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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 24 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 19 novembre 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'est réuni ce matin à 9 h 15 pour étudier la situation actuelle et future de l'agriculture au Canada, en considération de l'incidence des subventions internationales sur le revenu des exploitations agricoles.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs et invités, nous allons poursuivre notre séance d'étude. Jusqu'à présent, nous avons entendu de nombreux témoins. Nous recevons ce matin le groupe Keystone Agricultural Producers.

Vous avez la parole.

M. Marcel Hacault, vice-président, Keystone Agriculture Producers: Je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion de venir témoigner. Je suis un éleveur de porcs. Mon exploitation est située à environ une demi-heure au sud de Winnipeg.

Keystone Agricultural Producers représente environ 7 500 exploitations agricoles. Nous sommes présentement en train de tenir nos rencontres régionales annuelles. J'ai voyagé dans huit régions différentes de la province où j'ai assisté à des réunions avec les éleveurs. Nous arrivons à établir un assez bon dialogue.

M. Don Bromley, membre exécutif, Keystone Agricultural Producers: J'exploite une ferme dans la partie sud-ouest du Manitoba, dans la région de Brandon. Nous cultivons environ 1 200 acres de canola, de blé, de lin et de pois et nous avons une petite exploitation de vaches allaitantes. Dans notre région, qui inclut une bonne partie de la région occidentale de la province, j'agis à titre de membre de l'exécutif de Keystone Agricultural Producers.

M. Hacault: Ainsi que je l'ai mentionné, nous venons juste de tenir une bonne partie de nos réunions annuelles. Nous comptions vous tracer un bilan de ce qui se passe au Manitoba et vous transmettre certains des points de vue qui ont été exprimés par nos agriculteurs. Notre personnel a préparé un document, qui est disponible à l'arrière de la salle. Je n'ai pas l'intention de le lire.

J'ai été durement touché par le fléchissement des prix du porc. On m'a dit qu'ils ont atteint le seuil le plus bas depuis 1971. Bien sûr, je ne suis dans l'élevage que depuis 15 ans mais, dans le passé, le secteur a dû vivre avec certains programmes qui ne lui plaisaient pas.

Lorsque le prix du porc a commencé à dégringoler, le programme tripartite était encore en place. Donc, je crois que si vous parlez aux fermiers du Manitoba maintenant, ils vous diront qu'au début le programme tripartite a probablement aidé. Cependant, avec les droits compensateurs qui sont apparus par la suite, tous les avantages du programme tripartite se sont probablement évanouis. Depuis lors, le programme tripartite a disparu. En tant qu'éleveurs de porcs, le seul programme auquel nous ayons accès est celui du CSRN.

M. Bromley: L'élevage des vaches allaitantes au Manitoba est probablement l'un des rares secteurs où il n'y pas eu de fléchissement dans les ventes. Le prix du veau est relativement stable, en comparaison avec l'année dernière. Du côté de l'engraissement, les marges sont assez souvent négatives. De plus, la viande rouge, en particulier le boeuf, dont je suis en train de parler, est très vulnérable à une offre excédentaire, ce qui fait qu'une grande augmentation de la production de boeuf pourrait être désastreuse pour ce secteur.

L'aspect attrayant de l'industrie de l'engraissement est que les prix des aliments du bétail sont bas, mais ça ne fait que retarder l'échéance.

M. Hacault: Comme certains d'entre vous le savent, la gestion des approvisionnements est assez forte en Ontario et au Québec; mais nous aimerions vous rappeler qu'elle est forte au Manitoba aussi. Cependant, si vous la comparez au restant des rentrées de revenu agricole, je crois qu'elle ne représente qu'environ 12 p. 100. Bien des agriculteurs ont des produits qui ne sont pas sujets à la gestion des approvisionnements et sont probablement exposés à ces fluctuations de prix.

M. Bromley: En ce qui concerne les céréales, la production de blé est en baisse. Il y a quelques années, le mot magique était «diversifiez», et plusieurs ont suivi le mouvement et diversifié leur production avec d'autres cultures. J'ai introduit les pois, il y a quatre ans. À ce moment, le prix d'automne était de 6,20 $. Il y avait une marge assez raisonnable à ce prix, étant donné le rendement moyen. Cependant, comme beaucoup ont exploité ce filon, et que la superficie consacrée aux pois a augmenté, le marché est devenu saturé. Cet automne, lorsque j'ai mis mes pois sur le marché, j'en ai obtenu 3,40 $, et ensuite le prix a diminué. Ce marché des pois est donc en position négative.

Les perspectives sont favorables pour le canola, le lin et les légumineuses, mais ces cultures sont limitées. Les légumineuses ne poussent que dans une zone limitée. Ces produits sont aussi certainement vulnérables à une offre excédentaire.

Les mouvements du blé ont été très lents. Je sais que la Commission du blé effectue des ventes, mais l'attribution du matériel remorqué aux silos-élévateurs dans notre région n'a pas été formidable. Même s'il y a une option d'achat de 20 p. 100 sur le blé vitreux roux, seulement une petite quantité est sortie de la région, le Manitoba du sud-ouest.

Il n'y a pas de prime pour l'orge de brasserie, en raison du programme européen qui offre une subvention de 175 $. Ça a éliminé toute prime pour l'orge de brasserie. Les gens ne sont pas prêts à courir le risque d'exporter de l'orge. Il n'y a pas non plus d'option ou de possibilité d'exporter de l'orge fourragère. Elle se dirige exclusivement vers le marché intérieur des céréales fourragères. Présentement, ce marché est très lent.

Avec la perte de la subvention du Nid-de-Corbeau et d'autres programmes, environ 1 milliard de dollars ont été retirés de l'agriculture, et maintenant ça paraît dans les résultats.

M. Hacault: L'Ouest a contribué de façon importante à l'équilibre du budget fédéral. C'est ce que nous entendons dans l'Ouest, que l'agriculture a fourni beaucoup d'argent pour aider le reste du Canada. L'agriculture est très importante pour l'économie globale du Canada. En plus de constater que l'on retirait de l'argent à l'agriculture, nous avons aussi dû assumer des coûts supplémentaires, en raison de tout cet exercice de recouvrement des coûts.

Un éleveur de porcs m'a récemment confié ses frustrations. Il vend beaucoup de porcelets au U.S. Factoring -- avant, ça lui coûtait 1,50 $ pour faire effectuer certains tests pour satisfaire les douanes. Maintenant, il dit qu'il paye environ 30 p. 100 de toute l'initiative de recouvrement des coûts pour l'inspection des porcelets destinés aux États-Unis. Il est un éleveur de porcs de premier plan. Il a l'impression de ne pas recevoir des services équivalents aux coûts. Voilà un exemple d'un rétrécissement de la marge des revenus nets occasionné par le recouvrement des coûts.

On nous a dit de diversifier. Notre premier ministre nous a dit que nous devrions être la capitale de l'élevage du porc au Canada. Un grand nombre d'éleveurs ont pris cette déclaration au sérieux et ont commencé à se diversifier dans l'élevage du porc. En un sens, on nous met des bâtons dans les roues des deux côtés. Il semble en effet que nous perdions de l'argent aux deux extrémités, qu'il s'agisse de produire des aliments pour les animaux ou d'élever des porcs. Peut-être que, finalement, les politiciens n'ont pas toutes les données concernant l'avenir.

Le sénateur Fairbairn: Vous avez aussi la porcherie industrielle de Lethbridge.

M. Bromley: Oui, nous avons aussi une porcherie en construction à Brandon. Peut-être avez-vous entendu parler des répercussions de ce projet.

Encore un autre exemple du recouvrement des coûts -- c'est un petit exemple, mais néanmoins un bon exemple que le coût d'enregistrement d'une race de bétail est d'environ 5 $ pour cinq ans. J'ai reçu ma demande de renouvellement il y a quelques semaines, et le coût s'est multiplié par six. C'est un point négligeable, mais c'est néanmoins une indication de la tendance.

Il y a eu un changement de la culture du blé à celle des pois ou d'autres cultures spécialisées. Tout le monde essaiera de cultiver les plus grandes superficies de canola possibles, parce que c'est une culture qui donne un bon rendement. Pour ce qui est de la rotation des cultures, en cultivant le canola année après année, vous introduisez des maladies et des ravageurs des cultures. Au bout du compte, vous allez à l'encontre du but poursuivi. La même chose peut se produire avec les pois et les légumineuses et les cultures semblables.

Le marché du Canada est vulnérable à l'offre excédentaire.

M. Hacault: On a suggéré que pour maintenir les exploitations agricoles à flot, les agriculteurs devraient compléter leurs revenus avec des emplois à l'extérieur de la ferme. Cela a déjà été fait. Cette étape est déjà derrière nous. Est-ce qu'un médecin doit aussi être pompiste pour arriver à joindre les deux bouts? Pourquoi un agriculteur devrait-il travailler dans un atelier de soudure et pourquoi sa femme devrait-elle travailler dans une garderie pour arriver à joindre les deux bouts? Il y a aussi des coûts sur le plan individuel de même que des coûts en matière de productivité, et peut-être que certains d'entre vous sont conscients de ces coûts. Si nous ne nous occupons pas en tout premier lieu de nos affaires, si nous essayons de nous disperser, il y aura des coûts à assumer au niveau de la productivité.

M. Bromley: Le passage à la culture des céréales fourragères s'est fait plutôt lentement. Dans la plupart des cas, nous plantions l'orge au printemps, dans l'intention d'en tirer du malt et d'obtenir une prime. Si la qualité, pour une raison quelconque, n'était pas suffisante pour que nous puissions arriver sur le marché du malt, et bien nous nous tournions vers le marché des céréales fourragères.

Il y a eu tout un changement dans les priorités et une nécessité pour l'industrie de l'engraissement d'obtenir du blé et de l'orge à forte valeur fourragère. La structure des acides aminés pourrait être changée pour venir compléter l'industrie de l'engraissement et répondre à un de leurs besoins et aussi pour obtenir un meilleur rendement à partir d'une orge et d'un blé de meilleure qualité. Il n'y a pas eu beaucoup de recherche dans ce domaine. De plus, on pourrait aussi faire davantage de recherche dans le domaine des céréales fourragères résistantes aux maladies et aux insectes.

M. Hacault: Dans le passé, une grande partie de la recherche s'est concentrée sur les marchés d'exportation, sur le blé et l'orge de brasserie à haute teneur en protéines. Si ce blé ou cette orge ne remplissaient pas les spécifications, ils étaient réacheminés dans le marché des aliments pour animaux.

L'argent qui est recueilli provient pour une large part des céréales exportées et cet argent est canalisé ensuite dans la recherche. En un sens, une grande partie de la recherche effectuée au Manitoba a porté sur les cultures destinées à l'exportation. Il n'y a pas de bon mécanisme en place pour amorcer la recherche en ce qui concerne des variétés d'aliments pour animaux de haute qualité et à rendement élevé ciblées pour le marché intérieur des aliments pour animaux. Cela commence à peine à se faire. Le Manitoba Rural Adaptation Council dirige une partie de ses fonds vers la recherche destinée au marché des aliments pour animaux, parce que ce marché est florissant au Manitoba. Si nous pouvions produire un blé fourrager résistant au fusarium qui aurait aussi un profil d'acides aminés qui viendrait compléter l'alimentation du bétail, cela nous aiderait beaucoup plus que les sommes qui sont consacrées à l'élaboration d'un blé à haute teneur à protéines qui nous coûtera 50 $ la tonne avant d'atteindre l'exportation.

Un autre problème est celui des nouveaux venus dans les exploitations agricoles. Ce repli entraîne véritablement quelques problèmes. Quiconque désire prendre un peu d'expansion doit réellement le faire dans les «ligues majeures». Avec les programmes de soutien du revenu en place, comme celui du CSRN, vous êtes désavantagé si vous prenez de l'expansion, parce que toutes les règles d'admissibilité au CSRN changent. Donc, dans les périodes difficiles, il est impossible de retirer quoi que ce soit du CSRN.

Dans le passé, on pouvait voir beaucoup de signes classiques d'un fléchissement dans les revenus agricoles, les faillites, par exemple. Actuellement, nous n'en voyons pas beaucoup au Manitoba. La raison qui explique cela est que les agriculteurs, plutôt que de s'entêter à exploiter jusqu'à ce qu'ils soient entièrement ruinés, prennent la décision de quitter pendant qu'il leur reste encore certains capitaux propres. Donc, nous voyons beaucoup moins de faillites. J'ai parlé à des institutions prêteuses, la CSA, par exemple, et leur taux d'impayés est bas, ce qui est encourageant.

Nous avons aussi entendu que beaucoup d'institutions prêteuses ont tiré des enseignements du dernier repli et que, par conséquent, elles accordent leur crédit à des clients plus solvables. Donc, tous ceux qui ne sont pas très solides ou qui disposent de leviers financiers plus élevés ne recevront pas de crédit.

Vous vous attendriez, étant donné le repli dans l'économie, à ce que l'évaluation foncière soit en baisse. Au Manitoba, selon la SCA, les évaluations foncières étaient en hausse de 2,2 p. 100 l'année dernière. Par ailleurs, la SCA a aussi déclaré qu'il faut parfois attendre de 16 à 18 mois avant qu'un repli économique ne se fasse sentir au niveau des évaluations foncières. De plus, étant donné la pression assez forte en faveur de la diversification, les surfaces en pommes de terre, qui sont actuellement en demande, génèrent passablement de revenus. Effectivement, les pommes de terre donnent un excellent rendement actuellement.

Essentiellement, si vous décidez de construire une porcherie et si vous avez besoin de terrains environnants -- si vous décidez de construire une porcherie d'une valeur de 1,5 à 3 millions de dollars, le fait que la terre coûte entre 500 et 700 $ l'acre n'a pas vraiment d'importance. Ce qui importe plus que le prix du terrain est la possibilité de construire et de faire une bonne utilisation du fumier. Il y a là certaines lacunes. Réellement, nous assistons à une situation au cours de laquelle le prix des terrains ne se reflète pas dans la valeur de la production.

Nous constatons aussi qu'il y a des mises à pied dans le secteur de la fabrication d'équipement agricole et aussi au niveau des concessionnaires. Certaines applications d'engrais et de produits chimiques qui devraient normalement être faites à l'automne ne sont tout simplement pas effectuées. Des exploitants agricoles hésitent à investir de l'argent dans le sol, parce qu'ils ne sont pas certains s'ils vont ensemencer ou même s'ils vont ensemencer au printemps.

Une autre tendance à laquelle nous assistons est que les exploitants agricoles vont louer plutôt qu'acheter les équipements dont le prix unitaire est élevé. Il s'agit probablement d'une excellente décision d'affaires, mais elle indique une pénurie de liquidités pour un grand nombre d'exploitants agricoles. Elle contribue aussi à éroder l'équité des agriculteurs. Lorsque les temps deviennent difficiles, il arrive souvent qu'un fermier se résigne à vendre un peu de machinerie. Étant donné que plusieurs d'entre eux louent leur équipement, ils ne disposent plus de cette option.

Nous avons tenu des réunions aux quatre coins de Manitoba. Je suis allé dans le coin de la vallée de Swan River, qui se trouve dans la partie nord du Manitoba. C'est pratiquement une île, une zone de terres agricoles productives mesurant 50 milles sur 40 milles, mais qui comporte une assez courte période de jours sans gelée. Dans cette région, la rumeur court qu'au moins deux des grands exploitants de cultures céréalières, des exploitants de 5 000 acres, éprouvent des sérieuses difficultés financières. Dans un cas, le distributeur d'engrais était sur place au moment de la récolte afin de récupérer les céréales et d'en prendre possession sur-le-champ. L'autre exploitant a réussi à engranger ses céréales, mais les conteneurs ont été verrouillés par les institutions financières.

Pour comparer la région de Swan River et celle de Hartney, une partie des possibilités de diversification des cultures, comme celle présentée par les pommes de terre ou les légumineuses, ne sont pas disponibles pour des raisons d'humidité ou de jours sans gelée. Ces gens semblent vivre une période difficile.

Si nous considérons un peu les programmes de soutien du revenu, nous disposons du programme d'avances en espèces.

M. Bromley: Le programme d'avances en espèces est administré par l'entremise de la Commission canadienne du blé et, en ce qui concerne les graines oléagineuses et les légumineuses à grain, par l'entremise de leur groupe de produits. C'est un outil important et bien géré. Il est habituellement disponible à l'automne, à une époque où les céréales n'ont pas beaucoup bougé et où les factures commencent à arriver. Les paiements d'hypothèque de la SCA et du MACC sont habituellement dus autour de la fin d'octobre, par conséquent, le programme d'avances en espèces permet de remplir ces obligations. Le programme d'avances en espèces pour le blé et l'orge est assez faible parce qu'il représente un pourcentage du prix prévu à la fin de l'année. Cette déposition a imposé un resserrement sur les mouvements de trésorerie.

Une autre considération à envisager est que les volumes sont petits parce que les exploitants agricoles ont essayé de réduire leur surface de culture du blé et de l'orge. De plus, l'orge qui est acheminée directement à une porcherie dans les environs ou à une basse-cour ou encore à un parc d'engrais se trouve à l'extérieur du programme des avances en espèces. Par conséquent, le programme prend des restrictions dans ces domaines.

Nous disposons aussi, depuis un certain nombre d'années, dans les Prairies, d'une assurance-récolte qui offre un soutien du revenu. Dans les périodes de désastres liés au climat, ce programme nous a aidés substantiellement. Toutefois, dans une situation comme celle que nous vivons actuellement, c'est-à-dire un désastre lié aux prix, ce programme est tout simplement impuissant à répondre à nos besoins. Au Manitoba, les récoltes ont été probablement moyennes ou légèrement meilleures en raison du fusarium -- il y a eu aussi certains dégâts causés par les conditions climatiques, donc la qualité était légèrement inférieure. Toutefois, les récoltes étant ce qu'elles sont, les producteurs n'ont pas été en mesure d'avoir accès aux programmes d'assurance-récolte.

