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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 35 - Témoignages pour la séance du matin


OTTAWA, le lundi 3 mai 1999

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit ce jour à 9 h 13 pour étudier la situation actuelle et l'avenir de l'agriculture au Canada (hormone de croissance bovine recombinante, STbr, et ses effets sur la santé humaine et animale).

Le sénateur Eugene Whelan (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Honorables sénateurs, en mars, le comité de l'agriculture a déposé au Sénat son rapport provisoire. Nous avons abordé quantités de sujets dans cette étude, mais le comité a isolé une série de questions encore en suspens qu'il nous faut aborder.

Nous allons entendre aujourd'hui les scientifiques de Santé Canada qui ont mené jusqu'à présent l'évaluation ministérielle de la STbr. Ainsi que nous l'avions promis lors de leur dernière comparution, le comité souhaite faire le point des préoccupations exprimées par ces fonctionnaires concernant la gestion des différends scientifiques au sein de Santé Canada, et des conséquences éventuelles pour leur propre carrière de leur comparution devant notre comité.

Nous entendrons ensuite des représentants de divers groupements d'intérêt qui continuent de nourrir des préoccupations à l'égard de la STbr, en dépit de la décision de Santé Canada de lui refuser l'homologation, en raison de ses effets sur la santé des vaches laitières.

Nos premiers témoins de la matinée sont donc M. Chopra, Mme Haydon, M. Lambert, Mme Mueller et M. Hindle. Vous avez la parole.

M. Steve Hindle, président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis ici pour présenter M. Chopra, Mme Mueller, Mme Haydon et M. Lambert et faire savoir que l'Institut professionnel continue à être préoccupé par la gestion des affaires scientifiques dans la fonction publique. C'est pourquoi nous continuons d'appuyer nos scientifiques lorsqu'ils estiment devoir informer le public d'irrégularités survenant dans un ministère donné.

Monsieur le président, nous sommes heureux que vous et votre comité continuiez à vous intéresser à la gestion des sciences au sein de Santé Canada, et en particulier aux effets de médicaments sur la santé tant des animaux que des humains.

Les scientifiques sont ici pour expliquer certains des documents additionnels qu'ils ont transmis à votre comité. J'ajoute que l'Institut maintient son appui solide à l'action de ces scientifiques dans leur vie professionnelle, de même qu'à leurs efforts visant à susciter un débat public approprié sur la gestion des sciences au sein de Santé Canada.

M. Shiv Chopra, Santé Canada: Honorables sénateurs, la dernière fois que nous avons comparu à ce comité, nous avons traité, à votre demande, du sujet de la STbr et soulevé d'autres questions intéressant d'autres médicaments et la gestion générale des affaires scientifiques à Santé Canada. Après nous, des représentants de Santé Canada et le sous-ministre de la Santé, M. David Dodge, ont comparu pour traiter de ces mêmes questions. Depuis lors, vous avez reçu, nous a-t-on dit, une lettre de M. Dodge dans laquelle il dit se pencher plus avant sur la question et qu'il présentera un rapport. Notre intention est de passer en revue cette lettre. Cela facilitera le processus et nous fera économiser beaucoup de temps.

M. Dodge, dans sa lettre au président de ce comité, le sénateur Gustafson, en date du 18 février, traite de l'innocuité de la STbr pour la santé humaine et animale. Il y indique que le médicament a fait l'objet d'un avis de non-conformité en raison des risques pour la santé des vaches signalés par le comité d'évaluation de la santé animale. Toutefois, il ajoute que le comité d'évaluation de la santé humaine, présidé par le Dr MacLeod, n'a pas établi de risque pour la santé humaine.

Le Dr MacLeod a comparu devant vous le 26 avril 1999 confirmant que, à son avis, il n'existe pas de risque pour la santé humaine.

Vous vous souviendrez, monsieur le président, que j'avais moi-même comparu devant ce même comité et exprimé de sérieuses réserves, dont je traiterai plus en détail aujourd'hui.

M. Dodge aborde d'autres aspects encore. Il parle du déchiquetage de documents, ainsi que de l'audience tenue par la CRTFP sur nos griefs et plaintes, dossiers défendus par l'IPFP et dont notre président a fait état il y a quelques instants. M. Dodge prétend que la plainte a été rejetée, ce qui impliquerait qu'elle n'était pas fondée. Ce dossier serait donc clos, selon lui.

Pour ce qui est du déchiquetage de documents, il a dit que le ministère a été entièrement exonéré, ce qui signifierait que la plainte n'était pas fondée.

M. Dodge poursuit en parlant de l'avenir et de ses projets pour renforcer le Bureau des médicaments vétérinaires. Il fait état de problèmes ayant commencé au début des années 90, tels que l'arriéré accumulé et le comportement des scientifiques, et cetera.

Nous aimerions revenir sur ces aspects. M. Dodge a également joint à sa lettre un document intitulé «Le renforcement du Bureau des médicaments vétérinaires: Un rapport et un plan d'action». Ce document nous a été communiqué, comme il l'indique, par le sous-ministre adjoint, M. Losos.

Ce document mentionne que les problèmes au Bureau des médicaments vétérinaires ont commencé au début des années 90. Il explique la nature de ses problèmes et fait état de sérieuses divergences d'opinions, de difficultés de gestion et cetera. J'aimerais traiter de cet aspect immédiatement. Ces avis sont fondés sur un rapport, connu sous le nom de rapport Gagnon, qui examinait l'ensemble du processus d'homolagation des médicaments et se penchait sur l'avenir.

On y mentionne la question de l'innocuité des médicaments. J'ai avec moi un document, qui a été publié probablement en 1993 bien qu'il soit daté de 1991-1992. Dans l'une des pages, on parle de passer à une évaluation globale des médicaments sur la base du risque. On y décrit comment nous allons évaluer les médicaments et produits à l'avenir, avec des méthodes d'analyse affinées des avantages et risques et que les médicaments seront homologués à l'avenir sur la base du risque. La classification des médicaments dont l'homologation est demandée sera fondée sur une évaluation du degré de risque.

Il en ressort que l'on prendra dorénavant davantage de risques. Toutefois, nul ne nous en a jamais fait part. Ainsi, avant toute modification de la loi et du règlement, ils ont déjà mis en place des politiques disant que les évaluations seront effectuées de cette manière.

Pour cela, toute une série de nominations aux postes supérieurs de la hiérarchie, au-dessus de nous, ont été effectuées. Ces personnes parlaient de la façon dont nous devions nous gérer nous-mêmes. En substance, cette gestion était à l'origine des problèmes survenus dans les années 90 et isolés dans le rapport Gagnon.

On a fait venir du Conseil du Trésor un sous-ministre spécial dont la tâche était d'élaborer ce que l'on appelait une stratégie pharmaceutique nationale pour le Canada. Cette personne est maintenant le directeur général de la Direction des médicaments, qui s'appelle maintenant Direction des produits thérapeutiques.

Jusqu'à aujourd'hui, nul ne nous a encore dit que ce que nous faisions par le passé ou faisons aujourd'hui pour évaluer les médicaments et l'innocuité ne convient pas et pourquoi il faudrait changer. Nul n'a jamais rien dit de tel.

Nous sommes des anciens. Nous travaillons dans ce système depuis longtemps. Nous ne pouvions que considérer que nous faisions notre travail comme on nous demandait de le faire. Chaque fois que nous formulons une recommandation, nous devenons les méchants. Tout d'un coup, on nous dit que ce n'est pas la bonne façon. Voilà la raison du conflit.

Au Bureau des médicaments vétérinaires, nous avons vu défiler depuis 1990 10 directeurs et directeurs suppléants différents. Notre nouveau directeur est M. Lachance.

M. Ritter comparaîtra devant vous plus tard dans la journée. Il a également été directeur du Bureau des médicaments vétérinaires. On l'a nommé directeur du bureau, bien qu'il n'était pas vétérinaire. Il a occupé ce poste pendant plusieurs années. Vous voudrez peut-être lui demander quels étaient ses antécédents en dehors du bureau. Toutefois, ce qu'il a fait à l'intérieur du bureau mérite une enquête judiciaire. Il y a eu une conspiration contre nous, et contre moi personnellement. Un certain nombre de choses ont été faites qui méritent une enquête. Cette situation a fait l'objet d'audiences judiciaires, et cetera. Ce dont je vous parle n'est donc pas tiré de mon souvenir et de mon imagination. Ce sont des documents judiciaires dont je parle.

Lorsqu'un directeur s'en allait, on nommait en suppléance soit un chef soit un directeur général.

Le directeur suivant, que l'on a fait venir d'Agriculture Canada, était M. Timothy Scott. C'est sous M. Scott que l'une des études externes de Price Waterhouse a été menée. Il y avait des pressions de la part des compagnies, qui disaient que le ministère était en désarroi et qu'il fallait un changement d'orientation et beaucoup d'autres choses telles que le passage au recouvrement des coûts et un autre directeur. On a donc fait venir M. Timothy Scott. Celui-ci était, si je puis employer cette expression, un fantôme perpétuel dans le département. Il n'était jamais là. Dès son arrivée, il s'est mis en congé de maladie, et cela a continué ainsi pendant deux ans. Finalement, même lorsqu'il venait travailler, ce n'était plus en tant que directeur mais comme conseiller spécial du directeur général, M. Paterson, qui lui-même a été notre directeur suppléant pendant de nombreux mois. Dans les intervalles, il y a eu MM. Landry et Yong qui, pendant quatre mois chacun, ont été directeurs suppléants. Pendant cette période, les difficultés sont allées grandissant. Des pressions s'exerçaient pour nous faire homologuer des médicaments -- pas seulement la STbr, mais aussi des antibiotiques et d'autres hormones. Il y avait des problèmes sérieux avec des hormones pouvant donner le cancer, et maintenant une étude en Europe a confirmé que, oui, l'une des hormones, une hormone bovine, est reconnue comme cancérigène. C'était dans le Ottawa Citizen de dimanche. Après ces péripéties, une autre évaluation a été faite. Il s'agit du rapport de KPMG, qui ne tenait pas debout. Les gens n'y ont pas participé. C'était un rapport artificiel, qui encore une fois nous qualifiait de fauteurs de troubles ou impliquait que nous étions des fauteurs de trouble, et disait qu'il fallait y porter remède.

Enfin, on a fait venir le directeur le plus récent, M. Lachance, d'Agriculture Canada, le 1er avril 1998. La première chose que nous avons demandé est si M. Lachance était vétérinaire. Non, il ne l'était pas, Avait-il une expérience de l'évaluation des médicaments? Non, il n'en avait pas. Il était administrateur, mais sa formation était en chimie des métaux.

Lorsque le directeur général est venu nous le présenter, nous avons demandé «Avez-vous suivi une procédure particulière de nomination? Êtes-vous passé par la Commission de la fonction publique?» On nous a répondu non, qu'il s'agissait d'une simple mutation, pour remplacer M. Scott.

M. Lachance s'est levé, nous a regardés et a dit: «Voici mes qualifications. Je suis chimiste. Je suis administrateur depuis de nombreuses années. Je vois qu'environ 60 p. 100 d'entre vous êtes des minorités visibles. J'aime les minorités visibles». Le contexte de cela est que le ministère a été condamné en tribunal pour racisme caractérisé contre ce que l'on appelle les minorités visibles, et j'étais la personne derrière cela depuis 1990. Le Tribunal des droits de la personne a ordonné au ministère d'apporter des changements. M. Lachance faisait probablement allusion à l'une de ces situations.

Ensuite, il y a eu d'autres problèmes. L'un de nos collègues a été verbalement agressé par M. Young et a déposé un grief. Lors de l'audition du grief, en présence de tout le monde, un délégué syndical a demandé à M. Lachance pourquoi ce genre de chose se passait au Bureau des médicaments vétérinaires, et M. Lachance a répondu: «Il y a ici une trop grande mentalité de minorités visibles».

N'oubliez pas, c'est le même M. Lachance qui nous a ordonné de modifier le rapport sur l'analyse des écarts. C'est le même M. Lachance qui nous a intimé le silence, à moi-même et à M. Haydon. C'est le même M. Lachance qui a maintenant déposé un affidavit parce que nous avons saisi la Cour fédérale pour contester cet ordre de silence parce que nous estimons que, en tant que citoyens, nous avons comme tout un chacun le droit garanti par la Charte de parler de sécurité alimentaire. Nous sommes peut-être mieux informés, mais nous sommes tout de même des citoyens du pays. En outre, en tant que fonctionnaires experts couverts par la Loi sur la gestion des finances publiques, nous estimons avoir l'obligation de dire la vérité lorsque le ministère refuse d'agir.

Voilà les sujets que M. Dodge évoque dans sa lettre, nous accusant de «comportement non professionnel». Je ne sais pas ce qu'il veut dire par là.

Il parle de dossiers en souffrance. Permettez-moi de dire un mot à ce sujet. Le rapport Gagnon a qualifié le Bureau des médicaments vétérinaires de bureau modèle, le meilleur de toute la direction. Néanmoins, il a dit que les médicaments vétérinaires étaient différents des médicaments destinés aux humains et qu'il fallait nous transférer. On nous a donc transférés de la Direction des médicaments à la Direction des aliments. C'est là où les problèmes ont commencé. Il n'y avait pas d'arriéré, pas de problème. Cet arriéré est factice, il a été fabriqué. Les compagnies disent qu'il y a un arriéré. Elles font exprès de causer des retards et ensuite elles font écrire des lettres à leurs avocats disant que, puisqu'une demande d'homologation est en souffrance depuis x temps, il faut l'agréer. Voilà comment les médicaments ont été homologués.

Il y a eu quelques omissions très graves au sujet de médicaments comme les hormones bovines -- et M. Haydon en parlera -- où nous avons établi des conséquences très néfastes sur le bétail auquel on administre les hormones bovines. J'étais chef suppléant de cette division à l'époque et j'ai soumis l'affaire à M. Landry, qui était directeur suppléant. Je lui ai dit: «Voici ce que nous observons. Il y a des problèmes sérieux. Les utérus de ces génisses sont hypertrophiés. Le thymus est atrophié». Le thymus est la glande qui contrôle tout le système immunologique. C'est révélateur. Lorsque j'ai expliqué cela à M. Landry, il a répondu: «Et alors? Les bêtes seront abattues». J'ai dit: «Pour l'amour du ciel, des gens vont les manger».

Voilà le genre de choses qu'il qualifie d'exemples de comportement non professionnel de notre part, plutôt que de la part du ministère.

Dans le même document, ils disent que dorénavant il y aura un comité consultatif permanent d'experts en science réglementaire vétérinaire flanquant le BMV. Il est probablement déjà en place. Autrement dit, que nous disions oui ou non, ils vont s'adresser à ce comité et faire homologuer les médicaments. Il y aura des panels d'experts. Nous en avons déjà eu deux pour la STbr. J'aimerais dire quelques mots au sujet de ces deux comités d'évaluation.

Premièrement, le comité de la santé humaine, qui a comparu ici la semaine dernière, a rencontré les représentants du ministère le 20 juillet 1998. J'ai sous les yeux -- et vous en avez tous des copies -- l'ordre du jour de la réunion. Y étaient présents M. MacLeod, M. Paterson, M. Lachance, M. Joel Weiner et quelques autres de l'extérieur dont je ne reconnais pas les noms. Ce sont probablement des membres du groupe consultatif. Le tour d'horizon de la documentation scientifique a été effectué par M. Yong. M. Pollak n'était pas présent mais a participé par téléconférence.

Vous avez demandé, monsieur le président, pourquoi M. MacLeod et son comité ne se sont pas réunis avec nous. Il a dit qu'ils ont choisi de ne pas le faire. Je pense plutôt qu'on les a empêchés de nous rencontrer, car un contrat est annexé à l'ordre du jour. Ce contrat dit que Santé Canada fournira en temps voulu les données scientifiques, sur demande du président du groupe. Il dit également que Santé Canada engagera à contrat un chargé de recherche qui travaillera sous la supervision directe du président du comité. Ce chargé de recherche est l'étudiant de deuxième cycle qui a rédigé le rapport du groupe d'experts externes.

Si le président ou tout membre du groupe souhaite utiliser ou se référer à toute partie du rapport sur l'innocuité pour l'homme du Nutrilac, l'autorisation préalable de Santé Canada est nécessaire. Le contrat précise que l'autorisation de Santé Canada est nécessaire pour citer le rapport, obtenir le rapport ou nous rencontrer. Bien entendu, nous n'avons pas été autorisés à les rencontrer. Pourtant, le procès-verbal montre que M. Paterson nous a demandé, lorsque nous lui avons remis notre rapport final, si nous accepterions de rencontrer les experts externes. Nous avons répondu «oui». Cette réunion s'est tenue en secret et nous n'avons eu aucun renseignement.

Ce contrat était rédigé et déjà signé le 17 février. Le nom de l'avocat du ministère était M. Weldon Newton. On l'a fait venir expressément pour rédiger ce contrat, car il avait déjà pris sa retraite.

J'aimerais maintenant passer à la lettre que j'ai mentionnée lors de la réunion de la semaine dernière, en présence de M. MacLeod. C'est une lettre qu'il a adressée au Dr Rod MacRae, coordonnateur des services communautaires, Santé publique, Conseil de la politique alimentaire de Toronto. Cette lettre est assez parlante. Premièrement, M. MacLeod écrit:

Nous avons également contacté une série d'organisations scientifiques canadiennes portant un intérêt à la biologie et à la médecine pour leur demander de nous transmettre des renseignements scientifiques sur le sujet que nous étudions.

Vous vous souviendrez que j'ai demandé à M. MacLeod: «Quelles autres organisations scientifiques avez-vous contacté et quels renseignements avez-vous reçus concernant le Nutrilac ou la STbr?» Il n'a pas répondu à cette question. Vous pourriez peut-être la lui reposer.

Il écrit ensuite:

[...] notre mandat ne couvre pas l'examen des règles régissant l'industrie laitière.

Je lui ai demandé s'il savait que la Loi sur les aliments et drogues exige que les considérations de sécurité humaine soient appliquées à l'industrie laitière. Manifestement, M. MacLeod ne connaissait pas cet aspect de la Loi sur les aliments et drogues. Il a dit que cela ne faisait pas partie de son mandat, mais de celui du deuxième groupe d'experts. J'ai insisté, expliquant que le deuxième groupe n'a pas pour mandat la santé des vaches. Le deuxième groupe, ou le travail que nous faisons sur la sécurité animale à Santé Canada, vise la sécurité humaine. Il peut être important pour les agriculteurs de protéger la santé des vaches, mais ce n'est pas la préoccupation du ministère de la Santé. Cet aspect relève d'Agriculture Canada.

Les évaluations d'efficacité du médicament, de la sécurité pour l'animal, la toxicologie, et cetera, tout cela est destiné à vérifier l'innocuité pour l'homme, pas l'animal. Cela dépassait complètement l'entendement du panel médical.

Le Dr MacLeod écrit ensuite:

Nous avons reçu copie de l'analyse des écarts en juillet et elle fera partie de notre examen. La version remise à notre comité a été éditée de façon à en supprimer les références personnelles, mais à ma connaissance elle contient les données scientifiques complètes.

Je souligne la restriction: «à ma connaissance». Il ne lui est pas venu à l'idée de faire un appel téléphonique et demander: «Est-ce qu'elle contient toutes les données? Avez-vous des réserves?»

Pour un scientifique, ou même n'importe qui, il importe de poser ce genre de question et de faire un travail méticuleux. Si quelqu'un me confie une tâche, je dois la remplir de mon mieux, selon les normes de ma profession. À mon avis, ce panel de la sécurité humaine, composé de médecins censés adhérer à l'éthique médicale, n'a pas fait son travail.

Après la comparution de M. Dodge à ce comité, il y a eu d'autres problèmes, d'autres hormones, d'autres antibiotiques, et cetera, qui ont été mentionnés en passant. Le 11 janvier, un avis général a été envoyé à notre service d'archives par M. Lachance, dressant nommément une liste de 10 ou 12 dossiers. Je vous le lis:

Veuillez noter qu'à compter de ce jour, 11 janvier 1999, les dossiers suivants ne peuvent être retirés par quiconque sans mon autorisation.

