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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 23 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 17 novembre 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 16 h 12 pour étudier l'hormone de croissance recombinante bovine (STbr) et ses effets sur la santé des humains et des animaux.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Notre témoin d'aujourd'hui est M. John Verrall, du Royaume-Uni. Il a été cité à plusieurs reprises dans nos réunions.

Monsieur Verrall, nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui. Bienvenue au Canada. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Nous vous écoutons.

M. John Verrall, membre, The Food Ethics Council: C'est très aimable à vous de m'avoir invité à venir aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.

Comme vous le savez, je ne suis plus président de la Farm and Food Society. Je suis maintenant membre du conseil indépendant des normes éthiques en alimentation et en agriculture, qu'on appelle The Food Ethics Council.

J'assiste à diverses réunions avec la direction de la médecine vétérinaire au nom de la National Food Alliance. J'entretiens aussi d'étroites relations avec le Genetics Forum de Londres et le Consumers in Europe Group, qu'on appelle le CEg.

Je suis pharmacien de profession. J'ai travaillé dans l'industrie pendant une trentaine d'années, tant en santé humaine qu'en santé animale. Depuis 16 ans, je travaille presque exclusivement du côté vétérinaire, tant dans la mise au point de produits que dans leur commercialisation et leur vente. J'ai pris ma retraite il y a environ 10 ans. Je continue de travailler à temps partiel pour trois sociétés européennes et je m'occupe de l'achat des médicaments pour un grand cabinet de sept vétérinaires au Royaume-Uni. C'est ainsi que je me tiens au courant des affaires vétérinaires.

Le comité mixte FAO-OMS d'experts des additifs alimentaires, le JECFA, auquel on a souvent fait allusion au cours de votre étude, est l'organisme consultatif scientifique pour les affaires se rapportant aux résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments et il présente des recommandations à la Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius, qui, comme vous le savez bien, est relié à l'OMC.

La cinquantième réunion du JECFA, qui a eu lieu plus tôt cette année, et le document renfermant son résumé et ses conclusions, qui a été publié ultérieurement, ont montré qu'il fallait maintenant remettre en question l'impartialité et la crédibilité du comité.

La somatotropine bovine, comme vous le savez, est assez unique puisque c'est le premier produit de la biotechnologie et du génie génétique qui va servir à des fins non thérapeutiques, dans le seul but d'accroître le rendement. Depuis l'étude de ce produit par le JECFA, il est devenu évident que certaines activités et fonctions du JECFA devraient être réexaminées attentivement et de toute urgence.

Voici les remarques que je veux faire au sujet du JECFA. Premièrement, il y a le manque de transparence et un fonctionnement secret en apparence qui permet une déformation des données scientifiques pour des motifs qui ne peuvent être en l'occurrence que de l'opportunisme politico-économique. Le rapport intégral de la cinquantième réunion du JECFA ne sera pas publié avant mars 1999. La monographie no 41 sur les résidus de la collection OMS/FAO devrait sortir d'un jour à l'autre. Je crois que certains l'ont vue, mais pas moi. Cependant, le document du résumé et des conclusions, publié après la première réunion, a été étudié par le comité sur les résidus à Washington, en septembre dernier. C'est étonnant parce qu'il n'y avait aucune monographie détaillée sur les résidus pour les guider. Il semble qu'il n'y ait pas eu d'entente, mais le rapport de la réunion de Washington sur les résidus n'a pas encore été rendu public.

Le deuxième sujet que je vais aborder c'est justement la façon dont les membres du JECFA sont choisis, le mode de sélection des protagonistes pour certaines études, les relations de ces membres entre eux, avec les autres organisations et entreprises, enfin les facteurs qui pourraient être considérés comme des conflits d'intérêts.

Si vous avez vu la liste des protagonistes à la cinquantième réunion du JECFA, vous avez évidemment constaté que la plupart font partie de la FDA américaine et partagent ses intérêts nationaux ou alors ce sont soit ceux-là mêmes qui ont été chargés de la décision prise antérieurement sur ce même sujet, la STbr, aux États-Unis, soit ils ont eu quelque chose à voir avec cette décision.

La troisième question à examiner à cet égard, c'est la présentation et le contenu discutables du résumé et des conclusions de la cinquantième réunion du JECFA. Quand on lit le document attentivement, on voit que certains aspects profondément inquiétants qui ont été portés à l'attention du comité ont été totalement escamotés, tandis que d'autres ont été dilués en y incorporant des détails superflus. Pourtant, on y met en valeur des questions d'une importance discutable. Il n'est mentionné nulle part qu'il n'existe pas de données toxicologiques chroniques à long terme de plus de 90 jours. Remarquez aussi qu'aucune étude n'a été publiée sur les effets locaux, dans l'intestin, de l'IGF-1 qui se trouve dans le lait -- en particulier des études cytocinétiques ou morphométriques sur les cellules.

Le JECFA et Monsanto persistent à prétendre que l'IGF-1 est détruit dans l'intestin alors qu'il est déjà prouvé que 67 p. 100 de cette substance dans le lait peut être absorbée dans l'intestin -- et donc ne peut pas avoir été détruite et peut avoir des effets soit locaux, soit systémiques, ou même les deux.

Je trouve inacceptable qu'un comité scientifique puisse produire un tel document qui renferme des informations présentées d'une façon trompeuses, sans études scientifiques complètes et sans documentation à l'appui, et en faisant totalement abstraction du principe de prudence.

Depuis la dernière évaluation en 1993, on a découvert beaucoup d'autres informations concernant les effets indésirables possibles à la fois sur la santé humaine et sur la santé et le bien-être des vaches. Le JECFA n'a pas tenu compte de la santé des vaches. Toutefois, je crois qu'on ne peut pas l'ignorer. Quand la posologie normale provoque une hausse de 40 p. 100 des cas de mammites et 20 autres effets secondaires, il existe à la fois des raisons scientifiques et «d'autres facteurs légitimes» d'interdire l'utilisation de la STbr.

Ce que bien des gens n'arrivent pas à comprendre, c'est que dans le cas d'un médicament utilisé à des fins thérapeutiques, pour le traitement d'une maladie ou d'un état pathologique, on exige une marge d'innocuité qui est d'au moins trois fois la posologie avant de l'approuver. Pourtant, voici un médicament qu'on utilise pendant de plus longues périodes à des fins non thérapeutiques, pendant peut-être 20 ou 30 ans, un médicament qui provoque de sérieux effets secondaires après une dose normale. Pourquoi tolère-t-on l'absence de marge d'innocuité? C'est un mystère.

Il est généralement acquis que la mammite, la boiterie et la stérilité sont les trois causes les plus graves et les plus courantes du manque à gagner des entreprises laitières dans toutes les économies avancées. Ce sont aussi les trois effets indésirables les plus marqués de la somatotropine bovine sur la santé et le bien-être des vaches.

Arrêtons-nous un moment sur deux de ces 20 effets secondaires: la boiterie et la mammite. Les rapports des expériences faites avec la somatotropine porcine, utilisée pour les porcs, nous éclairera peut-être sur la cause de la boiterie chez les vaches traitées à la STbr, qui n'était pas évidente jusqu'à maintenant. En 1994, dans la Revue canadienne de zootechnie, il y a eu un article sur les effets de la somatotropine porcine recombinante sur le cartilage des articulations et les vertèbres chez les porcs en croissance et en engraissement, où l'on avait observé des problèmes de cartilage. Dernièrement, on a constaté de graves malformations des os et du cartilage chez des saumons transgéniques ayant des taux plus élevés d'hormones de croissance.

En ce qui concerne la mammite, l'un des employés de Monsanto qui témoignait devant votre comité a affirmé textuellement: «Nous n'avons reçu presque pas de plaintes ni de rapports associant le Posilac à une augmentation de la fréquence des mammites», donnant ainsi l'impression que la mammite ne pose pas de problèmes.

