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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 37 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 11 mai 1999

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 15 h 30 afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, notamment l'effet des échanges commerciaux sur le revenu agricole.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (le président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le ministre de l'Agriculture est avec nous aujourd'hui. Monsieur Vanclief, vous pouvez commencer.

L'honorable Lyle Vanclief, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire: Bonjour. Je voudrais remercier le comité de m'avoir invité à me joindre à vous. Je suis impatient de présenter mon exposé et d'entendre vos observations et vos questions.

Je tiens à féliciter votre comité d'avoir tenu un nombre considérables de réunions que vous avez consacré à diverses questions concernant l'agriculture et l'agroalimentaire au Canada. Je vous remercie également d'avoir tenu ces réunions en collaboration avec l'industrie toute entière. Ensemble, nous pouvons en faire une industrie qui puisse relever les défis que se posent constamment à elle et saisir les incroyables opportunités qui s'offrent à elle.

Le revenu agricole est un sujet qui constitue un priorité pour moi et bien d'autres, surtout ces derniers mois. J'ai travaillé avec mes collègues et mes homologues des provinces, ainsi qu'avec les agriculteurs pour trouver des façons efficaces et responsables de répondre aux besoins de notre secteur.

Le commerce international et la poursuite d'échanges commerciaux fructueux se trouvent aussi au sommet de mes priorités en prévision des négociations de l'OMC qui débuteront à la fin de l'année. Le comité est bien conscient des défis qui se posent à nous à l'approche du prochain cycle de négociations de l'OMC.

Votre récente mission d'enquête en Europe a mis en relief certains des enjeux difficiles auxquels nous sommes confrontés dans nos efforts pour continuer la réforme du commerce international des produits agricoles. J'ai pu jeter un coup d'oeil au rapport que votre comité a rédigé à l'issue de cette tournée. Je vais le lire d'un bout à l'autre dans le but de tirer parti de vos conclusions. Je suis sûr que nous allons trouver cette étude fort utile et intéressante. Elle décrit la situation dans laquelle se trouve cette industrie dans différentes parties du monde.

Comme en fait foi votre étude, environ 45 à 50 p. 100 du budget de l'Union européenne sert à soutenir l'agriculture, ce qui représente environ 70 milliards de dollars consacrés chaque année aux subventions agricoles. Il sera donc difficile de resserrer les règles qui touchent ces subventions dans le cadre des négociations de l'OMC.

Les producteurs et les transformateurs canadiens peuvent rivaliser avec quiconque sur la scène internationale, et l'emporter. Ils ne peuvent toutefois pas concurrencer les trésors publics des autres pays. Il nous faut des règles du jeu équitables pour avoir un commerce non seulement plus libre, mais aussi plus juste. Nous serons prêts pour les pourparlers de l'OMC car, depuis deux ans, mes fonctionnaires et moi travaillons avec l'industrie canadienne à nous y préparer.

Agriculture et Agroalimentaire Canada a été coorganisateur de la Conférence fédérale-provinciale de consultation sur les négociations agricoles de l'OMC qui a eu lieu récemment ici même, à Ottawa. Un certain nombre de vos collègues du Sénat y ont assisté. Les ministres provinciaux de l'Agriculture, les dirigeants des organisations nationales et régionales, les transformateurs et les producteurs qui forment la base y ont également participé. Et je crois qu'à leur sortie les participants comprenaient mieux les enjeux de ces négociations et le consensus établi sur un grand nombre d'éléments de la position qu'ils veulent voir adopter par le Canada lors des pourparlers de l'OMC.

Durant vos audiences, les organisations et leurs représentants ont exprimé le désir d'une approche ferme à la table de l'OMC. Nous avons entendu un message similaire à notre conférence. Soyez assurés que je suis déterminé personnellement à continuer de défendre les intérêts du Canada à chaque occasion qui se présentera.

J'aimerais souligner les grands thèmes généraux qui sont ressortis de nos deux journées de conférence. Nous avons compris que les gens de l'industrie de partout au pays s'entendent sur la nécessité d'éliminer les subventions à l'exportation. Ils veulent une définition plus précise de ce qu'est une subvention à l'exportation. Ils réclament un plus grand accès aux marchés étrangers et veulent que les règles et les conditions d'accès soient énoncées clairement. En ce qui concerne les entreprises commerciales d'États, on nous a dit que le Canada devrait être disposé à s'attaquer à tout problème commercial réel. Par ailleurs, les négociations de l'OMC ne devrait pas porter sur notre choix d'instruments de commercialisation mais plutôt sur les retombées commerciales.

On nous a affirmé également que les producteurs veulent que soit réduite l'aide contraire au libre jeu de l'offre et de la demande -- on parle souvent en ce sens de «subventions intérieures» -- que reçoivent les agriculteurs des pays rivaux, particulièrement en Europe et aux États-Unis. D'autres ont suggéré d'imposer un plafond sur tous les types d'aide interne à l'agriculture.

Beaucoup ont mentionné que le Canada devrait continuer d'exercer des pressions pour que les normes techniques reposent sur la science et non sur l'émotion. Et c'est également mon avis. Il nous faut fonder nos décisions sur la science et non sur l'émotion. Nous nous inspirerons de ces thèmes et d'autres lorsque nous élaborerons la position initiale de négociation du Canada que nous annoncerons cet été.

Incontestablement, le commerce est essentiel à l'économie canadienne, en particulier à l'agriculture et à l'agroalimentaire. Nous possédons une énorme capacité de production. Cependant, on sait qu'il n'y a que 30 millions de Canadiens et, compte tenu de notre énorme capacité de production, l'accès à un marché rentable est essentiel à notre industrie.

Notre industrie peut être compétitive pourvu que les règles soient justes. Nos récentes réalisations aux chapitres de l'exportation et des échanges commerciaux sont le fruit de notre immense travail et de notre excellente réputation. Ces qualités de notre industrie servent de tremplin pour commercialiser nos produits, nos services et notre savoir-faire dans l'industrie agricole de partout dans le monde.

Malgré la crise des marchés mondiaux en 1998, le Canada a exporté, selon les données préliminaires, pour 21 milliards de dollars de produits primaires et transformés. C'est très près de notre record de 1997 qui s'établissait à un peu plus de 22,2 milliards de dollars. Quand nous aurons les chiffres définitifs, je ne serais pas étonné que nous soyons encore tout près de 22 milliards de dollars. J'espère bien que nous y parviendrons.