STbr; STpr; Revalor-H; Revalor-S; Synoflex; Composants E-H; Composants E-S; Composants E-C; NDS Baytril; Baytril 100 [...]

Et la liste se poursuit. Il y a toute une série de médicaments. M. Lachance ajoute: «Si quiconque a des questions ou exprime des préoccupations à cet égard, veuillez référer à mon bureau la personne pour que je donne les suites voulues».

Nous ne savions pas ce que cela signifie. Un journaliste a voulu se renseigner et connaître la raison d'une telle lettre ouverte. Cet avis était affiché à la porte d'entrée du service des archives. Nous pouvons entrer dans le bureau, mais l'accès à tous ces dossiers est maintenant interdit. Si nous travaillons sur l'un quelconque de ces dossiers, nous devons en demander la communication à M. Lachance et justifier notre travail.

Nous supposons qu'un contrat a été rédigé aux fins de l'enquête que M. Dodge a commandée, car il avait promis ici qu'il irait au fond des choses. Il a dit que c'était une situation extraordinaire et qu'il voulait aller au fond des choses. Il a promis de vous tenir au courant. Il l'a fait, mais voici le contrat qui a été signé.

Il est signé au nom de Sa Majesté par M. Paterson et le représentant du bureau, M. Lachance. Vous remarquerez que ces deux messieurs ont signé ce contrat le 2 février 1998. La personne à qui le contrat est adjugé le signe le 9 février 1999. Il y a là quelque chose qui ne va pas. Soit le contrat est resté en souffrance pendant un an en attendant d'être signé, soit il a été antidaté. M. Lachance l'a signé le 2 février 1998 mais il n'a pas commencé à travailler au bureau avant le 1er avril 1998. Par conséquent, il a signé le contrat avant d'occuper le poste.

M. Dodge parle du CRTFP et du fait que la plainte a été rejetée. Il dit que lorsqu'il y a des divergences de vues, la CRTFP est là pour rendre un jugement équitable. C'est exactement ce que nous espérions lorsque nous avons saisi la CRTFP. Malheureusement, le président de celle-ci s'est déclaré incompétent. Il a également indiqué que des problèmes graves se posent qu'il convient de résoudre, mais qu'il n'a pas pouvoir aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique d'intervenir. Si nous avions été congédiés ou avions subi un préjudice contraire à la convention collective, il aurait pu entendre l'affaire. Néanmoins, il a fait cette observation.

À partir de là, M. Dodge essaie de vous donner l'impression que la plainte a été rejetée comme n'étant pas fondée. C'est faux. Je précise que tout le dossier qui a été déposé à la CRTFP a été communiqué aux médias non pas par nous mais par la Commission. Les médias depuis nous appellent pour nous demander des précisions que nous n'avons pas le droit de donner.

Le contrat dont j'ai parlé a été obtenu par une demande d'accès à l'information par David McKay, de la Radio CBC. Les documents de la CRTFP ont été obtenus par M. Bruno Bonamigo, de la télévision de Radio-Canada/CBC.

Ces personnes m'ont envoyé par fax des copies des documents concernés. Elles nous demandent nos avis, mais nous ne pouvons les donner car nous sommes tenus au silence. Nous pourrions être congédiés autrement.

M. Lachance a maintenant déposé un affidavit à la Cour fédérale pour défendre son ordre de garder le silence et sa réprimande. La réprimande disait que je n'étais pas autorisé à assister à une réunion, tenue à 19 h 30, au YMCA sur le sujet des aliments génétiquement modifiés. L'argument qu'il emploie est que rien de ce que je dirais ne serait au nom de Santé Canada. Toutefois, étant un fonctionnaire connu de Santé Canada, je pourrais être placé dans une situation inconfortable où mes propos seraient considérés comme tels. Je n'admets pas, en tant que citoyen, que je ne puisse prendre part au YMCA à une réunion publique. C'est comme si l'on m'empêchait d'aller dîner chez un ami et d'y parler de mon travail et de mes préoccupations. C'est contraire à la Charte des droits, qui s'applique à moi en tant que citoyen canadien.

Dans son affidavit, M. Lachance déclare également qu'il a toujours considéré le rapport sur la STbr comme provisoire. Il considère peut-être que c'est un rapport provisoire, mais M. Paterson l'a appelé rapport final. Ce rapport final a maintenant été adressé à la FDA. Il fait l'objet d'une enquête du secrétaire Shalala. Il a été salué dans toute l'Europe. Il est le seul rapport, le facteur clé, qui a fini par casser les reins de la STbr, pour des raisons de sécurité humaine.

M. Lachance dit que c'était simplement un rapport provisoire et nous a donné l'ordre, par écrit, de le modifier. Il s'agit là du rapport qui a été expurgé et non communiqué en totalité au panel médical. Ce dernier a choisi de ne pas se renseigner plus avant et de ne parler à aucun des auteurs. C'est cela que nous contestons ici.

M. Dodge et M. Lachance, à une autre occasion, ont également parlé des qualifications de nos supérieurs hiérarchiques à Santé Canada. Ils prétendent que les autorités qui nous supervisent sont également des scientifiques. C'est un mensonge grossier. Il n'y a pas un seul vétérinaire au ministère au-dessus de nous.

M. Lachance est un chimiste métallurgiste. M. Paterson est un chimiste. Le Dr Losos est médecin et épidémiologiste, mais il ne connaît rien de la pratique ou de la médecine vétérinaires ni des problèmes de toxicologie et de gestion des résidus.

Le Dr Losos n'a pas répondu à vos questions la dernière fois, monsieur le président, lorsque vous lui avez demandé s'il avait rencontré M. Chopra et si M. Chopra ment. En ne répondant pas, il a laissé planer l'impression que je mens. C'est tout le contraire. Je n'ai pas menti. Je témoignais alors sous serment et je me considère toujours tenu par le même serment aujourd'hui. Je dis la vérité.

Le Dr Losos était assis dans le bureau d'à-côté. Il en est sorti et est venu nous voir lorsque nous avons présenté le rapport final de l'analyse des écarts. Il n'a pas abordé son contenu alors ni par la suite. Il dit que je ne suis pas entré en contact avec lui, mais ce n'est pas à moi de le relancer. Il est le chef. C'est à lui de m'appeler. Il a reçu mon rapport. Je n'ai pas à le poursuivre. C'est son rôle de prendre connaissance du rapport. Il ne l'a pas fait, et personne d'autre ne nous en a jamais parlé.

M. Dodge est nouveau dans le ministère, mais il n'a jamais cherché à se renseigner auprès d'aucun de nous.

Le président de l'IPFPC a cherché à rencontrer le ministre. Il n'a pas été reçu. Notre président a écrit au premier ministre. Cette lettre est restée sans réponse.

Voilà la terrible situation de fonctionnaires canadiens du ministère de la Santé qui s'occupent de la santé des Canadiens, lesquels mangent des aliments produits par des animaux auxquels on administre des médicaments, des antibiotiques et des hormones dangereux.

Dans la documentation, nous avons dressé une liste de nos supérieurs hiérarchiques en indiquant leurs qualifications. Un ministre, évidemment, est un politicien et peut venir d'horizons divers. Le nôtre se trouve être un avocat, venant de Justice Canada.

M. David Dodge vient du ministère des Finances. Il est économiste.

M. Alan Nymark, sous-ministre adjoint, est également économiste. Il vient d'Industrie Canada.

Joel Weiner est le directeur général et il n'a pas d'antécédents scientifiques, mais peut-être dans les médias. On nous dit qu'il a jadis travaillé pour CJOH. Il vient d'Industrie Canada.

Nous avons déjà évoqué le Dr Losos. Il est compétent en épidémiologie, pas en évaluation des médicaments. Le sous-ministre adjoint précédent, celui qu'il remplace, était un général à la retraite.

Ian Shugart a comparu ici. Il est économiste. Il vient d'Industrie Canada. C'est lui qui est en charge de notre transition vers l'avenir.

M. Dan Michols a étudié l'histoire de l'art et la gestion d'entreprise. Il nous vient des Musées nationaux du Canada. Il est maintenant directeur général des Produits thérapeutiques. C'est lui qui a rédigé la stratégie pharmaceutique nationale pour le Canada.

George Paterson, docteur en chimie, vient d'Agriculture Canada. Il n'avait jamais travaillé auparavant pour Santé Canada.

Ensuite, il y a M. Lachance, métallurgiste, venant d'Agriculture Canada, qui remplace l'ancien directeur Len Ritter, qui n'avait pas non plus d'expérience de l'évaluation des drogues ni de la médecine vétérinaire.

Le chef de la Division de l'innocuité pour les humains, Man Sen Yong, docteur en pharmacie, n'est pas un vétérinaire. Il était anciennement professeur d'université.

J'ai parlé de Ian Shugart. L'an dernier, un séminaire a été organisé au Canada par le ministère de la Santé sur la résistance aux antibiotiques. C'est un problème qui fait trembler le monde entier. La résistance aux antibiotiques provient des animaux d'élevage et retentit sur la santé humaine. Des gens meurent des infections qu'ils attrapent dans les hôpitaux. Cela est dû à l'utilisation subthérapeutique d'antibiotiques dans les exploitations agricoles. Ce séminaire a été inauguré par M. Shugart. On lui donne ici le titre de docteur Shugart. Je ne sais pas pourquoi le Dr Losos, le véritable SMA, n'était pas là, mais le SMA en visite, M. Shugart, a inauguré ce séminaire.

Nous avons ici un article de journal disant que l'ancienne présidente de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, Judy Erola, a siégé au jury de sélection de responsables de Santé Canada. L'un de ces directeurs est Mary Carmen-Kasparek, qui rédige aujourd'hui le nouveau règlement concernant les herbes médicinales. Le ministère a fermé ce domaine mais il y revient. M. Ritter était le numéro deux à ce même jury de sélection, mais il a été muté. Il a été nommé directeur du Bureau des médicaments vétérinaires après cela.

J'ai parlé avec M. Scott. Il a pris sa retraite, contre une sorte d'indemnité. Quelqu'un devrait se pencher là-dessus.

Tout ceci, honorables sénateurs, mérite une enquête judiciaire comme nous le demandons depuis le début. Lorsque nous avons demandé cela, on nous a traités comme des lépreux. «Ne parlez pas à ces gens. Isolez-les. Faites ce qu'il faut».

Certains d'entre nous sont des minorités visibles. Je vous renvoie à une déclaration faite par un ancien sous-ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé, le Dr Liston. Il parlait de toutes les minorités visibles, et de moi en particulier, car j'étais celui qui se plaignait du racisme à Santé Canada. Il disait que je me fais des ennemis, que je ne pourrais pas devenir administrateur et que pour cette raison on ne me laissait pas poser ma candidature à des postes. Il a parlé ensuite en termes généraux de toutes les minorités visibles, qui manqueraient de certaines aptitudes telles que la communication, la persuasion et la négociation. Très souvent, disait-il, la culture du pays d'origine ne favorise pas ces aptitudes, si bien que les employés de culture différente sont défavorisés. Nous travaillons ici à la manière nord-américaine -- selon le modèle du compromis qui est très étranger à certaines cultures. En raison de notre origine culturelle, nous devrions apprendre à mieux communiquer ou adopter un style moins autoritaire. Ce n'est pas un problème de race, mais un problème de culture. Voilà ce qu'écrit le sous-ministre adjoint de la Santé. C'est un document déposé en tribunal, monsieur le président.

Je suis encore en procès. Cela fait dix ans que je me bats là-dessus au sein du ministère et ce n'est pas fini. Les audiences du tribunal commenceront le 17. On a dépensé des millions de dollars de fonds publics pour me contrer, sur cette question de racisme et d'autres problèmes au sein du ministère. Je n'arrive à rien. Je suis toujours là.

Là-dessus, monsieur le président, je vais conclure mon intervention. Mes collègues auront quelques mots à ajouter.

Mme Margaret Haydon, Santé Canada: Honorables sénateurs, M. Chopra a évoqué brièvement l'hormone Revalor-H. Elle a également été un sujet de discussion lors des audiences de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l'an dernier. Ma préoccupation à cet égard intéresse la santé des humains. C'est l'un des implants d'hormone de croissance que l'on administre au bétail des parcs d'engraissement.

Le rapport à son sujet est probablement le plus exhaustif de toutes les hormones de croissance qui ont été homologuées au Canada. Par exemple, dans les trois études européennes que j'ai examinées, on a remarqué une diminution très évidente et importante, liée au dosage, du poids du thymus chez les jeunes veaux auxquels cette hormone est administrée. Il s'agit d'une combinaison d'estradiol et d'acétate de trenbolone. On a comparé les bêtes non traitées avec celles traitées avec une dose de cette hormone qui est très similaire à celle qui a été approuvée au Canada et utilisée dans diverses études. Les doses ont parfois été multipliées par dix, parfois jusqu'à 40. Dans les deux autres études, les doses étaient portées à trois et cinq fois la dose agréée au Canada. Dans tous les cas, dans les trois études, les résultats étaient cohérents. Il y avait une diminution très notable et évidente du poids du thymus.

Ma préoccupation dans ce cas particulier est que le thymus est très important chez les jeunes animaux et les enfants, sur le plan de la maturation du système immunitaire. Si le thymus se développe mal, cela compromet probablement la réponse immunitaire et la capacité à combattre l'infection.

Pendant mon travail sur cette demande d'homologation, M. Chopra et M. Lambert se sont succédé comme chefs suppléants et j'ai porté le problème à leur attention. Ni moi-même, ni l'autre évaluateur ni les deux chefs suppléants n'ont voulu recommander l'homologation de cette drogue. Le ministère est passé outre et ce produit est maintenant sur le marché canadien.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous répéter le nom du médicament?

Mme Haydon: C'est le Revelor-H.

Un autre effet produit chez les veaux de sexe féminin est une augmentation très sensible du poids de l'utérus. Outre cette hypertrophie, le lumen de ces utérus contenait du liquide. Nous parlons là de veaux très jeunes. Les études commençaient avec des veaux de 120 kilogrammes. Ce sont donc des bébés, en équivalent humain. Donc, il se produit chez ces bébés vaches une augmentation de la sécrétion glandulaire, dont le poids dans certains cas atteignait trois fois celui de l'organe. Un autre terme pour décrire ce phénomène serait puberté précoce.

Il y avait également une diminution du poids des ovaires et une prolifération de tissu mammaire dans les pis prépubères de ces génisses. Cela n'est pas normal et est inattendu chez de très jeunes veaux.

Cela m'inquiétait beaucoup. Je suis tombée sur des oreilles sourdes et le ministère a néanmoins approuvé ce produit.

Ce médicament a un homologue, le Revalor-S, qui avait été approuvé antérieurement pour emploi chez les bouvillons. Ce sont des veaux mâles châtrés. L'une des études européennes portait également sur les jeunes bouvillons. Une observation très notable dans cette étude était une réduction sensible du poids du thymus. Les prostates étaient également énormément hypertrophiées.

Là encore, nous parlons de jeunes veaux. Chez les mâles, l'étude commençait à 190 kilogrammes. Ils n'étaient pas très gros ni très vieux. Il y avait une augmentation sensible du poids de la prostate et également des glandes sexuelles secondaires, les vésicules séminales. Ce sont des veaux dont les testicules avaient été coupés. Ils étaient châtrés. Pourquoi présentaient-ils des augmentations de taille si énorme des organes sexuels secondaires? Ce n'est absolument pas normal.

Voilà mes principales observations et commentaires concernant ce médicament.

M. Gérard Lambert, Santé Canada: Honorables sénateurs, on nous dit que l'usage de la STb ne pose pas de danger pour l'homme, mais je pense que le problème est que l'étude disant que la STb n'est pas absorbée a été incorrectement décrite. En outre, il y a un autre problème avec le FCI-1, en ce sens que cette étude non plus n'a pas été bien communiquée.

Bien que Santé Canada dise que l'emploi de la STb ne pose pas de danger pour la santé humaine, si l'on regarde de près les données originales, telles que présentées en 1990, certaines montrent que le FCI-1 est absorbé par les rats lorsqu'il est administré oralement.

Le FCI-1 a des effets sur les animaux. Dans cette étude, de fortes doses ont entraîné une prise de poids, une augmentation de poids du foie et de la longueur des tibias, tous phénomènes liés à l'absorption de FCI-1. Toutefois, ils ont négligé cet effet parce que le FCI-1 n'a pas été détecté dans le sérum de ces rats. La dernière fois que j'ai témoigné, le 22 octobre 1998, j'ai mentionné que la méthode utilisée pour détecter le FCI-1 dans le sérum n'était pas adéquate, mais que nous pouvons démontrer certains effets en ce sens que l'augmentation de poids démontre que le FCI-1 a été absorbé.

La semaine dernière, le panel sur la santé humaine a dit ne pas avoir signalé cela et jusqu'à présent, dans le dossier sur la STbr, aucun document ne décrit en totalité l'étude soumise en 1990 qui montrait que le FCI-1 était absorbé par voie orale. C'est parce que l'examen n'a pas été effectué correctement et, même si nous nous en plaignons, jusqu'à aujourd'hui le dossier ne contient aucun rapport décrivant correctement cette étude.

Le vice-président: J'ai quelques remarques et nous passerons ensuite aux questions des autres membres du comité.

Ceci est peut-être lié à votre rapport. J'ai dans mes dossiers une lettre du ministre disant qu'il n'y aurait pas de répercussions sur vous, pas de rétribution pour vos déclarations publiques. L'autre jour, je crois que M. Pollak a déclaré que vous étiez des héros, et les membres du comité aussi, pour avoir porté cette affaire à l'attention du public.

Avez-vous fait l'objet de réprimandes, de démotions ou de mesures de contrôle depuis le début des audiences?

M. Chopra: Je pourrais peut-être commencer, monsieur le président. J'ai essuyé deux incidents. Après m'être pourvu en justice contre l'ordre de me taire, le 17 février, cette affaire a fait l'objet d'un article dans le Toronto Star. Quelques semaines plus tard, M. Lachance m'a convoqué pour que je m'explique. J'ai été convoqué par courrier recommandé et on m'a fait savoir qu'un représentant des ressources humaines serait présent et que j'avais le droit de venir accompagné d'un observateur ou représentant.

J'y suis allé. M. Lachance m'a dit que ce n'était pas une audience disciplinaire.

Le vice-président: Étiez-vous accompagné d'un observateur ou d'un témoin?

M. Chopra: Oui: je suis venu avec quelqu'un de l'IPFP.

On m'a demandé si certaines déclarations étaient exactes. Les déclarations étaient qu'en tant que citoyen, je revendiquais le droit de parler de sécurité alimentaire, tout comme n'importe quel autre citoyen. On m'a demandé de confirmer mes propos, ce que j'ai fait.

On m'a demandé de confirmer une deuxième déclaration, à savoir que je me sentais le devoir de parler lorsque le ministère ne faisait rien. M. Lachance m'a demandé d'expliquer cette réponse et de la confirmer. Je lui ai dit qu'elle était exacte et que j'avais dit cela. M. Lachance m'a demandé ensuite ce que je voulais dire en disant que le ministère ne faisait rien. Je lui ai fait remarquer que ce qui était écrit est «lorsque» le ministère ne fait rien. Il y avait là une condition.

J'ai dit que je me sentais le devoir de parler lorsque le ministère ne faisait rien. J'estime avoir le droit de m'exprimer en tant que fonctionnaire. Je n'ai pas dit «j'ai une obligation», je n'ai pas dit «je ferai une déclaration».

Mon représentant a demandé pourquoi on nous avait convoqués, que cette réunion avait probablement coûté 1 000 $ aux contribuables, si l'on compte les heures. M. Lachance a répondu que j'étais son employé. Je lui ai dit que j'étais peut-être un employé du ministère, mais que lui et moi sommes opposés dans un procès à la Cour fédérale. Je lui ai demandé s'il passait par-dessus la Cour pour m'intimider, que je considérais cela comme du harcèlement. Voilà un incident.

