont contestées, la majorité des agriculteurs lui témoignent leur appui. Des études sérieuses et fiables ont démontré que les agriculteurs, grâce à la Commission, touchent 265 millions de plus par année que s'ils vendaient eux-mêmes leur grain. La Commission, dont l'efficacité est solidement établie, bénéficie de l'appui d'un très grand nombre d'agriculteurs. Son mandat ne doit être affaibli d'aucune façon.

Il y a une minorité d'agriculteurs de même que des groupes d'intérêts particuliers, comme la National Citizens' Coalition et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui proposent des changements à la Commission, changements qui s'attaquent aux piliers mêmes de la Commission que la grande majorité d'agriculteurs soutiennent.

En ce qui concerne les dispositions d'inclusion, étant donné, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, que la liberté de choix est importante, l'article 47.1 décrit un processus en vertu duquel les producteurs peuvent décider de façon démocratique d'inclure des grains dans le champ de compétence de la Commission. Le gouvernement libéral s'est engagé à remettre la Commission, de même que le pouvoir d'inclure des grains, entre les mains des producteurs, de sorte qu'il s'agit là d'un amendement utile. On pourrait l'améliorer en permettant aux organisations agricoles provinciales et nationales de participer au processus d'inclusion.

Le comité devrait se méfier des groupes qui prétendent représenter les agriculteurs et qui tentent de les priver d'un droit démocratique en proposant l'élimination du mécanisme d'inclusion ou en affaiblissant le contrôle qu'exercent les agriculteurs sur ce mécanisme. Si ces groupes représentent vraiment les intérêts de nombreux agriculteurs, je ne vois pas pourquoi ils craignent le pouvoir démocratique qu'ont les agriculteurs d'inclure des grains dans le champ de compétence de la Commission.

Quelqu'un aujourd'hui a évoqué le fait qu'il pourrait y avoir une baisse des investissements et de la valeur ajoutée. Je ne crois pas que cela risque de se produire. J'ai parlé à certains membres de l'industrie de la trituration du canola et d'après eux, le fait d'assurer un approvisionnement régulier par l'entremise d'un point de vente unique profiterait à l'industrie.

De toute façon, les transformateurs réalisent un rendement allant de 17 à 20 p. 100, tandis que les agriculteurs, eux, réalisent depuis toujours un rendement qui atteint 1 ou 2 p. 100. Voilà pourquoi je veux pouvoir compter sur un point de vente unique et efficace qui m'aidera à obtenir le rendement le plus élevé possible.

En ce qui concerne l'obligation de rendre des comptes, les administrateurs élus doivent, bien entendu, être comptables aux producteurs et ce, de deux façons -- et je pense que c'est un point que nous avons négligé d'aborder plus tôt. D'abord, ils doivent, et il faut le clarifier dans le projet de loi, rendre des comptes directement aux producteurs par le truchement d'élections; deuxièmement, la société d'État connue sous le nom de la Commission canadienne du blé doit rendre des comptes aux agriculteurs et à tous les Canadiens par l'entremise du Parlement du Canada.

En ce qui concerne le rajustement du prix initial, le partenariat entre le gouvernement fédéral et les agriculteurs, en ce qui concerne les prix garantis par la Commission, les ventes à crédit et les plans d'emprunt, permette aux agriculteurs d'économiser 60 millions de dollars par année. Le projet de loi C-4 supprime les garanties gouvernementales qui s'appliquent au rajustement du prix initial. Comme cette pratique n'a jamais entraîné de déficit pour la Commission, elle devrait effectivement être abrogée.

Pour ce qui est des achats au comptant, ils compromettent la mise en commun des prix, un système que les agriculteurs ont acquis de haute lutte et qu'ils continuent d'appuyer. L'utilité de l'article 39.1, qui autorise les achats au comptant, est douteuse. De plus, cette disposition apporte une solution dangereuse à un problème auquel la Commission est rarement confrontée, la valeur ajoutée du grain. Elle devrait donc être supprimée.

J'aimerais maintenant vous parler de la flexibilité de la Commission canadienne du blé -- parce que, encore une fois, la liberté de choix est importante. Nous avons beaucoup entendu parler de liberté de choix. Comme l'a dit l'intervenant qui est assis à l'extrême gauche, l'expérience canadienne prouve que la double commercialisation tient de l'utopie. Ce système n'a pas fonctionné quand il a été mis en place dans les années 30, et ne fonctionnera jamais. Nous devons tirer des leçons du passé et ne pas répéter cette erreur.

Il est inutile aussi de créer une commission à participation volontaire, car elle ne rendra pas le régime de commercialisation plus flexible. Le programme de rachat qui existe déjà constitue une excellence option de commercialisation. Le gouvernement de l'Alberta a publié un guide très détaillé à ce sujet. Le programme est tout à fait légal pour ce qui est du grain qui est exporté aux États-Unis. Ensuite, comme l'a indiqué l'intervenant assis à ma gauche, ce programme, même s'il a souvent besoin d'être rationalisé et peaufiné, offre le meilleur des deux mondes puisque le grain transféré par l'entremise de l'option de rachat demeure dans le système de mise en commun. Par conséquent, le programme de rachat n'affaiblit pas le pouvoir global de commercialisation dont jouissent les agriculteurs par l'entremise de la Commission.

Si un agriculteur peut réaliser des profits plus élevés grâce au programme de rachat, tant mieux pour lui. S'il essaie de pénétrer un marché à créneau en vendant son produit à un prix moins élevé, il va continuer de réaliser des profits grâce aux ajustements de fin de campagne qu'il recevra via le régime de mise en commun. En résumé, la Commission offre déjà flexibilité et liberté de choix aux agriculteurs, deux composantes qui pourraient être améliorées, tout en défendant les intérêts des agriculteurs sur le marché international. Il faudrait renforcer ces dispositions.

Vous savez sans doute que le Groupe d'experts sur la mise en marché du grain de l'Ouest a effectué un sondage auprès de nos clients internationaux. Ces derniers sont étonnés de la qualité constante du produit qu'ils reçoivent. Il ne suffit pas d'avoir de l'orge ou du blé pur en emballages de 60 livres pour conclure que ce blé est de catégorie numéro un. On comprend pourquoi le système américain montre des défaillances au chapitre de la qualité.

Nos clients internationaux sont également fort impressionnés par la fiabilité du service de livraison offert par la Commission canadienne du blé. Or, comme nous sommes bien desservis par la Commission à l'échelle nationale, il est préférable de réglementer le duopole ou le monopole qu'exercent les compagnies de chemin de fer canadiennes.

La seule chose que nos clients internationaux n'aiment pas au sujet de la Commission, c'est que le prix du grain est trop élevé. Donc, pour les agriculteurs de l'Ouest canadien, la Commission fait de l'excellent travail.

Pour conclure, j'aimerais tout simplement dire que nous aurions tort de permettre à une minorité d'agriculteurs et à certains groupes d'intérêts particuliers qui veulent affaiblir la Commission, de parvenir à leur objectif en adoptant des amendements ou un projet de loi qui compromet le régime de mise en commun des prix, les partenariats avec le gouvernement, les garanties et le contrôle démocratique qu'exerce l'agriculteur sur la Commission canadienne du blé.

La majorité des agriculteurs ont démontré qu'ils sont en faveur d'un organisme de commercialisation qui agit comme point de vente unique. Ils sont conscients et satisfaits des choix et de la flexibilité qu'offre la Commission.

Le président: À l'ordre! Nous allons passer au prochain témoin, Ken Stickland.

M. Stickland: Je ne vais aborder que les points mentionnés dans les cinq ou six premières pages de mon mémoire, et vous renvoyer aussi à l'annexe, qui donne les résultats d'une étude que j'ai réalisée au cours des deux ou trois dernières années sur l'orge. De manière générale, le projet de loi accorde peu d'importance à cette culture alors qu'il contient des dispositions uniques qui pourraient s'y appliquer.

