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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 3 décembre 1998

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 h 07, pour examiner la situation actuelle et l'avenir de l'agriculture au Canada, compte tenu des effets des subventions internationales sur les revenus agricoles.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous avons été informés de la situation très sérieuse de l'agriculture d'un bout à l'autre du Canada, notamment dans les secteurs du porc et du grain.

Ce matin, nous sommes heureux d'accueillir Mme Sally Rutherford, la directrice générale de la Fédération canadienne de l'agriculture, et Jennifer Higginson, analyste des politiques de commerce.

Mme Sally Rutherford, directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture: Nous voudrions aujourd'hui vous parler de l'orientation que prendra, selon nous, l'Organisation mondiale du commerce d'ici quelque temps; du genre d'entente que nous voulons; et des éléments que devrait comprendre une telle entente. La mise en garde que nous voulons faire, c'est que c'est un processus fluide. Plus le temps passe, plus la pensée de nos membres évolue et plus notre point de vue évolue lui aussi.

À mesure que nous approcherons de notre assemblée annuelle, à la fin de février, nous allons raffermir nos positions, tout en les modifiant en fonction de l'évolution de la situation. Un bon nombre des problèmes actuels s'amplifieront d'ici six mois, et nous allons les surveiller de très près. Ils pourraient influer sur des éléments de détail de notre position, mais notre position de base, comme Mme Higginson vous le dira, restera sûrement la même.

Mme Jennifer Higginson, analyste des politiques de commerce, Fédération canadienne de l'agriculture: Je suis au service de la FCA depuis un certain nombre d'années. Je travaille principalement sur la politique de commerce et je collabore certainement de façon très étroite avec votre comité chargé du commerce. Une réunion de ce comité peut regrouper entre 15 et plus de 50 personnes, selon le sujet à l'étude.

Le comité se réunit environ six fois par année, selon les questions dont il est saisi. Nous élaborons notre politique par consensus au sein de nos membres. Il faut beaucoup de temps et d'efforts pour en arriver à un consensus. En ce qui concerne la politique de commerce, c'est ce qu'il faut faire; discuter des questions, convoquer tout le monde à la table afin de trouver des solutions acceptables pour tous.

Je parlerai des futures négociations sur l'agriculture qui, à ce que l'on dit, seront amorcées à l'automne, l'an prochain. L'entente sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, aussi bien que sur les services, sera également négociée, et les négociations devraient commencer à la fin de l'année prochaine.

On a soulevé un certain nombre de questions quant à la portée des prochaines négociations, mais cela reste à clarifier. Nous savons, avec certitude, que les questions agricoles, sanitaires, phytosanitaires et les services seront compris dans les négociations. Cependant, il y a sûrement eu des discussions quant à l'inclusion des biens industriels dans ces négociations. Selon la portée de la ronde à venir, cela modifierait à coup sûr la dynamique ainsi que la durée, voire l'issue, des négociations.

Je vous parlerai de l'élaboration des questions relatives aux éléments clés de notre politique de commerce actuelle et de l'accès au marché -- c'est-à-dire l'exportation des produits canadiens sur les marchés étrangers.

Je parlerai aussi des subventions à l'exportation. Même si une entente a été conclue la dernière fois sur une réduction de 36 p. 100 de la valeur et de 21 p. 100 du volume, les subventions existent toujours. Au moment où nous entrons dans une période de baisse des prix, nous allons sûrement assister à une recrudescence du recours aux subventions à l'exportation.

Je vous parlerai également du soutien que nous accordons à notre industrie. Je ne doute pas que vous êtes tous des experts dans ce domaine après la série d'audiences que vous avez tenues sur les subventions internationales. J'en toucherai aussi un mot, car c'est une question extrêmement importante.

J'aborderai également la question des barrières non tarifaires. Il commence à en surgir depuis quelques mois, et celles-ci nous empêchent de profiter de certains des accès au marché qui avaient été négociés lors du dernier cycle de négociations. Nous devons tirer des leçons de l'Uruguay round et mettre cette expérience à profit dans les négociations qui s'en viennent.

L'un des points de convergence des dernières négociations a été la création d'un groupe spécial de règlement des différends. Cette mesure a eu un effet très bénéfique sur nos producteurs et sur le Canada, à titre de petit et moyen pays. Grâce à ce groupe, le Canada a pu défendre les acquis du dernier cycle de négociations ainsi qu'un certain nombre de structures faisant partie des systèmes que nous utilisons.

L'accord précédent prévoyait qu'un pays signataire pouvait bloquer n'importe quelle décision rendue par le groupe spécial, mais cela n'est plus le cas dans l'accord actuel. Cela marque une nette amélioration pour le Canada. Il sera intéressant de voir comment l'affaire des hormones va se régler avec l'Union européenne. Si elle avait pu bloquer la décision, elle l'aurait sûrement déjà fait. Cela lui pose de gros problèmes de ne pas pouvoir bloquer la décision du groupe spécial, conformément à ce qui a été convenu lors du dernier cycle de négociations.

L'essentiel c'est de disposer de règles qui ont force exécutoire. Il faut que les règles commerciales internationales que nous approuverons aient force exécutoire. C'est très important pour un pays de la taille du Canada, qui est un exportateur net.

Quant à la position de négociation du Canada, à la FCA, nous estimons que le Canada doit viser principalement deux objectifs à l'approche du prochain cycle de négociations. L'un de ces objectifs est l'amélioration de l'accès aux marchés, sans cependant perdre de vue qu'un certain nombre de produits de base présentent également un intérêt national. Ces produits sont les mêmes pour presque tous les pays qui participeront à ces négociations. Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'en déroger, car c'est sur cette question que les négociations vont finir par porter.

Nos objectifs sont réalisables. Ils ne sont ni hypocrites, ni incompatibles. Tout pays exportateur qui entreprend des négociations a deux buts. Même les pays qui prétendent ne rien rechercher d'autre que la libéralisation commerciale laissent clairement voir, par leurs actions, qu'ils sont prêts à aller très loin pour défendre leurs intérêts nationaux. On le constate chez certains de nos voisins, les Américains, par exemple, en ce qui concerne le sucre, le tabac, les arachides et le coton. Ces ardents défenseurs de la libéralisation n'hésitent certes pas à prendre les grands moyens pour protéger leurs industries nationales.

Pendant que nous élaborons notre position en prévision des prochaines négociations, nous ne devons pas nous enfermer dans l'idée qu'il faut, dès le début des négociations, avoir trouvé une solution -- ou dégagé un consensus -- à l'égard de chacune des questions qui pourraient être soulevée.

La dernière fois, lors de l'Uruguay Round, le Canada a mis cartes sur table presque tout de suite, dans les deux ou trois semaines qui ont suivi l'ouverture des négociations. Or, celles-ci ont duré un certain nombre d'années et, au bout de deux ou trois ans, on en est arrivé à l'accord Blair House entre l'Union européenne et les États-Unis. En rétrospective, je pense que, si le Canada avait pu deviner ce que cet accord allait prévoir, il aurait adopté une position différente deux années plus tôt.

Nous devons faire le bilan du dernier cycle de négociations et songer à la façon dont nous aborderons le prochain cycle. Il n'est pas nécessaire d'aplanir toutes les difficultés dès maintenant. Nous avons besoin d'arriver à la table de négociation avec une position ferme, solide et crédible. La négociation est cependant un processus fluide. Avant d'étaler nos cartes sur la table, nous devons attendre de connaître les positions d'autres pays.

Je vais maintenant vous entretenir brièvement du soutien national. Vous avez déjà entendu parler des niveaux de soutien à l'échelle nationale et internationale. D'après ce que nous avons pu voir, les subventions à l'exportation versées aux agriculteurs canadiens ont beaucoup diminué depuis une dizaine d'années. C'est de notoriété publique, vu les notifications de l'Organisation mondiale du commerce.

Nous avons constaté qu'on peut dépenser sans compter dans le domaine de l'écologie. C'est-à-dire que l'obligation de réduire les dépenses ne s'applique pas aux programmes dits verts. Des réductions de dépenses de l'ordre de 20 p. 100 ont été exigées lors des dernières négociations à l'égard des programmes de catégorie ambrée.

La catégorie de programmes «bleue» a vu le jour après que les États-Unis et l'Union européenne eurent conclu l'entente Blair House. Quant à nous, ces programmes entrent dans la catégorie ambrée, comme cela était le cas avant l'entente Blair House, mais ils ont été classés dans une catégorie à part, laquelle n'est pas assujettie à l'obligation de réduire les dépenses. Je crois qu'il n'y a que l'Union européenne qui a des programmes de catégorie bleue en ce moment, mais ceux-ci ne sont assujettis à cette obligation.

Sur le chapitre du soutien ambré, nous ne dépensons que 15 p. 100 du maximum autorisé. Cela veut dire que nous avons réduit nos dépenses de 85 p. 100 depuis les dernières négociations. Par contre, l'Union européenne, elle, dépense encore 60 p. 100 du maximum autorisé. Notons qu'à notre avis, avis que semble d'ailleurs partager notre négociateur, si l'on avait pu faire disparaître la catégorie bleue lors des dernières négociations, on l'aurait fait.

Bleu, ambré, c'est pas mal du pareil au même. Les États-Unis consacrent aux programmes de catégorie bleue -- c'était du moins le cas en 1995 -- 30 p. 100 du maximum autorisé pour la catégorie ambrée. Quant à l'Union européenne, c'est 27 p. 100 du maximum autorisé qu'elle y consacre. Ces programmes ne sont pas assujettis à l'obligation de réduire les dépenses, mais ils ont néanmoins un effet de distorsion sur les échanges.

En ce qui concerne les programmes dits verts, le Canada y consacre environ 8 p. 100 de la valeur de notre production, comparativement à 24 p. 100 aux États-Unis. Au sein de l'OMC, l'actualisation du mécanisme de déclaration prend quelques années, si bien que ces chiffres sont en fait ceux de 1995. Ils ne tiennent donc pas compte des six milliards de dollars que les Américains ont investis cette année dans leurs programmes, ni des sommes additionnelles que l'Union européenne a investies dans les siens.

À notre avis, les dispositions relatives au soutien national convenues lors du dernier cycle de négociations, lesquelles prévoyaient une réduction de 20 p. 100 des dépenses dans la catégorie ambrée, ne contribueront guère à rendre les règles du jeu plus équitables. La marge de manoeuvre que permet ce 20 p. 100 est énorme, et le Canada a déjà réduit ses dépenses. Or, les autres pays ne sont pas pressés de s'acquitter de leurs obligations en cette matière dans la même mesure que le Canada.