La semaine suivante, notre syndicat, l'IPFPC a organisé un forum public sur la sécurité alimentaire et vous y avez pris la parole, monsieur le président. Mes collègues et moi étions au comité de planification de ce forum. Chacun de nous a reçu une lettre de M. Paterson, à laquelle étaient jointes les lignes directrices relatives aux conflits d'intérêt. Certains autres, qui siégeaient également au comité de planification, n'ont pas reçu cette lettre. C'était encore une fois un courrier recommandé, disant que nous pouvions nous mettre en conflit d'intérêt en participant à un tel forum. Il mentionnait certains critères selon lesquels notre participation pouvait être considérée comme un conflit.

Je ne sais dans quel pays nous vivons. Ce SMA a fait une déclaration à l'effet que les minorités visibles ne savent pas comment travailler à la manière nord-américaine. Je suis membre d'une minorité visible et je viens du pays le plus démocratique du monde, l'Inde. À mes yeux, la liberté d'expression est non seulement un droit, c'est aussi un devoir que nous avons envers autrui. Si je cause des ennuis, agissez, mais ne me faites pas taire.

Voilà le genre de choses qui se déroulent en ce moment. Cette lettre était-elle destinée à nous dissuader d'aller au forum? Pourtant, nous avions écrit au ministre lui demandant de dépêcher quelqu'un au forum pour parler de la Loi sur les aliments et drogues. Il a désigné M. Paterson. M. Paterson, inquiet, a décidé de ne pas venir, il a délégué quelqu'un d'autre. M. Paterson et la personne qu'il déléguait, M. Dodge, sont venus voir notre coordonnateur et la personne qui est venue a déclaré: «Je me sens comme une vache que l'on mène à l'abattoir».

Voilà le genre de propos professionnels que tiennent les administrateurs -- et c'est nous qui sommes accusés de manquer de professionnalisme. Mes collègues ont reçu la même lettre. Vous en avez copie.

Le vice-président: Un autre témoin souhaite-t-il intervenir?

Mme Haydon: Je suis d'accord avec M. Chopra.

Le vice-président: Faites-vous en ce moment au ministère le travail pour lequel vous êtes payés? Fonctionnez-vous?

M. Chopra: Je pense que je fonctionne aussi bien ou mieux que n'importe qui. Il y a eu des tonnes d'entretiens à mon sujet et nul n'a jamais dit que je faisais mal mon travail. Mon travail est fait ponctuellement. Personne ne l'a jamais critiqué. Vous avez vu certains de mes rapports, de mes écrits et avis. Oui, je maîtrise mon travail. Il n'y a pas de problème.

Le vice-président: Vous avez indiqué que M. Lachance a signé un contrat en 1998 avant qu'il soit officiellement un employé du ministère.

M. Chopra: C'est juste. Il a signé ce contrat le 2 février 1998, mais il est entré au ministère le 1er avril 1998.

Le vice-président: Avez-vous demandé à vos conseillers juridiques s'il s'agit là d'un contrat légalement valide?

M. Chopra: Non, sénateur. Il s'agit d'un contrat entre eux et la personne qui fera le travail, un évaluateur externe. Je le porte simplement à votre attention. Lorsque nous comparaîtrons en cour, sans aucun doute nombre de ces questions seront soulevées.

Le sénateur Spivak: J'aimerais parler avec Mme Haydon de l'hormone de croissance. De toute évidence, c'est là un sujet de controverse dans l'Union européenne et pour tous les groupes qui comparaissent ici. Le problème est que tout doit avoir un fondement scientifique. Beaucoup disent que certaines décisions n'ont pas de fondement scientifique, qu'il s'agit plutôt de barrières non douanières. Pourriez-vous nous dire quelle est la validité scientifique de ces rapports sur les deux hormones de croissance, Revalor-S et Revalor-H? Qui les fabrique?

En outre, pourriez-vous nous expliquer plus en détail le processus? Vous avez dit que certains aspects avaient été négligés dans le processus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la durée du processus et les questions qui ont été posées?

Mme Haydon: On m'a attribué l'examen du Revalor-H, qui est le produit recommandé comme implant dans les génisses des parcs d'engraissement. Le Revalor-S avait été approuvé un peu plus tôt par le bureau.

Lorsqu'on m'a chargée de l'examen de cette demande d'homologation fin 1996 ou au début 1997, nous n'avions pas de chef à plein temps à la Division du système nerveux central dont je faisais partie avant la fusion. C'est pourquoi chacun de mes collègues ici présents a assuré la suppléance pendant une période de quatre mois. Ils occupaient ces postes pendant que j'effectuais l'examen.

Le produit est fabriqué par Hoechst.

Le vice-président: N'est-ce pas là l'une des plus grosses sociétés du monde?

Mme Haydon: Oui, c'est une très grosse compagnie. Son représentant avait demandé au directeur, M. Timothy Scott, qu'un évaluateur autre que moi-même procède à cet examen. Il a demandé que le Revalor-H, que l'on m'avait attribué, soit examiné par l'évaluateur qui a travaillé sur le Revalor-S. Cette décision n'a pas été modifiée et j'ai continué l'examen.

Dans la demande initiale, il y avait des allusions aux trois études qui ont été effectuées en Europe, mais les données étaient insuffisantes. J'ai donc rédigé une lettre demandant des compléments d'information à cette compagnie, qui s'est exécutée. Ces études avaient été effectuées en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Deux étaient le fait de sociétés sous-traitantes, je crois, et l'étude allemande avait été faite par une université. Les nombres d'animaux étudiés étaient extrêmement faibles, mais les résultats dans les trois pays étaient très concordants.

J'ai porté ces constatations à l'attention de mes deux collègues ici présents, car ils étaient tous deux à la Division de l'innocuité pour les humains. J'ai rédigé une note de service pour M. Chopra pour lui faire savoir que ces rapports devraient être examinés par la Division de l'innocuité pour les humains, étant donné les risques pour la santé publique. J'ai également pris soin de remettre copie de cette note au commis de notre bureau, ainsi que les données transmises par la compagnie. J'ai demandé que ces documents soient transmis à M. Yong, le chef de la Division de l'innocuité pour les humains. Elle m'a assuré que cela avait été fait. J'ai procédé ainsi, car je m'inquiétais réellement des effets sur la santé humaine.

Le sénateur Spivak: En d'autres termes, il s'agissait là d'études qui avaient été réalisées par la compagnie ou dont elle avait connaissance, ou bien certaines ont été faites par une université et des organes externes. Toutefois, vous n'avez pas effectué de recherche documentaire.

J'essaie de voir comment cela fonctionne. Les compagnies fournissent l'information. Je sais que Santé Canada n'est pas équipé pour mener ses propres recherches. Disposez-vous de suffisamment de temps pour faire une recherche documentaire?

Mme Haydon: J'ai contacté la bibliothèque à maintes reprises pour demander de l'information. Mon chef m'a critiqué parce que je prends trop de temps pour effectuer les recherches documentaires. On m'a également reproché de rédiger des rapports trop longs, de donner trop de détails, et de poser trop de questions.

Le sénateur Spivak: Je crois savoir qu'il y a une procédure opérationnelle standard, qui n'est pas spécifiée par la Loi sur les aliments et drogues, mais qui est la norme admise lorsque l'homologation d'un médicament est demandée. C'est ce que l'on nous avait dit au sujet de la STbr. Les données requises sont en rapport avec la toxicité à long terme et d'autres critères à remplir pour qu'un médicament soit approuvé. C'est pourquoi je vous demande quels sont les délais. S'il y a un ensemble standard de données, ce dernier doit exister quelque part. S'il n'existe pas, qu'en est-il advenu?

J'ai deux questions. Premièrement, est-il admis qu'un ensemble standard de données doit être fourni conformément à la Loi sur les aliments et drogues? Deuxièmement, que se passe-t-il si, dans votre recherche documentaire, vous ne trouvez pas l'étude et que vous n'avez rien d'autre que ce que le fabricant vous communique?

Mme Haydon: Oui, il y a un ensemble. Les compagnies connaissent les lignes directrices à suivre lorsqu'elles demandent l'homologation de nouveaux médicaments.

Pour ce qui est des renseignements, nous sommes censés examiner toutes les données que la compagnie fournit. Si j'ai d'autres questions ou considère les renseignements incomplets, je fais demander des renseignements additionnels. Parfois des articles ont été publiés qui suggèrent d'autres problèmes, et j'ai alors toutes les raisons de demander un complément d'information à la compagnie.

Le sénateur Spivak: Diriez-vous que la réduction des effectifs de recherche du ministère nuit à la qualité du travail? Il y a eu de grosses compressions. Pensez-vous que vous devriez être mieux secondés?

M. Chopra: Sénateur, permettez-moi d'expliquer. Aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, une demande d'homologation doit être accompagnée d'un ensemble de renseignements et la compagnie est censée communiquer toutes les recherches qu'elle a effectuées. C'est la procédure au Canada. Aux États-Unis, le ministère effectue ses propres recherches. Le Canada est un trop petit pays pour se lancer dans ce genre de choses. Par conséquent, nous acceptons les données venant de pays reconnus dans le monde, tels que les pays d'Europe, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Nous passons en revue l'ensemble de données standard. Nous pouvons effectuer notre propre recherche documentaire, mais ce n'est pas obligatoire. La compagnie est censée produire les données de recherche et, sur cette base, nous disons «oui» ou «non» ou nous imposons des conditions et restrictions, ou demandons des compléments d'information.

La deuxième partie de la question portait sur le délai. Dans ce cas particulier, Mme Haydon venait juste de commencer l'examen. Nous, ses supérieurs temporaires, nous sommes fait dire: «Ne lui donnez pas ce dossier. Elle prend trop de temps et elle est trop vétilleuse», ce qui est le terme exact utilisé par le représentant de la compagnie. Ensuite, on m'a dit que si le travail n'était pas fait assez rapidement, il se plaindrait à mon supérieur. Ce genre de propos ont été tenus. Ils ont même prétendu que j'empêchais Mme Haydon de leur parler. Ce n'est pas vrai. Simplement, ils n'arrêtaient pas de la harceler.

Une fois que l'examen a démarré, nous avons quatre mois pour l'achever. C'est le délai statutaire. M. Landry ne cessait de me pressurer. Il voulait les rapports partiellement terminés et appelait sans cesse la compagnie pour la tenir au courant de ce qui se passait.

À la fin, il est passé outre aux avis de nous quatre, quatre scientifiques différents, totalement indépendants les uns des autres, qui avions examiné le médicament. Ensuite il écrit ceci. Paterson, bien qu'il n'était que directeur suppléant, a dit par écrit que M. Landry prendrait la décision finale. Lorsque M. Landry a pris la décision finale, il a envoyé un courrier électronique à M. Paterson disant: «J'ai agréé le médicament. La compagnie est satisfaite». Vous connaissez cette partie de l'histoire, elle a déjà été racontée. Lorsque nous parlons de pressions exercées, vous voyez de quoi il s'agit.

Le sénateur Spivak: Vous ne faites que confirmer mes craintes au sujet de l'évaluation de recherches parrainées par la compagnie, ce qui est l'élément clé.

L'autre question que je voulais vous poser porte sur le fondement scientifique. Un bon fondement scientifique aux yeux d'une personne est une barrière non tarifaire aux yeux d'une autre. C'est un sujet délicat.

Dans le cas de ces deux hormones de croissance, diriez-vous que ce que vous avez examiné constitue un bon fondement scientifique? C'est toute la controverse en Europe en ce moment.

M. Chopra: Un article a paru il y a deux jours. Mme Haydon parlait de réserves scientifiquement fondées. Nous sommes les vérificateurs scientifiques; nous examinons uniquement ce que nous recevons. On nous a dit que les hormones dans le boeuf ne posent pas de problème, qu'elles ne comportent aucun effet. Or, même les États-Unis reconnaissent maintenant que l'estradiol est cancérigène. C'est l'hormone contenue dans le Revalor-H. C'est la même hormone qui figure dans les autres produits administrés au bétail. C'était le problème sur lequel nous nous penchions, et on nous a dit: «N'en parlez pas. Ce n'est pas scientifique. Les Européens ne sont pas scientifiques». On nous a réduits au silence. Qui siège au comité de la CMEAA? M. Ritter disait qu'il n'y a pas de problème, et cetera. Vous reparlerez de cela plus tard. Mais, oui, voilà ce que nous faisons et on nous a dit que nous ne pouvions pas le faire.

Le vice-président: Je rappelle au comité qu'un membre a demandé au Dr MacLeod s'il avait lu toutes les données qui lui ont été transmises. Il a répondu non, parce qu'il y avait des milliers de présentations. Lui aussi a pris sa décision sans étude approfondie.

M. Lambert: Le panel externe sur la sécurité humaine n'a pas examiné les données soumises par Monsanto car rien n'indique qu'il l'ait fait. Il s'est contenté de passer en revue les articles publiés. Le Dr MacLeod a indiqué, lors de sa dernière comparution, que cette affaire ne l'intéressait pas, que c'est de l'histoire ancienne. Toutefois, ces données sur la sécurité humaine étaient le fondement sur lequel la FDA s'est appuyée pour approuver la STbr, et il en est de même du CMEAA.

Ces études n'ont jamais été correctement examinées au Canada. Rien dans le dossier n'indique que cela ait été le cas. À l'époque, il y avait un étudiant de premier cycle en programme coopératif qui travaillait au bureau et qui a travaillé sur ce dossier et rédigé un rapport. Lorsque j'ai demandé ce rapport, mon supérieur m'a dit qu'il était confidentiel.

Le vice-président: Est-ce le rapport qui a été établi à Guelph?

M. Lambert: Non. C'était un rapport sur la STbr effectué au Bureau des médicaments vétérinaires. Il a été rédigé par un étudiant de premier cycle. Toutefois, jusqu'à présent, ce rapport ne figure pas au dossier. Il a été classé confidentiel.

M. Chopra: M. Lambert a oublié d'ajouter une chose concernant le comité du Dr M. MacLeod. Ce dernier affirme avoir reçu ou examiné des renseignements de nombreuses sources. Mais la documentation fournie par Monsanto, celle qui était en possession du ministère et qui avait tous les renseignements, était dans le bureau de M. Lambert pendant que nous faisions notre travail et n'avait pas été restituée. Il l'a conservée jusqu'en octobre. Le Dr MacLeod n'a examiné aucune donnée. Nous ne savons pas quelles données il a reçues.

M. Lambert: On m'a demandé une copie des données après le 27 octobre de l'an dernier. J'avais dit au comité que j'avais toujours les données originales de Monsanto. Ensuite, le Dr Ian Alexander m'a demandé les rapports et en a fait des copies. Mais jusque-là, j'étais seul à les posséder. Elles n'ont pas été fournies au panel sur la sécurité humaine.

Le vice-président: Madame Haydon, en ce qui concerne vos conclusions sur l'hormone de croissance pour le boeuf, pensez-vous que la Communauté européenne a eu raison de fermer la porte au boeuf canadien contenant cette hormone?

Mme Haydon: Je pense que pratiquement tout le boeuf canadien reçoit cette hormone en cours d'élevage. Je ne sais pas quels sont les niveaux d'hormone employés, mais on l'utilise certainement pour le boeuf canadien. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Kinsella: Les témoins pourraient-ils nous dire s'il existe, soit à l'échelle nationale soit à l'échelle internationale, une association ou un groupement d'évaluateurs des médicaments?

M. Chopra: Il n'existe rien de tel. Chaque pays a ses propres évaluateurs. Il y a une sorte d'organe collégial du nom de «Codex Alimentarius des Nations Unies», mais ses décisions ne sont contraignantes pour aucun pays.

Le sénateur Kinsella: Existe-t-il un réseau d'évaluateurs dans le monde? Est-ce que vous et vos collègues vous vous communiquez les procédures employées pour l'évaluation?

M. Chopra: C'est une excellente question. C'est un gros problème. Cela pourrait et devrait se faire, mais cela ne se fait pas. Cela ne peut pas se faire parce que les administrateurs décident à qui nous pouvons parler, à quelles réunions nous pouvons aller, à quelles conférences scientifiques nous pouvons nous rendre, quels articles nous rédigeons et où nous pouvons les rédiger, et si nous pouvons parler et à qui. Le système est totalement verrouillé sous la guise de la «confidentialité des renseignements commerciaux».

Nous avons vu des cas où une compagnie dit: «Nous avons transmis ces documents à la FDA. Vous pouvez soit les obtenir auprès d'elle soit demander un résumé au titre de l'accès à l'information». Nous obtenons les résumés, puis demandons les mêmes données. La compagnie nous dit de les demander au ministère, mais celui-ci refuse. Je parle là de documents référencés en possession du ministère.

Le sénateur Kinsella: Que dit le réseau de communications souterrain dans le monde de la situation au Canada?

M. Chopra: Il n'est pas tellement souterrain. En fait, il est pas mal au grand jour parce que nous vivons à l'âge de l'Internet. Lorsqu'il y a des procès, c'est disponible au public. Lorsque des choses se passent à l'OMC, les journaux, la radio et la télévision en parlent quotidiennement. Nous recevons également les délibérations de comités comme le vôtre. Nous avons un rapport sur les hormones bovines du comité de l'agriculture et de l'agro-alimentaire de la Chambre des communes. Toutes ces questions ont été largement débattues par le comité de la Chambre des communes. Toutefois, aucun de nous n'y a comparu. M. Yong y était, mais uniquement à titre de conseiller. Les intervenants venaient des Affaires étrangères, de Justice Canada, d'Industrie Canada, et cetera, c'étaient tous des économistes. À un moment donné, une question a été posée à M. Yong au sujet de la STbr. Les députés disaient: «Nous parlons ici d'hormones bovines. Qu'en est-il de la STbr?» M. Yong a eu l'audace de répondre: «Nous continuons à étudier la question». C'était en février 1998, alors qu'en 1990 il écrivait déjà: «Il n'y a pas de problème». Cela a été la position du ministère.

Nous avons accès à ces renseignements, mais nous ne savons pas quoi en faire -- à moins que des audiences comme celle-ci se déroulent où les scientifiques ne peuvent s'exprimer qu'à leurs risques et périls. Cette audience-ci n'aurait pas eu lieu non plus si nous n'avions pas accepté de risquer notre carrière, de notre propre initiative. Vous n'auriez pas entendu parler de nous. Nous aurions pu être congédiés. Beaucoup de gens l'ont été. On a fermé des services complets. Vous n'en entendriez pas parler. On fait passer cela sous la rubrique «compressions normales» et «planification budgétaire». La science est fortement compromise. Peu nous importe que le Canada ne fasse pas de recherche scientifique, mais la sécurité du public ne doit pas être mise en danger. Nul ne peut tolérer que cela arrive dans notre pays, à nos consommateurs et à ceux qui produisent ces produits. Les agriculteurs sont tout aussi menacés.

Le sénateur Kinsella: Monsieur Chopra, notre comité a tenu pas mal d'audiences sur ce sujet. J'imagine que vous et vos collègues avez lu la plupart des témoignages faits ici. D'après ce que vous pouvez voir, y a-t-il eu beaucoup de témoignages, à votre avis, mensongers, inexacts, trompeurs ou faux?

M. Chopra: Nous nous sommes appuyés sur cette documentation, ici. Il y en a 53 pages. C'est un résumé de ce dont nous voulions parler. Nous vous remercions de votre indulgence, mais nous allons vous laisser un demi-camion de paperasses. Si c'est une question de crédibilité, nous ne faisons pas que parler ici. Nous vous remettrons une documentation dont vous pourrez faire ce que vous voudrez, la soumettre à qui vous voudrez pour effectuer vos propres recherches et vérifications. Ces documents sont déjà disponibles, nous avons simplement assemblé des documents disponibles au public.

