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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 21 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 29 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour étudier l'état actuel et futur de l'agriculture au Canada (l'hormone de croissance recombinante bovine et ses effets sur la santé des humains et des animaux).

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Aujourd'hui, c'est la troisième réunion du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts au sujet de l'utilisation de la STbr pour stimuler la production laitière bovine et de ses effets sur la santé des humains et des animaux.

En juin, le comité a entendu les témoignages des représentants de Monsanto, la société qui propose de commercialiser la STbr, et de hauts fonctionnaires de Santé Canada. Depuis, le comité a reçu plus de 200 lettres et messages électroniques de la population qui s'inquiète et qui demande au comité d'étudier la question plus attentivement.

La semaine dernière, nous avons entendu les témoignages de scientifiques de Santé Canada qui ont examiné la méthodologie utilisée par le ministère pour évaluer la STbr jusqu'à présent. Nous avons également entendu des représentants des Producteurs Laitiers du Canada et du Conseil national de l'industrie laitière, les producteurs et les transformateurs de produits laitiers au Canada.

Aujourd'hui, nous allons entendre les représentants de Santé Canada, puis un panel de représentants du Conseil des Canadiens et du Syndicat national des cultivateurs.

Nous avons devant nous le sous-ministre de Santé Canada, M. Dodge et son collaborateur, M. Nymark. Je crois comprendre qu'ils présenteront les autres plus tard. M. Dodge va faire une brève déclaration, puis nous l'interrogerons au sujet de certaines des préoccupations soulevées par les scientifiques qui ont comparu devant nous. Je demanderais donc à M. Dodge de commencer.

Le sénateur Spivak: Monsieur le président, j'invoque le Règlement ou alors je veux une précision. Je croyais que M. Losos allait comparaître. Je vois son nom sur la liste, mais je ne vous ai pas entendu le nommer. Vous avez dit que nous entendrions d'abord les représentants du ministère de la Santé, puis les autres témoins mentionnés dans notre liste. J'avais cru comprendre qu'on se pencherait d'abord sur les affaires qui se passent au ministère, puis qu'on passerait aux autres questions. Est-ce que c'est ce qui était prévu? Est-ce ainsi qu'on va procéder pour les questions? Je croyais que c'était ce qui avait été convenu.

Le président: C'est ce qui est convenu. M. Dodge est disposé à répondre aux questions à ce sujet, si j'ai bien compris. Nous allons maintenant lui demander de faire sa déclaration.

M. David Dodge, sous-ministre, Santé Canada: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui pour traiter de cette importante question. Bien entendu, la lecture de la transcription de votre dernière séance m'a profondément inquiété. J'ai dit que si les sénateurs voulaient que je comparaisse, je ne manquerais pas de le faire.

Vous savez tous que je suis nouveau au ministère puisque j'y suis arrivé en juillet. Je termine à peine mon premier trimestre. Je suis venu au ministère de la Santé parce que je crois que la santé et la sécurité des Canadiens est probablement l'enjeu le plus important de nos jours. J'ai été honoré que le premier ministre me demande de quitter ma confortable chaire de l'Université de Colombie-Britannique pour accepter ce poste.

Comme l'a dit le sénateur Spivak, deux séries de questions sont à l'ordre du jour et la corrélation entre elles est manifeste. Bien que j'aie fait énormément de recherches empiriques dans ma vie, elles portaient toujours sur l'économique et sur des chiffres, jamais sur la santé et la sécurité des humains. Ce n'est pas à moi qu'il faut demander de vous parler des aspects scientifiques du sujet. Cependant, M. Losos, notre scientifique en chef au ministère, les présidents des deux groupes d'étude externes et un expert international, qui a fait tout le trajet depuis l'Australie, sont ici pour tenter de vous expliquer certaines de ces questions. Eux vont traiter des aspects scientifiques dans la seconde partie de la réunion.

Pour commencer, je vais aborder les dimensions plus générales. Il est extraordinairement important que tous les Canadiens soient parfaitement convaincus que les produits alimentaires qu'ils consomment ou les médicaments qu'ils prennent sont vraiment sans danger suivant les normes scientifiques les plus élevées possible. Rien n'est jamais sûr à 100 p. 100 en ce monde. La science évolue, et nos connaissances changent avec le temps. Toutefois, dans la mesure du possible, c'est la tâche du ministère; c'est l'engagement du ministère et du ministre; c'est ce qu'on m'a demandé de venir faire.

Un certain nombre d'accusations extraordinairement graves ont été lancées la semaine dernière. À titre de sous-ministre, cela me préoccupe excessivement. Il est important d'avoir des procédures nous permettant d'aller au fond des choses.

Au cours de la très brève période qui s'est écoulée depuis mon entrée en fonction, j'ai constaté que depuis un an environ, sous la direction du ministre Rock, on s'est réellement efforcé de rebâtir la Direction générale de la protection de la santé, une direction qui peut bien servir les Canadiens à l'aube du XXIe siècle et une direction qui est capable de s'occuper de l'avalanche prévue de produits transgéniques qui sont assez différents des produits dont on s'occupe depuis des années. C'est un travail difficile. Quand on commence à creuser, on découvre certaines choses qui s'accumulent depuis des années et il devient évident que tout n'est pas parfait.

Notre travail consiste à améliorer cette direction le plus rapidement possible, à reconnaître qu'un certain nombre de personnes ont travaillé très fort et assidûment pendant de nombreuses années et qu'elles font un excellent travail. Il est important de ne pas dénigrer la qualité du travail qu'elles accomplissent. Il est important que les Canadiens se fient aux mécanismes utilisés.

Je termine sur une observation: l'un des graves problèmes qui s'est accumulé avec le temps, c'est que tout le fonctionnement de la direction générale, et de la partie de la direction qui nous intéresse plus particulièrement, a effectivement pu être comparé à une boîte noire. Le public ne peut pas vraiment bien voir comment les décisions sont prises et il est impossible à quelqu'un de l'extérieur de faire des commentaires à l'issue du processus d'approbation, avant que la vente d'un produit soit autorisée au Canada. C'est un vrai problème. C'est un problème qui se pose non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

Nous allons présenter plus tard au Parlement des questions sur la façon dont, dans le cadre du processus habituel, on pourrait ouvrir une porte qui permettrait aux gens de vérifier si les choses ont été faites comme il faut. C'est plus facile à dire qu'à faire parce que nous traitons toujours des renseignements privatifs et bien d'autres choses. Vous savez que nous sommes en train de tenir une importante série d'audiences qui se terminent à Toronto aujourd'hui et que c'est une première étape pour essayer de voir comment faire avancer les choses.

Honorables sénateurs, je répondrai à toutes vos questions avec plaisir et au meilleur de ma connaissance. Comme je ne suis pas en fonction depuis longtemps, j'espère que vous comprendrez que je vous donne la meilleure réponse possible dans les circonstances. Elle ne sera peut-être pas complète et ça prendra du temps.

Le sénateur Whelan: Ma question s'adresse au sous-ministre de la Santé, M. Dodge. Vous dites ne pas être sous-ministre à la Santé depuis très longtemps.

M. Dodge: C'est exact, sénateur.

Le sénateur Whelan: Vous avez une formation en finances, pas en science.

M. Dodge: Je suis économiste de formation. Auparavant, j'ai travaillé 14 ans au ministère des Finances. L'an dernier, je l'ai passé surtout à la Faculté de médecine de l'Université de Colombie-Britannique.

Le sénateur Whelan: D'après ce que notre comité a découvert jusqu'à présent, j'estime que nous devons aborder deux questions. Premièrement, quelle est l'utilité de la STbr au Canada et quels en sont les effets? Deuxièmement, il faut évaluer la compétence et l'intégrité de Santé Canada et de son processus d'approbation des médicaments.

Par exemple, des scientifiques compétents et très instruits sont venus témoigner devant notre comité la semaine dernière. Ils ont témoigné sous serment qu'ils avaient fait l'objet de pressions et de coercition pour que Santé Canada autorise des médicaments dont l'innocuité est douteuse. Que répliquez-vous à ça?

M. Dodge: Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, sénateur, ces allégations, si elles sont fondées, sont excessivement graves. Il ne peut en aucun cas y avoir de coercition. Si vous me demandez à moi de vous assurer personnellement qu'il n'y a pas eu coercition, eh bien non, je ne peux pas l'affirmer. Il y a au ministère des mécanismes pour s'occuper de ces problèmes. Bien entendu, à titre de sous-ministre, je suis extrêmement préoccupé par cette allégation et je prends des mesures pour aller au fond de cette affaire.

Le sénateur Whelan: Pourquoi les membres du groupe d'étude de la STbr que nous avons entendus la semaine dernière allèguent-ils qu'il y a de très graves problèmes de confidentialité, de conspiration et autres choses de cette nature au ministère?

M. Dodge: Sénateur, nous savons tous que cela ne fait pas partie des opérations du ministère qui, depuis des années, est un endroit fort agréable pour travailler, c'est le moins qu'on puisse dire.

Il y a environ un an, sous la direction de M. Rock, on a établi un processus destiné à rajeunir et à rebâtir la Direction générale de la protection de la santé. Cette démarche vise notamment à vérifier si le Bureau des médicaments vétérinaires et tous les bureaux de la direction générale sont capables de remplir les conditions qui leur sont imposées par la population canadienne, non seulement maintenant, mais au cours du prochain siècle.

On a pris des mesures. M. Losos a été nommé chef de la direction générale il y a un an. M. Lachance a été nommé en avril, si je ne m'abuse, pour diriger le Bureau des médicaments vétérinaires. Ian Shugart est arrivé il y a environ un an pour s'occuper de toute la démarche. On m'a demandé de revenir il y a trois mois pour prendre les rênes de l'affaire. On reconnaît donc nettement que tout n'est pas parfait.

Le sénateur Whelan: Quand les membres du groupe d'étude de la STbr ont présenté des griefs à leur syndicat, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, pourquoi n'y a-t-il même pas eu audition du grief?

M. Dodge: Je ne suis pas au courant des détails de l'affaire, sénateur. Je demanderais à M. Nymark, qui est le plus haut fonctionnaire à entendre les griefs au ministère, de vous répondre.

M. Alan Nymark, sous-ministre délégué, Santé Canada: Le grief dont vous voulez parler a abouti au dernier palier d'audition en décembre dernier. À ce moment-là, les plaignants ont eu la possibilité de présenter des commentaires tant oralement que par écrit. Ils ont choisi de ne pas comparaître en personne mais de présenter leurs observations par écrit et c'est ainsi que le grief a été entendu.

Le sénateur Whelan: J'ai une autre question sur ce sujet, qui est basée sur les témoignages faits sous serment. Pourquoi les scientifiques ont-ils été bâillonnés? Ce n'est certainement pas normal.

M. Dodge: En toute déférence, sénateur, c'est vous qui parlez de «bâillonnés».

Vous savez pertinemment que, dans tous les ministères, il est normal que des porte-parole soient nommés pour répondre aux questions des médias. C'est la façon normale de procéder.

À l'interne -- et c'est un point tout à fait primordial -- pour faire de la science de qualité, il faut baigner dans une atmosphère de liberté de discussion et de franc débat. C'est essentiel. Peu importe qu'il s'agisse des sciences vétérinaires, des sciences humaines ou des sciences économiques. Il est capital d'avoir cette liberté au sein du ministère quel qu'il soit.

Quand il y a des remises en question, et il est opportun que les scientifiques et les évaluateurs le fassent quand il y a de sérieux doutes, alors des groupes d'experts externes sont formés. À ma connaissance, c'est ce qui s'est passé dans ce cas-ci.

Le sénateur Whelan: Je sais que vous le savez, mais je vous rappelle gentiment que j'ai été ministre pendant près de 11 ans. Je ne me souviens pas que ça se soit jamais produit et on pratiquait la politique du libre accès.

Dites-moi: si j'envoie une lettre au ministre et que cette lettre est renvoyée à un directeur général pour qu'il y réponde, la lettre va passer par combien de personnes avant de revenir au ministre, si jamais elle y revient?

