Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 27 - Témoignages pour la séance du matin
OTTAWA, le lundi 7 décembre 1998
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 06 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada (l'hormone de croissance recombinante bovine et ses effets sur la santé des humains et des animaux).
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Ce matin, nous nous réunissons encore une fois pour étudier la question de l'hormone de croissance recombinante bovine et de ses effets sur la santé des humains et des animaux relativement à l'injection de cette hormone aux bovins laitiers. Nous avons une journée très bien remplie aujourd'hui et nous essaierons d'être le plus disciplinés possible pour donner à tous les témoins la chance de présenter leur exposé et aussi de répondre à nos questions.
Nous commencerons par les témoins du Vermont Public Interest Research Group. Je vais vous demander de vous présenter. Bienvenue au Canada.
M. Anthony Pollina, conseiller principal en politique, Vermont Public Interest Research Group: Honorables sénateurs, je vous remercie de prendre le temps d'écouter ce que nous avons à dire ce matin. Vous êtes en train d'examiner une question extrêmement importante, une question au sujet de laquelle nous avons beaucoup appris depuis une dizaine d'années.
Le Vermont Public Interest Research Group est l'organisme le plus important du Vermont dans les domaines de la consommation et de l'environnement. Auparavant, j'ai été conseiller auprès de M. Bernard Sanders, représentant du Vermont au Congrès américain. M. Sanders est membre du sous-comité du Congrès américain chargé de surveiller les activités de la Food and Drug Administration (FDA).
À l'époque où je travaillais avec M. Sanders, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs fois des représentants de la FDA, y compris celui qui occupait le poste d'administrateur de cet organisme à ce moment-là. J'ai aussi collaboré avec l'inspecteur général de l'Agency of Health and Human Services ainsi qu'avec le General Accounting Office (GAO), qui est le service de recherche du Congrès américain chargé d'étudier divers aspects de l'approbation par la FDA de l'hormone de croissance recombinante bovine (HCrb) mise au point par la société pharmaceutique Monsanto.
Avant de travailler pour M. Sanders, j'ai été directeur exécutif d'une organisation appelée Rural Vermont, un groupe de pression représentant les secteurs agricole et rural.
En occupant ces postes, j'ai eu la chance, si on peut appeler cela une chance, de participer activement à la surveillance de l'examen de la HCrb par la FDA depuis environ 1988.
Le processus d'approbation de la FDA dont j'ai été témoin se caractérise par la désinformation, le camouflage, le biaisement des données, la violation des règles du processus d'approbation et des conflits d'intérêts entre la FDA et Monsanto.
Ni la FDA ni Monsanto ne sont tout à fait honnêtes avec les citoyens et les décideurs. Ils ont trahi la confiance de la population et affaibli notre foi dans la capacité de la FDA de réglementer ce produit et de protéger la santé du public ainsi que les intérêts des consommateurs et des producteurs agricoles.
J'ai vu Monsanto s'engager dans ce que j'appellerais un processus de désinformation. J'ai également vu la FDA prête à accepter comme vraie l'information fournie par Monsanto dans le cadre de ce processus de désinformation.
Compte tenu de l'expérience que nous avons vécue aux États-Unis, je désire commencer par vous exhorter à continuer de sonder et d'exiger la vérité et à ne pas faire les mêmes erreurs que celles commises par la FDA.
Même si la société Monsanto affirmera que la HCrb est le médicament qui a été le plus étudié, la vérité, c'est que toutes les recherches sur le médicament ont été jusqu'ici effectuées par Monsanto ou par des chercheurs qui travaillaient à contrat pour elle. Monsanto tente, et réussit dans une grande mesure, à contrôler la circulation de l'information sur la HCrb.
Je vais maintenant essayer de résumer brièvement certains des aspects et certaines des expériences qui m'ont amené à conclure que l'examen par la FDA de la HCrb mise au point par Monsanto est extrêmement imparfait et n'a absolument aucune crédibilité.
Notre première expérience claire avec Monsanto concerne des essais effectués sur des vaches à la l'Université de Vermont (UVM). Durant toute la durée de ces essais, Monsanto et les chercheurs de l'université ont constamment déclaré à la population, aux décideurs et aux médias que l'injection de ce produit n'avait aucun effet néfaste sur la santé des vaches.
Cependant, une chercheuse à UVM a commencé à déceler des problèmes de santé chez les vaches. Elle a commencé à mener sa propre enquête et beaucoup d'entre nous ont commencé à poser des questions au sujet de la santé des vaches. Nous n'avons jamais réussi à obtenir de renseignements sur les vaches. Lorsque les résultats des recherches ont finalement été publiés dans une revue spécialisée, nous avons découvert que, contrairement à toutes les déclarations publiques faites par Monsanto, les problèmes de santé atteignaient des niveaux considérablement plus élevés chez les vaches auxquelles on avait injecté des HCrb. Par ailleurs, la chercheuse qui avait soulevé ces questions à l'université a perdu son emploi. On pouvait voir qu'une tendance commençait à se développer.
Un dénommé Richard Burroughs, vétérinaire qui a participé activement aux études de la FDA sur l'innocuité de la HCrb pour les animaux visés, a perdu son emploi lorsqu'il a soulevé des questions au sujet du processus d'approbation de la FDA. M. Burroughs a déclaré aux médias et à d'autres que, dans son empressement à approuver la HCrb, la FDA avait fait fi de graves failles dans les études sur l'innocuité du produit pour les animaux et qu'elle n'avait pas minutieusement évalué ses risques pour les gens et pour le bétail. Il a déclaré que, en plus de souffrir davantage de mammite, les vaches traitées au HCrb avaient des problèmes de reproduction supérieurs à la normale et que la FDA n'avait pas obligé les compagnies pharmaceutiques à faire une étude plus approfondie du problème. Certains d'entre vous ne sont peut-être pas surpris d'entendre cela. Il a aussi précisé qu'on n'avait pas mené d'études sur l'innocuité du produit sur les humains même s'il y aurait dû en avoir.
M. Burroughs a travaillé pendant trois ans à l'examen de la HCrb. Il a dit ceci:
On m'a dit que je ralentissais le processus. Auparavant, nous avions un processus d'examen à la Food and Drug Administration. Nous avons maintenant un processus d'approbation. Je ne crois pas que la FDA fasse des examens honnêtes et valables. Elle est devenue un prolongement de l'industrie pharmaceutique.
Cela n'est peut-être pas surprenant non plus pour certains d'entre vous.
En 1991, en réponse à des questions de M. Sanders, la FDA a révélé pour la première fois qu'elle avait demandé à la société Monsanto de reprendre ses études sur l'innocuité de la HCrb pour les vaches en raison de distorsions possibles des résultats de ces études. M. Sanders avait demandé à la FDA de comparer les résultats des expériences réalisées sur des vaches à UVM à ceux des expériences réalisées dans d'autres lieux d'essai. Le Center for Veterinary Medicine de la FDA a déclaré à l'époque qu'il n'acceptait ni la catégorisation ni l'analyse statistique effectuées par Monsanto de ces données sur la santé en raison de distorsions possibles des résultats des recherches lorsqu'on utilisait les méthodes de la société. Apparemment, cette dernière n'avait soumis qu'un résumé, non pas les résultats d'une analyse détaillée, des problèmes de santé des vaches.
Plus tard, à la demande de M. Sanders, le GAO a aussi tenté d'obtenir de l'information sur les expériences d'infection de HCrb menées à UVM. Après une année de négociations, en octobre 1992, le GAO a abandonné ses efforts. Dans une lettre à M. Sanders, le GAO a dit ceci:
[...] le temps démesuré qu'il a fallu jusqu'à maintenant pour négocier l'acquisition des données mine notre confiance dans l'authenticité des données.
Le GAO nous disait essentiellement qu'il ne croyait pas que les données qu'il recevrait de Monsanto seraient exactes et crédibles.
En 1992, le GAO a publié un rapport intitulé «rBGH -- Approval Should be Withheld Until the Mastitis Issue is Resolved». Le GOA y confirmait que les données de recherche sur la HCrb indiquaient que les vaches auxquelles on avait injecté le médicament souffraient davantage de mammite et d'autres problèmes, ce qui pouvait accroître la consommation d'antibiotiques, et que cela représentait, pour les consommateurs, ce qu'il appelait une menace «secondaire» pour la santé des humains. On n'a jamais répondu à ses préoccupations même si vous entendrez parler du processus de surveillance. Le GAO estime qu'on n'a jamais répondu à ses préoccupations au sujet des antibiotiques dans le lait.
La loi oblige la FDA à estimer qu'un médicament est sans danger. Toutefois, dans le cas de la HCrb, la FDA a créé ce que nous considérons comme un très dangereux précédent. Elle a déterminé que l'approbation pouvait reposer sur la conclusion que cette hormone présente un risque qu'on peut gérer (manageable risk). Nous n'avons aucune idée de ce qu'elle voulait dire réellement ni du motif sur lequel elle fondait ce jugement.
Lors de réunions et de discussions que j'ai eues avec des employés de la FDA, ces derniers ont été incapables de définir la norme utilisée pour juger s'il s'agissait d'un risque qu'on pouvait gérer. La loi ne fait pas mention d'un «manageable risk». On semble supposer que l'accroissement de la consommation d'antibiotiques qu'entraînera l'injection de HCrb ne présente pas une menace pour les consommateurs et que les producteurs agricoles pourront gérer le risque pour la santé de la population.
Malgré tout le respect que l'on doit au monde agricole, un milieu pour lequel j'ai beaucoup de respect, il faut dire que cela crée un précédent dangereux qui permet à la FDA d'approuver des médicaments dont l'innocuité n'a pas été prouvée et laisse au monde agricole le soin de gérer les risques que ces produits peuvent présenter. À mon avis, il est très profitable pour le fabricant du médicament de se décharger sur les producteurs agricoles de sa responsabilité à l'égard des conséquences de l'usage de ce médicament.
Comme vous le savez, la HCrb est un médicament destiné à des fins de production, non pas à des fins thérapeutiques. Elle ne fait absolument rien pour la société. Elle ne guérit aucune maladie et ne profite d'aucune façon à la société ni aux consommateurs. Elle ne vise qu'à amener les vaches à produire plus de lait. Compte tenu de cette absence d'avantages, son utilisation ne devrait présenter aucun risque pour les consommateurs.
En 1991, l'Office of Technology Assessment du Congrès américain a publié un rapport intitulé «U.S. Dairy Industry at a Crossroad: Biotechnology and Policy Choices». M. Dale Bauman, chercheur à l'Université Cornell et expert-conseil pour la société Monsanto, déclarait dans le rapport qu'on n'avait pas observé de problème de santé chez les vaches dans le cadre d'expériences d'injection de HCrb depuis les premières études sur cette hormone.
Encore une fois, c'est conforme à la tendance observée chez Monsanto. J'ai apporté de la documentation publiée par cette société. Une fiche de renseignements dit ceci:
... jusqu'à maintenant, des recherches menées par des universités et par l'industrie sur des centaines de vaches n'ont révélé aucune différence observée au niveau du poids, de la condition physique, de la sensibilité à la maladie ou de la santé générale.
Une autre fiche de renseignements dit ceci:
Aucun effet indésirable sur les vaches ou sur leurs veaux n'a été observé.
Une autre encore dit ceci:
Les vaches ne semblent simplement pas avoir été affectées.
Essentiellement, Monsanto fait, dans toutes ses publications, des déclarations publiques qui vont totalement à l'encontre des résultats de la recherche effectuée et qui sont directement contredites par les quelque 20 effets secondaires, qui peuvent être très graves, décrits sur l'étiquette apposée sur les contenants de ce médicament. Pourtant, selon la documentation de Monsanto, aucun de ces effets n'a été observé.
Même après l'approbation du médicament, la FDA a obligé Monsanto à modifier le manuel technique qu'elle distribuait aux vétérinaires et à d'autres. Malgré toutes les données qui avaient fait surface, Monsanto a continué de dire qu'il n'y avait aucun lien entre l'usage de ce médicament et les cas de mammite. On savait bien dès ce moment-là qu'une telle déclaration était absolument fausse.
L'inspecteur général de l'Agency of Health and Human Services a jugé, dans deux rapports différents, un publié en 1991 et l'autre en 1993, que Monsanto avait violé à plusieurs reprises les règles qui interdisent la promotion d'un produit avant son approbation. Avant l'approbation du médicament, avant d'être autorisée à faire ce genre de déclarations publiques, Monsanto a organisé des réunions et des ateliers où elle vantait les mérites du médicament aux producteurs agricoles, leur disant à quel point ce serait bon pour les vaches et à quel point cela leur permettrait d'accroître leurs profits. Elle a produit des bandes vidéo, des brochures et d'autres documents publicitaires faisant la promotion du médicament avant qu'il ne soit approuvé. Tout cela était considéré comme illégal à ce moment-là. Cela faisait partie de ses efforts en vue de pousser le produit sur le marché le plus rapidement possible sans tenir compte des effets qu'il pourrait avoir sur les vaches ou sur les consommateurs.
Je mentionnerai brièvement que trois hauts fonctionnaires de la FDA, qui étaient directement responsables des décisions au sujet de l'approbation de la HCrb, entretenaient des liens très étroits avec la société Monsanto. Mme Margaret Miller, qui a déjà effectué des recherches sur la HCrb pour le compte de Monsanto, a aussi été haut fonctionnaire à la FDA. Elle y a occupé un certain nombre de postes, y compris celui de chef de la Hormones and Pharmaceutical Agents Branch, le service qui était chargé d'examiner l'innocuité du produit de Monsanto pour les humains. C'est cette ancienne chercheuse pour le compte de Monsanto qui avait à l'origine approuvé, en 1992, le dossier de l'innocuité pour les humains de la HCrb mise au point par cette même société. Selon le GAO, la signature de Mme Miller sur le dossier relatif à l'innocuité du produit pour les humains équivaut à une participation au processus d'examen d'une demande d'approbation d'un nouveau médicament pour les animaux et constitue une violation des règles sur les conflits d'intérêts.
Mme Miller a également été associée à certaines décisions importantes au sujet de la HCrb mise au point par Monsanto, y compris celles consistant à déterminer si ce produit contribuait à faire apparaître la mammite chez les vaches, si la consommation accrue d'antibiotiques présentait une menace pour la santé des êtres humains et si l'on pouvait distinguer la HCrb de la BST naturelle dans le lait.
Après 1993, Mme Miller a été encore davantage associée aux questions qui entouraient l'examen de la HCrb en raison des inquiétudes persistantes au sujet de l'innocuité du produit pour les humains. Selon le GAO, le commissaire a fait appel aux compétences de Mme Miller pour l'étude d'un certain nombre de questions. Il est arrivé à certaines occasions que Mme Miller se retire des discussions parce qu'elle savait qu'elle avait ce qu'elle appelait un problème d'apparence, c'est-à-dire qu'il y avait dans son cas apparence de conflit d'intérêts.
En août 1993, durant une discussion au sujet de la personne qui devrait représenter la FDA devant le Congrès si une audience était tenue après l'approbation du produit, on a suggéré le nom de Mme Miller. Cela montrait bien qu'elle en savait plus long sur le sujet que n'importe qui d'autre à la FDA. Un autre membre du personnel de la FDA a dit qu'elle ne pourrait pas faire cela parce qu'elle avait un problème d'apparence. Selon le GAO, c'était la première fois que le commissaire entendait parler des liens antérieurs de Mme Miller avec Monsanto. Il aurait été visiblement surpris d'apprendre que la personne qui le conseillait depuis le début au sujet de ce produit avait déjà travaillé pour la société Monsanto. Elle a aussi violé sept fois les règles sur les conflits d'intérêts en publiant des articles pour le compte de Monsanto au sujet de la HCrb pendant qu'elle travaillait à la FDA.
Mme Susan Sechen est la personne qui a examiné les données primaires sur le produit de Monsanto à la FDA. Pendant qu'elle travaillait à la FDA à l'élaboration des lignes directrices suivant lesquelles la HCrb serait examinée -- elle a eu trois emplois temporaires à la FDA -- elle faisait aussi de la recherche à l'Université Cornell sous la supervision d'un expert-conseil de la société Monsanto. Elle faisait de la recherche pour Monsanto sur les produits de Monsanto et envoyait ses résultats à Monsanto.
Après avoir obtenu son doctorat, le premier emploi qu'elle a eu a été celui d'examiner les données primaires sur le produit de Monsanto à la FDA. Mme Sechen est arrivée si vite à la FDA qu'elle s'est trouvée à examiner ses propres données et celles de son mentor, un homme qui a dit que ce produit n'avait jamais causé de problème de santé à des vaches, contredisant ainsi tout ce que nous savons. Nous pouvons supposer que Mme Sechen partageait peut-être dans une certaine mesure les idées de son mentor. La FDA croit que cette situation aurait pu soulever des doutes au sujet de l'objectivité de Mme Sechen.
Mme Susan Sechen a également violé à trois reprises les règles de la FDA en matière de conflits d'intérêts en publiant des articles pour le compte de Monsanto pendant qu'elle travaillait à la FDA. Un des articles nomme Margaret Miller parmi les chercheurs de Monsanto, mais il y a un astérisque indiquant l'adresse actuelle de la FDA.
En 1998, le Government Ethics Office a fait une évaluation de la FDA. Il a conclu que les fonctionnaires de la FDA chargés d'approuver les médicaments et les aliments ne comprenaient pas la nuance entre leurs fonctions officielles et leurs activités extérieures. Il a dit que les employés de la FDA aux États-Unis ne saisissaient pas la différence entre travailler pour la FDA ou travailler pour des sociétés privées, qu'il s'agisse d'employeurs antérieurs ou d'employeurs éventuels.
Je devrais mentionner brièvement que Michael Taylor, qui était commissaire adjoint responsable des politiques à la FDA à l'époque, avait déjà été avocat pour la société Monsanto avant d'arriver à la FDA. Même s'il n'a pas participé directement à l'approbation du médicament, M. Taylor a approuvé la décision de la FDA de ne pas exiger l'étiquetage des contenants destinés à la consommation. De plus, il a participé activement à l'examen des questions concernant l'étiquetage.
J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Kessler -- qui était commissaire de la FDA à l'époque -- et d'autres membres du personnel pour discuter de diverses questions dans le cadre du débat sur l'analyse des lacunes. Certaines des questions abordées concerne l'absence d'études à long terme sur l'innocuité de la HCrb pour les humains, l'absorption possible de l'hormone dans le sang, et les répercussions éventuelles de la consommation de quantités plus élevées de facteurs de croissance de substances insulinoïdes ou apparentées à l'insuline (FCI-1) dans le lait de ces vaches. Tous s'entendaient pour dire que le lait des vaches auxquelles on injecterait des HCrb renfermerait des quantités considérablement plus élevées de FCI-1.
On nous a cependant déclaré que cela ne posait aucun problème pour la santé parce que ces facteurs ne survivraient pas à la digestion. L'American Medical Association et le National Institute for Health ont indiqué qu'il faudrait effectuer d'autres recherches pour déterminer les effets à long terme de la consommation de quantités plus élevées de FCI-1 à la suite de l'injection à des vaches de HCrb.
Ces recherches à long terme n'ont jamais été faites parce que la FDA et la société Monsanto prétendaient que le produit ne survivrait pas à l'ingestion. Or, selon le rapport d'analyse des lacunes, comme nous l'avaient montré les résultats de recherches antérieures, le FCI-1 peut survivre à la digestion, surtout quand il est consommé avec des protéines du lait. L'autre grande conclusion du rapport d'analyse des lacunes qui nous inquiète est l'étude d'une durée de 90 jours effectuée par Monsanto sur des rats et dont les résultats, pour reprendre l'expression polie du document, ont été «déformés».
Si c'est vrai, cela veut dire que Monsanto, avec ou sans la complicité de la FDA, a dissimulé des résultats importants. Quand j'ai questionné M. Kessler au sujet de l'absence de recherches à long terme sur l'innocuité du produit pour les humains, il m'a répondu qu'à la lumière des résultats obtenus jusqu'ici elles ne s'imposaient pas. Seulement, quand je lui ai demandé si le lait de ces vaches pouvait contenir des résidus de l'hormone synthétique, il a répondu par l'affirmative. Et quand je l'ai questionné sur la quantité de cette hormone synthétique dans le lait, il a répondu qu'il n'en savait rien, ses employés lui avaient dit qu'il était inutile de la mesurer.
Selon nous, la personne qui lui a dit cela est Margaret Miller, l'ancienne chercheuse de Monsanto qui a violé les règles sur les conflits d'intérêts. M. Kessler a admis que ses employés lui avaient dit qu'il n'était pas nécessaire de mesurer la quantité de résidus de l'hormone synthétique dans le sang parce ce que le produit ne survivrait pas l'ingestion. Or, d'après les résultats des recherches effectuées par Santé Canada, c'est aller vite en besogne.
D'un certain nombre de notes et des discussions susmentionnées il ressort que c'est essentiellement à partir de l'étude d'une durée de 90 jours effectuée sur des rats que la FDA a conclu que la HCrb ne serait pas absordée et qu'il n'y avait pas lieu d'effectuer des études à long terme sur l'innocuité du produit pour les humains seraient inutiles. Cette étude a été citée dans la magazine Science et dans toutes les discussions que nous avons eues avec des représentants de la FDA.
