Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 35 - Témoignages pour la séance de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 3 mai 1999
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 14 h 04 pour examiner la situation actuelle et l'avenir de l'agriculture au Canada (l'hormone de croissance recombinante bovine et ses effets sur la santé des humains et des animaux).
Le sénateur Eugene Whelan (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Honorables sénateurs, nous recevons cet après-midi M. Leonard Ritter. Nous avons demandé à M. Ritter de comparaître pour nous parler de l'expérience de travail qui a été la sienne lorsqu'il a travaillé dans les comités consultatifs internationaux sur la santé.
Vous avez la parole, monsieur Ritter.
M. Leonard Ritter, témoignage à titre personnel: Monsieur le président, pour ce qui est de mes antécédents, je suis entré au service de Santé Canada, en 1977, dans le cadre d'une bourse nationale, après avoir terminé mes études à l'Université Queen's. Au cours des années qui ont suivi, j'ai détenu plusieurs postes dans ce ministère. Celui qui est le plus en rapport avec votre étude d'aujourd'hui est le poste de directeur du Bureau des médicaments vétérinaires que j'ai occupé de 1990 à 1993. J'ai quitté ces fonctions, le 1er juin 1993, pour devenir le premier directeur général du Réseau canadien des Centres de Toxicologie, dont le siège social administratif se trouve à l'Université de Guelph. En même temps, j'ai été nommé à deux postes de professeur à l'université. Je suis professeur titulaire de biologie environnementale et professeur adjoint de biomédecine.
Même si je ne suis pas venu ici aujourd'hui de façon tout à fait volontaire, sénateurs, je ferai de mon mieux pour vous aider.
Je commencerai par apporter deux précisions. Premièrement, je ne représente aucun groupe d'experts des Nations Unies. Deuxièmement, je ne représente aucun service gouvernemental. Je suis ici à titre personnel. Je ferai de mon mieux pour aider le comité dans ses délibérations.
Le sénateur Kinsella: Monsieur Ritter, vous pourriez peut-être m'aider à situer le Codex Alimentarius dans son contexte ou dans la communauté internationale.
M. Ritter: Pour ceux d'entre vous qui avez étudié le latin, «Codex Alimentarius» signifie «norme alimentaire». Le Codex Alimentarius relève des Nations Unies. C'est l'Organisation des Nations Unies qui est chargée d'établir les normes alimentaires au niveau international.
Le sénateur Kinsella: Elle fait partie de la FAO?
M. Ritter: Sur le plan administratif, oui.
Le sénateur Kinsella: Est-ce une résolution de l'Organisation des Nations Unies pour la l'alimentation et l'agriculture qui a créé le Codex Alimentarius? Le Codex fait-il rapport aux Nations Unies par l'entremise de la FAO?
M. Ritter: J'avoue, sénateur, que je ne suis pas certain de la réponse à cette question.
Le Codex Alimentarius est situé au sein de la FAO. Il y a certainement un rapport entre la FAO et les Nations Unies. Quant à la nature exacte de ces rapports, je ne peux pas vous renseigner.
Le sénateur Kinsella: Quels sont les effets des normes établies par le Codex Alimentarius dans le monde? Dans quelle mesure est-ce important?
M. Ritter: Je crois que c'est très important.
Je vais vous lire quelques paragraphes d'un document qui vous éclairera sur ces liens. Cela provient d'une publication du Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Cette publication date de 1993, car c'est celle sur laquelle j'ai pu mettre la main rapidement pour me préparer à venir ici aujourd'hui. La même introduction figure dans chaque volume qui est publié. Je pourrais mettre un exemplaire de ce document à la disposition du comité. En isolant ces paragraphes du reste du texte, j'espère ne pas trahir leur portée. Voici ce qu'il est dit dans le document:
La Commission du Codex Alimentarius est l'organisme international chargé de mettre en oeuvre le Programme mixte FAO/OMS des normes alimentaires. Ce programme, qui a été créé en 1962 par la FAO et l'OMS, vise à protéger la santé des consommateurs et à faciliter le commerce international des produits alimentaires.
Le Codex Alimentarius [...] est un recueil de normes alimentaires internationales adoptées par la Commission et présenté de manière uniforme. Il comprend des normes pour la totalité des principaux aliments, qu'ils soient transformés, semi-transformés ou non transformés. Les matières destinées à être transformées en produits alimentaires sont incluses dans la mesure où c'est nécessaire pour la réalisation des objectifs du Codex Alimentarius tels qu'ils sont définis. Le Codex Alimentarius comprend des dispositions concernant la qualité hygiénique et nutritive des aliments, les normes microbiologiques, les additifs alimentaires, les résidus de pesticides, les contaminants, l'étiquetage et la présentation ainsi que les méthodes d'analyse et d'échantillonnage. Il comprend également des dispositions à caractère consultatif sous la forme de codes de pratique, de lignes directrices et d'autres mesures recommandées.
Dans l'introduction du volume 3 du Codex Alimentarius, on peut lire ceci:
Ce volume contient la limite maximale des résidus pour les médicaments vétérinaires et d'autres recommandations adoptées par la XXe session de la Commission du Codex Alimentarius, sur l'avis du comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments. La limite maximale des résidus est conforme aux recommandations du comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires.
J'attire particulièrement votre attention sur le prochain paragraphe que je vais vous lire, car je crois qu'il pourrait répondre, en une phrase, à un grand nombre de vos questions.
Le comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires est composé de chercheurs indépendants qui agissent à titre d'experts, mais non pas en tant que représentants de leur gouvernement ou d'organisations. Le but de leur évaluation des médicaments vétérinaires est d'établir la dose journalière acceptable (DJA) ainsi que la limite maximale des résidus lorsque les médicaments vétérinaires sont utilisés conformément aux normes de pratique de la médecine vétérinaire.
Le comité mixte d'experts des Nations Unies comprend des personnes qui sont reconnues sur la scène internationale pour leur compétence dans une discipline donnée. Ces experts sont généralement invités à préparer une étude ou un mémoire avant les consultations. Ils doivent être présents aux consultations où ce sujet est abordé. Le comité mixte d'experts délibère ensuite sur cette analyse et tire une conclusion quant à l'interprétation de la question étudiée.
Le comité mixte d'experts fait alors part de sa recommandation au comité du Codex compétent. Dans ce cas-ci, les recommandations du comité mixte d'experts des additifs alimentaires, qui n'a pas de compétence ou de représentation nationale, sont communiquées au comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, dont le gouvernement des États-Unis est l'hôte administratif depuis une dizaine d'années.
Le comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments peut adopter les recommandations de son comité d'experts ou renvoyer la question à ce dernier pour qu'il l'étudie plus à fond. Il y a toutes sortes de permutations et de combinaisons possibles. Enfin, le comité du Codex peut formuler des recommandations à la Commission du Codex Alimentarius qui, à son tour, peut adopter ou rejeter une recommandation de son comité.
Le sénateur Kinsella: Quel est le statut d'une décision prise par la Commission du Codex Alimentarius?
M. Ritter: Ce matin, le sénateur Spivak a mentionné qu'il faut parfois faire appel à des avocats qui sont experts dans le domaine du commerce international. Je vous offre une simple opinion et certainement pas celle d'un expert.
Avec la mondialisation du commerce, il a fallu adopter des normes alimentaires internationales, y compris pour les résidus de médicaments vétérinaires. Si la Commission du Codex Alimentarius adopte une limite pour les résidus de médicaments vétérinaires, les pays membres de l'Organisation doivent ou bien adopter cette norme ou la rejeter pour des raisons techniques. Je ne pense pas qu'un pays participant puisse rejeter une norme qui a été adoptée pour créer un obstacle au commerce. Il est certainement déjà arrivé qu'un pays participant rejette une norme et justifie sa décision en invoquant des raisons techniques ou scientifiques. Je crois toutefois qu'un pays qui rejette une norme devra pouvoir le justifier faute de quoi il sera passible de sanctions de la part de l'Organisation mondiale du commerce.
Le sénateur Rossiter: Monsieur Ritter, comment les membres du CMEAA sont-ils choisis? Qui recommande leur candidature? Quel est leur mandat?
