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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 19 novembre


OTTAWA, le mercredi 19 novembre 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner l'état du système financier canadien (investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous accueillons ce soir deux groupes de témoins dans le cadre de notre étude permanente sur le rôle des investisseurs institutionnels sur le marché canadien. Les premiers témoins représentent l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite. Il s'agit de Gretchen Van Riesen, Russell Hiscock et Donald Walcot. On vous a fait circuler leur mémoire il y a quelques jours. Les témoins commenceront, comme c'est l'usage au comité, par une brève déclaration, puis nous passerons aux questions.

Je vous remercie d'être des nôtres ici ce soir. Nous tenions à entendre vos témoignages dès le début de notre étude. Vous avez la parole.

M. Donald T. Walcot, vice-président exécutif et chef des placements, Bimcor Inc., Montréal, Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite: Monsieur le président et honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de nous donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de cet important processus de consultation. Bimcor est l'organisme gestionnaire des fonds de retraite de BCE. En plus d'être l'investisseur principal de Bimcor, je suis l'un des directeurs de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite et président de son comité des relations gouvernementales. L'Association est l'entité qui représente les organismes gestionnaires de fonds de retraite du Canada dans le domaine de l'investissement des fonds de retraite et des affaires connexes. L'Association représente actuellement 123 organismes gestionnaires de fonds de retraite qui gèrent collectivement près de 400 milliards de dollars d'actifs au nom de 6,5 millions de bénéficiaires. Quarante-sept de ces organismes représentent des fonds publics et 78 des fonds de sociétés du Canada.

Les chiffres cités dans le mémoire et le précis de l'Association que nous vous avons remis remontent au 31 décembre de l'année dernière. Le nombre de membres de l'Association augmente régulièrement et les données que je viens de vous fournir sont plus récentes.

Les organismes membres de l'Association gèrent plus de 350 fonds de retraite dont pratiquement 90 p. 100 sont des régimes à prestations déterminées, c'est-à-dire où les pensions sont calculées en fonction du nombre d'années de service et des gains moyens. Par conséquent, il incombe aux gestionnaires des actifs d'obtenir un rendement de leurs investissements qui soit suffisant pour assurer le versement des pensions. Pour situer cette responsabilité dans son contexte, on calcule que 85 p. 100 de chaque chèque de pension sont financés par un rendement du capital investi plutôt que par les cotisations. C'est pourquoi l'investissement effectif des avoirs est crucial à long terme.

D'autres investisseurs institutionnels comparaîtront devant vous. Il importe de faire la distinction entre les fonds de retraite que nous représentons et les fonds mutuels, par exemple. Les actifs des fonds de retraite sont investis à très long terme et administrés pour faire face aux engagements pris, à savoir le versement des pensions.

La structure des obligations des fonds de retraite varie d'un fonds à l'autre en fonction de la proportion de membres en activité et de bénéficiaires retraités. Les fonds qui comptent une majorité d'employés peuvent adopter une stratégie d'investissement plus dynamique tandis que ceux ayant davantage de bénéficiaires retraités doivent adopter une approche plus équilibrée. Par contre, les fonds mutuels investissent leurs actifs selon une politique de placement établie et pour maximiser le rendement.

Par ailleurs, les fonds de retraite ont tendance à garder certains investissements plus longtemps en raison d'une très longue période de calcul. Les fonds de retraite ont des ratios de rotation de portefeuilles plus faibles que les autres investisseurs institutionnels et le volume des avoirs individuels peut être très important. Ces facteurs incitent les gestionnaires de fonds de retraite à encourager les sociétés émettrices à valoriser les avoirs des actionnaires plutôt qu'à simplement aliéner leurs actions.

Contrairement à l'industrie des fonds mutuels, les fonds de retraite ne sont pas concurrentiels. Leur objectif premier est d'obtenir un rendement suffisant pour répondre aux obligations prévues et non d'attirer des investisseurs. Dans un fonds de retraite, la répartition des actifs parmi différentes catégories d'actifs est une décision qui est réexaminée moins souvent que dans un fonds mutuel, et les fonds de retraite arrivent rarement à réagir aux événements économiques prévus. Autrement dit, les fonds de retraite réunissent rarement des fonds en prévision d'une baisse du marché, comme c'est le cas pour les fonds mutuels. Ils s'en tiennent généralement à leurs objectifs.

Donc, ce qui distingue les fonds de retraite des fonds mutuels, c'est que les fonds de retraite prennent un engagement à relativement long terme pour chaque investissement et font preuve de plus de patience dans l'accroissement des avoirs des actionnaires. Comme ses membres les plus importants ont manifesté de plus en plus d'intérêt pour la régie d'entreprise, l'Association a constitué un comité de régie d'entreprise en 1991 pour mieux sensibiliser ses membres à l'importance des questions relatives à la régie d'entreprise. Le comité a élaboré et publié les normes de l'Association sur la régie d'entreprise pour guider ses membres lorsqu'ils votent par procuration sur des initiatives d'entreprise litigieuses.

L'Association a également établi un calendrier des votes par procuration qui informe les membres des points à l'ordre du jour des prochaines réunions de la société. Dans ses discussions sur les activités de régie d'entreprise des fonds de retraite, l'Association a reconnu qu'il existe une méconnaissance générale du mode d'administration des régimes de pension mêmes. Afin de remédier à cette situation et de guider toutes les organisations qui gèrent des fonds de retraite, l'Association a mis au point son propre modèle d'administration des régimes de retraite.

J'aimerais prendre un moment pour discuter des éléments de ce modèle avant d'aborder l'expérience de l'Association en ce qui concerne les activités de régie d'entreprise de ses membres.

Le président: Chers collègues, ce document renferme un diagramme que nous expliquera M. Walcot. Vous aurez probablement plus de facilité à suivre si vous consultez le diagramme.

M. Walcot: C'est exact. Il présente les différents éléments du modèle.

À la mi-mars de cette année, l'Association a remis à votre comité et à vos attachés de recherche des copies de ce modèle. Il a été créé en réponse à l'absence patente de directives autorisées sur la bonne administration des régimes de retraite. La plupart des fonds de retraite sont en réalité organisés selon le modèle proposé par l'Association, sans toutefois refléter tous les détails énoncés dans le modèle.

Il s'agit de l'unique document de ce genre au monde et nous sommes impressionnés par l'intérêt manifesté par les spécialistes ici et à l'étranger à l'égard de notre travail. À titre d'exemple, le Council of Institutional Investors de Washington D.C. a distribué 500 exemplaires du modèle à ses membres.

Ce modèle part du principe qu'une structure administrative doit être basée sur le contrat de retraite et que l'objectif premier d'un fonds de retraite est d'administrer les actifs pour faire face à ses engagements. L'organe directeur a une obligation fiduciaire envers les bénéficiaires du régime, c'est-à-dire honorer le contrat de retraite. Le choix des membres de cet organe est donc d'une importance primordiale. Chacun d'entre eux doit posséder les compétences voulues, être prêt à accepter les responsabilités qui découlent de l'obligation fiduciaire et n'avoir aucun lien avec la direction du régime de retraite.

Le modèle énonce le principe en fonction duquel les responsabilités sont partagées entre les fiduciaires et les responsables de la gestion concrète. Il souligne également l'importance d'exercer une surveillance pour s'assurer que les objectifs des fonds sont atteints de façon efficace et que la structure conserve l'efficacité voulue pour permettre au régime d'honorer le contrat de retraite.

J'aimerais discuter de l'expérience des membres de l'Association en matière de régie d'entreprise. Les normes de régie d'entreprise de l'Association ont d'abord été publiées en 1993 pour guider les membres dans leur examen des questions litigieuses à l'ordre du jour des réunions des sociétés dans lesquelles ils ont investi. L'augmentation du volume de portefeuille d'actifs des investisseurs institutionnels dans des entreprises individuelles a incité ces investisseurs à mettre davantage l'accent sur la régie d'entreprise.

Comme vous pouvez le constater d'après notre mémoire, l'actif total des fonds de retraite a augmenté de 75 p. 100 dans les cinq années qui ont mené à 1996. Leur participation au capital a augmenté de 133 p. 100 au cours de la même période, comparativement à une augmentation de la capitalisation boursière à la Bourse de Toronto de l'ordre de 67 p. 100.

Vous pouvez comprendre le dilemme auquel est confronté un investisseur institutionnel qui détient une proportion importante du capital-actions d'une société. Il n'y a pas si longtemps, il était facile pour des investisseurs insatisfaits des résultats de l'entreprise de prendre une décision: ils n'avaient qu'à vendre les actions sur un marché liquide. Aujourd'hui, ce n'est pas toujours aussi simple et un grand nombre de fonds de retraite se voient dans l'obligation de collaborer avec l'entreprise pour l'aider à améliorer son rendement à long terme.

Cela dit, un grand nombre de membres de l'Association, particulièrement les plus petits, considèrent toujours qu'ils peuvent effectivement disposer de leurs investissements sans faire baisser les cours. C'est la procédure habituelle à laquelle ont recours bon nombre des membres de l'Association, lorsque la performance laisse à désirer.

Cependant, pendant la période où les actions d'une société sont détenues par un actionnaire important, les décisions que prend la société sont très importantes tant pour la société que pour l'actionnaire. Le processus de votes par procuration est donc un moyen de communication entre l'investisseur et la société. Un sondage effectué auprès des membres de l'Association, dont les résultats sont détaillés dans ce mémoire, indique les aspects qui suscitent le plus d'intérêt et de préoccupation.

Ces résultats sont intéressants parce qu'ils indiquent l'importance relative des questions concernant la régie d'entreprise parmi un groupe assez important et diversifié d'investisseurs institutionnels.

Il importe de bien comprendre que les opinions exprimées par l'ensemble des membres de l'Association diffèrent nettement des rapports isolés que vous avez peut-être reçus à propos de l'intervention des fonds de retraite dans la régie d'entreprise. On aurait tort d'attribuer l'intérêt pour la régie d'entreprise et le degré de subtilité dont ont fait preuve d'importants régimes de retraite publics à l'ensemble du secteur des régimes de retraite. Cela dit, l'Association estime que les investisseurs institutionnels, grands ou petits, publics ou privés, cherchent avant tout à ce que le vote par procuration appuie de bonnes pratiques de régie d'entreprise qui se traduiront par une amélioration des résultats et partant par l'augmentation des avoirs des actionnaires envers lesquels ils ont une obligation fiduciaire.

Il n'y a pas lieu de s'inquiéter de l'activisme des investisseurs institutionnels; on devrait plutôt y voir une façon de concentrer l'attention de la direction sur les activités qui favorisent une amélioration des résultats. Après tout, cela devrait être l'objectif commun, aussi bien des entreprises que de leurs actionnaires.

Cela met fin à nos remarques préliminaires. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions ou d'aborder tout aspect qui relève de notre compétence. Comme nous représentons l'Association et l'expérience de ses membres collectivement, nous ne sommes pas en mesure de discuter des initiatives particulières de certains membres, mais chacun d'entre nous est disposé à commenter les expériences au sein de nos propres organisations.

Le président: Je vous remercie, monsieur Walcot. Vous pourriez peut-être simplement définir certains des termes que vous avez utilisés dans votre présentation. Vous avez indiqué qu'il était important que les fiduciaires n'aient aucun lien avec la direction. Qu'entendez-vous au juste par cela? Il y a environ une dizaine d'années, ce comité, alors sous la présidence du sénateur Murray, avait défini ce que l'on entendait par un directeur de banque indépendant, et le gouvernement de l'époque avait fini par accepter cette définition. Elle avait toutefois donné lieu à un débat assez animé parmi les membres du comité et entre nous et les banques. Il pourrait être utile que vous nous donniez un peu plus de précision à ce sujet.

Deuxièmement, vous avez indiqué qu'il n'est plus forcément simple de vendre un bloc d'actions sur un marché ouvert. Vous avez parlé de «collaborer avec l'entreprise en difficulté.» Qu'entendez-vous par «collaborer»?

Troisièmement, vous avez parlé du calendrier des votes par procuration. Ce calendrier pourrait avoir l'un de deux objectifs. Il pourrait simplement servir à renseigner les gens à propos de certaines questions devant faire l'objet d'un vote par procuration mais il pourrait s'agir également -- puisque nous fonctionnons tous par vote, si je puis dire -- d'un moyen très efficace d'obtenir un bloc important de votes sur une question devant faire l'objet d'un vote par procuration, puisque vous pourriez fournir la même information à tout le monde.

Ma question est la suivante: s'agit-il d'un service d'information ou d'un service destiné à réunir divers blocs? Il n'y a rien de mal à cela. J'essaie simplement de déterminer quel est l'objectif de ce calendrier.

M. Walcot: Pour répondre à votre dernière question en premier, ce calendrier est essentiellement un document qui énumère plusieurs questions. Ces questions sont accompagnées d'un commentaire indiquant si elles sont controversées ou non. C'est donc une façon d'attirer l'attention sur ces questions.

Nous nous servons de ce document dans notre bureau pour souligner les questions que nous devrions examiner. Il n'est pas question de grouper quoi que ce soit. Rien n'est communiqué sur le nombre de gens qui votent d'une façon ou d'une autre. Ce n'est pas l'objet de ce document. Comme nous recevons un grand nombre de votes par procuration chaque jour, c'est un moyen d'indiquer les questions qui devraient être portées à notre attention.

Le président: C'est donc un service d'information. La plupart d'entre nous autour de cette table serions portés à nous servir d'un tel document pour former des coalitions. Je suis étonné que vous ne le fassiez pas.

M. Russell J. Hiscock, directeur des investissements, Division des investissements du CN, Montréal, Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite: Pour faire écho aux commentaires de M. Walcot, non seulement s'agit-il d'un service d'information mais c'est également un service d'information unilatéral. La grande majorité des questions devant faire l'objet de votes par procuration sont des questions tout à fait courantes. L'information que nous recevons sur ces votes par procuration nous indique s'il s'agit de questions courantes ou de questions qui sortent de l'ordinaire. Chaque investisseur individuel décide alors de la mesure à prendre une fois qu'il a examiné la question devant faire l'objet d'un vote par procuration. Cette décision n'est toutefois par retransmise à une institution centrale.

Mme Gretchen Van Riesen, directrice générale adjointe, Stratégie sur les pensions et les avantages sociaux, CIBC, Toronto, Association canadienne des gestionnaires des fonds de retraite: Nous ne voyons pas l'intérêt de le faire. Je n'ai jamais entendu qui que ce soit de notre secteur manifester de l'intérêt -- c'est-à-dire les gestionnaires des fonds de retraite -- en tant que promoteur d'un régime, pour une forme quelconque de coalition. À notre connaissance, cela n'existe tout simplement pas.