En terminant, je tiens à signaler que nous avons demandé aux délégués du Vermont au Congrès et aux législateurs de l'État de solliciter auprès de la FDA de l'information à la suite de la publication du rapport d'analyse des lacunes. Ils s'en occupent en ce moment même. Nous leur avons également demandé d'ouvrir une enquête sur l'examen par la Food and Drug Administration des questions relatives à l'innocuité pour les humains de la HCrb.
La législation américaine stipule que la FDA doit réexaminer et révoquer le droit d'une société de commercialiser un médicament parce que de nouvelles preuves montrent que ce produit n'est pas sans danger. Nous croyons que le rapport d'analyse du gaps fournit de nouvelles données et de nouvelles preuves justifiant la nécessité de réviser les conclusions de l'examen du médicament et la suspension du permis de Monsanto de commercialiser le produit jusqu'à ce que des recherches adéquates sur ses effets à long terme sur la santé des humains aient été menées.
Nous vous exhortons à poursuivre vos efforts ici afin de ne pas faire les mêmes erreurs qu'aux États-Unis. J'estime que les chercheurs qui ont compilé les résultats du rapport de l'analyse des lacunes ont fait preuve de courage en essayant de dire la vérité sur ce qu'ils ont découvert.
On a camouflé des années durant ce genre d'information. Un groupe de chercheurs britanniques a constaté que Monsanto avait carrément biaisé des données pour minimiser l'importance de certains effets néfastes de son produit sur les vaches laitières. Monsanto a développé une tendance à regrouper des études limitées et à ne retenir que certains résultats pour déterminer les effets de son produit sur les vaches.
Nous devons ensemble faire trois choses. Premièrement, rétablir l'intégrité du processus d'approbation des médicaments aux Etats-Unis et au Canada et, de fait, rétablir la confiance de la population dans des institutions qui sont de plus en plus contrôlées par des sociétés. Deuxièmement, garantir la sécurité des consommateurs et des vaches. Troisièmement, protéger l'intégrité de la grande majorité de producteurs laitiers, qui ne veulent pas utiliser de la HCrb et qui ne veulent pas non plus que des fabricants de produits chimiques comme la société Monsanto renforcent encore davantage leur contrôle sur leur industrie et sur leurs produits.
Il est très important que les Canadiens et les Américains collaborent à ces efforts. Il ne faut pas répéter l'erreur de la FDA. On soupçonne que le FCI-1 survive dans l'organisme. Monsanto a déclaré qu'il ne survivra pas; or il survivra. La société a également déclaré que la HCrb ne serait pas absorbée dans le système sanguin, alors qu'on peut trouver la preuve du contraire dans une étude effectuée antérieurement par une autre société. J'espère bien pouvoir continuer de travailler avec vous, sénateurs, ainsi que tous les autres intervenants au Canada, au règlement de ces questions dans l'intérêt des agriculteurs et des consommateurs américains et canadiens.
Le président: Nous entendrons les déclarations, puis nous passerons aux questions.
Mme Nelson: Je vous remercie de m'offrir l'occasion de partager mes réflexions et mes observations en tant qu'exploitante de ferme laitière, membre du conseil d'administration de Rural Vermont et législateure d'État. Mon mari Bill et moi possédons et exploitons Home Acres Farm à Ryegate Corner, au Vermont. Notre troupeau laitier comprend 150 vaches Holstein et Guernesey et à peu près le même nombre de bêtes de remplacement. Nous possédons 600 âcres et faisons également la récolte sur d'autres terres. Nos deux fils adultes, qui cultivent avec nous, forment la huitième génération d'agriculteurs qui se sont succédé sur notre terre.
Nous avons entendu parler de l'hormone de croissance bovine à la fin des années 80. Notre première réaction a été de nous demander pourquoi des agriculteurs voudraient produire plus de lait quand on sait que chaque fois qu'on enregistre un surplus, le prix du lait baisse. Pourquoi un agriculteur voudrait-il donner inutilement des injections à ses vaches? Et puis, si on force les vaches à donner encore plus de lait, ne risque-t-on pas de se retrouver avec un nombre accru de mammite? Enfin, n'y a-t-il pas un risque à toucher un produit pur, sain et naturel?
Quand nos enfants étaient petits, on me qualifiait de championne autoproclamée de la championne de la consommation de lait. Je pensais que si j'arrivais à convaincre tout le monde de boire un verre de lait de plus par jour, nos problèmes seraient résolus. Le surplus disparaîtrait, le prix de notre lait augmenterait et nous vivrions tous plus heureux que jamais. Mais je ne voyais comment cela pourrait aider financièrement de produire plus de lait en injectant nos vaches de la HCB.
Bill et moi avons adhéré au Rural Vermont, un groupe agricole et rural de pression. J'ai été impressionnée par les agriculteurs qui en faisaient partie. C'étaient des gens qui agissaient après avoir tout bien pesé. Bon nombre d'agriculteurs avaient été subjugués par la tendance des entreprises de haute technologie à prôner, dans les années 70, l'expansion et, dans les années 80, l'efficacité pour satisfaire à la demande de nourriture bon marché. Nous nous demandions pourquoi nous, qui possédions toutes les compétences nécessaires pour produire des denrées alimentaires et avions massivement investi dans les terres et les machines, arrivions à peine à joindre les deux bouts et nous retrouvions presque sans pouvoir ni influence.
Soit, je ne suis pas une scientifique de renom, pas plus qu'une économique d'envergure nationale, mais le bon sens me dit que toute cette affaire d'hormone de croissance bovine n'est rien de plus qu'un stratagème pour rapporter des bénéfices.
Monsanto a financé quatre recherches sur l'HCB qui ont été effectuées à l'Université du Vermont, mon alma mater. En 1990, un employé de l'université a fourni à Rural Vermont des informations et des photos montrant que des vaches auxquels on avait injecté de l'HCB avaient donné naissance à des veaux déformés et présentaient des graves problèmes de santé. En 1991, notre organisation a publié un premier rapport sur la santé du troupeau qui avait fait l'objet des recherches Monsanto-UVM. La brochure sur le Posilac confirme que Rural Vermont avait su identifier six des vingt et un effets secondaires subis par le bétail après injection de la HCB.
Ces quatre dernières années nous avons suivi de près le processus d'approbation de la FDA qui est loin d'être parfait, et nous avons publié deux rapports en 1995. Je crois que vous en avez des copies. L'un, qui s'intitule «Recombinant Bovine Growth Hormone: Alarming Tests, Unfounded Approval,» expose les raisons qui ont favorisé la commercialisation accélérée de la HCrb. Son auteur est Andrew Christiansen. Le deuxième rapport, rédigé par Mark Kastel du Wisconsin, s'intitule «Down on the Farm: The Real BGH Story.»
Le président: Je ne crois pas que nous ayons ces rapports. Vous pourriez peut-être les déposer.
Mme Nelson: Nous en avons des exemplaires supplémentaires.
C'était un stratagème pour faire des bénéfices. On disait aux agriculteurs: «Si vous êtes un bon producteur, voilà l'outil de gestion idéal pour vous, et ça vous rapportera gros. Le bon producteur opte pour POSILAC. C'est simple et rapide, et aucun autre produit n'a jamais été autant étudié».
À la suite de notre rapport de 1991, la FDA a avoué à notre représentant au Congrès, Bernie Sanders, qu'il y avait eu une épidémie de mammite lors de la première étude effectuée à l'UVM. Quelque 450 p. 100 plus de vaches appartenant au groupe HCB avaient dû être traitées par rapport à celles du groupe de contrôle, et le groupe HCrb avait présenté 725 p. 100 de plus de nouveaux cas. Selon le relevé des études établi par la FDA, les vaches auxquelles on avait injecté de l'HCrb couraient 79 p. 100 plus de risque d'être atteintes de la mammite que les autres vaches.
Une cassette vidéo accompagnait le guide pour réussir avec POSILAC. Cette notice commode fournit par Monsanto indique comment calculer la rentabilité au moyen de graphiques. C'est à la première page. Nulle part dans le graphique des dépenses il n'est question des pertes de production et des frais supplémentaires occasionnés par l'administration d'antibiotiques et les soins vétérinaires, et tout cela à cause de la mammite. Le guide dit: «Une alimentation accrue suffit» et «ça marche». Mais on omet de mentionner qu'une alimentation accrue, cela veut dire plus d'engrais, des terres plus grandes, tant et si bien qu'il y aura bientôt trop de nutriments sur notre territoire restreint. Je dirais qu'en moyenne un cas de mammite coûte à un agriculteur 150 $ environ, sans compter les soins vétérinaires.
Le rapport de Rural Vermont intitulé «Down on the Farm: The Real BGH Story» fait état d'expériences concrètes vécues par des agriculteurs dont les troupeaux ont connu de graves problèmes de santé. Les vieux de la ville de notre ville n'ont rien voulu savoir du carnet de chèques de 150 $ offert par Monsanto. On m'a dit récemment que seulement 4 des 125 clients potentiels utilisent l'HCrb.
Au cours de l'année écoulée, Rural Vermont a effectué une étude sur les transformateurs de produits laitiers. À la lumière de la loi sur l'étiquetage des contenants de lait provenant de vaches traitées à l'HCB, nous avons établi que 96 p. 100 des producteurs laitiers du Vermont n'utilisent pas la HCrb, et avec raison. Nous sommes dans les années 90 où le marché est roi. Les consommateurs veulent pouvoir choisir des produits sans HCrb. Onze des quatorze transformateurs de produits laitiers répondent à cette demande. Et ils peuvent le faire parce que l'assemblée législative du Vermont s'est dotée d'une loi sur l'approvisionnement volontaire en lait sans HCrb. Les agriculteurs souscrivent des affidavits, et le commissaire de l'Agriculture fait les vérifications d'usage.
Il y a quelques années, le Vermont a été le premier État américain à adopter une loi sur l'étiquetage obligatoire des contenants de lait provenant de vaches traitées à l'HCB. Autrement dit, tout produit pouvant contenir de l'HCB devait être indiqué sur l'étiquette à l'aide de points bleus. Toutefois, il a été établi devant les tribunaux que la liberté d'expression de la société Monsanto avait préséance sur le droit de savoir des consommateurs. L'adoption de la nouvelle loi, qui ne parle plus que d'étiquetage volontaire des produits sans HCrb, n'a pas été une mince tâche. Monsanto a envoyé des lettres aux agriculteurs les menaçant de cesser de faire des affaires dans l'État du Vermont en cas d'obligation d'obtenir des permis. Les avocats des lobbyistes ont envoyé des lettres aux législateurs et ont même dit au commissaire de l'Agriculture ce qu'ils voulaient trouver dans la loi. Trois hauts dirigeants ont pris l'avion pour Montpelier afin de persuader le gouverneur d'opposer son veto au projet de loi.
Le Vermont est l'État américain le plus axé sur la production laitière. Nous produisons plus de lait par habitant que tous les autres États, et nos consommateurs veulent des produits sans HCrb. Nous sommes réputés pour notre crème glacée Ben and Jerry et notre fromage Cabot.
Les agriculteurs doivent satisfaire à la demande de produits sans HCrb. Les gens se préoccupent de leur santé. Ils craignent les aliments manipulés biogénétiquement. Je crois que les producteurs laitiers sont des gens d'affaires indépendants qui sont fiers de proposer des produits naturels aux consommateurs. Monsanto, une multinationale spécialisée dans les produits chimiques, avide de profits, s'est attaquée à des agriculteurs qui gagnent durement leur vie. Cet outil de gestion simple et rapide a semé la controverse et soulevé de graves questions entourant la santé. Le Canada serait sage de se tenir à l'écart de ce produit déplorable dont les conséquences sociales et économiques sont si néfastes.
Le président: Je vous remercie, madame Nelson.
Monsieur Hansen, la parole est à vous.
M. Michael Hansen, Ph.D., associé de recherche, Consumers Union, Consumer Policy Institute: Honorables sénateurs, je suis associé de recherche au Consumer Policy Institute, une division de Consumers Union of the U.S., qui publie le magazine Consumer Reports. Nous sommes l'organisme de défense des consommateurs le plus important des États-Unis. Nous sommes spécialisés dans les tests de produits. Notre magazine compte environ 4,5 millions d'abonnés, et est le deuxième mensuel en importance aux Etats-Unis.
J'interviens dans le dossier de la HCrb et de la STbr depuis 10 ans. En 1994, j'ai comparu devant un comité de l'agriculture au Canada. Je suis un de ceux qui ont introduit ici des données sur la HCrb en provenance de l'Angleterre et les ont fait circuler.
Je désire m'entretenir de deux choses: le rapport d'analyse des lacunes et le CMEAA, le comité mixte des experts des additifs alimentaires.
Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que, selon le rapport d'analyse des lacunes, l'étude d'une durée de 90 jours sur des rats a révélé que de 20 à 30 p. 100 des rats appartenant aux groupes auxquels on a administré la plus forte dose ont développé des anticorps à la STbr, ils ont donc absorbé la STbr. En outre, le rapport signale la présence de kystes sur la thyroïde des rats mâles ainsi qu'une infiltration mononucléaire accrue dans la prostate.
Ces constatations mettent en doute toute l'argumentation de la U.S. Food and Drug Administration voulant que la HCrb est propre à la consommation humaine. Les résultats de l'étude de 90 jours ont été déformés par la FDA dans l'article du magazine Science de 1990 où elle exposait les raisons pour lesquelles elle estimait la HCrb sans danger. L'article décrivait en détail l'étude de 90 jours et fournissait même deux tableaux de données. Or, la FDA concluait qu'il n'y avait «pas de changements significatifs sur le plan toxicologique» chez les rats auxquels ont avait administré de la HCrb par voie orale.
La présence d'anticorps, et les autres constatations auraient dû déclencher des études à long terme, mais la FDA n'en fit rien.
Nous croyons que cette étude de 90 jours revêt une importance cruciale et que les résultats complets devraient être diffusés afin que des scientifiques canadiens et américains indépendants en prennent connaissance. Premièrement, comme on le souligne à l'annexe VI du rapport d'analyse des lacunes, intitulée Monsanto study on Immunoglobin in Rat Serum, si on a cherché la présence d'anticorps, c'est parce qu'une étude antérieure sur des rats avait révélé des effets semblables. Selon cette étude:
La recherche d'anticorps a découlé de rapports de détection d'anticorps circulants à la TSB chez des rats hypophysectomisés et auxquels on avait administré par voie orale ou injection de la TSB tirée de l'hypophyse.
Dans son étude de 90 jours, Monsanto a compensé les défauts de la première étude en retenant des rats normaux, c'est-à-dire n'ayant pas subi l'ablation de l'hypophyse, en recourant à son produit HCrb, le sometribove ou POSILAC et en effectuant des mesures d'anticorps plus minutieuses.
Deuxièmement, le fait que l'étude de 90 jours ait révélé la présence d'anticorps à la HCrb dans le sérum de rats ayant reçu de la HCrb par voie orale laisse supposer qu'il s'agit d'un résultat réel et non anormal et que la HCrb a été absorbée et donc qu'elle a survécu à la digestion.
M. McLean du comité mixte des experts des additifs alimentaires est alors intervenu. Il a tenté de justifier la présence des anticorps par deux arguments: premièrement, que la réaction immunitaire à un apport alimentaire était courante; deuxièmement, l'introduction d'une sonde gastrique pouvait laisser pénétrer de petites quantités de HCrb dans les poumons des rats, substance qui était systématiquement absorbée, d'où la production d'anticorps. S'il est vrai que des anticorps circulants aux protéines alimentaires telles que le lait ou l'albumine présents dans le régime puissent être générés, des études faites en laboratoires montrent qu'il faut des quantités relativement grandes de protéines alimentaires étrangères pour induire cette réponse. Avec la HCrb, seules de très petites quantités, cinq milligrammes par kilogramme par jour, étaient nécessaires.
Qui plus est, si la réaction immunitaire à l'apport de protéines est si courante, pourquoi donc l'expérience a-t-elle été effectuée pour commencer et pourquoi les résultats de l'étude sur les rats hypophysectomisés a-t-elle été considérée problématique? Tout comme pour l'argument voulant que la réaction immunitaire soit due à de petites quantités de la HCrb ayant été inhalées plutôt que digérées, s'il en est bien ainsi, on pourrait s'attendre que la même proportion de rats de chaque groupe de dosage oral a inhalé cette substance. Autrement dit, le malaise causé par l'introduction de la sonde gastrique devrait être identique chez tous les rats, quel que soit leur niveau de dosage, et on devrait s'attendre à ce que la même proportion de rats de chaque groupe de dosage accusent des anticorps. Or, ce n'est pas ce que les données indiquent.
À la quatorzième semaine, les données révèlent une tendance à la présence d'anticorps en circulation chez un nombre de plus en plus grand de rats à qui on avait administré une dose de plus en plus forte de HCrb. Ainsi, chez les rats auxquels on avait administré 0,1 milligramme par kilogramme par jour, 0,5 mg par kg par jour, 5 mg par kg par jour et 50 mg par kg par jour, les résultats ont été: un sur 30, zéro sur 29; six sur 30 et 9 sur 30 respectivement. Cela porte à croire que c'est la concentration de HCrb, et non pas seulement l'inconfort causé par la sonde gastrique, qui est importante. Ces données sont compatibles avec l'hypothèse qu'une partie de la HCrb survit à la digestion et est absorbée intacte.
En résumé, nous croyons que la découverte d'anticorps à la HCrb dans l'étude de 90 jours sur l'effet de la substance administrée dans l'alimentation des rats, effectuée par Monsanto, a corroboré ce qu'on a observé dans l'étude antérieure sur l'effet de l'HC tirée de l'hypophyse bovine sur des rats hypophysectomisés, et qu'il s'agit là d'un résultat véritable. De plus, la découverte de kystes sur la thyroïde des rats mâles et d'infiltration de mononucléaires dans leur prostate après qu'on leur a administré de la HCrb par voie orale est également troublante.
Nous sommes fermement d'accord avec les auteurs du rapport d'analyse des lacunes pour dire que ces résultats auraient dû susciter des études à plus long terme. Après tout, la procédure normale pour la plupart des produits pharmaceutiques vétérinaires exige d'effectuer une batterie complète d'études toxicologiques, dont des études de cancérogénicité de deux ans et des études de reproduction sur trois générations, surtout si des études à court terme ont constaté un effet.
Aux États-Unis, nous avons réclamé qu'on nous explique: pourquoi Monsanto n'a jamais rendu publics les résultats de son étude de 90 jours sur l'effet de la substance administrée dans l'alimentation des rats; pourquoi la FDA américaine avait mal rapporté les résultats en 1990; pourquoi elle a omis de les inclure, ou même d'y faire allusion, dans le sommaire des renseignements sur le POSILAC publié en novembre 1993 en vertu de la loi d'accès à l'information; et pourquoi elle n'a pas obligé Monsanto à effectuer des études toxicologiques à plus long terme.
Nous avons également demandé au Congrès américain de faire enquête sur ces questions et d'exhorter la FDA à publier immédiatement les résultats complets de l'étude de 90 jours sur l'effet de la substance administrée dans l'alimentation des rats, si elle les possède. Nous avons également exhorté le Congrès: à obtenir une analyse indépendante de cette étude de 90 jours; à étudier tout le rapport d'analyse des écarts; à rencontrer les membres de l'équipe d'examen interne de la STbr qui a préparé le rapport d'analyse des lacunes; et à exiger une réponse immédiate de Monsanto et de la FDA sur ces questions.
À l'audience du comité du 29 octobre, M. McLean a témoigné à propos, notamment, de la 50e réunion du comité mixte d'experts des additifs alimentaires tenue en février 1998, où il a été question de la HCrb. Le CMEAA ne cherche pas à parvenir à un consensus entre les gouvernements ou les organismes, et tous ceux qui participent aux réunions le font à titre personnel en qualité d'experts internationaux, en tant que membres à part entière, en tant que conseillers temporaires ou en tant que consultants. J'y ai participé en tant que conseiller temporaire, en m'appuyant sur mon expertise en la matière. J'étais également le principal auteur d'un document technique intitulé «Potential Public Health Impacts of the Use of Recombinant Bovine Somatotrophin in Dairy Production,» sur les risques que peut présenter pour la santé publique l'utilisation de la somatotrophine bovine recombinante dans la production laitière, que Consumers International avait soumis à l'examen de la 50e réunion du CMEAA. J'en ai apporté des copies supplémentaires pour tous les membres du comité.
M. McLean a déclaré le 29 octobre qu'il me croyait satisfait des données que le CMEAA avait examinées de même que de la façon dont le comité a fait rapport. Ce n'est pas vrai. J'ai de sérieuses réserves à propos du processus et je ne suis pas d'accord avec les conclusions. Bien que le rapport final soit censé être un document de consensus, il ne l'est pas en fait. En vertu des règles du comité, je n'ai pas le droit de parler de ce qui s'est dit à la réunion. J'ai cependant le droit de parler des membres du comité et de la teneur de leur rapport.
