Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 11 juin 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada (revenus de la ferme).

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous étudions ce matin l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, surtout en ce qui concerne les revenus de la ferme. Cela touche un grand nombre de domaines différents, qu'il s'agisse des subventions, des programmes de protection du revenu ou des problèmes qui se pointent à l'horizon.

Nous accueillons ce matin M. Tom Richardson, directeur de la Politique et des programmes de revenu agricole, M. Jack Gellner, directeur de la Division de l'analyse économique et sectorielle et M. Roger Eyvindson, directeur de la Division de l'élaboration des politiques, de la Direction générale des politiques. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous ce matin. Nous vous souhaitons la bienvenue, messieurs.

Je crois comprendre que vous avez tout d'abord un exposé et nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.

M. Tom Richardson, directeur, Direction de la politique et des programmes de revenu agricole, Direction générale des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Merci, monsieur le président. Nous avons un très bref résumé de la situation en ce qui concerne les revenus agricoles. Nous avons également trois ou quatre acétates sur les coûts des facteurs de production, étant donné que cela pose un problème depuis deux ou trois ans.

Nous avons également avec nous des représentants de l'ARAP, si des membres du comité sont intéressés à parler de la sécheresse ou des conditions des récoltes dans les Prairies, qui soulèvent certaines préoccupations. Nous pouvons également parler des programmes de protection du revenu.

Il y a, sur la table, un livre détaillé qui renferme beaucoup d'information sur le revenu agricole. Jack Gellner fera un bref résumé des éléments de base quant au calcul du revenu agricole et vous fera part de la situation actuelle et ensuite, Roger Eyvindson parlera des facteurs de production agricole.

M. Jack Gellner, directeur, Division de l'analyse économique et sectorielle, Direction générale des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Je voudrais vous donner un très bref aperçu de la situation en ce qui concerne le revenu agricole, et je vais commencer par vous donner les définitions pour que tout le monde comprenne bien le type de concepts utilisés pour calculer le revenu agricole. Nous allons examiner très brièvement certaines tendances récentes et nous pencher sur les chiffres pour 1997.

Tout d'abord, il est question de définitions que Statistique Canada utilise et d'indicateurs qu'elle a élaborés pour calculer le revenu agricole. Je pense qu'il est important de comprendre les liens entre ces derniers, car il semble y avoir une confusion lorsque les gens parlent des concepts utilisés pour calculer le revenu agricole.

Le premier est le revenu net comptant. Il s'agit des recettes du marché plus les paiements directs moins les dépenses d'exploitation. Fondamentalement, cela donne une idée de l'argent dont disposent les agriculteurs pendant une période donnée, de l'argent qu'ils ont dans les poches, en fait. C'est probablement le meilleur indicateur de leur revenu à un moment donné.

Le deuxième concept est appelé «revenu net réalisé». Il s'agit du revenu net comptant plus le revenu en nature moins l'amortissement. L'amortissement est une mesure pour refléter le fait qu'avec le temps, les machines et l'équipement s'usent et doivent être remplacés. Le revenu en nature est un montant très peu important et on n'a probablement même pas besoin d'en tenir compte. Le revenu net réalisé donne une meilleure idée de la rentabilité du secteur que le revenu net comptant. Il tient compte de l'amortissement.

Le troisième concept est appelé «revenu net total». Il s'agit du revenu net en espèces plus ou moins la valeur de la variation des stocks à la ferme. Cette valeur peut être négative ou positive selon qu'on accumule des stocks durant l'année ou qu'on les vende. Si on vend une bonne partie des stocks pendant une année donnée, la variation est négative. Par contre, si on accumule des stocks sur l'exploitation agricole, la variation est positive. Cela ressemble un peu à la comptabilité d'exercice et ne constitue pas vraiment un bon indicateur de la santé d'un secteur à un moment donné.

Je pourrais peut-être m'arrêter pour répondre à des questions sur ces définitions, car on va les utiliser dans les tableaux qui vont suivre.

Le sénateur Rossiter: Ces chiffres viennent-ils de Revenu Canada?

M. Gellner: Les concepts sont utilisés par Statistique Canada et ces renseignements viennent de Statistique Canada. Ce sont ses estimations.

Nous allons nous pencher sur les chiffres concernant le revenu agricole net. Cela donne le revenu agricole net au Canada de 1981 à 1997. La ligne bleue du dessus représente le revenu net comptant. C'est elle qui donne une idée de l'argent que les producteurs ont dans leurs poches.

Comme vous pouvez le voir, de 1991 à 1997, le revenu net comptant avait augmenté et, en fait, en 1997, il avait atteint un niveau record. Il s'était accru de 9 p. 100 par rapport à 1996. La ligne d'en dessous représente le revenu net réalisé, et la différence entre ces deux lignes, ce sont les frais d'amortissement. Ainsi, du revenu net comptant, il suffit de soustraire l'amortissement pour obtenir le revenu net réalisé. Ce revenu a augmenté de 1996 à 1997, même si les frais d'amortissement ont également augmenté durant cette période.

Je vais m'arrêter sur le revenu net total maintenant, car pour 1997, il y a eu une baisse marquée d'environ 55 p. 100. Cela s'explique par le fait qu'en 1997, on a vendu les stocks. La ligne rouge montre la valeur de la variation des stocks à la ferme. En calculant toute cette production, Statistique Canada a mesuré la variation des stocks et on a abouti à une baisse importante de la valeur des stocks à la ferme de 1,4 milliard de dollars. Cependant, les stocks qui ont été vendus figurent dans le revenu comptant. C'est pourquoi le revenu net comptant pour 1970 était si bon; il y a un lien là.

Pour résumer, ce sont les chiffres sur le revenu net de 1996 à 1997. Les recettes monétaires agricoles, qui sont les recettes du marché plus les paiements gouvernementaux ont augmenté pour atteindre un niveau record. Les dépenses d'exploitation brutes n'ont augmenté que de 1 p. 100, ce qui est une augmentation relativement petite durant cette décennie.

Le revenu net comptant a atteint un niveau record; c'est la troisième ligne. L'amortissement était en hausse également, ce qui reflète le fait que les agriculteurs investissement depuis quelques années et achètent de nouvelles machines et de l'équipement neuf. Cela donne un chiffre plus élevé pour l'amortissement.

Le revenu net réalisé, 3,2 milliards de dollars, reflète également un secteur assez profitable en 1997. C'est là où j'ai mentionné la grosse variation des stocks de moins 1,4 milliard de dollars, ce qui reflète le fait que durant cette année, les agriculteurs ont vendu leurs stocks. Cela s'explique en partie parce que 1996 a été une assez bonne année et les agriculteurs ont été incités à remettre leurs livraisons à l'année suivante pour des raisons fiscales. Il y a eu également des problèmes avec le transport ferroviaire à la fin de 1996, ce qui a retardé les livraisons et il y a donc eu, au début de 1997, une accumulation des stocks, qui ont été ensuite vendus. C'est ce qui nous donne le chiffre négatif. Lorsqu'on soustrait cela du revenu net réalisé, on obtient une baisse du revenu net total. Cependant, c'est juste une mesure comptable.

M. Richardson: Nous allons regarder les diapositives sur les coûts des facteurs de production agricole. En 1997, ces coûts n'ont augmenté que légèrement, même s'il y avait eu des augmentations dans les années précédentes. Nous voudrions nous arrêter sur la situation en ce qui concerne les coûts des facteurs de production agricole et sur certains des indicateurs clés auxquels les producteurs portent le plus d'attention.

M. Roger Eyvindson, directeur, Division de l'élaboration des politiques, Direction générale des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Le coût des facteurs de production constitue une partie très importante de l'équation pour ce qui est du revenu agricole. Nous allons examiner brièvement la situation globale pour ce qui est des dépenses. Les agriculteurs ont des dépenses d'exploitation de 2,5 milliards de dollars, ce qui est un chiffre important. Ce tableau donne une répartition des dépenses d'exploitation entre les diverses postes de dépenses.

Le poste le plus important est constitué par les aliments commerciaux. L'argent utilisé pour acheter ces aliments va, en grande partie, à d'autres agriculteurs, car ces aliments pour animaux sont cultivés sur des exploitations agricoles.

Les agriculteurs s'inquiètent souvent du prix et, dans certains cas, de la disponibilité des engrais, des pesticides et de l'énergie, et je vais donc vous parler pendant quelques minutes des marchés pour ces produits et de la façon dont ils fonctionnent.

Il y a trois éléments de base dans les engrais -- l'azote, le phosphate et la potasse. Ce sont fondamentalement des produits de base. Dans le cas de l'azote, il n'y a pas de différence d'un marché à l'autre. Ainsi, les marchés pour ces produits fonctionnent beaucoup comme les marchés pour un produit comme le grain. À la fin des années 70 et au début des années 80, les prix des engrais ont augmenté de façon marquée. Fondamentalement, cela reflétait le fait qu'il y avait une très forte demande pour les engrais durant cette période non seulement au Canada, mais dans l'Amérique du Nord et dans le monde en général.

Lorsque nous sommes entrés dans les années 80, la demande a ralenti, mais la capacité de production a augmenté. Ainsi, les prix des engrais sont demeurés uniformes tout au cours des années 80 jusqu'au début des années 90. En fait, je pense que, dans l'Ouest du Canada, le prix n'a pas atteint le niveau de 1981 avant 1994 ou 1995. Depuis, nous constatons une augmentation qui reflète un accroissement de la demande mondiale.

Il y a encore une forte capacité de production pour la potasse, mais dans le cas de l'azote et du phosphate, cette capacité devient moindre. Nous avons eu des prix uniformes tout au cours des années 80 et au début des années 90, puis nous avons eu une augmentation parce que la demande était forte et que la capacité de production devenait quelque peu moindre.

