Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 32 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 22 avril 1999
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 08 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, étude de l'effet des échanges commerciaux sur le revenu agricole.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe de fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à nos témoins qui représentent la Canadian Cattlemen's Association et le Conseil canadien du porc. Nous avons hâte de vous entendre. Vous avez la parole.
M. Neil Jahnke, président, comité du commerce extérieur, Canadian Cattlemen's Association: Bonjour. Je suis président du comité du commerce extérieur de la CCA et j'essaie de gagner ma vie en faisant de l'élevage à plein temps en Saskatchewan.
La Canadian Cattlemen's Association, ou CCA, représente les intérêts de plus de 100 000 producteurs bovins au Canada. L'industrie bovine dans notre pays fait un apport de 20 milliards de dollars par an à l'économie canadienne. C'est à elle seule la source la plus importante de revenu agricole, avec près de 5 milliards de dollars. Tous les ans, nous exportons plus de 50 p. 100 de notre production, principalement vers les États-Unis. Notre industrie est censée prendre de l'expansion.
Lors de la suppression de la subvention visant le transport du grain de l'Ouest en 1995, les industries bovine et porcine dans l'ouest du Canada ont pris de l'expansion et représentent actuellement la principale source de consommation des grains fourragers cultivés au Canada. Autrement dit, nous consommons plus de grains fourragers chez nous que nous n'en exportons.
On s'attend qu'une croissance soutenue permettra de créer une demande suffisante pour que tous les grains fourragers soient consommés sur le marché intérieur. Nous exporterons du boeuf ou du porc plutôt que des grains fourragers, de sorte que nous vendrons sur les marchés étrangers des produits à valeur ajoutée plutôt que des simples ressources.
Vous savez certainement qu'au début de la semaine, Agriculture Canada a organisé ici, à Ottawa, une conférence commerciale à laquelle assistaient des dirigeants du secteur agricole et des transformateurs alimentaires. Cette conférence visait à obtenir l'avis des participants sur l'orientation que les négociateurs canadiens devraient prendre lors du prochain cycle de l'OMC. La CCA a participé à cette conférence.
De toute évidence, notre secteur est tributaire du commerce extérieur. Vous savez certainement que nous sommes actuellement aux prises avec certaines interventions prises par les États-Unis. Ce pays a lancé des mesures compensatoires et antidumping contre l'industrie bovine canadienne. Cela représente une grave menace pour notre secteur et pour le gagne-pain des éleveurs de bovins. Si jamais nous perdions dans ces causes, cela entraînerait des difficultés financières incroyables pour nos éleveurs.
Le commerce extérieur du boeuf canadien est monté en flèche l'an dernier. Nous appuyons le libre-échange et nous souhaitons une plus grande libéralisation des échanges dans le monde entier. À l'heure actuelle, le Canada vient au quatrième rang mondial pour ce qui est des exportations de viande de boeuf. Fait à noter, nous sommes également le plus gros importateur de boeuf du monde par habitant, et nos importations viennent principalement des États-Unis, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Les États-Unis sont notre plus gros client pour le boeuf sur pied et la viande de boeuf, puisque plus de 96 p. 100 de nos exportations sont destinées au marché américain.
Lors du prochain cycle de négociations de l'OMC, la CCA souhaite que les règles du commerce extérieur soient aussi claires que possible. Vous savez certainement que certains États américains ont eu recours à des mesures commerciales illégales à l'automne dernier, en bloquant des camions qui transportaient des bovins canadiens à destination des marchés américains. Ces mesures ont été prises sur l'initiative des gouverneurs des États en cause. D'après nos renseignements, seul le gouvernement fédéral a compétence en matière de commerce international; toutefois, ces gouverneurs ont réussi à perturber les échanges dans leur intérêt politique sans faire l'objet de représailles ou de réprimandes.
Le Canada doit réclamer des réformes lors des prochaines négociations bilatérales et multilatérales. Si nous sommes censés accroître nos exportations de toutes les denrées agricoles, il nous faut réaliser des gains importants relativement à l'accès au marché et à la suppression totale des subventions à l'exportation. La CCA estime que le commerce se fait à double sens. Si nous comptons sur les autres pays pour supprimer les obstacles au commerce, nous devons faire la même chose chez nous. L'industrie bovine canadienne est tout à fait disposée à s'aligner sur les mesures prises par tous les autres pays du monde, mais il nous est impossible de faire concurrence à ceux qui ont recours à des pratiques commerciales déloyales.
Il reste encore trop d'obstacles au commerce. Par exemple, la Communauté européenne applique des règlements sanitaires bidons pour empêcher le boeuf nord-américain d'être vendu sur son marché. Ce problème doit trouver une solution le mois prochain, puisque l'Union européenne devra se conformer à la décision de l'OMC selon laquelle elle doit autoriser l'accès à ses marchés au boeuf nord-américain, au risque de subir des représailles. Le gouvernement canadien a déjà établi une liste de produits qui sont actuellement importés de l'Union européenne et qui feront l'objet d'une augmentation des droits de douane si l'Union européenne ne respecte pas la décision de l'OMC.
Parallèlement, l'Union européenne subventionne ses producteurs à coup de milliards de dollars, ce qui entraîne l'accumulation de stocks énormes de boeuf, et elle subventionne ensuite leurs exportations, de sorte qu'elle vend le boeuf littéralement à perte sur les marchés mondiaux. En raison de ce genre de mesures, il est impossible au Canada d'être concurrentiel sur ces marchés. Nos négociateurs canadiens doivent insister auprès des autres pays membres de l'OMC pour qu'on diminue les droits de douane, et même qu'on les supprime dans certains cas.
À l'heure actuelle, aux termes de l'ALENA, nous avons un libre-échange avec les trois pays signataires. Toutefois, l'Union européenne continue d'imposer des droits de douane très élevés sur bon nombre de produits, et notamment le boeuf, de sorte qu'il est impossible de pénétrer son marché. Les pays d'Asie continuent de baisser leurs droits de douane, mais nous aimerions que les choses avancent encore plus vite.
L'industrie bovine canadienne est prête à accepter des importations de boeuf de n'importe quel pays du monde à condition que le produit soit conforme à nos normes sanitaires et en matière de santé.
L'Uruguay Round a permis d'établir des règles commerciales qui rendent les choses plus prévisibles et assurent la stabilité du marché de certaines denrées. L'industrie bovine au Canada a reçu son contingent tarifaire, ou CT, de 76 000 tonnes. En d'autres termes, tout le boeuf importé de pays autres que nos partenaires de l'ALENA doit être importé conformément à ce quota. Toutefois, s'il faut davantage de boeuf, les importateurs peuvent obtenir des permis supplémentaires sans frais.
Les importateurs ont reçu un contingent supplémentaire tous les ans depuis l'entrée en vigueur de l'accord. La CCA est prête à renoncer à son contingent tarifaire si les États-Unis font de même. Le Canada ne peut pas supprimer son CT si les États-Unis ne suivent pas son exemple. Si nous supprimions notre contingent tarifaire et que les États-Unis limitaient les exportations, le boeuf excédentaire sur le marché mondial serait déversé au Canada. Cela s'est déjà produit par le passé lorsque, comme nous nous en souvenons tous, la CEE a inondé notre marché.
La tendance croissante à l'utilisation de l'étiquetage des produits en tant que barrière non tarifaire préoccupe notre association. Les États-Unis ont essayé dernièrement de faire adopter une loi exigeant que tous les produits importés portent une étiquette explicative. La question est toujours en veilleuse au Congrès américain. En fait, elle est à l'étude. La CCA a toujours préconisé une approche scientifique de ces problèmes, notre principal souci étant la salubrité des aliments.
Pour ce qui est des bêtes qui arrivent dans un pays pour y être immédiatement abattues, l'association approuve la politique actuelle selon laquelle, pour être importées, ces bêtes doivent être conformes aux exigences du pays importateur en matière d'hygiène vétérinaire et être assujetties ensuite aux règlements relatifs à l'inspection des viandes du pays d'accueil. Ces bêtes peuvent alors être transformées et vendues comme s'il s'agissait d'un produit du pays où se fait la transformation. Tout étiquetage supplémentaire doit rester facultatif.
Quant aux bovins qui sont importés pour l'engraissement, notre association préconise l'application d'un protocole d'importation axé sur l'évaluation du risque et des données scientifiques qui facilitent le libre-échange tout en protégeant le cheptel du pays importateur contre toute maladie. Une fois les bovins importés, ils devraient être marqués au moyen d'un système d'identification permanent approuvé par le pays d'origine uniquement dans le but de vérifier l'absence de maladies. Lors de l'abattage, les bovins seront assujettis à des activités fédérales d'inspection de la viande et pourront être étiquetés comme produits du pays où ils sont transformés.
Dans le cas des produits du boeuf importés, la CCA appuie le système d'étiquetage facultatif du pays d'origine et les règlements visant à garantir que le libellé des étiquettes est scientifique et conforme à nos exigences en matière d'étiquetage et de publicité loyale.
Comme nous l'avons déjà dit, nous craignons qu'un certain nombre de pays essaient d'utiliser les exigences relatives à l'étiquetage comme moyen de faire obstacle au commerce. Il importe que le Canada prenne fermement position contre ce genre d'incursion dans des règles scientifiques concernant l'accès au marché et fasse la promotion de politiques équivalentes aux nôtres.
Comme je l'ai dit au début de mon exposé, les exportations représentent l'avenir de l'industrie bovine au Canada. Il est possible que la consommation en Amérique du Nord augmente, mais la plus forte augmentation de consommation de protéines se fera en Asie. J'ai été pendant quelques années président de la Canada Beef Export Federation, et de ce fait, je suis bien placé pour savoir que des pays comme le Japon, la Corée, Taiwan et la République populaire de Chine représentent des possibilités extraordinaires. Nous devons encourager les pays membres de l'OMC, comme le Japon, à baisser leurs droits de douane et accroître les possibilités d'accès à leur marché.
Je vous remercie de votre intérêt et je suis impatient de répondre à vos questions.
M. Martin Rice, directeur exécutif, Conseil canadien du porc: Vous avez des exemplaires du livret dans lequel nous exposons notre position, document que nous avons préparé avec la collaboration de deux autres organismes, le Conseil des viandes du Canada et Canada Pork International. Le Conseil des viandes du Canada est l'association nationale des transformateurs de la viande au Canada. Il représente les abattoirs et les usines de transformation. L'autre organisme est Canada Pork International, CPI, qui est l'agence de promotion des exportations du Conseil des viandes du Canada et du Conseil canadien de porc. Je mentionnerai CPI à plusieurs reprises, car c'est l'organisme qui a permis aux deux segments de l'industrie d'élargir notre accès au marché des exportations à l'extérieur de l'Amérique du Nord pendant une bonne partie des années 90.
Dans ce livret, il y a un tableau qui montre la croissance des exportations canadiennes de porc pendant les années 90. Comme vous pouvez le constater, nous avons une croissance assez forte pour la première moitié des années 90; cependant, c'est vraiment à la suite du dernier cycle de négociations commerciales, l'Uruguay Round, que nos exportations ont connu leur croissance la plus rapide. Nous exportons maintenant dans les Philippines, en Corée du Sud et vers d'autres marchés auxquels nous n'avions pas accès avant le dernier cycle de négociations commerciales. L'industrie du porc au Canada, comme l'industrie du bétail, dépend des exportations. Nous importons environ 60 000 tonnes de porc, mais nous en exportons près de 500 000. Sur une base nette, nous dépendons donc de l'accès aux marchés étrangers dans une proportion d'environ 40 p. 100. Un peu plus de la moitié de nos exportations vont vers les États-Unis, mais c'est une baisse considérable par rapport à la situation d'il y a 10 ans, lorsque que nous exportions près de 80 p. 100 de notre production vers les États-Unis.
Nous sommes d'avis que l'industrie canadienne du porc est dans une position des plus favorables pour devenir un concurrent mondial. Au Canada, nous avons un grain fourrager de haute qualité à un prix concurrentiel. Nous avons également toujours eu des programmes exceptionnels d'hygiène vétérinaire et de salubrité des aliments. C'est tout à l'honneur du gouvernement fédéral d'avoir mis en place ces normes en matière de santé vétérinaire et d'innocuité des aliments qui sont reconnues dans le monde entier et nous ne manquons pas de souligner l'importance du maintien de tels programmes.
Le porc est le type de viande le plus consommé au monde, et la Chine en est le plus gros consommateur. Le porc est par ailleurs la viande de premier choix dans la majeure partie de l'Europe et il est très populaire en Amérique latine et en Asie. Nous sommes bien organisés pour exploiter les perspectives d'exportation sur le marché mondial, car nous faisons depuis longtemps le commerce du porc. Par ailleurs, nous avons plusieurs sociétés de commerce extérieur qui sont très bien connues dans le commerce d'exportation.
Notre document reprend les grands thèmes courants des objectifs commerciaux: l'accès au marché, les subventions à l'exportation, le soutien interne et les mesures sanitaires et phytosanitaires. Nous mentionnerons également les mesures de recours commercial, qui sont communes à tous les secteurs de l'économie et qui ont de plus en plus d'importance pour nous sur le plan de l'accès aux marchés étrangers.
Les contingents tarifaires sont notre principal objectif de réforme pour la prochaine série de négociations. Le concept des contingents tarifaires a été introduit à la suite des efforts des Américains dans les années 80 ou peut-être au début des années 90 en vue de percer le marché du boeuf coréen. Le concept a été repris lors de l'Uruguay Round afin de convertir les restrictions fixes à l'importation en quelque chose qui pourrait être mesuré, défini comme un tarif et graduellement réduit.
Il y a des contingents tarifaires pour nos exportations vers certains petits pays comme la Hongrie, la Norvège, la Suisse et les Philippines; cependant, les plus importants auxquels nous devons faire face sont ceux de l'Union européenne. Ces pays ont profité du pouvoir discrétionnaire accordé aux pays membres pour définir leurs contingents tarifaires. Plutôt que de nous accorder un contingent tarifaire équivalant à 5 p. 100 de leur consommation de porc, l'Union européenne a décidé de regrouper tous les types de viande. Elle a donc pris 5 p. 100 de sa consommation de viande totale et soustrait la viande de boeuf et d'agneau importée. Comme les pays de l'Union européenne ont toujours été par le passé de gros importateurs de boeuf et d'agneau, nous nous sommes retrouvés avec un accès minimum pour le porc qui représente environ 10 à 15 p. 100 de ce que nous avions espéré au départ.
Nous aimerions que l'administration des contingents tarifaires soit assujettie à des règles plus uniformes. Nous aimerions par ailleurs que l'accès minimum soit établi à partir du code à quatre chiffres pour le porc. Les denrées ne devraient pas se limiter à la viande, ni être définies de manière trop restrictive, comme les pieds de porc ou des désignations de la sorte. Cela nous permettra d'élargir considérablement nos perspectives d'exportation dans les pays de l'Union européenne. Cet élargissement des perspectives d'exportation serait assez important pour que nos usines acceptent de faire les investissements nécessaires pour répondre aux normes d'inspection de l'Union européenne. Bien que leurs normes ne se traduisent pas par une plus grande efficience ou efficacité en matière de salubrité des aliments, elles comportent de nombreux éléments précis que nos usines voudront connaître si elles veulent investir dans des changements qui leur assureront l'accès au marché européen.
Nous aimerions que les tarifs soient moins élevés pour la viande porcine transformée. Ces tarifs sont relativement élevés par rapport à ceux qui s'appliquent à la viande. Nous aimerions que le pourcentage dépasse les 5 p. 100, mais notre principal objectif est d'obtenir une révision des contingents tarifaires. Cependant, 5 p. 100, avec des révisions, nous permettraient néanmoins d'augmenter considérablement notre accès au marché.
Le mécanisme de sauvegarde du Japon a été conçu pour aider ce pays à se protéger contre une perturbation ou une hausse subite des importations. Nous aimerions que ce système de sauvegarde soit changé afin qu'il perturbe moins les importations. À l'heure actuelle, ce système encourage les achats spéculatifs en raison d'une administration trimestrielle. Nous aimerions que les contingents japonais soient administrés sur une base annuelle ou encore qu'il y ait une disposition permettant de retirer cette mesure de sauvegarde si, au cours de l'année, les importations tombent sous les niveaux prévus.
Il existe toujours des différences dans la façon dont les pays administrent leurs importations, l'étiquetage, l'inspection, et cetera. Nous avons besoin d'une plus grande uniformité à cet égard.
Dans la catégorie des subventions à l'exportation, nous pourrions répéter ce que tous les groupes d'agriculteurs et ce que le gouvernement fédéral disent ces jours-ci: il faut éliminer les subventions à l'exportation. Il s'agit de la forme d'aide la plus nuisible car elle exerce un effet direct sur le prix auquel le produit est vendu dans le monde. Pour cette raison, nous aimerions que les taxes à l'exportation soient considérées comme une forme de subvention à l'exportation. Par exemple, en 1996, lorsqu'il y a eu une hausse subite du prix du grain sur les marchés mondiaux, l'Union européenne a appliqué une taxe à l'exportation sur le grain fourrager. Cette mesure a protégé ses industries intérieures consommatrices de grain contre le contrecoup de l'augmentation des prix mondiaux. Leurs coûts de production interne ont donc baissé par rapport à ceux des autres pays du monde. Nous sommes d'avis que des réductions des subventions à l'exportation et l'élimination des taxes à l'exportation devraient faire partie de ces engagements de réduction.
En ce qui a trait à la réduction du soutien interne, le Canada a dépassé de loin ses engagements issus de l'Uruguay Round. Nous aimerions que soit mis en place un mécanisme au niveau mondial qui permettrait aux pays, lorsqu'ils révisent leurs programmes ou en lancent de nouveaux, d'obtenir un avis sur la conformité du programme avec les critères de la boîte verte.