Premièrement, je crois qu'il y a certains faits que vous devriez connaître au sujet des experts dont se composaient les deux commissions du CMEAA qui ont évalué la HCrb. La première commission, qui s'est réunie en 1992, comportait, à titre de membres, de conseillers temporaires ou de consultants, six fonctionnaires du Centre for Veterinary Medicine de la FDA américaine, qui avait auparavant conclu que les produits laitiers provenant de vaches traitées à la HCrb étaient sans danger pour la consommation humaine. Un de ces fonctionnaires, le docteur Margaret Miller, avait eu part à la conclusion de la FDA que la HCrb était sans danger. Avant d'entrer à la FDA, Mme Miller avait occupé le poste de chef du laboratoire de Monsanto qui avait produit une bonne partie des données de recherche sur l'innocuité de la HCrb pour les humains. Nous croyons que Mme Miller se trouvait dans une situation de grave conflit d'intérêts et ne peut être considérée comme un expert indépendant.
Participaient également à la commission d'évaluation de 1992 du CMEAA, en tant que conseillers temporaires ou consultants, M. Greg Guyer et Mme Judith Juskevich, les deux fonctionnaires de la FDA auteurs de l'article publié dans Science qui a induit le public en erreur à propos de l'étude de 90 jours sur l'effet de la substance administré dans l'alimentation des rats. Les autres participants de la FDA à la commission d'évaluation dite «indépendante» du CMEAA étaient M. Gerald Guest, directeur à l'époque du Centre for Veterinary Medicine, et M. Robert Livingston et M. Furrow, tous deux du Centre for Veterinary Medicine. En outre, M. Len Ritter, du Bureau des médicaments vétérinaires de Santé Canada, participait également à cette réunion. Vous connaissez sans doute tous très bien la controverse entourant la comparution de M. Ritter en 1994 devant le comité canadien de l'agriculture qui faisait enquête sur la HCrb.
Grâce en partie au lobbying de Consumers International, la question de l'innocuité de la HCrb pour les humains a été renvoyée au CMEAA pour une deuxième fois en 1997 par la Commission du Codex Alimentarius.
Le CMEAA s'est réuni en février 1998. Le rapporteur de la réunion était Mme Margaret Miller, et l'un des coauteurs du rapport de cette réunion consacrée à la HCrb était M. Nicholas Weber, également du Centre for Veterinary Medicine, qui relève du docteur Miller. M. Len Ritter a participé de nouveau à la commission d'évaluation de 1998.
Je ne suis pas d'accord avec les résultats et les conclusions du rapport du CMEAA sur trois points essentiels. Le premier a trait à l'augmentation des taux de mammite chez les vaches traitées à la HCrb, entraînant une utilisation accrue d'antibiotiques. Le deuxième a trait aux incidences potentielles sur la santé de taux accrus de FCI-1 dans le lait. Le troisième a trait à la possibilité que l'utilisation de HCrb augmente le risque d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).
Nous craignons en effet que l'utilisation de la HCrb n'augmente le taux de mammite, comme on l'a constaté aussi bien dans les études qui en ont précédé l'approbation que dans celles qui l'ont suivie. Cependant, le CMEAA a déclaré que la question de savoir si l'utilisation de la HCrb augmente le taux de mammite était hors de la compétence du comité, et il n'y a pas eu de discussion sur la question.
Quant aux résidus d'antibiotiques, le CMEAA a déclaré qu'aux États-Unis, on avait observé:
[...] des changements insignifiants dans les quantités de lait jeté à la suite de tests de dépistage de résidus d'antibiotiques après que la HCrb a été introduite dans l'usage commercial.
Nous ne sommes pas d'accord avec cette conclusion pour plusieurs raisons.
D'abord, nous croyons que la seule étude citée à l'appui de cette conclusion, le programme de surveillance après l'approbation, présente des lacunes fondamentales. Aucune donnée n'a été recueillie sur les taux véritables de résidus d'antibiotiques dans le lait des vaches traitées et non traitées, ce qui veut dire qu'il n'y avait aucune preuve directe de la présence de résidus d'antibiotiques dans le lait des vaches traitées. Sans preuve directe de ce genre, on ne peut tirer de conclusions solides quant à savoir s'il y a augmentation des résidus du médicament dans le lait. Au lieu de chercher à trouver des preuves directes, l'étude de surveillance a simplement tenu compte du pourcentage de lait jeté en raison de résidus d'antibiotiques contrevenants. L'étude de surveillance a cependant constaté une augmentation statistiquement significative des taux de résidus d'antibiotiques contrevenants dans les principaux États laitiers dans l'année suivant l'approbation du POSILAC, le produit de Monsanto à base de HCrb. Le programme de surveillance a examiné la situation en 1992 et 1993, les deux années avant l'approbation, et en 1994 et 1995, les deux années après l'approbation.
Le CMEAA et la FDA américaine ont affirmé que l'augmentation significative peut s'expliquer par un changement des méthodes de dépistage des résidus. Une partie du programme incluait un programme de dépistage des résidus d'antibiotiques dans les 12 États dont provenait plus de la moitié de l'approvisionnement total des États-Unis en lait, avant et après que les ventes commerciales du POSILAC ont commencé en février 1994. Le pourcentage de lait jeté au cours des deux années antérieures à l'introduction du POSILAC s'établissait à 0,05 P. 100. Après, il s'est établi à 0,06 p. 100 en 1994 et à 0,09 p. 100 en 1995. Les données révèlent une augmentation statistiquement significative du pourcentage de lait jeté pour 1995. Par coïncidence, la plupart des États ont changé leurs procédures de dépistage en 1995 de manière à inclure un test de dépistage plus sensible, et le CMEAA a conclu que l'augmentation de 50 ou 80 p. 100 de la proportion de lait jeté était attribuable à ce changement. Cette conclusion était fondée sur la situation dans l'État de New York, qui a utilisé le même protocole de dépistage durant toute la période de quatre ans, et où le pourcentage de lait jeté avant l'approbation du médicament s'établissait à 0,062 p. 100, contre un taux de 0,064 après son approbation.
De plus, la Monsanto a soutenu que la STbr était utilisée dans plus de 37 p. 100 des fermes de l'État de New York, regroupant environ 50 p. 100 des vaches, bien qu'elle ait refusé de révéler le nombre précis des doses de HCrb qui y ont été vendues en 1994 et en 1995. Nous ne sommes pas d'accord avec l'analyse des données relatives au lait jeté. Pour qu'on puisse utiliser les données venant de l'État de New York pour affirmer que l'augmentation statistiquement significative est entièrement attribuable à l'adoption d'un test de dépistage plus sensible, et non à l'utilisation de la HCrb, il est indispensable de savoir exactement combien de doses de POSILAC ont été utilisées en 1994 et en 1995. J'ai inclus en appendice un document de travail montrant que, même si Monsanto a refusé de publier les chiffres sur les ventes et l'utilisation, la loi dans l'État de New York exigeait que les agriculteurs obtiennent un certificat de besoin de seringue du département de la santé de l'État. Seulement 700 agriculteurs ont demandé un certificat de besoin en 1994 et en 1995, et, même à supposer qu'ils ont tous obtenu un certificat et qu'ils utilisaient la HCrb, cela représente 700 agriculteurs sur 10 000, ou 7 p. 100 de tous les agriculteurs. Si 50 p. 100 des agriculteurs utilisaient en réalité cette substance, cela veut dire qu'il y a eu violation massive de la loi dans l'État de New York en 1994 et en 1995. J'ai même effectué une analyse de ses chiffres touchant les ventes pour la première année, révélant que, s'il était vrai que 50 p. 100 des vaches de l'État de New York ont été traitées, 75 à 80 p. 100 de toutes les doses vendues aux États-Unis ont dû l'être dans cet État.
Des données ont été tenues sur les niveaux d'utilisation d'antibiotiques pour les troupeaux soumis aux tests, et nous avons toujours dit que c'est ce qu'il faudrait faire. Les données provenant des études effectuées avant l'approbation et après l'approbation révèlent une utilisation accrue d'antibiotiques. Dans une étude portant sur 15 troupeaux commerciaux utilisant le POSILAC et soumis aux tests, on a constaté une augmentation globale de 46 p. 100 du taux de mammite, et le traitement aux antibiotiques a doublé chez les vaches traitées à la HCrb par rapport aux troupeaux témoins. Dans les études du programme de surveillance après l'approbation, la durée totale du traitement de la mammite aux antibiotiques a été plus longue de 89 p. 100, soit 402 jours contre 212, chez les vaches primipares traitées à la HCrb par rapport aux vaches témoins; et elle a été 34 p. 100 plus longue, soit 982 jours contre 743, chez les vaches multipares. Les deux effets étaient statistiquement très significatifs.
Malgré le fait que les études antérieures et postérieures à l'approbation de la substance ont révélé des augmentations de la durée totale du traitement de la mammite aux antibiotiques, le CMEAA a décidé de s'occuper uniquement de la quantité de résidus d'antibiotiques contrevenants. Bien que ces données soient utiles, les meilleures données sont à notre avis les niveaux réels de résidus d'antibiotiques dans le lait provenant des vaches traitées à la HCrb et des vaches non traitées. Or, de telles données n'ont jamais été recueillies, ou du moins rendues publiques, soit dans le cadre d'études avant l'approbation soit dans celui de l'étude du programme de surveillance après l'approbation, malgré les appels du General Accounting Office des États-Unis en 1992 en faveur de l'élaboration de telles données.
Dans une lettre à la secrétaire du Department of Health and Human Services de l'époque, Donna Shalala, faisant suite au rapport de 1992 de la FAO intitulé «Recombinant Bovine Growth Hormone: FDA Approval Should be Withheld Until the Mastitis Issue is Resolved» (l'approbation de la HCrb par la FDA devrait être remise jusqu'à ce qu'on ait résolu le problème de la mammite), l'inspecteur général du GAO déclarait ceci:
[...] si l'utilisation de la HCrb mène vraiment à des concentrations accrues d'antibiotiques dans le lait, les exigences actuelles en matière de délai de sécurité peuvent très bien être inadéquates pour faire face à ces considérations. Par conséquent, sans avoir répondu à la question empirique de savoir quelles concentrations d'antibiotiques se produiraient, on ne peut faire l'hypothèse que les exigences en matière de retrait et de retenue éliminent l'inquiétude que les antibiotiques créent à l'égard de la salubrité des aliments. À simplement parler, votre réponse n'a pas abordé notre sujet de préoccupation: l'utilisation de la HCrb mène-t-elle ou non à des concentrations plus élevées d'antibiotiques dans le lait et, dans l'affirmative, le niveau plus élevé est-il acceptable du point de vue de la salubrité des aliments? Effectuer des tests de dépistage d'antibiotiques entre des groupes traités et des groupes témoins pour répondre à la question susmentionnée me semblerait une meilleure façon de procéder que supposer que les exigences en matière de délai de sécurité suffisent à résoudre un problème dont l'ampleur et l'importance probables restent à examiner.
La lettre concluait:
[...] que l'augmentation des taux de mammite signalée dans les études de base sur la HCrb porte à croire que la possibilité d'une augmentation des niveaux d'antibiotiques dans le lait est très réelle. L'approbation des produits à base de la HCrb ne devrait pas être accordée tant qu'on n'aura pas valablement évalué le risque que présentent les antibiotiques. La réponse du département nous porte à croire qu'on n'a pas étudié sérieusement nos recommandations.
On n'a toujours pas répondu sérieusement à ces questions cinq ans plus tard.
Je vais résumer l'information sur les niveaux de FCI-1 dans le lait, bien que j'en traite de façon détaillée dans plusieurs pages de mon mémoire. Quant à la question des niveaux de FCI-1, une hormone naturelle qui est aussi un agent promoteur de tumeur, dans le lait venant des vaches traitées, le CMEAA a soutenu que cela ne présentait pas de problème, en raison des «faibles niveaux de résidus de STbr et de FCI-1 dans le lait» et en raison de «la dégradation de la FCI-1 dans les intestins et de son abondance dans les sécrétions intestinales».
Cela minimise le fait qu'en 1998, le CMEAA a réellement changé de position par rapport à 1992.
En 1992, le comité avait conclu que certaines études portaient à croire que le traitement à la STbr pourrait produire une légère augmentation des concentrations moyennes de FCI-1, mais il a également affirmé que les études les plus définitives et les plus complètes montraient que les concentrations de FCI-1 ne changent pas après un traitement à la STbr. Pourtant, les données utilisées dans ce rapport montraient en réalité que, pour les études les plus longues, celles de la Monsanto, il y avait une augmentation statistiquement significative. L'étude de 1998 du CMEAA a cependant présumé une augmentation de 50 p. 100.
Le comité a ensuite tenté de justifier cette augmentation en invoquant d'abord une étude postérieure à l'approbation de la substance qui avait examiné les niveaux de FCI-1 dans le lait vendu au détail, mais uniquement dans le lait dont l'étiquette précisait que les vaches productrices n'avaient pas été traitées à la HCrb, et dans le lait non étiqueté. Comme l'étude n'a pas jugé bon de déterminer quel pourcentage du lait non étiqueté provenait de vaches traitées à la HCrb, on ne peut rien dire de concluant à propos de l'absence de différence statistiquement significative entre les niveaux de FCI-1 dans le lait étiqueté et dans le lait non étiqueté. En fait, plus des deux tiers du lait provenait du Wisconsin, qui enregistre probablement la plus faible utilisation de HCrb de tous les principaux États laitiers. En effet, comme on l'a fait remarquer, les experts de l'Université du Wisconsin ont calculé qu'entre 2 et 3 p. 100 des vaches du Wisconsin recevaient de la HCrb en décembre 1994, et que ce lait avait été échantillonné cette année-là. Avec une utilisation aussi minime, nous ne nous attendrions pas à voir de différence significative entre le lait étiqueté et le lait non étiqueté, et cette étude sur le lait vendu au détail est absolument sans aucune valeur.
Le comité a également affirmé que, même s'il a pu y avoir une augmentation des niveaux de FCI-1, et même en admettant que des études peuvent montrer qu'elle survit à la digestion, le tractus gastro-intestinal en sécrète tellement que cela ne poserait pas de problème. Il a calculé que boire un litre et demi de lait par jour peut faire augmenter d'environ 2,3 p. 100 la quantité totale de FCI-1 dans le tractus gastro-intestinal, et que le FCI-1 additionnel dans le lait provenant de vaches traitées à la HCrb, à supposer l'augmentation de 50 p. 100 que les données semblent montrer, est responsable d'une augmentation de 0,8 p. 100.
Je ferai simplement remarquer qu'une étude précédente avait montré que le FCI-1 sous sa forme libre est digéré dans le tractus intestinal en moins de deux minutes. En la présence de caséine, cela prend plus de 35 minutes, sois 17 fois plus de temps. Il est donc trompeur de tenir compte uniquement de la quantité totale d'une hormone et de dire qu'elle n'est pas significative puisqu'elle compte pour moins de 1 p. 100. Pour certains, elle serait significative, et le fait qu'elle soit protégée de la digestion est une autre histoire.
Finalement, je mentionnerai brièvement le fait que le comité n'a pas fait grand cas du lien possible entre le FCI-1 et la prédisposition à l'ESB, et vous pouvez lire et entendre pourquoi il s'agit d'un problème. Il a dit essentiellement qu'il n'y avait pas de lien décisif. Nous sommes d'accord là-dessus, mais nous pensons également que, en raison du principe de précaution, et étant donné l'inconvénient possible de l'ESB, le comité aurait dû exiger qu'on fasse de la recherche dans ce domaine.
Je dirai en terminant que nous avons suffisamment de données scientifiques sur les questions de santé humaine pour affirmer qu'on doit aborder de façon prudente l'utilisation de la HCrb. Le comité mixte d'experts des additifs alimentaires affirme que la STbr peut être utilisée sans risque appréciable pour la santé des consommateurs. Nous ne partageons pas ce point de vue, nous croyons qu'on ne peut définir de façon exacte le véritable risque à ce stade-ci étant donné qu'il y a un très grand nombre de questions sans réponse qui devraient être approfondies. Nous nous demandons également pourquoi il est nécessaire de courir un risque avec un produit dont on n'a pas vraiment besoin et j'exhorte ce comité à continuer de se pencher sur la question. Je salue les scientifiques de Santé Canada qui ont procédé à l'analyse des lacunes et qui mettent leur carrière en jeu pour aider à faire connaître les problèmes reliés à ce produit.
Le président: Monsieur Hansen, avez-vous un rapport à soumettre?
M. Hansen: Oui.
Le sénateur Whelan: Nous avons déjà entendu, même si ce n'était pas exactement sous la même forme, la plupart des choses que les témoins ont dites aujourd'hui. Ma première question s'adresse à Mme Nelson.
Je remarque que les sociétés protectrices des animaux de votre pays et du nôtre restent neutres à l'égard de l'injection chez une vache d'une hormone qui change son métabolisme et lui fait donner davantage de lait. Si nous faisions la même chose dans le secteur des courses de chevaux, si nous donnions à un cheval une piqûre pour qu'il coure plus vite et si nous donnions une piqûre à notre chat pour qu'il saute plus haut, la Société protectrice des animaux trouverait cela tout à fait alarmant. Pourquoi les intéressés ne sont-ils pas inquiets des effets de cela sur un animal, étant donné les changements de métabolisme que cela entraîne, alors que l'animal mange davantage, produit plus, perd son poil, et cetera?
Mme Nelson: M. Pollina me dit que la Société protectrice des animaux, aux États-Unis, s'oppose à l'hormone de croissance bovine.
Le sénateur Whelan: Nous ne pouvons trouver aucune opposition officielle à cette hormone.
Mme Nelson: Nous pouvons vous obtenir certains renseignements là-dessus, mais les vaches constituent notre moyen de subsistance et sous aucun prétexte, nous ne ferons quoi que ce soit qui pourrait menacer notre entreprise. J'accorde beaucoup d'importance à toute cette question.
Le sénateur Whelan: Ce qui m'inquiète, c'est que vous n'avez rien dit dans votre exposé, pas plus que les deux autres témoins, au sujet de la position officielle de la Société protectrice des animaux, aux États-Unis. Au Canada, la société dit n'avoir aucune position. Si elle en a une, c'est la neutralité.
M. Pollina: Nous pouvons fournir des renseignements provenant de la société, aux États-Unis.
Le sénateur Whelan: Je veux savoir si vous pouvez nous donner une position officielle. Je suis stupéfait de voir que vous ignorez si la société en a une.
M. Pollina: J'ai vu des documents dans lesquels la société exprime son opposition.
Le sénateur Whelan: Mais a-t-elle une position officielle? En 1994, l'Association canadienne des vétérinaires a déclaré qu'elle approuvait plus ou moins l'utilisation de la STbr et elle affirme maintenant que ce n'était pas sa position officielle. Je m'inquiète au sujet de ces positions officielles et officieuses. Nous aimerions que les intéressés soient plus francs.
Lorsque vous traitiez avec la société Monsanto, madame Nelson, en tant que productrice laitière, est-ce que des agents sont venus jusqu'à votre exploitation essayer de vous vanter les mérites de leur produit?
Mme Nelson: Ils ne sont pas venus directement jusqu'à notre exploitation agricole, mais nous avons reçu plusieurs invitations à de belles réunions, à de grands dîners.
M. Pollina: Nous avons également découvert qu'on avait invité de nombreux agriculteurs à des réunions et à un moment donné, on a dit qu'on avait payé des producteurs laitiers pour assister à une réunion destinée à leur vanter les mérites de la HCrb. On a également découvert que les services de communications du Département américain de l'agriculture aidaient à financer des dîners parrainés par la compagnie Monsanto, et qu'ils se plaçaient ainsi en conflit d'intérêts.
Le sénateur Whelan: Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur l'étiquetage aux États-Unis? Les États ont-ils le pouvoir d'étiqueter ou est-ce sous contrôle fédéral?
Mme Nelson: Nous avons un droit individuel en tant qu'État de promulguer une loi sur l'étiquetage volontaire concernant la BGH. Il faut préciser sur l'étiquette qu'il n'y a aucune preuve concluante permettant d'affirmer que l'hormone de croissance bovine pose des problèmes. Nous croyons comprendre qu'il y a plusieurs autres États qui ont des lois semblables.
Le sénateur Whelan: Quelle est la loi dans votre État?
Mme Nelson: Notre loi précise que les agriculteurs doivent signer une déclaration sous serment selon laquelle ils n'utilisent pas l'hormone de croissance bovine et la soumettre à leur transformateur. Le commissaire à l'agriculture est informé de tous les cas où on doute de la véracité des renseignements fournis par un agriculteur. Il envoie alors des inspecteurs pour faire enquête, peut-être pour vérifier dans le réfrigérateur s'il y a du POSILAC, ou pour contrôler les dossiers de production laitière pour voir s'il y a une augmentation marquée.
Enfin, si tout indique que l'agriculteur n'a pas dit la vérité, cela met le transformateur sur la sellette, car il affirme dans sa publicité que son lait ne contient pas de BST. Cela donne au commissaire le droit d'exiger des renseignements au sujet de la vente d'hormone de croissance bovine à cet agriculteur, ce qui déplaît à Monsanto.
Le sénateur Whelan: Avez-vous, en fait, des étiquettes sur vos contenants de lait et de produits laitiers précisant que le lait utilisé ne contient pas de STbr?
Mme Nelson: Oui.
Le sénateur Whelan: Combien d'États ont cela?
Mme Nelson: Je crois qu'il y en a environ neuf ou dix.
Le sénateur Fairbairn: Est-ce volontaire?