Le CSRN est en place depuis plusieurs années. C'est probablement un bon programme pour les exploitants agricoles qui sont en affaires depuis un certain temps, qui ont des mouvements de trésorerie et qui ont pu faire des dépôts depuis quelques années. Selon les chiffres fournis par le CSRN, 78 p. 100 des producteurs qui ont un compte CSRN ne disposent que d'environ 6 200 $ dans ce compte. Pour de nombreux exploitants agricoles c'est nettement insuffisant pour couvrir la facture de combustible pour une année. Par conséquent, ce type d'argent ne résoudra pas le problème, et, bien entendu, si toute la somme est retirée l'an prochain, la réserve s'évanouira.

Pour une personne qui a été en mesure de se doter d'un compte CSRN, étant donné le mécanisme de déclenchement, y avoir accès cette année poserait un problème. Le programme a adopté une moyenne mobile, autrement dit, il s'ajuste en fonction d'un pourcentage de votre revenu -- et en déclenchant le remboursement pour cette année, on entraînerait un problème.

M. Hacault: J'ai pu contribuer au CSRN au cours des quatre dernières années, mais je n'ai pas été en mesure d'y mettre suffisamment d'argent de côté pour me payer un compte de stabilisation. Les éleveurs de porcs dont je parle procèdent au retrait de leur argent parce que les prix du porc fléchissent. Ils n'ont pas à se préoccuper d'être imposés sur ces sommes s'ils retirent l'argent cette année, donc un grand nombre en profitent pour le faire.

J'ai déjà moi-même retiré les sommes que j'y avais déposées. Pour vous donner un exemple, retirer 8 000 $ de mon compte, ce qui représente presque la totalité de la somme que j'y avais déposée, me permettra de commercialiser environ un mois et demi de production, c'est-à-dire 200 porcs malgré la perte actuelle de 50 $ le porc. J'ai déposé de l'argent dans un compte de stabilisation pendant quatre ans, et cet argent sera entièrement utilisé en l'espace d'un mois et demi. Lorsque je regarde l'avenir, je ne vois pas de perspectives très favorables pour l'élevage des porcs avant peut-être six mois ou même plus.

Le président: Sur ce point, diriez-vous que vous perdez 50 $ le porc?

M. Hacault: Plus ou moins. Au Manitoba, c'est environ 50 $ le porc. Je pense que ma dernière livraison m'a rapporté entre 66 $ et 70 $ le porc. Je dirais qu'étant donné mon coût de production, si je fais abstraction de ce que je dois à la banque et du fait que je compte sur ma femme pour apporter un soutien à la famille -- je perds au moins 50 $ le porc. Mon coût de production se situe autour de 125 $. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. La plupart des éleveurs de porcs n'y sont pas habitués, et, bien entendu, ils accueillent avec beaucoup de réticence les fluctuations des prix, même s'ils savent très bien qu'elles existent. Ce qui est inhabituel cette fois-ci, c'est l'ampleur du fléchissement et aussi le fait qu'il semble vouloir durer plus longtemps. La dernière fluctuation de prix nous a entraînés jusqu'à 48 cents, ce qui était le seuil le plus bas, et ce repli avait duré près de six mois. La plupart des gens peuvent l'absorber. Maintenant nous sommes dans une période où les prix du porc sont à 30 cents, et il n'y a pas de signe d'amélioration en vue pour les neuf prochains mois.

Le secteur de l'élevage du porc déclare qu'il ne veut pas d'un déclenchement de subvention par tête à cause de toute cette histoire de droits compensateurs. Keystone Agriculture Producers a travaillé avec la Fédération canadienne de l'agriculture. Je pense que la FCA a présenté un mémoire devant le comité. Donc, nous avons aidé la FCA à élaborer un programme de marge bénéficiaire brute qui fonctionnerait sur la base d'une exploitation agricole individuelle, l'exploitation dans son entier, et non pas en fonction de secteurs ciblés afin de contourner les problèmes liés aux droits compensateurs.

Le Manitoba exporte 80 p. 100 de sa production de porcs, donc nous sommes extrêmement dépendants. Notre ministre de l'Agriculture a déclaré que le Manitoba, avec une population de 1 million, produit suffisamment pour nourrir 6 millions de personnes. La situation est donc très différente par rapport à l'Ontario ou au Québec où il me semble que la production de porcs répond pratiquement aux besoins du marché. Donc, en un sens, ils ne sont pas aussi dépendants du marché de l'exportation. C'est la raison pour laquelle nous voulons nous assurer que le programme ne sera pas aussi axé sur les produits.

Nous avons entendu dire que le gouvernement fédéral voulait accroître ses exportations à 40 milliards de dollars et essayer d'aller chercher 4 p. 100 du marché mondial. Finalement, le gouvernement affirme que c'est parce qu'il réalise combien d'emplois sont créés par l'entremise de l'agriculture et de l'agro-alimentaire. Le gouvernement nous lance un message contradictoire. D'un côté, il affirme que l'agriculture est importante pour le Canada, qu'elle est importante pour les échanges commerciaux et que nous avons besoin d'elle. D'un autre côté, nous sommes les victimes de coupures, de programmes de récupération des coûts et ainsi de suite. Nous semblons être les boucs émissaires et le gouvernement ne semble pas prêt à nous écouter. Peut-être que cela vient du fait que nous représentons une plus petite part de la population. Les votes comptent, et lorsque vous n'êtes pas un gros éleveur, vous avez un peu plus de difficulté à vous faire entendre, à moins que vous n'empruntiez la voix des organisations.

Nous entendons aussi un autre commentaire selon lequel, étant donné le gouvernement au pouvoir actuellement, nous n'avons pas suffisamment de représentants qui s'expriment au nom du Manitoba. Aussi, si nous n'obtenons pas le soutien des députés du Québec et de l'Ontario, nous allons tout simplement être mis de côté encore une fois. C'est le sentiment qui prévaut chez nos membres.

Le temps est probablement venu de réinvestir dans l'agriculture et d'envoyer un message aux éleveurs comme quoi ils sont importants. Concentrez-vous sur la première partie, que l'agriculture est importante pour le Canada et que même si les éleveurs représentent une faible portion de la population, ils contribuent néanmoins beaucoup à la structure sociale de l'économie rurale et le gouvernement doit faire en sorte qu'ils soient encore en train d'exploiter leurs fermes dans une génération.

M. Bromley: Les collectivités rurales ont vécu des temps difficiles depuis un certain nombre d'années, avec le dépeuplement entraîné par l'abandon du chemin de fer et pour diverses autres raisons. La situation présente ne fera qu'aggraver le problème si nous ne sommes pas en mesure de maintenir les services dans les collectivités, et si nous n'avons pas la population pour les dispenser. Par conséquent, une économie agricole forte contribuerait certainement à maintenir ces collectivités en bonne santé.

Le président: Nous n'en avions pas entendu autant sur les porcs jusqu'à maintenant. Votre exposé a bien couvert le sujet.

Avez-vous remarqué quelque changement dans le prix du porc dans les magasins?

M. Hacault: Il y a eu un problème au Manitoba. En fait, le Winnipeg Free Press a publié un article en première page dans lequel il faisait un peu la comparaison avec 1996-1997, lorsque le prix du porc a grimpé de 21 p. 100. et qu'en même temps, le prix de vente au détail avait aussi grimpé de 21 p. 100. À l'époque, il avait chuté de 40 p. 100. Les chaînes de vente au détail avaient pensé qu'il serait opportun de partager cette économie de 8 p. 100.

Nous craignons que, si les prix montent, les chaînes se montreront aussi très empressées d'adopter le nouveau prix, mais lorsque les prix redescendront, elles essaieront d'établir un nouveau prix de base et de le maintenir. Je ne suis pas sûr de bien comprendre qui profite de la situation, s'il s'agit des entreprises de conditionnement ou des distributeurs? Peut-être qu'ils se partagent le gâteau -- mais nous entendons cette préoccupation de la part de tous les secteurs, c'est-à-dire que la partie du dollar consacré à l'alimentation qui revient à l'exploitant agricole semble rétrécir chaque fois. Comment allons-nous régler ce problème? Devons-nous dire au consommateur que nous nous faisons voler? Nous pouvons le leur dire, mais ensuite quelles sont les options possibles? Je ne sais pas. Nous aimerions que des correctifs soient apportés.

Le président: Dans une perspective à long terme, l'Asie a été un problème important, il me semble. Est-ce exact?

M. Hacault: Il y a quelques facteurs en cause, et l'Asie en est probablement un. Si vous vous rappelez, j'ai mentionné que le dernier repli avait été d'assez courte durée. Ce qui nous a permis de récupérer à la suite de ce repli, à mon sens, est le fait qu'il y a eu des poussées de maladie dans certains pays. Donc une grande partie de l'expansion aux États-Unis et au Canada est ciblée vers le marché asiatique. Nous mettons beaucoup d'espoir dans ce marché. Il a probablement eu une incidence.

D'un autre côté, même si mes porcs sont si bon marché, et que l'économie asiatique s'en va à la dérive, le prix du porc a tellement chuté qu'ils doivent probablement encore pouvoir se permettre de l'acheter. Lorsque vous considérez les inventaires qui sont dans les entrepôts frigorifiques, les carcasses de porc ne s'accumulent pas. L'inventaire de porcs ne reste tout simplement pas dans le dépôt frigorifique. Il sort. Et cela, malgré le fait qu'il n'y pas de réduction de prix au niveau des comptoirs de détail.

Le président: À 30 cents la livre?

M. Hacault: Il est à deux dollars la livre dans les étagères des supermarchés.

Le président: Est-ce que c'est aussi bas que 30 cents?

M. Hacault: Oui. Je pense que la semaine dernière le prix était de 66 cents pour 100 kilogrammes et puis vous avez des indices et des primes qui s'appliquent. J'ai pris un lot de porcs. Ils pesaient en moyenne 120 kg vivants et ils ont rapporté environ 70 $ le porc. J'ai investi 90 $ d'aliments dans chacun de ces porcs.

Le président: Est-ce que le changement apporté à la subvention du Nid-de-Corbeau vous a aidé?

M. Hacault: J'ai toujours soutenu que je ne cherchais pas à obtenir des aliments moins chers. La plupart des producteurs seraient probablement d'accord avec moi. Tout ce que nous voulons, c'est un rendement décent. Ils veulent obtenir cette marge. Si je peux payer 3,50 $ pour mon orge et faire des profits, je suis tout aussi heureux. Je ne veux pas faire de l'argent sur le dos d'un producteur de céréales qui perd lui aussi de l'argent.

Les changements apportés à la subvention du Nid-de-Corbeau ont eu pour effet que bien des gens ont repensé au type de culture qu'ils avaient. C'est pourquoi nous disons qu'il faut rediriger la recherche en vue d'obtenir des céréales fourragères, afin d'alimenter ce marché. Antérieurement, il y a toujours eu un marché par défaut; si vous ne pouviez pas exporter, vous pouviez toujours vendre sur le marché des aliments pour animaux.

Les prix de l'orge dans notre région, étant donné que nous sommes un secteur où l'on manque d'aliments pour les animaux, n'ont pas diminué depuis l'année dernière. Ils sont légèrement plus bas depuis un an ou deux. À mon exploitation agricole, mon orge se vend environ 2,35 $ le boisseau; l'année dernière, il se situait à 2,40 $, il me semble.

Le sénateur Whelan: Il semble y avoir un sentiment général selon lequel les politiciens ne vous défendent pas suffisamment. Je ne pense pas que certains de mes collègues m'en voudront si je vous rapporte certaines choses qui se sont produites dans le caucus. Je me rappelle qu'un député du Manitoba a remercié les autres députés du reste du Canada pour une présentation qu'ils avaient faite en faveur des fermiers de l'Ouest canadien. C'étaient plusieurs députés de l'Est qui avaient parlé. Dans certaines régions de l'Ontario, il y a aussi un problème, en particulier avec les producteurs de porcs -- et les producteurs de porcs du Québec, qui est une grande zone d'élevage, doivent acheter la plupart de leurs aliments, de leurs céréales fourragères.

Lorsque le ministre Vanclief s'est rendu en Saskatchewan, Steve Klarenback, un exploitant agricole de la région de Kingsley: «Nous, en Saskatchewan, ne voulons pas être laissés de côté. Il semble y avoir de l'argent pour les tempêtes de verglas en Ontario et aussi de l'argent pour des subventions et pour l'aide alimentaire dans les autres pays.» Il n'a pas dit un mot sur ce que le gouvernement avait fait pour le Manitoba l'année précédente ou encore sur ce que nous avons fait pour Chicoutimi l'année d'avant dans la zone inondée.

On note une tendance à soulever une partie du Canada contre l'autre, ce qui est peut-être un peu injuste étant donné la représentation. Nous sommes ici, nous savons ce qui s'est dit au Sénat et à la Chambre des Communes et que l'on a accordé un appui presque unanime lors du débat à la Chambre des Communes, ce qui est très rare. Je voulais faire ce commentaire.

Vous avez parlé beaucoup des éleveurs de porcs. J'ai remarqué que vous n'avez pas dit un seul mot sur les producteurs laitiers ou les éleveurs de volaille.

M. Hacault: Je faisais référence aux groupes lorsque j'ai parlé de la gestion des approvisionnements. Mon seul commentaire est le suivant, un petit nombre seulement d'exploitants agricoles peuvent participer à la gestion des approvisionnements -- et la situation est très différente en Ontario et au Québec. En effet, le Québec et l'Ontario semblent avoir beaucoup de pouvoir et d'influence parce qu'ils ont des députés. Que cela se vérifie ou non, il appartient aux gens d'Ottawa de faire en sorte que le message soit entendu.

Le sénateur Whelan: J'ai connu un ministre de l'agriculture qui était originaire de l'Est; il a été ministre pendant au moins 11 ans. Si quiconque peut dire qu'il a fait preuve de favoritisme à l'égard de l'une ou l'autre des régions du pays, j'aimerais qu'on m'en donne la preuve parce qu'il s'est efforcé de faire en sorte d'être juste, qu'il s'agisse de recherche ou de quoi que ce soit d'autre. Les mêmes possibilités ont été offertes à tous.

Vous disposez d'un programme qui m'a toujours fait envie, il s'agit de celui qui découle de la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies. J'ai toujours pensé que c'est une loi sur le rétablissement agricole du Canada que nous devrions avoir. Cette loi aurait été utile dans le nord de l'Ontario et dans d'autres régions de l'Est du Canada. C'est l'un des meilleurs programmes à jamais avoir été conçu pour faciliter le développement rural au Canada.

Swan River occupe une place particulière dans mon coeur. En 1974, c'est à Swan River que l'on m'a offert mon premier Stetson vert. Tous les directeurs, de la foire agricole, hommes et femmes, portaient des Stetson verts, aussi ils m'en ont offert un. Ils m'ont dit que ce chapeau représentait l'amour, l'espoir, la charité, la fertilité et la croissance. Depuis ce temps j'ai toujours porté un Stetson vert. Chaque fois que j'enlève mon chapeau ou que je le remets, je pense à Swan River, au Manitoba. Je connais très bien la région, j'y suis allé à plusieurs reprises.

Vous avez dit que le gel avait endommagé les récoltes dans cette région?

M. Hacault: Non, je parlais des jours sans gelée.

Le sénateur Whelan: Ils ont fait pousser énormément de grains de semence dans cette région, à une certaine époque.

M. Hacault: Si vous prenez par exemple certaines cultures spécialisées, les graines de tournesol ou les légumineuses, ces récoltes ne sont habituellement pas de bonnes solutions de rechange dans la vallée de Swan River. C'est ce que les producteurs me disent, à cause des jours sans gelée. Donc, la région de Swan River ne dispose pas des mêmes possibilités que les autres régions de la province, notamment la vallée de la Rivière Rouge ou la région du sud.

Vous avez dit que l'agriculture a toute l'attention d'Ottawa, et je vous crois. La prochaine étape est la suivante: fera-t-on quelque chose à ce sujet et à quel moment est-ce que ce sera fait? Ce sont les deux étapes que nous attendons.

Le sénateur Whelan: Nous avons beaucoup entendu parler de la mondialisation. J'ai toujours entretenu de fortes réserves à ce sujet. Nous venons d'entrer dans cette nouvelle époque. On nous brosse des tableaux idylliques et pourtant les institutions financières japonaises font faillite. On les considérait comme les institutions les plus brillantes, les opérations les mieux gérées et les plus imposantes du monde. Et maintenant nous nous apercevons qu'elles étaient mal administrées.

Entretenez-vous des réserves au sujet de la mondialisation sans aucune réglementation? L'Organisation mondiale du commerce continue d'en faire la promotion, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Je compare la situation à une personne qui conduirait sur une autoroute où il n'y aurait aucune réglementation. Imaginez le chaos si les gens pouvaient conduire dans tous les sens et dans n'importe quelle voie. Des décisions sont prises qui ont le pouvoir de vous détruire. J'ai soutenu que la catastrophe qui frappe l'économie asiatique se répand un peu partout, à l'exception des régions qui sont dotées d'une certaine forme de réglementation. C'est la raison pour laquelle j'étais un défenseur aussi acharné de la gestion des approvisionnements, en particulier des produits périssables; aucun marché garanti, vous êtes à la merci du marché.

M. Hacault: Au Manitoba, nous nous efforçons de mettre au point une prise de position en matière d'échanges commerciaux et nous essayons de prendre en considération la gestion des approvisionnements. Au Manitoba, on a l'impression que ces accords et certaines des règles qui ont découlé de l'ALÉNA et l'OMC nous ont aidés. Un bon exemple, de cette situation, est ce qui se fait au Dakota du Sud. Le seul moyen que nous avons pu trouver pour empêcher les États-Unis de faire ce qu'ils avaient entrepris a été de les menacer de les traduire devant le tribunal du commerce de l'OMC. Par le passé, nous ne disposions pas de ces outils, donc la situation s'est sans doute améliorée.

L'analogie que notre président a coutume d'utiliser est celle d'une partie de hockey. Le Canada est représenté par Gretzky et est donc tout à fait en mesure de marquer un but. Les États-Unis sont les Bruins de Boston, des durs à cuire. S'il n'y avait pas d'arbitre pour s'assurer que nous ne nous ferons pas frapper, nous serions incapables de faire quoi que ce soit. Les règles commerciales nous donnent une petite chance de laisser ces arbitres entrer en jeu, ce qui nous donne au moins une chance de combattre.