Au cours des derniers mois, le Canada a mis en place un programme d'aide au revenu agricole en cas de catastrophe. Nous sommes convaincus qu'il répond aux normes de l'OMC relativement au programme interne de sécurité du revenu. Cependant, nous devons nous en assurer afin d'éviter une contestation sous forme d'enquête dans le cadre d'une mesure compensatoire. À l'heure actuelle, un pays importateur qui décide de contester ce programme doit examiner les critères pour déterminer si le programme est ou non conforme aux critères de la boîte verte.
Le code qui a été adopté lors de l'Uruguay Round concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires est certainement l'une des plus grandes réalisations pour le secteur de l'agriculture. Il reste encore des questions importantes à régler, notamment le temps qu'il faut pour mettre en oeuvre les décisions des groupes spéciaux du GATT. Le cas des hormones bovines est un bon exemple. Cependant, nous considérons que l'application de ce code fondé sur des faits scientifiques est une formule qui doit être préservée. Nous ne serions pas disposés à ce que des changements soient apportés à ce code au cours de la prochaine série de négociations.
L'Europe a des velléités d'introduction des dossiers des consommateurs. C'est un terrain glissant. Nous ne disons pas qu'il ne faut pas tenir compte de certaines de ces questions, mais au fil des ans nous avons dû répondre à bon nombre de préoccupations de consommateurs qui avaient été présentées comme des raisons légitimes pour limiter les importations.
Nous avons des réserves à propos de l'introduction de normes environnementales et de normes de protection des animaux qui n'ont aucun fondement scientifique mais qui reflètent plutôt une opinion subjective du public, opinion qui change avec le temps. Nous considérons qu'il s'agit d'un objectif mobile et il devient alors très difficile avec un tel objectif de maintenir des règles commerciales justes et équitables.
La dernière question est celle des mesures de recours commercial. Au cours de 15 dernières années, nous avons été impliqués dans plusieurs différends commerciaux, dont des cas de droits compensateurs et de dumping. Tout récemment, il y a eu des mesures antidumping contre le porc américain qui était exporté au Mexique, à cause du coût de production. Les éleveurs de bétail canadiens sont certainement au courant de l'utilisation du coût de production dans des cas de dumping. Nous aimerions que le coût de production soit éliminé comme critère dans les affaires de dumping. Le critère à utiliser devrait être la sous-enchère de la part d'un pays. On considère qu'il y a sous-enchère lorsque le prix intérieur pratiqué dans le pays exportateur est supérieur au prix demandé dans le pays d'exportation.
La nature des marchés agricoles est telle que nous passons par des cycles lorsque les prix augmentent au-dessus du coût de production, ce qui encourage une plus grande production, et inévitablement le prix tombe en bas du coût de la production. À mesure que nous nous dirigeons vers un système de commerce mondial ouvert, tous les pays, qu'ils soient exportateurs ou importateurs, doivent respecter ces conditions. Si on permet à des pays de mettre en place des droits antidumping chaque fois que le prix tombe en bas du coût de production, il incombe alors entièrement aux pays exportateurs d'ajuster le prix. Cette situation ne fait qu'exacerber les problèmes. C'est certainement ce que nous constatons à l'heure actuelle dans le secteur du porc.
En conclusion, le Canada à certainement un intérêt énorme dans la prochaine série de négociations. Chaque fois qu'il le peut, le Canada devrait collaborer avec d'autres pays exportateurs. Nous ne voulons pas avoir les mêmes résultats qu'à la suite de l'Uruguay Round, lorsque les États-Unis et l'Union européenne se sont entendus sur l'accès au marché et les subventions à l'exportation. On nous a dit à la dernière minute d'accepter ou de rejeter l'accord. Si nous l'avions rejeté, nous nous serions retrouvés les mains vides. Nous voulons que le Canada et d'autres pays exportateurs participent. Nous ne voulons pas que ce soit encore une fois l'Union européenne et les États-Unis qui décident de tout.
Nous appuyons le point de vue de l'Alliance canadienne des exportateurs de denrées agroalimentaires, qui a déjà comparu devant votre comité ou qui le fera. Nous aimerions qu'il y ait une série de négociations commerciales globales. Cela serait la meilleure formule pour faire en sorte que l'Europe et l'Asie soient prêtes à offrir un meilleur accès à leurs marchés agricoles en contrepartie de meilleurs débouchés pour leurs produits d'exportation -- dont certains sont des produits agricoles et dont bon nombre sont des produits industriels et des services. S'il s'agissait uniquement d'une série de négociations agricoles, nous n'aurions sans doute pas suffisamment d'influence pour que certains de ces pays prennent des mesures importantes de libéralisation des importations et des échanges commerciaux.
Le président: Je vous remercie de vos observations. Avant de donner la parole au sénateur Stratton, j'aimerais vous poser une question concernant le programme que le gouvernement a mis en place pour venir en aide aux agriculteurs.
Les gens qui examinent le programme disent que les producteurs de porc sont à peu près les seuls qui ne recevront aucune aide dans le cadre de ce programme. Il y a eu alternance de fortes expansions et de récessions dans l'industrie du porc. On avait construit des porcheries dans les Prairies, mais elles n'y sont plus. On les a déménagées. Les porcheries qu'on construit à l'heure actuelle, du moins en Saskatchewan et au Manitoba, représentent de gros investissements.
On se demande si l'industrie est capable de maintenir cette croissance. En Saskatchewan, le gouvernement provincial a versé des fonds considérables pour appuyer un programme en vue de vendre beaucoup de porc en Asie. Ces ventes ne se sont pas concrétisées. Nous savons tous qu'il y a quelques mois, le prix du porc a baissé et le porc se vend maintenant quelques cents la livre. Vous pourriez sans doute nous dire jusqu'où le prix a chuté. Je crois comprendre d'après ce que je lis dans les journaux qu'il a remonté à environ 60 cente la livre.
Avec cette alternance de fortes expansions et de récessions, l'investissement est considérable à l'heure actuelle. Une étable pour porcs n'est plus tout simplement une simple étable en contreplaqué, c'est un investissement majeur. À votre avis, est-il possible de maintenir un tel niveau d'activité? Par ailleurs, pourriez-vous s'il vous plaît nous dire comment les producteurs canadiens de porc ont réagi au programme d'aide?
M. Rice: C'est l'instabilité inhérente dans l'industrie du porc qui nous empêche d'encourager les gens de se lancer dans ce domaine. Nous tentons de favoriser le plus possible la croissance de l'industrie, mais il ne fait aucun doute qu'il y a un risque. Ce risque augmente plus nous dépendons des exportations, plus nous sommes exposés à des développements comme une poussée épidémique en Asie, qui stimule en quelque sorte la demande pour notre produit. Les déboires économiques en Asie et en Russie ont l'effet opposé.
Même si nous sommes toujours déterminés à maintenir le plus possible la diversification de notre marché d'exportation, il faut en payer le prix. Auparavant, lorsque nous nous tournions surtout vers le marché américain, tant que les choses allaient bien en Amérique du Nord et aux États-Unis, les choses allaient bien pour nous.
Nous ne nous attendions pas à un effondrement aussi grave de notre demande juste au moment où nous avions augmenté considérablement notre production l'an dernier. Nous n'étions pas les seuls à augmenter notre production. En une année, la production des États-Unis a augmenté de presque autant que notre production totale annuelle au Canada. La production a augmenté en Europe et même dans certains pays importateurs en Asie.
Le secteur du porc a été l'un des plus actifs cet automne à réclamer un programme en cas de catastrophe. Nous considérons qu'il ne s'agit pas uniquement d'une mesure temporaire, mais d'une mesure à long terme. Il ne s'agissait pas là d'une baisse normale. Il s'agissait d'une véritable catastrophe. Les gens ont l'habitude de voir leurs prix fluctuer de 50 p. 100 à 75 p. 100 d'année en année; l'an dernier, cependant, les prix ont chuté de plus de la moitié. À un moment donné, les prix étaient le quart ou moins de ce qu'ils étaient l'année auparavant.
Cette année, nous nous attendons à ce que le secteur du grain et d'autres secteurs soient les principaux utilisateurs du programme en cas de catastrophe. En fait, je ne m'attends pas à ce que le secteur du porc l'utilise, en raison de cette moyenne mobile que nous avons eue par le passé. Cette moyenne de trois ans tiendra compte des résultats de l'an dernier, de sorte que la plupart des producteurs ne seront pas admissibles. Naturellement, s'ils sont diversifiés dans d'autres produits pour lesquels les choses allaient assez bien, ils seront encore moins admissibles.
Dans certains milieux, on surestime sans doute la mesure dans laquelle le secteur du porc va en fait profiter de ce programme. Quoi qu'il en soit, c'est un programme que nous apprécions toujours, et il y a certains éléments de l'administration du programme que nous aimerions voir modifier. Cependant, nous envisageons toujours un scénario à long terme assez optimiste pour l'industrie du porc. Nous avons certainement ici d'importants avantages sur le plan de la production. Même si l'Europe a encore une fois reporté à plus tard la réforme en profondeur de sa politique agricole, il y a bon nombre de raisons de croire qu'au cours de la prochaine décennie, les pays d'Europe auront moins de programmes de soutien pour leur production.
Nous assistons à une certaine reprise de la croissance en Asie. La Corée est redevenue un important acheteur. Étant donné la situation regrettable que connaît la Malaisie en raison des maladies, nous entrevoyons d'intéressants débouchés à Singapour. Il s'agit de savoir quand est-ce que la Chine participera. Il y a de bonnes chances que la Chine devienne membre de l'OMC à la réunion de Seattle. Nous pensons que cela sera à notre avantage et que la Chine devra s'engager à abaisser ses tarifs et à mettre en place des tarifs fixes.
Je dis toujours que nous avons raison de croire que nous pouvons maintenir un secteur du porc au Canada. Je crois cependant que nous verrons peut-être des attentes plus sensées et plus réalistes quant à la rapidité de la croissance pour l'avenir.
Le sénateur Stratton: Comme vous le savez sans doute, notre comité s'est rendu en Europe pour voir ce qui se passait là-bas et pourra se faire une idée de l'orientation qu'ils pourraient prendre au cours de la prochaine série de négociations de l'OMC. Nous avons constaté que la Grande-Bretagne faisait preuve d'un optimisme prudent pour ce qui est de la libéralisation des échanges. Ensuite, nous nous sommes rendus sur le continent. Bon nombre des groupes d'agriculteurs étaient assez catégoriques et francs au sujet de l'importance de protéger leurs industries pour ce qui est des subventions. Ils ont dit que la protection de leur industrie était une question de mode de vie. Alors qu'ici nos exploitations agricoles ont tendance à être beaucoup plus grandes et à ressembler à des sociétés, là-bas on tente de protéger l'exploitation agricole familiale et de garder l'agriculteur sur ses terres. Par conséquent, je crois que la taille moyenne d'une ferme en France et en Italie est d'environ 40 hectares.
Étant donné les pressions qui s'exercent sur l'OMC et la détermination farouche de certains groupes agricoles, certains d'entre nous sont assez pessimistes quant à l'issue des prochaines négociations à l'OMC. Même si elles réussissent, il y a très peu de chance pour que les subventions à l'exportation soient supprimées rapidement. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Au contraire, cela pourrait prendre très longtemps, peut-être 10 ou 15 ans. Il faut espérer que ce sera plus rapide, mais d'un autre côté, il faut être réaliste en ce qui concerne la diminution des subventions.
Sachant fort bien que la période de transition risque d'être longue, pensez-vous que nous puissions avoir ou élaborer un plan pour cette période de transition? Il faudrait que ce plan de transition tienne compte des prix mondiaux, des prix actuels des céréales et des prix antérieurs du porc. Que pouvons-nous faire pour survivre à cette période de transition? En effet, je suis convaincu qu'elle sera très longue.
M. Rice: L'Union européenne continue à vouloir des négociations dans des secteurs autres que l'agriculture, par exemple celui des services. Les résultats de la réforme de la politique agricole de l'Union européenne, Agenda 2000, n'ont même pas été à la hauteur de ce que prévoyaient les pessimistes. Apparemment, le moment venu de prendre des décisions au sujet d'Agenda 2000, les remous politiques, la démission des commissaires et la situation du Kosovo ont ôté le goût à l'union de lutter contre la détermination habituelle de la France qui refuse de réduire le moindrement son soutien aux producteurs agricoles.
Lors d'une conférence au début de la semaine, un commentateur européen a reconnu que si l'Europe désirait conserver une marge de négociation, ou que si cette série de négociations devait avoir lieu, l'Europe devait trouver un moyen plus efficace de faciliter les échanges commerciaux et les négociations.
De plus, l'Union voudrait accueillir six anciens pays du bloc de l'Est, et ensuite Chypre. La Pologne, la Hongrie et la République tchèque insistent pour devenir membres. Il est certain qu'il serait impossible d'accueillir ces pays-là, qui ont un potentiel agricole considérable, et de conserver le même budget, car les pays de l'union ne pourraient soutenir la production de ces nouveaux membres en plus de la leur. Nous pensons que cette situation agricole va devoir être reconsidérée. Nous sommes heureux de voir qu'ils évoluent vers un type de soutien plus découplé. De plus en plus, ils utilisent les subventions d'une façon qui n'encourage pas l'augmentation de la production. Cela est positif.
La possibilité pour le Canada de participer à des discussions bilatérales avec certains pays de l'Europe de l'Est, comme la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et certaines républiques baltiques, nous intéresse particulièrement. En effet, nous aimerions savoir si ces pays-là seraient prêts à discuter d'une libéralisation du commerce. D'autre part, l'Europe a entrepris des discussions de libre-échange avec le Mexique et avec les pays membres de MERCOSUR en Amérique du Sud, et il nous semble que certains de ces pays pourraient être prêts également à discuter avec le Canada.
Toutefois, je reconnais que l'Europe a encore des ajustements à faire, ce qui est assez affligeant.
M. Jahnke: M. Rice a raison, et je suis certainement d'accord avec le sénateur lorsqu'il dit qu'ils n'abandonneront pas leurs subventions très rapidement.
Nous avons besoin de négociateurs durs. Le commerce n'est pas une chose à sens unique. Si on ne nous permet pas d'exporter vers l'Europe, nous devrions pouvoir négocier pour que les subventions diminuent plus rapidement.
Vous avez parlé de fermes de 40 hectares qui sont subventionnées. À mon avis, à ce niveau-là, ce n'est plus une subvention, c'est un programme social. Peut-être devrions-nous comparer les programmes sociaux aux subventions agricoles, et tenir compte de ces deux éléments. Il faut se rendre à l'évidence: personne au monde ne peut gagner sa vie avec 40 hectares. Par conséquent, pourquoi continuer à appeler ça des subventions agricoles? C'est un programme social. Il faudrait établir cela clairement à l'OMC.
Le sénateur Stratton: Je ne suis pas optimiste lorsque j'étudie la transition et que je constate que l'on accueille même certains nouveaux pays européens -- comme la Tchécoslovaquie et la Pologne. À mon avis cette transition prendra au moins dix ans. Si elle prend sept à quinze ans, comment pourrons-nous survivre? C'est vraiment la question qui se pose. C'est ce qu'il nous faut étudier parce qu'il s'agit peut-être là de notre réalité.
M. Jahnke: Nous n'avons pas exporté de quantités importantes de boeuf vers l'Europe et l'Union européenne, surtout au cours des dernières années, en raison des règles qui existent là-bas.
Si nous pouvons ouvrir le marché peu à peu, nous pourrons exporter notre allocation. Nos négociateurs doivent travailler très fort à cet égard. Vous aviez raison de dire tout à l'heure que la transition prendra du temps. Nous devons tenir bon. Si nous connaissons les règles et si nous pouvons nous trouver une petite place, toute ouverture en Europe sera à l'avantage du secteur du bétail. Nous savons que le processus est lent, mais nous profiterons de toutes les occasions qui nous seront offertes.
M. Jim Caldwell, directeur, Affaires gouvernementales, Canadian Cattlemen's Association: J'aimerais signaler qu'une des meilleures armes dont dispose l'Amérique du Nord sont les États-Unis. Ils ne laisseront certainement pas l'Europe devenir une entité autonome au sein de la communauté internationale. Je ne crois pas que les Américains offriront le même type de subventions que les Européens. Au point de vue politique, ce n'est pas la même situation que celle qu'on retrouve en France, par exemple, où en raison des subventions, la proportion de la population qui dépend du secteur agricole est importante.
Pour ce qui est des hormones, je ne crois pas que les Américains resteront muets et laisseront simplement l'Europe se tirer d'affaire seule pendant que l'on exporte vers l'Amérique du Nord des produits agricoles et non agricoles provenant d'Europe.
M. Rice: L'Europe s'est engagée, lors de l'Uruguay Round, à réduire ses subventions. Cet engagement entrera en vigueur l'année prochaine. En raison de prix mondiaux plus élevés au début de la période de mise en oeuvre des décisions de l'Uruguay Round, l'Europe ne s'est pas vraiment servie de la marge de manoeuvre dont elle disposait au sujet des subventions à l'exportation. Encore une fois, les Européens ont donné leur propre interprétation à cette entente, décidant qu'ils pouvaient reporter des crédits à l'égard de l'allocation de subventions à l'exportation. L'année dernière, ils ont dû limiter leurs subventions à l'exportation, au chapitre du volume et de la valeur, au montant qui avait été défini comme montant devant être en vigueur à la fin de la période d'ajustement.
Je ne crois pas que les Européens pourront imposer leur comportement irresponsable national au reste du monde, comme ils l'ont fait avant l'Uruguay Round. Nous avons déjà eu gain de cause à certains égards, mais nous devons essayer d'obtenir encore plus, comme l'a signalé M. Jahnke.
Le sénateur Taylor: En ce qui a trait aux subventions à l'exportation, dans quelle mesure la vigueur de l'industrie de l'exportation du porc et du boeuf est-elle attribuable aux subventions offertes pour les grains en Europe? Ces subventions font baisser le prix des aliments pour les animaux qui sont en fait un des intrants importants du secteur du boeuf et du porc. Est-ce que vous avez tenu compte de tous ces facteurs? Si les grains remontaient au prix normal, pourriez-vous être aussi prospères que vous l'êtes actuellement? En d'autres termes, il me semble que vous essayez de manger à deux râteliers. Je ne sais pas si j'ai raison.