Cette affirmation découle d'informations rendues publiques auparavant par Craven, un autre employé de Monsanto, montrant que d'après les données totalisées de 14 troupeaux, il y avait eu une augmentation de 35 p. 100 des cas de mammite.

Depuis que le comité des médicaments vétérinaires de l'Union européenne a entrepris son évaluation de la STbr en 1992-1993, de nouvelles informations indiquent que la fréquence des mammites provoquées par la STbr est beaucoup plus élevée que les employés et les experts-conseils de Monsanto veulent bien l'admettre.

Monsanto a présenté les résultats de huit essais qui ont été interprétés par la compagnie comme une preuve que l'utilisation de la STbr n'entraînait aucune augmentation sensible des cas de mammite. L'Université du Sussex a découvert par la suite une augmentation de 19 p. 100. Une publication ultérieure de Monsanto rapportant les résultats de 15 essais prétendait qu'il n'y avait toujours pas d'effets indésirables sur la mammite clinique ou sur la numération des cellules somatiques, tandis que l'analyse entreprise par Millstone à l'Université du Sussex au Royaume-Uni a montré que, dans ces 15 essais, la consommation de STbr avait augmenté d'environ 39 p. 100 la fréquence des cas de mammite clinique. Pour arriver à cette conclusion, on a utilisé les chiffres de Monsanto.

En 1993, Willeberg, un épidémiologiste de l'Université de Copenhague a affirmé que la STbr était associée à un accroissement de 15 à 45 p. 100 des cas de mammite clinique.

Ce qui est très intéressant, c'est que toutes ces inquiétudes ou presque qu'inspire la STb ont été exposées dans un autre article canadien de 1994. C'était un examen de la somatotropine bovine publié par Burton, McBride et autres dans la Revue canadienne de zoologie. Quatre des cinq auteurs étaient canadiens. Je vais rappeler quelques-unes de leurs constatations.

Nous savons que l'IGF-1 n'est pas détruit par la pasteurisation, mais il y a eu différentes affirmations sur l'effet de la chaleur sur la préparation du lait maternisé. Quand ils ont témoigné devant vous, les représentants de Monsanto ont affirmé, si je ne m'abuse, que l'IGF était détruit. M. Patterson a affirmé qu'il était détruit à au moins 50 p. 100, tandis que Burton et McBride, dans leurs articles, citent Collier, un autre employé de Monsanto, selon lequel 90 p. 100 du facteur était détruit. On se demande où se situe la vérité.

Dans leur article, Burton et McBride ont aussi dit ce qui suit:

Il faudrait étudier plus à fond la question de savoir si la reconstitution et la consommation de cet aliment accroissent les concentrations intracavitaires de l'IGF-1 dans l'intestin.

Je me demande s'il y a eu une étude approfondie.

Burton et McBride supposent aussi que c'est peut-être par négligence que Juskevich et Guyer ont dit que l'IGF-1 ingéré était inactif. Ils affirment qu'il faut étudier de nombreux autres effets possibles de l'IGF-1 ingéré sur l'appareil digestif.

Vous ne le savez peut-être pas, mais c'est sur les travaux de Juskevich et Guyer que la FDA s'est basée pour déclarer l'innocuité de la STb. Burton et McBride ont aussi écrit que la majorité des résultats des tests de provocation orale se trouvent en fait dans des articles non publiés qui n'ont donc pas été soumis à un examen par les pairs.

Il faut souligner que ce sont les mêmes Juskevich et Guyer qui ont rapporté les résultats d'une étude sur des rats qui recevaient quatre posologies différentes d'IGF-1. Il y a eu des changements dans le poids du coeur et la longueur des tibias chez les rats recevant les doses les plus fortes et les plus faibles. Toutefois, comme ces changements ne se sont pas produits aux doses moyennes, les auteurs ont conclu ainsi:

Les constatations pour le groupe soumis au test de provocation orale sont jugées contradictoires relativement à l'effet de l'IGF-1 sur les indices de croissance et, par conséquent, on estime que ce sont des «résultats sporadiques».

En écartant des résultats statistiquement significatifs sous prétexte qu'ils sont sans rapport avec le traitement, ils agissent d'une façon très discutable et ils le font d'ailleurs à deux autres reprises dans le même article. J'estime qu'il serait plus prudent de répéter l'expérience lorsque c'est une question d'une telle importance qui, de surcroît, provoque une inquiétude aussi généralisée.

Pour en revenir à l'article canadien de Burton et McBride, ceux-ci affirment dans le résumé qu'il subsiste de nombreuses inconnues et ils déclarent qu'il faudrait faire d'autres essais sur les possibilités d'altération d'autres protéines bioactives, ainsi que sur les effets de la fonction immunitaire de l'intestin.

Honorables sénateurs, je n'arrive pas à comprendre que des autorités puissent envisager d'homologuer la STb alors que les données scientifiques sont si incomplètes.

Le président: C'est moi qui vous remercie, monsieur Verrall, pour votre témoignage.

Le sénateur Taylor: Monsieur Verrall, je vous renvoie à votre avant-avant-dernière page. Dois-je vous appeler «docteur Verrall»?

M. Verrall: Non, je suis simplement «monsieur Verrall».

Le sénateur Taylor: D'après les études que vous avez faites, vous n'êtes pas qu'un simple monsieur. Vous êtes très méticuleux.

Je voudrais avoir une mise à jour des renseignements apparaissant à l'antépénultième page de votre mémoire où vous affirmez:

Monsanto a présenté les résultats de huit essais qui ont été interprétés par la compagnie comme une preuve que l'utilisation de la STbr n'entraînait aucune augmentation sensible des cas de mammite. L'Université du Sussex a découvert par la suite une augmentation de 19 p. 100.

Est-ce une étude tout à fait indépendante ou Monsanto s'est-elle servie des huit mêmes essais?

M. Verrall: Il y a eu un article publié dans Nature en 1994, si je ne m'abuse. Ce qui s'est en fait passé en l'occurrence, c'est que les chiffres dont Monsanto s'est servi ont aussi été donnés aux chercheurs de l'Université du Sussex, mais on les a empêchés de les publier pendant un certain temps. On leur a interdit de le faire.

Le sénateur Taylor: Les chercheurs de l'Université du Sussex se servaient des mêmes données brutes.

M. Verrall: Des données fournies par Monsanto.

Le sénateur Taylor: Est-ce que ça vaut aussi pour l'analyse effectuée par Millstone?

M. Verrall: Millstone est chercheur à l'Université du Sussex.

Le sénateur Taylor: On a fait 15 autres essais, une série différente de 15 essais. Que répliqueriez-vous à l'argument voulant que le cartilage endommagé chez les porcs qui ont reçu de la somatotropine recombinante pourrait être causé par la croissance de l'animal? Je crois savoir que le produit est donné aux porcs pour accélérer leur croissance et non pour augmenter la production laitière des truies. Une malformation du cartilage me donne à penser que le produit a été administré pour que les porcs grossissent plus vite.

M. Verrall: Cet essai a été fait dans l'Ouest canadien.

Le sénateur Taylor: Dans l'Ouest, on fait n'importe quoi. Je le sais, je suis de l'Ouest.

M. Verrall: Je suis certain qu'on n'aurait pas déclaré de tels résultats sans avoir un groupe témoin en même temps.

Le sénateur Taylor: Est-ce administré pour la croissance des porcelets ou pour la production laitière?

M. Verrall: C'était pour la croissance des porcelets.

Le sénateur Taylor: Ma dernière question est très brève. Je vais vous la poser parce que j'essaie de voir où vous vous situez. Vous, vous êtes en Angleterre, et ce n'est pas à côté. Il s'agit ici d'un différend sur la STbr. Il est évident que Monsanto ne paie pas vos dépenses de voyage. Est-ce que vous passez votre temps à jeter des pierres à Monsanto un peu partout dans le monde ou est-ce que vous nous avez remarqués par hasard en survolant le pays? Je me demande si vous avez des comptes à régler.