Le président: Je me réserve le droit de revenir sur la question suivante: compte tenu de toute la documentation que vous avez publiée sur ce qui constitue, selon vous, une bonne régie d'entreprise et compte tenu de l'importance que vous attachez à une bonne régie d'entreprise, il existe sans doute des arguments qui militent en faveur de la formation d'une coalition puisqu'elle permettrait d'exercer une plus grande influence que chacun d'entre vous ne pourrait le faire individuellement. Nous y reviendrons plus tard.

M. Walcot: La deuxième question porte sur la vente d'actions ou la collaboration avec une société en difficulté. Je tiens tout d'abord à répéter qu'un grand nombre de membres de l'Association, particulièrement les plus petits, considèrent toujours qu'ils peuvent effectivement disposer de leurs investissements sans faire baisser les cours. Pour la majorité des membres de l'Association, la réaction courante est de vendre plutôt que de collaborer.

En ce qui concerne la collaboration avec une société en difficulté, d'après mon expérience personnelle, lorsque la direction organise des entrevues avec des investisseurs éventuels, ils en profitent souvent pour tâter le terrain avec nous pour voir s'ils doivent restructurer ou repenser leur stratégie. À ce moment-là -- et nous ne parlons qu'en notre nom propre -- nous leur indiquons souvent ce que nous pensons de certaines stratégies qu'ils proposent. Parfois, ils disent qu'ils devraient s'orienter davantage vers le détail et abandonner les services financiers, ce genre de choses.

C'est une façon de collaborer. Je ne suis pas au courant d'autres détails sur cet aspect. Nous sommes des vendeurs de valeurs mobilières plutôt que des gens qui règlent des problèmes.

Le président: Vous décrivez une situation où une société s'adresse à vous pour vous demander ce que vous pensez d'un changement d'orientation. Y a-t-il des cas -- et cela ne serait-il pas logique -- où vous proposez vous-même une idée à la société? En d'autres mots, vous contentez-vous de réagir à leurs idées ou leur proposez-vous certaines de vos idées?

M. Walcot: J'ai pour principe uniquement de réagir. Je ne prends jamais l'initiative. Nous ne faisons pas de démarche auprès de la direction. Je parle au nom de Bimcor pour l'instant. Nous ne leur proposons pas de changement; nous réagissons simplement à leurs idées.

Le président: Puis-je avoir l'opinion de vos deux collègues à ce sujet, en tant que gestionnaires de fonds de retraite et non pas comme porte-parole de l'Association, évidemment.

M. Hiscock: Il arrive que nous demandions à l'occasion d'une réunion avec une entreprise, ce qui se passerait si l'on optait pour une certaine ligne de conduite. Selon mon expérience, nous n'avons jamais convoqué de réunion, ni écrit de lettre, ni fait quoi que ce soit pour inciter une société à prendre des mesures particulières.

Mme Van Riesen: Notre organisation compte entièrement sur les gestionnaires externes pour exercer ses votes par procuration et pour résoudre directement tous les problèmes qu'ils ont avec les sociétés dans lesquelles ils investissent en notre nom. Nous n'avons jamais directement affaire aux entreprises dans lesquelles notre fonds de retraite investit.

Le président: Sans aller trop dans les détails, pourriez-vous nous dire pourquoi vous privilégiez la solution des gestionnaires externes? Est-ce parce que vous gérez un fonds de retraite? Ou est-ce pour une autre raison philosophique?

Mme Van Riesen: C'est probablement un peu de tout cela. Notre décision de recourir à des gestionnaires externes est peut-être surtout attribuable au fait que nous n'avons jamais développé de capacité interne à cet égard. J'hésite à vous dire cela parce que cette capacité a déjà existé. Cette fonction a été vendue et forme maintenant une entreprise dont nous sommes propriétaires en partie mais pas entièrement. Nous considérons cette entreprise comme un fournisseur externe. Nous faisons également appel à deux autres gestionnaires indépendants. Nous comptons beaucoup sur leurs conseils.

On peut vouloir, pour des raisons philosophiques, gérer à l'interne l'argent qui nous est confié, mais nos fiduciaires ont décidé de recourir à des conseillers de l'extérieur au lieu de développer une capacité interne, contrairement au choix que mes deux collègues ont fait d'investir une partie de l'argent à l'interne.

Le président: Pouvez-vous définir le terme «indépendance»?

M. Walcot: Je ne peux pas vous donner la définition légale.

Le président: Que signifie ce terme dans la pratique?

M. Walcot: Que le fiduciaire doit servir les intérêts des parties intéressées par le régime de retraite et non ceux de l'organisation. En conséquence, toutes les décisions sont prises en fonction des taux de rendement et de l'assurance que les bénéficiaires recevront leur argent. Les intérêts de l'entreprise n'entrent pas en jeu dans le processus décisionnel.

Le président: C'est ce que des administrateurs de banque avaient l'habitude de nous dire avant qu'on parle de la définition du terme «indépendance». Qui cette définition exclut-elle? Inclut-elle toutes les personnes qui disent qu'elles prendront en considération les intérêts des parties intéressées?

M. Walcot: Dans notre organisation, ce sont les gestionnaires externes qui participent au fonds de retraite.

Le président: Est-ce que c'est également le cas du CN?

M. Hiscock: Notre comité de placements est formé en partie de gestionnaires externes et en partie de cadres supérieurs du CN.

Le président: Les gestionnaires externes forment-ils la majorité?

M. Hiscock: Oui.

Mme Van Riesen: C'est la même chose dans notre cas.

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous savons comment fonctionne la Caisse de dépôt avec les fonds de retraite de l'État. Je sais qu'on est sur le point d'éliminer le plafond qui s'applique à la structure des investissements afin de ne plus être limité en ce qui concerne la part des capitaux propres consacrée à l'achat d'actions, et cetera.

Je me demande si l'absence d'une orientation quelconque dans la loi est une bonne solution quand on parle du fonds de retraite qui concerne la plupart des Canadiens. Nous conseilleriez-vous de conserver ce plafond?

J'ai déjà vu des fonds de retraite acheter des actions au-dessous de la valeur nominale lors de l'émission initiale, ce que ne pouvait faire un citoyen canadien ordinaire. Qu'en pensez-vous?

Nous savons que certains pays n'imposent aucune limite quant au pourcentage des placements en biens étrangers. Je serais portée à recommander un plafond de 30 p. 100 à notre gouvernement. Toutefois, j'hésiterais un peu à créer un nouveau fonds, une expérience nouvelle pour le gouvernement, sans fixer une telle limite. Qu'en pensez-vous?

M. Walcot: Je suis persuadé que nous avons tous des opinions fermes concernant chacune de ces questions.

En ce qui a trait à la limite, quand je suis arrivé dans les affaires, dans les années 60, c'est la Loi canadienne sur les assurances qui précisait où nous pouvions investir. Au fil des ans, nous avons adopté une politique de prudence, selon laquelle chaque fonds de retraite doit faire de son mieux. Je crois fermement qu'une limite arbitraire n'améliore pas le rendement d'un fonds et qu'une industrie professionnelle forte, assujettie à des règles professionnelles strictes, a maintenant vu le jour. Selon moi, il n'est pas nécessaire que la loi prévoie des règles pour contrôler nos activités. On parle d'un secteur hautement compétitif. Nous nous surveillons tous les uns les autres. C'est le marché lui-même qui semble donner lieu à un panachage des actifs qui présente peu de risques.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quel pourcentage les capitaux propres représentent-ils habituellement?

M. Walcot: L'un des rapports les plus intéressants que j'ai vus a été écrit il y a plusieurs années par M. Keith Ambachtsheer, un écrivain canadien bien connu. Il indiquait que c'est en investissant de 40 à 60 p. 100 -- disons, 40 p. 100 dans le cas des obligations et 60 p. 100 dans le cas des capitaux propres -- qu'on retire, et de loin, le meilleur d'un investissement. J'ai toujours respecté cette règle informelle et je m'en suis toujours raisonnablement bien tiré. Certaines personnes peuvent investir jusqu'à 75 p. 100, mais c'est plutôt inhabituel et cela se produit généralement lorsque le personnel est très jeune et qu'il oeuvre dans le domaine des nouvelles technologies.

Mme Van Riesen: En ce qui concerne le panachage des actifs, dont les capitaux propres constituent une partie, il faut tenir compte de la structure des obligations du fonds de retraite, des données démographiques, de la nature de ses participants et du nombre d'années qui les sépare de la retraite. Tous ces facteurs sont pris en considération au moment de déterminer la composition des actifs. L'instauration d'un plafond qui couvrirait toutes les éventualités, alors qu'il serait tout à fait approprié de dépasser ce plafond pour investir dans des capitaux propres, empêcherait vraiment les gestionnaires de ce fonds de respecter leurs obligations.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans notre cas, l'âge et la nature des participants sont très bien connus. Il serait donc plus facile d'établir une norme si on était obligé de le faire.

Mme Van Riesen: En imposant cette limite, vous avez empêché certains gestionnaires d'aller plus loin pour combler certains besoins. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Hiscock: J'aimerais revenir sur ce que M. Walcot a dit. Il est vrai que le panachage des actifs des membres de l'Association varie entre 40 et 60 p. 100 -- chiffre plutôt conservateur. Nos membres agissent ainsi parce qu'ils s'intéressent depuis longtemps à la structure des obligations, car c'est la raison d'être de la mise en commun des actifs.

M. Walcot: Votre deuxième question, madame le sénateur, concernait les actions vendues au-dessous de leur valeur nominale et les émissions initiales. J'ai déjà joué le rôle de souscripteur pour les émissions d'actions d'Ontario Hydro. Nous avions toujours pour objectif de vendre des actions à la fois à des particuliers et à des institutions. Les ventes aux particuliers donnent une liquidité au marché que n'offrent pas les institutions. Nous ne bénéficions pas de prix spéciaux à l'occasion des émissions initiales, nous achetons au même prix que tous les autres investisseurs. Si le souscripteur fait bien son travail, les actions sont réparties entre les particuliers et les institutions. Cette répartition ne doit pas se faire de façon injuste. Les institutions ne devraient certainement pas bénéficier d'un prix discrétionnaire. Ce ne serait pas juste.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il est important de le savoir. On a déjà tenté de marchander avec moi. Si vous émettez des actions à 7,50 $, certains vous en offriront 7 $. Cette pratique me semble discriminatoire à l'égard des investisseurs ordinaires. Nous devrions établir des critères à ce sujet.

M. Hiscock: Lors d'une émission initiale d'actions, les investisseurs institutionnels paient le même prix que les investisseurs particuliers. Bien sûr, si la demande excédentaire est énorme, le prix augmentera. Toutefois, les personnes qui n'obtiendront pas autant d'actions qu'elles l'auraient voulu ne seront peut-être pas très heureuses. Lorsqu'il n'y a pas assez d'actions, chaque investisseur obtient moins que ce qu'il souhaitait. Cette situation s'est par exemple produite en Australie lundi dernier.

Une entreprise de télécommunications australienne a lancé ses obligations pour la première fois. Le prix de ces actions était plus élevé pour les institutions que pour les particuliers, parce que l'entreprise s'était fixé un objectif pour répartir une certaine partie des actions sur le marché des particuliers australiens.

Le sénateur Hervieux-Payette: Oui, et ils ont payé une prime pour cela. Cette situation est différente.

M. Hiscock: Les institutions ont payé plus cher que les investisseurs particuliers.

M. Walcot: Votre troisième question concernait la limite de 20 p. 100 applicable aux placements en biens étrangers.

Nous avons parlé plus tôt des fiduciaires indépendants. Nous avons également parlé du fait qu'il faut protéger les intérêts des différentes parties intéressées. La limite applicable aux placements étrangers nous empêche de bien gérer les risques parce que nous ne pouvons diversifier nos actifs comme on le devrait. Nous savons que cette limite coûte cher, parce que nos études indiquent que son inclusion arbitraire a par le passé fait perdre environ 4 milliards de dollars aux différents fonds de retraite. D'après ce que je peux voir, aucun rapport ne démontre que cette formule est bénéfique pour les autres non plus.

Je m'oppose fermement à cette limite même si, personnellement, nous ne l'atteignons pas. Une personne qui veut faire des placements peut être sûre qu'un investisseur professionnel ne placera pas son argent n'importe comment et ne prendra pas des risques trop grands. Nous n'agirions pas de cette façon. Cette limite coûte cher non seulement aux fonds de retraite, mais également aux particuliers. Ce n'est pas une bonne idée.

M. Hiscock: Je sais que le comité a déjà recommandé d'abolir cette limite de 20 p. 100. Nous vous incitons évidemment à poursuivre dans la même voie. Les partisans de cette limite devraient prouver qu'il y a eu des conséquences néfastes quand elle est passée de 10 à 20 p. 100. Personnellement, je ne connais aucune étude ni aucun document qui établisse ce genre de conséquences.

Le sénateur Meighen: Que feriez-vous si vous étiez un législateur responsable et si vous pouviez éliminer la limite de 20 p. 100 du revers de la main? Procéderiez-vous par étape, en l'augmentant par exemple de 2 p. 100 par année, jusqu'à un certain pourcentage? Ou vous en débarrasseriez-vous tout simplement?

Mme Van Riesen: Je m'en débarrasserais!

M. Walcot: Puisque cette limite n'est pas une bonne chose, elle devrait disparaître immédiatement.

M. Hiscock: Je ne crois pas que sa disparition immédiate engendrerait des problèmes pour le Canada. Toutefois, du point de vue pratique, il serait préférable de l'augmenter de 2 p. 100 par année pendant cinq ans, ou quelque chose du genre. Cette façon de procéder ne dérangerait pas non plus le milieu des fonds de retraite.

Le sénateur Meighen: Si mes calculs sont exacts, nous arrivons à une limite de 30 p. 100. Quelqu'un a déjà dit qu'une limite de 30 p. 100 serait complètement inutile parce qu'il est improbable qu'un gestionnaire investisse plus de 70 p. 100 à l'extérieur du Canada.

M. Hiscock: Vous soulevez un point important. Les gestionnaires de fonds de retraite qui agissent de façon responsable ne dépasseront pas un certain niveau au-delà duquel il serait imprudent que la structure des obligations repose sur des dollars canadiens. Cette restriction finirait par ne plus être obligatoire pour personne. On ne peut dire a priori où ce niveau se situerait.