M. Caldwell: Je ne parlerai pas au nom du secteur du porc, mais je peux vous dire que le secteur du bétail n'a jamais appuyé des prix faibles pour les grains. Habituellement, lorsque les prix des grains sont élevés, il en va de même pour les prix du bétail. Nous avons exporté pendant les années où les prix des grains étaient plus élevés, mais pourtant les exportations n'ont pas diminué.
M. Jahnke: Chaque fois que les prix des grains ont baissé, je savais que je traverserais une période difficile en raison du cycle.
Le président: N'est-il pas juste de dire que le bétail peut manger du foin de marécage? Vous n'avez pas besoin de le nourrir de grains; vous pouvez vous tirer d'affaire en vous servant d'aliments moins chers. Les choses sont différentes pour le producteur de porc.
M. Jahnke: De nos jours, il est pratiquement impossible de vendre du boeuf de qualité supérieure à moins qu'il ne soit nourri aux grains.
Le sénateur Taylor: Pouvez-vous avoir du boeuf de qualité supérieure si l'animal est nourri de foin de marécage?
M. Jahnke: Non.
Le sénateur Whelan: J'ai participé à une partie de la conférence dont vous avez parlé, la conférence de l'OMC. M. Caldwell a en fait mentionné qu'il m'avait vu là-bas. J'ai rencontré nombre d'agriculteurs de toutes les régions du Canada que je n'avais pas vus depuis un bon moment. Je peux vous dire qu'ils s'inquiètent beaucoup de la situation. Nombre d'agriculteurs sont d'avis que personne ne s'intéresse à leur sort. Je suis convaincu que vous seriez tous trois d'accord.
Quant au programme d'aide, je crois qu'il y avait des producteurs qui n'avaient nullement besoin d'aide au Canada. Des producteurs laitiers et des producteurs de volaille n'avaient pas besoin d'aide: ils étaient à l'abri de la crise économique asiatique parce qu'ils faisaient partie d'un secteur assujetti à un régime de gestion de l'offre. Le secrétaire américain de l'Agriculture, Dan Glickman, n'a même pas mentionné la question lors des dernières réunions.
Je suis convaincu que vous savez également que les États-Unis ont eu un programme de gestion de l'offre pendant des années, mais ce n'est pas comme cela qu'ils l'appelaient. Ils parlaient de limitation des superficies, de paiements pour la conservation et de choses de ce genre. Ils ne voulaient pas que d'autres pays étudient leur programme et les méthodes qu'ils ont employées pour devenir la plus grosse industrie alimentaire du monde. Le président Roosevelt a mis sur pied d'énormes programmes de subventions.
Je crois personnellement que les subventions intérieures peuvent être aussi nuisibles que les subventions à l'exportation et peuvent encourager la production de produits dont l'origine est en fait inconnue. Ne convenez-vous pas que les subventions intérieures peuvent être très nuisibles?
M. Jahnke: Oui, je reconnais qu'elles sont probablement aussi néfastes que les subventions à l'exportation. Cependant, comme M. Rice l'a signalé plus tôt, elles ne sont pas de nature directe. Vous créerez une surproduction et toutes sortes d'autres choses dont nous n'avons pas de besoin ou dont nous ne voulons pas dans le monde d'aujourd'hui. Elles sont néfastes, mais pas aussi néfastes que les subventions à l'exportation.
Le sénateur Whelan: Monsieur Jahnke, vous venez d'une province qui n'est pas aussi riche que la province qui se trouve à l'ouest de vous mais qui est probablement un peu plus riche que la province qui se trouve à l'est de vous. Je ne sais pas si le sénateur Spivak sera d'accord. Cependant, je parle de l'acheminement de votre produit vers le marché. L'Alberta a plus de kilométrages de routes à revêtement dur, de routes quatre saisons que les deux autres provinces des Prairies. Les producteurs de l'Alberta peuvent acheminer leurs produits vers le marché. À mes yeux il s'agit là d'une subvention.
M. Jahnke: Je crois qu'il s'agit plutôt d'un avantage naturel, parce que l'on est plus proche des marchés.
Le sénateur Whelan: C'est peut-être un avantage naturel, mais lorsque vous pouvez acheminer votre produit vers le marché 12 mois par année, c'est un bon avantage économique naturel.
On nous dit toujours que les trois pays signataires de l'ALENA ont le libre-échange, mais je crois qu'on exagère un peu. Il n'y a pas beaucoup de libre-échange entre les trois pays. Prenons par exemple le bois d'oeuvre, le boeuf et le blé.
Avant l'ALENA, j'ai été ministre pendant près de 11 ans. Nous n'avions certainement pas autant de problèmes que maintenant. Il y a des groupes d'experts qui tiennent des audiences et tout le reste. J'aimerais bien qu'on me prouve que nous avons moins de problèmes aujourd'hui qu'on en avait avant l'ALENA. Quatre-vingts pour cent des produits agricoles étaient admis en franchise. Il n'y avait pas de droit ou de tarif. Il n'y en avait pas non plus sur les machines aratoires ou les engrais, et ce pendant des années.
Je m'étais entendu avec le secrétaire de l'Agriculture des États-Unis. Lorsque je lui téléphonais, il me rappelait dans la demi-heure, peu importe où il se trouvait. C'est ce qu'il faudrait faire. Nul besoin de passer par un groupe d'experts ou une commission à qui il faut six mois ou douze mois pour prendre une décision. On réglait nos différends entre pays, entre secrétaire et ministre.
M. Jahnke: Je ne peux parler que pour le secteur du boeuf, mais il n'existait pas de problèmes il y a dix ou quinze ans. Lorsque M. Whelan était ministre de l'Agriculture, on se demandait toujours si le Canada était un importateur ou un exportateur de boeuf. Aujourd'hui, nous exportons plus de 50 p. 100 de notre production, et nous avons beaucoup aidé l'Ouest canadien grâce à notre production de boeuf. Évidemment, lorsque les exportations augmentent de cette façon, on posera des questions.
Je suis un fervent partisan de l'ALENA. En l'absence des règles prévues dans cet accord, les problèmes auxquels nous, dans l'industrie bovine, sommes aux prises avec les États-Unis, seraient encore bien pires.
M. Rice: J'aimerais faire un autre rappel historique concernant notre industrie. Tout d'abord, il y a eu le problème des droits compensateurs en 1984. Ce fut une année sans doute assez importante pour vous sur le plan politique. C'était avant la conclusion de l'accord commercial et avant que le processus binational de règlement des différends ne soit en vigueur. Nous avons bien failli gagner, mais ce ne fut pas le cas, et nous avons donc fini par nous faire imposer un droit compensateur sur le porc vivant. Il est possible que cela disparaisse cette année.
Cinq ans plus tard, nous avons eu un droit compensateur sur le porc. Puis il y a eu le processus de règlement des différends. Nous avons perdu après l'enquête, mais nous avons gagné devant le groupe de règlement du différend. Cela a été pour nous la réalisation la plus importante, car nous ne sommes plus tenus de nous en remettre entièrement aux tribunaux américains lorsque ce genre de problèmes d'ordre commercial se posent.
Le sénateur Whelan: Je voudrais revenir sur la question du boeuf et les problèmes qui nous opposent aux Américains. Si j'ai bien compris ce que vous dites, près de 90 p. 100 de votre boeuf est exporté vers les États-Unis. Que ferez-vous de ce boeuf si les États-Unis cessent de l'importer?
M. Jahnke: C'est bien notre problème. C'est pourquoi je me réjouis que nous ayons conclu l'Accord du libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Comme le dit M. Rice, il y a une tierce partie. Si toutes les conditions restent les mêmes, nous pourrons nous en tirer. En l'absence de l'ALENA, nous n'aurions pas le moindre espoir et nous n'aurions pas pu accroître autant que nous l'avons fait notre production bovine.
Le sénateur Whelan: La production de boeuf a-t-elle augmenté dans tout le Canada? Je n'ai pas les chiffres sous les yeux.
M. Jahnke: Elle a augmenté plus considérablement en Saskatchewan et en Alberta. Lors de la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau, nous avons commencé à produire beaucoup plus de boeuf, de porc et d'autre bétail -- des produits à valeur ajoutée.
Le sénateur Whelan: La production a augmenté sensiblement lorsque le prix a diminué pendant quatre années sur cinq, dans l'Est du Canada. On a cessé d'importer les veaux pour les parcs d'engraissement. Certains éleveurs ont mis totalement fin à leurs activités de naissage-élevage. Sauf erreur, à ce moment-là, cette activité a pris de l'expansion en Alberta et compte actuellement pour près de 50 p. 100 de toute la production du Canada.
M. Jahnke: C'est sans doute parce que la situation est devenue plus conforme à la réalité lorsque le tarif du Nid-de-Corbeau a été éliminé.
Les bêtes devraient être élevées là où se trouvent les grains fourragers au lieu d'exporter ou d'acheminer les grains fourragers et le bétail vers l'Ontario.
Le sénateur Whelan: Lorsque le tarif du Nid-de-Corbeau était toujours en vigueur, il y avait une grande transition dans l'industrie bovine.
Quant à l'étiquetage, j'approuve les initiatives actuelles visant à étiqueter les produits. Les consommateurs ont le droit de savoir. Cela devrait s'appliquer à tous les pays. Cette tendance ne cesse de s'affirmer.
On nous parle beaucoup de la biotechnologie. Cela va représenter d'énormes progrès dans le monde car cela permettra d'accroître la production. Certaines personnes me disent que je me fais vieux et que je n'y connais rien en biotechnologie. Je défis quiconque d'examiner mes antécédents en matière de recherche en biotechnologie et ce qui s'est fait dans l'industrie bovine. Je suis pour une bonne biotechnologie. Toutefois, nous nous faisons des illusions si nous pensons que les consommateurs vont accepter ces produits ou organismes génétiquement modifiés, qu'on appelle OGM.
Au Portugal, hier, on a publié une nouvelle au sujet des grandes chaînes de restauration rapide. Les fournisseurs doivent signer un affidavit où ils affirment qu'aucun de leurs produits n'est génétiquement modifié.
La Communauté européenne parle de boeuf et d'autres produits où l'on utilise les hormones dans le processus de production. Je ne leur reproche pas cette inquiétude, car dans le cas de la somatotrophine recombinante, nous nous sommes aperçus qu'il n'y avait eu pratiquement aucun test effectué sur les répercussions que cela peut avoir pour les humains. Les scientifiques ont fait des essais sur 30 rats pendant 90 jours au cours d'une période de neuf ans. Puis ils s'attendent à ce que les consommateurs acceptent d'utiliser cette hormone. J'ai de fortes réserves quant à ce genre de recherche.
Le libre-échange et le commerce international ne sont pas nouveaux. Il y a des années, il y avait le commerce des esclaves. En outre, les pirates volaient les pays de leur or. Que faisons-nous aujourd'hui? Nous envoyons nos entreprises au Moyen-Orient pour fabriquer des chaussures et toutes sortes de produits en faisant appel à une main-d'oeuvre très mal rémunérée. C'est cela que nous appelons la mondialisation? C'est plutôt de la «mondospoliation» si vous voulez m'en croire. Je ne pense pas qu'il puisse exister un monde déréglementé où tout le monde peut faire n'importe quoi et expédier n'importe quoi n'importe où.
Un responsable américain a dit que les États-Unis doivent compter sur la libéralisation accrue des échanges se débarrasser de leur excédent. Toutefois, nous savons tous que les États-Unis sont l'un des pays les plus protectionnistes du monde. Ils se moquent bien de savoir quel effet cela a sur les pays en développement qu'ils utilisent pour fabriquer leurs produits.
Combien de milliards de personnes faut-il nourrir? Les gens ne seront plus en mesure d'acheter notre boeuf, notre porc ou nos céréales s'ils n'ont plus d'argent ou de ressources et si nous ne leur permettons pas de disposer d'une infrastructure de mise en marché sur leur propre territoire.
M. Jahnke: Sénateur, je conviens que les consommateurs exigeront l'étiquetage. Nous sommes pour le principe à condition que ce ne soit pas un obstacle au commerce. C'est ce qui se passe aux États-Unis à cause des exigences en matière d'étiquetage de ce pays. Cela n'a rien à voir avec la salubrité du produit ou autre chose du même genre. Ce n'est qu'un obstacle au commerce. C'est un obstacle non tarifaire. L'étiquetage est la vague de demain.
Le sénateur Spivak: Pour ce qui est de prix des céréales, nous avons vu un tableau décrivant la valeur des exportations. Cette courbe allait dans une seule direction et la courbe correspondant aux revenus des céréaliculteurs allait dans l'autre sens. Dans un tableau, on mentionnait toutes les denrées produites en Saskatchewan, depuis le blé dur jusqu'aux lentilles, et tous ces produits se vendaient à un prix nettement inférieur au coût de production. Les producteurs n'ont pas profité de l'accès au marché, ce qui est dû entre autres au resserrement des marges de profit. Leurs intrants sont élevés et nombre d'entre eux font faillite.
Je ne sais pas si nous pouvons compter sur des grains fourragers à bon marché pendant longtemps, ou si c'est cyclique. Il est possible qu'il nous faille importer des grains fourragers si tous ces producteurs font faillite. Que pensez-vous de l'avenir à long terme du prix des céréales?
M. Jahnke: Les cours des céréales sont faibles, mais si nous n'avions pas augmenté notre production et nos exportations de boeuf et de porc, auraient été encore plus faibles, car nous utilisons ce produit. Il ne fait aucun doute qu'à l'heure actuelle, la production céréalière mondiale est excédentaire. Toutefois, c'est un phénomène cyclique. Il y aura une sécheresse quelque part. Depuis des temps immémoriaux, ce genre de phénomène est cyclique. Je le répète, dans l'industrie bovine, nous ne comptons pas sur des céréales à bon marché.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas cyclique, car les prix ne cessent de chuter. Ils sont tombés jusqu'au niveau où ils se trouvaient dans les années 30 ou 40.
Quant à l'étiquetage, le bureau du représentant commerciale a dit que nous sommes disposés à étiqueter la viande américaine. Il y a deux problèmes en cause. D'une part, l'étiquetage du pays d'origine, et j'aimerais connaître votre avis à ce sujet. La deuxième question est d'ordre scientifique. Qui va en décider? Ce que l'un considère comme scientifique, l'autre qualifie d'obstacle au commerce. Nous avons beaucoup discuté du pouvoir décisionnel et de l'influence qu'exercent diverses personnes qui manipulent les décideurs.
En outre, j'aimerais demander aux producteurs de porc si, dans les Prairies, on utilise les méthodes les plus modernes applicables dans des climats froids pour se débarrasser des déchets. Nous entendons toutes sortes d'histoires à faire frémir, et la quantité de déchets produits est énorme. J'aimerais que vous nous informiez de vos techniques les plus récentes et nous disiez si ces méthodes sont en vigueur dans les provinces. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas dans certains endroits.
M. Caldwell: Il est toujours difficile de savoir qui prend vraiment les décisions dans tous les domaines. Comme nous l'avons dit, nous voulons que tout se fonde sur les meilleures données scientifiques. La Commission du codex alimentarius est l'un des groupes, même si nous n'approuvons pas la façon dont elle a réglé la question de l'hormone de croissance. En Europe, cette question a pris une tournure politique. L'Europe comptait trop de voix au sein du comité. Cela remonte à une période antérieure à l'affaire récente.
Nous essayons de mettre sur pied un organisme qui satisfasse les consommateurs et auquel les pays puissent accorder leur appui et leur confiance. C'est très difficile, mais nous rejetons tous les arguments frivoles.
Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que vous n'êtes pas contre l'étiquetage du boeuf élevé aux hormones?
M. Caldwell: Nous sommes contre si on utilise cela comme obstacle au commerce.
Le sénateur Spivak: En tant que consommatrice, je préfère acheter du boeuf ou de la volaille du Canada plutôt que des États-Unis, et j'aimerais savoir ce que l'on a fait de cette viande. Je n'aime pas du tout acheter du poulet américain, car nos normes sont bien plus élevées que celles des États-Unis. Toutefois, à titre de consommatrice, je tiens à savoir. Ce n'est pas un obstacle au commerce.
M. Caldwell: Les Américains demandent l'étiquetage du pays d'origine. À l'heure actuelle, c'est en partie dû au commerce, mais un jour prochain tous les pays vont sans doute exiger l'étiquetage du pays d'origine, et la société Maple Leaf va peut-être vendre beaucoup plus de produits que prévu dans le monde entier. Nous suivons la question. Malheureusement, lorsque nous vendons du boeuf sur le marché américain à l'heure actuelle, il perd de sa valeur parce que c'est du boeuf canadien, et uniquement pour cette raison. Ce produit a la même qualité et répond aux mêmes normes, mais il est vendu à rabais parce que c'est du boeuf canadien. C'est pourquoi nous ne voulons pas qu'il soit étiqueté à des fins commerciales.
Cela mis à part, nous sommes d'accord pour indiquer sur l'étiquette tout ce que souhaite le consommateur. Le consommateur est roi.
M. Rice: J'aimerais revenir à la question du prix des céréales. Nous réussissons actuellement à nous en tirer malgré le prix très faible du porc, même si nous continuons d'enregistrer des pertes. C'est l'industrie céréalière qui nous permet de survivre à l'heure actuelle. Il ne fait aucun doute que ces prix ont énormément baissé.
Nous devons partir du principe que nous payerons les céréales plus cher à long terme. Nous devons le supposer, car au cas contraire, nous ne pourrons pas conserver une industrie céréalière viable au Canada. Toutefois, l'objectif ultime de ces négociations commerciales et de l'adoption de règles à l'égard des subventions, et cetera, est de permettre au marché d'en arriver à un équilibre, en fonction des forces du marché, qui n'est pas aussi variable que lorsque les gouvernements interviennent à coup de programmes qui visent à accroître les exportations sous le prétexte de l'aide alimentaire. Nous estimons que cela permettra d'atteindre ce juste équilibre et que les gens prendront donc des décisions en étant plus conscients de ce qui constitue un prix raisonnable à payer pour les céréales, et cetera.