Pour ce qui est des subventions à l'exportation, de toutes les formes de soutien national et de subventions, elles sont assurément celles qui faussent le plus les échanges. Au départ, ces subventions faisaient partie de la catégorie rouge. On a convenu de réduire la valeur de tels programmes de 36 p. 100 et leur volume de 21 p. 100. Le Canada les a complètement abolis. Un an ou deux après la signature de l'accord, nous les avions complètement éliminés. Il ne fait aucun doute que nous avons une énorme longueur d'avance sur beaucoup des 136 autres pays de l'OMC.

En cette période caractérisée par de très bas prix que l'on connaît depuis quelque temps, on remarque que l'Union européenne -- et les États-Unis dans une moindre mesure -- ont recommencé à verser des subventions à l'exportation. Je rappelle que les réductions n'étaient de que de 36 p. 100 et de 21 p. 100. On n'a pas senti le besoin de recourir à ce genre de subventions durant les années qui ont suivi immédiatement la signature de l'accord parce que les prix étaient excellents, et les subventions à l'exportation plutôt modestes; il n'y avait donc pas de problème. Voilà maintenant que ces pays mettent en oeuvre des programmes de subventions à l'exportation.

Malheureusement, on semble donner au texte de l'accord une interprétation qui diverge un peu de son intention première. L'Union européenne a utilisé plus tard la portion des subventions à l'exportation qui n'avait pas été utilisée au cours des premières années, ce qui a contribué à la chute du prix mondial, rendant la vie encore plus difficile à nos exportateurs qui essayaient de faire concurrence aux marchés internationaux tandis que les prix baissaient.

L'emploi fait du crédit à l'exportation et de l'aide alimentaire sont également un sujet d'inquiétude. Le crédit à l'exportation a fait l'objet de discussions lors du dernier cycle de négociations, mais cette question a été renvoyée à l'Organisation de coopération et de développement économique. Ces négociations sont pour ainsi dire tombées à l'eau, surtout en raison du refus opposé par les États-Unis aux règles et conditions applicables au crédit à l'exportation.

Nous avons vu quelques-unes des fins auxquelles ce crédit peut servir et nous craignons que son emploi ne se limite pas à la durée du produit. Quand on accorde un crédit à l'exportation, celui-ci ne devrait pas dépasser la durée du produit auquel il s'applique. Dans le cas du grain, la durée est d'un an, trois au plus. On ne parle pas de 20 ou 30 ans, car cela serait une subvention à l'exportation déguisée. Nous voulons nous assurer que des règles viennent régir l'emploi du crédit à l'exportation pour que celui-ci ne soit pas une subvention déguisée et qu'il serve à des fins commerciales.

Nous sommes en faveur de l'aide alimentaire. Mais l'aide alimentaire ne doit pas être conditionnelle, ni prendre la forme d'un parachutage de produits sur les marchés commerciaux pour voler des ventes.

Si les prochaines négociations conduisaient à l'élimination des subventions à l'exportation, ce que nous souhaitons vivement, il faudrait veiller à ce que le recours aux subventions à l'exportation soit réduit le plus possible. Nous ne voudrions pas que le crédit à l'exportation serve à créer des subventions à l'exportation déguisées.

Pour ce qui est de l'accès au marché, nous voulons que les garanties en cette matière se traduisent par un accès réel, pas seulement un accès sur papier; nous voulons pouvoir livrer notre marchandise sans être retardés à la frontière par quelque barrière non tarifaire, comme des mesures sanitaires ou phytosanitaires. Nous avons trouvé inquiétante la façon dont des groupes de producteurs ont donné des licences d'importation au plus offrant. Ces groupes sont souvent chargés de distribuer les licences d'importation, mais ils ne sont pas du tout intéressés à attirer des produits concurrents sur le marché. Cela rend les choses bien difficiles, et c'est ainsi que l'on voit apparaître les contingents tarifaires à taux inférieur.

En ce qui concerne la réunion des lignes tarifaires, l'Union européenne a réuni un certain nombre de produits carnés sous une même ligne tarifaire et considéré que le niveau de consommation de 5 p. 100 était conforme aux exigences en matière d'accès minimum. Les pays européens ont donné accès à certains produits, mais pas à leurs produits sensibles. Ils n'importent pas beaucoup de porc. Malheureusement, le porc s'étant retrouvé parmi d'autres viandes, il leur est difficile de profiter des ouvertures qui ont été négociées lors des dernières négociations.

Le Canada a dépassé le niveau d'accès minimum fixé à 5 p. 100 à l'égard de tous les produits de base soumis à la gestion de l'offre, conformément aux dispositions de l'ALENA. Nous avons été honnêtes et transparents, et nous avons accepté tous les produits d'importation visés par nos contingents tarifaires.

Une des priorités en matière d'accès au marché pour les céréales et les oléagineux est non seulement l'accès au marché, mais l'égalité d'accès pour des produits concurrentiels et entre matière première et produit transformé.

Ainsi, le colza canola devrait bénéficier d'un accès équivalent à celui du soya américain. Si les Américains ont négocié l'accès au marché, alors un même taux de droit devrait s'appliquer au canola. Le taux applicable à l'huile de colza devrait être le même que celui qui s'applique aux graines. Cela est certes d'une grande importance pour nos exportations.

En ce qui concerne les barrières non tarifaires et les mesures sanitaires et phytosanitaires, surtout en ce moment où les prix sont bas et que de nombreux pays cherchent à protéger leurs intérêts nationaux, les normes d'inspection vétérinaire commencent à faire problème. Des normes environnementales surgissent. Les normes changent brusquement.

Les OGM aident à commercialiser nos produits sur certains marchés parce qu'ils sont fabriqués non pas au moyen de procédés scientifiques, mais à partir d'organismes génétiquement modifiés. Le marquage des hormones pose des difficultés. Il y a une variété de barrières non tarifaires, comme en témoigne l'expérience récente du Dakota, qui avait du mal à s'approvisionner en porc et en boeuf à cause des inspections. Toute la question des barrières tarifaires sera très importante dans le cadre des prochaines négociations. Ces problèmes, quelque complexes qu'ils soient, doivent être réglés. Il faudra s'assurer que l'accès au marché qui aura pu être négocié soit réel et qu'il ne sera pas entravé par des barrières non tarifaires.

Nous nous doutons bien que les États-Unis vont s'en prendre aux entreprises commerciales d'État. Il est très important que nos producteurs puissent continuer de choisir les structures de marketing qu'ils veulent, que ce soit la Commission canadienne du blé ou n'importe quelle autre agence ou structure de mise en marché.

Depuis le temps que la Commission canadienne du blé fait l'objet d'enquêtes, il a été prouvé hors de tout doute qu'elle est régie par un ensemble de règles claires et limpides. Nous devons faire en sorte que les producteurs puissent utiliser les structures de marketing qu'ils veulent.

Le président: Vous avez mentionné que le Canada avait une longueur d'avance sur les autres pays quant au respect des obligations énoncées lors de l'Uruguay round. Franchement, en tant qu'ami de la Fédération de l'agriculture, je vous dirai que les agriculteurs ont l'impression que nous sommes loin derrière. Bref, nous avons pris des mesures et tout révélé, mais les autres pays n'en ont pas fait autant. Cela me paraît une toute nouvelle façon de procéder.

Quel rôle la Fédération a-t-elle joué dans ces négociations?

M. Gifford a déclaré ici même que tous les pays avaient mis sur la table ce qu'ils pouvaient offrir. Nous avons offert de renoncer aux tarifs marchandises. Nous avons, vous et moi en conviendrons, donné notre pleine mesure, mais n'avons rien obtenu, ou si peu, en retour. Le Marché commun européen subventionne à 103 p. 100, ce qui correspond à 175 $ l'acre. Il ne nous reste presque plus de marge de manoeuvre pour négocier parce que nous avons tout donné. C'est grave.

C'est le point de vue des agriculteurs. Je suis agriculteurs et je représente ici les agriculteurs.

Mme Higginson: Nous nous entendons, je crois, pour dire que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest fait partie de ce que nous avons concédé. Mais cette mesure ne découle pas de l'accord de l'OMC. Nous n'étions tenus que de réduire la valeur des subventions à l'exportation de 36 p. 100 et d'en réduire le volume de 21 p. 100. La décision de les éliminer est une décision intérieure que le gouvernement a prise. Nous avions six ans pour réduire nos subventions à l'exportation de 36 p. 100, mais nous avons décidé de les réduire de 100 p. 100 dès la première année. L'accord de l'OMC n'est donc pas en cause, et nous n'avons pas fait de pressons en ce sens non plus.

En ce qui concerne les agriculteurs, il ne fait aucun doute qu'ils ont l'impression que nous avons tout donné lors des dernières négociations et que nous n'avons pas obtenu grand-chose. Mais, à bien y penser, ce n'était pas nécessairement dans cet esprit que nous avons tout donné. Nous l'avons fait à titre gratuit.

Le président: La Fédération est-elle intervenue au nom de la collectivité agricole? Estimez-vous avoir eu votre mot à dire dans les négociations et les ententes qui ont été conclues? Les groupes d'agriculteurs ont-ils été suffisamment représentés?

Mme Rutherford: Chose certaine, ce ne sont pas les occasions de communiquer avec les négociateurs et d'exprimer notre point de vue qui ont manqué. En fait, le gouvernement canadien s'est inspiré de la position qui s'est dégagée de la table de la FCA sur le commerce pour élaborer sa position sur l'agriculture.

Le point soulevé par Mme Higginson est très important. En fait, le Canada avait de gros problèmes financiers et le choix qu'il a fait de mettre un terme à ces programmes était entièrement basé sur une décision financière interne distincte de ce qui avait été entendu dans le cadre de l'OMC. À mon avis, il est important de ne pas l'oublier. Pour ce qui est de la mise en oeuvre de ces ententes dans le cadre de notre situation financière, nous n'avons rien donné que nous ne pouvions nous permettre de donner. On s'entend pour dire que la situation financière dans laquelle le Canada se trouvait exigeait qu'on prenne certaines mesures.

Il est évident que les mesures adoptées et la façon dont elles ont été réparties n'ont pas plu à tout le monde. La façon expéditive avec laquelle on a mis un terme aux subventions accordées en vertu de la LTGO a sans contredit soulevé des problèmes et des préoccupations. De nombreuses discussions ont eu lieu sur le bien-fondé de la distribution des fonds.

Il faut être très prudent puisque nous en revenons aux discussions que nous avons déjà tenues. Nous devons nous assurer de ne pas comparer des pommes et des oranges, de ne pas mêler les résultats des ententes commerciales telles qu'elles ont été rédigées et les décisions politiques du gouvernement. Tous les pays ont pris ce genre de décisions, tant au niveau des négociations qu'à celui du genre de programmes qu'ils offraient. Tous les pays ont fait des choix, particulièrement en ce qui a trait aux aptitudes et à la volonté politique qui sous-tendent ce genre de choix.

