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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 1 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 21 octobre 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 heures pour organiser ses activités.

[Traduction]

M. Paul Benoit, greffier du comité: Honorables sénateurs, je constate qu'il y a quorum. Nous devons maintenant procéder à la nomination du président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Y a-t-il un sénateur qui souhaite proposer des candidatures pour la présidence du comité?

Le sénateur Austin: Je propose que le sénateur Kirby continue d'assurer la présidence du comité.

M. Benoit: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion proposant l'élection du sénateur Kirby à la présidence?

Des voix: D'accord.

M. Benoit: La motion est adoptée, et j'invite le sénateur Kirby à occuper le fauteuil.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Je vous remercie, chers collègues. Le prochain point à l'ordre du jour est l'élection d'un vice-président.

Le sénateur Oliver: Je propose le sénateur Tkachuk.

Le président: Y a-t-il d'autres nominations?

Le sénateur Kolber: Je propose le sénateur Angus.

Le président: C'est une surprise. Je ne m'y attendais pas. Je suis tout à fait étonné.

Le sénateur Angus: Je vous remercie beaucoup, sénateur Kolber. Vu les circonstances, je préfère m'abstenir. Je vous remercie du geste.

Le président: Y a-t-il d'autres nominations? Dans la négative, je déclare le sénateur Tkachuk élu vice-président du comité.

Le troisième point est une motion proposant que le sénateur Tkachuk et moi-même procédions à des consultations, ce dont nous avons discuté informellement hier, pour nommer un autre sénateur au comité directeur. Elle se lit comme suit:

Que le sous-comité du programme et de la procédure se compose du président, du vice-président et d'un autre membre du comité désigné après les consultations d'usage;

Que le sous-comité soit autorisé à prendre des décisions au nom du comité relativement au programme, à inviter les témoins et à établir l'horaire des audiences; et

Que le sous-comité fasse rapport de ses décisions au comité.

Le sénateur Stewart: J'en fais la proposition.

Le sénateur Kinsella: De qui s'agit-il?

Le président: Il s'agit du sénateur Austin. Ce n'est pas une question pouvant faire l'objet d'un vote.

Le sénateur Stewart: Habituellement, on n'en discute qu'une fois que le président et le vice-président ont eu l'occasion d'en débattre.

Le président: Mais nous en avons effectivement discuté de façon informelle hier.

Le sénateur Stewart: Vraisemblablement.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

La motion 4 porte sur l'impression de 600 exemplaires des délibérations. Elle se lit comme suit:

Que le comité fasse imprimer 600 exemplaires de ses délibérations et que le président soit autorisé à ajuster cette quantité en fonction des besoins.

Je demanderai au greffier d'expliquer pourquoi nous avons besoin de 600 exemplaires, car j'estime que c'est plus que le nombre normal prévu pour la plupart des comités. Je sais toutefois que nous recevons souvent de nombreuses demandes.

M. Benoit: Plus de 500 exemplaires sont déjà réservés et envoyés et il en reste un certain nombre pour usage interne. Les délibérations de notre comité sont très en demande. Ce chiffre se fonde sur l'usage passé. Nous avons une liste de circulation d'environ 525 personnes.

Le président: Quelqu'un veut-il faire une proposition en ce sens?

Le sénateur Kolber: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Le cinquième point est le suivant:

Que, conformément à l'article 89 du Règlement, le président soit autorisé à tenir des réunions pour entendre des témoignages et en permettre la publication en l'absence de quorum, pourvu qu'un représentant du gouvernement et un représentant de l'opposition officielle soient présents.

Le quorum est de quatre, et l'année dernière, lors de la tempête qui a eu lieu à Toronto, nous avons tenu une séance avec seulement trois sénateurs présents. Je ne me souviens pas sur quoi elle portait. Je suppose que c'est le genre d'éventualité à laquelle cette motion veut parer.

Le sénateur Stanbury: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Le point 6 porte sur le rapport financier et se lit comme suit:

Que, conformément à l'article 104 du Règlement, le président soit autorisé à faire rapport des dépenses faites au cours de la dernière session.

Il s'agit d'un rapport sur les finances de l'année dernière.

M. Benoit: Oui, c'est un rapport de la dernière session qui indique toutes les dépenses, le nombre de rapports et ce sur quoi ils portaient. Le président pourra le déposer cet après-midi.

Le président: Je ne l'ai pas vu.

Le sénateur Stewart: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Le point 7 porte sur le personnel de recherche. La motion se lit comme suit:

Que le comité demande à la Bibliothèque du Parlement d'assigner un recherchiste au comité;

Que le président soit autorisé à demander au Sénat la permission de retenir les services de conseillers juridiques, de personnel technique, d'employés de bureau et d'autres personnes au besoin, pour aider le comité à examiner les projets de loi, la teneur de ces derniers et les prévisions budgétaires qui lui sont déférés.

Que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à faire appel aux services d'experts-conseils dont le comité peut avoir besoin dans le cadre de ses travaux; et

Que le président, au nom du comité, dirige le personnel de recherche dans la préparation d'études, d'analyses, de résumés et de projets de rapport.

Gerry Goldstein, qui est le chef de la Division de l'économie du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement, a été l'attaché de recherche principal du comité, aidé de Margaret Smith et d'autres membres de son personnel à l'occasion. La motion no 7 nous autoriserait officiellement à demander cette aide à la Bibliothèque du Parlement et le comité pourrait à nouveau faire appel aux services de Gerry comme attaché de recherche.

Le sénateur Meighen: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Je demanderais au greffier d'expliquer la motion no 8, qui se lit comme suit:

Que, conformément à l'article 32 de la Loi sur la gestion des finances publiques, l'autorisation d'engager les fonds du comité soit conférée au président, ou en son absence, au vice-président; et

Que, conformément à l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques et à la directive 3:05 de l'annexe II du Règlement du Sénat, l'autorisation d'approuver les comptes à payer au nom du comité soit conférée au président ou au vice-président, et au greffier du comité.

M. Benoit: La motion no 8 permettrait au président ou au vice-président d'engager des fonds -- c'est-à-dire de s'engager à acheter des biens ou des services. La dernière partie de cette motion m'autorise ou autorise le président ou le vice-président à attester que ces biens ou ces services ont été reçus. Dans un cas, il s'agit d'un engagement et dans l'autre, d'une attestation.

Le président: C'est une motion courante de comité, n'est-ce pas?

M. Benoit: Oui.

Le sénateur Callbeck: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

La motion no 9 porte sur les voyages et nous permettrait de désigner des membres du comité ou du personnel qui se déplaceront. Elle se lit comme suit:

Que le comité autorise le président à désigner, au besoin, un ou plusieurs membres du comité, de même que le personnel nécessaire, qui se déplaceront au nom du comité.

Comme vous le savez, dans chaque cas de ce genre au cours des quatre dernières années, nous en avons discuté bien avant que cela se fasse. Aucun membre ne s'est déplacé avant que nous sachions tous exactement à quoi nous en tenir.

Le sénateur Stewart: Des membres du comité se sont-ils déplacés au nom du comité?

Le président: Je crois que le sénateur Hervieux-Payette et le sénateur Kenny l'ont fait. Par ailleurs, un sous-comité du comité est allé à Londres pendant trois jours.

Le sénateur Stewart: Je demande des précisions à cause d'un autre comité. Un précédent de ce comité pourrait être assez convaincant.

Le président: Le greffier m'informe que traditionnellement, cette motion a été présentée pour permettre à un ou deux membres du comité de participer à des conférences. Lorsque quatre ou cinq d'entre nous sommes allés à Londres, c'était en fait pour tenir des audiences et recevoir des témoignages.

Le sénateur Stewart: C'est un renseignement utile. Je vous remercie. Je fais une proposition en ce sens.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

La motion no 10 porte sur les frais de déplacement des témoins, et se lit comme suit:

Que, conformément aux directives du Sénat concernant les frais de déplacement des témoins, le comité puisse rembourser des dépenses raisonnables de voyage et d'hébergement à un maximum de deux témoins d'un même organisme, après qu'une demande de remboursement a été présentée.

Habituellement, dans notre comité, la plupart des témoins qui comparaissent devant nous payent leurs propres frais de déplacement. Cependant, il est déjà arrivé que nous ayons invoqué cette disposition. Je fais allusion en particulier à certains groupes d'aînés. Je ne me souviens pas du projet de loi dont il s'agissait mais nous voulions que certains groupes d'aînés comparaissent devant nous. Nous avons alors convenu de payer leurs frais de déplacement. Ici encore aucune dépense n'a été remboursée à moins d'avoir été autorisée par le comité directeur, et nous en avons toujours discuté.

Le sénateur Stewart: J'essaie à nouveau de voir s'il y a une certaine uniformité. Selon la position adoptée, lorsqu'une organisation ou un particulier demande à comparaître, le témoin en question doit s'engager à payer ses propres dépenses sauf dans des circonstances inhabituelles.

Le président: Cela s'applique uniquement si des personnes demandent à comparaître ou si nous voulons que quelqu'un comparaisse et que nous avons l'impression qu'ils n'ont pas suffisamment de ressources pour payer leurs propres dépenses. Il s'agit habituellement de groupes de lutte contre la pauvreté, de groupes d'aînés et de certains éléments d'association de consommateurs. Cela ne s'applique pas aux groupes de sociétés. À propos d'une question de services financiers, un groupe de Québec et un groupe de Toronto voulaient une aide financière pour comparaître. Nous avons accepté de payer les dépenses de ces deux groupes. Cependant, nous n'avons jamais payé les dépenses d'associations commerciales ou de sociétés qui voulaient comparaître devant nous. C'est donc une forme de justification fondée sur les moyens, et c'est le comité qui en décide.

Le sénateur Stewart: De même, je suppose, en fonction de l'évaluation par le comité des témoignages éventuels?

Le président: Cela entre aussi en ligne de compte. Si plusieurs organisations d'aînés demandaient à comparaître, nous n'aiderons que l'organisation nationale par opposition aux organisations de chaque province. Dans plusieurs cas, nous avons payé les dépenses d'universitaires. Nous avons accepté de payer le billet d'avion d'un témoin de la Colombie-Britannique parce que nous tenions à entendre son témoignage.

Le sénateur Stanbury: Le comité directeur utilise-t-il son pouvoir discrétionnaire pour déterminer le nombre de représentants d'un groupe dont il rembourse les dépenses?

Le président: Pas plus que deux. Nous avons été très économes à cet égard, je dois avouer. On en a toujours discuté, bien sûr au sein du comité directeur et habituellement dans notre groupe. Il s'agit uniquement des frais de déplacement; nous ne remboursons pas les dépenses engagées pour la préparation de mémoires ou quoi que ce soit d'autre.

Le sénateur Stanbury: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

La motion no 11 porte sur l'autorisation de télédiffuser les délibérations. Elle se lit comme suit:

Que le président soit autorisé à demander au Sénat la permission de diffuser les délibérations publiques du comité par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux; et

Que le sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à permettre cette diffusion à sa discrétion.

Nous sommes le premier comité à l'avoir fait. Nous avons rejeté l'idée d'avoir à demander l'autorisation du Sénat chaque fois que nous voulions que nos délibérations soient télédiffusées parce que nous partions du principe que si les médias veulent diffuser nos délibérations, ils doivent pouvoir le faire. Si nous avons cette salle, c'est entre autres parce que c'est la salle qui se prête le mieux à la télédiffusion et notre comité est celui qui compte le plus d'heures de télédiffusion. Afin d'éviter de devoir demander chaque fois l'autorisation du Sénat, pouvons-nous proposer la motion no 11, qui représente l'autorisation générale de télédiffuser nos délibérations chaque fois que les médias le demandent?

Le sénateur Oliver: J'en fais la proposition.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Le point no 12 porte sur l'horaire des séances régulières. Nous avons le même horaire que la dernière fois; cependant, les mardis, je propose que nous commencions à 9 h 30 plutôt qu'à 10 heures, simplement pour nous laisser suffisamment de temps avant que débute le caucus. S'il n'y a pas d'objection, c'est l'horaire qui sera adopté.

Notre autre horaire est de 11 heures à 14 heures le jeudi. Nous décidons le mardi si la séance du jeudi se prolongera jusqu'après l'heure du déjeuner. Si nous pensons que la séance finira vers 13 heures, nous ne fournirons pas le déjeuner. Si nous pensons qu'elle durera jusqu'à 14 heures, nous fournirons le déjeuner.

Les prochains points à l'ordre du jour se trouvent sous la rubrique «à huis clos». Nous voulons discuter des travaux futurs du comité. Il ne me dérange pas d'en discuter sans qu'il y ait huis clos. Y a-t-il des objections? La tradition veut que nous procédions à huis clos, mais je ne crois pas que nous ayons des choses particulièrement confidentielles à dire. J'en discuterai volontiers ouvertement.

Le sénateur Stewart: D'après ce que je crois comprendre, il y a deux aspects qui entrent en compte ici. Le premier, c'est le caractère privé de la discussion; le second, c'est l'absence d'un compte rendu publié. Je soupçonne que la raison pour laquelle certains comités procèdent à huis clos concerne plutôt le second aspect que le premier. Je ne vois pas vraiment l'intérêt de consigner au compte rendu, aux frais du contribuable, un tas de «oui, mais» pendant que nous tentons tant bien que mal de décider ce que nous voulons faire. Si vous voulez dire par là de ne pas fermer nos portes à clé, très bien, mais je me demande si nous devons consigner nos divagations au compte rendu.

Le président: Je parlais plutôt du premier aspect que du dernier. Très bien, nous conviendrons de ne pas consigner nos discussions au compte rendu, mais il s'agit autrement d'une réunion publique.

La séance se poursuit à huis clos.


OTTAWA, le jeudi 23 octobre 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 11 heures, dans le but d'examiner l'état du système financier canadien (responsabilité professionnelle).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous tenons aujourd'hui notre première réunion de la nouvelle législature sur la question de la «responsabilité professionnelle», titre que nous avons préféré à celui de «responsabilité solidaire». Quoi qu'il en soit, c'est sur ce thème qu'avaient débuté nos audiences sur la régie des sociétés. L'Institut canadien des comptables agréés nous avait d'ailleurs présenté un exposé là-dessus, à Calgary.