Le fait que nous étions aux prises avec une diminution des prix des denrées et un rétrécissement des marchés, montre bien la force de nos exportations. L'ensemble des exportations agricoles et agroalimentaires du Canada croissent à un rythme compatible avec l'objectif fixé par le Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires ou CCCPA. Son objectif, qui est aussi celui de l'industrie, est de s'emparer de 4 p. 100 du marché mondial dans les secteurs agricole et agroalimentaire d'ici à 2005. Or, nous nous trouvons aux alentours de 3,3 p. 100. Je suis convaincu, et l'industrie l'est aussi, que nous pourrons atteindre cet objectif ensemble.

Notre industrie des aliments transformés dépasse en fait l'objectif du Conseil depuis 1996. Cette année-là, pour la première fois, le Canada avait exporté plus d'aliments transformés qu'il en avait importés. Cette tendance positive, qui consiste à exporter davantage d'aliments transformés pour créer ici des emplois et des produits à valeur ajoutée, se maintient. L'an dernier, nos exportations de produits transformés ont grimpé de 9 p. 100, de sorte que les produits à valeur ajoutée représentent maintenant à peu près la moitié de nos exportations agroalimentaires. C'est donc 10,6 milliards de dollars de produits à valeur ajoutée qui se greffent aux 21 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires que nous exportons actuellement.

Augmenter le commerce est une façon de stimuler les affaires et d'accroître le revenu agricole. Nous continuons d'étendre nos marchés dans les Amériques. Comme vous le savez, j'ai effectué plusieurs voyages. Depuis Noël, je me suis rendu deux fois au Japon pour faire la promotion des produits et du savoir-faire canadiens. Le Japon continuera d'être un marché en expansion pour les produits alimentaires canadiens. En septembre dernier, j'ai conduit la plus grande mission commerciale dans les secteurs agricole et agroalimentaire qu'Équipe Canada ait jamais effectuée. Nous nous sommes rendus au Brésil, au Chili et au Mexique. Ce fructueux voyage, je l'ai effectué avec bon nombre de ministres provinciaux et de représentants d'organisations provinciales, de sociétés privées et d'organisations industrielles.

Bien entendu, les événements survenus l'an dernier au Japon et ailleurs en Asie ont aussi montré l'envers du commerce. Ces événements révèlent à quel point la fortune du Canada est liée aux marchés mondiaux et comment l'existence d'une famille en Saskatchewan peut se ressentir d'une crise économique qui éclate à l'autre bout du globe. Cependant, de nombreux instruments sont en place pour aider les producteurs à surmonter ces difficultés.

Moi-même, pour avoir cultivé la terre pendant 25 ans, et plusieurs d'entre vous savons que l'agriculture est une activité commerciale terriblement risquée. Notre gouvernement a réservé 900 millions de dollars pour le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Grâce aux contributions des provinces, nos agriculteurs disposent d'une aide de près de 1,5 milliard de dollars.

Je sais, monsieur le président, que votre comité a eu vent des préoccupations que soulève l'ACRA, tout comme moi d'ailleurs. Hier matin, j'ai eu une bonne réunion avec la Fédération canadienne de l'agriculture. Ce matin, j'ai rencontré certains collègues à ce sujet, et j'en parle constamment. Certes, le programme n'est pas parfait, mais nous sommes tout disposés à en tirer le maximum. Nous examinerons les résultats obtenus en 1998 afin de voir, s'il y a lieu, ce qui pourrait être amélioré.

Plus de 28 000 formulaires de demande ont été envoyés sur demande aux producteurs. Des chèques du gouvernement fédéral ont commencé à être acheminés le 30 avril dernier. Dans les provinces dotées de programmes d'aide aux victimes de catastrophes, l'argent est des coffres encore plus tôt.

La ligne sans frais de renseignements sur l'ACRA reçoit en moyenne quelque 550 appels par jour. Ce serait bien si vous et vos collègues encouragiez les producteurs à retourner les formulaires. Je suis déçu que les agriculteurs ne retournent pas leurs formulaires, car nous ne pouvons pas les aider sans cela. J'ai prolongé le délai convenu pour l'envoi des demandes afin de tenir compter de la saison des semis. La nouvelle date limite est fixée au 31 juillet. Cette prolongation donnera un peu de répit aux agriculteurs pour remplir leurs formulaires. Il me fera plaisir de répondre dans un instant aux questions que vous pourriez avoir sur le programme.

Notre gouvernement souhaite faire du mieux qu'il peut pour les agriculteurs, les transformateurs, bref l'industrie toute entière. La chaîne agricole et agroalimentaire comporte de nombreux maillons. C'est pour nous à la fois un défi et une opportunité que de renforcer de notre mieux ces maillons. Si un des maillons est faible ou vient à céder, la chaîne ne pourra plus tenir, car la force de la chaîne tient à la solidité de ses maillons.

Aider nos agriculteurs à traverser une crise du revenu et travailler à l'obtention de la meilleure entente possible pour les producteurs et les transformateurs canadiens au prochain cycle de négociations de l'OMC, voilà qui est très important.

Encore une fois je vous remercie de l'immense travail que vous avez accompli dans le cadre de ces audiences, et j'espère que vous continuerez de nous appuyer dans ces efforts en faveur de l'industrie.

Le président: En parcourant l'Europe, nous avons tous appris que les groupes d'agriculteurs n'ont pas l'intention de mettre fin aux subventions. Cela m'inquiète, car il semble que les Américains tiennent les mêmes propos. Autrement dit, si les prix des produits agricoles n'augmentent pas, les producteurs céréaliers n'ont pas fini de connaître des temps difficiles. Il faut faire quelque chose. Le gouvernement canadien doit intervenir dans ce dossier.

L'ACRA n'a pas résolu ce problème. L'ouest de la Saskatchewan a été frappé par une sécheresse et n'a pas connu une moyenne triennale élevée. Des tempêtes de grêle se sont abattues sur certaines régions qui n'ont pas réalisé la moyenne. Et ce n'est pas cette politique qui va remédier à ces maux.

Des agriculteurs me disent qu'ils préféreraient une sorte de paiement à l'ancre, comme celui qu'ont concocté les Américains. Je sais que nos coffres ne sont pas comparables aux coffres de nos voisins, mais nous devons prendre sérieusement en compte l'industrie céréalière. Nous allons connaître le pire printemps et le pire été de l'histoire de notre agriculture.

M. Vanclief: Au cours de nombreuses heures et semaines de discussion qui ont mené à l'élaboration de l'ACRA, toutes les parties ont expliqué très clairement leur position respective sur un certain nombre de points, à part quelques exceptions. Elles ont dit craindre que nous ne mettions en place un programme d'aide qui menacerait l'existence des instruments de gestion des risques dont elles disposent actuellement. Elles nous ont demandé de ne rien faire qui aille à l'encontre du compte de stabilisation du revenu net ou CSRN, même si nous devions y jeter un coup d'oeil pour voir s'il donne les résultats escomptés. Elles ne voulaient que l'on met en danger l'assurance-récoltes ou tout autre outil de gestion des risques. C'est ce que nous ont fait savoir on ne peut plus clairement l'ensemble des gouvernements provinciaux ainsi que la Fédération canadienne de l'agriculture. Je pourrais citer une longue liste.