M. Verrall: Je n'ai pas de comptes à régler. J'ai pris ma retraite de l'industrie en 1986. Par la suite, de 1986 à 1996, vous avez dû remarquer beaucoup de prises de contrôle dans les secteurs pharmaceutique et chimique. Les sociétés sont de plus en plus grosses. Au début, elles étaient contrôlées par des vétérinaires, des pharmaciens-chimistes ou des médecins, mais quand elles se sont mises à grossir, ce sont les comptables qui les ont remplacés et qui ont pris le dessus, ce qui est assez drôle. La dimension morale des choses a perdu de son importance. Ça m'a inquiété.

En 1986, j'ai lu un petit article sur la fréquence accrue des mammites dues à la somatotropine bovine. L'article était écrit par un homme qui a ultérieurement été mis à la porte de la FDA. Un comité du Congrès l'a rétabli dans ses fonctions par la suite. Malheureusement, son nom m'échappe. C'est ça qui m'a amené à m'impliquer. Je suis un peu comme un terrier, je ne lâche pas prise.

Le sénateur Taylor: À vous seul, vous êtes donc le Ralph Nader du Royaume-Uni qui s'attaque à l'industrie pharmaceutique.

Le sénateur Hays: J'aimerais que vous précisiez votre déclaration de la page 5 de votre mémoire, qui se lit comme suit:

Le JECFA et Monsanto persistent à prétendre que l'IGF-1 est détruit dans l'intestin alors qu'il est déjà prouvé que 67 p. 100 de cette substance (dans le lait) peut être absorbée dans l'intestin -- et donc ne peut pas avoir été détruite et peut avoir des effets locaux ou systémiques.

Est-ce que l'IGF-1 est absorbé dans l'intestin normalement quand on boit du lait de vaches qui n'ont pas été traitées à la STbr? Je ne suis pas certain. J'ai lu quelque part que l'IGF-1 était normalement absorbé. Si c'est le cas, alors comment peuvent-ils affirmer qu'il n'est pas absorbé? Je me souviens d'en avoir parlé à un témoin devant le comité pour savoir s'il y avait une différence dans les quantités absorbées. Je n'ai pas très bien compris.

M. Verrall: L'IGF-1, qui est produit dans tout l'organisme en grande quantité, est rejeté dans le système digestif. S'il n'est pas accompagné de lait, il est digéré comme toute autre protéine normale. Un dénommé Mepham, du Royaume-Uni, a été le premier à attirer notre attention, vers 1990, sur le fait que le facteur n'était probablement pas digéré. Il avait remarqué que l'IGF-1 qui était plus abondant dans le lait était susceptible de ne pas être détruit dans l'intestin comme le prétendaient les manufacturiers, parce qu'on savait qu'un autre facteur de croissance, une autre protéine semblable, le facteur de croissance épidermique 8, était protégé par le lait et qu'il pouvait en être de même pour l'IGF-1.

Ça a paru en article de fond dans le British Medical Journal. Peu de temps après, une lettre a paru dans le Lancet signé par Schofield, qui était à Cambridge, et Zumkeller qui était, si je ne m'abuse, à Great Ormond Street, et aussi Cotterill à St. Bartholomew's, trois spécialistes qui connaissent bien l'IGF-1 et qui ont appuyé l'hypothèse de Mepham.

C'est très peu de temps après qu'un pédiatre de l'hôpital Thornton a découvert que s'il mettait de l'IGF-1 dans la paroi de l'intestin, il y avait prolifération des cellules. Ça a déclenché l'alarme, si on peut dire, parce qu'en obtenant un tel résultat dans l'intestin grêle, ça voulait dire qu'en faisant la même chose dans le gros intestin, ça pourrait faire apparaître des polypes précancéreux ou quelque chose du genre qui finiraient en adénocarcinomes. Les chercheurs espéraient trouver du financement pour poursuivre leur étude, mais ils n'en ont pas trouvé. D'ailleurs, Zien et autres -- dans un article publié dans une revue australienne -- ont montré que l'IGF-1 était présent dans l'intestin parce qu'ils l'ont étudié comme vecteur -- ils cherchaient à s'en servir comme vecteur de médicaments.

Les choses se sont précipitées il y a un an et demi ou deux ans quand un article japonais a été publié. Les chercheurs avaient marqué par des radio-isotopes du IGF-1 donné par voie orale et ils avaient constaté que 67 p. 100 du facteur était absorbé. À ce stade, peu importe qu'il soit absorbé comme IGF-1 ou sous une forme conjuguée d'IGF-1 ou encore sous une autre forme; l'important, c'est qu'il soit effectivement absorbé. Par conséquent, il n'était pas détruit pendant son passage dans le tube digestif.

Le sénateur Hays: Permettez-moi de revenir là-dessus. Ce serait mentir que de ne pas avouer que je ne vous suis plus. Je pense pourtant avoir compris la question étudiée par divers scientifiques. Vous avez parlé d'un article japonais indiquant la constatation, grâce au radiomarquage, que 67 p. 100 de l'IGF-1 était absorbé. A-t-on fait la distinction entre l'IGF-1 découlant de la consommation de STbr, par exemple, ou une autre hormone artificielle, ou est-ce qu'on a simplement indiqué que c'était l'IGF-1?

M. Verrall: Les chercheurs ont donné de l'IGF-1 avec de la caséine, du lait. C'est ça qu'ils ont administré et ils l'ont mesuré, évidemment.

Le sénateur Hays: Je voulais vous interroger aussi au sujet de la fréquence accrue des mammites, de façon générale, parmi les troupeaux consommant l'hormone. Bien entendu, ça fait maintenant longtemps que l'industrie laitière américaine utilise la STbr. Est-ce que vous tenez compte de toute l'expérience acquise ou n'avez-vous retenu que l'expérience de plusieurs années indiquant une fréquence accrue des mammites?

M. Verrall: Bien entendu, il y a eu une étude de suivi postérieure à l'approbation; on appelle ça le contrôle, le contrôle postérieur à l'approbation.

Le sénateur Hays: Je me souviens que d'autres témoins en ont parlé avant vous.

M. Verrall: Vous vous en souvenez.

Le sénateur Hays: Ça se fait couramment de nos jours.

M. Verrall: Les manufacturiers s'occupent du contrôle. Ce n'est pas la FDA qui l'a fait. Les fabricants sont obligés de transmettre leurs résultats à la FDA. Nous, nous n'avons pas accès à leurs chiffres. Je vous parle donc uniquement des essais dont on sait qu'ils ont eu lieu au Royaume-Uni, ou alors de chiffres fournis par Monsanto. D'ailleurs, certains chiffres ont été cités par les scientifiques de Monsanto même: Craven, par exemple.

Le sénateur Hays: Vous vous appuyez donc sur les données présentées ici. Je ne me suis pas nécessairement renseigné sur l'expérience des entreprises laitières.

La mammite pose évidemment un problème pour la gestion des vaches qui produisent plus de lait et non de celles qui en produisent moins. Qu'elles produisent plus de lait à cause de leurs gènes ou de la sélection génétique que nous avons pratiquée pour assurer la prospérité de l'industrie laitière, surtout au Canada, ou que ce soit par des moyens artificiels, en présumant que ça augmente vraiment la production laitière, ces vaches seraient plus difficiles à gérer que les autres parce que les choses se passent sur une certaine période. Quand on gère ces vaches très productives, on apprend à gérer les effets de l'énergie considérable que ça demande à la vache pour produire d'aussi grandes quantités de matière grasse et de protéines.

Ça ne m'étonne donc pas que la mammite soit plus fréquente.