M. Hansen: J'ai témoigné dans tous les États où cette question s'est posée. Un certain nombre d'États ont adopté des lois sur l'étiquetage volontaire, mais d'autres ne l'ont pas fait. Par exemple, il n'y a pas de loi à l'heure actuelle, dans l'État de New York, mais on peut acheter du lait de la Farmland Dairies, qui porte une étiquette précisant que ses fournisseurs n'utilisent pas ce produit et ne sont pas d'accord avec son utilisation.
Toute la question de l'étiquetage devient intéressante car la FDA n'assume plus ses responsabilités. Nous croyons que tout le lait devrait être obligatoirement étiqueté, car il y a une différence. Cependant, la FDA a déclaré qu'elle n'exigerait pas un étiquetage obligatoire. On a ensuite établi cette loi sur l'étiquetage volontaire qui disait qu'on pouvait faire cela, mais qu'il était interdit d'induire les gens en erreur. Cette loi a été approuvée par Michael Taylor. Par la suite, un bureau d'avocats a envoyé des milliers de lettres à toutes sortes de petits magasins d'aliments naturels et autres pour leur préciser que s'ils vendaient des produits étiquetés volontairement, ils ne pouvaient garantir l'affirmation selon laquelle le produit ne contenait pas de STbr. Ainsi, le lait peut être mal étiqueté et les magasins pourraient être passibles de poursuites. On a envoyé des milliers de ces lettres menaçantes et on a ensuite intenté deux poursuites, soit une contre la société Pure Milk and Ice Cream de Waco, au Texas, et une autre contre la Swiss Valley Farms, dans le centre du pays. Ces deux poursuites ont été réglées à l'amiable.
Le sénateur Whelan: Pouvez-vous faire franchir librement à des produits laitiers la frontière invisible d'un État?
M. Pollina: Oui.
Le sénateur Whelan: Il n'y a aucun contrôle sur ces produits?
M. Pollina: Pas en ce qui concerne ce type d'étiquetage. Des produits du Vermont qui peuvent être étiquetés «sans STbr» sont encore vendus dans toute la région.
Le sénateur Whelan: Nous avons fait une comparaison sur les prix du beurre, par exemple, et l'année dernière, à cette époque-ci, le beurre était en promotion dans de nombreux magasins. Je vis tout juste à côté de la frontière américaine, et à Port Huron, on le vendait à rabais, 97c., pour attirer les clients. Cette année, le prix était de 3,39 $ américain la livre. Au Canada, cela équivaut à environ 5,60 $. Si Monsanto faisait de l'aussi bon travail avec cette hormone, pourquoi avez-vous manqué de matière grasse?
Mme Nelson: Je l'ignore.
Le sénateur Whelan: Nous ne manquons pas de produits laitiers au Canada, et pourtant Monsanto affirme qu'il y a pénurie de produits laitiers. Est-ce le cas sur votre exploitation?
Mme Nelson: Non, nous ne manquons pas de lait. Nous avons essayé de maintenir le même troupeau moyen. Avec deux fils à la maison maintenant, nous avons accru notre troupeau de 20 vaches au cours des quatre dernières années.
Je vous envie, au Canada, avec votre système de quotas. Certains de vos agriculteurs peuvent penser que c'est très coûteux, mais au Vermont, nous avons la chance d'avoir ce groupe qui parle de la possibilité d'une gestion de l'offre. Il s'agit de fixer un prix stabilisateur pour le lait de consommation. J'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants de la Fédération des producteurs de lait du Québec le matin, après qu'ils eurent travaillé une partie de la nuit pour négocier un prix pour toute l'année. Au Vermont, nous recevons un chèque pour le lait toutes les deux semaines, mais nous ignorons le prix qu'on va nous donner pour notre lait.
Le sénateur Whelan: Vous commercialisez votre produit de façon désuète, n'est-ce pas?
Mme Nelson: C'est vrai.
Le sénateur Whelan: Comment se fait-il que les agriculteurs américains soient si en retard? Nous avons ce système depuis environ 20 ou 30 ans au Canada et les Européens en ont un semblable. Je crois que nous avons été les premiers à en mettre un sur pied, mais cela ne vient pas de mon industrie. Le père du sénateur Hays a organisé tout cela. C'était un agriculteur de l'Alberta qui élevait des bovins de boucherie et produisait des céréales. Il a vu à quel point les choses étaient inéquitables dans ce secteur et a pris des mesures pour remédier à la situation. Lorsque vous parlez du Québec, rappelez-vous que la commission du lait a été créée à l'intérieur du cadre des deux concepts de la Fédération canadienne. Les agriculteurs québécois recevaient 30 à 40 p. 100 de moins pour leurs produits que les agriculteurs des autres provinces et ils ont donc parcouru tout le pays, environ 4 000 milles, pour organiser la Commission canadienne du lait. Ils ont porté au même niveau que les autres leurs normes pour leur lait qui était transformé en fromage et en d'autres produits. L'industrie est sur le même plateau en ce qui concerne la santé et l'hygiène et d'autres questions semblables, mais il a fallu beaucoup de temps pour parvenir à cela.
Nous risquons de perdre ce système. Aucun parti politique n'a demandé de changement, mais la grande entreprise et les bureaucrates ont décidé arbitrairement qu'on devait modifier ce système, car il fonctionnait trop bien. Nous ne faisons pas face dans le secteur laitier au même chaos que nos éleveurs de porcs et nos céréaliers.
Je voudrais demander à Michael Hansen ce qu'il pense du Codex, car j'ai beaucoup de réserves à ce sujet. Récemment, le ministère de la Santé annonçait un report au sujet de la STbr jusqu'à juin prochain. Je soupçonne que cela est lié au Codex. Certains de nos fonctionnaires ont voté comme les représentants du Codex sans avoir reçu l'autorisation d'un de nos ministres ou hauts fonctionnaires. L'Australie et la Nouvelle-Zélande se sont rangés du côté des États-Unis, même s'ils interdisent la STbr chez eux. Je trouve qu'ils font preuve d'une certaine hypocrisie à tout le moins.
M. Hansen: Je suis d'accord avec vous. Lorsqu'ils affirment qu'ils attendront jusqu'à juin, ils veulent dire que le comité du Codex sur les principes généraux se penchera à nouveau sur la STbr en mars. La Commission du Codex sera ensuite saisie de la question et elle se prononcera là-dessus en juin. Cela soulève une grande controverse, car le comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments s'est réuni en septembre. C'était deux semaines avant que le comité du Codex sur les principes généraux ne se réunisse à Paris et en arrive à la conclusion claire qu'il doit y avoir consensus avant que les produits ne soient plus examinés au niveau du comité, mais au niveau de la commission.
Les Européens ont déclaré qu'ils avaient entendu le président déclarer qu'il n'y avait pas d'objections scientifiques en fonction du rapport du comité mixte d'experts des additifs alimentaires. C'est vrai, mais les Européens et d'autres disaient que nous ne pouvions parler de données scientifiques tant que nous n'aurions pas reçu le rapport technique. Ils voulaient reporter toute discussion jusqu'à la prochaine réunion du comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments. En fait, pour un certain nombre d'autres médicaments pour lesquels les données finales n'étaient pas connues, c'est-à-dire pour lesquels on n'avait pas encore le rapport du comité mixte d'experts des additifs alimentaires, on a décidé d'attendre. Pourtant, on a décidé d'adopter une approche différente dans le cas de ce médicament.
Le président du comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments est l'actuel directeur du Centre de médecine vétérinaire de la FDA. En 1993, il a dirigé le comité consultatif sur la médecine vétérinaire qui a décidé que la mammite était un «manageable risk» c'est-à-dire un risque avec lequel on pouvait composer. Il a déclaré que le Canada et l'Australie croyaient qu'on devait aller de l'avant, et un certain nombre d'autres pays comme le Honduras, le Nicaragua, le Brésil et l'Argentine étaient d'accord là-dessus. Cependant, les Européens ont émis de fortes réserves. Ils ont défendu de façon éloquente la position selon laquelle on ne pouvait parler des données scientifiques tant qu'on n'aurait pas en main le rapport final du comité mixte d'experts des additifs alimentaires. Ils n'étaient pas disposés à approuver cela automatiquement. Enfin, on est arrivé à un vote de 12 contre 12, mais le président a voté en faveur d'aller de l'avant.
Je prédis que, pour Consumers International et pour beaucoup d'autres personnes, il y a aura une énorme controverse aux deux prochaines réunions du Codex. Je pense que cette étude de 90 jours sera vraiment au premier plan lors de la réunion du Codex et qu'elle soulèvera probablement d'importantes questions. Il sera intéressant de voir ce qui va se produire.
Le sénateur Spivak: À partir de ce que nous avons entendu aujourd'hui, j'en déduis qu'il n'y a pas eu une forte demande pour la mise sur le marché de ce médicament, comme cela s'est fait au Canada.
Monsieur Hansen, au sujet du comité mixte d'experts des additifs alimentaires, pouvez-vous supposer sans crainte de vous tromper que les membres ont de graves réserves, de même que le Codex Alimentarius, au sujet de leurs activités précédentes?
Dans un communiqué de presse émis en juin dernier, le comité a exposé son opinion selon laquelle il n'y avait aucune crainte relativement à la sécurité des aliments et à la santé, mais ce communiqué a été plus tard retiré. On n'en a pas beaucoup parlé. Est-ce la FAO qui a retiré ce communiqué ou l'Organisation mondiale de la santé? Je ne sais pas au juste.
J'ai ici le Protocole d'entente entre les gouvernements du Canada et des États-Unis d'Amérique concernant certains secteurs du commerce agricole, daté du 2 décembre. En ce qui concerne les médicaments vétérinaires, on affirme que les États-Unis et le Canada disposent de programmes rigoureux et scientifiquement fondés d'approbation avant la mise en marché des médicaments vétérinaires. On parle de certaines différences dans les démarches adoptées en matière de réglementation, mais on maintient que les résultats sont essentiellement équivalents pour la protection de la santé publique dans les deux pays.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette affirmation, qui m'inquiète étant donné ce que nous avons entendu au sujet du processus suivi par la FDA.
De plus, dans le rapport d'analyse des lacunes, on parle des répercussions sur les nouveau-nés, mais si je comprends bien l'évaluation du comité d'experts, on n'a jamais examiné cette question. Nous savons qu'elle est importante, car les enfants boivent davantage de lait et en fonction de leur taille, le taux d'absorption a de plus grandes répercussions que sur des adultes.
M. Hansen: En ce qui concerne la composition du comité d'experts et du Codex Alimentarius, il est vrai que dans le monde des ONG, il y a certaines craintes. Nous croyons que le processus de nomination devrait être beaucoup plus transparent et qu'il y a des conflits d'intérêts. En 1993, alors que nous menions la lutte aux États-Unis, les intéressés ont essayé de prétendre qu'il s'agit d'un groupe indépendant approuvé par la FAO. Ce n'est que lorsque nous avons vu qui en faisait partie, que nous avons compris que c'était les mêmes personnes qui prônaient l'utilisation de ce produit ici.
Lorsque les intéressés ont examiné pour la première fois la question en 1992, même s'ils avaient leurs propres données, ils ont affirmé que le FCI-1 n'augmentait pas dans le lait et était parfaitement digéré. Pourtant, j'ai de graves réserves à ce sujet.
Je suis heureux que vous ayez parlé du communiqué de presse, car cela m'a beaucoup contrarié. En fait, j'étais parmi ceux qui ont enclenché tout le processus à ce sujet. Quelqu'un nous a fait parvenir ce communiqué de presse. Cela m'a rendu furieux, car il renferme une citation attribuée au comité selon laquelle il n'y aucun effet, alors qu'on ne dit cela dans aucun de nos rapports. On a inventé cette citation. De plus, le rapport disait que le comité s'était penché sur des questions comme la mammite, ce qui n'était pas le cas.
J'ai immédiatement envoyé un message électronique à tous les membres du comité d'experts et aux rapporteurs. J'ai exigé, en espérant que tout le monde serait d'accord avec moi là-dessus, que le communiqué de presse soit retiré et qu'on émette un communiqué de presse corrigé.
J'ai reçu un message d'un représentant du secrétariat du comité mixte FAO-OMS d'experts des additifs alimentaires. Le monsieur en question disait qu'il ignorait tout de ce communiqué de presse. Dans le message électronique qu'il m'a adressé, il a déclaré qu'on avait décidé, étant donné que le sommaire est diffusé sur Internet, de ne pas émettre de communiqué de presse et de plus, tout communiqué de presse devait passer par l'OMS également. Or, il n'avait jamais vu ce communiqué.
Dans les deux jours, il m'a avisé qu'on avait retiré ce communiqué du site Web. Cela soulève une question intéressante quant à savoir comment le communiqué de presse est arrivé là. Les intéressés n'ont pu découvrir d'où venait cette citation. Je ne peux faire part du fond de nos discussions, mais cette citation ne figurait dans aucun des documents et il n'en avait jamais été question dans le cadre des discussions au comité mixte d'experts des additifs alimentaires. Tout cela m'inquiète beaucoup.
Le sénateur Spivak: En lisant l'une des lettres envoyées, si je ne m'abuse, par le General Accounting Office au secrétaire à la Santé, j'ai été frappée par un fait très intéressant. À peine 4 des 85 médicaments utilisés sur les animaux font l'objet de tests pour détecter les résidus. Ainsi, lorsqu'on parle de programmes rigoureux et scientifiquement fondés, je me demande comment il se fait alors que seulement 4 médicaments sur 85 fassent l'objet de tests à cet égard. Comment expliquer cela?
M. Hansen: C'est ce qui se faisait dans le passé. Sa fonction a changé, mais auparavant, il y avait une «tolérance» prévue dans la loi, ce qui signifiait qu'on avait besoin de tous les tests de toxicologie et d'une méthode à cet égard. On avait recours ici, sur une grande échelle, à des produits ne figurant pas sur l'étiquette. On utilisait tous ces autres médicaments pour lesquels on n'avait aucun test. À l'époque, on utilisait un test qui permettait, fondamentalement, de déceler la pénicilline.
Les agriculteurs savaient qu'ils pouvaient utiliser d'autres médicaments. En fait, des agriculteurs nous ont dit, il y a deux ou trois ans, qu'il y avait un antibiotique disponible qui, selon les compagnies pharmaceutiques, était indétectable.
L'administration Clinton a légalisé l'utilisation de produits ne figurant pas sur l'étiquette même si un certain nombre d'entre nous pensaient que c'était illégal. C'est maintenant légal dans la pratique.
Il y a encore des problèmes avec les tests sur le lait. J'étais au tribunal, au New Hampshire, il y a quelques années lorsqu'un agriculteur qui témoignait a laissé échapper qu'il utilisait, en fait, la gentamicine, qui est illégale techniquement. Il n'a jamais été pris et personne n'a jamais saisi ses produits laitiers.
La procédure utilisée pour déceler des résidus laisse beaucoup à désirer. C'est pourquoi on a demandé de véritables données, c'est-à-dire les niveaux dans le lait provenant de vaches traitées et non traitées.
Même lors de la réunion de 1993 du comité consultatif sur la médecine vétérinaire, M. Kessler a demandé carrément aux représentants de la société Monsanto s'ils avaient ces données et ils ont répondu par la négative.
C'est ce qu'il faut faire. Je ne comprends pas pourquoi, dans le cadre du programme de surveillance après approbation, on ne s'est pas penché sur les résidus d'antibiotique dans le lait provenant d'animaux traités et non traités.
Le président: Une question supplémentaire à la question du sénateur Whelan. On a dit au Canada que la consommation de lait était en baisse de 15 p. 100 aux États-Unis.
M. Pollina: Nous ne sommes pas au courant de cela.
Le président: C'est ce qu'on a dit ici.
M. Hansen: Je ne suis pas au courant de baisses dans la consommation de lait au fil des ans. Je n'ai pas les chiffres, mais la question m'amène à formuler une autre observation. Dans l'État de New York, où 50 p. 100 des vaches sont censées être traitées, le chiffre réel de production laitière pour 1994-1995 est en baisse comparativement à 1992-1993. Si 50 p. 100 des vaches sont traitées, pourquoi la production baisse-t-elle au lieu d'augmenter?
M. Pollina: Il y a eu une grosse augmentation de ventes de lait censé ne pas contenir d'hormone ou être organique ou naturel. Les consommateurs se tournent vers des produits laitiers dans lesquels ils ont plus confiance.
L'une des raisons de ces audiences réside dans les préoccupations au sujet de la confiance de la population dans un domaine comme la santé et la sécurité des drogues, ainsi que la protection offerte. Nous avons eu des occasions dans ce pays de voir cette confiance ébranlée quelque peu. Ces audiences ont notamment pour but de sensibiliser le gouvernement et les citoyens aux problèmes et d'essayer de les corriger.
Dans le cadre de ces audiences, il est évident que cette crainte s'est nettement élargie, car nous vivons près d'un ami puissant et très prospère, les États-Unis. Nous vivons dans une communauté mondiale qui a des organismes comme ceux dont vous avez parlé aujourd'hui, le Codex et le comité mixte d'experts des additifs alimentaires. Ils sont censés nous donner des lignes directrices sur ce qu'il convient de faire. Or, lorsque je vous écoute aujourd'hui, ainsi que de nombreux autres témoins, il n'est pas question de ce qu'il convient de faire.
Ma question est donc celle-ci: comment arrête-t-on tout cela? Si la FDA, aux États-Unis, effectue des tests à long terme sur les médicaments, il est évident alors que cela a certaines répercussions psychologiques au Canada. Cela ne régit pas nos activités, mais on suit cela de près. Depuis dix ans, on procède à des tests sur les médicaments et on commence à prendre connaissance de tout cela. Il n'est pas simplement question des Américains. Des gens de la Grande-Bretagne et d'autres pays nous ont dit la même chose. Comment arrête-t-on cette machine? Comment peut-on faire renverser une décision de la FDA ou imposer au moins un moratoire sur cette hormone? Comment faites-vous cela aux États-Unis?
Notre gouvernement dit maintenant qu'il est prêt à suspendre les travaux jusqu'à la fin des discussions internationales qui doivent avoir lieu en juin prochain, mais il a également affirmé qu'il n'était pas prêt à approuver cette hormone avant d'être absolument certain que les choses que nous entendons dire sont sans fondement. Que faites-vous de la FDA ?
M. Pollina: Ce que vous faites est un début. Ce que vous faites ici aujourd'hui et ce que vous avez fait depuis quelques mois pourrait servir d'amorce au processus. Je crois qu'il y a eu aux États-Unis une relation très étroite entre la FDA et les sociétés qu'elle est censée réglementer et que le pouvoir des corporations, tant au niveau financier que politique, est devenu tellement fort que bon nombre d'agences ont commencé à abandonner leurs propres responsabilités.
Nous avons également constaté une supposée demande pour que ces produits soient mis sur le marché le plus tôt possible, alors qu'il n'y a aucune raison de les mettre sur le marché. Quelqu'un quelque part doit décider de mettre un frein. Quand nous prenons une décision, nous devons voir à nous en tenir à la sécurité et non aux profits d'entreprise, comme ça a été le cas à venir jusqu'à présent.
Aux États-Unis, il y a un processus en place pour ce qui a trait à la FDA. Il existe un processus de requête qui permet aux personnes, aux organisations et aux décideurs de déposer une requête officielle à la FDA. Ils peuvent leur demander d'annuler une demande de permis pour un produit si de nouveaux renseignements permettent de croire qu'on n'a jamais pu garantir que le produit était sûr ou que les renseignements recueillis permettent de remettre cette décision en question. Nous accepterons ce genre de processus. C'est là une façon par laquelle nous pourrions tenter de pousser la FDA à changer d'idée. Ce n'est pas facile à faire, mais ce n'est pas non plus impossible. C'est déjà arrivé par le passé. Il doit y avoir une certaine mobilisation des forces pour que cela puisse se produire. Nous espérons créer cette situation aux États-Unis et nous accepterons toute l'aide que nous pourrons obtenir du Canada pour y arriver.
Si cette requête est rejetée, il y a toujours des solutions judiciaires. Le recours à la requête auprès de la FDA est la première étape du processus.
Le sénateur Fairbairn: Le secrétaire d'État américain à la santé et aux services sociaux n'a-t-il pas un rôle à jouer dans tout cela?
M. Pollina: Le secrétaire d'État américain à la santé et aux services sociaux a effectivement un rôle direct à jouer puisque la FDA fait partie d'une agence beaucoup plus vaste. Nous avons déjà eu des rencontres avec cette personne par le passé. Cette personne commence maintenant à entendre parler des décideurs et du Congrès américain et elle fera certainement l'objet de bon nombre de pressions et de discussions pour tenter soit de faire changer la FDA d'idée, soit de répondre de façon adéquate aux préoccupations soulevées dans le rapport d'analyse des lacunes.
Je travaille à ce dossier depuis 10 ans. Nous avons recueilli des miettes et des morceaux et avons eu toutes sortes de craintes et de préoccupations. Il semble que chaque année ou à peu près, de nouvelles questions voient le jour pour garder le dossier actif. L'analyse des lacunes pourrait en fait constituer la plus importante information recueillie au cours des dernières années et elle pourrait servir de base à ce processus de requête et à la modification du processus décisionnel de la FDA.
Les consommateurs se préoccupent de plus en plus de la qualité de la nourriture qu'ils absorbent.
Le sénateur Fairbairn: Ils sont également beaucoup mieux informés.