On avait l'impression qu'autrement les producteurs risquaient très sérieusement de se voir imposer des droits compensateurs. Quand il s'agit d'un paiement visant un produit et que l'on est dans le secteur des exportations, si quelqu'un d'autre peut faire valoir que ce type de paiement a pour effet de faire baisser le marché par exemple, on risque de se trouver dans l'obligation d'acquitter des droits compensateurs. Si vous n'êtes pas d'accord avec moi, je vous demanderais de songer à la nervosité qu'a connu l'industrie du boeuf il y a tout juste une semaine quand nous avons obtenu une décision nettement favorable à ce sujet.

Nous devons être très conscients des incidences au niveau international. Les producteurs de porc ont fait l'objet de mesures compensatrices des années durant, et ils ont payé chèrement l'aide apportée à certains producteurs -- et j'étais de leur nombre à l'époque --, même si c'était une merveilleuse chose. L'industrie a dû cependant payer le prix fort.

Face à ce défi, de concert avec les provinces et l'industrie, nous nous penchons sérieusement sur le filet de sécurité des agriculteurs dont nous disposons actuellement. Les investissements que nous effectuons dans les divers secteurs donnent-ils les résultats escomptés?

L'automne dernier, nous avons vu l'industrie accentuer sa pression: il nous fallait faire quelque chose pour contrer la baisse du prix des céréales, des oléagineux et du porc qui n'avait pas été prévue en 1998. Ce qu'il fallait à court terme, c'était un programme répondant aux besoins de 1998 et 1999, de même que le filet de sécurité que nous avons actuellement, lequel assure une certain continuité.

Je reconnais que, si quelqu'un a eu des ennuis ces quatre ou cinq dernières années, c'est malheureux mais ce programme n'était pas en place à l'époque. Il ne va pas remédier à leur situation. Cependant, avant ceci, à la réunion fédérale-provinciale des ministres de l'Agriculture qui a eu lieu en juillet dernier et même avant, nous nous étions déjà penchés sur notre filet de sécurité.

La situation est loin d'être facile. Je ne dis pas que ces gens-là devraient abandonner la partie. Toutefois, si pour des raisons d'ordre biologique ou météorologique ils ne peuvent pas joindre les deux bouts, que ce soit dans le comté d'Ameliasburg, où j'habite, ou dans le district électoral de Prince Edward--Hastings par exemple, sommes-nous prêts, en tant que gouvernement et en tant que société, à garantir à ces gens un certain rendement par boisseau ou un certain niveau de revenu afin de leur permettre de continuer? Je ne connais pas la réponse. Je ne fais que soulever la question.

Le président: J'ai un voisin qui habite à un mille et demi de chez moi. Il a tout simplement fini par jeter l'éponge. Il a 45 ans. Il y a deux ans, sa ferme a essuyé une tempête de grêle, tout comme la mienne et bien d'autres. Il a dit qu'il ne pouvait plus assumer les coûts des intrants. C'était un bon agriculteur, mais il travaille maintenant dans la comptabilité.

M. Vanclief: Est-il assuré contre la grêle?

Le président: Oui.

Si on ne dépense pas des sommes folles pour se débarrasser des mites du blé, notre assurance ne nous protège pas suffisamment. Il y a là-bas de sérieux problèmes.

M. Vanclief: Je ne dis pas le contraire.

Le président: Ce qui importe ici c'est le besoin. Le vieil agriculteur qui a payé tout son matériel doit se retrouver un jour avec de l'argent dans les poches.

En ce qui concerne le paiement à l'ancre, comment les Américains s'y sont-ils pris?

M. Vanclief: Il s'exposent à des mesures compensatrices. S'ils exportaient leurs produits vers des pays comme le Canada en exporte vers les États-Unis, nous pourrions les contester.

Le président: À ce compte-là, le Canada s'est montré bien candide en traitant avec le commerce international à nos dépends. Nous sommes devenus vulnérables, et cela n'est pas sans me préoccuper.

Le sénateur Sparrow: Sur une possibilité de 50 000, 900 demandes seulement nous sont parvenues de la Saskatchewan dans le cadre de l'ACRA. Il y a un problème si les gens ne s'inscrivent pas à ce programme. Nous leur demandons de s'inscrire, mais ils ne le font pas. Peut-être les formulaires leur paraissent-ils trop complexe, ou peut-être croient-ils que cela ne vaut pas la peine de faire une demande, faute de fonds disponibles. Peut-être cela a-t-il à voir avec les coûts qu'entraîne la préparation des formulaires.

Ce matin, j'ai téléphoné à votre bureau pour savoir si c'était bien vrai que des comptables font savoir qu'ils exigent 125 $ pour remplir les formulaires de demande. Quelqu'un a dit qu'il aillait se renseigner et me tenir au courant de sa démarche. Quoi qu'il en soit, autant que je sache, les firmes comptables ordinaires n'exigent pas ce prix.

M. Vanclief: Je vous en ferai parvenir une copie, sénateur.

Le sénateur Sparrow: On dirait que le ministère nous prend pour des gens lents ou retardés en Saskatchewan. Nous sommes peut-être lents, mais certainement pas retardés. Nous sommes capables de remplir des formulaires si c'est dans notre intérêt.

Une firme comptable, qui m'a dit posséder entre 800 et 1 000 clients du secteur agricole, n'avait reçu jusqu'à ce jour que 25 demandes d'aide pour remplir ces formulaires. Sur ce nombre, quatre agriculteurs lui avaient fourni les renseignements voulus. Et sur les quatre un seul formulaire a été envoyé parce qu'un seul signataire était admissible au programme. Les trois agriculteurs ont dit qu'il ne servait à rien de faire la demande. Ils ont cependant rempli la demande. Il n'y a donc eu que 21 demandes, alors que la région compte entre 800 et 1 000 agriculteurs.

La mise en oeuvre des mesures de secours en cas de désastre s'impose et, comme l'a dit le président, le désastre fait actuellement rage. Le désastre ne saurait perdurer encore de deux à cinq ans.

On entend parler du coût accru des terres, mais je dirais que dans ma région on n'enregistre pas d'augmentation à ce chapitre-là. Les gens optent plutôt pour la location de terres agricoles. Sur des terres dont le loyer variait jadis entre 30 et 40 $ l'acre, les agriculteurs ne se voient pas soumettre des offres suffisantes pour qu'ils fassent une récolte. Les coûts se situent entre 10 et 12 $ l'acre. Le prix des terres a peut-être augmenté pour les agriculteurs étrangers ou les producteurs de porc, mais dans le secteur agricole, il n'en est rien. Le prix a baissé.