Le sénateur Whelan: Ils ont accepté de réduire leurs subventions dans le cadre de l'OMC. Le Canada a suivi les règles plus religieusement que tout autre pays. Les États-Unis, lors de la dernière campagne électorale, ont augmenté ces subventions de 7 milliards $. Ils n'ont jamais réduit leurs subventions autant que nous l'avons fait.

Le directeur de la Commission canadienne du blé était ici l'autre jour et il a déclaré que les fermiers américains recevaient cinq dollars le boisseau pour le blé et 171 $ l'hectare pour le blé dur, à ce qu'il me semble. Et nous sommes censés être à l'époque de cette nouvelle Organisation mondiale du commerce, cette nouvelle époque où l'on réduit les subventions. Voici le plus grand pays du monde, la première économie de la planète, qui affirme qu'elle n'a rien à faire de ces règles. Et nous les Canadiens, agissons un peu comme des scouts au sein de cette organisation. Nous serons les boucs émissaires de l'Organisation.

Avez-vous des réserves à ce sujet?

M. Hacault: Il semble en effet que c'est ce qui est en train de se produire. Notre plus grande réserve est la suivante, nous nous demandons pourquoi les autres pays peuvent se permettre de faire ce qu'ils font. Nous devons travailler là-dessus parce que c'est mieux que rien, mais nous nous faisons toujours rudoyer.

Le sénateur Whelan: Avez-vous lu «Compare the Share»? Cet ouvrage a été écrit par un ancien ministre de l'Agriculture, Ralph Ferguson. Je vous le recommande. Par exemple, si vous laissez aller votre poulet, cela fera baisser le prix d'un seau de poulet de 1,80 $ sur le prix total de 11 $ du seau, je pense. Et pourtant, les gens du poulet frit à la Kentucky criaient au suicide économique parce que nous avions droit à la gestion des approvisionnements pour nos volailles. Je peux vous fournir des exemplaires de «Compare the Share».

M. Hacault: J'en ai entendu parler, mais je ne l'ai pas lu.

Le président: J'aimerais vous poser une autre question. Il est important de ne pas semer la zizanie entre les provinces. En aucune façon la Saskatchewan ne dispose de sommes comparables pour concurrencer l'Ontario ou l'Alberta par exemple. Cela crée un problème très sérieux, parce que si le gouvernement fédéral opte pour un programme de partage, les exploitants agricoles qui en ont le plus besoin n'en recevront pas. Je ne sais pas si vous avez trouvé le moyen de surmonter ce sérieux problème. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. C'est l'une des principales difficultés que doit affronter le gouvernement à moins que nous trouvions un programme d'envergure nationale, un programme qui fonctionnerait aux quatre coins du pays. Le sénateur Whelan soulève ici un point très important.

Nous nous sommes efforcés depuis 20 ans que je suis en politique de ramener une certaine égalité entre les provinces, et nous n'avons jamais réussi à atteindre notre but.

M. Hacault: Toute cette question des programmes de soutien du revenu préoccupait beaucoup notre ancien président. Il était très frustré de toutes ces discussions. Cette discussion se terminait toujours par la signature de dix ententes différentes en matière de soutien du revenu. S'il n'en avait tenu qu'à moi, j'aurais bien aimé voir la signature d'un accord unique en vertu duquel toutes les provinces auraient fonctionné de la même manière. Mais la réalité est différente au Canada. Il y a des défis uniques à relever afin de venir en aide à certaines personnes. Nous devons faire en sorte de nous adapter.

Le sénateur Fairbairn: Je vous remercie d'être venu témoigner aujourd'hui devant nous sur un sujet qui a probablement réussi à galvaniser davantage l'attention sur la colline parlementaire que nombre d'autres sujets depuis fort longtemps. Il est malheureux que l'on doive procéder ainsi, mais c'est une bonne chose que l'attention soit concentrée.

L'un des points que vous avez abordés tous les deux et qui a certainement une résonance en moi -- je suis originaire du sud-ouest albertain, qui est une région de petites localités et une région rurale -- est ce nouveau type de situation, que vous mentionnez, c'est-à-dire que les gens font moins de faillites. Je pense qu'il est important que les gens soient bien préparés et probablement qu'un grand nombre d'entre eux sont jeunes -- et qu'ils vont cesser l'exploitation plutôt que d'attendre de perdre leur chemise. C'est très dérangeant en ce qui concerne la viabilité future de nos collectivités mondiales.

De toute évidence, nous avons beaucoup de conseils à donner sur ce que le gouvernement devrait faire. Il y a un des points de votre exposé au cours duquel vous expliquez qu'un certain nombre de personnes n'ont pas choisi de faire partie du CSRN, et aussi le fait qu'il faut modifier le CSRN afin d'être en mesure de répondre à toutes les circonstances. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus ce que vous voulez dire et dans quel secteur vous aimeriez voir des changements.

Pendant les témoignages, nous avons entendu la suggestion qu'il serait possible d'utiliser le régime fiscal comme un moyen de mettre des ressources à la disposition des exploitants agricoles. Je sais que les vues sont partagées à ce sujet. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Nous sommes tous convaincus de l'urgence de cette question.

M. Hacault: Le CSRN avait été conçu à l'origine pour compenser les petites variations dans les prix. Il s'agit d'un compte de stabilisation du revenu net. Si j'avais été en mesure de contribuer davantage à mon compte du CSRN lorsque les prix étaient élevés, je l'aurais fait, mais il n'y avait pas de mesures incitatives à cet égard. Vous devez économiser et mettre votre argent dans le CSRN. Vous savez que vous devriez le faire, parce que c'est une bonne chose pour l'avenir, mais c'est très difficile à faire. Le CSRN n'a pas été conçu pour compenser ce type de repli. Lorsqu'ils discutaient du CSRN, ils parlaient d'une troisième ligne de défense, et cela ne s'est jamais produit. Nous ne sommes pas venus ici pour faire l'éloge d'un programme. Toutefois, il nous faut un programme pour établir ce seuil. Le CSRN fonctionne probablement très bien pour corriger ce pour quoi il a été conçu, c'est-à-dire pour régulariser les petites variations.

À titre d'éleveur de porcs, j'apprécierais beaucoup le fait de pouvoir placer de l'argent dans ce compte lorsque les prix sont favorables. La plupart des gens ne désirent pas recevoir de subventions. Ils aimeraient pouvoir réussir en suivant les règles du marché. Cela nous aiderait d'être en mesure d'utiliser davantage le CSRN comme un programme où le gouvernement fournirait une contribution en contrepartie ou encore nous aimerions pouvoir y investir davantage lorsque le marché est favorable.

Le sénateur Fairbairn: Oui, cela aiderait.

M. Hacault: Lorsque mes coûts de production se chiffrent à 120 $ et que je vends à 160 $, je fais un profit de 40 $ par porc, j'aimerais pouvoir contribuer davantage que le 2 p. 100 auquel je suis admissible. J'espère que le prix ne va pas chuter jusqu'à 70 $, mais je sais qu'il y aura un repli.

Pour ce qui est des impôts, c'est probablement une partie de la solution. C'est pourquoi nous avons mentionné la récupération des coûts. Nous avons essayé de pousser le gouvernement du Manitoba -- parce que nous sommes en concurrence avec l'Alberta et la Saskatchewan -- à mettre en place un certain type d'exemption ou de rabais sur la TVP. Ils se sont montrés réticents. Pourtant, cela nous aiderait à réduire nos coûts de production.

L'exercice de récupération des coûts est frustrant. D'un côté, nous voyons quels en sont les avantages -- par exemple, le classement des carcasses de porcs. Auparavant, il en coûtait au gouvernement -- et, indirectement, à moi à titre de contribuable -- 22 cents le porc pour le classement. Maintenant que cette fonction a été privatisée, le même travail se fait à un coût inférieur, je pense que cela se fait à un coût de 8 cents le porc. L'aspect positif est que nous avons réussi à rationaliser le processus, à diminuer les coûts et que nous atteignions le même but, même si actuellement, c'est moi qui paie plutôt que l'ensemble de la société.

Cela signifie sans doute qu'une partie de ces services gouvernementaux était inefficace. Toutefois, si nous pouvions profiter de ces économies sans avoir à demander aux éleveurs d'assumer les coûts, alors qu'en réalité toute la société en bénéficie, ce serait un pas en avant.

M. Bromley: Vous avez mentionné les jeunes exploitants agricoles. Ils accusent le coup au moins aussi durement que quiconque. Pour démarrer une exploitation agricole aujourd'hui, ils doivent accepter un endettement énorme. Certains d'entre eux doivent absolument conserver un emploi à l'extérieur de la ferme afin d'essayer d'améliorer leur revenu.

Si un père cède son exploitation à son fils, il n'est probablement pas en position de lui donner toute l'aide dont il aurait besoin pour démarrer, afin de lui donner une bonne base tout en s'assurant lui-même un niveau de vie décent. Par conséquent, les jeunes exploitants agricoles seront probablement les premiers à être éliminés.

Un de mes amis qui a un fils âgé de 23 ou 24 ans s'est fait annoncer par ce dernier juste après les récoltes qu'il quittait la ferme pour occuper un emploi en ville. Sur le coup, le père a été blessé; il aurait voulu que son fils continue d'exploiter la ferme. Par la suite, il a réfléchi et il a dit: «Si j'ai un conseil à te donner, c'est de le faire tout de suite. Dépêche-toi avant que tous les emplois aient disparu.» C'est l'attitude qui prévaut actuellement.

Le sénateur Fairbairn: C'est très troublant.

Le sénateur Hays: Laissez-moi poursuivre sur la question des déclarations de revenus à titre d'indicateur de difficulté financière et utilisées comme moyen d'offrir un soutien. Ils ont un programme de ce genre en Alberta -- le programme de stabilisation des revenus agricoles ou le programme d'aide aux sinistrés, deux programmes différents. Je ne suis pas sûr que le Manitoba en ait un. Essentiellement, ce programme utilise l'information que vous fournissez chaque année lorsque vous produisez votre déclaration de revenus, avec quelques variantes, pour déterminer l'importance de votre baisse de revenus par rapport aux années précédentes. C'est un calcul difficile. Vous devez évaluer l'inventaire d'une manière différente, du moins c'est ce qu'ils font en Alberta. Pendant les trois années durant lesquelles il a été en place, il a changé chaque année.

Cependant, il a un avantage. Il peut être utilisé dans différentes régions pour évaluer la situation du revenu d'un exploitant agricole et les difficultés financières qu'il connaît, et ainsi apporter une aide sur une base équitable.

Mais il a aussi des inconvénients. Il est coûteux de considérer chacun des requérants. Dans le cas de l'Alberta, j'ai observé que des milliers de dollars sont nécessaires pour faire le calcul. Il faut étudier les antécédents financiers, s'ils sont disponibles, des trois ou des cinq dernières années, et identifier les éléments qui vont fournir un portrait fidèle de l'exploitation agricole à des fins de mesure. Ces renseignements servent ensuite à déterminer le niveau de soutien.

Que pensez-vous de ça? C'est une manière un peu plus raffinée de poser la question du sénateur Fairbairn. Je ne crois pas que vous lui avez vraiment répondu, je vais donc la poser de nouveau.

M. Bromley: Dans le domaine des allégements fiscaux et de la quantification de ces...

Le sénateur Hays: Ce ne serait pas un allégement fiscal. Le programme de stabilisation des revenus agricoles ou d'aide aux sinistrés utilise la même information que celle qui sert à établir les états financiers, qui font partie de votre déclaration de revenus afin de déterminer vos antécédents financiers. Dans le cadre de l'Uruguay Round, une disposition permet de soutenir un agriculteur jusqu'à concurrence de 70 p. 100 de son niveau de revenu antérieur, ou bien de 50 ou de 20 p. 100 si c'est tout ce que vous avez. Il ne s'agit pas tant d'accorder un crédit d'impôt, mais plutôt d'effectuer un transfert basé sur la base d'informations qui seraient générées de la même façon que l'est votre déclaration de revenus, mais en faisant un calcul différent.

M. Hacault: Je comprends ce dont vous parlez. Il y a des programmes semblables en Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard. Au Manitoba, nous avons décidé d'utiliser nos dollars-abris différemment. Keystone collabore avec la FCA, et nous sommes en faveur de leur proposition. Nous savons qu'elle n'est parfaite, mais c'est la meilleure approche qui puisse être mise en place assez rapidement. Elle est probablement assez équitable. Pour ce qui est des règles commerciales, elle remplirait toutes nos exigences. Ce n'est pas la perfection, mais je crois que ça fournirait un crédit de sûreté. Je ne crois pas que les agriculteurs essaieraient d'en abuser, car ce n'est pas un programme très riche -- parfois les agriculteurs sont plutôt créatifs et inventifs; on dirait qu'ils trouvent des moyens de profiter avec excès des programmes.

Tout programme qui sera mis en place ne devrait pas être lié au fait que les éleveurs ont cotisé au CSRN ou qu'ils en ont retiré des sommes. S'il y a un lien avec le CSRN, vous allez détruire toute la valeur du programme, parce que vous allez envoyer le mauvais message aux agriculteurs, c'est-à-dire de ne pas s'en faire avec le CSRN, parce nous allons toujours intervenir en bout de ligne pour les tirer d'affaire.

En utilisant les chiffres que le CSRN a produits, nous pourrions couper dans certains frais administratifs. Les frais d'administration d'un programme entièrement nouveau dépasseraient probablement ceux qui s'appliqueraient si on utilisait un programme existant ou si on utilisait les chiffres du CSRN, et qu'on se basait dessus.

Le sénateur Hays: Donc vous croyez que c'est une bonne idée?

M. Hacault: Oui. Nous appuyons la FCA.

Le sénateur Hays: La difficulté consisterait à obtenir une entente provinciale, ce qui est assez improbable. En tout cas, ce serait un programme qui justifierait quelques efforts; un programme qui comporte un élément de justice.

Tout programme que nous voudrions mettre en place au Canada doit être conforme avec l'Uruguay Round ou le respecter, même si les négociations ont permis aux États-Unis et à l'Europe de continuer à faire ce qu'ils ont toujours fait.

La philosophie d'un tel programme ne vise pas à maintenir les gens en activité. Nous allons simplement permettre un atterrissage en douceur, ménager une porte de sortie. Si vous êtes soutenu à 70 p. 100, dans trois ans vous serez sans le sou, donc si vous recevez l'alerte très rapidement, soit vous abandonnez, soit vous apportez des changements.

En se servant de l'industrie de l'élevage porcin comme exemple, quelqu'un vient tout juste de distribuer une liste des prix communs du porc, qui remonte jusqu'en 1986. C'est assez intéressant, car chaque fois que le prix grimpe au-dessus de 80 $, il redescend ensuite. Il suit ce cycle à peu près tous les deux ans, mais maintenant, nous assistons à une chute remarquable. Ce matin, les porcs sont cotés 19 $US. Le sentiment général est que cette situation durera encore un bon moment. Vous avez dit que vous pensez que nous en avons encore pour six mois.

Cela soulève la question suivante: comment le savez-vous? Vous êtes, en tant qu'éleveur de porcs, membre de l'office de commercialisation. Vous vivez dans une province et un pays qui, vous l'espérez, vous soutiendront, et vous supposez que cela durera six mois. Si les porcs sont à 30 $ la tranche de 100 kg, pourquoi les Asiatiques ne les achètent-ils pas? Parce qu'ils sont moins chers? Nous avons parlé du prix de détail; ils ne les achètent pas parce qu'ils ne sont pas élastiques. Si vous êtes dans un pays qui a un PIB de 5 p. 100 ou de 10 p. 100, vous ne mangez pas de porc. Vous mangez du riz ou du pain, ou quelque chose d'autre. Les gens vont cesser de consommer, et ils ont déjà commencé. Jusqu'à ce qu'ils recommencent à consommer, ce qu'ils feront un jour, vous êtes dans le pétrin.

Recevez-vous suffisamment d'appui pour prendre les bonnes décisions? Avez-vous les outils nécessaires pour décider de ce qu'il faut faire d'une exploitation de 100 ou 1 000 truies en ce qui touche votre façon de faire ou l'élimination de certaines truies? Vous y resterez, dites-vous. Vous avez un revenu non agricole, comme en ont presque tous les fermiers.

Une question? C'est un de mes sujets de prédilection. Je ne crois pas que nous fassions du bon travail ici, comme l'indiquera ma question, mais j'aimerais avoir vos commentaires.

M. Hacault: Si vous demandez ce qui se passe actuellement dans l'industrie porcine au Manitoba, nous avons deux variantes. Un certain nombre de producteurs ont de vieilles porcheries et de petites exploitations, et beaucoup de producteurs depuis trois ou quatre ans ont de grandes porcheries et de grandes exploitations. Ceux qui ont de petites porcheries et de petites exploitations demanderont s'ils peuvent résister pendant neuf mois ou s'ils devraient simplement fermer et réduire leurs pertes. Les grands producteurs resteront probablement en affaires. Les banques et les actionnaires y ont trop investi; de l'argent sera donc réinvesti.

Le Manitoba, en particulier, alimente le marché américain. L'ensemble de la production du Manitoba représente 1 ou 2 p. 100 du marché américain. Cela dépend probablement davantage de ce qui se passe aux États-Unis que de ce qui se passe au Manitoba. Nous pourrions probablement produire tous les porcs que nous désirons et d'une certaine manière ne pas influencer le marché outre mesure; c'est ce qui se passe aux États-Unis.

Le sénateur Hays: Ce qui se passe aux États-Unis est tributaire du marché mondial.

M. Hacault: Les États-Unis exportent, et nous comblons le vide.

Le sénateur Hays: Nous exportons également nous-mêmes.

M. Hacault: C'est exact. Nous avons maintenant au Manitoba des exploitants d'abattoirs qui sont agressifs dans le marché mondial, ce qui est une bonne nouvelle.

Le sénateur Hays: Je présume que vous avez un office de commercialisation. Vous fournit-il de l'information pertinente? Ou y a-t-il une autre source d'information qui pourrait permettre d'évaluer la durée du repli afin que vous puissiez décider si votre unité est vieille ou neuve, ou ce que vous devriez faire? Estimez-vous que vous avez les meilleurs renseignements possibles?