Le mémoire que je vous présente aujourd'hui s'inspire en partie de l'expérience que j'ai acquise au cours des 12 dernières années, période durant laquelle j'ai collaboré avec des agriculteurs -- y compris ceux de Red Deer -- afin d'essayer de déterminer quels produits il convient de cultiver, quand fixer le prix, et comment travailler avec la Commission tout en gérant les risques. En effet, les risques, surtout depuis l'adoption de l'accord du GATT en 1995, ont sans doute doublé pour les producteurs de grain des Prairies.

Seulement 15 p. 100 du revenu net de notre exploitation, qui est une ferme céréalière, provient de la Commission. Alors ne laissez personne, qu'il soit ou non en faveur de la Commission, convaincre ceux d'entre vous qui n'êtes pas des Prairies, que la Commission canadienne du blé est aussi puissante et monolithique qu'elle semble l'être. Elle est relativement peu présente dans certaines régions des Prairies. Pour de nombreuses exploitations, elle ne compte qu'entre 10 et peut-être 30 ou 40 p. 100 du revenu brut, même si l'agriculteur pratique également l'élevage de vaches ou de cochons, ce que nous ne faisons pas.

Enfin, avant de passer à l'essentiel, j'aimerais vous dire que, depuis cinq ans, je consacre mon temps aux cultures à valeur ajoutée. Je me suis longuement occupé du dossier du taux du Nid-du-Corbeau, qui a été modifié, et il s'ensuit que vous devez produire d'autres cultures à valeur ajoutée comme solution de rechange au grain. Mes propos aujourd'hui s'inspirent de diverses expériences auxquelles j'ai participé. J'ai moi-même investi de l'argent dans des usines de transformation, et ma famille a investi récemment environ un quart de million de dollars pour installer une usine de transformation de pois sur notre exploitation.

D'abord, j'aimerais faire quelques commentaires généraux.

Si vous voulez des données précises sur l'orge, vous trouverez à l'annexe A un tableau qui résume les grandes lignes d'une étude que j'ai effectuée pour le Groupe d'experts sur la mise en marché du grain de l'Ouest, dont vous avez sûrement vu le rapport. Le groupe a décidé à la dernière minute de se pencher sur la culture de l'orge. Nous avons donc été embauchés à la fin de mars pour effectuer une tournée rapide de six semaines. J'ai fait beaucoup de recherches sur la culture de l'orge en Alberta, et j'ai passé beaucoup de temps en Saskatchewan et au Manitoba à essayer de comprendre les problèmes auxquels font face les agriculteurs de ces provinces.

J'ai préparé un résumé de cette étude à l'annexe C, le rapport lui-même étant un peu trop volumineux.

Je vous renvoie à l'onglet 2, page 2, de mon mémoire. Je me suis rendu compte, en effectuant cette étude, que je suis devenu plus sage avec l'âge, car quand vous franchissez le cap des 50 ans, comme je l'ai fait récemment, les choses commencent à se répéter. En effet, j'ai constaté que, si on sépare les intervenants en deux groupes, il y a d'un côté ce que j'appelle les agriculteurs du groupe A, et de l'autre, les agriculteurs du groupe B, et que certains agriculteurs ont été amenés à faire partie du groupe B pour des considérations d'ordre commercial, et que d'autres ont été amenés à faire partie du groupe A pour des raisons d'ordre psychologique -- comme le type d'exploitation familiale et agricole.

Je fais sans doute partie du groupe A, mais j'ai appris, depuis que je cultive de l'orge de brasserie, à respecter l'opinion du groupe B. Le fait de faire partie du groupe B ou du groupe A n'a rien de particulièrement positif ou négatif. Toutefois, si vous avez déjà subi le test Myers Briggs, vous allez savoir si vous êtes un extraverti ou un introverti.

Je vais essayer de vous expliquer comment on peut, au moyen des contrats et autres outils, assurer, comme l'a dit plus tôt le président, la liberté de choix et faire en sorte que l'agriculteur du groupe B est protégé, peut utiliser le système de commercialisation de son choix et faire fi de la Commission canadienne du blé. Il nous faut des gagnants des deux côtés, conclusion à laquelle je suis arrivé quand j'ai effectué cette étude.

Les agriculteurs du groupe B sont bien respectés et leurs intérêts sont protégés par le projet de loi C-4. Toutefois, si vous êtes un agriculteur du groupe A, et j'ai l'impression que vous en avez entendu beaucoup aujourd'hui, les nouvelles sont plutôt mauvaises.

Lorsque je me suis penché sur la question de la gestion des exploitations agricoles, notamment dans l'est de la Saskatchewan, et il y a eu quelques colloques à ce sujet cet hiver, et l'ouest du Manitoba, j'ai constaté qu'il y a de plus en plus d'agriculteurs de ces régions qui, en raison des changements apportés aux tarifs-marchandises, joignent les rangs du groupe A. Or, si les dispositions du projet de loi C-4 s'inspirent des principes défendus par le groupe B -- rejet du système de commercialisation, changements modestes apportés à la Commission canadienne du blé -- elles ne tiennent pas compte de la situation qui prévaut dans le secteur agricole.

D'autres avant vous se sont intéressés à cette problématique. Jean-Luc Pépin et Otto Lang par exemple, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à quelques reprises au fil des ans, ont essayé d'accroître l'autonomie des agriculteurs, un principe que défendent les membres du groupe A, et de réduire leur dépendance à l'égard du gouvernement.

Passons à l'onglet suivant. Le projet de loi accorde trop d'attention au blé et pas assez à l'orge, qui relève de la compétence de la Commission depuis 1949. À l'annexe D figure une fiche technique que j'ai rédigée une fois l'étude terminée et qui devait servir de guide aux agriculteurs, y compris moi-même, au moment du vote -- et le vote organisé par le gouvernement fédéral il y a un an laissait beaucoup à désirer. J'ai essayé notamment d'analyser l'impact des décisions de la Commission canadienne du blé sur les exploitations agricoles individuelles.

Vous allez trouver, à la page 2-A, une carte des Prairies. Elle porte le numéro 4-A et indique le pourcentage d'orge et de blé qui est cultivé.

Si l'on jette un coup d'oeil sur les parties en clair, on remarque que 10 p. 100 de la superficie est consacrée à la culture de l'orge. On voit ici le sud de la Saskatchewan et du Manitoba. Dans les parties plus foncées, entre 11 et 20 p. 100 de la superficie est consacrée à l'orge. Peace River se trouve dans le coin supérieur gauche. Dans l'ensemble du nord de la Saskatchewan, entre 11 et 20 p. 100 de la superficie est consacrée à la culture de l'orge. Jetons maintenant un coup d'oeil sur l'Alberta. Dans le coin inférieur gauche, soit la région 3 de l'Alberta, plus de 50 p. 100 de la superficie -- je crois que c'était en 1994 -- est consacrée à l'orge. Plus au nord, c'est entre 21 et 30 p. 100 de la superficie qui est consacrée à la culture de l'orge. Les agriculteurs de l'Alberta sont donc inquiets.

Les résultats les plus inquiétants pour moi figurent à la page 2-B. Les producteurs d'orge brassicole se sont inspirés de l'expérience de la Saskatchewan, qui faisait état d'un rendement élevé. La légende dans le coin gauche montre que, dans les parties plus foncées, entre 60 et 80 p. 100 de l'orge qui est cultivée est utilisée à des fins brassicole. À Kindersley, en Saskatchewan, et dans d'autres régions de la province, c'est le genre de rendement qu'obtiennent les agriculteurs qui cultivent de l'orge.