Lors des ventes aux enchères, le prix des machines agricoles d'occasion a baissé. C'est bien la preuve que l'industrie agricole est en difficulté.

Les agriculteurs ne sollicitent pas le prêt parce qu'ils ont l'impression que cela n'a pas de sens. C'est la chose la plus triste qu'il m'ait été donné de voir car, à ce que sache, les agriculteurs n'en continuent pas moins de réclamer la Sécurité de la vieillesse, qu'ils en aient besoin ou pas. C'est un problème gouvernemental, alors ils en font la demande. Si 1 p. 100 des agriculteurs ne présentent pas de demande, alors je suppose qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec nous ou avec le programme.

Le ministère doit refaire ses devoirs et voir ce qui cloche. On continue de s'en prendre au paiement à l'ancre, mais il doit bien y avoir d'autres moyens de verser cet argent aux agriculteurs qui en ont besoin.

Il serait déraisonnable de notre part de nous croiser les bras en prétendant que le problème tient à l'inefficacité des agriculteurs, parce qu'il y a belle lurette qu'on s'est débarrassé des agriculteurs inefficaces. Les agriculteurs inefficaces, ça n'existe pas.

Comment soutenir la concurrence avec la Communauté européenne et le gouvernement américain? C'est vrai que nos agriculteurs sont efficaces, mais nous ne pouvons pas soutenir la concurrence contre un prix de 2 $ le boisseau de blé. Il nous faut nous rendre compte que ou bien on est dans l'industrie agricole ou bien on ne l'est pas. Si le gouvernement ne peut rien faire, qu'il le dise. Qu'il ne prolonge pas notre agonie indéfiniment.

M. Vanclief: Sénateur Sparrow, j'ai déjà parcouru les formulaires avec vous. Ils font sept pages, dont trois réservées à l'énumération des biens. Je peux vous les lire encore. Je ne vois pas comment un gouvernement qui se veut responsable ne pourrait poser des questions relativement aux achats, aux dépenses, aux comptes fournisseurs et débiteurs, et ainsi de suite. J'espère que vous ne vous attendez pas à ce que nous faisions parvenir un formulaire d'une seule page aux agriculteurs.

Je ne dis pas qu'il n'a pas beaucoup d'agriculteurs qui tirent le diable par la queue. Dès l'annonce de ce programme, j'ai dit clairement que, lorsque nous aurons déterminé ce qui s'est arrivé en 1998, nous ferons de notre mieux pour corriger la situation en 1999.

La situation ne s'est pas présentée à nous du jour au lendemain, je dirais. Et c'est précisément pourquoi, de concert avec les gouvernements provinciaux et l'industrie, nous nous sommes penchés sur le dossier du filet de sécurité des agriculteurs et sur les programmes qui sont actuellement en vigueur.

Je vous remercie de vos propos. Je vais en tenir compte, et nous continuerons d'améliorer la situation aussitôt que possible et dans la mesure des moyens financiers dont nous disposons en tant que gouvernement.

Le sénateur Sparrow: Monsieur le ministre, le formulaire de demande peut fort bien faire sept pages; le problème, c'est plutôt ce qui mène aux questions auxquelles il faut répondre.

M. Vanclief: Voulez-vous dire qu'il voudrait mieux envoyer le formulaire sans aucune explication sur la façon de le remplir?

Le sénateur Sparrow: Pour commencer, nos agriculteurs ont payé des impôts sur le revenu depuis le temps qu'ils sont dans le métier. Ils remplissent une déclaration d'impôt qui fait état de leur revenu. On dispose déjà de ces données dans la fonction publique. Voilà qu'on leur demande de remplir un autre formulaire. Si vous voulez connaître le revenu des agriculteurs, demandez-leur leurs déclarations d'impôt. C'est tout ce dont on a besoin. Toutes les données sont là.

Mais non, on instaure une toute nouvelle façon de recueillir ces données. Il est facile pour nous de nous répandre en critiques. Mais, quand les firmes comptables avouent que cela leur donne du fil à retordre, elles anticipent que les agriculteurs auront du mal, et moi-même j'ai du mal à comprendre pourquoi le ministre et son ministère soutiennent que c'est très simple. Ce n'est pas aussi simple.

M. Vanclief: C'est une question importante et j'aimerais que M. Richardson comparaisse devant le comité pour apporter des précisions sur les formulaires. Il va s'étendre quelque peu sur le sujet. Une déclaration d'impôt d'exploitation agricole fait état de tous les revenus agricoles, et il faut faire abstraction du reste.

M. Tom Richardson, sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Monsieur le président, il faut signaler qu'en Saskatchewan 80 à 85 p. 100 des agriculteurs souscrivent au programme de stabilisation du revenu net, ou CSRN. Quand l'agriculteur fait une demande en vertu du programme ACRA, il rempli le formulaire du CSRN, qui équivaut à sa déclaration d'impôt en somme. Tout ce qu'il a à faire, outre sa déclaration d'impôt, qu'il doit remplir de toute façon, c'est de remplir les feuilles d'inventaire qu'a mentionnées le ministre. Selon nous, le travail supplémentaire que cela suppose ne pose pas de problèmes particuliers. Certaines firmes comptables de la Saskatchewan en sont venus à la conclusion que le travail supplémentaire ne présentait pas une tâche tellement compliquée et pouvait être effectué très simplement.

Pour ce qui est de la réponse, comme le ministre l'a dit, nous avons envoyé environ 28 000 formulaires. Le comité ne devrait pas trop se préoccuper pour l'instant du nombre de formulaires remplis émanant de la Saskatchewan. Au moment de lancer leurs programmes, l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Île-du- Prince-Édouard ont constaté une courbe d'apprentissage chez les gens et étant donné qu'il faut se servir de sa déclaration d'impôt, les formulaires commencent à peine à nous parvenir.

Je voudrais rassuré le comité en disant que si nous revenions ici dans un mois le nombre des demandes émanant de la Saskatchewan se situerait plutôt entre 5 000 et 10 000, puisque les agriculteurs sont actuellement à remplir leurs déclarations d'impôt. Les formulaires remplis ne tarderont pas à nous parvenir. La date limite ayant été prolongée, c'est le genre de réponse que nous nous attendons de recevoir sous peu.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie d'avoir bien voulu comparaître devant le comité aujourd'hui, monsieur le ministre.

J'aimerais que vous nous reveniez dans un mois ou deux pour nous dire quel est le taux de réponse.