M. Ritter: Encore une fois, c'est seulement mon opinion, sénateur. Je ne peux pas vous garantir qu'elle soit parfaitement exacte. J'ai toujours cru comprendre que les membres des comités d'experts étaient choisis parce que leur compétence sur la question dont le comité d'experts doit délibérer est reconnue sur la scène internationale. En général, c'est le Secrétariat de l'OMS ou, dans le cas des résidus, le Secrétariat du FAO qui sollicite la candidature de ces experts.
Dans le cas des médicaments vétérinaires, le comité mixte d'experts comprend deux composantes. Il y a d'abord un groupe qui examine uniquement les questions relatives à la toxicologie ou à l'innocuité. L'autre groupe se penche exclusivement sur les questions concernant la chimie environnementale. Nous nous réunissons en même temps et au même endroit, mais souvent indépendamment. Nous le faisons parce que nous voulons être certains que nos conclusions concernant la toxicologie ou l'innocuité ne seront pas influencées par la nécessité d'établir une certaine limite de résidus. La plupart du temps, ces délibérations durent deux semaines. Nous nous rencontrons au même endroit, mais nous délibérons séparément pendant environ 80 p. 100 du temps. Nous nous réunissons à la fin pour voir si les conclusions toxicologiques correspondent aux demandes de limites maximales de résidus.
Le sénateur Rossiter: Peut-on alors supposer que ces experts doivent divulguer tout conflit d'intérêts qu'ils pourraient avoir?
M. Ritter: Deux conditions nous sont imposées pour participer aux délibérations du comité. Premièrement, nous devons faire une déclaration explicite de conflit d'intérêts, le cas échéant. Cette exigence est mentionnée dans chaque lettre d'invitation que le Secrétariat envoie. Deuxièmement, la lettre indique explicitement que vous n'êtes pas invité comme représentant d'une organisation ou d'un gouvernement, mais en tant qu'expert reconnu dans votre discipline. Si vous ne pouvez pas satisfaire à ces deux conditions, autrement dit, si vous pensez que vous êtes en conflit d'intérêts ou qu'il y a apparence de conflit d'intérêts ou qu'en raison de la nature de votre travail vous ne pouvez pas participer comme chercheur indépendant, vous vous abstenez. Il suffit de ne pas répondre à l'une ou l'autre de ces conditions pour ne pas pouvoir participer.
Le sénateur Rossiter: Je suppose que, lorsque vous parlez d'«organisation» cela comprend aussi une société?
M. Ritter: En effet. Il n'y a aucun représentant de l'industrie au comité. C'est une règle établie de très longue date.
Le sénateur Spivak: Monsieur Ritter, je vous remercie de votre présence ici cet après-midi.
Dans la correspondance que vous avez échangée avec le comité, vous disiez que nous avions été induits en erreur sur certains plans et que vous possédiez des renseignements qui feraient la lumière à ce sujet. Personnellement, je dirais que c'est pour cette raison que le comité a insisté pour que vous veniez.
En quoi le comité a-t-il été induit en erreur? Quels sont les renseignements que vous pourriez nous apporter?
M. Ritter: Si je m'étais rendu compte que je serais obligé de comparaître, j'aurais mieux choisi mes mots afin de ne pas m'y trouver forcé.
Le sénateur Spivak: Vous êtes quelqu'un d'extrêmement important. Je tiens à vous remercier d'avoir accédé à notre demande.
M. Ritter: Comme je l'ai dit, même si je ne suis pas ici volontairement, je ne suis pas mécontent d'être venu.
Le sénateur Spivak: Oui, c'est très clair.
M. Ritter: Permettez-moi de faire un commentaire au sujet de ce que j'ai dit dans ma lettre à M. Armitage.
En décembre 1998, j'ai obtenu un extrait d'un «rapport d'analyse des lacunes» qui avait été préparé au ministère de la Santé. Je dois dire que je n'ai jamais lu la totalité du document. Un dénommé Hank Schriel me l'avait fait parvenir parce que c'était un document que le personnel de Santé Canada avait préparé et qui devait être publié. Comme j'y étais nommé à plusieurs endroits, il m'a demandé si je serais d'accord pour qu'il soit publié, sans doute pour des raisons juridiques.
J'ai communiqué officiellement avec lui le 3 décembre 1998 pour lui dire que je m'opposais énergiquement à sa publication -- même si je ne m'attendais pas à ce que cela ait le moindre effet et effectivement, cela n'en a pas eu.
Je crois que le comité a eu accès à la totalité de ce rapport, ce qui n'est pas mon cas. Je voudrais vous lire un extrait de la page 502, une des pages qui m'ont été remises et où figure une déclaration attribuée à Shiv Chopra. Il y est dit ceci:
D'ailleurs, vous devriez également reconnaître que le rapport du comité mixte pose également d'autres problèmes. D'autres questions se posent. Ritter est membre du comité et il y a d'autres gens qui ont été placés là comme lui.
Le sénateur Spivak: Vous citez le document?
M. Ritter: Je vous cite directement du document que Santé Canada m'a communiqué.
On cite ensuite Mark Feeley. J'ajouterai qu'à ma connaissance, je n'ai jamais rencontré Mark Feeley. Il aurait dit ceci:
En ce qui concerne Santé Canada, le ministère ne pourra jamais se débarrasser de Ritter étant donné qu'il est membre du comité mixte.
Shiv Chopra répond alors:
Non, c'est faux. C'est Santé Canada qui a envoyé Ritter là-bas. Il n'aurait pas dû.
Lorsque j'ai lu cette déclaration en décembre, j'ai cru devoir préciser que c'était faux. Je ne travaille plus pour Santé Canada depuis 1993. Santé Canada ne m'a pas invité à faire partie du comité mixte d'experts. Je n'ai eu aucun contact avec Santé Canada au sujet de ma participation au comité d'experts, à l'exception peut-être d'une année où j'ai travaillé avec un membre du personnel du Bureau des médicaments vétérinaires de Santé Canada pour préparer une consultation. C'était en 1994, je crois, et depuis, nous n'avons eu aucune relation, à aucun niveau.
Lorsque j'ai lu ce rapport, j'ai eu l'impression que le comité pourrait conclure que Santé Canada m'avait nommé à ce comité, que l'invitation avait été adressée à Santé Canada et que le ministère se prévalait de cette invitation pour assurer ma participation continue au comité. Rien de tout cela n'est vrai. Je ne sais pas quelle importance le comité aura accordée à cette déclaration.
Je voudrais mentionner également plusieurs autres déclarations, si vous le permettez. Je n'ai que quelques fragments de texte. J'ignore si c'est parce que la transcription était incomplète. Par exemple, voici une déclaration attribuée à Shiv Chopra qui dit:
C'est Sol Gunner qui fait cela.
Gérard Lambert répond:
Cela a été approuvé.
Shiv Chopra rétorque:
Il y a eu des témoins.
Le sénateur Spivak: Désolée, monsieur Ritter, mais nous n'avons pas le contexte. À quoi ces propos faisaient-ils allusion?
M. Ritter: Je l'ignore. C'est ce que je voulais faire valoir. Permettez-moi de vous lire une déclaration qui figure à la page 503 qui n'est pas hors contexte:
Je veux dire que le CMEAA ne peut pas aller voir Monsanto pour dire qui devrait participer à la réunion. Le comité va voir la Direction des aliments pour lui demander qui devrait y participer. Il faut donc examiner la décision d'envoyer ce clown de Ritter étant donné que [...]
Et c'est là que s'arrête ma transcription.
Le sénateur Spivak: Je voulais aborder d'autres questions, mais vous avez soulevé directement celle-ci. S'agit-il des renseignements erronés dont vous parliez?
M. Ritter: Oui.
Le sénateur Spivak: Je ne sais pas, mais cette remarque tient peut-être du fait qu'une note de service fait mention d'un appel téléphonique que David Kowalczyk, de Monsanto, a adressée à Ian Alexander pour suggérer que vous soyez nommé de nouveau. Cette note de service est là.
M. Ritter: Je n'en ai pas eu connaissance. Quelle en est la date?
Le sénateur Spivak: Elle est datée du 27 août 1997. J'ignore s'il s'agit d'un renseignement communiqué au comité à titre confidentiel ou si c'est public. C'est sans doute ce dont il est question. Cela n'a rien à voir avec vos faits et gestes, mais il serait déconcertant que quelqu'un de Monsanto téléphone à quelqu'un de Santé Canada pour dire: «Telle est la personne qu'il faudrait envoyer là-bas». Pouvons-nous laisser ce sujet de côté pour le moment? Je voudrais aborder d'autres questions.