Nous avons l'intention de porter d'autres documents à l'attention du président de notre syndicat, qui a comparu ici ce matin. Nous allons lui demander d'aborder ces aspects directement avec le ministre, mais pas avec le sous-ministre. C'est une réalité politique. Dans ce pays, tous les autres chemins étaient des impasses. Le système bureaucratique n'a pas fonctionné. Il nous répond: «Il n'y a pas de problème, vous inventez ces choses». Nous avons saisi la justice et les tribunaux répondent qu'ils ne sont pas compétents. Vous êtes le seul comité qui nous ait demandé de témoigner, et nous l'avons fait à nos risques et périls. Des menaces ont été proférées, en dépit de l'assurance donnée par le ministre au sénateur Whelan qu'il n'y en aurait pas. Il y en a. Certains sénateurs ont dit: «Si on s'en prend à vous dans les cinq prochaines années, venez nous voir». Cela ne fait pas cinq ans. Cela fait seulement quelques semaines ou mois, et nous voici déjà. Ces documents seront envoyés au ministre. C'est la voie politique. Nous allons le laisser s'occuper de la situation. Vous y aurez accès par la voie politique.

Le sénateur Kinsella: Dans votre témoignage ce matin, vous avez dit aux honorables sénateurs que vous avez reçu un appel un jour de quelqu'un disant qu'il ne fallait pas confier l'évaluation à Mme Haydon, parce qu'elle est vétilleuse. Qui vous a appelé et a dit cela?

M. Chopra: C'était quelqu'un de la compagnie.

Le sénateur Kinsella: De la compagnie que demandait l'homologation du médicament?

M. Chopra: Oui. L'affaire ne s'est pas arrêtée là; cela a continué lorsque le médicament a été approuvé. Je ne sais pas si vous connaissez l'histoire, mais elle a déjà été racontée. Lorsque M. Landry a donné le feu vert au médicament, il a envoyé un courrier électronique à M. Paterson, le directeur suppléant, disant: «J'ai donné le feu vert. La compagnie est satisfaite et je lui ai dit que je lui donnerai compensation pour les difficultés causées par les évaluateurs». M. Paterson a répondu à cette note: «J'espère que vous ne lui avez pas promis la lune, tout de même».

Ce que je dis a été confirmé par la CRTFP. M. Paterson a reconnu sous serment que ce que je dis était exact. Ce sont là ses paroles.

Le sénateur Kinsella: Dans mon domaine, être vétilleux est considéré comme une vertu et non un vice. Dans votre domaine scientifique, à savoir l'évaluation des médicaments pour déterminer leur innocuité avant que le gouvernement du Canada les agrée et autorise leur distribution, est-ce que le fait pour un scientifique d'être vétilleux est considéré comme une vertu ou un vice?

M. Chopra: Nous sommes payés pour être vétilleux dans l'intérêt de la santé humaine. C'est mon travail.

Le sénateur Kinsella: Ce matin, M. Chopra a fait état d'une lettre d'un sous-ministre adjoint où il était question d'ethnoculturalisme.

Certains d'entre nous dans ce comité apprécions la diversité canadienne. Nous nous intéressons à l'égalité des gens dans notre pays. Nous aimerions avoir une copie de cette lettre. Pourriez-vous nous la remettre?

M. Chopra: Oui. Cette affaire a fait l'objet d'un jugement historique. C'est l'affaire Alliance de la Capitale nationale sur les relations inter-raciales et Commission canadienne des droits de la personne contre Sa Majesté la Reine, telle que représentée par Santé et Bien-être Canada, la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor du Canada. Trois ministères ont été conjointement condamnés. J'étais président de l'Alliance de la Capitale nationale sur les relations inter-raciales à l'époque.

Le sénateur Kinsella: Cela est-il tiré d'une décision du tribunal des droits de la personne?

M. Chopra: Oui. Un appel a été interjeté ultérieurement en Cour fédérale.

Le sénateur Kinsella: Le répondant était-il le ministère de la Santé?

M. Chopra: Le ministère de la Santé, le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique. Le tribunal a tranché qu'il y avait violation des droits de la personne.

Depuis que nous avons gagné cette cause -- et le gouvernement canadien et les politiciens américains devraient être intéressés de l'apprendre -- la Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée afin qu'une plainte similaire ne puisse plus être déposée.

Le sénateur Kinsella: Ils vont bientôt réécrire toute la loi.

M. Chopra: C'est terrible ce qui arrive à notre pays.

Le vice-président: Je ne sais combien d'entre vous avez lu ou entendu le discours prononcé par le président de la République tchèque lors de sa visite jeudi dernier. Il a fait un discours lors d'une session conjointe du Sénat et de la Chambre des communes. Tout le monde devrait lire ce discours. Il a mis l'accent sur les droits de l'homme et de l'individu. C'était l'une des meilleures descriptions de ce que devraient être nos droits que j'ai jamais entendue.

Monsieur Chopra, lorsque vous parlez de droits, vous voyez en moi un membre d'une minorité. Les agriculteurs deviennent rapidement la plus petite minorité du Canada. Il y avait un article dans l'Ottawa Citizen sur les producteurs laitiers, un groupe pour lequel nous nous sommes tant battus. C'est presque comme si nous étions devenus les méchants du film. Nous avons édifié la meilleure industrie laitière du monde.

Ils s'accrochent à l'idée que nous devrions continuer à vendre notre produit comme on le faisait au moyen-âge.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Docteur Lambert, vous avez parlé de l'IGF-1. On en a également parlé dans le rapport du comité d'experts du Collège royal des médecins. Dans deux de leurs recommandations, on dit qu'on aurait besoin de faire des études supplémentaires sur la réaction à l'IGF-1 ou sur son absorption. Vous avez aussi parlé d'un rapport fait par un étudiant. D'autres études ont-elles été effectuées? Ne devrait-on pas commander des études spécifiques à ce sujet?

Cela m'inquiète. Le milieu scientifique manifeste un intérêt et éventuellement, on trouvera probablement plus d'informations sur le rôle que cela peut jouer. Devrions-nous tout de suite commander des études pour en savoir plus long et avoir l'esprit clair?

M. Lambert: Des données dans les documents soumis par Monsanto en 1990, montraient que l'IGF-1 était absorbé par voie orale. Cette observation avait été mise au rancart et on l'a toujours niée. Dans ce rapport, les effets montrent qu'il y a eu une absorption par voie orale. Cela a été confirmé par des recherches ultérieures et en 1990, on pouvait déterminer qu'il y avait bel et bien absorption par voie orale de l'IGF-1 à l'état pur. On a aussi démontré que l'IGF-1 avec la caséine, qui est une protéine du lait, est absorbé de façon beaucoup plus importante et peut augmenter jusqu'à 67 p. 100. Il est faux de dire qu'il n'y avait aucune connaissance à ce moment. On peut le retracer dans cette étude.

Le sénateur Robichaud: Vous dites qu'on peut démontrer qu'il y a absorption, mais il faudrait aussi savoir quels en sont les effets?

M. Lambert: Oui, il y avait un effet sur l'augmentation du poids corporel, sur l'augmentation du poids du foie et sur la longueur du tibia. Cette étude a été mise de côté en disant qu'il n'y avait pas d'absorption. Il n'y a pas eu d'autres études sur l'IGF-1 par la suite, sauf une étude de deux semaines.Les effets étant positifs, cela aurait dû amener la compagnie à prolonger l'étude pendant au moins 90 jours. Son but était simplement de trouver une dose avec un effet. Ce n'était pas une étude finale.

Lorsqu'on effectue des études sur d'autres espèces, par exemple le chien, cela peut être absorbé. Dans ce cas, cela pourrait indiquer qu'il est nécessaire de faire des recherches sur la tératogenèse et ensuite, sur les effets de la reproduction. Elles n'ont pas été faites parce que ces données ont été mises de côté.

Le sénateur Robichaud: Qui a mis ces données de côté?

M. Lambert: Les évaluateurs qui ont travaillé sur le produit.

Le sénateur Robichaud: Ils travaillaient pour le compte de la compagnie qui le produisait ou pour le compte des comités d'experts?

M. Lambert: Ces observations ont été notées dans un article de la revue Science, en 1990. On a dit que ce n'était pas un effet du médicament. C'est cependant ce qui avait été observé dans les groupes traités par voie sous-cutanée où il y avait un effet positif. On niait l'évidence et cela a été accepté. Au Canada, cette étude n'a jamais été revisée de façon adéquate.

Ce n'était pas dans notre mandat de faire la revue et l'évaluation des données originales soumises par la compagnie. Ils ne nous ont pas donné le temps pour le faire. Ces données ont été niées par le comité de la FDA et par le JECFA.

Le sénateur Robichaud: Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'il existe des rapports qui font le lien entre l'IGF-1 ou l'hormone de croissance et qui suggéreraient des études plus approfondies parce qu'elles ne sont pas suffisamment claires? Ou est-ce suffisamment clair pour dire qu'un lien est établi?

M. Lambert: Ceux qui ont pris les décisions ont dit qu'il n'y avait pas d'absorption du tout, mais les études montrent qu'il y a une absorption. On devrait faire d'autres expériences pour confirmer et trouver une dose sans effets.

Comme il a été démontré la semaine dernière que la quantité de l'IGF-1 n'est pas importante pour un essai parce qu'il y a une absorption, c'est un effet très significatif. Dire que l'on ne savait pas que l'IGF-1 pouvait être absorbé par voie orale, en 1990, est complètement faux. La compagnie a démontré lors d'une étude de deux semaines, qu'il y avait un effet relié à l'IGF-1. On n'avait pas accès à ces dossiers.

Lorsque nous leur avons demandé les rapports ceux-ci n'étaient pas dans le dossier central de la compagnie. Ils n'ont pas été mis dans le dossier avant 1997. Même à la fin de mai 1997, ce rapport n'était pas accessible car ces données étaient considérées confidentielles au sein même du Bureau des médicaments vétérinaires.

Le sénateur Robichaud: Est-ce exact de dire que lorsque le comité d'experts du Collège royal des médecins a écrit son rapport, il n'avait pas ces informations en main parce qu'elles ne faisaient pas partie de toute la gamme de rapports qui auraient dû accompagner les documents sur cette hormone?

M. Lambert: Non, sénateur Robichaud. Au départ, ils n'avaient pas ces données parce qu'elles étaient dans mon bureau, sous clé. Elles n'ont pas été transmises au panel d'experts du Collège royal. C'est simplement après mon témoignage que le docteur Alexander m'a demandé toutes les données pour en faire des copies. Il avait rencontré la compagnie après notre témoignage, le 23 octobre, et la compagnie avait ensuite décidé que le panel d'experts devait avoir ces données afin qu'on ne puisse pas dire qu'ils avaient caché de l'information. C'est la compagnie qui a forcé Santé Canada à fournir une copie de ces données au panel d'experts. Ils ne les avaient pas au départ, tout comme nous ne les avions pas lorsque nous avons commencé notre rapport pour trouver les failles dans le système d'évaluation du BST. On ne devait pas s'occuper de ces données. C'est en travaillant sur ces données que nous avons constaté que certains des rapports du BST avaient été éliminés et qu'ils n'avaient pas été mentionnés comme, par exemple, le rapport de la Communauté européenne. Même le dernier rapport du JECFA dit qu'il n'y a pas d'absorption du BST, l'hormone de croissance bovine, et de l'IGF-1. Même en 1998, ils disaient qu'il n'y avait pas d'absorption, que c'était digéré par les enzymes intestinales et qu'il n'y avait aucun effet.

En 1990, on aurait dû demander d'autres études parce que le BST est utilisé chez les vaches laitières et que les gens consomment du lait toute leur vie. Il aurait dû y avoir des études chroniques, ne serait-ce que pour se rassurer. Si la compagnie dit qu'il n'y a pas d'absorption, elle ne devrait pas avoir peur de faire des expériences de longue durée. Par contre, si l'on n'effectue pas les études, nous sommes certains de ne pas démontrer les effets. On fait des études parce qu'on veut établir des preuves. Il peut survenir des problèmes, mais au moins, nous sommes assurés de ne pas mettre sur le marché des produits qui deviennent nocifs après un long usage.

Le docteur Pollack mentionnait la semaine dernière que ce n'était pas normal de demander que des études soit faites pour étudier les effets du IGF-1 chez les humains. On ne peut pas demander que de telles études soit faites des produits vétérinaires parce que la population ne peut pas être exposée à de tels produits. Il faut que le produit soit approuvé avant que la population ne soit exposée. Si le produit n'est pas approuvé, ce problème ne peut pas apparaître et on ne peut pas démontrer les effets sur les populations.

Le sénateur Robichaud: J'ai de la difficulté à vous suivre.

M. Lambert: C'était des demandes pour des études. Le docteur Pollack mentionnait qu'il aimerait avoir des études épidémiologiques pour démontrer, après 15 ans d'utilisation, s'il y avait ou non des problèmes. À ce moment-là, pour les produits vétérinaires, au lieu d'effectuer les expériences sur des humains, on utilise des animaux de laboratoire sur une durée de vie. On demande des études chroniques pour éviter que la population ne soit affectée par des produits nocifs. On peut alors déterminer que les humains sont protégés.

Le sénateur Robichaud: Ce que nous ne pouvons pas affirmer en ce moment?

M. Lambert: Non.

[Traduction]

Le sénateur Spivak: Je crois savoir que l'une des raisons pour lesquelles le panel d'experts a dit qu'il n'y a pas de problème avec l'IGF-1 est que, même s'il est absorbé, le lait maternel contient une plus grande quantité d'IGF-1.

Ai-je raison de penser que ce n'est pas la STbr qui est nocive, que c'est l'IGF-1? Par conséquent, il y a une corrélation entre des niveaux accrus d'IGF-1 et des niveaux accrus de cancer du sein et de la prostate. Pouvez-vous clarifier cela?

M. Lambert: L'IGF-1 est la même substance et présente la même composition chimique chez toutes les espèces. Il réagit exactement de la même façon. Toutefois, la quantité et le niveau d'exposition dans le temps à l'IGF-1 dans le lait maternel sont de courte durée, comparés au restant de la vie.

Le vice-président: Pouvez-vous me dire ce que signifie le sigle IGF-1?

M. Chopra: IGF-1 signifie facteur de croissance insulinoïde. Les savants ne savent pas comment mieux le décrire que cela. C'est une substance qui se comporte comme l'insuline. Autrement dit, chaque fois qu'il y a croissance dans l'organisme, ce facteur est présent.

L'IFG-1, ou FCI-1, peut survenir à tout moment, n'importe où dans le corps. Par exemple, le niveau de FCI-1 augmente dans une membrane muqueuse lors du développement mammaire ou utérin. Ce n'est qu'un facteur parmi d'autres. D'autres facteurs sont en jeu chaque fois qu'il y a croissance de quelque chose dans l'organisme.

Il ne faut pas oublier que la quantité de FCI-1 n'est pas aussi critique que la durée de sa présence. En outre, il peut y avoir d'autres différences subtiles, inconnues. Le Dr von Meyer disait l'autre jour qu'il suffit d'une cellule à tendance cancéreuse sur laquelle le FCI-1 peut se fixer. Une fois fixée, la cellule cancéreuse cause un cancer.

Notre organisme contient des cellules cancéreuses à tout moment. Chaque grain de beauté est un cancer potentiel qui est inhibé parce que notre organisme a réagi et le contrôle. Toutefois, si vous continuez à le stimuler en vous exposant au soleil ou en mettant des produits chimiques dans votre alimentation, ou tout ce que vous voudrez, ces cellules peuvent devenir stimulées.

Ce sont là des aspects inconnus qu'il faudra attendre encore 15 ou 20 ans avant de les connaître. C'est ce que voulait dire le Dr Pollak. Mais si c'est le temps qu'il faut attendre avant de savoir, nous devrions prendre des précautions aujourd'hui et ne pas décréter que le produit est sûr.

Le sénateur Spivak: Il ne faut pas oublier que ce sont là des médicaments non thérapeutiques.

M. Chopra: Oui, c'est juste.

Le sénateur Spivak: Les médicaments non thérapeutiques existent uniquement pour des raisons commerciales. Nous ne parlons pas là de traiter le cancer.

Le vice-président: Nous accumulons beaucoup de retard. Qui le comité devrait-il contacter si nous avons des questions à la lecture du procès-verbal? Est-ce vous, M. Chopra, ou bien qui?

M. Chopra: Monsieur le président, vous pouvez appeler n'importe lequel d'entre nous car nous travaillons de concert. Nous nous sommes accordés en prévision de cette réunion avec vous aujourd'hui. Bien que j'ai parlé le plus longtemps, c'est probablement par respect pour mon âge, plutôt que pour mon intelligence. Toutefois, vous recevrez une opinion collective, n'importe lequel n'entre nous que vous contactiez.

Le vice-président: Je reste préoccupé par cette obligation de silence qui vous a été imposée. Je trouve cela incompréhensible. Il m'est difficile d'admettre que ce genre de situation puisse exister au Canada.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, je trouve indigne qu'un comité, particulièrement un comité sénatorial, voie les témoins qui comparaissent devant lui faire l'objet de représailles.

Par conséquent, j'aimerais inviter, et si nécessaire sous forme de motion, le greffier de ce comité à rédiger un document énonçant les mesures antireprésailles que notre comité, ou tout comité sénatorial, peut prendre si un témoin comparaissant devant lui fait l'objet de représailles pour cette raison de la part de toute personne. Je suggère également que le greffier se penche sur le principe d'une extension du privilège parlementaire.

Je signale en sus au greffier un excellent article qui a été rédigé sur le privilège des comités du Sénat australien.

Le vice-président: Y a-t-il d'autres interventions sur la motion du sénateur Kinsella?

Le sénateur Spivak: Monsieur le président, je suis heureuse que le sénateur Kinsella soit là aujourd'hui. Je conviens de l'utilité de revoir le processus que nous suivons pour assurer qu'aucun des témoins auxquels nous demandons des renseignements fasse l'objet de représailles. Nous avons la parole du ministre de la Santé à ce sujet. Il faut veiller à ce que ce message soit transmis aux cadres des niveaux inférieurs.

Le vice-président: Je suis tout aussi préoccupé que le sénateur Kinsella. À en juger d'après les documents et lettres présentés ici, les cadres de Santé Canada semblent penser que nul ne devrait contester leurs actes. Ce n'est pas ainsi que nous avons édifié notre pays. Ce n'est pas ce que nous désirons pour notre pays.

Lorsque le Dr Pollak a comparu ici, il a dit que ce comité, et peut-être le Sénat, pourraient prendre l'initiative de la mise sur pied d'un organe international qui se pencherait sur les questions comme celles-ci.

Je tiens à vous remercier de votre intervention. Madame Mueller, je n'ai pas entendu un mot sortir de votre bouche, et je suppose donc que vous êtes d'accord avec tout.

M. Thea Mueller, Santé Canada: Oui, je suis d'accord avec ce qui a été dit.

Puisque nous parlions des niveaux de FCI-1, je réitère mon propos initial. Il faut tout reprendre à zéro et déterminer quels étaient les niveaux effectifs d'exposition. Les méthodes utilisées pour les calculer ont-elles été validées?

De même, quelle marge de sécurité avons-nous avec ces niveaux d'exposition? Ils sont actuellement déterminés sur la base d'une proportion plus faible, peut-être 20 p. 100, du troupeau traité. Que se passerait-il si 100 p. 100 des vaches étaient traitées? À combien passeraient ces niveaux de FCI-1 et quels risques pour la santé présenteraient-ils à ce stade? Il faut toujours regarder vers l'avenir.

Le vice-président: Merci à tous d'être venus.

Le sénateur Spivak: Devrions-nous voter sur la motion du sénateur Kinsella?

Le vice-président: Quelqu'un est-il opposé? C'est convenu. Je vous remercie.

Nos prochains témoins sont prêts. Vous avez la parole.

Mme Angela Rickman, directrice adjointe, Sierra Club du Canada: Je remercie le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de cette occasion d'exposer certaines de préoccupations du Sierra Club du Canada au sujet de l'homologation des produits de biotechnologie au Canada.

J'aimerais féliciter le comité de l'excellent travail qu'il a accompli jusqu'à présent sur cette question, en particulier l'homologation ou l'absence d'homologation de la STbr au Canada. J'applaudis également à sa détermination de continuer d'étudier à fond cette question.