Je voudrais aborder l'approche empruntée par les Européens. Je ne suis pas bien sûr un expert en la matière. Lorsque les Européens connaissent des temps difficiles en agriculture, les Américains ne tardent pas à les connaître. Quand nous sommes allés en Europe, j'ai eu la chance de visiter des fermes en Italie, et j'y ai beaucoup appris. Leur approche de l'agriculture est bien différente de la nôtre. Ils tiennent à garder leurs agriculteurs à la ferme.

J'y ai fait la rencontre d'un député néo-zélandais qui possédait une grosse ferme laitière. Il m'a raconté qu'il était allé en Suède où il avait rencontrer un producteur laitier qui exploitait une ferme à environ 3 500 pieds d'altitude et dont le troupeau consistaient à de 13 à 18 vaches. La population de la région lui versait 20 000 $ par an pour qu'il y maintienne son exploitation. Ils ont adopté une approche tout à fait différente, tant sur le plan culturel que sur le plan social. Ils veulent conserver leurs petites exploitations agricoles et ils veulent que leurs agriculteurs restent à la ferme.

Lors de la prochaine ronde de négociations de l'OMC, figurera à notre ordre du jour, tout comme à le leur, la réduction de ces formes de soutien agricole. S'ils y renoncent, à quoi allons-nous renoncer? Allons-nous sacrifier les offices de commercialisation ou la Commission du blé s'ils réduisent leur soutien agricole et leurs subventions à l'exportation?

J'ai effleuré l'idée que nous devrions songer au découplage. Si les agriculteurs doivent être soutenus financièrement, devrions-nous les rémunérer directement comme on le fait en Suède? Leur approche consiste à éliminer complètement le soutien aux producteurs agricoles, à n'accorder aucune subvention à l'exportation, mais à verser à l'agriculteur un revenu pour qu'il reste à la ferme.

Je sais dans une certaine mesure quelles en sont les conséquences; cependant, le Canada a-t-il songé à cet aspect ou bien va-t-on laisser mourir nos agriculteurs sous les coups d'innombrables compressions? On les oblige à se retirer, petit à petit, année après année. C'est une mort abjecte pour la plupart des fermiers.

Qu'allons-nous sacrifier aux négociations de l'OMC? Avons-nous songé à procéder au découplage? Allons-nous laisser les fermes disparaître? Allons-nous laisser détruire la culture rurale au Canada? Quelles mesures à long terme allons-nous adopter en faveur des agriculteurs? C'est une question cruciale car j'ai l'impression pour l'instant qu'on veut les faire mourir en leur imposant d'innombrables compressions.

M. Vanclief: Le nombre des agriculteurs a très peu baissé au Canada au cours des dix dernières années. Sauf votre respect, vous sous-estimez la capacité des agriculteurs canadiens quand vous dites que c'est une mort abjecte pour la plupart d'entre eux.

Je suis le premier à admettre qu'un grand nombre de producteurs ont du mal à joindre les deux bouts. Notre fils, qui est agriculteur, est fort endetté. Il est comme beaucoup de jeunes qui se lancent dans une carrière. Il travaille à plein à l'extérieur de la ferme et lui et sa femme exploitent 800 acres. C'est la décision qu'il a prise parce qu'il veut être en affaires. Je connais bien d'autres personnes de ma région qui se livrent à toutes sortes d'activités commerciales en dehors de l'agriculture. La nécessité de tirer un revenu d'activités extérieures à la ferme n'est pas exclusif à l'agriculture. J'aurais préféré qu'il n'en soit pas ainsi, mais il en est de même dans le monde entier.

L'approche de l'Union européenne est incroyablement coûteuse. Voilà des décennies que l'on débat au Parlement de la possibilité d'offrir aux Canadiens de toutes conditions sociales un revenu garanti. Si c'est l'approche que le gouvernement du Canada et ses citoyens choisissent, alors un large débat s'impose. Mais il est possible de tenir ce débat chaque fois que la population le juge à propos.

Cette approche et celle de l'Union européenne ont masqué les signaux du marché. Autrement dit, les producteurs ne réagissent pas au marché; ils réagissent à la boîte aux lettres. Il convient de noter que la Fédération canadienne de l'agriculture m'a fourni une série de directives et que les secteurs soumis à la gestion des approvisionnements au Canada -- produits laitiers, oeufs et volaille par exemple -- ont remis à moi-même, au premier ministre et au ministre du Commerce international un cahier de deux pouces et demi d'épaisseur et exposant leurs suggestions sur l'approche que nous devrions adopter aux négociations de l'OMC. Je n'y ai trouvé nulle trace de revenu garanti ou d'approche de ce genre. Ils estiment qu'il nous faut réduire les subventions à l'exportation et travailler avec les autres pays à la réduction des subventions intérieures, comme je l'ai dit au tout début de mon intervention.

Nous n'avons pas à suivre la voie empruntée par les autres pays. Cependant, nous sommes allés le plus loin que nous le pouvons et devrions aller à moins et jusqu'à ce que les autres ne nous rattrapent. Une partie de ce que nous avons fait avec le commerce se voulait une réponse aux nouvelles règles commerciales qui ont surgi dans le monde et auxquelles nous n'étions pas confrontés il y a 10 ou 15 ans. Nous n'avions pas le libre-échange avec les Américains, l'Organisation mondiale du commerce ou encore le GATT -- à tout le moins, ils ne se préoccupaient pas d'agriculture. Enfin, cependant, nous avons un nouvel ensemble de règles et il y a un certain nombre de choses où les autres pays ne peuvent pas agir à leur guise. On en a un bon exemple dans le secteur du boeuf où, ces dix dernières années, on a tenté d'imposer un droit compensateur. On a eu également, il y a quelques années de cela, la contestation par les États-Unis de notre secteur soumis à la gestion de l'offre. Nous avons montré à l'OMC que nous commerçons de façon loyale dans ce secteur. Il y avait également six ou sept contestations à l'égard de la Commission canadienne du blé qui ont été portées devant l'Organisation mondiale du commerce. Quand ils examineront ces contestations, ils ont tôt fait de constater que la Commission du blé est un partenaire commercial juste. Ils ne peuvent pas dire le contraire.

Le sénateur Stratton: Il se trouve que je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'on ne peut pas payer directement les gens. Cependant, si nous voulons que la Communauté européenne mette fin à cette pratique, que devons-nous être prêts à sacrifier?

M. Vanclief: Je ne crois pas que nous ayons à sacrifier quoi que ce soit. Nous pouvons clairement démontrer que nous sommes des partenaires commerciaux justes.

Le sénateur Stratton: Vous irez aux négociations en espérant que l'Union européenne et les États-Unis réduisent leurs subventions et, de notre part, nous ne renoncerons ni à la Commission canadienne du blé ni aux offices de commercialisation. C'est bien ce que vous dites?