Il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays où cette limite n'existe pas, comme au Royaume-Uni, pour constater que malgré la proximité de nombreux marchés de capitaux, ces investissements sont de l'ordre de 30 p. 100.

Le sénateur Meighen: De 30 p. 100?

M. Hiscock: Environ de 30 p. 100, pas plus. Il n'y a pas de limite là-bas.

Comme M. Walcot l'a dit, certains fonds de retraite choisissent, pour des raisons de prudence, de ne pas dépasser 20 p. 100. Quand j'ai dit que le passage de 20 à 30 p. 100 ne serait pas un problème, je reconnaissais que ce changement pouvait entraîner certaines difficultés pratiques et, qui sait, politiques. Il n'y aurait en tout cas pas d'incidence économique.

À un certain niveau -- 40 ou 50 p. 100 ou quel que soit le chiffre -- , cette restriction cesserait d'être obligatoire parce qu'aucun gestionnaire de fonds de retraite ne serait assez imprudent pour investir uniquement dans les biens étrangers.

Mme Van Riesen: Un autre point nous est venu à l'esprit quand nous avons examiné la question. Nous avons entendu certains des arguments en faveur de la limite de 20 p. 100 applicable aux placements en biens étrangers, dont celui qu'il est possible de contourner cette limite en investissant davantage dans les produits dérivés. Comme cela ne causerait aucun problème, pourquoi augmenter cette limite? Nous nous sommes posé cette question.

Les gestionnaires de fonds de retraite plus avertis sont certainement en mesure de recourir aux produits dérivés mais, en raison de la complexité de ceux-ci, ils doivent bien connaître ces produits. Cela signifie que les fonds plus petits et les investisseurs particuliers ne sont pas en mesure de diversifier leurs actifs de façon prudente ni de profiter des meilleurs rendements dont peuvent bénéficier des fonds plus importants. Nous ne pensons pas que cet argument tienne -- si c'est bien ce que des témoins vous ont dit.

Le sénateur Angus: J'aimerais parler de questions qui concernent essentiellement la régie des régimes de retraite. Je pourrais peut-être vous adresser ma question, monsieur Hiscock, puisque c'est avec votre collègue que nous avons parlé de la régie des entreprises dans laquelle vous investissez.

Comme vous le savez -- il en a été beaucoup question -- , votre collègue nous a dit que la régie de ces entreprises revêtait une grande importance. Il a une liste, par ordre croissant d'importance, des 14 ou 18 points qu'il surveille. Vous les connaissez probablement.

M. Hiscock: Ce chiffre se situait entre les deux que vous avez mentionnés.

Le sénateur Angus: Cela m'a paru très clair. Il a parlé de repas somptueux et de tous les comportements douteux que l'on peut retrouver et que l'on retrouve effectivement lorsqu'il est question de gérer une entreprise.

J'ai posé cette question hier à l'un des témoins, mais comme je n'ai pas reçu de réponse, je vais vous la poser, parce que le CN semble beaucoup réfléchir à tout cela. Avez-vous une liste des éléments que les bénéficiaires du fonds de retraite du CN devraient examiner en ce qui concerne la façon dont ce fonds est administré?

Nous tentons de nous attarder non pas sur la régie des entreprises dans laquelle nous investissons, mais sur les investisseurs institutionnels. D'après ce qu'a dit M. Walcot, la régie des régimes de retraite est une préoccupation majeure. J'ai quelques questions précises à ce sujet. Pour nous aider dans notre tâche, pourriez-vous nous donner une liste de cinq, six ou même dix éléments qui laisseraient croire à une mauvaise administration?

M. Hiscock: Le CN ne possède pas une telle liste, ni l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite.

Il serait possible de passer en revue les documents que nous avons préparés afin de déterminer dans quels cas les lignes directrices ou les normes que nous considérons comme très importantes sont violées et d'établir une liste de ce genre. Je ne l'ai pas fait, mais le modèle que nous vous avons présenté vous permettrait de le faire.

Le sénateur Angus: Votre modèle est fascinant, surtout les statistiques qui concernent le nombre de fonds de retraite privés et publics qui sont membres de votre association. Si l'on en juge vos chiffres, de nombreux fonds privés et plus petits ne sont pas membres.

M. Walcot: C'est exact.

Le sénateur Angus: Si les normes dont vous parlez au sujet du niveau de connaissances des fiduciaires pouvaient être respectées, il doit littéralement y avoir des centaines de fonds privés qui sont mal administrés. Ai-je raison de dire cela?

M. Hiscock: Puis-je faire un commentaire? Vous avez dit que de nombreux fonds de retraite n'étaient pas membres de notre association. Les critères d'adhésion à notre association restreignent les fonds qui peuvent en être membres à ceux dont les actifs dépassent 200 millions de dollars. Ce chiffre existe depuis de nombreuses années. En termes réels, il diminue. Cette limite avait pour but de veiller à ce que les représentants des fonds de retraite qui participaient aux réunions et à nos activités avaient vraiment des responsabilités en matière de gestion des investissements.

Le sénateur Angus: Il est intéressant que vous le disiez. Je supposais, à tort ou à raison -- et j'espère que vous me corrigerez -- que vous aviez des normes applicables aux membres de votre association et que peut-être la gestion de vos membres en faisait partie. Est-ce le cas?

M. Walcot: Non. C'est un organisme d'entraide créé au milieu des années 70, au moment où les fonds de pension ont démarré et où l'on s'entraidait. Nous n'avons pas voulu fixer de normes artificielles en matière d'adhésion, mais plutôt donner un élan au secteur dans son ensemble. C'est la raison pour laquelle nous mettrions au point quelque chose comme cela pour rehausser la qualité globale de l'organisme.

M. Hiscock: Nous représentons aujourd'hui l'ACGFR, mais Mme Van Riesen et moi-même sommes également membres de l'organisation ACPM, laquelle présentera prochainement des lignes directrices sur les pratiques exemplaires de l'administration des fonds de pension, qui se rapprochent de cela, mais dont la portée est beaucoup plus vaste. Mme Van Riesen, en tant qu'ex-présidente, peut parler davantage de l'ACPM.

Le président: Cette association a accepté de comparaître, lorsque nous reprendrons nos travaux en février.

Mme Van Riesen: L'ACPM, soit l'Association of Canadian Pension Management, représente en fait 500 répondants de fonds et 226 milliards de dollars d'actifs, si bien que l'éventail des répondants de régime est beaucoup plus vaste. On retrouve probablement dans l'organisation toute une gamme de pratiques qui peuvent être bonnes, acceptables ou insatisfaisantes. Nous avons pris l'initiative de fixer des normes et cherchons à sonder nos membres afin d'établir des paramètres quant aux pratiques actuelles et afin de donner, comme le laisse entendre M. Walcot, un élan au secteur, plutôt que d'opter pour la réglementation. Ce n'est pas notre rôle. Ce n'est pas ce que nous visons. Nous essayons de fournir des modèles de pratiques exemplaires et de nous donner un élan, si cela s'avère nécessaire. Il faut tout d'abord nous situer à cet égard.

Soit dit en passant, j'aimerais souligner que notre secteur s'en sort très bien en matière d'administration de fonds de pension. Il y a certainement quelques exceptions notables, mais en général, nous pensons que la situation n'est pas désespérée. Toutefois, nous tenons à être proactifs.

Le sénateur Angus: Nous attendons avec impatience ces normes de pratiques exemplaires. D'après la documentation que j'ai lue, les trois organismes du secteur privé que chacun de vous représente -- CN, BCE et CIBC -- sont tous reconnus comme pratiquant une bonne administration de fonds. Nous savons que le CN a recours aux services de conseillers externes ainsi que de gestionnaires internes, plus la régie. Peut-être pourriez-vous nous décrire l'administration du fonds de pension CN, en fonction de votre définition.

En posant cette question, je comprends, d'après le témoignage de M. Walcot, que le conseil d'administration de la société CN, société cotée en bourse, a l'obligation fiduciaire de garantir la bonne administration du fonds de pension du CN. Est-ce que je me trompe?

M. Hiscock: Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Angus: Compte tenu de cette obligation fiduciaire, le conseil d'administration du CN a mis en place une structure administrative. Pourriez-vous nous en parler?

M. Hiscock: Le conseil d'administration du CN a la responsabilité fiduciaire de garantir que le fonds de pension est bien administré et que les politiques de capitalisation permettent de verser des prestations de pension aux employés en fonction de leurs années de service; ces prestations sont évaluées de manière actuarielle. La société des Chemins de fer nationaux du Canada est l'administrateur du fonds. Le conseil a créé un sous-comité du conseil d'administration. Ce sous-comité est composé également de dirigeants de la société qui surveillent le service des placements de la société qui s'occupe de la gestion quotidienne des actifs du fonds de pension.

Le sénateur Angus: Fait-il périodiquement rapport au sous- comité du conseil?

M. Hiscock: Oui. En fait, le sous-comité se réunit presque chaque mois.

Le sénateur Angus: Autant que je sache, il s'agit d'information publique que l'on retrouve dans le rapport annuel du CN.

M. Hiscock: Effectivement.

Le sénateur Angus: Par conséquent, cela ne vous dérangerait pas de nous dire combien de membres siègent au sein de ce sous-comité, combien sont membres du conseil d'administration et combien font partie de la gestion, ainsi que de nous indiquer les critères relatifs à leurs qualifications pour ce travail.

M. Hiscock: Je n'ai pas le rapport annuel ici. Plutôt que de vous donner des chiffres inexacts...

Le sénateur Angus: Il est inutile d'être précis. Est-ce moitié-moitié?

M. Hiscock: Je crois qu'il y en a six d'une part et cinq de l'autre. En ce qui concerne les critères, ces nominations sont faites par le conseil d'administration et il n'y a pas de critères précis, autant que je sache. Aucun critère ne permet de décider si un membre du conseil d'administration peut convenir, contrairement à un autre. Toutefois, les personnes nommées au comité de placement sont toutes bien informées et ont une vaste expérience des affaires et, dans la plupart des cas, des finances.

Le sénateur Angus: Madame Van Riesen, le processus est-il le même à la CIBC?

Mme Van Riesen: J'aimerais préciser que nous parlons au nom de nos propres organismes et non pas des structures de nos sociétés membres. Nous représentons ici l'ACGFR, si bien que ce modèle peut être appliqué fort différemment d'un organisme à l'autre.

La CIBC a procédé à un examen de sa structure administrative il y a deux ans. Nous avons demandé à des conseillers externes d'examiner la façon dont nous planifions notre structure. Ils ont fait des recommandations tant du côté de la capitalisation et de la gestion des actifs que du côté de l'administration, en passant par la méthode de calcul des prestations.

Nous avons réorganisé notre structure administrative en fonction des conclusions de cette recherche. Nous avons créé une structure composée de trois organismes qui relèvent tous directement du conseil d'administration, lequel -- comme c'est le cas de tout régime où l'employeur est le répondant -- est l'administrateur du régime et doit par conséquent rendre compte de ses actes. Le conseil délègue à ces trois groupes certaines responsabilités relatives à la gestion du régime.

Il y a huit fiduciaires. Sept d'entre eux sont membres de notre conseil d'administration. Cinq viennent de l'extérieur, deux sont des directeurs internes et l'un est un retraité. Ils s'occupent essentiellement de la gestion des placements. Un comité consultatif conseille ce groupe. Notre conseil d'administration, même s'il se compose de dirigeants de sociétés, a toujours recherché des conseils supplémentaires au sujet des questions de placement.

Nous avons également créé un groupe consultatif expert en placements de fonds de pension, composé de conseillers externes. Nous sommes une institution financière et, à ce titre, avons une certaine capacité à l'interne en matière de placements, mais nous avons formé ce groupe qui est chargé de conseiller les fiduciaires en matière de gestion de placement.

Le deuxième groupe est appelé comité de capitalisation et de frais de pension; il s'occupe des contributions de capitalisation du régime et relève du conseil. Le troisième groupe est chargé de la conception des changements présentés au conseil d'administration à des fins d'approbation. Tout cela représente notre structure administrative.

Le sénateur Angus: Je parie que personne n'est élu pour représenter les pensionnés.

Mme Van Riesen: Non. Nous avons un retraité, mais il ne s'agit pas d'un poste élu.

Le sénateur Angus: La situation est-elle la même à B.C.?

M. Walcot: Essentiellement la même.

Le sénateur Angus: C'est le modèle Wilson.

M. Walcot: C'est effectivement le modèle Wilson. Il a été instauré à son arrivée. Nous avons cinq ou six administrateurs qui s'occupent des décisions politiques. Une liste de vérification prévue pour chacun des niveaux définit clairement ce que chacun est censé approuver et non approuver.

En dessous du conseil d'administration, nous avons un comité de placement composé de membres du personnel d'exécution de l'organisme. Contrairement à Mme Van Riesen, ce comité opérationnel s'occupe autant des prestations que des placements. Son temps est partagé entre le calcul des rendements actuariels et les placements. Nous représentons Bimcor et sommes engagés par le groupe BCE pour gérer les placements.

Il est à noter qu'il ne s'agit pas de conseils énormes; en effet, nous nous sommes aperçus que quatre, cinq, six ou sept personnes représentent un bon nombre. Si le conseil se compose de trop de personnes, il ne fonctionne pas.

Nous n'avons pas de représentation du côté des employés. Toutefois, comme nous nous trouvons au Québec, nous avons des réunions avec l'administration où une fois par an, nous parlons aux employés qui sont représentés par trois personnes.

Le sénateur Angus: De toute évidence, les grandes sociétés ouvertes ont des conseils d'administration et des cadres supérieurs d'élite. Pourtant, vous préconisez une démarche d'entraide, ascendante, qui au bout du compte se traduira par une bonne administration et une bonne gestion de nos fonds de pensions. Je le mets en doute. En effet, tant que les problèmes qui ont mené au rapport Day n'ont pas été révélés et tant que les lignes directrices de la Bourse de Toronto et de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario n'ont pas été publiées, il ne se passait rien dans le domaine de la régie. Il y a eu des faillites et beaucoup de mauvaises pratiques sont apparues. C'était toutefois une démarche descendante. Même s'il y avait des lignes directrices, il s'agissait véritablement d'une forme de réglementation volontaire.

Aujourd'hui, beaucoup de rapports annuels énumèrent à la colonne A tous les points des lignes directrices. «Est-ce que la société XYZ s'y conforme?» «Oui», «oui», «oui», «non», et ainsi de suite, jusqu'en bas de la liste. «Non, mais nous faisons des efforts dans ce sens». Il s'agit, je le répète, d'une démarche descendante. Beaucoup de sociétés se sentent obligées de se conformer à ces lignes directrices, même si elles n'y sont pas tenues légalement. Beaucoup de conseils d'administration disent: «Nous avons intérêt à créer notre comité de régie».