J'aimerais esquisser aujourd'hui certaines des préoccupations continues du Sierra Club et d'autres organisations partageant la même optique. La biotechnologie a été introduite dans un monde où la politique publique est mal équipée pour faire face à ses répercussions. Les sénateurs ont étudié la manière dont le gouvernement a traité le dossier de la HCB et d'autres hormones de croissance, qui ont été agréées en vertu des objections des scientifiques qui sont venus témoigner devant votre comité. Peut-être avez-vous tiré la conclusion que ce processus démontre l'incapacité des mécanismes gouvernementaux à maîtriser cette technologie.

Il est temps de procéder à une analyse rigoureuse des coûts et avantages pour la santé humaine et l'environnement de ce type radicalement différent de modification des formes de vie. Or, les pouvoirs publics sont allés dans le sens d'une moindre réglementation et d'une plus grande déférence envers l'industrie.

Les paroles inquiétantes de l'administrateur de Santé Canada qui a dit à Shiv Chopra que l'industrie est le client, doivent être considérées dans un contexte où, au sens large, servir l'industrie est perçu comme la raison d'être du gouvernement.

Les Canadiens doivent bien comprendre le recours intenté auprès de l'OMC relativement à l'hormone bovine. Le Canada conteste le droit d'autres pays souverains d'interdire l'importation d'une forme de boeuf génétiquement modifié. Le Canada s'est élevé contre le principe de précaution, bien que notre gouvernement n'ait pas fait part de cette argumentation au public canadien ni procédé à des consultations à ce sujet.

Voilà donc l'argument implicite employé par le Canada à l'OMC. Il a argué que l'exemption générale des mesures destinées à protéger la santé ou les ressources naturelles n'est conforme au GATT que si elle est nécessaire pour protéger la santé. La simple application du principe de précaution, par conséquent, n'est pas une raison acceptable d'interdire des produits chimiques ou des additifs alimentaires ou tout ce que l'on veut. La preuve d'un risque de toxicité doit être universellement acceptée pour justifier une interdiction.

À la lumière des événements récents, qui vont de l'affaire de la STbr, à la contamination du sang, jusqu'au boeuf britannique et à la maladie de la vache folle, il est clair que les mises en garde sont balayées du revers de la main. Le vent souffle en faveur de l'introduction de nouveaux produits commerciaux, et les voix qui exercent la plus grande influence sont celles qui en retirent du profit. On ne s'interroge guère sur la question de savoir si les consommateurs du produit retirent un avantage réel. L'industrie donne le ton.

Le déclin de la capacité des gouvernements nationaux d'interdire des produits potentiellement dangereux est substantiel et largement ignoré. Au cours de la semaine dernière, une organisation obscure ou jadis obscure, appelée le Codex Alimentarius s'est réunie à Ottawa. À l'ordre du jour figurait la question de l'étiquetage des aliments issus de la biotechnologie et la STbr, si elle avait été homologuée, aurait été exemptée par cette organisation. Cette dernière acquiert un poids croissant et pousse à un affaiblissement des normes à l'échelle mondiale. Bien que la plupart des Canadiens n'aient jamais entendu parler du Codex Alimentarius, il est probable qu'il a un rôle plus décisif dans l'établissement des normes de sécurité, notamment à l'égard des résidus de pesticides, que le gouvernement canadien.

Créé initialement pour aider les pays en développement à fixer des normes de sécurité et de qualité alimentaire, le Codex Alimentarius est une commission mixte de deux organisations des Nations Unies, la FAO, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture et l'Organisation mondiale de la santé. Pendant des années, le Codex Alimentarius a travaillé dans un anonymat virtuel. Son rôle était mineur et les groupes de consommateurs, de promotion de la santé et de protection de l'environnement se concentraient sur l'établissement de normes plus strictes à l'échelle nationale. Les sociétés transnationales ont vu l'occasion d'établir un jeu de normes mondiales harmonisées sans que leur rôle dominant dans ce processus soit remarqué. Toutefois, la Women's Environment and Development Organization a fait apparaître au grand jour la prédominance des sociétés au sein du Codex.

Dès la conférence de 1991 du Codex, il y avait davantage de représentants des multinationales géantes que des pouvoirs publics -- 140 délégués des sociétés et seulement 105 des gouvernements. Coca-Cola, à elle seule, en a envoyé 18, tellement elle est préoccupée par la sécurité alimentaire. Unilever en a dépêché neuf, et Monsanto huit. Alors que le Codex était initialement censé se concentrer sur les normes de sécurité alimentaire pour le monde en développement, les pays industrialisés ont vite dominé les travaux avec les multinationales et leurs délégations. À la conférence de 1993, Coca-Cola avait la plus grosse délégation, suivie par Nestlé. De fait, 48 pays avaient moins de représentants que Coca-Cola et Nestlé, dont des pays industrialisés riches comme la Suisse, le Royaume-Uni et l'Australie.

Lors des réunions de juin 1997 du Codex Alimentarius à Genève, on devait fixer la consommation quotidienne acceptable et le niveau maximal de résidus d'hormones de croissance bovine. Le Codex a décidé d'étudier plus avant les nouvelles données scientifiques et sanitaires reliant la HCB au cancer de la prostate, du sein et du colon. Il est odieux que le Canada ait voté contre l'étude plus poussée de la HCB ou STbr, comme Monsanto, le fabricant, préfère l'appeler. À cette conférence du Codex, le Canada était prêt à établir une norme qui n'imposait aucune limite à la présence de HCB dans le lait. En outre, le Canada a voté contre la prise en compte de tout autre facteur légitime pour l'établissement d'une norme, notamment la résistance des consommateurs. Le vote du Canada apparaît encore plus inquiétant lorsqu'on regarde la composition de sa délégation. Elle englobait Monsanto, le fabricant du produit, mais aucun groupe de protection de l'environnement, de promotion de la santé ou de consommateurs. L'homme qui figure sur la liste des délégués comme président du comité permanent de la biotechnologie du Conseil canadien de recherche agro-alimentaire est en fait le directeur des affaires réglementaires gouvernementales de Monsanto et est également un lobbyiste enregistré pour Monsanto. Sur le plan international, le vote officiel du Canada parle pour lui-même. Le Canada, en substance, répond présent lorsque Monsanto et d'autres sociétés transnationales appellent.

Le rôle du Codex devient de plus en plus crucial à l'égard de l'établissement de toutes les normes alimentaires mondiales car un certain nombre de décisions de l'OMC ont maintenant reconnu ces normes non comme le niveau minimal acceptable mais comme le maximum. L'utilisation des normes du Codex comme plafond au lieu d'un plancher a été illustrée, par exemple, par la décision annulant l'interdiction européenne d'importation de boeuf traité aux hormones comme contraire à l'Accord général sur les tarifs et le commerce. Les lois et règlements visant à tenir les pesticides dangereux et autres organismes à l'égard de nos chariots de supermarché ont déjà été traités d'irritant commercial dans le cadre de l'ALENA et le Canada a déjà relevé ses niveaux maximums de résidus de certains pesticides pour se conformer aux lois américaines. N'importe laquelle de nos lois relatives à la sécurité alimentaire peut être contestée comme contraire au libre-échange. Lorsqu'il s'agit d'établir des seuils de sécurité, les normes du Codex seront les plus strictes à être autorisées. Grâce à la décision de l'OMC sur l'hormone bovine, le Codex, initialement créé dans les années 60, prend le pas sur des décisions bien documentées et réfléchies des pays industrialisés.

Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il faut voir ce qui s'est passé lorsque le Canada a déposé plainte à l'OMC au sujet de l'interdiction de la communauté européenne du boeuf traité aux hormones. Je souligne que le comité sénatorial devrait faire des recommandations suffisamment audacieuses pour faire ressortir les problèmes du système actuel et recommander que le Canada, par principe, n'ait pas recours à des contestations à l'OMC, comme nous l'avons fait dans le cas de l'amiante et de l'hormone bovine, contre les intérêts sanitaires d'autres pays. Nous devons renégocier les accords de l'OMC de façon à établir des pare-feu contre la contamination par la logique commerciale de nos règlements de santé publique et de sécurité.

L'étiquetage des aliments modifiés génétiquement est essentiel, mais il nous faut revoir le postulat implicite voulant que si Monsanto l'a fabriqué, ce doit être bon pour nous. Dans une démocratie, le public a le droit de déterminer quelles technologies et quelles drogues il veut utiliser. Nous ne voulons pas que la sécurité de notre alimentation soit déterminée par de grosses sociétés multinationales comme Coca-Cola et Monsanto qui n'ont de compte à rendre à personne. Nous ne voulons pas que le Canada se prononce contre le principe de précaution dans l'établissement des normes alimentaires et dans les contestations à l'OMC.

M. Victor Daniel, coprésident, Conseil de la politique alimentaire de Toronto: Merci monsieur le président et sénateurs de cette occasion d'intervenir de nouveau ici aujourd'hui, comme nous l'avons fait en décembre.

Santé Canada a annoncé le 14 janvier 1999 que la HCB ne serait pas homologuée au Canada à ce stade en raison des renseignements présentés par le groupe d'experts sur la sécurité animale, et non par celui sur la sécurité humaine. Je viens aujourd'hui exposer les déficiences que nous avons décelées dans ce rapport et les conséquences pour nous en Ontario, particulièrement pour les commissions d'hygiène au titre de leurs droits et obligations en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé de l'Ontario.

Nous souscrivons à la décision de Santé Canada, mais non pas à tout son justificatif. Nous exigeons que les déficiences suivantes du travail du groupe d'experts sur la sécurité humaine soient rectifiées, sinon, nous saurons que notre processus réglementaire est défectueux.

Premièrement, Santé Canada a qualifié à tort le comité sur la sécurité humaine comme formé par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Nous avons ici les notes d'information sur la STbr du Collège des médecins et il indique bien que ce comité n'émane pas de lui. Cela figure à la fin de notre rapport. J'ai contacté le Dr Stuart MacLeod et, dans une lettre à notre avocat, il nous dit que son mandat n'englobait pas l'examen du lait en tant que produit tel que défini par le règlement sur les aliments et drogues. Il nous a informé que son mandat était d'élaborer des modèles d'exposition humaine au FCI-1 dans les cas où les données le justifient. Malheureusement, il n'existe pas encore à ce stade de données quantitatives ou objectives à cet égard. Par conséquent, aucun modèle de ce type n'a été proposé dans le rapport sur la sécurité humaine.

Il est essentiel que les gens comprennent que l'on prend ce problème à l'envers. Je suis d'accord avec le témoignage fait ce matin par Mme Thea Mueller. Il nous faut voir à combien de vaches cette drogue est injectée, car chaque vache va provoquer une majoration individuelle du FCI-1. Par conséquent, le point de départ est le troupeau laitier. Qui a le droit de boire du lait de ce troupeau? En droit canadien, les producteurs laitiers peuvent boire leur propre lait. Combien de vaches sur un troupeau de 40? Deux, douze, trente-deux? Chacune crée un point de structure scientifique différent à évaluer. Le deuxième modèle qui aurait dû être établi est celui d'une population de consommateurs achetant du lait venant d'une même laiterie dont le lait provient d'une région à forte utilisation de HCbr. Le troisième modèle aurait dû être celui de la population générale. Une fois identifiés ces groupes, il faut identifier ensuite les sections vulnérables à l'intérieur de chacun de ces modèles, soit enfants atteints de trouble déficitaire de l'attention, diabétiques ou cancéreux, et cetera. Il y a beaucoup de travail toxicologique à faire.

Pour être juste envers le groupe d'experts de la sécurité humaine, leurs problèmes étaient précisément ceux-là. Parce que nous n'avons pas fait cela, nous ne savons pas à quel niveau de FCI-1 nous serions exposés. Scientifiquement, nous donnerions aux agriculteurs un médicament engendrant un effet scientifique mais pour lequel ils n'ont pas d'usage scientifique. L'utilisation non thérapeutique du médicament ne leur donne pas de mode d'emploi rationnel. Aujourd'hui, je pourrais l'employer sur la moitié de mon troupeau, le mois prochain peut-être sur 10 p. 100 et l'année prochaine je ne prendrai pas la peine. Les possibilités sont infinies et vous aurez créé une situation incontrôlable. Sans contrôle, il n'y a pas de protocole pour gérer une évaluation ou établir des faits scientifiques.

Par ailleurs, le groupe d'experts a choisi d'ignorer la pureté du produit en question. Pour cela, il aurait fallu utiliser un procédé de haute performance comme la chromatographie, ce qui aurait prouvé que le produit de recherche avait le même profil que le produit commercialisé et qu'il n'y a pas d'impureté ou de contamination du produit pendant la fabrication.

Je crois que le Dr von Meyer a évoqué cet aspect lundi dernier.

Le comité d'experts sur la sécurité humaine s'est trompé en disant que les vaches laitières injectées avec la dose recommandée de HCbr n'affichent pas une augmentation du total formé par l'hormone de croissance bovine naturelle plus l'hormone de croissance bovine recombinée. Le tableau 3 de cette référence, que nous reproduisons, indique une augmentation de 30 p. 100. Comment expliquer cet écart?

De toute façon, l'argument n'est pas scientifiquement valide en premier lieu, car les animaux cibles ont leur propre niveau naturel d'hormone de croissance bovine. On a utilisé dans cette étude la vieille méthode du groupe traité et du groupe de contrôle. Puisqu'ils ont déjà admis que les bovins ont des niveaux variables, il aurait fallu prendre les animaux cibles, mesurer leur niveau naturel d'hormones de croissance, puis les injecter avec le médicament et mesurer de nouveau les mêmes bêtes, pour obtenir des résultats fiables.

L'élément le plus important pour nous est que l'étude Groenewegen, qu'ils ont citée, utilise des températures de pasteurisation incompatibles avec l'exposition humaine. Dans cette étude, les échantillons de lait sont surchauffés si bien que les résultats ne sont pas valides s'agissant de sécurité humaine.

Le vice-président: Puis-je vous interrompre? Vous devriez peut-être expliquer pendant combien de temps on chauffe le lait pour une pasteurisation normale et pendant combien de temps ils l'ont chauffé?

M. Daniel: Je parlerai de la pasteurisation sous peu.

Surtout, le médicament utilisé dans cette étude n'est pas celui de Monsanto, c'est le Cyanamid, qui a un profil d'acides aminés totalement différent de celui de Monsanto, et c'est donc un produit de nature différente. Nous citons un article dans notre rapport disant que même l'ajout d'un seul acide aminé peut allonger la demi-vie d'un médicament ou d'un polypeptide hormonal.

Le comité de la sécurité humaine cite également deux références comme preuve que le HCB est détruit lors de la pasteurisation du lait cru. L'une de ces références est celle que je viens de mentionner comme étant erronée, et l'autre est le sommaire d'un article que je n'ai pas encore reçu. La Loi sur les aliments et drogues distingue quantité de niveaux de pasteurisation différents. Les laiteries m'ont communiqué la formule, qui figure à la fin de mon rapport. Pour la consommation humaine, la température correcte est de 161 degrés Fahrenheit pendant 16 secondes. L'étude utilisait 173 degrés.

Il y a aussi le fait que le comité d'experts a donné deux impressions fausses concernant le facteur de croissance insulinoïde. La première est que 90 p. 100 du facteur de croissance insulinoïde 1 serait détruit par la pasteurisation du lait maternisé destiné aux nourrissons. C'est un autre aspect que nous aborderons. Cela est techniquement vrai, mais il faut savoir que la pasteurisation du lait maternisé est effectuée à 250 degrés Fahrenheit pendant 20 minutes. Nous demandons donc quel intérêt ce fait peut avoir puisque les consommateurs boivent du lait liquide chauffé à 161 degrés Fahrenheit pendant 16 secondes? Les tableaux sont là.

La deuxième impression fausse est l'affirmation que les niveaux de FCI-1 dans le lait maternel sont plus élevés que chez les vaches laitières traitées au HCbr. Encore une fois, c'est techniquement vrai, mais cela n'a rien à voir avec la sécurité humaine. La durée d'exposition au niveau de FCI-1 présent dans le lait maternel se situe entre trois mois et un an. Ce n'est pas une comparaison scientifiquement valide lorsqu'on parle d'une exposition à des niveaux élevés de facteur de croissance insulinoïde 1 protégé par la caséine du lait de vache, pendant 50 années de consommation. Nous sommes au-delà de l'allaitement maternel. Et le niveau d'exposition est entièrement différent.

Tout le problème du rapport du comité d'experts sur la sécurité humaine est qu'il est subjectif, non objectif. L'inclusion du résumé du rapport de 1998 du comité mixte d'experts sur les additifs alimentaires et les conclusions relatives à la somatotrophine sont inacceptables. Le document précise bien que nul ne doit citer ce résumé avant la publication de la série 41 sur les additifs alimentaires de l'Organisation mondiale de la santé, qui vient juste d'être publiée. En outre, une lecture obligatoire est le document 41/11 dans la série Alimentation et nutrition de la FAO, qui n'avait pas été publié à l'époque où le comité a délibéré ou a publié son rapport. Ce document n'est même pas encore publié aujourd'hui.

J'ai parlé au Dr Herrman, en Suisse, qui est le secrétaire du comité mixte d'experts et il m'assure qu'ils espèrent le publier vers la mi-juin. Je signale toutefois au Sénat que le document 41/11 a été renuméroté. Il s'intitule dorénavant Rapport no 88 de la série technique, selon le Dr Herrman.

En ce qui concerne le CMEAA, je signale au comité que ses rapports contiennent l'avertissement suivant, et je cite:

Ce rapport exprime les vues collectives d'un groupe international d'experts et ne représente pas nécessairement les décisions ou la politique déclarée de l'Organisation mondiale de la santé ou de l'Organisation de l'alimentation et de l'agriculture des Nations Unies.

Par conséquent, notre conseil ne reconnaît pas l'autorité du CMEAA à cet égard, car nous sommes tenus, tout comme nos commissions d'hygiène et autres autorités sanitaires relevant de la réglementation ontarienne, aux critères suivants: premièrement, le lait doit correspondre aux définitions de la Loi sur la protection et la promotion de la santé de l'Ontario, tout comme aux températures de pasteurisation, qui sont indiquées à la fin de mon document. J'y ai joint également le texte de deux des responsabilités imposées par la loi.

Je vous rappelle également que cette loi impose de prouver légalement que la pasteurisation a eu lieu. Les études de recherche admises par les chercheurs et le comité de la sécurité humaine de Santé Canada ont englobé des recherches sur la pasteurisation qui ne prouvaient même pas que celle-ci avait eu lieu. La preuve peut être apportée par un test officiel, appelé le test de la phosphatase alcaline et ce test doit être effectué pour prouver que la pasteurisation a eu lieu.

Nous citons également dans les renvois des articles de revues spécialisées en sciences laitières qui abondent dans le même sens, bien que ne traitant pas d'échantillonnage du lait aux fins d'études de sécurité humaine.

La preuve de la pasteurisation est exigée depuis 1898, depuis que le Danemark a dû combattre une épidémie de tuberculose dans son troupeau. À l'époque, l'argumentation était très logique. Comment peut-on prouver que la pasteurisation a eu lieu? Que pouvez-vous dire pour nous convaincre d'acheter du lait pasteurisé? Quelle est la différence? La différence ne se voit pas. Aviez-vous déjà entendu cette argumentation? Ce débat a eu lieu en 1898 et l'on a inventé ce test. Soit dit en passant, on me dit que l'Agence canadienne d'inspection des aliments possède un test pour la STbr. Vous voudrez peut-être lui poser des questions à ce sujet. Il est très ingénieux, d'après ce que j'entends.

Nous voulons des preuves, et non pas une quelconque version de la vérité présentée par quelqu'un, sénateurs. Pourquoi Santé Canada et le comité de la sécurité humaine se sont-ils fiés à des études qui ne répondent pas aux conditions de sécurité humaine posées par notre législation?

Il y a une profonde différence entre le FCI-1 endogène et exogène. Le sénateur Spivak l'a évoqué ce matin. Il faut tenir compte des protéines fixatrices. Chacune exerce des fonctions différentes; la protéine fixatrice 2 est une antagoniste comparée à la protéine fixatrice 3. Surtout, si vous lisez le renvoi 3 de la page 4, on sait que le FCI-1 provoque une synthèse maximale d'ADN à de faibles niveaux, sous l'action de la somatomédine ou protéine fixatrice du FCI-1.