M. Verrall: Ah, non, mais ça n'a pas de rapport, n'est-ce pas?

Le sénateur Hays: Je ne sais pas si je devrais trouver ça ahurissant ou inquiétant. Pourriez-vous me donner un exemple pratique pour m'aider?

M. Verrall: Certainement. Quand la production laitière augmente de 15 p. 100, il faut s'attendre à une augmentation de 30 ou 40 p. 100 des cas de mammite.

Le sénateur Hays: Il faut donc apprendre à mieux gérer son troupeau ou alors abandonner le produit si la mammite et la boiterie et tout le reste deviennent vraiment problématiques.

Ce qui m'amène à ma dernière question. Chaque fois que je pose cette question, j'insiste sur le fait que la vente de la STb n'est pas autorisée au Canada. Et on dirait qu'elle ne sera pas autorisée non plus. Les nombreuses questions qui sont posées devant notre comité nous amènent à conclure que la procédure suivie pour prendre la décision s'est heurtée à certains écueils. À mon avis, le problème c'est que les scientifiques ont des points de vue divergents et ils sont incapables de trouver le moyen de concilier leurs divergences. Il semble y avoir des problèmes à notre direction générale de la protection de la santé, ou du moins c'est mon impression maintenant étant donné ce qui s'est passé et ce qu'on a traversé.

À un moment donné, il faut prendre une décision, pas nécessairement sur la STbr mais sur les hormones ou les produits pharmaceutiques ou je ne sais quoi d'autre. À votre avis, pourquoi ça a été autorisé dans d'autres pays? Nous savons ce qu'il en est pour le Canada, j'ai essayé de le montrer. Le produit n'est pas utilisé en Europe, y compris en Grande-Bretagne. Ce n'est pas utilisé pour les mêmes raisons ou a-t-on tiré certaines conclusions?

M. Verrall: En ce moment, au Royaume-Uni, l'Union européenne a imposé un moratoire de quatre ans pour des motifs socioéconomiques. À l'époque, elle n'était pas contente. Si j'avais le temps, je pourrais vous donner les références d'un article publié par l'Union européenne et indiquant son mécontentement. L'Union européenne n'a pas fait faire la recherche elle-même; elle a admis les informations fournies par le fabricant. Ces informations l'avaient amenée à croire que tout irait bien si c'était bien contrôlé. Voilà un résumé très succinct.

On en arrive à une crise maintenant parce que ce qu'il faut vraiment étudier, à mon avis, c'est l'ensemble des critères servant à évaluer les produits biotechnologiques et transgéniques, certains qui sont destinés à un usage thérapeutique et d'autres pas. On parle de fins thérapeutiques quand on traite un état pathologique ou une maladie. Il se peut qu'en tout temps, 4 p. 100 d'une population quelconque soit traitée pendant dix jours. Le traitement est contrôlé par un médecin pour les êtres humains ou par un vétérinaire pour les animaux. Il y a donc un risque calculé.

Quand on parle d'augmentation du rendement, c'est une application à des fins non thérapeutiques qui donne pour les humains de l'IGF-1 dans le lait. Ça signifie que, dans le Marché commun, quelque 280 millions de personnes vont boire ce lait pendant 25 ou 30 ans sans aucun contrôle réel ni médical. Par conséquent, les critères d'innocuité, de qualité et d'efficacité qu'on applique aux produits thérapeutiques ne sauraient servir, à mon avis et de l'avis de maintes gens, à évaluer une application non thérapeutique.

Le sénateur Whelan: Monsieur Verrall, vous avez mentionné en passant que la Grande-Bretagne, l'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande n'avaient pas autorisé l'utilisation de cette hormone chez eux.

M. Verrall: C'est exact.

Le sénateur Whelan: Je pense que vous avez justifié cette décision en partie par la science. Certaines personnes taxent l'interdiction de la STbr de mesure commerciale restrictive. Selon eux, c'est pour cette raison que tous ces pays ont interdit la vente du produit. Qu'en pensez-vous?

M. Verrall: Oui. Tout d'abord, il faut dire que, comme vous, nous avons déjà trop de lait. Ensuite, si on décide d'utiliser la STb, les petits troupeaux vont être remplacés par des troupeaux de plus en plus gros. Dans le monde agricole européen, il y a probablement beaucoup plus de petits agriculteurs que vous n'en avez ici. C'est probablement la raison socio-économique du moratoire qui a été imposé.

Bien entendu, on sait aussi que les gens ne veulent pas prendre le risque de boire du lait produit par des moyens artificiels. Évidemment, on a découvert bien d'autres faits depuis 1993 ou 1994, lorsque le moratoire a été imposé. Je pense que c'est le résultat des deux comités du DG-24 qui siègent en ce moment, l'un pour examiner la santé humaine et l'autre, la santé animale et la question du bien-être. Les deux comités feront rapport au DG de l'agriculture, qui est le DG-6, qui en avisera le Conseil des ministres, lequel aura alors à prendre la décision soit d'autoriser la STb, soit de prolonger le moratoire, ou de décider autre chose. Il faudra le faire avant la fin de 1999.

Le sénateur Whelan: On entend beaucoup parler du Codex et du JECFA. J'ai la très nette impression que ces organisations ne sont probablement pas celles qu'on veut ou qu'on devrait avoir. Avez-vous quelque chose à dire sur ces organisations? Vous en avez parlé dans votre exposé tout à l'heure et j'ai senti que vous aviez quelques réserves, mais peut-être que j'ai donné à votre exposé un sens qu'il n'a pas.

M. Verrall: Non, je ne le crois pas. Je crois que nous partageons les mêmes sentiments. Au début de mon exposé, avant votre arrivée, j'ai dit que les protagonistes de ce cinquantième JECFA qui vient d'avoir lieu étaient tous de la FDA américaine. J'ai déjà demandé à quelqu'un comment les membres de ces comités étaient choisis, surtout les principaux intervenants. On m'a laissé entendre que ça se passait à peu près comme ça: «Il y a un problème. Nous allons en discuter. Y a-t-il cinq volontaires?» Je présume que si les cinq volontaires qui se présentent sont ceux qu'il faut, ils font ce qu'ils veulent parce que les autres ne font pas le travail. Je ne peux pas en être certain, mais c'est ce que je suppose. Je n'ai jamais assisté à une réunion du JECFA. La seule réunion de la Commission du Codex Alimentarius à laquelle j'ai assisté a eu lieu à Paris en septembre dernier, mais je n'y étais pas à titre de délégué. J'y suis allé en intrus. C'était une réunion sur les principes généraux.

Le sénateur Whelan: Est-ce qu'ils vous ont laissé faire intrusion?

M. Verrall: J'ai dû les convaincre de me laisser entrer. J'ai fait la queue avec les délégations. Quand on m'a demandé à quelle délégation j'appartenais, j'ai répondu aucune, que j'étais venu pour observer et pour écouter. Je leur ai dit que Bruxelles m'avait dit que j'avais le droit d'assister. On m'a répondu qu'il n'y avait pas de place, mais quand j'ai insisté, on m'a laissé entrer.

Le sénateur Whelan: Ça arrive au Canada aussi. J'ai fait une demande. Les ministres provinciaux et fédéraux et leurs fonctionnaires ainsi que toutes les organisations agricoles se sont réunis à Ottawa il y a environ une semaine. J'ai demandé si je pouvais y assister et on m'a refusé l'autorisation. Je n'ai pas eu le culot de m'imposer.