Le sénateur Whelan: Mon opinion sur l'OMC, l'ALENA et toutes ces grandes organisations internationales n'est un secret pour personne. Sur papier, cela semble extraordinaire, mais en pratique, les choses ne sont pas toujours aussi roses. Par exemple, lundi dernier, Peter Scher, l'ambassadeur des États-Unis pour le commerce agricole -- j'ai bien dit «l'ambassadeur des États-Unis pour le commerce agricole», certains pourraient considérer cela comme une subvention, mais le Canada n'a pas nommé un tel ambassadeur -- a dit que les États-Unis tenteraient de faire adopter un programme international visant l'élimination progressive des subventions accordées aux produits agricoles au cours de la prochaine série de négociations. Quels sont vos commentaires à cet égard? Quelle crédibilité, le cas échéant, accordez-vous à ce genre de déclaration faite par l'ambassadeur pour le commerce?

Mme Higginson: En ce qui a trait aux affirmations des représentants américains, reste à voir s'ils tiendront leurs promesses. Nous demandons l'élimination des subventions accordées aux exportations et eux demandent l'élimination des subventions accordées aux exportations dans le cadre d'une libéralisation beaucoup plus importante du commerce. Toutefois, nous n'accordons aucune subvention à l'exportation alors qu'ils le font.

Le sénateur Whelan: Vous ne répondez pas à ma question. Je veux savoir si vous croyez ce qu'il dit.

Mme Rutherford: Je crois qu'il l'a dit. Les Américains ont une façon assez intéressante de faire les choses. Aux États-Unis, l'agriculture est un dossier encore plus politique qu'il ne l'est au Canada si c'est possible. Aux États-Unis, comme au Canada d'ailleurs, il y a plusieurs groupes qui obtiennent plus ou moins d'appui. L'élimination des subventions aux exportations est bien sûr l'un des objectifs visés.

Toutefois, on ne sait pas comment ils définiront l'élimination des subventions à l'exportation. Ils peuvent avoir l'impression qu'ils proposent l'élimination des subventions à l'exportation alors qu'à notre avis, comme à celui d'autres pays, ils pourraient bien ne pas le faire du tout, du moins pas rapidement ni complètement. Il faudrait vérifier tous les détails, mais pas maintenant, plus tard, pour déterminer les résultats réels.

Le sénateur Whelan: Je reprends cette question parce que le fait que ce soit leur ambassadeur chargé du commerce agricole qui fasse ce genre de déclaration me préoccupe grandement. Il semble également que ce dernier défende la caution de 6 milliards de dollars en soulignant que les pays doivent appuyer leurs agriculteurs sans imposer quoi que ce soit aux autres.

Comment peuvent-ils y arriver? Est-ce réaliste?

Mme Rutherford: Sénateur, nous espérons vraiment que, cet après-midi, M. Vanclief nous dira que nous ferons exactement la même chose ici. Honnêtement, je crois que les gouvernements ont l'obligation d'appuyer leurs citoyens. Dans le domaine de l'agriculture, ce ne sont pas seulement les citoyens, ou une seule industrie, qui reçoivent un appui. C'est toute la collectivité. Si c'est la façon des Américains de voir les choses, je dois dire qu'elle n'est pas bien différente de la nôtre.

Il faudra faire bien attention dans l'avenir pour ne pas créer une escalade d'appuis comme on pouvait en constater avant la mise sur pied de l'OMC. Ce serait très destructeur et ce n'est certainement rien que l'on doive rechercher. Toutefois, personne n'aurait pu s'attendre à ce que nous nous retrouvions dans la situation dans laquelle nous sommes à l'heure actuelle, même il y a quelques mois à peine.

Tous les pays se rendent compte qu'il y a parfois des situations inévitables. Je n'appuie certes pas les largesses qu'ils ont autorisées, ni la façon dont ils l'ont fait. Toutefois, aux États-Unis, comme au Canada, certains secteurs ont besoin qu'on leur vienne en aide. En fin de compte, il ne faut pas simplement décider de venir en aide à l'industrie du porc ou à celle du grain. Nous devons nous pencher sur un appui global de l'infrastructure économique de grandes parties des régions rurales du Canada.

Le sénateur Whelan: Il a dit, et je le répète, qu'on devait apporter une aide, mais sans jamais nuire à un autre pays. Cet énoncé n'a aucun sens puisqu'ils ne peuvent faire autrement que de nuire à d'autres pays, particulièrement si l'on tient compte de la proximité de nos deux pays. Cette mesure nous nuit énormément. À mon avis, cela rend l'OMC et l'ALÉNA complètement inutiles. Ils ne servent à rien et pourraient bien disparaître.

Mme Rutherford: D'un autre côté, sénateur, je suis persuadée que vous ne voudriez pas voir le Canada restreint dans sa capacité à appuyer ses agriculteurs.

Le sénateur Whelan: Effectivement, je ne le voudrais pas. Toutefois, je ne crois pas au bien-fondé des subventions non plus. Je crois plutôt que les agriculteurs peuvent s'organiser eux-mêmes. Je suis certain que vous avez pris connaissance du rapport que le comité de l'agriculture a déposé à la Chambre des communes. On demande au système de la gestion de l'offre d'être souple, mais qui fait une telle demande? Le chef des producteurs de canola dit: «Nous allons vous laisser tomber. Nous devons vous utiliser comme monnaie d'échange parce que nous devons offrir quelque chose.»

Cette partie de notre communauté agricole est plutôt stable. Les consommateurs s'en tirent bien si l'on compare avec les prix du beurre exigés aux États-Unis en raison de la pénurie de gras de beurre dans ce pays. Simon Sigal, qui oeuvre depuis longtemps dans le secteur agricole et qui est maintenant consultant à Ottawa et président du Conseil canadien du canola a dit à la Chambre des communes le 19 novembre que les secteurs de l'exportation ne peuvent pas y faire grand chose. Cependant, il a dit que les tarifs de gestion de l'offre constituaient une cible évidente.

C'est un système aussi ancien que ce système primitif de troc qui avait cours dans le domaine agricole il y a des milliers d'années. L'OMC et l'ALENA fonctionnent toujours selon ce système. Je ne peux pas croire que nous acceptons cette situation.

Dans votre exposé d'aujourd'hui, vous dites que vous appuyez une mise en marché coordonnée. Mais vous dites également que vous comptez vous lancer dans ces marchés. C'est aussi ce qu'il dit. Il est prêt à se lancer dans ces autres marchés avec le canola, mais il est également prêt à donner les vaches, les poulets, les dindes et tous les autres produits dont il a la gestion. Sous la rubrique Accès aux marchés, vous avez dit:

Respecter entièrement les engagements d'accès minimal de l'OMC et adopter des dispositions qui permettront d'atteindre intégralement l'objectif de 5 p. 100 d'accès minimal en 2001 fixé lors des négociations d'Uruguay.

C'est également ce qu'il désire, mais il est prêt à donner quelque chose en échange. Les consommateurs s'en tirent bien. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'abandonner la gestion de l'offre.

Mme Rutherford: C'est le point de vue de M. Sigal, pas celui de la FCA. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'abandonner la gestion de l'offre.

Le sénateur Whelan: Prenez-vous le téléphone pour leur demander «Pour l'amour du ciel, qu'est-ce que vous faites? Qu'est ce que vous essayez de faire avec la partie la plus stable de l'agriculture qui n'a pas besoin d'aide ou de subventions.» Ces gens nous offrent les meilleurs produits que nous ayons jamais eus dans notre société.

Mme Higginson: Vous nous avez donné un exemple, mais il y a d'autres exportateurs qui ont témoigné devant les comités de la Chambre. Ils ont dit que nous devons analyser l'étendue de la prochaine série de négociations parce que les marchés qu'ils visent pour le grain et les oléagineux sont ceux du Japon ou des secteurs asiatiques ou de l'Amérique du Sud. Ces pays ne se penchent pas sur notre système de gestion de l'offre. Les États-Unis le font, mais nous avons déjà accès aux États-Unis. Ils aimeraient voir des négociations plus vastes qui toucheraient les biens industriels.

Le sénateur Whelan: Je sais que la FCA fait son possible. Comme je l'ai dit à Michael Gifford, aucune organisation agricole et aucun parti politique n'a jamais demandé que l'on fasse des concessions relativement aux produits laitiers en Uruguay, alors qu'ils auraient dû demander ce que les États-Unis ont demandé pour leurs produits laitiers. Nous ne l'avons pas fait au cours des négociations en Uruguay. Je me demande qui fera les négociations pour nous. Nous savons qui était derrière les Américains. Les plus grosses entreprises de transformation de produits alimentaires au monde étaient derrière eux pour leur dire quoi faire.

Le sénateur Stratton: J'aimerais qu'on tente de voir pourquoi ces subventions augmentent. Essentiellement, je présume que c'est en grande partie à cause de la récession ou des retombées de la crise asiatique. Ce que nous craignons toutefois c'est d'entrer dans le plus long boom de l'histoire des États-Unis en ce qui touche la reprise économique.

Dans une série d'articles, The Economist a affirmé en 1996 que les banques japonaises avaient des ennuis et qu'il y aurait de graves problèmes. Et cela s'est bien sûr concrétisé un an plus tard. Selon The Economist, les États-Unis se trouvent dans une économie d'abondance, c'est-à-dire dans les dernières phases de la reprise. Il semble très possible toutefois que cet essor s'essouffle. Si ce devait être le cas, il y aurait alors une récession à l'échelle mondiale.

Nous devons entamer les négociations pour l'OMC dans un an et je crois que celles-ci devraient durer environ trois ans. Dans cette optique et compte tenu du fait que nous amorçons les négociations avec des prix très bas, j'ai bien peur que dans le cadre de ces prévisions et de la crise qui sévit en Asie, l'Union Européenne ou les États-Unis n'aient pas envie ou le moyen d'éliminer les subventions. Si cette économie dite d'abondance qui a cours aux États-Unis venait à s'essouffler et que nous faisions face à une récession assez importante, comment pourrait-on s'attendre à ce qu'ils abandonnent les subventions?

Vous savez bien que c'est ce qui se passera. Je crois que nous le savons tous. Le seul fait de le reconnaître devrait nous aider à nous préparer dans ce sens. Je crois que The Economist a raison. Que croyez-vous qui va arriver, et le cas échéant, quelles sont vos recommandations?

Mme Higginson: Je dirais que nous espérons que les négociateurs fassent de gros efforts pour réduire les subventions à l'exportation, celles qui sont responsables du plus fort taux de distorsion. Nous considérons les subventions à l'exportation comme étant les pires; elles causent beaucoup plus de distorsion commerciale que certains autres genres de programmes de la catégorie verte. Nous devons donc identifier ce que nous voulons réduire ou éliminer au cours des prochaines négociations.