Nous vivons dans un monde où une quantité de données remarquable est mise à notre disposition, mais toutes ne sont pas pertinentes, toutefois on peut certainement en tirer des renseignements fiables. Croyez-vous que vous recevez ces renseignements fiables qui vous permettraient de prendre la meilleure décision le plus rapidement possible?

M. Hacault: Je dirais que la plupart des producteurs ne se fient pas à l'office de commercialisation pour obtenir ces renseignements. Certains utilisent probablement Internet, ou le DTN, pour recevoir les renseignements.

Le sénateur Hays: Donc, la meilleure source de renseignements pour vous, c'est que chacun utilise l'information disponible et prend des décisions en fonction de ce qui est disponible dans les diverses sources?

M. Hacault: Les producteurs décident d'eux-mêmes s'ils y croient ou non.

Le sénateur Hays: Croyez-vous qu'il serait bon d'améliorer cela? Par exemple, dans l'industrie du gaz et du pétrole, vous pouvez acheter des logiciels. Vous entrez les chiffres et il vous fera une projection de cinq ans en un instant. Vous pouvez tenir compte des variables et prendre un très bonne décision, pas une décision parfaite, mais tout de même une très bonne en fonction de diverses circonstances, et ce très rapidement.

M. Hacault: Je ne crois pas que ce serait beaucoup utilisé. Lorsque je suis allé à la banque, mon banquier m'a fait faire un sommaire. Je connaissais plutôt bien toutes mes dépenses, mais pour ce qui est des revenus, je lui ai demandé ce qu'il voulait que j'inscrive. «Je peux inscrire ce que vous voulez, voici mes dépenses, que je connais très bien», alors j'ai inscrit les chiffres de la banque. Il m'a dit que c'était ce à quoi on pouvait s'attendre, alors je l'ai inscrit.

Le sénateur Hays: Rendriez-vous l'exploitation à votre banquier? Croyez-vous qu'il sait exploiter une porcherie?

M. Hacault: Non.

M. Bromley: Si je peux me permettre un commentaire, vous avez mentionné les pointes positives et négatives dans les tendances du marché, et ce graphique que vous venez de distribuer les indique probablement très bien. Du côté des revenus, les pointes montent et descendent très rapidement, mais la tendance générale est à la baisse. La période est de 10 à 12 ans, alors la tendance est à la baisse. Du côté des entrées, il y a des pointes dans les deux directions, mais elles sont loin d'être aussi prononcées. Lorsqu'on est dans une période de repli, il est beaucoup plus difficile de passer au travers que ce ne l'était dans le passé.

Le sénateur Hays: L'une des choses que cette tendance m'indique, c'est que les grandes exploitations sont probablement responsables du déclin, parce que leurs troupeaux sont probablement plus productifs que ceux des petites exploitations. Je crois que la dernière pointe a probablement son origine dans la crise financière asiatique, qui a considérablement réduit la demande mondiale.

M. Hacault: Lorsque j'ai commencé il y a 15 ans, mon exploitation de 100 000 truies me faisait vivre confortablement. Maintenant il me faudrait au moins 150 000 truies pour avoir le même niveau de vie. C'est nettement plus de travail. Les marges sont réduites.

Le sénateur Whelan: J'étais à une réunion ce matin avec le Conseil d'adaptation agricole, et ils nous ont distribué un graphique des prix du porc en Ontario.

M. Hacault: Sur ce graphique, la ligne descend. Sénateur Hays, où placeriez-vous cette ligne après 1998?

Le sénateur Hays: C'est la question pour laquelle nous voudrions trouver la meilleure réponse possible. Je ne suis pas un producteur de porcs, alors j'aurais besoin dans ce cas de l'aide d'un organisme comme le George Morris Centre, par exemple. Si quelqu'un avait une façon de déterminer la demande dans le contexte de la crise financière asiatique, des tendances mondiales, et des coûts des intrants -- que je ne comprends pas -- je l'accepterais. Très franchement, je crois que ce serait une bonne idée. Je ne sais pas. Il y aura une nouvelle hausse, ça je peux vous le dire.

M. Hacault: Je l'espère.

Le sénateur Whelan: Lorsqu'on regarde ce graphique, il est comme un yoyo. Je reçois une publication intitulée «Yahoo» d'un organisme de l'Ouest. On ne crie pas souvent «yahoo» quand on regarde des graphiques comme celui-ci.

Le président: Je remercie les témoins pour leur présence et pour nous avoir permis de comprendre ce qui se passe dans la région du Manitoba. Votre présentation était très intéressante et très instructive.

M. Hacault: Merci de nous avoir donné l'occasion de venir.

M. Bromley: Nous en sommes très heureux. Merci.

Le président: J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Larry Maguire, président de la Western Canadian Wheat Growers Association, et à M. Ted Menzies, directeur du même organisme.

M. Larry Maguire, président, Western Canadian Wheat Growers Association: J'aimerais vous remercier de tenir des audiences sur cette importante question.

Tout d'abord, je crois qu'il est important que vous sachiez que nous sommes des fermiers. Ma ferme est située à Elgin, au Manitoba, à environ 80 kilomètres de la frontière de la Saskatchewan. J'habite dans la partie sud-ouest de la province, qui passe pour être la région sèche du Manitoba. Nous avons reçu 75 centimètres de pluie depuis Pâques cette année. Cela nous a causé plus d'ennuis que je n'aurais imaginé, parce que la pluie a apporté son lot de maladies avec elle.

Nous avons une exploitation céréalière, et nous produisons des céréales, des oléagineux et des légumineuses. Nous sommes également partenaires dans une des exploitations porcines dont M. Hacault et M. Bromley viennent de vous dire qui se multiplient dans les Prairies. Je connais assez bien le secteur, bien que je ne sois pas un gestionnaire dans cette exploitation. Nous continuons de diversifier nos activités en adoptant d'autres cultures. Cela dit, j'aimerais dire que mon épouse et moi administrons l'exploitation, mais à l'heure actuelle aucun membre de la famille n'envisage de revenir pour prendre la relève.

M. Menzies fera également quelques commentaires au sujet de cette exploitation.

M. Ted Menzies, directeur, Western Canadian Wheat Growers Association: Merci, sénateurs, de l'intérêt que vous portez aux agriculteurs. Comme l'a dit M. Maguire, nous sommes tous deux fermiers. Mon épouse et moi sommes producteurs d'oléagineux, de grains, de céréales et aussi de légumineuses. Nous n'avons pas non plus de membre de la famille qui désire se joindre à nous. Cela ne veut pas dire que ça n'arrivera pas, ou que nous ne pourrons pas transférer l'exploitation à des personnes plus jeunes. C'est là une situation difficile car les coûts de nos jours sont élevés.

J'exploite une ferme à Claresholm, à peu près à mi-chemin entre Calgary et Lethbridge. Nous sommes situés au milieu du triangle Palliser où, dit-on, personne n'a pu produire une récolte. Nous avons produit d'excellentes récoltes de légumineuses l'année dernière. Les oléagineux n'ont pas été très spectaculaires, mais nos récoltes de légumineuses l'ont été. Je suis persuadé que nos ancêtres n'auraient jamais rêvé que nous puissions avoir une telle production dans cette région. Nos récoltes de légumineuses ont été au-delà de toute attente.

Nous vous sommes reconnaissants pour le temps que vous nous avez accordé aujourd'hui. Je vais maintenant redonner la parole à M. Maguire.

M. Maguire: Il y a un mois, mon fils m'a gratifié d'un second petit-fils, alors il y a peut-être encore de l'espoir dans la famille.

La Canadian Wheat Growers Association croit qu'à l'approche du nouveau millénaire, il y a toujours un fort potentiel de prospérité en agriculture. Nous sommes conscients des lacunes dans le secteur du grain, cependant, et nous parlerons donc surtout du secteur du grain.

Nous avons vu la promesse de nouveaux marchés asiatiques, les avancées en technologie et les réformes commerciales dont nous avons besoin. Ces choses ont contribué à créer un certain optimisme dans notre secteur, mais il y a également une crise financière mondiale, une certaine crainte de la biotechnologie et de nombreux différends commerciaux. Je suis très engagé depuis quelque temps dans les questions touchant le Dakota du Sud. Nous avons eu de très bonnes réunions avec les ministres Vanclief et Goodale, et aussi avec certains de leurs homologues américains lorsque nous sommes allés à Washington il y a un mois. De toute évidence, ces choses tempèrent l'optimisme au sujet de la rentabilité des exploitations agricoles aujourd'hui.

J'aimerais préciser que le secteur du grain de l'Ouest est centré sur l'exportation. Il le sera dans les cas du grain traité et non traité et des produits du grain, et il continuera de l'être compte tenu des volumes que nous pourrons produire dans un avenir prévisible. Les producteurs de grains se sont adaptés à l'élimination de certaines subventions au transport en diversifiant leurs exploitations, comme M. Menzies l'a souligné.

On nous avait promis des systèmes de transport plus efficaces et rentables après la perte de la subvention du Nid-de-Corbeau. Or, il semble que nous attendions toujours ces systèmes. Nous espérons que le rapport de la Commission Estey portera quelques fruits à cet égard.

Nous avons cependant accepté le fait que le soutien gouvernemental ponctuel couramment accordé au secteur dans le passé n'est probablement plus possible étant donné les contraintes fiscales -- et il n'est d'ailleurs pas souhaitable du point de vue de la concurrence. Nous en aurons davantage à dire au sujet des programmes que nous avons actuellement et de ce que nous croyons qui devrait être adopté à l'avenir, parce que nous sommes très préoccupés par la situation actuelle.

Nous maintenons que le secteur du grain pourrait prospérer si nous étions dans une situation plus égalitaire dans l'environnement commercial mondial et en ce qui touche la politique interne. Ce sont certainement là les deux principaux fronts pour un pays qui dépend de l'exportation. Comme vous l'avez entendu de la bouche des intervenants précédents, les négociations commerciales de l'Uruguay Round ont permis de réaliser des progrès significatifs en ce qui touche la tendance qu'ont ces pays à se protéger. Ces progrès ont permis d'ouvrir certains des marchés et nous ont donné des raisons d'être plus optimistes.

Il est cependant devenu évident qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour que les fermiers canadiens puissent prospérer dans ces marchés internationaux. Les subventions aux fermiers des États-Unis et de l'Union européenne continuent de désavantager grandement les agriculteurs canadiens.

Avant de parler de certaines des solutions que nous envisageons, j'aimerais aborder la question des appuis gouvernementaux et des prix du marché. Il est évident que l'aide financière considérable et les subventions à l'exportation du grain accordées aux producteurs de l'Union européenne ont engendré des augmentations importantes de la production de grains dans ces régions.

Les paiements par acre, qui atteignent parfois 175 $ l'acre pour de nombreux types de grains en Europe, et 307 $ l'acre pour le blé dur, nous sont incompréhensibles dans bien des cas. Ils reçoivent également un prix plancher -- le prix d'intervention -- pour leur blé, leur orge et leur seigle. Ce prix peut atteindre 205 $ la tonne métrique au silo primaire.

De plus, un autre programme leur accorde une subvention de 60 $ la tonne pour les exportations de blé, 108 $ la tonne pour l'orge et jusqu'à 139 $ la tonne pour le malt. Le cas du malt est vraiment une grande préoccupation pour notre industrie au Canada. Ils disent qu'ils abaisseront les prix d'ici l'an 2000, mais nous croyons que ce programme sera maintenu à plus long terme.

J'aimerais simplement aborder les programmes de soutien agricole aux États-Unis. Ils sont très compliqués. La Loi agricole américaine de 1996 prévoit toujours un programme de prêt à la commercialisation appelé «loan deficiency payment», et il établit un prix plancher pour le grain. Lorsque le prix est inférieur à ce prix plancher, c'est comme si le grain était en deçà du prix initial établi ici dans l'Ouest canadien, sauf que le fermier américain peut alors à toute fin pratique vendre son grain au gouvernement. Le gouvernement lui paie la différence entre le prix comptant en vigueur et le «loan deficiency payment», et il n'a plus alors la responsabilité de ce grain.

Gardons cependant à l'esprit que ce grain finira par revenir sur le marché, soit par l'entremise de leur Commodity Credit Corporation, ou de ce nouveau programme. Cela entraînera la chute des prix et empêchera la reprise de se produire aussi rapidement qu'elle aurait pu.

En plus, ils ont un contrat avec clause de variabilité dans les produits. Il leur permet d'obtenir un paiement par boisseau établi en fonction de 85 p. 100 de leur superficie exploitée à long terme. En vertu de ce programme, les paiements de cette année viennent d'être portés à 1 $ US le boisseau pour le blé et à 0,28 $ US le boisseau pour l'orge. Ce sont là des chiffres très excessifs, et ils se traduiraient par une augmentation extrême de la distribution des revenus si c'était également le cas dans l'Ouest canadien. Les paiements sont destinés à inciter les fermiers à garder leurs terres en production. Cela ne fait qu'ajouter à la pression exercée par les stocks élevés de grains dans le monde.

Contrairement au fermier européen qui reçoit 175 $ l'acre, l'agriculteur canadien ne reçoit aucun paiement à l'acre pour sa récolte. Ces 175 $ que reçoit le fermier européen couvriraient toutes les dépenses variables et, dans la plupart des cas, la majorité des coûts fixes des producteurs de grains de l'Ouest canadien, et ce sans tenir compte des autres programmes qu'ils ont en plus.

J'aborderai simplement le fait que le prix initial pour notre blé roux vitreux de printemps de première qualité contenant 13,5 p. 100 de protéines est de 151 $ la tonne. Il faut garder à l'esprit que les coûts de transport et de manutention dans ce cas sont d'environ 50 $. Il ne restera donc que 2,75 $ le boisseau, ou 100 $ la tonne, pour le blé que nous vendrons alors au silo.

Nous croyons que l'ensemble de la situation agricole est un problème, et nous avons des solutions à recommander. Le fléchissement soudain et prononcé dans les prix des denrées est une cause importante de l'effondrement des revenus agricoles auquel doivent faire face les fermiers de l'Ouest canadien cet automne. Lorsque les fermiers ne peuvent plus payer leurs factures, les fournisseurs et les marchands de matériel agricole s'en ressentent et l'activité commerciale dans les collectivités rurales commence à ralentir.

La situation dans laquelle le fermier se trouve varie considérablement selon la région dans laquelle il se trouve. Le mélange des cultures produites, la présence de sécheresse ou d'inondations et l'importance de la dette de l'exploitation sont autant de variables dont il faut tenir compte. De bons prix sont offerts pour le canola, le lin, l'avoine et l'orge fourragère. Ces récoltes hors-Commission constituent la planche de salut de bien des fermiers de l'Ouest cet automne. Ils les utilisent évidemment pour leurs besoins de liquidités en ce moment.

Malgré des demandes croissantes en faveur d'un paiement immédiat en argent aux fermiers, la Western Canadian Wheat Growers Association presse les gouvernements fédéral et provinciaux d'adopter une approche à long terme au problème des revenus agricoles. Puis-je ajouter que l'argent provenant des programmes ponctuels fini par être capitalisé et intégré à la propriété et au matériel -- il l'a été dans le passé. Nous devrons être prudents quant à l'utilisation de ces programmes à l'avenir.

Je vais simplement revenir sur les prix excessifs de la terre en Europe pour voir les effets des 175 $ l'acre qu'ils reçoivent. C'est très élevé, et le prix des terres dans certains cas est si élevé que les fermiers européens croient qu'ils ne pourront plus éventuellement être appuyés. En fait, ils récupèrent leurs avoirs et quittent pour venir au Canada, où ils voient un avenir meilleur, croyez-le ou non.

Les producteurs de blé se méfient, comme je l'ai déjà dit, des programmes gouvernementaux ponctuels destinés à régler les problèmes de revenus agricoles. Le déclin actuel dans le secteur agricole cause des problèmes à certains fermiers dans les Prairies. Il n'en illustre pas moins le besoin de fournir aux fermiers de meilleurs outils pour faire face à l'effet provoqué par la faiblesse des prix, qui dans ce cas a été amplifié par les subventions dans l'UE et aux États-Unis.

Nous recommandons un plan en huit points pour régler les problèmes de revenus agricoles. Premièrement, nous aimerions améliorer le programme du Compte de stabilisation du revenu net. Il faudra notamment rendre le CSRN plus accessible aux jeunes fermiers nouveaux, et même leur permettre d'obtenir une avance sur leurs revenus. Il y a des sommes considérables dans les CSRN dans les Prairies, mais l'argent pourrait bien ne pas être là où les besoins se font le plus sentir.

Deuxièmement, nous aimerions qu'il y ait des mesures fiscales, dont par exemple des allégements fiscaux sur le combustible, le matériel et la terre. Nous aimerions également une réévaluation des taxes scolaires, qui sont un sujet de préoccupation dans la plupart des provinces des Prairies. Nous aimerions aussi nous attaquer à l'augmentation des coûts des services publics, de même qu'aux taxes d'accise sur, par exemple, les taxes de vente provinciales. Nous avons déjà eu un programme d'étalement en bloc sur une période de cinq ans. Nous avons maintenant des amortissements en fonction des coûts actuels qui ne permettent de récupérer la première année que la moitié de ce qui pourrait être récupéré dans les années suivantes, et ce même sur le matériel.

Troisièmement, nous aimerions voir une amélioration du système d'assurance-récolte. Nous aimerions étendre à toute la région un programme d'assurance-récolte comme celui du Manitoba et étudier la faisabilité, par exemple, d'un programme privé d'assurance-récolte.

Quatrièmement, nous croyons qu'il serait pertinent que le gouvernement fédéral fournisse de l'aide au secteur du grain et notamment qu'il permette aux fermiers de la Commission canadienne du blé d'obtenir les liquidités dont ils ont besoin.

Cinquièmement, nous aimerions voir une augmentation du taux d'avances et de prêts en espèces de la CCB, et nous aimerions qu'il représente une plus grande partie du prix initial du grain.

Sixièmement, nous envisagerions l'introduction dans toute la région d'un programme d'aide au revenu agricole en cas de sinistre à l'image de celui de l'Alberta. Il constituerait la base d'un filet de sécurité fiable et prévisible qui viserait les régions où les besoins sont les plus pressants. Il ne serait pas centré sur la production et serait conforme au règlement de l'Organisation mondiale du commerce en matière d'environnement.