On entend tellement parler de l'augmentation de la production. Vous-même venez de dire qu'il y aura de gros troupeaux et une grande augmentation de la production. Savez-vous s'il y a une pénurie de produits laitiers aux États-Unis en ce moment? Les prix du beurre à Buffalo et à Detroit varient entre 3,25 $ et 3,50 $ U.S. en ce moment. Le prix a augmenté parce qu'il y a une pénurie de beurre. J'ai une opinion bien arrêtée au sujet de cette fameuse nouvelle STbr. On parle du nombre croissant de producteurs laitiers aux États-Unis qui utilisent ce produit. Savez-vous pourquoi il y aurait une pénurie de produits laitiers aux États-Unis?

M. Verrall: Pas du tout. En fait, c'est très intéressant de se tourner un peu vers le passé. Je crois que jusqu'en 1995, les ventes de STbr étaient connues, mais depuis, Monsanto n'a plus fait connaître ses chiffres. Il est donc difficile de déterminer combien il s'en vend.

Le sénateur Whelan: On nous dit sans arrêt que le nombre de producteurs laitiers américains qui utilisent la STbr augmente constamment alors que la production laitière diminue aux États-Unis. Au Canada, il n'y a pas pénurie de produits laitiers. Nous n'utilisons pas la STbr. Du moins, nous ne sommes pas censés le faire. Par contre, je crois que notre production laitière a augmenté de 13 p. 100 l'année dernière.

Notre système est un système de gestion de l'offre. Nous devons produire un excédent pour garantir l'offre en tout temps. Le produit est daté et il doit être retiré des rayons après la date de péremption. Je pense que dans notre ville, on jette au moins 1 000 gallons de lait par semaine pour cette raison. Il est encore comestible mais la date de péremption est dépassée. Il n'y a pas pénurie de beurre ni de quelque produit laitier que ce soit au Canada.

Quelle est la production britannique sans l'aide de la STbr?

M. Verrall: Le système britannique qui est aligné sur le système de l'UE, est axé sur le contingentement. Les producteurs ont un contingent et ne doivent pas le dépasser. Ceux qui le dépassent doivent payer une amende.

Le sénateur Whelan: Les Britanniques ont copié le système canadien. C'est le même système ici. Chaque province a son système en ce qui concerne le lait de consommation mais c'est la Commission canadienne du lait qui coordonne la production à l'échelle du pays. Tous ces systèmes sont basés sur une norme commune. À une certaine époque, les producteurs de lait industriel, comme le lait destiné à la fabrication des fromages, avaient des critères moins stricts mais leurs normes de production, leurs normes sanitaires et leurs mesures d'hygiène sont désormais uniformes. Le lait utilisé par deux transformateurs différents répond aux mêmes critères.

Êtes-vous au courant de l'attitude adoptée par les transformateurs canadiens au sujet de la STbr?

M. Verrall: Non.

Le sénateur Whelan: Ils s'opposent radicalement à l'utilisation de la STbr. Ils nous ont présenté un mémoire. Ils ont une peur bleue de ce qui pourrait leur arriver en cas d'effets secondaires nocifs parce qu'ils sont responsables de tous les produits qu'ils transforment pour la consommation.

M. Verrall: Quelqu'un a fait une enquête en Grande-Bretagne. Je ne sais pas qui au juste mais les résultats indiquent que la consommation de lait baisserait de 11 p. 100 du jour au lendemain si l'on se mettait à utiliser la STbr.

Le sénateur Milne: Avant de vous poser deux ou trois questions, je me sens obligée de préciser que mon jugement n'est pas impartial. Je milite activement contre l'usage de ce médicament. Hier soir, mon benjamin m'a signalé que si l'on met un jour en vente du lait de vaches traitées à la STbr au Canada, sa famille ne consommera plus une seule goutte de lait. On est prédisposé à contracter le cancer du sein dans la famille de sa femme. Par conséquent, on évite de prendre le moindre risque.

Comment la Grande-Bretagne compte-t-elle continuer à interdire la STb, étant donné que les différends commerciaux internationaux sont réglés de plus en plus souvent en s'inspirant des conclusions de la Commission du Codex Alimentarius qui sont elles-mêmes fondées sur celles du JECFA, que vous mettez en doute?

M. Verrall: La première remise en question devant l'OMC concerne les résidus d'hormones que l'on trouve dans la viande en Europe; elle remonte à une époque où l'on ne parlait pas encore de la STb. Il est prévu dans les règlements phytosanitaires que les pays participants ne sont pas tenus d'accepter la norme imposée par l'accord international. Certains pays d'Europe ne sont pas d'accord. Ils ont 18 mois pour faire valoir que leur norme peut être différente de celle prévue dans l'accord.

Je suppose que ce serait la même chose en ce qui concerne la STb mais je ne pense pas que ce produit fasse l'objet d'une contestation dans l'immédiat, parce qu'on n'interdit pas l'accès aux produits à base de STb en Europe. C'est une erreur grossière, à mon avis. La STb ne peut pas être exportée comme telle mais les produits à base de lait de vaches traitées à la STb peuvent l'être. Je suis convaincu que de grosses quantités de fromage fabriqué avec du lait de ce genre sont exportées en Grande-Bretagne. Le lait maternisé importé des États-Unis en contient probablement.

On a dit que les résidus sont neutralisés par la pasteurisation. Je vous ai cité les divers chiffres qui ont été mentionnés à ce sujet. M. Patterson a dit que la pasteurisation tuait plus de la moitié de l'IGF-1. Je crois que M. Collier a parlé de 90 p. 100. Votre témoin a dit qu'il était complètement détruit. Burton et McBride se sont demandé ce qui se passerait si on le reconstituait. Les recherches à ce sujet n'ont pas été suffisamment poussées. On a manqué de rigueur scientifique du début à la fin, ce qui est extrêmement dangereux à mon sens.

Le sénateur Milne: C'est très inquiétant. Je voudrais connaître votre opinion. Compte tenu de toutes ces lacunes, estimez-vous que la FDA américaine a commis une erreur en permettant l'usage de ce produit?

M. Verrall: J'en suis convaincu. Personnellement, je n'en doute pas un seul instant. Les travaux de Juskevich et Guyer, qui ont joué un rôle fondamental dans cette décision, ont été contestés. Je crois qu'ils ont été contestés devant un tribunal de New York en 1993. On a trouvé des documents qui avaient été rejetés par la revue Science.

Le sénateur Milne: Monsieur Verrall, d'après les notes biographiques vous concernant, je constate que vous êtes membre du Food Ethics Council britannique. Vous pourriez peut-être nous parler un peu de cet organisme.

M. Verrall: Il a été créé il y a environ neuf mois en raison des profondes inquiétudes de la population au sujet des technologies qui ont fait depuis peu leur apparition dans le secteur agro-alimentaire. Je suppose que l'on estime que certaines d'entre elles posent de graves problèmes d'éthique. Les membres de cet organisme étaient particulièrement préoccupés par la poursuite inlassable du profit qui semble être la principale motivation actuelle du négoce agricole, où l'on a généralement tendance à ne plus porter beaucoup d'attention aux effets nocifs sur la santé et le bien-être des humains ou des animaux. Le conseil se fait également du souci au sujet des moyens de subsistance des cultivateurs, du milieu naturel et surtout du bien-être des pays les moins privilégiés. Ce sont des enjeux auxquels les membres du conseil attachent beaucoup d'importance et qui leur tiennent à coeur.

Le fait que je sois le seul membre du conseil à ne pas porter de titre particulier, mérite d'être signalé. Un de mes collègues est le professeur Philip James, l'auteur du rapport concernant la future agence de normalisation des produits alimentaires du gouvernement britannique, commandé par le gouvernement Blair. C'est un expert de renommée internationale en nutrition humaine. Il a été membre de nombreuses commissions du gouvernement britannique et des Nations Unies.

Un autre membre est le Dr Ben Mepham, ex-physiologiste de recherche, qui est directeur du Centre for Applied Bioethics de l'Université de Nottingham. C'est un homme extrêmement brillant.