À mon avis, c'est une véritable révolution au sein des entreprises au Canada. D'après les chiffres que j'ai vus dans la documentation sur les fonds de pensions au Canada -- qui n'englobent pas des fonds importants comme les vôtres -- l'administration est désastreuse; c'est mon point de vue. Ne vaudrait-il pas mieux imposer des lignes directrices, pour passer à l'action?

Mme Van Riesen: Je ne sais pas si c'est vrai. Peut-être avez-vous des renseignements que je n'ai pas. Nous aimerions certainement les avoir. L'ACPM cherche de l'information.

Je ne suis pas sûre que l'administration des fonds soit si mauvaise. Je crois que notre secteur a souscrit au principe de la prudence, c'est-à-dire que vous faites des placements et que vous agissez comme si vous étiez responsable de l'argent de quelqu'un d'autre. Vous ne pouvez pas le faire à moitié. Vous y croyez ou vous n'y croyez pas. Si vous n'y croyez pas, vous réglementez à mort; si vous y croyez, vous faites confiance et dépendez d'associations professionnelles comme les nôtres, lesquelles se chargent alors de fixer des normes et d'exercer une pression morale ou de donner des encouragements pour qu'elles soient respectées. Vous courrez le risque d'avoir un mauvais joueur. Toutefois, on ne peut pas en conclure que tous sont mauvais, et par conséquent, créer un cauchemar bureaucratique en matière de réglementation de ce secteur. Nous préférons proposer des modèles et en encourager l'adoption.

Le sénateur Angus: C'est excellent, à mon avis. Malgré ce qui a été écrit dans le Toronto Star de cet après-midi au sujet de ce que j'aurais déclaré hier, je suis conservateur proche de Burke. Je suis contre la réglementation en général. Mais quand il s'agit de personnes qui s'occupent de l'actif de tiers, lesquels ne sont pas en mesure de se défendre et font confiance au départ, je me demande simplement s'il ne faudrait pas imposer un genre de lignes directrices. J'ai été très cynique au sujet des lignes directrices de la Bourse de Toronto, mais je suis maintenant très impressionné par leurs résultats.

Mme Van Riesen: À mon avis, l'organe de réglementation fait du bon travail. Nous sommes réglementés au plan fédéral, et je sais que le BSIF a opté pour l'examen de lignes directrices par opposition à la micro-réglementation. Nous sommes certainement en faveur de cette orientation qui nous semble très positive et encourageante en ce qui concerne l'établissement de normes. Peut-être que dans le cadre de votre vérification et de votre examen des sociétés, cela vous aidera à répondre aux questions que vous pourriez vous poser, mais on ne peut pas dire catégoriquement: «Faites ceci ou cela, sinon nous prendrons des mesures contre vous». On peut être légèrement différent et ne pas correspondre à une norme pour des raisons parfaitement valables. Je crois que le BSIF va dans cette direction et peut-être que d'autres organes de réglementation suivront son exemple.

Il serait inquiétant que cela devienne un cauchemar et un fardeau en matière de réglementation, car nous ne pensons pas que cela permette d'assurer une bonne régie.

Le sénateur Angus: Peut-être que le comité sénatorial des banques pourrait, à l'instar de M. Day, faire un rapport énumérant une série de lignes directrices.

Le sénateur Austin: C'est toujours avec plaisir que j'écoute le sénateur Angus. Je m'intéresse également à la régie et à ses principes. Peut-être pourrais-je utiliser la même métaphore que le sénateur Angus -- une équipe de joueurs. Est-ce au secteur visé qu'incombe la responsabilité de trouver le mauvais joueur, de l'exposer au grand jour et de le rejeter ou faudrait-il que le BSIF ou un autre organe de réglementation le trouve dans le cadre de ses vérifications? Est-ce au gouvernement qu'incombe la responsabilité d'établir des lignes directrices exigeant l'examen de la performance du secteur?

Je ne veux pas faire d'idéologie, mais j'ai dit hier que ce que je cherche à savoir c'est si, au sein de ce secteur, il y a suffisamment d'intérêts différents qui pourraient servir d'autocontrôle, ou si les intérêts sont tous les mêmes? Si oui, vous vous auto-administrez sans que quiconque de l'extérieur ne puisse porter de jugement sur vos actes ainsi que sur le sens de vos actes.

J'avais prévu poser des questions, mais le sénateur Angus les a posées, pour la plupart. J'évite tout débat idéologique et espère que le pragmatisme est ce qui compte ici.

Il se produit aujourd'hui au Royaume-Uni un phénomène intéressant au sujet du secteur des pensions et de ses pratiques. Le chancelier de l'Échiquier a demandé le redressement de ces pratiques. Les responsables du marketing ont demandé à des participants à des régimes collectifs d'envisager de souscrire à des régimes individuels présentés comme garants d'une meilleure sécurité et de meilleurs rendements en matière de pensions. Cela ne s'est pas révélé être le cas. D'après les dernières nouvelles, on a demandé aux gestionnaires de fonds de pension de ramener tous ces gens dans la situation dans laquelle ils se trouvaient, ce qui représente des coûts considérables pour les fonds de pension, si bien que la performance de ce secteur est à la baisse. Le chancelier envisage maintenant de demander l'adoption d'une loi pour régler la question.

Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce problème, si vous le connaissez? Cela pourrait-il se produire au Canada?

M. Walcot: Je vais tout d'abord répondre à la question de la similarité des intérêts. Nous travaillons tous dans le domaine des régimes à prestations déterminées et nous avons fait la distinction entre régimes à prestations déterminées et régimes à cotisations déterminées. Dans un régime à prestations déterminées, tout le monde accepte la fiducie. La loi régissant les fiducies définit les responsabilités des fiduciaires, lesquels doivent examiner ces responsabilités dans le contexte de la fiducie. Cela sert de contrepoids au problème que vous décrivez. Dans tous les fonds de pension pour lesquels j'ai travaillé, les fiduciaires passent beaucoup de temps à déterminer leurs responsabilités. Ils prennent leur travail au sérieux. Dans le cadre de régimes à prestations déterminées, cela peut servir de contrepoids utile préférable à une réglementation officielle de tous les menus détails.

En ce qui concerne la situation au Royaume-Uni, vous savez sans doute que l'on est passé dans ce pays du concept de régime à prestations déterminées, dans un sens, à un concept de régime à cotisations déterminées ou un concept où les particuliers ont leur propre régime de pension. C'est quelque chose qui date de l'époque de Mme Thatcher.

Le sénateur Austin: Cela avait été fait à la demande de ce secteur.

M. Walcot: Oui. À mon avis, un régime à prestations déterminées est ce qui représente la meilleure solution, car vous avez la garantie que la pension sera versée au bout du compte. Dans le cas d'un régime à cotisations déterminées, vos actifs augmentent, et les actifs réalisés à la fin représentent en principe votre pension. Si par hasard, les taux d'intérêt sont de 14 p. 100, vous obtiendrez un bon rendement pour le reste de votre vie. Si les taux d'intérêt sont de 2 p. 100, votre pension sera assez basse.

Par ailleurs, les régimes à cotisations déterminées ont ceci de négatif: les investisseurs non avertis vont choisir des véhicules de placement qui ne leur conviennent pas. Je trouve cela préoccupant, et c'est pour cette raison je me méfie de ce type de régime.

Plusieurs entreprises ont beau dire qu'elles ont un très bon directeur des investissements. Elles vont même définir les éléments d'actif qui devraient composer le régime des employés. Or, cette responsabilité, en Grande-Bretagne, ne relève plus de l'entreprise, mais du particulier.

Le sénateur Austin: Ce sont eux qui décident. Les employés pourraient choisir de créer leur propre régime. Au lieu de souscrire à un régime à prestations déterminées, ils pourraient, en administrant leur actif avec l'aide, bien entendu, d'un conseiller financier, se retrouver avec un fonds de pension beaucoup plus généreux.

M. Walcot: C'est ce qu'ils espèrent.

Le sénateur Austin: C'est ce qu'on leur a laissé entendre.

M. Walcot: Oui. Il y a un autre facteur dont il faut tenir compte, soit les frais de gestion du fonds. Comme vous le savez, les fonds de pension sont essentiellement cumulatifs. On ne peut pas bâtir un régime de retraite en achetant tout simplement des actions qui rapportent.

Les frais de gestion de 1 ou 2 p. 100 que vous versez sont tirés de vos revenus de placement, ce qui fait que votre fonds de pension diminue. Dans le cas des gros fonds de pension, les frais de gestion varient entre 10 et 20 points de base, par opposition à 100 ou 200 points de base, de sorte que les bénéficiaires vont recevoir plus d'argent. C'est dommage, mais je pense que les gens en Grande-Bretagne se sont fait avoir.

Mme Van Riesen: Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé au Royaume-Uni, mais si le problème tient au fait que le rendement des fonds de pension a diminué quand les gens ont commencé à effectuer eux-mêmes leurs placements, c'est une situation que nous connaissons bien au Canada. Les régimes à cotisations déterminées existent depuis longtemps. Il n'est pas nécessaire de remonter très loin dans le passé pour constater que les fonds ont été investis de façon prudente. Les jeunes de 25 ans investissent tous leurs avoirs dans des CPG, des régimes à cotisations déterminés, et c'est exactement à cet âge-là qu'ils devraient investir dans des véhicules qui rapportent plus.

Nous savons fort bien au Canada que les investisseurs non avertis ne prendront pas des décisions prudentes qui leur permettront de bénéficier d'un revenu de retraite comparable à celui qu'ils tireraient d'un régime à prestations déterminées. C'est ce qui se passe actuellement.

Le sénateur Austin: Supposons que l'industrie et les membres de votre association n'étaient pas d'accord avec vous, qu'ils étaient venus nous voir il y a trois ou quatre ans pour nous dire que le régime institué au Royaume-Uni sera plus avantageux, que votre industrie pourrait administrer des fonds de ce genre et qu'elle souhaiterait avoir l'occasion de le faire. Comment pouvons-nous savoir s'ils agissent conformément à leurs obligations fiduciaires ou s'ils désirent uniquement créer des fonds plus gros à gérer? M. Walcot a dit plus tôt que, plus les fonds sont gros, plus l'industrie y trouve son compte. Les coûts sont moins élevés en bout de ligne, ce qui est à l'avantage des bénéficiaires.

Si je soulève ce point, c'est uniquement pour dire que des erreurs sont parfois commises et qu'il nous faut un mécanisme de surveillance quelconque.

M. Hiscock: Il y a deux points importants qu'il convient de mentionner en ce qui concerne la gestion des fonds de pension. Les fonds de pension ne sont pas tous identiques. Les régimes à cotisations déterminées et les régimes à prestations déterminées sont très différents. Ils sont gérés de façon différente, les options de placements sont différentes, tout comme les responsabilités des divers intervenants. Certaines de ces responsabilités sont très claires, d'autres le sont moins. Ce sont des régimes très distincts.

Nous travaillons tous les trois pour le compte de régimes à prestations déterminées qui sont administrés par une entreprise qui exerce d'autres activités. Il y a en Ontario de très gros régimes de retraite publics qui constituent à eux seuls une entreprise énorme. Le scénario est donc très différent. Il est important de le souligner. Les fonds de pension ne sont pas un ensemble homogène.

Le sénateur Austin: Y a-t-il un système de freins et de contrepoids? Si oui, comment l'appliquez-vous aux différentes catégories de régimes que vous venez de mentionner? Je fais allusion ici aux normes appliquées par l'industrie. Est-ce que les modes de gestion varient? Non. Vous appliquez les mêmes principes de gestion à tous les régimes.

M. Hiscock: Nous savons, en tant qu'association, qu'il existe différents régimes de pension. Nous avons élaboré un modèle de gestion qui, à notre connaissance, est unique en son genre.

Nous ne nous en servons pas pour évaluer le rendement des gens, et nous n'avons aucunement l'intention de le faire. Le fait est que nous avons mis au point un modèle tout à fait unique. Nous espérons le peaufiner au fil des ans, mais c'est nous qui avons fait le premier pas.

Le sénateur Austin: J'en suis conscient. C'est un pas très important. Voilà où je veux en venir. Nous allons bientôt être saisis des modifications apportées au Régime de pensions du Canada. Je ne sais pas quand, mais ce sera bientôt. L'opposition officielle à la Chambre des communes, le Parti réformiste, a soumis des propositions qui créeraient, à mon avis, une situation analogue à celle qui existe au Royaume-Uni. Il propose qu'on adopte des plans autogérés et qu'on abandonne le RPC. Avez-vous réfléchi à ces propositions? Qu'en pensez-vous, compte tenu de la discussion que nous venons d'avoir?

Mme Van Riesen: Qu'entendez-vous par plans autogérés? C'est la première fois que j'en entends parler.

Le sénateur Austin: Tout ce que je peux vous dire, c'est que le Parti réformiste estime que les particuliers devraient pouvoir se retirer du Régime de pensions du Canada et créer un plan qui serait administré en leur nom par un expert.

Le président: C'est encore plus simple que cela. Le Parti réformiste estime que les Canadiens qui ont autrement droit aux prestations du Régime de pensions du Canada devraient avoir la possibilité de se retirer du RPC, de prendre les cotisations qu'ils verseraient autrement au régime, cotisations qui seraient égalées par l'employeur, et d'investir ces fonds dans un régime à cotisations déterminées -- c'est-à-dire dans un RÉER puisque l'argent ne pourrait être retiré qu'à la retraite.

Pour en venir au point soulevé par le sénateur Austin, c'est essentiellement le système qui a été mis en place au Royaume Uni. Compte tenu de ce que vous avez dit au sujet de l'expérience britannique, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cette proposition?

Mme Van Riesen: Je ne sais pas si l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite s'est penchée là-dessus. Je peux vous dire ce qu'en pense l'ACPM, et vous donner aussi mon opinion personnelle. Il serait possible d'appliquer cette formule, qui présente tout de même certains avantages. Toutefois, qu'allons-nous faire avec les bénéfices accumulés? On ne le précise pas.

C'est là le principal défaut de cette formule. Qu'allons-nous faire avec le passif non capitalisé, qui est d'environ 500 milliards de dollars? Il n'y a pas de réponses faciles.

À mon avis, il faut garder le Régime de pensions du Canada, en améliorer la gestion et le financement, comme on l'a recommandé, et aussi maintenir les prestations et les cotisations à un niveau raisonnable. C'est un bon programme qui répond aux besoins de nombreux Canadiens.