Vos comités d'experts, et le Dr Maclean de l'Australie, cherchent dans la mauvaise direction. Les niveaux maximaux ne sont pas le problème; en revanche, l'exposition de longue durée à de faibles niveaux en est un. Par conséquent, nous formulons deux recommandations à l'intention du Sénat: premièrement, que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et de forêts fasse en sorte que Santé Canada rétracte publiquement, dans tous les médias ordinaires et sur le site Web de Santé Canada, son affirmation que le comité d'experts de la sécurité humaine émane du Collège royal des médecins; deuxièmement, que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts fasse en sorte que Santé Canada expurge toute référence relative à l'innocuité pour l'homme de la HCbr qui ne répond pas aux critères suivants, que vous trouverez énoncés à la page 5.

(a) Toute recherche doit prouver la pureté de la substance au moyen de tests de chromatographie lumineuse de haute performance;

(b) toute recherche doit se conformer au profil d'acides aminés hormonaux de la substance commercialisée;

(c) les mesures d'hormones doivent être effectuées sur les bêtes cibles avant injection et après injection;

(d) les échantillons de lait doivent provenir d'animaux cibles injectés avec la substance commerciale selon les doses et les durées recommandées;

(e) les échantillons de lait doivent provenir de vaches laitières injectées exclusivement, les échantillons doivent être pasteurisés selon les normes de pasteurisation pertinentes et toutes les variations, soit de composition soit de percentiles de composition, être consignées;

(f) que Santé Canada communique au comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts le nombre d'études existantes mesurant exactement les effets de la HCbr sur le lait;

(g) que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts publie le nombre de références pouvant effectivement être considérées comme pertinentes à la lumière de la réglementation canadienne;

(h) après vérification des études admissibles et pertinentes selon les critères ci-dessus, que Santé Canada demande à tous les établissements d'enseignement, tels qu'universités et collèges, d'éliminer de leurs programmes d'enseignement les études et textes relatifs à la HCbr non pertinents.

Comme je l'ai promis en décembre, nous soumettrons notre rapport complet à notre commission d'hygiène, pour distribution à tous les agents d'hygiène publique de l'Ontario, dès que j'aurais en main le rapport no 88 de la série technique. Je ne peux aller plus loin avant d'avoir connaissance de ce dernier.

Nul n'est au-dessus des lois. Nous avons au Canada une excellente industrie laitière, édifiée sur un fondement réglementaire solide marqué par la compassion, l'écoute et la compréhension. Nous craignons toutefois qu'elle soit entrée dans un état de dysfonctionnement ces derniers temps et nous aimerions contribuer à rectifier ce problème. Nous sommes prêts à contribuer à la guérison, si nous le pouvons.

Le vice-président: Je signale au comité que Victor Daniel est un Ontarien rural. Je ne sais pas s'il est toujours producteur laitier, mais il l'a été et il connaît très bien l'industrie du lait.

M. Daniel: Je travaille toujours avec les vaches chaque jour. Je gagne ma vie sur le dos des riches producteurs laitiers, comme vous le dites. Je me contente de tailler les sabots des vaches, d'écouter Toronto et de lire beaucoup.

Le vice-président: Je voulais simplement indiquer que vous n'étiez pas Torontois.

M. Daniel: Je suis un conseiller rural de la Ville.

Mme Jo Dufay, coordonnatrice de campagne, Conseil des Canadiens, Panel sur les questions en suspens: Monsieur le président, je représente le Conseil des Canadiens. Nous sommes une organisation publique indépendante et non partisane. Elle a été fondée en 1985 dans le but de faire entendre une voix critique sur des questions d'importance nationale. Plus de 100 000 membres appuient notre action d'un bout à l'autre du pays.

Le Conseil des Canadiens applaudit le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pour son examen approfondi du sujet de la STbr, ainsi que ses recommandations réfléchies visant à protéger la santé et le bien-être des Canadiens. Selon le mot de notre présidente, Maude Barlow, lors de la publication de votre rapport: «Dieu merci pour l'existence du Sénat».

Le vice-président: Le président de notre comité, le sénateur Gustafson, a reçu plus de 1 000 messages de tout le pays félicitant le Sénat pour son travail sur cette question.

Mme Dufay: Cela montre bien l'importance que le public accorde à cette affaire. Il apprécie sincèrement votre travail.

La somatotrophine bovine recombinante, aussi connue sous le nom d'hormone de croissance bovine, HCB, est le premier produit issu de manipulations génétiques dont l'homologation ait été demandée au Canada aux fins de la production alimentaire. Cela aurait dû être une occasion de prouver la valeur du processus d'homologation canadien des aliments et drogues, mais au lieu de cela, c'est devenu une démonstration éclatante des insuffisances de notre système. Le fabricant, Monsanto, est le seul partisan déclaré de ce produit. Les agriculteurs ne le réclament pas, les consommateurs n'en veulent pas et Santé Canada a décidé récemment de ne pas l'approuver. Pourquoi donc continuons-nous à parler de cette substance?

Il y a deux raisons. Premièrement, en dépit de toutes les raisons motivant le refus d'homologation, nous pourrions finir par être obligés d'utiliser ce produit. Deuxièmement, en observant le traitement de ces dossiers, nous avons mis à jour quelques réalités désagréables quant au fonctionnement du processus canadien d'homologation des médicaments. Ces préoccupations sont encore renforcées par le témoignage des scientifiques de Santé Canada ce matin concernant le Revalor-H et le Revalor-S.

Pourrions-nous nous retrouver tout de même avec l'hormone de croissance bovine au Canada? Oui, c'est possible, selon l'un ou l'autre de trois biais.

Premièrement, le Canada pourrait faire l'objet d'une contestation commerciale suite à une décision du Codex Alimentarius. De fait, la rumeur veut que Monsanto prépare une contestation de l'interdiction européenne de l'hormone de croissance bovine.

Je n'entrerai pas dans de longs détails sur le Codex Alimentarius. J'enseignais jadis l'anatomie, et lorsque j'en venais à la jointure du genou, je disais qu'elle se résumait en deux mots: «très complexe». De ce point de vue, le Codex Alimentarius ressemble beaucoup à l'articulation du genou.

Le Codex Alimentarius a pour fonction d'établir des normes minimales qui sont facultatives. Mais avec la conclusion des traités commerciaux internationaux, l'OMC traite les décisions du Codex comme une sorte d'étalon or. Ce qui était censé être des normes minimales deviennent en fait des normes maximales et ce qui était censé être des lignes directrices facultatives deviennent une contrainte minimale que les pays sont tenus d'observer.

Le deuxième biais par lequel nous pourrions être obligés d'accepter l'hormone de croissance bovine au Canada sont les importations de viande ou de lait provenant d'animaux traités. Avec les attaques contre le système de commercialisation du lait canadien, de même qu'avec les importations de produits laitiers de culture et de viande, nous pourrions nous retrouver avec des résidus d'HCB dans notre alimentation.

Les prétentions d'innocuité pour la santé humaine jouent un rôle très important à cet égard. Bien que ces prétentions aient été rejetées à plusieurs niveaux -- et je note, en particulier, les recommandations du comité demandant des études plus poussées -- Monsanto va répétant que le Canada a déclaré le HCB sans danger pour l'homme. C'est là une affirmation profondément et volontairement trompeuse que Santé Canada devrait démentir.

Enfin, Monsanto conteste la décision de Santé Canada sur l'hormone de croissance bovine. Cette contestation est en cours et se déroule à huis clos. C'est un processus confidentiel qui pourrait très bien souffrir du même problème que l'examen initial de ce produit.

Nous formulons une série de recommandations pour prévenir l'arrivée inopinée du HCB sur le marché canadien.

Premièrement, nous avons une série de recommandations concernant la position du Canada au Codex Alimentarius relativement à l'étiquetage, aux facteurs à considérer et au comité mixte d'experts sur les additifs alimentaires, le CMEAA.

Deuxièmement, Santé Canada doit traiter la contestation de Monsanto contre la décision sur la HCB de manière ouverte et transparente, conformément aux recommandations 1, 2, 4 et 5 contenues dans le rapport de mars 1999 de votre comité et d'une manière conforme au principe de précaution. Nous demandons instamment que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts suive ce processus jusqu'à son terme.

Troisièmement, tant que les études demandées par votre comité dans ses recommandations 4 et 5 de mars 1999 n'auront pas été faites et examinées par Santé Canada, le ministère devrait faire savoir qu'il n'a pas approuvé la HCB sur le plan de la santé humaine, contrairement à ce que prétend Monsanto.

Qu'avons-nous appris sur la procédure d'homologation des médicaments telle que suivie pour la HCB et d'autres substances? Le déroulement dramatique des événements au sein de Santé Canada relativement à la HCB et les révélations d'aujourd'hui concernant les hormones de croissance bovine ont ébranlé la confiance des Canadiens en cet élément vital de notre système de protection de la santé. Il est impératif de rétablir la confiance des Canadiens en effectuant un examen approfondi des problèmes rencontrés et en leur apportant des solutions. Il est peut-être d'une importance immédiate encore plus grande de voir si d'autres médicaments ont été homologués du fait de ces mêmes déficiences.

Votre comité a recommandé une évaluation par le gouvernement du processus d'homologation des médicaments de Santé Canada, soit en conjonction avec le vérificateur général soit sous réserve d'un examen ultérieur par lui.

Le comité recommande également que les fonctionnaires de Santé Canada fassent rapport d'ici juin de cette année sur les initiatives entreprises pour résoudre ce que l'on qualifie de problèmes de gestion. Il s'agit là de vos recommandations 3 et 7.

Sauf tout le respect que je porte à l'excellent travail effectué par votre comité, le Conseil des Canadiens est d'avis que les problèmes rencontrés à l'égard de la HCB sont symptomatiques de déficiences qui sont beaucoup plus que des «problèmes de gestion». Nous pensons que c'est un problème de conception des systèmes. Ces problèmes exigent une enquête serrée de la part d'un organisme externe sous l'oeil du public et avec la participation de celui-ci. À notre sens, seule une enquête judiciaire en bonne et due forme répond à cette condition. Je ne vais pas récapituler ici les insuffisances du processus. Elles vous ont été longuement expliquées. Je voudrais plutôt en esquisser les raisons sous-jacentes et proposer des remèdes.

Premièrement, la Direction de la protection de la santé ne jouit pas d'une indépendance suffisante. Elle est imprégnée par un schéma mental voulant que l'industrie soit son client.

Deuxièmement, il y a le problème du financement. L'initiative de recouvrement des coûts signifie que 90 p. 100 du budget consacré à l'examen et à l'homologation des médicaments de la direction provient directement de l'industrie.

Troisièmement, la Direction de la protection de la santé doit disposer d'une capacité scientifique indépendante dans des domaines relativement restreints et spécialisés. Il est très difficile de trouver des avis scientifiques véritablement indépendants. J'ai annexé à mes notes le rapport que le Conseil des Canadiens a rédigé sur les deux comités externes qui se sont penchés sur l'hormone de croissance bovine.

Nous devons également considérer la capacité des fonctionnaires à protéger l'intérêt public. Les scientifiques de Santé Canada qui ont témoigné devant ce comité ont fait preuve de bravoure pour informer le public de leurs fortes préoccupations et l'on peut qualifier leur action de «périlleuse pour leur carrière», en termes polis. Franchement, je ne sais pas comment ils ont trouvé et continuent d'avoir le courage, la persévérance et la bravoure pour faire ce qu'ils ont fait. L'obligation de silence qui les empêche maintenant de parler publiquement de leur expérience et préoccupations est contraire à l'intérêt public. Nous considérons qu'elle doit être levée immédiatement.

Pour rétablir la confiance du public canadien dans le processus d'évaluation et d'homologation de nouveaux aliments et drogues au Canada et garantir l'innocuité des produits déjà approuvés, nous recommandons, premièrement, une enquête judiciaire immédiate et illimitée sur le processus d'homologation des médicaments au Canada; deuxièmement, la modification du mécanisme du financement de la direction de la protection de la santé pour assurer l'indépendance de cette administration publique à l'égard des intérêts privés; troisièmement, le renforcement de la capacité scientifique indépendante de la Direction de la protection de la santé par l'embauche de scientifiques qualifiés; quatrièmement, la réévaluation du rôle, le cas échéant, des comités externes et des lignes directrices les régissant, afin d'en garantir l'indépendance et la compétence; et, cinquièmement, une clarification des lignes directrices de façon à permettre aux fonctionnaires de s'exprimer lorsque l'intérêt public est menacé.

Après avoir entendu les témoignages de ce matin, j'ajouterais une sixième recommandation, à savoir que le ministre de la Santé soit requis de publier immédiatement les documents remis par les scientifiques et, en outre, que le Canada révise sa position dans le conflit actuel avec l'UE au sujet des hormones dont il a été question ce matin.

La HCB n'est pas autorisée aujourd'hui au Canada grâce à l'énorme tollé public, grâce aux scientifiques courageux qui ont donné l'alerte, et grâce au travail politique réfléchi dont votre comité a donné l'exemple, grâce à ces pressions combinées exigeant la diligence nécessaire. Je ne suis pas certaine que la diligence nécessaire aurait existé en l'absence de ces facteurs externes combinés. Tous les produits ne bénéficieront pas de la même attention du public que la HCB. Les Canadiens ont besoin d'un nouveau processus d'homologation qui garantisse leur sécurité. Nous avons également besoin des réponses aux questions soulevées à l'égard de la HCB et d'autres substances qui ont pu être approuvées dans des circonstances similaires.

Les Canadiens doivent protéger leur droit souverain de réglementer les aliments et drogues dans leur pays. Encore une fois, au nom du Conseil des Canadiens, je remercie et félicite votre comité de son important travail.

M. Michael McBane, coordonnateur national, Coalition canadienne de la santé: Nous aussi souhaitons exprimer nos remerciements au nom des militants pour la santé de tout le pays pour le travail de ce comité et le soin qu'il met à faire enquête sur un aspect extrêmement controversé et important du travail du gouvernement.

L'une des faiblesses dans notre démocratie est celle-ci: Qui fait enquête sur le gouvernement? C'est un problème, comme dans la plupart des sociétés démocratiques. Qui va mener une enquête indépendante sur un problème sérieux?

Le vice-président: Le Sénat du Canada.

M. McBane: Continuez ce bon travail! Nous voulons remercier également le sénateur Kinsella de sa récente motion. Il importe de protéger les scientifiques qui protègent le public, plutôt que les clients industriels.

Nous avons déposé aujourd'hui un document intitulé «Transition = abdiquer ses responsabilités», un guide pour les citoyens rédigé par la Coalition de la santé où nous analysons le processus de transition de la Direction générale de la protection de la santé. J'ai voulu déposer ce texte ici car nous y avons systématiquement analysé les objectifs déclarés de la refonte du régime de protection de la santé de Santé Canada. Nous avons noté que vous écriviez dans votre excellent rapport provisoire que le public devrait faire confiance à cette initiative et que vous l'appuyez dans la mesure où elle est ouverte à la participation du public et de ce fait transparente. Les documents rédigés par Santé Canada énoncent comme principe directeur que les Canadiens seront consultés.

Santé Canada a affiché sur son site Web, le 28 avril, je crois, les résultats des premières rondes de consultation sur la Direction générale de la protection de la santé. C'est un rapport intitulé «Rapport sommaire sur les consultations nationales». L'Agence canadienne d'inspection des aliments y est mentionnée. On y lit que les Canadiens ont fait part à Santé Canada de leurs préoccupations devant le transfert de la responsabilité en matière de sécurité alimentaire au ministère de l'Agriculture. D'aucuns se sont inquiétés que la priorité de l'ACIA soit de promouvoir les produits alimentaires et le commerce. Ils considèrent l'Agence comme souffrant d'un grave manque de personnel et disent que l'inspection des aliments devrait rester l'apanage du ministère de la Santé.

Le jour même de la publication de ce rapport de consultation, le ministre de l'Agriculture a déposé le projet de loi C-80, qui démantèle la Loi sur les aliments et drogues. C'est la mesure législative la plus importante et la plus dangereuse qui soit proposée et elle a été introduite à la Chambre dans la plus grande discrétion.

Nous sommes en plein milieu d'une crise qui va s'amplifiant en matière de protection de la santé publique. Des consultations ont été menées, dont il ressort que Santé Canada devrait avoir la responsabilité de la sécurité alimentaire, et non le ministère de l'Agriculture, et pourtant ce projet de loi veut transférer toutes les responsabilités à l'égard des inspections, des enquêtes et de la conformité des aliments à un organisme de promotion commerciale. Voilà en quoi consiste le projet de loi C-80. C'est très grave.

Nous voulons porter cela à l'attention de votre comité car nous pensons que vous êtes en mesure, avec l'appui des Canadiens, d'empêcher l'adoption de ce projet de loi. C'est indispensable. Nous devons cesser de démanteler notre législation de protection de la santé et rétablir et appliquer la loi.

Les indications ne manquent pas montrant que ce modèle, où les promoteurs du commerce alimentaire sont responsables de la sécurité alimentaire, ne fonctionne pas. C'est ce qui a été essayé en Angleterre, comme vous le savez sans aucun doute. Le gouvernement Thatcher a déréglementé la sécurité alimentaire. Là aussi, cette responsabilité a été transférée du ministère de la Santé au ministère de l'Agriculture. Toutefois, cette nouvelle structure n'a pas su empêcher la maladie de la vache folle -- à tel point que le nouveau premier ministre l'a retransférée au ministère de la Santé.

Le projet de loi C-80 transfère la responsabilité en matière de sécurité alimentaire à un organisme qui n'a aucune compétence scientifique. Il n'a plus d'inspecteurs. Il dit à Santé Canada qu'il ne veut pas de la recherche scientifique effectuée par ce ministère. En gros, on supprime la recherche et on dit: «Notre client est l'industrie». C'est une situation extrêmement grave.

Nous avons percé à jour les objectifs de la législation relative à la protection de la santé, et nous avons des preuves à l'appui. Nous avons des documents, obtenus par une demande d'accès à l'information, où des avocats du ministère de la Justice disent que la Loi sur les aliments et drogues doit être démantelée parce qu'elle empêche les compromis sur le plan de la sécurité. Voilà ce que fait le projet de loi C-80. Il démantèle la Loi sur les aliments et drogues et déréglemente la sécurité.

Par conséquent, je vous exhorte à reconsidérer votre appui au processus de transition de la Direction générale de la protection de la santé. Il ne suffit pas de procéder à une consultation. Nous ne voulons pas être partie prenante au démantèlement de nos lois qui privilégient la sécurité plutôt que l'industrie. Il nous faut considérer l'action législative et pas seulement le processus de consultation.

Quant au projet de loi C-80, nous demandons que le contrôle de la sécurité alimentaire, les inspections de produits alimentaires et les enquêtes sur les empoisonnements alimentaires soient restitués à Santé Canada, là où réside l'expertise et là où il convient de la renforcer.

J'ai une dernière anecdote. Pendant la fin de semaine de Pâques, le Toronto Star a publié une grande enquête sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'organisme qui fait la promotion de la biotechnologie alimentaire. Elle est incapable d'empêcher la présence de salmonelles dans le fromage ou de bactéries dans les fraises. Pourtant, nous lui confions la sécurité biotechnologique. Elle a empêché le Département sanitaire de Toronto et le ministère de la Santé de l'Ontario de rechercher la source de l'infection à salmonelle car cela aurait nui à ses clients industriels. Tout cela a été publié dans le Toronto Star et confirmé par le ministère de la Santé ontarien. Il y a là un conflit d'intérêts majeur. Je vous exhorte, honorables sénateurs, de stopper ce projet de loi, de protéger la sécuritaire alimentaire des Canadiens et de protéger nos producteurs canadiens.

M. Peter Dowling, coordonnateur pour l'Ontario, Syndicat national des cultivateurs: Monsieur le président, je suis agriculteur moi-même et je trais les vaches. Nous avons rédigé quelques notes en style télégraphique. Il est difficile d'écrire des phrases complètes et de conduire un tracteur en même temps. Soyez indulgent avec moi.