M. Ritter: Très rapidement, je dois signaler au comité que je n'étais pas au courant de l'existence de cette note. Avez-vous bien dit qu'il s'agissait d'une note concernant une conversation téléphonique? Je ne l'ai jamais vue.
Le sénateur Spivak: C'est une note adressée à quelqu'un au sujet d'une conversation téléphonique.
M. Ritter: Non seulement je ne l'ai jamais vue, mais ce qui y est mentionné m'étonne, c'est le moins que je puisse dire. Les invitations que j'ai reçues au cours des années des divers comités de l'OMS, et pas seulement celui-ci, m'ont été adressées directement par l'OMS.
Le sénateur Spivak: Très bien. Peut-être pourrions-nous laisser ce sujet de côté pour l'instant, car il n'est pas possible d'aller au fond des choses.
Revenons-en aux questions concernant le CMEAA et le Codex Alimentarius. Premièrement, pour ce qui est du Codex Alimentarius, si j'ai bien compris, il se compose surtout de représentants de l'industrie ou du gouvernement, plus un consommateur. C'est bien cela? Pourriez-vous nous dire comment les représentants du Codex Alimentarius sont choisis?
M. Ritter: Si je me souviens bien, la Commission du Codex Alimentarius est composée de délégués nommés par les gouvernements nationaux. Les gouvernements peuvent, selon le sujet qui sera abordé à une réunion de la Commission, nommer la personne de leur choix comme membre de leur délégation nationale respective. Cette délégation peut inclure des représentants de l'industrie, du milieu universitaire, des syndicats, des groupes de pression, des ONG, et cetera. Je crois toutefois que l'invitation est adressée aux gouvernements nationaux.
Le sénateur Spivak: Très bien. Et ils sont là en tant que représentants de ces gouvernements, contrairement au CMEAA.
M. Ritter: C'est exact.
Le sénateur Spivak: C'est intéressant et, ce qui a retenu mon attention, c'est que lorsque Santé Canada a voulu soumettre la STbr à un nouvel examen, nos représentants au Codex Alimentarius ont voté contre. C'est assez curieux.
M. Ritter: Je tiens à préciser que j'ai quitté le gouvernement officieusement ou officiellement, si vous voulez, en juin 1993. Depuis, pour des raisons évidentes et étant donné la composition de la Commission, je n'ai pas assisté à une seule réunion de la Commission. La dernière fois, c'était en 1992, lorsque j'étais encore un fonctionnaire à l'emploi de Santé Canada.
Le sénateur Spivak: Avant de passer à un autre sujet, je crois comprendre que vous n'avez jamais travaillé pour Monsanto?
M. Ritter: Jamais.
Le sénateur Spivak: Vous n'avez jamais été consulté?
M. Ritter: Non.
Le sénateur Spivak: Très bien.
Le sénateur Kinsella: La Commission du Codex Alimentarius est composée de représentants des États membres, n'est-ce pas?
Le sénateur Spivak: Oui.
Le sénateur Kinsella: Monsieur Ritter, pourriez-vous nous dire combien d'États membres composent la Commission du Codex Alimentarius?
M. Ritter: Non.
Le sénateur Kinsella: Y en a-t-il une trentaine?
M. Ritter: Non, c'est beaucoup plus.
Le vice-président: Je peux vous renseigner. À la dernière réunion de la Commission, en 1997, 86 pays étaient représentés par 444 délégués.
Le sénateur Kinsella: Pourriez-vous nous dire quels sont les chiffres pour le CMEAA en comptant les membres qui y sont là à titre personnel?
M. Ritter: Comme je m'attendais à votre question, j'ai apporté de la documentation que je vais remettre au comité. J'ai apporté la liste des membres de deux comités d'experts qui se sont penchés récemment sur la question des médicaments vétérinaires. L'un de ces comités s'est réuni en février 1999. Ce comité comptait 39 membres, en incluant le Secrétariat. À titre de comparaison, le comité d'experts qui s'est réuni en septembre 1997 comptait 32 participants. Ces chiffres sont plus ou moins représentatifs de la participation à une réunion typique.
Le sénateur Spivak: Pour en revenir au Codex Alimentarius, vous pourriez peut-être nous fournir certains renseignements. Les dispositions concernant les conflits d'intérêts sont-elles les mêmes pour le Codex Alimentarius? À une réunion, M. Robert Ingratta était inscrit comme président ou comme membre. Il faisait partie de la délégation. En même temps, il faisait du lobbying pour Monsanto. J'en déduis qu'il n'y a pas de règles régissant les conflits d'intérêts. Je dirais également qu'un grand nombre des membres de la Food and Drug Administration, des États-Unis, des gens qui sont souvent en rapport avec Monsanto, faisaient également partie de la délégation américaine. C'est exact?
M. Ritter: Je l'ignore. Toutefois, quand je faisais partie de la délégation canadienne, en 1992, il était évident que, même si j'étais là à titre personnel, j'étais assujetti aux règles régissant les conflits d'intérêts qui étaient imposées aux fonctionnaires.
Le sénateur Spivak: À Santé Canada.
M. Ritter: Oui. Si Bob Ingratta faisait partie d'une délégation canadienne à une réunion...
Le sénateur Spivak: Il en faisait partie.
M. Ritter: Dans ce cas, il faudrait poser la question au chef de la délégation qui l'a nommé.
Le sénateur Spivak: En effet. Je voulais seulement savoir ce que vous pouviez me dire à ce sujet. Vous dites que les décisions prises par la Commission du Codex Alimentarius lient les pays membres. J'avais l'impression qu'elles n'étaient pas encore contraignantes, mais qu'on s'orientait dans cette direction si l'on se fie aux décisions rendues par le mécanisme de règlement des différends de l'OMC qui citent le Codex Alimentarius. Est-ce exact?
M. Ritter: Si j'ai dit que ces décisions étaient «obligatoires», je m'en excuse. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je crois vous avoir prévenus, dans mon préambule, que je n'étais pas avocat et que je ne représentais aucune commission de l'OMS, de l'OMC ou des Nations Unies. Je crois que les choses se passent exactement comme vous venez de le dire. Autrement dit, les normes établies par la Commission du Codex Alimentarius servent de référence à l'OMC pour l'arbitrage des différends entre les pays. La mesure dans laquelle les normes à laquelle l'OMC se réfère ont une valeur juridique dépend de l'interprétation qu'en feront les juristes compétents, ce que je ne suis pas.
Le sénateur Spivak: J'ai deux autres questions concernant le CMEAA. Plusieurs critiques ont été formulées à l'endroit de ce comité. L'une d'elle, que M. Lambert a exprimée ici ce matin, est qu'il n'a même pas été fait mention d'un rapport indiquant que le FCI-1 passait dans le lait.
À part cela, des documents du CMEAA ont été communiqués à Monsanto en ce qui concerne le «sujet de discussion». Je crois que c'est tout à fait contraire au serment que les gens doivent prêter ou au document qu'ils doivent signer à l'égard des conflits d'intérêts.
Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Nous savons que cela s'est vraiment produit. Comment cela se fait-il? Reconnaissez-vous que c'est moralement répréhensible et pas tout à fait régulier?
M. Ritter: En effet, ce n'est pas très régulier. C'est même tout à fait répréhensible. Le comité d'experts comprend des gens de différentes nationalités. Nous avons tous été élevés avec des normes différentes quant à ce qui constitue une conduite personnelle respectable.
Sur le plan personnel, au cours des délibérations sur une question donnée, que j'y participe directement ou qu'il s'agisse d'un sujet à l'étude lors d'une réunion, j'ai décidé d'éviter toute discussion directe avec l'une des industries qui peuvent être touchées par les résultats de ces délibérations. Pour être sincère avec vous, je me soucie davantage de la perception que de la réalité. Même un simple dîner pourrait être jugé tout à fait inapproprié.
Le sénateur Spivak: Surtout s'ils paient pour le dîner.