Je suis économiste de profession et je sais qu'il arrive rarement que tous les économistes s'entendent sur une interprétation quelconque. Toutefois, nous espérons qu'un avis unique n'influera pas sur le processus scientifique. Il faut déterminer l'opinion de la majorité quant à la question scientifique. C'est ce que nous entendons par une approche scientifique.
Sur le front de l'environnement, même si les normes et politiques environnementales sont du ressort des provinces, il existe une politique nationale à laquelle nous avons été plus sensibilisés ces derniers temps. Nous admettons que certains problèmes se posent relativement au contrôle des frontières et aux mesures à prendre pour protéger la qualité de l'eau et de l'atmosphère.
Toutefois, les entreprises les plus récentes ont beaucoup de capitaux bloqués dans les systèmes de contrôle environnemental. Je ne pense pas qu'une importante exploitation d'élevage de porc fasse plus de tort à l'environnement qu'une petite ferme porcine plus ancienne. Les nouvelles ont des systèmes d'entreposage et des moyens de contrôle beaucoup plus importants.
De concert avec Agriculture Canada, nous appliquons la stratégie de gestion environnementale du porc. Quatre-vingts pour cent de ce que les producteurs investissent dans la recherche aujourd'hui sont consacrés aux systèmes de gestion environnementale qui auront une incidence positive: de nouveaux systèmes de contrôle des odeurs, de nouvelles méthodes d'entreposage du fumier qui permettent l'aération, par exemple.
Le sénateur Spivak: Les choses sont très différentes dans les provinces plus froides où on ne peut pas utiliser les mêmes techniques. Je me demande si l'on essaie d'adopter cette stratégie et ces techniques pour les climats froids. En outre, à votre avis, les diverses provinces appliquent-elles véritablement la stratégie visant à éliminer les déchets? C'est là le problème.
M. Rice: Pour ce qui est de l'application, je ne saurais vous le dire.
En ce qui a trait à la protection de l'environnement dans l'Ouest canadien, nous prenons diverses mesures et appliquons notamment des projets au Manitoba, en Saskatchewan et à l'Université de l'Alberta.
M. Jahnke: En Saskatchewan, le nombre de porcheries a considérablement augmenté dans ma région. Les producteurs connaissent bien les règles et les appliquent. En ce qui concerne les porcheries, tout le monde est relativement impressionné par la façon dont elles sont gérées.
Le sénateur Spivak: Est-ce à dire qu'elles n'ont aucune incidence sur les systèmes de distribution d'eau?
M. Jahnke: C'est exact, aucune incidence néfaste.
Le sénateur Hays: Je tiens à revenir à votre observation selon laquelle les mesures prises dernièrement sur l'initiative du groupe R-CALF aux États-Unis -- la Ranchers-Cattlemen Action Legal Foundation -- qui ont entraîné une enquête de la Commission du commerce international, représentent une façon de faire que nous devrions essayer de supprimer lors de la prochaine série de négociations comme moyen de recourir aux droits compensateurs. Le coût actuel de production du porc est sans doute encore plus vulnérable à ce genre de mesures que celui du boeuf.
De temps à autre, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, le prix des denrées augmente et diminue de façon cyclique, selon le déséquilibre qui existe entre l'offre et la demande. Je crois savoir que c'est une question qui relève de l'ALENA et non des négociations multilatérales dans le cadre de l'OMC. Est-il possible que nous soulevions cette question lors des négociations multilatérales, étant donné que les États-Unis tiennent à leur droit souverain d'imposer pratiquement n'importe quelle règle pour remédier à ce qu'ils considèrent comme une infraction à leurs lois commerciales? Après tout, c'est ce qui s'est passé lors des négociations de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, ainsi que lors des négociations de l'ALENA.
Vous signalez que nous exportons la moitié de notre production bovine. En chiffres absolus, toutefois, le pourcentage est nettement inférieur à cela. Je suppose que nous sommes devenus davantage un pays importateur. Nous exportons actuellement, au total, plus que nous n'avons importé, si l'on tient compte de tout ce que nous importons des États-Unis et de tout ce que nous exportons vers ce pays. Cela est dû à notre succès dans le domaine des viandes rouges. Nous pourrions relever le défi en prenant des mesures semblables de notre côté, si nous organisions notre législation de la même façon que nos voisins du Sud. Nous sommes présents sur le marché du boeuf nord-américain depuis longtemps. Sauf erreur, c'est vers le milieu des années 80 que le Canada est devenu un exportateur net. Nous avons obtenu d'excellents résultats en vendant des produits à valeur ajoutée et en profitant de notre avantage comparatif dans ce domaine précis.
À votre avis, y a-t-il la moindre chance que cette question soit abordée lors des négociations commerciales multilatérales? Devrions-nous être plus agressifs en adoptant à leur égard la loi du talion, en vue d'attirer l'attention des États-Unis sur l'injustice des mesures qu'ils prennent à notre égard?
M. Jahnke: Ce que vous venez de dire me plaît certainement.
Quant aux exportations, en chiffres bruts, nous exportons entre 53 et 54 p. 100 de notre production. En chiffres nets, nous exportons 43 p. 100 de notre production. Nous sommes de gros exportateurs.
Le groupe R-CALF a été pour nous un moment difficile. Je crois que les Américains seront prêts à modifier les règles relatives à l'antidumping et aux droits compensateurs, mais surtout à l'antidumping parce que c'est une forme pernicieuse de protectionnisme. Cela leur est retombé sur le nez. Je ne sais pas exactement ce qu'ils font de leur porc, mais les Mexicains ont entamé des poursuites antidumping contre les États-Unis relativement au porc. J'ai discuté avec un éleveur bovin du Texas qui m'a dit qu'il exportait du boeuf au Mexique depuis 18 mois et qu'il perdait de l'argent sur tous les chargements de bétail. C'est en train de leur retomber sur le nez. C'est une situation déplorable et difficile. Je ne suis pas sûr que la population américaine en soit consciente. Je sais qu'il y a de nombreux éleveurs bovins aux États-Unis qui, il y a six mois, pensaient que l'antidumping était la meilleure idée depuis le pain tranché. Ils ont de quoi s'inquiéter, surtout lorsqu'on commence à comparer les coûts. La question des terres publiques leur monte à la tête. Ils nous reprochent d'utiliser les terres publiques, et pourtant ils ont déterminé qu'ils les utilisent à moindre frais que nous. Ces choses-là ne sont plus cachées.
M. Caldwell: Pour ce qui est du groupe R-CALF, monsieur le sénateur, et je suis sûr que vous en êtes conscients, notre problème tient aux dépenses que nous devons engager pour contrer les procès que nous intente l'industrie américaine. Dans cette affaire, nous devrons verser probablement plus de 3 millions de dollars à des avocats de Washington pour nous défendre. Nous adorerions leur faire exactement le même coup, c'est-à-dire intenter des actions en compensation et en antidumping. Essentiellement, ils font la même chose que nous. Cependant, nous n'avons pas un autre 3 millions de dollars à verser à des avocats du Canada et de Washington. Voilà le problème. Nous soulevons cette question parce que nous croyons savoir qu'il s'agit essentiellement d'une question bilatérale. Y a-t-il moyen de faire adopter par l'OMC une mesure qui préviendrait ce genre d'actions frivoles? Il doit exister une meilleure façon de faire les choses, et ainsi l'industrie du bétail du Canada et ce groupe de producteurs de bétail réfractaires n'auraient pas à dépenser tout cet argent.
Le sénateur Hays: S'ils réussissent, leur action ne sera pas jugée frivole. Et ce sera un vrai problème pour nous. Il y a peut-être un programme général que le gouvernement du Canada pourrait mettre sur pied pour nous aider en matière de commerce international -- et nous parlons ici d'espèces sonnantes et trébuchantes -- et ce programme consisterait à acquitter une partie de ces honoraires juridiques.
M. Caldwell: Soyons justes. Le gouvernement canadien dépense aussi des millions et des millions de dollars de ce côté.
Le sénateur Hays: Je sais, mais ces dépenses s'inscrivent dans une stratégie défensive et non offensive.
M. Rice: En matière de dumping, les règles sont internationales. Si vous pouvez prouver que le pays ne respecte pas ses obligations aux termes de l'OMC pour ce qui est de l'administration des mesures relatives aux droits compensateurs et au dumping, vous pouvez intenter une poursuite.
L'utilisation du coût de production est une chose que les autres industries commencent tout juste à apprendre. Je me rappelle avoir dit à mes propres membres qu'il fallait éviter de crier sur les toits que notre coût de production est plus élevé que notre prix de vente. Dans une action en dumping, cela donne des munitions à la partie adverse.
Nous souffrons tous de la déprime des prix mondiaux. Comment les invoquer contre un autre pays? Bon nombre de nos propres concurrents aux États-Unis se rendent compte de ce que le Mexique leur a fait dans le secteur du porc, et ils se demandent s'il n'y aurait pas lieu de faire le même coup au Canada. C'est épouvantable.
Le sénateur Hays: Je n'ai pas perdu de vue le fait qu'il s'agit là d'une relation commerciale importante, et d'une relation qui nous rapporte. Toutes les indications que nous avons démontrent qu'il en demeurera ainsi.
L'un de vous a dit que nous avions le plus à gagner en rassemblant sous le même parapluie tous nos litiges à l'OMC. J'ai posé la même question à d'autres témoins et, comme vous, ils ont répondu que c'était la seule solution.
En matière d'agriculture, il y a parfaitement moyen de faire reconnaître par l'OMC que nous nous sommes fait avoir. C'est le cas parce qu'au bout du compte, nous avons eu les mains liées du fait de la nature générale de cet accord. Il nous fallait le ratifier.
Nous avons fait pas mal ce que l'on envisageait de faire lorsque l'accord a été signé en 1994. Il serait donc peut-être injuste de faire porter le blâme à quelqu'un d'autre. La politique agricole commune de l'Union européenne est probablement la plus grande difficulté que nous avons. Vous dites qu'elle est motivée non seulement par des considérations agricoles mais aussi par d'autres considérations culturelles et sociales. L'Union européenne est donc disposée à dépenser 55 millions de dollars américains par année pour soutenir un secteur agricole qui aurait une toute autre allure si ce n'était pas fait.
Nous devons nous allier à d'autres pays. Avec quels pays devrions-nous nous allier si nous voulons réaliser le plus de progrès possible à la prochaine négociation?
Qu'est-ce qui nous empêche de considérer l'agriculture sur une base sectorielle? Nous pouvons dire que c'est la leçon que nous avons retirée de l'accord de 1994. Nous sommes passés à une situation où 16 p. 100 du revenu agricole provient des programmes de soutien, alors qu'en Europe, c'est 40 p. 100, et aux États-Unis, c'est 30 p. 100. Nous n'aurons pas d'autre choix que de ne tenir aucun compte de cet accord à l'avenir, et notre secteur devra demander au gouvernement de ramener ces niveaux à 40 ou 30 p. 100. Si le gouvernement n'agit pas, nous ne pourrons pas fonctionner comme nous le devrions, étant donné notre avantage comparatif. Peut-être que le gouvernement n'en fera rien, mais vous nous mettez dans une situation difficile.
Quant au Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole dont parlait le sénateur Gustafson, il faudrait l'amplifier. Dans l'agriculture, nous avons tous de grosses difficultés et nous avons besoin d'aide. Cela tient en particulier au manque d'uniformité dans la façon dont les gouvernements européens, individuellement ou collectivement, sont prêts à soutenir ce secteur. Nous essayons d'affronter la concurrence de pays qui opèrent dans ce contexte. Au niveau sectoriel, n'avons-nous aucun argument à présenter pour essayer de les convaincre? Dès qu'on combine cela avec les services et tout le reste, l'agriculture, toujours importante, ne tient plus le haut du pavé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Rice: Je pense que nous traiterions volontiers l'agriculture comme un secteur distinct si nous pouvions amener la partie prenante qui occasionne le plus de problème -- c'est, je pense, l'Union européenne -- à s'associer à cela. Voilà sans doute comment nous voyons les négociations générales. Si, pour des raisons politiques, l'Europe ne veut pas toucher l'agriculture, comment pouvons-nous la forcer à le faire? Le seul moyen d'inciter ses membres à entamer sérieusement des négociations est de leur offrir des perspectives suffisantes de gains dans d'autres domaines.
J'ai toujours été stupéfait en constatant combien les Européens se soucient peu des répercussions de leurs accords commerciaux. Certains reconnaissent qu'ils font partie d'un régime commercial mondial, mais ils sont très rares. La plupart semblent s'en moquer complètement. Quand je me suis rendu en Europe, je n'ai jamais rencontré personne qui s'inquiète du chaos qu'ils ont causé dans le monde dans l'agriculture.
M. Caldwell: La dernière fois, nous nous sommes alliés au Groupe de Cairns. Nul ne se rapproche plus que lui de notre manière de penser. Quand on n'a pas l'appui des États-Unis ou de l'Europe, on n'a pas non plus beaucoup de pouvoir dans le Groupe de Cairns, mais on en a au moins un peu. Toutefois, ce groupe n'est pas non plus nécessairement en accord avec tous les points de vue du Canada, ce qui pose un problème.
Le sénateur Taylor: Pour enchaîner sur la question du sénateur Hays concernant une approche sectorielle et les compromis, et cetera, je dirais d'abord que quand on veut commercer, il faut offrir une contrepartie. Je suis heureux de vous entendre dire que l'étiquetage a beaucoup d'avenir. On me dit qu'en Amérique du Nord aussi bien qu'en Europe, les consommateurs commencent à dire qu'en invoquant la science, on s'en remet à Monsanto. Ils disent qu'ils veulent prendre les décisions, et non pas s'en remettre aux producteurs ou aux agriculteurs. Vous devriez peut-être envisager des concessions dans ce sens.
Comme le sénateur Whelan le signale souvent, nous oublions parfois que le secteur de la gestion des approvisionnements échappe aux difficultés. On ne peut en dire autant de l'exportation. La gestion des approvisionnements fonctionne bien tant que le Canada constitue une colonie gigantesque, pour ainsi dire. Cela m'amène à vous demander jusqu'où vous seriez prêts à aller si, par exemple, l'Europe ou les États-Unis nous disaient: «Supprimer la gestion des approvisionnements pour la volaille ou peut-être le secteur laitier, et nous vous concéderons ceci et cela»? Allez-vous laisser tomber vos amis ou défendrez-vous la gestion des approvisionnements telle qu'elle existe actuellement jusqu'au dernier souffle?
M. Caldwell: Les éleveurs de bétail ont toujours dit qu'ils sont en faveur de marchés libres et ouverts. Nous ne nous sommes jamais plaints de la gestion des approvisionnements, même si nous n'en voulons pas dans notre secteur. Toutefois, s'il fallait absolument se prononcer et si notre position à ce sujet devait constituer un problème pour notre industrie, nous nous y opposerions certainement.
Le sénateur Stratton: Pourriez-vous également nous dire ce que vous pensez de la Commission canadienne du blé?
Le sénateur Taylor: Finies les politesses.
Le sénateur Stratton: Si vous remettez en cause la gestion des approvisionnements, il faudrait également parler de la Commission canadienne du blé.
Le président: C'est une question qui regarde les céréaliculteurs.
M. Rice: Je voudrais dire un mot au sujet du secteur du porc. Il n'y a pas une telle distance entre nous et les autres produits de base. Par exemple, il y a de nombreux producteurs de porc au Québec, province où la production est la plus importante, qui sont les frères ou les fils de producteurs laitiers. Beaucoup d'entre eux élèvent de la volaille aussi bien que le porc. Nous sommes résolument en faveur des exportations. Nous n'avons pas à nous en excuser ou à défendre la gestion des approvisionnements. Nous avons dit quelles sont nos priorités et ce qui est le plus important pour nous. Cela devra-t-il se faire au détriment des secteurs où l'on pratique la gestion des approvisionnements? Ça n'a pas été le cas jusqu'à présent. Il se trouve que nos exportations augmentent surtout vers des pays qui ne tiennent pas à augmenter leurs exportations de fromage ou de volaille à destination du Canada. Je ne vois guère de cas où nous aurons à faire des concessions sur la volaille et les produits laitiers en contrepartie des avantages obtenus pour le porc.
Je pense que nous sommes tous plutôt d'accord pour chercher à éliminer les subventions à l'exportation et à faciliter le plus possible l'accès aux tarifs applicables aux quotas prévus. Nous avons toutefois également dit à ces secteurs que nous pouvons peut-être encore attendre quelques années avant de devoir diminuer les tarifs pour la production excédentaire. C'est quelque chose qui est très important pour eux. Nous ne pouvons pas dire que nous pouvons nous accommoder éternellement de tarifs élevés, parce que nous nous trouverons exclus de ces marchés.
Le sénateur Spivak: Les responsables commerciaux nous ont dit que le Canada devance largement tous les autres pays en matière de réduction des subventions. Pourquoi devrions-nous abandonner quoi que ce soit pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité? Je parle des subventions pour les transports, et cetera. Je comprends ce que vous dites, mais je me demande quelle en serait la priorité. Je me demande également si vous pourriez me parler des offices de commercialisation, comme la Commission canadienne du blé. Au Manitoba, nous avions un office de commercialisation du porc, qui n'existe plus maintenant. Que pensez-vous de ces organismes et de l'égalité des chances pour tous. Le Canada a déjà tout laissé tomber. Devrions-nous laisser tomber encore plus de choses? Pourquoi?
M. Jahnke: Nous avons laissé tomber certaines choses au cours de la dernière négociation que nous n'aurions sans doute pas dû laisser tomber.
Le sénateur Spivak: Oui, contrairement à l'Europe et aux États-Unis.
M. Jahnke: Pour ce qui est des sociétés commerciales publiques, la transparence contribuait sans doute beaucoup à résoudre nos problèmes. La Commission canadienne du blé en est un bon exemple. On dit que c'est surtout à cause d'elle que le Canada a fait l'objet d'une plainte antidumping de la part du groupe R-CALF qui considère qu'elle subventionne l'élevage au Canada. C'est assurément faux. Nous en avons discuté avec la Commission du blé et je crois qu'elle a beaucoup contribué à nous aider.