Septièmement, nous croyons que la réforme du système de commercialisation obligatoire de la Commission canadienne du blé est devenue essentielle pour les producteurs de grains de l'Ouest. On s'attend à ce que les revenus des fermiers de la Saskatchewan diminuent de 70 p. 100 cette année, alors que la diminution serait de 40 p. 100 au Manitoba et qu'il y aurait une légère augmentation en Alberta. Les fermiers de la Saskatchewan produisent la part du lion des grains de la Commission canadienne du blé, ce qui indique que ceux qui dépendent le plus d'une commercialisation à guichet unique sont également ceux qui souffrent le plus.

L'adhésion volontaire à la Commission canadienne du blé ne réglerait pas le problème de la faiblesse des prix mondiaux, mais elle donnerait aux fermiers la souplesse dont ils ont besoin pour gérer leur exploitation dans les temps difficiles. Les fermiers peuvent bénéficier du prix des récoltes non soumises à la Commission, mais ces options ne sont pas disponibles pour le blé et l'orge vendus par l'entremise de la Commission. Le monopole de la Commission n'a pas permis d'obtenir une prime pour l'orge de brasserie cet automne, et le prix de la Commission est inférieur à celui du libre marché pour l'orge fourragère. Nous remettons en question le besoin d'un monopole qui ne peut pas nous donner une prime pour une récolte à faible rendement et plus difficile à produire que l'orge fourragère.

Prenez les 60 $ qu'il faut soustraire du prix actuel du malt, qui est de 162 $. Cela vous laisse environ 102 $ la tonne. Vous n'encaisserez le paiement final qu'en janvier de l'an 2000. Livré aujourd'hui à Lethbridge, cependant, le prix comptant est de 124 $ la tonne. Même de ma propre exploitation agricole, le transport du Manitoba à cette région de l'Alberta coûte 23 $ ou 24 $ la tonne. C'est donc une meilleure valeur, et l'argent est tout de suite dans ma poche. À l'heure actuelle, le fermier du Manitoba n'a même pas à le transporter à Lethbridge, où les prix de l'orge fourragère sont actuellement les plus élevés en Amérique du Nord, parce que pour la première fois depuis des années, le prix de l'orge fourragère résistant au fusarium est presque aussi élevé dans le sud du Manitoba qu'il l'est en Alberta.

Enfin, nous croyons que les déductions pour transport constituent une grande partie de nos coûts. Les producteurs de blé tentent depuis de nombreuses années de faire verser la subvention du Nid-de-Corbeau directement aux fermiers au lieu de l'éliminer complètement comme elle l'a été. Assez ironiquement, une étude est actuellement en cours pour déterminer comment on pourrait redonner de l'argent aux fermiers.

Au lieu de cela, la subvention du Nid-de-Corbeau a été très réduite, et la subvention au transport a été éliminée. Les fermiers paient actuellement le plein prix du transport du grain, comme je l'ai souligné. Nous avons présenté un plan de réforme du système de transport dans notre mémoire à la commission Estey. Intitulé «The Implementation of a Contractual System to Control Grain Movement», il explique en détail comment créer un système de contrat afin de gérer la logistique des grains. La mise en place d'un système de transport du grain le moins cher possible est essentielle pour que les fermiers puissent réduire leurs coûts le plus possible et ainsi assurer leur rentabilité.

Les prix du grain suivent un cycle, et les fermiers comprennent qu'il y aura toujours des périodes pendant lesquelles les prix du grain seront faibles. Nous ne pouvons demander aux gouvernements de nous tirer d'affaire avec des programmes temporaires qui ne visent pas à résoudre les problèmes à long terme. Il est absolument essentiel que le Canada prenne fortement position à l'occasion des négociations commerciales de 1999, et qu'il voit au problème des programmes de soutien agricole des États-Unis et de l'Union européenne qui ont un effet de distorsion commerciale. Le Canada ne peut concurrencer les trésoreries des États-Unis ou de l'Union européenne. Par conséquent, nous devons travailler à nous assurer que les programmes de soutien ayant un effet de distorsion commerciale sont réduits, et même éliminés.

En conclusion, monsieur le président, si le gouvernement devait décider de revoir la question des programmes de soutien agricole au Canada, nous lui demanderions de s'assurer que les règles du jeu sont équitables dans l'ensemble du pays. Nous avons besoin de trouver des solutions aux problèmes des échanges commerciaux qui nous permettront d'intervenir avec succès sur les marchés internationaux. Il nous faut ajuster nos politiques intérieures en matière de transport et de marketing, politiques qui nous lient actuellement les mains tout en comportant des coûts excessifs.

Nous avons appris de la crise agricole des années 80 que les solutions à court terme ne servent que de réparations temporaires. Elles ne fonctionnent pas tout le temps. Il faut que les fermiers de l'Ouest canadien puissent compter sur un système de soutien du revenu à long terme, qui soit prévisible, et qu'on oublie ces programmes ponctuels conçus à la hâte et inefficaces qui ne résolvent en rien les problèmes à long terme. Les gouvernements doivent agir de concert afin de s'assurer que l'agriculture demeure une activité rentable à long terme, ce que vise notre plan en huit points.

Nous aimerions vous remercier de l'occasion qui nous est donnée d'être ici aujourd'hui. Nous sommes maintenant prêts à lancer la discussion et à répondre à vos questions.

Le président: Merci pour votre exposé. J'ai une question à propos de votre programme de solutions. Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière fonctionne le programme d'assurance de l'Alberta? Je viens de la Saskatchewan et je ne le comprends pas bien. Mais peut-être les sénateurs de l'Alberta en saisissent-ils les rouages.

M. Maguire: M. Menzies va répondre.

M. Menzies: Je n'entrerai pas dans les détails, ne sachant pas si je pourrais en expliquer toutes les subtilités. Vous devenez admissible au programme dès que votre revenu net correspond à moins de 70 p. 100 de votre revenu moyen des trois dernières années. Le programme ne nécessite aucune souscription annuelle. Si vous croyez que votre situation vous y rend admissible -- que vos revenus ont chuté sous cette barre des 70 p. 100 -- vous pouvez demander un formulaire d'inscription. Des frais d'administration de 50 $ sont prévus, et il vous faut revenir sur vos revenus nets des trois dernières années. Si vos revenus ont chuté sous cette barre des 70 p. 100, vous êtes alors admissible au programme.

Il ne s'agit pas d'un programme très simple, mais il fonctionne et a porté ses fruits. Ces derniers jours, on a pu entendre à la radio que ce programme pourrait venir en aide aux éleveurs de porcs. Les prix du porc ont connu une chute importante, mais le Farm Income Disaster Program, le FIDP (un programme d'aide au revenu agricole en cas de sinistre), devrait pouvoir aider les éleveurs.

Le président: L'an dernier, une tempête de grêle s'est abattue sur une région de la Saskatchewan. Une zone de 16 kilomètres de large par 175 kilomètres de long a été touchée, et la tempête a eu un effet de cyclone. Tout a été emporté. Des immeubles ont été détruits. Certains résidents ont déclaré que la tempête avait été plus grave que la tempête de verglas au Québec, et rien n'a encore été fait pour les fermiers touchés. J'ai communiqué avec des fermiers installés à environ 160 kilomètres à l'ouest de la zone touchée qui m'ont dit avoir subi cela deux années de suite. Pour ces fermiers, la moyenne des trois dernières années ne sera pas très élevée et ils n'en tireront donc pas grand-chose. Cependant, le fermier qui aurait connu de bonnes récoltes aurait lui un revenu moyen pour les trois dernières années relativement élevé.

Mettre en place un programme qui fonctionnera va être un travail difficile pour le gouvernement. Je m'en préoccupe beaucoup. Par exemple, on pourrait avoir un fermier plus âgé qui déciderait de ne pas vendre son grain maintenant, et ses revenus seraient par conséquent peu élevés. Il pourrait retarder ses entrées d'argent parce qu'il n'en aurait pas besoin. On pourrait avoir un fermier plus jeune qui devrait vendre son grain jusqu'au dernier boisseau, pour pouvoir faire face à ses paiements. Ce dernier se trouve dans une position différente quand vient le temps de faire sa déclaration de revenus. Il s'agit là d'un cas difficile. Difficile pour le gouvernement.

J'ai participé au programme au moment de la sécheresse de 1984, et j'ai présidé le comité sur la sécheresse pour l'Ouest du Canada. Nous en étions arrivés à un système de paiement à l'acre relativement simple, mais nous avons quand même eu des problèmes à le mettre oeuvre. Je vais vous donner un exemple. Un fermier de la Saskatchewan avait semé de l'herbe sur une section de sa terre de façon à faire baisser la production de blé. Il disait avoir fait ce qu'il fallait faire et n'avoir reçu aucun paiement, parce qu'il ne s'agissait pas d'acres de blé, mais d'acres d'herbe. Il disait pourtant avoir aidé à la situation. Comment traiter d'un cas semblable? Il m'apparaît que ce sont ceux qui en auraient le plus besoin qui pourraient en obtenir le moins. Il nous faudrait recourir à un avocat et à un comptable pour comprendre tout ce qui pourrait arriver.

Il ne s'agit pas d'une tâche facile pour le gouvernement. La question est très politique, parce qu'elle peut servir à monter un fermier contre un autre, et c'est ce qui se passe actuellement. Vous vous rappellerez sans doute que nous, les progressistes conservateurs, nous avons mis plus d'argent dans l'agriculture que n'importe quel autre parti dans l'histoire du pays, et ce sont nous qui avons reçu le moins de votes pour cela. Ce genre de choses peut être difficile. Ce ne sera pas facile pour le gouvernement d'arriver avec un programme qui fonctionnera.

Les Américains utilisent une moyenne mobile sur 20 ans. Chaque fermier sait quelle est sa production moyenne de blé. Les fermiers reçoivent simplement un chèque par la poste en fonction d'un paiement à l'acre. Naturellement, cela soulève toute la question de savoir si nous n'aurions pas été trop rapides à respecter les obligations du commerce international, et trop honnêtes. Les Américains font simplement un paiement à l'acre à leurs fermiers. Le Dakota du Nord a reçu en trop 700 millions de dollars.

Le sénateur Hays: Il s'agit de paiements axés sur les produits.

Le président: Oui, c'est le cas. Le Marché commun européen, comme vous l'avez mentionné, fait la même chose. Les membres de ce comité ont sérieusement songé à se rendre en Europe pour tenter de parler de la position unique et très difficile du Canada.

J'ai fait là une remarque importante. J'aimerais entendre vos commentaires.

M. Maguire: Monsieur le président, vous avez touché à plusieurs points. Comme l'a indiqué M. Menzies, nous aimerions avoir un FIDP à l'image de celui de l'Alberta. Sa conception en reviendrait au gouvernement fédéral -- en consultation avec les provinces, si celles-ci choisissaient d'emprunter cette voie. Nous ne disons pas que nous voulons nous en tenir au programme de la moyenne mobile des trois dernières années que possède actuellement le gouvernement de l'Alberta. Pour l'instant, pour des raisons de simplicité, nous allons utiliser plutôt une moyenne mobile calculée sur le revenu de trois des cinq dernières années pour traiter de la crise à laquelle nous devons faire face aujourd'hui.

Quant à notre fermier qui souhaitait reporter ses revenus sur l'année suivante, ce dernier ne verrait probablement pas ses revenus passer sous la barre des 70 p. 100 pour l'année en cours. De toute façon, il ne serait pas admissible au programme et il n'en a pas besoin. Quant à notre autre fermier qui a dû vendre toutes ses récoltes jusqu'au dernier dollar pour payer ses factures, ce dernier est probablement celui qui serait le plus admissible à ce type de programme. Nous sommes très conscients que de tels programmes peuvent devenir si complexes qu'il serait vain de tenter de les administrer et nous ne voulons pas d'un programme qui serait excessivement complexe.

Ce programme, s'il était mis en place, ne serait sûrement pas assez lucratif pour que les fermiers en viennent à ne plus souscrire à une assurance-récolte. Il ne serait sûrement pas suffisamment lucratif pour que quiconque ait envie de cultiver sans posséder une assurance contre la grêle dans une région propice aux averses de grêle. Je comprends certes votre commentaire concernant le fermier qui aurait deux mauvaises années de suite sur trois.

Le président: Sur ce point, bon nombre des jeunes fermiers qui ont le plus de problèmes n'ont pas l'argent pour payer les primes, et ils ne jouissent donc pas d'une assurance-récolte. En Saskatchewan l'an passé -- et je crois que depuis ces chiffres ont augmenté -- seulement 57 p. 100 des fermiers possédaient une assurance-récolte. Bon nombre des appels que j'ai reçus provenaient de jeunes fermiers n'ayant jamais détenu d'assurance-récolte. Ce sont ces jeunes gens qui sont vraiment touchés par le problème.

M. Maguire: C'est là que se situe la différence entre les programmes d'assurance-récolte en vigueur dans les trois provinces. C'est pour cette raison que nous avons examiné le programme du Manitoba. Appelons-le «programme amélioré», peu importe. Ce programme comporte également des frais d'administration calculés à l'acre. Il en coûte très peu pour s'inscrire au programme, qui en retour peut verser aux fermiers de 40 $ à 50 $ l'acre.

Le programme ne pas vous couvrir si vous subissez un désastre de l'ampleur de ceux dont vous parlez, mais il y a différents niveaux. C'est-à-dire que vous pouvez verser une plus grosse cotisation pour chaque acre et être protégé jusqu'à 70 ou 80 p. 100. Ces cotisations ne s'approchent même pas de celles exigées par le Régime d'assurance du revenu brut (RARB). Il est beaucoup plus abordable que le RARB, même pour les jeunes fermiers qui débutent.

Avec le programme que nous avons monté, nous pensons pouvoir mieux aider les jeunes fermiers, en nous assurant de pouvoir ajouter aux sommes déjà présentes dans les CSRN. Je ne sais pas s'il devra s'agir d'un programme à l'image du programme de prêts aux étudiants, où les sommes prêtées peuvent être récupérées plus tard, mais il s'agira d'un programme auquel seront ajoutées des sommes, de façon qu'on puisse partir de quelque chose.

Toutefois, nous voyons le CSRN comme un programme à plus long terme, qui pourrait probablement être utilisé dans le contexte de la ferme familiale. Il s'agit d'un programme qui rend les transferts entre générations plus simples ou plus faciles. Il permet en fait aux jeunes d'accéder à la ferme, et aux plus vieux de la quitter. Il donne à ces gens quelque chose qui pourra servir dans ce domaine.

Il s'agit d'une combinaison des deux programmes. Nous pensons à un programme à l'image de ceux de l'Alberta et du Manitoba; l'expérience de ces deux programmes nous a poussés à agir de la sorte. Le programme de l'Alberta est déjà en place. La Colombie-Britannique l'a adopté et, selon ce que nous comprenons, l'Alberta l'administre pour le compte de la Colombie-Britannique.

Le programme de l'Alberta n'est pas axé sur les produits. Il s'agit d'un programme général et uniforme, qu'on parle d'horticulture, de porcs ou de grains. Il peut être utilisé pour chacun de ces secteurs d'activités. Par conséquent, il s'agit d'un programme très acceptable, puisqu'il ne se rend qu'au niveau des 77 p. 100. C'est le niveau avec lequel il nous est permis de travailler en vertu de l'accord sur le commerce international.

Nous avons déjà un programme, et même s'il comporte certaines lacunes, nous pensons qu'il est préférable d'examiner ce que nous avons plutôt que de concevoir un autre programme. N'oublions pas que ce programme n'est actuellement financé qu'à l'échelle provinciale. Si ce programme devait être utilisé -- que ce soit à l'échelle du pays ou à l'échelle des Prairies -- nous suggérons de prévoir une large participation du fédéral.

Le sénateur Hays: Je voudrais poursuivre avec le FIDP. À mon avis, il s'agit là d'un bon outil. Il est réservé à ceux qui se rendent admissibles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, ceux dont la principale source de revenus est l'agriculture, soit les fermiers. Même si un fermier décidait de reporter ses revenus suivant la comptabilité de caisse, la Loi de l'impôt sur le revenu exige maintenant le recours à une forme modifiée de la méthode de la comptabilité d'exercice pour le report des stocks et autres éléments.

Il existe déjà quelques lignes directrices utiles, et la Loi de l'impôt sur le revenu constitue un bon départ. Inévitablement, elle devra être modifiée. Le programme de l'Alberta existe depuis trois ans, mais il y a eu des variantes pour chacune de ces années. Mon impression, c'est que le programme de l'Alberta a été plus généreux durant l'année précédant les élections que dans l'année qui a suivi. Je ne devrais peut-être pas dire cela.

M. Menzies: C'est noté.

Le sénateur Hays: Le problème, c'est qu'il s'agit d'un régime coûteux, parce qu'il faut traiter les variations des stocks de façon équitable. Il faut évaluer le facteur travail de façon équitable, et le fermier, à l'opposé de quelqu'un qui est embauché, fait la majeure partie de ce travail. Peut-être que même si quelqu'un a été embauché pour faire certaines choses, ces dernières devront-elles être évaluées. Comme on l'a dit plus tôt, cela mène inévitablement à un système relativement complexe.

Si le Canada doit fournir une aide dans ce domaine, peut-être devrions-nous aider à remplir les formulaires. S'il faut retourner en arrière de deux, trois ou quatre exercices, il faut alors recréer un historique qui permette de déterminer avec précision quelles sont les sommes versées et si elles sont utilisées de manière équitable pour les personnes qui sont admissibles. Je pense que le test de la principale source de revenus est probablement un très bon test, parce qu'il se concentre sur ceux qui sont de vrais fermiers et qui seront vraiment dans le besoin en cas de sinistre.

Ce programme devrait agir durant plus d'une année, autrement il s'agirait encore d'un autre programme ponctuel. Trop souvent, le gouvernement conçoit un programme en temps de crise, ce qui est difficile à faire en raison des questions politiques.

Je teste sur vous mes nouvelles idées, parce que je dois rendre des comptes au gouvernement, par l'entremise de mon caucus, du gouvernement, et de ce comité. Je crois qu'il s'agit d'une bonne solution, et sans doute êtes-vous d'accord. Avez-vous quelque chose à ajouter?