M. Ritter: Il serait très regrettable que quelqu'un se laisse vraiment influencer pour le prix d'un dîner. Au lieu d'avoir à m'en inquiéter, comme ce travail est très important et que les yeux du monde entier sont rivés sur nous, je préfère éviter ce genre de situation lorsque je participe aux travaux de l'OMS.
Si des renseignements confidentiels ont été communiqués à Monsanto au sujet d'une question examinée par le comité, je n'ai pas été informé des négociations à ce sujet ou des sanctions qui ont été imposées par la suite, ou des circonstances dans lesquelles cette divulgation a eu lieu. Je ne peux donc pas vraiment vous éclairer.
Le sénateur Spivak: Nous savons qu'il y a un grand mouvement de personnel entre les divers organismes gouvernementaux, les sociétés et les organismes internationaux. Étant donné ce qui s'est passé quelle est, selon vous, l'influence directe ou indirecte de Monsanto ou de toute autre société sur les travaux du CMEAA? Cette influence existe-t-elle? Qu'en est-il exactement?
M. Ritter: J'ai suffisamment d'expérience pour ne jamais rien affirmer catégoriquement sur quelque sujet que ce soit. Dans ma jeunesse, j'étais plus enclin à le faire. Je dirais que l'influence qu'une société peut exercer sur les délibérations d'un comité d'experts est à peu près nulle.
Le sénateur Spivak: Comme de nombreux chercheurs ne sont pas financés par le gouvernement, ils n'ont d'autre choix que de recourir à des subventions de l'industrie. Par exemple, votre centre sans but lucratif obtient-il des subventions de l'industrie?
M. Ritter: Oui.
Le sénateur Spivak: Proviennent-elles de Monsanto?
M. Ritter: Non.
Le sénateur Spivak: Je n'en fais pas reproche aux chercheurs. Ils sont forcés de le faire. Vous pouvez toutefois comprendre que le processus décisionnel risque d'être influencé, ce qui apporterait d'énormes avantages aux sociétés en question.
M. Ritter: Non.
Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que, malgré ce qui s'est passé, même si des études d'une importance cruciale pour une décision ont été omises et même si des renseignements confidentiels ont été communiqués à la société qui a le plus à gagner de tout cela, aucune société ne peut exercer une influence sur les activités de cet organisme très important qu'est le CMEAA?
M. Ritter: Comme je l'ai dit tout à l'heure, chaque membre de chaque comité d'experts doit signer une déclaration concernant les conflits d'intérêts. Si un membre d'un comité d'experts risque d'être en conflit d'intérêts parce qu'il reçoit de l'argent d'une entreprise industrielle dont le produit ou la technologie est examinée au cours de la réunion, la personne en question doit déclarer son conflit d'intérêts et se retirer des délibérations. Quant à savoir si tout le monde le fait, je peux seulement vous dire que je le fais personnellement et que je m'attends à ce que tous les autres en fassent autant. C'est certainement aussi ce qu'attend le Secrétariat de l'OMS. Sans aucun doute, s'il devenait évident qu'un membre d'un comité d'experts agissait autrement, on ne s'adresserait certainement plus à lui. C'est là une considération très importante pour le comité d'experts. Il ne peut pas fonctionner si son honnêteté et son intégrité sont mises en doute.
Le sénateur Spivak: Merci beaucoup, monsieur Ritter. Ces renseignements nous ont été utiles.
Le sénateur Robichaud: Dans quelles circonstances le CMEAA s'est-il penché sur la STbr?
M. Ritter: L'examen des composés est toujours fait à la demande d'un gouvernement national qui accorde une importance prioritaire à un composé, pour une raison ou pour une autre, ou à la demande de son représentant à la Commission du Codex. Là encore, c'est en raison de questions commerciales internationales ou parce qu'il s'agit d'une thérapie importante ou encore d'une substance prioritaire. C'est ainsi que les comités d'experts établissent la liste des produits à examiner.
Lorsque les composés sont utilisés depuis longtemps et qu'on craint que les données qui ont servi au départ à les examiner sont périmées, et lorsque des nouvelles données sont devenues disponibles depuis le dernier examen, les produits en question peuvent être inscrits sur la liste pour une nouvelle évaluation.
Le comité d'experts peut également établir ses propres priorités. S'il estime, à partir de données scientifiques, que certaines questions importantes méritent son attention, cela peut influencer ses priorités. C'est toutefois assez rare. Normalement, les substances prioritaires lui sont soumises par un gouvernement national ou le comité du Codex compétent.
L'exemple que vous avez cité, celui de la STbr, illustre bien ce que je viens de vous dire quant à l'existence de nouvelles données. La STbr a été étudiée pour la première fois en 1993, par le comité d'experts de l'OMS. Le comité avait alors conclu que son utilisation ne constituait pas un risque pour la santé humaine.
Je précise que le comité se penche uniquement sur la santé humaine. Si une question se rapporte à la santé animale, par exemple -- et vous avez reçu des témoignages à ce sujet -- le comité ne porte aucun jugement quant à la validité des craintes exprimées. Le comité s'intéresse uniquement à la santé humaine.
Le comité d'experts de l'OMS a examiné la STbr en 1993 et a conclu alors qu'elle ne posait pas de danger pour la santé humaine si elle était utilisée comme prévu.
Ce produit a suscité énormément d'intérêt au cours des années qui ont suivi et certains ont estimé qu'on disposait de renseignements supplémentaires que le comité devrait étudier. Par conséquent, la question de la STbr a été renvoyée au comité en 1998 et le comité l'a examinée pour la deuxième fois.
Étant donné que la STbr était inscrite sur la liste en 1998, vous pouvez être certains que le Secrétariat de l'OMS a nommé au comité d'experts un groupe d'hommes et de femmes qui étaient des spécialistes des problèmes de santé qui pouvaient être reliés à la STbr. Par exemple, le comité de 1997 comptait parmi ses membres un endocrinologue de l'Hôpital pour enfants de Cincinnati qui était un éminent spécialiste de questions comme les facteurs de croissance apparentés à l'insuline. Vu que la question allait certainement être soulevée, il était important qu'un des membres du comité soit un expert reconnu dans le domaine des facteurs de croissance apparentés à l'insuline et de la médecine pédiatrique. Deux pathologistes faisaient également partie du groupe. La composition du comité change de temps à autre en fonction de la question que le comité doit examiner au cours d'une session.
Les consultations de 1998 ont confirmé la décision de 1993 en ce sens que les experts ont conclu, après avoir examiné les nouvelles données disponibles entre 1993 et 1998, qu'aucun renseignement supplémentaire ne permettait de croire que la décision de 1993 était erronée. Ils ont confirmé cette décision.
Le sénateur Robichaud: Mais vous faites un examen à partir des études et des rapports que vous avez sous les yeux.
M. Ritter: C'est exact.
Le sénateur Robichaud: Le comité canadien a examiné certains renseignements. Les deux membres ont dit: «Personnellement, je ne l'approuverais pas maintenant. Toutefois, dans les données que j'ai obtenues, rien ne permet d'affirmer que ce produit risque d'être dangereux pour la santé humaine. Pour le moment, je ne vois donc aucune raison de ne pas l'approuver».
Était-ce également le raisonnement du comité de 1998?
M. Ritter: Non, je ne crois pas. Étant donné la nature des recherches scientifiques, il est impossible de vérifier une hypothèse négative; nous pouvons seulement confirmer une hypothèse positive. Au cours des années, la communauté scientifique a élaboré un protocole ou un paradigme selon lequel nous examinons les résultats de plusieurs études différentes pour savoir quels seront les effets probables d'une substance sur la santé humaine. Selon la nature de cette substance, la liste des études peut changer d'un cas à l'autre. La STbr a certainement fait l'objet du genre d'études que nous menons, à l'échelle internationale.
Ce que le comité a déclaré en 1993 et en 1998 c'est que, à partir des données disponibles, que nous croyons suffisantes pour prendre une décision scientifiquement défendable et rigoureuse, que nous ne croyons pas que la STbr représente un risque pour la santé humaine.
Comme je l'ai dit tout à l'heure au sénateur Spivak, je ne peux pas vous garantir que nous ne changerons pas d'avis d'ici 25 ans. Je peux toutefois vous dire que les critères auxquels un produit doit répondre sont très rigoureux. À partir de ces critères, le comité dont faisait partie un endocrinologue pédiatrique de réputation internationale, a conclu pour la deuxième fois que les données disponibles étaient à la fois suffisantes et rigoureuses et que l'utilisation, telle que prévue, de la somatotrophine bovine recombinante ne posait pas de risque pour la santé humaine.