La Commission du blé s'occupe des Prairies. Dans mon enfance, en Saskatchewan, on cultivait le blé. Sur les plaques d'immatriculation, il y avait écrit: «province du blé». L'année dernière, ou l'année précédente, c'était la première fois que le blé n'était pas roi en Saskatchewan. C'était le canola. Je pense que, d'ici 10 ans, nous consommerons toute notre orge, qui dépassera le canola. La Commission du blé réduit son contrôle du secteur céréalier dans l'Ouest du Canada parce que nous sommes passés à d'autres céréales et que nous avons épuisé nombre des grains qui relèvent d'elle, par exemple l'orge, qu'on utilise pour l'alimentation du bétail. Les Américains veulent cette fois-ci de la transparence.
Je crois que la Commission du blé nous a aidés. Je voudrais l'en remercier.
Le sénateur Chalifoux: Je ne suis pas un vieil agriculteur. Je viens du bois. En Europe, j'ai entendu les témoins de Londres, Rome et Paris, et j'en ai conclu qu'ils n'acceptent personne de l'extérieur. À cause des hormones de croissance, des organismes modifiés génétiquement, et cetera -- c'est au moins l'impression que j'ai eue. La maladie de la vache folle les terrifie.
Dans les délibérations que vous prévoyez en vue des négociations de l'OMC, comment envisagez-vous d'aborder cette question? Les Européens insistaient beaucoup sur les organismes modifiés génétiquement et les hormones ou autres qu'on injecte dans les animaux. Cela me préoccupe moi aussi. Qu'en pensez-vous du point de vue des échanges commerciaux?
M. Caldwell: L'Europe est très vaste. Les Européens commercent beaucoup d'entre eux. Ils n'exportent pas beaucoup de boeuf, mais ils donnent parfois des stocks d'intervention à des pays pauvres ou à des États membres du bloc de l'Est. Ils ont tout ce qu'il leur faut.
M. Jahnke: Oui, au grand dam des Américains.
M. Caldwell: Le commerce extérieur n'a pas autant d'importance pour eux que pour nous.
Il faudra trouver une solution à la question des hormones probablement le 13 mai. Et il faudra qu'ils décident s'ils veulent envoyer au Canada certains produits qu'ils devraient normalement envoyer ou s'ils veulent payer la pénalité. Si nous leur envoyons de la viande de boeuf, ils veulent qu'elle soit étiquetée.
Ce qu'il y a de paradoxal est que les Européens utilisent également des hormones dans le boeuf depuis des années. Soit ils font cela, soit ils en donnent à leurs athlètes ou je ne sais quoi, parce que l'Europe importe énormément de stéroïdes. Nous savons qu'on les utilise. Nous disons simplement: «Mettez la question sur le tapis et laissez-nous l'examiner.»
Nous nous occupons des questions que vous avez mentionnées. Un pays comme le Canada, même si nous adhérons au Groupe de Cairns, à du mal à faire pression sur l'Europe, parce qu'elle a tout ce qu'il lui faut. Elle constitue un gros bloc commercial. C'est une zone très riche du point de vue agricole. Si elle veut que ses agriculteurs vivent comme des rois, c'est ce qu'elle fera en supprimant les subventions à l'exportation et en accordant des subventions intérieures ou en leur payant pour qu'ils cessent d'exploiter la terre, comme cela se fait dans certains cas.
Qu'est-ce que le Canada peut faire à ce sujet? Si des Européens veulent accorder des subventions pour qu'il y ait encore des vaches suisses dans les Alpes pour les touristes, ils le feront. Nous aimerions que ces choses-là changent, mais il est difficile d'y parvenir.
Le sénateur Johnson: Ils ne sont pas non plus parfaits pour ce qui est de la somatotrophine. Si leurs normes sanitaires étaient aussi strictes que les nôtres, la somatotrophine et la maladie de la vache folle auraient été loin de causer en Europe les problèmes qu'on a constatés.
M. Caldwell: Le nouveau système permettra au Canada d'identifier tous les animaux offerts sur le marché, et nous espérons pouvoir le faire d'ici un an environ. Tous les animaux seront identifiés. Si on constate à un moment donné qu'un animal est atteint d'une maladie à déclaration obligatoire, son producteur sera informé. Chaque animal, même les veaux, porteront à l'oreille une étiquette indiquant de quelle exploitation il vient. C'est le système le plus strict existant dans le monde à l'heure actuelle. Nous espérons qu'il sera adopté par les autres pays. En fait, les États-Unis se disent que ce n'est pas une mauvaise idée.
Le sénateur Taylor: Les consommateurs auront-ils accès à ces renseignements aux supermarchés?
M. Caldwell: Les exploitants d'abattoir veulent qu'ils soient transmis aux consommateurs afin qu'on sache quel est le prix du boeuf et d'où vient une pièce de boeuf donnée. Nous en sommes encore loin, mais nous y parviendrons en fin de compte.
Le sénateur Spivak: Tous les animaux seront-ils testés?
M. Caldwell: Tous les animaux sont actuellement testés dans une inspection.
Le sénateur Spivak: Après leur abattage?
M. Caldwell: Oui.
M. Jahnke: Nous pourrons identifier l'éleveur de tout animal.
Le sénateur Stratton: Ma question concernait les offices de commercialisation et la Commission canadienne du blé. Nous avons peut-être été très gentils lors des dernières négociations, mais il faut se montrer ferme, nous le savons tous. Nous ne pouvons pas espérer obtenir des avantages sans aucune contrepartie. Nous avons été trop gentils la dernière fois. Je pense que ces deux questions seront en jeu. Si nous voulons quelque chose, il faudra que nous donnions quelque chose en échange, n'est-ce pas?
M. Jahnke: Oui.
Le sénateur Whelan: Vous avez dit que vous n'aviez aucune raison d'abandonner quoi que ce soit à la table de négociation. Ces absurdités qu'on nous fait avaler depuis des années. Vous avez dit qu'ils ont été gentils, mais beaucoup de gens ont dit qu'ils avaient mal négocié la dernière fois.
M. Jahnke: Je suis d'accord.
Le sénateur Whelan: Ils n'avaient aucune raison d'abandonner tout cela. Certains auraient dû leur faire un procès en invoquant la Charte des droits. On a abandonné cela lors de l'Uruguay Round. Aucune organisation agricole ni aucun parti politique ne leur avait demandé de laisser tomber l'article 11. On aurait presque cru qu'il était illégal en vertu du GATT. C'était la loi. Nous respections la loi existante. Nos puissants amis du sud ont présenté cela. Ils ont utilisé dans tous les sens les mécanismes de commercialisation gouvernementaux et de la gestion des approvisionnements pour écouler leur blé et d'autres produits sur le marché mondial.
Les États-Unis font enquête sur ce que les abatteurs ont empoché après avoir acheté le porc aux éleveurs et sur ce que les consommateurs ont payé pour le porc. Ce que le porc leur a rapporté a permis à certains transformateurs des États-Unis d'obtenir les meilleurs résultats qu'ils aient jamais eus au cours de ces deux trimestres. Nous avons dit que nous subventionnions les agriculteurs; mais ce n'est pas vrai. Nous subventionnions Maple Leaf et les autres gens de ce genre. Ils volaient le porc. Si vous ou moi allions subtiliser quelques livres de bacon dans un magasin, on nous mettrait en prison.
Nous avons des chiffres qui montrent qu'un rôti de porc de 12 livres coûtait aux États-Unis le même prix que ce qu'un agriculteur canadien pouvait recevoir pour un cochon entier. Personne ne parle jamais de cela. Personne n'a jamais jeté un cochon dans les chutes Niagara, ni dans un dépotoir. Ils sont tous transformés. Nous avons mangé dans un restaurant hier soir; le plat de poisson coûtait 13 $, et le plat de porc 18,90 $. Cela choque.
J'ai une longue expérience des rapports avec les Américains, mais l'OMC m'irrite considérablement quand elle dit que 131 pays étaient contre nous. Il n'y avait pas là 100 pays capables d'exporter un poulet, mais ils ont voté contre nous à propos de ce que nous pouvons faire. Je ne vois aucune raison économique, politique ou administrative de participer aux activités d'une organisation de ce genre. Nous versons au chef de l'OMC cinq fois ce que nous versons au premier ministre du Canada pour administrer cette organisation. Il a là-bas un logement extrêmement luxueux.
Monsieur Caldwell, vous parlez de verser 3 millions de dollars à ces avocats. Je vous mets au défi, vous ou n'importe lequel des autres témoins, de déterminer à quoi sont dues ces difficultés. Pendant les 11 ans où j'étais là, nous n'avons jamais connu les difficultés que vous avez aujourd'hui. Je faisais tout cela pour moins de 100 000 $, et vous versez 3 millions de dollars à ces avocats.
M. Jahnke: Nous n'exportions pas de boeuf à cette époque.
Le sénateur Whelan: Si. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais nous vendions du boeuf sur pieds, et on prenait toutes sortes de dispositions à ce sujet, et nous importions toutes sortes de bovins. Il n'y avait aucune restriction sur l'exportation de bovins vers les États-Unis à ce moment-là. S'il y avait des problèmes, nous les réglions au téléphone.
On nous a dit beaucoup de sottises à propos de cette nouvelle entente. Regardez combien de temps il a fallu pour se prononcer sur l'importation de sucre et de produits laitiers pour faire de la crème glacée. Cela n'est pas encore réglé. Cela pourrait durer encore des années.
M. Rice: Les producteurs se faisaient beaucoup de soucis à propos de l'argent que les consommateurs allaient leur donner au cours de cet automne-là. Les années 1996 et 1997 ont été bonnes pour les producteurs et mauvaises pour les abatteurs. Je ne cherche aucune excuse, mais l'industrie commence à se rendre compte que les prix sont tout simplement trop élevés. Soit qu'on gagne beaucoup d'argent, soit qu'on doit demander un crédit d'exploitation supplémentaire aux banques. Il faudra que nous envisagions des systèmes pour mieux partager les risques et partager les profits. À l'heure actuelle, les producteurs considèrent qu'ils assument une part trop importante du risque et touchent une part trop limitée des profits. On va essayer d'aborder la question de l'établissement du prix dans cette industrie de façon différente.
M. Jahnke: Au cours de 15 dernières années, notre consommation de boeuf par habitant a diminué dû au vieillissement de la population et aux choix alimentaires de certains groupes ethniques. Si nous n'avions pas eu des marchés ouverts et l'ALENA il y a 15 ans, quand nous importions autant que nous exportions -- parce que nous n'étions pas fondamentalement exportateurs de boeuf --, je ne serais pas en activité. Beaucoup d'autres ne le seraient pas non plus, parce que nous n'aurions aucun débouché pour notre produit. Il faut que nous puissions trouver des débouchés pour nos produits dans le monde entier.
Le sénateur Hays: J'ai dit tout à l'heure que l'ALENA nous avait bien rendu service, même si je suis membre d'un parti qui pensait qu'un système multilatéral serait plus efficace. Nous avions un marché ouvert pour le boeuf avant l'ALENA, mais il était très limité. Les secteurs du porc et du boeuf s'en sont très bien sortis. Toutefois, nous exportons du boeuf alors que nous en importions auparavant.
M. Caldwell: Sénateur, de l'avis même de certains producteurs, les exportations de boeuf auraient peut-être augmenté même sans l'ALENA. L'ALENA a facilité les choses. Comme l'a dit M. Jahnke, le mécanisme de règlement des différends y a contribué. Il existe des règles pour éviter qu'il y ait une abondance de problèmes commerciaux frivoles. Vous avez peut-être raison, les exportations de boeuf auraient peut-être augmenté de toute façon, à mesure que l'industrie se déplaçait vers l'ouest du Canada puis vers le sud. Cela aurait pu se passer ainsi.
M. Jahnke: Je voulais parler de l'augmentation de la production canadienne, parce que la production américaine a beaucoup augmenté. Nous avons parlé ce matin des échanges États-Unis-Canada. Dans le secteur du boeuf les régions d'avenir sont pour nous le littoral du Pacifique et d'autres régions du monde. Nous faisons des percées importantes là-bas. L'an dernier, même avec la déroute de l'économie japonaise, nos exportations ont augmenté de 18 p. 100. Nous avons toutefois eu des déboires en Corée. Les Américains sont également présents sur ces marchés. L'Amérique du Nord devrait avoir un marché unique pour le boeuf et former un tout face au reste du monde.
Le sénateur Hays: C'est à peu près le cas actuellement.
M. Jahnke: C'est encore le cas.
Le sénateur Hays: Je pense que nous parviendrons à régler les problèmes du secteur de la viande. Mais une diversification est nécessaire, et on fait de gros efforts dans les deux secteurs. On devrait les féliciter, parce qu'ils connaissent une réussite considérable pour ce qui est de la diversification du marché.
Le président: Qu'arrivera-t-il à cette industrie si le dollar canadien atteint la parité avec le dollar américain ou continue d'augmenter de valeur? Sans aucun doute, la faiblesse du dollar canadien a été profitable. J'élève moi-même quelques bovins, et chaque fois que je vois le dollar canadien augmenter, j'ai des frissons.
M. Jahnke: Nous frissonnons tous, mais cela aurait aussi pour résultat de faire baisser le prix de mes tracteurs, de mes camionnettes et des choses de ce genre.
Le sénateur Spivak: N'y comptez pas trop.
Le sénateur Whelan: Le chef de l'Association des manufacturiers canadiens a dit que nous allons être en mauvaise posture si le dollar canadien monte jusqu'à 80 cents.
J'anime une émission de radio. Hier, j'ai reçu un agriculteur avec son fils et son gendre. Il est président de l'Office de commercialisation des produits horticoles de l'Ontario, qui met en marché 13 produits. Cet organisme existe depuis 55 ans. Les horticulteurs concluent des contrats avec lui. Ils n'ont jamais reçu un sou au titre du programme d'aide. Cette année, leurs contrats sont plus importants que jamais. L'an dernier, la production de tomates a été la plus importante du monde, en moyenne 37 tonnes par acre. Heinz allait relocaliser sa production quelque part aux États-Unis, mais est revenue dans le sud-ouest de l'Ontario.
Je lui ai dit: «Alors, vous subventionnez vos autres exploitations.» Il fait également de l'élevage et a environ 1 000 truies et 600 bovins. Il est actif dans tous ces secteurs, et tout est informatisé. Il exploite environ 2 000 acres de terre dans une zone très productive. Il connaît le secteur du porc et du boeuf et la gestion des approvisionnements. Il connaît le secteur des grains, parce qu'il produit du maïs pour la nouvelle usine d'éthanol de Chatham. C'est comme cela qu'on peut gagner beaucoup d'argent avec le maïs.
Le sénateur Stratton dit qu'ils étaient des négociateurs charmants. On me considérait comme un dur quand j'allais à ces réunions, mais je me battais pour le Canada et je n'ai jamais cédé un pouce. Après le 11 juillet, j'offrirai mes services au premier ministre du Canada pour 1 $ par an à titre de conseiller au sujet de l'OMC.
J'ai essayé d'obtenir les procès-verbaux de toutes les délibérations de l'OMC. Le secret semble planer sur tout. On ne sait pas à combien de cocktails les gens ont participé ou combien de séances ont eu lieu. Ces négociations se déroulent dans une des villes les plus chères du monde.
Je vous mets au défi de dire que nous avons eu le même genre de difficultés dans le passé. Nous n'avions pas ces difficultés. Le secrétaire de l'Agriculture, le ministre de l'Agriculture et les provinces concluaient des ententes. Nous devions traiter avec les provinces parce qu'en vertu de la Constitution canadienne, ce domaine relève à 50 p. 100 des provinces. Aux États-Unis, le secrétaire de l'Agriculture a près de 100 p. 100 des pouvoirs. C'est lui qui prend les décisions.
Le président: Le sénateur Whelan prépare la rédaction de ses mémoires. Certains voudront les lires, et d'autres non.
M. Caldwell: J'indiquerai, à titre personnel, que M. Whelan et moi nous nous connaissons depuis très longtemps. Je ne suis pas aussi vieux que lui, mais je le connaissais quand il ne travaillait pas à la radio, et il me connaissait quand je travaillais à la radio et à la télévision. J'ai vécu à côté de la circonscription de M. Whelan pendant des années. Je suis content de constater qu'il est encore en bonne santé. Il a connu quelques années difficiles. Je n'acceptais pas tout ce que disait le sénateur Whelan à l'époque, et je n'accepte pas tout ce qu'il dit maintenant. Toutefois, je suis content de voir qu'il est en bonne santé et qu'il offrira à nouveau ses services au pays.
Le sénateur Taylor: Pensez-vous que nous devrions participer plus ou moins activement au Groupe de Cairns? Les Européens ont contesté notre association avec lui, ce qui, en soit, devrait nous encourager à le faire. Que pensez-vous du Groupe de Cairns?
M. Rice: À nous seuls, nous avons peu de poids face à l'Union européenne et aux États-Unis. Les membres importants du Groupe de Cairns sont l'Australie, l'Argentine et la Nouvelle Zélande. Ils ne peuvent pas nous imposer un accord si nous n'en voulons pas. Toutefois, si nous pouvons coopérer avec eux, nous pouvons influencer un peu leurs idées.
M. Jahnke: Je suis tout à fait d'accord.
Le président: Je remercie les témoins pour cette matinée au cours de laquelle nous avons appris beaucoup de choses intéressantes.
Nous allons maintenant appeler nos derniers témoins de la matinée, des représentants de la Western Canadian Wheat Growers Association.
M. Edward Cook, président, Western Canadian Wheat Growers Association: Honorables sénateurs, mon association, la Western Canadian Wheat Growers Association, voudrait remercier le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de nous donner l'occasion de donner notre avis sur la position qu'adoptera le Canada lors des négociations agricoles de l'Organisation mondiale du commerce de 1999. Ce document représente le point de vue de notre association à ce sujet.