Les indices des prix des engrais se comparent fondamentalement au Canada et aux États-Unis. Il n'y a aucune restriction, aucun droit ni aucune barrière en ce qui concerne le transport des engrais entre le Canada et les États-Unis. En 1997, le prix au Michigan pour l'urée a baissé un peu au-dessous du prix dans le sud de l'Ontario. L'urée est la forme la plus importante d'azote utilisée dans le sud de l'Ontario. Si on compare les prix entre l'ouest du Canada et les États voisins, on constate la même tendance. En gros, les prix sont uniformes.

Le marché des pesticides est bien différent de celui des engrais. Fondamentalement, ce produit est un article différent utilisé pour des fins bien spécifiques. Ainsi, les prix sur chaque marché sont différents. Nous comparons le Manitoba et le Dakota du Nord, et dans les documents que nous avons distribués, il y a également des comparaisons entre les États-Unis et l'Ontario.

Certains des produits sur lesquels nous nous sommes penchés avaient des prix plus élevés au Canada et certains des prix plus bas. En fait, certains des produits les plus importants, y compris l'Avadex, étaient moins coûteux au Manitoba en 1997 et ses tendances sont généralement les mêmes avec le temps. Notre étude s'est étendue sur environ quatre ou cinq ans.

Les différences dépendent des prix exigés par l'entreprise fabricant le produit et tiennent compte des coûts d'enregistrement, des sommes consacrées à la R-D, de la taille globale du marché et des produits de rechange que les agriculteurs peuvent utiliser. S'il y a un nombre limité de produits de rechange, les entreprises ont tendance à augmenter légèrement leur prix.

Dans le cas des pesticides, il est question de disponibilité. S'il y a un petit marché pour le produit au Canada, l'entreprise peut décider de ne pas se donner la peine de traverser le processus d'enregistrement et cela devient quelque peu un problème. Cela se pose surtout pour les produits à emploi limité. Cependant, les règlements en place pour aider l'entrée de ces produits à emploi limité au Canada, lorsque les entreprises peuvent hésiter à passer par tout le processus d'enregistrement.

Les différences dans les prix entre le Manitoba et le Dakota du Nord sont comparables aux différences entre d'autres pays, en Europe notamment. Ainsi, les prix en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne sont différents. Là encore, cela s'explique par la façon dont on établit les prix. On établit les prix sur chaque marché séparément. Même s'il n'y a pas de barrière tarifaire, le processus d'enregistrement, les brevets et le reste restreignent la circulation de ces produits entre les pays.

Le troisième marché qui intéresse particulièrement les agriculteurs est le marché énergétique et nous nous sommes penchés brièvement sur les prix du carburant diesel. Nous avons donné des renseignements détaillés sur le propane et l'essence dans l'opuscule que nous avons fourni. Les agriculteurs constituent une petite part du marché, soit environ 9 p. 100 du marché du diesel et 3 p. 100 du marché de l'essence au Canada. L'agriculture représente environ 5 p. 100 de toute la consommation d'essence et de diesel. Les coûts bruts, les marges pour le raffinage et la commercialisation sont les mêmes, que le produit soit destiné à l'agriculture, au transport, à l'industrie ou aux consommateurs pour faire fonctionner leurs automobiles ou chauffer leur maison.

Comparons les prix moyens du diesel au Canada pour le consommateur et l'agriculteur au 30 décembre 1997. Le coût du brut, 17 cents, était le même pour le consommateur et l'agriculteur. Une taxe d'accise fédérale de 4 cents le litre est imposée sur tout le carburant diesel consommé au Canada, et il n'y a de rabais pour aucun usager. La TPS que payait le consommateur, soit environ 3,5 cents, n'était pas exigée de l'agriculteur ou, si elle l'était, elle était intégralement remboursée. Le consommateur payait une taxe provinciale de 15 cents en moyenne. En règle générale, les agriculteurs échappent à cette taxe. La marge bénéficiaire du détaillant devait être à peu près la même. Par conséquent, alors que le consommateur payait entre 54 et 55 cents le litre de diesel ce jour-là, le prix était de 36 cents pour l'agriculteur.

Nous avons aussi dressé une comparaison entre l'Ontario et le Michigan illustrant les prix du diesel pour l'agriculteur de 1993 à 1997. Il n'existe aucune restriction à l'importation de carburant au Canada en provenance des États-Unis. En Ontario, le prix a fluctué entre environ 35 cents en 1993 et à peu près 39 cents en 1997. Au Michigan, les prix étaient plus bas: environ 30 cents en 1993 et presque 34 cents en 1997.

La différence entre l'Ontario et le Michigan, pendant ces années-là, a donc varié entre 4,4 cents en 1994 et 5,8 cents en 1997. La taxe fédérale d'accise imposée sur le diesel au Canada représente 4 cents de cet écart. Quant au reste, il s'explique par la différence entre les frais de commercialisation au Canada et au Michigan.

Ce sont les trois types de facteurs dont les agriculteurs se préoccupent le plus. Nous pouvons sans doute passer aux questions.

Le président: Dans les statistiques de l'avenir, et ce sont sans doute de simples prévisions, en tout cas pour 1998, est-ce qu'on tient compte des frais de transport dans l'Ouest du Canada et des modifications du tarif du Nid-de-Corbeau?

M. Gellner: Oui, les effets des frais de transport sont compris dans les recettes, dans la mesure où des frais de transport supérieurs réduisent les prix pour les producteurs.

Le président: Je remarque que, en Ontario, les recettes tirées des récoltes afficheront une hausse notable en 1998, soit 3,151 contre 2,974, tandis qu'il y aura une baisse marquée en Saskatchewan. Comment expliquez-vous cela?

M. Gellner: Ces prévisions ont été préparées et rendues publiques au début de 1997. À cette époque, nous nous attendions à une certaine baisse des cours des céréales et des oléagineux. Sauf erreur, cette diminution touchait la Saskatchewan plus durement que l'Ontario, et je crois aussi que nous nous attendions à des livraisons moindres.

Le président: Est-ce qu'on tient compte de l'augmentation des frais de transport pour les agriculteurs? Le président de la Commission canadienne du blé a parlé d'une augmentation de 139 p. 100.

M. Gellner: Oui, les effets de la hausse des frais de transport sont compris dans les prix payés aux agriculteurs.

Le président: Dans les chiffres que vous avez donnés?

M. Gellner: Effectivement.

Le président: Il y a une différence marquée entre l'Ontario et la Saskatchewan.

M. Gellner: Je ne pense pas que les effets des frais de transport seront très différents en 1998 de ce qu'ils ont été en 1997. Il n'y a pas eu augmentation de ces frais entre ces deux années, que je sache.

Le président: Nous pouvons donc nous attendre à ce que les chiffres de l'an prochain soient encore plus mauvais que ceux que nous avons ici.

M. Gellner: Lorsque nous avons fait ces prévisions, nous avons retenu comme hypothèse un rendement normal et nous avons supposé qu'une sécheresse réduirait le rendement, ce qui pourrait aggraver la situation. Nous avons examiné le contexte mondial qui existait à l'époque et nous avons tenu compte de l'effet sur les cours céréaliers mondiaux des mesures que pourraient prendre les États-Unis ou l'Union européenne pour accroître les subventions.

Le président: L'autre jour, je suis allé chercher un jerrycan d'essence pour ma tondeuse. J'ai trouvé les prix effrayants. Il en faut, du carburant, pour faire marcher les tracteurs. Je n'avais qu'environ trois gallons, et cela m'a coûté plus de 7 $. Je me disais: «Je porte là l'équivalent de deux boisseaux de blé.» Ça ne peut pas marcher.

Je me rappelle qu'un jour, Otto Lang m'a dit à bord d'un avion: «Le gouvernement va devoir supprimer une partie des taxes sur le carburant agricole. Elles représentent une grosse partie du coût du carburant.» En ce qui concerne l'exploitation en continu, est-ce que vous vaporisez des herbicides ou pouvez-vous vous permettre de payer le carburant pour retourner la terre? C'est une considération importante pour les agriculteurs.

M. Eyvindson: Deux choses, monsieur le président. La seule taxe que les agriculteurs paient sur le carburant est la taxe fédérale d'accise de 4 cents le litre. L'agriculteur paie donc beaucoup moins cher que ce que vous a coûté l'essence pour votre tondeuse. Au 30 décembre 1997, la différence était d'environ 18 cents le litre, et tout cela s'explique par les taxes. Les agriculteurs ne paient sur le carburant ni les taxes provinciales, ni la TPS.

La taxe fédérale d'accise est perçue sur le carburant utilisé par les agriculteurs et tous les autres consommateurs au Canada. Peu importe l'utilisation du carburant, tout le monde doit payer ces 4 cents le litre.

Il y a un autre élément intéressant, en ce qui concerne le carburant utilisé en agriculture. Nous avons fait des recherches sur l'utilisation d'énergie par les agriculteurs en 1981 et de nouveau en 1996. Entre ces deux années, on a observé une diminution de 11 p. 100 de la consommation d'énergie. L'écart s'explique en grande partie par la réduction du travail du sol, une pratique qui présente aussi des avantages au plan environnemental. Mais l'élément essentiel est que les agriculteurs ont consommé beaucoup moins de carburant; c'est une façon de réduire leur facture de carburant.

Le président: Étant donné que nous craignons la sécheresse en Saskatchewan et dans différentes régions des Prairies, les agriculteurs retournent à la pratique de la jachère au lieu de cultiver les terres en continu. Lorsqu'il n'y a pas assez d'humidité, la culture en continu ne peut pas marcher.