Entre 20 et 80 p. 100 de l'orge cultivée en Saskatchewan est utilisée à des fins brassicole. Toutefois, en Alberta, sauf pour la région 2, ce pourcentage est inférieur à 10 p. 100. L'orge qui est cultivé est essentiellement de l'orge fourragère. La Saskatchewan et le Manitoba, mais la Saskatchewan en particulier, cultivent surtout de l'orge de brasserie, de sorte que vous vous retrouvez avec des agriculteurs qui produisent de l'orge de brasserie en Saskatchewan, et des agriculteurs qui produisent de l'orge fourragère en Alberta.

Le président: Est-ce que l'orge fourragère cultivée en Alberta donne un rendement plus élevé que l'orge brassicole?

M. Stickland: De manière générale, l'industrie des aliments du bétail préfère les grains plus gros et les variétés à deux rangs. Dans certains cas, les agriculteurs vont cultiver du Harrington et accepter une baisse de rendement pour pouvoir vendre du grain sur les deux marchés. Toutefois, dans notre exploitation, nous nous consacrons aux variétés à rendement élevé et nous produisons 85 boisseaux d'orge fourragère, en utilisant de l'orge à deux ou à six rangs.

Vous allez trouver, un peu plus loin, deux cartes qui vous indiquent où est acheminée l'orge fourragère, et on peut le voir sur la première carte. Vous allez noter les lignes plus foncées qui se dirigent vers le sud et l'ouest, en Alberta, et de plus en plus vers l'est, à Winnipeg et à Portage la Prairie.

La quantité d'orge fourragère acheminée depuis l'ouest du Manitoba jusqu'à Lethbridge est très limitée. Il y a très peu d'orge qui est acheminée en Californie. Les exportations d'orge fourragère de la Commission ont chuté à un million de tonnes. La Commission n'exporte pas beaucoup d'orge fourragère. Cette année, ses exportations d'orge brassicole vont atteindre 2,2 millions de tonnes, tandis que ses exportations d'orge fourragère vont s'élever à un million de tonnes au plus. Au cours des dernières années, ses exportations atteignaient deux ou trois millions de tonnes. Le marché d'orge fourragère représente, à lui seul, de 9,5 à 10 millions de tonnes.

Sur la carte du bas, vous pouvez voir la différence entre l'orge à six rangs et l'orge à deux rangs. Les lignes pleines représentent l'orge brassicole à deux rangs, habituellement destinée aux usines de transformation des Prairies ou à l'exportation, vers la Chine essentiellement. Les lignes hachurées représentent l'orge à six rangs, destinée aux malteries du Manitoba ou des États-Unis, auquel cas il s'agit en général d'orge blanc à six rangs. Il y a une grande différence entre l'orge à six rangs et l'orge à deux rangs.

Il y a un léger malentendu à propos de ce dont nous parlons. Nous ne parlons pas du blé, mais de l'orge, telle que visée par la Loi.

De plus en plus, il semble que la Commission du blé ne convienne malheureusement pas aux commerçants de grain fourrager et ce qui m'inquiète -- car la Loi ne retient pas les bons éléments de ce rapport -- c'est que la controverse va se poursuivre et affaiblir la Commission; si vous voulez, on ne fait pas ce qu'il faut pour l'orge brassicole. Ils s'en tirent assez bien en ce qui concerne l'orge brassicole.

Cette année, par exemple, mes clients peuvent vendre leur orge de printemps à Edmonton 30 $ la tonne, soit 65 sous le boisseau de plus que l'équivalent de l'orge fourragère expédiée à la Commission du blé. Je peux vous dire que la Commission du blé ne recevra absolument pas d'orge fourragère.

Le marché de l'Arabie saoudite qui, avec celui du Japon, représente le principal marché de la Commission du blé, est en train de se rétrécir; en effet, il est de plus en plus desservi par l'Europe de l'Est, si bien que les exportations d'orge fourragère de la Commission perdent de leur importance. Ceci étant, vous auriez pu décider d'exclure complètement l'orge fourragère du projet de loi.

Passons au point suivant. Dans les dernières pages de mon mémoire, j'essaye de rejeter l'idée que la Commission du blé crée un prix maximum. Le prix maximum de l'orge brassicole est de 43 $ environ la tonne métrique. En Australie, aux États-Unis ou en Europe, un grain très pur, très renflé se traduit par un prix maximum de 40 à 43 $ canadiens la tonne. S'il y a un écart de 48 $ entre l'orge fourragère et l'orge brassicole, c'est essentiellement en raison de la nature de l'orge, et non à cause de la Commission du blé. J'essaie de prouver que la Commission du blé abaisse le prix du grain fourrager à cause des signaux de prix qu'elle donne. John Prentice vous a d'ailleurs dit qu'il est très heureux de nourrir les bovins dans cette province ou dans tout endroit où la Commission du blé abaisse le prix de l'orge fourragère. Tout bénéfice découlant de l'orge brassicole est réalisé aux dépens de l'orge fourragère.

Ce prix maximum est donc en grande partie un rabais; comme nous produisons surtout de l'orge fourragère, nous ne sommes pas très contents, car selon nous, cela équivaut à 17 millions de dollars par an de perte pour l'orge. Je ne parle pas ici des mesures positives prises par la Commission pour le blé.

Au milieu de la page 3, je parle de la gestion des risques. J'ai tout de suite compris que la Commission du blé avait des problèmes lorsqu'elle a commencé à me demander de l'aider. Ce que nous pouvons faire pour le canola, nous pouvons le faire également pour l'orge, pour le lin. Il faut gérer les risques. Nous ne pouvons pas nous permettre de traiter avec des gens sur lesquels on ne peut compter. On ne peut se présenter à la banque si l'on n'a pas de plan.

En 1990, nous avons commencé à faire de la recherche et à acquérir de l'expérience pratique en utilisant des outils américains et certains outils canadiens de gestion des risques, surtout pour le blé de printemps des Prairies canadiennes, le blé fourrager; nous les avons utilisés dans notre exploitation en 1966, lorsque M. Jackson, qui vous a parlé un peu plus tôt, faisait une grève de la faim. Il se servait en fait de nos techniques pour vendre du blé de deux façons. Notre exploitation vendait du blé de deux façons et cherchait à obtenir des prix élevés.

Si je connais bien la situation, c'est parce que j'ai participé à l'étude sur l'orge à ce moment-là. La Commission du blé en tant que courtier au comptant ne vendait pas de blé, alors que le marché battait de son plein; elle a dû fermer Prince Rupert et à la fin juillet, faire un report d'un million de tonnes de plus que ce que l'on aurait pu justifier.

La gestion des risques signifie que l'on essaye de profiter du prix lorsqu'il est élevé. Cela peut se produire en janvier, en avril, en juillet, mais le secret, c'est qu'il faut en profiter. Cela peut bien sûr se faire par l'entremise des autres systèmes de commercialisation et aussi par celle de la Commission du blé. En vertu de la Loi, elle dispose d'un outil et demi sur les quatre, et je dois vous dire qu'à mon avis, c'est un bon élément du projet de loi C-4, mais que tout cela est très complexe et coûte cher. Cela fait l'affaire des consultants, mais certainement pas celle de mes agriculteurs. Ils préféreraient que la Commission du blé se modernise, qu'elle opte pour des options sur contrats à terme et qu'elle simplifie le tout en fixant un prix plancher ou autre chose dans les contrats.

Il a été question plus tôt de savoir si on obtiendrait de bons résultats sous le régime d'un double système de commercialisation ou en donnant une liberté de choix aux producteurs; j'aborde la question dans les solutions de rechange 2 -- et dans une moindre mesure 6 et 7 -- que je propose dans mon étude. Cela figure en annexe, je crois que c'est C, le résumé; cela permettrait de protéger la Commission du blé et les agriculteurs du groupe B. Dans notre exploitation agricole, nous signons un contrat de vente de 50 p. 100 du blé que nous cultivons et nous serions prêts à commencer dès le 1er mai si bien qu'à l'automne, toute la récolte serait vendue par contrat à la Commission; il s'agit ici de n'importe quelle céréale. L'année suivante, il se peut que nous ne lui en vendions pas. En octobre, il se peut que nous lui en vendions 25 p. 100, ce qui donnerait un total de 75 p. 100 de notre production de blé, les 25 p. 100 restant étant vendus à notre guise.