C'est dans le cadre de ces audiences que nous avons constaté que la question de la responsabilité solidaire devait faire l'objet d'une étude distincte. L'institut est revenu nous présenter un nouvel exposé sur le sujet à la fin de l'automne 1996. Nous avons décidé, par la suite, de préparer un document de travail sur les diverses options qui existent pour traiter la question de la responsabilité solidaire, et d'organiser des discussions pour voir quelles sont les options que nous privilégions.

Vous avez reçu un exemplaire du document. Les représentants de l'ICCC et de l'ABC qui vont comparaître devant le comité nous ont aidés à le préparer. Ce document ne favorise pas une option par rapport à une autre. Nous avons demandé aux témoins que nous allons entendre aujourd'hui, et ceux qui comparaîtront durant la semaine du 3 novembre, de nous dire quelle est la formule qu'ils privilégient. Une fois les audiences terminées, le comité fera part de ses recommandations au gouvernement.

Avant de vous présenter les témoins, je tiens à préciser que, jusqu'ici, seules l'Association du Barreau canadien et l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières ont demandé à rencontrer le comité. Elles comparaîtront durant la semaine du 3 novembre et, avec un peu de chance, le même jour. D'autres témoins pourront également être entendus.

Nous accueillons donc aujourd'hui, au nom de l'Institut canadien des comptables agréés, M. Michael Rayner, le président, qui a déjà comparu devant nous, et M. William Broadhurst, ancien président du groupe de travail sur la responsabilité légale.

Monsieur Broadhurst, vous pourrez peut-être expliquer aux membres du comité en quoi consiste votre nouvel emploi, puisque vous représentez un organisme qui ne comparaît pas souvent devant nous.

M. Ross Walker, qui est le nouveau président du groupe de travail, est également parmi nous.

M. Michael Rayner, président, Institut canadien des comptables agréés: Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes heureux de comparaître devant vous aujourd'hui et nous voulons, d'emblée, vous remercier pour le temps et l'énergie que vous consacrez depuis plusieurs mois déjà à la question de la responsabilité proportionnelle.

Il ne fait aucun doute que ce dossier vient au premier rang des préoccupations des vérificateurs. Grâce à vos délibérations, il nous est maintenant possible d'entreprendre une analyse approfondie des options qui s'offrent à nous pour modifier le régime.

Le président vous a déjà présenté mes collègues. J'aimerais ajouter que Ross Walker est un ancien président de KPMG Canada et un ancien dirigeant de KPMG International. Il vient d'être nommé président du groupe de travail sur la responsabilité légale de l'ICCC.

William Broadhurst, comme vous le savez, a comparu devant le comité à maintes reprises. Il est un ancien associé principal de Price Waterhouse Canada, et il a déjà présidé le groupe de travail sur la responsabilité légale.

Le président a parlé du nouvel emploi de M. Broadhurst. Il a récemment été nommé vice-chancelier des finances du diocèse de l'Église catholique à Toronto.

Le comité a pris une décision importante lorsqu'il a demandé qu'on prépare un document de travail sur la responsabilité solidaire, document auquel le président faisait allusion il y a quelques instants. Cette étude détaillée et équilibrée examine toutes les options qui existent pour entreprendre une réforme du régime de responsabilité dans le cadre de la LCSA et de la législation sur les institutions financières.

Nous suivons vos travaux de près depuis que vous avez commencé à tenir des audiences sur ce sujet, d'abord à Calgary, en février 1996, et ensuite à Toronto, à Ottawa et à Londres, en Angleterre. Ces audiences ont donné lieu à des discussions approfondies sur les principaux problèmes que pose le régime -- discussions qui ont permis de mettre en lumière d'importantes questions d'intérêt public.

À cet égard, M. Broadhurst vous expliquera aujourd'hui comment l'Institut entrevoit la réforme du régime de responsabilité proportionnelle. M. Walker vous décrira ensuite brièvement les modifications que nous proposons au régime. Il abordera également une autre question, souvent considéré comme la solution au problème -- les sociétés à responsabilité limitée -- et vous exposera ensuite les grandes lignes de notre mémoire, que vous avez reçu ce matin.

Enfin, je ferai quelques dernières observations, après quoi nous répondrons volontiers à vos questions.

M. William Broadhurst, ancien président, groupe de travail sur la responsabilité légale, Institut canadien des comptables agréés: Monsieur le président et honorables sénateurs, j'aimerais faire un dernier commentaire au sujet de mon nouvel emploi: j'ai entrepris cette croisade il y a six ans et je me suis dit qu'une intervention divine s'imposait.

En fait, c'est la quatrième fois que je comparais devant le comité pour discuter de la réforme du régime de responsabilité. Je tiens à vous remercier moi aussi, comme l'a fait M. Rayner, pour le temps et l'énergie que vous consacrez à ce dossier. Vous vous souviendrez que nous avons, au cours de nos discussions antérieures sur les difficultés que pose la responsabilité aux vérificateurs, prôné l'adoption d'un régime de responsabilité proportionnelle intégrale.

Après avoir passé en revue les nombreux témoignages qu'a recueillis le comité, rencontré le personnel du comité et certains de ses membres, nous avons modifié notre proposition afin de tenir compte des questions d'intérêt public qui avaient été soulevées.

Au moment d'examiner les comptes rendus des réunions de Londres, nous nous sommes arrêtés sur un échange qui a eu lieu entre le président du comité et M. Wodehouse, de la Solicitors Indemnity Mutual Insurance Association. Cet échange, qui portait sur la distinction qui doit être faite entre les investisseurs avertis et les investisseurs non avertis ou naïfs, nous a aidés à porter notre attention sur la façon dont ce concept pourrait être intégré au projet de réforme.

Le président du comité avait mis l'accent sur l'importance de faire une distinction entre l'investisseur naïf, qui est moins en mesure d'assumer les risques, et l'investisseur averti qui, comme on peut s'y attendre, est capable de bien évaluer les risques que présente un investissement.

Comme l'indique le document de travail, une telle distinction entre les deux catégories d'investisseurs s'impose.

Les témoignages recueillis à Londres et les questions de principe décrites dans le document de travail nous ont amenés à la conclusion suivante: le Canada doit, dans l'intérêt public, favoriser un régime de responsabilité qui établit une distinction entre les investisseurs avertis et les investisseurs non avertis dans les poursuites liées à des informations financières inexactes.

Cette démarche nous permettrait d'atteindre un autre objectif exposé dans le rapport provisoire de décembre 1996 du comité: soit que toute solution au problème s'inspire des réformes entreprises par les principaux partenaires commerciaux du Canada, y compris, bien entendu, les États-Unis.

Cela dit, je vais maintenant céder la parole à Ross Walker, qui va vous décrire notre proposition plus en détail.

M. Ross Walker, président, groupe de travail sur la responsabilité légale, Institut canadien des comptables agréés: J'aimerais faire trois choses aujourd'hui. D'abord, vous décrire brièvement la proposition de réforme des vérificateurs. Ensuite, vous parler brièvement des sociétés à responsabilité limitée. Enfin, résumer le contenu du mémoire qui vous a été remis plus tôt ce matin.

Avant de commencer, je tiens à préciser que nous avons été grandement influencés par vos travaux, vos rapports et les discussions que nous avons eues avec les membres de notre profession, surtout ceux qui ont eu l'occasion de rencontrer des membres du comité.

Comme M. Broadhurst l'a déjà indiqué, nous sommes d'avis que l'adoption d'un régime de responsabilité qui prévoit une distinction entre les investisseurs avertis et les investisseurs non avertis irait dans le sens de l'intérêt public.

Bien entendu, la première question qu'il convient de se poser est la suivante: par quel moyen pouvons-nous arriver à ce résultat? D'abord, on pourrait poser comme principe que la distinction devrait être fonction de l'importance du préjudice financier subi. Or, à la réflexion, ce moyen n'est pas approprié. L'importance du préjudice financier subi ne permet pas de faire la distinction entre les catégories d'investisseurs, de déterminer si une personne est en mesure de bien évaluer et de gérer les risques de crédit ou d'investissement. Si nous choisissions un montant quelconque, disons une perte de 20 000 $, et appliquions ce critère à tous les investisseurs, y compris ceux qui sont très bien nantis, nous serions alors portés à conclure qu'aucune de ces personnes n'est un investisseur averti, ce qui ne serait absolument pas le cas.

L'importance du préjudice financier subi est un critère peu fiable qui ne va pas dans le sens de l'intérêt public. Nous croyons plutôt que l'utilisation d'un critère de valeur nette serait un moyen plus approprié de distinguer l'investisseur averti de l'investisseur non averti. Il s'agit-là d'une formule raisonnable qui est déjà utilisée au Canada.

Nous proposons l'adoption d'un régime modifié de responsabilité proportionnelle, un régime qui répond à nos besoins et qui utilise comme critère la valeur nette. Nous suggérons qu'un critère de valeur nette de 100 000 $ soit appliqué, et que la valeur nette de la résidence principale, de l'ameublement et des voitures automobiles ne soit pas prise en compte dans le calcul de la valeur du patrimoine. Les personnes dont la valeur nette du patrimoine est d'au moins 100 000 $ seraient considérées comme des investisseurs avertis. Leurs demandes seraient soumises au régime de la responsabilité proportionnelle.

Les investisseurs non avertis seraient définis comme des personnes dont la valeur nette du patrimoine serait inférieure à 100 000 $, et qui auraient subi un préjudice équivalent à plus de 10 p. 100 de cette valeur nette parce que l'un ou plusieurs des défendeurs sont insolvables ou introuvables. Ces investisseurs continueraient d'être protégés par le régime de la responsabilité solidaire.

Cette solution est raisonnable, sert l'intérêt public et cadre avec les réformes entreprises par nos principaux partenaires commerciaux.

Elle est raisonnable parce qu'elle permet d'atteindre un juste équilibre entre le besoin de protéger les investisseurs non avertis, le besoin de protéger les vérificateurs, et le besoin d'assurer une fonction de vérification de grande qualité. Je vous donnerai d'autres précisions à ce sujet plus loin dans l'exposé.

J'aimerais vous parler brièvement des sociétés à responsabilité limitée. Certains pensent que la création de telles sociétés serait suffisante pour résoudre le problème auquel font face les vérificateurs en matière de responsabilité. Avant d'aller plus loin, je tiens à rappeler qu'il y a une différence entre la responsabilité au sein même d'une société, et la responsabilité entre codéfendeurs. Dans le cas des sociétés à responsabilité limitée, on parle de responsabilité au sein même de la société. Dans le cas de la responsabilité entre codéfendeurs, on parle plutôt de responsabilité solidaire.

Il convient de signaler que les sociétés à responsabilité limitée protègent uniquement les biens personnels des associés non visés dans une poursuite. Elles ne protègent pas les actifs de la société elle-même ni les biens personnels des associés visés dans une poursuite.

Elles n'auraient aucune incidence sur l'importance des dommages-intérêts accordés, ni sur le coût ou la disponibilité de l'assurance responsabilité professionnelle.

Elles ne contribueraient aucunement à remédier à l'injustice inhérente de la règle de la responsabilité solidaire.

Le régime de responsabilité proportionnelle modifiée proposé par notre groupe ne repose pas sur la création de sociétés à responsabilité limitée. Il s'agit-là d'une question distincte, comme on a pu le voir au Royaume-Uni et aux États-Unis.

J'aimerais maintenant vous parler du contenu du mémoire que nous avons préparé pour le comité.

Il y a d'abord le sommaire, aux pages 1 à 3, qui résume assez bien l'exposé ainsi que les grandes lignes de notre proposition.

À la page 4, il y a l'introduction, où nous expliquons comment nous avons amorcé notre dialogue avec le gouvernement fédéral, pour ensuite le poursuivre avec votre comité et le comité des finances de la Chambre des communes. Vous connaissez déjà tous ces détails. Inutile de les répéter.

À la page 5, nous discutons de la portée limitée de la réforme. Nous proposons que le régime de responsabilité proportionnelle modifiée remplace la responsabilité solidaire dans les poursuites qui visent la publication d'informations financières inexactes par une société régie par la LCSA ou par une institution financière fédérale.

Nous sommes d'avis que la réforme devrait avoir une portée limitée, le besoin d'une réforme plus vaste n'ayant pas été démontré.

Il y a un autre point qu'il convient de souligner. Le principe de la responsabilité proportionnelle modifiée s'appliquerait à tous les défendeurs dans les poursuites portant sur la publication d'informations financières inexactes, et pas seulement aux vérificateurs.

Aux pages 6 à 9, nous abordons la question de la justice, qui sert de fondement à notre proposition.

Avant d'aller plus loin, je tiens à préciser que la profession comptable ne cherche pas à se prémunir contre des jugements ou contre les risques de faillite. Nous reconnaissons que nous devrions payer pour nos erreurs. De plus, si notre part de responsabilité conduit un cabinet à la faillite, nous acceptons cette situation. En revanche, il est injuste de nous tenir financièrement responsables des erreurs commises par d'autres -- en fait, de faire porter la totalité du fardeau aux vérificateurs.

Par ailleurs, nous savons qu'il est important de protéger les investisseurs non avertis qui ne sont pas nécessairement au courant des risques inhérents au monde des affaires et de la finance.

Ces deux considérations devraient être prises en compte au moment d'évaluer les mesures de réforme. C'est en raison de celles-ci, et par souci d'équité, que nous avons modifié notre proposition originale. J'y reviendrai plus tard.

Nous expliquons, aux pages 9 à 12, quelles sont les limites actuelles de la responsabilité. Nous faisons état de jugements récents portant sur la responsabilité des vérificateurs, et résumons les incidences de ces décisions sur la profession. Il est important de signaler que ces décisions ne règlent pas le problème créé par la responsabilité solidaire, et ne limitent pas la responsabilité des vérificateurs. Elles ne font pas non plus disparaître le besoin de réformer le régime de responsabilité.