J'ai présidé un groupe de travail sur la sécheresse dans l'Ouest du Canada. Le problème a été particulièrement grave dans les régions où les agriculteurs avaient abandonné la pratique de la jachère. Dans le nord de la Saskatchewan, beaucoup d'agriculteurs parlent de revenir à la jachère tous les trois étés, en tout cas dans une certaine mesure. Pour ce que cela peut valoir, je dirai que, si le temps sec persiste, il y aura des changements importants.

Le sénateur Fairbairn: Pour faire suite à l'intérêt que le président a manifesté pour la Saskatchewan, je vous demanderais de m'expliquer les prévisions qui ont été faites pour 1998 en Alberta. Vous remarquerez que, en 1997, le revenu monétaire net et le revenu net réalisé ont augmenté dans toutes les provinces sauf quatre, dont l'Alberta. D'après les chiffres de 1998, à la page 16, on dirait que la tendance à la baisse de maintient. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi?

M. Gellner: Les facteurs qui toucheront l'Alberta sont sans doute à peu près les mêmes que dans le cas de la Saskatchewan. Lorsque ces prévisions ont été établies, on s'attendait à ce que les cours des céréales et des oléagineux soient moins fermes et à ce que les livraisons, très fortes en 1997, diminuent en 1998. Il ne faut pas perdre cela de vue, en ce qui concerne 1997 et les dernières années.

Le sénateur Fairbairn: Est-ce que vous parlez uniquement du grain?

M. Gellner: Oui. Les recettes de l'élevage ont tendance à se maintenir. Ce sont surtout les céréales et les oléagineux qui sont touchés.

Le sénateur Spivak: Je voudrais élucider la relation entre le fléchissement du cours des denrées et l'augmentation des prix des engrais et des pesticides. Y a-t-il une explication économique à la récurrence de ce phénomène? Quel est le degré de concentration de l'industrie des engrais et des pesticides? Est-ce que c'est une industrie très compétitive?

M. Eyvindson: Le prix des engrais évolue en fonction de la demande et de la capacité de production de l'industrie. Il est vrai que, lorsque les prix du grain augmentent, la demande se raffermit généralement. C'est là une occasion. Lorsque la capacité est presque entièrement utilisée, il y a des hausses du prix des engrais.

L'augmentation de la fin des années 90 tient au fait que la demande a été à la hausse tandis que la capacité de l'industrie était utilisée à fond. Il faut beaucoup de temps pour accroître la capacité. C'est toute une entreprise que de construire une usine d'engrais. Par exemple, une usine de 450 millions de dollars a été construite en Saskatchewan il y a quelques années. Le degré de concentration est élevé, et il a augmenté ces dernières années.

Le sénateur Spivak: Vous me parlez là des engrais, mais pas des pesticides.

M. Eyvindson: Oui, je vais parler des engrais d'abord et nous verrons les pesticides ensuite. L'industrie est très concentrée. Il n'y a probablement dans toute l'Amérique du Nord que quatre ou cinq grands fabricants d'engrais. Cela dépend aussi du produit en question. En ce qui concerne la potasse -- mais cela ne fait pas problème dans l'Ouest, puisque nous n'en avons pas besoin -- le degré de concentration est élevé, et les producteurs de potasse de la Saskatchewan sont un important joueur sur ce marché.

Il y a également concentration sur le marché des pesticides. On a tendance à relever le prix des produits dont les agriculteurs ont vraiment besoin et pour lesquels il n'existe aucun substitut. À la différence de l'engrais, fabriqué à partir d'azote -- peu importe de quelle origine -- les pesticides brevetés ne sont pas tous facilement remplaçables. L'agriculteur a le choix entre utiliser un certain pesticide ou bien subir les conséquences pour ses cultures.

Les prix des pesticides ne sont pas établis comme ceux des engrais. Ils dépendent de la demande, bien qu'il y ait segmentation des marchés. Une société peut étudier un marché donné, voir à quel point les agriculteurs de ce marché ont besoin du produit et établir les prix en conséquence. Il existe des différences entre les pays à cause de restrictions sur le transport de ces produits, non pas tant à cause des droits tarifaires ou des obstacles à l'importation, mais simplement à cause du processus d'enregistrement. Tous les pays ont leur propre réglementation sur l'utilisation des pesticides parce qu'il s'agit de produits chimiques dangereux et que les gouvernements tiennent à éviter les effets préjudiciables qu'ils peuvent avoir sur la population ou l'environnement.

Le marché des pesticides est différent de celui des engrais. Je ne suis pas sûr de ces chiffres, mais il y a certainement moins de 10 grands fabricants de pesticides dans le monde. Lorsqu'un de ces produits est très efficace et est breveté pour une longue période, le fabriquant jouit d'un avantage considérable.

La concentration n'est pas un phénomène limité aux produits chimiques et aux engrais. J'ai appris il y a une quinzaine de jours d'un employé de Shaver Poultry Breeding Farms Limited, qu'il ne reste que trois sélectionneurs de volailles dans le monde. Ces trois conglomérats fournissent toutes les pondeuses et tous les poulets à griller aux aviculteurs.

Le sénateur Spivak: C'est pourquoi il n'y a pas autant de variété que par le passé.

M. Eyvindson: Vous avez raison.

Le sénateur Spivak: Nous avons vu des chiffres quelque part selon lesquels le revenu agricole net n'a pas vraiment augmenté depuis 1971. J'ignore si c'est exact. Le revenu brut a beaucoup progressé, mais pas le revenu net. Cela me laisse perplexe. De toute évidence, il n'y a aucune politique visant à réglementer les prix ni à examiner le coût des facteurs de production. Il y a d'autres facteurs de production, en dehors des engrais et des autres facteurs qui ont été mentionnés. Il y a les frais d'entreposage, par exemple. Est-ce que nous avons une image nette des bénéfices en fonction de certains de ces autres facteurs? Peu importe la fluctuation de la demande au fil du temps, en général, les producteurs ne s'en tirent pas mieux et les bénéfices ne sont pas au rendez-vous. Il y a quelque chose qui cloche.

Le président: Sénateur Spivak, je crois que les chiffres en questions correspondent au rendement sur le total de l'investissement: exploitation, machineries, et cetera. Le rendement est de 3 p. 100.

Le sénateur Spivak: Oui, et cela n'a pas changé depuis 1971.

Le président: Il aurait plutôt tendance à baisser.

Le sénateur Spivak: C'est la même chose. Il n'y a personne dans toutes ces sociétés qui considérerait des revenus semblables comme un vrai rendement. Ce n'est pas envisageable.

Que répondez-vous?

M. Gellner: Tout d'abord, les chiffres que j'ai présentés correspondent aux revenus de l'ensemble du secteur. Les données ont été regroupées. Au cours de cette période, il y a eu une diminution importante du nombre d'exploitations, si bien que le montant total est partagé entre un moins grand nombre de personnes. Je le répète, le revenu monétaire net a été à la hausse ces dernières années. Chose certaine, il a augmenté en 1996 et 1997.

Le sénateur Spivak: Comment se fait-il que le rendement de 3 p. 100 ne change pas?

M. Gellner: Je ne suis pas certain de ces chiffres.

Le sénateur Spivak: Nous pourrions vous les fournir; on nous les a communiqués.

Le président: Je crois que le documentaliste peut nous les obtenir. Les derniers chiffres étaient ceux de 1995, je crois.

M. Gellner: Sans savoir à quoi correspond ce chiffre de 3 p. 100, il est difficile de répondre. Nous pourrions peut-être obtenir des précisions, et nous répondrons ensuite.

Le sénateur Spivak: Il existe toujours un grand écart entre ce que le producteur gagne et les bénéfices que ses fournisseurs réalisent grâce à lui. Cet écart me sidère depuis le début. Sans en être certaine, j'ai l'impression que le problème est plus grave dans cette industrie que dans d'autres.

M. Gellner: Dans la documentation que nous avons fait circuler avant la séance, le tableau de la page 30 montre les revenus réels des familles rurales, agricoles et urbaines en 1985 et 1995, et il ne semble pas y avoir un écart énorme. Ce tableau donne un peu d'information sur le niveau relatif des revenus familiaux.

Le sénateur Spivak: C'est un indicateur, mais c'est une simple comparaison entre les revenus des ruraux et des citadins. Or, nous savons qu'il y a beaucoup de pauvres dans les villes. Diverses raisons expliquent cette répartition des revenus. Ma question n'est pas là. Je demande plutôt si, dans le secteur agricole, il y a un juste partage des rendements entre tous les acteurs. Comment en juger? Quel est votre avis? On peut dire que la concentration est plus ou moins poussée dans le secteur, mais quelle est la politique du gouvernement face à cette situation qui, de l'avis de nombreux observateurs, n'est pas précisément équitable?

M. Eyvindson: La question est très difficile. Au milieu des années 90, je crois, nous avons examiné le rendement des agriculteurs, y compris le revenu courant net et la plus-value des terres, essentiellement les gains en capital réalisés par les agriculteurs. Nous avons considéré une période passablement longue. Je crois que nous sommes remontés jusqu'au début des années 70, mais je ne me souviens pas au juste de la période exacte. Nous avons comparé les rendements des agriculteurs et ceux de placements à la bourse, avec un portefeuille qui était celui du TSE 300. Nous avons ajouté les gains en capital et le revenu des dividendes. Nous avons constaté que, pendant cette période, il aurait été préférable d'acheter des terres et de les exploiter. Chose curieuse, le rendement des agriculteurs était supérieur. Les agriculteurs décident d'investir s'ils croient pouvoir obtenir un rendement intéressant. La décision est difficile. Tout le monde veut gagner plus, et je crois qu'il est arrivé parfois que les agriculteurs n'obtiennent pas un rendement équitable. Par contre, dans d'autres périodes, ils ont obtenu d'excellents résultats. Il est très difficile de dire quel devrait être le rendement en agriculture.