M. Dodge: Trop de monde.

Le sénateur Whelan: C'est ce que je disais moi aussi. Au ministère que j'ai dirigé, une lettre passe par sept personnes avant d'arriver au ministre. Vous qui étiez un gros bonnet au ministère des Finances, ne croyez-vous pas que c'est un terrible gaspillage que de faire passer une lettre par sept ou huit personnes avant qu'elle soit approuvée?

M. Dodge: Bien entendu et j'ai d'ailleurs répondu tout à l'heure qu'il y a trop de monde dans la filière ministérielle. Nous sommes précisément en train de raccourcir la chaîne. Pour répondre à votre question, c'est oui. Trois ce devrait être suffisant.

Le sénateur Whelan: J'ai eu un choc quand j'ai entendu ce qu'on a dit au sujet des dossiers, par exemple qu'une personne avait la clé du classeur où était le dossier sur la STbr, et que c'était le seul classeur fermé à clé. Pourriez-vous expliquer comment et pourquoi les dossiers appartenant à Mme Margaret Haydon ont été volés?

M. Dodge: Non, je suis incapable de l'expliquer, sénateur. Il semble qu'à la suite de cet incident, la GRC ait fait enquête. Si vous voulez, je peux demander à M. Losos de vous répondre. Je ne peux pas en dire plus. Je l'ignore.

Le sénateur Whelan: On ne vous en a pas fait rapport? Vous n'étiez pas au courant? En tant que sous-ministre, vous êtes censé savoir tout ce qui se passe.

M. Dodge: Je suis content que vous ayez employé les mots «censé», sénateur. Si j'ai bien compris, c'est arrivé en 1994. À l'époque, on a demandé à la GRC de faire enquête. Ça, je le sais. Si vous voulez, je vais demander à M. Losos d'expliquer ce qui s'est passé en 1994 à la suite de cet incident.

M. J.Z. Losos, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada: Sénateur, Mme Haydon a signalé le présumé incident. Le rapport a immédiatement été acheminé au service de sécurité qui a fait venir la GRC. La GRC a longuement interrogé tous les participants. Les agents ont relevé les empreintes digitales dans tous les bureaux, et cetera. Ils ont conclu qu'il n'y avait pas de preuve substantielle d'une effraction et ils ont classé l'affaire.

Le sénateur Whelan: Si je ne m'abuse, Mme Haydon a dit que l'un de vos fonctionnaires s'était rendu chez elle alors qu'elle était en congé de maladie pour venir chercher les dossiers qu'elle n'a jamais revus par la suite.

M. Losos: L'enquête a dû en tenir compte, sénateur. Je n'en connais pas les détails, mais la GRC menait seule cette enquête et elle a classé l'affaire.

Le sénateur Whelan: Alors je m'adresse de nouveau au sous-ministre. Pouvez-vous expliquer pourquoi tout le dossier de la STbr était gardé sous clé et pourquoi seuls MM. Ian MacDonald et George Paterson y avaient accès? Ce n'est certainement pas normal. Selon les témoignages entendus, des quelque 20 médicaments ou hormones différents en cours d'examen, c'était le seul dossier gardé sous clé. Y avait-il quelque chose de particulièrement secret sur la STbr?

M. Dodge: Sénateur, vous venez vous-même de soulever la question du vol et de la sécurité au ministère. Pour les dossiers extraordinairement délicats, ce qui était le cas de la STbr, il est normal d'appliquer des mesures de sécurité plus rigoureuses. À ma connaissance, il y a régulièrement trois ou quatre dossiers dans ce cas au ministère. Ce ne sont pas les mesures appliquées dans 95 p. 100 des cas, mais ce dossier ne faisait pas non plus partie des 95 p. 100 d'études ordinaires faites au ministère.

Le sénateur Spivak: Monsieur Dodge, je vous remercie d'être là. Je sais que le préavis a été court et je suis contente que vous ayez pu venir.

M. Dodge: Sénateur, je préfère être ici avec vous plutôt qu'à la Chambre de commerce où j'étais censé me trouver.

Le sénateur Spivak: Le sénateur Whelan est allé droit au but et, si vous permettez, je vais l'imiter. Je sais que vous êtes un nouveau venu au ministère, mais l'enjeu est ici fondamental et capital.

À la mi-septembre, tout récemment, les témoignages assermentés faits devant la Commission des relations de travail révélaient que le directeur du Bureau des médicaments vétérinaires disait sans équivoque à son personnel que le client de Santé Canada, c'était l'industrie. Il leur a dit que l'optique du gouvernement avait maintenant changé et qu'on travaillait au service de l'industrie. Le client, c'est elle. Il a aussi dit aux chercheurs que s'ils ne coopéraient pas, d'après son témoignage, ils pourraient être transférés à un autre ministère et que ce serait la fin de l'histoire.

Je veux donc parler de l'échelle de valeurs générale au ministère.

Il est très clair, dans le rapport Gaps Analysis, que vous avez dit de la STbr que c'était un dossier inhabituel. Pourquoi? La procédure d'évaluation habituelle n'a pas été suivie dans le cas des présentations de la STbr.

Comme je trouve que c'est le noeud du problème, je vais parler du rapport Gaps Analysis. Selon le rapport, la Division de l'innocuité pour les humains et le BMV sont chargés de déterminer si la STbr est sans danger pour la santé humaine à l'issue d'une évaluation menée suivant le Règlement sur les aliments et drogues. La condition de base pour toute présentation de drogue, c'est de fournir une série de données, notamment des études sur l'effet aigu, subaigu et chronique, sur deux générations, des études sur la reproduction et d'autres études spéciales. Les présentations du Nutrilac ne renfermaient pas les études usuelles sur la toxicité chronique, la cancérogénécité ou la reproduction. Tout le dossier reposait sur une étude de 90 jours, menée sur des rats, qui renfermait des erreurs de déclaration.

Si la préoccupation primordiale selon la Loi sur les aliments et drogues, c'est la sécurité des Canadiens, et que le ministre affirme que c'est sa seule préoccupation, alors pourquoi ne pas en revenir à considérer le public comme le client du ministère, commander ces études à long terme et en finir une fois pour toutes?

On soupçonne que, comme l'industrie assure 70 p. 100 de votre financement, vous essayez de lui plaire. Par conséquent, peut-être que la population canadienne ne retire pas du processus ce qu'elle devrait normalement en retirer.

M. Dodge: Sénateur, je vais laisser ceux qui y connaissent quelque chose répondre à l'aspect scientifique de votre question. Moi, si vous voulez bien, je vais traiter de l'échelle des valeurs et de la procédure.

Le rôle du ministère, et il faut que ce soit extrêmement clair, c'est de protéger la santé et la sécurité des Canadiens. C'est notre travail. Notre clientèle se compose de chacun des 30 millions de Canadiens qui mangent, qui prennent des médicaments et qui utilisent des jouets ou d'autres produits. Notre travail, c'est de faire de notre mieux pour nous assurer que les aliments ou les médicaments qu'ils consomment et les produits qu'ils utilisent sont aussi sûrs que le permettent les connaissances scientifiques actuelles. Notre travail consiste aussi à vérifier, dans toute la mesure du possible, si l'air que l'on respire et l'eau que l'on boit sont sans danger. C'est notre travail, cela ne fait aucun doute et c'est notre seul rôle.

Le sénateur Spivak: Allez-vous rappeler à M. Lachance qui doit être sa clientèle?

M. Dodge: Permettez que je poursuive. Des pressions énormes sont exercées de toutes parts sur le ministère dans l'exécution de son travail. Bien entendu, si l'approbation d'une drogue ou d'un produit en particulier prend plus de temps, les Canadiens sont susceptibles d'en souffrir.

Sénateur, vous avez posé une question générale. L'une des pressions qui est incontestablement exercée sur nous tous qui sommes des employés du ministère, c'est l'obligation de faire notre travail le plus rapidement possible en tenant compte du principe que j'ai énoncé au départ. C'est une pression bien réelle pour nos employés qui sont nombreux à travailler de très longues heures pour s'acquitter de leurs obligations.

Or, il arrive que moi, j'ai été de l'autre bord puisque j'utilise des médicaments pour mon bétail. Quand un produit est disponible ailleurs dans le monde, les utilisateurs font pression pour qu'il soit disponible ici aussi. Bien entendu, il y a aussi des pressions de l'industrie qui a consacré du temps et de l'argent au développement d'un produit et qui veut le mettre sur le marché le plus tôt possible. Il y a un nombre considérable de pressions.

Le rôle fondamental du ministère -- et il faut que ce soit bien clair -- c'est de protéger la santé et la sécurité des Canadiens, en tenant compte de toutes ces pressions qui s'exercent.

Le sénateur Spivak: Si vous me permettez de dévier un peu du sujet, on a allégué que, ces derniers jours, le ministère déchiquetait des documents. Êtes-vous au courant? Qu'est-ce qui a été déchiqueté? Se pourrait-il qu'on ne reçoive aucun des documents qui sont censés nous être remis? J'espère que c'est faux, mais je voudrais que vous m'en donniez l'assurance.

Une note de service du ministère, datée du 20 octobre, nous a appris que les avocats de Monsanto à St. Louis avaient communiqué avec Santé Canada. Les avocats craignent qu'en répondant aux questions de notre comité et d'autres, le ministère ne dévoile d'autres renseignements que ceux obtenus la semaine dernière.

Si j'en avais le temps dans ce premier tour, et je suis certaine que je ne l'ai pas, je voudrais traiter des mécanismes d'accès à l'information et du pouvoir de dérogation du ministre, qui semble mal compris depuis le sommet du ministère en descendant. Bien entendu, l'intérêt public peut toujours l'emporter sur un intérêt commercial.

Qu'est-ce que vous pouvez nous apprendre au sujet du déchiquetage, des notes de service et de la possibilité que nous obtenions les autres renseignements demandés?

M. Dodge: Commençons par le déchiquetage. Voilà une allégation extraordinairement grave. J'en ai entendu parler à midi hier. À 13 heures, M. Leadbeater était dans mon bureau. J'ai dit à M. Leadbeater, qui est le sous-commissaire à l'information, qu'il fallait faire enquête le plus rapidement possible parce que, si c'était vrai, c'était un comportement tout à fait inacceptable.

J'ai ordonné sur-le-champ qu'aucun document quel qu'il soit, même s'il n'a qu'un rapport indirect avec le dossier de la STbr, ne soit éliminé ou détruit et qu'aucun document au Bureau des médicaments vétérinaires, quel qu'en soit le sujet, ne soit éliminé ou détruit. J'ai mis mon adjoint personnel dans mon propre cabinet à la disposition du commissaire à l'information afin que son travail progresse le plus rapidement possible.

Il est primordial que le commissaire à l'information jouisse d'un libre accès et qu'il puisse agir le plus vite possible. Ce sont des allégations très graves. Il est évident qu'aucun document de cette nature ne devrait être éliminé tant que dure cette histoire.

Il se pourrait que ce soit des coupures de journaux et toute une pile d'autres documents qui aient été jetés dans la déchiqueteuse. Je ne sais pas. Bien franchement, il est important que le commissaire à l'information étudie cette affaire afin qu'il n'y ait pas la moindre éclaboussure. Le commissaire est impartial. Il fait un travail qui est très important. L'enquête suit son cours aussi vite que le commissaire à l'information dans mon cabinet peut le faire.

Votre deuxième question avait indirectement un rapport avec les avocats. Parfois on a l'impression de ne plus être dans le domaine de la santé mais plutôt dans le domaine juridique étant donné toutes les affaires qui se passent au ministère. Ça montre l'extrême difficulté de la question avec laquelle nous nous débattons collectivement au Canada, à savoir que, dans le cas de la mise au point de médicaments, il faut tabler essentiellement sur la protection de la propriété intellectuelle par des brevets pour stimuler la recherche qui profite à nous tous. C'est ainsi que nous accordons des brevets pour une certaine période. Pendant cette période, le promoteur doit obtenir un avis de conformité pour vendre son produit.