M. Pollina: Vous avez raison, ils en connaissent également davantage sur les produits chimiques et les hormones et sur toutes les autres façons de dénaturer les aliments. La FDA affirme qu'il n'y a pas beaucoup de différence entre le lait des vaches qui ont reçu une injection de STbr et les autres. Il est toutefois important de savoir quelle est cette différence et quelle importance elle revêt. Selon d'autres éléments que nous avons découverts, il nous semble que la différence pourrait être appréciable. On retrouve un résidu d'hormone synthétique dans le lait. Il y a également davantage de FCI-1 dans le lait. Il risque d'y avoir plus d'antibiotiques résiduels dans le lait. Ce sont là des différences importantes et la FDA devrait reconnaître que les consommateurs s'en préoccupent.
Viennent ensuite le processus de requête et la mise en oeuvre d'une opposition internationale. Il ne faut pas oublier que la communauté européenne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et d'autres grands pays producteurs de lait n'ont pas approuvé ce produit et qu'ils n'ont en fait aucune intention de le faire.
M. Hansen: J'aimerais ajouter quelques mots à ce sujet. C'est un processus de très longue haleine. Il faut d'abord établir des bases scientifiques et également faire naître un certain intérêt de la part du public. Nous devrions dire que le produit est effectivement sur le marché, mais que selon les renseignements obtenus par la Loi sur l'accès à l'information à la fin de 1989 ou au début de 1990, il semble qu'il aurait dû être sur le marché en janvier 1990. Il y a eu un retard de trois ans qui est en grande partie attribuable aux préoccupations que des gens comme ceux de la Consumers Union ont soulevées. Les États-Unis sont parfois récalcitrants, mais on peut toujours discuter avec d'autres membres de la communauté internationale et continuer la lutte ici. C'est pourquoi nous avons eu recours à l'Association internationale des consommateurs pour faire des pressions et distribuer de l'information en Europe et dans certains groupes qui s'occupent de ce dossier en Australie et ailleurs au monde. C'est également en partie pourquoi en 1997 il a été décidé de renvoyer tout le dossier aux comités d'experts scientifiques. Cela a fait suite aux travaux et aux pressions de groupes comme celui de l'Association internationale des consommateurs. J'essaie dans la mesure du possible de travailler à la fois aux États-Unis et à l'échelle internationale pour que nous puissions aller au fond de tout cela et obtenir tous les renseignements pertinents sur ce produit. Ce produit n'est pas réellement nécessaire; peut-être pourrons-nous le faire disparaître du marché.
M. Pollina: Vous savez peut-être que lorsque l'analyse d'écarts a été rendue publique aux États-Unis, un journaliste de notre État s'est entretenu avec Monsanto et la FDA. Sur la question de l'étude de 90 jours sur les rats, le représentant de Monsanto a souligné que la FDA avait revu toutes les données et accordé son approbation. La FDA a répondu que ce n'était pas vrai du tout et qu'ils n'avaient rien vu de tout cela, si ce n'est un résumé de l'étude de 90 jours menée sur les rats.
Cela implique plusieurs choses. Pour une raison quelconque, leurs histoires ne concordent pas cette fois-ci. Puisque c'est habituellement le cas, il semble qu'il y ait une certaine confusion. Cela implique également que la FDA pourrait avoir approuvé ce produit sans s'être penchée sur la plus importante étude sur la protection des humains ou alors qu'elle pourrait avoir été mise au courant de ces données à ce moment-là, mais ne pas vouloir l'admettre maintenant. Cela me laisse croire que Monsanto était en mesure de dissimuler des renseignements importants et que, par ignorance ou à dessein, la FDA est prête à adopter la position de Monsanto et à permettre la mise en marché du produit sans avoir étudié à fond les essais dont il a été question.
Ils ont parlé de ce test. Ils en ont discuté. Ils ont écrit bon nombre de notes sur l'importance de cette étude de 90 jours, mais ils ont quand même affirmé publiquement en octobre qu'ils n'avaient jamais vu les données sur l'étude de 90 jours.
Mme Nelson: Les agriculteurs ont également une responsabilité en ce qui touche la confiance du public. En fin de compte, c'est nous qui achetons ce produit. Nous avons déjà eu à faire face à certains outils de gestion comme les cuves de réfrigération ou l'insémination artificielle, mais nous n'avions encore jamais eu à faire des concessions sur la sécurité publique pour pouvoir gérer nos fermes et respecter les bonnes mesures et les règles.
À mon avis, l'un des meilleurs arguments en faveur de l'hormone de croissance bovine et l'accroissement de la production de lait serait le fait que la population a faim. Je ne crois pas que les préoccupations relatives à la santé publique doivent actuellement céder le pas en raison de la famine au sein de la population. Cela se produira peut-être dans 25 ou 30 ans, mais ce n'est certainement pas encore le cas.
Le sénateur Fairbairn: J'aurais un commentaire un ajouter. Les producteurs laitiers du Canada ont très clairement fait savoir au comité qu'ils ne s'intéressent nullement à la question. S'ils veulent accroître leur production, ils ont d'autres moyens de le faire.
Dans ce pays, nous voulons aller au fond des choses avant d'en arriver au point où vous en êtes aux États-Unis. Je dois avouer que votre témoignage, comme celui d'autres personnes que nous avons entendues avant vous, ne donne pas aux Canadiens une grande confiance face à ces organismes internationaux. Ces derniers sont majoritairement composés d'Américains et des gens qui ont le genre de contacts dont vous parliez précédemment. Sans tenir compte de la question scientifique, tout rapport qui est inscrit au CODEX doit venir d'un pays jouissant de privilèges. Dans le monde actuel, nous tenons compte des associations internationales, mais puisque celle-ci est remplie d'Américains et de ces autres gens dont vous nous avez parlé aujourd'hui, je ne suis pas du tout convaincu du bien-fondé d'établir des conclusions sérieuses et des politiques gouvernementales sur leur influence. Ce commentaire ne se veut pas du tout offensant, mais nous aimons toujours ici que les règles du jeu soient justes, que tous aient une chance égale. Dans ce groupe international, les autres joueurs ne semblent pas avoir le même genre de représentation. Cela me préoccupe au plus haut point.
M. Pollina: Les groupes internationaux doivent permettre de faire disparaître le processus décisionnel non seulement au niveau local ou dans votre cas provincial, mais également du niveau national. Une plus grande partie de ces décisions ne seront plus laissées aux élus ou aux fonctionnaires nommés. Elles seront plutôt confiées à des groupes internationaux qui n'ont de comptes à rendre à personne. Je crois que vos préoccupations sont fondées.
J'aimerais dire quelques mots sur les producteurs de lait. Aux États-Unis, on nous dit que si l'on n'utilise pas la STbr, il faut l'indiquer clairement sur le lait que nous vendons. Il y a un marché pour ce produit. Un agriculteur qui n'a jamais eu recours aux hormones, qui produit du lait comme ses ancêtres l'ont toujours fait avant lui, a maintenant en main un produit hors de l'ordinaire pour lequel le consommateur est prêt à payer plus cher. Il est injuste d'en arriver à faire d'un produit de base ordinaire un produit haut de gamme. Le lait produit sans l'apport de STbr se vend dans les boutiques d'aliments de santé que fréquentent les gens à l'aise, alors que le reste de la population achète ce qui se trouve dans les comptoirs des épiceries. Nous nous opposons vigoureusement au fait que le lait qui ne contient pas de STbr soit devenu un produit haut de gamme.
Le sénateur Fairbairn: Cela remet complètement en question la confiance du public. C'est fou.
M. Pollina: Les agriculteurs du Vermont ont dit qu'ils ne veulent pas utiliser ce produit. Un sondage mené auprès des consommateurs un an ou plus après la mise en marché du produit a démontré que la grande majorité des consommateurs ne veulent pas de ce produit.
M. Hansen: Quatre-vingt-quatre pour cent d'entre eux exigent que le produit soit clairement marqué.
Le président: J'aimerais trouver un juste milieu. Nous avons entendu des experts des deux côtés. D'après ce que j'en ai retenu, j'ai l'impression que la recherche scientifique n'est pas concluante. Il y a plusieurs zones grises. Dans ce cas en particulier, le Canada a bien pris soin de ne pas homologuer le produit parce que Santé Canada n'est pas convaincu qu'il ne présente aucun risque. Où est le juste milieu?
Je suis un agriculteur. Si je regarde vers l'avenir, je suis persuadé que bon nombre de ces questions sur notre façon de nourrir notre population, sur notre façon de produire des aliments et ainsi de suite prendront de plus en plus d'importance. Je ne suis pas un spécialiste et je ne peux en dire davantage, mais les scientifiques auront une grande responsabilité dans ce domaine.
M. Hansen: C'est là un commentaire très intéressant, et j'aimerais y répondre. Je crois que toutes les données devraient être portées à la connaissance du public. En fait, les études devraient être menées par des scientifiques indépendants pour que tout soit fait de façon ouverte. Dans le cas de la mammite, les experts de Cornell et d'autres ont affirmé qu'il n'y avait aucune répercussion sur la santé. Puis, lorsqu'ils ont communiqué les données dans un exposé de synthèse pour l'accès à l'information, nous avons appris qu'il y avait une augmentation de 89 p. 100. Je n'ai jamais compris pourquoi les données sur la santé et la sécurité étaient considérées comme des renseignements commerciaux confidentiels aux États-Unis. Les données doivent être rendues publiques et faire l'objet d'un examen scientifique pour qu'on puisse en discuter et en débattre. En fait, lorsque les données sur la numération des cellules somatiques ont été envoyées à MM. Millstone et Bruner, on a essayé de les empêcher de les publier.
La science doit évoluer dans un contexte ouvert. Il devrait donc y avoir un processus ouvert qui permettrait de mettre les expériences au point et ces dernières devraient être surveillées de près, mais pas par des personnes payées directement par la société en cause. Tous les résultats des recherches doivent être communiqués au public. Pour certains d'entre nous qui se veulent critiques, le problème le plus important est qu'il n'existe que très peu de renseignements dans les études publiées parce que les compagnies exercent un contrôle sur ce qui est publié.
Je crois que toutes les données sur la santé et la sécurité qui sont transmises aux agences devraient être portées à la connaissance du public. Si cela avait été le cas, nous ne serions probablement pas en train de discuter de la question à l'heure actuelle. Nous aurions su dès 1990 qu'il y avait certains points à éclaircir en ce qui touche l'étude de 90 jours et nous aurions pu exiger la tenue d'une enquête de deux ans sur le pouvoir cancérogène ainsi qu'une étude de troisième génération sur les rats. Pourquoi faut-il que des scientifiques canadiens soient critiqués pour l'avoir mentionné ? J'entends des rumeurs depuis des années, mais je ne pouvais jamais rien dire publiquement puisque sans preuve, on ne peut rien affirmer officiellement. Il faut que toutes les données soient publiques et qu'elles soient étudiées par des scientifiques indépendants.
M. Pollina: En tant que profane, je dirais que vous êtes en terrain sûr, particulièrement quand vous parlez d'un produit devant assurer la production. Si ce médicament pouvait guérir le SIDA ou la migraine, vous seriez probablement prêt à en accepter les effets secondaires. Si vous prenez un médicament contre les allergies, vous savez qu'il peut provoquer la somnolence mais vous l'acceptez. Cet effet secondaire est justifié. Toutefois, dans le cas d'un produit assurant la production, il n'y a aucune raison pour que qui que ce soit ait à en souffrir, ni la vache, ni le consommateur, parce qu'il n'y a aucun avantage à en tirer.
Nous ne nourrirons pas le monde avec ce produit. Je vous en assure. Ce sont les mêmes personnes qui nous ont apporté la révolution verte. Il y a beaucoup moins d'agriculteurs maintenant qu'il n'y en avait il y a 20 ou 30 ans. Il y a plus de gens qui ont faim que jamais auparavant au monde, alors je ne crois pas que ce produit puisse permettre de nourrir le monde.
Vous devriez savoir que non seulement les données pertinentes sont secrètes, mais le processus tout entier est gardé en bonne partie secret. J'ai réuni des découpures de journaux qui parlent de certains espions qui auraient été envoyés pour participer à des discussions sur le sujet. Tout le processus a été corrompu dès le début.
Les gens qui sont fiers du programme de gestion des approvisionnements laitiers devraient se rendre compte que Monsanto est l'une des sociétés à avoir mené l'opposition au programme de gestion des approvisionnements aux États-Unis. Ces gens ont dépensé beaucoup d'argent pour faire des pressions contre ce programme. Ils voudraient que les agriculteurs vivent sur un tapis roulant et qu'ils produisent sans arrêt parce que cela les pousse à avoir encore davantage recours à ces produits qui sont censés accroître la production.
Le sénateur Robichaud: Monsieur Pollina, dans votre présentation, vous avez dit que la loi américaine prévoit que la FDA doit revoir et annuler le droit de la compagnie. Les gens qui ont fermé les yeux sur le manque de renseignements et qui ont donné leur approbation sont-ils toujours à la FDA? Feront-ils l'objet de cette révision?
M. Pollina: Je crois que quelques-uns d'entre eux ont été nommés à des groupes internationaux et qu'un autre est retourné travailler pour Monsanto. La plupart des autres sont toujours à la FDA à ce que je sache. C'est pourquoi la requête doit s'appuyer sur de nombreuses pressions politiques pour qu'on y réponde de façon adéquate. Il ne suffit pas de soumettre la requête à la FDA, mais il faut aussi porter la question à un niveau plus politique et public.
Le sénateur Robichaud: Cette requête a-t-elle été préparée?
M. Pollina: Non, on y travaille maintenant.
Le sénateur Robichaud: Je suis très inquiet. Je crois qu'il serait peut-être plus rapide d'apprendre aux vaches à se défendre elles-mêmes.
M. Pollina: Elles savent très bien se plaindre parfois.
Le sénateur Robichaud: Nos fonctionnaires nous ont dit qu'il manquait des données. Vous nous avez dit la même chose, mais en ajoutant que certaines données n'avaient pas fait l'objet d'un examen approprié et qu'il devrait y avoir une recherche indépendante. On parle beaucoup, mais on agit peu, sauf au cours d'audiences comme celles-ci. Dans ce cas-ci, est-ce que le temps ne joue pas en faveur de Monsanto? C'est très important.
M. Pollina: Je n'en suis pas certain. Vous avez peut-être raison. Il faut aussi noter que ce produit est de moins en moins populaire. Plusieurs agriculteurs, et pas seulement aux États-Unis, l'ont essayé et ont décidé d'arrêter de l'administrer pour diverses raisons de santé ou encore parce que ce n'était pas rentable pour eux. Il y a encore beaucoup d'opposition ailleurs dans le monde. Si nous faisions approuver le produit à l'étranger, cela nous ferait du tort. Le mieux pour nous en ce moment, c'est que le dossier soit en suspens.
Il serait peut-être important que certains d'entre vous communiquent avec des sénateurs américains, afin de les sensibiliser au sérieux que revêt aujourd'hui ce dossier au Canada. De même qu'au niveau international les groupes spéciaux n'hésitent pas à prendre des décisions sans vous consulter, il serait peut-être bon que les sénateurs de nos deux pays aient de véritables échanges sur cette question sans que ces groupes spéciaux interviennent. Je serais prêt à faciliter ces échanges.
M. Hansen: Je voudrais dire deux choses. J'aimerais vraiment parler de ce qui s'est passé à cette réunion du comité mixte FAO/OMS, mais je ne peux pas le faire.
Le sénateur Fairbairn: C'est la même chose pour nous.
M. Hansen: Il faut voir qui sont les membres de ces groupes spéciaux et d'où ils viennent. Du côté de la FAO, il y en a plusieurs qui viennent de la Food and Drug Administration des États-Unis. En fait, le chef divisionnaire de la FAO est un ancien fonctionnaire de la FDA des États-Unis. Il est responsable du Codex.
Sur la scène internationale, le temps n'est peut-être un élément favorable puisque, en 1997, quand ce produit a été soumis à la Commission du Codex, il avait déjà franchi les sept étapes du processus. À la huitième, le produit est approuvé automatiquement d'habitude. Tous les comités avaient donné leur accord. En fait, même ceux qui faisaient du lobbying pour l'Union européenne à l'ouverture de cette réunion disaient que nous serions perdants. Nous ne pensons pas être en mesure d'arrêter cela.
L'organisation internationale des consommateurs a été la seule à présenter un rapport à cette réunion et à soutenir qu'il ne fallait pas passer à la huitième étape. Ses représentants ont fait du lobbying en insistant sur ces problèmes auprès des délégués, notamment ceux de l'Afrique. C'était la première fois que bon nombre de ces pays entendaient parler de craintes. Ils ont changé de position et ont renvoyé le dossier aux comités scientifiques tandis que les États-Unis jetaient les hauts cris et accusaient les Européens d'être les seuls responsables, mais le vote était à peu près de 32 contre 14. Comme il y a seulement 14 pays européens, cela signifie qu'il y a bien d'autres pays qui ont voté comme eux.
Je prédis une séance tumultueuse à la Commission du Codex alimentarius en juin, parce que ce dossier ne faisait pas l'objet d'un consensus, même s'il a été piloté par le responsable du comité du Codex comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments et renvoyé à la Commission par Steven Sundloff, directeur du Centre de médecine vétérinaire du département américain de l'Agriculture. On peut s'attendre à quelques éclats. Je ne serais pas étonné si le dossier n'est pas approuvé ou fait l'objet d'un renvoi quelconque. Les deux réunions tenues en mars et en juin seront déterminantes. Le dossier recevra beaucoup d'attention, je crois.
Voici un produit mis au point par génie génétique. Monsanto éprouve actuellement des difficultés avec ses autres produits du génie génétique, du fait qu'ils sont refusés en Europe. Dans un article paru dans la 18e édition de la revue Chemical Week, on apprend que l'entreprise veut réduire ses coûts de 20 p. 100 et que, d'après certains analystes, elle songe à vendre sa division POSILAC. Si le produit était si extraordinaire et si l'entreprise allait si bien aux États-Unis, pourquoi Monsanto envisagerait-elle cette vente?
M. Pollina: À mon avis, si le produit était vraiment bon et si les agriculteurs le réclamaient à grands cris, nous ne serions certes pas en train d'en discuter. L'entreprise a dû travailler d'arrache-pied pour mettre son produit sur le marché. Si c'était un produit efficace et utile pour les agriculteurs, aucune campagne de désinformation ni aucune manoeuvre malhonnête ne serait nécessaire. L'entreprise nous remettrait les données sur les effets du produit et ce dernier serait mis en vente. Or, elle doit remuer ciel et terre pour mettre ce produit sur le marché et l'y garder. Si le produit était excellent, nous l'aurions lu dans les pages du quotidien The Wall Street Journal.
Ni les agriculteurs du Canada ni ceux de la communauté européenne ne demandent l'approbation de ce produit. En fait, c'est tout le contraire. Bien sûr, vous entendrez des agriculteurs dire que le produit est formidable et donne des résultats satisfaisants. Certains diront même qu'il permet d'augmenter la production et ils s'en serviront. D'autres viendront peut-être dire que le produit ne leur cause aucune difficulté. Je vous exhorte simplement à tenir compte des agriculteurs qui viendront vous parler des effets nuisibles de ce produit. Dans les États de New York et de Floride, des agriculteurs ont décrit publiquement les effets désastreux qu'ont subis leurs vaches. La société Monsanto ne leur a fourni aucune explication satisfaisante, bien que, dans le cadre du processus postérieur à l'approbation, elle soit censée assurer le suivi auprès de tous les agriculteurs.
Je vous invite à repenser aux propos que vous entendrez. J'ai déjà mentionné qu'au cours du processus d'approbation, les petites études abondaient. Pendant un an ou deux, la société a réalisé des études sur 10, 20, 30 ou 40 vaches. Si les effets constatés étaient nuisibles, elle soutenait que l'étude était trop petite pour avoir vraiment de l'importance. Par contre, la réalisation de plusieurs petites études a permis de repérer et de rassembler des cas où les résultats avaient été satisfaisants. Quand on élabore une politique, il faut toujours aller au fond des choses. Dans le cas de plusieurs petites études, ce travail de recherche s'en trouve multiplié.
Le sénateur Chalifoux: Monsieur Hansen, pourriez-vous expliquer le processus de sélection et de nomination des membres de ces comités internationaux?
M. Hansen: Au comité mixte FAO/OMS, la liste des candidats est envoyée au secrétariat qui se charge de nommer les experts internationaux.
Le sénateur Chalifoux: Qui nomme les membres du secrétariat?
M. Hansen: La question est excellente. Il est intéressant de noter que le comité mixte FAO/OMS ne fait pas partie des Nations Unies. Il faut donc se demander d'où viennent les fonds. En somme, vous pouvez sûrement imaginer quels sont les gouvernements et les sociétés qui s'opposaient fermement à la décision de m'inviter.
Le sénateur Chalifoux: J'adresse ma question à Mme Nelson, qui sera peut-être en mesure d'y répondre. Les injections se font en haut près de la queue de la vache. J'ignore si c'est exact, mais j'ai entendu dire que la viande qui se trouve à proximité du point d'injection ne doit pas être utilisée. Avez-vous déjà entendu quelque chose à cet égard, concernant l'effet de ces injections sur la viande de la vache?