Le sénateur Spivak: Selon les dernières observations, les revenus agricoles auraient beaucoup diminué au Manitoba. Existe-t-il des politiques pour protéger les agriculteurs lorsque cela se produit?

Je voudrais ajouter autre chose. Dans l'Ouest, les agriculteurs se plaignent de ne pas très bien s'en tirer. Ils arrivent à peine à gagner leur vie. Il est difficile de concilier ce point de vue et ce que vous venez de dire. Je présume que vos renseignements sont exacts, mais, il semble y avoir une grande divergence, à première vue.

Êtes-vous au courant de cela en ce qui concerne le Manitoba, qui a été particulièrement éprouvé par suite de la hausse radicale des frais de transport?

M. Gellner: Concernant ce rapport qui fait état d'une chute du revenu net total, il faut bien se rappeler la distinction entre le revenu net total et le revenu monétaire net. Il va de soi que le revenu net total a subi une baisse radicale à cause du prélèvement des stocks.

Le sénateur Spivak: La situation ne serait pas aussi pire qu'elle le paraît?

M. Gellner: Non. À mon avis, le fait de s'arrêter sur ce chiffre risque d'induire en erreur.

Le président: Je pense vraiment qu'il est important pour nous qui venons de la base de dire au ministère de l'Agriculture que les agriculteurs trouvent la situation de plus en plus pénible, qu'ils mettent constamment leurs espoirs dans l'année suivante et qu'ils sont peu impressionnés par ce qu'on fait pour eux. La situation est très inquiétante dans ce secteur.

Comme vous l'avez dit, il y avait beaucoup d'optimisme depuis environ trois ans. Mais, compte tenu de ce que nous apprenons aujourd'hui -- le prix du grain qui est en si forte baisse, le coût d'exploitation qui ne bouge pas et la menace de sécheresse qui plane -- , on peut se demander si le filet de sécurité qui est en place résistera à ce qui semble s'annoncer. Sans être alarmiste, je pense que le ministère de l'Agriculture devrait quand même vérifier ce filet de sécurité et se pencher sur la situation qui s'annonce.

M. Richardson: Monsieur le président, je voudrais parler un peu du compte de stabilisation du revenu net, ou CSRN, qui est un élément important de notre filet de sécurité. Étant donné que vous venez du Manitoba, j'aimerais signaler qu'il s'agit d'un programme conçu par deux agriculteurs manitobains qui, en particulier Bob Hopley, ont grandement aidé à concevoir la manière d'appliquer ce programme.

Pour répondre à l'observation que vient de faire le président, je dirai que nous sommes tous parfaitement au courant du cycle que suivent les prix des produits agricoles. Depuis trois ou quatre ans, les prix du grain ont probablement atteint des sommets sans précédent, mais il est inévitable qu'ils soient en baisse pendant un certain temps.

Le programme compte de stabilisation du revenu net existe depuis 1991 et il est très simple. Si un producteur met de côté à la banque 3 p. 100 de son revenu brut, les gouvernements fédéral et provincial y ajoutent le même montant. Le programme prévoit un plafond et n'est donc pas illimité pour les très grandes exploitations agricoles.

Le programme est géré à partir de Winnipeg. Au moment où les agriculteurs font leur déclaration d'impôt sur le revenu agricole, ils soumettent une demande d'adhésion au programme CSRN, dont la gestion est donc très efficace et facile.

Il y a 132 000 agriculteurs inscrits au programme, qui, l'an dernier, avaient presque 2,4 milliards de dollars d'économies à la banque. Cet élément du programme est important et les agriculteurs qui l'ont conçu y tenaient beaucoup. Le programme devait faire en sorte qu'ils gèrent eux-mêmes leur argent.

Dans les Prairies, où je crois que les gens se préoccupent du prix et du rendement de leurs récoltes, surtout à ce temps-ci de l'année, il y a environ deux milliards de dollars dans le CSRN. En Saskatchewan, quelque 55 000 agriculteurs sont inscrits au programme; au Manitoba, 18 000 et en Alberta, 25 000. Les agriculteurs font des dépôts au CSRN maintenant parce que leurs déclarations de revenus sont en voie de traitement, de sorte que, d'ici un mois ou deux, les agriculteurs des Prairies auront probablement économisé encore 400 millions de dollars. En juillet, il devrait donc y avoir de 2,4 à 2,5 milliards de dollars dans les comptes de banque des agriculteurs des Prairies.

Ce montant semble astronomique. L'est-il vraiment? Quelle protection peut-il assurer? Que pourront faire 2,5 milliards de dollars pour les agriculteurs des Prairies? D'après moi, les mesures qui suivent sont utiles. La semaine dernière, j'ai demandé à mes employés quelle avait été la valeur moyenne des céréales, des fèves oléagineuses et du fourrage au cours des cinq dernières années. La moyenne s'établit à environ 7,5 milliards de dollars; en d'autres termes, depuis trois ou quatre ans, la valeur des récoltes dans les Prairies a été de l'ordre de 7,5 milliards de dollars.

Les agriculteurs ont économisé, ou auront économisé en juillet, quelque 2,5 milliards de dollars, ce qui, en gros, leur assure donc une protection assez solide. Autrement dit, ils sont en mesure de faire face un certain nombre de fluctuations de prix. Cela ne signifie pas pour autant que les agriculteurs sont tous dans une situation confortable, parce que le montant de leurs économies inscrites au CSRN varie. Les agriculteurs font des économies chaque année depuis 1991, mais la situation de chacun est différente. Je connais la moyenne des économies de l'agriculteur moyen qui sont enregistrées au CSRN. Certains agriculteurs économisent plus que d'autres; tout dépend de la taille de leurs exploitations. Nous pouvons donc dire que, dans l'ensemble, avec des économies de 2,5 milliards de dollars à la banque et une récolte d'une valeur de 7,5 milliards de dollars, il sera possible cette année de composer avec un fléchissement des prix céréaliers.

En ce qui concerne la sécheresse, permettez-moi de citer encore un chiffre. La participation à l'assurance-récolte correspond depuis longtemps à environ 55 à 60 p. 100 de la superficie assurée. Je crois qu'en 1998, la valeur de l'assurance-récolte s'élève à environ 3,5 milliards de dollars.

Si l'on prend en compte la protection totale, l'assurance est de l'ordre de 1,7 à 1,8 million de dollars en Saskatchewan, de 800 millions au Manitoba et d'à peu près le même montant en Alberta. Si l'on ajoute l'assurance-récolte, on parle d'une assurance d'environ 3,5 milliards de dollars sur une récolte de 7,5 milliards de dollars, soit un peu moins de la moitié.

Comme on le sait, la récolte de fourrage a été gravement endommagée par la sécheresse qui a sévi dans de nombreuses régions de la Saskatchewan; j'en parlais justement avec le président. Malheureusement, le programme d'assurance concernant la culture fourragère n'est pas aussi bon en Saskatchewan qu'au Manitoba, de sorte que les agriculteurs y subiront certainement des pertes. Nous n'avons aucune certitude à cet égard, pour l'instant.

Des améliorations importantes ont été apportées au programme d'assurance concernant la récolte céréalière. Il s'agit maintenant d'un régime à deux niveaux offrant une protection de base de 50 ou de 60 p. 100. Les gouvernements versent les primes, de sorte que les agriculteurs n'ont que les frais administratifs à acquitter. D'une façon générale, les agriculteurs achètent jusqu'à 70 ou 80 p. 100 d'assurance. La sécheresse n'est jamais souhaitable, mais une protection d'au moins 3,5 milliards de dollars, c'est une excellente assurance.

Personne n'aime les prix en baisse, la sécheresse ou le gel, mais nous pensons qu'avec 2,5 milliards de dollars d'économies au CSRN et 3,5 milliards de dollars de protection d'assurance-récolte, nous devrions être en mesure de faire face jusqu'à un certain point à une baisse des prix ou à une sécheresse cette année.

Je suppose qu'une des principales inquiétudes de nos agriculteurs est la menace que les Européens ou les Américains haussent leurs subventions aux exportations de grain. Comme on le sait probablement, le ministre a rencontré officiellement les représentants de la France la semaine dernière et il a soulevé la question à quelques reprises. C'est une inquiétude et les gens s'énervent quand ils voient, par exemple, l'entrée en vigueur de certaines dispositions de la politique américaine pour stimuler les exportations de blé. Nous suivons la situation de près et le ministre s'efforce pour exercer des pressions sur les Américains et les Européens pour qu'ils ne haussent pas la barre. Néanmoins, nous pensons avoir fait tout ce qui était possible à cet égard.

Le président: À propos du filet de sécurité, en particulier du programme CSRN, il y a deux plaintes qui reviennent constamment. La première, c'est que les jeunes agriculteurs, qui ont le plus besoin d'aide, n'ont pas assez d'argent comptant pour adhérer au programme. La deuxième plainte, c'est que le processus n'est pas assez souple pour pouvoir bénéficier du programme CSRN quand il y a une grave sécheresse. Les agriculteurs doivent respecter un délai, pouvant aller jusqu'à un an, présenter leurs formules d'impôt suivantes et établir leurs pertes avant de pouvoir en bénéficier. J'ai lu dans le Western Producer que des modifications étaient envisagées. Pouvez-vous nous renseigner là-dessus?

M. Richardson: Monsieur le président, notre comité consultatif concernant le filet de sécurité s'est penché plusieurs fois sur la question des nouveaux agriculteurs. Je n'ai pas les données à cet égard, mais nous pourrions revenir devant le comité pour les présenter.