J'ai souligné certains des problèmes qu'il faudra, à mon avis, régler. Peut-être ai-je oublié quelque chose ou surévalué certaines difficultés. Vous êtes tous deux agriculteurs et faites partie d'une organisation agricole très importante. Tout commentaire additionnel que vous pourriez vouloir faire m'intéresse.

M. Menzies: Merci de vos remarques. Peut-être aurais-je dû traiter de ce point plus tôt. Les stocks sont en effet pris en considération. Ceux d'entre nous qui utilisent une comptabilité d'exercice -- les entreprises familiales par exemple -- comptabilisent leurs stocks pour les trois années antérieures, ou pour le nombre d'années depuis lesquelles l'exploitation existe. Cela ne pose pas trop de problèmes, mais il faut en tenir compte.

La main-d'oeuvre, le coût des intrants et les travaux à forfait sont soustraits ou mis en corrélation. Le coût de la main-d'oeuvre de production est également inclus, mais les stocks constituent le point le plus important. Ils sont pris en considération, et c'est là la question. Je crois qu'on se fonde sur un prix moyen pour les Prairies, comme au temps du RARB. Je pense qu'il s'agirait du prix qu'on utiliserait à ce moment. Donc, les stocks sont pris en considération, et les frais de comptabilité sont certainement très élevés. Je crois, que dans notre cas, la facture du comptable s'est élevé à 500 $, simplement pour évaluer si nous étions admissibles ou non. Il ne s'agit pas d'une administration simple, mais tout est possible.

Le sénateur Hays: Vous devriez probablement songer à trois fois cette somme pour seulement remplir les formulaires pour les années concernées. Ce pourrait être moins cher dans les prochaines années, à moins qu'on ne change le programme. Ce n'est pas surprenant qu'on ait en fait tendance à modifier le programme, parce qu'il évolue. Il s'agit d'une approche nouvelle.

M. Menzies: Il s'agissait d'un programme temporaire, et si vous voulez me permettre, il l'est toujours. Je crois que ce programme avait à l'origine une espérance de vie de trois ans. Ce qu'il en est advenu, je n'en sais rien. Je crois qu'il est encourageant que la Colombie-Britannique ait conclu une entente et utilise le gouvernement de l'Alberta comme organisme administratif.

Le président: Est-ce que tout le monde est admissible au programme, qu'on y souscrive ou non?

M. Menzies: C'est l'avantage du programme. Si vous croyez être admissible, vous pouvez vous inscrire. Ce n'est pas comme avec l'ancien programme d'assurance-récolte, auquel il fallait souscrire avant la fin d'avril pour être admissible. Si vous croyez être admissible, il vous suffit de faire une demande. Il existe des délais, naturellement, et il n'est pas possible de revenir en arrière.

Le président: On ne verse pas de primes.

M. Menzies: On ne paie pas de primes. Des frais d'administration de 50 $ sont prévus, trois fois rien.

Le sénateur Hays: Vous ne devez pas oublier que ce programme existe déjà. Tout est question d'atterrir en douceur. Selon ce que je vois, soutenir les revenus à 70 p. 100 revient à dire que vous devrez vous retirer des affaires si jamais vous deviez avoir recours au programme pendant trois années de suite. C'est pourquoi je pense qu'il est justifié qu'il s'agisse d'un programme sans prime. Il s'agit d'une variante de programmes comme celui de l'examen de l'endettement agricole ou de l'ajustement de l'endettement agricole.

Le président: C'est pourquoi j'ai utilisé l'exemple de la grêle. Que faites-vous pour le fermier dont j'ai parlé?

Le sénateur Hays: Heureusement, les choses pourront s'arranger pour lui. Il n'a qu'à recourir au programme une année, et le voilà de retour en affaires.

M. Menzies: Je crois que c'était là le but du programme. Il n'avait pas été conçu pour être utilisé année après année. Vous avez absolument raison -- il ne vous permettrait pas de survivre si vous deviez compter sur lui année après année.

Le sénateur Hays: Le risque est minime.

M. Maguire: Absolument. D'où son nom de programme d'aide en cas de sinistre. Il ne servira pas à remplacer l'assurance-récolte ou l'assurance contre la grêle, comme ce pourrait être le cas pour certains autres programmes. Il s'agit d'un programme qui entrerait en action après coup. Il peut être appliqué à différents produits. On ne tient pas compte du secteur d'activités dans lequel vous êtes, et le programme est fiable. Il est relativement prévisible. C'est pourquoi les producteurs de blé l'apprécient.

Nous nous sommes beaucoup investis dans le programme avec système de protection du revenu. Par cette solution globale, nous voulions avoir un programme fiable, prévisible, et qui pourrait être utilisé comme troisième ligne de défense. Nous pensons que ce type de programme pourrait être utilisé dans ce domaine.

Le sénateur Hays a mentionné qu'un programme temporaire d'un an ne serait considéré que comme un programme ponctuel. Nous pensons que ce pourrait être traduit dans les autres provinces, qui ne possède pas de données historiques pour l'instant. Dans les programmes précédents, il fallait revenir en arrière et calculer ses revenus pour trois des cinq dernières années. Il fallait revenir en arrière et trouver ses reçus, ses documents, et cetera Si un fermier pense qu'il se trouve dans une situation suffisamment difficile, et qu'il serait rentable de s'inscrire au programme, il s'occupera certainement de toute la paperasserie, ou le fera faire.

Le sénateur Whelan: J'ai examiné la liste des candidats pour la Commission canadienne du blé et je m'attendais à y voir votre nom, M. Maguire. Je croyais que vous seriez intéressé à vous joindre à la commission et changer ce système.

M. Maguire: J'en ai fait partie déjà, sénateur. J'ai été représentant élu pour la partie ouest du Manitoba pendant deux mandats, c'est-à-dire huit ans. Nous avons préparé le nouveau programme d'entente et j'ai collaboré étroitement avec les membres dans ce processus. J'ai adopté un point de vue différent concernant le mécanisme de volontariat maintenant en place. En réalité, si je puis ajouter à cela, nous avons cultivé la plus faible quantité de blé jamais cultivée sur notre ferme. Nous pourrions augmenter notre production dans une prochaine année, mais cela n'est certainement pas une indication de l'avenir.

Le sénateur Whelan: M. Menzies, vous avez dit exploiter une ferme en Alberta, et y cultiver des légumineuses. Je crois que M. Maguire a mentionné que sa principale source de revenu provenait de la culture de fèves oléagineuses et de cultures autres que celles des grains. Quelles légumineuses cultivez-vous?

M. Menzies: Nous cultivons les pois, principalement pour les marchés européens. Nous cultivons des pois jaunes et des pois verts destinés à la consommation humaine. Nous faisons également pousser des lentilles. Nous pensons qu'il serait possible de cultiver dans un proche avenir certaines épices.

Le sénateur Whelan: Croyez-vous qu'à l'heure actuelle on fasse suffisamment de recherches concernant ces cultures?

M. Menzies: On a certainement fait beaucoup de recherches sur ces cultures. Il existe un grand nombre de recherches agronomiques faites sur place, réalisées par des gens comme moi qui exploitent ces cultures; et les recherches ont prouvé leur utilité. On a fait un certain travail sur ces cultures, mais certainement pas autant que sur le blé et l'orge.

Je vois également là la voie de l'avenir. Nous cultivons un produit dont les consommateurs ont besoin et qu'ils demandent. Les lentilles, par exemple, constituent une source principale de protéines dans le régime alimentaire d'un bon nombre de pays étrangers, presque plus que le boeuf ou que toute autre viande. Nous cultivons ce produit parce qu'il existe une demande pour ce dernier, au lieu de nous dire «mon père cultivait du blé, mon grand-père cultivait du blé, et je vais cultiver du blé et, en passant, Mme la Commission canadienne du blé, pourriez-vous vous charger de le vendre pour moi?». Je pense que bon nombre d'entre nous ont délaissé cette façon de penser. Nous allons cultiver un produit pour lequel il existe une demande, et nous aurons ainsi une raison de le produire.

Le sénateur Whelan: Je pense que je dois discrètement vous rappeler, comme le dirait M. Diefenbaker, que nous avons dépensé des millions de dollars pour la recherche sur les lentilles, la féverole et le canola. Nous avons fait venir quelqu'un de l'Oregon ou de Washington pour mener les recherches sur les lentilles. Il a développé une lentille qui pouvait pousser dans l'Ouest du Canada en quatre ans environ, je crois, et nous lui avons donné 750 000 $ pour cela. Il a agi plus rapidement que nous ne l'avions espéré. Nous avons dépensé des millions de dollars sur le développement du canola.

J'ai de fortes réserves, parce que j'ai toujours considéré la recherche comme notre produit le plus important. Certains des produits que nous avons développés -- les embryons, les plants repiqués et les produits destinés au bétail -- l'ont été par des scientifiques agricoles canadiens. La fameuse volaille exportée partout dans le monde a été développée par des scientifiques d'Agriculture Canada, tout comme c'est le cas d'autres cultures comme la féverole.

Quand je regarde les programmes aujourd'hui, je ne vois que des compressions. Nous sommes plus dépendants des subventions et des sources de financement privées. Je pense que c'est bien, mais il faut aussi maintenir un bon programme de recherche gouvernemental. Vous êtes d'accord?

M. Menzies: Je suis certainement d'accord. Je comprends également les restrictions financières auxquelles est soumis notre gouvernement. Je sais qu'il y a eu des compressions dans le domaine de la recherche. Je crois fortement en la recherche et suis d'avis qu'elle est nécessaire.

Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que le canola, de son nom véritable, est inhérent au Canada. C'est grâce à tous les dollars que nous avons investi dans la recherche que nous avons un produit canadien, qui ne s'appelle plus huile de colza, comme c'est encore le cas en Europe. C'est un produit canadien, qui a été mis au point grâce à la recherche faite ici. Je suis tous à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que la recherche est une nécessité.

Le sénateur Whelan: Lorsque je suis devenu ministre, j'ai passé plus d'un dimanche à Saskatoon en compagnie de M. Downey. Il faisait de la recherche sur le canola, encore appelé, en cette époque, huile de colza. Il essayait de développer une graine à faible teneur en acide érucique et en glucosinolates. Je n'ai jamais autant appris sur l'huile de colza, ou canola. Je n'oublierai jamais ce qu'il faisait. En tant que ministre, cela m'a grandement motivé à favoriser le genre de recherche que nous sommes en train de développer. Le canola est une variété de l'Ouest canadien qui a été autrefois négligée. Elle croît dans le nord de l'Ontario et dans d'autres parties de cette province. La Grande enclave argileuse de l'Ontario a un potentiel de dix millions d'acres où il est possible de cultiver des pois et des lentilles; de plus, la saison de croissance y est courte.

Je veux revenir à ce que disait M. Larry Maguire. Je trouve très déroutante la manière dont certaines récoltes sont vendues à l'extérieur du système de monopole aux États-Unis, et je crois qu'hier mon collègue a donné un chiffre qui illustrait que les États-Unis donnent 14 milliards de dollars annuellement en subventions. Comment appelez-vous ce genre de système? Ce n'est pas un système qui réussit s'il faut y injecter 14 milliards.

M. Maguire: Nous croyons certainement que les Européens et les Américains réussissent en subventionnant leurs fermiers. Et certainement pas seulement pour ces cultures, mais aussi pour d'autres cultures. Dans ce programme, ils ont subventionné les cultures de céréales, de légumineuses et de maïs. Récemment, ils en ont encore ajouté. Je pense que le chiffre dépasse 14 milliards de dollars. En ce qui concerne les céréales, nous sommes très au courant des chiffres. J'ai mentionné cela à M. Schumacher à Washington et à M. Scher il y a un mois et demi, ainsi qu'à M. Kriz d'Alberta et à M. Kartz de National Barley Growers au Montana, afin de faire valoir que ces subventions sont beaucoup trop élevées. Ils continuent de les augmenter. Je pourrais vous citer certains exemples. Nous savons très bien que le fermier américain reçoit beaucoup de subventions.

Si nous revenons aux chiffres de l'OCDE, ils nous apprennent que les céréales canadiennes sont subventionnées pour environ le quart de la valeur des subventions américaines accordées pour la récolte de céréales de 1997-1998. L'idée de la perfection ne nous est d'aucune utilité si ces gens reçoivent des subventions si importantes.

Si je reviens à ce que je disais précédemment, une fois qu'on a commencé à donner de telles subventions et qu'elles font partie du système, il est très difficile de revenir à une situation ou le gouvernement ne subventionne pas les fermiers en tout temps. Voilà ce qui nous préoccupe. L'Australie et l'Argentine sont encore plus près de l'état originel, si vous voulez, que nous ne le sommes. Nous croyons que les huit points déjà mentionnés représentent beaucoup de dollars, ce qui nous aiderait à être davantage autosuffisants à l'avenir. Les domaines où nous avons été le plus éprouvés jusqu'à maintenant sont les entreprises porcines, le secteur des céréales dans le centre ouest de la Saskatchewan et dans le centre est de l'Alberta, où ils n'ont eu ni récoltes, ni programme, rien qui soit adapté aux besoins actuels. Si vous n'avez pas de récoltes, peu importe la valeur de celles-ci. Cela nous préoccupe.

D'autres fermiers des Prairies peuvent avoir eu de meilleures récoltes dans le secteur des céréales. Nous affirmons qu'il y a là des possibilités. Je cultive aussi des légumineuses, des pois et des lentilles. Dans notre région, le tournesol est beaucoup cultivé. Le canola a été notre point d'appui pendant toutes les années où nous avons exploité notre ferme. Mon père a commencé à le cultiver en 1959. Il a constitué l'essentiel de nos récoltes. Les céréales, certainement pas. Je crois toutefois que la recherche faite dans le domaine des céréales a peu de choses à voir avec le système de marketing que nous avons. La recherche que nous avons commandée sur les céréales nous a été favorable. Je crois qu'elle nous a permis d'obtenir plus de boisseaux à l'acre au cours des années, mais je crois que nous devons continuer à suivre de près le genre de recherche effectuée.

Nous avons un système dont on m'a parlé lundi, il y a très peu de temps, à propos d'une nouvelle variété de céréales qui, l'an dernier, aurait résisté au fusarium. Au Manitoba et dans le Dakota du Nord, c'est le principal problème lorsque nous cultivons un blé roux vitreux de printemps. Cela va jusqu'à Moose Jaw. Cette année, ce fusarium s'est rendu aussi loin. Si nous avions une variété qui résiste au fusarium, même si elle donne un peu moins de boisseaux, les fermiers la cultiveraient massivement l'année prochaine.

Le président: Je suis désolé de devoir m'absenter, je dois me présenter devant le comité sur les recettes internes. Le sénateur Whelan, en tant que vice-président, me remplacera. Je veux vous remercier pour votre témoignage.

M. Maguire: Pour terminer en ce qui concerne le fusarium, sénateur Whelan, je dois dire que cette variété particulière de blé ne respecte pas nos critères parce qu'elle déroge un peu des normes. Le critère concerne la teneur en cendres. Nous avions une variété résistant au fusarium qui ne respectait pas la teneur en cendres, de très peu, mais nos fermiers ne peuvent pas la cultiver. Dans notre système, on fait des essais, et une fois qu'ils sont terminés, il n'y a pas de retour en arrière possible. Je crois que nous devons réellement chercher une nouvelle manière de gérer la recherche parce qu'arriver à produire une nouvelle variété de céréales pourrait être incroyablement bénéfique pour les fermiers de ces régions.

Le sénateur Whelan: Pendant la première année où j'occupais le poste de ministre, le directeur de la recherche était le Dr Mijikofsky du Manitoba. Il suivait de près toutes ces choses. Son principal souhait était de développer un produit, peu importe qu'il s'agisse de céréales ou d'autres choses, un produit commercialisable et qui serait de la meilleure qualité au monde. Nous ne vendons pas de semence de céréales ou de poussière comme certains de nos concurrents. Nous vendons le grain le plus pur possible.

Vous avez plus ou moins suggéré que les Européens devraient avoir un système de gestion des approvisionnements. Vous avez parlé des États-Unis qui encouragent la surproduction des produits de la ferme, ce qui fait baisser les prix à l'échelle mondiale. Vous suggérez qu'ils devraient avoir un meilleur contrôle là-dessus en donnant moins d'argent à leurs fermiers. Vous m'avez déjà entendu faire cette suggestion auparavant. Ils devraient avoir un système qui ressemble à celui que nous avons dans notre industrie avicole et dans notre industrie laitière où nous garantissons un surplus de production, où il n'y a jamais de pénurie. Nous utilisons une méthode pour établir les prix, et si les coûts des facteurs de production baissent, les prix doivent baisser. C'est ce qui se passe présentement dans l'industrie laitière parce que les coûts de production des produits de base qu'on utilise dans l'industrie sont à la baisse, par conséquent, les producteurs doivent baisser leurs prix. Cela se rend normalement jusqu'au consommateur. Plus tôt ce matin, pendant que vous agissiez comme observateur et que l'on parlait du prix du porc, vous avez entendu que cela ne se rendait pas jusqu'au consommateur. On a évalué que l'un des plus gros transformateurs de porc réalisait maintenant de huit à neuf dollars de profit net par porc.

Pensez au programme laitier. Pour illustrer la différence qui existe entre les systèmes canadiens et américains, je cite les chiffres suivants: à Port Huron, au Michigan, le beurre coûte 3,79 $US la livre. Cela équivaut à 5,86 $CAN. À Carmel, en Californie, le prix est de 3,29 $US la livre, ou 5,09 $CAN. À St-Thomas, en Ontario, une livre de beurre coûte 2,49 $CAN. Ici, il n'y a pas de pénurie, mais il y en a une aux États-Unis. J'ai d'autres chiffres qui pourraient s'appliquer aux oeufs et au lait, qui montrent que les consommateurs obtiennent des produits de haute qualité, sans vivre de pénurie tout en payant moins grâce à l'existence d'un système de gestion des approvisionnements.