Le sénateur Austin: J'aimerais vous poser une question au sujet des normes d'évaluation des investissements. Plusieurs fonds investissent dans des actions inscrites à la Bourse de Toronto, par exemple. La Bourse de Toronto va accepter d'inscrire une action en raison de son volume, de sa valeur boursière, ainsi de suite. Le titre sera indexé. Dès lors, vous pouvez ou devez, en vertu de vos normes actuelles, acheter ces actions, selon les modalités de gestion du fonds.

Nous avons parlé de la régie de l'industrie, de la régie des entreprises dans lesquelles vous investissez. Qui s'occupe d'évaluer le travail de la Bourse de Toronto, de déterminer si elle fait preuve de diligence raisonnable ou si elle se conforme aux principes de gestion quand elle accepte d'inscrire une action?

Est-ce que vous exercez des pressions auprès de la Bourse pour qu'elle modifie ses normes?

M. Walcot: À la suite de l'affaire qui a secoué récemment le marché, nous avons indiqué à la Bourse de Toronto qu'elle devrait améliorer ses normes. Nous lui avons présenté une demande expresse en ce sens. Il y a un comité composé de spécialistes de divers secteurs de l'industrie qui s'occupe d'examiner ces questions. Nous lui avons fait comprendre l'importance d'analyser chaque dossier à fond en raison de la présence d'investisseurs passifs.

À la suite de l'affaire Bre-X, notre industrie a resserré ses règles et entrepris d'examiner plus à fond les titres qui sont acceptés et ceux qui ne le sont pas.

Le sénateur Oliver: J'aimerais revenir à un point que vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire -- l'activisme. Vous avez dit qu'il y a quelques grands fonds de retraite qui interviennent de façon active dans les activités d'une entreprise, mais que cette pratique n'est pas inquiétante. Vous avez ajouté que lorsque des fonds de pension décident d'intervenir dans les affaires d'une entreprise dans laquelle ils ont investi, c'est habituellement dans le but d'accroître les avoirs des actionnaires.

Je ne partage pas votre avis, à cause des exemples que les témoins nous ont donnés hier -- Canadian Tire en étant un -- où de gros fonds qui détiennent entre 20 et 25 p. 100 des actions d'une entreprise peuvent décider soudainement, en tant que groupe, qu'ils n'aiment pas le travail de trois vice-présidents, ou qu'ils n'aiment pas les propositions d'achat par endettement, ou encore la nouvelle stratégie de l'entreprise. Ils décident d'utiliser leur influence -- les actions qu'ils détiennent -- pour dire à l'entreprise comment diriger ses opérations. Autrement dit, les fonds de pension remettent en question les décisions de gestion des dirigeants.

Vous dites que nous ne devons pas nous en faire alors qu'il y a effectivement lieu de s'inquiéter. Pouvez-vous me convaincre du contraire?

M. Walcot: Lorsque nous administrons un fonds de pension, nous notre objectif est d'obtenir un rendement intéressant pour les bénéficiaires. C'est notre objectif premier. Nous ne cherchons pas à prendre le contrôle d'entreprises ou à construire des empires. Notre objectif premier, en tant qu'actionnaires, est d'améliorer le rendement de nos actions.

Quand nous avons décidé d'intervenir dans les activités d'une entreprise comme Canadian Tire, c'est parce que nous jugions que les actionnaires n'étaient pas traités de façon équitable. Nous cherchions à défendre, en tant qu'actionnaires, les intérêts de nos actionnaires. Notre but n'était pas d'intervenir dans les affaires internes de l'entreprise. Nous voulions uniquement agir en tant qu'actionnaires qui prennent des mesures pour défendre leurs intérêts. Il y avait un groupe particulier d'actionnaires qui recevait beaucoup plus d'argent que nous. Nous estimions que c'était injuste, que l'argent devrait être réparti de façon plus équitable entre les différentes catégories d'actionnaires. C'est pour cette raison que nous avons uni nos efforts.

C'est assez inusité. L'incident de Canadian Tire a sans doute été un point tournant pour l'industrie. Le fait que nous nous soyons regroupés à cause d'une injustice est assez exceptionnel. Pour nous, l'activisme signifie défendre les droits des actionnaires pour qu'ils aient accès à leur juste part.

Le sénateur Oliver: J'aimerais connaître l'avis des autres témoins sur cette question. J'aimerais également savoir si les gros fonds de pension ont déjà essayé d'utiliser leur influence, le volume d'actions qu'ils détiennent, pour agir sur les décisions d'une entreprise.

M. Hiscock: À ma connaissance, les mesures d'intervention qui ont été prises avaient pour seul but d'accroître les avoirs des actionnaires. Cette façon de procéder est saine pour tous les participants, y compris les investisseurs particuliers et institutionnels. Tout le monde est gagnant dans la mesure où l'avoir des actionnaires est accru.

Le sénateur Oliver: Pourvu que vous ayez raison et que les dirigeants aient tort.

Le sénateur Oliver: Pourrions-nous entendre le point de vue des banques?

Mme Van Riesen: Je n'ai rien à ajouter. Comme je l'ai déjà mentionné, nous n'intervenons pas dans les affaires des entreprises. Je n'ai aucun exemple à vous donner. Ce que vous avez entendu reflète assez bien le point de vue de nos associations membres.

Le sénateur Austin: Vous avez parlé de la valorisation de l'avoir des actionnaires, le mot d'ordre de l'industrie. On peut, pour répondre à la question du sénateur Oliver, utiliser l'exemple des offres publiques d'achat, qu'elles soient hostiles ou non. L'entreprise qui affiche un très bon rendement peut, pour cette raison, faire l'objet d'une offre publique d'achat. Dans votre cas, ce qui vous intéresse, ce n'est pas la question de savoir si les dirigeants gèrent bien ou non les affaires de l'entreprise, mais si le prix offert répond à vos critères.

M. Walcot: Lorsque nous examinons une offre, nous essayons de déterminer s'il vaut mieux garder l'entreprise ou accepter l'offre. Nous avons une décision à prendre. Nous ne pouvons pas uniquement nous contenter de voir si nous pouvons obtenir un meilleur prix grâce à cette offre. Nous devons déterminer s'il n'est pas préférable de rejeter l'offre et de garder l'entreprise.

Le sénateur Austin: Qu'est-ce que vous entendez par un meilleur prix?

M. Walcot: Un rendement plus élevé, à plus long terme, pour l'actionnaire. Notre objectif est de faire en sorte que le prix de l'action augmente, et l'avoir des actionnaires aussi. C'est l'objectif que nous visons. C'est ce que nous entendons par la valorisation de l'avoir des actionnaires.

Le sénateur Austin: Vous ne tiendriez pas compte du rendement du fonds et des mesures que vous devez prendre pour satisfaire vos critères de rendement, mais uniquement des gains à long terme de vos bénéficiaires.

M. Hiscock: On essaierait de voir quelle est l'option qui offre le rendement le plus élevé. Vous avez utilisé les mots «si l'entreprise est bien dirigée» en parlant des prises de contrôle. Nous espérons que toutes nos entreprises sont bien dirigées. Il y en a certaines qui feront effectivement l'objet d'une prise de contrôle.

Le sénateur Austin: À partir d'un certain point, ce ne sont pas les bonnes pratiques de gestion qui comptent, mais plutôt l'intérêt des actionnaires.

M. Hiscock: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Ma question porte sur les régimes à prestations déterminées. Quel est le taux de rendement que vous espérez tirer du fonds de pension dans chacun de vos organismes?

M. Walcot: Nous proposons à tous les organismes d'établir ce que nous appelons une politique d'investissement. Cette politique définit les paramètres du régime et les véhicules dans lesquels ils peuvent investir. Cependant, elle définit également les objectifs du régime de pension.

Le fonds de pension que je gère, par exemple, est censé afficher, chaque année, un rendement supérieur à l'indice SEI. Ce service évalue 800 fonds de pension au Canada et fixe les taux de rendement. Nous devons obtenir un rendement supérieur à la moyenne tous les ans. Sur quatre ans, nous devons nous classer dans le premier quart. Ce rendement n'est pas absolu. Il nous dit tout simplement que nous faisons mieux que l'industrie, que nous sommes bien dirigés sur le plan de la concurrence et que nous obtenons des rendements supérieurs.

Vous verrez souvent les gens le comparer à l'IPC, en s'assurant de faire mieux que l'inflation. Vous verrez peut-être à l'occasion 1, 2 ou 3 p. 100 au-dessus de l'IPC, selon la vigueur du fonds.

Le sénateur Tkachuk: Quelle serait votre moyenne sur dix ans?

M. Walcot: De mémoire, je crois que nous sommes à 15 ou 18.

M. Hiscock: Nous ne tiendrions pas compte d'une moyenne de 10 an. Cependant, je ne pense pas que cela a rapport à votre question.

Le sénateur Tkachuk: En effet; mais je n'obtiens pas de réponse à ma question. J'essaie de trouver une façon d'en avoir une.

M. Hiscock: En général, les régimes de retraite ne préparent pas de plan d'entreprise comportant un montant minimal pour ce qui est du rendement prévu des avoirs. Ils chercheraient à faire aussi bien que leurs concurrents ce qui, en fait, est lié au comportement des marchés et aux diverses combinaisons des avoirs à l'intérieur de ces derniers. Un régime de retraite pourrait aussi se fixer comme objectif de dépasser ce qui est prévu dans les lignes directrices, par exemple: 40 p. 100 de TSE, 20 p. 100 de S&P 500, 30 p. 100 de l'indice obligataire moyen terme Scotia McLeod et 10 p. 100 en espèces. Ce serait en quelque sorte la mesure qui refléterait tous les marchés.

Une fois de plus, l'étalon de mesure c'est ce que les divers marchés produisent et ce qu'est la composition de vos avoirs par rapport à ces marchés et non pas une valeur minimale, par exemple un taux de rendement de «X» p. 100 l'an prochain.

Mme Van Riesen: Vous obtenez trois réponses différentes, sénateur, parce que vous parlez d'un domaine qui est propre au régime de pension et à sa philosophie, qui est incluse dans l'énoncé des politiques et des objectifs en matière d'investissement.

Nous définissons deux normes dans notre politique. Il y a, dans un premier temps, le taux réel de rendement prévu. Pour respecter à tout le moins nos obligations à l'égard du régime, à long terme, nous avons fixé un taux de rendement réel de 3 p. 100 au besoin, ce qui a été assez facile à atteindre.

Nous avons également une autre norme, un point de référence, par rapport auquel nous mesurons le rendement de nos gestionnaires. Il s'agit d'un indice, d'un indice composite. Les gestionnaires actifs doivent le dépasser d'un certain pourcentage. Ce n'est pas atypique de ce pour quoi les promoteurs ont tendance à essayer de se battre aujourd'hui.

Les deux interviennent. Dans le premier cas, il s'agit de vous assurer de respecter vos obligations en fixant un taux de rendement réel à long terme. Dans le deuxième cas, il s'agit de vous assurer de surveiller attentivement vos gestionnaires pour qu'ils obtiennent le meilleur résultat possible dans le marché concurrentiel où ils évoluent.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Tkachuk: Non, mais ça va.

Le sénateur Callbeck: À votre avis, les lignes directrices et les règles devraient-elles être les mêmes pour tous les genres de régimes de retraite, qu'ils soient publics, privés, à prestations déterminées ou à cotisations déterminées?

M. Walcot: Parlez-vous de l'administration des régimes de retraite, de la structure que nous avons ici?

Le sénateur Callbeck: Oui. Les lignes directrices ou les règles devraient-elles être les mêmes pour tous les genres de régimes de pension?

M. Walcot: J'ai travaillé à la préparation de ce document. Cette structure pose les questions suivantes: quel est votre objectif? Quel est votre engagement? Quels sont vos fiduciaires? Qui contrôlerait le régime? Quelle est la séparation entre la direction et les fiduciaires? Veillez à exercer une surveillance serrée et à ce que tout le régime fasse l'objet d'un examen constant. Ces mesures devraient être applicables à tous les régimes. Nous avons essayé de les rendre applicables au plus grand nombre possible de sociétés d'investissement.

Le président: Étant donné tout ce que vous avez dit tous les trois au sujet des différences importantes entre le régime à prestations déterminées et le régime à cotisations déterminées, j'ai du mal à vous entendre conclure comme vous le faites qu'ils sont complètement différents. Vous nous dites aussi que la responsabilité que doivent assumer les membres du régime est plus grande. De toute évidence, avec un régime à cotisations déterminées, ce qu'ils obtiennent dépend du rendement. Dans un régime à prestations déterminées, le véritable risque n'incombe pas aux membres individuels mais aux promoteurs du régime, c'est-à-dire l'employeur en ce qui vous concerne tous les trois.

D'après l'analyse que vous venez de nous faire, on doit pratiquement en conclure que les directives s'appliquant à un régime à cotisations déterminées devraient être à certains égards plus sévères et davantage dans l'intérêt de chaque adhérent au régime puisque, après tout, c'est lui qui assume le risque par opposition à un régime à prestations déterminées. Je comprends qu'il s'agit de principes généraux. Nous vous avons déjà indiqué que nous sommes satisfaits des directives et du plan. En tant que décideurs, ne devrions-nous pas plutôt nous assurer de vous éviter les problèmes que connaît le Royaume-Uni, par exemple, en assujettissant les régimes à cotisations déterminées à des règles beaucoup plus strictes? Mon instinct me dit que cela inclut probablement les REER investis dans des fonds mutuels. J'aimerais toutefois savoir ce que vous en pensez.

Si ce n'est pas le cas, pourquoi alors nous avoir exposé de façon aussi détaillée les différences radicales qui existent entre les deux si le processus d'administration est le même? Je n'essaie pas d'argumenter. Je veux simplement résumer ce que vous venez de dire.

M. Walcot: Nous avons tâché d'établir des services de base pour tous les investisseurs institutionnels. Il existe une foule d'institutions, et certaines présentent plus de risques de d'autres. Il serait possible d'adapter chacune de ces structures en fonction du niveau de risque. Mais cela ne signifie pas qu'il devrait forcément exister une séparation entre les fiduciaires et la direction.

Le président: Je ne conteste absolument pas la chose. N'est-il pas nécessaire de les resserrer dans le cas des régimes à cotisations déterminées? Si cette hypothèse est correcte -- et si elle ne l'est pas, je serai heureux d'en débattre avec vous -- expliquez-moi ce qu'il en est.

Mme Van Riesen: Pour vous répondre en un mot, oui.