Il est question aux pages 12 et 13 de l'interaction qui existe entre les normes professionnelles et la responsabilité. Nous citons les observations qu'a formulées Ian Govey, du ministère du Trésor de l'Australie: même si un régime de responsabilité proportionnelle était en place, l'éventualité d'une condamnation en dommages-intérêts de plusieurs millions de dollars demeurerait une puissante incitation à se conformer aux normes professionnelles. L'imposition de mesures disciplinaires, qui pourraient aller jusqu'à l'expulsion de la profession, constitue un autre moyen d'inciter les membres de la profession à respecter les normes professionnelles.

Nous décrivons, aux pages 13 à 15, l'incidence de la responsabilité solidaire sur le maintien de la qualité des services de vérification. Cette partie résume les conséquences de la responsabilité solidaire sur les vérificateurs, conséquences qui ont été confirmées à l'unanimité par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hercules.

Comme l'indique notre mémoire, c'est au chapitre de la responsabilité et du coût de l'assurance responsabilité professionnelle que se manifestent de façon plus nette les conséquences de la responsabilité solidaire. Il n'existe pas d'assurance responsabilité professionnelle qui permette de couvrir adéquatement les risques auxquels sont exposés les vérificateurs. Ce fait a été confirmé par les témoins qui ont comparu devant le sous-comité, à Londres.

Aux pages 15 à 19, nous résumons les réformes qu'ont entreprises les principaux partenaires commerciaux du Canada. Je n'ai pas l'intention de vous en exposer les détails. Nous avons tout simplement ajouter cette partie pour décrire les réformes qui ont cours dans d'autres pays.

À la page 19, nous mettons l'accent sur notre mesure de réforme de premier choix, la responsabilité proportionnelle modifiée. J'attire votre attention sur le passage au milieu du premier paragraphe de cette page:

Nous continuons de favoriser un régime de responsabilité proportionnelle, mais reconnaissons qu'une question légitime a été soulevée devant le comité, celle de savoir si, dans le cadre d'un tel régime, il faut faire la distinction entre les investisseurs avertis et non avertis.

Nous reconnaissons que le concept de mettre les investisseurs à l'abri du risque, les petits investisseurs en particulier, est inclus dans le plan de la Société d'assurance-dépôts du Canada qui prévoit la protection des déposants. Nous acceptons le fait que dans la conception d'un régime de responsabilité proportionnelle, il faille protéger les investisseurs non avertis. Nous en avons conclu qu'il est juste et qu'il va dans le sens de l'intérêt public de prévoir la protection des investisseurs non avertis dans notre proposition de réforme.

Cela nous amène à l'essentiel de notre proposition. Nous demandons donc au comité de donner son aval au concept de la responsabilité proportionnelle en ce qui concerne toutes les demandes liées à des informations financières inexactes, à l'exception des demandes portées devant les tribunaux par des personnes physiques non averties.

Il s'ensuivrait donc qu'un régime de responsabilité proportionnelle intégrale serait établi pour ces demandes, mais qu'il serait modifié de manière à ce qu'une demande présentée par une personne physique non avertie soit soumise à l'application de la règle de la responsabilité solidaire si, en raison de l'insolvabilité ou de l'introuvabilité d'un défendeur, le demandeur subit un préjudice supérieur à un pourcentage prescrit de sa valeur nette.

Cela nous amène à la discussion d'une méthode appropriée pour faire la distinction entre les deux catégories d'investisseurs. Nous suggérons qu'un critère de valeur nette soit appliqué comme suit: les demandes d'une personne physique dont la valeur nette du patrimoine est inférieure à 100 000 $ et qui subit un préjudice équivalent à 10 p. 100 de cette valeur nette en raison de l'insolvabilité ou de l'introuvabilité d'un ou de plusieurs défendeurs, sont protégées par la responsabilité solidaire. La valeur nette de la résidence principale, de l'ameublement et des voitures automobiles ne serait pas prise en compte dans le calcul de la valeur nette du patrimoine. Nous pensons qu'il s'agit d'une approche raisonnable et relativement facile à appliquer.

Pour ce qui est du caractère approprié du critère de la valeur nette, nous avons trouvé des exemples d'une telle approche dans l'instruction générale 11.4 de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui traite de la participation à des programmes de pool de matières premières. Cette instruction générale indique ce qui suit: pour déterminer la pertinence d'une participation à un programme de pool de matières premières -- entreprise comportant des risques élevés -- la somme de 75 000 $ doit servir de critère de valeur nette. Ce calcul exclut la résidence principale, l'ameublement et les automobiles.

Aux États-Unis, la Private Securities Litigation Reform Act de 1995 adopte une méthode semblable pour faire la distinction entre investisseurs avertis et non avertis. Nous avons remarqué que, dans cette loi, le critère de la valeur nette est établi à 200 000 $. Toutefois, nous avons également remarqué que la valeur nette de la résidence principale, de l'ameublement et des voitures automobiles est prise en compte dans le calcul de la valeur nette du patrimoine.

Nous estimons que notre approche est plus directe et permettrait de faire relativement plus facilement la distinction entre les deux catégories d'investisseurs, assurant ainsi la protection des investisseurs non avertis.

À la page 20, nous faisons mention des nombreux appuis en faveur de la réforme. Cette partie indique les organisations qui l'appuient. Ces lettres sont toutes en faveur de la responsabilité proportionnelle intégrale -- non la modification que nous proposons aujourd'hui -- et elles sont une mesure précise des appuis en faveur de la réforme en matière de responsabilité au Canada.

J'aimerais en particulier attirer votre attention sur l'appui que nous avons reçu de l'Association des consommateurs du Canada. Cette association a indiqué qu'elle ne s'opposerait pas à l'adoption du principe de la responsabilité proportionnelle dans le contexte de demandes relatives à des informations financières inexactes.

Je dois ajouter que nous ne pensons pas qu'il y ait d'opposition réelle à notre proposition. Ainsi que le démontrent les lettres d'appui que nous avons reçues, les gens se rendent compte que la réforme est justifiée et nécessaire pour des raisons d'équité.

Avant de céder la parole à M. Rayner pour nos conclusions, j'aimerais indiquer que nous avons inclus en annexe une analyse d'autres approches en vue de la réforme telle que décrite dans notre document de travail sur les options. Je ne vais pas m'y attarder en détail pour l'instant, mais nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous aimeriez poser à ce sujet.

M. Rayner: Honorables sénateurs, nous aimerions répéter, pour conclure, qu'il s'agit de l'une des questions les plus importantes auxquelles la profession de vérification se trouve confrontée aujourd'hui. Votre comité a soulevé plusieurs questions importantes de politique dans le cadre de ses audiences et de ses rapports. Nous estimons que notre proposition de responsabilité proportionnelle modifiée répond à ces questions. Nous pensons qu'un régime de responsabilité proportionnelle modifiée, «fabriqué au Canada», permettrait de protéger l'investisseur non averti. Nous estimons que notre proposition permet d'atteindre un équilibre en réglant les questions de politique d'une manière qui est juste tant pour les demandeurs que pour la profession de vérificateur.

Que recherche en fin de compte la profession de vérificateur? Premièrement, elle recherche la justice -- c'est-à-dire un régime de responsabilité en vertu duquel elle ne serait tenue responsable que de ses propres actions. Deuxièmement, elle recherche l'équité. Tout régime de responsabilité doit permettre d'atteindre un équilibre entre le besoin d'une fonction de vérification de grande qualité et le besoin de protéger les investisseurs non avertis. Nous estimons que notre proposition en vue d'un régime de responsabilité proportionnelle modifiée est une solution juste et équitable.

Nous demandons respectueusement au comité de recommander que le régime de responsabilité proportionnelle modifiée que nous proposons soit incorporé dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions et dans la législation régissant les institutions financières.

Le président: J'aimerais rappeler aux sénateurs qui vont poser des questions que, même si nous mettons l'accent ce matin sur la profession de comptable, comme nos témoins l'ont dit dans leur introduction et comme nous en avons débattu plus tôt, nous traitons de la question de la responsabilité solidaire pour toutes les catégories de professions. Les rédacteurs du mémoire, tout comme les membres du comité, n'ont jamais eu l'intention d'établir une série de règles pour une profession à l'exclusion des autres. Alors que les questions que nous posons ce matin portent sur les comptables, nous traitons également des ingénieurs, des architectes et des avocats.

Le sénateur Angus: Nous sommes heureux de vous revoir, messieurs. En mon nom personnel et au nom de tous les autres, je vous félicite pour votre excellent exposé de ce matin. Nous sommes également heureux de voir que vous suivez nos délibérations depuis votre première comparution devant nous. Nous sommes heureux d'apprendre que nos conclusions ont influé sur vos délibérations. La solution que vous proposez est créative, et j'aimerais en savoir un peu plus.

Je vous félicite également, monsieur Broadhurst. Vous avez parlé de l'intervention divine et je me suis demandé si elle ne vous avait pas aidé à éviter les monopoles?

Nous avons été témoins des changements qui se sont produits dans votre profession, y compris les regroupements d'envergure en suspens qui ramèneraient le nombre des grandes banques de six à quatre; je me demande dans quelle mesure cela atténue ou accroît les inquiétudes dont vous nous avez fait part un peu plus tôt.

Vous opposez-vous en principe à ce que nous soyons en faveur de l'application d'un principe du même genre pour le barreau, pour les notaires et les médecins, et cetera?

M. Rayner: Non.

Pensez-vous que d'autres professions présentent un argument raisonnable fondé sur la justice et l'équité?

M. Rayner: Si je me souviens bien de la discussion que vous avez eue avec les représentants de l'Association du Barreau canadien lors de vos audiences de l'année dernière, il est apparu très clairement qu'au sein du barreau, il fallait prévoir un principe semblable en matière de responsabilité. Je crois également que les ingénieurs ont indiqué qu'eux aussi aimeraient avoir un régime de responsabilité proportionnelle.

Le sénateur Angus: Pensez-vous que leurs arguments sont fondés?

M. Rayner: Certainement.

Le sénateur Angus: La solution que vous proposez porte essentiellement sur l'information financière préparée telle que prévue dans l'actuelle Loi canadienne sur les sociétés par actions. De toute évidence, vous parlez d'une modification à cette loi qui ne vise en aucun cas les avocats ou d'autres professionnels. Est-ce intentionnel et pourquoi ne demandez-vous pas une application plus généralisée de votre principe?

M. Rayner: Dans la mesure où des avocats et d'autres professionnels faisaient l'objet d'une action en justice à propos d'informations financières inexactes, ils jouiraient de la même protection que celle nous proposons pour les vérificateurs qui pourraient se trouver en pareille situation.

La profession s'est essentiellement concentrée sur les informations financières inexactes, pour résoudre le véritable problème. Les poursuites, les demandes et les règlements qui se produisent aux États-Unis, au Canada et dans le monde entier, visent des entreprises en faillite qui sont présumées avoir diffusé des informations financières inexactes. C'est là le véritable problème. Nous avons pensé proposer une solution dont l'application dans notre système juridique serait le plus facile possible.

Le sénateur Angus: Je le comprends. Votre solution est créative et permettrait certainement de régler les problèmes à la satisfaction de votre profession. Les informations financières inexactes sont, par définition, le résultat de négligence ou de faute professionnelle de votre profession, tandis que dans le cas d'autres professions, cette négligence ou cette faute professionnelle pourrait représenter autre chose. Elle pourrait représenter, dans le cas d'un fiscaliste, une mauvaise interprétation d'un règlement de l'impôt susceptible d'entraîner d'énormes réclamations. D'après les lectures que j'ai faites en vue de la discussion de ce matin, les réclamations faites contre les avocats sont presque aussi importantes que les vôtres.

Comme vous l'avez souligné, nous nous préoccupons également de la justice et de l'équité. On nous a dit que si nous trouvions une solution à votre problème particulier de négligence professionnelle, nous devrions, en toute justice, en trouver une pour les autres professions.

M. Broadhurst: La diffusion des informations financières dépasse le cadre de la fonction de comptable. Elle peut exister dans d'autres professions. Il peut s'agir d'avocats, d'experts- estimateurs, d'assureurs. Il y a tout l'éventail des professions des marchés financiers. Selon nous, toutes ces professions devraient être protégées.

Il se peut que la responsabilité solidaire nuise à la profession médicale. Nous ne lançons pas un appel en faveur de la profession médicale. Nous ne savons pas s'il a été prouvé que la responsabilité solidaire pose un problème à la profession médicale. Cela pourrait bien être le cas. Tout ce que nous savons, c'est qu'il a été prouvé que dans notre profession il se pose un problème au sujet de la diffusion des informations financières.

Des associations d'architectes et d'ingénieurs ont comparu devant vous il y a un an. Leurs représentants ne vous ont pas dit en réponse à vos questions qu'ils avaient des problèmes d'assurance; toutefois, ils souhaitaient quand même que les propositions relatives à la responsabilité solidaire s'appliquent à eux.

Il nous semble que si les lois régissant ces professions devaient être modifiées, il faudrait alors faire une étude pour déterminer l'intérêt public et les risques que cela représenterait pour lui. Nous ne croyons pas que cette étude devrait retarder le règlement de cette question en particulier, si vous êtes convaincus qu'il y a un problème.

Cette solution est proposée pour tous les professionnels qui, d'une façon ou d'une autre, doivent, dans le cadre de leur profession, diffuser des informations financières. Nous savons que cela pourrait causer des problèmes aux municipalités, par exemple, et elles l'ont d'ailleurs indiqué à leur gouvernement provincial. Il s'agit pour nous d'un élément distinct de la question qu'il n'est pas nécessaire de régler en même temps que la question de la diffusion de l'information. Vous avez déjà fait beaucoup de chemin à propos de la question de la diffusion des informations financières.

Le sénateur Angus: Monsieur Broadhurst, je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites et je vous remercie de cet éclaircissement. Alors que cet argument est précis et pertinent pour la profession de comptable, nous sommes devant un dilemme. En tant que professionnel moi-même, et je suis sûr que vous pouvez le comprendre, je serais en faveur de la mise à jour de nos lois pour régler une situation qui devient endémique ces dernières années, dans le contexte de la globalisation, des mégatransactions transfrontalières et d'autres facteurs, qui selon vous, touchent les six grandes banques, mais pas nécessairement les petits comptables locaux, n'est-ce pas?