Nous avons effectué des sondages pour connaître la participation éventuelle de jeunes agriculteurs, par rapport à celle des agriculteurs d'âge mur ou âgés. Nous avons été étonnés parce que la participation de ces jeunes est nettement plus élevée que quiconque l'aurait cru. Elle est d'ailleurs excellente. Toute la question des transferts d'une génération à une autre et la façon dont les jeunes agriculteurs commencent à exploiter les fermes venant de leurs aînés soulève constamment des discussions. Il ne faudrait pas croire que les nouveaux agriculteurs n'ont nécessairement aucune protection, même s'ils doivent d'abord constituer leur actif, de sorte qu'ils ont peu d'argent à consacrer au CSRN. Il se peut aussi qu'ils poursuivent l'exploitation agricole de leurs parents ou grands-parents. De toute façon, nous vous fournirons les données à cet égard.

Quant à la question de bénéficier du programme CSRN l'année où c'est nécessaire, à la rencontre fédérale-provinciale l'an dernier, les ministres ont convenu avec la collectivité agricole qu'un mécanisme de retrait provisoire était nécessaire. Depuis la semaine dernière, ce mécanisme est en place et nous envoyons un avis à tous les agriculteurs pour les informer.

Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, c'était les agriculteurs qui avaient l'habitude d'attendre l'année suivante, après avoir présenté leurs déclarations de revenus, pour avoir de l'argent. Maintenant, un mécanisme est en place, selon lequel les agriculteurs peuvent s'adresser aux responsables du CSRN pour les avertir qu'une mauvaise récolte est prévue, de sorte qu'ils peuvent avoir droit à l'argent inscrit à leur nom au cours de l'année où ils en ont besoin. Cela dissipe également l'inquiétude voulant que la position fiscale d'un agriculteur risque de changer si l'argent arrive un an plus tard.

Le sénateur Fairbairn: Tout d'abord, pour faire suite en partie à la question du sénateur Gustafson concernant l'assurance-récolte, pourriez-vous nous donner des statistiques ou un profil indiquant dans quelle mesure les agriculteurs d'un bout à l'autre des Prairies achètent de l'assurance-récolte actuellement?

M. Richardson: Nous avons indiqué les taux de participation à l'assurance-récolte et au CSRN. La ligne plus foncée marque la participation à l'assurance-récolte. Du simple fait que les conditions de production varient davantage dans les Prairies, la participation y est plus forte que dans les autres provinces. Il y a un sommet au Manitoba, où le taux de participation atteint presque 70 p. 100. Il est un peu plus bas en Saskatchewan et se situe à 50 p. 100 en Alberta. Ces taux n'ont pas changé beaucoup depuis 20 ou 30 ans.

Le sénateur Fairbairn: Comment expliquez-vous cela? Serait-ce le manque d'information?

M. Richardson: Nous avons effectué des sondages et nous serions heureux de vous en communiquer les résultats. Les raisons sont nombreuses. Certains invoquent un coût trop élevé. C'est une affaire de jugement.

Le sénateur Fairbairn: C'est une affaire de priorités.

M. Richardson: Si je vous offrais une subvention de 50 ou 60 p. 100 sous forme d'assurance-récolte et que vous disiez que c'est trop cher, ce que vous diriez probablement, c'est que, ayant évalué les risques sur votre ferme, vous optez pour une autre solution. Nous n'avons pas la ventilation de la participation des agriculteurs. Tout dépend sûrement de la région des Prairies qui est en question. Les gens souscrivent une assurance contre la grêle quand ils habitent une région où il grêle fréquemment. Selon qu'on cultive une terre brun pâle ou brun foncé, la participation varie.

Que l'exploitation agricole soit grande ou petite, on décide parfois de se protéger autrement contre un risque autrement. Je connais des gens qui travaillent pour des ministères provinciaux de l'Agriculture, dont l'emploi non relié à l'exploitation agricole est la principale source de revenus. Certains ne veulent pas entendre parler d'assurance-récolte. Bien des gens ont des petites fermes, de sorte que les taux de participation peut varier selon la dimension de la ferme ou le type de ferme. Dans le cas d'une exploitation agricole mixte, où l'on fait l'élevage du porc et du boeuf par exemple, l'agriculteur préfère peut-être prendre le risque.

Nous revenons assez régulièrement sur ce point avec les provinces. Si nous avons mis en oeuvre le programme à deux niveaux, c'était notamment dans le but de régler ce problème. Le niveau inférieur de 50 p. 100, est le niveau de protection en cas de désastres ou des catastrophes. La participation à ce niveau inférieur dépasse de loin 50 p. 100 et se situe généralement à 70 ou 80 p. 100.

C'est parce que certains ne voulaient pas d'une assurance-récolte de 70 ou 80 p. 100 que nous avons eu l'idée d'établir deux niveaux et d'offrir gratuitement le niveau inférieur d'assurance. Bien sûr, il y a habituellement des frais d'adhésion. En mettant en oeuvre un régime à deux niveaux, nous garantissons au moins qu'un plus grand nombre d'agriculteurs souscrivent une assurance de base. Cependant, la protection de 50 p. 100, c'est bien peu pour un agriculteur qui n'a pas une autre assurance. Il ne serait pas très sage de se fier uniquement à cela. Dans le cadre de la restructuration, un plus grand pourcentage d'agriculteurs sont assurés.

La décision de rendre le programme obligatoire ou non est une autre question. Cela devient une difficulté, parce que dans le passé, quand il y avait des sécheresses consécutives, on commençait à demander s'il était obligatoire d'adhérer au programme. Des pressions étaient exercées sur le coup. La question a commencé à préoccuper beaucoup les responsables de la gestion du programme, parce que, si les gouvernements mettent en oeuvre des programmes spéciaux, quel incitatif ou quelle récompense peut-il y avoir à souscrire une assurance-récolte?

Je devrais aussi parler de la participation au CSRN. On constate que cette participation est très forte dans les Prairies, où elle est de l'ordre de 80 p. 100. Certains agriculteurs essaient de conforter leur montant inscrit au CSRN. Dans le cas de grandes exploitations agricoles des Prairies, le montant est en moyenne de 40 000 $. Certains céréaliculteurs ayant un chiffre d'affaires de 100 000 $ ou même de 125 000 ou 150 000 $, ont déclaré que s'ils pouvaient augmenter leur montant inscrit au CSRN, ils souscriraient moins d'assurance-récolte. Ils choisissent où investir leur argent. Certains ont fait ce choix.

Le sénateur Fairbairn: On a fait valoir un argument tout à l'heure concernant la diminution du nombre des fermes au Canada. Si l'on pense au revenu familial moyen sur chaque ferme, grande ou petite, peut-on dire que la baisse est toujours accentuée et qui en bénéficie, si l'on me permet ce terme? Est-ce que des petites fermes sont achetées par des grandes ou est-ce que des sociétés agricoles achètent des terres pour en faire des parcs d'engraissement, comme on en voit de plus en plus partout dans l'Ouest du Canada, surtout dans ma région? Pourriez-vous me donner un aperçu de ce qui s'annonce?

Le pourcentage des revenus d'appoint, même dans les grandes exploitations agricoles, est important et inquiétant.

M. Eyvindson: Le nombre des fermes diminue depuis le recensement 1941, où il avait atteint un sommet. Ces dernières années, le déclin a ralenti par rapport à celui qui s'était produit après 1941. Cependant, le nombre des petites exploitations agricoles, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 000 $, continue de baisser. En fait, ce sont les fermes dont le chiffre d'affaires brut est inférieur à 25 000 $ qui disparaissent le plus. Ce sont de très petites exploitations.

Compte tenu du changement qu'a subi la valeur du dollar, le nombre des fermes dont le chiffre d'affaires dépasse 100 000 $ a augmenté au cours des cinq à dix dernières années. Nous avons probablement plus de fermes «commerciales» aujourd'hui que nous en avions il y a dix ans. Ce sont surtout les très petites fermes qui étaient généralement des exploitations à temps partiel qui sont disparues. En fait, c'est ce qu'il fallait. Même si les coûts sont très bas, on n'arrive pas à joindre les deux bouts avec un chiffre d'affaires brut de 25 000 $. Il est exact que tous les agriculteurs ont un revenu d'appoint, mais sur les grandes exploitations agricoles, ce revenu représente un pourcentage plus bas du revenu total, et c'est un revenu d'investissement.

Sur une ferme, il y a souvent deux conjoints, de sorte que le revenu du conjoint est inclus. Dans ce cas, l'exploitant agricole déclare habituellement deux emplois. Le petit agriculteur exploite la ferme et occupe soit un emploi à temps partiel ou, souvent, un emploi à temps plein ailleurs. C'est la décision que les agriculteurs ont prise. Ils aiment le mode de vie sur la ferme, mais ils ne s'adonnent pas à plein temps à l'exploitation agricole.

Le sénateur Fairbairn: Ce n'est pas leur principale source de revenus.

M. Gellner: Je suppose que vous regardez à la page 28.

Le sénateur Fairbairn: Oui.

M. Gellner: Nous pouvons vous donner des précisions là-dessus, si cela vous intéresse.

De toute évidence, pour les petites exploitations agricoles, une grande partie des revenus extra-agricoles est composée du revenu d'emploi, tandis que pour les plus grandes exploitations, les revenus de placement représentent une plus grande proportion des revenus extra-agricoles.

En outre, cette situation n'est pas nouvelle. Les revenus familiaux extra-agricoles ont toujours représenté une part non négligeable des revenus familiaux.

Le sénateur Chalifoux: Dans la région de Peace River, en Alberta, on assiste, depuis de nombreuses années, à une vague d'acquisitions de terres agricoles par de grands conglomérats étrangers. Votre ministère a-t-il fait enquête à cet égard? Nombre d'agriculteurs de cette région, ceux de Westlock notamment, dans le centre-nord de l'Alberta, craignent que cette vague ne se poursuive. Je n'ai aucune donnée là-dessus, mais cela préoccupe une foule d'agriculteurs de la région. Votre ministère a-t-il fait enquête là-dessus, notamment en ce qui concerne la propriété étrangère?