Mme Nelson: Vous parlez du syndrome au point d'injection. Je ne peux me reporter à des expériences personnelles. Tout ce que je sais, c'est qu'au cours des premiers essais réalisés à l'Université du Vermont, on a eu beaucoup de difficulté avec les vaches jersiaises surtout, parce que l'injection causait une tuméfaction telle qu'une vache jersiaise n'arrivait même pas à se tenir debout. Pour faire contrepoids aux données fournies dans notre rapport et au cours de notre conférence de presse, certains sont allés au Vermont rencontrer un agriculteur qui utilisait l'hormone de croissance bovine, mais il avait cessé à ce moment.
Au cours d'une assemblée tenue dans une école des environs, un concitoyen a demandé que l'on y distribue aux enfants uniquement du lait provenant de vaches n'ayant reçu aucune hormone de croissance. Un agriculteur qui utilisait l'hormone de croissance bovine était présent et, lorsque j'ai signalé que certaines études faisaient état de malformations chez des veaux, il a dit: «Bien sûr, certains veaux ont des malformations», comme si ce n'était pas un problème. J'ai demandé à mon mari si cela nous était déjà arrivé à la ferme. Il m'a répondu que, depuis 30 ans, nous avions peut-être eu un cas.
À environ 25 milles de chez moi, un agriculteur utilise beaucoup l'hormone de croissance et a même réduit l'intervalle, passant de 14 à 11 jours, pour éviter une baisse radicale. Le produit maintient la courbe puis il y a une baisse. Il l'administre environ trois fois par mois, ce qui suppose aussi une forte hausse de ses coûts. Des agriculteurs du Vermont utilisent le produit, mais la grande majorité l'a catégoriquement refusé.
M. Pollina: De nombreux chercheurs soutiennent qu'il n'y a aucun problème et pourtant nous sommes au courant de cas de syndrome au point d'injection et de mastite. Ils essaient donc de redéfinir ce qu'est une vache en santé et de nous convaincre tous que, tant qu'une vache donne du lait, elle est en bonne santé. Les agriculteurs savent pourtant ce qu'est une vache malade. Monsanto en a une idée bien différente et tente de redéfinir le processus d'approbation. Elle voudrait redéfinir le risque par opposition à la sécurité. Bref, elle voudrait changer notre idée d'une vache en santé.
Le président: Je vous remercie d'être venu témoigner ce matin. Évidemment, je voudrais que vous disiez aux États-Unis que les Canadiens observent des normes de santé qui comptent parmi les plus rigoureuses dans le monde. Nous sommes convaincus que nos aliments sont sains et nous tenons à ce qu'ils le restent. Nous avons été heureux de vous rencontrer. Vous êtes le bienvenu au Canada.
M. Pollina: Merci beaucoup.
Le président: Honorables sénateurs, voici des représentants de Santé Canada. Monsieur Losos, je vous invite à présenter les messieurs qui vous accompagnent.
M. Joseph Losos, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada: Je suis accompagné par M. George Paterson, directeur général de la Direction des aliments, et par M. Ian Alexander, évaluateur de médicaments et drogues du Bureau des médicaments vétérinaires.
Monsieur le président, nous n'avons préparé aucune déclaration, mais nous serions heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Chalifoux: Tout d'abord, pourriez-vous nous parler du progrès de votre ministère dans l'évaluation de cette hormone?
M. Losos: Nous devons recevoir les rapports des deux groupes d'experts dont nous vous avons parlé lors de notre dernier témoignage. À ce moment-là, nous vous en avions présenté les deux présidents.
Comme je l'ai mentionné la dernière fois, nous restons aux aguets pour savoir ce qui se passe à l'échelle internationale. La situation est très complexe et controversée. Les témoignages précédents l'illustrent bien. Pour avancer dans l'étude de ce dossier, il faut suivre tout ce qui passe.
Le sénateur Chalifoux: Combien de temps faudra-t-il encore?
M. Losos: J'espère que nous le recevrons dans les semaines qui viennent.
Le sénateur Spivak: Permettez-moi de faire une observation générale. Je pense que nous voulons tous que la Direction générale de la protection de la santé et le Bureau des médicaments vétérinaires aient la confiance des Canadiens. C'est notre premier objectif. Je dois avouer que, dans certains cas, vous compliquez un peu la poursuite de cet objectif. Mais nous n'allons faire aucun commentaire à cet égard, parce que je suis certaine que nous poursuivons le même objectif.
J'aurais quelques questions à poser. Je m'inquiète de la représentation du comité consultatif sur la gestion des programmes conjoints. Je crains aussi que les demandes de l'industrie à ces réunions nuisent à la politique ministérielle.
Nous avons beaucoup entendu parler de trafic d'influence ici. Une de vos politiques est une variation d'une proposition faite au sein de Santé Canada par quelqu'un qui est devenu ensuite lobbyiste enregistré pour Monsanto. Cette politique consiste à remettre couramment les noms des évaluateurs de médicaments aux fabricants. Je suppose -- et je peux me tromper -- que cette politique a été adoptée parce que l'Institut canadien de la santé animale en a fait la demande au comité mixte d'étude. Les évaluateurs des médicaments n'étaient pas d'accord avec cette politique, parce qu'ils ne voulaient pas faire l'objet de pressions. Au bout du compte, le ministère a toutefois accepté de remettre directement aux fabricants les noms des évaluateurs. Je me demande pourquoi vous êtes d'accord avec cela.
En répondant, je voudrais aussi que vous expliquiez au juste comment vous voyez votre rôle face à l'industrie. Pour ma part, je vois un lien entre l'intérêt public et la demande d'un fabricant ou d'une entreprise de faire approuver ses médicaments rapidement. Cette déclaration, ou ce protocole d'entente, fait peu pour me réconforter. Elle semble avoir pour objet d'accélérer le processus.
Dans ce contexte, je voudrais que vous vous reportiez à cet incident et que vous expliquiez comment vous concevez votre rôle face à l'industrie. Veuillez tenir compte du fait que, pour nous, l'industrie est le client et non le public. Le sous-ministre a évidemment nié cela, soutenant que ce n'était pas le cas. Je suis heureuse de l'entendre.
M. Losos: Je vais traiter de ces questions et demander à M. Paterson de parler du comité consultatif. Il va sans dire que la confiance de la population nous préoccupe beaucoup.
Il est indéniable que le Bureau des médicaments vétérinaires a éprouvé des difficultés dans le passé. Nous avons fait appel aux services de deux groupes de consultants externes. Nous avons engagé un nouveau directeur. Nous procédons très rapidement pour appliquer toutes les recommandations et corriger tous les problèmes, parce que nous jugeons essentielle la confiance du public.
Il faut également se rappeler que, peu importe les problèmes du bureau, nous devions toujours garder un oeil sur la sécurité et le secteur scientifique. Nous avons ordonné l'analyse des écarts, parce que nous tenions à obtenir des réponses à toutes les questions.
Notre rôle face à l'industrie est tendu. Dans cette relation formelle, nous remplissons le rôle de chien de garde. Les entreprises demandent l'approbation de médicaments et de moyens thérapeutiques conformes à nos normes, tant nationales qu'internationales. Il y a une tension du fait que nous devons assurer la santé et la sécurité. Nous demandons parfois aux entreprises nettement plus que ce qu'elles proposent. Elles doivent payer pour faire exécuter d'autres études, mais il le faut en matière de santé et de sécurité. Il ne fait aucun doute -- nous l'avons dit devant ce comité et ailleurs -- le client de la Direction générale de la protection de la santé, c'est la population canadienne, et sa sécurité est primordiale.
En fait, des représentants communiquent avec M. Paterson ou avec moi. Ils tentent de négocier des questions pour qu'elles soient conformes à leurs plans d'exécution. Cela ne fait pas partie de notre fonction. Nous nous occupons de la santé et de la sécurité, et les choses se produiront au moment opportun.
En ce qui concerne notre efficience et notre efficacité, nous avons des systèmes qui ont besoin d'être améliorés. Comme dans tout autre grand organisme, nous devons adopter de nouvelles disciplines et recruter de nouveaux scientifiques. Je voudrais qu'il soit clair que nos relations avec l'industrie sont de pure forme et distantes.
Le sénateur Spivak: Vous avez entendu ce que M. Hansen a dit précédemment, en réponse à la question de savoir comment nous pourrions faire en sorte que le processus soit entièrement transparent, que nous ayons des scientifiques indépendants et ainsi de suite. Pouvez-vous nous donner une idée de ce que vous comptez faire pour veiller à ce que le processus soit entièrement indépendant, c'est-à-dire que des gens entièrement indépendants effectuent la recherche et que les scientifiques ne semblent même pas être en situation de conflit d'intérêts?
Inutile de vous dire, monsieur, que nous, en tant que comité parlementaire, avons eu du mal à obtenir des renseignements, ce qui a peut-être jeté un peu de lumière sur tout ce processus.
M. Losos: Certes, la transparence est un aspect auquel je souscris personnellement en tant que sous-ministre adjoint. Vous avez également entendu David Dodge y souscrire au cours de son témoignage, il y a quelques semaines. La transparence est un aspect que nous devons améliorer, notamment dans le domaine des soins de santé. Dans d'autres pays, par exemple, les États-Unis, le débat concernant une décision réglementaire est beaucoup plus ouvert.
Je me trouvais à Genève récemment, et j'ai pris connaissance d'une étude de certains pays qui ont mentionné l'absence de transparence dans les organismes de réglementation. Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. Je peux en dire plus long au comité, s'il le désire.
Nous devons certes être plus ouverts, inscrire des choses dans les sites Web et offrir au public les renseignements dont il a besoin pour prendre des décisions éclairées. Nous le savons. Nous n'avons pas été parfaits par le passé.
Vous avez entendu Ian Shugart, de l'équipe de transition de la Direction générale de la protection de la santé. Un élément très important qui est susceptible de renforcer la Direction générale est la transparence et les consultations publiques. Nous venons de terminer un certain nombre de ces consultations dans tout le pays. Il s'agissait là d'une première tentative. La Direction générale en fera bien d'autres.
En ce qui a trait à l'objectivité, madame le sénateur, nous avons consulté deux organismes, l'un en innocuité pour les animaux et l'autre en innocuité pour les humains. Le savoir-faire et l'intégrité de ces deux groupes, le Collège royal des médecins et chirurgiens et l'Association canadienne des vétérinaires, sont au-dessus de tout reproche. Nous leur avons demandé de constituer des groupes d'examen et nous avons soumis les membres de ces groupes à un examen interne sur les conflits d'intérêts.
Ces personnes sont tenues de faire une déclaration au sujet de toutes leurs activités, et les équipes de gestion ont vérifié ces activités. La direction, de même que les services juridiques, les ont également examinées. Chaque fois qu'il surgissait des questions mettant en doute certaines de ces activités, nous avons effectué des enquêtes et répondu à ces questions.
Le sénateur Spivak: Vous avez récemment examiné ces lignes directrices de Santé Canada et les avez réexaminées encore une fois dans le cas des personnes qui font maintenant partie de ces groupes d'examen?
M. Losos: C'est exact.
On a posé une question au sujet du comité consultatif. Vouliez-vous que nous y répondions?
Le sénateur Spivak: Oui.
M. Paterson: Je crois que vous faites allusion au comité consultatif sur la gestion du programme conjoint.
Le recouvrement des coûts a été introduit dans le programme des médicaments vétérinaires en avril 1996. Tous les intéressés se sont rencontrés en février de la même année. Lors de cette réunion, il a été entendu que nous devrions tenir une sorte de tribune qui permettrait au ministère, à l'industrie et à l'Association canadienne des vétérinaires -- en tant que l'organisme professionnel qui réglemente la profession vétérinaire au Canada -- de se réunir. Ils s'y rencontreraient et discuteraient de questions d'importance et d'intérêt mutuels pour le programme des médicaments vétérinaires.
Le comité consultatif sur la gestion du programme conjoint a été l'aboutissement de cette entente. Il comprend le Bureau des médicaments vétérinaires, moi-même en tant que directeur général, le directeur du Bureau, le chef de la Division de l'innocuité pour les humains, ainsi que le chef de la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques du Bureau des médicaments vétérinaires. Il comprend également des représentants de l'Association canadienne des vétérinaires, comme je l'ai mentionné, et de l'ICSA, acronyme que nous employons pour désigner l'Institut canadien de la santé animale. Il s'agit de l'association de l'industrie qui représente les fabricants de médicaments vétérinaires au Canada.
Ce comité s'est réuni à onze reprises depuis avril 1996 et des évaluateurs du Bureau des médicaments vétérinaires ont participé régulièrement à ses activités. Je tiens à le souligner, car, au cours de témoignages précédents, je crois, on a dit qu'il s'agissait d'un organisme de gestion qui réunit des cadres de l'industrie et des membres de la direction du Bureau des médicaments vétérinaires, qu'il n'agit pas d'une manière transparente et qu'il est vil en quelque sorte. Je tiens à dire officiellement que cela est totalement faux.
Je vous ai expliqué la raison d'être du comité. Je vous ai donné la composition de ses membres et j'ai dit que les évaluateurs ont assisté à de nombreuses réunions au cours des deux dernières années. Je vais déposer ces renseignements auprès du comité. Je n'en parlerai maintenant, car le temps nous manque. J'ai des registres sur les évaluateurs du Bureau des médicaments vétérinaires qui ont assisté aux réunions et sur les raisons pour lesquelles ils y ont assisté. Je peux vous les laisser en tant qu'élément du compte rendu.
Le sénateur Hays: Quelle différence y a-t-il, s'il en existe une, entre l'essai d'un médicament ou d'une hormone destiné à un usage thérapeutique et l'essai d'une hormone comme la BST, qui sera destinée à un usage général?
M. Losos: Permettez-moi de répondre à cette question le premier. Je demanderai ensuite à M. Alexander de poursuivre.
Il existe une très grande différence entre les produits thérapeutiques destinés aux humains, par exemple, et les médicaments vétérinaires. Une de ces différences, ce sont les avis conditionnels de conformité. En ce qui concerne les produits thérapeutiques destinés aux humains, nous avons une politique à l'égard des avis conditionnels de conformité. En effet, si la maladie met la vie en danger ou est très débilitante, comme la maladie de Lou Gehrig, la compagnie peut, aux termes d'une entente très rigoureuse, présenter une demande d'avis conditionnels de conformité. Cette politique ne vise pas les produits vétérinaires et, notamment, pas une hormone comme la STbr.
M. Ian Alexander, évaluateur des médicaments, Bureau des médicaments vétérinaires, Santé Canada: Le processus d'examen comprend plusieurs volets: la fabrication, l'innocuité pour les humains, l'innocuité pour les animaux et l'efficacité. En général, les exigences relatives à un médicament sont semblables, qu'il s'agisse d'un médicament thérapeutique ou d'un médicament de production. Autrement dit, il faut s'assurer que ce produit sera sans danger. Nous voulons faire en sorte que les normes de fabrication soient respectées, que le produit soit stable, puissant et qu'il réponde aux exigences normales.
En ce qui concerne l'innocuité pour les humains, les exigences liées à un médicament de production et à un médicament thérapeutique sont les mêmes s'ils devaient être utilisés sur un animal producteur d'aliments. Il existe des écarts individuels, selon le genre de produit. Mon domaine de spécialisation est l'innocuité pour les animaux et l'efficacité. De toute évidence, dans le cas d'un médicament de production, il faut vérifier que le produit est conforme aux qualités revendiquées sur l'étiquette, mais il n'y aura pas d'écart dans le cas d'un produit thérapeutique. Le produit doit être conforme aux qualités revendiquées sur l'étiquette, de même qu'il doit pouvoir être utilisé sans danger sur les animaux et sur les humains.
Le sénateur Hays: Si je comprends bien, il existe un ensemble différent de règles, de protocoles ou que sais-je, selon que le produit est destiné à un animal ou à un humain. Cela serait évident pour un expert, mais je n'en suis pas un. Vous utiliserez ces méthodes différentes pour déterminer si un produit devrait être approuvé ou non pour usage.
M. Losos: En ce qui concerne les humains, monsieur le sénateur, des mécanismes supplémentaires sont prévus dans le cas de maladies extrêmement dangereuses ou débilitantes comme le sida et la SLA. Aux termes d'ententes très rigoureuses, une compagnie peut obtenir une licence conditionnelle pour mettre le médicament à la disposition des médecins, mais d'autres essais cliniques doivent tout de même avoir lieu. À l'étape de la licence conditionnelle, on a déjà la preuve que le produit est sans danger et probablement efficace. Par conséquent, nous autorisons l'homologation du médicament dans des circonstances très surveillées.
Il y a également en thérapeutique un programme d'accès spécial à l'intention des personnes dont la vie est en danger. Si un médicament n'est pas offert au Canada et n'a pas encore été homologué, toute personne peut avoir accès à ce médicament dans les 24 heures, grâce au programme d'accès spécial. Par conséquent, il existe des dispositions spéciales au sujet des médicaments thérapeutiques destinés aux humains.
Le sénateur Hays: Le sénateur Whelan n'a pas pu être présent aujourd'hui, et il m'a demandé de vous poser quelques questions. L'une d'elles concerne le témoignage de M. Haydon, qui a dit avoir subi des pressions pour délivrer un avis conditionnel de conformité au sujet de la STbr. Il voudrait obtenir vos commentaires à cet égard. Je crois que vous avez abordé ce sujet dans votre réponse à ma question; cette délivrance ne se fait pas dans le cas de produits de ce genre. Quoi qu'il en soit, je pose la question au nom du sénateur Whelan, qui voudrait des éclaircissements ou de plus amples commentaires. Vous pouvez nous dire ce qui s'est passé dans le cadre des propos de M. Haydon au sujet de la délivrance d'un avis conditionnel, et comment M. Alexander a réagi.
M. Losos: Merci, monsieur le sénateur. Les critères concernant l'avis conditionnel de conformité n'existent pas au Bureau des médicaments vétérinaires. Je vais demander à M. Paterson de vous donner plus de détails.
M. Paterson: Je crois que la situation à laquelle vous faites allusion s'est produite en 1994. M. Haydon a rencontré son chef, M. Drennan, et le nouveau directeur du Bureau à l'époque, M. Len Ritter. M. Ritter arrivait du secteur de la réglementation de la lutte antiparasitaire, un secteur du ministère où l'on utilisait des avis conditionnels de conformité.
Lors d'une séance de remue-méninges, il a lancé l'idée d'examiner cette possibilité pour la STbr. On y a donné suite et on l'a examinée avec des spécialistes dans le domaine des questions de réglementation. Comme l'a dit M. Losos, il a été décidé que cette option n'était pas viable dans le cadre du programme du Bureau des médicaments vétérinaires et elle n'a jamais été mise en oeuvre. Elle n'a pas fait l'objet d'autres recherches et le sujet a été abandonné à ce moment-là.
Cela répond-il à votre question, monsieur le sénateur?
Le sénateur Hays: Je ne sais pas si le sénateur Whelan en sera satisfait, mais je m'en tiendrai à cela.
J'ai une autre question à poser sur la transparence du processus, dont a parlé le sénateur Spivak, et sur la réponse que vous lui avez faite. M. Michael Hansen a recommandé que les données sur les essais soient rendues publiques et communiquées, et a dit que nous éviterions des problèmes à l'avenir et obtiendrions de meilleurs résultats si ce processus était respecté. Je voudrais obtenir vos commentaires sur votre pratique de communication des données et sur la proposition de M. Hansen.
M. Losos: Voilà une question fort importante, monsieur le sénateur. Certes, le ministère reconnaît que le Sénat a accès à tous nos renseignements. Peu importe ce qui s'est produit par le passé, vous avez accès aux renseignements. Cependant, nous sommes liés par la Loi sur l'accès à l'information et par la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Nous aimerions collaborer avec le Sénat et nous entendre sur une formule que vous jugeriez acceptable au sujet des renseignements de propriété exclusive que nous ne sommes pas en mesure de divulguer publiquement. Vous voudrez peut-être examiner nos rapports à huis clos, ou les obtenir sous le sceau du secret, selon ce que vous estimerez satisfaisant pour parvenir à vos objectifs.
Certes, nous, au ministère, n'avons pas le loisir de publier une partie de ces renseignements pour le moment. Nous envisageons cependant un examen de la loi et des consultations publiques. La situation changera peut-être à l'avenir. Le Parlement nous a dit que, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, nous devons nous conformer à certaines dispositions.
Le sénateur Hays: Je présume que certaines choses sont de propriété exclusive et qu'une divulgation poserait un problème. M. Hansen va au-delà de votre réponse et dit que l'Union des consommateurs -- ou toute autre personne qui désire ces renseignements -- devrait pouvoir les obtenir afin de les analyser et de les commenter. Je crois comprendre que ce n'est pas ce qui se passe. J'aimerais que vous fassiez d'autres observations au sujet de cet objectif plus ambitieux qui, à son avis, donnerait un bon résultat.
M. Losos: Je faisais effectivement allusion aux renseignements de propriété exclusive, ce qui, bien entendu, représente pour nous une arme à deux tranchants. Nous aimerions certes communiquer le plus de renseignements possibles à la population. D'autre part, les compagnies nous fournissent des renseignements aux termes d'ententes et de règlements du Canada. Si nous compromettons ces renseignements, nous constaterons peut-être, comme M. Dodge l'a fait remarquer, je crois, lors de la dernière audience, que les compagnies hésitent à présenter des demandes au Canada.