La céréaliculture de l'Ouest est basée sur l'exportation des céréales préparées et non préparées et de produits céréaliers et on prétend qu'il continuera d'en être ainsi pendant encore longtemps. Les céréaliculteurs se sont adaptés à la suppression des subventions au transport en diversifiant leurs systèmes de culture et en investissant dans des installations de transformation pour ajouter de la valeur à leurs produits.
Nous avons également accepté le fait que le gouvernement ne peut plus, comme il le faisait couramment dans le passé, accorder un soutien ponctuel à ce secteur à cause des compressions budgétaires et parce que ce n'est pas souhaitable du point de vue de notre compétitivité. Les céréaliculteurs soutiennent que ce secteur peut être prospère sans ingérence ni aide financière du gouvernement, si les règles du jeu sont les mêmes pour tous au plan du commerce mondial et au niveau intérieur.
Il est nécessaire pour nous que les négociations agricoles débouchent sur des conditions identiques pour tous, et nous pensons qu'il en sera ainsi. Nos préoccupations concernent principalement trois domaines: les subventions aux exportations, l'accès au marché et les mesures nationales de soutien. Mes commentaires porteront sur ces trois domaines
Notre priorité absolue est l'élimination complète des subventions à l'exportation. Les programmes qui nuisent le plus à la céréaliculture dans l'Ouest sont les dispositions de la politique agricole commune de l'Union européenne concernant le soutien aux exploitations et le programme de renforcement des exportations des États-Unis. Des réductions sont prévues dans les deux cas, mais les niveaux autorisés en vertu des accords agricoles antérieurs restent suffisamment élevés pour perturber considérablement le cours international des céréales. La réduction des subventions et leur élimination constituent une priorité urgente. Nous ne pouvons pas prospérer avec l'incertitude qu'entraîne l'utilisation de subventions aux exportations par d'autres pays.
Si la tarification a rendu plus simple et transparente la réduction des droits à l'importation, certains de ces tarifs restent des obstacles considérables au commerce. Les barèmes tarifaires progressifs représentent un problème sérieux pour l'ouest du Canada. De nombreux pays utilisent les barèmes progressifs pour majorer les tarifs à l'importation au fur et à mesure que les produits sont transformés davantage. Par exemple, le Japon impose des droits douaniers considérablement supérieurs sur l'huile de canola plutôt que sur la graine de canola, ce qui limite notre accès au marché japonais de l'huile.
Cette pratique nuit particulièrement à la céréaliculture de l'Ouest. Ces tarifs contribuent à ce que l'ouest du Canada reste fortement dépendant de l'exportation de céréales brutes, plutôt que de produits de transformation à plus grande valeur ajoutée.
La suppression des subventions au transport dans l'ouest du Canada stimule la transformation à valeur ajoutée en soumettant les denrées de faible valeur au coût réel du transport; mais nous devons pour cela trouver des débouchés dans le monde pour nos produits à valeur ajoutée.
Lors de l'Uruguay Round, les pays ont obtenu une grande latitude sur le plan de la tarification de leurs barrières commerciales. Nombre d'entre eux ont imposé de forts équivalents tarifaires sur les produits qu'ils voulaient protéger le plus. Du fait que le soutien interne était mesuré au niveau agrégé, ils ont pu conserver des forts niveaux de protection et de subvention à l'échelle nationale pour des produits choisis.
Ces niveaux de soutien continuent à encourager une production supérieure à la capacité d'absorption du marché et restreignent les échanges. Il faudrait donc négocier des engagements futurs sur le plan de la réduction du soutien interne produit par produit plutôt que sur une base globale.
Les soutiens internes excessifs qui entraînent une distorsion des échanges et de la production doivent être alignés sur les critères de la boîte verte. Les secteurs tributaires de l'exportation comme la céréaliculture de l'Ouest, souffrent lorsque des excédents de production nationaux sont écoulés sur le marché mondial, poussant les prix à la baisse. Il importe de clarifier et de resserrer plus avant les critères de la boîte verte de façon à limiter la capacité des membres de l'OMC à maintenir des niveaux de soutien élevé, même dans le cadre de leurs accords courants.
Nous sommes partisans de la suppression de la catégorie de la boîte bleue pour les soutiens internes car celle-ci autorise le maintien de niveaux de soutiens internes élevés non assujettis à des réductions.
Le recours aux barrières non tarifaires ira sans doute croissant au fur et à mesure que les tarifs et subventions à l'exportation seront réduits et éliminés. Nous exhortons le gouvernement canadien à s'opposer au recours aux barrières non tarifaires pour restreindre les échanges. Plus particulièrement, il ne faut pas entraver le commerce des organismes génétiquement modifiés au moyen de règles et contraintes d'étiquetage excessives non fondées scientifiquement. Nous sommes opposés à l'obligation d'étiquetage des OGM qui pourrait contraindre à les manutentionner séparément et les rendrait vulnérables à la propagande négative de groupes d'intérêts particuliers.
De même, le Canada doit exiger le respect de l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires afin que les membres de l'OMC ne puissent abuser des mesures sanitaires et phytosanitaires pour restreindre l'accès à leur marché national.
Face à la généralisation des blocs commerciaux, le Canada devrait rechercher un accord de libre-échange plus exhaustif avec les États-Unis. En effet, le Canada n'est pas assez gros pour faire face seul à ces grands blocs commerciaux. Nous aurons une meilleure position de négociation en 1999 si nous abordons les pourparlers comme allié des États-Unis plutôt que comme adversaire dans les dossiers importants.
La compétitivité mondiale du secteur céréalier de l'Ouest dépend étroitement des politiques nationales en matière de commercialisation et de transport du grain. Pour soutenir la concurrence sur le marché mondial, les agriculteurs de l'Ouest du Canada doivent pouvoir contrôler leur coût d'exploitation. De profondes réformes au niveau du transport et de la mise en marché du grain sont essentielles au développement du secteur à valeur ajoutée et à la viabilité à long terme des exploitations agricoles de l'ouest.
Nous exhortons encore le gouvernement fédéral d'accepter les recommandations sur la réforme du transport du grain du juge Willard Estey et de commencer le processus de mise en oeuvre avec la participation de tous les intervenants.
Il nous faut également une refonte de la commercialisation qui donne aux agriculteurs la faculté de faire leurs choix sur le moment et la manière de commercialiser leurs productions. Les sociétés d'import-export étatiques continuent de restreindre les échanges à l'échelle mondiale, particulièrement dans les marchés des plus intéressants pour le Canada. La Western Canadian Wheat Growers Association invite le Canada et les autres pays de l'OMC d'établir des règles démonopolisant les sociétés commerciales d'État et les obligeant à assumer les risques du marché.
Lors de l'Uruguay Round, le Canada a essayé à la fois de protéger le secteur à gestion de l'offre et d'obtenir des concessions sur les subventions en exportation et l'accès au marché. Le secteur céréalier de l'ouest admet que protéger notre industrie contre la concurrence étrangère n'est ni possible ni souhaitable. Les céréaliculteurs se sont adaptés à un environnement commercial mondial et, pour cela, nous devons exiger que les barrières au libre commerce des produits que nous vendons sur le marché mondial soient réduites et éliminées.
Pour arracher des concessions à nos partenaires commerciaux, et parvenir à des accords équilibrés, le Canada doit accepter de faire des concessions lui-même. Les industries à gestion de l'offre hautement protégées vont devoir s'adapter, tout comme l'a fait le secteur céréalier, soit ouvrir le marché canadien aux produits concernés et mettre à profit les possibilités d'exportation. Nous sommes prêts à relever le défi du marché mondial, mais nous devons pouvoir compter sur des règles commerciales claires et strictement appliquées.
Les céréaliculteurs ont participé à un certain nombre d'initiatives en préparation des négociations de l'OMC. Nous étions l'une des organisations hôtes du sommet céréalier canado-américain tenu en septembre dernier à Banff, qui a rassemblé des représentants de plus de 50 organisations agricoles canadiennes et américaines pour discuter des problèmes commerciaux.
Nous sommes des participants actifs du Alberta Agri-Industry Trade Group, une coalition de plus de 100 intervenants sectoriels travaillant à une position commerciale commune à soumettre ce printemps au gouvernement fédéral. Nous avons participé également à la planification de la conférence sur les perspectives agricoles de l'Alberta et du Montana qui se tiendra à Great Falls, au Montana, les 1er et 2 juin 1999. Nous avons participé activement à la conférence fédérale-provinciale de cette semaine sur le thème: Vers une position commerciale agricole -- Dialogue avec l'industrie, lors de laquelle nous avons défendu notre position et nous nous sommes renseignés sur les positions commerciales des autres secteurs.
Merci encore de l'invitation à comparaître devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
Le président: Monsieur Cook, vous avez dit dans votre exposé que les céréaliculteurs peuvent être compétitifs lorsque les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Mais nous n'avons pas de telles règles. Nous en sommes très loin.
M. Cook: C'est juste.
Le président: Nous avons reçu ici la semaine dernière un agriculteur qui cultive des deux côtés de la frontière et il a indiqué que les Américains reçoivent un paiement substantiel, de 80 000 $ par agriculteur. Ce n'est là qu'une subvention parmi d'autres. Lorsque le comité s'est rendu en Europe, les Européens lui ont clairement fait savoir qu'ils n'ont pas l'intention d'éliminer les subventions. Dans ces conditions, comment nos agriculteurs pourront-ils survivre?
M. Cook: Il sera très difficile de survivre. Les Canadiens n'ont pas les moyens de nous verser le niveau de subventions que touchent les producteurs américains et européens. Cette année, mon exploitation sera déficitaire.
Le président: C'est ce que nous ont indiqué les chercheurs du gouvernement de la Saskatchewan la semaine dernière.
M. Cook: C'est juste. À moins que les autres pays renoncent à leurs subventions, il sera très difficile au secteur agricole de l'Ouest du Canada de survivre.
Le président: Je connais assez bien la céréaliculture. J'y ai passé toute ma vie. Est-ce que les membres de la Canadian Wheat Growers Association ne sont pas plutôt les grosses exploitations?
M. Cook: Lors d'une réunion au Manitoba, quelqu'un m'a demandé si nous représentions uniquement les gros agriculteurs. Lorsque je lui ai demandé qui il qualifiait de «gros», il a dit que c'était les exploitations de 5 000 ou 6 000 acres. Nous n'avons qu'un ou deux membres de notre conseil qui possèdent une telle superficie. Moi-même, je n'exploite que 1 800 acres. Notre président actuel exploite 1 500 acres. Il a une petite exploitation de naissage. L'idée que nous sommes tous de gros agriculteurs est fausse. Nous sommes des exploitants modernes et dynamiques et nous voulons prendre en main notre destin et assumer les conséquences de nos décisions.
Le président: La question des animaux modifiés génétiquement a été soulevée en Europe à chaque instant. C'était l'un des grands problèmes dont ils voulaient traiter.
Je sais, évidemment, que vous cultivez probablement du canola, tout comme moi. Les Européens opposent un refus au canola canadien génétiquement modifié. Les États-Unis disent à leurs producteurs de maïs de ne pas cultiver de maïs génétiquement modifié parce qu'il ne pourra être exporté en Europe. Cela devient un problème très grave.
Vous savez ce qui se passe dans le domaine du canola en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta. De nombreux cultivateurs, jusqu'à 80 p. 100 me dit-on, optent pour un produit modifié génétiquement.
Je suis très préoccupé par deux choses: le contrôle de la manière dont les compagnies font cela, le contrôle des exploitations dans cette situation; et les répercussions sur le marché international. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
M. Cook: Je suis inquiet moi-même. Cette année, dans mon exploitation, je cultive 100 p. 100 de canola OGM. C'est pour moi un outil de gestion. Les Européens ferment leur marché à ce produit, il se peut que les compagnies qui ont mis au point ces variétés s'y soient mal prises. Elles auraient dû opter pour un système IP, commercialiser cette variété dans les pays qui acceptent les OGM et garder le canola ordinaire à part.
Le sénateur Robichaud: Vous avez adopté des positions que je conteste et au sujet desquelles je me range plutôt de l'avis des témoins précédents que nous avons entendus. Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites qu'il faut jeter aux loups les agriculteurs travaillant sous un régime de gestion de l'offre de façon à obtenir des concessions dans d'autres domaines. La semaine dernière, nos témoins nous ont dit qu'il ne fallait pas dresser un groupe contre un autre.
À la page 4 de votre mémoire, vous dites que les autres secteurs ne peuvent s'attendre à conserver des niveaux de protection élevés contre la concurrence extérieure. D'autres témoins contesteraient les quatre mots suivants: «maintien de résultats gonflés». Avez-vous l'intention de déclarer une guerre? Votre position sera très chaudement contestée par les membres de ce secteur. Allez-vous dresser un secteur contre un autre?
M. Cook: Dans notre secteur, lorsque nous avons abandonné la subvention au transport, nous avons eu le sentiment de nous être «fait avoir», parce que ces concessions ont été faites pour préserver l'autre secteur. Nous avons perdu la subvention de transport, mais nous n'avons pas obtenu toutes les concessions qu'il aurait fallu pour compenser cette perte. Les marchés n'ont pas été ouverts de façon à ce que nous puissions y accéder. Dans le cas du blé et de l'orge, nous devons continuer à passer par un office de commercialisation, qui ne fait pas un très bon travail en ce moment, surtout dans le cas de l'orge.
Le sénateur Robichaud: C'est une opinion. Beaucoup de producteurs sont en faveur de la Commission canadienne du blé. La majorité a voté pour son maintien.
Je m'inscris également en faux lorsque vous dites que nous avons cédé la subvention de transport pour obtenir le maintien de la gestion de l'offre. Je ne pense pas que les choses se soient passées ainsi. Vous devriez peut-être revoir cette affirmation.
M. Cook: Je répondrai simplement, sénateur, que la perception d'un marchandage est très présente.
Le sénateur Robichaud: La perception et la réalité sont deux choses différentes. Vous confondez les deux.
M. Paul Earl, gestionnaire de la politique au Manitoba, Western Canadian Wheat Growers Association: Nous répercutons dans cette déclaration la croyance très répandue dans l'Ouest du Canada que les subventions de transport ont été éliminées dans un marchandage, pour garder la gestion de l'offre. Si ce n'est pas vrai, vous pourriez peut-être nous dire comment les choses se sont passées. En tout cas, nous avons toujours la gestion de l'offre et nous n'avons plus de subventions de transport aujourd'hui.
Le sénateur Robichaud: Les témoins précédents ont dit que dès la suppression de la subvention de transport, les agriculteurs de l'ouest ont commencé à se lancer dans les produits à valeur ajoutée. Ils pensaient que c'était une bonne idée.
M. Earl: C'est certainement ce qui s'est passé. Cela ne fait aucun doute. Nous le disons d'ailleurs dans notre mémoire. Cela fait partie de l'adaptation du secteur à un monde de moindres subventions. C'est ce que nous disons aussi dans notre mémoire au sujet de la gestion de l'offre, que celle-ci n'est plus conciliable avec la nouvelle tendance du commerce mondial. Il sera de plus en plus difficile de la conserver face aux pressions qui s'exercent. Nous disons que cette industrie devrait également mûrir et s'adapter à la libéralisation des échanges mondiaux.
Le sénateur Whelan: Je sais que vous m'avez déjà entendu discourir sur la gestion de l'offre. Je n'étais pas là lorsque les négociations du Nid-de-Corbeau sont intervenues. Si j'ai bien saisi, votre organisation est celle qui préconisait l'abandon des tarifs du Nid-de-Corbeau parce qu'alors nous transformerions ce grain dans l'Ouest du Canada. Nous fabriquerions des biscuits, des pâtes et vendrions du boeuf, chaque animal contenant plusieurs centaines de livres d'orge. Faut-il 800 livres d'orge pour élever ou engraisser un boeuf? On parlait également de produire de la volaille. Nous avons rencontré le comité de l'agriculture du Manitoba, de même que son ministre de l'Agriculture, et ils nous ont dit qu'ils se lanceraient dans l'élevage du porc, que le Manitoba deviendrait la capitale mondiale du porc.
Comme je l'ai dit, aucun parti politique ni organisation agricole n'a demandé que l'article 11 soit rayé du GATT. C'est le grand patronat qui l'a réclamé et ses représentants étaient assis derrière le ministre lorsqu'il a cédé cela lors de l'Uruguay Round.
Nous avions ce marché mondial avant d'établir l'office de commercialisation. Nous avions ce à quoi vous voulez retourner. Vous voulez retourner à ce monde économique chaotique, et il est encore plus dangereux maintenant parce que cinq grosses sociétés contrôlent le marché. Anciennement, il y avait au moins 10 négociants en céréales dans l'Ouest du Canada, en sus de la Commission du blé. Les offices fonctionnaient bien.
Le marché mondial existait à l'époque des pirates, il existait à l'époque de l'esclavage et il existe encore. Même sans l'influence de l'Organisation mondiale du commerce, nous avons délocaliser nos industries vers la Malaisie et d'autres pays. Si vous vous souvenez, il y a encore trois ans, il fallait absolument s'implanter dans l'APEC. Ces pays étaient le modèle économique à suivre. Aujourd'hui, nous voyons qu'ils ont semé le chaos chez nos éleveurs de porc et de boeuf, et nos producteurs de denrées comme le canola, les lentilles et autres céréales.
Tout cela n'est pas de notre fait. Ces banquiers, ces magiciens économiques, étaient des charlatans. Leurs principes bancaires étaient les pires imaginables. Ils prêtaient 20 fois plus que ce qu'une banque normale devrait prêter, à leurs amis et aux premiers venus. Elles se sont mises dans un mauvais pas. Qui a souffert par voie de conséquence? Les agriculteurs. Les travailleurs de l'automobile n'ont pas perdu un sou. Or, l'automobile est notre premier moteur économique et il n'est pas soumis au libre-échange, il est régit par le Pacte automobile.