Le sénateur Robichaud: Diriez-vous qu'il est improbable que ce comité réexamine la question une troisième fois?
M. Ritter: Non. Comme je vous l'ai dit, ce sont principalement les gouvernements nationaux qui établissent les priorités du comité. Si ce produit continue à susciter beaucoup d'intérêt, il est tout à fait possible qu'il soit renvoyé au comité une troisième fois, une quatrième fois ou une cinquième fois. Tout dépend de la priorité que les gouvernements nationaux accorderont à cette évaluation. Il est difficile de prédire ce qu'il en sera.
Le sénateur Robichaud: Non, ce n'est pas ce que je vous demande de faire.
M. Ritter: Je ne dirais pas que c'est improbable. Étant donné l'intérêt que ce produit suscite, je dirais que c'est plutôt probable qu'improbable.
Le sénateur Kinsella: Comment le comité prend-il ses décisions? Est-ce à la majorité des voix ou par consensus? Exprime-t-on des opinions minoritaires? Peut-il y avoir un rapport minoritaire? Si 32 à 39 chercheurs agissent individuellement, comment prennent-ils leur décision?
M. Ritter: J'avoue qu'il existe un mécanisme de vote. Toutefois, je n'ai jamais participé à un comité d'experts qui s'est servi de ce mécanisme.
Étant donné qu'il y a deux ou trois douzaines de chercheurs, qui possèdent tous une vaste expérience sur un sujet donné, il peut y avoir des opinions très arrêtées autour de la table. Le président de tout comité doit reconnaître qu'il peut y avoir des divergences d'opinions légitimes à partir des mêmes données.
Il ne s'agit pas de rejeter une opinion parce qu'elle est minoritaire. Au contraire, il s'agit de tenir compte de chaque opinion et d'essayer d'établir un rapport qui reflétera la totalité des opinions exprimées. Je crois que les rapports y réussissent très bien. Si vous lisez n'importe lequel des rapports que le comité a publiés, vous constaterez que les mots sont choisis avec soin afin de refléter les diverses opinions.
Le comité comprend deux catégories de gens. Il y a les membres, qui sont les représentants ayant le droit de vote. La liste des membres change de temps en temps. Il y a un deuxième groupe de gens qui sont les conseillers temporaires de l'OMS. Ce sont des personnes nommées pour chaque réunion pour examiner un produit, le présenter au comité, et cetera.
S'il y a un vote, ce sont les membres qui voteront et non pas les conseillers temporaires de l'OMS. Je précise que je n'ai jamais été membre. J'ai toujours été conseiller temporaire.
Le sénateur Spivak: Monsieur Ritter, vous avez certainement lu les critiques à l'égard de l'opinion du comité d'experts. Aucun de ceux qui ont critiqué cette opinion n'a dit: «C'est un médicament dangereux». Les gens ont dit qu'il y avait suffisamment de signes... Ces signes comprennent le fait que l'IGF-1 passe dans le lait, la pasteurisation du lait, la population cible, et cetera. Les chercheurs n'ont pas dit que cette substance était dangereuse, mais qu'il fallait l'étudier plus à fond. Aucune des études qu'ils estiment nécessaires de faire n'a été réalisée.
Le Canada est signataire de la Convention sur la biodiversité qui stipule que nous devrions suivre le principe de prudence. Selon ce principe, en cas de doute, il faut s'abstenir. Il s'agit là d'un médicament non thérapeutique qui a été mis en marché uniquement pour des raisons commerciales.
Vous êtes un chercheur. Quelle valeur accordez-vous à ce genre de critique? C'est très bien de dire qu'il y avait un expert de ceci et un expert de cela, mais ces craintes ont été exprimées. Il faut en tenir compte.
Comment quelqu'un peut-il dire qu'il fait confiance au CMEAA en raison de la présence d'un pédiatre réputé alors que le comité n'a pas tenu compte de tout cela? Vous avez raison d'affirmer que, pour le moment, rien ne prouve qu'il s'agit d'une substance dangereuse, mais la question n'est pas là.
M. Ritter: Sénateur, si vous le permettez, il faut reconnaître que certains chercheurs ont dit que des questions très importantes restaient sans réponse.
Le sénateur Spivak: En effet.
M. Ritter: Il y en a bien d'autres qui ont affirmé le contraire.
Le sénateur Spivak: Un millier d'études ont été réalisées chaque année sur le sujet. Les avez-vous toutes examinées?
M. Ritter: Pas toutes, non.
Le sénateur Spivak: S'agit-il de preuves anecdotiques?
M. Ritter: Il y a peut-être mille études effectuées chaque année. Étant donné sa nature, la recherche scientifique produit presque toujours des résultats qui peuvent être contradictoires. Voilà pourquoi j'estime qu'il faut être prêt à reconnaître qu'il est tout à fait possible et plausible de parvenir à des conclusions différentes à partir des mêmes données. C'est dû à la nature même de la recherche scientifique.
Le sénateur Spivak: En effet. Avez-vous lu l'enquête européenne?
M. Ritter: J'ai lu les rapports de la Commission européenne sur la STB.
Le sénateur Spivak: Avez-vous lu ce qu'ils disent de l'évaluation des risques?
M. Ritter: Oui.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas un groupe insignifiant. C'est un groupe important.
Le vice-président: Monsieur Ritter, avez-vous lu les délibérations de notre comité?
M. Ritter: Non.
Le vice-président: Avez-vous lu notre rapport?
M. Ritter: Je ne l'ai pas lu.
Le vice-président: C'est un excellent rapport. Nous avons entendu de nombreux témoignages. Nous avons découvert beaucoup plus de choses que nous ne nous y attendions. Lorsque vous ratissez votre jardin et que vous découvrez des vers, vous allez à la pêche. Nous avons peut-être l'air d'être partis à la pêche, mais nous avons découvert beaucoup de choses que le public ignore.
Nous avons parlé des membres de la Commission. J'ai déjà dit que je pouvais aller à titre d'observateur à la Commission du Codex Alimentarius, mais pas comme délégué avec droit de vote, parce que je ne suis pas un chercheur. J'ai du mal à l'accepter étant donné que j'ai été associé au monde scientifique pendant toute ma carrière dans l'agriculture. On insinue que seul un chercheur peut voter pour dire si un aliment est sans danger. Les chercheurs obtiennent eux aussi leurs renseignements à partir de la documentation. Je trouve cela insultant.
On m'a dit que le ministère de la Santé envoyait des invitations aux gens qu'il pensait compétents pour leur demander d'assister aux réunions.
M. Ritter: Le ministère le fait peut-être, mais je n'ai jamais reçu d'invitation.
Le vice-président: Moi non plus. Nous sommes logés à la même enseigne.
M. Ritter: Si vous trouvez insultant d'avoir été exclu du processus, je partage votre indignation. Depuis 1993, je n'ai jamais été invité, si le ministère envoie effectivement ce genre d'invitation. De plus, j'ai mentionné tout à l'heure le «rapport des lacunes». Si vous n'avez pas eu la chance de vous faire traiter de clown, j'ai un point d'avance sur vous.
Je trouve ce genre de commentaire tout à fait inapproprié. Je trouve cela répréhensible. Je n'ai pas intenté de poursuite en justice, mais je trouve très regrettable que des chercheurs, qui par ailleurs sont bien intentionnés, abaissent à ce point le niveau de la conversation que cela devient une attaque personnelle. Cela nuit à leur crédibilité. C'est devenu une vendetta personnelle et c'est regrettable. Cette remarque a été faite par quelqu'un que je n'ai jamais rencontré.
Le vice-président: Monsieur Ritter, n'y a-t-il pas une disposition de la Loi sur la santé disant que si une substance suscite le moindre doute elle ne doit pas être homologuée?
M. Ritter: Voulez-vous parler de la Loi sur les aliments et drogues?
Le vice-président: Oui.
M. Ritter: En fait, la STB n'a pas été homologuée au Canada. Les autorités chargées de la réglementation au Canada continuent d'éprouver des inquiétudes vis-à-vis de la STB et se sont clairement exprimées contre cette substance. À ma connaissance, la STB n'a pas été autorisée au Canada.