À la page 4, je parle de certains points comme la gestion des risques et le conseil d'administration; à mon avis, le choix du président est loin d'être parfait; il devrait selon moi être choisi par le conseil. Contrairement à ce qu'a dit le représentant du gouvernement provincial, je crois qu'un fonds de réserve est essentiel, car si la Commission fait des opérations au comptant, il y a des risques qu'il faut couvrir par des avoirs ou par un fonds de réserve.

À la page 5, j'examine les quelques changements. Tout d'abord, supprimez les dispositions relatives à l'inclusion et à l'exclusion. L'inclusion ou l'exclusion est un choix politique; à moins de modifier en profondeur le mandat de la Commission -- chose que vous devriez faire, selon moi, pour qu'elle soit responsable à l'égard des agriculteurs et non à l'égard du Parlement du Canada -- et de décider que le conseil d'administration est responsable à l'égard non pas de la Commission mais des agriculteurs, on ne pourra jamais obtenir d'exclusion. En effet, en raison de l'obligation fiduciaire du conseil d'administration, on tend à vouloir conserver toutes les fonctions prévues; par conséquent, le président serait en conflit d'intérêts si l'organisation décidait d'exclure le blé de printemps des Prairies canadiennes ou le blé extra-améliorant du mandat de la Commission. Il ne serait pas possible de prendre légalement une telle décision, selon moi.

Point 2. Il est très important que la Commission offre des contrats à livrer, lesquels doivent être visibles et disponibles en tout temps. Le concept du point de vente central présente un inconvénient en tant que principe, au plan de la concurrence, mais il y a malgré tout quelques points positifs. Je préférerais avoir des contrats à livrer, plutôt qu'aucun, surtout pour le blé.

Point 3. Révisez les objectifs de manière à indiquer qu'il s'agit essentiellement de maximiser, même si je n'aime pas trop ce mot, monsieur le président, maximiser les rendements ou les rendements nets des producteurs d'orge et certainement ceux des producteurs de blé.

En ce qui concerne le Canada en général, je crois que les tribunaux nous disent très clairement que la Commission est responsable à l'égard du gouvernement fédéral.

Le président: Monsieur Stickland, pouvez-vous résumer vos points, par égard pour les autres.

M. Stickland: Au point 4, je propose que la législation provinciale précise les responsabilités du conseil d'administration, car les lois provinciales sur la commercialisation des produits agricoles et les offices de commercialisation du porc ou de la volaille visent clairement à améliorer le revenu net des agriculteurs. D'après ce que je comprends, la structure proposée de la Commission du blé ne le permettra pas.

Je préférerais que l'orge, surtout l'orge fourragère, n'en fasse pas partie, mais si vous l'englobez, apportez ces changements car franchement, nous sommes nombreux à en avoir assez de toutes ces affaires judiciaires. Il est temps de passer à une bonne loi.

Comme le transport est étroitement lié à la commercialisation -- je n'en parle pas dans mon mémoire écrit, mais c'est une idée qui me plaît énormément -- si vous examinez la solution de rechange 2, vous voyez que pour des raisons de transport, je pense que la Commission devrait pouvoir acheter l'orge au port. Il faudrait légèrement modifier la loi. Le projet de loi C-4 ne marchera pas bien si le juge Estey décide de transférer la gestion au port; c'est donc assez bien fondé.

Le président: Nous passons maintenant à M. Berg.

M. Berg: Je m'appelle Carl Berg et je me demande si tout le monde a reçu copie de mon article. J'ai essayé d'être bref et précis. Je vais simplement le lire.

En novembre 1995, les agriculteurs de l'Alberta ont voté en faveur d'un double système de commercialisation -- 62 p. 100 blé et 66 p. 100 orge. Si vous pensez que ce pourcentage est moins élevé aujourd'hui, vous vous trompez. Nous n'essayons pas d'éliminer la Commission du blé, mais nous sommes décidés à regagner notre liberté pour avoir la possibilité de choisir comment et où nous voulons commercialiser nos céréales.

Ces dernières années, de plus en plus d'agriculteurs considèrent que leurs droits et leur liberté de choix sont bafoués, puisqu'ils sont obligés de subir un monopole qui leur confisque systématiquement tous leurs gains. Aucun autre agriculteur ou travailleur, au Canada ou ailleurs dans le monde libre, n'est assujetti à une telle tyrannie. Si j'emploie ce terme, c'est parce que je n'ai pas pu en trouver de meilleur. C'est assez dramatique.

Les offices de commercialisation qui réglementent les quotas seulement, comme les offices de commercialisation du bétail, ne peuvent absolument pas se comparer à la Commission canadienne du blé. Comme vous le savez, c'est par la force et l'intimidation que ce monopole est maintenu.

Autre point -- et c'est mon avis -- on nous refuse délibérément toute information au sujet des cours mondiaux des céréales. N'importe qui peut calculer que nous recevons constamment de 40 à 80 sous par dollar. C'est une marge assez large; si vous ne me croyez pas, faites les calculs.

Le blé roux vitreux de printemps est le blé dont la valeur meunière est la plus élevée au monde; il est coté en moyenne à 7,50 $ à la Bourse de Vancouver. On peut le vérifier d'après les prix du ministère albertin de l'Agriculture et il s'agit d'une moyenne pour cette année.

Le prix initial au silo est d'environ 3 $; après les déductions de fret, il nous manque près de 3,20 $ par boisseau de blé; je parle de la cote du blé protéique 12,5 numéro 1-RS qui, soit dit en passant, est le seul prix coté. Si vous essayez de trouver la cote d'une autre céréale protéique, bonne chance, car je n'y suis pas encore arrivé, alors que j'y travaille depuis deux ans.

Par comparaison, les agriculteurs européens reçoivent des subventions équivalant à 5,40 $ canadiens pour le blé de mouture, équivalant à un blé roux vitreux d'hiver, coté à 4,75 $ canadiens au Kansas. Après les rajustements pour le fret et la qualité, et je viens juste d'essayer de faire ces calculs -- je ne dis pas que les cours du blé sont exacts -- vous pouvez le constater d'ailleurs dans cette lettre de Christine Anderson qui parle d'environ 198 $ la tonne -- il n'est pas possible de préciser exactement les cours mondiaux du blé, mais après les rajustements pour le fret et la qualité, on arrive à près de 2,35 $ de moins le boisseau de blé, ce qui est environ 1,25 $ de plus que le blé roux vitreux d'hiver européen; au bout du compte, on arrive à une perte de 3,60 $ le boisseau par rapport aux agriculteurs européens. Le blé fourrager de Winnipeg est coté 1,20 $ de plus que notre blé roux vitreux de printemps protéique. C'est révélateur.

Comment peut-on soutenir la concurrence à l'échelle internationale dans de telles conditions? Beaucoup d'agriculteurs font faillite; les autres tirent le diable par la queue et essaient de sortir de la culture du blé; je suis l'un d'eux. À quoi cela sert-il de cultiver du blé qui vaut 3 $?

L'amélioration foncière de notre pays est un autre problème. Personne n'a l'argent pour s'en occuper et c'est un gros problème qu'il va falloir régler; jusqu'à présent, aucune amélioration foncière n'a été réalisée -- les agriculteurs ne peuvent pas se le permettre, le gouvernement ne s'en occupe pas, si bien que personne ne s'en charge.