Si nous devions entreprendre des négociations et que vos prévisions étaient justes, il y aurait certainement une augmentation de l'aide interne. Nous sommes déjà témoins d'augmentations de toutes sortes à ce chapitre dans bon nombre des grands pays. Tout ce que nous pouvons faire est de travailler de concert avec les autres pays dont les budgets sont plus restreints, de réduire les dépenses et l'aide intérieurs et de nous pencher sur les subventions qui occasionnent le plus de distorsion commerciale sans réduire les prix internationaux et causer une distorsion à un niveau moindre.

Nous mettrions le plus possible de l'avant les priorités que nous aimerions voir adopter au début des nouvelles séries de négociations et de travail auprès de plusieurs de nos alliés.

On entend toujours parler de l'Union européenne et des États-Unis, mais il y a en réalité 136 pays qui participent aux négociations. On y retrouve aussi un certain nombre de pays en développement, le groupe Cairns et d'autres groupes qui aimeraient également voir une réduction importante au chapitre de l'aide intérieure et des subventions à l'exportation. Je crois que nous pouvons travailler dans cette voie de concert avec bon nombre d'alliés au cours des prochaines négociations.

Le sénateur Stratton: La question de l'office de commercialisation est un sujet qui en intéresse plusieurs. Les États-Unis veulent obtenir l'accès à nos marchés. Ils veulent pouvoir exporter leurs produits dans les secteurs protégés par nos offices de commercialisation et ils s'en serviront comme moyen de négociation. M. Gifford a souligné qu'il s'agissait d'une politique intérieure et non pas d'une politique qui relèverait de l'OMC. Néanmoins, les États-Unis feront de grands efforts parce qu'ils veulent obtenir l'accès à nos marchés. Croyez-vous que nous pourrions céder à ce sujet?

Si nous voulons réussir ce dont vous parliez précédemment, si nous nous engageons dans des négociations avec l'OMC dans le but de réduire les subventions, particulièrement pendant une période difficile au point de vue économique, ne devrions-nous pas alors céder dans un domaine comme l'office de commercialisation?

Mme Rutherford: Le système canadien de commercialisation ordonnée, qu'il s'agisse de la Commission canadienne du blé ou des produits qui relèvent du système de gestion de l'offre, n'a pas beaucoup de poids pour l'OMC. Les États-Unis ne sont pas seuls à la table de négociations. Il y a d'autres pays, dont les ÉU, qui ont recours à des systèmes de commercialisation ordonnée. Nous devons convaincre notre propre gouvernement et donc les négociateurs par l'intermédiaire des directives que le gouvernement leur donne, que les négociations n'auront pas de poids.

En ce qui a trait aux offices de commercialisation et à la gestion de l'offre, il s'agirait avant tout d'une question de réduction de tarifs. Il ne s'agit plus de l'article 11 ou d'autre chose de ce genre dont nous pouvons nous départir. C'est à nous de décider des secteurs dans lesquels nous sommes prêts à accepter des coupures de tarifs.

Si nous sommes prêts à prendre ces décisions à l'interne, il n'y a pas vraiment de problème. Seuls les États-Unis ont des problèmes à ce chapitre. Le Canada n'est pas le seul à se retrouver dans la mire des États-Unis. Nous croyons fermement que quoi que nous fassions, les États-Unis se plaindront quand même.

Les Australiens ont complètement modifié le fonctionnement de la commission du blé. Ils l'ont privatisée. Elle ne jouit plus d'un appui réel de la part du gouvernement. Il ne lui reste qu'un règlement et les États-Unis s'y attaqueront aussi. Il y a quelques années, au cours d'une rencontre de la Fédération internationale des producteurs agricoles à Washington, l'un des prédécesseurs de M. Scher a été assez direct et il a affirmé qu'ils n'aimaient pas la situation et que le fait que ce soit légal ou non n'y changeait rien. Si cela ne répond pas à leur façon de voir le monde, ils continueront de s'y opposer. C'est simplement le fait des négociations et ces dernières ne verront pas le Canada et les États-Unis s'opposer à la table de l'OMC.

Le sénateur Stratton: Je dois être d'accord avec vous à ce sujet. Je crois que nous aurons de nombreux pays de notre côté. Il n'en reste pas moins que nous dormons tout près de l'éléphant et que nous nous ne voudrions pas le voir rouler sur nous.

Le président: J'étais à la table avec M. Dunkel et Michael Wilson à titre d'observateur silencieux lorsque le gouvernement a défendu le chapitre onze. Il a dit: «Vous les Canadiens, d'un côté vous voulez un marché bien protégé et de l'autre, vous réclamez un système commercial ouvert, des échanges mondiaux et un marché libéralisé.» C'est l'opinion d'une bonne partie du monde.

Mme Rutherford: La situation est bien différente maintenant. Nous avons établi des tarifs pour tous les secteurs protégés. Il s'agit en fait de déterminer le niveau des tarifs. Les É.-U. ont un certain nombre de produits sur lesquels ils maintiennent les tarifs à un niveau élevé. Il y a également d'autres pays qui ont un certain nombre de produits sur lesquels ils maintiennent les tarifs à un niveau élevé.

Il n'est plus question de maintenir une règle exceptionnelle pour protéger certains produits. Chacun décide pour lui-même si c'est bon ou mauvais. Désormais, la situation est complètement différente. Il revient vraiment à chaque pays de décider comment il entend procéder. Pour ce qui est de l'échange de produits, sans vouloir critiquer M. Sigal, je considère assez simpliste l'opinion qu'il a défendue.

Le président: Je conviens que les possibilités sont limitées.

Le sénateur Hays: Bref, en ce qui a trait à la gestion de l'offre, vous avez notamment mentionné le sucre, le coton, le tabac et les arachides, qui sont des produits aussi subventionnés que le sont nos produits soumis à la gestion de l'offre.

J'ai une question supplémentaire à poser concernant l'observation du sénateur Stratton. Se pourrait-il que les États-Unis décident, bilatéralement et délibérément, d'abandonner ces produits en invoquant le principe qui, je crois, motive généralement les lecteurs de la revue The Economist et en disant: «Nous arrêtons cela et nous nous attendons à ce vous fassiez de même»? Est-ce une possibilité?

Le sénateur Fairbairn: Surtout dans le cas du sucre?

Mme Higginson: Les Américains n'ont aucune plan pour arrêter de subventionner et de protéger ces industries. Dernièrement, leur président a fait adopter un projet de loi selon lequel tout paquet de cigarette vendu aux États-Unis contient 50 p. 100 de tabac américain. Ainsi, quand on parle d'un pays qui protège ses intérêts, on doit reconnaître que le lobbying de ces produits est efficace. Les Américains vont se présenter à la prochaine ronde de négociations sans la moindre crainte, parce qu'ils ont l'appui de leur Congrès.

Le sénateur Hays: Merci de nous aider à mieux comprendre ce dossier vraiment complexe et difficile. Sommes-nous aujourd'hui dans la meilleure position possible pour nous engager dans ces négociations? Certains de vos propos m'incitent à vous demander si nous avons fait tout ce que nous pouvions pour mettre en application l'accord que nous pensions avoir conclu.

Vous avez cité deux exemples, soit le commerce du porc en Europe et les agences de vente. Dans le premier cas, l'action est offensive et dans l'autre, défensive. L'autre exemple qui me vient à l'esprit est l'utilisation de l'hormone de croissance dans l'élevage du boeuf et la décision du groupe spécial de l'OMC voulant que ce ne soit pas une mesure phytosanitaire, mais plutôt commerciale, et que cette pratique devait changer pour permettre l'importation de boeuf provenant de l'Amérique du Nord.

Corrigez-moi si je fais erreur, mais un pays est libre d'accepter ou de rejeter la décision du groupe spécial. Mais la rejeter peut donner lieu à d'autres mesures commerciales. De toute façon, avons-nous fait tout notre possible? Dans le fond, nous nous engageons dans ces négociations en visant quelque chose que nous pensions déjà avoir.

Mme Rutherford: Mais nous ne sommes pas les seuls.

Le sénateur Hays: En effet. Mais avons-nous fait tout ce que nous pouvions pour attirer l'attention sur le fait que certains pays ne respectent pas ce qu'ils disaient être les règles de l'accord?

Sans vouloir traiter de programmes particuliers, je ferai remarquer que la question est abstraite. Vous avez parlé de subventions à l'exportation «déguisées» et de paiements verts qui sont en réalité des paiements rouges déguisés. Prenons l'exemple de la surface en acres et supposons que la Commission canadienne du blé déclare que les volumes de blé ont augmenté dans un environnement particulier, on peut alors parler de paiements verts additionnels alors qu'on a négocié une catégorie de paiements rouges. On pourrait perdre devant le groupe spécial. Nous serions-nous rendu service en faisant cette plainte et ne devrions-nous pas maintenant en faire un exemple?

Si le porc n'est pas admis dans la Communauté européenne parce qu'il est classé avec d'autres viandes rouges, l'accord que nous devions signer n'est donc pas respecté et il a des lacunes. Ne devrions-nous pas attirer l'attention là-dessus en ayant recours aux mécanismes de règlement des différents fondés sur les règles? Il se peut que nous perdions, mais nous pourrions alors nous engager dans un processus de négociation en disant que nous portons notre cause devant le groupe spécial parce que ce qui était dit vert ne l'était pas vraiment. Pourquoi ne l'était-il pas? Eh bien, voici les chiffres. Nous avons conclu cet accord parce que nous voulions des règles de jeu plus équitables sur la viande rouge ou les céréales, mais nous ne les avons pas eues?

Nous ne les avons pas eues, parce que ces paiements ont été faits et que ceux qui versaient ces paiements, ou ces subventions, soutiennent qu'ils ont raison de le faire puisque les produits appartiennent à une catégorie particulière -- bleue, verte ou autre. On parle beaucoup de l'OMC, mais elle n'a pas atteint ses objectifs. Vous laissez entendre qu'un programme déguisé ou non, c'est la même chose.

Le sénateur Stratton: C'était un excellent discours, soit dit en passant.

Mme Higginson: Je reconnais que le texte de l'accord fait problème et qu'il sera clarifié par le groupe spécial chargé de régler le différent. Il est intéressant de connaître l'interprétation des groupes spéciaux.

Quand on négocie et rédige un accord, on ne voit qu'une interprétation, mais un autre pays peut l'interpréter autrement. Il est bon de pouvoir se reporter à des précédents et de voir comment un groupe spécial a pu interpréter tel ou tel passage de l'accord.

Les groupes spéciaux ont été nombreux ces dernières années, de sorte que le processus a exigé beaucoup de temps et de ressources, y compris financières.

Je suis d'accord avec vous qu'il est très important d'examiner de près ces groupes spéciaux et de bien comprendre ce qui a été convenu.

Le travail n'est pas terminé et voilà que s'annonce la ronde suivante. Le processus évolue constamment et tout le monde surveille de près ce qui a été convenu la dernière fois afin de corriger les erreurs. J'en ai déjà souligné quelques-unes et j'ai la certitude qu'il y en a d'autres qui n'ont pas encore été soulevées. Notre équipe de négociation a une lourde tâche à accomplir.