Par contre, aux États-Unis, plusieurs producteurs ont abandonné la production laitière parce qu'ils n'arrivaient pas à vivre décemment. Monsanto traite de l'utilisation de la STbr. Même avec l'aide de la biotechnologie, la production laitière n'a pas été encouragée comme on l'aurait cru, alors que la production laitière canadienne a augmenté de dix à 13 p. 100 l'année dernière. Je crois que vous serez peut-être d'accord avec moi sur le fait qu'avec la surproduction non contrôlée, les États-Unis et l'Union européenne se moquent de l'Organisation mondiale du commerce et même de l'ALÉNA, à mon avis. Désirez-vous ajouter des commentaires?

M. Maguire: Oui, en effet. Si nous étions pour mettre en place certains des programmes dont nous avons parlé ici aujourd'hui, en tenant compte des accords sur le commerce mondial, accords avec les États-Unis et l'Europe, nous, du Canada, pourrions indiquer que nous proposons une diminution des restrictions actuelles. Dans l'Ouest canadien, dans le secteur des céréales, nous pensons que nous avons contribué de manière importante à la diminution globale des niveaux du GATT, si vous le voulez bien, ainsi qu'à l'octroi de subventions. On peut dire que nous avons encaissé une perte de 550 à 700 millions de dollars du jour au lendemain.

Au Canada, d'autres secteurs ont été capables de retirer un bénéfice de cela. Je laisserai les gestionnaires parler pour eux-mêmes. La semaine dernière, j'assistais à une réunion d'affaires à Red Deer où le domaine de la gestion des approvisionnements était largement représenté. Nous avons abordé plusieurs domaines de préoccupation d'égale importance qui devraient faire partie de la position canadienne dans les prochains pourparlers sur le commerce mondial.

Le domaine de la gestion des approvisionnements est en situation difficile au Canada actuellement parce que nous sommes en mode de réduction tarifaire jusqu'en 2002. Il ne faut pas perdre de vue que la U.S. farm bill (loi agricole américaine) de 1996 est supposée avoir le même effet à la baisse pour les céréaliers américains, mais qu'en même temps on leur permet d'ajouter à ces programmes. Cela a certainement une influence sur notre secteur.

Je devrais dire, toutefois, que nous ne favorisons pas un contrôle du niveau de la production des céréales dans le domaine de la gestion des approvisionnements. Les fermiers américains se sentiront peut-être concernés et protesteront contre le niveau des prix des facteurs de production, mais s'ils sont plus élevés là-bas, il faut voir qui reçoit le plus de subventions. Ils sont quatre fois plus subventionnés que nous actuellement.

Pendant que ces discussions sur les filets de sécurité ont cours au Canada, si aujourd'hui vous allez chez votre marchand local et demandez le produit Liberty, produit qu'il faudra vaporiser sur une catégorie particulière de canola l'an prochain, vous verrez qu'il y a déjà eu une augmentation de un p. 100 au cours des dernières semaines. Je ne dis pas que c'est le résultat de cela, mais cela nous ramène à la question de la marge de 8 $ pour le détaillant.

J'ai cru comprendre que vous entendrez des mémoires présentés par certaines des sociétés céréalières parmi les plus importantes de l'Ouest canadien. Je n'affirme pas qu'elles ne parlent pas au nom des fermiers ou qu'elles ne se sentent pas préoccupées par les revenus des fermiers. Toutefois, laissez-moi vous dire que dans cette partie, ce sont des intervenants qui détiennent bon nombre de factures impayées pour des fournitures agricoles à la suite de la dernière récolte ou de la part de fermiers qui essaient de faire des plantations pour l'an prochain dans ces régions.

Le sénateur Whelan: Je suis certain que vous vous rappelez d'un programme appelé LIFT, Programme de réduction des stocks de blé. J'étais alors ministre de l'Agriculture et j'étais contre ce programme, mais le ministre responsable de la Commission canadienne du blé y était très favorable. Le programme n'a duré qu'une année parce qu'une véritable pénurie de céréales a suivi. Nous avons même dû modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour que les fermiers puissent vendre les céréales qu'ils avaient stockées pour trois ou quatre ans.

M. Maguire: J'étais l'un de ces fermiers.

Le sénateur Whelan: Si nous revenons encore au système de la Commission canadienne du blé, vous pouvez cultiver autant de céréales que vous le voulez. Il n'y a pas de restrictions sur les céréales. Nous n'avons pas contribué à une surcapacité du marché par ce système. Nous avons un marché ordonné. Personne ne peut pointer le Canada du doigt et le blâmer d'avoir causé une baisse des prix sur le marché mondial. Nous n'avons jamais fait cela. Comme vous le savez, on ne peut pas trop tenir promesse. On peut parfois ne pas tenir suffisamment promesse parce qu'il n'y a pas de marché pour nos produits à ce moment-là.

Je vous renvoie la question. Je sais que votre organisation n'est pas subventionnée uniquement par les fermiers. Quel pourcentage de vos subventions de fonctionnement provient des céréaliers et quel pourcentage provient des non-céréaliers?

M. Maguire: Nous sommes subventionnés à 95 p. 100 par des versements spontanés volontaires qui nous viennent des fermiers. Nous acceptons d'avoir des sociétés commanditaires pour nos congrès parce que nous n'aimons pas fonctionner à perte. Nous avons souvent entendu ce commentaire. Une infime partie de nos revenus provient de sociétés commanditaires. Ces dernières nous aident à engager quelques conférenciers, et des choses de ce genre, à l'occasion de notre assemblée annuelle.

Le sénateur Whelan: Croyez-vous que nous devrions revenir vers un programme comme LIFT pour concurrencer les États-Unis et l'Europe?

M. Maguire: Si vous étudiez la manière dont les producteurs d'orge de l'Ouest ont répondu, c'est comme si nous étions déjà dans un programme LIFT. Le 22 septembre, j'assistais à la réunion de la Commission canadienne du blé avec d'autres groupes de fermiers de l'Ouest canadien; nous sommes passés de 21,2 tonnes d'exportation à environ 14,9 tonnes, je crois. Ces chiffres comprennent les 4,5 tonnes de blé dur pour les deux années.

Les fermiers canadiens du secteur céréalier du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta ont vraiment fait écho au marché dans ce domaine. Ils ont aussi fait écho au fait qu'ils pouvaient obtenir davantage des cultures hors-commission que des autres cultures puisqu'ils ont aujourd'hui la possibilité d'obtenir 8 $ le boisseau pour le canola et 2 $ le boisseau pour l'avoine, livrés l'automne prochain. Alors ils mettent les bouchées doubles. Les prix hors-commission au pays tournent autour de 8,40 $ pour le canola et 7 $ pour le lin. Il y a là des possibilités d'obtenir des bons prix. Ils en profitent.

Le sénateur Whelan: Encore une fois, le programme LIFT était un programme de compensation visant à réduire la culture de céréales, comme cela se passe aujourd'hui en Europe. Il ne faut pas oublier qu'alors que nous dépensions des millions de dollars en recherche, nous voulions en même temps que les fermiers soient capables de répondre à la demande mondiale avec d'autres produits parce que nous reconnaissions que nous sommes de gros exportateurs. Nous avions des produits de haute qualité et cela découlait de la recherche. Si les fermiers avaient la possibilité de gagner un dollar, ils produisaient ce qu'il faillait pour le gagner.

M. Maguire: C'est un très bon point. Je crois, et je suis certain que les membres de notre association pensent comme moi, sénateur Whelan, que la recherche effectuée aujourd'hui est davantage orientée vers les aspects qualitatifs des besoins mondiaux pour nos céréales dans l'avenir. À travers l'histoire, nous avons essayé de faire pousser quelque chose de Winnipeg à Peace River, et nous avons réussi.

Dans les nouveaux marchés mondiaux, si on étudie les entreprises céréalières, on remarque qu'aujourd'hui, les fermiers opèrent pour eux-mêmes en tirant avantage du contrat Warburton. C'est un domaine ciblé, une zone particulière du Manitoba pour une catégorie spécifique de blé. Nous observons la même chose en ce qui concerne les pommes de terre, où les consommateurs veulent obtenir un certain niveau de fécule, même McDonald's à Chicago ou à Milwaukee. D'autres secteurs ont mis davantage l'accent sur les catégories et les variétés de céréales spécifiques à un certain marché. La plupart des personnes qui font des prévisions dans ce secteur, et en tant que fermiers nous en voyons beaucoup, abordent le développement de variétés spécifiques de grain, de blé et d'orge à l'intention de clients cibles tels que les usines de traitement.

Nous poursuivons le développement de nouvelles variétés de blé dur parce que, pour parler en toute franchise, notre blé dur n'est pas aussi bon qu'il l'était il y quelques années. Ceux qui veulent continuer à en faire la culture devront revenir aux normes antérieures. Plusieurs de nos membres vivent de cette culture. Année après année, on cultive du blé dur dans la zone du centre sud de la Saskatchewan. Ted et moi sommes dans des provinces voisines de la Saskatchewan, mais la plupart de nos membres sont dans cette province. Actuellement, ils vivent une période difficile, peut-être parce qu'il n'y a pas assez de diversification.

Nous sommes conscients que par le passé, les gouvernements ont investi dans la recherche. Nous les félicitons. En tant que fermier, nous profitions des possibilités offertes, comme il se doit. Nous constatons qu'il y a des virages dans notre secteur comme dans celui de l'élevage. Certains sont allés trop vite; de plus, on n'a pas été assez prévoyant pour voir venir la crise monétaire en Asie. Toutefois, on peut dire la même chose des gens qui ont investi dans des fonds communs de placement ou dans d'autres domaines. Je ne prends pas les choses à la légère, mais il est évident que nous vivons une crise monétaire mondiale qui n'affecte pas uniquement les produits agricoles. Nous sommes touchés de la même manière que n'importe qui dans n'importe quelle région du Canada ou des États-Unis.

Nous sommes ici pour vous faire part des types de mécanismes qui, à notre avis, nous aideraient à sortir de cette situation à brève échéance. Nous espérons et nous croyons que la crise monétaire mondiale va se résorber. Comme l'a mentionné plus tôt le sénateur Hays, les prix vont grimper. Nous espérons que ce sera le cas. La stabilisation de la situation monétaire mondiale devrait nous permettre d'approvisionner les gens des pays en développement, qui sont maintenant dans une situation où les revenus sont insuffisants, avec des produits que nous pouvons produire à meilleur coût que partout ailleurs dans le monde.

Nous ne critiquons pas le gouvernement fédéral d'avoir modifié la subvention du Nid-de-Corbeau. C'est-à-dire qu'il l'a éliminée et non modifiée. Cependant, il y a des choses qui se passent et qui nous ouvrent des possibilités dans l'Ouest canadien. Nous devons nous assurer d'y être afin de pouvoir en tirer avantage.

Le sénateur Fairbairn: Merci d'être venus tous les deux. C'est un mémoire bien articulé sur un problème extrêmement urgent et difficile. Comme je l'ai dit à nos témoins précédents, cela a certainement élevé le niveau de préoccupation et le niveau de sensibilisation des parlementaires pour ce qui est du milieu agricole, beaucoup plus haut que ce qui s'est fait depuis passablement longtemps.

Il y a deux choses qu'on nous a fait comprendre au cours des dernières semaines. Tout d'abord, il y a une véritable urgence, en particulier dans l'industrie du porc. Au cours de la prochaine campagne agricole, nous ne voulons pas qu'il y ait des agriculteurs, y compris les jeunes, qui décident qu'ils ne veulent plus être dans une entreprise à risque, qu'ils devraient en sortir pendant qu'ils ont encore la possibilité d'en retirer quelque chose. C'est très inquiétant pour l'industrie et pour toute la communauté agricole.

Nous sommes conscients de l'urgence. Nous avons également reçu des messages de déception du fait qu'il n'y avait pas une troisième ligne de défense au moment où les programmes ont été mis en place il y a plusieurs années. Je pense qu'il s'est mis beaucoup de pression à l'époque. Si je me rappelle bien, ces programmes ont été mis en place rapidement, dans une très courte période de temps. La troisième ligne de défense, la ligne de défense à long terme, ne s'est tout simplement pas matérialisée. De toute évidence, nous en souffrons maintenant. Nous allons devoir être très prudents sur la façon d'insérer ce genre de programme à l'avenir.

On nous dit que vous êtes méfiants, et que d'autres sont plus que méfiants, pour ce qui est d'entrer dans une autre série de programmes spéciaux parce qu'ils finissent par avoir autant d'aspects négatifs que positifs.

Il y a deux aspects ici. Un premier est l'urgence du moment, et l'autre le long terme. Pour un grand nombre des huit points que vous avez soulignés, et cela fait partie de la vie dans le monde de l'agriculture au Canada, les solutions doivent être dans de nombreux cas des solutions de collaboration. Cela met en cause nos partenaires, cela met en cause les provinces. Parfois, comme vous le savez fort bien, les discussions fédérales-provinciales prennent du temps. Pourriez-vous indiquer vos priorités concernant l'intervention gouvernementale maintenant?

Encore une fois, bien qu'il s'agisse d'une question fédérale-provinciale, est-ce que cela met d'une façon quelconque le système fiscal à l'avant-scène ou est-ce également quelque chose qui, en raison de sa nature même, ne peut se régler rapidement? Sur les huit points que vous avez mentionnés, lesquels voudriez-vous en voir maintenant, à court terme -- et non par le biais d'un programme spécial? Que nous suggérez-vous?

Le programme à la mode albertaine existe. De toute évidence, si nous devions partir de ce point, il faudrait que ce soit conjoint. Aidez-nous ici. Je sais que c'est une question impossible, vraiment.

M. Maguire: Non, ce n'est pas une question impossible. C'est une très bonne question. Nous avons quelques suggestions pour vous, rapidement. Les points quatre et cinq: l'aide alimentaire. Mettez en place un programme pour le porc. N'essayez pas de faire concurrence aux États-Unis en ce qui concerne le montant auquel vous allez le faire, au niveau auquel vous allez le faire. Prenez la Russie par exemple. À l'époque où je faisais partie du comité consultatif de la commission du blé, la Russie produisait entre 88 et 105 millions de tonnes de blé. Depuis que l'économie s'est ouverte, si je peux m'exprimer ainsi, la Russie n'a eu qu'une seule fois une récolte de 65 millions de tonnes. Cette année, c'est 47,8 millions de tonnes. Comme vous le savez très bien, il y a des gens qui vont mourir de faim dans les rues de Russie cet hiver.

Le sénateur Fairbairn: C'est également une très grave préoccupation pour nous, et pour notre région du pays.

M. Maguire: Nous avons ici un produit en abondance. Je pense que le Canada est le grand gagnant du côté des causes humanitaires. J'ai parlé au ministre Vanclief à ce sujet. Il est préoccupé. Nous sommes un organisme axé sur les conditions du marché. Comme l'a dit le dernier intervenant, c'est de là que la majorité des agriculteurs veulent tirer leur revenu. Il y aura une incidence immédiate s'il y a des porcs à ce niveau. Nous n'avons pas l'approvisionnement du blé ou celui de l'orge. Les États-Unis ont des approvisionnements de maïs et des porcs, les deux en grande abondance, en raison de la crise asiatique ou de la crise monétaire mondiale. Si nous avons ces produits, essayons de faire deux choses. La première, aidons à stabiliser une partie de la situation monétaire en aidant une autre nation à s'assurer que son peuple a de la nourriture. La deuxième, nous pensons que si vous enlevez un certain nombre de porcs du marché au Canada aujourd'hui, cette mesure permettra de garder des emplois. Les gens continuent d'avoir besoin de travailler. Les personnes qui sont dans l'usine continuent de travailler. L'industrie du transport demeure occupée. Les agriculteurs continuent de travailler la terre et le produit prend de la valeur. Le prix des céréales n'augmentera pas de façon dramatique à cet égard, mais cela aiderait certainement, quoique cela n'aiderait pas tant l'industrie des céréales que celle du porc.

Pour ce qui est des avances de fonds, si vous voulez aider l'industrie des céréales immédiatement, nous ne demandons pas des avances sans intérêt. Les niveaux actuels sont suffisants. Cependant, nous demandons que la partie du taux de prêt soit une proportion plus importante du prix initial que ce que l'on a en ce moment. Cette mesure aidera davantage le petit agriculteur que le plus gros, étant donné qu'elle lui permettrait d'obtenir une plus grande partie de ces fonds pour passer l'hiver. Il doit quand même démontrer ou signer une attestation indiquant qu'il a le produit. Ce prêt sera remboursé lorsqu'il obtiendra le prix initial.

Deux programmes pourraient être mis en oeuvre. Le programme du genre FIDP pourrait être mis en oeuvre assez rapidement si les provinces s'entendaient. Je suis convaincu que vous n'aurez aucune difficulté avec une seule province. Lorsque nous examinons la situation, la Saskatchewan et le Manitoba ont plus besoin de revenus maintenant que l'Alberta, où ce programme est en place depuis trois ans. Le programme en Alberta a eu un effet stabilisateur. Les 50 à 100 millions de dollars qui sont versés chaque année proviennent directement du trésor provincial. Les provinces devront contribuer, mais nous estimons que le gouvernement fédéral devra fournir la plus grande partie de ce paiement pour l'hiver de 1999. Nous suggérons d'utiliser cela comme mécanisme.

Il ciblera les secteurs les plus touchés. Ceci étant dit, nous estimons que les réformes dont nous avons parlé au sujet du transport et des céréales sont nécessaires. Un voisin m'a téléphoné hier et m'a dit que son blé de qualité contenait 14 p. 100 de protéines. J'ai également vérifié cela lors de la réunion à Red Deer la semaine dernière. Les agriculteurs américains peuvent dire tout ce qu'ils veulent au sujet de leurs coûts élevés. Ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent au sujet de leurs subventions accrues. S'ils sont assez stupides pour continuer d'utiliser ces subventions élevées; si nous avions une capacité de commercialisation plus transparente avec eux; et si les agriculteurs participaient à ce processus avec la commission, ils pourraient obtenir 3,60 $US le boisseau pour leur blé à 14 p. 100 de protéines aujourd'hui de l'autre côté de la frontière. Quelqu'un a mentionné 5,40 $CAN le boisseau plus tôt. C'est de l'argent comptant dans les poches des agriculteurs maintenant. L'équivalent sera environ 4,30 $, soit 1,10 $ le boisseau de moins. Vous devez attendre encore 14 mois pour obtenir l'ajustement de fin de campagne. C'est un exemple au sujet d'un blé de grande qualité.