M. Hiscock: J'abonde en votre sens. Dans ce cas-ci, c'est que le problème se situe en fait au niveau des détails puisque, au-delà de la notion générale de régie efficace et des définitions possibles, les détails varieront d'une situation à l'autre.

Dans la mesure où la régie des fonds constitue un problème, c'est apparemment un problème plus grave dans les régimes à cotisations déterminées en raison des conséquences possibles à long terme sur les pensions qui seront versées.

Le président: Nous aimerions que vous nous indiquiez -- et c'est le grand avantage de vous avoir avec nous maintenant -- en quoi devraient consister les nouvelles directives ou des directives plus sévères concernant les régimes à cotisations déterminées où l'adhérent au régime plutôt que l'employeur assume le risque. Nous avons besoin de votre aide à cet égard. J'espère que vous-même ou votre association pourrez nous éclairer à ce sujet.

M. Hiscock: Oui.

Le président: Enfin, ces directives devraient-elles s'appliquer également aux REER investis dans des fonds mutuels, puisqu'il s'agit d'une sorte de régime à cotisations déterminées, sauf que leur administration est individuelle. Existe-t-il une différence entre les REER investis dans des fonds mutuels et un régime formel à cotisations déterminées?

M. Walcot: Fondamentalement, je ne crois pas qu'il existe de différence réelle. Il est un peu plus difficile pour un particulier de faire la séparation entre l'aspect fiducie et l'aspect administration mais les principes des REER et des régimes à cotisations déterminés sont très semblables.

M. Hiscock: J'ignore la réponse à cette question mais je suis sûr que vos attachés de recherche pourront vous la trouver. Il serait intéressant de savoir, sur la totalité des REER qui existent, quelle est la proportion qui représente l'unique source de revenu de retraite et celle qui représente un supplément à d'autres sources de revenu de retraite. Je pense que ce genre d'information permettrait de répondre à cette question.

Le président: Selon vous, s'il s'agit uniquement d'un supplément, la situation n'est pas aussi inquiétante. Pourriez-vous alors nous parler des cas où ils représentent une «proportion importante»?

M. Hiscock: C'est une proposition que je vous fais, à savoir que votre comité pourrait charger quelqu'un de faire de la recherche à ce sujet. Pour certains, les REER sont l'unique pension qu'ils recevront. Pour d'autres, il s'agit de REER légitimes qui s'ajouteront à leur régime à prestations déterminées.

Le président: Je croirais que ce serait la seule source de revenu de tous les professionnels qui travaillent à leur compte, comme les avocats, les médecins, les comptables et ainsi de suite.

Êtes-vous d'accord avec vos deux collègues qui ont répondu «oui» à ma question: faudrait-il appliquer les mêmes règles pour l'administration des REER investis dans des fonds mutuels qu'aux régimes à cotisations déterminées?

M. Hiscock: En général, je dirais que oui mais j'aimerais avoir des exemples précis de ce que vous voulez dire avant de me prononcer.

Dans le domaine des régimes à cotisations déterminées, l'employé doit se fier jusqu'à un certain à l'orientation adoptée par l'employeur. Dans le cas d'un avocat qui travaille à son compte et qui est tout à fait conscient d'être le seul responsable du rendement du capital investi dans ce REER, la situation peut être différente. Cependant, je serais porté à être d'accord avec ce que vous voulez dire.

Le président: Comme le problème se situe au niveau des détails et que vous avez accepté de nous aider avec les détails, c'est formidable.

Le sénateur Meighen: Si nous avons cette discussion très instructive aujourd'hui, c'est qu'il y a un certain temps le comité, dans le cadre de son examen des modifications à la Loi sur les corporations canadiennes, a entendu de nombreux témoins laisser entendre que l'influence des investisseurs institutionnels augmentait rapidement. Ils n'insinuaient pas nécessairement qu'il s'agissait d'une tendance déplorable mais qu'il s'agissait néanmoins d'une tendance.

L'ancien président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a indiqué que l'activité des investisseurs institutionnels devrait être plus transparente. Vous avez porté à notre attention un certain nombre de mesures que votre association tâche de prendre pour améliorer la régie d'entreprise. Nous avons discuté du rôle des fonds de retraite en ce qui concerne les sociétés émettrices. Certains préfèrent vendre leurs actions et s'éclipser; d'autres ont peut-être des avoirs trop importants et ne peuvent pas le faire et exercent peut-être une influence positive en faisant des démarches auprès de la direction.

À votre avis, la transparence dont parle M. Waitzer s'est-elle améliorée? Faudrait-il des encouragements d'ordre législatif pour l'améliorer? Selon vous, est-elle suffisante à l'heure actuelle? Les retraités actuels et futurs devraient-ils ou pourraient-ils participer davantage à l'administration d'un fonds de retraite?

Il n'existe peut-être pas de problème à ce niveau mais le volume des fonds de retraite et la taille des investisseurs institutionnels en général ont augmenté de façon régulière. Il n'y a plus autant de marge libre à la Bourse au Canada. Par exemple, en Ontario, 3,6 p. 100 de la marge libre à la Bourse de Toronto est déjà détenue par le fonds des enseignants. La situation du petit investisseur, dont se préoccupe le sénateur Angus, n'est-elle pas en train de s'aggraver?

C'est une question qui peut paraître décousue mais c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici ce soir.

Mme Van Riesen: Je tiens à m'assurer d'avoir bien compris la question. Vous parlez de la transparence de l'administration des régimes de retraite?

Le sénateur Meighen: Des activités des régimes de pension.

M. Walcot: Que voulez-vous dire par «activités»? Voulez-vous dire l'achat et la vente d'actions? J'ai vraiment de la difficulté à comprendre ce qu'on veut dire par «influence» et «transparence».

Le sénateur Meighen: En tant que membre du public ou que cotisant à un régime de pension, ne devrais-je pas être mis au courant de vos démarches auprès d'une société émettrice lorsque vous lui dites, «Nous ne sommes pas satisfaits de votre administration. Vous avez intérêt à vous ressaisir sinon nous ferons la même chose que certains investisseurs institutionnels, par exemple dans le cas de la Moore Corporation récemment?» En tant que membre du public ou de cotisant à un régime, est-ce que je devrais en être informé?

M. Hiscock: Vous voulez savoir si vous devriez approuver la décision? C'est dans les journaux le jour où cela se produit.

Le président: Permettez-moi de poser ma question de façon plus précise.

Monsieur Hiscock, dans votre réponse au sénateur Austin, vous avez donné l'exemple suivant. Vous avez dit: «Vous n'allez pas dire à une société qu'elle devrait ouvrir une usine à Vancouver.» Vous allez voir une société et vous lui dites: «Après avoir examiné vos résultats et les résultats des trois sociétés suivantes que nous considérons comme des sociétés auxquelles votre rendement devrait se comparer, nous ne sommes pas satisfaits de votre rendement. Par conséquent, nous estimons que vous devriez prendre des mesures pour y remédier.» C'est ce que vous dites avoir fait.

Je crois que la question du sénateur Meighen était la suivante: compte tenu des connaissances et des ressources dont vous disposez pour surveiller le rendement des sociétés, les particuliers qui ont investi dans les sociétés auprès desquelles vous venez de faire ces démarches, devraient-ils être mis au courant de vos démarches? C'est la question qui a été soulevée dans le cadre de nos audiences sur la régie d'entreprise.

On pourrait soutenir qu'un actionnaire individuel qui n'est pas mis au courant se trouve désavantagé, non seulement parce qu'il n'a pas accès à toutes les sources d'information dont disposent des investisseurs comme vous, mais surtout parce qu'il ignore comment la direction a réagi à votre question.

M. Hiscock: J'ai utilisé cet exemple pour répondre à la question de l'honorable sénateur, à savoir si les investisseurs institutionnels essaient de deviner les intentions de la direction ou se considèrent mieux en mesure de diriger une certaine industrie que ceux qui en font partie depuis 20 ans. À ma connaissance, ce type d'activisme n'existe pas. C'était l'objet de cet exemple.

En ce qui concerne un investisseur individuel, il me semble que si les investisseurs institutionnels ont pour objectif d'accroître les avoirs des actionnaires et y réussissent -- et vraisemblablement ils y réussiront dans bien des cas -- alors l'investisseur individuel qui détient ces actions sera avantagé. Il s'agit donc d'une situation économique, qui est positive pour les marchés.

Le président: C'est très bien si votre intervention entraîne une amélioration du rendement des actions. Supposons que vous rencontrez la direction et qu'à l'issue de cette rencontre vous concluez qu'elle ne suit pas vos propositions. Vous décidez alors de vendre parce que vous n'avez pas obtenu la réaction que vous vouliez. Il me semble qu'à ce stade, l'investisseur individuel pourrait être défavorisé par rapport à vous. Est-ce exact?

M. Hiscock: Pour revenir à une réponse que j'ai déjà donnée, la plupart des fonds préfèrent -- et je pense que nous sommes tous les trois du même avis -- en cas de problème, vendre plutôt que rencontrer la direction. Au moment où l'activisme de l'actionnaire s'intensifie, c'est qu'il n'y a pas de voie de sortie.

Ici encore, l'activisme de l'actionnaire est motivé par le souci d'accroître les avoirs des actionnaires, et tout le monde en profite.

Le sénateur Meighen: Pourquoi préféreriez-vous vendre? Vu la limite générale de la liquidité des marchés canadiens, si vous vendez beaucoup d'actions, vous faites baisser les cours et vous perdez de l'argent. Qu'y a-t-il de mal à rencontrer la direction et à lui dire: «Nous ne sommes pas satisfaits et nous détenons 3 p. 100 de vos actions»?

M. Hiscock: Ce sont ceux qui détiennent des blocs de 3 ou 5 p. 100 qui risquent de décider de ne pas vendre. Pour revenir à une observation faite plus tôt, mieux vaut ne pas généraliser. L'industrie de la gestion des fonds de retraite fonctionne de la même façon qu'une petite poignée de groupements massifs de capitaux. La plupart d'entre eux sont beaucoup plus petits que cela et préféreraient sans doute vendre dans une situation pareille.

Le sénateur Meighen: Vous ai-je bien compris lorsque vous avez dit que la plupart des fonds de retraite ne détiennent pas un pourcentage important d'actions de leurs sociétés émettrices?

M. Hiscock: Le pourcentage de la valeur boursière d'une compagnie détenu par la plupart des fonds de retraite sera loin de correspondre aux chiffres que vous avez indiqués. Seuls les fonds massifs, par soucis de prudence, en détiendraient un pourcentage aussi important.

Le président: Sur le plan mathématique, votre déclaration est correcte, mais cela me rappelle l'histoire du type qui s'est noyé en traversant à la nage une rivière d'une profondeur moyenne de trois pieds. La moyenne est trompeuse, puisqu'il existe beaucoup de petits fonds. Je suis sûr que votre déclaration à propos de la moyenne est exacte.

Que se passerait-il dans le cas des 25 ou 50 membres les plus importants de votre association qui détiennent couramment 2, 3, 4 ou 5 p. 100 des actions? Quelle réponse donneriez-vous au sénateur Meighen si l'on examinait uniquement le groupe le plus important?

M. Hiscock: Habituellement, les gestionnaires de ces fonds établiraient le dialogue avec la direction pour favoriser des initiatives susceptibles d'accroître les avoir des actionnaires. Donc, tous les participants sur le marché en bénéficieraient.

Le président: Nous tenons à approfondir cette question parce qu'elle nous paraît cruciale. Nous ne contestons pas le fait que l'objectif visé est d'accroître l'avoir des actionnaires, ni le fait que, si elle permet effectivement d'accroître l'avoir des actionnaires, la règle du free rider ou du cavalier seul fonctionne. C'est formidable. Voici ce que nous voulons savoir: d'autres gens devraient-ils être au courant des mesures que vous avez prises? Il me semble que l'investisseur individuel devrait l'être. Il est moins capable d'assumer les risques que vous. La possession d'un petit nombre d'actions est peut-être insignifiante pour la société de placements mais pas pour le petit actionnaire. Dans ces circonstances, le simple fait que vous ayez rencontré la direction pourrait s'avérer un élément d'information susceptible d'influencer les décisions de placement de l'investisseur individuel. C'est pourquoi le sénateur Meighen demande de nouveau si les investisseurs individuels devraient être mis au courant de ces rencontres.

M. Walcot: Peut-être suis-je quelque peu iconoclaste, mais je suis un acheteur et un vendeur. Je ne suis pas un activiste et je ne l'ai jamais été. Je préfère simplement vendre ou acheter des actions. J'essaye d'obtenir autant d'information que possible afin que la transparence et l'information sur les marchés jouent en ma faveur. C'est mon opinion personnelle. Je tiens à savoir tout ce qui se passe afin de pouvoir prendre une décision éclairée.

Le sénateur Meighen: Très bien. Cependant, n'est-il pas vrai que vous êtes mieux placé que moi pour obtenir de l'information? Je n'ai accès qu'à l'opinion d'un analyste ordinaire dans la presse.

M. Walcot: J'ai peut-être accès à des gens un peu plus avertis qui peuvent analyser l'information plus subtilement que vous, mais je ne crois pas que je devrais obtenir de l'information que vous ne pouvez pas obtenir.

Le sénateur Oliver: Mais vous l'obtenez.

M. Walcot: Nous ne pouvons pas obtenir de renseignements d'initiés. C'est illégal. Nous n'avons pas le droit de recevoir ce genre de renseignements. Nous avons uniquement le droit d'obtenir de l'information publique. Je suis convaincu que c'est notre capacité d'analyser cette information et non pas les renseignements d'initiés, qui nous permettent de faire des placements judicieux.

M. Hiscock: Chaque jour, les sociétés rendent visite à tous les importants fonds de retraite, à l'insu les uns des autres. Nous ignorons si une société visite l'un de ces fonds plutôt que nous et vice versa. Les sociétés rencontrent, chaque jour, les gestionnaires de fonds mutuels dans lesquels ont investi une grande majorité de particuliers. On aurait tort de croire que ces rencontres sont rares et que mis à part ces rares rencontres, il existe peu d'information, parce que cela ne marche comme ça.

Le sénateur Meighen: Si nous ne nous débarrassons pas de la règle du 20 p. 100 et si la loi sur le Régime de pension du Canada est adoptée telle qu'elle est libellée à l'heure actuelle, il y aura énormément d'argent qui viendra grossir les fonds de pension privés, c'est-à-dire les fonds de retraite non gouvernementaux, ce qui risque de rendre le marché canadien des valeurs mobilières encore moins liquide et d'entraîner alors une plus grande concentration des capitaux.