Le comité de l'agriculture de l'OMC se réunit tous les deux ou trois mois pour revoir les notifications de chaque pays concernant l'accès aux marchés, le soutien national et les subventions à l'exportation. Ces notifications de programmes verts, bleus ou ambres donnent lieu à de nombreuses discussions et questions visant à définir ce qu'est en réalité un programme dit vert.

Les négociateurs canadiens ont posé des questions sur certains programmes que les Etats-Unis avaient déclarés verts. La Fédération canadienne de l'agriculture a certes promu, pour la prochaine ronde de négociations, l'idée d'un organisme ou d'un groupe spécial à consulter avant d'élaborer un programme, afin de garantir qu'il sera considéré vert. Par conséquent, on n'a pas examiné tout le processus de mise en application et avisé qu'un programme vert était en place depuis un an ou deux, uniquement pour se faire dire par un groupe spécial qu'il n'est pas vert. De même, cela empêcherait un pays de mettre en place un programme qu'il pense vert, de l'appliquer pendant un an ou deux, seulement pour se faire dire que c'est un programme ambre et qu'il devrait le revoir à la baisse.

Le sénateur Spivak: Le sénateur Stratton a parlé de l'Union européenne et des subventions en cas de récession. L'Union européenne demande l'inclusion des pays de l'Europe de l'Est, mais d'après ce que j'ai lu, ces pays ne pourraient jamais se permettre de verser des subventions comparables. Pouvez-vous faire des observations à cet égard?

Ils sont en train d'abandonner les subventions à l'exportation au profit d'un soutien des prix intérieurs, n'est-ce pas?

Quand on a éliminé les subventions au transport au Canada, ce n'était pas seulement pour des raisons financières. On pensait aussi que ces subventions nuisaient à l'activité à valeur ajoutée parce qu'on expédiait du grain non préparé. Je ne pense pas que ce qui est proposé maintenant en guise de programme national soit différent, en termes financiers, aux subventions pour le transport. Pensez-vous que c'est préférable et que nous avons besoin des deux? Avons-nous besoin de soutenir les prix sur le marché intérieur?

Il est vraiment étrange qu'on ne verse aucune aide pour l'expédition au Manitoba aujourd'hui, parce que les coûts sont très élevés. Quelle est votre opinion à là-dessus, tant en ce qui concerne le marché intérieur que l'Union européenne?

Mme Rutherford: À bien des égards, les Européens se croient tenus de remplir de telles responsabilités. Ils ne peuvent se permettre de verser des subventions comparables et veulent vraiment compenser en remplissant leurs engagements envers l'OMC. Il faut absolument se pencher sur cette situation et tenter de la régler, parce que c'est une situation avec laquelle il est très difficile de composer. Les pays ne disent pas clairement comment ils pensent régler ce problème.

Bon nombre des pays en question vivent des temps difficiles. Au cours de la dernière ronde, des visiteurs qui représentaient le gouvernement lituanien ont demandé quelle était la position du Canada à l'OMC et ce que nous avions l'intention de faire. Ils ont admis qu'ils venaient à peine de former un gouvernement et qu'ils n'avaient pas encore mis en oeuvre le moindre programme. Ils n'avaient absolument rien sur quoi fonder une notification; comment voulez-vous calculer une réduction dans ce cas? Par conséquent, tout ce qu'ils offraient était immédiatement considéré comme une augmentation de 100 p. 100.

Il y a des situations très difficiles qui doivent être réglées en Europe de l'Est, aussi bien dans des pays particuliers, à l'OMC et peut-être dans l'éventuelle Union européenne agrandie. Tous les pays sont au courant de cette situation et se rendent compte qu'il faut la régler. Il est inutile de dire simplement qu'on ne peut les laisser entrer.

La Russie n'a certainement pas donné le rendement agricole prévu, mais de véritables possibilités s'ouvrent pour d'autres pays et le Canada, ou un autre pays, aurait tort de ne pas tenir compte de leurs volumes qu'ils peuvent offrir tout en respectant les règles du jeu. Tous les pays devraient suivre de près cette question.

Pour ce qui est de la manière dont le Canada distribue l'argent de ses programmes, une subvention au transport ou une forme de soutien du revenu, qui est justement l'objet de nos travaux, représente une forme de subvention fort différente et vous l'avez souligné d'ailleurs.

L'abolition de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest était avant tout due aux circonstances engendrées par une crise financière, même s'il y avait de solides raisons pour abolir ou du moins modifier cette loi, afin de favoriser le processus de valeur ajoutée. On comprend mal la situation au Manitoba dans les autres provinces des Prairies et on a tendance à croire que les Manitobains geignent pour rien. Quand on examine les chiffres, on comprend à quel point la situation est difficile.

C'est à peu près la même chose qui se passe dans le contexte de l'application de l'accord de l'OMC; on peut arriver à un accord, le rédiger et penser qu'il va fonctionner. Puis, on constate qu'il est impossible d'expédier quoi que ce soit à partir du Manitoba, parce que ce n'est pas rentable.

Que faut-il faire? Une province comme le Manitoba doit absolument trouver les modifications importantes à apporter à la structure de l'industrie. Des solutions intéressantes ont été élaborées, notamment les augmentations massives au chapitre de la production du porc, ce qui signifie que le Manitoba se heurte à une des plus graves crises. Il y en a d'autres, qui constituent les petites pièces du puzzle dont il faut tenir compte et qui sont nettement plus politiques qu'économiques.

Comme dans le cas de l'OMC, il est toujours possible d'établir des règles, mais il faudra s'attendre à des variations quant à leur interprétation, leur mise en oeuvre et leur application. À notre avis, le genre de programme que nous envisageons, afin de remédier à la crise du revenu agricole qui sévit actuellement, est préférable, en termes de soutien, aux règles de l'OMC ou à n'importe quelle règle afférente à l'ALENA. Non seulement il ne cause pas de distorsion dans le commerce, mais il n'en cause pas non plus entre les produits ni entre les provinces. C'est très important, parce que nous parlons d'une situation qui s'apparente à celle que nous vivons au sein de l'OMC.

Il y a dix ans, les provinces canadiennes achetaient des industries, des secteurs de l'industrie agricole, mais ce n'est pas à cela que nous voulons retourner. Ce n'est ni utile ni productif. Nous avons livré notre propre bataille de subventions massives au Canada et nous ne tenons pas à les revivre.

Un programme qui assure un soutien individuel, à chaque agriculteur, et non à chaque province ou selon des produits particuliers, donne de bons résultats non seulement sur le plan commercial, mais à long terme, c'est un programme plus équitable qui cause nettement moins de distorsion dans l'industrie. Néanmoins, je sais que les gens ont de la difficulté à accepter cela.

Le sénateur Spivak: Les producteurs de cultures spéciales et de colza canola semblent se tirer d'affaires. Pourquoi le blé dur n'est-il pas une culture spéciale? Est-ce qu'on produit ailleurs dans le monde un blé dur de qualité supérieure comparable à celui qu'on produit au Canada?

Mme Rutherford: Nulle part dans le monde, le blé dur ne pousse aussi bien qu'au Canada, mais certains pays en produisent. Tout dépend des spécifications. Certains pays importateurs qui ont longtemps acheté notre blé ont peut-être modifié leurs spécifications. Il ne faut pas en conclure qu'ils cherchent un produit de qualité supérieure, mais simplement qu'ils veulent un autre produit pour le prix qu'ils sont prêts à payer.

La technologie évolue et les façons de procéder se diversifient. On peut utiliser différentes qualités de blé dur pour des fins différentes. Nous vendons du blé dur sur un marché d'exportation, de sorte que nous devons fournir à nos importateurs le produit qu'ils demandent. Ils peuvent décider de refuser notre prix cette année, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne l'accepteront pas l'an prochain.

Le Canada a une très petite part du marché du grain et notre grain dur de qualité supérieure peut être mélangé avec le grain dur de moindre qualité d'un autre producteur pour donner un produit d'une qualité acceptable. Ainsi, les quantités qu'ils achètent de nous sont peuvent être assez petites. Toute cette question est très compliquée à bien des égards.

Le sénateur Spivak: Certains pays scandinaves, par exemple, ont développé d'excellents marchés fondés sur la qualité. Est-ce que nous n'aurions pas un problème de mise en marché?

Mme Rutherford: Non, je ne pense pas que ce soit attribuable à la mise en marché, mais plutôt d'un déplacement sur le marché.

Le président: Le blé dur est une culture spéciale qui se vendait 6 $ le boisseau l'an dernier, mais 2 $ maintenant, parce que les agriculteurs se sont mis à en produire. La même chose peut arriver dans le cas du colza canola. Si tout le monde se met à en produire, le prix chutera brusquement.

Le sénateur Fairbairn: Mes questions portent sur la procédure. Dans votre présentation, vous avez fait état de votre difficulté à obtenir un consensus au sein d'une grande organisation comme la vôtre et des nombreuses divergences d'opinion. C'est exactement la difficulté qu'éprouve le gouvernement fédéral, au moment de s'engager dans ces négociations.

On s'entend généralement pour dire qu'une des choses les plus importantes que doit faire le Canada, c'est de réunir tout le monde dans la même pièce et de faire valoir une position très ferme.

Au sein de votre organisation vous avez collaboré avec le gouvernement fédéral et d'autres gouvernements. Croyez-vous que le gouvernement consacre suffisamment de temps et d'efforts pour arriver à un consensus parmi les groupes canadiens, pour qu'ils forment une équipe solidaire au moment de se présenter aux négociations?

Mme Rutherford: D'un bout à l'autre du pays, il y a eu plusieurs conférences parrainées par Agriculture Canada cet automne et il doit y en avoir d'autres cet hiver. Sauf erreur, il doit y avoir une importante conférence sur le commerce en avril.

Ces conférences doivent permettre aux Canadiens de se faire une opinion et d'adopter une position, et non d'élaborer une politique exhaustive. Nous avons dit clairement à Agriculture Canada que nous ne croyons pas qu'à une conférence à laquelle assistent 700 personnes, le ciel va s'ouvrir, qu'il y aura une révélation et que tout le monde adoptera d'emblée une position. Au mieux, nous espérons qu'il y ait un échange de points de vue, parce que c'est très important.

Les travaux ont déjà commencé en vue élaborer une position ferme. Nous savons que, dans le processus de notre comité sur le commerce, les Affaires étrangères et le Commerce international et Agriculture Canada ont consacré beaucoup de temps et d'énergie pour nous écouter et nous aider à trouver une solution. Ils continueront de le faire.

Des groupes continueront d'exercer des pressions soutenues, mais, de toute évidence, la vaste majorité désirent trouver un terrain d'entente. Je ne voudrais pas préjuger de la décision des délégués à l'assemblée annuelle de la FCA, mais je ne peux pas imaginer qu'ils rejetteront le conseil du porc, un ancien membre. La Sask Pool et l'Agricorp seront également membres de la FCA.