Le blé d'automne, qui contient 10,5 p. 100 de protéines, est un exemple de blé de faible qualité. Son prix est établi à 2,71 $ aujourd'hui sur le marché canadien, potentiellement 3 $ pour l'ajustement de fin de campagne, selon les spécialistes, 4,06 $ le boisseau aujourd'hui aux États-Unis. On récolte le blé d'automne à raison d'environ 60 à 70 boisseaux l'acre. Il donne de 10 à 15 boisseaux de plus que certains blés de force roux de printemps. C'est une aide considérable pour les liquidités. C'est une situation où il pourrait ajouter de 60 $ à 70 $ l'acre pour leurs récoltes de blé. C'est considérable. Évidemment, il ne serait pas nécessaire d'effectuer un paiement spécial, ou un paiement de soutien. Cet agriculteur ne se qualifierait pas s'il avait accès à ce marché à l'heure actuelle.

Ils recherchent désespérément le blé aux États-Unis parce qu'ils doivent démontrer à quel point il est faux de dire que ces subventions nuisent au marché. L'agriculteur américain a déjà l'argent dans ses poches. Il a déjà verrouillé ses silos. Il ne veut pas livrer de blé, et la société céréalière, ne pensant pas qu'il y aurait un programme que celui-ci, a effectué la vente à terme. Elle ne peut pas obtenir le blé maintenant pour approvisionner les meuneries aux États-Unis, qui ont besoin du blé à faible teneur en protéines.

Ce ne sont que des exemples des réformes nécessaires dans l'Ouest canadien. Ce n'est pas une question de savoir s'il devrait y avoir ou non un monopole à l'avenir. C'est une question d'agriculteurs qui modifient leurs activités agricoles uniquement pour faire tout ce qu'ils peuvent pour contourner le système actuel.

J'ai fait un exposé au Forum de recherche sur le transport au Canada à Winnipeg lundi soir dernier, et j'ai prédit publiquement au cours de la dernière année que nous n'exporterions à l'étranger pratiquement aucune céréale provenant du Manitoba ou du sud-est de la Saskatchewan en 10 ans. Ces céréales seront soit toutes transformées au Manitoba ou dans le sud-est de la Saskatchewan, ou on les enverra aux États-Unis pour une transformation ultérieure. Vous n'avez qu'à regarder de quelle façon les compagnies céréalières se positionnent pour s'assurer qu'elles peuvent utiliser les produits. Elles ne construisent pas ces terminus intérieurs de 10 millions de dollars pour tout expédier à l'étranger depuis le Manitoba à l'avenir. C'est peut-être ce qu'elles font dans la partie centre-ouest de la Saskatchewan et en Alberta. Mais ce n'est pas ce qu'elles font au Manitoba parce que c'est là qu'elles sont le plus loin du port. Elles sont les premières à me le dire, qu'il s'agisse du Saskatchewan Wheat Pool qui construit AgPro et des usines à Brandon et Boissevain, ou qu'il s'agisse d'Agricore. Je les félicite de s'être mises ensemble avec les pools du Manitoba et de l'Alberta, mais elles construisent de nouveaux terminus intérieurs. Elles s'en vont en Saskatchewan.

J'ai dit que si vous croyez encore au statu quo dans l'industrie céréalière, c'est un peu comme croire à la fée des dents. Ça n'existe tout simplement plus. Ne le dites pas à mes petits-enfants. La situation change tellement rapidement. Une partie de cette situation a été précipitée par le changement à la subvention du Nid-de-Corbeau. Une autre partie est attribuable à ce que nous faisons sur nos propres fermes. Ce n'est pas la faute du blé. Je suis le président d'une association de producteurs de blé. J'aimerais que nous produisions plus de blé, mais le Manitoba vient de devenir la capitale de la fève comestible au Canada. Les agriculteurs ont doublé la superficie de la culture de pommes de terre au cours des dernières années. Dans le sud de l'Alberta, où se trouve Ted, vous pouvez faire de l'expansion avec la culture des pommes de terre, les récoltes de légumineuses à grains, les pois, les lentilles et les tournesols. La transformation de tous ces produits se fait, mais vous ne voyez aucune nouvelle meunerie en construction dans l'ouest du Canada. Il y en a une petite à Ely. Cela ne veut pas dire que la Commission ne conclut pas d'ententes spéciales pour ces choses, mais il n'y en a aucune ici.

Le sénateur Fairbairn: Merci beaucoup. Votre exposé a été très utile. La pression est là pour cette solution rapide qui, dans un sens, ne presse pas. Ce que vous nous avez donné, ce sont des lignes directrices à l'égard de choses qui peuvent être faites maintenant.

M. Maguire: Si je pouvais tout simplement ajouter un commentaire par rapport à cela. Lorsque j'ai mentionné plus tôt de pouvoir garantir ces prix pour l'automne prochain, je ne parlais pas des marchés à terme sur marchandises avec lesquels un grand nombre d'agriculteurs ne sont pas familiers et ne sont pas à l'aise. Je parlais de transactions au comptant différées, de contrats de livraison différés. Ce sont des transactions au comptant pour lesquelles vous devez effectuer la livraison. La plupart des compagnies négocieront avec vous une disposition de cas de force majeure à cet égard, même si votre récolte est endommagée par la grêle et que vous ne pouvez effectuer la livraison. Car, il ne faut pas se le cacher, elles sont beaucoup plus familières avec la protection contre les risques. Elles le font sur une base plus régulière.

Le deuxième est la proposition de la FCA au sujet de la situation actuelle. Le point de vue de notre association est que le montant de 460 à 480 millions de dollars réparti partout au Canada ira aux régions où le besoin est le plus grand, soit certainement les industries porcines du Québec et de l'Ontario. Quelle partie de ce montant de 460 à 480 millions de dollars ira dans l'Ouest canadien? Peut-être à peine 100 millions de dollars, ce qui correspond à 2 $ l'acre arable dans l'ouest du Canada. Ça ne permettra pas de payer les impôts fonciers.

L'autre jour, un membre m'a critiqué un peu pour ne pas m'être prononcé publiquement et avoir dit que nous avions besoin de programmes spéciaux. J'aimerais vous en faire part. Je lui ai demandé ce qui serait suffisant, 3 $ l'acre? Cela ne permettrait pas de payer les impôts fonciers. 20 $ l'acre permettrait de payer l'azote que nous avons utilisé pour la récolte de l'an dernier. J'ai dit «Que diriez-vous de 10 $»? Il a répondu «Quelque chose comme cela». Je lui ai dit «Préféreriez-vous avoir 10 $ dans vos poches maintenant et une frontière américaine qui vous est interdite pour les cinq prochaines années»? Il a répondu «Je vois ce que vous voulez dire». L'accès des marchés est beaucoup plus important pour son exploitation que le montant de 10 $ l'acre qu'il mettrait dans ses poches maintenant. Je pense que nous devons en tenir compte.

Nous devons être conscients de l'importance des sommes que les Européens et les Américains utilisent. Nous ne pouvons commander leurs politiques intérieures, mais nous les utilisons dans les forums sur le commerce international. Je pense que l'actuel gouvernement fédéral fait ce travail. Je pense que les ministres Marchi et Vanclief examinent de très près ces secteurs à l'échelle internationale. Nous pouvons certainement mettre à votre disposition le forum conjoint d'ententes conclues le 25 septembre à Banff entre les 50 associations professionnelles agricoles qui s'y trouvaient. C'est ce que nous avons remis au ministre Vanclief et à M. Goodale ici au Canada, ainsi qu'aux politiciens américains. Nous avons reçu un très bon accueil et nous avons établi un certain nombre de domaines où il était possible de parvenir à une harmonisation. Je n'élimine pas les autres politiques, mais soyons prudents dans nos demandes. Dans l'industrie du blé, du point de vue de l'ouest du Canada, l'actuel programme dont nous parlons pourrait ne pas laisser beaucoup pour les agriculteurs de l'Ouest canadien.

Le sénateur Sparrow: Je pense que l'on a répondu à la plupart de mes questions. Premièrement, votre programme en huit points est excellent. Je n'y trouve rien à redire. Évidemment, on pourrait peut-être apporter des précisions ici et là, mais je pense que c'est un très bon programme. Par contre, nous avons besoin d'une solution rapide. À Ottawa, nous avons parlé de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'étalement sur trois ans, mais nous avons une situation catastrophique dans certaines régions. Lorsque nous parlons d'inondations catastrophiques au Canada ou de quoi que ce soit d'autre, nous trouvons de l'argent et nous venons en aide à certains groupes lorsque cela se produit. Je pense que nous pouvons vraiment dire de certains secteurs de l'industrie agricole qu'ils sont maintenant dans une situation catastrophique. Je pense que quelque chose doit être fait rapidement à cet égard. Je suis convaincu que le gouvernement fédéral devra probablement faire quelque chose, faire une déclaration, avant la fin du présent exercice afin que l'argent puisse être entre les mains des agriculteurs au tout de début de l'année prochaine. Au moins, ils sauraient ce qui les attendrait pour ce qui est des intrants de la campagne agricole de l'année qui vient.

Nous ne semblons disposer d'aucune façon de déterminer de quelle façon l'argent parviendra à ces personnes qui sont devant une catastrophe. Les plus grands problèmes sont en particulier dans le secteur des céréales, dans le secteur du blé, et ce surtout en Saskatchewan. L'industrie du porc, évidemment, partout au pays est dans une situation catastrophique. Est-il possible que vous puissiez dire entre maintenant et la fin de décembre que le gouvernement devrait faire quelque chose, devrait mettre sur pied un plan ou un programme pour s'occuper de ces catastrophes, au lieu de procéder à un étalement sur trois ans et tout le reste? Pensez-y un instant.

Il n'y en a pas un parmi nous qui soit certain de ce qui se produira dans l'industrie agricole. Dans l'industrie agricole, dans les industries des céréales et du bétail, le cycle est toujours là. Il va et il vient. Il peut fort bien être de trois ans, il peut être de cinq ans, mais nous savons que ce cycle comporte des prix élevés et des prix bas. Toutes ces années où j'ai été un exploitant agricole, j'ai constaté que l'industrie du porc est la plus volatile.

J'ai entendu tellement de gens dans mon coin de pays dire que l'industrie du porc est la voie de l'avenir. Ils ont construit de grandes porcheries. À l'époque, les grandes porcheries étaient pour 500 porcs, 250 truies. Maintenant, on parle de 5 000 porcs. Le Wheat Pool s'en est mêlé et les chambres de commerce disent que c'est l'avenir. Il va y avoir une demande pour le porc que nous ne pourrons jamais satisfaire. C'était tout simplement tout à fait irréaliste, et ce l'est toujours parce que, peu importe ce qui arrive, le cycle va et vient. Certaines facettes ont convaincu le milieu agricole d'investir beaucoup dans l'industrie du porc, et ceux qui l'ont fait sont sur le point d'être ruinés. Cela reviendra dans un an ou an et demi, et ce sera tout un marché pendant trois ans. Puis la même chose se reproduira.

Je ne comprends pas ce que nous faisons dans l'industrie agricole pour attirer cela. Dans l'industrie du porc, par exemple, on disait que le marché asiatique prendrait tout ce que nous pouvions produire. C'est ce qu'ils ont proclamé en Saskatchewan et au Manitoba, et dans d'autres endroits. Logiquement, si le marché était si formidable, vous savez que les milieux agricoles de l'Illinois, du Wisconsin, de l'Argentine, du Danemark et de l'Europe se lanceraient sur ce marché. Ils produiront des porcs jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place dans la porcherie. Ils peuvent en produire jusqu'à ce qu'il y ait un excédent, si le marché est là. Mais nous avons encouragé le milieu agricole à prendre de l'expansion dans ce secteur. Nous avons fait cela, mais qu'est-ce qui se produit vraiment?

Le petit producteur au Québec et en Ontario sera tout particulièrement en difficulté parce que c'est ce qui a été son gagne-pain pendant des années. Il a été capable de soutenir le cycle, mais le cycle est maintenant dans un tel creux qu'il ne pourra pas survivre. Nous devons examiner cet aspect partout au Canada. Il ne fait aucun doute que nous devons affecter des sommes réservées aux situations de crise pour ce marché maintenant.

Nous devons examiner l'industrie du blé et dire la même chose. Nous allons perdre des agriculteurs. J'ai déjà déclaré, et d'autres l'ont fait également au cours des cinq dernières années, que nous allons perdre de 20 à 30 p. 100 de nos agriculteurs. Eh bien, nous les avons perdus. Ils sont partis. Ces jeunes gens ont abandonné l'agriculture. Dans le cycle de cette année, nous allons perdre beaucoup plus si rien n'est fait. Voulons-nous que notre avenir soit rempli des fermes constituées en sociétés extrêmement grandes dont tout le monde parle toujours? En fait, ce scénario devient de plus en plus près de la réalité maintenant. Il n'y aura plus de jeunes dans l'industrie agricole, certainement en Saskatchewan, certainement dans l'Ouest canadien.

Pendant très longtemps j'ai favorisé ce que j'estimais être la notion de ferme familiale. C'était très difficile de définir une ferme familiale. Quelle grosseur votre exploitation doit-elle avoir et quel type de revenu devez-vous en tirer? J'estime que nous avons tout simplement abandonné l'idée d'avoir une ferme familiale. Maintenant, nous devons avoir un revenu dans le marché des produits primaires pour qui que ce soit qui est dans cette entreprise, qu'il s'agisse d'une société ou d'autre chose. Nous avons besoin de ces dollars pour notre économie. J'ai fait une expansion plus importante que ce que je voulais, mais je pense que je dirais au ministre de l'Agriculture qu'entre maintenant et le 31 décembre, c'est ce qui doit se produire. Vous allez aller droit au ciel si vous présentez ce programme.

Le sénateur Whelan: Autrement, vous savez où vous irez.

M. Maguire: Il est très difficile de composer avec tout ce secteur. Comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes un produit qui a été pris dans une crise financière mondiale. On revient à l'époque où j'ai vu la dernière guerre commerciale sur les céréales et à quel point elle nous a touchés, des mesures provisoires à mettre en place là. Ils ont peut-être gardé quelques petites collectivités dans la plupart des régions rurales. Oubliez les agriculteurs individuels, ils ont sauvé des collectivités entières.

Un agriculteur m'a parlé d'une marche de protestation avec d'autres agriculteurs devant l'Assemblée législative du Manitoba il y a 10 ans. J'étais d'accord avec cela; j'ai également marché. Tous les secteurs étaient touchés. L'autre jour, cet agriculteur a appelé notre vice-président et lui a dit que si nous allions à Ottawa et demandions un programme spécial pour l'industrie du porc, comment allions-nous justifier qu'une exploitation de 1 200 truies allait être aménagée près de chez lui? Ces gens vont obtenir un paiement pour une porcherie flambant neuve qui est construite au sein d'une industrie à une époque où on connaît des prix planchers records. Je ne dis pas que l'industrie du porc n'est pas en difficulté, sénateur Sparrow, mais que c'est très difficile et que cela démontre le déséquilibre que ces choses peuvent créer. C'est un peu comme la situation commerciale. Aimeriez-vous plutôt avoir 10 $ maintenant ou avoir un accès à long terme? Je suppose que nous appuyons le processus du gouvernement fédéral pour ce qui est du commerce, et nous avons appuyé le ministre Vanclief en rapport avec les efforts qu'il a déployés à l'égard de ces programmes spéciaux jusqu'à maintenant, que cela a été difficile. Cela a été difficile au Canada, mais il y a eu quelques points forts cette année également. Le prix du blé est déjà meilleur qu'il était au milieu d'août. Vous pouvez immobiliser les profits sur les porcs pour avril si vous envisagez la gestion de votre engraissement. Ce n'est pas comme si on ne disposait pas d'outils dans ce domaine aujourd'hui. Nous disons que nous avons besoin d'accroître le nombre d'outils que les agriculteurs peuvent utiliser.

Lorsque j'étais à Washington, un des types a dit que les politiciens se font réélire en fonction du montant d'argent qu'ils dépensent. Je dirais qu'il n'est pas venu au Canada depuis plusieurs années parce que notre association a cherché à implanter une responsabilité financière, des restrictions financières, et le budget est maîtrisé. Nous pourrions toujours faire plus, mais lorsqu'il s'agit d'un paiement spécial et d'un mécanisme spécial, c'est tellement difficile à cibler. C'est tellement difficile de le faire. Voilà pourquoi nous disons que si nous pensons que quelque chose peut être fait, que ce le soit en fonction des programmes actuels. Je veux dire que ce n'est peut-être pas tout le monde qui sera visé et en profitera et en retirera le même nombre de dollars à l'acre. C'est difficile. Mais si vous songez à quelque chose de l'ordre de 100 millions de dollars à 150 millions de dollars pour l'Ouest canadien, ou même si c'est la moitié de ce dont la FCA parle, faites-le par l'entremise des programmes actuels. Je reviens à l'Alberta. Si vous examinez les données en ce qui concerne l'Alberta au sujet du programme fédéral, ce serait environ 100 millions de dollars cette année, ce qui se traduirait par 350 millions de dollars en Saskatchewan. L'équivalent serait environ de 35 millions de dollars à 45 millions de dollars au Manitoba, et vous auriez un programme de l'ordre de 500 millions de dollars environ qui ciblerait ces secteurs. Nous pensons que c'est une meilleure façon de faire par rapport aux types de soutien, si vous préférez, qu'il faut mettre en place aujourd'hui sans concevoir un nouveau programme.

Le sénateur Whelan: J'aimerais vous remercier, monsieur Maguire et monsieur Menzies, beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous examinerons vos témoignages et nous espérons formuler une recommandation au gouvernement.

M. Menzies: Merci beaucoup de nous avoir invités. Merci de vous intéresser à cette question. De toute évidence, je ne vous envie pas pour la décision que vous devez prendre. Nous aimerions bien vous donner une vraie solution solide du genre «vous faites ceci et tout le monde en profitera», parce que c'est une question très vaste. Nous espérons que nous avons à tout le moins été en mesure de vous communiquer certains renseignements quant à ce qui se passe dans le secteur des céréales. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos décisions. Merci encore une fois de nous avoir accueillis.

La séance est levée.


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