J'aimerais simplement ajouter que les prix peu élevés de la Commission canadienne du blé abaissent en fait les prix intérieurs d'un montant comparable. En d'autres termes, si le prix de la Commission canadienne du blé est inférieur de 2 $ par rapport aux cours mondiaux, nos prix intérieurs diminuent d'autant. C'est parfait pour nourrir le bétail.

Cette perte de revenu touche uniquement les céréaliculteurs, pas les sénateurs, personne d'autre, sauf nous. Par comparaison, les producteurs de bétail, les sociétés céréalières, les consommateurs, tous les autres, profitent des prix peu élevés. Il n'est pas surprenant que beaucoup font tout pour maintenir le monopole de la Commission canadienne du blé.

Le projet de loi C-4 est, selon moi, un obstacle de plus. C'est un autre paravent, une diversion, une façon de gagner du temps. Bientôt, nous dit-on, nous allons pouvoir élire des agriculteurs qui contrôleront la Commission canadienne du blé; ce que je réponds, c'est que si c'est le cas, nous commencerons par casser le monopole.

Le président: Merci, monsieur Berg.

Le sénateur St. Germain: Le ministre de l'Agriculture nous a parlé aujourd'hui de certaines anomalies au Japon, ce pays achetant du blé en Australie, car il ne pouvait acheter le nôtre; monsieur Ollika, il semble que ce soit tout le contraire de ce que vous avancez. Comment concilier les deux arguments?

M. Ollika: Si le comité le veut bien, je pourrais vous transmettre une copie du rapport du Groupe d'experts sur la mise en marché du grain de l'Ouest au sujet des clients internationaux. Je ne l'ai pas annexé, car je pensais que vous l'aviez déjà; il y a bien sûr des anomalies et je ne suis pas en désaccord avec le ministre provincial; on retrouve des anomalies dans tous les systèmes, tout comme sur le marché libre.

Ce que je veux dire, c'est que depuis qu'existe la Commission canadienne du blé, nos clients sont toujours extrêmement satisfaits de la qualité de notre produit, de la régularité de nos livraisons, de tout en fait, à l'exception des prix. Je ne peux pas parler d'anomalies particulières, car on en retrouve dans tous les systèmes.

Le sénateur St. Germain: On nous a dit que souvent les céréales ne sont pas vendues, parce que ce ne sont pas les bonnes céréales qui se trouvent dans les silos de Vancouver et que donc les commandes se perdent. Je ne fais que répéter ce qui a été dit, car je n'ai pas de renseignements directs. On arrive à des situations où un marché existe et où on ne peut pas le desservir à cause d'une certaine mentalité axée sur le transport des céréales plutôt que sur leur commercialisation, leur vente au prix le plus fort pour les agriculteurs.

M. Ollika: Je suis d'accord. Le fait est que la Commission canadienne du blé a un rôle important à jouer en matière de transport des céréales et d'attribution des wagons, mais ce n'est pas tout. Il faut prendre en compte les sociétés céréalières, les chemins de fer. Je ne serais absolument pas prêt à refiler tous ces problèmes et anomalies à la Commission canadienne du blé. Il faut examiner de près tous les autres intervenants et cela pourrait motiver le report du projet de loi C-4. Le juge Estey aura beaucoup à dire, lorsqu'il aura examiné toutes les données sur l'ensemble du système.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Snider: Je trouve leur analyse des acheteurs assez intéressante en ce qui concerne la Commission canadienne du blé et le système de commercialisation mondial. Je fais le commerce de céréales avec d'autres pays et si je me mettais dans la peau d'un vendeur, et je cotais mes acheteurs, je suppose que celui qui obtiendrait la meilleure cote serait celui qui me donne le meilleur prix pour la meilleure qualité. Lorsqu'ils disent que la Commission canadienne du blé se classe au premier rang, c'est de toute évidence parce que nous lui fournissons le meilleur grain au monde au prix le meilleur marché qu'ils peuvent obtenir.

M. Stickland: J'ai lu cette étude et j'ai un certain respect pour son auteur. Je ne me rappelle pas les détails, mais l'élément clé est la constance de la qualité. Ce n'est pas tant que nous avons la meilleure qualité. Comme nous mélangeons tout à Vancouver ou à Thunder Bay, la qualité est très constante. C'est bien pour certains, mais de plus en plus au Brésil et ailleurs, ce que nous devons faire, et vous en avez peut-être entendu parler, c'est ce qu'a fait le Manitoba Pool qui bénéficie d'une exemption particulière et a un contrat très spécialisé avec un moulin britannique où les agriculteurs n'apportent que des céréales à très haute teneur en protéines. Je pense qu'on appelle cela le contrat Haliburton. On peut s'occuper des marchés à créneaux.

Je pense que dans le système que nous avons -- en partie la Commission du blé mais dans bien des cas la Commission des grains -- c'est la logistique qui favorise la constance de la qualité, et ce n'est pas nécessairement la qualité voulue, et ce n'est pas si efficace au niveau de la qualité sur les marchés à créneaux. Notre collègue qui fait de la culture biologique en est un exemple extrême.

Un exemple récent concernant la recherche qu'il a citée dans cette étude, bien qu'elle n'y soit pas détaillée, est le fiasco concernant les déjections animales et je n'en attribue pas la responsabilité à la Commission du blé. C'est le résultat d'une mauvaise surveillance de la part des compagnies céréalières et des pressions indues de la part d'agriculteurs aux prises avec une situation financière extrêmement serrée, et d'une négligence incroyablement stupide à Vancouver où, au moment de rajouter des impuretés, ils y ont laissé des déjections de chevreuil. Il ne s'agissait pas d'une décision de la Commission canadienne du blé, mais ce problème de déjections de chevreuil a terni la réputation générale du Canada en ce qui concerne la qualité de ses céréales.

Le sénateur Spivak: J'aimerais que M. Stickland nous donne plus de précisions sur le système de contrat proposé par le président et nous explique un peu plus en détail comment il fonctionnerait, et comment il serait dans l'intérêt autant de ceux qui réclament la liberté de choix que de ceux qui tiennent à conserver la Commission du blé comme institution importante de notre pays.

La deuxième question que j'aimerais que l'un d'entre vous aborde concerne le prix que les agriculteurs obtiennent pour le blé. Je crois comprendre qu'on blâme en partie la Commission du blé, mais je suis la situation depuis longtemps et je constate que ce sont toujours les coûts de production qui augmentent. Le prix des produits de base n'est jamais ce qu'il devrait être, surtout si on considère que nous cultivons un produit qui est en demande. Il s'agit du blé de force dur qui est, je suppose, propre à notre pays et qu'on ne trouve pas facilement ailleurs. Donc, ce n'est pas uniquement notre système de commercialisation qui est en cause. La situation mondiale a sûrement une influence à cet égard et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Stickland: En ce qui concerne la première question, monsieur le président, il y a un sommaire à la page 8 et je regrette qu'il n'ait pas été numéroté un peu différemment. Il s'agit d'un sommaire de l'étude complète. L'option 2 porte sur les changements importants aux structures existantes, c'est-à-dire le point de vente unique ou la Commission canadienne du blé.

J'essaie d'expliquer au groupe de discussion mon rôle de consultant indépendant qui tâche d'évaluer les incidences respectives de ces deux options et Owen McCauley de votre province, m'a d'ailleurs inspiré certaines de mes réflexions.

Les professeurs de Saskatoon sont tous préoccupés par ceux qui font cavalier seul, ceux qu'on appelle les «free riders». Si le prix baisse au cours d'une année, selon l'ancien raisonnement, quelqu'un en profitera pour vendre son blé ou son orge et lorsque viendra mon tour, moi qui suis loyal envers la Commission du blé, je verrai mon prix dilué par ce soi-disant «free rider».