Ces trois organismes sont membres d'Export Alliance. Ils sont tous très déterminés à en arriver à une entente ferme qui permette de soutenir l'agriculture au Canada. De toute évidence, ils veulent une entente rigoureuse qui soutienne non seulement leurs secteurs, mais également toute l'industrie. Une chose que l'industrie a apprise au cours des dernières années, c'est qu'aucun produit n'est cultivé de façon indépendante. Très peu d'agriculteurs n'en cultivent qu'un seul. La plupart en cultivent deux ou trois, selon qu'ils désirent ou non inclure leur verger de quelques pommiers, derrière la grange.

Ils en cultivent peut-être davantage. Ils se rendent bien compte qu'ils sont interdépendants et qu'il est extrêmement important qu'il y ait suffisamment d'agriculteurs pour garder en place les vendeurs de machinerie, les vendeurs d'engrais, la quincaillerie, l'école, les médecins de la localité, sans oublier l'hôpital.

Les agriculteurs veulent une entente de soutien, et nous avons trouvé le processus intéressant. Il n'est un secret pour personne que la FCA a montré la voie à suivre au sujet du programme de soutien du revenu en cas de désastre, réunissant tous les partenaires et obtenant leur consensus. Cette expérience a été vraiment intéressante et importante pour déterminer la façon de procéder au sujet de l'accord commercial. Il est évident qu'un producteur, même s'il n'a de graves problèmes, comprendra que son voisin peut en avoir; il a besoin de la présence de ce voisin pour s'assurer de pouvoir continuer à bien fonctionner.

L'expérience a été révélatrice pour tout le monde, car l'occasion ne s'était pas présentée auparavant.

Le sénateur Fairbairn: Cette méthode de fonctionnement semble fort encourageante.

Mme Rutherford: L'automne a été très bon, bien qu'on m'ait reproché, l'autre jour, d'avoir dit quelque chose de ce genre. La situation du revenu chez les agriculteurs est très mauvaise, et les agriculteurs qui se réunissent pour tenter de la surmonter disent qu'elle est critique.

Le sénateur Fairbairn: Dans vos conseils sur l'élaboration de la position du Canada, vous avez discuté de la nécessité pour le Canada et d'autres pays de tenter de corriger les choses qui n'avaient pas bien fonctionné la première fois.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que cette position soit totalement immuable; elle devrait être élaborée progressivement, au fur des discussions, pour qu'on puisse déterminer comment d'autres pays traitent certaines questions.

Est-il difficile d'avancer progressivement dans ces négociations? Lorsque les choses se bousculent et vont rapidement, n'avez-vous pas une assez bonne idée de la suite des événements? Lorsque ces négociations internationales deviennent chaudes et animées, cela permet-il à un pays d'adopter un rythme plus souhaitable, quoique légèrement plus lent? Arrive-t-il un stade où il est difficile de suivre le rythme et de s'adapter rapidement?

C'est une chose de corriger les problèmes, mais c'en est une autre d'être raisonnable et prudent. Met-on beaucoup d'efforts à essayer de prévoir ce que d'autres pays feront vraisemblablement? L'épisode de Blair House devrait nous servir d'avertissement. Cette fois-ci, le négociateur habile sera-t-il celui qui a mis beaucoup de temps à tenter de prévoir les points de vue et les effets de surprise d'autres pays?

Mme Rutherford: Il y a une différence entre déterminer ses objectifs et chercher le moyen de les atteindre. Nous devons avoir des objectifs très clairs lorsque nous nous engageons dans les négociations, mais la façon dont les choses évoluent derrière les portes closes est une autre affaire. C'est sur ce point que nous devons faire preuve de souplesse. Je ne me suis peut-être pas exprimée clairement, mais nous ne proposons pas que le gouvernement canadien fasse preuve de souplesse dans ses objectifs généraux. Cela ne veut pas dire que, si nous nous retrouvons dans une situation critique, car des pépins surgissent invariablement, nous devrions lever les bras et partir. La façon dont nous atteignons ces objectifs par rapport aux positions des autres pays est très importante, et nous devons faire preuve de souplesse à cet égard.

En ce qui concerne votre deuxième point, je crois que, cette fois-ci, comme la dernière fois, les négociateurs pour le Canada examinent de très près ce qui se passe dans d'autres pays, comme ce fut le cas à Genève, comme on l'a mentionné plus tôt au comité de l'agriculture et dans d'autres comités. Ils surveillent ce qui se passe au sein des groupes d'examen et des comités, ainsi que les arguments qui sont présentés.

Des comités entiers passent leur temps à examiner l'application des règles et tentent de déterminer si les résultats ont été tels que prévu, car personne ne pouvait en être sûr. Nous avons assez bien maîtrisé cet art. Tout comme la dernière fois, le Canada a d'excellents négociateurs qui examinent très attentivement ce qui se prépare. Ils tentent de peser les options et élaborent des stratégies de négociation pour s'attaquer à quelques-uns des enjeux.

Mme Higginson: En vue de la prochaine série de négociations, nous voulons que la position du gouvernement soit souple et détaillée. Nous prévoyons que le texte de l'accord découlera d'un certain nombre de décisions prochaines du groupe d'examen, et d'autres groupes d'examen se prononceront sur l'interprétation du texte actuel, à mesure que ces négociations approchent. Certes, ces décisions risquent de se répercuter sur la façon dont nous aborderons certains détails dans notre position de négociation.

La portée de l'accord n'a pas encore été déterminée, et si les produits industriels y sont inclus, ainsi que l'agriculture, le point de mire changera quelque peu. À l'heure actuelle, il y a non seulement le comité de l'agriculture de l'OMC, mais également un sous-comité chargé de l'analyse et de l'échange des renseignements, qui étudie une quarantaine de documents officieux en provenance de pays qui font des propositions sur plusieurs questions en vue de la prochaine série de négociations.

Une proposition dont on discute est le multifonctionnalisme, un mot clé qu'avance l'Union européenne. Sa signification, sa place et sa définition ont discuté beaucoup de débats. Les discussions sur de nombreux aspects, et le consensus, quel qu'il soit, qui s'en dégagera, se répercuteront sur les détails d'une bonne partie de notre position de négociation. Nous ne nous attendons pas à ce que ces comités s'entendent sur ces détails, mais peut-être qu'au cours des prochains mois, et certes, tout au long des négociations, il faudra s'entendre sur ce point. Il faut conserver une certaine souplesse, de façon à pouvoir adapter notre position à mesure que ces détails seront déterminés et définis.

Le sénateur Fairbairn: Souvent, lorsque nous tenons des discussions de ce genre autour de cette table et avec toutes sortes de groupes, et que nous commençons à parler de l'Union européenne et des États-Unis, ces derniers sont certes considérés comme un adversaire et, à mesure que les échanges s'animent, on les voit même comme un méchant. Cependant, les États-Unis sont notre plus grand partenaire commercial, notre plus proche voisin, et ont probablement des opinions arrêtées au sujet de l'Union européenne.

Comment pouvons-nous collaborer avec les États-Unis, au lieu de nous faire menaçants? Comment pouvons-nous tenter d'établir d'avance une sorte de relation de travail d'intérêt mutuel? Car, en fin de compte, le monde entier doit vivre avec eux, mais c'est le Canada qui est leur voisin immédiat.

Mme Higginson: Nous présentons souvent les États-Unis sous les traits d'un méchant dans nos négociations avec eux, mais nous avons tout de même des intérêts en commun. Il y a des secteurs où nous pouvons collaborer avec eux, comme nous le pouvons aussi avec un certain nombre d'autres pays.

Nous avons certes des intérêts en commun avec les membres du Groupe Cairns, et d'autres intérêts qui divergent. Il y a plusieurs pays avec lesquels nous pouvons devenir partenaires sur certaines questions, et d'autres avec lesquels nous divergeons d'opinion. C'est dans cette optique que nous devons aborder la prochaine série de négociations.

Nous faisons partie de la Fédération canadienne de l'agriculture et nous avons rencontré les représentants de l'American Farm Bureau Federation. Des discussions ont eu lieu avec les États-Unis pour tenter de les amener ne serait-ce qu'à comprendre ce qu'est l'agriculture au Canada. Nous constatons qu'il y a une réelle méconnaissance, dans bon nombre des collectivités agricoles des États-Unis, de ce qu'est un office de commercialisation ou du rôle de la Commission canadienne du blé. Ils ont une vague idée de ce qui se passe, et nous essayons de travailler avec eux et de sensibiliser des gens à la façon dont fonctionne réellement le secteur agricole au Canada. Nous avons tenté de collaborer avec les États-Unis lorsque nous pouvons trouver des intérêts en commun.

Le président: L'est de la Saskatchewan se trouve exactement dans la même position que le Manitoba en ce qui concerne le tarif marchandises. On a fait une évaluation entre des terres comparables de l'est et de l'ouest de la Saskatchewan. Dans l'Ouest, elles se vendaient 14 ou 15 fois plus cher que l'évaluation ne l'indiquait, alors que vers la frontière manitobaine, c'était aussi peu que neuf ou dix fois. C'est cela la différence.

Les tarifs marchandises se chiffrent souvent à au moins un dollar le boisseau, ce qui est très grave. Actuellement, en Saskatchewan et au Manitoba, de gros camions semi-remorque accourent vers l'ouest, et les agriculteurs tentent de trouver les tarifs marchandises les plus bas pour acheminer leurs produits vers un meilleur marché. Le problème est très grave.

J'ai assisté à la Foire agricole de Regina et parlé avec des agriculteurs et des fabricants de matériel agricole. Un fabricant m'a dit que, dans la région de Saskatoon, qui compte un certain nombre de petits fabricants, 2 000 travailleurs ont été mis à pied. Ce problème touche 2 000 familles dans une petite ville comme Saskatoon, ce qui entraîne des répercussions énormes. Il touche non seulement les agriculteurs, mais également toute la localité.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Votre présence et votre présentation sont bien appréciées. Dans votre présentation, vous nous dites que lors des dernières négociations, les Canadiens ont été peut-être plus catholiques que le pape et vous nous invitez à être un peu moins virtueux au cours de la prochaine ronde de négociations.

J'ai l'impression que nous laissons les Américains définir la vertu. J'enchaîne avec les propos de Mme Higginson lorsqu'elle disait que nous travaillons avec eux et nous les entendons critiquer notre système de l'offre ou critiquer la Fédération canadienne du blé.

Nous leur expliquons ce que nous faisons et nous sommes très à l'aise de le faire.

Ne devrait-on pas accepter une attitude de "tough love" en disant que les Américains ne sont pas si pires et faire connaître la situation aux gens? C'est peut-être une mauvaise impression que j'ai. J'aimerais toutefois que vous clarifiiez cette situation.