Je veux remercier les honorables sénateurs de nous avoir invités de nouveau aujourd'hui à exprimer nos nouvelles préoccupations. Les cultivateurs ont peur de la STb, non seulement parce qu'elle rend nos vaches malades mais parce qu'elle menace aussi notre marché et notre système de commercialisation, dont il est avéré qu'il est dans le meilleur intérêt des Canadiens.

La sécurité alimentaire est également une préoccupation des agriculteurs. Il nous faut des garde-fous fonctionnels pour protéger la santé des Canadiens. Les Canadiens doivent pouvoir faire confiance au système. Nous devons rétablir l'intégrité de notre système.

Nous avons esquissé un certain nombre de nos préoccupations. La plupart d'entre elles ne sont pas nouvelles. Je n'entrerai donc pas dans les détails.

Nous constatons que les choses ne vont pas mieux à Santé Canada. Ils disent une chose et en font une autre. Nous sommes indignés de voir que le rapport du comité d'experts de la santé humaine est présenté comme donnant le feu vert alors qu'il est avéré que cette analyse est erronée et peut-être même frauduleuse. L'analyse des écarts a été mise de côté. L'obligation de silence est inquiétante, pas seulement pour les raisons déjà énoncées. Nos scientifiques sont un élément du processus d'examen par les pairs. Leur avis est essentiel si l'on veut établir la vérité scientifique dans ces domaines.

Nous sommes préoccupés de voir que la rapidité de l'agrément prend le pas sur la prudence. Quelle différence cela peut-il faire que la décision soit prise rapidement ou non, pourvu que le travail soit fait correctement? Vouloir tenir des échéances semble plutôt frivole. Les Canadiens aiment à se considérer comme gens prudents.

Le recours à des experts de l'extérieur est un autre souci. Le comité consultatif mixte de gestion des programmes est un canal pour l'influence et les pressions des fabricants. Plusieurs témoins ont parlé ce matin des embrouilles au niveau international.

En ce qui concerne la confiance envers Santé Canada, nous pensons que le problème n'est pas seulement de la rétablir. On ne peut avoir confiance en un système qui n'a pas d'intégrité. Il faut donc rétablir l'intégrité du système de réglementation sanitaire.

Le principe de précaution exige des garanties et des garde-fous avant que des agréments soient donnés. Alors que la gestion du risque signifie, à la limite, que l'on va compter le nombre de morts avant d'interdire quelque chose. Il faut renforcer ce processus.

La réforme de la Direction générale de la protection de la santé est un outil pour faire de Santé Canada non plus le gardien des consommateurs canadiens, mais le laquais des fabricants de médicaments. Nous y sommes opposés. Il faut arrêter cela.

Que faut-il faire? Nous formulons quelques recommandations. La première est une loi interdisant l'hormone de croissance bovine. Étant donné que cette substance est nocive aux vaches et que les scientifiques ne sont pas d'accord sur les effets sur la santé, nous pensons qu'il serait approprié d'adopter une loi bannissant le produit du Canada.

Une enquête judiciaire est une bonne idée. Elle devrait avoir le pouvoir d'investigation et celui de porter des blâmes. Elle devrait avoir un mandat suffisamment large pour faire le ménage, mettre le blâme où il se doit et intenter des poursuites, le cas échéant.

Une autre tâche consiste à rétablir l'intégrité de la Direction générale de la protection de la santé. Ce n'est pas qu'il y ait un manque de confiance, il y a un manque d'intégrité. Stoppez la réforme de la Direction générale de la protection de la santé et supprimez le comité consultatif mixte de la gestion des programmes.

Dans la liste des mesures législatives requises, l'élément qui nous intéresse est le principe de précaution. La Loi sur les aliments et drogues est entièrement fondée sur le principe de précaution. Partout dans son libellé, le principe de précaution est implicite. Malheureusement, il n'est pas énoncé et défini de manière adéquate. Nous pensons qu'il faudrait le réaffirmer et le rendre explicite dans la loi, bien qu'il y ait quelques risques à le faire.

Nous apprécions énormément le soin que vous avez consacré à ce travail, sénateurs. Les Canadiens apprécient que vous soyez sensibles à leurs préoccupations. Nous avons formulé des suggestions que nous aimerions vous voir suivre. C'est notre liste abrégée de voeux.

C'est un mythe que les aliments modifiés génétiquement sauront nourrir un monde affamé, car ce ne sont pas là les cultures qui servent à nourrir les populations qui ont faim dans le tiers monde. Soixante-six pour cent de nos exportations alimentaires sont destinées au monde développé. Le soja et autres produits de cette sorte ne servent pas à nourrir les affamés. Il s'agit plutôt de contrôler notre nourriture à nous. Chacun doit manger et les Monsantos de ce monde s'efforcent d'avoir une part dans tout ce qui passe par nos bouches.

Votre comité a introduit un peu d'équilibre et de démocratie dans notre système alimentaire en s'opposant à la puissance de ces entreprises. Nous vous en remercions et vous demandons de continuer.

Le vice-président: Merci, monsieur Dowling.

Monsieur McBane, j'ai acquis une longue expérience de la sécurité alimentaire lorsque j'étais ministre de l'Agriculture et j'ai toujours pensé que nous faisions un meilleur travail que le ministère de la Santé. Après tout ce que nous avons entendu ici au sujet de ce dernier, je suis étonné que vous recommandiez de lui transférer quoi que ce soit.

M. McBane: C'est un triste constat sur l'état de notre ministère de la Santé, mais vous avez raison. La confiance est au plus bas, mais la réalité est que la Direction des aliments de la Direction générale de la protection de la santé est le seul organe gouvernemental à posséder les connaissances expertes en matière de surveillance alimentaire, et on lui impose des coupures. Elle est sur le point de disparaître. Bien que le ministre soit intervenu en imposant l'arrêt des coupures, et bien que des crédits supplémentaires lui aient été alloués dans le dernier budget, la direction refuse de remplacer quiconque, sauf à titre temporaire. Les crédits nouveaux n'ont pas été affectés à la surveillance scientifique, pourtant tellement impérative. Comme Peter l'a mentionné, lorsqu'on pratique la gestion du risque, on n'a pas besoin d'empêcher la maladie, on la gère.

La réalité est que la fonction d'inspection des aliments, les enquêtes sur les ruptures de sécurité et les recherches requises pour fixer les normes appartiennent tous au ministère de la Santé. On l'admet même aux États-Unis, où les associations scientifiques ont toutes dit que le promoteur des produits alimentaires ne devrait jamais être responsable de la sécurité. Nul ministère de l'agriculture du monde ne devrait être l'arbitre final en matière de sécurité alimentaire. Ce devrait être la fonction du ministère de la Santé. Notre travail est de faire le ménage au ministère de la Santé.

Le vice-président: Je me souviens d'être revenu d'une réunion en Europe, alors que j'étais ministre de l'Agriculture, pour apprendre qu'avait été adopté un décret en conseil prévoyant que l'on cesse d'inspecter les champignons en boîte aux ports d'entrée. Et nous avions trouvé dans des conserves de champignons en provenance d'Asie des excréments humains, des poils de rat, de l'acier, de la boue et je ne sais plus quoi encore. En vertu de ce décret, devant être exécuté par Santé Canada, l'inspection allait se faire sur les étagères des magasins.

Plusieurs ambassades, et cetera, étaient allées se plaindre de moi, disant que je restreignais trop le commerce. Les entreprises en Colombie-Britannique débordaient de boîtes de champignons. Je ne sais pas ce qu'ils en ont fait, mais il leur a fallu les renvoyer.

Vous dites que cela a changé. Il y a eu une grosse réunion l'autre jour ici à Ottawa sur la salubrité des aliments. Nous n'avons pas été invités à y assister. Vous y êtes peut-être allé.

M. McBane: Je suis allé à une séance de breffage de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, dont j'avais eu connaissance le vendredi seulement avant la réunion du Codex à Ottawa. On y a déposé une étude de l'association sur la nutrition, étude qui dit que les Canadiens ne sont pas suffisamment intelligents pour s'occuper de l'étiquetage d'aliments issus de la biotechnologie. On a dit que l'utilisation de cette technologie est si répandue que toutes les variantes ne pourraient pas être identifiées, qu'il y en a trop. Cela est ridicule. C'est parce qu'ils ne savent pas quels sont les risques et ne veulent pas que le public puisse attribuer des responsabilités pour les problèmes de santé qui pourraient survenir à l'avenir.

Cela fait ressortir que le client de l'ACIA est l'industrie. Dans le cas qui nous occupe, c'est Monsanto. Lors de ces réunions, ils se sont presque assis sur les genoux les uns des autres. Cela témoigne de leur dédain pour le public. La position de l'ACIA au Codex, qui rend compte au ministre de l'Agriculture, est qu'il n'y aura pas d'étiquetage obligatoire des produits issus de la biotechnologie. Le cabinet du ministre de la Santé m'a dit qu'ils ne pensaient pas que cette décision avait été prise. On essayait de dissimuler le fait que le gouvernement canadien ne serait pas ferme sur sa position, mais ce vers quoi tend l'ACIA et quel est son client sont des choses tout à fait claires.

Le vice-président: J'avais pensé que ce serait une bonne idée qu'un ou deux sénateurs aillent au Codex et y aient un droit de vote. On me dit cependant que parce que je ne suis pas chercheur, je ne peux être qu'observateur. Cela m'a stupéfait, car nous avons créé la plus grosse section de recherche de toute branche du gouvernement pour veiller à l'innocuité des aliments que nous produisons. Or, je ne peux être qu'observateur, parce que je ne suis pas chercheur. Il serait très difficile pour moi d'aller à une quelconque réunion et de ne pas pouvoir avoir mon mot à dire.

M. Daniel: Le 7 décembre, j'ai fait une promesse au sénateur Spivak au sujet des aliments génétiquement modifiés. J'ai siégé à un comité avec le réseau de communications sur la biotechnologie alimentaire de Santé Canada et l'Association des consommateurs du Québec. Des membres du personnel de deux universités étaient également de la partie. Nous venons tout juste de terminer notre rapport. Il sera déposé auprès de la Direction de la consommation d'Industrie Canada dans deux semaines et diffusé le mois prochain. Je ne pense pas que l'ACIA nous aimera beaucoup car nous avons mené une enquête très approfondie. Il y a là-dedans de nombreuses matrices et il y aura de nombreuses surprises. La porte devrait rester ouverte.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous faire parvenir une copie de ce rapport?

M. Daniel: Je ferai en sorte que vous le receviez personnellement.

Le sénateur Spivak: C'est une lourde tâche pour un comité sénatorial d'attaquer un virage systémique, en vertu duquel on passe de la protection des aliments dans l'intérêt du public à la protection de sociétés énormes qui n'ont en fait besoin d'aucune protection. Le pouvoir n'est pas équilibré. Ce n'est pas que nous ne sommes pas en mesure de relever le défi; la question est de savoir si nous pouvons livrer la marchandise.

Si le Codex Alimentarius décide qu'il n'y a aucun problème avec la STbr, quels genres de pouvoirs aurait la ville de Toronto pour limiter cela? Je me rends compte que c'est une question fédérale, mais je ne sais trop quels seraient le mandat et les pouvoirs de la ville dans ce domaine.

M. Daniel: Les relations fédérales-provinciales rendent certainement les choses intéressantes. Le médecin hygiéniste de n'importe quelle municipalité ontarienne a le droit de prendre des mesures pour tout aliment falsifié ou contenant une substance nuisible. En Ontario, en vertu de la Loi sur le lait, le lait ne peut contenir aucune substance étrangère. Par conséquent, l'on recoure à un processus d'approbation et l'on peut aviser le médecin hygiéniste, qui peut alors en informer l'association provinciale. Nous pouvons nous adresser au ministre de la Santé de l'Ontario lui disant que nous avons un conflit relativement à l'altération de produits alimentaires dans le contexte de la définition du terme «aliment» donné dans la Loi sur la protection et la promotion de la santé. Voilà ce que nous pouvons faire. Nous pouvons engager le processus prévu dans la loi.

Le Codex peut dire qu'un produit est sûr, mais nous ne reconnaissons pas le Codex. Le lait est défini dans la Loi sur la protection et la promotion de la santé.

Vous avez posé une question au sujet de la différence entre la bonne science et le commerce. Je vais vous donner un exemple, car mon travail est de faire des recherches sur les règlements.

La dernière fois que suis venu ici, j'ai déclaré que la définition fédérale de lait contenue dans l'actuelle Loi sur les aliments et drogues est que le lait doit être la sécrétion lactaire obtenue de la glande mammaire de la vache. S'il nous faut donner une interprétation scientifique de cela, je dirais que cette définition correspond à un produit qui est impropre à la consommation humaine en Ontario. En Ontario, le lait provient d'une vache ou d'une chèvre, et ce lait doit être libre de colostrum. Le colostrum fait partie de la sécrétion lactaire normale. C'est là la définition fédérale donnée en 1974, soit que le lait est la sécrétion lactaire normale, libre de colostrum, selon la partie 8 des règlements de la Loi sur les aliments et drogues.

Nous n'insistons pas sur cette définition, car nous n'avons jamais eu à l'examiner dans ce contexte. Cependant, avec une manipulation génétique, si vous abordez une question de sécurité, les espèces du genre bos ne constituent pas des produits génétiquement modifiés. Le lait ne peut pas provenir d'un organisme génétiquement modifié qui ressemble à une vache, bouge comme une vache et se comporte comme une vache.

On a implanté dans Herman, le taureau, des protéines humaines. Il a aujourd'hui huit ou neuf filles qu'on est en train de traire dans l'une des sociétés de biotechnologie. J'ai un dossier sur Herman, mais je ne l'ai pas mis à jour ces derniers temps. Ces vaches produisent dans leur lait de la lactoferrine, et non pas du lactose, alors ce n'est pas du lait de vache, mais c'est un produit sûr. La science s'occupe de définitions et de mesures. Nos lois essaient de faire cela, et on utilise la question du lait comme courbe d'apprentissage. On est en train d'apprendre beaucoup de choses dans ce contexte.

Le sénateur Spivak: Supposez que le Codex Alimentarius détermine que la STbr est sans danger. Monsanto utilise alors les moyens à sa disposition pour intenter une action contre le gouvernement. Le gouvernement secoue ses bottes et estime qu'il ne serait pas sage de poursuivre l'enquête sur la STbr, vu qu'un si grand nombre de personnes ont déclaré le produit sans risque, en dépit de toutes les déclarations trompeuses.

La province de l'Ontario, la ville de Toronto et l'association des municipalités rurales ou toute autre association de villes du pays peuvent-elles insister pour que le gouvernement fédéral n'approuve pas ce lait?

Par le passé, on a toujours écouté attentivement les provinces. Lors de négociations commerciales, les provinces sont toujours consultées. Nous ne voulons rien faire qui offense les provinces, étant donné surtout les questions de compétence provinciale. Auriez-vous des suggestions à faire?

M. Daniel: Je vais vous donner une réponse hypothétique.

Le sénateur Spivak: L'approche doit être d'ordre juridique. Il ne sert à rien de tout simplement protester.

M. Daniel: Il nous faudrait confirmer les conclusions scientifiques telles qu'elles s'appliqueraient en vertu de nos règlements. Ni le Codex ni le CMEAA ne reconnaissent, techniquement parlant, la loi canadienne. Si l'on consultait les documents du CMEAA, il serait difficile de trouver une référence selon laquelle le lait est déjà défini scientifiquement par les autorités fédérales d'un quelconque pays.

L'on suppose, sur le plan scientifique, que du lait c'est du lait. Cela est défini dans nos lois. La question est de savoir pourquoi nos lois ne sont pas invoquées. Nous dirions tout simplement que la science internationale s'est opposée à la position des conseils de la santé de l'Ontario. La position, de 1994 et de 1995, était que nous voulions des preuves de l'innocuité pour les humains. Tout ce que nous avons vu, c'est cette masse de papier. Toute personne qui doit lire tout cela a toutes mes sympathies. J'en ai pour 80 pieds dans mon bureau. Il n'y a aucune preuve.

Si la science est fidèle à la science, alors il existe déjà un protocole sur le lait, sur la façon dont il doit être manipulé, sur la pasteurisation, sur le type d'animal qui le produit et sur la composition du lait lui-même. Tous ces éléments sont déjà couverts par nos lois et ont été intégrés à la loi avant la signature de ces ententes.

Le lait a été défini en 1974. L'Accord de libre-échange n'est entré en vigueur qu'en 1988. La Loi sur la généalogie des animaux, loi fédérale, est la fondation pour tout le bétail enregistré au Canada. Il est communément convenu que cette loi contient la définition préférée de bétail enregistré.

Il faudrait que le comité dispose de ces renseignements. Nous déposerions notre présentation et il ferait la suggestion. Le tour reviendrait alors aux services du contentieux, car nous avons déjà fait cela une fois.

Nous avons reçu un rapport préliminaire, et c'est pourquoi nous sommes ici pour apprendre, négocier et relever diverses choses. Chaque fois que je reviens, j'apprends quelque chose de plus, ce qui ne fait que solidifier ma position.

Le sénateur Spivak: Il s'agit d'une question de droit commercial. En bout de ligne, ce seront des juristes spécialisés en droit commercial qui s'en occuperont.

Je suis convaincue qu'on a été plutôt mou pour ce qui est du processus de transition et plutôt mou pour ce qui est du rétablissement de la confiance de Santé Canada.

J'aimerais qu'on aborde la question de l'enquête judiciaire. D'après ce que j'ai compris, vous estimez que cette question est aussi importante que le scandale sur le sang contaminé et l'enquête Krever. C'est ce qui ressortirait si le comité accordait autant de gravité à cette question.

Pensez-vous que la question est si vaste, et comprend de si nombreuses facettes, faisant intervenir Agriculture et Agro-Alimentaire Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, la Direction générale de la protection de la santé, l'industrie et la politique gouvernementale, que c'est là la façon de procéder? Si nous suggérions cela, ce serait une très sérieuse étape. Je ne sais trop si cela serait accepté.

Mme Dufay: En bref, la réponse est oui; c'est ce que nous jugeons nécessaire, sénateur.

Même si vous vous limitez aux témoignages qui ont été faits devant le comité ici réuni, cela soulève déjà de sérieuses préoccupations. Un examen interne a montré qu'aucun des tests toxicologiques à long terme normalement requis et qu'aucun des tests visant à déterminer les risques pour la sécurité humaine n'ont été effectués dans le cas de cette hormone de croissance bovine. Cette drogue a été presque approuvée plusieurs fois et a reçu le tampon d'acceptation eu égard à la santé humaine tout juste deux semaines après que 14 volumes de documentation aient été déposés auprès du ministère.

Lorsque vous regardez les contradictions que le comité a relevées dans les témoignages qui lui ont été faits par des représentants de Santé Canada, comparativement aux dossiers qui existent ailleurs, et lorsque vous regardez les allégations de pression, de coercition et d'offres d'argent, tout cela indique un potentiel énorme de méfaits dans ce qui est censé être un processus de défense de la sécurité du public.

Ajoutez ensuite cela aux preuves que nous avons entendues ce matin de la bouche de chercheurs de Santé Canada qui disent que les hormones de croissance bovine, déjà approuvées et utilisées dans ce pays, ont de graves effets sur les bovins. Puis vous entendez que ces drogues ont été approuvées par des gestionnaires du ministère en dépit des inquiétudes des chercheurs. Comme l'a dit Margaret Haydon, on a fait la sourde oreille à ses préoccupations. Comment l'un quelconque d'entre nous, vivant dans ce pays, peut-il compter sur la salubrité des aliments et drogues lorsqu'on entend des témoignages aussi choquants? Oui, nous croyons qu'une enquête judiciaire sans restriction s'impose.

Je vais maintenant passer à votre question portant sur l'aspect commercial. M. Daniel a parlé du processus, du gouvernement fédéral jusqu'en bas. Moi, je vais parler du processus du gouvernement fédéral jusqu'en haut, dans le contexte d'une action judiciaire. Supposons que l'OMC conteste la décision du Canada d'interdire l'hormone de croissance bovine ou la décision éventuelle du pays d'interdire l'importation de viande ou de lait en provenance d'animaux traités à la HCB. L'OMC demanderait s'il s'agit d'une barrière technique au commerce. Une restriction, sous les traits de la science, a-t-elle été créée pour entraver le commerce loyal?