Il y a aussi le Dr Peter Lund, qui a déjà travaillé pour une entreprise américaine du secteur de la biotechnologie avant de réintégrer les milieux universitaires. Il s'intéresse depuis des années aux problèmes d'éthique. Il est chargé de cours de génétique moléculaire microbienne et de sciences cellulaires à l'Université de Birmingham.

Il y a enfin le professeur Ruth Chadwick, qui est professeur de morale à l'Université du Central Lancashire. Elle est philosophe et avocate de formation mais s'intéresse beaucoup à l'éthique et aux technologies de reproduction. Elle est directrice de l'International Association of Bioethics.

Ce sont des érudits de très grande renommée. Ils comptent publier deux rapports par an. Nous avons une chance extraordinaire.

Il existe en Grande-Bretagne une fiducie appelée le Joseph Rowntree Charitable Trust. Nous étions très inquiets au début mais nous ne voulions pas être financés par l'industrie ou par le gouvernement. Il était très difficile de savoir où nous pourrions obtenir l'argent nécessaire. Nous avons exposé notre projet à cet organisme. Il nous a fourni l'argent nécessaire pour financer nos activités pendant trois ans. La main-d'oeuvre était bénévole mais l'organisation de groupes de travail ou de réunions, la publication de rapports et les autres activités de ce genre coûtent, bien entendu, très cher.

Le sénateur Milne: Monsieur Verrall, le Food Ethics Council a-t-il pris position au sujet de la STbr?

M. Verrall: Il a deux projets en cours pour le moment. L'un consiste à examiner les aspects moraux de l'utilisation d'agents pharmaceutiques comme les stimulateurs de croissance en agriculture. Cette analyse porte sur la STb et les autres hormones dont on retrouve des traces dans la viande; elle porte également sur les antibiotiques et la résistance accrue à leurs effets due à leur usage comme stimulateurs de croissance. Les résultats de l'étude sur la STb paraîtront vraisemblablement au mois de mai 1999.

L'autre projet porte sur la biotechnologie et la production de produits alimentaires nouveaux. Ce groupe est présidé par Ruth Chadwick. Cette étude n'est pas terminée. Je fais partie de ce groupe de travail.

Le président: D'après ce que j'ai pu comprendre, il est impossible de déceler dans le lait des traces de l'utilisation de cette hormone par simple analyse. Est-ce exact?

M. Verrall: Je ne sais pas si c'est exact, monsieur le président. Je sais qu'une entreprise américaine a mis au point un test, à ce qu'il paraît, mais je ne sais pas si c'est vrai.

Le président: Je crois que c'est un des scientifiques qui est venu témoigner qui nous en a parlé. Je remarque que certaines personnes ici présentes font signe que oui. Je voudrais des précisions à ce sujet parce que l'on importe probablement au Canada de très petites quantités de lait de vaches traitées à la STb. Vous avez dit que la Grande-Bretagne importait des produits laitiers qui pourraient provenir des États-Unis. Vous avez dit que vous étiez certain que l'on importait des produits laitiers à base de lait traité en Grande-Bretagne.

M. Verrall: Oui.

Le sénateur Stratton: Nous avons tellement discuté de la STbr que, comme je l'ai déjà signalé, le processus d'analyse visant à déterminer si ce produit ne présente aucun risque est en cours, si je ne me trompe. On ne cesse d'entendre parler de produits nouveaux. Cela ne fait que commencer et l'on peut s'attendre à ce que de nombreux autres produits nouveaux soient créés. Le nombre se multipliera au cours des prochaines années.

C'est une question qui soulève les passions; il faut toutefois s'efforcer de l'analyser en gardant la tête froide. Cette question ne devrait pas déchaîner de telles passions. Les produits devraient être testés sérieusement. Le nombre de produits nouveaux ne cesse d'augmenter d'une année à l'autre. Ce n'est pas fini. Ce n'est plutôt qu'un début. Quelles mesures le gouvernement britannique prend-il pour s'assurer de l'innocuité de ces produits? Si vous connaissez d'autres gouvernements qui prennent des mesures à cet égard, nous serions très heureux d'en entendre parler également.

M. Verrall: Le gouvernement britannique ne prend aucune mesure concrète pour le moment. Je crois que la création de l'agence de normalisation des produits alimentaires, qui est encore à l'état de projet, facilitera considérablement la tâche parce que, pour le moment, la surveillance est assurée par les organismes qui homologuent les produits. Grâce à la création de ce nouvel organisme, on compte scinder ces deux types d'activités de façon à éviter tout chevauchement. Je crois que cela facilitera beaucoup la tâche. À mon avis, cette nouvelle agence fera des recommandations sur l'avenir de ces produits et sur les méthodes d'évaluation à adopter. L'utilité entrera en ligne de compte et l'on fera aussi, à mon avis, une évaluation des risques et des avantages.

Ben Mepham a écrit une excellente étude dont je vous enverrai un exemplaire, dans laquelle il établit un modèle d'évaluation des risques et des avantages. Dans le cas de la STb, on ferait entrer en ligne de compte les avantages et les inconvénients tant pour la vache que pour le producteur, et on tiendrait même compte des incidences écologiques. Cette méthode ne semble pas très rationnelle mais elle est simple et très efficace. Je crois que le problème vient en bonne partie du fait que l'on n'avait pas l'habitude d'accorder suffisamment d'attention à l'utilité du produit. Par conséquent, des sommes énormes ont été investies dans le développement de produits n'ayant aucune utilité. Dans le cas particulier du lait, il y a déjà surproduction. Il faudrait faire une analyse des risques et des avantages le plus tôt possible.

Le sénateur Stratton: Y a-t-il surproduction de lait en Grande-Bretagne?

M. Verrall: Oh que oui!

Le sénateur Stratton: N'y a-t-il toutefois pas de pénurie de produits laitiers à l'échelle mondiale?

M. Verrall: Je ne le pense pas.

Le sénateur Stratton: Nous avons entendu parler d'une recrudescence de la mammite. À supposer que le nombre de cas ait augmenté d'environ 35 p. 100, quelle est l'incidence normale de cette maladie? Dans un troupeau normal, quel est le pourcentage de risques de mammite? Est-il de 1 ou de 2 p. 100? Si les risques augmentent de 35 p. 100, est-ce de 35 p. 100 par vache? Je voudrais le savoir. Pouvez-vous répondre à cette question?

M. Verrall: Non, je suis désolé.

Le sénateur Fairbairn: On s'efforce depuis un certain temps de connaître la vérité à ce sujet, non seulement dans le cadre des audiences, mais aussi en dehors. Comme l'a dit le sénateur Hays en début de séance, nous avons entendu parler des inquiétudes de nos collègues, des querelles entre les scientifiques et les autres intervenants, et des divergences d'opinions dans les milieux scientifiques. Nous n'avons toutefois pas approuvé l'usage de ce produit. Les porte-parole du gouvernement nous ont certifié qu'il ne le sera pas tant que les doutes n'auront pas été dissipés. C'est un facteur positif.

Pour des gens comme moi qui ne font pas partie de la communauté scientifique, ce qu'on raconte au sujet du processus est troublant. On lui reproche surtout de ne pas analyser à fond le sujet. On ne cesse de tirer des conclusions à partir d'études faites ailleurs. On nous a dit notamment que les études effectuées par le gouvernement américain pour prendre une décision reposaient en grande partie sur la documentation fournie par Monsanto.

Il s'agit d'un organisme international. En outre, comme l'a signalé le sénateur Stratton, toutes sortes de nouveaux produits surgissent continuellement. Vous avez brossé un portrait très inquiétant du JECFA et je voudrais vous poser quelques questions à ce sujet car d'autres pays compteront sur les travaux de commissions scientifiques semblables pour tirer des conclusions pour leur propre compte.