En ce qui concerne les produits thérapeutiques destinés aux humains, notamment, cela risque de compromettre l'accès de personnes malades à des médicaments au Canada. Par conséquent, il s'agit vraiment d'une arme à deux tranchants. Nous voudrions trouver une solution. Il est indéniable que le comité sénatorial a pleinement accès à nos renseignements. Je serais certes disposé à collaborer avec vous pour que cet accès soit optimal.
Le sénateur Spivak: Je ne voudrais pas vous contredire, mais je crois savoir que la Loi sur l'accès à l'information ne vise pas le comité sénatorial. En outre, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le ministre peut faire passer l'intérêt public avant les renseignements de propriété exclusive. Il me semble que les renseignements de propriété exclusive ne soient pas en cause ici.
M. Losos: Je suis d'accord avec vous. Le Sénat a effectivement accès à tous les renseignements dont il a besoin. Je demande que nous trouvions un mécanisme permettant de gérer les renseignements de propriété exclusive comme bon vous semblera.
Le sénateur Spivak: Le ministre peut en faire abstraction n'importe quand.
M. Losos: C'est exact, s'il s'agit d'une question de santé et de sécurité et si les éléments de preuve l'emportent.
Le sénateur Hays: La question porte sur l'indépendance des groupes d'experts et, quant à cela, de tout un ensemble d'organismes qui commentent, examinent, approuvent ou non l'utilisation d'une substance ou d'un produit, comme un médicament ou une hormone. Nous avons entendu souvent dire que les mêmes personnes agissent à divers titres au sein de l'industrie, du gouvernement et dans différents secteurs.
Sans entrer dans les détails, j'estime que cela suscite des préoccupations chez certains membres de la population. Que devons-nous faire à ce propos? Sommes-nous à court de chercheurs? Est-ce pour cela qu'il y a tant de chercheurs qui ont des antécédents analogues, ce qui laisse sous-entendre pour certaines personnes qu'ils sont en situation de conflit d'intérêts? Est-ce là une science qui ne regroupe pas beaucoup de gens? Par conséquent, faut-il prendre des mesures exceptionnelles pour faire en sorte que ces questions ne surgissent pas?
M. Losos: Il est très courant pour des chercheurs, certes les meilleurs chercheurs, de travailler à contrat auprès de compagnies. Je ne connais aucun chercheur de quelque importance que ce soit au Canada qui ne fait pas d'essais cliniques ou des recherches à contrat auprès de compagnies.
D'autre part, à ce stade, les chercheurs atteignent une notoriété et une intégrité qui sont fort souhaitables pour nous, car nous pouvons recueillir des opinions d'experts sur toute question de réglementation ou de santé publique. Par conséquent, nous prenons des précautions qui comprennent, entre autres, une déclaration obligatoire de conflit d'intérêts et un examen détaillé de cette déclaration.
La demande de toute personne se trouvant dans une situation de conflit d'intérêts serait rejetée. Nous aurions beaucoup de mal, cependant, à trouver quelqu'un, au Canada ou ailleurs, qui n'effectue pas de la recherche auprès de divers organismes, l'industrie privée, des conseils de recherches médicales ou que sais-je encore.
Le sénateur Hays: Une des choses sur laquelle vous comptez vraiment, c'est la divulgation, de sorte que, si des chercheurs cumulent plus d'une fonction, au moins tout le monde le sait. Cela semble certes être le cas ici. Je ne sais s'il a été facile ou non de le découvrir, mais nous avons reçu une foule de témoignages, aujourd'hui et antérieurement, disant que ces chevauchements se produisent. Employez-vous un critère précis pour déterminer quand il est acceptable de recruter un chercheur ayant des antécédents qui risquent de susciter cette question? Où fixez-vous la limite?
M. Losos: Nous examinons chaque cas individuellement pour voir quelle était la relation, s'il y en avait une, combien étroite était cette relation, quand et comment cela s'est produit.
Nous nous adressons notamment à des organisations réputées pour leur expertise et leur intégrité. Dans ce cas, nous nous sommes adressés à l'Association canadienne des vétérinaires et au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Il n'existe pas je crois au Canada de corps plus éminent et plus intègre que ces deux organismes. C'est le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, par exemple, qui accorde une licence à tous les spécialistes dans ce pays. Il s'occupe de tout, de la naissance à la mort. Il n'y a pas d'organisation plus intègre que celle-ci.
Nous nous en sommes remis à ces organisations pour trouver d'éminents experts. Après un processus d'élimination, nous avons retenu un certain nombre de personnes qui nous semblent éminemment qualifiées pour nous donner des conseils en matière de santé animale et de santé humaine.
Le sénateur Hays: L'une des questions du sénateur Whelan a trait au fait qu'un membre de l'Institut canadien de la santé animale était également membre d'un groupe d'experts. Peut-être en savez-vous plus que moi à ce sujet. En tous cas, c'est un exemple précis de ce dont nous parlons. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Losos: Monsieur le président, le coordonnateur des politiques chargé de la gestion des relations de la direction générale avec ces deux organismes -- le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et l'Association canadienne des vétérinaires -- est dans l'assistance. Il en saurait plus à ce sujet. Si vous le permettez, je peux lui demander de venir.
Le président: D'accord. Allez-y.
M. Joel Weiner, directeur général intérimaire, Direction de la politique, de la planification et de la coordination, Santé Canada: Honorables sénateurs, la question du sénateur concerne une organisation à laquelle M. Paterson a fait référence dans son témoignage, l'Institut canadien de la santé animale. Selon certaines allégations, l'un des membres du groupe d'experts sur la santé animale, en fait le président de ce groupe, M. Ian Dohoo, serait membre de cette organisation. Cette question a été soulevée la semaine dernière à une conférence de presse du Conseil des Canadiens. Elle a été portée à notre attention. En collaboration avec M. Paterson, j'ai personnellement entrepris de voir ce qu'il en était.
Nous avons reçu à ce sujet une lettre du M. Dohoo en personne. La semaine dernière, avec la permission de M. Dohoo, nous avons mis cette lettre à la disposition des médias. M. Dohoo, qui avait été lui-même contacté par les médias, a mis cette même lettre à la disposition des reporters. Je pense qu'il est dans l'ordre des choses, monsieur le président, que je vous remette la lettre de M. Dohoo.
M. Dohoo est vice-doyen des études supérieures et de la recherche au Atlantic Veterinary College, qui fait partie de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Lors de sa création au début des années 90, l'université a décidé qu'il était dans l'intérêt du College de devenir membre de l'Institut canadien de la Santé animale afin d'attirer l'attention de l'industrie et d'autres établissements universitaires sur le fait qu'il existait un Atlantic Veterinary College qui disposait d'un personnel qualifié et donc des capacités de réaliser des études cliniques. On nous a dit que c'était à ces fins précises que l'Atlantic Veterinary College de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard avait décidé de devenir membre associé de l'ICSA.
Pendant des années, l'université a désigné un ou deux représentants pour assurer la liaison entre l'ICSA et l'Atlantic Veterinary College. On nous a dit que c'était simplement pour des raisons pratiques, afin de pouvoir faire figurer dans les répertoires les noms et adresses des responsables ou des membres désignés de l'Atlantic Veterinary College, de sorte qu'on puisse leur faire parvenir des demandes de renseignements sur les capacités de recherche, voire des demandes de suggestions pour des essais cliniques.
Je dois vérifier la lettre de M. Dohoo, mais je crois bien qu'il a nommé vice-doyen des études supérieures et de la recherche en 1996. En tant que tel, il est devenu l'un des deux représentants désignés. Il nous a dit qu'il n'était pas un membre actif de l'organisation. En fait, il n'en a jamais été personnellement membre. C'est l'établissement pour lequel il travaillait qui était membre associé, pour les raisons que j'ai mentionnées, mais il semble que l'an dernier, un terme ait été mis à cette relation. En fait, l'Atlantic Veterinary College de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard a mis fin à son adhésion en tant que membre associé à l'ICSA.
Je me ferai un plaisir de déposer la lettre de M. Dohoo.
Le sénateur Hays: Je crois qu'il serait utile d'avoir la lettre. Monsieur le président, cela met fin à mes questions.
Le président: J'ai deux questions. Lors de leur comparution devant ce comité, les producteurs laitiers du Québec ont dit très clairement, si je les ai bien compris, qu'il existait d'autres moyens d'accroître leur production qu'ils utiliseraient au besoin, sans recourir à cette substance. Je crois que ce témoignage vient des producteurs laitiers du Québec.
Si Santé Canada recevait des informations indiquant que cette substance est sans aucun doute utilisable à des fins scientifiques, quelle serait sa réaction? Avez-vous rencontré les producteurs laitiers ou s'agit-il d'une question purement politique? Que feriez-vous dans ce cas? Il s'agit peut-être d'une question hypothétique, mais pourtant bien réelle à mes yeux.
M. Paterson: Je suis d'accord avec vous, sénateur Gustafson, c'est une question bien réelle. Je pense lorsque j'ai comparu en juin et lorsqu'on m'a demandé le 29 octobre de répondre à une question sur les liens interministériels, vous avoir dit que si, en vertu de la Loi sur les aliments et les drogues, Santé Canada a l'ultime responsabilité de déterminer si ce produit peut être utilisé sans danger au Canada, il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres intervenants au sein du gouvernement fédéral. Je pense vous l'avoir bien expliqué.
Par ailleurs, nous avons eu un dialogue, non pas hypothétique mais bien réel, avec les groupes industriels. L'ICSA a de toute évidence d'étroits intérêts dans cette affaire, et la société Monsanto fait partie des pétitionnaires. Nous avons aussi eu des discussions avec les Producteurs laitiers du Canada, le Conseil national de l'industrie laitière du Canada, les Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada et le Conseil canadien de la distribution alimentaire.
Pour nous, le critère important dans nos décisions, c'est la santé et de l'innocuité, mais nous n'avons jamais pris de décision sans tenir compte d'autres facteurs, que ce soit à l'interne, au gouvernement, ou à l'extérieur, avec d'autres intervenants. Il ne faut pas oublier que l'Association des consommateurs du Canada a aussi pris part à ces échanges avec d'autres groupes d'intervenants.
Le président: Je suppose que si je pose la question, c'est que je crois, en tant qu'agriculteur, qu'il y a encore beaucoup de choses à venir, et je dois dire honnêtement que j'ai tendance à me ranger du côté de la société Monsanto, car je connais pas mal de produits mis au point à des fins scientifiques qui ont été très utiles aux agriculteurs.
Le sénateur Robichaud: Avez-vous toutes les données?
Le président: Non, mais c'est une question qui me touche. Ce que je veux dire, c'est que nous avons eu le témoignage de M. Gifford sur les questions de commerce. Il nous a dit, par exemple, que les Européens ne nous achetaient pas de canola pour certaines raisons. Je suis moi-même producteur de canola. Cela me touche. Je veux m'assurer de pouvoir vendre mes produits sur le marché international en toute sécurité. En tant que producteur de canola, je m'interroge sur l'autre aspect de la question, car beaucoup de progrès ont été faits sur le plan génétique qui ont permis d'améliorer la production de canola. Je pense que c'est une remarquable réussite. La façon dont nous aborderons la question sur le plan politique va devenir plus importante que jamais à mesure des progrès scientifiques, si nous voulons obtenir les meilleurs résultats pour les Canadiens tout en faisant preuve d'une très grande prudence.
M. Losos: Si je puis ajouter quelques commentaires à ce sujet, il est clair que, du point de vue de la direction, ce qui importe, c'est la santé et l'innocuité. Les autres facteurs auxquels vous faites allusion sont des questions qui font l'objet de débats internationaux. La Commission du Codex Alimentarius, que des témoins précédents ont décrite, doit en fait tenir au printemps prochain une réunion où il sera question de ces facteurs. Les participants verront alors s'ils peuvent s'entendre sur un plan.
La Direction générale de la protection de la santé, lorsqu'elle examinera cette mesure législative ainsi que les questions de la participation du public et de la transparence, se penchera sur ces facteurs. C'est pourquoi nous espérons, que comme ils l'ont fait lors de la première série de consultations, les Canadiens continueront de prendre part aux consultations et nous aideront à refondre et à renforcer ces programmes. Des idées sont actuellement débattues à travers le monde. Je ne pense pas qu'à ce stade, quiconque ait un point de vue bien arrêté.
Le sénateur Fairbairn: Monsieur Losos, vous avez dit au tout début de vos remarques ce matin, que c'est le gouvernement, le ministère de la Santé, qui a commandé l'analyse des lacunes. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il mérite qu'on l'en félicite. De même doit-on féliciter les experts qui ont fait cette analyse, ils ont fait un très bon travail. D'après les témoignages que nous avons entendus ce matin, leurs travaux se sont révélés d'un certain intérêt et d'une certaine utilité à l'étranger, ce qui est bien. Ces derniers jours, le ministère a fait comprendre que les deux groupes d'experts sur la santé humaine et sur la santé animale sont sur le point de présenter leur rapport au cours des prochaines semaines, peut-être même avant Noël. Peut-être pourriez-vous nous donner une idée plus précise de la nature de ce rapport.
Cependant, le gouvernement est maintenant au-delà de cela. Outre la nécessité exprimée par certains témoins ce matin de revenir aux principes de certaines évaluations scientifiques, nous devons attendre maintenant de connaître les résultats de la réunion de la Commission du Codex Alimentarius en juin prochain.
En quoi consiste la participation du Canada à la Commission du Codex Alimentarius? En quoi consiste sa participation au comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires? Vous avez deux groupes d'experts canadiens. Nous voulons bien sûr savoir ce que pensent les membres de la Commission du Codex Alimentarius, c'est sûr, mais quel poids attache-t-on aux décisions de ce groupe? Vous avez entendu ce qu'en pensent les experts, les agriculteurs, les citoyens et les sénateurs. Les préoccupations à ce sujet sont considérables.
Comme l'a dit le sénateur Gustafson, il ne s'agit plus d'un cas en particulier. Nous vivons maintenant dans un monde où de nouvelles questions surgissent de plus en plus souvent. D'un seul coup, peut-être au moment où l'on s'y attendra le moins, on risque d'être confronté à un problème appelé la STbr. Est-ce parce que cela touche les vaches, toujours est-il que la STbr a suscité assez d'inquiétude chez le public pour qu'il pose des questions. Il le fait à un moment où la manipulation génétique risque de donner lieu à tout un tas d'autres questions, et donc la réponse au sujet de la STbr revêt aujourd'hui une importance qu'elle n'aurait pas revêtu il y a trois ou quatre ans.
Quelle importance a pour nous le Codex? Est-ce que, en fin de compte, ce n'est pas à nous de décider?
M. Losos: Vos questions, sont vraiment importantes, tant pour le comité du Sénat que pour le public. Nous avons bien dit à ce comité et dans d'autres forums que nous ne prendrions pas de décision en matière de santé et d'innocuité sur la base d'une seule étude.
Comme vous y avez fait allusion, nous avons d'excellents experts à l'interne, et j'en profite, si vous le voulez bien, pour faire remarquer que la direction a vraiment de la chance d'avoir à ses services un nombre considérable d'excellents experts très dévoués et de calibre mondial, dont je suis fier d'être à la tête.
Cependant, nous ne pouvons nous en remettre, surtout lorsqu'il s'agit de questions complexes, à une seule source de renseignements. Aussi est-il assez courant d'avoir recours à des groupes d'experts. Même là, nous ne saurions nous en remettre à une seule recommandation ou à une seule série de recommandations de ces groupes. Nous devons garder un oeil attentif sur ce qui se passe à l'étranger. Les Européens disent avoir de nouvelles données qu'ils désirent présenter. Nous voulons savoir quelles sont ces données avant de prendre une décision.
Je laisserai à M. Paterson le soin d'expliquer notre rôle au sein du comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires et à la Commission du Codex Alimentarius.
M. Paterson: La Commission du Codex Alimentarius, créée par l'OMS et la FAO, est un organe international chargé d'établir les normes alimentaires. Plus de 150 pays en sont membres, dont bien évidemment le Canada. Il existe une série de ce que j'appellerai comités d'experts qui se rattachent à la Commission, par exemple, le comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments; le comité du Codex sur l'étiquetage des denrées alimentaires préemballées; le comité du Codex sur les graisses et les huiles. Ce sont là ce que j'appelle des comités d'experts qui, dans leur sphère de compétence, établissent des normes et des lignes directrices et formulent des recommandations qui, après une procédure en huit étapes, sont soumises à la Commission du Codex Alimentarius pour ratification.
Comme l'a dit M. Hansen en ce qui concerne la STbr, le comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments a décidé, à la huitième étape, de n'imposer essentiellement aucune limite maximale de résidus dans le cas de la STbr. Cette décision a été soumise à la Commission du Codex Alimentarius, à sa session de 1997, où après avoir fait l'objet d'un débat, elle a été renvoyée au comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires, sur lequel je reviendrai dans un instant.
La Commission du Codex Alimentarius se réunit tous les deux ans. La prochaine session aura lieu en juin 1999, à Rome.
S'il y a d'autres questions, je serai heureux d'y répondre, mais en gros c'est en quoi consiste la Commission du Codex Alimentarius.
Il y a une chose que je voudrais ajouter au plan national. Cette année, le gouvernement du Canada a entamé une revue de notre rôle au sein de la Commission. Nous avons publié à ce sujet un document de travail à propos duquel nous avons reçu certains commentaires que je serai ravi de partager avec le comité. Nous pensons aussi que votre contribution nous aiderait à définir le rôle stratégique que nous devrions jouer au sein de la Commission au XXIe siècle.
Un autre point que je voudrais mentionner, c'est que le rôle principal revient à Santé Canada étant donné que la Commission du Codex Alimentarius traite essentiellement des questions de santé et d'innocuité. Autrement dit, c'est Santé Canada qui sert de secrétariat de la Commission pour le Canada.
Le comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires est un organe indépendant. Je crois bien que M. McLean, lorsqu'il était ici le 29 octobre, et M. Hansen, aujourd'hui, l'ont confirmé. Ils ne sont pas d'accord, bien sûr, sur l'efficacité de ce comité, mais c'est un comité indépendant de la Commission du Codex Alimentarius. Encore une fois, il dépend malgré tout des deux organisations mères -- l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et l'Organisation mondiale de la Santé -- pour son financement. Il dispose d'un petit secrétariat pour faire tourner les choses. Je crois bien qu'il y a un roulement tous les cinq ans, mais c'est à confirmer. Si c'est un important, je vérifierai. Son rôle consiste à constituer des groupes d'experts pour examiner les nouveaux additifs alimentaires, dont font partie les médicaments vétérinaires.
Je voudrais aborder ici le cas de M. Ritter, dont il a été question dans le témoignage précédent. M. Ritter a participé à l'évaluation de la STbr qu'a faite le comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires en 1992 ainsi qu'à celle qu'il a faite en 1998, mais là seulement à titre de conseiller scientifique temporaire, comme M. Hansen. Contrairement à M. McLean qui a comparu devant vous le 29 octobre, il n'était pas membre permanent du comité et, comme M. Hansen, il n'avait aucun droit de vote.
J'ai été un peu bref à cause du temps, mais s'il y a d'autres questions au sujet de la Commission du Codex ou du comité mixte, je serai heureux d'y répondre.
Le sénateur Fairbairn: En ce qui a trait à ce point, monsieur Paterson, je pense que certains d'entre vous ont écouté les discussions qui ont eu lieu avant que vous ne preniez place à la table. Il existe une préoccupation véritable portant que ces organismes soient dominés, et peut-être même plus que dominés, par une source, soit la FDA aux États-Unis. Au moment où nous évaluons notre position ou notre association avec eux, il faut se préoccuper du fait que le point de vue en Amérique du Nord relativement à ces questions n'est pas nécessairement unanime. Nous avons des points de vue nationaux privés en ce qui a trait à ces questions. Il va de soi que la présente discussion découle de la préoccupation et de la controverse soulevées par cette situation. Il s'agit, tout au moins dans mon esprit, d'une question de pertinence, c'est-à-dire de la pertinence, pour nous, des lignes directrices établies par eux.
Nous discutons, ainsi que nous devrions le faire, de santé et de sécurité publique. Il est difficile d'assister à ces audiences sans aussi entendre parler de santé et de sécurité des animaux. Certains nous ont fait part de données non scientifiques, notamment Mme Nelson, ce matin. Cet après-midi, nous entendrons d'autres témoignages semblables. Ceux-ci ne nous seront pas fournis par des gens au Canada, puisque, je le répète, cette hormone n'a pas été approuvée et n'est pas utilisée au pays, mais bien par des personnes qui s'en sont servies. Certaines des données qui nous sont ainsi fournies sont très troublantes, voire choquantes. Compte tenu de ses responsabilités liées à la santé des animaux et à l'efficacité des produits, M. Alexander conviendra sûrement que ces données doivent être prises en compte. Le fait qu'il ne s'agit pas d'un médicament thérapeutique suscite non seulement un intérêt mais soulève une véritable préoccupation. Nous ne parlons pas ici d'un laboratoire qui fabrique un produit susceptible de guérir le cancer, ou une maladie du genre. Nous parlons d'une hormone de production qui est utilisée. La situation est alarmante parce que cette hormone cause des problèmes malheureux aux animaux sur lesquels elle est utilisée. Cet aspect doit aussi nous préoccuper.