L'OMC tenterait alors d'établir ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas au niveau international en examinant les recommandations du Codex Alimentarius. Si le Codex décidait que la HCB ne peut pas être étiquetée ou qu'il ne reconnaîtra pas de niveaux de résidus maximaux, alors l'OMC trancherait contre le Canada.

En vertu des règles de l'OMC, les pays peuvent être obligés à changer leurs lois. Au contraire de l'ALENA, l'OMC a le pouvoir d'intervenir et d'exiger des pays qu'ils remanient leurs lois. Si nous refusons, on nous imposera des barrières tarifaires internationales. Il est peu probable que le gouvernement canadien accepte une telle situation. Nous avons déjà vu, dans l'affaire de l'additif de l'essence, le MMT, à l'ALENA, qu'au lieu d'emprunter ce chemin, le gouvernement s'est couché et a accepté qu'entre dans le pays ce qui avait été précédemment décrit comme une neurotoxine insidieuse, et a donné de l'argent à la compagnie pour faire bonne mesure et pour qu'elle se taise.

Le sénateur Spivak: Ils ont qualifié le produit de sûr.

Mme Dufay: En effet. En ce qui concerne les questions de droits provinciaux et fédéraux et d'ententes commerciales, il y a un certain niveau de consultation. Par exemple, dans le cas de l'exportation en vrac d'eau et de l'ALENA, le gouvernement semble avoir concédé dans l'Accord de libre-échange nord-américain un certain nombre d'importantes mesures de contrôle qui avaient appartenu aux provinces. Je ne vais pas entrer dans le détail ici, car là n'est pas notre propos.

Mme Rickman: Une autre question qu'il convient d'examiner est la relation entre la Direction de la protection de la santé et l'industrie. Santé Canada a déjà déclaré que l'industrie est son client, mais il y a là une relation beaucoup plus incestueuse qu'il est très important de souligner, étant donné surtout le processus d'appel.

Monsanto a dit qu'elle en appellerait de la décision sur la norme de croissance bovine. Le panel est censé travailler à huis clos, sans participation publique, et compter trois membres, l'un nommé par Santé Canada, l'un nommé par Monsanto et le troisième nommé conjointement par les deux parties. J'ai de la difficulté à ce stade-ci à voir une différence entre Santé Canada et Monsanto. Il est très important d'examiner la relation entre les deux sans quoi tout le travail que nous avons fait ici aura été futile car, en gros, Monsanto recevra en bout de ligne le tampon d'approbation qu'elle demande.

M. Dowling: Le sénateur Spivak a posé une question au sujet d'une enquête judiciaire. Nous pensons que c'est là une étape essentielle. De nombreuses autres approches ont échoué par le passé. Diverses initiatives visant à examiner l'intégrité du ministère ont échoué. Il nous faut quelque chose qui ait le poids d'une enquête judiciaire pour tenter de résoudre cette question et rétablir la confiance à l'égard du ministère.

M. McBane: Nous n'avons pas demandé une enquête judiciaire, en partie parce que le juge Krever était déjà débordé. L'exécutif, dans ce cas-ci le premier ministre, lui avait imposé d'énormes restrictions. Vous constaterez qu'en dépit des conclusions de l'enquête Krever, aucun responsable n'a été puni pour manquement à ses devoirs. Ils sont tous toujours en poste. La destruction de documents n'a pas été expliquée. Les sociétés qui avaient importé le produit illégalement n'ont jamais été poursuivies.

Le signal donné partout au gouvernement est que vous êtes censé protéger votre client de cette façon. Tous les efforts du juge Krever ont été en vain. La tâche est énorme. Faire intervenir un juge n'est pas une solution magique.

Je songe au livre de John Ralston Saul, The Unconscious Civilization. Il y a eu une très sérieuse réflexion sur l'envergure de l'invasion du gouvernement par le secteur privé.

Le sénateur Spivak: Walter Stewart écrit lui aussi sur cette question.

M. McBane: Oui. Un certain nombre de Canadiens ont sérieusement réfléchi à cette question. Vous ne seriez pas seuls si vous vous y lanciez. Peut-être que c'est là un rôle pour un comité parlementaire. Muni d'un budget de recherche et de la volonté politique nécessaire, un tel comité pourrait être très utile.

Le vice-président: Monsieur McBane, vous venez d'aborder une question très importante, celle de notre budget de recherche. Le comité, comme tous les autres comités parlementaires, est limité quant aux dépenses qu'il peut faire. Nos recherchistes nous sont prêtés par la Bibliothèque du Parlement. Nous nous efforçons de prévoir dans nos budgets de l'argent pour la recherche, mais nous sommes limités. La presse est très au courant du fait que nous soyons, à ce qu'il paraît, ceux qui dépensent gros.

Tous les autres témoins conviennent-ils avec M. McBane que le ministère de la Santé sera le sauveur ici? Peut-être que j'attribue à M. McBane des propos qu'il ne tiendrait pas, mais j'ai beaucoup de réserves quant à ce qu'a fait et continue de faire Santé Canada. Nous avons entendu les chercheurs ici encore aujourd'hui, et ils comptent nous soumettre pour 52 pages d'irrégularités.

J'étais autrefois très fier de notre système d'inspection des aliments. Nous avions des personnes hautement qualifiées. Nous étions l'un des rares pays dans le monde qui ne faisaient jamais de bêtises. C'était à l'époque où nous exercions le contrôle. Nous étions souverains.

M. Daniel: Je m'occupe depuis cinq ans de ce dossier sur l'hormone de croissance bovine. Dans le cadre de négociations que j'ai menées avec mes voisins agriculteurs, le gouvernement, et la ville de Toronto, j'en suis arrivé à la conclusion que chacun parle une langue légèrement différente. Chacun a une intonation légèrement différente et donne une interprétation différente.

Je ne peux pas approuver la demande de M. McBane que cette question revienne uniquement à Santé Canada. L'un des plus gros problèmes auxquels se trouvent confronté le Conseil de la politique alimentaire de Toronto et les conseils de santé est de faire en sorte que le citoyen moyen comprenne la façon dont fonctionne le système alimentaire.

La raison pour laquelle les choses vont si mal relativement au dossier sur l'hormone de croissance bovine est que les organes de réglementation ne comprennent pas les règlements, les liens qui existent entre eux et le pourquoi de ces liens. Les agriculteurs ne comprennent pas les articles. Ces articles ne sont pas complexes; ils ne remplissent qu'une page. Il nous faut obtenir de tous les intervenants autour de la table qu'ils discutent de ces questions.

J'ai ici la Loi de l'industrie laitière de 1914. C'est le dernier texte de loi censé que j'aie jamais lu, car il met tous les morceaux ensemble, y compris le rôle de l'agriculteur, le rôle de la Direction générale de la protection de la santé et le rôle des gouvernements municipaux dans la protection des agriculteurs et des consommateurs. Tout est là. On y parle même des tableaux d'indices d'odeur pour le lait. On y précise quelles plantes peuvent produire une odeur dans le lait si elles sont consommées par la vache. Cela est également contenu dans la nouvelle loi, mais celle-ci vous dit quelles plantes causent l'odeur. La nouvelle loi est subjective et non objective.

Le dernier numéro de La revue vétérinaire canadienne dit qu'il n'y a pas de risque pour la sécurité humaine, grâce au panel sur la sécurité que nous avons tous discrédité ce matin. Quelqu'un ne va-t-il pas s'arrêter et prendre le temps de réfléchir avant d'écrire des choses au sujet de qui dit quoi? Il s'agit du numéro 3, volume 40, de mars 1999 de La revue vétérinaire canadienne. Le texte dit que le gouvernement accepte la STbr en s'appuyant sur le rapport du panel d'experts de l'Association canadienne des vétérinaires. Il n'y a eu aucune inquiétude quant à la sécurité humaine, ce grâce au panel sur la sécurité humaine du Collège royal des médecins et chirurgiens. Aujourd'hui, tous les vétérinaires du pays ont ce message qui est faux, mais nous faisons confiance aux médias.

J'ai parlé aux inspecteurs de l'ACIA. Nous en avons dans notre région trois qui doivent couvrir huit comtés, et ils s'occupent également d'aliments pour le bétail. Savez-vous que si vous produisez des aliments sur votre ferme, vous devez y apposer des étiquettes? Je ne savais pas cela. Si vous préparez votre propre moulée, en broyant le grain et en composant le mélange comme vous l'entendez, vous devez faire vos propres étiquettes. L'inspecteur de l'ACIA m'a dit cela. Il y a de nombreuses petites nuances, et nous sommes passés à côté de l'essentiel. Il est temps de revenir à l'essentiel et d'utiliser des termes que tout le monde comprend.

Je ne peux pas dire que j'appuie l'idée d'un examen judiciaire, car il me faudrait en discuter avec le conseil et le conseil d'administration, mais je préférerais une entente négociée. Nous pourrions travailler ensemble. Nous pourrions comparer les nouveaux règlements et les anciens. Nous pourrions parler de toute la question.

Je pense que l'ACIA et que tous les agriculteurs ont un rôle à jouer. M. Dowling joue un rôle et la FAO joue un rôle. Il faut que Santé Canada nous donne la base scientifique qui sous-tend ce que nous faisons.

Le vice-président: J'aimerais revenir un instant sur l'OMC. Le nouveau président de l'OMC est un ancien premier ministre de Nouvelle-Zélande. Il a été élu la semaine dernière. Il a battu le Malaysien par trois voix. La Nouvelle-Zélande et l'Australie ont tous deux adopté des lois contre la STbr. Avez-vous une opinion quant à ce que fera le nouveau président avec l'OMC?

Mme Dufay: Je n'ai pas d'opinion là-dessus, mais j'ai un renseignement qu'il vous faudrait ajouter au tableau d'ensemble. La semaine dernière, l'ambassadeur américain en Nouvelle-Zélande est passé à la télévision publique néo-zélandaise menaçant de recourir à des sanctions commerciales contre ce pays si celui-ci adopte un projet de loi qui exigerait l'étiquetage des aliments produits par manipulation génétique. Je pense que nous allons très vite voir des changements avec ce nouveau président de l'OMC.

Le vice-président: D'après ce que j'ai également compris, lors de la récente réunion du Codex, l'Australie et la Nouvelle-Zélande n'ont pas voté avec les Américains. Seul l'Argentine a voté avec les Américains.

Mme Dufay: C'est exact. En fait, la question à l'étude était l'étiquetage des aliments issus de manipulations génétiques. Depuis la discussion d'il y a un an au Codex, l'appui pour la position des États-Unis, qui s'opposent à l'étiquetage des aliments issus de manipulations génétiques, s'est effrité. Les Américains cherchent à arracher quelques feuilles de vigne et à convaincre les gens que les consommateurs ne sont pas suffisamment intelligents pour comprendre que lorsqu'une étiquette dit que le produit ne contient pas de HCB, cela veut dire qu'il ne contient pas de HCB, ou quelque chose du genre.

Le sénateur Spivak: Est-ce là un changement de position depuis la convention, c'est-à-dire un changement dans la position de pays comme le Canada? Auriez-vous des renseignements là-dessus?

Mme Dufay: J'en ai un peu. Le processus du Codex et le protocole de Carthagène, qui est rattaché au Congrès de Rio, correspondent à des processus distincts. Les Américains, bien qu'ils aient exercé énormément d'influence à Carthagène, n'ont pas droit de vote dans ce processus, car ils n'ont pas été signataires de la Convention de Rio. Bien que les Américains aient certainement exercé une influence énorme formellement, c'est le Canada qui faisait avancer ce dossier.

Lors de la réunion du Codex la semaine dernière, le Canada a vécu un changement subtil mais très marqué dans sa position à l'égard de l'étiquetage des aliments et a dit, en gros, qu'il n'appuierait pas la position américaine. Il y a un an, nous étions dans le camp des Américains. Reste à savoir si cela va se traduire par des changements dans la position du Canada dans le contexte du protocole de Carthagène. Le processus de Carthagène est aujourd'hui mobile, et la ronde suivante d'audiences aura lieu à Montréal, en septembre, novembre ou janvier. Il sera très important de suivre ce processus ainsi que celui du Codex.

Le vice-président: Si vous permettez, avant qu'on ne s'éloigne trop de mes questions au sujet de l'OMC et du groupe responsable de la sécurité des aliments, j'aimerais vous demander quel est le directeur du groupe de la sécurité des aliments au Canada? Son nom m'échappe pour l'instant. C'est un ancien ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan. L'actuel ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan a dit à la réunion de l'OMC que ces semences génétiquement modifiées sont un moyen de gagner de l'argent, et c'est ce qu'a dit également l'ancien ministre, qui est donc chef du groupe de la sécurité alimentaire. Il est vétérinaire. Mon conseiller me rappelle qu'il s'appelle Lorne Hepworth.

Je suis très choqué par le fait qu'il semble qu'on s'éloigne de plus en plus de la possibilité pour les parlementaires élus de dire quelque chose. Ils ne veulent pas que vous ayez grand-chose à dire là-dessus. Le comité ici réuni a un vieux dicton: si vous ouvrez une boîte de vers, vous allez à la pêche. Nous avons entrepris ici une expédition qui nous a menés beaucoup plus loin que tout ce que nous aurions pu prévoir.

M. McBane: Sénateur, vous avez mis en doute le rôle de Santé Canada. Il est important de faire une distinction entre les cadres supérieurs que les chercheurs ont décrit comme ayant une formation d'économiste et ayant des MBA, et les chercheurs. Ces chercheurs sont de renommée mondiale, et ils sont en train de se faire chasser du pays parce que nous ne prisons pas la recherche scientifique.

Les chercheurs à la Division des aliments de Santé Canada avaient découvert dans le lait des dioxines en provenance des cartons fournis par l'industrie de la papeterie. Ils ont établi la norme mondiale. Un nettoyage a été fait. Voilà ce que faisait Santé Canada avant que des gestionnaires n'y entrent et décident de gérer les risques au lieu d'empêcher les problèmes de santé.

Il est important de faire une distinction entre les cadres supérieurs qui tentent aujourd'hui de détruire la base scientifique et la compétence scientifique qui a jusqu'ici résisté. C'est une importante distinction. Les experts scientifiques sauvent des vies et en sauveraient davantage encore si on leur donnait les budgets nécessaires. Je pense que ce serait rendre un très mauvais service à Santé Canada que de ne pas faire cette distinction entre les cadres supérieurs et les chercheurs.

Le vice-président: Attendez un instant. C'est vous qui avez fait une déclaration sans établir de distinction. Personne n'admire plus que moi les bons chercheurs, et il y en avait à Agriculture Canada ainsi qu'à Santé Canada, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'ils étaient parfaits. Santé Canada et Agriculture Canada avaient tous les deux à une époque des chercheurs de première classe qui étaient responsables de tout. À Agriculture Canada, il n'y avait pas une personne non qualifiée venue du Conseil du Trésor, du ministère des Finances ou du ministère des Affaires étrangères et du Commerce. Lorsque j'étais votre ministre, il n'y avait que des personnes de formation agricole qui savaient ce qu'elles faisaient et qui étaient respectées partout dans le monde. Nous avions, lorsque nous étions un pays souverain, les aliments les plus sûrs au monde.

M. Dowling: Pour ce qui est de votre question concernant le transfert de la sécurité alimentaire à Santé Canada, les choses ont changé depuis que vous étiez ministre. Lorsque vous étiez là, nous n'avions pas l'ACIA avec son double mandat, rattaché à Agriculture Canada, ce qui entre en conflit avec son mandat de chien de garde de la salubrité des aliments. L'autre chose qui a changé est que vous n'êtes plus ministre de l'Agriculture.

Le vice-président: Les gens sont nombreux à ne pas le savoir.

M. Dowling: Les ministères ne sont pas nombreux à avoir des ministres comme vous, lorsque vous étiez ministre de l'Agriculture.

Le vice-président: Lorsque je suis allé à ma première réunion de la FAO, j'étais le seul ministre sur 132 qui avait des antécédents dans l'agriculture. Tous les autres étaient professeurs ou autres. Ils venaient de partout dans le monde. Certains d'entre eux auraient eu bien du mal à distinguer une vache d'un taureau. Lorsque j'étais ministre, j'ai eu le grand privilège d'avoir un personnel qui adorait l'agriculture. Tout le monde avait une formation agricole.

Mon sous-ministre, M. Williams, n'avait jamais travaillé ailleurs qu'à Agriculture Canada depuis qu'il avait été étudiant à McGill, sauf lorsqu'il avait été parti à la guerre pendant quatre ans et demi. Lorsqu'il a été suggéré qu'il soit muté à un autre ministère, il a pris sa retraite. Il n'avait jamais de toute sa vie travaillé ailleurs qu'à Agriculture Canada et il ne voulait travailler pour personne d'autre. À mes yeux, c'était un génie qui m'empêchait de faire des bêtises et qui m'aidait à faire un bon travail.

M. Dowling: Pour terminer ma pensée là-dessus, ce que nous voulons, c'est un groupe indépendant et puissant, à l'abri de poursuites et redevable, en vertu de la loi, au public. Voilà notre liste de critères.

Le vice-président: Je dois dire que j'ai été tout à fait contre la privatisation du service d'inspection, et je n'en reviens toujours pas de la façon dont nous faisons à l'heure actuelle notre travail de recherche. J'ai déjà tenu ces propos, et Monsanto est l'exemple que j'utiliserai. Il y avait une subvention de 600 000 $ à Agriculture Canada, et voici maintenant qu'ils vont envahir un immeuble à la station de recherche, et l'on a appris que le blé résiste au produit Round-Up.

Le sénateur Kinsella: J'aimerais avoir des précisions sur les observations de nos témoins quant à l'opportunité d'un forum qui continuerait de faire enquête sur cette question. Il a été suggéré que le comité recommande la tenue d'une enquête judiciaire, en vertu, j'imagine, de la Loi sur les enquêtes. Ce genre d'enquête, par opposition à une enquête menée par un comité parlementaire, présente de nombreux inconvénients. Un comité parlementaire fixe son mandat, tandis que c'est bien sûr le gouvernement qui fixe le mandat de tout comité d'enquête chargé de faire une enquête en vertu de la Loi sur les enquêtes.

La commission d'enquête chargée de mener une enquête en vertu de la Loi sur les enquêtes rend compte au gouvernement et ne peut que faire des recommandations, tandis qu'un rapport, une étude ou une analyse effectuée par un comité parlementaire s'inscrit dans le régime parlementaire, et si une loi s'impose, vous êtes déjà dans la salle des machines.

Vous voudrez peut-être continuer de réfléchir sur les avantages d'une tribune parlementaire par opposition à une enquête judiciaire, à moins que vous n'ayez des idées précises sur ce qu'une enquête judiciaire pourrait faire que ne pourrait pas faire une enquête parlementaire. En avez-vous?

Mme Dufay: J'encouragerais certainement le Sénat à examiner toutes les options en matière d'enquête. Ce qui nous importe c'est qu'il s'agisse d'une enquête exhaustive et qui soit ouverte au public. C'était là notre principale préoccupation quant à la proposition relativement à une enquête par le Vérificateur général, car le public n'aurait alors pas la possibilité de contribuer de façon ouverte. L'une des leçons que nous avons tous tirées de l'expérience de la HCB est qu'il y a eu suffisamment de cachotteries. Nous voulons quelque chose qui soit public, qui soit ouvert et qui soit transparent.

L'enquête ou le comité doivent également pouvoir pointer du doigt des personnes et prendre les mesures, et en ce qui concerne les méfaits de toute personne et devant tout problème systémique.

Le vice-président: Merci beaucoup à tous. Nous ne disposions aujourd'hui que d'une période de temps limitée. Nous allons maintenant nous arrêter pour le déjeuner et reprendre à 14 h.

Nous allons étudier vos rapports et, si vous avez d'autres suggestions à faire, bien que vous nous en ayez soumis de très nombreuses et de très bonnes aujourd'hui, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

La séance est levée.


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