M. Broadhurst: On sait que ces petits comptables locaux ont accès à de l'assurance et ne sont pas, pour l'instant, en train de dire qu'ils courent un risque à ce sujet. De toute évidence, ils sont assujettis à la responsabilité solidaire. Il existe une association d'assureurs reliée à l'ICCA qui offre, si je me souviens bien, une assurance jusqu'à concurrence de 10 millions de dollars. Cette assurance leur est accessible. Nous ne pensons pas que les petits comptables considèrent que cela pose un problème pour l'instant.

Le sénateur Angus: C'est ce qui a été prouvé jusqu'à présent. C'est la même chose au sein du barreau où les petites études qui s'occupent des problèmes juridiques quotidiens de la société n'ont pas ce problème. Par contre, ce sont les grandes sociétés d'avocats qui, à l'instar des six grandes banques, trouvent qu'il est vraiment difficile de trouver de l'assurance. En fait, c'est impossible, comme vous le dites.

M. Broadhurst: Lorsqu'un problème est identifié -- et nous avons essayé de le faire à votre convenance -- et qu'il existe une possibilité de le régler, nous ne devrions pas attendre la résolution de tous les problèmes semblables qui pourraient exister, mais qui n'ont pas encore été portés à votre attention. Si on procédait de la sorte, on n'arriverait jamais à rien dans ce dossier, car il faudrait alors examiner toute la gamme des possibilités et je ne peux pas imaginer ce qu'elles peuvent représenter.

Par conséquent, nous demandons instamment une décision, une recommandation, dans ce secteur que nous examinons.

Le sénateur Angus: C'est entendu. Votre approche est excellente et très créative. À mon avis, elle est d'autant plus intéressante qu'elle se concentre sur un point particulier. Je ne vais pas vous poser de questions sur la proposition en question, car beaucoup de mes collègues vont s'en charger.

J'aimerais faire une digression et parler d'un point survenu depuis votre dernière comparution; il s'agit du dernier litige, de la plus récente décision rendue non seulement à propos de l'affaire Hercules, mais à propos d'autres cas intéressants relevant d'autres compétences. Je vais revenir à l'affaire Hercules dans un instant.

C'est la question soulevée dans certaines de ces affaires récentes, dont vous avez certainement entendu parler, messieurs, qui m'intéresse: est-ce que les comptables, qui remplissent des fonctions de vérification, sont des dirigeants du client. Je m'inquiète des ramifications juridiques. En fait, l'assurance des administrateurs et des dirigeants s'applique-t-elle? Cela a récemment fait l'objet de débats approfondis.

Je pense à la récente décision rendue au sujet de l'affaire Mutual Reinsurance Co. Ltd. v. Peat Marwick Mitchell & Co. Les tribunaux ont été le théâtre d'un débat intéressant visant à déterminer si les vérificateurs sont des dirigeants ou non. Avez-vous des observations à faire à cet égard?

Je pense que vous conviendrez que notre personnel a préparé un excellent compendium de méthodes que nous pourrions adopter pour régler ces problèmes. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a un problème.

M. Walker: Je ne connais pas vraiment l'affaire dont vous faites mention, monsieur le sénateur. Toutefois, je sais que l'assurance des administrateurs et des dirigeants est difficile à obtenir. Elle est coûteuse et ne couvre pas les réclamations faites contre les vérificateurs. Il m'est difficile d'imaginer qu'un vérificateur pourrait être considéré comme un dirigeant d'une société. Je crois que le rôle des dirigeants n'est pas le même que celui des vérificateurs.

Cela étant dit, même s'ils pouvaient avoir une assurance supplémentaire par l'entremise de la couverture des administrateurs et des dirigeants, cela ne résoudrait nullement le problème.

Je vais céder la parole à M. Broadhurst au sujet des récentes affaires juridiques. J'aimerais toutefois faire une observation, monsieur le sénateur, au sujet de la globalisation qui, selon vous, est à l'origine du problème. Vous avez en partie raison; nous assistons dans une large mesure à une globalisation des litiges. Cependant, la majorité des affaires importantes au Canada visent des organisations nationales; il s'agit donc essentiellement d'affaires canadiennes. Elles ne sont pas reliées à des opérations étrangères ni aux complications découlant de la globalisation.

Il faut comprendre qu'il existe un problème au Canada, que le Canada est peut-être le seul à subir des influences extérieures, mais que ce n'est pas à cause des opérations internationales de ces organismes.

M. Broadhurst: Sénateur, les seules affaires que nous avons suivies de près sont celles que décrit votre document sur les options. Les deux sont les plus directement applicables, soit l'affaire Hercules entendue par la Cour suprême du Canada et l'affaire Kripps, jugée par la Cour suprême de la Colombie- Britannique. Elles semblent avoir des répercussions sur ce dossier. Nous essayions de dire qu'elles ont un rapport avec le devoir de diligence.

En fait, l'affaire Kripps diffère quelque peu de certains témoignages entendus plus tôt par votre comité. Les témoignages antérieurs laissaient entendre qu'à condition de respecter les normes de vérification et les principes comptables généralement reconnus, on ne courait pas de risque. Dans l'arrêt Kripps, le juge a déclaré que ce n'est pas peut-être pas assez, qu'il faut prévoir un critère supplémentaire, par exemple un contrôle de vraisemblance ou test de cohérence. Selon lui, dès que l'on sort du sentier des normes couramment admises, on se retrouve dans une espèce de zone grise.

C'est pourquoi l'affaire Kripps dérange. Elle change les limites à ne pas dépasser, mais on n'est pas très sûr d'où se trouvent les nouvelles limites. Quand on respecte les principes généralement admis, on sait où se trouve la limite.

Le sénateur Angus: Je ne voudrais pas trop m'attarder à cette question. Cependant, j'estime que la décision rendue par la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Hercules, a représenté une très importante victoire pour vous. En fait, j'ai été fort impressionné par la façon dont s'est comportée votre association dans ce litige. Vous avez officiellement pris l'engagement devant le juge de faire ressortir les enjeux, tout comme vous l'avez fait pour nous.

Si j'ai bien compris ce qu'a dit l'avocat de la partie plaignante, une fois informé de la décision de la Cour, il estimait qu'on s'était servi d'une enclume pour écraser une mouche, que la véritable crise était passée et qu'il serait beaucoup plus difficile de faire reconnaître des professionnels de votre domaine coupables d'une faute. C'est vrai parce que, contrairement à l'affaire britannique Caparo dont vous nous avez parlé, on a fait prendre conscience des vieux principes énoncés dans Anns v. Merton Borough Council. L'arrêt Hercules est maintenant cité comme précédent dans les salles d'audience du Royaume-Uni.

On m'a dit que les membres de votre profession s'étaient beaucoup réjouis de cette décision et qu'au moins maintenant, la Cour suprême avait, par sa décision, écarté la possibilité que vous soyez condamné. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, s'il vous plaît. J'ai peut-être mal compris.

M. Rayner: À notre avis, l'arrêt Hercules est une excellente nouvelle. Manifestement, la décision de la Cour suprême nous a fait plaisir. Toutefois, elle n'a rien changé au régime de responsabilité auquel nous sommes soumis. Elle a simplement réaffirmé et précisé les critères utilisés par les tribunaux depuis de nombreuses années. En ce sens, elle a contribué à éclaircir les règles du jeu en ce qui concerne le devoir de diligence du vérificateur. Toutefois, elle n'a modifié en rien le devoir de diligence ni réduit la responsabilité des vérificateurs. En dépit des précisions apportées, nous continuons de faire face aux mêmes genres de réclamations qui étaient faites avant qu'elle ne rende son jugement.

Le sénateur Stewart: Vous voudrez bien excuser la naïveté de ma question. À ma décharge, je souligne que je ne m'y connais pas beaucoup en structure de grandes sociétés.

Parle-t-on ici d'une société qui engage les services d'un cabinet de vérificateurs ou de vérificateurs qui sont en réalité les employés de la société?

M. Walker: Il est question de firmes de vérificateurs indépendantes. Il n'est pas question d'employés. Nous parlons uniquement des vérificateurs, non pas des employés qui occupent un poste de comptable agréé ou de vérificateur interne dans un organisme. Nous parlons de la part de la faute attribuable au vérificateur lorsque des renseignements d'ordre financier ont été rendus publics et que quelqu'un s'y est fié.

M. Rayner: Il est question essentiellement de la part de responsabilité qui revient à chaque codéfendeur dans un procès, par opposition à la relation entre les partenaires.

Le sénateur Stewart: La première réponse est très utile.

Le sénateur Meighen: La responsabilité ne s'applique qu'aux associés d'un cabinet de vérification, n'est-ce pas?

M. Rayner: Oui.

Le sénateur Angus: Vous avez fait une ou deux observations au sujet des sociétés à responsabilité limitée. Manifestement, nos législateurs, et pas seulement ceux du Canada, donnent un appui conscient qui est bien accueilli par toutes les professions. Vous avez clairement souligné comment cela ne vous aide pas durant l'actuelle crise. Cependant, serait-il juste de croire que vous n'êtes pas contre les sociétés à responsabilité limitée?

M. Walker: Nous sommes effectivement très enthousiastes. Ces formes de partenariat seront utiles parce qu'elles protégeront les biens personnels du partenaire, de celui qui n'a pas pris part au fait qui a donné naissance à la réclamation.

Le seul point qui aidera quelque peu dans la question de la responsabilité solidaire, c'est que les avocats de la partie plaignante menacent de s'en prendre aux biens personnels d'un partenaire pour négocier un règlement à l'amiable. Le plus important investissement que font la plupart des partenaires est leur investissement dans la société, et cet investissement est toujours en jeu. Si le cabinet disparaît, les partenaires perdent beaucoup d'argent.

C'est un point dont il faut tenir compte, mais au moins leur Régime enregistré d'épargne-retraite et leur maison n'y passeront pas. Ils s'exposent tout de même à perdre un très gros investissement.

Des avocats représentant les parties plaignantes ont certes menacé de tout prendre, y compris les biens personnels du partenaire. Le partenaire s'énerve et il se voit forcé de régler à l'amiable plutôt que d'aller devant les tribunaux et s'exposer à pire encore.

Le sénateur Angus: Est-ce la même chose pour le droit de se constituer en bureau de spécialistes, en étude d'avocats ou en cabinet d'experts-comptables?

M. Broadhurst: Je vous répondrai tout d'abord que nous avons étudié de près les différences dans la pratique entre les sociétés et les sociétés à responsabilité limitée. L'une des raisons pour lesquelles nous avons opté pour la responsabilité limitée lors de nos rencontres avec de hauts fonctionnaires du gouvernement -- je parle ici de fonctionnaires provinciaux parce que c'est de là que viennent les demandes de changement dans ce dossier --, c'est que pareilles sociétés sont neutres sur le plan fiscal.

La question de savoir si la constitution en bureau de spécialistes est avantageuse ou nuisible sur le plan fiscal préoccupe les différentes catégories d'association. Quand nous avons pu discuter de la question dans un contexte neutre sur le plan fiscal, une foule de préoccupations ont disparu.

De plus, si vous vous constituez en société, il vous faut régler un certain nombre de questions administratives. Il ne semblait pas nécessaire de s'y arrêter. Nous sommes passés à la question des sociétés à responsabilité limitée.

Les sociétés à responsabilité limitée sont très courues au Royaume-Uni étant donné la réforme de la responsabilité solidaire. On peut maintenant se constituer en société à responsabilité limitée partout aux États-Unis, sauf dans trois États. Si vous traitez avec des sociétés américaines et que vous examinez les rapports des vérificateurs, vous constaterez qu'ils sont signés: «Untel S.A.R.L.». Vous verrez cette abréviation sur beaucoup de correspondance juridique en provenance des États-Unis.

À nouveau, les États-Unis permettaient déjà la constitution en sociétés à responsabilité limitée, mais ils estimaient aussi essentiel de remplacer le principe de la responsabilité solidaire par celui de la responsabilité proportionnelle. Ce sont deux choses différentes, comme en témoigne la situation dans ces deux juridictions.

Le sénateur Angus: Ce qu'il faut en retenir, c'est que, en tant que proposition, nous préférons ce qui limite notre responsabilité.

M. Broadhurst: Effectivement. Nous militons en faveur des sociétés à responsabilité limitée et...

M. Walker: Cependant, le principe n'est pas mis en oeuvre encore.

M. Broadhurst: Non. Il n'existe pas au Canada de sociétés à responsabilité limitée. Plusieurs assemblées législatives provinciales s'apprêtent à examiner la question.

Le sénateur Kenny: Les questions de mon collègue, le sénateur Stewart, étaient peut-être naïves à première vue, mais elles ne l'étaient que superficiellement. Les miennes le sont vraiment.

Vous avez accouché d'une nouvelle idée intéressante. Pendant que vous la mettiez au point, vous avez dû réunir des données à son sujet. Vous avez dû en établir le coût. Vous avez dû vous dire: «Ce seuil de 100 000 $ qui permet de définir les investisseurs non avertis se traduira en réalité par tant de dollars».

Vous avez dû étudier une foule de cas et vous dire: «Si cela avait été en vigueur, voici comment nous aurions été touchés».

Pouvez-vous décrire au comité les autres scénarios? Pourriez-vous nous donner des exemples des résultats qui auraient été différents, si cette règle avait été en place?

M. Walker: L'étude de cette proposition a exigé beaucoup de travail, mais nous n'avons pas tenté d'établir le coût des différents résultats qu'aurait pu avoir un cas particulier parce que tant d'entre eux se sont réglés à l'amiable plutôt que d'être entendus par un juge. Parfois, des jugements ont été rendus, mais la vaste majorité des affaires graves ont été réglées à l'amiable, en raison de l'imminence d'une poursuite. Au bout du compte, les gens raisonnables négocient pour trouver une solution à l'amiable.

Souvent les règlements intervenus sont confidentiels, et nous ignorons même les montants en jeu. C'est dû, en partie, au fait que, si le marché venait à l'apprendre, le bureau qui a réglé à l'amiable deviendrait une cible de choix.