M. Alexander: Oui, vous avez raison. Cet aspect fait certainement partie du processus d'évaluation aux fins de déterminer quels facteurs de sécurité pourraient être liés à la drogue, ainsi qu'à son efficacité. Nous avons et nous continuons d'étudier des témoignages provenant du monde entier relativement à la STbr. Comme l'a mentionné plus tôt M. Losos, on s'attend à ce que les groupes de travail présentent leur rapport sous peu. Je reconnais que divers éléments d'information ont été présentés au cours de vos audiences, lors des dernières séances de votre comité. Nous espérons que les groupes de travail proposeront certaines recommandations en ce qui a trait à la façon de traiter des risques liés aux effets secondaires possibles, à l'importance de ces risques, et à la gestion de ces risques. Ils nous ont dit clairement qu'ils allaient aussi se pencher sur le bien-être des animaux. Nous attendons que ces groupes de travail nous fassent rapport des résultats de leur étude.
Le sénateur Fairbairn: Nous allons certainement en faire autant parce que, comme l'a dit mon collègue le sénateur Robichaud, les vaches ne peuvent pas parler. Nous sommes préoccupés par certaines des choses qui nous ont été dites en ce qui a trait à la gestion des risques, qui est une expression assez terrible lorsqu'il s'agit de la santé des animaux ou des personnes. Quoi qu'il en soit, cet aspect doit sûrement entrer en ligne de compte lorsque nous rendrons notre décision.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Vous nous avez parlé de deux rapports dont les résultats devraient être connus dans quelques semaines. On a aussi dit qu'il semblait y avoir un besoin pour plus d'information. Ma question est hypothétique: si les rapports venaient démontrer qu'il y a insuffisance d'information, est-ce que Santé Canada serait prête à mettre en place des études pour obtenir ces informations?
[Traduction]
M. Losos: Sénateur, si nous n'étions pas convaincus que les données peuvent être établies à l'interne, nous passerions parfois des marchés, mais nous avons fait effectuer des études à l'interne ou à l'externe, lorsque cela était nécessaire. Nous le ferions au sein des unités de toxicologie qui font toujours partie des programmes de produits alimentaires ou d'hygiène du milieu. Nous avons encore beaucoup de moyens au sein du programme des produits alimentaires. Cela dit, il arrive que nous ayons recours à des services externes, pourvu que ceux-ci satisfassent aux conditions que j'ai mentionnées plus tôt.
S'il existait une lacune importante dans ce dossier, nous en tiendrions certainement compte.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Je ne doute aucunement des capacités de Santé Canada. Je pense que les gens de Santé Canada, qui sont prudents, nous l'ont bien démontré. Le point que je voulais soulever était qu'il ne fallait pas se tourner vers la compagnie qui veut faire la mise en marché de cette hormone, pour recevoir cette information, parce qu'on parle de délais. On pourrait nous dire que cela va prendre encore six ou huit mois. Le processus continue chez CODEX, et ailleurs, et à un moment donné on s'aperçoit qu'il est trop tard. Alors, voilà le point que je voulais soulever.
[Traduction]
M. Losos: Certainement, je comprends ce que vous dites, sénateur. C'est un excellent point. Nous allons devoir voir quelles sont les lacunes, s'il y en a, et nous allons alors décider s'il faut agir ou attendre que la communauté internationale agisse, ou peut-être que d'autres recherches soient effectuées dans d'autres pays. Il nous faudrait voir quelles sont ces lacunes. L'analyse des lacunes a déjà révélé certains aspects concernant lesquels nos scientifiques à l'interne aimeraient avoir plus de renseignements. Nous allons devoir étudier ce que diront les groupes d'experts relativement à ces lacunes. Je pense que M. Mueller a soulevé certaines préoccupations devant votre comité sénatorial. Nous comptons sur les groupes d'experts pour se pencher sur ces questions.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Quelle sorte de relation est-ce que Santé Canada a avec la FDA aux États-unis?
[Traduction]
M. Losos: Sénateur, nous avons de bonnes relations. Compte tenu que la frontière s'étire sur 3 000 ou 5 000 kilomètres, ou quelque chose du genre -- je pense que je m'exprime encore en milles -- nous avons beaucoup de contacts avec eux, notamment en ce qui a trait à des cas de fraude et de rappel. Nous partageons beaucoup de renseignements ponctuels avec eux, relativement à ce qui se passe dans l'un ou l'autre pays. Bien qu'ils ne soient pas aussi poussés, nous avons aussi des contacts avec des organismes de réglementation d'autres pays, notamment le Mexique, le Royaume-Uni, la France et ailleurs, sur tous les fronts. Il y a le secteur thérapeutique avec le Royaume-Uni et l'Europe. La Direction générale de la protection de la santé applique des programmes de sécurité environnementale avec d'autres pays, dans le cadre de divers accords multilatéraux. Nos liens avec la FDA et d'autres organismes sont caractérisés par des contacts permanents, parce que c'est ainsi que les choses se passent dans le cadre de la mondialisation.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Est-ce que Santé Canada a communiqué avec la FDA au sujet de leur processus d'approbation de cette hormone de croissance et leur a-t-elle signifié, qu'à tout le moins, ce qui se passait était très embarrassant?
[Traduction]
M. Losos: Sénateur, je ne peux traiter de la dernière question, mais c'est un fait qu'au fil des années nous avons eu des contacts avec la FDA relativement à la STbr. Nous n'avons pas approuvé cette hormone. Par conséquent, nous ne sommes pas convaincus que l'approche de la FDA était celle qui convenait à ce moment là, mais la réponse à votre question est oui, nous avons eu beaucoup de contacts avec la FDA. Quant à la question de savoir si nous avons fait part de nos préoccupations, je laisse M. Paterson y répondre.
M. Paterson: Un peu, mais je pense que la réponse à votre dernier point est non, je ne crois pas que l'examen en soit au stade approprié pour soulever des questions détaillées auprès de la FDA. Comme le Dr Losos l'a mentionné, nous avons des contacts permanents avec cet organisme. En fait, M. Weiner et moi-même avons eu une téléconférence d'une heure et demie ou deux heures avec des représentants de la FDA, le mois dernier, après les audiences du comité sénatorial en octobre. Oui, nous sommes en contact avec la FDA. Je pense que nous devons effectuer notre propre examen de la façon mentionnée par M. Losos, avant d'aborder certaines questions détaillées que vous soulevez.
Le sénateur Chalifoux: Tout cela est intéressant. À titre de consommateur ayant une grande famille élargie dont les membres sont aussi des consommateurs, je suis préoccupée par cette question. J'ai aussi reçu beaucoup d'appels. Ce médicament ne sert pas à des fins thérapeutiques. Nous n'avons pas besoin de produire plus de lait au pays. Selon ce qu'on nous a dit jusqu'ici ce matin, les États-Unis n'ont pas non plus besoin de produire plus de lait. Par conséquent, pourquoi est-il si important de mettre ce médicament sur le marché? Des pressions sont-elles exercées par qui que ce soit relativement à ce produit? La question qu'il faut se poser est de savoir pourquoi nous, Canadiens et Américains, aurions besoin de ce produit s'il est inutile.
M. Losos: Je vais commencer par répondre à votre dernière question. Nous sommes en train d'évaluer ce produit parce qu'il nous incombe de le faire en vertu de la loi. En vertu de la Loi sur les aliments et drogues, nous n'avons pas le choix de décider si nous effectuons ou non une telle évaluation. Le Parlement nous a ordonné de faire une analyse et c'est ce que nous faisons.
Lorsque vous dites que vous avez une famille élargie vous mentionnez un excellent point, parce que nous avons tous une famille. La sécurité et l'efficacité sont des considérations importantes pour nous. La sécurité doit être la priorité absolue. L'efficacité, dont on a discuté il y a quelques minutes, dans le contexte des animaux, est l'autre considération liée à ce produit, mais elle est aussi importante pour nous.
Le sénateur Chalifoux: Des pressions sont-elles exercées par qui que ce soit? Si c'est le cas, par qui?
Le sénateur Hays: Certainement pas par ce comité.
M. Losos: Sénateur, vous demandez pourquoi c'est important. Vous devriez peut-être poser la question au pétitionnaire Monsanto, plus tard aujourd'hui. Ces gens sont libres de s'exprimer en leur nom propre. Je ne pense pas que la pression exercée par Monsanto soit différente de celle d'autres compagnies. Nous recevons des appels téléphoniques des deux camps. Cela fait partie de notre travail que d'entendre des plaintes ou de faire l'objet de pressions de la part de diverses sources. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que nous faisons l'objet de pressions pour ce qui est de rendre une décision.
Le sénateur Spivak: Pour situer les choses dans leur contexte, il me semble que l'élément clé ici est la Loi sur les aliments et drogues ainsi que son règlement. La loi ne fait aucune allusion à la gestion de risques, au recouvrement des coûts ou à des choses du genre. Corrigez-moi si je me trompe. Si je comprends bien, la loi prévoit un processus précis pour l'approbation des médicaments. C'est un fait que vous êtes tenus d'évaluer le produit qui vous est soumis. J'aimerais vous faire part de certaines de nos préoccupations, ou de mes préoccupations particulières concernant le mode d'approbation.
Au bout de deux semaines, M. Yong a envoyé un avis de conformité. Cette façon de faire ne me semble pas correspondre aux dispositions de la Loi sur les aliments et drogues. Ensuite, M. Alexander, vous avez nommé M. Ritter au comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires. C'est ce que je crois comprendre. Corrigez-moi si je me trompe. Il va de soi que Monsanto était intéressé à ce que M. Ritter soit nommé à ce comité.
Monsieur Paterson, j'aimerais aborder avec vous la question d'un système mixte de commercialisation. Ma question se fonde sur des notes de service. Vous avez fait allusion à un système mixte de commercialisation, si la STbr était approuvée. Même si cette façon de faire peut être tout à fait correcte, je ne vois pas comment celle-ci respecte l'esprit de la Loi sur les aliments et drogues, qui parle de l'intérêt public et du processus d'approbation d'un médicament. Je fais allusion aux études à long terme sur la toxicité et autres considérations. Ce que je vous dis ici reflète aussi l'opinion du public, parce que ce dernier sait ce que dit la Loi sur les aliments et drogues. Cette loi protège la santé du public. Pourquoi tous ces comités existent-ils et pourquoi nous en remettons-nous au CMEAA et au Codex Alimentarius, alors que nous devrions d'abord et avant tout nous en remettre à la Loi sur les aliments et drogues?
Ainsi, il semblerait que les responsables -- et je suis très prudente ici -- tiennent en quelque sorte pour acquis, sur la base de je ne sais trop quoi, que ce médicament devrait être approuvé et non pas être assujetti au processus très poussé qui est recommandé dans la Loi sur les aliments et drogues. M. Paterson et M. Alexander, je me demande si, relativement à ces deux exemples, vous pourriez formuler des observations sur vos actions et sur le principe général de la Loi sur les aliments et drogues, qui est notre loi nationale, par rapport à tous ces comités, qui peuvent dire ou ne pas dire telle ou telle chose.
M. Paterson: Je vais commencer. Je pense que le point auquel vous avez fait allusion avait trait à une remarque que j'ai faite dans une note interne au sujet d'un système mixte de commercialisation. J'aimerais revenir à la réponse que j'ai donnée au président du comité relativement à la question de savoir si nous devons agir de façon tout à fait isolée. Je reprends peut-être la question du président. Dans ma réponse, j'ai dit qu'il ne fallait pas agir de cette façon, que même si la Loi sur les aliments et drogues était le critère principal en vertu duquel nous devions examiner ce produit et, en fait, tout produit, il fallait reconnaître qu'il y a d'autres questions qui interviennent, comme le confirme d'ailleurs le fait que je sois ici pour la troisième fois en quatre ou cinq mois.
Au niveau interministériel, nous assurons la liaison et la coordination avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que des intervenants de l'extérieur.
Si l'on suppose -- et on a employé ce mot plusieurs fois ce matin -- qu'une licence devrait être délivrée relativement à la STbr au Canada, cela aurait des répercussions qui iraient au-delà des renseignements fournis sur l'étiquette. Dans son témoignage, M. Chopra a dit qu'il y a plusieurs renseignements devant figurer sur l'étiquette qui inciteraient une personne à se demander s'il y a lieu d'approuver cette drogue. Au-delà de l'étiquette, il y aurait aussi des répercussions au niveau de la production et de la commercialisation du lait et des produits laitiers au Canada. C'est dans ce contexte que nous nous sommes penchés sur les répercussions, dans le cadre de nos contacts avec nos collègues au niveau fédéral et provincial, puisque les gouvernements provinciaux ont un grand rôle à jouer relativement à la production laitière et au système de commercialisation au Canada.
Il y a deux mois, des représentants du Conseil national de l'industrie laitière ont comparu devant vous. Ceux-ci étaient fermement convaincus que si la drogue était approuvée, il faudrait créer un système mixte de commercialisation, ce qui aurait pour effet de faire augmenter les coûts de façon exorbitante pour l'industrie. C'est dans ce contexte, sénateur, que nous avons essayé, dans une partie d'une note d'information destinée à nos cadres supérieurs, de tenir compte de toutes les autres questions entourant celle de la santé et de la sécurité, qui est et qui reste la plus importante pour nous. Cela répond-il à votre question?
Le sénateur Spivak: J'imagine que oui. Je pense que ma question devrait être celle-ci: Pourquoi ne pas d'abord se concentrer sur les études à long terme et se préoccuper des autres questions plus tard? Mais nous touchons ici au fonctionnement interne du ministère, et je ne veux pas me lancer dans cette direction.
M. Paterson: Avant de céder la parole à M. Alexander, je voudrais dire qu'au lieu de faire les choses selon un ordre défini, nous avons, à tort ou à raison, essayé d'accomplir certaines choses en parallèle.
M. Alexander: Je veux simplement corriger une remarque que vous avez faite au sujet de M. Ritter. Je suis un évaluateur de médicaments, un peu comme les autres scientifiques qui ont comparu devant vous le 27 octobre. Je n'ai joué absolument aucun rôle dans la nomination de qui que ce soit au CMEAA.
Le sénateur Spivak: Je vous remercie.
M. Alexander: Je crois comprendre que les nominations au CMEAA se font sur invitation. Dans le cas de M. Ritter, l'invitation provenait probablement du secrétaire de l'OMS, qui a demandé à M. Ritter de participer au CMEAA à titre de conseiller temporaire.
Le sénateur Spivak: Je vous remercie d'avoir clarifié ce point. Je crois comprendre, peut-être à tort, que Monsanto a proposé ce nom à quelqu'un au ministère, ou que ce nom a été proposé et que la personne a ensuite été nommée. Je veux simplement savoir ce qu'il en est exactement.
M. Alexander: Je regrette, mais je ne peux vous éclairer relativement à cet aspect.
Le président: Monsanto va comparaître après le déjeuner et nous pourrons poser ces questions à l'intéressé.
Le sénateur Hays: La Direction générale de la protection de la santé jouit de la confiance des Canadiens en général. Je me souviens d'avoir demandé à M. Chopra, ou à l'un des témoins qui ont comparu à ce moment là, s'il y avait lieu de s'inquiéter du système d'approbation en place pour les médicaments et autres produits dont la Direction générale de la protection de la santé est responsable. On m'avait alors répondu que notre système était le meilleur au monde. J'ai été content d'obtenir cette réponse.
Dans le cas de cette hormone, la véritable question semble être la façon dont les divergences de vues entre les scientifiques ont été réglées ou non réglées à ce stade-ci. Il va de soi que les scientifiques vont avoir des opinions différentes quant à l'étendue des essais qui devraient être effectués. J'imagine que ce qui compte en bout de ligne c'est de savoir si, selon eux, l'approbation demandée devrait être accordée ou non. La Direction générale de la protection de la santé doit avoir une façon d'appliquer le processus pour en arriver à une réponse en bout de ligne.
Vous entretenez maintenant des contacts avec le vérificateur général suite au travail qu'il a accompli au sein de la Direction générale de la protection de la santé. Des questions restent à régler et j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet. Je vous pose la question parce que les représentants des Producteurs laitiers du Canada nous ont dit qu'à leur avis le vérificateur général devrait intervenir davantage afin d'examiner et contribuer à résoudre certaines difficultés quant à la façon dont les différends entre scientifiques sont traités et résolus.
M. Losos: C'est une excellente question, qu'il était important de soulever, parce que les divergences d'opinions entre les scientifiques sont très fréquentes. J'ai rarement vu des cas où les divergences d'opinions soient absentes. Je crois d'ailleurs que c'est une bonne chose et que les remises en question mutuelles sont souhaitables. Au fil des années, les différences d'opinions entre scientifiques n'ont pas toujours été coordonnées ou gérées adéquatement dans certaines sections.
La direction générale possède des mécanismes de règlement des différends dans le domaine scientifique, mais ils n'ont pas été utilisés de façon uniforme à la grandeur de la Direction jusqu'à maintenant. Soyez assuré cependant qu'ils le seront à l'avenir car mes cadres supérieurs et moi-même comptons renforcer ces mécanismes.
Dans le passé, nous avons choisi, dans nos groupes consultatifs spécialisés permanents, par exemple, que nous comptons en assez grand nombre, des spécialistes de l'extérieur, pour tenir des exposés de type scientifique qui traitaient de diverses vues et proposaient une solution. Nous devrions avoir recours à ce mécanisme de façon plus systématique au sein de la direction. Je vais m'assurer que ce soit le cas.
Le vérificateur général intervient continuellement au sein de la Direction pour examiner toute une variété de sujets. En 1995, il a examiné les changements apportés à la gestion, le système de sécurité alimentaire conjointement avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et il a également examiné les programmes de salubrité de l'environnement. Une équipe examine actuellement, au sein de la Direction, dans quelle mesure cette dernière pourrait jouer un rôle de surveillance et de contrôle des systèmes de sécurité. L'équipe n'a pas encore désigné le Bureau des médicaments vétérinaires pour fins d'évaluation.
Je signale, sénateur, qu'outre le fait que le vérificateur général intervient de façon assez constante auprès de la Direction, en raison de son importance et de l'étendue de son champ d'action, d'autres mécanismes d'évaluation interviennent continuellement. En tant qu'organisation scientifique, nous avons également recours à des centres universitaires ou à des groupes d'accréditation de l'extérieur pour faire évaluer nos programmes. Le ministère possède également une section de vérification interne qui a recours aux services d'évaluateurs de l'extérieur pour effectuer des évaluations des programmes ministériels à intervalle régulier. À titre d'exemple, ce sera la troisième fois que le vérificateur général examine les travaux du Laboratoire de lutte contre la maladie et les fonctions de surveillance. Ce sera la troisième fois en huit ou neuf ans d'évaluation.
En tant qu'organisation scientifique, nous voyons les vérifications d'un bon oeil. Rien n'est statique. Il s'agit d'un bon programme comme le disait M. Chopra; c'est un programme de calibre international. Toutefois, rien ne demeure statique et nous devons progresser. C'est pourquoi Ian Shugart et nous-mêmes vous avons présenté les programmes de transition la dernière fois. Ces programmes comprendront des mécanismes de transparence plus efficace, de meilleurs mécanismes de règlement des différends, un examen par les pairs, un certain nombre d'activités scientifiques qui doivent être renforcées au sein de la Direction.
Le sénateur Hays: Qui sont les autres évaluateurs? Pouvez-vous me donner des précisions? Le vérificateur général pourrait agir à titre d'évaluateur et je présume que c'est ce qu'il a fait dans un certain nombre de cas pour lesquels il a manifesté de l'intérêt. Je présume également que vous collaborez avec lui à cet égard. Vous avez dit que ce n'était pas le seul moyen qui puisse être utilisé pour régler la question ou le problème que j'ai décrit; c'est du moins ainsi que je l'ai compris. D'autres pourront différer d'opinions. Pouvez-vous m'indiquer certains des autres évaluateurs?
M. Losos: Il existe d'autres mécanismes, sénateur. Le ministère possède une section de vérification interne qui a recours aux services d'entrepreneurs de l'extérieur qui examinent les divers programmes du ministère. Le Conseil du Trésor effectue aussi des examens. Les gestionnaires eux-mêmes demandent à des équipes d'accréditation d'examiner les sections scientifiques. Je l'ai fait moi-même au Laboratoire de lutte contre la maladie, par exemple, lors de l'examen du programme concernant la tuberculose et du programme concernant les maladies transmissibles sexuellement. J'ai demandé à des organismes comme le Collège royal ou d'autres, qui envoyaient cinq, six ou huit scientifiques, de procéder à une évaluation intégrale de l'efficacité des activités scientifiques et du programme au sein d'une unité.
Le sénateur Hays: Merci.
Le président: Je remercie les représentants de Santé Canada de leur déposition. Il va sans dire, et je suis sûr que tous les sénateurs le corroboreront, que nous avons reçu davantage de questions, de lettres et documents sur cette question. Mon propre bureau a reçu tout autant sinon plus de documentation à ce sujet que sur la crise du secteur agricole. Le sujet soulève beaucoup d'intérêt. Il importe de rappeler que nous avons des normes très élevées dans l'esprit du public ainsi qu'aux yeux de Santé Canada. Nous en sommes bien conscients et nous savons également que ce secteur d'activité doit être protégé dans l'intérêt des Canadiens.
La séance est levée.