Comme vous l'avez indiqué, la Commission du Codex Alimentarius ou plutôt le comité conjoint sur les additifs alimentaires n'est somme toute pas très «conjoint». Il est composé en majorité d'Américains. De combien de membres est composé ce comité?

M. Verrall: J'ignore de combien de membres est composé le comité restreint. Tout ce que je sais, c'est que les deux rapporteurs étaient des représentants de la FDA. Un des compilateurs du rapport était un employé de la FDA et un autre était allemand.

J'ai présenté un rapport au JECFA et je sais que beaucoup d'autres personnes l'ont fait également. J'ai vu quelques-uns de ces autres rapports. Ce qui me tracasse le plus, c'est que, bien que l'étude de 90 jours sur les effets chroniques du produit sur 30 rats soit insuffisante, le JECFA n'a même pas reconnu que cela pouvait poser un problème.

Il a notamment inséré dans le document qu'il a publié après la fin de cette étude toxicologique et avant la parution du rapport complet, une liste des doutes émis par plusieurs organismes ou particuliers en indiquant, au verso de ce document, s'il en avait tenu compte. Cette étude des effets chroniques n'est pas mentionnée dans cette liste ni au verso du document. Le JECFA l'a totalement ignorée. Je ne vois pas comment les autres membres du JECFA auraient pu examiner ces documents parce qu'ils auraient immanquablement constaté que ces questions n'étaient pas mentionnées dans les résumés.

Le sénateur Fairbairn: Vous êtes originaire de Grande-Bretagne. Aucun des pays d'Europe n'a accepté la STbr. Pourquoi aurions-nous confiance dans les conclusions tirées par ce groupe d'experts qui ne comprend même pas un représentant du Canada, de la Grande-Bretagne, de la France ou de l'Italie?

Après tous les témoignages que nous avons entendus à ce sujet, je me demande pourquoi nous aurions confiance dans ce comité. Quelqu'un a-t-il suffisamment confiance en lui pour lui permettre de prendre des décisions nationales fondées sur des études faites ailleurs? Est-ce un comité représentatif?

M. Verrall: Je n'ai pas du tout confiance en lui.

Le sénateur Fairbairn: Nous avons entendu votre témoignage et nous avons lu votre mémoire. Nous avons également entendu le témoignage de producteurs qui connaissent des cultivateurs et des producteurs laitiers américains. On nous a raconté des histoires horribles. Nous espérons que ce médicament ne sera pas importé au Canada. La perspective de le retrouver dans les produits laitiers et les produits alimentaires pour enfants en Europe sans que ce soit précisé sur l'étiquette, sans la moindre mise en garde, est très inquiétante.

M. Verrall: Il est impossible d'en déceler la présence.

Le sénateur Fairbairn: C'est un fait. En réalité, tous les autres pays -- y compris le Canada jusqu'à présent -- font preuve d'une grande intelligence en refusant de se laisser influencer par cet organisme international. C'est pourquoi je me demande à quoi il sert.

M. Verrall: J'ai lu les journaux dernièrement et j'ai également lu le document de Burton et McBride. J'ai examiné tous les problèmes qu'ils soulèvent et toutes les solutions qu'ils proposent. Malgré cela, on ne passe pas à l'action. Ce document n'a provoqué aucune réaction, à ce que je peux voir, ce qui est terrible.

Je connais la cause de cette inertie. Autrefois, les universités recevaient des subventions gouvernementales et obtenaient des bourses de recherche pour faire ce genre d'étude. Actuellement, la situation est totalement différente dans les milieux universitaires. Certaines chaires universitaires sont octroyées à des personnes qui sont capables de récolter des fonds dans l'industrie; elles ne sont pas engagées pour leurs compétences pédagogiques. C'est de là que vient le problème.

Autrefois, on avait la possibilité de faire ce genre d'investigation, mais ce n'est plus le cas. Je ne sais pas qui devrait financer ce genre d'étude mais l'étude de Burton et McBride contient des questions auxquelles je n'ai encore jamais entendu de réponse. Pourtant, ces questions y sont inscrites en clair. Les auteurs ont préparé ce document ensemble en 1993 mais leurs questions sont toujours sans réponse.

Le sénateur Fairbairn: Dans tous les pays, on veut maintenir un degré de professionnalisme et d'excellence élevé au sein de la communauté scientifique. Je suis certaine qu'il y a d'excellents chercheurs aux États-Unis mais le processus suivi dans ce cas-ci nous porte à croire qu'il serait préférable de faire le travail soi-même.

M. Verrall: J'aurais un commentaire à faire. Je ne pense pas que l'impartialité et l'indépendance du débat scientifique soient devenues choses du passé mais je dirais que certains doutes planent à ce sujet. Autrement dit, le tablier blanc du scientifique n'est plus immaculé.

Le sénateur Robichaud: Ma question concerne la dernière ligne de votre mémoire, où vous dites ceci: «Je n'arrive pas à comprendre que des autorités puissent envisager d'homologuer la STb alors que les données scientifiques sont si incomplètes».

Plusieurs témoins nous ont déjà signalé que l'on ne possède pas suffisamment de données concernant la STbr et ses effets. Personne ne semble toutefois vouloir faire les études nécessaires pour obtenir les données voulues. Par conséquent, celles que nous possédons viennent du fabricant qui affirme que c'est un bon produit, qu'il peut être utilisé et qu'il n'a aucun effet sur les humains. On les interprète dans une certaine mesure mais il reste que certains chercheurs ont déclaré que ce produit pouvait être utilisé en toute sécurité. Ce manque de données jouera contre ceux et celles qui veulent empêcher l'homologation du produit parce qu'on leur répondra certainement que les données accessibles prouvent qu'il est bon.

M. Verrall: Effectivement, si personne n'arrive à prouver le contraire. Les données que l'on peut obtenir indiquent invariablement que l'on présume que l'utilisation de ce produit ne présente aucun risque, faute de preuves. On présume qu'il est sûr sans toutefois le prouver. On dit que «l'absence de preuves est la preuve de l'absence». Il s'agit en l'occurrence de l'absence d'effets secondaires. C'est en effet souvent ainsi que l'on procède actuellement.

Le sénateur Robichaud: Ce n'est en fait qu'une question de temps. Vous affirmez que certains produits importés en Grande-Bretagne sont fabriqués avec du lait de vaches traitées à la STbr. Votre pays a imposé un moratoire pour des raisons socioéconomiques.

M. Verrall: C'était en 1993 mais je n'ai aucun doute au sujet des résultats des délibérations du DG-24, c'est-à-dire du service de la protection du consommateur et de l'analyse des risques. Un grand remaniement a eu lieu il n'y a pas longtemps dans l'Union européenne. Le DG-24, qui est le service de protection du consommateur, a été considérablement renforcé. C'est un excellent DG maintenant. Il est très accessible et transparent; c'est précisément ce qu'il nous faut. C'est le manque d'accessibilité et de transparence que je reproche précisément au JECFA. Il faut se battre pour obtenir des renseignements.

Le JECFA a publié son résumé et ses conclusions au mois de mars. J'ai téléphoné au secrétaire à Genève et je lui ai demandé quand le rapport final devait paraître. Je me suis renseigné parce que, dans un passage de ce document, on dit qu'il est formellement interdit d'en discuter avant d'avoir reçu le rapport final.

Le secrétaire m'a dit que le document que je voulais -- c'est-à-dire celui qui contient des explications précises -- paraîtrait au mois d'octobre, avec un peu de chance. Il a ajouté que le rapport final ne serait pas publié avant un an. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu qu'il devait être révisé à fond; je lui ai dit que j'étais d'accord, mais qu'il ne fallait pas le faire deux fois.