Nous n'avons pas fait ces calculs. Nous avons abordé la question du point de vue du Canadien moyen qui n'est peut-être pas très versé dans ces questions complexes. Sauf s'il y a un recours collectif, ces personnes nous poursuivent rarement. Ce sont les grands organismes avertis qui le font même s'ils ont parfois très peu de cause de poursuivre le vérificateur. Cependant, ils savent que celui-ci est assuré. Les vérificateurs ont une réputation à défendre et ils ont de l'assurance, ce qui en fait des proies de choix.

Selon nous, si la maison, l'automobile et le mobilier sont exclus, il est question en réalité de l'investissement du Canadien moyen.

Beaucoup de Canadiens moyens continueront d'être protégés par le principe de la responsabilité solidaire, mais de nombreuses personnes et sociétés riches qui ont les ressources nécessaires pour évaluer les risques et prendre leurs décisions d'investissement en conséquence seront touchées par la responsabilité proportionnelle.

Le sénateur Kenny: J'ai compris ce que vous avez dit plus tôt. Ce que moi je dis en réalité, c'est que je me sens mal à l'aise quand un groupe me présente une formule et affirme n'avoir pas cherché à en évaluer les effets, de sorte qu'il ignore ce qui se passera dans la réalité.

Je reconnais qu'il vous serait souvent difficile de le faire. Je comprends que l'on peut forcer certains à régler à l'amiable; après tout, si votre maison est en jeu, vous négocierez peut-être différemment.

En tant que membre du comité, il m'est difficile d'accepter la formule que vous présentez, en dépit de son caractère très raisonnable, si vous ne me dites pas comment elle s'appliquerait dans certaines situations et quels seraient les montant en jeu. J'ignore si vous pouvez le faire et nous fournir les chiffres plus tard. Si vous le pouvez, fort bien, mais si vous ne pouvez pas le faire, je demeure sceptique.

Je passe à ma deuxième question, qui concerne vos définitions des investisseurs avertis et non avertis. Je comprends votre proposition fondée sur un seuil de 100 000 $, moins la maison, moins l'automobile, moins le chien et le chat, et tout le reste. Toutefois, cette façon de décider qui est averti et qui ne l'est pas me semble plutôt arbitraire. Nous connaissons tous quelqu'un -- notre mère ou notre tante peut-être -- qui possède 100 000 $ après déduction de la valeur de sa maison et de son automobile. Pourtant, cette personne n'est certes pas un investisseur averti. Beaucoup d'entre elles ignorent tout des subtilités du marché. La démarcation est difficile. Les définitions sont très arbitraires. Cette proposition est-elle vraiment la meilleure que vous puissiez faire?

M. Broadhurst: Sénateur, nous avons essayé de faire de la recherche à ce sujet. Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, nous avons relevé deux exemples de situations où ce genre de critère a été appliqué: dans la loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario et dans la loi des États-Unis.

Nous nous sommes rendus aux États-Unis pour essayer de comprendre comment ils en étaient arrivés au montant de 200 000 $. Nous avons découvert que, même là-bas, on avait été incapable de faire le genre de calcul que vous proposez et que nous aimerions bien pouvoir faire. Ils ont ni plus ni moins essayé d'examiner la question sous l'angle de la richesse moyenne des Américains. Ils disposaient de données statistiques que nous n'avons pas au Canada et ont fini par s'entendre sur une formule de compromis, d'où le montant de 200 000 $.

Aux États-Unis, ils ignorent toujours quel effet aura cette loi. Depuis que la loi a été adoptée en décembre 1995, les tribunaux n'ont pas encore eu à appliquer ce genre de critère. Tout de suite après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, tous les plaignants ont transféré leur cause devant des tribunaux d'État et ont essayé de trouver un autre moyen juridique d'obtenir des dommages-intérêts des défendeurs.

Les législateurs fédéraux étudient actuellement un projet de loi à Washington pour empêcher le transfert de ces causes aux tribunaux d'État, pour faire en sorte qu'elles soient jugées en vertu de la nouvelle loi. Il faudra probablement attendre encore deux ans au moins avant qu'une cause portée devant les tribunaux en vertu de leur loi n'atteigne le stade où serait appliqué le critère de 200 000 $.

Nous avons essayé de réunir des données à ce sujet au Canada, mais nous n'y sommes pas parvenus. Il n'y a pas moyen d'analyser les situations parce qu'il n'existe pas de données. La cause la plus importante au Canada a été celle des deux banques de l'Ouest. Elle s'est soldée par un règlement à l'amiable oscillant aux alentours de 100 millions de dollars. Il est impossible d'avoir accès aux détails, mais, manifestement, ce sont les vérificateurs qui en ont surtout fait les frais. Toutefois, il n'y a pas eu de poursuites importantes à cet égard au Canada. Il faudrait analyser la situation de chaque partie plaignante dans un recours collectif pour obtenir ce genre de renseignements.

Dans les circonstances, nous ne pourrons malheureusement pas vous fournir un supplément d'information à ce sujet. Nous estimions que, conformément à la politique de rapprochement avec nos principaux partenaires commerciaux, il faudrait à tout le moins essayer de savoir quel effet avait une loi analogue dans le seul autre endroit où il en existe, soit aux États-Unis.

Le sénateur Kenny: La dernière question que je veux aborder est un point fondamental dont il a déjà été question à cette table. Qu'en est-il des laissés-pour-compte, de ceux qui n'auront pas de recours contre qui que ce soit, quand les ingénieurs, comptables, architectes et avocats se seront servis?

Nous en revenons toujours à la même question: que vaut votre signature? Quelle valeur a votre signature au bas d'un document qui atteste l'exactitude des renseignements? Qui dédommagera ceux qui se sont fiés à cette signature, une fois que tous les professionnels ont récupéré leurs pertes?

M. Walker: Sénateur, tout ce que je puis répondre à cela, c'est que, si les comptables n'ont pas bien fait leur travail, ils sont certes disposés à assumer leur part de responsabilité.

Par contre, le fait que, quand tous les autres codéfendeurs disparaissent, ils deviennent le bouc émissaire et qu'on jette tout le blâme sur le vérificateur les préoccupent tout autant que les souscripteurs d'assurance. Par souci d'équité, il faudrait que cela cesse.

Quant aux vérificateurs, ils savent que, s'ils sont responsables d'une grande partie de la perte, ils devront assurer une grande partie du dédommagement, ce qui pourrait parfois les mettre en faillite. Il faudra qu'ils continuent de le faire. Cependant, ils n'estiment pas juste que d'autres qui ont participé à la faute, souvent beaucoup plus qu'eux, puissent leur refiler le fardeau de la responsabilité financière.

Le président: M. Broadhurst a fait allusion aux deux banques de l'Ouest. Je voudrais dire clairement qu'il s'agit de la Banque commerciale du Canada et de la Norbanque qui se sont effondrées à la fin des années 80. Ce comité, sous la présidence du sénateur Murray, s'est penché pendant un grand nombre de séances sur la cause de ces effondrements.

J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Kenny. Vous avez dit que la somme de 100 000 $ est tirée en partie d'une instruction générale de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Le critère de valeur du patrimoine est en réalité de 75 000 $ comme vous l'avez signalé. Vous avez aussi décrit la somme de 100 000 $ comme étant comparable aux 200 000 dollars américains qui incluent toutefois la résidence principale de l'investisseur alors que vous l'excluez. Vous avez ensuite dit qu'on était parvenu à 200 000 dollars américains, y compris une résidence, en faisant une moyenne. Lorsque j'ai enseigné la statistique, j'avais l'habitude de parler de la personne qui s'est noyée en traversant à la nage une rivière d'une profondeur moyenne de trois pieds seulement.

Je soulève ce point pour dire simplement que, dans ce cas particulier, je ne suis pas convaincu qu'une moyenne conviendra comme outil de mesure, précisément pour la raison soulevée par le sénateur Kenny.

Ai-je raison de croire que ce qui vous inquiète le plus c'est, d'une part, le spectre de règlements faramineux si les gens peuvent réclamer des centaines de millions de dollars et, d'autre part, l'idée que vous pourriez être un peu plus généreux à l'égard du demandeur potentiel non averti auquel a fait allusion le sénateur Kenny si, en fait, le comité devait décider que la somme de 100 000 $ est un peu basse si quelqu'un doit être assuré et que tout les investisseurs non avertis, selon la définition qu'en donnerait le profane, étaient inclus?

M. Walker: Monsieur le président, je ne suis pas mathématicien, mais je pense que la moyenne serait probablement plus élevée que la médiane. Je ne sais pas quelle serait la somme indiquée dans les circonstances.

De la façon dont je comprends la chose, le montant a été fondé sur la valeur nette des Américains lorsqu'il s'est agi de déterminer ce qui était raisonnable. La somme de 75 000 $ a été établie comme critère il y a environ 14 ans et, compte tenu de l'inflation et des faits nouveaux, la somme de 100 000 $ m'a semblé plus réaliste aujourd'hui.

Le président: Pourriez-vous commenter la deuxième partie de la question?

M. Broadhurst: Nous demandons à ce comité de voir s'il n'existe pas une façon de fixer un chiffre approprié. Nous accepterions une somme qui tiendrait compte de l'investisseur non averti ou naïf. Cependant, elle devrait être fixée en tenant compte des règles adoptées par notre principal partenaire commercial. Elle n'a pas à être la même évidemment, elle doit mais se situer aux alentours de celle qu'il aura fixée. En effet, étant donné le magasinage outre-frontières dont sont l'objet les services juridiques, nous ne voudrions surtout pas devenir la cible de poursuites par des sociétés comptables internationales. La plupart des sociétés ont une filiale canadienne et elles pourraient essayer d'intenter les poursuites au Canada. Cependant, nous nous en remettons à vous pour fixer un chiffre équitable et nous accepterions ce que vous déciderez pour ce qui est d'établir la distinction dont nous avons parlé.

Le sénateur Meighen: Je suppose qu'il y a beaucoup d'investisseurs non avertis dont la valeur nette dépasse 100 000 $ et vice-versa. En utilisant l'expression «investisseur non averti», tentez-vous de protéger les personnes qui perdent au moins 10 p. 100 de leur valeur nette, qu'elles soient averties ou non averties?

M. Walker: Pas vraiment. Nous essayons vraiment de protéger les petits investisseurs qui ne disposent pas des ressources leur permettant de prendre, en matière d'investissements, des décisions impliquant un risque et qui se fient en général au marché, y compris la participation des vérificateurs.

Le sénateur Meighen: Pourquoi en viendriez-vous à la conclusion qu'une personne dont la valeur nette du patrimoine est inférieure à 100 000 $ est, par le fait même, une personne davantage non avertie qu'une personne dont la valeur nette du patrimoine est de 200 000 $? Cela signifierait que plus vous êtes riche, plus vous êtes averti. Est-ce que c'est ce qu'il faut en déduire?

M. Broadhurst: À Londres, l'un de vos membres a parlé de justice sommaire. Je crois qu'il s'agit d'une description raisonnable de ce que nous essayons de suggérer. Nous n'arriverons jamais à un chiffre précis qui placerait chaque investisseur non averti et averti du bon côté de la ligne. Peu importe la ligne que vous tirez, il y aura toujours de part et d'autre des gens qui ne seront peut-être pas à la place où ils devraient se trouver.

Le sénateur Meighen: Je ne conteste pas cela. Je vous dis simplement que le critère devrait peut-être être la proportion du revenu net perdu plutôt que le montant. Que se passe-t-il si la valeur nette du patrimoine d'une personne est d'un million de dollars et que ses pertes se chiffrent à 999 999 $? C'est très lourd.

M. Walker: Je penserais que la plupart des gens dont la valeur nette du patrimoine est d'un million de dollars recourent à des conseillers pour les aider à prendre des risques et à investir, à diversifier leurs placements, et cetera. Nous parlons surtout des placements, même s'il se peut que tout ne soit pas investi. Cependant, je crois que toute personne dont la valeur nette du patrimoine est supérieure à 100 000 $ fait appel à quelqu'un pour l'aider à prendre ses décisions en matière d'investissements. Nous en venons à la conclusion que les gens dont la valeur nette du patrimoine est inférieure à ce montant s'occupent peut-être d'une bonne partie de leurs affaires et se fient au système de même qu'aux règles et aux lois en vigueur. Ils sont ensuite choqués de constater qu'ils n'auraient peut-être pas dû le faire vu qu'il leur manquait un élément d'information important.

Comme l'a dit M. Broadhurst, c'est un chiffre arbitraire. Il nous a fallu un certain temps pour fixer un chiffre que nous avons jugé raisonnable. Nous croyons vraiment que la somme de 100 000 $, à l'exclusion de la valeur nette de la résidence, et cetera, sert de critère pour un très fort pourcentage de Canadiens.

M. Rayner: Au risque de faire intervenir de nouveau votre président mathématicien, je me contenterai de dire que, d'après une étude de Statistique Canada publiée il y a environ six mois, la valeur nette moyenne du patrimoine d'un ménage canadien est de 80 000 $. Cela vous donne une assez bonne idée de l'ordre de grandeur.

Le sénateur Tkachuk: Vous parlez surtout d'investisseurs plutôt que de créanciers.

M. Walker: Nous parlons des deux.

Le sénateur Tkachuk: Je remarque que vous avez surtout parlé d'investissements plutôt que de créanciers. Est-ce votre plus grand objet de préoccupation?

M. Walker: Non. Les prêteurs nous posent également un problème. Un grand nombre de poursuites sont intentées par des banques qui consentent des prêts et qui soutiennent qu'elles se sont surtout fiées à des états financiers qui se sont révélés inexacts. Notre proposition inclut n'importe quelle réclamation, qu'elle soit faite par un créancier ou un investisseur.

Le sénateur Tkachuk: En tant qu'investisseur, une vérification me semblerait presque comme l'opinion d'un tiers sur la situation financière particulière d'une société dans laquelle je songe investir.