Les renseignements qu'il nous fournit à nous, à la FDA et aux autorités des autres pays, sont des renseignements privatifs. Ça complique énormément la vie. Ce n'est pas comme faire les sciences à l'université quand on étudie des choses qui sont essentiellement du domaine public. Au ministère, on traite des renseignements privatifs qui ont été rassemblés. Notre grand problème maintenant, c'est comment, étant donné le contexte de notre travail, on peut faire examiner le système sans révéler de renseignements privatifs.

Si ces renseignements sont révélés au Canada et si les entreprises qui ont mis au point ces produits estiment qu'ils ont été révélés au Canada, alors malheureusement ils ne se donneront pas la peine de venir vendre leurs produits ici puisque nous ne représentons que 2 p. 100 du marché mondial. Les citoyens et les agriculteurs ne pourront pas se procurer ces produits qui sont disponibles à l'étranger.

C'est un problème extrêmement épineux. Comment le régler et comment procéder? Ça signifie qu'inévitablement, un processus d'approbation traitant des renseignements privatifs, comme celui administré par Santé Canada, ne peut pas révéler autant de choses que d'autres, parce que tous les évaluateurs doivent accepter de respecter les règles.

Le sénateur Spivak: En toute déférence, il y a dans ce cas-ci tant d'insignes erreurs que vous ne pouvez pas invoquer les renseignements privatifs et le caractère commercial. Il me semble que les faits sont clairs si vous les examinez attentivement.

Étant donné toutes les lacunes, les erreurs, le manque de fiabilité des données brutes et les erreurs de déclaration dans les résumés, êtes-vous maintenant disposé à autoriser des études à long terme de la STbr, qui sont normalement effectuées pour tout médicament, afin qu'on puisse mettre un terme à cette histoire et protéger la santé de la population? Êtes-vous prêt à le faire? Êtes-vous prêt à affirmer que vous allez le faire?

M. Dodge: Sénateur, j'avoue ne pas comprendre votre question. Peut-être que c'est parce que j'ignore ce que vous entendez par «études à long terme».

Le sénateur Spivak: Monsieur Dodge, habituellement, comme on l'indique dans le rapport Gaps Analysis, un médicament comme celui-ci aurait fait l'objet d'études à long terme. Par exemple, l'étude sur les rats aurait duré bien plus longtemps que 90 jours. Il y a toutes sortes d'études. Certaines choses qui auraient dû être étudiées ne l'ont pas été, par exemple le dérèglement du système immunitaire et les taux d'IGF-1. On ne l'a pas fait.

Êtes-vous prêt à laisser le processus se dérouler comme prévu afin que l'innocuité de la STbr soit démontrée? Je serais des plus heureuse si son innocuité était effectivement démontrée. Je ne veux pas que cette drogue soit utilisée, mais si elle est sans danger, que puis-je y faire?

M. Dodge: Sénateur, vous savez que j'attends en ce moment les rapports définitifs des deux groupes d'étude. Vous allez entendre leurs présidents ce matin.

J'ai pourtant l'impression que vous soulevez une question légèrement différente. Il s'agit ici d'un produit transgénique, le premier d'une longue série de produits qui nous seront soumis au cours des prochaines années. Ce que vous voulez vraiment savoir, c'est si l'on peut être certain que, dans l'avenir, ce produit ne sera pas susceptible d'avoir des effets imprévus?

Le sénateur Spivak: Non, c'est la façon dont on a procédé qui est boiteuse. Va-t-on maintenant procéder comme il faut? Voilà ma question.

M. Dodge: Je m'excuse, sénateur. La nature générale du processus d'enquête interne, c'est-à-dire la création de groupes d'étude internes et externes, c'est le processus d'examen normal. Ce qui est anormal cette fois, c'est le temps que ça a pris à cause des nombreuses incertitudes entourant ce produit en particulier. Il ne sera pas approuvé -- je répète, ne sera pas approuvé -- tant qu'on n'aura pas démontré hors de tout doute son innocuité pour les humains. Ce n'est pas encore fait et la drogue n'est pas approuvée.

Le président: Les producteurs laitiers ont demandé au vérificateur général d'examiner l'affaire. Est-ce que celui-ci a commencé son enquête? Êtes-vous au courant?

M. Dodge: Je suis parfaitement au courant. Sénateur, j'ai eu une réunion intéressante avec les producteurs laitiers la semaine dernière. Le vérificateur général a joué un rôle très important au cours des trois ou quatre dernières années, parce qu'il a étudié diverses composantes des opérations de la Direction générale de la protection de la santé, et il continue de jouer un rôle très important.

Au cours de l'hiver et du printemps, nous allons attendre du vérificateur général qu'il nous transmette une foule d'observations tandis que nous remanierons les structures afin d'améliorer le côté scientifique et la qualité de la protection offerte aux Canadiens. Le vérificateur général joue un rôle important dans cette démarche.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais faire quelques observations. Vous êtes, si l'on veut, tout au sommet du ministère. Nous tenons des réunions extraordinaires sur un sujet dont la plupart des Canadiens ignorent même l'existence. C'est en partie parce qu'au Canada, en ce moment, on sent une certaine anxiété dans divers domaines, pas seulement dans celui de la santé. La confiance qu'avait la population dans ses institutions, ses systèmes et son propre instinct de conservation a été ébranlée.

Vous avez dit que nous allons être inondés par une foule de drogues différentes. La STbr est spéciale parce qu'elle touche la substance nutritive la plus fondamentale de notre vie quotidienne au Canada, quel que soit notre âge, c'est-à-dire le lait. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles le public manifeste un intérêt soutenu pour cette affaire.

La semaine dernière, nous avons entendu des représentants du Conseil national de l'industrie laitière du Canada et des Producteurs Laitiers du Canada. Ils nous ont dit que le produit canadien avait une réputation extraordinaire. Si l'on perd cette réputation pour quelque raison que ce soit, vous savez tous qu'il sera presque impossible de la regagner. Pour les citoyens ordinaires -- pas pour les membres d'un comité sénatorial -- c'est d'une importance fondamentale.

Cela m'amène à une autre raison pour expliquer l'intérêt particulier que suscite cette question et c'est le fait que notre confiance en notre pays ait été ébranlée. Elle a été ébranlée par des crises comme celle du système d'approvisionnement en sang et par des problèmes permanents comme ceux du Sick Children's Hospital de Toronto qui concernent la recherche sur les enfants et de l'obstruction qu'on a faite au médecin qui a eu le courage de déclarer que quelque chose n'allait pas.

Toutes ces situations créent de l'angoisse. La STbr est aujourd'hui devenue un symbole de cette angoisse.

Le sénateur Spivak vous a interrogé au sujet du mandat de la Direction générale de la protection de la santé. Moi, je vais aller un peu plus loin. Vous avez affirmé très clairement que la direction avait pour mission de veiller à la sécurité du public. Vous avez été catégorique, comme le ministre.

La semaine dernière, nous avons entendu des témoignages qui nous ont appris que, selon certains employés du ministère -- dont certains font nettement partie des cadres -- l'industrie et l'argent viennent au premier rang au ministère, la sécurité passant après. Vous n'êtes pas d'accord et vous affirmez que ça doit être différent au ministère. Cependant, si une telle attitude existe effectivement au sein du ministère et de la Direction générale de la protection de la santé, je veux savoir ce que les autres et vous au ministère avez l'intention de faire pour dissiper cette impression. Comme vous établissez des politiques d'ordre public, l'idée que la sécurité du public passe après l'argent et l'industrie est inacceptable.

Est-ce que cette réunion de comité aura entre autres effets celui d'amener le ministère à prendre des mesures pour confirmer que tel n'est pas son mandat?

M. Dodge: Certainement, sénateur. C'est l'avantage d'une réunion comme celle-là. Ça soulève la question et ça éclaircit les choses pour tout le monde, y compris pour nos employés.

D'après ce que j'ai vu au ministère, même si je n'y suis pas depuis longtemps, je sais qu'il y a un groupe d'employés entièrement dévoués à la santé et à la sécurité des Canadiens. Même si certains s'expriment un peu différemment, j'ai été frappé par le degré d'engagement des employés du ministère. Ils sont incroyablement dévoués.

Pour en revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure au sénateur Spivak, le problème se pose parce que nous avons aussi l'obligation de procéder à l'approbation le plus rapidement possible. Chaque évaluateur et chaque gestionnaire se doit de faire son travail et d'accomplir des heures supplémentaires pour que les examens soient faits en temps opportun.

Cette pression s'est intensifiée. Le ministère et ses effectifs n'ont pas grossi. La charge de travail s'est alourdie. Comme gestionnaire, je dois m'occuper de ce problème. Il y a effectivement de la pression. Nous avons l'obligation d'agir rapidement.

Néanmoins, que tout le monde autour de cette table comprenne bien que le ministère a pour mission de veiller à la santé et à la sécurité des Canadiens. Moi, je suis chargé de veiller à ce que le ministère s'acquitte de sa mission.

Je suis d'accord avec vous, sénateur, la confiance des Canadiens dans Santé Canada et dans bon nombre d'institutions de notre réseau de santé et du pays a été ébranlée. C'est pourquoi je suis revenu à Ottawa pour y assumer ce poste, parce qu'il est capital de rétablir cette confiance. Seul le temps nous dira si j'ai réussi à contribuer au rétablissement de la confiance. En tout cas, c'est mon objectif.

Le sénateur Fairbairn: À la question sur les examens, vous avez répondu que le processus ordinaire, prévu dans les cas où il y a certaines remises en question comme en l'occurrence, avait été suivi. Il y a eu examen interne et il y a maintenant deux études externes qui sont en cours. Vous avez également précisé que l'examen et la confirmation de l'innocuité des médicaments font l'objet de pressions la plupart du temps parce que les gens souffrent et qu'ils pourraient peut-être bénéficier des médicaments à l'étude.

Ce n'est pas le cas ici. Vous avez dit être un éleveur de bétail. Le tableau de certains des effets sur les animaux qu'a brossé l'un des groupes d'étude externes suscite de vives craintes chez tous les intéressés. Cela soulève d'autres questions.

C'est une hormone de croissance. Le Conseil de l'industrie laitière du Canada dit qu'il ne tire aucune conclusion et qu'il compte sur vos conclusions à vous. Il ajoute que si vos conclusions entraînent la perte de la confiance du public, il va demander un dédommagement au gouvernement. Je suis certaine que vous ne voulez pas que ça arrive.

Le représentant des producteurs laitiers a même affirmé qu'eux ne veulent rien savoir. Les deux organismes soutiennent qu'il y a d'autres moyens d'accroître la production sans utiliser la STbr, si tant est qu'on a pour objectif d'accroître la production. Ce n'est donc pas urgent.

L'une des inquiétudes mentionnées, c'est que les examens et les études seraient faits à partir du résumé des conclusions de quelqu'un d'autre. On n'a donc pas la chance de refaire une étude des données brutes pour réfléchir à certaines des inquiétudes. Peut-on être certain que, si c'est nécessaire pour aller jusqu'au bout, le gouvernement s'engagera à prendre le temps et les moyens qu'il faut pour que ce soit possible?

M. Dodge: Certainement, sénateur. La présentation de la STbr a été reçue il y a environ huit ou neuf ans. Il faudra peut-être attendre deux, trois ou quatre ans encore avant de tous êtres certains d'en savoir assez pour affirmer soit que jamais, au grand jamais, la STbr sera approuvée, soit qu'elle est sans danger.

On va exiger de l'entreprise toute la documentation nécessaire. Toute cette documentation sera remise aux groupes d'étude. Les groupes d'étude disposeront du temps nécessaire et toute enquête ultérieure découlera de leur rapport.

Le sénateur Fairbairn: Est-ce que les données brutes leur seront aussi remises s'ils en ont besoin?