M. Vanclief: Je ne vois pas pourquoi nous devrions le faire.

Le sénateur Whelan: Vous continuez d'insister sur «la science pas les émotions». J'espère que vous ne croyez pas que ce comité fonctionne à l'émotion.

Le sénateur Vanclief: Non.

Le sénateur Whelan: Nous sommes d'accord sur différentes choses au sujet de la science. Je suis sûr que des arguments peuvent être invoqués des deux côtés. Cependant, dans un article qui a paru récemment dans les journaux, deux des plus grands producteurs de maïs au monde ont annoncé qu'ils rejetteraient tout maïs transgénique qui n'est pas accepté en Europe. Ces annonces concernant le maïs ont été faites en Ontario également. N'êtes-vous pas préoccupé au chapitre de l'exportation?

M. Vanclief: Sénateur Whelan, vous êtes un ardent promoteur de l'avancement de la recherche en agriculture. Nous en avons fait énormément dans le domaine agricole et tout va plus vite maintenant qu'il y a une trentaine d'années. Lorsque le maïs hybride a été mis au point, il présentait un avantage fantastique pour toutes sortes de raisons. Cependant, il s'agit là de produits que l'on retrouve ensuite dans l'environnement et dans l'alimentation des animaux, et enfin dans toute la chaîne alimentaire. Il est impératif de se doter d'un système de réglementation qui soit fondé sur la science, la sécurité pour l'environnement et la sécurité pour les animaux et les humains.

En ce qui concerne le canola et le maïs, certaines variétés ne satisfont pas encore l'Union européenne. Celle-ci n'est pas convaincue de la science entourant ces variétés, elle ne les recevra donc pas. C'est à peu près comme dire qu'on préfère les pommes de terre rouges aux pommes de terre Gold du Yukon ou que sais-je encore. Nous avons dit que s'ils ne sont pas satisfaits de la science en cause, ils ont le droit de ne pas acheter le produit. Nous leur avons dit cependant qu'ils doivent démontrer la science qui s'y trouve et l'accepter.

On a une situation similaire dans l'hormone du boeuf. La FAO, l'Organisation mondiale de la santé, la communauté scientifique de la l'Union européenne, Santé Canada et d'autres organismes importants ont dit que le boeuf produit avec des hormones qui sont utilisées en Amérique du Nord est sans danger pour la consommation humaine. Nous avons des règles commerciales. Cependant, si quelqu'un dit «non», nous n'avons que faire de toute cette science. Il faut des règles pour contrebalancer pareille décision.

Quand j'exploitais une terre, si l'acheteur de mes récoltes disait qu'il ne voulait pas d'une certaine variété d'orge parce que son marché préférait une autre variété d'orge, alors je ne faisais pas pousser la variété d'orge en question. Vous pouvez très bien obtenir un rendement élevé pour votre orge, mais s'il s'agit d'une orge de malterie, ce n'est peut-être pas la variété que préfèrent les malteurs. Il nous faut mettre l'accent sur la science et ne pas laisser nos émotions influer sur ce genre de décisions. La première question qu'il faut se poser est la suivante: fonderons-nous cette décision sur la science et sur les émotions?

Le sénateur Whelan: Le comité a entendu des témoignages de l'Organisation mondiale de la santé et d'intervenants de partout dans le monde. Nous avons de vives réserves quant à la méthode destinée à prouver que la preuve scientifique existe. Par exemple, dans le cas de la STbr, il y a lieu de faire davantage de recherche car elle n'a pas fait l'objet de tests eu égard aux dangers d'ordre chronique pour la santé.

M. Vanclief: Au Canada, la STbr n'a pas été enregistrée. Est-ce que cela ne prouve pas que le système fonctionne dans ce cas?

Le sénateur Spivak: Oui, jusqu'à présent.

Le sénateur Whelan: On ne veut pas l'enregistre ici, mais on y songe depuis 1991.

Nous avons mis au point le canola et fait toutes sortes de choses en faisant appel à de la bonne biotechnologie. Cependant, dans le cas du canola par exemple, on peut faire pousser le vieux type de canola, c'est-à-dire le canola qui n'a pas été transformé génétiquement.

Le canola poussera parmi votre culture, que vous le vouliez ou pas. C'est une chose dangereuse parce que les abeilles, les oiseaux et le vent disperseront les semences dans votre culture. Monsanto a eu une amende de 15 000 livres pour avoir planté une culture de ce genre à proximité d'un vieux type de canola au Royaume-Uni.

M. Brian Morrissey, sous-ministre adjoint, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Sénateur Whelan, nous disposons de cette information sur le canola depuis quelque temps déjà. Il y a deux aspects à considérer ici. Premièrement, la plupart de nos cultures consistent en des germes faibles biologiques. Elles ne sont originaires de ce pays, elles ne sont pas le résultat de plusieurs milliers d'années d'adaptation à ce pays. Par conséquence, si nous ne leur accordions pas un traitement spécial, elles ne survivraient pas dans ce pays. En d'autres mots, nous devons préparer le sol, ensemencer et nous occuper de ces cultures de diverses manières spéciales.

Dans le processus compétitif normal, si ces cultures sont d'une manière ou d'une autre transplantées dans une autre champ ou dans une autre région, leurs chances de survie sont passablement minces. Même si ces cultures survivaient, les procédures standard de contrôle pourraient s'appliquer à elles dans un proche avenir.

De plus, avant que nous puissions libérer les cultures dont vous parlez dans l'environnement, nous devons effectué une série de tests normalisés mis au point par le gouvernement du Canada, pas par nous, afin de prouver qu'elles ne sont pas dangereuses pour l'environnement canadien, du moins selon les informations dont nous disposons à l'heure actuelle.

Le sénateur Whelan: Monsieur Morrissey, nous avons plusieurs lettres qui disent que le canola résistant au Round-up, par exemple, peut devenir une semence. Êtes-vous au courant de cela?

M. Morrissey: Mon propos est fondé sur les informations dont nous disposons actuellement. Je veux dire par là qu'aucun de ces nouveaux développements est à l'abri de tous risques. Autrement dit, on ne peut jamais dire que nous sommes absolument sûrs que ce type de canola ne deviendra pas une semence.

Nous ne sommes pas absolument sûrs que toutes ces choses que les humains appellent des cultures ne deviendront pas des semences un de ces jours. Cela est vrai, peu importe que nous ayons recours à une méthode traditionnelle ou tout à fait récente.

Le sénateur Whelan: Monsieur le ministre, vous et moi étions des producteurs de cultures horticoles dans le secteur des légumes. J'ai rencontré dernièrement le président de l'Ontario Vegetable Marketing Board. Ils commercialisent 16 cultures. Aucune d'elles ne pose de problèmes. Ils ont augmenté leur production cette année; ils travaillent en vertu d'un contrat; ils savent ce qu'ils récolteront dès qu'ils plantent.