M. Walker: Et c'est ce que c'est.

Le sénateur Tkachuk: Il est certain que vous n'auriez pas d'ennuis s'il n'y avait pas d'erreur dans la vérification que vous avez faite. Aucune poursuite judiciaire ne pourrait être intentée contre vous si, trois ans plus tard, mon investissement tournait mal et que la société déposait son bilan, à la condition que vous n'ayez commis aucune erreur.

M. Walker: J'aimerais penser que c'était le cas. Cependant, même si les vérificateurs peuvent croire que leurs travaux de vérification ont été effectués conformément aux normes et que les états financiers ont été préparés conformément aux normes, cela n'empêche pas les gens de les poursuivre en justice. Dans bien des cas où les vérificateurs sont fermement convaincus qu'ils devraient se battre jusqu'au bout parce qu'ils sont dans leur droit, ils finissent par régler à l'amiable. Il en est ainsi entre parce que votre compagnie d'assurance consacre tellement d'argent à votre défense qu'elle finit par affirmer que la seule chose logique à faire est de conclure un accord. Elle ne veut pas régler les factures fabuleuses qui, comme nous le savons tous, peuvent parfois se chiffrer dans les millions de dollars.

Le sénateur Tkachuk: Mais c'est la raison pour laquelle vous facturez plus cher une vérification qu'un état financier. En tant que professionnel vous contractez une obligation à l'égard du consommateur qui peut ensuite s'adresser aux tribunaux et déclarer qu'il s'est fié à la vérification elle-même. Vous vous êtes acquitté de votre responsabilité professionnelle en tant que vérificateur si vous avez décrit clairement la situation. La plupart des investisseurs ne s'en remettront pas au promoteur de la société ou au conseil d'administration parce qu'il y va de leur propre intérêt d'obtenir leur argent. Ils se tourneront vers le vérificateur et la vérification pour obtenir une évaluation professionnelle sur laquelle se fonder en tant qu'investisseurs potentiels.

M. Walker: C'est aux sociétés, à ses dirigeants et à leur personnel qu'incombe avant tout la responsabilité de produire les états financiers. Le vérificateur vient confirmer qu'ils traduisent adéquatement la réalité, conformément aux normes.

Si le vérificateur a mal fait son travail et a commis des erreurs, il devrait verser un montant à l'investisseur ou au prêteur qui a perdu de l'argent et nous acceptons cet état de fait. Cependant, avec la responsabilité solidaire à l'heure actuelle, dans le cas d'une réclamation de 100 millions pour laquelle la responsabilité du vérificateur a été reconnue à 10 ou 20 p. 100, si les dirigeants et les membres du conseil d'administration ont déclaré faillite, ne sont pas disponibles, ont quitté le pays ou que sais-je encore, il se peut que toute la responsabilité de ces 100 millions de dollars retombe sur le vérificateur. Nous disons que dans l'intérêt de la justice, ce n'est pas raisonnable. Nous paierons notre part. Si cela se traduit par des coûts fabuleux pour le cabinet de vérification, voire le dépôt de son bilan, qu'il en soit ainsi. C'est malheureux, mais c'est la réalité du monde actuel.

Cependant, nous ne devrions pas assumer la part de responsabilité des autres participants, des preneurs fermes, des dirigeants et d'autres conseillers comme les évaluateurs de biens mobiliers qui peuvent avoir été partie à l'information financière qui a été préparée. Par exemple, dans l'ouest du Canada, la liste des conseillers peut inclure les ingénieurs qui effectuent des évaluations sur les réserves des compagnies pétrolières. Si l'ingénieur n'a pas le même genre d'assurance que le vérificateur, les investisseurs qui ont perdu de l'argent s'attaqueront toujours au vérificateur parce qu'ils nous voient comme un gibier de bonne prise.

Le sénateur Tkachuk: Vous l'êtes, parce que la vérification que vous effectuez vise à protéger les consommateurs et les investisseurs qui s'en remettent à la vérification. Vous avez plus que la responsabilité de fournir des renseignements justes et précis sur lesquels peuvent se fier les investisseurs sur le marché public ou peut être pour un placement privé ou pour une émission effectuée par l'entremise de la commission des valeurs d'une province. Qu'arrive-t-il s'ils ne peuvent se fier à vous?

M. Broadhurst: Sénateur, nous acceptons les jugements rendus par les tribunaux à l'égard de ces questions.

Le sénateur Tkachuk: Je comprends.

M. Broadhurst: Autrement dit, si nous sommes poursuivis par un demandeur, le tribunal doit déterminer si le vérificateur a effectué son travail conformément aux normes prévues dans ce cas particulier. Le tribunal peut décider si le vérificateur est entièrement responsable ou n'est qu'un défendeur négligeable.

Il y a eu des actions en justice aux États-Unis. Parmi celles qui ont fait jurisprudence se range celle de Bily v. Arthur Young & Co. dans laquelle la Cour suprême de la Californie en est venue à la conclusion suivante:

...un rapport de vérification n'est pas qu'un simple énoncé de faits vérifiables qui, comme le poids d'un chargement de flageolets... qui peut être facilement contrôlé par rapport à des normes uniformes d'une exactitude incontestable. Plus exactement, un rapport de vérification est une opinion personnelle fondée sur de nombreux facteurs complexes... le produit final d'un processus complexe faisant appel à la discrétion et au bon jugement du vérificateur à toutes les étapes. Du fait qu'elles recourent à différentes suppositions et approches initiales, à différentes techniques d'échantillonnage et à la sagesse rétrospective parfaite, peu de vérifications seraient à l'abri de la critique.

Les juges ont essayé de reconnaître là que la vérification était un exercice professionnel et non pas un exercice mesurable sur une échelle de un à dix. N'oubliez pas que si vous vous retrouvez devant un tribunal relativement à une opinion de vérification qui remonte à cinq ans, tout le monde sait que cette société a déposé son bilan. Il est difficile d'en faire abstraction lorsque vous prenez une décision au sujet des conditions qui ont pu prévaloir il y a cinq ans et de la raison pour laquelle le vérificateur n'en a pas tenu compte.

Il s'agit d'un problème de jugement professionnel. Il est possible de faire des conjectures -- de faire des conjectures légitimes -- sur un jugement professionnel. C'est la raison pour laquelle nous disons que les tribunaux doivent prendre la décision à la lumière des circonstances. Peu importe ce qu'ils décideront, c'est notre problème et nous devons le régler.

Le sénateur Tkachuk: Je vous remercie. J'ai quelques questions en ce qui a trait à l'investisseur averti et non averti. Je les pose seulement par rapport à l'investissement étant donné que vous y consacrez beaucoup de temps.

Si une société a cherché et trouvé un pool d'investisseurs, et si des poursuites sont intentées, dites-vous alors que certains d'entre eux finiront par réclamer le plein montant à cette société et d'autres non?

M. Rayner: Ce que nous voulons dire, sénateur, c'est qu'à l'heure actuelle tout le monde peut nous réclamer le plein montant. Lorsque des dommages-intérêts sont accordés, nous aimerions qu'ils le soient en fonction de la responsabilité proportionnelle. Nous savons qu'il peut se trouver, parmi ces investisseurs, des personnes moins bien averties qui seraient victimes de la responsabilité proportionnelle. Nous estimons qu'il faudrait, peu importe le régime qui sera retenu, reconnaître qu'il y a de plus petits investisseurs qui ont besoin d'une plus grande protection que nous sommes disposés à leur accorder.

Nous continuons à penser que la responsabilité proportionnelle est la solution, mais nous essayons d'être pragmatiques et de reconnaître le problème que pose le plus petit investisseur. Quant à la définition à donner au petit investisseur ou à l'investisseur non averti, cela peut se discuter. Nous avons dit au sénateur Kirby que nous serions prêts à examiner d'autres solutions.

M. Walker: Si le vérificateur doit assumer la totalité du fardeau des autres participants, nous devrions peut-être alors faire payer, en sus des services de vérification, une prime d'assurance pour prendre ce risque. Mais telle n'est pas la vie. Nous facturons nos services de vérification mais nous ne faisons pas payer de prime d'assurance pour garantir l'exactitude de l'état financier.

Le sénateur Tkachuk: Du fait que vous faites une vérification, toutefois, vous exigez davantage pour ce service.

M. Walker: Oui, nous fixons les frais en fonction du temps que nous consacrons à la vérification. Il nous faut plus de temps pour donner une opinion de vérification qui donne une plus grande assurance. Nous estimons que si l'opinion contient des erreurs en raison de fautes que nous avons commises, nous en paierons le prix.

Le sénateur Tkachuk: Je veux revenir à la question des investisseurs avertis et non avertis parce que, comme d'autres au sein de ce comité, je me pose des questions.

Je comprends votre principe. Voici où j'essaie d'en venir. S'il y avait cinq investisseurs dont trois, d'après votre définition, étaient non avertis et deux avertis, et si les autres participants avaient déposé leur bilan, tout le monde n'obtiendrait pas la même compensation. Est-ce exact? Autrement dit, certains obtiendraient plus que d'autres. L'investisseur dont l'actif net est de 110 000 $ obtiendrait moins que celui dont la valeur du patrimoine est de 100 000 $.

M. Walker: Ce n'est pas différent de la façon dont la société d'assurance-dépôts du Canada assure les dépôts. Ils le font jusqu'à concurrence de 60 000 $. Si je perds cet argent, je le récupère au complet. Si vous aviez investi 100 000 $, vous perdriez malgré tout 40 000 $. Cependant, l'idée est que si vous possédez cette somme, vous pouvez obtenir des conseils, répartir vos risques ou que sais-je encore. Il s'agit dans ce cas-ci d'un concept similaire qui vise à protéger le très petit investisseur non averti.

Les deux investisseurs de votre exemple qui n'obtiennent pas un remboursement complet auraient probablement l'impression qu'il s'agit d'une justice sommaire. Du simple fait qu'ils ont un peu plus d'argent, ils récupéreront moins. Cependant, comme l'a dit M. Rayner, nous croyons fermement que la solution la plus juste consiste à substituer la responsabilité proportionnelle à la responsabilité solidaire. Nous estimons que l'investisseur non averti a besoin d'une protection accrue. Il devrait probablement y avoir une protection supplémentaire et il nous faut trouver un point limite.

Nous pouvons discuter des 100 000 $ et, comme l'a dit M. Broadhurst, nous aimerions savoir ce que vous pensez finalement de l'équité de cette solution.

Le sénateur Meighen: Une année s'est écoulée depuis que nous avons examiné cette question. Je me rappelle que parmi les principaux éléments qui ont provoqué cette crise se rangeaient la mondialisation des cabinets de comptables et le fait que, particulièrement aux États-Unis, les jugements aient été légion et que leur nombre semble augmenter également au Canada. Est-ce exact?

M. Walker: Oui. Dans un sens, cette crise tient à la mondialisation des services offerts par les cabinets d'experts-comptables, mais surtout des questions de droit. Je me suis occupé pendant trois ans de dossiers internationaux. Beaucoup de pays, comme l'Allemagne, refusaient d'admettre l'existence d'un tel problème. Toutefois, en raison de la publicité entourant toutes ces affaires, des procès ont commencé à être intentés en Allemagne. Pour la première fois, les vérificateurs allemands ont commencé à se rendre compte qu'il y avait effectivement une crise. Dans une certaine mesure, cette situation est attribuable au phénomène de mondialisation, mais pas parce qu'une compagnie comme Coca-Cola est présente partout dans le monde, mais parce que les entreprises exercent de plus en plus leurs activités à l'échelle planétaire.

Le sénateur Meighen: Je ne veux pas me lancer dans un débat sur des points juridiques parce que je ne suis pas un expert en la matière, mais si un de vos associés fiscalistes aux États-Unis commettait une grosse erreur, que le ministère de l'Impôt, ici, avait une part de responsabilité dans celle-ci, et qu'un tribunal aux États-Unis imposait le versement de dommages-intérêts énormes, est-ce que vous seriez, vous aussi, visé par ce jugement?

M. Walker: Vous posez-là une question très vaste. Généralement parlant, les cabinets d'experts-comptables vont se regrouper dans certains dossiers et répartir les dommages-intérêts entre eux. Bien entendu, la règle veut que, lorsqu'un cabinet d'experts-comptables canadien est visé par une affaire, il contribue aux dommages-intérêts s'il a une part de responsabilité dans la faute qui a été commise.

Le sénateur Meighen: Mais la solution que vous proposez aujourd'hui ne réglerait en rien le problème, n'est-ce pas? Votre proposition, que je trouve curieuse, ne permettrait de régler le problème que vous venez de décrire, n'est-ce pas?

M. Walker: Elle permettrait de le régler seulement s'il y avait d'autres codéfendeurs, dans lequel cas la part de responsabilité des autres codéfendeurs ne serait pas assumée par les vérificateurs, comme c'est le cas aujourd'hui au Canada.

M. Broadhurst: En général, quand un conseiller fiscal donne des conseils à un client, sa part de responsabilité est fixée à 10 p. 100. C'est ce qui se fait habituellement. Cette règle s'applique également aux avocats conseils.

Or, les parties peuvent aussi accepter de limiter cette responsabilité par voie de contrat. Ce n'est pas la même chose dans le cas des vérificateurs.

Le sénateur Meighen: N'ai-je pas raison de dire que, si des dommages-intérêts élevés étaient accordés dans un autre pays -- disons les États-Unis, puisqu'on les cite souvent en exemple -- la proposition que vous soumettez aujourd'hui vous obligerait quand même, en votre qualité de cabinet international, d'assumer votre part de responsabilité dans toute faute commise?

M. Broadhurst: Sauf que les dommages-intérêts importants auxquels vous faites allusion seraient maintenant assujettis au régime de responsabilité proportionnelle modifiée.

Le sénateur Meighen: Mais seulement si l'affaire tombe sous le coup de la Securities Exchange Act, n'est-ce pas?

M. Broadhurst: Oui, et la plupart des grandes causes tombent sous le coup de cette loi.

On cherche actuellement aux États-Unis à encourager les tribunaux à appliquer les principes de la Litigation Reform Act. On veut aussi que les États les inscrivent dans leurs lois. Une trentaine d'États ont déjà opté pour un régime de responsabilité proportionnelle. Autrement dit, ils ont délaissé le régime de responsabilité solidaire au profit d'un régime mixte. Peut-être que certaines des options que vous proposez dans votre document sont d'inspiration américaine.