M. Dodge: S'ils en ont besoin, sénateur, certainement.

Le sénateur Stratton: Monsieur Dodge, je vous remercie d'être là. Voilà un sujet qui est devenu très passionnel. Ça me rappelle la question de l'irradiation des aliments que nous connaissons tous. Je ne sais toujours pas aujourd'hui si l'irradiation des aliments est inoffensive ou pas; ça n'a jamais été dit clairement.

Vous dites que vous vous occupez de la procédure à suivre pour examiner ces nouveaux produits biotechnologiques qui vous seront soumis en nombre croissant dans l'avenir. Nous ne voulons absolument pas, pas plus que vous d'ailleurs, j'en suis certain, que des réunions comme celle-ci aient lieu chaque fois qu'un nouveau produit a été soumis à la procédure d'approbation. Ce n'est vraiment pas la meilleure façon de procéder.

Pouvez-vous nous expliquer le processus ou l'évaluation que vous avez entrepris, les résultats qui seront vraisemblablement obtenus, et un échéancier de votre examen de ces nouveaux produits chimiques et médicaments?

M. Dodge: Je vais vous donner une réponse générale avant de demander à MM. Losos et Shugart de fournir certains détails.

Nous devons nous assurer que Santé Canada dispose des scientifiques capables de fournir une analyse des données, indépendante de ce que l'industrie a présenté. Ce sont des domaines nouveaux. Il y a une pénurie mondiale de savants pour faire ce travail. Toutefois, il nous faut nous doter de la capacité de le faire. Voilà le travail que nous sommes en train d'entreprendre.

Au lieu de vous induire en erreur, je cède la parole à M. Losos.

M. Losos: Sénateur, c'est une excellente question. L'entreprise est tenue de nous fournir certains types de renseignements. Nous les examinons avec nos évaluateurs qui sont des experts dans leur domaine et qui examinent la présentation de A à Z, notamment en vérifiant qu'elle est complète et que les épreuves scientifiques ont été effectuées comme il faut.

Si on a le moindre doute au sujet des aspects scientifiques, on peut former un groupe d'étude composé de scientifiques du bureau ou de l'extérieur qui reprennent l'étude. Si ça ne règle pas le problème, on peut ensuite former un groupe d'étude interne et un groupe externe plus structurés et on peut aller jusqu'à des groupes d'étude externe comme ceux que vous rencontrerez bientôt.

Nous allons aussi nous renseigner dans les pays étrangers où la science est la plus avancée. La science est en évolution constante. Nous surveillons ce que fait la communauté internationale et nous avons un expert étranger pour expliquer ça au panel aujourd'hui.

De plus, la science continue d'évoluer. Nous suivons ce qui est publié. La STbr a été évaluée pendant neuf ans mais nous ne l'évaluons pas avec les connaissances scientifiques d'il y a neuf ans. Nous nous mettons constamment à jour et nous réexaminons la présentation en conséquence.

Bref, voilà le type de procédure et de mécanisme dont nous disposons pour nous assurer qu'on tient compte d'absolument tout.

Le sénateur Stratton: Vous décrivez votre approche scientifique. Moi, comme tous les Canadiens, je suis plutôt intéressé de savoir si c'est un médicament très bien. Ça peut être une procédure impeccable. Cependant, ça ne fait pas l'unanimité. Comme je connais un peu le monde scientifique, je sais que c'est inévitable.

Ce qui m'inquiète, c'est que je n'ai pas entendu un mot sur l'éducation du public sur ces questions. Vous savez que les drogues susciteront la controverse, surtout les nouvelles qui seront présentées. Comment parviendrons-nous à quoi que ce soit si on n'essaie pas au moins d'expliquer aux Canadiens ce qu'il advient de cette nouvelle technologie qui nous arrive de plus en plus vite?

M. Dodge: Sénateur, je demanderais peut-être à Ian Shugart de vous répondre parce que c'est une des principales questions auxquelles il faut réfléchir si on veut renouveler la direction générale. Je suis content que vous souleviez la question.

M. Ian Shugart, sous-ministre adjoint invité, Transition DGPS, Santé Canada: Sénateur, je ne peux que faire écho aux propos du sénateur Spivak qui a dit: «On prouvera peut-être son innocuité. Je l'espère, mais je n'en veux pas quand même.»

La question que vous abordez est liée au fait que les Canadiens voudront toujours être certains qu'il y a un examen scientifique. Toutefois, pour certains produits, ils insisteront pour avoir néanmoins le choix de consommer le produit ou non. C'est d'autant plus important lorsque la substance se trouve dans un produit aussi omniprésent que le lait. Le sénateur Fairbairn l'a dit tout à l'heure.

L'une des solutions possibles maintenant serait de fournir aux consommateurs des renseignements sur la nature d'un produit donné, en présumant que le côté scientifique a été examiné. Il ne faut jamais se retrouver dans la situation où les préoccupations commerciales sont remplacées par l'examen scientifique rigoureux d'un produit qui pourrait être dangereux. Toutefois, il se pourrait qu'une fois l'innocuité démontrée, on soit obligé à l'avenir de fournir aux consommateurs des renseignements supplémentaires, dans le cadre du processus d'approbation, pour qu'ils puissent faire un choix éclairé.

Pour le moment, nous sommes incapables de fournir des réponses détaillées, mais c'est un des problèmes dont nous avons été saisis. Nous essayons de le régler. D'ailleurs, certaines des discussions que nous avons eues publiquement, notamment avec nos propres employés, portent sur les efforts pour baser le processus sur ce principe général.

Le sénateur Stratton: Avez-vous une idée du temps que ça prendra?

M. Dodge: Sénateur, nous espérons qu'au terme des consultations actuelles, nous pourrons revoir notre copie en quelque sorte. Il y aura ensuite des discussions au comité de la Chambre, puis nous produirons un quelconque document qui sera présenté dans le dessein de montrer comment nous allons procéder à partir de là et quelles modifications il faudra probablement apporter à la loi. Il faudra entre autres régler la question soulevée par le sénateur Spivak tout à l'heure, à savoir comment peut-on proposer au public une autre façon de surveiller le processus?

À la suite d'une nouvelle série de consultations, nous présenterons un avant-projet de loi. Ça pourrait prendre environ 18 mois.

Le sénateur Stratton: Vous savez que cinq scientifiques ont comparu devant le comité la semaine dernière et que trois d'entre eux ont été assermentés. Il leur a fallu énormément de courage pour venir témoigner. Je voudrais avoir votre assurance, devant notre comité, que ces scientifiques seront traités équitablement dans l'avenir. Le comité ne veut pas apprendre un jour que l'un d'entre eux s'est retrouvé à Tombouctou, si je peux dire. Je veux éviter d'offenser quiconque au Canada en nommant une ville en particulier comme Winnipeg. Je tiens donc à ce que vous m'en donniez l'assurance.

Je leur ai dit -- et je veux les remercier d'être revenus aujourd'hui -- que si jamais ils avaient un problème, ils devaient nous en parler. Si le ministère de la Santé ne peut pas nous rassurer ou nous donner des assurances, est-ce que vous, vous pouvez le faire?

M. Dodge: Sénateur, les allégations qui ont été faites sont évidemment examinées dans le respect des droits et libertés. Le principe de l'application régulière de la loi est primordial. Tout employé mérite cette protection.

Ces employés et tous les autres employés du ministère de la Santé -- et d'ailleurs de tout le gouvernement fédéral, j'espère -- devraient bénéficier de la protection de leurs droits.

Le sénateur Sparrow: Monsieur le président, à l'intention des témoins, j'espère que ceux qui s'opposent à l'utilisation de cette drogue seront grandement rassurés par nos réunions. Je crois que la recherche est dans une impasse, que le ministère a la frousse et qu'il n'approuvera pas le produit de toute façon. C'est troublant, mais je le dis quand même. Je suis convaincu que le ministère semble avoir la frousse.

Votre dernière observation, c'est que la fonction publique mérite la protection du ministère. Y a-t-il eu des notes de service ou des signes de la part du ministre ou du sous-ministre pour indiquer un changement d'attitude du ministère? Est-ce que ces scientifiques et les autres employés pourront effectuer leur recherche en toute liberté sans que leurs dossiers soient gardés sous clé?

Je ne m'inquiète pas seulement pour ce produit, mais pour ce qui arrive peut-être dans d'autres aspects de la recherche qui sont aussi très importants pour la santé des Canadiens.

Je voudrais qu'on me dise s'il y a dans la STbr synthétique quelque chose de secret ou quelque chose qui compromettrait le fabricant ou le distributeur si certains renseignements étaient divulgués. On continue d'entendre dire par votre ministère et par d'autres aussi qu'il faut protéger l'aspect concurrentiel, la dimension commerciale. On dirait que le ministère s'abrite toujours derrière ça en clamant qu'il faut protéger la compétitivité.

D'après certaines des questions des autres sénateurs, je dirais qu'il faut protéger la population canadienne, pas seulement les entreprises.

Je vous repose la question: y a-t-il quelque chose dans la STbr que le grand public ne devrait pas savoir?

M. Dodge: Sénateur, vous avez posé bien des questions. Je vais laisser les scientifiques répondre à celles qui sont d'ordre scientifique justement. Ils peuvent le faire bien mieux que moi.

Je vais traiter trois sujets que vous soulevez: le ministère qui a la frousse, les dossiers qui sont gardés sous clé et la concurrence.

Sénateur, le ministère n'a pas la frousse. Le ministère a l'obligation de jouer son rôle, c'est-à-dire protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Tous les employés du ministère ont la même obligation. Entendons-nous bien. Or, pour exécuter cette obligation, il ne faut pas avoir la frousse. Nous sommes payés pour exécuter cette obligation. Nous le ferons de notre mieux. Laisser entendre que des tactiques alarmistes vont fausser le jugement des employés du ministère, c'est tout à fait injustifiable.

Le sénateur Sparrow: Des témoins assermentés ont affirmé au comité qu'il se passait certaines choses et que ce n'était pas inhabituel. Il faut régler ce problème. Le problème, c'est que ces employés de votre ministère ont reçu l'instruction de se taire et c'est pourquoi ils avaient peur de témoigner devant le comité sans être assermentés.

M. Dodge: Sénateur, je ne peux pas parler à leur place. Ce que je peux vous dire, toutefois, c'est que si un comité du Sénat ou de la Chambre des communes veut entendre le témoignage d'employés de mon ministère ou de moi-même, nous nous plierons à sa volonté. Voilà l'instruction qui a été donnée à tous les employés quelles que soient les circonstances. Nous sommes au service de la population canadienne et vous, vous êtes ses représentants; nous nous devons donc de nous présenter devant vous pour témoigner. Je ne comprends pas que les gens viennent dire qu'ils ont peur de venir témoigner devant un comité sénatorial. Étant fonctionnaires, nous y sommes obligés. Peut-être que certains n'ont pas compris ça, mais c'est vrai.

Vous avez parlé des dossiers qui sont gardés sous clé, du secret, et cetera. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a toujours quelques dossiers extrêmement délicats. Il est normal et prudent de prendre certaines mesures de sécurité plus rigoureuses que d'habitude pour ces dossiers névralgiques. Bien entendu, n'importe quel gestionnaire hésite avant de prendre de telles mesures parce que ça dérange le personnel qui doit s'y soumettre. Nous appliquons ces mesures uniquement quand elles sont indispensables.

Par ailleurs, et vous en avez parlé tout à l'heure, il y aurait eu un problème en 1994 quand certains dossiers ont disparu. Le ministère a alors l'obligation, certainement, de s'assurer que ça ne se reproduise pas. C'est très malcommode. Comme chercheur, je sais à quel point ça dérange. Cependant, il est aussi important que tout le monde soit certain que les mesures de sécurité appropriées ont été prises.

Enfin, je veux vous parler de l'aspect concurrentiel. C'est foncièrement un sujet très épineux. Ce n'est pas tellement à cause des sociétés. On a établi dans le monde occidental -- et nous en faisons partie -- un système pour stimuler la recherche de telle sorte qu'elle n'ait pas à être entièrement subventionné par l'État. Nous nous servons donc du mécanisme des brevets. Malheureusement, ça produit des informations privatives. S'il fallait qu'au Canada on décide que tout le matériel soumis tombe dans le domaine public, on serait malheureusement le pays où aucun détenteur de propriété intellectuelle ne viendrait lancer son produit sur le marché.