Mais si le prix augmente, l'argument du soi-disant «free-rider» -- qui est bien étayé par un professeur de Saskatoon -- c'est que ceux qui peuvent commercialiser eux-mêmes leurs produits cessent de fournir à la Commission du blé ce qui avait été entendu en vertu d'un contrat à long terme parce qu'ils peuvent le vendre eux-mêmes.

Ce que vous faites se rapproche beaucoup de ce que le sénateur semblait dire dans la question qu'il a posée au ministre et j'espère que la réponse du ministre sera claire et simple, car cet homme à l'avant a très bien cerné la situation.

Essentiellement, le projet de loi C-4 autorise les prix au comptant, donc je pense que la Commission du blé proposerait deux façons de procéder. Je pourrais vendre mes céréales à la Commission du blé à un prix comptant ou à un prix commun et je tiens vraiment à passer par la Commission du blé. Ou alors, je pourrais utiliser notre syndicat du blé pour exporter, ou je pourrais exporter moi-même aux États-Unis comme notre collègue qui fait de la culture biologique. Comment ce choix serait-il possible? Tout d'abord, je consoliderais la Commission du blé en autorisant comme le fait en partie le projet de loi C-4, les ventes au comptant afin qu'elle puisse alors faire concurrence au Alberta Pool. Si elle veut vraiment obtenir ces céréales pour lesquelles elle n'a pas passé de contrat, ils pourraient vraiment obtenir les prix qu'ils veulent. J'ai sauté une étape. Revenons en arrière.

C'est le 1er avril. Nous sommes en train de faire nos plans. Nous allons cultiver 10 000 boisseaux de blé. La Commission nous indique ce qu'elle prévoit être la nouvelle valeur marchande mais elle a de la concurrence. L'Alberta Wheat Pool m'offre des contrats clairs, la Commission du blé des contrats au comptant et une forme quelconque de rendement, et on dit, «C'est une très bonne année pour la culture du blé et je trouve particulièrement intéressant le prix au comptant de la Commission du blé.» Ce à quoi nous leur répondrions, «Nous allons en donner la moitié à la Commission du blé et l'autre moitié, nous la mettrons en marché selon la façon qui nous paraît la plus avantageuse pour nous. Nous pouvons la vendre n'importe quand mais nous pourrions prendre cette moitié que nous allons vendre et passer immédiatement un contrat à terme avec le marché des céréales fourragères, à Cargill, qui l'exportera au Japon ou ailleurs.»

Nous disons à la Commission du blé, «Nous allons vous en livrer 50 p. 100 le 1er mai.» Elle peut alors planifier en conséquence. Elle peut quand même me laisser la possibilité de lui vendre au prix comptant ou au prix commun, mais elle a quand même cet engagement. C'est la meilleure façon de procéder.

Certains soutiennent qu'à cause du climat, entre autres, il ne faudrait pas être obligé de prendre cette décision. Si la Commission du blé a fait du très bon travail en 1997, en 1998 je pourrais décider d'aller jusqu'à 75 p. 100 parce que j'ai confiance dans son travail. Mais si elle offrait une série de prix lamentables comme cela a été le cas cette année, mais une vraiment bonne circulation, comme cela a été aussi le cas cette année, je pèserais alors le pour et le contre.

Ceux qui ne veulent pas engager toute leur production au printemps devraient avoir la possibilité de décider ce qu'ils veulent faire avec la totalité de leur production. Je ne limiterais pas la quantité qu'ils peuvent vendre à la Commission. Ils devraient être libres de vendre la totalité de leur grain à la Commission ou de ne rien lui vendre du tout. On pourrait à la rigueur prévoir la vente d'un minimum de 50 p. 100 de leur contingent à la Commission, mais j'estime préférable ne pas imposer de limite. La Commission sera alors obligée de devenir concurrentielle.

La décision pourrait être prise en octobre. Il faudrait permettre une certaine marge de manoeuvre. Vous pourriez vous engager par exemple à fournir au printemps un maximum de 25 p. 100 ou de 50 p. 100 de votre contingent. Cela me permet alors d'aller voir mon banquier et de lui dire, «Je me suis engagé à fournir tant à tel prix au Alberta Pool, au UGG, mais l'autre 50 p. 100 est destiné à la Commission du blé».

Puis à l'automne, vous finalisez l'arrangement contractuel avec la Commission. Supposons que vous préférez éviter les marchés au comptant parce que vous les trouvez trop compliqués et que vous croyez fermement à la mise en commun, puis que vous recevez les commandes pour un contrat de tant. En fait, il ne s'agirait probablement pas d'un contrat A, B, ou C puisqu'ils sauraient dès l'automne que la cellule à grains contient 10 000 boisseaux. Donc, je m'occupe moi-même d'en mettre en marché la moitié et la Commission du blé s'occupe de la mise en marché de l'autre moitié. Si je ne livre pas la quantité prévue à la Commission du blé, je m'expose alors à tous les problèmes contractuels du droit privé.

Le sénateur Spivak: Cela règle le problème de la liberté de choix. En quoi cela est-il avantageux ou désavantageux pour la Commission du blé en tant qu'institution de mise en commun?

Le sénateur Hays: N'est-ce pas une forme de double commercialisation?

Le sénateur Spivak: Oui. C'est une forme de double commercialisation.

M. Stickland: Certainement, mais c'est une formule qui protège la Commission du blé.

Le sénateur Spivak: Comment? C'est ce que vous m'avez dit plus tôt. C'est ce que je veux savoir.

M. Stickland: Cela permet sans doute à la Commission du blé d'avoir plus de certitude parce que pour l'instant elle ignore la quantité que je vais utiliser sur le marché local. Il faut que je prenne un engagement.

Le sénateur Spivak: Je suis en train de parler de la mise en commun.

M. Stickland: Le pool est protégé. D'ici le 15 octobre, je devrais désigner parmi ces 10 000 boisseaux ceux dont je vendrai 80 ou 100 p. 100 au pool et ils savaient qu'ils pourraient en acheter jusqu'à 20 p. 100 mais que 80 p. 100 irai au pool. Je n'aurais pas le choix.

À l'heure actuelle, j'ai toutes sortes de clients, et nous aussi, qui arrivent à la fin de leurs contrats super-solides pour le blé de printemps des Prairies canadiennes et qui vont le livrer en fonction des besoins de la Commission, et ce pool est protégé.

Le sénateur Spivak: Comment cela fonctionnerait-il dans un marché mondial où les prix du blé s'effondreraient?

M. Stickland: Au printemps, si j'avais engagé 50 p. 100 de mon grain sur un marché élevé, je serais extrêmement heureux. À l'automne, si vous me laissiez le choix, et l'un des choix pourrait consister à m'immobiliser au printemps, et que le marché avait dégringolé à ce moment-là, je pourrais aussi bien le livrer à la Commission au comptant qu'au pool. Donc, le choix existe, et c'est tout ce qu'ils font la plupart du temps maintenant. Ils ne vendent pas tellement à l'avance. C'est l'un des problèmes du système canadien. Comme ils n'ont pas d'engagement de la part des agriculteurs, ils n'ont pas ce qu'on appelle une position dans le système. Par conséquent, ils ne vendent pas à terme en mai, juin, juillet, août. Ils ne vendent vraiment qu'aux environs du 1er octobre.

Disons que le 1er octobre, le marché est épouvantable, ce qui d'ailleurs pourrait bien être le cas cet automne. Mon 50 p. 100 va à la Commission du blé et la situation n'est pas vraiment différente de ce qu'elle est maintenant. Disons que je décide de tout mettre en commun parce que je pense que la situation va s'améliorer. Ce serait dans mon intérêt d'opter pour la mise en commun. Si je pense que les prix risquent d'être un peu meilleurs en mai, juin, juillet, comme je suis un optimiste, je décide d'en livrer 50 p. 100, c'est-à-dire 5 000 boisseaux, à la Commission du blé. Elle les reçoit en juillet, mais ils sont mis en commun, donc il n'y a pas vraiment de changement.