M. Eyvindson: Je ne puis parler de la région de Peace River, mais nous pouvons obtenir des renseignements à cet égard. Le recensement de l'agriculture, qui a lieu tous les cinq ans, vise, principalement, l'organisation du secteur agricole. Nous savons toutefois que, pour le Canada dans son ensemble, plus de 95 p. 100 des exploitations agricoles appartiennent à des familles, même si la propriété peut prendre la forme de société par actions. Le nombre de sociétés par actions a d'ailleurs augmenté, mais ce sont toujours des sociétés familiales. Un nombre relativement faible d'exploitations appartiennent maintenant à des sociétés par actions non familiales. Nous pouvons obtenir des données pour la région de Peace River en particulier, mais je n'en ai pas à vous fournir aujourd'hui, ne m'étant pas penché sur la question.

M. Richardson: Nous demanderons à Statistique Canada d'obtenir ces renseignements, que nous fournirons ensuite au comité. Outre le nombre d'exploitations agricoles, vous voulez savoir le pourcentage de la production ou les emblavures attribués à ces dernières. Je vous communiquerai ces renseignements.

Le sénateur Fairbairn: A mesure que se poursuit ce changement de propriété des terres agricoles, à qui vont-elles? Avez-vous des moyens de le mesurer?

M. Richardson: Il y a des renseignements sur les terres louées et sur les transferts. Si je ne m'abuse, 30 ou 40 p. 100 de l'ensemble des terres agricoles sont louées, de sorte que nombre des plus grandes exploitations agricoles ne sont pas les propriétaires de leurs terres, mais seulement les locataires. La propriété est peut-être largement répartie, mais, dans les faits, ces gens-là ont décidé d'être propriétaires de leurs terres parce qu'ils pensent que c'est un bon investissement ou que c'est leur patrimoine familial ou pour d'autres raisons. Cependant, les plus grandes exploitations estiment qu'il est plus rentable de louer. C'est une façon de répondre à votre question.

M. Gellner: Le recensement renferme des informations sur les terres louées de sorte que nous pouvons obtenir des renseignements sur les tendances.

M. Richardson: Particulièrement en Alberta, notamment quand on tient compte des terres de la Couronne destinées aux pâturages, une très grande partie des terres sont louées.

Le sénateur Fairbairn: Avez-vous des données sur la proportion de terres agricoles autochtones qui sont louées?

M. Richardson: Il faudra que je vérifie.

Le sénateur Fairbairn: Je viens du coeur de la région touchée par le traité no 7, et je sais que beaucoup d'efforts y sont déployés pour développer les activités agricoles et encourager l'utilisation maximum de l'irrigation. Par ailleurs, une bonne partie des terres de ma région sont louées.

Le sénateur Spivak: Il pourrait également être intéressant d'examiner les changements entre la culture de céréales, l'élevage du porc et l'engraissement des bovins.

Le sénateur Rossiter: Il semble qu'Agriculture Canada ne s'intéresse qu'à l'agriculture de l'Ouest, le reste du pays étant laissé pour compte. En va-t-il de même pour le Canada atlantique?

M. Gellner: En ce qui concerne les changements structuraux, on observe les mêmes tendances tant sur le plan des grandes exploitations que des plus petites. Plus particulièrement, en ce qui a trait aux exploitations de taille moyenne, la polarisation a tendance à être plus marquée.

Le sénateur Rossiter: Dans ma province, la population rurale est certainement en déclin.

M. Richardson: Dans l'industrie de la pomme de terre du Canada atlantique, on observe à n'en pas douter l'établissement de plus grandes exploitations, notamment à l'île, mais aussi au Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, quelques grandes porcheries ont été construites, tout comme au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan.

Dans tous les recensements, on cherche à déterminer si les entreprises agricoles de taille moyenne disparaissent parce qu'on craint d'en arriver à la situation où n'y aura que de grandes entreprises agricoles et quelques très petites exploitations familiales, sans rien dans le milieu. Nous n'avons jamais vraiment observé pareille tendance. On compte certes un nombre accru d'assez grandes entreprises agricoles, mais, dans l'ensemble, il y a encore un équilibre entre les trois tailles.

Le sénateur Rossiter: À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons des dispositions sur la propriété des terres qui empêchent l'achat de la totalité de celles-ci.

Le président: Nous venons tout juste d'adopter le projet de loi C-4.

L'Ontario et le Québec sont les deux seules provinces où l'on prévoit une augmentation en 1998. Est-ce parce que l'Ontario aura accès au marché américain, et non les Prairies? Les chiffres sont significatifs. Il est projeté que les Maritimes et les Prairies feront moins d'argent, mais que l'Ontario et le Québec en feront plus. Pourquoi?

M. Gellner: Rappelez-vous que la composition de la production agricole est différente. Par exemple, au Québec et, peut-être à un degré moindre, en Ontario, on observe une grande concentration dans la production soumise à la gestion de l'offre. Or, dans ces secteurs, on n'observe pas autant de fluctuations dans les secteurs des céréales et des oléagineux. C'est probablement un facteur important. En outre, l'horticulture est surtout concentrée au Québec et en Ontario.

Le président: Le facteur important à mes yeux, c'est que, pendant que l'agriculture est en déclin dans toutes les autres provinces, elle est en progression en Ontario. En effet, les agriculteurs de cette province me disent que tout va bien. Est-ce à cause de l'emplacement du marché et des tarifs ferroviaires?

M. Richardson: C'est peut-être en partie une opinion ou en partie la réalité, mais je pense qu'en Ontario, le climat est certes un facteur. Il y a quelques années, j'ai hébergé un étudiant participant à un programme coopératif de l'Université de Guelph, qui travaille maintenant pour la Banque Toronto-Dominion, à Leamington, dans le sud de l'Ontario. J'oublie combien de millions de dollars ont été investis dans la production de légumes en serre à Leamington, mais, comme vous le savez sans doute, monsieur le président, ces produits sont vendus partout au Canada et aux États-Unis, y compris les ports de l'Est. La production est diversifiée en Ontario et au Québec, et les producteurs ont accès aux marchés. Ceux-ci ont choisi des options qui ne s'offrent peut-être pas à ceux des autres parties du pays.

Quant aux Prairies, nous avons des données sur les investissements dans la production porcine et, dans une certaine mesure, dans la production bovine. Je pense que les effets du changement du tarif du Nid-de-Corbeau ne se sont pas encore fait sentir. Dans les Prairies, quand les prix du grain changent, on observe encore un effet marqué parce que l'exportation du grain est encore et sera toujours un élément important de l'économie agricole des Prairies. Cependant, à mesure que la production porcine continuera d'augmenter au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, et qu'il sera plus sensé de cultiver le grain soit pour nourrir le bétail ou pour d'autres usages, il se peut fort bien que, dans cinq ou dix ans, on observe un profil de revenus plus stable dans les Prairies à cause de la stabilisation.

On peut dire que les conséquences du changement du tarif du Nid-de-Corbeau sont apparentes sur le plan des investissements, mais qu'elles ne le sont pas encore sur celui de la stabilisation des revenus agricoles du point de vue macroéconomique.

M. Eyvindson: Je pense que, ainsi que l'a dit Tom, l'adaptation, et le changement est survenu très rapidement, forçant les producteurs à s'adapter dans une mesure jamais vue auparavant, se poursuit toujours et qu'elle n'a pas encore fait sentir ses effets sur les revenus agricoles.

Le président: Depuis pas mal de temps, je m'intéresse au domaine de l'engraissement des bovins. Je crois savoir que les pertes seront de 10 $ à 100 $ par tête de bétail engraissée à l'heure actuelle. Compte tenu du changement de tarif, notamment, on aurait cru assister à une forte augmentation, mais ce n'est pas le cas.

M. Richardson: La question à poser est celle de savoir si ces éleveurs ont fait des opérations de couverture sur leurs bovins ou s'ils ont eu recours au marché des options. On a remarqué une activité accrue sur le marché des contrats à terme et des options cette année. Nous avons travaillé avec la Commission du blé de l'Ontario. Nous avons maintenant un contrat à terme. En fait, la commission se couvre.

Comme vous le savez sans doute, certaines régies de commercialisation du porc ont conclu des contrats à terme faisant l'objet d'une opération de couverture sur le marché. Nous avons fait des recherches là-dessus et, si cela vous intéresse, nous pouvons vous communiquer nos constatations. Certains de ces instruments peuvent contribuer à stabiliser les fluctuations sur le marché. Certains producteurs sont prêts à les utiliser, d'autres pas. Nous prêtons notre concours en donnant de la formation dans ce domaine. Ces mécanismes peuvent atténuer les fluctuations se produisant à court terme. Ils ne peuvent rien contre les subventions, mais peuvent stabiliser les fluctuations. Quand des éleveurs d'un parc d'engraissement me disent qu'ils perdent de l'argent, la première question que je pose est: «Quel genre de contrat à terme ou d'options avez-vous?» Parfois, ils en ont un, parfois ils n'en ont pas. Parfois, ils ont choisi une autre solution, mais il y d'autres moyens pour ce genre de problème.

Le président: J'en ai fait l'expérience, et il semble qu'en ce qui me concerne je n'ai jamais obtenu les mêmes revenus que les autres.

M. Richardson: Spéculiez-vous?

Le président: J'entends la même chose de la part des gens qui ont été sur le marché pendant des années. Il me semble qu'une bonne partie du contrôle s'exerce au sommet par les grandes entreprises d'élevage et de transformation. Les petits éleveurs n'ayant que quelques centaines de têtes ne font pas vraiment partie de ce groupe. Ils en prennent souvent un coup sur la gueule.