Le sénateur Meighen: Je vais reprendre ma question. Je ne sais pas si j'ai bien compris. Si nous apportions à la Loi canadienne sur les sociétés par actions les changements que vous voulez, est-ce que ceux-ci s'appliqueraient uniquement aux jugements rendus par un tribunal canadien?

M. Broadhurst: Oui.

M. Rayner: Oui.

M. Broadhurst: En vertu de cette loi, oui.

Le sénateur Meighen: Et d'après ce que vous avez dit plus tôt, les conséquences des jugements rendus aux États-Unis vous inquiètent beaucoup.

M. Walker: Pas les conséquences des jugements rendus aux États-Unis, mais plutôt celles des poursuites engagées au Canada.

Le sénateur Meighen: Si tel est le cas, est-ce que l'arrêt Hercules ne vous donne pas un peu plus de protection? Vous avez dit que cet arrêt est intéressant, mais qu'il ne fait que réaffirmer le droit existant. Ne va-t-il pas un peu plus loin? N'accorde-t-il pas à vos membres un peu plus de protection aux États-Unis, par exemple?

M. Walker: L'arrêt Hercules, ce n'est pas le jugement Caparo, qui a été rendu en Grande-Bretagne en 1989 et dans lequel on trouve certains des grands principes de l'arrêt Hercules. De nombreuses décisions ont été rendues depuis le jugement Caparo. Il n'a rien changé à la situation parce qu'il traite uniquement de l'obligation de diligence. Il établit qui peut intenter des poursuites. Dès qu'une personne obtient le droit d'intenter des poursuites, il faut alors déterminer si c'est la responsabilité solitaire ou la responsabilité proportionnelle qui est en cause. L'arrêt Caparo n'a pas arrêté le nombre de poursuites intentées au Royaume-Uni.

Le sénateur Meighen: Est-ce que votre investisseur englobe à la fois la personne morale et le particulier? Supposons que la valeur nette de la compagnie ABC s'élève à 98 000 $. Est-ce que la compagnie, qui a subi un préjudice financier, sera en mesure d'absorber ces pertes?

M. Walker: Notre proposition s'applique aux particuliers, et non aux sociétés, puisqu'elles ont des administrateurs qui décident ensemble des investissements qu'il convient de faire.

M. Broadhurst: C'est une question de jugement, bien entendu.

Le sénateur Meighen: Mais votre proposition ne viserait que les particuliers.

M. Walker: Oui.

Le sénateur Oliver: Je trouve que la limite est beaucoup trop basse au Canada. En raison de notre régime d'impôt, la plupart des Canadiens essaient de placer leur argent dans des REER. S'ils le font depuis la vingtaine, ils auront plus de 100 000 $ dans leur régime de pension à 40 ou à 50 ans. Au cours des dernières années, de nombreuses personnes ont vu leur fonds doubler. Vous parlez de résidence principale, tandis que la loi ontarienne parle de foyer. Cela semble exclure le chalet d'été et d'hiver, et toute autre résidence qui pourrait très bien porter la valeur du patrimoine au-delà de 100 000 $.

C'est pour cette raison, entre autres, que je trouve que le chiffre de 100 000 $ n'est ni réaliste, ni raisonnable.

D'après certaines études, le fait que les contrevenants concourants puissent être obligés d'assumer la totalité du dédommagement incite les défendeurs éventuels, surtout les bien nantis, comme les vérificateurs et les comptables, à prendre des mesures pour se protéger. Si l'on réduisait la responsabilité éventuelle en abolissant la responsabilité solidaire, est-ce qu'on serait moins enclin à éviter les actes de négligence?

M. Walker: Comme je l'ai déjà indiqué, que la poursuite soit de 100 ou de 500 millions de dollars, le problème reste entier. Vous risquez de subir des pertes de cette ampleur. Les vérificateurs continueraient, à mon avis, à faire preuve de diligence dans leur travail. Ils pourraient faire l'objet de sanctions, et même être expulsés de leur profession, s'ils étaient jugés incompétents. Les poursuites coûtent très cher, peu importe le montant réclamé. Je ne crois pas que cela aurait un impact sur les normes professionnelles appliquées au Canada.

M. Broadhurst: Sénateur, nous parlons de montants très importants. Qu'il s'agisse d'une poursuite de 50 ou de 150 millions de dollars, elle attirerait votre attention.

Comme je travaille avec des professionnels qui sont exposés à des sanctions disciplinaires, je peux vous dire qu'ils attachent parfois plus d'importance à ces sanctions qu'aux dommages-intérêts. Le fait d'être expulsé de votre profession est quelque chose avec lequel vous devez vivre pendant longtemps. Tous les milieux, dont le nôtre, attachent une très grande importance à la discipline professionnelle.

Le sénateur Stewart: M. Broadhurst vient de parler des sommes énormes qui sont réclamées dans le cadre de poursuites.

Considérons les deux scénarios suivants. Dans le premier, le cabinet d'experts-comptables est reconnu coupable de négligence. Je dois dire que je ressens très peu de compassion pour le vérificateur ou le cabinet qui est visé.

Prenons l'autre scénario et retournons en arrière de quelques années. Une entreprise investit beaucoup d'argent dans le secteur immobilier. Les vérificateurs qui conseillent la compagnie affirment que le marché de l'immobilier est très fort et qu'il va probablement connaître un essor important. Dans ce cas-là, le vérificateur a donné à l'entreprise des conseils professionnels, pour reprendre l'expression de M. Broadhurst, les meilleurs conseils qu'il pouvait lui donner dans les circonstances. J'éprouve plus de compassion pour ce vérificateur-ci que pour celui qui est coupable de négligence.

Prenons ces exemples très simples, soit la négligence et les conseils professionnels qui s'avèrent inexacts. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de poursuites qu'il y a eu ou le montant des dommages-intérêts qui ont été réclamés dans chacun de ces deux cas? C'est important, parce que ma réaction varie selon la situation. J'ai très peu de compassion pour le vérificateur qui commet un acte de négligence. Mais dans l'autre cas, je suis d'accord avec M. Broadhurst. Le vérificateur a donné des conseils professionnels et tous les spécialistes de Bay Street et de Wall Street auraient été d'accord avec lui à ce moment-là. Cinq ans plus tard, on constate que les choses se sont passées autrement, que ce soit dans le secteur immobilier de Toronto ou dans celui de Tokyo.

M. Walker: Si nous vous avons donné l'impression que nous pensons que les vérificateurs négligents devraient être protégés, alors je m'en excuse. Nous n'avons pas la moindre compassion pour eux. Toutefois, ce que nous disons, c'est que le vérificateur devrait assumer sa part de responsabilité, mais non pas la part des autres. Nous n'avons aucune compassion pour les vérificateurs qui font preuve de négligence.

Le sénateur Stewart: Mais le vérificateur, compte tenu du statut de la profession, assume une plus grande part de responsabilité. On s'attend à ce que l'avocat défende son client de son mieux. L'ingénieur n'est pas soumis aux mêmes normes que le vérificateur. Votre profession est très respectable. Elle exige, dans un sens, que vous assumiez une plus grande responsabilité que ces autres personnes.

M. Walker: Je pense que le juge tiendrait compte de ce facteur au moment de fixer la part des dommages-intérêts que doit verser le vérificateur.

En ce qui concerne le secteur immobilier, je sais qu'il y a des cas très importants au Canada qui portent directement là-dessus. La valeur des biens immobiliers a baissé, et l'institution financière s'est retrouvée en difficulté. Dans ces cas, le vérificateur croyait sincèrement que la situation était attribuable à des «conditions économiques» qui n'existaient pas lorsqu'il a donné ses conseils. Néanmoins, comme l'a indiqué M. Broadhurst, cinq ou dix ans plus tard, tout le monde reconnaît que la valeur des biens immobiliers a chuté de 30 ou de 40 p. 100, ce qui fait que la compagnie a perdu tout son capital. Les vérificateurs savent qu'ils doivent démontrer qu'ils ont bien fait leur travail, qu'ils peuvent être poursuivis sous le régime de responsabilité solidaire. Ils savent aussi que bon nombre des autres intervenants, comme par exemple les évaluateurs de biens immobiliers et les conseillers en placements, n'auront pas à rembourser grand chose, que se sont eux, de même que les assureurs, qui risquent d'être tenus solidairement responsables de la faute qui a été commise. Tout cela les incite, au bout du compte, à négocier un règlement. Nous ne sommes pas vraiment assurés pour les années à venir. Toutefois, un certain nombre de réclamations datent de l'époque où nous l'étions. Il y a aussi les assureurs qui disent: «Réglez cette affaire. Nous convenons que vous ne devriez pas verser de dommages-intérêts, que cette situation économique s'est produite après que vous avez déposé vos états financiers, mais nous ne croyons pas être en mesure d'aller plus loin et de continuer à payer tous ces frais.» On finit donc par négocier un règlement. Bien qu'il ait donné des conseils fiables à l'époque, le vérificateur finit par payer. La responsabilité solidaire représente une menace tellement grande que nous finissons par payer.

M. Broadhurst: Comme l'a mentionné M. Walker, le problème se pose uniquement lorsqu'il y a plusieurs défendeurs. S'il n'y a qu'un seul défendeur et que le juge estime qu'il a fait preuve de négligence, si les dommages-intérêts sont fixés à 10 millions de dollars, nous devons les payer. C'est lorsqu'il y a plusieurs codéfendeurs que les choses se compliquent, par exemple lorsque des directeurs font l'objet de poursuites, une situation qui se produit de plus en plus depuis quelques années. Les directeurs ont de grosses responsabilités. Votre comité s'est déjà penché là-dessus.

Certains témoins qui ont comparu devant la commission Estey, à l'époque où elle examinait les faillites bancaires, ont laissé entendre que les directeurs et les comités de vérification faisaient l'objet de critiques très sévères. C'est dans ces cas-là qu'il faut fixer le degré de responsabilité de chacun. Si notre responsabilité est de 25 p. 100, celle des directeurs de 75 p. 100, et que les directeurs ne peuvent payer qu'une petite partie des dommages-intérêts réclamés, nous ne devrions pas avoir à assumer le reste. Nous devrions payer notre part, qui est 25 p. 100 des dommages, et ne pas être considérés comme les assureurs de ces directeurs.

Or, c'est ce qui se produit lorsqu'il y a plusieurs défendeurs. Encore une fois, lorsqu'il n'y a qu'un seul défendeur, le vérificateur devrait payer la totalité des dommages-intérêts. Toutefois, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, les tribunaux devraient alors décider quelle est notre part de responsabilité. Nous devrions payer notre part et vivre avec les conséquences. Si les autres parties ne sont pas en mesure de payer, c'est leur problème.

Le sénateur Stewart: Allez-vous répondre à ma question? Pouvez-vous nous dire pour combien de cas la négligence du vérificateur était en cause -- vous êtes responsable ou non, en raison de votre négligence -- et pour combien de cas ce sont les conditions économiques qui l'étaient?

M. Broadhurst: Dans chaque cas où la publication d'informations financières est en cause, les vérificateurs sont considérés comme des défendeurs, pour une raison ou une autre. La plupart des affaires plus importantes visent la fonction de vérification. Autrement dit, ils affirment qu'ils se sont fiés à des informations financières inexactes pour prendre des décisions de placement. C'est l'argument qu'ils invoquent dans la plupart des cas. Il y avait sur le marché des données financières inexactes, quelqu'un s'en est inspiré, et il a subi des pertes. Les vérificateurs sont visés dans tous les cas.

Le sénateur Stewart: Vous semblez dire que lorsque des conseils professionnels sont donnés en toute bonne foi et qu'ils s'avèrent inexacts, on a tendance à parler de négligence.

M. Broadhurst: Oui. Lorsqu'on évalue les pertes sur prêts qu'une banque pourrait subir, on se fonde sur un jugement professionnel. Lorsque, trois ans plus tard, le prêt n'est pas remboursé, on retourne en arrière et on essaie de recréer la situation qui existait il y a trois ans en vue de déterminer si le jugement professionnel était approprié ou non. C'est dans ce genre de situation que le jugement professionnel peut être remis en question.

M. Walker: Ce n'est pas tout. On affirme non seulement qu'il y a eu négligence, mais parfois aussi qu'il y a eu fraude. On dit que le vérificateur s'est entendu avec la direction pour produire des états financiers peu fiables.

Le sénateur Callbeck: Pour revenir à la question du sénateur Stewart, disons que, d'après une vérification qui a été effectuée le 31 mars, par exemple, la valeur des biens mobiliers a été fixée à 10 millions de dollars. Tout laissait à penser à l'époque que le climat économique était bon, ainsi de suite. Six mois plus tard, le marché s'effondre et ces biens ne valent plus que 2 millions de dollars. Si j'ai bien compris, les vérificateurs pourraient faire l'objet de poursuites dans ces cas-là?

M. Walker: Probablement. Souvent, lorsque des institutions financières consentent des prêts sur des biens immobiliers, elles constatent que la valeur de ces biens diminue, et que le prêt garanti ne vaut plus rien. Le vérificateur peut faire l'objet de poursuites parce que l'institution de prêt va laisser entendre que le prêt avait été mal évalué. C'est une question d'une portée très vaste.

Le sénateur Callbeck: Combien de cas sont attribuables à la négligence pure et simple, et combien sont attribuables au genre de situation que j'ai décrite, où les vérificateurs négligent de déceler les erreurs dans les renseignements qui leur sont fournis, comme dans le cas des biens immobiliers?

M. Walker: Un des problèmes tient au fait que la vérification est une procédure très complexe. Souvent, on va se rendre compte, avec du recul, qu'un des aspects de la vérification aurait pu être mieux fait. Par conséquent, il est très facile pour un autre professionnel de dire: «Je l'aurais fait différemment. Le vérificateur a fait preuve de négligence.» Cette erreur n'a pas toujours pour effet d'acculer l'entreprise à la faillite. Néanmoins, le vérificateur est extrêmement vulnérable parce qu'un autre professionnel a été en mesure de dire qu'il n'aurait pas fait les choses de cette façon ou qu'il n'aurait pas posé le même jugement s'il avait appliqué des normes de prudence raisonnables.