J'ai l'impression d'avoir la liberté de choix, et c'est effectivement le cas, et le plus beau, c'est que je crois que le ministre avait raison et que mon travail au niveau de la valeur ajoutée l'appuie. Nous devons mettre davantage l'accent sur les secteurs de l'agriculture biologique et de la transformation pour qu'ils commandent mes céréales au printemps et passent un contrat directement avec moi. Mais si pour une certaine raison, ils préfèrent s'adresser à la Commission du blé parce qu'ils ont besoin de céréales qui viennent de partout aux Prairies et que la Commission du blé est mieux en mesure de les leur fournir, ils pourraient passer tous leurs contrats avec la Commission du blé et dire si vous voulez vendre à AgriPartners à Red Deer, vous devez passer un contrat avec la Commission pour la totalité du volume.

Supposons qu'à l'automne je dise, «Cent pour cent du grain à la Commission du blé,» et qu'il aboutit chez AgriPartners, par exemple. On offre ainsi un vaste choix, ce qui calme les esprits. Je suis trop vieux pour toutes ces querelles, mesdames et messieurs. Il est temps de privilégier la coopération, la collaboration et d'assurer un climat positif pour le commerce.

Il y a une deuxième question. Je laisserai aux autres le soin d'y répondre.

Le sénateur Spivak: En ce qui concerne le resserrement du prix d'achat, quels sont les facteurs à votre avis qui y contribuent?

M. Ollika: En ce qui concerne le resserrement du prix d'achat, c'est une question de réglementation. Lorsque vous parlez du resserrement du prix d'achat, vous parlez des marchés mondiaux des intrants et des extrants, qui sont bien entendu dominés par une poignée de très grosses compagnies. Il n'y a rien de mal à cela. Je ne veux pas dire que les grosses compagnies ont des intentions malveillantes. Le resserrement du prix d'achat pour les agriculteurs de n'importe quel pays témoigne d'une absence de réglementation qui permettrait d'empêcher les compagnies (a) de vous demander beaucoup d'argent pour les intrants et (b) de contrôler essentiellement les marchés mondiaux qui permettent de maintenir des bas prix pour les produits bruts.

La solution que j'envisage à ce problème devrait être une solution internationale. C'est pourquoi je ne suis pas sûr que ce soit l'endroit indiqué pour en parler. Il ne fait toutefois aucun doute que sur un marché mondial chaotique, il est dans votre intérêt d'avoir un point de vente unique. M. Stickland a très bien précisé certains des avantages de la mise en commun mais la mise en commun n'est pas le seul problème. Il y a aussi la question du point de vente unique et à cause des achats au comptant prévus par le projet de loi C-4, la Commission du blé ne serait plus un organisme de commercialisation à point de vente unique parce qu'elle deviendrait un acheteur de céréales.

M. Stickland: Non. Vous vous trompez.

Le président: À l'ordre. À l'ordre.

Le sénateur Spivak: Tout le monde parle de concurrence, et en fait, ce que je veux surtout savoir, c'est s'il y a suffisamment de concurrence ici. Pourquoi le prix des intrants ne diminue-t-il pas si celui des produits de base diminue?

M. Ollika: Juste avant de laisser M. Stickland me mettre en charpie, je dirai simplement qu'il existe une idée fondamentalement fausse de par le monde au sujet du fonctionnement de la concurrence. J'admire beaucoup Adam Smith -- certains de mes contemporains seront choqués de l'apprendre -- mais lorsque vous avez une poignée d'acheteurs et de très nombreux vendeurs, la concurrence favorise les acheteurs. C'est aussi simple que ça. Donc votre atout au niveau de la mise en commun et de la commercialisation à guichet unique, c'est d'être un vendeur unique, c'est-à-dire plusieurs en un seul. C'est là l'avantage.

Nous pouvons citer des chiffres. Nous pouvons invoquer la loi mais fondamentalement si vous minez les principes sur lesquels repose la Commission du blé, vous éliminez le vendeur unique. Vous pourrez avoir une plus grande liberté de choix mais essentiellement, vous affaiblissez la position du vendeur unique.

Le défi que doivent relever le Sénat et la population du Canada consiste à maintenir ces aspects et à ajouter des éléments de choix, les options de rachat, pour que ce type d'options convienne aux agriculteurs.

M. Bourgeault: Comment expliquer alors que j'ai vendu de l'orge fourragère à un prix plus élevé que celui que la Commission vous a donné pour de l'orge de brasserie? J'ai vendu de l'orge en Colombie-Britannique; on est venu la chercher dans ma cour et on m'a donné 2,78 $, il y a à peine un mois.

M. Ollika: Il y a deux ans, mon exploitation a vendu de l'orge fourragère hors-Commission. On a bien sûr obtenu plus que ce que la Commission canadienne du blé payait alors. Malheureusement, j'avais besoin d'argent pour payer mes coûts de production, tout de suite avant le versement des paiements finaux. J'ai dû sacrifier ce que la Commission canadienne du blé aurait fini par m'offrir pour payer mes factures. Je suis d'accord avec vous, c'est déplorable.

M. Bourgeault: Il y a deux ans, j'en ai vendu pour presque 3,80 $ et combien avez-vous obtenu pour l'orge de brasserie il y a deux ans? Il faut vendre au bon moment, au Canada. On ne l'a pas vendu à l'extérieur du pays, mais il fallait la transporter en Colombie-Britannique.

Le président: Merci messieurs. Je vais vous demander d'adresser vos questions aux sénateurs. Je comprends que cette question peut parfois soulever les passions.

Le sénateur Stratton: J'ai une brève question à poser à M. Stickland. À la page 4, vous parlez du fonds de réserve. Vous recommandez son maintien, mais vous voulez qu'on indique clairement à qui il appartient.

Il a été question que le fonds de réserve soit détenu par chaque exploitation individuelle. Comment pourrait-on assurer une indication claire de son appartenance?

M. Stickland: Je dois avouer, monsieur, que je n'ai pas beaucoup réfléchi à la question. J'ai relevé la très importante question du fonds de réserve il y a quelques années; j'ai cru que tout allait bien et, pourtant, il y a trois ou quatre ans, l'industrie du porc a vraiment eu beaucoup de mal à déterminer à qui appartenait Fletcher's, parce que les capitaux avaient été mis en commun et que personne n'avait de part.

Je ne sais pas comment faire. J'ai étudié les fonds d'amortissement, la mise en commun et d'autres aspects du genre. Par exemple, si la Commission canadienne du blé ramasse un million de dollars une année donnée, sur les 10 millions de tonnes recueillies, j'aurais une part de 10 cents dans le fonds de réserve si je contribue 100 000 boisseaux.

Supposons que, l'année suivante, la Commission éprouve des difficultés. Elle flambe la moitié du fonds de réserve et les entreprises privées perdent de l'argent. On ne peut s'attendre à ce que la Commission du blé fasse toujours de l'argent. La deuxième année, je verse encore ma contribution. L'argent du fonds de réserve est-il celui de la première année, quand on n'a pas eu besoin d'aller y puiser, ou de la deuxième année?

J'imagine que les systèmes informatiques permettent de l'établir par les volumes. Nous avons tous des carnets de livraison et un excédent de blé peut se traduire par une sorte de paiement, comme des parts dans l'UGG ou le Syndicat du blé, qu'on peut toucher quand on se retire ou laisser là. Je pense qu'on parle de laisser l'argent là jusqu'à ce qu'on décide d'éliminer le fonds de réserve avec ses 20 millions de dollars parce qu'il ne convient plus.