Normalement, vous le savez j'en suis sûr, sénateur, on nous fait savoir que les agriculteurs canadiens ne peuvent pas avoir accès à des herbicides, à des pesticides ou à des médicaments vétérinaires aussi rapidement que leurs concurrents américains. Habituellement, la pression s'exerce dans l'autre sens.

Ce n'est pas un problème facile auquel correspondent des solutions toutes faites. C'est un problème qui nous demande réflexion et avec lequel vous, les législateurs, vous êtes confrontés constamment. Le juste milieu est difficile à trouver.

Dans le cas qui nous intéresse, c'est une nouvelle catégorie de drogues qui fait son apparition sur le marché, les drogues transgéniques. Personnellement -- et les sénateurs peuvent ne pas être d'accord -- je pense qu'il est excessivement important en l'occurrence de prendre toutes les mesures possibles pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens, même si ça veut dire qu'il faudra du temps, beaucoup de temps, pour trancher la question.

Le sénateur Sparrow: Et la question c'est: y a-t-il un ingrédient dans ce produit synthétique que le public devrait ignorer ou qui n'est pas révélé pour protéger des intérêts commerciaux?

M. Dodge: Sénateur, je ne peux pas répondre à la question. Je préférerais que vous la posiez aux scientifiques. Pourriez-vous y revenir tout à l'heure?

Le sénateur Sparrow: Mais quand?

M. Dodge: M. Losos et plusieurs autres scientifiques sont ici et ils sont mieux placés que moi pour répondre à cette question. Ma réponse ne vous aiderait pas.

Le sénateur Sparrow: Est-ce que la recherche a maintenant ralenti ou a été interrompue depuis que ce problème est survenu ou est-ce qu'elle se poursuit normalement? Est-ce que les scientifiques qui ont comparu devant nous et les autres ont suspendu leur recherche maintenant?

M. Dodge: Il me semble qu'il se ferait plutôt énormément de recherche là-dessus, bien plus que ce qu'on ferait normalement, mais peut-être M. Losos peut-il vous répondre.

M. Losos: Sénateur, le travail se poursuit au Canada et à l'étranger, dans les universités. Lorsque la Food and Drug Administration a approuvé ce produit, elle a exigé que se poursuivent un certain nombre d'études longitudinales à long terme. La science progresse constamment.

Le sénateur Sparrow: Je voulais parler des scientifiques de votre ministère, monsieur, pas de la recherche dans le monde entier. Je suis certain que nous n'influons pas sur la recherche internationale dans le domaine.

M. Losos: Nous y participons par l'entremise des experts qui seront assis devant vous dans quelques minutes. L'analyse se poursuit effectivement au ministère. Cela vaut pour toutes les drogues. Après la délivrance d'un avis de conformité pour un médicament quel qu'il soit -- inhibiteur calcique, antibiotique, et cetera -- les systèmes de contrôle restent parce que les données pourraient changer. L'expérience d'un médicament à l'échelle de la population considérable d'un pays ou à l'échelle planétaire d'ailleurs, influe toujours sur la décision de retirer ou non un médicament du marché ou de modifier son étiquetage. L'expérience humaine évolue avec ces médicaments. La recherche est constante et ininterrompue. Ce n'est jamais figé.

Le sénateur Sparrow: Le ministère n'a donné aucune instruction sur certaines actions particulières dans le cadre de votre recherche scientifique?

M. Losos: Pas du tout, sénateur.

Le président: Avant de donner la parole au sénateur Ghitter, je voudrais poser une question qui découle de mes antécédents agricoles, puisque je suis agriculteur. Il y a d'excellentes bouillies sur le marché et nous connaissons l'importance des développements qui ont résulté de la recherche scientifique menée par des sociétés comme Monsanto et d'autres. Ma question porte sur l'équilibre. Certaines bouillies ont été retirées du marché alors qu'elles n'auraient pas dû l'être tandis que d'autres encore disponibles sont inquiétantes.

On dirait que les conséquences politiques ou le battage qui a parfois lieu nous imposent des décisions malgré nous. Je m'interroge sur l'équilibre. Je n'ai pas l'illusion que ce doit être très difficile pour le monde scientifique de trouver un juste milieu étant donné toutes les implications publiques, la médiatisation, et cetera. Je suppose qu'il n'y a pas de réponse simple. Il faut être juste envers les entreprises qui font un travail superbe. Chacun d'entre nous ici bénéficie d'un niveau de vie dont nous aurions été privés sans certains progrès scientifiques. J'en suis conscient comme agriculteur. J'irais jusqu'à dire que si l'on faisait abstraction de nombreux avantages que la recherche scientifique nous a apportés, c'est la moitié du monde probablement qui crèverait de faim. Je pense que le sénateur Whelan ne serait pas d'accord.

Le sénateur Whelan: Je vais répondre à votre place.

Le président: Je m'intéresse à l'équilibre. Comment trouver le juste milieu? On constate les progrès réalisés par nos scientifiques à mesure que nos connaissances augmentent et on est témoin des bénéfices de leur recherche. La réponse n'est pas simple.

M. Dodge: Si je pouvais vous donner une réponse catégorique, je mériterais l'Ordre du Canada.

Il y a deux questions à mettre en équilibre. Il y a d'abord les implications scientifiques pour la santé humaine et animale. C'est le travail de notre ministère. Il faudra peut-être modifier la façon dont on procède, mais c'est notre travail à nous.

Mais ensuite, on va au-delà. Certains nouveaux développements ont de très importantes répercussions d'ordre éthique, social et économique. La Direction générale de la protection de la santé n'est pas l'endroit indiqué pour traiter des conséquences économiques et sociales.

On en arrive alors à une autre question qu'il faudra soumettre à nouveau au Parlement à mesure que les travaux dirigés par Ian Shugart sur le renouvellement de la Direction générale de la protection de la santé progresseront. Comment les intérêts économiques, sociaux et éthiques peuvent-ils être pris en considération? On ne veut pas que ces considérations colorent les données scientifiques et les effets objectifs sur la santé humaine et animale. On veut une opinion nette sur l'innocuité et on veut ensuite pouvoir régler indépendamment certaines de ces considérations extérieures.

Ça ne relève pas de nous mais du Parlement. C'est un travail extrêmement difficile auquel le Parlement devra s'attaquer, surtout que nous entrons dans l'ère du génie génétique. Ce n'est pas une question facile même en faisant un gros effort d'imagination.

Le président: Dans l'avenir, nous aborderons une autre question. Autrement dit, ne me racontez pas ce qui est arrivé, mais dites-moi ce qui va arriver. Toute l'industrie laitière est très bien protégée par le principe des offices de commercialisation, qui signifie maintenant que nous n'avons pas besoin de concurrencer les Américains ou d'être économiquement compétitifs grâce aux mesures de protection établies. Je crois que ça va changer et que la position sur cette question va changer aussi à cause des réalités économiques. Y avez-vous réfléchi?

M. Dodge: Sénateur, M. Nymark et moi avons tous deux, dans des fonctions antérieures, consacré beaucoup de temps à réfléchir à ces questions. Mais dans nos fonctions actuelles de sous- ministre et sous-ministre délégué de la Santé, nous n'avons pas d'affaire à traiter cette question.

Le président: Autrement dit, vous présentez ça comme une question politique.

M. Dodge: Ce n'est pas seulement politique. Il y a quelques effets réels sur l'analyse économique. J'hésiterais énormément à parler de ces questions à titre de sous-ministre. Toutefois, ce sont des questions excessivement importantes que nous nous efforçons de trancher depuis 20 ans et avec lesquelles nous allons continuer de nous débattre pendant 20 ans encore.

Le sénateur Whelan: Mon collègue, le président, a fait une observation concernant la gestion de l'offre. J'espère sincèrement qu'il établit une comparaison avec la gestion de l'offre chez les compagnies pharmaceutiques. Je pense au Viagra et à d'autres médicaments semblables. Combien paiera-t-on pour une petite pilule? Est-ce que vous faites enquête sur cet aspect, sur les coûts, les considérations économiques et les problèmes sociaux? Sinon, vous devriez le faire.

M. Dodge: La vente du Viagra n'est pas encore autorisée au Canada.

Le sénateur Ghitter: Monsieur Dodge, vous êtes un éminent fonctionnaire que nous connaissons bien et qui a très bien servi le Canada à divers titres pendant de nombreuses années. Votre présence ici dans vos nouvelles fonctions m'envoie deux messages, un qui est positif et l'autre qui ne l'est pas. Le message positif, c'est que le gouvernement prend la situation assez au sérieux pour vous convaincre d'accepter ce poste. Le second qui est moins acceptable, si je peux m'exprimer ainsi, c'est que le choix de quelqu'un de votre calibre indique qu'on cherche à limiter les dégâts et qu'il y a effectivement des problèmes au ministère. Ça devient d'ailleurs patent quand on écoute le récit de ce qui est arrivé.

Vous avez utilisé à maintes reprises ce matin les mots «extraordinaire» et «extraordinairement» parce que c'est une situation exceptionnelle. C'est plutôt clandestin. Je suppose qu'on pourrait faire venir Perry Mason. Aux États-Unis, on rajoute le suffixe «gate» à tout, sur le modèle de Watergate. On avait déjà Peppergate, et voici maintenant Cowgate. Néanmoins, c'est grave.

Ça a un rapport avec la frustration que je ressens, comme mes collègues certainement, étant donné les questions qu'ils ont posées, au sujet du manque de confiance dans le ministère. À mon avis, c'est l'aspect le plus important dans tout ce que j'ai entendu. À moins de raconter franchement ce qui est arrivé et de l'expliquer aux Canadiens, vous n'arriverez jamais à regagner leur confiance. Je n'ai pas l'impression de savoir ce qui est arrivé. Je ne crois pas qu'on va avoir des réponses du ministère sur ce qui est arrivé. Je crois que votre ministère est obligé de raconter aux Canadiens ce qui s'est passé pendant toutes ces années. Ça ne me rassure pas de savoir que c'est le sergent Fiegenwald qui s'est occupé de l'enquête à la GRC. Nous le connaissons pour son rôle dans l'affaire Airbus. Ça ne me rassure pas que la GRC ait vraiment mené une enquête comme on l'a dit. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

Ça touche aussi les décisions qui ont été prises par le ministère au sujet d'autres produits. Si ce genre de chose se passait au ministère, ça sème le doute sur toutes les décisions passées du ministère concernant les produits. On peut se demander: «Si ça a pu arriver pour un produit donné, qu'est-il arrivé pour les autres décisions? Étaient-elles motivées par l'industrie et non par la santé?»

Votre ministère est aujourd'hui irrémédiablement obligé d'aller au fond de cette affaire et de raconter aux Canadiens ce qui s'est passé. Or, je n'ai pas l'impression que vous l'ayez fait devant notre comité jusqu'à présent.

M. Dodge: Quand vous dites Cowgate, moi je pense aux barrières que j'utilise pour empêcher le bétail d'aller sur la route.

Vous avez mis le doigt sur une question fondamentale, comme l'a fait le sénateur Fairbairn. Les Canadiens doivent être convaincus que la Direction générale de la protection de la santé fait son travail bien, équitablement, impartialement et rapidement. Vous avez raison de dire que ces allégations très graves font planer un doute sur le ministère et non seulement dans la confiance des Canadiens; elles font planer un doute sur tous ceux qui travaillent au ministère et qui accomplissent leur tâche extrêmement bien.

Par conséquent, il nous incombe certainement -- je suis d'accord avec vous -- d'aller au fond de ces allégations, dans la mesure où elles s'avèrent fondées, et d'apporter les correctifs nécessaires pour que plus jamais on fasse de pareilles allégations ou, si elles étaient fondées, pour que des circonstances comparables ne se reproduisent plus.