Ainsi, le contrat «tomate» a été cette année plus grand que jamais. L'an dernier, dans le sud-ouest de l'Ontario, la production a été la plus élevée au monde. Les tomates plantées dans votre région ont atteint la moyenne de 37 tonnes l'acre. Cet office de commercialisation agricole existe depuis 55 ans. Vous dites qu'il n'y aura pas de changement. J'ai observé que dans votre exposé vous avez omis de parler, peut-être pas de propos délibéré, des agriculteurs qui ne remplissent pas ces formulaires dont a parlé le sénateur Sparrow, comme ceux applicables aux produits laitiers ou avicoles.

Nous craignons fortement que l'on ne sacrifie trop aux négociations de l'OMC et que cette tendance ne se maintienne par la suite.

Le directeur du Centre de droit et politique commerciale a prédit que la nouvelle ronde de pourparlers débouchera sur une entente de réduction des tarifs d'importations échelonnée sur une période de cinq à six ans, à des niveaux où les importations sont nettement en jeu. Selon lui, il y aura des pressions en faveur de la réduction de ces tarifs. Alors, estime-t-il, vos régimes de gestion des approvisionnements commenceront à s'effilocher. Êtes-vous d'accord?

M. Vanclief: Je suis d'accord que des pressions seront exercées sur notre système de gestion de l'offre. Il y aura aussi des pressions sur la Commission canadienne du blé. Il y aura des pressions sur le niveau des subventions à l'exportation au sein de l'Union européenne et aux États-Unis. Il y aura des pressions sur le niveau des subventions intérieures aux États-Unis. Et je pourrais continuer encore longtemps.

Mais il s'agit là de l'opinion personnelle du directeur. Sans vouloir être sarcastique, je dirais qu'il ne figurera probablement pas parmi nos négociateurs à la table. J'en suis d'autant plus certain après ce que vous venez de dire à propos de ses observations.

Le sénateur Whelan: J'ai offert d'être un de vos négociateurs, si vous y consentiez, contre un salaire annuel de un dollar par an.

M. Vanclief: Le sénateur Sparrow dit que c'est encore trop. Nous ne pousserons pas les enchères avec le sénateur Sparrow. Je ne dispose pas de beaucoup de temps, à peine cinq minutes.

Le sénateur Taylor: J'allais vous dire que vous êtes populaire en Alberta, qu'il s'agisse d'un bon signe ou pas.

M. Vanclief: M. Richardson a parlé des provinces et de leur programme d'aide à l'agriculture. L'Alberta s'est efforcée d'amener les gens à comprendre leurs fermes. On y a implanté un programme d'aide à l'agriculture il y a quelques années, et les agriculteurs s'en accommodent parfaitement. Tout va comme sur des roulettes.

Je me rends compte que c'est la première fois que les agriculteurs de la Saskatchewan ont eu à remplir un formulaire. Avant, il suffisait qu'ils nous disent combien ils avaient d'acres, de têtes de bétail ou de porcs pour que nous leur envoyions un chèque. C'est archisimple, mais il va falloir quelque temps pour s'y faire.

Le sénateur Taylor: Je ne voulais pas que vous dévoiliez le secret. Après tout, ce n'est peut-être pas un secret que les Albertains savent comment aller puiser dans le trésor fédéral, comme tous les autres d'ailleurs.

À l'issue de nos visites à l'étranger et des audiences tenues ici, il apparaît clairement que l'on ne se montre favorable à l'économie de marché que pour la forme. Il ne fait aucun doute que les consommateurs en Europe ont déjà exprimé leur inquiétude à l'égard des produits transgéniques ou hormonés.

L'autre jour, au supermarché, un litre de lait qui vantait son contenu sans hormone coûtait le double du prix du lait normal, même si l'addition d'hormones est interdite au Canada.

Le consommateur est roi et vous dites que c'est affaire de science et non pas d'émotion. Je n'arrive pas à comprendre que vous invoquiez des restrictions commerciales contre le marché parce que ces gens-là refuseront le boeuf injecté d'hormones.

Je ne suis emballé par l'idée du boeuf injecté aux hormones. Qu'avez-vous contre l'étiquetage? Autrement dit, laissez le marché prendre la décision qui s'impose. Au lieu de cela, c'est comme si vous vouliez faire entrer dans la gorge des Européens et des Canadiens ce que vous considérez comme de la science, que cela leur plaise ou pas.

M. Vanclief: Non, sénateur, ce n'est pas ce que je dis. Fondée sur la meilleure science dont nous disposons actuellement, la décision doit être prise quant à savoir si on peut cultiver, fabriquer ou autrement traiter un produit. Une fois que cette décision est prison, c'est au consommateur de décider d'acheter le produit ou pas.

Le sénateur Taylor: Pourquoi ne pas permettre un étiquetage accru?

M. Vanclief: Au Canada, à l'heure actuelle, nous étiquetons le produit si le continu nutritionnel a été modifié ou en cas de modification de l'allergénicité.

Mme Margaret Kenny, directrice associée, Bureau des stratégies et de la coordination de la biotechnologie, Agence canadienne d'inspection des aliments: Honorables sénateurs, l'étiquetage des aliments constitue une responsabilité que nous partageons avec Santé Canada. Nous avons mené trois consultations publiques à ce sujet. Les résultats de ces consultations sont compatibles avec les principes qui sous-tendent la Loi sur les aliments et drogues.

Essentiellement, Santé Canada effectue une appréciation de la sûreté des aliments à l'égard de tout nouveau produit alimentaire. Cette mesure s'applique également aux produits issus de la biotechnologie. Dans le cadre de cette appréciation, on vérifie s'il y a eu des changements importants en ce qui concerne la valeur nutritionnelle, la composition ou tout autre changement lié à la santé et à la sûreté. La présence d'allergènes est un des facteurs à prendre en considération.

Si un de ces changements s'est produit, on est tenu d'étiqueter le produit. S'il y a un changement important quant au contenu nutritionnel ou s'il y a une question de la santé qui pourrait toucher un segment de la population, il faut alors procéder à l'étiquetage conformément à la Loi sur les aliments et drogues. C'est obligatoire.

Le sénateur Taylor: Vous ne laisseriez pas le consommateur décider seul. Vous décidez que c'est bon ou pas.

Mme Kenny: Le premier aspect concerne l'étiquetage obligatoire. Le deuxième aspect concerne les questions de santé et de sûreté. Si ce n'est pas une question de santé ou de sûreté et qu'une partie de la population tient à ce que l'on ne fasse pas appel à la biotechnologie dans la fabrication des aliments et veut que ce genre de produit soit étiqueté conformément à la Loi sur les aliments et drogues, les compagnies peuvent répondre à ce besoin et étiqueter leurs aliments en conséquence. Les produits dits «organiques» constituent un exemple d'option volontaire en cours dans l'industrie alimentaire.