M. Richardson: C'est un point pertinent. Je crois que, les petites et moyennes entreprises d'élevage, dont les troupeaux comprennent des vaches et des veaux, peuvent, de temps à autre, si les prix sont favorables, engraisser le bétail. Pour certaines de ces entreprises, il ne convient peut-être pas de recourir à un mécanisme complexe de contrats à terme ou d'options. Le Saskatchewan Pool offre certes des contrats à terme minimums pour le canola et, sauf erreur, pour les bovins. Une bonne partie des usines de transformation des bovins au Canada ne fournissent pas ce genre d'instrument. Il est souhaitable d'avoir cela parce qu'il est plus facile pour le producteur de faire faire toute la paperasserie par une entreprise de transformation. Dans le cas du Saskatchewan Pool, cela est fait pour le canola. On peut conclure des contrats à terme. Dans certains marchés, les mécanismes ne sont pas encore aussi faciles à utiliser qu'on le voudrait pour les petites et moyennes entreprises.

Le sénateur Spivak: Qu'entendez-vous par contrat à terme? Si vous prévoyez que le prix du canola va tomber, vous gelez le prix auquel vous vendrez votre grain à une certaine date, est-ce que je me trompe?

M. Eyvindson Par «contrat à terme», on entend une entente conclue avec une entreprise de grain ou une transformation par laquelle vous vous engagez à livrer du grain ou des bovins à une certaine date à un prix fixe. Si cela est satisfaisant pour les deux parties, l'affaire sera conclue.

Le sénateur Spivak: Personne ne prévoit l'avenir de la même façon.

M. Eyvindson: C'est juste. Nous avons créé un programme appelé «Programme pilote d'options pour les bovins» en vertu duquel vous pouvez acheter une option, c'est-à-dire que vous avez le droit de vendre vos bovins à un prix minimum, mais que vous n'êtes pas obligé de le faire. Disons que vous achetez une option à 80 $ les 100 livres. Si, au moment de la vente, le prix est de 60 $ les 100 livres, vous obtiendriez toujours le prix de 80 $ les 100 livres. Si, par contre, le prix était passé à 90 $ les 100 livres, vous profiteriez de cette augmentation. Le problème au Canada, c'est qu'en plus du risque des fluctuations de prix, on a celui des fluctuations de change. Les États-Unis sont notre seul marché. Nous avons mis au point un produit permettant aux producteurs d'acheter une option en dollars canadiens et nous avons engagé une entreprise pour s'occuper des opérations de couverture entre les deux. Très peu de producteurs se sont prévalus du programme malgré tous les efforts que nous avons déployés pour les y intéresser, mais nous n'avons guère réussi à le faire. Le manque d'intérêt s'explique de bien des façons. Il arrive souvent que les producteurs nous disent ne pas vouloir geler une perte. En fait, ce n'est pas le cas parce que si le prix monte, ils en profiteront.

Les agriculteurs sont optimistes, ils pensent que les choses vont s'arranger, ils espèrent qu'elles vont aller mieux et donc, ils n'aiment pas s'engager, ils veulent pouvoir profiter de toute conjoncture favorable.

Le président: Le canola en est un exemple. Vous pouvez vous engager à Weyburn pour un prix de 8,08 $, mais le prix du canola aujourd'hui est de 9,25 $. Si la récolte est mauvaise, vous pouvez, en vous engageant, perdre 2 $ par boisseau. En revanche, si le prix est de 6 $, vous aurez fait un profit.

Le sénateur Spivak: C'est un pari. Étant donné tous les obstacles qui se mettent en travers de la production céréalière, étant donné les surplus qui n'ont jamais été aussi bas, et étant donné que les stocks mondiaux de céréales ne sont pas élevés, n'êtes-vous pas inquiet au sujet de la sécurité alimentaire? Le ministère de l'Agriculture fait des prévisions. Ne craignez-vous pas que nous ayons trop de bétail et pas assez de céréales?

M. Eyvindson: C'est vrai que les stocks mondiaux ont diminué.

Le sénateur Spivak: Je crois que la durée des stocks est tombée à 30 jours ou 60 jours, quelque chose du genre.

M. Eyvindson: Je ne sais pas quel est le chiffre exact, mais je sais qu'il est très bas.

Cela veut dire que le marché peut être extrêmement volatile, que la volatilité des prix sera encore plus grande. Pour ce qui est de la sécurité alimentaire au Canada, l'industrie céréalière est tellement importante par rapport à la population qu'il n'y a pas lieu dans l'immédiat de craindre de ne pas avoir assez de stocks pour nourrir la population. Ce qui est plus à redouter, c'est une plus grande volatilité des prix qui aurait un impact sur le coût des aliments, mais cet impact serait relativement faible.

En revanche, au plan mondial, c'est un problème.

Le sénateur Spivak: Je ne crois pas qu'il soit facile de revenir à la production céréalière. Une personne qui décide d'abandonner la production céréalière ne peut pas y revenir l'année suivante. Vous pouvez passer d'une culture à une autre, mais si vous décidez d'abandonner la production céréalière pour vous lancer dans l'élevage de porcs, vous n'allez pas revenir en arrière.

M. Eyvindson: Une fois que vous avez investi des sommes importantes dans des parcs d'engraissement des porcs, il est plus difficile de revenir en arrière.

M. Gellner: Il y a toujours eu des cycles dans l'élevage du bétail. Les cycles ont tendance à être plus longs dans le cas des bovins et plus courts dans celui des porcins. Toutefois, ces derniers temps, avec tous les changements survenus dans l'industrie du porc, les cycles sont moins prononcés parce que les gens font des investissements importants. Ils se lancent dans l'élevage et y restent.

Le président: À ce propos, y a-t-il eu, à votre avis, un changement substantiel ces quinze dernières années? Je me souviens dans les Prairies, en particulier aux États-Unis où le gouvernement construisait grenier après grenier et tous les greniers étaient pleins. C'était une assurance contre une baisse de la production alimentaire. Le Canada avait un programme similaire. Toutefois, nous avons abandonné cela et aujourd'hui, nous vendons la totalité des récoltes dans l'année où elles ont été produites. À mon avis, ce n'est pas à l'avantage des agriculteurs. C'est à l'avantage des sociétés céréalières qui enregistrent des profits record, comme en témoignent leurs états financiers.

Des représentants de la Banque mondiale ont comparu devant notre comité pour nous parler des disponibilités alimentaires. Il y a quelques années, j'ai rédigé un article intitulé: «Food: A Priority». Je dois dire que ce n'est pas vraiment une priorité. Dans les pays comme le Canada, nous prenons la sécurité alimentaire pour acquise. Les producteurs en Amérique du Nord ont décidé que, compte tenu de l'économie globale et de la rapidité des transports, nous n'avions pas besoin de disponibilités supplémentaires. Quand nous faisons face à une sécheresse, nous nous demandons s'il n'y a pas du vrai dans ce qu'avait prédit Joseph dans l'Ancien Testament -- sept années de grande abondance et sept années de famine.

Le sénateur Fairbairn: Nous parlons de la commercialisation mondiale alors que des pays en Afrique et ailleurs connaissent des sécheresses absolument dévastatrices. C'est la raison pour laquelle nous sommes préoccupés par le très faible niveau des disponibilités alimentaires mondiales.

Le président: Peut-être pourrions nous en venir au commerce et aux guerres commerciales qui risquent de se produire. Le ministre de l'Agriculture de la Communauté européenne a comparu devant notre comité la semaine dernière, et selon, si l'on en juge par signes en provenance des États-Unis, il pourrait très bien y avoir des guerres commerciales. Qu'en pense Agriculture Canada?

M. Gellner: Ce n'est vraiment pas sûr et nous ne pouvons certainement pas prédire ce que feront les Américains et les Européens. S'ils commencent à fortement subventionner les exportations, cela pourrait bien avoir un impact sur les prix des céréales, surtout au niveau mondial, et des conséquences négatives pour ce qui nous concerne. Toutefois, il est impossible de dire ce qui va arriver.

Le président: Pourrions-nous obtenir des Européens la garantie qu'ils ne le feront pas?

M. Richardson: Je sais que le ministre a eu des entretiens privés à la suite des réunions qui se sont tenues à Ottawa. La délégation s'est rendue dans la circonscription du ministre. Je suis sûr que vous avez vu la déclaration qui a été faite publiquement. Les Européens disent que, dans les limites de la réduction des subventions à l'exportation autorisées, ils sont en droit de le faire. Ce n'est pas très encourageant.

Un collègue de Jack examine actuellement en détail les conséquences pour nous de l'EEP par les États-Unis. Nous n'avons pas fini. L'EEP est très compliqué car il vise seulement certains marchés. Bien sûr, ça dépend de la façon dont il est appliqué, mais une grande partie de nos céréales est exportée vers des marchés qui, autrefois, n'étaient pas visés par l'EEP, et donc toutes nos céréales ne sont pas destinées à un marché où les États-Unis risquent de vendre moins cher que la Commission canadienne du blé ou les sociétés céréalières. Nous aurons bientôt fini d'examiner cette question. Nous serons alors heureux de pouvoir vous aider dans la mesure du possible. C'est une question très compliquée.

À notre avis, la situation n'est pas aussi mauvaise que nous la percevons. Le ministre a fortement insisté sur ce point. C'est l'un des points essentiels sur lesquels nous consultons l'industrie en vue de la prochaine série de négociations commerciales. C'est un problème important pur les producteurs. L'examen des subventions européennes et américaines à l'exportation lors de la prochaine série de négociations commerciales fait partie des priorités.

À court terme, il faut continuer de faire pression sur les Américains et sur les Européens, afin qu'ils ne faussent pas les marchés. Nous ne savons exactement quand nous en aurons fini de nos travaux.