C'est exactement ce que nous nous efforçons de bien faire en ce moment. Cependant, il est très important de respecter les droits et libertés et de procéder ainsi pour aller au fond de cette histoire. Ça ne rendrait pas service que j'aille moi-même jouer là-dedans pour venir ensuite raconter au comité ce que j'ai découvert parce que je suis l'administrateur de cette organisation, puisqu'on penserait que j'ai un parti pris. Je vais le faire -- d'ailleurs, je le fais déjà -- mais il est aussi important que la procédure établie pour régler ce genre de problème et pour protéger nos employés, par exemple la procédure de grief, se poursuive jusqu'à son terme. Je ne dois pas risquer d'entacher la procédure en m'immisçant et en prenant des mesures qui pourraient être jugées trop sévères au bout du compte.

Nous n'avons pas beaucoup de temps. Je prends note de votre remarque que nous devons agir sans tarder. Nous devons pouvoir nous présenter à nouveau devant votre comité, devant le comité permanent de la santé et devant les Canadiens en général pour dire: «Voici le résultat de la procédure entreprise. Voici les allégations qui ont été démontrées et ce que nous avons fait pour régler le problème. Voici les allégations qui ne se sont pas avérées et dont vous n'avez pas à vous inquiéter.»

Voilà ce qu'il m'incombe de faire. C'est pourquoi quand j'ai appris cette histoire de destruction de documents, par exemple, j'ai agi si rapidement, et j'appuie sans réserve le commissaire à l'information pour qu'il fasse son travail le plus rapidement possible.

Ce sont des allégations très graves. Mon travail consiste à m'assurer non seulement de tirer ça au clair mais aussi de procéder dans le respect des droits afin que tous les Canadiens et vous-mêmes puissiez croire aux résultats obtenus.

Le sénateur Ghitter: J'ajouterais seulement que je vous presse de faire comme vous le dites. Certaines des procédures établies sont telles que le public n'est jamais mis au courant parce que tout se fait à huis clos. Il ne serait pas dans votre intérêt d'agir en secret dans la mesure où ça pourrait être rendu public. Ces questions sont trop importantes et trop profondes pour le faire de toute façon. Elles touchent trop les Canadiens pour que la procédure se fasse en privé.

M. Dodge: Certainement.

Le président: L'un des avantages de notre comité sénatorial, c'est qu'on veut examiner attentivement la question sans les implications politiques qu'il peut y avoir dans d'autres comités. En tant que président, je peux avoir une opinion différente de celle des autres membres, mais c'est un comité libre et le Canada en a besoin pour régler des situations difficiles comme celle qui nous occupe. Merci de vous être donné la peine de faire cette observation.

Le sénateur Whelan: Nous avons tous les deux un fond agricole, mais une vue différente de la façon dont l'agriculture devrait être servie par certaines des choses mentionnées ici comme la gestion de l'offre, et cetera.

J'avais l'habitude de traiter avec bien des anciens employés du ministère des Finances. Souvent, le matin, je rencontrais mon collègue, le ministre des Finances. Je ne le traitais pas comme le ministre de la Santé, mais je disais toujours: «Bonjour, Dieu». C'est comme ça que ça commençait.

Comme l'a dit le sénateur Ghitter, et vous en avez convenu, vous ne devez pas traîner. Cependant, des études ont été faites en 1980 sur la STbr. Mme Haydon travaillait déjà là-dessus en 1988, si je ne m'abuse. Ça fait longtemps que c'est à l'étude au ministère. Ça m'inquiète beaucoup.

Nous tous ici, nous nous entendons sur le manque de communication dans votre ministère. M. Losos, ils ont dit que votre bureau était presque la porte voisine de leur service et pourtant, vous ne leur avez jamais parlé. C'est ahurissant et choquant pour un ancien agriculteur, quelqu'un qui a été politicien pendant 39 ans et qui vient d'être nommé sénateur, qu'une telle chose arrive dans un ministère. Je n'arrive pas à le croire. Le ministre n'est peut-être même pas informé de ce qui se passe. Peut-être qu'il ne reçoit pas les lettres, comme Gorbatchev ne recevait jamais de lettres.

En général, la société estime -- et le sénateur Ghitter a dit ça aussi -- qu'on a déjà pris trop de temps à régler ça. Le sénateur Sparrow a mentionné le sentiment de doute et de crainte qu'inspire maintenant la façon dont vous approuvez ces médicaments. On a entendu ce témoignage. C'est vous qui administrez le ministère. Peut-être que le comité sénatorial devrait suivre votre suggestion et prendre six mois pour connaître tout le ministère et discuter avec tous ces gens afin de découvrir combien de personnes au ministère ont été traitées de la même façon. Croyez-vous que ce serait une bonne idée?

M. Dodge: Je ne pense pas. Dans toute organisation, il y a des points forts et des points faibles. Il est manifeste que ces problèmes couvaient depuis un certain temps et qu'ils empiraient encore il n'y a pas si longtemps. Notre intention -- c'est-à-dire l'intention de M. Rock, la mienne et l'intention de toute la haute direction -- c'est d'essayer d'implanter un milieu de travail productif pour tous les scientifiques et tous les employés du ministère.

Je ne peux pas vous garantir qu'on y arrivera du jour au lendemain. Comme vous le savez, certaines situations se développent sur une longue période. M. Losos a commandé une étude pour examiner certains de ces problèmes. Il y en a. Il ne faut pas essayer de se le cacher. C'est maintenant à nous d'essayer de les régler.

Quand des accusations extraordinairement graves sont faites, je crois qu'il ne convient pas de suivre la procédure établie pour protéger ceux qui font les accusations et ceux contre lesquels les accusations sont lancées. Il faut garantir aux Canadiens que c'est réglé de façon impartiale.

Le sénateur Whelan: Vous avez parlé de la procédure à suivre pour une audition. Ma représentante a assisté à ces réunions. Elle ne pouvait rien enregistrer ni prendre aucune photo. Une personne faisant office de juge trônait comme un dieu et lui a dit ce qu'elle pouvait et ne pouvait pas dire. Ma recherchiste est revenue en état de choc. Elle avait une certaine expérience des tribunaux, mais elle a dit ne jamais avoir été témoin d'une procédure aussi partiale de sa vie. Pourtant, vous semblez insister beaucoup sur ce système fantastique qui traite les gens équitablement.

M. Dodge: Je ne peux pas commenter cette situation en particulier. Néanmoins, il est indéniable que nous avons affaire à des renseignements privatifs. Il nous faut donc prendre des mesures assez différentes de celles qu'on prend à l'université quand on a des débats comparables. Malheureusement, c'est ce qu'il faut faire et on s'y conforme. Je ne peux pas parler du cas particulier que vous mentionnez.

Mais vous avez aussi soulevé la question scientifique, sénateur. Je peux revenir quand vous voulez. Nous avons demandé aux présidents des deux groupes d'étude et à un expert étranger d'être ici pour répondre à vos questions sur la STbr. Je crains que la réunion ne s'achève avant que vous ayez pu tirer parti au maximum de ces experts de l'extérieur de la fonction publique. Moi, je reviendrai quand vous voudrez pour traiter de ces autres questions. C'est plus difficile de faire venir des gens d'Australie.

Le président: À ce sujet, nous avons du temps en masse. Le Sénat nous a autorisés à siéger après 14 heures, bien que nous devions encore entendre le Conseil des Canadiens et le Syndicat national des cultivateurs. En toute justice, nous voulons les entendre. Nous allons certainement prendre le temps qu'il faut pour permettre à vos scientifiques de présenter leur position.

M. Dodge: Ce ne sont pas mes scientifiques, sénateur. Ce ne sont pas des fonctionnaires.

Le sénateur Whelan: Franchement, monsieur Dodge, nous ne vous avons jamais demandé de faire venir quelqu'un de l'Australie aujourd'hui. Ça doit certainement coûter plus cher qu'un voyage d'Ottawa à Windsor. Ça m'inquiète. On a supprimé le service de cirage de chaussures sur la colline du Parlement, mais j'imagine que le prix d'un voyage entre l'Australie et le Canada permettrait de faire cirer bien des paires de souliers.

Avait-on l'intention de garder cette étude secrète au Canada? L'étude a-t-elle été cachée aux scientifiques du Bureau des médicaments vétérinaires qui étudiait la STbr et pourquoi?

Dans une lettre du 21 octobre 1998, le ministre Rock déclare notamment ce qui suit:

Le Dr Losos est sous-ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé [...] chargée et tenue de s'assurer que le processus d'examen de la STbr est exhaustif et satisfait à toutes les exigences du processus d'approbation des médicaments [...]

Pourtant, M. Chopra a dit dans son témoignage la semaine dernière que M. Losos n'a jamais voulu le rencontrer ou rencontrer son groupe d'étude pour discuter des questions concernant les dérèglements immunologiques ou les malformations congénitales possibles. Pourquoi pas? Comment expliquez-vous la discordance entre les faits indiqués dans la lettre et ceux relatés dans le témoignage de M. Chopra?

M. Dodge: Je demanderais à M. Losos de vous répondre.

M. Losos: Sénateur, vous devez savoir que j'ai eu plusieurs réunions avec des scientifiques et des gestionnaires de la Direction générale de la protection de la santé au sujet de la STbr. D'ailleurs, j'ai eu une réunion très intensive de trois heures avec sept ou huit scientifiques tout de suite après mon arrivée à la direction générale en juin 1997 et la réunion avait porté sur tous les aspects scientifiques. Je voulais qu'on me donne toutes les données scientifiques qu'on connaissait sur la STbr.

D'ailleurs, je me posais des questions. J'ai expressément demandé que l'analyse des lacunes soit entreprise.

Le sénateur Whelan: Vous ne répondez pas à la question. Pourquoi n'avez-vous pas rencontré M. Chopra? Il a demandé une réunion avec vous.

M. Losos: Non, monsieur, il ne l'a jamais demandée. Je n'ai jamais reçu une demande de réunion de la part de M. Chopra.

Le sénateur Whelan: Ni d'aucun autre membre de ce groupe d'étude?

M. Losos: Non, monsieur, jamais. Je serais heureux de rencontrer l'un d'entre eux ou de les rencontrer tous.

Le sénateur Whelan: Alors pouvons-nous avoir copie de toutes les lettres que les gens vous ont envoyées?

M. Losos: Vous pouvez avoir tout ce que j'ai.

Le sénateur Whelan: J'ai demandé aux témoins qui étaient ici la semaine dernière de nous remettre une copie des lettres qu'ils ont écrites et des messages qu'ils ont envoyés, et cetera.

J'ai sous les yeux une lettre que j'ai moi-même écrite au ministre. Je suis certain qu'elle a dû passer par le sous-ministre et qu'elle a peut-être descendu la filière. J'en ai aussi envoyé une au premier ministre. J'ai reçu du Cabinet du premier ministre une réponse qu'on a fait suivre.

Depuis un mois ou deux, nous avons reçu énormément d'informations sous la forme de déclarations, et cetera. Dans votre communiqué du 21 octobre, vous affirmez que les questions non scientifiques, par exemple les aspects sociaux et économiques, ne font pas partie de l'examen scientifique. Pourtant, les questions économiques ont certainement été prises en considération dans ce cas-ci. La semaine dernière, nous avons entendu des heures de témoignage disant que non seulement cette hormone de croissance a été mal éprouvée mais qu'on n'en a pas besoin sinon pour accroître les profits de Monsanto.

Pourquoi consacrer autant de temps à quelque chose d'inutile? Nous avons les meilleures vaches laitières et les meilleurs produits laitiers au monde. On prend même des risques en important au Canada des produits laitiers des États-Unis. On ne sait pas s'ils sont sûrs et vous ne le savez pas non plus. À cause de l'importation de ces produits chez nous, certains malheureux Canadiens mangent des produits fabriqués en partie sinon entièrement avec des produits laitiers importés. C'est très dangereux.