Si la Loi contient ce genre de disposition, les témoignages que vous avez reçus du personnel du Bureau des médicaments vétérinaires montrent que cette disposition est respectée.
Le vice-président: Nous avons des lettres adressées à Monsanto indiquant que la STB sera approuvée d'ici un an. C'est plutôt choquant lorsqu'on entend des témoins comme le Dr von Meyer. Il a consacré toute sa vie à la recherche. Il a déclaré qu'aucun test n'avait été réalisé pour vérifier les effets à long terme sur les humains. Monsanto cite des tests de 90 jours effectués sur 30 rats, sur une période de neuf ans. C'est censé être sans danger pour les humains qui consomment ce produit?
M. Ritter: Vous avez soulevé une question importante. Dans le domaine de la toxicologie, nous avons élaboré des protocoles structurés depuis 30 ou 40 ans. Les études des effets cancérigènes ou de cancérogénécité à long terme sont souvent nécessaires, que ce soit pour les résidus de médicaments vétérinaires, les pesticides, les contaminants environnementaux ou toutes sortes d'autres substances.
Comme je l'ai dit, la liste d'études n'est pas toujours la même. Elle doit être adaptée pour tenir compte de la substance étudiée. S'il n'y a pas eu d'études à long terme des effets cancérigènes de la STbr, cela ne veut pas dire qu'il faille remédier à cette lacune avant de pouvoir résoudre la question. C'est non seulement mon avis, mais celui de nombreux comités scientifiques qui ont examiné la STB. Ce n'est pas tant que ces études n'ont pas été faites. Il s'agit plutôt de savoir si elles seraient utiles.
Étant donné qu'il s'agit d'une protéine et la façon dont les protéines se fractionnent, de nombreux organismes de recherche du monde entier ont estimé que ce genre d'études, dans ce contexte, ne contribuerait pas vraiment à nous éclairer sur ce médicament. Ce n'est pas une omission, sénateur.
Le vice-président: Le Dr von Meyer a exprimé de vives inquiétudes au sujet du diabète et du rôle de l'insuline. Il a fait beaucoup de travaux sur ce sujet.
M. Ritter: L'Organisation mondiale de la santé a publié un document sur les additifs alimentaires, qui porte le numéro 41 et qui décrit notamment en détail les conclusions du comité d'experts de 1998 qui a examiné le STbr.
Monsieur le président, vous avez parlé de risques reliés au diabète sucré. Je ne voudrais pas vous laisser sur l'impression qu'il s'agit là d'une lacune dont le comité n'a pas tenu compte et que quelqu'un a signalé à votre attention. C'est tout simplement inexact.
Les travaux du comité comprenaient l'opinion d'un endocrinologue clinique réputé qui gagne sa vie à examiner ce genre de questions, particulièrement chez les enfants. Le rapport du comité précise que l'exposition des nouveau-nés humains au lait de vache augmentera le risque de diabète insulino-dépendant dans une proportion d'environ une fois et demie.
Le comité a étudié si l'exposition des nouveau-nés au lait de vaches traitées à la STbr augmentait davantage le risque, c'est-à-dire, si l'exposition au lait peu importe qu'il contienne de la STbr ou non, augmentait le risque. Il a conclu qu'étant donné que sa composition restait la même, le lait des vaches traitées à la STbr ne présenterait pas de risque supplémentaire en ce qui concerne le diabète insulino-dépendant. J'espère sincèrement que je ne cite rien hors contexte. Le rapport précise qu'en l'absence de changement important dans la composition du lait des vaches traitées à la STbr qui pourrait contribuer à augmenter le risque de diabète insulino-dépendant, la STbr peut être utilisée sans risque appréciable pour la santé des consommateurs.
Encore une fois, je ne voudrais pas conclure en vous laissant l'impression que le comité n'a pas soumis cette question à un examen intensif. Il l'a fait. Ses conclusions sont tout simplement différentes de celles que vous avez pu entendre. Je respecte les divergences d'opinions à ce sujet.
Le vice-président: Je n'ai pas cet exposé sous les yeux. Vous parlez d'une fois et demie. Je crois que le Dr von Meyer a parlé d'environ 33 fois, et si je me trompe, les membres du comité me le diront. Il avait de nombreuses preuves à l'appui.
Vous citez un rapport de l'OMS et de la FAO. Je ne sais pas grand-chose au sujet de l'OMS, mais je connais assez bien la FAO. Je ne fais pas vraiment confiance à la plupart de ces gens-là. J'ai été en rapport avec eux pendant longtemps.
M. Ritter: Si vous doutez des compétences des membres du comité, me permettez-vous de vous donner rapidement une bonne idée du genre de personnes qui en font partie? Lars Eric Aplgrin, de l'Université des sciences agricoles de Suède; le professeur Alan R. Boobis, de l'Imperial College School of Medicine, University of London; le Dr Gary Borman, pathologiste, United States National Institutes of Environmental Health Scientists; Jock McLean, vice-chancelier, Swinburne University, en Australie.
Le vice-président: Il a comparu devant notre comité.
M. Ritter: Oui, il est venu. Un autre membre du comité est John Palermo-Neto, professeur à l'École de pathologie de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Sao Paolo. Je pourrais continuer ainsi.
Il y a deux choses importantes à souligner au sujet de cette liste. D'abord, vous ne trouverez pas un seul représentant de l'industrie au sein de ce comité. Deuxièmement, je ne connais pas les personnes dont vous parlez, mais celles-ci ont été choisies au sein de la communauté internationale.
Le vice-président: J'ai dit que je ne connaissais pas l'OMS, mais que je connaissais la FAO parce que j'ai longuement travaillé avec elle.
M. Ritter: Oui, mais je connais l'OMS.
Le vice-président: Je voudrais en revenir un instant au Dr McLean. Je ne peux pas croire qu'il puisse venir parler en faveur de la STB alors que son propre pays l'a interdite. Au nom de qui parlait-il... en son propre nom?
M. Ritter: En son propre nom.
Le vice-président: On lui a payé son voyage pour qu'il vienne nous tenir ces propos. Le gouvernement australien n'a-t-il pas obtenu des opinions qui l'ont incité à faire ce qu'il a fait? Il a dû se prononcer contre l'utilisation de la STbr. M. McLean est venu chez nous. Il n'a pas pu convaincre les Australiens d'utiliser ce produit, mais Santé Canada lui a payé son voyage pour qu'il nous dise que c'était un bon produit et que nous étions peut-être stupides.
M. Ritter: Je ne pense pas que qui que ce soit fasse de telles allégations. M. McLean essaie de vous dire qu'en ce qui concerne la santé humaine, il n'a pas d'inquiétudes. Le gouvernement australien a peut-être fondé sa décision sur des préoccupations qui outrepassent le cadre de ce que M. McLean a pu vous dire.
Encore une fois, la nature de la recherche scientifique étant ce qu'elle est, il parfaitement possible de parvenir à des conclusions différentes à partir des mêmes données. Il est également possible de le faire à partir de données différentes.
Le vice-président: Pouvez-vous me dire si les médecins de l'OMS disposaient de plus de données scientifiques que celles qui nous ont été présentées?
M. Ritter: J'ignore quels sont les témoignages que vous avez entendus.
Le vice-président: Est-il possible que nous obtenions les renseignements sur lesquels ils ont basé leur décision?
Le sénateur Spivak: Non, c'est pas possible.
M. Ritter: Non.
Le vice-président: C'est très regrettable. Je pensais que nous vivions dans un pays démocratique.
Le sénateur Spivak: Je signale que les conclusions du CMEAA sont diamétralement opposées à celles du rapport de l'Union européenne. Toute la question est là. Elles énumèrent soigneusement les critères d'évaluation des risques plutôt que ceux de la gestion des risques. Cela nous ramène au principe de prudence selon lequel en cas de doute quant à l'innocuité d'un produit, il vaut mieux s'abstenir. C'est un principe scientifique valide, n'est-ce pas?
M. Ritter: Lequel?
Le sénateur Spivak: Le principe de prudence.
M. Ritter: Le principe de prudence n'est pas du tout un principe scientifique; c'est un principe de gestion des risques.
Le sénateur Spivak: Non.