Le sénateur Fairbairn: À propos de ce sujet particulier et des Américains, j'aimerais en venir à un autre produit qui me tient à coeur, la betterave à sure. Nous avons d'énormes investissements dans la partie sud de l'Alberta et avons l'intention d'augmenter la production et la teneur en sucre. Ça me rassurerait de savoir que nous faisons tout notre possible pour accroître les débouchés à l'exportation du sucre et des produits du sucre aux États-Unis car, au milieu des années 80, l'industrie a pratiquement dû fermer ses portes en Alberta. Nous avons perdu le Manitoba pour d'autres raisons. C'est important -- peut-être pas pour l'ensemble mais pour une partie de la nation. J'espère que nos agriculteurs, nos producteurs et les compagnies seront en quelque sorte rassurés de savoir que le Canada n'a pas pour intention au cours des négociations de faire des compromis dans un secteur de l'agriculture en échange de compromis dans un autre.

M. Richardson: Je ne suis pas un spécialiste du commerce, mais sur ce dernier point, quand on entame des négociations commerciales, on ne fait pas de compromis dans un secteur quelconque de l'agriculture ou de l'économie. Dans le cas du sucre, étant donné les contingents américains et autres, c'est un point que nous examinerons vraisemblablement lors des prochaines négociations commerciales.

Le sénateur Fairbairn: J'espère que les négociateurs et les ministres feront preuve de fermeté.

Le président: J'ai une autre question qui a trait à une composante très importante de l'agriculture, non seulement dans les Prairies, mais dans tout le Canada. Je veux parler des négociants en matériel agricole qui, du moins dans les Prairies, se retrouvent avec quantité de matériel d'occasion qu'ils n'arrivent pas à vendre. La même chose pour le matériel proposé dans les ventes aux enchères. J'ai assisté à deux ou trois de ces ventes, on peut acheter du très bon matériel à un prix très intéressant.

Or, il semble que les agriculteurs sont très inquiets au sujet de l'avenir. Ils ont réduit leurs coûts de production. Ils ne dépensent tout simplement pas d'argent. J'ai parlé à un négociant en matériel agricole qui avait environ 35 moissonneuses-batteuses à vendre. Il m'a dit que la valeur de chacune de ces machines était tombée de 20 000 $, ce qui est une somme importante. Ce type de comportement a toujours été très indicatif de ce qui arrive dans le secteur agricole. À Saskatoon, certaines petites usines qui fabriquaient des semoirs pneumatiques et autres ont dû fermer leurs portes. Elles ont dû mettre à pied jusqu'à 150 hommes. C'est très indicatif de ce qui se passe dans les Prairies. Comme le montre votre graphique, autrefois, les gens étaient optimistes et achetaient beaucoup. À présent, ce n'est plus pareil.

M. Richardson: Ça va par cycles. Ça dépend du revenu actuel.

En ce qui concerne le matériel d'occasion, la situation n'est pas la même dans tout le pays. Je sais qu'elle est différente dans la région d'Ottawa. Étant donné le taux de change entre le dollar américain et le dollar canadien, il y a des gens qui gagnent plus d'argent en achetant du matériel d'occasion et en le vendant sur le marché américain. Il y a une très forte demande.

Le président: La valeur du dollar canadien est certes un facteur à prendre en considération.

M. Richardson: Des gens misent là-dessus pour gagner de l'argent. Ils achètent du matériel nouveau et revendent l'ancien à un très bon prix. C'est peut-être un phénomène local, particulier à l'est du Canada, je n'en suis pas sûr, peut-être Roger pourrait-il dire ce qu'il en pense.

M. Eyvindson: Nous avons deux graphiques à cet égard, le premier qui montre les ventes de tracteurs -- la ligne continue -- et des tracteurs à quatre roues motrices -- la ligne en bas du graphique. Au milieu, se trouvent les statistiques concernant les moissonneuses-batteuses automotrices.

Dans les années 90, les ventes ont été très bonnes. Elles ont augmenté, ce qui témoigne d'une période relativement bonne pour les agriculteurs. Nous n'avons pas les chiffres pour 1998, mais je suppose, comme le sénateur Gustafson l'a fait remarquer, qu'ils sont plus bas étant donné que la situation était nettement moins favorable cette année-là.

Nous avons un graphique concernant la formation de capital qui décrit la situation sur une période plus longue, remontant à 1986. La ligne continue en haut représente le matériel et l'équipement. Vous constaterez que la baisse est assez régulière jusqu'en 1991. À cette période, en effet, il y a eu des sécheresses, des problèmes de marché, des guerres commerciales et cetera, et donc, les agriculteurs ont réduit leurs dépenses comme ils le font en temps de crise. Toutefois, comme le montre le graphique précédent, il y a eu une remontée. En 1998, une période plus difficile, il y a une nouvelle baisse. Le marché du matériel tend, comme les marchés agricoles, à être très cycliques. Les agriculteurs achètent lorsqu'ils ont des fonds à dépenser, sinon ils n'achètent pas.

Le président: C'est très important maintenant que les taux d'intérêt sont assez faibles. Je pense que c'est très révélateur d'un manque d'optimisme.

M. Gellner: Nous avons établi des prévisions à moyen terme sur une période quinquennale. Bien qu'elles indiquent un ralentissement pour 1998, on s'attend à ce que les prix des céréales augmentent substantiellement. Il y a donc un certain optimisme.

Le sénateur Spivak: Pourquoi?

M. Gellner: À cause de la demande mondiale.

Le président: Venant de la terre, je pense que tout provient de la terre et que même les grandes villes doivent dépendre de la terre. Je crois bien que c'est sir Samuel Leonard Tilley qui a dit, «Détruisez les fermes et l'herbe poussera dans les rues de chaque ville de la nation.» C'est long d'attendre que les gouvernements prennent conscience de la réalité, qu'ils se rendent compte que ne pas avoir une base agricole solide, c'est laisser passer quelque chose de très important pour l'économie mondiale. En tant qu'agriculteur attaché à la terre, je me suis souvent demandé s'il était quelqu'un qui avait pris conscience de cette réalité. Ce que je dis, je le sais, est très général, mais pouvez-vous nous faire part de vos commentaires?

M. Richardson: Sénateur, j'aimerais faire seulement un commentaire. Nous avons parlé plus tôt de l'ensemble du système agroalimentaire. Je pense que les gens dans ce secteur sont très optimistes, encore que -- il y a un mois, à Saskatoon -- lorsque je me suis entretenu avec lui, le directeur du département d'agronomie n'était pas tellement optimiste parce que l'un des professeurs du département -- un homme jeune et très compétent -- avait accepté un poste chez un fabricant de produits chimiques. Toutefois, il m'a dit que beaucoup d'étudiants diplômés en agronomie, y compris ceux qui avaient une maîtrise en, disons, biologie ou biotechnologie, avaient des emplois qui les attendaient un an avant qu'ils n'obtiennent leur diplôme.

De temps en temps, ainsi que nous l'avons vu aujourd'hui, les prix des céréales augmentent ou diminuent, et cela se reflète sur le comportement des agriculteurs. Néanmoins, si vous parlez à un professeur d'université, il vous dira que tous les jeunes ont un emploi dans le secteur agricole, pas nécessairement en agriculture comme telle, mais peut-être dans l'industrie chimique ou une autre industrie s'occupant d'autres facteurs de production, ou bien encore dans le marketing. En gros, les gens sont optimistes.

Comme vous le savez, les ministres fédéral et provinciaux se sont fixé pour objectif d'essayer d'augmenter le total de la production agricole au Canada, et ils ont réussi. La production à moyen terme a terriblement augmenté et les prévisions à moyen terme indiquent qu'elle peut encore le faire. Il est difficile de déterminer la composition de l'emploi, mais il y a de très bons emplois de haute technologie dans le secteur agricole. Beaucoup d'emplois au niveau de la recherche scientifique et du marketing exigent énormément de compétences. Il y a pas mal de signes positifs dans toute la chaîne agroalimentaire. Il ne faut pas oublier, quand nous voyons les prix chuter comme ils risquent de le faire cette année, que dans l'ensemble on est positif sur ce que peut apporter l'agriculture et l'agroalimentaire à chaque région de ce pays.

Le président: Je suis d'accord avec vous. Certains emplois qu'offrent les fabricants d'engrais et autres sont très bons. Toutefois, pas plus tard que la semaine dernière, un jeune agriculteur -- d'une trentaine d'années -- m'a dit «Je ne connais pas un seul jeune agriculteur qui ne louerait pas sa terre à bail s'il pouvait trouver un autre travail.» Il m'a dit que c'était très dur. Ce qui arrive maintenant en Saskatchewan, c'est que beaucoup de jeunes agriculteurs trouvent du travail ailleurs.

Localement, il y a plus de terres affermées qu'avant. Dans notre région, le loyer est de 4 000 $ par trimestre. Il n'y a pas moyen de rentrer dans son argent avec un tel loyer. Dans certaines parties de la province, le loyer va chercher entre 7 000 et 8 000 $. Je crois que la raison en est que nous avons rêvé en couleurs lorsque nous avons vu le prix de certaines cultures commerciales et que, en calculant, nous avons pensé que la culture continue nous rapporterait le double de ce que nous rapportait la jachère. Toutefois, étant donné les coûts de production, nous nous sommes retrouvés avec moins d'argent, comme le montrent les données de Statistique Canada concernant le Manitoba et la Saskatchewan.

Si je mentionne cela, c'est pour vous mettre en garde. Cela montre combien les filets de sécurité sont importants et combien il est important aussi qu'Agriculture Canada fasse tout son possible pour faire en sorte que les prix augmentent. Je reconnais qu'il s'agit là d'un problème mondial.

Le comité continuera d'étudier cette question. Plusieurs membres de notre comité s'y connaissent bien dans ce domaine. Nous avons l'intention d'étudier la question des filets de sécurité, des subventions, des coûts de production et plusieurs autres problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs.

La séance est levée.


Haut de page