Je ne cherche pas à critiquer qui que ce soit, mais nous avons entendu dire que les enseignants détiennent plus de 10 p. 100 des actions de huit entreprises, et plus de 5 p. 100 des actions de plus de 40 autres compagnies. C'est très bien, mais c'est toute une concentration, d'où notre intérêt pour la question.

M. Walcot: Mme Van Riesen et moi faisions allusion aux 50 fonds qui viennent en tête de liste. Il y a un petit groupe de méga-fonds, et ensuite il y a les nôtres. Nous utilisons des stratégies très différentes. Je peux acheter et vendre des actions à l'intérieur du marché. Ce sera plus difficile avec le RPC, si on élimine la règle de 20 p. 100.

Le sénateur Meighen: Beaucoup plus difficile?

Le sénateur Oliver: Vous pouvez utiliser des produits dérivatifs.

M. Walcot: Nous nous conformons, en règle générale, à l'esprit de la loi, qui nous impose un plafond de 20 p. 100. Comme nous respectons cette règle, nous évitons d'utiliser des produits dérivatifs. Cela ne ferait que nous nuire.

Ce n'est pas impossible, parce que les rentrées de fonds, dans le cas du RPC, se feront de façon régulière. Ce n'est pas comme si nous allions y injecter 100 milliards demain matin. L'argent ne sera pas versé en un seul coup. Toutefois, de manière générale, les prix au sein de notre marché sont plus élevés en raison de la règle de 20 p. 100.

Si les rentrées de fonds étaient plus élevées, je présume qu'on continuerait de payer un prix plus élevé parce que la concurrence est plus vive.

Je tiens à souligner qu'il n'est pas question ici de verser une somme forfaitaire dans le RPC.

Le sénateur Tkachuk: On aura accumulé 100 milliards de dollars d'ici l'an 2006. C'est beaucoup en si peu de temps.

M. Hiscock: La plupart des gens s'entendent pour dire que le RPC va constituer un enjeu important pour les marchés financiers. On ne sait pas combien de temps il faudra attendre avant que l'impact se fasse sentir, mais oui, le système subit des pressions additionnelles.

Je ne connais pas la réponse, mais lorsque vous dites que les enseignants ont investi des sommes importantes dans de nombreuses entreprises, les fonds les plus gros investissent habituellement une bonne partie de leur actif dans un fonds indiciel. Ce qui signifie automatiquement qu'ils vont détenir une part non négligeable de chacune des actions, peu importe leur rendement, puisqu'il s'agit d'un fonds indiciel. Je ne sais pas si cela est important, mais ces données doivent être considérées conjointement avec les chiffres que vous avez mentionnés. Il y a une partie de l'investissement qui sera passif, mais quelle proportion, je ne le sais pas.

Le sénateur Meighen: Êtes-vous d'accord pour dire que lorsqu'un fonds est bien géré, cela se traduit, dans la plupart des cas, par un rendement élevé? Autrement dit, plus un fonds est bien géré, plus élevé sera le rendement?

M. Walcot: Je suis tout à fait d'accord avec vous, puisque j'ai moi-même géré trois fonds. Quand on comprend bien le rôle et les responsabilités de chacun, on atteint les objectifs plus facilement.

Le sénateur Meighen: Keith Ambachtsheer, et nous avons parlé de lui plus tôt dans la soirée, a recueilli quelques données empiriques à ce sujet, et tout semble être logique.

Est-ce que votre association analyse les coûts de gestion des fonds de pension, ou publie des statistiques ou données comparatives à ce sujet?

M. Hiscock: Non. En tant qu'association, nous nous sommes demandés si nous devions recueillir des données auprès de nos membres, mais Keith Ambachtsheer le fait déjà.

Mme Van Riesen: Pour les souscripteurs.

M. Hiscock: Ce service existe déjà. Comme, en tant qu'association, nous n'avons pas beaucoup d'employés rémunérés, nous avons conclu qu'il était inutile d'essayer de réinventer la roue.

Le sénateur Meighen: Une dernière question. Avez-vous des renseignements sur le rendement de vos fonds par opposition à celui d'autres fonds, au Canada et à l'étranger?

M. Walcot: Nous ne publions pas d'analyses comparatives.

Mme Van Riesen: Vous voulez des renseignements sur les fonds au Canada ou à l'étranger?

Le sénateur Meighen: Ici ou ailleurs.

M. Hiscock: La réponse est la même. Il existe déjà un certain nombre d'organismes qui mesurent le rendement des fonds. Nous avons donc jugé qu'il était inutile d'offrir un tel service. Pour ce qui est de comparer le rendement des fonds de pension au Canada et à l'étranger, cela équivaudrait à comparer des pommes et des oranges.

Le sénateur Meighen: À cause de la règle de 20 p. 100?

M. Hiscock: Non. C'est un problème pour nous, mais chaque pays a des marchés différents et des attentes différentes en matière de rendement. Le passif d'un fonds de pension est établi dans la devise du pays d'origine. Comme je l'ai déjà indiqué lorsque nous avons parlé de la règle de 20 p. 100, aucun fonds de pension n'investirait tous ses avoirs à l'étranger, parce que le passif est libellé en devises étrangères. Comparer le rendement des fonds canadiens à celui des fonds américains et britanniques ne donnerait pas grand-chose. C'est pourquoi nous ne le faisons pas.

Le sénateur Meighen: En tant que membre, participant ou retraité, quelle est la meilleure façon pour moi de déterminer si mon fonds affiche ou non un bon rendement? Est-ce que cela dépend de la nature du fonds?

M. Walcot: Oui. J'ai travaillé pour un organisme qui offrait des régimes à cotisations déterminées, et les taux de rendement des fonds étaient publiés, ce qui permettait aux détenteurs de savoir si le fonds affichait une bonne performance ou non. Ces données étaient publiées tous les mois. Cela faisait partie de mon travail.

Dans le cas des régimes à prestations déterminées, ce qui compte avant tout, ce sont les prestations de retraite que vous allez recevoir. On met donc souvent l'accent sur le régime lui-même et sur les prestations au lieu d'insister sur les placements.

Mme Van Riesen: J'ajouterais que les employeurs au Canada ont tendance de plus en plus à préparer des rapports annuels qui contiennent des renseignements sur le rendement et le passif de leurs fonds de pension. Les bénéficiaires s'intéressent de plus en plus à ces questions, et nous croyons qu'il est utile de leur fournir ces renseignements.

M. Walcot: Comme je l'ai indiqué, au Québec, nous devons organiser des assemblées tous les ans pour communiquer ces renseignements à nos membres.

Le sénateur Meighen: Est-ce que les troupes se sont déjà révoltées?

Mme Van Riesen: Quelles troupes?

Le sénateur Meighen: Les bénéficiaires. Ont-ils déjà dit, «Ces taux de rendement ne sont pas acceptables»? Si oui, comment s'y prennent-ils?

Mme Van Riesen: De manière générale, les administrateurs de tous les fonds de pension reçoivent des lettres, pas tellement des membres actifs, mais surtout des retraités. Les membres nous font part de leurs préoccupations, dont certaines sont fondées, et d'autres, pas. C'est pour cette raison, entre autres, que nous avons décidé de préparer un rapport annuel. Nous en publierons un cette année. Cela nous permet de transmettre à nos membres des renseignements importants et utiles.

Le sénateur Meighen: Est-ce que vous organisez une assemblée annuelle comme le font les entreprises?

Mme Van Riesen: Non.

M. Hiscock: Dans le cas des régimes à prestations déterminées, domaine dans lequel nous travaillons tous les trois, les risques d'investissement sont assumés par le parrain du régime. Quand le rendement est inadéquat, c'est lui qui doit combler la différence. Donc, il est important, surtout pour l'entreprise ou le parrain du régime, que le fonds affiche un bon rendement. Cela devrait répondre à votre question.

Le sénateur Meighen: Mais est-ce que vous organisez des assemblées annuelles?

Mme Van Riesen: Non.

M. Hiscock: Nous le faisons.

Mme Van Riesen: Nous représentons des investisseurs particuliers. Il faudrait qu'on en organise 5 000.

M. Hiscock: Nous organisons une assemblée annuelle avec le conseil d'administration d'un fonds de pension. Les représentants des retraités de toutes les régions du pays y assistent. On compte environ 50 000 retraités et, bien sûr, ils ne participent pas tous à l'assemblée. Toutefois, nous organisons des réunions et nous communiquons avec chacun des membres.

M. Walcot: Je tiens à préciser que nous avons essayé d'organiser des réunions avec nos membres. Malheureusement, seul un petit nombre de personnes y assistaient. Alors que nous attendions une centaine de personnes, seulement cinq se présentaient. Comme nous l'avons mentionné, c'est le parrain du régime qui assume les risques.

Le sénateur Angus: Il y a plus de gens qui assisteraient aux réunions si les résultats n'étaient pas aussi bons.

Le président: Nous avons nous-mêmes constaté que la présence aux réunions augmente au fur et à mesure que le rendement diminue.

J'ai une dernière question à poser. Si j'administrais un fonds qui avait effectué autant de placements que le vôtre, je ne sais pas pourquoi je resterais passif. Si le fait de rencontrer des entreprises dans lesquelles vous détenez des parts importantes peut contribuer à accroître l'avoir des actionnaires, comme M. Hiscock l'a mentionné, pourquoi se contenter de jouer tout simplement le rôle d'acheteur et de vendeur, pour reprendre les paroles de M. Walcot? Pourquoi ne pas essayer d'utiliser votre influence? Pourquoi rester passif?

M. Walcot: Je devrais définir ce qu'on entend par «passif». Je suis un investisseur actif, en ce sens que j'achète et que je vends des actions.

Le président: J'ai utilisé le mot «passif».

M. Walcot: Mais je ne gère pas un fonds indiciel. J'achète et je vends. Je ne prétends pas savoir comment diriger une entreprise. Ce n'est pas à moi de dire aux dirigeants ce qu'ils doivent faire. J'achète et je vends des actions sur le marché. Mon travail consiste à déterminer comment une entreprise va réagir à la conjoncture du marché. J'investis dans des titres. J'essaie d'acheter des actions bon marché. Par conséquent, ce n'est pas l'entreprise en tant que telle qui m'intéresse, mais plutôt sa performance par rapport au marché. Mon rôle consiste simplement à acheter et à vendre des titres. Je peux encore me permettre de le faire parce que le fonds n'est pas tellement gros.

Le président: La dernière partie de votre réponse est très intéressante. Adopteriez-vous une démarche différente si vous étiez chargé de gérer le régime de pension X, un des plus gros au pays?

M. Walcot: Oui. Lorsque les liquidités atteignent un certain niveau, vous ne pouvez pas vous contenter tout simplement d'acheter et de vendre. Nous n'en sommes pas encore là. Notre fonds totalise 5 milliards de dollars. Il passe pour l'un des plus gros et des plus actifs au Canada. Je peux encore transiger sur le marché, mais avec prudence. C'est difficile, mais je peux le faire. Si le fonds était plus gros, je serais obligé d'adopter une stratégie différente.

Le président: Évidemment, gérer un fonds de 50 milliards, ce n'est pas la même chose, mais si votre fonds était deux fois plus gros, est-ce que ce serait trop pour vous?

M. Walcot: Si nos avoirs totalisaient 10 milliards de dollars, j'aurais de la difficulté à gérer le fonds, étant donné qu'il est déjà assez difficile d'en administrer un de 5 milliards. Nous devons bien réfléchir aux gestes que nous allons poser.

Mme Van Riesen: Notre fonds de pension totalise 2 milliards de dollars, et nous avons choisi de faire confiance à nos directeurs. Nous n'avons pas d'experts-conseils qui vont nous dire si les dirigeants prennent ou non de bonnes décisions. Nous nous fions au bon jugement des directeurs des investissements. Nous faisons confiance à leur savoir-faire et nous appuyons leurs décisions, qui sont essentiellement de vendre plutôt que de voter contre les dirigeants d'une entreprise. C'est ce que nos directeurs ont tendance à faire, bien qu'ils bénéficient d'un pouvoir discrétionnaire total en la matière. Nous avons décidé de ne pas intervenir. Que nous ayons tort ou raison, c'est le choix que nous avons fait.

Le sénateur Austin: Compte tenu de ce que vous venez de dire, nous sommes saisis d'un projet de loi qui aura pour effet de créer un fonds qui, en quelques années, dépasserait les 100 milliards de dollars. Vous avez de la difficulté à gérer un fonds de 10 milliards. Pouvez-vous nous dire quel genre de problème poserait la gestion d'un fonds de 100 milliards de dollars?

M. Walcot: Ce serait très différent. La façon dont vous transigez, vos liquidités, la marge de manoeuvre dont vous disposez pour acheter et vendre des actions, tout serait différent. L'horizon temporel changerait aussi. Si vous ne pouvez pas acheter ou vendre, vous allez devoir investir pour des périodes de cinq ou dix ans au lieu de 18 mois. Par conséquent, vous adopteriez une stratégie totalement différente pour ce qui est des valeurs mobilières.

Il y en a qui vont répartir les gestionnaires en équipes. Soit vous le faites passivement, et la taille importe peu, soit vous mettez sur pied plusieurs équipes plus petites de gestionnaires. Ils se livrent concurrence sur le marché.

Le sénateur Austin: Vous diversifiez votre plan et créez différentes structures de gestion.

M. Walcot: En fait, nous avons un gestionnaire qui dirige une équipe composée de neuf gestionnaires qui administrent des portefeuilles différents. Il fait un travail exceptionnel. Cette formule peut être très efficace.

Le sénateur Austin: Y a-t-il quelqu'un, au Canada, qui administre un fonds de 100 milliards de dollars?

M. Walcot: Personne pour l'instant.

Mme Van Riesen: Le Régime de pensions du Canada.

Le sénateur Austin: On prévoit adopter une stratégie d'investissement différente pour le Régime de pensions du Canada.

Le sénateur Meighen: Le nouveau fonds aura des avoirs énormes.

Le président: Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être venus ce soir. Vous avez été d'une grande utilité. J'espère que vous ne nous avez pas trouvés trop insistants. Nous voulions encourager la discussion pour bien saisir le sujet.

Sénateurs, notre dernier témoin ce soir est M. Tom Hockin, président de l'Institut des fonds d'investissement du Canada, l'association des spécialistes en fonds communs de placement. Vous connaissez tous M. Hockin.