J'ai appris que le JECFA ne possède pas les moyens financiers nécessaires, contrairement aux comités du Codex Alimentarius, comme celui des principes généraux ou celui des résidus. C'est pourquoi vous recevez les rapports des comités du Codex Alimentarius un peu plus vite que celui du JECFA. Celui du JECFA est préparé quand les membres en ont le temps. C'est ce qu'on m'a répondu, mais ce n'est pas une réponse satisfaisante.

Le sénateur Robichaud: Nous avons également éprouvé certaines difficultés à obtenir tous les renseignements nécessaires. Nous avons fini par les obtenir. Tout cela pour dire que vous n'êtes pas le seul à avoir des difficultés. Le fait que les renseignements demandés tardaient à arriver a suscité de vives réactions. Nous tenons à examiner la question à fond, mais nous ne possédons pas suffisamment de données. On dirait que si l'on n'arrive pas à prouver que le produit n'est pas inoffensif, on considère qu'il est bon. Il finira par être mis en vente et par être utilisé.

M. Verrall: Je ne le sais pas. C'est un problème majeur. Les universités comptent malheureusement de plus en plus sur les fonds qui leur sont accordés par l'industrie. On a tout intérêt à ne pas mordre la main qui nous nourrit.

Le sénateur Robichaud: Absolument.

Le sénateur Sparrow: On ne cesse de signaler que l'on ne possède aucune preuve de l'innocuité de ce produit. Existe-t-il un moyen de prouver qu'un produit est sûr dans toutes les circonstances?

M. Verrall: La semaine dernière, le directeur de la santé de la Grande-Bretagne a comparu devant la commission d'enquête chargée d'examiner le problème de la maladie de la vache folle. On l'avait accusé d'affirmer que la consommation de la viande ne présentait aucun risque. Il avait déclaré qu'il pensait à ce moment-là que l'on pouvait en manger sans risque, ajoutant ceci: «Si j'affirme qu'un conducteur est prudent, c'est peut-être vrai, mais il ne l'est peut-être pas dans toutes les circonstances.» Par conséquent, on ne peut jamais fournir de garantie absolue.

L'innocuité d'un produit ne dépend-elle pas de l'usage auquel on le destine et de la durée de la période d'utilisation. Prenez le cas d'une personne atteinte d'un carcinome de l'estomac qui est mourante et à qui l'on pourrait administrer un antiémétique pour l'empêcher de vomir, sachant que ce médicament provoquerait une dyscrasie en six mois. Cela n'aurait aucune importance si le patient souffrait d'un carcinome terminal de l'estomac et devait mourir de toute façon dans quelques semaines. Dans ce cas, l'antiémétique ne serait pas considéré comme nocif.

Le sénateur Sparrow: À ce moment précis.

M. Verrall: Oui, à ce moment précis. Tous ces produits non thérapeutiques qui visent à stimuler la production sont toutefois destinés à un usage de très longue durée. Comme je l'ai signalé tout à l'heure, les critères doivent être différents et il faut les établir.

C'est une des tâches que le Food Ethics Council s'est fixées. Notre premier rapport paraîtra en mai 1999 et il contiendra des recommandations sur l'approche à adopter dans ce domaine. S'il existe un conseil d'éthique alimentaire au Canada, je souhaiterais également qu'il fasse la même chose. Je pense que cela viendra. Je crois que l'on établira des critères internationaux.

Le sénateur Sparrow: Notre tâche est de vérifier si tel produit présente des risques. Est-ce ce que l'on essaie de faire en l'occurrence?

M. Verrall: Oui.

Le sénateur Sparrow: Je parle de prouver qu'il présente des risques et non de prouver qu'il n'en présente pas. On ne cesse de parler de prouver son innocuité.

M. Verrall: Où peut-on trouver les installations nécessaires pour prouver qu'il présente des risques? À mon avis, quand une entreprise veut commercialiser un produit, c'est à elle de prouver qu'il est sûr.

Le sénateur Sparrow: On n'a pas établi qu'il présentait des risques. Cela fait une différence.

M. Verrall: On n'a pas conclu qu'il présentait des risques dans la mesure où on n'a pas fait tous les tests jugés pertinents pour le produit concerné.

Le sénateur Robichaud: Ces tests n'ont pas été faits dans ce cas-ci.

M. Verrall: Non, ils n'ont pas été faits.

Le sénateur Sparrow: Est-il exact qu'il est impossible de détecter des traces de STb dans les produits laitiers?

M. Verrall: Ce n'est pas possible à ma connaissance, comme je vous l'ai déjà signalé. Je pense qu'une entreprise est en train de mettre au point un produit qui permettrait d'y arriver.

Le sénateur Sparrow: Comment peut-on détecter des traces de STb dans l'animal?

M. Verrall: Je l'ignore.

Le sénateur Sparrow: Vous ignorez si sa présence est détectable dans l'animal?

M. Verrall: Je dois vous avouer franchement que je l'ignore.

Le sénateur Sparrow: Le sait-on?

Le président: Je ne le sais pas. J'aperçois une main levée.

M. Richard Lloyd, Syndicat national des cultivateurs: Je me permets de signaler qu'il est possible de détecter sa présence dans un animal au moyen d'une analyse de sang. J'ai assisté à plusieurs réunions où il a été question de mettre au point un test pour le lait. Les explications scientifiques sont très compliquées mais je crois que la preuve de la présence de ce produit peut être établie de manière scientifique. Je ne tiens toutefois pas à vous faire perdre du temps en vous donnant toutes sortes d'explications, à moins qu'on ne me le demande.

Le président: Êtes-vous un scientifique?

M. Lloyd: Non.

Le président: Le témoin a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Verrall: Non.

Le sénateur Rossiter: Pourquoi n'a-t-on pas tiré de conclusion au sujet de l'incidence accrue de la mammite? N'est-ce pas évident? Monsanto a dit que l'usage de la STbr n'a pas causé de recrudescence marquée de mammite mais l'Université du Sussex prétend que le nombre de cas de mammite a augmenté de 19 p. 100. Plus tard, après 15 essais, Monsanto a affirmé qu'il n'y avait aucun effet nocif alors que cette université a fait une quinzaine d'essais et en a conclu que l'usage de la STbr augmentait de 39 p. 100 l'incidence de la mammite.

M. Verrall: Elle utilisait pourtant les mêmes chiffres. C'est ainsi que les statistiques ont été établies dans le cadre de l'étude épidémiologique. En fait, je pense que d'autres statistiques ont été établies en ce qui concerne l'incidence de la mammite. Si l'on pouvait mettre la main dessus et si l'université faisait exactement la même chose qu'elle ne l'a fait pour ces deux études, la conclusion serait probablement la même. Je crois que c'est une question de déformation des statistiques en quelque sorte.

Le sénateur Rossiter: Les sociétés concernées et l'industrie ont-elles ces études en main?

M. Verrall: Pas celles de l'Université du Sussex.

Le sénateur Rossiter: Non, je parle des études qui sont, d'après vous, distinctes des deux autres que vous avez citées.

M. Verrall: On m'a dit que ces études existaient. J'ignore toutefois comment on peut les obtenir. Si l'on pouvait en faire communiquer les résultats aux universités, ce serait très intéressant d'en faire l'analyse.

Le sénateur Rossiter: Pensez-vous que cette université poursuivra ses études sur la mammite lorsque la STbr aura été utilisée pendant une plus longue période?

M. Verrall: Je ne le sais pas. Il s'agit d'une étude interne sur ce qui se passe aux États-Unis. Aucun document n'est publié.

Le président: Avez-vous un dernier commentaire à faire?

M. Verrall: Je vous suis très reconnaissant de m'avoir convoqué. J'ai beaucoup aimé mon après-midi, dans la mesure où l'on peut trouver de telles circonstances réjouissantes. Merci beaucoup de m'avoir été d'un tel secours.

Le président: Nous tenons à vous remercier d'être venu témoigner et de nous avoir éclairés sur la situation internationale en ce qui concerne la STb.

La séance est levée.


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