M. Dodge: Sénateur, je vais m'abstenir de faire des commentaires sur l'économie de la situation. En ce qui concerne les importations, je crois savoir que les produits laitiers faits avec du lait américain renfermant de la STbr ne sont pas vendus au Canada. Toutefois, je vais demander à M. Losos de vous répondre lui-même.

M. Losos: Des produits transformés des États-Unis qui sont importés au Canada peuvent renfermer du lait pour lequel on a utilisé de la STbr. Il est possible que certains de ces produits renferment du lait dont la production a été stimulée par la STbr.

Le sénateur Whelan: C'est ce que j'ai dit. Nous, on tergiverse depuis dix ans et pourtant, on n'a qu'une étude de 90 jours. Il existe des résultats d'autres études effectuées par Monsanto qui ne les a pas présentées. Mais je vais attendre que les représentants de l'entreprise comparaissent devant le comité pour en parler plus longuement. La documentation est suffisante pour que, si j'étais ministre, je vous ordonne de cesser toute recherche sur le produit en attendant que Monsanto présente les résultats de ses tests. C'est parce que le programme de recouvrement des coûts qui a été imposé à d'autres ministères doit être pris en considération. Il faut compter sur ces entreprises pour qu'elles paient une partie de la recherche et des épreuves. Les millions de dollars que le gouvernement fédéral versait avant pour subventionner la recherche et les épreuves doivent maintenant venir de ces compagnies. Vous parlez d'économie, mais qui paie pour ça? Ça tombe du ciel? Non. L'argent vient de ceux qui utilisent les produits que j'ai mentionnés tantôt.

Ma question suivante porte sur la preuve de ce qui n'est pas. J'ai un ami qui a été responsable de toute la recherche menée dans l'ouest du Canada par Agriculture Canada pendant plusieurs années. Ensuite, il a travaillé à Ottawa. Comme il est à la retraite maintenant, rien ne peut plus lui arriver. Il dit qu'on peut prouver que quelque chose va arriver, mais il est impossible de prouver que ça n'arrivera pas. On peut prouver les effets qu'aura la STbr, mais on ne peut pas prouver les effets qu'elle n'aura pas. Mon ami dit que c'est un fait scientifique et que tout scientifique sait qu'on ne peut pas prouver ce qui n'est pas.

Est-ce que l'utilisation de la STbr sera comme celle de la Thalidomide pour laquelle on a commencé par découvrir le problème pour ensuite rechercher la cause de ce qui était arrivé?

N'est-il pas vrai que le démantèlement de la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada obligera les industries alimentaires et pharmaceutiques à autoréglementer l'innocuité de leurs produits? Vous allez démanteler la Direction générale de la protection de la santé, n'est-ce pas?

M. Dodge: Pas du tout.

Le sénateur Whelan: Ce n'est pas vrai?

M. Dodge: Pas du tout.

Le sénateur Whelan: Je suis content de vous l'entendre dire et je vais vous surveiller de très près.

Je veux savoir si vous avez reçu des subventions d'une entreprise, Monsanto ou une autre, pour faire de la recherche à Santé Canada.

M. Dodge: Qu'entendez-vous par des subventions des entreprises?

Le sénateur Whelan: On a dit l'autre jour que les scientifiques s'étaient fait offrir une subvention de un million de dollars si les choses allaient plus vite.

M. Dodge: Il est évident que nous appliquons une politique de recouvrement des coûts. Il n'y a pas d'autres transactions avec les entreprises. Il ne devrait pas y en avoir non plus.

Le sénateur Whelan: J'en reviens à ce qu'a affirmé M. Chopra sous serment. Dans son témoignage, il cite son sous-ministre adjoint qui aurait dit que si on offre de l'argent et qu'il est impossible de démontrer l'existence de risques, alors c'est l'argent qui l'emporte et la science passe après.

Est-ce la politique de Santé Canada?

M. Losos: Si vous me permettez de répondre, sénateur, je n'ai jamais dit ça ni même pensé à le dire.

Le sénateur Whelan: Alors M. Chopra mentait?

M. Losos: En tout cas, c'était un autre sous-ministre adjoint que moi.

Le sénateur Spivak: C'est précisément le sujet qui m'intéresse. Le sénateur Whelan a soulevé une question très importante parce qu'il y aura maintenant gestion des risques et non plus réglementation à la suite de votre modernisation du ministère.

Voilà où je veux en venir: à ma connaissance, 70 p. 100 du financement de la Direction générale de la protection de la santé vient de l'entreprise privée. L'argent sert aux évaluations. La direction ne fait plus aucune recherche elle-même. Comme le New England Journal of Medicine, une revue très prestigieuse, le faisait remarquer récemment dans un article, les scientifiques qui reçoivent des fonds de l'industrie peuvent avoir un parti pris en faveur de cette industrie. Voilà qui est crucial. On veut bien faire confiance à la Direction générale de la protection de la santé, mais comment avoir confiance alors que qui paie les violons choisit la musique?

À cet égard, je veux poser à M. Losos la question suivante: quand vous avez comparu devant nous, monsieur Losos, vous avez dit que Santé Canada n'avait jamais déclaré officiellement l'innocuité du produit avec votre aval ou celui d'autres cadres. Vous vouliez parler de la STbr. Le sénateur Whelan a fait remarquer que ça durait depuis dix ans. En 1990, M. Yong a écrit une lettre pour dire qu'il avait le plaisir de nous informer que l'examen de la présentation de drogues nouvelles était terminé au ministère et qu'on avait conclu que les données sur l'innocuité pour la santé humaine étaient acceptables et conformes aux règlements sur les aliments et drogues.

Comment une telle lettre aurait-elle pu être envoyée sans que la direction générale suive la procédure normale, c'est-à-dire en exigeant de Monsanto qu'elle fasse des études à long terme, études qui, selon le rapport Gaps Analysis, n'ont pas été faites et comment expliquez-vous la discordance entre la déclaration que vous avez faite ici en juin et la lettre officielle envoyée à Monsanto?

Voilà un cas particulier se rapportant à la question générale. Si 70 p. 100 de votre financement provient de l'industrie, vous devez certainement avoir un parti pris en faveur des produits de l'industrie.

M. Losos: Je ne suis pas responsable de la lettre envoyée en 1990, mais je vous affirme que, depuis que je dirige la direction générale, une déclaration d'un scientifique à la radio ou dans une lettre ne signifie pas nécessairement que c'est la politique du gouvernement ou du ministère. Sénateur, c'est moi le patron et c'est moi qui approuve ou n'approuve pas ce médicament.

Le sénateur Spivak: Ça soulève une question très importante parce que M. Yong était le chef de la Division de l'innocuité pour les humains au Bureau des médicaments vétérinaires. Il a envoyé cette lettre. Vous n'avez pas renié cette lettre envoyée à Monsanto, n'est-ce pas? Est-ce que Monsanto a reçu une lettre réfutant le contenu de la précédente?

M. Losos: Je ne crois pas. Je vais devoir vérifier si quelqu'un a écrit à Monsanto après ça. À ma connaissance, l'écart entre 1990 et 1998, c'est une éternité en science et cette affirmation ne tient plus.

Le sénateur Spivak: Monsieur Shugart, vous avez dit à juste titre que la population devait participer au processus, qu'elle avait besoin de savoir et qu'il fallait fournir toutes les informations nécessaires. Il y a un monde entre un processus transparent et des relations publiques.

Est-ce qu'une partie de votre travail consiste à faire accepter cette politique de recouvrement des coûts et de gestion des risques pour arriver à la modernisation du ministère? Je crois qu'il n'y avait rien de brisé quand le sénateur Whelan était ministre. Essayez-vous de réparer quelque chose qui n'est pas brisé et de convaincre le public de l'utilité de le faire?

M. Shugart: Sénateur, je ne crois pas que, comme fonctionnaire, on se mêlerait de faire des relations publiques dans un comité parlementaire qu'il soit du Sénat ou de la Chambre. Quand on parle de réforme de la législation de protection de la santé, on dit très clairement que c'est le législateur qui devra en définitive prendre toutes les décisions au nom de la population.

Ce dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est du fait que nous nous débattons avec l'importante question de savoir comment incorporer dans la réglementation et le processus décisionnel des facteurs autres que l'innocuité et l'efficacité. Manifestement, les sciences sont responsables de ces questions, mais la société en soulève d'autres -- des questions morales, sociales, culturelles, et cetera.

Il n'y a actuellement aucune disposition réglementaire nous demandant expressément d'étudier ces questions. Comme nous en avons déjà discuté un peu ce matin, le public nous dit qu'il est important que le processus d'approbation prévoie des moyens légitime de traiter expressément de ces types de questions. C'est de ça dont je parlais tout à l'heure.

Je vais maintenant vous parler de la gestion des risques. Je tiens à corriger la fausse impression fondamentale que la gestion des risques est le mot code de la déréglementation. C'est tout à fait faux. La gestion des risques, c'est le processus décisionnel nous permettant d'établir l'étendue et la nature d'un risque ou d'un avantage par rapport à la santé et de trouver le meilleur moyen de s'occuper de l'affaire.

Par exemple, pour les maladies contagieuses chez l'enfant, lorsqu'un problème se pose, le processus de gestion des risques sert à l'évaluer et à choisir la meilleure solution. En l'occurrence, procéder à l'immunisation générale des enfants d'âge scolaire. Ce n'est pas un règlement, c'est de la gestion des risques.

Je ne saurais trop vous dire que le ministère de la Santé n'a pas l'intention de cesser de contrôler l'innocuité des produits; il n'envisage pas cette possibilité et il serait impensable de même imaginer le faire. La gestion des risques n'est pas un mot code pour déréglementation. La question n'est même pas sur le tapis et ça n'arrivera pas.

Le sénateur Spivak: Et le rapport entre 70 p. 100 du financement, l'industrie, l'autoréglementation et qui fait la recherche? Après tout, la Direction générale de la protection de la santé ne fait pas sa propre recherche. Elle se fie à celle effectuée par les compagnies et par d'autres groupes. Comment allez-vous moderniser tout ce secteur?

M. Shugart: La politique du recouvrement des coûts, dont on retrouve l'équivalent à l'étranger et qui est appliquée dans d'autres secteurs du gouvernement, est assimilable à une taxe imposée aux entreprises qui demandent l'autorisation de vendre un produit. Notre travail consiste à examiner ces produits et le processus d'approbation des drogues de Santé Canada est financé à hauteur de 70 p. 100 selon la politique du recouvrement des coûts. Les fonctionnaires chargés de percevoir les frais ne participent pas au processus d'évaluation. Les évaluateurs des données scientifiques ne jouent aucun rôle dans l'administration des frais qui sont calculés suivant une formule. Et tout l'argent est versé au Trésor public. Santé Canada est autorisé par le Parlement à dépenser une somme correspondant aux recettes.

C'est une politique que notre ministère est tenu d'appliquer, mais nous sommes chargés de veiller à ce que l'administration mette un mur étanche entre l'évaluation scientifique et la gestion des frais.

Le sénateur Spivak: À ce sujet, dans une note de service de mai 1997, après la mise en application du recouvrement des coûts, M. Landry autorise à donner aux entreprises le nom des scientifiques. Je crois qu'on a pensé intensifier ainsi la pression sur les scientifiques. Le mur n'est pas donc pas aussi étanche qu'on le croit.

Le problème, c'est que nous avons examiné le processus et constaté ce qui est arrivé des renseignements fournis par Monsanto. Je ne dis pas qu'il y avait mauvaise foi, mais le résumé a été mal fait. Il était complètement erroné et les résultats étaient faux. Il a donc fallu revenir aux données brutes.

Voilà un exemple de processus qui marche mal. Vous allez avoir beaucoup de monde à convaincre et il faudra vérifier les instruments dont vous vous servez pour que ça ne devienne pas chose courante et que les scientifiques ne subissent pas de pressions et ne se laissent pas influencer par ce mode de financement.

C'est vrai que les politiciens devront se pencher sur la question du recouvrement des coûts. Cependant, j'espère que vous nous fournirez assez de renseignements sur la façon dont ça marchera pour qu'on puisse comparer avec ce qui est arrivé dans le passé.