Vous dites que nous nous porterions mieux si nous revenons à ce vieil ordre mondial. Jamais. J'y suis violemment opposé.
Des témoins précédents ont dit que la culture du canola a maintenant dépassé celle du blé dans certaines régions. Cela n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu un stupide vieil agriculteur qui était ministre de l'Agriculture et qui savait quand faire confiance à ses chercheurs.
Nous avons dépensé des millions de dollars pour mettre au point une bonne variété de canola, et vous en avez fait une mauvaise herbe avec l'OMG. Vous et moi le savons. Les graines peuvent tomber et se resemer elles-mêmes, et on ne peut les contrôler même avec le Round Up parce que la plante y est insensible. En outre, le pollen peut être transporté et peut féconder la culture de votre voisin, et cette culture héritera de ce gène. C'est quelque chose de terrible qui échappe à tout contrôle.
Je suis grand partisan de la diversification. C'est pourquoi nous avons tant dépensé sur le canola et sommes devenus la capitale mondiale de la lentille. Nous avons fait venir un Américain pour mener ces recherches et il est devenu citoyen canadien. Nous lui avons donné près de un million de dollars pour mettre au point en l'espace de cinq ans une lentille qui pousserait en Saskatchewan et dans l'Ouest du Canada; il l'a fait en quatre ans. Aujourd'hui, nous ne pourrions plus le faire. Nous sommes à la merci de Monsanto pour la recherche.
Je n'aime pas voir les gens démolir ce que nous avons construit. L'OMC est composée d'une bande de bureaucrates dont la plupart ne connaissent rien à l'agriculture.
Le président: Il s'agit de bien savoir de quoi l'on parle. On compare des pommes et des oranges. Dans nos industries protégées, le lait, le poulet, et cetera, nous ne produisons que ce que nous consommons. Ce sont deux mondes différents.
Alors que dans le cas du grain, du boeuf et du porc, il faut ajouter les exportations au scénario. Si nous ne produisons que les céréales que nous consommons au Canada, 80 p. 100 de nos producteurs disparaîtraient. Si nous ne produisons que le boeuf et le porc que nous consommons, ces agriculteurs feraient faillite.
Il ne faut donc pas confondre les deux choses. Je ne veux rien enlever aux producteurs qui dépendent d'un office de commercialisation et gagnent un revenu décent. Cependant, je comprends aussi le problème de l'exportation sur le marché international dominé par les subventions. C'est un monde différent.
Le sénateur Whelan: Je tiens à clarifier une chose. Nous exportons des produits laitiers et de la volaille. Avant l'ALENA et l'OMC, nous exportions de 70 à 75 p. 100 de nos céréales dans le monde. Nous le faisions même avant que Communauté européenne soit structurée comme elle l'est.
L'Union européenne est devenue les États-Unis de l'Europe. L'Organisation mondiale du commerce entreprend une recherche pour déterminer combien de pays qui votent avec les États-Unis reçoivent une aide américaine. Que se passerait-il s'ils votaient contre les États-Unis?
M. Cook: Les céréaliculteurs n'ont pas demandé que le tarif du Nid-de-Corbeau soit supprimé. Notre position était que la subvention devrait prendre une autre forme.
Le sénateur Whelan: Pensez-vous la même chose du nouveau programme gouvernemental? J'ai eu des appels hier d'agriculteurs manitobains qui me disaient qu'ils ne touchent pas leurs paiements. Certains agriculteurs gagnent trop dans leur emploi hors-exploitation. Pensez-vous que ce système fonctionne équitablement?
M. Cook: Non, je ne trouve pas du tout que le système fonctionne équitablement. Je n'ai pas fait le calcul final, mais j'ai examiné les chiffres et je sais que je ne toucherai rien. J'ai eu l'une des plus mauvaises récoltes depuis mes débuts en 1981, du fait d'un excès d'humidité puis d'une sécheresse.
Si j'avais eu une récolte normale, je serais encore moins admissible. L'année dernière, sur mes 1 800 acres, j'ai cultivé du canola, de l'orge et de l'avoine et un peu de blé d'hiver. Les conditions météorologiques ont fait que mon revenu a chuté. Du fait de ma situation antérieure, je ne toucherai rien. Une personne a demandé comment je me débrouillais. J'ai dit: «Je suis content, je vais couvrir tout juste mes frais cette année.» C'est une situation aberrante.
Je gère une exploitation de un million de dollars et je vais tout juste couvrir mes frais. N'importe quel autre entrepreneur serait totalement catastrophé. Je sais que nous sommes confrontés à un marché mondial dominé par les subventions et, d'une façon ou d'une autre, nous devons arriver à un stade où nous ferons un bénéfice.
Mon père m'a dit hier qu'il avait acheté en 1966 un nouveau camion pour le transport de grain qui devait durer une vingtaine d'années, donc jusqu'en 1986. Nous sommes maintenant en 1999, et nous avons toujours le même camion. Mon père avait payé 3 800 $ comptant pour ce camion. Je ne pense pas que nous pourrions le remplacer pour 38 000 $.
Le coût des intrants augmente sans cesse. J'ai fait du camionnage. Mes frères et moi avions deux camions sur la route. En 1983, nous avons acheté un camion flambant neuf pour 103 000 $. En 1983, vous pouviez acheter la plus grosse moissonneuse-batteuse de John Deere pour 60 000 $. Aujourd'hui, le beau camion coûte 140 000 $. La plus grosse moissonneuse-batteuse John Deere coûte 250 000 $. Je ne pense pas que le prix de l'acier ait tellement augmenté, mais les frais de main-d'oeuvre ont augmenté un peu. Pourquoi le coût de cette machine a-t-il été multiplié par quatre, alors que le camion n'a augmenté que d'un petit pourcentage? Une raison pourrait être la demande, autrement dit qu'il y a une plus grosse demande de camions, mais pourquoi le matériel agricole a-t-il tellement augmenté?
Pour ce qui est de la gestion de l'offre, j'ai des voisins qui font de l'élevage de bétail laitier et ils s'en tirent merveilleusement bien. Ils touchent un chèque tous les mois et ils en connaissent le montant à l'avance.
J'ai également un ami dans le secteur du lait et il dit que si ce secteur était ouvert à la concurrence, personne à 500 milles à la ronde ne pourrait livrer du lait à Winnipeg pour moins cher que lui. Il dit que le prix pourrait légèrement baisser, mais que la demande augmenterait et que ce serait une demande intérieure.
Le sénateur Whelan: Il rêve.
Le sénateur Taylor: Vous avez parlé dans votre mémoire de la modification génétique. Mon sentiment est que vous êtes en retard sur l'époque. La modification génétique est la voie de l'avenir. Les consommateurs l'appellent de leurs voeux.
Cela signifie que vous devez faire campagne pour faire comprendre les avantages de la modification génétique non pas seulement aux producteurs mais aussi aux consommateurs. Ce ne devrait pas être difficile. Pendant des années, on a réussi à vendre du poison sous forme de tabac. On peut vendre n'importe quoi.
Nous avons éliminé la subvention du Nid-de-Corbeau, et la subvention à l'exploration de céréales a fait baisser le prix du grain à la production. Parallèlement, les politiciens des Prairies tablaient sur la croissance démographique et disaient qu'il fallait créer davantage d'emplois dans la transformation à valeur ajoutée. Vous êtes les victimes de la philosophie consistant à privilégier les produits à valeur ajoutée et vous considérez aussi que du grain à bas prix permet de produire du porc et du boeuf à bas prix au Canada. Des marchés d'exportation s'ouvrent partout. On exporte du grain pour nourrir du bétail et cela fait chuter le prix du grain. Avec notre grain, nous nourrissons du bétail ici que nous exportons ensuite aux États-Unis.
Il semble que vous soyez le malchanceux à l'extrémité de la chaîne alimentaire. D'aucuns disent que c'est de votre faute. Vous vouliez un marché libre et maintenant vous devez vous débrouiller avec. Avez-vous jamais calculé dans quelle mesure la réussite de l'industrie du boeuf et du porc est due au grain à bas prix?
Vous dites avoir semé une culture sur laquelle vous ne comptez pas gagner d'argent. Un citadin se demandera quel jeu vous jouez. C'est comme dire à quelqu'un d'acheter des actions à la bourse à prix fort et de les vendre à prix faible pour essayer de gagner de l'argent sur le volume. Pourquoi plantez-vous des cultures sur lesquelles vous n'allez rien gagner alors que vous pourriez cultiver autre chose?
M. Cook: Je vais répondre d'abord à votre deuxième question, sénateur.
Je suis dans une région où je ne peux cultiver certains des nouveaux produits à cause de la nature du sol et des pierres. Je ne peux cultiver la lentille. Les gens n'aiment pas retrouver des pierres dans leur soupe aux lentilles, et la même chose vaut pour les pois. Chez moi, le sol est argileux. Lorsque vous récoltez les pois, vous ramassez autant de granules de boue.
Dans certaines régions on peut cultiver certaines des nouvelles cultures spécialisées. Tout le monde vante le chanvre et l'argent que certains auraient gagné de cette façon l'an dernier. Certains ont gagné 600 $ de l'acre, ce qui est énorme, mais il a fallu qu'ils investissent lourdement.
Je suis allé à une réunion sur le chanvre. La première chose que j'ai entendue, c'est que le chanvre n'aime pas les sols humides ou salins, ce qui m'exclut tout de suite. C'est automatique. Je n'essaierai même pas de cultiver le chanvre, vu l'investissement coûteux que cela exigerait.
Je plante du blé, de l'avoine, de l'orge et du canola. Ma situation est que je couvre mes frais mais mon investissement ne me rapporte rien. Je ne vais pas reculer, mais je ne gagne rien sur mon investissement, ce qui est difficile. Si j'ai une récolte exceptionnelle, alors je ferai un profit, mais j'établis toujours mon budget en fonction d'une récolte moyenne. Si vous dressez votre budget en comptant sur la réalisation d'un bon profit, vous ne réaliserez pas ce dernier et vous reculerez très vite.
Quelle était votre première question, sénateur?
Le sénateur Taylor: Elle portait sur les subventions et sur la part du succès des secteurs du boeuf et du porc qui a été bâtie sur le dos du secteur céréalier, bref du grain bon marché.
M. Earl: Ce n'est pas qu'un secteur a été bâti sur le dos d'un autre. Le secteur du bétail a toujours été le plus gros client du secteur céréalier. Nous avons toujours trouvé que le fait d'avoir un solide client et un solide secteur de l'élevage était bon pour le secteur céréalier lui aussi. Nous avons compris que si le tarif du Nid-de-Corbeau avait été versé selon une autre formule, -- au lieu de le supprimer --, cela aurait fait intervenir les forces du marché. C'est en fait ce qui s'est passé. L'expansion du secteur porcin a été une bonne chose pour le secteur céréalier. Cela continuera d'être une bonne chose, car cela crée un autre solide marché.
Je pense qu'il est injuste de dire que nous avons supprimé la subvention, de manière à faire baisser le prix du grain, et que cela a été une bonne chose pour le secteur de l'élevage et une mauvaise chose pour le secteur céréalier. C'est ce qui est sous-entendu dans votre question, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Il s'est établit un meilleur équilibre comme c'est le cas lorsqu'on supprime des subventions qui amènent des distorsions sur le marché et lorsqu'on laisse jouer les forces du marché. À long terme, ce sera sain pour les deux secteurs.
Le sénateur Hays: J'ai une question du genre «que se passera-t-il si». J'apprécie votre solution pour la plupart des problèmes commerciaux, mais je ne vais pas me lancer là-dedans car on en a déjà abondamment discuté.
Que se passera-t-il si nous ne faisons pas de progrès lors de la prochaine série de négociations? Que se passera-t-il si les propositions relativement à la boîte bleue, à la boîte verte et à tout le reste n'aboutissent pas? Avez-vous une position de repli? Ce sera peut-être chose difficile pour la Western Canadian Wheat Growers Association, mais je vous invite à nous exposer de quelle façon vous réagiriez à cela. Votre position changerait-elle en ce qui concerne le soutien auquel vous vous attendriez de la part du gouvernement? Vous avez déclaré que les contribuables n'ont pas les moyens de financer cela. Cependant, l'un des facteurs dans le contexte européen et dans le contexte américain est que les organisations d'agriculteurs sont capables d'influencer le processus décisionnel public, et c'est ce qui explique pourquoi nous avons les problèmes que nous connaissons aujourd'hui.
Nous sommes profondément divisés au Canada. Nous ne parlons pas d'une seule et même voix. Nous avons des problèmes régionaux et des problèmes sectoriels. Même au sein de votre secteur, vous représentez une partie seulement de l'opinion, et il y a une profonde division entre ceux qui n'appuient pas la double commercialisation pour la commission du blé et ceux qui l'appuient. Votre position changerait-elle? Allez-vous vous accrocher et attendre encore six ou sept ans de gagner un plus important revenu d'appoint en dehors de la ferme? Quelle est votre opinion?
M. Cook: Personnellement, je continuerais de m'accrocher. Je me trouverais un emploi et je continuerais.
Mon arrière-grand-père a acheté notre ferme en 1878, et mon grand-père et ses frères l'ont payé avant l'avènement du tarif du Nid-de-Corbeau et de la Commission canadienne du blé. Bien sûr, certaines personnes se seront sans doute fait voler par les compagnies céréalières ou par les banques, mais j'ai grandi avec l'idée qu'il fallait que chacun se défende. Il vous faut surveiller ce que vous faites afin de ne pas vous faire avoir par ces gens-là.
C'est toujours difficile. Vous êtes en concurrence avec les gros. Cependant, si vous faites attention à ce que vous faites, à ce qu'ils vous offrent et à la façon dont ils vous l'offrent, je pense que vous pouvez survivre et travailler avec les gros. Le gros ne sera pas là si vous n'êtes plus là.
Le sénateur Hays: Cette approche va au-delà de vos propres intérêts. Je suppose que c'est sans doute là la réponse en bout de ligne.
M. Earl: Une chose qui n'est pas souvent dite doit l'être: les subventions à long terme font partie du marché. Au Canada, par exemple, et cela vaut tout particulièrement depuis quelques années dans le cas des céréaliculteurs, les subventions ont baissé, et nous avons constaté l'émergence d'une industrie beaucoup plus compétitive et beaucoup plus saine.
Vous apprenez toujours quelque chose dans ce secteur, peu importe depuis combien de temps vous y êtes. J'ai constaté que les céréaliculteurs américains sont beaucoup moins sensibles au marché et beaucoup moins au courant de ce qui s'y passe que les céréaliculteurs de l'ouest du Canada. La raison à cela est que les agriculteurs canadiens ont été exposés au marché. Les subventions à long terme ont été intégrées dans des choses comme le prix des terres. La consolidation et les efficiences que l'on retrouve dans un secteur subventionné n'existent pas dans un secteur non subventionné. L'on pourrait se poser la question suivante: «Que se passera-t-il si d'autres pays ne subventionnent pas leur secteur?»
Le sénateur Hays: C'est une possibilité.
M. Earl: Oui, mais la position de repli est le statu quo. Le statu quo, dont nous disons qu'il n'est pas souhaitable, donne réellement lieu à un secteur céréalier de l'ouest qui est beaucoup plus compétitif et efficient que ceux d'autres pays, avec lesquels nous devons faire concurrence.
Nous avons vu les dommages causés par les subventions à long terme, comme cela a été le cas du tarif du Nid-de-Corbeau. Nous avons vu les dommages que ce genre de subvention à long terme cause dans le secteur agricole: par exemple, sur le plan efficience, manque de rationalisation, manque de modernisation, manque de valeur ajoutée, et cetera. Nous continuons d'insister là-dessus. Nous ne dirions pas: «Les Américains continuent de subventionner les agriculteurs, tout comme c'est le cas dans les pays membres de l'Union européenne. Le Canada doit donc subventionner ses agriculteurs.» Nous ne prendrions pas cette position-là.
Le sénateur Hays: Ces subventions ont été intégrées dans le marché international et le prix de rajustement reflète le producteur en Europe ou aux États-Unis qui s'est fait transférer un montant de base d'une façon ou d'une autre. Le producteur canadien n'a pas cela, ou alors seulement une fraction. Il faut être solide pour réussir dans ce contexte.
Le sénateur Gustafson a parlé du programme ACRA et du fait qu'il ne tient pas compte de la gravité de la situation dans le secteur céréalier -- sans doute parce que l'on n'obtient rien si l'on a dans son calcul des marges positives. Vous n'avez pas trop de réserves là-dessus, mais vous ne pensez pas que ce soit une bonne idée.
M. Earl: Nous avons eu bien du fil à retordre l'an dernier à cause des difficultés dans le secteur du porc. En tant que membre du personnel, j'ai vu notre conseil d'administration se débattre avec cette question de savoir s'il fallait demander de l'aide ou appuyer un tel programme. Si vous ne l'appuyez pas, vous donnerez l'impression d'être dur.
Comme vous le savez tous, ce n'est pas une chose qui est facile à vendre, politiquement parlant. La vraie réponse réside dans des solutions à long terme dans une meilleure orientation du marché et dans un secteur qui est à tous égards plus concurrentiel.
Le sénateur Whelan a dit que cela nous ramènerait à la folie et au chaos d'un marché ouvert. Ses propos étaient chargés d'émotion, mais il souligne quelque chose de tout à fait vrai, soit que les marchés agricoles sont instables. Cela est évident. C'est le propre de ces marchés. La question est la suivante: en tant qu'agriculteur, comment réagir à cette instabilité sur le plan stratégique?
Des subventions à long terme ou permanentes ne sont pas la meilleure solution face à cette situation. Dans certains cas, il vous faut un programme de stabilisation efficace. L'an dernier, nous avions proposé un programme à huit points, et qui demandait un filet de sécurité à long terme. Cependant, si cela devait devenir une subvention permanente, cela serait intégré au marché et créerait des inefficiences. C'est une difficile situation politique, mais nous nous sommes efforcés de rester fidèles à nos principes.
Le président: Vous avez parlé du travail en dehors de la ferme. Je n'ai jamais exploité ma ferme sans un revenu d'appoint gagné en dehors de la ferme. Les choses ne devraient pas être ainsi.