Le sénateur Spivak: L'évaluation d'un changement possible est faite par quoi?

Mme Kenny: C'est la responsabilité de Santé Canada.

Le sénateur Spivak: Qui fait ce travail à Santé Canada? La Direction générale de la protection de la santé n'a plus vraiment les moyens d'évaluer la recherche de la compagnie. Nous en avons des preuves. Par exemple, on a prétendu que le lait contenant de la STbr et le lait ordinaires c'est du pareil au même, mais il n'en est rien. Il y a une différence.

Des études dont nous ont parlé des scientifiques de la Direction générale de la protection de la santé ont révélé que le Revalor-H avait provoqué, chez de jeunes veaux, une augmentation de poids du foie, des altérations dans les organes de reproduction, et ainsi de suite, mais personne n'y a prêté attention. D'autres études s'imposent.

Vous parlez de bonne science et de mauvaise science. Il ne s'agit pas de science si on ne peut pas l'évaluer. Je ne reproche pas aux compagnies ni aux gens qui vendent des produits de ne pas vouloir les étiqueter. Pourquoi le feraient-ils? C'est une entreprise commerciale. Ils veulent vendre leurs produits, et non pas les étiqueter pour indiquer qu'ils contiennent des OGM alors que les gens n'en veulent pas. S'agit-il d'une question de choix du consommateur? Vous prenez une décision quant à la présentation de l'étiquetage ou à son caractère volontaire. Ce n'est pas ce que veulent les consommateurs. Ils veulent que ce soit étiqueté, c'est aussi simple que cela. Si on persiste dans cette voie, on se retrouvera avec des problèmes sur les bras, car grâce à Internet les gens peuvent avoir facilement accès à cette information.

Les agriculteurs canadiens visent un vaste marché. Dans les pays de l'Union européenne, des chaînes commerciales de toutes sortes ont dit qu'elles refuseront les OGM. Pourquoi les agriculteurs canadiens, qui visent un vaste marché, n'en profitent-ils pas?

M. Vanclief: Ils le font, sénateur.

Le sénateur Spivak: Dieu merci! Je suis heureuse de l'apprendre.

M. Vanclief: Les agriculteurs sont des gens très astucieux, ils réagiront au marché.

Le sénateur Spivak: Il nous faut des produits étiquetés pour que l'on sache qu'ils ne sont pas transformés génétiquement, non?

M. Vanclief: Je n'ai pas la compétence voulue pour m'engager dans cette discussion, mais jusqu'à point les autres produits doivent-être dépourvus du produit initial à base d'OGM pour ce qui est de l'étiquetage? Si un produit contient 3, 2 ou 1 p. 100 de maïs amélioré génétiquement, voulez-vous dire qu'il doit être étiqueté «contient des organismes améliorés génétiquement»?

Le sénateur Spivak: Monsieur le ministre, la Direction générale de la protection de la santé a signalé des divergences. Si vous avez une capacité d'évaluation, ce n'est pas à moi de répondre à cette question. Vous devez avoir une bonne base scientifique pour répondre à cette question.

M. Vanclief: Voulez-vous dire que vous ne faites pas confiance à la science?

Le sénateur Spivak: Je ne dis pas que je ne fais pas confiance à la science.

M. Vanclief: Vous dites que nous ne pouvons pas obtenir de preuve à partir de notre science. En tant que consommatrice, quel pourcentage souhaitez-vous? Voulez qu'on fasse pousser du maïs pouvant contenir 0,5 p. 100 de BTG afin que l'on puisse réduire la présence de pesticides dans notre environnement?

Le sénateur Spivak: En tant que consommatrice ordinaire, j'ai fais beaucoup confiance à la Direction générale de la protection de la santé jusqu'au jour où j'ai découvert qu'elle n'avait pas la capacité d'évaluation nécessaire. Ce n'est pas à moi à prendre la décision. Je fais confiance à la Direction générale de la protection de la santé, mais il lui faut posséder cette capacité. Je ne fais pas confiance à une compagnie qui dit: «Faites-nous confiance.» Pourquoi le devrais-je?

M. Vanclief: Je comprends cela.

Le sénateur Fairbairn: La semaine dernière, des témoins ont comparu devant le comité et ont parlé de l'importance fondamentale du renouvellement de la clause de paix dans l'accord commercial. Nous avons jusqu'à l'an 2003. Dans un sens, cela nous éloigne d'autres mesures telles que les droits compensateurs ou antidumping. C'est capital. Étant donné que vous travaillez vous-même dans ce nouveau cadre commercial, cette clause doit être prolongée de façon que cette protection subsiste durant la transition. Le Canada jouera-t-il un rôle important dans la réalisation de cet objectif?

M. Vanclief: Il n'est que juste que quelqu'un de plus compétent que moi vienne expliquer la clause de paix, je chargerai donc M. Martin de cette tâche.

M. Paul Martin, directeur, Division des politiques de commerce multilatéral, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada: La clause de paix vise à restreindre la possibilité de prendre des mesures contre des programmes maintenus conformément aux engagements de réduction qui ont été acceptés dans l'accord sur l'agriculture. Il y a trois volets. On dit que les programmes qui satisfont les critères de la catégorie verte sont exemptés des droits compensateurs et des mesures que prévoient les règles de l'OMC pour contrer les subventions qui ont des effets de distorsion sur les échanges. Ce sont les subventions de la catégorie verte.

Les subventions qui sont réputés avoir des efforts de distorsion mais qui entrent dans la catégorie bleue sont également exemptées des mesures multilatérales prévues dans l'entente relative aux subventions, telles que les subventions à l'exportation, pourvu qu'elles soient maintenues conformément aux engagements de réduction qu'ont souscrits les pays intéressés.

Lors des consultations que nous avons eues avec l'industrie, il a été question de l'importance de maintenir la protection contre les droits compensateurs dans la catégorie verte. Nous n'avons pas entendu beaucoup de Canadiens parler en faveur de cette mesure. Par contre, il y en a quelques-uns qui ont exprimé leur opposition au fait que l'Union européenne pourraient maintenir leurs subventions de la catégorie bleue sans que nous puissions prendre des mesures contre eux.

Le président: Je comprends.

Le sénateur Whelan: Monsieur le ministre, j'ai 33 autres questions à nous envoyer par la poste.

Le président: Avant que vous nous quittiez, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier. Je suis heureux d'apprendre que vous suivez de très près le programme ACRA et que vous prêtez une oreille attentive aux agriculteurs, car c'est là un problème très sérieux. Je me réjouis d'avoir pu communiquer avec vous aujourd'hui.

La séance est levée.


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