M. Losos: Sénateur Spivak, la Direction générale de la protection de la santé a un budget d'environ 250 millions de dollars. Quelque 70 p. 100 du budget du programme des produits thérapeutiques découlent de l'application du recouvrement des coûts. C'est une section à part du Bureau des médicaments vétérinaires et du programme des aliments.

En passant, il est intéressant de signaler que Monsanto a bénéficié d'une clause protégeant les droits acquis et qu'elle n'a donc pas eu à payer pour l'examen de sa présentation.

Le sénateur Spivak: N'y a-t-il pas aussi au ministère un comité de gestion mixte auquel siègent des représentants de l'industrie et des cadres du ministère, mais aucun scientifique?

M. Losos: C'est au programme de produits pharmaceutiques du ministère. Il y a une foule d'autres tribunes scientifiques dans cette section et dans le reste de la Direction générale de la protection de la santé.

Le sénateur Spivak: C'est quand même une ingérence de l'industrie dans les processus mêmes du ministère.

M. Losos: En réalité, sénateur, nous avons une relation d'affaires avec l'industrie. Ce n'est pas une relation d'amitié, mais une relation d'affaires. Notre domaine, c'est la santé et la sécurité, le leur, les produits. Donc, nous entretenons des relations d'affaires avec l'industrie.

Le sénateur Spivak: Je ne ferai aucun commentaire sur cette politique.

Le sénateur Sparrow: Y a-t-il eu des consultations interministérielles entre Santé Canada et Agriculture Canada au sujet de la STbr? Agriculture Canada a-t-il remis à Santé Canada des rapports sur les aspects économiques de l'approbation du médicament? Dans l'affirmative, est-ce que ces rapports pourraient être remis au comité?

M. Losos: Monsieur le président, je vous demanderais d'avoir l'indulgence d'autoriser M. Paterson à se joindre à nous.

Pendant toutes ces années, il y a eu des contacts interministériels au sujet de la somatotropine bovine. M. Paterson pourra sans doute répondre à vos questions sur le sujet et les documents seront mis à votre disposition.

M. George Paterson, directeur général, Direction des aliments, Santé Canada: Auriez-vous l'obligeance de répéter votre question? C'est difficile d'entendre au fond de la pièce.

Le sénateur Sparrow: Quels types de consultations interministérielles y a-t-il eu entre Santé Canada et Agriculture Canada au sujet de la STbr, notamment des aspects économiques de l'approbation du médicament?

M. Paterson: Comme je l'ai dit en juin quand j'ai présenté un mémoire au comité sénatorial, il y a des mécanismes de consultation interministériels. D'ailleurs, Agriculture et Agroalimentaire Canada n'est pas le seul ministère à y participer. Il y a aussi Industrie Canada et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, pour ne nommer que ces deux-là. C'est un mécanisme de coordination et de partage des informations.

Le compte rendu de la réunion de juin montrera que la décision d'approuver ou non la STbr relève de Santé Canada. On l'a bien expliqué dans des témoignages antérieurs et aujourd'hui encore.

Nos discussions n'ont pas porté sur une analyse économique détaillée. Pour répondre à votre question, à ma connaissance, le comité interministériel n'a fait aucune étude approfondie pour évaluer les incidences économiques.

Les discussions à ce comité ont porté sur des situations hypothétiques. Je l'ai expliqué dans mon exposé de juin. Si la drogue était approuvée, étant donné le système de gestion de l'offre utilisé au Canada, le rôle du gouvernement fédéral, de la Commission canadienne du lait et de toutes les provinces pour l'offre, il y a des implications qui vont au-delà de la simple approbation du médicament et des conditions d'approbation.

M. Losos a dit qu'on pouvait assortir l'approbation du médicament de plusieurs conditions. Comme les témoins l'ont dit la semaine dernière, aux États-Unis, l'étiquette fait état de bien des conditions. Au-delà de ça, il y a encore le consommateur qui consommera le lait et les produits laitiers et il faut encore tenir compte de la sensibilisation des consommateurs et des étiquettes sur le pour et le contre dont j'ai parlé aussi en juin.

Au comité interministériel, on discute aussi des questions de commerce international. Mais comme il n'y a jamais été question d'une analyse approfondie des incidences économiques, je n'ai aucun rapport à vous transmettre, sénateur.

Le sénateur Sparrow: Monsieur le président, le témoin parle tout le temps du rapport d'une étude économique approfondie. Cela donne à penser qu'il y a des rapports d'ordre économique qui sont peut-être moins détaillés. La dimension économique peut avoir de l'importance dans l'ensemble, même dans un système de gestion de l'offre. Je trouve que, dans ce contexte, la gestion de l'offre, c'est un faux-fuyant.

Un agriculteur qui produirait 10 p. 100 de lait de plus aurait besoin de 10 p. 100 de vaches de moins pour obtenir le même revenu. Je me demande si ces considérations économiques ont été analysées par le ministère de l'Agriculture et Santé Canada. Il a bien dû y avoir des rapports.

M. Paterson: Je vais préciser, sénateur. À ma connaissance, il n'y a eu aucun rapport ni aucune étude. Si le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire a fait faire une étude par sa direction générale des politiques, je vous suggère de poser la question à ce ministère. Moi, je ne suis au courant de rien.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur Losos, je ne me souviens plus si c'est l'un de vos collègues ou vous qui avez dit ça. De toute façon, le rapport Gaps Analysis est à la base de presque tout ce que nous examinons. Avez-vous dit que c'est vous qui aviez commandé ce rapport?

M. Losos: Oui, sénateur. Quand j'ai pris la tête de la direction générale, c'était l'un de mes plus importants dossiers. Je voulais obtenir l'analyse scientifique approfondie et une étude exhaustive. Elles n'ont pas répondu à toutes mes questions.

J'ai alors demandé à M. Paterson de former une équipe de scientifiques. Ce n'est pas du tout inhabituel de passer en revue un dossier pour y trouver des lacunes d'ordre scientifique quand ça peut avoir de l'importance. Par exemple, je m'interrogeais sur l'immunogénécité des divers produits et produits secondaires. Je voulais plus de renseignements là-dessus.

De même, vu la complexité du cas et le débat international en cours, j'ai donné instruction à M. Paterson de former les deux groupes d'experts internationaux, indépendants et chevronnés qui nous donneraient sans conteste la meilleure opinion qui soit.

Le sénateur Fairbairn: Votre crainte était-elle en partie fondée sur certaines des inquiétudes dont des scientifiques du ministère ont fait part à notre comité?

M. Losos: Effectivement, sénateur.

Le sénateur Fairbairn: C'est à cause de ces inquiétudes qu'on a décidé de faire faire une analyse des lacunes?

M. Losos: Certainement. Chaque fois qu'il y a une lacune, on veut la combler avant d'approuver quoi que ce soit.

Le sénateur Whelan: Est-ce que vous souscrivez à certaines des conclusions que les scientifiques sont venus nous présenter la semaine dernière?

M. Dodge: Oui. Ils ont dit avec raison que leur travail consiste à protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Avec raison aussi, ils ont soulevé des questions scientifiques réelles qu'il a fallu examiner. Ils avaient des doutes. Il y avait certains problèmes. Sénateur, ces choses sont indéniables.

Ils ont fait un certain nombre d'allégations à propos du processus qui, comme je vous l'ai dit, font l'objet d'une enquête ou alors je vais étudier l'affaire moi-même parce que ce sont des allégations graves.

Le sénateur Whelan: Vous savez déjà étant donné les questions qu'on vous a posées, que nombre d'entre nous sommes gravement préoccupés par le processus et par ce que les scientifiques peuvent et ne peuvent pas dire ici ou ailleurs.

M. Dodge: Il n'y a aucun doute sur ce qu'ils peuvent dire ici. Ils sont tenus de répondre à toutes les questions que vous leur posez. Il ne doit y avoir aucun malentendu à ce sujet.

Le sénateur Whelan: Et ailleurs?

M. Dodge: Comme dans tous les ministères, nous avons des porte-parole pour communiquer avec les médias. C'est normal. Quant aux questions scientifiques, ils peuvent en parler sous réserve d'un problème que j'ai mentionné et sur lequel je reviens, c'est-à-dire la quantité de renseignements privatifs dont dispose le ministère.

Le sénateur Whelan: Nous allons approfondir ça. Au sujet des deux comités que vous avez nommés, j'ai de grandes réserves en ce qui concerne celui de l'Association canadienne des vétérinaires. Cette association a appuyé la STbr. Je ne vois pas comment vous pourriez trouver six ou huit vétérinaires impartiaux qui n'auraient pas de parti pris. Nous avons vérifié si l'un d'entre eux s'était opposé à ce que l'association appuie la STbr, mais aucun ne l'a fait.

M. Losos: Sénateur, vous pouvez leur poser la question directement, mais je vous assure que ces deux groupes indépendants ont été choisis pour leur expertise et leur intégrité. Nous avons suivi toutes les étapes nécessaires, y compris la vérification des conflits d'intérêts. Je vous invite à poser cette question au président des deux groupes.

Le sénateur Whelan: Vous parlez de ce médicament et de l'argent et du temps que vous avez consacrés à l'étude de toutes les statistiques et de toutes les données que vous avez pu trouver. Je n'ai trouvé aucun écrit indiquant qu'un groupe de producteurs laitiers ou qu'une association laitière avait demandé la mise sur le marché de ce médicament.

Le Conseil national de l'industrie laitière du Canada, qui est responsable de toute la transformation des produits laitiers, a déclaré être fermement opposé à ce produit. J'en ai discuté avec son président-directeur général. D'après ce qu'il m'a dit, le Conseil a peur que, si jamais on découvrait éventuellement une certaine nocivité, il soit tenu responsable parce qu'il transforme et commercialise tous ces produits laitiers.

Est-ce que tous ceux qui sont venus dire à notre comité qu'ils étaient résolument contre le médicament ont tort? J'ai été étonné par la fermeté de leur position. Ce sont des gens qui sont responsables du produit. Je le répète, je n'aurais pas mis longtemps avant d'ordonner l'interruption de l'étude jusqu'à ce que Monsanto, la société qui a présenté la STbr, fournisse plus de données. Monsanto devrait prouver l'innocuité de son produit.

Les membres du conseil laitier sont des gens d'affaires prospères qui possèdent plus de 400 usines de transformation sur tout le territoire canadien. Les producteurs laitiers n'ont pas demandé non plus ce produit.

Est-ce qu'on s'occupe de tout produit qu'une compagnie présente dans le but de le vendre aux agriculteurs? Allons-nous injecter cette hormone aux vaches afin qu'elles produisent plus de lait pour que les agriculteurs gagnent plus d'argent? C'est une question économique mais qui a aussi une dimension sociale. Peu importe ce que vous avez écrit dans votre communiqué, l'une ne va pas sans l'autre.

Je ne peux pas imaginer que l'Association canadienne des vétérinaires rate cette occasion d'approuver le produit étant donné le grand nombre de vétérinaires qui travaillent pour des compagnies pharmaceutiques. Ce sont des agents des différentes entreprises. Ils gagnent leur vie en vendant ce produit. Je connais des vétérinaires qui sont contre. Je leur ai demandé s'ils avaient fait savoir à leur association qu'ils n'appréciaient pas qu'elle appuie certains produits.

M. Dodge: Sénateur, la loi nous oblige à examiner tout produit présenté dans les règles et vous préférez certainement qu'il en soit ainsi.

Le sénateur Whelan: Je veux être certain que mes vaches seront protégées et que je serai protégé moi aussi. Or, vous n'avez rien dit aujourd'hui pour me rassurer. Vous avez dit que ces autres scientifiques, qui sont éminemment compétents, ne disaient pas la vérité. Que faut-il faire maintenant?

M. Dodge: Je ne peux que continuer à vous expliquer franchement le processus et à essayer de vous rassurer. Bref, comme l'a dit M. Losos, les données présentées à Santé Canada jusqu'à prés

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