[Traduction]

Mme Rutherford: C'est plus difficile dans le cas de l'OMC, car elle n'est pas très proche. Cependant, mardi, une annonce à été faite à la presse à partir de Washington. Lors de ses réunions là-bas, M. Vanclief a simplement déclaré que les Américains ne s'en tireront pas avec le genre de choses qu'ils ont faites au sujet du porc et des céréales du Canada.

Ce sera donc le chaos total à la frontière, à compter du week-end, et nous n'y pouvons rien. La situation est très difficile pour le Canada.

Nos systèmes politiques et la mise en oeuvre des décisions sont très différents, ce qui nous met parfois dans un réel dilemme.

Nous avons adopté une ligne plus dure à l'endroit des États-Unis au cours de la dernière année, car il ne faut pas que nous restions simplement les bras croisés. Par le passé, nous sommes peut-être restés les bras croisés, mais nous ne sommes plus disposés à recommencer.

Un problème qu'a le Canada, c'est que les États-Unis représentent un marché important, et il n'est pas réaliste que nous disions tout simplement que nous n'avons plus besoin d'eux. Nous devons être prudents lorsque nous nous engageons dans une relation à couteaux tirés.

Nous ne sommes pas les seuls à tenter de négocier avec l'OMC et les États-Unis. Le Groupe Cairns a été créé pour tenter de négocier avec l'Union européenne, d'un côté, et les États-Unis, de l'autre. Il a renforcé quelque peu la position de négociation de certaines questions.

Bien que ce soit parfois difficile à accepter, la plupart des Canadiens sont très fiers du fait que le Canada tâche d'être aussi honnête et aussi droit que possible, non seulement dans ses négociations commerciales, mais également dans d'autres secteurs. Par ailleurs, nous n'aimons pas être coincés, et des gens ont la forte impression qu'on a profité de nous.

Nous ne croyons pas avoir négocié la renonciation de quoi que ce soit qui était nécessaire pour en arriver à une entente la dernière fois. Cependant, notre gouvernement aurait peut-être pu prendre des décisions différentes, mais il tentait alors de régler le problème du déficit.

En février, avant notre assemblée annuelle et, je crois, également à la réunion d'avril, nous examinerons la façon dont le Canada peut élaborer à l'avenir des programmes qui correspondent à la catégorie verte, mais qui soient offerts quelque peu différemment des programmes précédents. Par exemple, la situation du revenu agricole dans laquelle nous nous trouvons actuellement est intéressante.

Nous n'avons pas de programme qui permette d'accorder les fonds nécessaires aux agriculteurs, alors que les États-Unis en ont à cette fin, et ils font tous partie de la catégorie verte. Ils ont été conçus ainsi à l'origine.

Si on jette un coup d'oeil aux programmes américains, une partie énorme des 6 milliards de dollars n'est pas consacrée au soutien du revenu, mais bien à des programmes de développement rural et des programmes environnementaux. Nous avons commencé à les recenser en septembre, et la Maison-Blanche, à Washington, publiait presque tous les deux jours un communiqué sur quelque nouveau programme destiné aux régions rurales, qui a commencé à amasser les 6 milliards. Les États-Unis avaient eu des élections en novembre, pas le Canada. Cela a peut-être rendu les choses un peu plus difficiles.

Nous aussi nous avons une occasion et une obligation, car l'enjeu n'est pas uniquement agricole. Il est plus vaste. Comment pourrons-nous soutenir notre industrie, tout en assurant une aide pour réaliser certains des objectifs que nous devons atteindre? Par exemple, selon les ententes sur les gaz à effet de serre, nous devons pouvoir élaborer des programmes d'aide qui ne peuvent être contestés.

Nous ne pouvons pas changer la façon dont fonctionnent le système américain ou les lois américaines. Les États-Unis n'ont qu'à contester une de nos décisions, et il n'est même pas nécessaire que la cause soit valable. Il n'est pas nécessaire qu'elle repose sur une foule de faits, mais elle fait immédiatement tomber notre industrie en chute libre et coûte beaucoup d'argent aux gens. Nous devons donc agir très prudemment.

Le sénateur Whelan: J'ai sous les yeux un exemplaire du Windsor Star. On dit que «Le concurrent de Heinz pourrait s'en tirer.» À propos de ces groupes d'examen, la société H.J. Heinz a fait appel contre la société Gerber, pas parce qu'elle vendait ses produits au Canada, mais parce qu'elle les vendait à un prix inférieur à celui qu'elle pratique dans son propre pays. Heinz a donc interjeté appel et un tarif de 60 p. 100 a été imposé sur le coût des produits. Gerber a fait appel à son tour, et le groupe d'examen a annulé sa décision. Il a réduit le tarif à environ la moitié de ce qu'il était à l'origine.

Les consommateurs sont intervenus et ont dit que la société Heinz profiterait d'eux. Cependant, toute cette affaire semble injuste. Suivez-vous ce genre de dossier dans la collectivité agricole?

Mme Higginson: Il y a eu plusieurs cas et, bien sûr, nous ne pouvons pas tous les suivre. En ce qui concerne le dumping et la détermination du préjudice, notre industrie sucrière en a certes ressenti les effets, en raison du dumping de produits au Canada. Les recours commerciaux sont importants pour l'agriculture canadienne, et nous devons pouvoir continuer de protéger nos marchés intérieurs lorsque des produits sont vendus à un prix inférieur au coût de revient sur ces marchés.

Certes, les droits compensateurs constituent actuellement un enjeu important en ce qui concerne le boeuf, comme ce fut le cas pour le porc ces cinq à dix dernières années. Nous sommes parvenus à obtenir une entente, lors de la dernière série de négociations, pour que les programmes de la catégorie verte ne soient pas passibles de droits compensateurs. Malheureusement, nous n'avons que deux programmes dans la catégorie verte, de sorte que nous ne pouvons pas tirer parti de la disposition que nous avons négociée. C'est ce que nous espérons faire au sujet du programme d'aide financière en cas de désastre. Nous voulons inscrire dans la catégorie verte un programme non passible de droits compensateurs. Ainsi, les États-Unis ne pourront pas imposer des droits sur nos produits lorsque nous les exporterons.

Le sénateur Whelan: Si une société américaine vend au Canada des produits meilleur marché que ceux qu'elle vend aux consommateurs américains, il s'agit là d'une violation flagrante de l'accord. C'est du dumping flagrant. Il y a quelques jours, un représentant du commerce des États-Unis a dit: « Nous devons accroître le libre-échange, car nous avons des produits excédentaires dont nous voulons nous débarrasser. » Pourquoi produisent-ils des denrées excédentaires qui risquent de détruire la production d'un autre pays?

Certaines gens s'imaginent que les Américains ne peuvent pas exporter un oeuf ou un poulet au Canada, mais ils détiennent le même pourcentage du marché que celui dont ils disposaient lorsque le programme de gestion de l'offre a été mis en vigueur, et en cas d'augmentation, le pourcentage augmente proportionnellement. Cela n'est jamais clairement expliqué et les gens pensent que la barrière est totale. Pourtant, les Américains ne dépensent pas un sou à faire de la publicité sur ce produit. Ils ne vérifient pas si les recherches en science, en hygiène et en nutrition que nous faisons pour nos produits sont supérieures aux leurs. Ils exportent leur produit au Canada et le vendent au même prix, de sorte qu'ils bénéficient d'un avantage.

Je m'inquiète donc lorsque je vois qu'on confie à cet homme ce genre de responsabilité. Il est un ancien employé d'Agriculture Canada, et il devait penser de la même façon lorsqu'il a renoncé à la gestion de l'offre. Y a-t-il quelqu'un en qui nous pouvons avoir confiance qui nous représente dans ces négociations?

Je n'ai pas confiance en Mike Gifford, et je le lui ai dit l'autre jour. J'ai travaillé avec lui pendant des années et je connais sa position sur la gestion de l'offre et la commercialisation. Quand Gerry Shannon représentait le ministère des Finances, il n'est jamais allé à une réunion de Canagrex. Pourtant, nous envoyons ces gens là-bas pour négocier en notre nom. Où tiennent-ils ces réunions, à Genève?

Mme Higginson: Oui, les comités se réunissent à Genève.

Le sénateur Whelan: Qui sont les comités?

Mme Higginson: Le comité de l'agriculture de l'OMC a des représentants d'Agriculture Canada, et les autres comités ont des représentants des Affaires étrangères, des Finances et du Revenu, selon le cas.

Le sénateur Whelan: Combien d'entre eux connaissent le domaine de l'agriculture?

Mme Higginson: Nous travaillons très fort pour nous assurer que les intérêts du secteur agricole sont représentés. Agriculture Canada est représenté au comité qui s'intéresse directement à l'agriculture, et nous amenons les gens à notre comité du commerce pour nous assurer qu'ils tiennent compte de l'agriculture dans les autres comités. Nous travaillons fort et passons beaucoup de temps à essayer de voir à ce que ces gens comprennent l'agriculture.

Le sénateur Whelan: Je n'ai pas vérifié récemment mais, au ministère, plus de la moitié des directeurs et la moitié des sous-ministres adjoints ne verraient pas la différence entre une vache et une truie. Ils n'ont aucune expérience dans le domaine agricole. Ils viennent des Finances ou du Conseil du Trésor ou encore des Affaires étrangères. Et c'est eux qui prennent les décisions.

Mme Rutherford: Nous voyons cela comme faisant partie de notre travail, c'est-à-dire essayer de voir à ce qu'ils aient l'information et les connaissances nécessaires et continuer de créer une situation où ils peuvent venir poser toutes les questions qu'ils ne se sentiraient peut-être pas à l'aise de poser à d'autres, afin qu'ils aient le genre de renseignements dont ils ont besoin.

Je sais que certaines préoccupations ont été exprimées à l'égard de la façon dont les négociations se sont déroulées dans le passé. Toutefois, il est juste de dire que nous sommes convaincus que ceux qui nous représentent à ces négociations défendent vraiment la position du gouvernement. Nous n'avons jamais décelé une situation où ce n'était pas le cas.

Mme Higginson: La FCA a toujours fortement appuyé le recours à des dispositions antidumping. Cela a été un point important lorsque le Canada a négocié un accord avec le Chili, et nous tenons à ce que le Canada continue de pouvoir recourir à des dispositions antidumping. La Loi sur les mesures spéciales d'importation fait actuellement l'objet d'un débat à la Chambre. Nous sommes certainement en faveur de maintenir les dispositions antidumping afin que nos producteurs aient des recours commerciaux à leur disposition pour lutter contre la venue sur nos marchés de produits à prix moins élevés.

Le sénateur Whelan: Le titre d'un éditorial paru dans le Citizen d'Ottawa hier disait «Des geignards subventionnés». Cela donne immédiatement l'impression que les agriculteurs sont de meilleurs lobbyistes que d'autres, ont un meilleur système de propagande et sont mieux traités que n'importe qui d'autre dans notre société, ce qui, je le sais, est absolument faux.