Il est difficile de dire qu'il y a un nombre de cas «x» qui supposent de la négligence et un nombre de cas «x» qui touchent au jugement professionnel. C'est, à mon avis, une considération raisonnable. Au bout du compte, vous réglez beaucoup de ces causes. Vous abandonnez presque la partie, surtout à cause des pressions exercées par les assureurs qui veulent se débarrasser de l'affaire et la régler au plus vite. Il est trop coûteux de poursuivre.

Très souvent, lorsqu'il y a règlement, il n'est pas fait mention de culpabilité ou de responsabilité. Vous vous contentez de payer. Cet argent est distribué et vous êtes libéré de toute obligation à l'égard de cette affaire.

Je ne crois pas que des statistiques relatives au nombre de cas supposant la négligence et au nombre de cas touchant au jugement professionnel nous aideraient beaucoup. Le monde a changé; les cycles économiques ont changé.

Il suffit d'examiner les réclamations contre les vérificateurs pour s'apercevoir qu'elles se produisent parallèlement aux cycles économiques. En période de boom, les choses vont bien, mais dès que la situation se dégrade, les poursuites contre les vérificateurs se multiplient, parce que les institutions financières et les autres grandes sociétés se heurtent à des difficultés financières.

Le sénateur Stewart: Cette observation est fort intéressante. Les vérificateurs sont sensés être meilleurs prophètes que le marché.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit qu'aux États-Unis, 30 États prévoient diverses formes de responsabilité proportionnelle. Cela a-t-il permis d'apaiser les inquiétudes des vérificateurs à l'égard de la responsabilité?

M. Broadhurst: Le genre de réforme instaurée par la Litigation Reform Act au palier fédéral a certainement apaisé les inquiétudes des vérificateurs. Si un vérificateur est un codéfendeur mineur et qu'il est responsable à 5 ou 10 p. 100, il est plus probable maintenant qu'il conteste l'action et laisse le procès suivre son cours jusqu'au jugement. Auparavant, s'il se sentait responsable à 5 ou 10 p. 100, contester l'action lui faisait courir le risque d'avoir à payer 100 p. 100.

Beaucoup d'États adoptent diverses variations de cette approche. Plusieurs sont exposées dans votre document d'examen des options. Pour l'instant, il s'agit d'instaurer une façon uniforme de juger ces causes -- en d'autres termes, de rendre la loi des États conforme à la loi fédérale de manière à éviter toute situation comme celle de la Californie où tout le monde se met à intenter des poursuites. Les États-Unis veulent que le bon sens l'emporte dans le cas de poursuites commerciales. La tendance est de rendre la loi des États conforme à la loi fédérale; il s'agit d'un processus long et pénible. Toutefois, 30 États reconnaissent que la responsabilité solidaire n'est pas toujours la solution. C'est ce que je voulais dire.

Le sénateur Callbeck: Je voulais parler des investisseurs avertis et non avertis, mais nous avons discuté assez longuement de cette question. À l'instar de beaucoup d'autres sénateurs, je me demande à ce propos si c'est la valeur nette qui devrait permettre de faire cette distinction. Si oui, le chiffre de 100 000 $ est à mon avis très bas.

Le sénateur Kelleher: D'après notre discussion de ce matin, il me semble que nous commençons à nous enliser. Nous nous sommes mis à parler des investisseurs avertis et non avertis. Vous pouvez voir, d'après les questions posées ce matin, que cela risque de ne pas fonctionner, malgré vos meilleures intentions. Je me demande pourquoi nous n'adoptons pas le système simple qui existe dans le cas de nos banques et qui prévoit une limite de 60 000 $. Nous vous assurons jusqu'à concurrence de ce montant et ensuite, c'est à vous de vous débrouiller. Pourquoi ne pas dire que jusqu'à concurrence d'un certain montant, vous êtes solidairement responsable et qu'après une certaine limite -- comme n'importe quel genre de coassurance -- vous pouvez avoir recours à la notion de responsabilité proportionnelle? Vous opposeriez-vous à une telle approche? Peut-être pourriez-vous prendre le temps de l'examiner. D'après nos questions de ce matin, j'ai l'impression que vous aurez quelques problèmes, malgré vos meilleures intentions.

M. Walker: Nous en avons conclu qu'un montant n'était pas nécessairement le meilleur indicateur. Nous pensons qu'un régime pourrait probablement s'appliquer en fonction de montants fixés. Là encore, pour certains, ce serait une justice à l'état brut.

Pour répondre brièvement à la question du sénateur Oliver sur les régimes REER et les pensions, nous en avons débattu. C'est une question que votre comité pourrait examiner si vous souhaitez ajouter les REER à la liste des exclusions. Je ne vous encourage pas à le faire, mais cela reste une option si vous pensez que c'est important pour le Canadien moyen.

Nous pourrions envisager une limite comme celle de la SADC, fixée à 50 000 $. Au-delà, tout le monde serait exposé au risque. Toutefois, nous ne sommes pas sûrs que ce soit la meilleure façon de juger si quelqu'un est averti ou non. De toute évidence, un test QI ne serait pas acceptable. Il faut prendre un montant monétaire en compte.

Le sénateur Kelleher: L'approche SADC permettrait d'éviter ce problème. La SADC prévoit une norme que le public semble accepter et qui place les déposants dans une meilleure position. Si vous adoptiez cette approche, vous n'auriez pas le problème atroce de décider qui est averti et qui ne l'est pas. Les investisseurs doivent le savoir, tout comme lorsqu'ils déposent leur argent.

Je soumets ce point à votre réflexion. Si vous pensez qu'il est fondé, j'aimerais que vous nous l'indiquiez sous forme d'addenda de manière à ce que nous ayons une telle option. J'ai le sentiment que l'autre approche que vous préconisez vous causera des problèmes.

M. Broadhurst: Nous allons donner suite à votre demande. Notre proposition s'appuie sur ce qui nous est apparu comme une préoccupation exprimée au cours de vos audiences. Nous avons essayé de nous concentrer sur un point particulier.

Le sénateur Kelleher: Je ne dénigre pas vos bonnes intentions.

M. Broadhurst: Si le problème pouvait être réglé par l'approche SADC, je crois qu'effectivement elle serait plus facile à appliquer. Elle permettrait en général de répondre au critère que nous proposons.

Le sénateur Kelleher: Le principe demeure, mais la façon dont vous faites le calcul pourrait vous éviter des ennuis.

Le sénateur Angus: Il existe une autre approche que vous pourriez envisager, car j'entrevois beaucoup de problèmes à l'égard de l'approche SADC. Non seulement la SADC doit-elle tenir compte de l'inflation, mais elle est également confrontée à d'autres problèmes.

J'ai toujours été en faveur d'une disposition de sous-traitance. Je sais très bien qu'il existe d'autres lois, soit des lois régissant les professions, soit des lois provinciales, qui vous empêchent de faire de la sous-traitance.

Le président: Pour ceux d'entre nous qui ne sommes pas avocats, pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par «sous-traitance»?

Le sénateur Angus: Dans un contrat de services professionnels, une clause stipule...

M. Walker: Notre responsabilité est limitée à 10 fois les honoraires, ou quelque chose d'approchant.

Le sénateur Angus: Ou les parties conviennent que, si elles sont déclarées responsables de négligence, la responsabilité sera proportionnelle; si elles sont déclarées responsables de leurs actes, il y aura une limite de 100 000 $. Je sais que l'on se demande comment cela pourrait s'appliquer aux tiers, mais je crois qu'il y a une façon de le faire. Je me demande si nous ne pouvons pas envisager cette solution.

M. Broadhurst: Un autre problème se pose à cet égard, à propos des États-Unis. Beaucoup de nos grandes sociétés sont actuellement enregistrées auprès de la SEC et sont cotées en bourse. D'après les règles de la SEC, il semble qu'il y ait interdiction de ce genre de lien contractuel entre le vérificateur et la société. Vous avez déjà soulevé le problème des tiers.

Le sénateur Angus: Je suis conscient du problème de la SEC également. J'ai pensé que nous devrions aborder la question sous cet angle, puisque vos préoccupations sont légitimes. Personne ne semble nier qu'il y a un véritable problème, non pas seulement pour les vérificateurs, mais aussi pour d'autres professionnels. En plus des problèmes soulevés par le sénateur Kelleher, le fait que votre proposition très créative soit étroitement concentrée sur un point particulier risque d'empêcher sa mise en application.

Si votre proposition était acceptée comme modification à LCSA, est-il prouvé ou croyez-vous que vous auriez accès à plus de possibilités en matière d'assurance?

M. Walker: Je n'en doute absolument pas. J'ai des entretiens approfondis avec nos assureurs depuis bon nombre d'années. Il y a déjà 20 ans probablement, ils m'ont dit que la responsabilité solidaire était le plus gros problème au Canada. Ils m'ont dit qu'ils payaient trop par suite de ce genre de responsabilité, tant et si bien qu'ils devaient augmenter nos primes. La situation en est arrivée au point où on ne pouvait plus contracter d'assurance sur le marché. Je crois que nos assureurs estiment que le marché va reprendre si la responsabilité solidaire disparaît ou si elle est modifiée par une forme de responsabilité proportionnelle.

Le sénateur Angus: J'imagine que vous êtes tous d'accord?

M. Broadhurst: Sous réserve d'une condition: le marché ne va pas reprendre instantanément. Les gens voudront voir comment se déroulera la suite des événements, mais ils ont l'impression que le marché reprendrait.

Le sénateur Angus: C'est une question difficile, puisque le marché de l'assurance devient plus déprimé en ce moment. Toutefois, beaucoup d'assureurs cherchent des clients professionnels, alors que jusqu'à tout récemment, ils n'en cherchaient pas et ce, pour toutes sortes de raisons. Je sais que nous parlons ici du principe, mais je ne suis pas sûr que le problème de la non-assurabilité sera votre meilleur argument. Il y a d'autres raisons logiques.

Le président: Lorsqu'ils accordent un avantage à certains, les politiciens veulent souvent obtenir quelque chose en retour. Si je comprends bien, les changements apportés à la loi fédérale américaine en 1995 prévoient des mesures additionnelles en matière de responsabilité pour la profession de vérification. Je ne dirais pas nécessairement qu'elles sont imposées en contrepartie de la responsabilité proportionnelle modifiée, mais elles ont été prévues simultanément, même si elles n'ont pas été exigées en contrepartie du nouveau concept de responsabilité. Pourriez-vous nous dire quelles sont ces mesures additionnelles en matière de responsabilité et comment vous réagiriez à une telle proposition dans le contexte canadien?

M. Rayner: Que ces mesures soient additionnelles ou prévues à titre de compensation est discutable.

Le président: Les deux événements se sont produits en même temps.

M. Rayner: Quelques dispositions ont été prévues en plus de la responsabilité proportionnelle. L'une portait sur les informations financières prospectives et prévoyait ce qu'on appelle la règle refuge.

Deuxièmement, une partie de la loi -- et cela visait les vérificateurs -- prévoyait la responsabilité de signaler toute fraude détectée.

Dans tous les cas, ce que prévoit cette loi n'est pas complètement différent de ce qui se passe au Canada. Par exemple, il suffit d'examiner les lois sur les institutions financières au Canada et d'y interpréter les dispositions de bien-être pour s'apercevoir qu'elles sont semblables.

Le président: Elles ont été modifiées lors des dernières révisions.

M. Rayner: D'après nous, les exigences actuelles au Canada en ce qui concerne la responsabilité du vérificateur en matière de fraude ne sont pas bien différentes de ce qu'impose cette loi aux États-Unis.

Le président: En fait, au Canada les changements n'ont pas été apportés simultanément, mais en rapport avec la Loi sur les institutions financières.

M. Rayner: La loi américaine a précisé qu'il fallait signaler toute fraude à la Securities Exchange Commission dans certaines circonstances. En même temps -- fait intéressant, de notre point de vue -- elle prévoit également que si un vérificateur se trouve dans une position où il doit signaler un acte illégal ou une fraude, il sera à l'abri de toute responsabilité civile du fait de ce signalement à la SEC.

Cela se rapporte donc légèrement à la question de responsabilité, mais cela semble plutôt être des mesures additionnelles. D'après ce que me disent mes connaissances aux États-Unis, ces mesures ne figurent pas dans la loi à titre de compensation. Elles y figurent apparemment parce qu'un sénateur ou un député l'a demandé.

Le président: Ce sont des mesures concomitantes plutôt que des mesures prévues à titre de compensation.

M. Rayner: C'est l'impression que nous en retirons.

Le président: Au nom du comité, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Vous conviendrez sans doute que nous avons discuté à fond de votre proposition.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous rappelle que mardi, nous nous réunissons à 9 h 30. Nous recevrons des témoins du Bureau du surintendant des institutions financières.

Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, à cet égard, cette loi pose des problèmes relatifs à l'écoulement des produits excédentaires, ainsi qu'en témoigne le récent exemple de la restructuration de la société Eaton. C'est toujours un problème. On nous dit -- je ne le sais pas moi-même -- que les employeurs s'inquiètent d'une perception d'injustice.

Le président: Je comprends la question.

Le sénateur Kelleher: J'espère que nos attachés de recherche vont nous guider et nous conseiller de manière à ce que nous ayons quelques témoins qui soient en mesure de débattre de cette question.

Le président: C'est exactement ce que nous avons prévu pour le deuxième jour. Nous avons invité des représentants du Congrès du travail du Canada qui défendent un aspect de cette question, et un groupe d'employeurs qui en défendent un autre. Nous n'avons pas encore reçu de réponse de leur part. Nous espérons toutefois qu'ils comparaîtront jeudi prochain.

Le sénateur Kelleher: Je voulais simplement soulever ce point.

Le président: Nous leur avons demandé de venir. S'ils décident de ne pas venir, nous ne les verrons pas. Ils sont au courant des audiences.

La séance est levée.


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