Le comité sénatorial ici réuni compte peut-être parmi les meilleurs comités auxquels j'ai siégé pendant ces 20 années passées à la Chambre des communes et au Sénat. L'une de nos tâches est de rapporter au gouvernement les faits sur l'agriculture et l'avenir de l'agriculture. On pourrait prendre des mesures, par exemple, du côté de la moyenne quinquennale. Prenons le cas d'un agriculteur qui a des difficultés ou qui vit des années difficiles: comment va-t-il payer les factures de l'an dernier si l'impôt sur le revenu lui prend tout? Peut-être que nous ne devrions pas inclure le revenu gagné en dehors de la ferme. C'est peut-être là quelque chose de différent. Les agriculteurs travaillent un nombre déraisonnable d'heures, rien que pour assurer la survie de leur ferme.
Nous avons également des problèmes à la frontière. Les Américains s'occupent de leurs agriculteurs. Le peuple canadien, c'est-à-dire le gouvernement, devra décider si nous allons ou non avoir un secteur agricole. Devons-nous, comme vous l'avez dit, continuer de nous débattre? Vous vous débattez sur votre exploitation, et vos ancêtres ont fait la même chose. Nous avons tous vécu cela. Voilà la question à laquelle nous nous trouvons confrontés, et elle est extrêmement importante.
Il y a des mesures que le gouvernement peut prendre. Vous avez mentionné le tarif du Nid-de-Corbeau. Ce qui a été fait aurait dû l'être il y a plus de 10 ans. Otto Lang avait dit que 15 milliards de dollars devraient être consacrés à un remaniement du tarif du Nid-de-Corbeau, puis il a été dit que le chiffre devrait être de 6,7 milliards de dollars. Nous avons fini par recevoir 1,4 milliard de dollars, divisés en trois. C'est là le problème avec le prix actuel du grain: les mesures prises ont enlevé entre 60 cents et 1 $ au prix d'un boisseau de grain.
M. Earl: Le tarif du Nid-de-Corbeau nous a appris une leçon très frappante. Je suis cette discussion depuis environ 20 ans. Les gens qui se sont opposés à la réforme constructive du Nid-de-Corbeau à chaque étape -- et je remonterais jusqu'en 1967, avant mon époque -- ont nui davantage à l'agriculteur canadien de l'ouest que les gens qui plaidaient en faveur de la réforme. Les opposants du Nid-de-Corbeau nous disaient que ce n'était pas durable dans le contexte du commerce mondial et de la politique fiscale. Nous avions raison sur les deux plans. Cependant, en empêchant le changement lorsque celui-ci aurait pu être constructif, les opposants du changement ont fait du tort aux agriculteurs de l'Ouest du Canada.
La même chose vaut relativement à la question commerciale. L'on tend vers des marchés plus ouverts, moins d'intervention et moins de subventions. L'intervention et les subventions ne sont pas durables, ni dans le contexte du commerce, ni dans celui de la fiscalité. Il nous faut traiter de ces choses de façon positive, au lieu d'ériger des barrières et de continuer de subventionner les agriculteurs. Cela ne fonctionnera pas.
Le président: Que devons-nous faire avec les agriculteurs américains qui sont en train de faire la queue à la frontière? Il est clair qu'aligner nos camions à la frontière américaine n'était pas la bonne chose à faire. Cela s'est retourné contre nous. Cela a peut-être envoyé un message à la Commission canadienne du blé ou aux agriculteurs canadiens, mais ce qui est certain, c'est que cela a créé des problèmes politiques avec les Américains.
À Bismark, dans le Dakota du Nord, les Américains ont un système de prélèvement pour chaque boisseau de blé vendu là-bas. Ils ont embauché des avocats de Washington pour combattre l'entrée de grain aux États-Unis. Nos efforts visant à mettre en place des règles équitables avec les États-Unis ne débouchent pas sur grand-chose. Si nous avions des règles équitables, nous battrions les Américains. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que si c'était le cas, nous serions compétitifs.
M. Cook: Je dois rivaliser constamment avec l'agriculteur américain. Ils se plaignent de notre blé qui arrive là-bas, mais personne ne dit jamais rien du maïs avec lequel je dois faire concurrence, qui revient dans les parcs d'engraissement. Des millions de boisseaux de blé traversent la frontière chaque jour. Dès que nous commençons à approcher de notre plafond pour le blé, ils commencent à se plaindre. Même si nous en sommes encore loin, ils se plaignent.
Il y a environ trois semaines, mon frère a été bloqué par un barrage à un élévateur aux États-Unis. Il transportait jusqu'en Dakota du Nord du soja visé par un contrat. L'agriculteur au Manitoba avait passé un contrat avec un élévateur du Dakota du Nord. Mon frère y a transporté son chargement et était à l'élévateur en train de s'occuper de la paperasse lorsque deux agriculteurs sont arrivés et ont bloqué son camion. Ces types parlaient du grain canadien qui venait chez eux, et cetera. Le gérant de l'élévateur est sorti et leur a demandé de partir parce que mon frère avait un contrat. C'était une coopérative agricole, et ils étaient en train de se disputer. Le gérant de l'élévateur leur a dit que mon frère allait aller trois milles plus loin pour prendre un chargement de maïs puis rentrer chez lui. Il leur a dit de se réveiller et d'accepter que c'est cela, le commerce.
Mon attitude est que si la compagnie américaine qui transforme notre blé n'en veut pas de notre grain, nous ne pourrions pas le lui fournir. Or, ils le veulent notre grain, là-bas. Même si nous disions qu'il est gratuit, s'ils n'en voulaient pas, ils n'en prendraient pas.
Le président: Ce que vous dites est très probant. Ma ferme se trouve le long de la ligne Regina-Minneapolis. Un important volume de machinerie agricole John Deere, International et Case traverse la frontière. Des machines fabriquées aux États-Unis comptent pour 75 p. 100 de ce que dépensent les agriculteurs canadiens.
Pensez-vous que nos spécialistes commerciaux défendent l'agriculture comme il se doit lorsqu'ils négocient avec les Américains? Leur dit-on que la potasse qui arrive chez eux du Canada les aide à produire du grain? Elle leur est indispensable.
M. Cook: Il est très difficile de savoir si les gens qui négocient pour notre compte s'assoient vraiment et parlent de tout le maïs, de toute la potasse et de tout le matériel que nous achetons aux États-Unis. Par exemple, 87 p. 100 du blé dur qui va aux États-Unis revient sous forme de produits transformés. Dit-on ces choses aux négociateurs américains?
Il faudrait peut-être que les agriculteurs américains comprennent tout cela. L'agriculteur de l'Ouest du Canada comprend mieux la balance commerciale et tout le reste que son homologue américain.
Le président: Cependant, si vous soulignez cela, ils voient alors que c'est un problème. Nos ministres devraient peut-être avoir des réunions avec les agriculteurs dans le Dakota du Nord et la Saskatchewan, par exemple, pour discuter de certaines de ces questions, au lieu de créer des barrières à la frontière. C'est un problème très grave.
M. Cook: En effet. Notre association invite toujours la National Association of Wheat Growers, des États-Unis, à nos conférences, et nous assistons toujours aux siennes. Nous avons avec elle une très bonne relation. Elle commence à mieux comprendre notre situation, et nous commençons à mieux comprendre la sienne.
M. Earl: Je vous rappelle qu'il y a eu une réunion d'organisations agricoles américaines et canadiennes à Banff, et une autre avant cela dans l'Oregon ou dans le Montana, celle-ci organisée par la région économique du Pacifique et du Nord-Ouest. La conférence de Banff a découlé de celle-là, tout comme c'est le cas de la conférence prévue pour juin. Un certain nombre de résolutions conjointes en sont ressorties. Lorsque les agriculteurs se sont rencontrés, ils ont convenu qu'ils avaient beaucoup de choses en commun et qu'il existait des solutions communes à leurs problèmes. Des renseignements là-dessus sont disponibles, et je vous encouragerais à y jeter un coup d'oeil.
Le sénateur Whelan: J'aimerais commencer par revenir sur le tarif du Nid-de-Corbeau. Je suis certain que vous savez que les États-Unis font passer 50 p. 100 de leur grain par le Mississippi. Le gouvernement paie 100 p. 100 des coûts du dragage, qui est une grosse opération chaque année. Ils appellent cela «mesure de défense de la nation», et non pas «subvention». Ils ne pourraient pas utiliser leurs barges s'ils ne faisaient pas ce travail de dragage. Or, ils se plaignent tout le temps de notre tarif du Nid-de-Corbeau. Même dans l'Oregon, plus de 50 p. 100 du grain destiné au marché d'exportation est transporté par barge en passant par Seattle ou Portland. Le département américain de la Défense subventionne tout cela, mais pas l'agriculture, les transformateurs ou les producteurs. Étiez-vous au courant de cela?
M. Cook: Oui.
Le sénateur Whelan: Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que je m'amusais autrefois. Je suis en partie responsable de la fin de la «guerre froide». Cela nous a donné plus d'indépendance. Vous pouviez dire ce que vous vouliez tant que c'était constructif et que cela remettait en question ce qu'ils faisaient.
Vous dites que nous aurons une plus solide position de négociation en 1999 si nous formons une alliance avec les États-Unis d'Amérique au lieu de nous opposer à eux sur les questions importantes. Êtes-vous en train de me dire que nous devrions les suivre comme des robots et céder notre droit souverain d'avoir une opinion différente de celle des Américains?
Le sénateur Taylor: C'est ce que nous avons fait à l'OTAN.
Le sénateur Whelan: Êtes-vous en train de dire cela? Est-ce que c'est cela que vous avez appris à Banff et lors de ces autres réunions que vous avez eues? Je vais être dur avec vous. J'ai participé à de grosses réunions à Paris et partout dans le monde. Le ministre de l'Agriculture à Paris à l'époque est l'actuel président français. La France est l'un des plus gros pays producteurs agricoles au monde. Si nous pensions que la France avait raison, nous faisions équipe avec elle. Si nous pensions que les Américains avaient raison, nous faisions équipe avec eux. Si nous pensions que d'autres pays avaient raison, par exemple l'Australie et l'Argentine, nous faisions équipe avec eux. Nous étions indépendants. Vous êtes en train de recommander une alliance plutôt rigide.
M. Cook: Nous devrions envisager de travailler avec eux et de ne pas céder ce que nous avons. Nous devrions travailler avec eux et leur dire qu'il y a un terrain d'entente et que nous devrions collaborer pour obtenir des concessions de la part de l'Europe et d'autres pays. Certaines des questions qui nous occupent resteront à part, et il faudra sans doute qu'on se batte avec eux à leur sujet. Il y a des domaines dans lesquels il nous faut faire équipe parce que nous sommes signataires de l'ALENA. Dans le cas de certaines de ces questions, il nous faudra nous ranger de leur côté, et dans le cas d'autres questions, nous ne serons pas du même avis et devrons sans doute en discuter.
Le sénateur Whelan: Dans toutes mes relations avec les Américains et les agriculteurs américains -- et j'ai parlé avec diverses organisations agricoles de différentes régions des États-Unis --, je n'ai jamais trouvé que l'agriculteur américain moyen était très différent de l'agriculteur canadien moyen. Certains comprenaient la Commission canadienne du blé et la Commission canadienne du lait.
Nous avons eu des audiences sur la STbr et des producteurs des diverses régions des États-Unis sont venus comparaître, pour plaider pour ou contre la STbr. Ils ont presque tous dit qu'ils aimeraient bien avoir un système comme le nôtre, grâce auquel nous pouvons savoir chaque semaine ce que nous recevrons pour notre lait. Ce n'est pas le cas chez eux. Je doute que vos collègues producteurs laitiers puissent jamais les concurrencer eux, ou le système qu'ils ont. Il nous faudrait nous aussi consommer du lait contenant de la STbr.
Je crois fermement dans notre souveraineté. Avec l'OMC, des assemblées comme nos comités parlementaires n'auront que peu d'utilité, car elle va bientôt tout gérer. Il n'y aura plus qu'environ cinq compagnies dans le monde qui contrôleront 80 p. 100 des produits alimentaires.
Je suis certain que vous connaissez l'histoire de la Commission canadienne du blé -- qui l'a créée et pourquoi. Les Conservateurs l'ont créée à cause du système de commercialisation terriblement injuste qui existait. Il n'y avait aucun contrôle. Vous pouviez vous rendre à l'élévateur avec votre charrette tirée par vos chevaux et on les traitait comme Marie et Joseph. Au lieu de dire «il n'y a plus de place dans l'auberge», ils vous disaient «il n'y a plus de place dans le silo». Ils vous disaient de laisser le grain là et de revenir chercher votre charrette plus tard, une fois qu'elle aurait été vidée. C'était un système épouvantable. C'est alors qu'un gouvernement conservateur a mis en place le système céréalier canadien. C'était un merveilleux système -- l'un des meilleurs systèmes de classement au monde.
Monsieur le président, je me souviens d'avoir assisté à des réunions auxquelles j'apportais des échantillons de grain de chez nous. On nous montrait du grain que les Américains recevaient de la Communauté européenne. Comparativement à notre grain, c'était bon pour la poubelle.
Grâce à notre système d'inspection, on a pu dire que nos produits agricoles étaient les meilleurs, qu'il s'agisse de boeuf, de porc, de légumes en conserve ou d'autres choses. Nous avions le système d'inspection et de réglementation le plus sévère au monde. Les transformateurs américains ne pouvaient pas croire qu'il leur fallait satisfaire à des normes différentes au Canada.
Vous avez parlé des agriculteurs à la réunion à Banff. Est-ce que ce sont les participants à ces réunions qui vous ont donné cette idée au sujet de l'élimination des offices de commercialisation?
M. Cook: Non.
Le sénateur Whelan: Personne n'achète de blé à moins d'en avoir besoin, car le marché peut être instable. Avec l'utilisation de satellites, nous sommes aujourd'hui plus renseignés que jamais auparavant au sujet de la production. C'est pourquoi les bourses -- que j'appelle des casinos -- sont si bien renseignées au sujet du secteur agricole. Cependant, le producteur n'a pas cet avantage. Les marchés savent quand il n'y a pas eu de pluie et quand la terre est sèche. Ils savent en ce moment même si notre président, le sénateur Gustafson, devrait planter du blé ou du canola, mais ce dernier ne le sait pas. Pourquoi pense-t-on qu'on a voulu mettre en place un système de gestion de l'offre? Pourquoi l'article 11 a-t-il été inséré dans le GATT? C'était parce que le marché mondial était tout à fait chaotique. Si cela devait revenir, j'aimerais être là pour voir votre réaction.
Le sénateur Taylor: Vous avez dit que vous êtes en faveur du rapport Estey. J'ai reçu des appels de membres de votre organisation et de certains gros agriculteurs qui pensent que nous devrions maintenir le plafond car ils estiment que cela rassurera les gens. Aimeriez-vous qu'on supprime également le plafond?
M. Cook: Le plafond général pour l'Ouest du Canada se situe à un certain niveau, mais il nous faut un plafond variable pour les lignes secondaires et certaines autres lignes afin d'avoir des incitatifs. Les tarifs pour le transport de marchandises sur les lignes secondaires vont augmenter si nous ne pouvons pas transporter des chargements complets, tandis que les taux seront plus bas sur les lignes principales du fait du volume élevé.
Le sénateur Taylor: On peut dire donc que l'idée de plafonds régionaux vous plaît.
M. Cook: Pas le plafond général applicable à toutes les marchandises transportées.
M. Earl: Ce que dit M. Cook est vrai. Le problème avec le plafond actuel, avec la loi actuelle, est son manque de souplesse. Certaines parties tentent de masquer cela, mais le rapport Estey reconnaît la réalité du pouvoir du marché ferroviaire.
Le rapport Estey propose une série de moyens à prendre dans le contexte du pouvoir du marché ferroviaire. Premièrement, il y aurait l'adoption de la proposition de CP en matière de tarif, ce qui constitue en soit une forme de plafond et ce qui serait à mon avis tout aussi efficace que le plafond existant. CP a proposé un plafond applicable au revenu par opposition au tarif, et le juge Estey a accepté la proposition. Il a recommandé que cela soit intégré à la loi. CP et CN ne gagneraient pas plus sur le transport du grain que ce qu'elles gagnent à l'heure actuelle. Cela supprimait ce problème de manque de souplesse. Oui, certains tarifs augmenteraient, et d'autres baisseraient. Sur les tronçons moins efficients du réseau de lignes secondaires, les tarifs pourraient augmenter, mais il n'y aurait pas d'augmentation générale.
Une autre partie de la proposition était qu'il y ait un ratio fixe entre les tarifs pour les lignes principales et les tarifs pour les lignes secondaires. Même dans les cas où les tarifs augmenteraient, il y aurait une limite qui ne serait pas dépassée. Cela créerait un système plus souple dans le cadre duquel il y aurait plus de place pour la négociation et plus de place pour que les forces du marché jouent entre expéditeurs et transporteurs, ce qui favoriserait l'efficience dans le système. Nous sommes en faveur de cela.
Il est important de reconnaître que le rapport du juge Estey recommande de nombreuses mesures de protection et que celles-ci sont aussi efficaces et mieux adaptées à la réalité du marché que le plafond immuable que nous avons aujourd'hui sur les tarifs.
Le sénateur Taylor: Une part importante de notre commerce se fait dans le sens nord-sud et non pas est-ouest. Avez-vous une position quant aux routes ou aux autoroutes nationales? Le juge Estey s'est-il penché là-dessus?
M. Cook: Notre position est que si l'argent provenant des taxes sur le carburant sert exclusivement à l'entretien des routes, alors nous ne voyons aucun problème dans le cas des routes. Beaucoup de taxes sont perçues.
Le président: Je remercie les témoins qui ont comparu devant nous ce matin. Cette séance nous a beaucoup éclairés. Les membres du comité ne sont pas toujours du même avis que tous les témoins. Nous apprécions vos efforts ici ce matin.
La séance est levée.