Je crois que je calculerais le tonnage cumulatif par carnet de livraison pour déterminer le paiement final à verser au moment de la liquidation du fonds de réserve. Je crois que ce serait la méthode la plus juste, mais je suis en train de penser tout haut.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie. Une dernière question. Devrait-on plafonner le fonds et quel devrait être ce plafond?

M. Stickland: Absolument, il faut un plafond. J'ai participé à l'organisation de l'équivalent d'un fonds de contingence pour le tarif du Nid-de-Corbeau. En 1982 et 1983, j'ai fait partie d'un comité chargé de fixer un volume limite, ce que nous avons fait. La loi, que je n'ai pas lue très attentivement, ne prévoit pas de limite pour le fonds. Cette limite doit correspondre à un pourcentage de la valeur des grains transigés, disons au cours des deux dernières années, ce qui pourrait représenter 1 p. 100 de tout le blé négocié dans l'année, mais il doit y avoir une limite.

Le sénateur Hays: J'aimerais demander à nos témoins, qui forment un groupe assez représentatif, ce qu'il pense de la possibilité de mettre le sort de la Commission entre les mains d'un conseil d'administration élu. Je tiens compte de ce qu'ont dit les administrateurs désignés et le président directeur général, ainsi que le ministre de l'Agriculture de l'Alberta qui estime que la Commission est un organe gouvernemental et que la loi en limite le mandat. J'en suis conscient comme d'autres sénateurs je crois. En présumant que le conseil d'administration a l'indépendance voulue pour servir les intérêts de la Commission, qu'il s'agisse de ses activités commerciales ou de son avenir, on peut se demander si elle devrait utiliser son option en capital comme M. Stickland le conseille ou autrement, ou si elle devrait s'orienter vers la double commercialisation, par exemple.

Qu'en pensez-vous? Acceptez-vous que l'avenir de la Commission canadienne du blé soit déterminé par un conseil de cette nature, en présumant toujours qu'il est en mesure de diriger ses affaires et qu'il n'est pas simplement une création gouvernementale, comme certains le croient?

J'aimerais que chacun d'entre vous me donne brièvement son avis. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, peut-être cinq ou dix minutes, parce que nous avons un avion à prendre.

M. Ollika: Je vais essayer d'être bref. Je n'ai pas de problème à laisser l'avenir de la Commission canadienne du blé entre les mains d'un conseil d'administration composé de producteurs élus par des producteurs. Je fais tout à fait confiance aux agriculteurs. J'ai confiance en la démocratie.

Par ailleurs, comme de nombreux Canadiens, je m'inquiète de ce que devient l'appareil gouvernemental. La situation des bureaucraties, publiques ou privées, est préoccupante; c'est donc inquiétant de savoir que la Commission canadienne du blé ou toute société d'État est une création gouvernementale, mais je m'empresse d'ajouter que je crois au gouvernement, parce qu'il est le seul appareil social organisé capable de défendre l'intérêt public.

Il existe d'autres appareils, mais c'est le seul qui peut protéger l'intérêt public et, si le gouvernement fonctionne mal, il faut en imputer la faute autant aux gens qu'aux administrations monolithiques. À mon avis, la nouvelle Commission canadienne du blé doit rendre des comptes aux producteurs et cela, comme je l'ai dit, par l'élection par suffrage direct des producteurs. De plus, je crois que la Commission doit conserver le statut de société d'État, ce qui l'oblige à rendre des comptes au Parlement et, ainsi, à la population.

M. Bourgeault: Pour moi, un monopole est une dictature. Je l'ai dit au début et je le répète parce que j'ai vécu des années d'enfer. Chaque fois que je suis allé en Arizona et ailleurs aux États-Unis, j'ai vérifié le prix du grain et, à mon avis, les producteurs de l'Ouest ont perdu des milliards et des milliards de dollars.

Aux États-Unis, vous choisissez où vous faites peser votre blé, vous avez le choix. On ne déduit pas les criblures sur le bon au comptant.

Si le grain pèse 60 livres, il est de catégorie un; et quand nous recevons 1,18 $, les producteurs américains en obtiennent plus de 6 $ et, il y a environ deux ans, c'était 8 $. Vous n'avez qu'à faire le compte si vous considérez que le dollar américain vaut quelque chose comme 47 p. 100 de plus que le nôtre.

Je ne suis pas dictateur dans l'âme. Ceux qui veulent continuer de vendre à la Commission peuvent toujours le faire mais je veux être libre de vendre mes grains où je le veux. Je ne les empêche pas de faire affaire avec la Commission. Je les laisse libres, mais je veux aussi être libre.

Le président: Merci. Monsieur Berg?

M. Berg: Je n'ai pas grand-chose à ajouter sauf que je ne crois pas qu'on puisse limiter la liberté. Je ne pense pas qu'on puisse nous obliger à consigner une certaine quantité de grain pour un certain temps à la Commission. Si c'est ce qu'on veut nous obliger à faire, on doit nous laisser décider.

Je ne suis pas d'accord avec ceux, dont notre ministre de l'Agriculture, qui veulent nous faire consigner une certaine quantité de grain pendant un certain nombre d'années à une certaine compagnie, parce que nous allons perdre le contrôle sur notre blé. Une fois notre blé livré, nous devons prendre ce qui nous revient; c'est ce que nous faisons.

M. Stickland: Je suis un grand démocrate, pourvu qu'il y ait un choix dans le projet de loi et pas plus d'un engagement pour l'année. Je serais en faveur d'élections. Je peux vous dire que le comité consultatif nous a laissés amers et il me semble qu'il faudrait orienter de façon constructive le processus électoral, en fournissant des fonds de la Commission à chacun des partis pour qu'une entreprise ou un point de vue ne soit pas favorisé de façon à influencer le comité consultatif comme c'est le cas maintenant.

Il est certain que j'organiserais un scrutin pour savoir si la Commission du blé doit s'occuper du blé et de l'orge. Je cultive les deux et, au cours des trois dernières années, j'ai vendu mes grains à la Commission du blé une ou deux années, ce que peut confirmer la base de données de la Commission.

J'hésite vraiment à parler de cela, mais la UFA Co-op combine de façon intéressante le capitalisme et la coopération. En démocratie, il y a un suffrage par tête mais, dans ce cas particulier, on pourrait se poser la question. Le producteur qui vend 100 000 boisseaux à la Commission chaque année n'a peut-être pas le droit à 10 fois plus de voix que moi qui en vends 5 000, mais peut-être à deux ou trois voix alors que j'en ai une.

On pourrait pondérer les voix en fonction du volume, jusqu'à un certain point. Je reste toutefois un grand démocrate. En passant, j'aimerais élire les sénateurs et, dans ce cas, ce devrait être à chacun une voix.

Le président: Pensez-vous vraiment que vous pourriez faire de l'aussi bon travail que ceux qui sont ici autour de la table?

M. Stickland: Je sais que je n'aurais pas la patience nécessaire.

M. Snider: L'élection du conseil d'administration est sûrement un pas dans la bonne direction, mais on ne fait que déplacer le problème. Le même processus va s'appliquer, et je ne peux attendre la fin du processus avant de payer mes factures à la banque. C'est beaucoup plus long que je pensais. J'ai les mains liées et cette mesure ne m'aide pas.

M. Stickland: Vous avez l'occasion de fournir un fier service aux Canadiens concernant l'issue du projet de loi C-4. J'ai beaucoup appris aujourd'hui sur le rôle incroyable du Sénat.

Le président: Je vous remercie d'avoir comparu devant nous. La journée a été bonne à Edmonton. Je crois que nous avons entendu le point de vue de 81 producteurs, 26 regroupements agricoles ainsi que celui du ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan et du ministre de l'Agriculture de l'Alberta, et nous entendrons celui du ministre de l'Agriculture du Manitoba à Winnipeg.

La séance est levée.


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