Mme Rutherford: Je crois que nous sommes de très bons lobbyistes. Je suis indignée par cette remarque.

Le sénateur Whelan: Je veux parler de lobbying pour obtenir des subventions. Vous pourriez faire beaucoup mieux à cet égard. Par exemple, vous auriez pu retenir mes services pour huit ans à un taux raisonnable. Je connais certains des lobbyistes qui travaillent pour le secteur agricole.

Je suis vraiment offusqué lorsque vous persistez à dire que 136 pays nous disent quoi faire, parce que certains de ces pays ne pourraient même pas mettre en marché un oeuf ou un poulet. Mais nous continuons de dire cela quand même. Aux États-Unis, par exemple, l'Ohio a un produit intérieur brut en agriculture qui est aussi grand que celui du Canada tout entier. La Californie viendrait au quatrième rang en importance parmi les producteurs agricoles si elle était un pays.

Nous répétons sans cesse que 136 pays nous ont dit que nous ne pouvions pas avoir un système de gestion de l'offre, que nous devions nous débarrasser de ce système. J'ai assisté à beaucoup de réunions mondiales. Aux Nations Unies, certains pays étaient prêts à déclarer la guerre, et ils n'auraient même pas pu envoyer des soldats à bicyclette au front.

Qu'est-ce qui constitue une subvention? Est-ce que la recherche est une subvention? Est-ce que le transport est une subvention? Dans l'Ouest du Canada, il y a des différences énormes pour ce qui est de la capacité d'acheminer les produits jusqu'au marché par camion. Certaines routes en Alberta sont carrossables toute l'année, mais ce n'est pas le cas en Saskatchewan. Le Manitoba impose aussi certaines limites en ce qui concerne la circulation routière parce qu'il n'a pas les ressources économiques nécessaires. L'Alberta donne aussi des subventions à la recherche. Quatre-vingt pour cent des éleveurs de bovins sont dans cette province parce qu'elle les subventionne.

Nous avons une situation terrible dans notre propre pays en ce qui concerne la part de marché. Le marché est plus accessible pour certains producteurs, et je sais que les ressources de la FCA sont limitées. Je voudrais bien pourvoir fournir deux ou trois millions de dollars, embaucher plus de chercheurs, acheter plus d'ordinateurs pour faire le travail. Qu'est-ce qui constitue une subvention encore une fois?

Sur la question des représentants commerciaux, nous avions une ou deux personnes au Mexique, par exemple, qui essayaient de vendre des produits agricoles. Les États-Unis en avaient 400. Si nous avions le dixième de ce nombre, cela veut dire que nous devrions avoir au moins 40 personnes au Mexique pour vendre des produits agricoles. Les États-Unis n'appellent pas cela une subvention. Ce sont des agents des Affaires étrangères, et ils frappent aux portes. Ils font tous ce genre de chose.

Lorsque nous avons fondé Canagrex, les États-Unis ont dit que c'était une merveilleuse idée. Puis, le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir et a aboli Canagrex en moins de trois mois.

Il a dépensé pourtant le même montant au ministère de l'Agriculture, peut-être même plus, se servant de ses propres bureaucrates pour faire ce que faisait Canagrex. Avez-vous fait une étude sur les subventions?

Mme Rutherford: Le travail que nous avons fait récemment a consisté à comparer les niveaux de subventions et à déterminer à quelles catégories elles appartiennent. Dans le contexte de l'OMC, ce n'est pas vraiment la définition d'une subvention qui importe le plus, mais bien à quelle catégorie elle appartient. Les dépenses gouvernementales affectées au développement des exportations sont certainement acceptables. La R-D et les dépenses environnementales sont aussi acceptables, mais nous n'avons tout simplement pas beaucoup de programmes de ce genre actuellement. C'est dans ces secteurs que nous cherchons à élaborer de nouveaux programmes, et nous croyons savoir qu'il y a peut-être des travaux en cours à cet égard.

Si nous voulons élaborer de nouveaux programmes, nous devons voir à ce qu'ils entrent dans la catégorie verte, non seulement parce que 136 autres pays nous le disent, mais bien parce que c'est la seule façon d'assurer le bon fonctionnement du système.

C'est comme au Canada, où nous avons dix provinces. À un certain moment, il faut que nous soyons tous d'accord pour pouvoir avancer. Il ne fait pas de doute que l'Alberta a plus d'argent que les autres provinces, mais c'est le genre de situation que nous essayons d'éviter avec le programme de protection du revenu agricole que nous proposons. Nous ne voulons pas créer une situation où les provinces peuvent acheter des secteurs ou les soutenir inutilement. Toutefois, nous n'aurons jamais une situation où toutes les provinces sont égales.

Le sénateur Whelan: Aux États-Unis, l'agriculture est contrôlée totalement par le gouvernement fédéral en vertu de leur constitution, et les États ne sont rien d'autres que des services d'appoint. Nous n'avons pas cela ici, alors les provinces font chacune ce qu'elles veulent.

Nous avons fait une comparaison des prix des produits agricoles et des prix à la consommation. Le vol le plus flagrant aujourd'hui est dans l'industrie du porc, si on compare ce que le producteur reçoit et ce que le consommateur paie. Le prix à la consommation n'a pratiquement pas été réduit, et la même situation existe pour les céréales et les huiles de cuisson. Avez-vous fait une étude à ce sujet?

Mme Rutherford: Nous n'avons pas fait d'étude, mais nous avons eu des discussions préliminaires avec certaines personnes pour essayer de découvrir qui fait l'argent. Jusqu'à maintenant, nous n'avons trouvé aucun groupe qui soit prêt à admettre qu'il se sert de cette situation pour faire de l'argent.

Sans avoir vu les livres des entreprises de conditionnement et des détaillants, il est difficile d'essayer de déterminer qui a payé quoi et quelle est le marge bénéficiaire. La seule chose dont nous sommes certains, c'est que les agriculteurs ne reçoivent pratiquement rien pour leur porc, et les consommateurs continuent de payer ce qu'ils payaient il y a six mois ou un an, ce qui veut dire que certains intermédiaires font de l'argent.

M. Villeneuve, de l'Ontario, a soulevé cette question, et compte tenu du nombre d'entreprises de conditionnement qu'il y a dans cette province, nous espérons qu'il aura l'occasion de continuer son travail dans ce sens. C'est une question que nous examinons et que nous voulons soumettre à notre conseil.

Le sénateur Whelan: S'ils faisaient de l'argent avant, ils doivent faire un tas d'argent maintenant. Quand on pense aux profits qu'ils doivent faire, c'est presque scandaleux. Ce qu'ils font dans le moment avec le porc est une honte. C'est peut-être bon pour les actionnaires, pour les entreprises de conditionnement, mais ce sont les producteurs qui paient le prix.

Le sénateur Hays: Quatre ans après l'Uruguay Round, les intervenants, particulièrement les groupes de producteurs, s'entendraient-ils aujourd'hui sur une position initiale selon laquelle le simple fait d'atteindre les objectifs de cette ronde de négociations serait un résultat satisfaisant pour la prochaine ronde?

Mme Rutherford: Ce serait vraiment un minimum. Il y a certaines autres questions qui ont pris de l'importance, comme les questions sanitaires, par exemple.

Le sénateur Hays: Sur cette question, n'avons-nous pas eu du succès relativement à l'utilisation d'hormones chez les bovins de boucherie?

Mme Rutherford: Oui mais, encore une fois, c'est une question d'application.

Mme Higginson: Nous ne pouvons pas encore exporter de boeuf en Europe. Nous avons eu la décision du groupe spécial, puis celle du groupe d'appel. Il faut maintenant attendre dix-huit mois pour qu'une autre étude soit faite. Nous devons examiner ce qui a été convenu et voir comment on s'assurera que les règles sont respectées pour certaines de ces questions.

Le sénateur Hays: Pensez-vous que ce serait un objectif réaliste pour la prochaine ronde de négociations que d'arriver à ce que les pays renoncent à leur droit souverain de ne pas accepter le résultat? Est-ce là un objectif que nous pourrions essayer d'atteindre de façon réaliste?

Même sans les hormones, nous ne pourrions pas exporter notre boeuf.

Mme Rutherford: Nous ne cherchons pas à amener un pays à renoncer à son droit souverain, mais nous cherchons des façons de faire respecter les règles qui sont réelles. Un des défis auxquels l'OMC est confronté est le même que nous avons dans le moment au Canada, c'est-à-dire trouver cet équilibre entre la science et le reste de la vie pour que chacun puisse aller de l'avant au moins avec un certain niveau d'assurance, s'il n'est pas parfaitement à l'aise. C'est essentiellement là où nous en sommes.

Ce qu'ils ont fait en Europe avec la question des hormones est intéressant. Ce n'est plus une question commerciale. C'était une question commerciale, mais ils en ont fait une question de consommation, et personne n'essaie de dire qu'ils n'ont pas le droit de faire cela. Ce que le Canada et les autres pays doivent faire, parce que cela aura une incidence sur nous tous, c'est définir exactement les règles qui s'appliquent dans ce genre de situation. Comment détermine-t-on ce qui constitue vraiment une question de santé?

Toute la question des barrières commerciales non tarifaires ne cessera de prendre de l'importance, même après la fin de la prochaine ronde de négociations. Cela deviendra un secteur énorme. Si quelqu'un cherche sérieusement à faire du travail de consultant, il y aura des tas de pays qui chercheront de l'aide sur la façon de développer des barrières commerciales non tarifaires. Cela ouvrira peut-être la porte à une deuxième ou une troisième carrière pour beaucoup d'entre nous.

Le sénateur Fairbairn: Je m'en voudrais de ne pas vous encourager dans vos efforts en vue de sensibiliser les Américains au fait que nos producteurs de sucre, nos producteurs de boeuf du sud de l'Alberta et tous les autres producteurs canadiens continueront de se battre pour avoir des chances égales. Veuillez donc continuer de sensibiliser les Américains à cet égard et de pousser les Canadiens à poursuivre le travail dans ce sens, y compris notre gouvernement. N'abandonnez surtout pas.

Mme Rutherford: Les producteurs de sucre sont membres de la FCA et nous travaillons très fort pour eux. Nous avons des questions et des réponses au sujet du programme de protection du revenu proposé. J'ai pensé que cela pourrait intéresser certaines personnes.

Le président: En terminant, je citerai une phrase que j'ai lue dans le Citizen d'Ottawa: «En tant que puissance moyenne prise entre deux géants économiques, le Canada n'a d'autre choix logique que d'orchestrer une attaque internationale contre les subventions agricoles.»

C'est là une déclaration assez positive sur la situation à laquelle les agriculteurs canadiens sont confrontés et les problèmes liés à la crise internationale que nous traversons dans le moment. Merci d'être venues témoigner devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.


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