M. Ritter: Nous pourrions en discuter.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas un principe de gestion des risques.
M. Ritter: Je crois que si.
Le sénateur Spivak: Très bien.
M. Ritter: Nous devons nous demander à partir de quel moment nous disposons de preuves scientifiques suffisantes pour conclure qu'une chose est acceptable ou non acceptable.
Le sénateur Spivak: C'est une autre question.
M. Ritter: C'est la question que ce comité s'est posée en 1998. À partir des renseignements qu'il a examinés, il s'est dit satisfait de la rigueur des données et de leur portée. Il en est venu à deux conclusions. Premièrement, qu'il pouvait tirer une conclusion scientifiquement défendable et deuxièmement, que l'utilisation de cette substance ne présentait pas de risque pour la santé humaine.
Je ne prétends pas qu'il n'existe pas des études contredisant cette conclusion. Je vous dis simplement que le comité a tiré cette conclusion à partir des données disponibles.
Le sénateur Spivak: Cela revient-il à dire que ce médicament est sans danger pour l'être humain?
M. Ritter: Il n'est pas utilisé chez l'être humain.
Le sénateur Spivak: Non, mais ce médicament est utilisé chez l'animal, ce qui a des répercussions sur l'être humain. De plus, les humains consomment des produits qui proviennent de ces animaux. Cela revient-il à dire que c'est sans danger?
M. Ritter: Non.
Le sénateur Spivak: Très bien.
M. Ritter: Nous n'utilisons pas les mots «sans danger». C'est une expression que les politiciens aiment utiliser, mais pas les chercheurs.
Le sénateur Spivak: C'est une chose que les gens veulent savoir avant de mettre quelque chose dans leur bouche.
M. Ritter: Je pourrais vous demander si vous êtes absolument certaine de pouvoir traverser la rue sans danger pour vous rendre sur la colline parlementaire. Si vous répondiez par l'affirmative, vous seriez dans l'erreur. Voilà pourquoi les chercheurs ne peuvent jamais garantir qu'un produit est parfaitement sûr.
Le sénateur Spivak: Je suis obligée de traverser la rue, mais rien ne nous oblige à avoir la STbr.
M. Ritter: D'ailleurs, vous ne l'avez pas.
Le sénateur Spivak: C'est exact.
Le vice-président: J'aimerais aller à l'OMC. Comme je l'ai déjà dit, le nouveau président de l'OMC vient de la Nouvelle-Zélande où vivent 74 millions de moutons et 3 millions de personnes. Ce n'est pas aussi gros que Toronto, mais le nouveau président va dire au monde entier, y compris à nous, ce que nous devrions faire. La Nouvelle-Zélande a interdit la STbr. Avez-vous une opinion quant à ce que devrait être sa position?
M. Ritter: Je dois d'abord vous dire que je n'ai pas cherché à me tenir au courant de la situation de la STB pour ce qui est de sa réglementation depuis que j'ai quitté le gouvernement en 1993. Le moins qu'on puisse dire est que mon intérêt pour la question est très limité, surtout pour ce qui est de la réglementation.
Je n'ai pas participé directement à l'examen du comité de l'OMS. En fait, cet examen était dirigé par un chercheur d'une université allemande, ainsi qu'un chercheur de la Food and Drug Administration des États-Unis. Ce sont ces deux personnes qui ont dirigé l'examen de la STB que l'OMS a réalisé en 1998.
J'ignore quelles sont les raisons pour lesquelles la Nouvelle-Zélande a décidé d'autoriser ou d'interdire la STB. Je ne pourrais émettre rien d'autre que de pures hypothèses.
Le vice-président: M. McLean a dit, je crois, que c'était pour des raisons politiques. Les Néo-Zélandais savaient qu'ils pourraient vendre leurs produits laitiers beaucoup plus facilement sur le marché mondial s'ils bénéficiaient de la publicité qu'apporte la garantie qu'ils n'utilisent pas la STbr. La Nouvelle-Zélande est un gros exportateur de produits laitiers.
Pour revenir à la mondialisation, je suis resté en fonction, en tant que représentant élu, pendant près de 39 ans, depuis l'âge de 21 ans jusqu'à ce que John Turner me mette à la porte. J'ai ensuite été congédié par Joe Clarke trois mois plus tard, jour pour jour. Je suis un Canadien qui a l'honneur d'avoir été congédié par un libéral et par un conservateur en l'espace de trois mois, même si je pensais n'avoir rien fait de mal.
Comme j'ai vécu tout ce temps en démocratie, je m'inquiète d'entendre dire que la mondialisation et l'OMC se prononceront contre les décisions que prendront des États souverains. Je suis sidéré que nous en soyons arrivés là sans nous inquiéter davantage.
Je n'irai pas jusqu'à parler d'insurrection civile, mais je crains que ce que nous avons bâti nous soit retiré, par exemple la gestion de l'offre dans notre industrie laitière. Le succès de toute industrie repose sur la gestion de l'offre. On ne peut pas se contenter de produire quelque chose dans l'espoir que quelqu'un l'achètera, surtout dans le secteur agricole où nous produisons des denrées périssables. Nous avons bâti une industrie que nous pouvions vendre grâce à la qualité et à la salubrité de nos produits.
Comme je l'ai déjà raconté ici, un groupe de 21 Chinois est venu un jour visiter notre maison dans le comté d'Essex. Ma femme les a invités à venir chez nous et elle a demandé aux gens des Affaires étrangères ce qu'elle devait leur faire manger. On nous a remis une liste d'aliments chinois, mais ma femme a dit qu'elle n'avait rien de tout cela. Elle a donc préparé des mets canadiens, tels que du fromage et des viandes froides, du poulet et les différents aliments que nous avions chez nous. La seule chose que ces Chinois n'ont pas mangée c'était la nappe. Un couple de délégués chinois a parlé ensuite à ma femme qui leur a dit qu'elle s'étonnait qu'ils aient tout mangé étant donné que la plupart de ces aliments étaient nouveaux pour eux. Ils ont répondu qu'ils n'avaient pas peur de manger quoi que ce soit au Canada parce qu'on pouvait se fier à nos produits.
C'était avant la mondialisation. C'était avant l'ALENA. Nous avons maintenant davantage de produits alimentaires qui entrent au Canada sans être inspectés. Nous avons certainement visité tous les deux de nombreux pays dont les produits ne répondent pas à nos normes et pourtant nous importons maintenant des denrées de chez eux. Je m'inquiète devant ce nouvel ordre commercial mondial qu'on présente comme quelque chose de nouveau. La mondialisation? Nous avons eu le commerce des esclaves et nous avons des pirates. Sir Walter Raleigh était un grand pirate. Cela n'a rien de nouveau et pourtant c'est l'impression qu'on donne. Nous avons 132 pays et pourtant vous dites que 131 ont voté contre vous.
M. Ritter: Monsieur le président, j'ignore si le comité a fini de poser ses questions. Le sénateur Spivak a fait toutefois allusion au fait que je suis un Canadien relativement important. C'est ce qu'elle a dit, je crois.
Le sénateur Spivak: Oui.
M. Ritter: Ma mère serait certainement d'accord avec vous.
Pour conclure, je dirais qu'ayant eu l'occasion de voyager, surtout lorsque j'étais dans la fonction publique, je suis de votre avis. Il suffit de quitter le pays pour se rendre compte de notre chance. Ce n'est pas par hasard que les Nations Unies ont, à plusieurs reprises, élu le Canada comme le meilleur pays au monde. Nous avons l'un des approvisionnements en nourriture les plus abondants, les plus nutritifs et les plus sûrs au monde et nous le payons moins cher que dans la plupart des autres pays.
C'est dans une large mesure le résultat de la réglementation mise en place au Canada. Je le sais car j'y ai participé. Je vous induirais en erreur si je vous laissais croire que la réglementation n'a pas servi les intérêts des Canadiens. Je suis totalement convaincu qu'elle l'a fait. Néanmoins, il faut reconnaître qu'il peut y avoir des divergences d'opinions entre les chercheurs. Cela ne veut pas dire que les uns ont tort et que les autres ont raison. Étant donné la nature de cette discipline, il faut être prêt à tenir compte de ces divergences.
Comme je le disais au sénateur Spivak, en tant que chercheurs, nous devons examiner l'ensemble des données et tirer des conclusions à partir des renseignements disponibles. Nous ne devons pas tirer de conclusions prématurées ou de conclusions fondées sur des données insuffisantes. Nous devons nous fonder sur les renseignements qui sont à notre disposition, à la condition qu'ils soient suffisamment complets et rigoureux pour nous permettre de tirer une conclusion scientifiquement défendable.
Le comité d'experts de l'OMS a pris cette position. Il sait que d'autres opinions ont été exprimées, mais ce n'est pas la sienne. Pour avoir travaillé avec le comité et les personnes qui en font partie, j'ai beaucoup de respect pour ces chercheurs. Je n'ai jamais eu de raison de croire qu'ils poursuivaient un objectif autre que la promotion de la santé humaine en ce qui concerne le commerce des produits alimentaires.
Le vice-président: J'espère ne pas avoir émis de doutes quant aux compétences de ces personnes.
M. MacLeod nous a dit l'autre jour qu'il n'avait jamais lu tous les documents. Il s'est basé sur ceux qu'il avait eu le temps de lire. Je suis président et membre de ce comité. M. MacLeod a peut-être raté quelque chose. C'est ce qu'a dit le Dr von Meyer. C'est également un chercheur renommé.
Comme vous l'avez dit, le Canada fait l'envie du monde entier. Ses citoyens viennent de tous les pays du monde et nous avons bâti quelque chose que les autres nous envient. Un jour, questionné au sujet de notre pays, le roi de France a dit qu'il fallait nous laisser survivre comme nous le pourrions. Après tout, qui aurait voulu de ces quelques arpents de neige? Nous avons bâti notre pays en travaillant ensemble.
J'ai peur de la mondialisation et de l'Organisation mondiale du commerce; des gens qui feront perdre au Parlement toute son importance. On n'aura plus besoin du Parlement, qu'il soit provincial ou fédéral, dans quelques années, si c'est l'ALENA et l'Organisation mondiale du commerce qui décident de tout.
Le sénateur Spivak: Je voudrais dire une chose. Monsieur Ritter, j'apprécie vos observations au sujet du Canada et de la compétence des chercheurs. Néanmoins, la situation évolue en ce sens que quelques grandes sociétés ont la haute main sur les aliments que mange la population mondiale. Il y a de nombreux médicaments commerciaux, des médicaments non thérapeutiques, qui peuvent être distribués dans le monde. Un grand nombre de ces médicaments n'ont aucune valeur thérapeutique, et seulement une valeur commerciale. Dans ces circonstances, vous reconnaîtrez qu'il faudrait procéder avec prudence.
C'est une question d'évaluation des risques et non pas de gestion des risques. Je serais tout à fait d'accord avec la gestion du risque si vous aviez un médicament susceptible de prévenir le cancer et qui serait bénéfique pour l'humanité. Mais devant cette catégorie de médicaments entièrement différente, la situation n'est pas la même.
M. Ritter: Permettez-moi de vous dire une chose, en tant que chercheur.
Le sénateur Spivak: Nous avons eu la thalidomide, le scandale du sang contaminé, les implants mammaires. Les faits sont là. Ce n'est pas comme si nous étions des ennemis du progrès qui refusent cette technologie.
M. Ritter: Il faut être prudent pour mettre des substances en marché, qu'il s'agisse de médicaments thérapeutiques ou non thérapeutiques et qu'ils aient ou non un intérêt commercial. Je crois qu'il faut être prudent, un point c'est tout. Cela vaut dans tous les cas. Cela vaut pour toutes les substances et pas seulement celle-ci.
Je ne suis pas producteur laitier. Je peux toutefois vous dire qu'à mon avis, vous êtes injuste envers certains producteurs laitiers en disant que ce produit n'a aucune valeur. Ces personnes ont invoqué des arguments convaincants, tant au Canada que sur la scène internationale, quant au fait que ce médicament pourrait nettement abaisser leurs coûts de production. Ils ont fait valoir qu'ils pourraient ainsi conserver leur gagne-pain tandis que les Canadiens conserveraient leur mode de vie. Je trouve assez difficile de rejeter ces arguments. Je ne suis pas en mesure de les évaluer.
Le sénateur Spivak: Ces opinions ont été exprimées uniquement par les gens que Monsanto a fait venir ici. Ce n'est pas ce qu'ont dit les organisations agricoles du Canada.
M. Ritter: Peut-être. Sur la scène internationale, c'est ce que j'ai entendu dire par des gens de pays autres que le Canada.
S'il est vrai que ce produit ne présente aucun avantage pour les producteurs laitiers, cela revient à accuser les producteurs laitiers qui l'utilisent d'être complètement stupides. J'ai davantage de respect pour eux. Ils sont sans doute convaincus que cette technologie est avantageuse sans quoi ils ne l'utiliseraient pas. Ne parlons pas de Monsanto. Ce sont des hommes et des femmes intelligents qui sont les principaux travailleurs autonomes du pays. S'ils ne pensaient pas que ce produit présente des avantages pour eux, pourquoi l'utiliseraient-ils?
Le sénateur Spivak: Monsieur Ritter, ce n'est pas ce que nous avons entendu dire à ce comité. Ce que vous laissez entendre est peut-être vrai ailleurs, mais pas ici.
M. Ritter: Encore une fois, il peut y avoir des divergences d'opinions. Je reconnais que vous avez peut-être entendu une opinion, mais il y en a d'autres. Nous ne pouvons certainement pas prétendre que ce médicament est utilisé... peut-être pas chez nous.
Le sénateur Spivak: Si.
M. Ritter: Nous ne pouvons pas prétendre que ceux qui l'utilisent croient qu'il n'a aucune valeur. Ou bien ils sont stupides...
Le sénateur Spivak: Non, pas du tout.
M. Ritter: Dans ce cas, pourquoi utiliseraient-ils une chose qui est sans intérêt?
Le sénateur Spivak: C'est un argument différent et qui n'est pas scientifique.
M. Ritter: Il est scientifique, mais il concerne la santé humaine. Les raisons économiques d'utiliser cette substance ne sont pas moins scientifiques que la santé humaine, mais ce n'est pas une question de santé humaine. Je suis d'accord avec vous sur ce point.
Le sénateur Spivak: C'est une question économique.
M. Ritter: Mais cela concerne la science.
Le sénateur Spivak: Certains estiment que c'est une drôle de science.
Le vice-président: À une certaine époque, monsieur Ritter, nous soumettions 1 2000 vaches laitières à toutes sortes de tests. Ces tests ont été abandonnés il y a quelques années. Imaginez quelle serait la situation si nous faisions nos propres tests pour la STbr. Après avoir analysé le lait de ces vaches, nous savions exactement ce qu'on leur avait donné. Nous étions des chefs de file mondiaux pour ce qui est de veiller à ce que le produit soit parfaitement salubre. Tout à l'heure quelqu'un a dit que les gens buvaient beaucoup de lait, jusqu'à l'âge de 50 ans. C'est une responsabilité alimentaire.
Nous avons obtenu suffisamment de renseignements pour avoir des doutes. Des agriculteurs nous ont dit que ce produit était bon. D'autres nous ont déclaré qu'ils n'oseraient jamais l'utiliser.
Je voyage un peu partout au Canada et je constate une controverse chez les agriculteurs. D'après certaines données, c'est un produit rentable. D'après d'autres données, les agriculteurs doivent devenir de bons gestionnaires pour être productifs.
Je m'inquiète au sujet de ce qu'a dit le sénateur Spivak. D'ici l'an 2003, on estime que cinq grandes sociétés décideront de ce que la population mondiale mangera. Elles assumeront 80 p. 100 de la production alimentaire mondiale. J'en ai peur car, comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est ainsi que nous avons bâti notre pays.
Je tiens à vous remercier infiniment d'être venu ici cet après-midi, monsieur Ritter. J'espère que nous n'avons pas été trop méchants avec vous.
Honorables sénateurs, comme nous avons demandé à M. Ritter de comparaître devant nous aujourd'hui, j'ai besoin d'une motion le déclarant dégagé de ses obligations.
Le sénateur Spivak: Je propose la motion.
Le vice-président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: Adoptée.
Vous êtes libre de partir, monsieur Ritter. Merci d'être venu ici aujourd'hui.
La séance est levée.