M. Thomas Hockin, président-directeur général, Institut des fonds d'investissement du Canada: Honorables sénateurs, j'aimerais vous parler ce soir de la régie des entreprises, mais de façon indirecte. Nous ne sommes pas prêts, en tant qu'institut, à répondre aujourd'hui à toutes les questions que vous pourriez avoir sur le sujet, parce que nous sommes en train de mener une étude là-dessus. Toutefois, nous serons en mesure de vous fournir certaines réponses, et même de vous communiquer certaines données non scientifiques, si vous voulez.

Nous avions l'intention de vous parler des principes de régie qu'appliquent les investisseurs institutionnels en mettant l'accent sur une question qui complique la gestion des fonds de pension et qui influe sur les politiques d'investissement des investisseurs institutionnels. Vous en avez déjà parlé ce soir, il s'agit de la règle sur les biens étrangers.

Le comité a indiqué, dans son rapport de 1996 sur la régie des entreprises, que cette règle pose des problèmes. Nous avons bien aimé la sagesse dont a fait preuve le comité lorsqu'il a proposé que cette règle soit supprimée de façon graduelle. Toutefois, il a également recommandé que les technocrates évaluent, avant d'agir, les conséquences que l'élimination progressive de cette règle pourrait avoir sur les marchés financiers canadiens. Le comité a eu raison de soulever cette question, et le ministre des Finances aussi. Nous avons pensé qu'il serait prudent d'effectuer quelques recherches sur le sujet. C'est pour cette raison que nous sommes ici ce soir.

Nous avons demandé au Conference Board du Canada d'évaluer les conséquences qu'entraînerait une hausse de la règle sur les biens étrangers, et l'impact que cela aurait sur les marchés financiers. Votre comité a exprimé des inquiétudes à ce sujet, tout comme le ministre des Finances. C'est le mandat que nous avons confié au Conference Board du Canada. Nous devrions recevoir les résultats de cette étude dans deux semaines environ. Si vous voulez, monsieur le président, nous en déposerons une copie auprès du comité. Nous n'avons pas l'intention de remettre ce document à d'autres groupes, le comité ayant été le premier à s'intéresser à cette question.

Le président: Cela nous serait utile.

M. Hockin: Les résultats préliminaires de l'étude du Conference Board révèlent que les marchés financiers ne seraient pas touchés si le plafond fixé sur les biens étrangers passait des actuels 20 p. 100 à 30 p. 100. En fait, si l'on tient compte d'autres facteurs dont il a été question hier et aujourd'hui, cette hausse pourrait même être avantageuse.

Le président: Vous pouvez peut-être nous définir ce que vous entendez par «ne pas être touchés» et «avantageuse» parce que ce sont des notions subjectives qui laissent place à une certaine interprétation.

M. Hockin: En guise de réponse, j'aimerais vous expliquer le raisonnement, qui sera encore plus clair lorsque vous lirez le rapport. En théorie, très peu de faits donnent lieu de croire que la simple abolition de cette règle aurait une influence sensible sur le coût réel du capital au Canada, au-delà d'effets à très court terme durant la période de transition. En effet, le Canada n'a pas en place d'autres mesures de contrôle des capitaux internationaux, et les capitaux placés dans les titres canadiens qui sont assujettis à la règle sur les biens étrangers représentent un pourcentage relativement faible des placements liquides au pays. Les chiffres sont très éloquents à cet égard, et le Conference Board le mettra en valeur.

Par conséquent, si les Canadiens ou les étrangers peuvent obtenir un meilleur rendement réel en investissant ailleurs qu'au Canada, ils le feront en plaçant des capitaux qui ne tombent pas sous le coup de la règle sur les biens étrangers. Le taux réel de rendement des investissements et, par conséquent, le coût du capital au Canada ne peuvent donc pas être bien inférieurs au taux global de rendement lorsque tous les facteurs de risque y sont intégrés. Si la règle sur les biens étrangers s'appliquait à un fort pourcentage des fonds qu'ont à investir des Canadiens, le coût du capital et le taux d'épargne en seraient peut-être affectés. Cependant, ce n'est pas le cas. Le Conference Board fera remarquer que la règle sur les biens étrangers ne s'applique qu'à 24 p. 100 des fonds d'investissement dans notre économie actuellement, de sorte que le coût du capital est dicté par les 76 p. 100 qui restent.

Le Conference Board fera une analyse plus poussée de cette question dans le rapport qui sera déposé ici, espère-t-on, dans les deux prochaines semaines, avec multiples détails. Je reviendrai volontiers à ce moment-là ou plus tard, selon votre bon désir, pour vous en dire davantage au sujet de l'étude. Au besoin, je serai accompagné de représentants du Conference Board.

Nous avons demandé à Ernst & Young d'effectuer une autre étude dont je vous parlerai plus tard au sujet de la règle sur les biens étrangers. Cette étude a porté sur l'incidence de cette règle sur le rendement des investissements, sur la façon dont elle nous nuit en tant qu'investisseurs. L'étude établit qu'un relèvement du plafond fixé dans la règle sur les biens étrangers donnerait aux investisseurs la possibilité de diversifier leurs placements et d'obtenir de meilleurs rendements. Le rapport d'étude a été présenté au comité permanent des finances de la Chambre des communes, il y a deux semaines.

Nous ne sommes pas ici simplement pour protester et pour quémander. Nous avons la volonté réelle de travailler de concert avec vous et avec le gouvernement à trouver le moyen d'éliminer les points qui ont justifié le maintien du plafond. C'est pourquoi nous examinons le coût du capital et la manière dont les investisseurs ont été affectés. L'effet de la règle sur la petite entreprise fera l'objet d'une autre étude que nous présenterons au comité de l'industrie.

Je tiens à expliquer pourquoi l'IFIC estime qu'un relèvement du plafond tout de suite plutôt que plus tard est sensé, sur le plan de la politique. Les audiences que tient actuellement le comité ont pour objet central l'impact qu'a tout cela sur la régie des entreprises. Je sais que c'est ce qui vous préoccupe.

Pour vous replacer dans le contexte, l'expansion qu'a connue le commerce des fonds mutuels est représentative. Il était question, tout à l'heure, de l'importance des fonds de retraite. La plus importante société canadienne de fonds mutuels a des avoirs de 33 milliards de dollars et la deuxième, de 31 milliards de dollars. Nous ne parlons donc pas de petites entreprises.

En 1982, les membres de l'IFIC géraient des avoirs évalués à 4 milliards de dollars, avoirs qui atteignaient 6 milliards de dollars, je crois, quand j'étais ministre d'État aux Finances. Ils totalisent maintenant 279 milliards de dollars. En fait, ces avoirs ont augmenté de 50 p. 100 au cours des 12 derniers mois seulement, sous l'effet d'argent frais et de la performance du marché qui a été bonne, l'an dernier. Sept millions de ménages canadiens ont investi dans au moins un fonds mutuel.

Ce qui importe pour la régie des entreprises, c'est qu'une grande partie de ces fonds est investie par des Canadiens ou en leur nom pour préparer leur retraite. Quand on tient compte de l'ampleur de ces mouvements et du fait que 80 p. 100 de ces fonds doivent être investis au Canada en raison de la règle sur les biens étrangers, on peut facilement voir l'impact que cela a sur la régie des entreprises, dont on vous a parlé plus tôt. Il est clair que les investisseurs institutionnels n'ont souvent pas le choix d'investir dans certaines sociétés plus qu'ils ne le feraient autrement. C'est là qu'il faut voir le rapport entre la règle sur les biens étrangers et la régie des entreprises. La règle sur les biens étrangers oblige les fonds mutuels à avoirs canadiens à occuper plus de place qu'ils ne le souhaiteraient au sein d'un marché restreint.

Le corollaire, c'est que cela donne plus de pouvoir aux investisseurs institutionnels. La règle abaisse aussi les liquidités sur le marché, comme l'a fait remarquer le sénateur Meighen, parce qu'il est difficile de vendre des blocs plus importants d'actions. Étant donné le taux à la hausse de croissance des fonds d'investissement, je crois que l'analyse que vous faites de l'impact des investisseurs institutionnels et de la régie des entreprises est très opportune.

À mon avis, l'abolition de la règle atténuerait certaines préoccupations liées au fait que les investisseurs institutionnels sont d'importants actionnaires au sein des sociétés canadiennes. Une réduction de leur influence sur les sociétés canadiennes et une remontée des liquidités sur le marché seraient deux avantages du relèvement du plafond.

Autre grand avantage -- qui intéressera probablement davantage les sénateurs, en règle générale --, la croissance des biens étrangers favoriserait beaucoup les investisseurs canadiens. Elle offrirait aux Canadiens une gamme élargie d'options en vue de mieux garantir la santé financière de leurs placements, comme vous le savez tous.

Plus particulièrement, un relèvement du plafond fixé dans la règle sur les biens étrangers contribuerait sensiblement à éviter que les Canadiens ne mettent tous leurs oeufs dans le même panier, quand il s'agit de leur retraite. Elle permettrait aux investisseurs de tirer profit des industries d'avenir des autres pays, ainsi que d'industries qui n'existent peut-être même pas au Canada. On ne peut pas acheter des actions de Disney au Canada. On ne peut pas investir massivement dans la micropuce au Canada. On ne peut pas faire de gros investissements dans le domaine des soins de la santé au Canada. Toutes ces industries existent ailleurs, et il faudrait probablement qu'elles figurent dans votre programme d'investissement pour la retraite.

En diversifiant ses investissements, on court moins de risques, et le portefeuille est plus sûr. Les investisseurs prudents ne placent pas tout leur argent dans un seul secteur ou dans des entreprises toutes situées dans la même ville. À l'échelle mondiale, cependant, c'est ce que la règle sur les biens étrangers les force à faire.

Le marché boursier canadien représente 2,4 p. 100 de toute la capitalisation du marché des actions. Pourtant, il faut que 84 p. 100 des placements enregistrés par des Canadiens le soient ici.

On m'a dit, l'autre jour, que l'indice de la Bourse de Toronto reflète 30 catégories d'activité, alors que la bourse des États-Unis en représente actuellement 90. Il existe donc 60 catégories d'activité dans lesquelles vous ne pouvez même pas investir à la Bourse de Toronto, même si vous achetez un fonds indiciel. La secousse qui a récemment frappé les places boursières illustre davantage l'importance de diversifier ses investissements.

Tous les Canadiens pourront profiter du taux de rendement plus élevé et des meilleures possibilités de diversification qu'entraînerait une recommandation visant à relever le plafond fixé dans la règle sur les biens étrangers. J'aimerais souligner un point que l'on ne comprend pas très bien ici: parmi les 5,2 millions de Canadiens qui ont contribué à leur REER en 1995, la moitié gagnait moins de 40 000 $ par année. Les riches ne sont pas les seuls à contribuer à un REER, au Canada; les Canadiens à revenu moyen et faible en ont un aussi. Ce sont eux qui souffrent de ce manque de diversification.

Il est intéressant de noter que, d'après une étude effectuée récemment par le groupe de recherche Royal Trust-Environics, une majorité des personnes interrogées, soit 51 p. 100, ont affirmé avoir l'intention de faire une contribution à leur REER, cette année. Cela représente une augmentation de 34 p. 100, par rapport à l'an dernier.

Autre indice de l'importance que prennent les REER, bien que le revenu d'emploi n'ait progressé que de 7 p. 100 entre 1991 et 1996, les contributions versées aux REER ont augmenté de 68 p. 100 durant la même période. Cela représente un mouvement important, au sein de notre économie.

Manifestement, tous les Canadiens, non seulement les Canadiens riches, veulent assurer leur retraite. Un relèvement du plafond fixé dans la règle sur les biens étrangers les aidera à diversifier leur portefeuille d'investissement et, de la sorte, à se préparer une meilleure retraite.

Il existe une autre bonne raison de relever le plafond, et il en a été question durant le témoignage précédent, soit réduire les inefficacités du marché. C'est la règle qui a incité les Canadiens à avoir recours aux produits dérivés. Il faut refinancer ces produits dérivés à un coût considérable à long terme; il serait beaucoup plus efficace de donner aux investisseurs le choix d'investir directement dans les marchés. De plus, les produits dérivés ne sont pas bon marché. Ils coûtent de l'argent, ce qui en abaisse le taux de rendement.

Jonathan Wellum s'y connaît mieux que moi. Par contre, je sais que la plupart des produits dérivés reposent sur des fonds indiciels. Jusqu'à un certain point, le fond indiciel mine le principe à la base de la gestion de portefeuille. Pourquoi avoir un gestionnaire de portefeuille si l'on va tout simplement acheter un fond indiciel?

La plupart des pays industriels n'ont pas de pareille règle. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, l'Irlande et les Pays-Bas ne fixent pas de limite. Au Japon et en Suisse, la barre est fixée à 30 p. 100. Vous trouverez tous ces renseignements dans l'étude de Ernst & Young.

Comme viennent de vous le dire les témoins précédents, nous nous fondons sur le modèle britannique pour faire nos prédictions. Le seuil sera probablement atteint aux alentours de 30 p. 100. Il existe des raisons liées aux taux de change pour ne pas investir tout son argent dans le secteur des pensions de retraite à l'extérieur du Canada. En Grande-Bretagne, quand ils ont aboli la règle, les investissements ont stoppé aux alentours de 32 p. 100. Les gestionnaires de portefeuille britanniques connaissent bien la Grande-Bretagne et ils y investissent une grande partie de leur argent. C'est probablement ce qui se produirait ici. À la lumière des compétences que nous possédons sur les marchés des actions et des obligations du Canada, il est probable que les résultats seraient les mêmes qu'en Grande-Bretagne.

Il est important de relever le plafond sur le plan de la régie des entreprises et des questions que vous êtes en train d'étudier. Nous vous savons gré de vous y arrêter. Nous vous savons gré de nous avoir donné la possibilité de faire un exposé à ce sujet, ce soir. Nous souhaitons travailler de concert avec le gouvernement et le Sénat à éliminer les barrières qui empêchent de relever le seuil.

Le sénateur Kelleher: Le comité le plus gentil et le plus bienveillant de la Colline vous souhaite la bienvenue. Vous prêchez à des convertis quand vous parlez de la règle du 20 p. 100. Le comité a déjà recommandé officiellement à deux reprises que le seuil soit relevé.

Vous avez mentionné dans votre exposé que vous souhaitiez vous attarder à d'autres questions qu'à la politique de régie des entreprises des investisseurs institutionnels.

Je ne suis pas du même avis. Je préfère que nous parlions surtout de la régie des entreprises. C'est en réalité pourquoi vous avez été invité ici. Quand nous avons effectué notre étude sur la régie des entreprises, l'an dernier, il a semblé que l'industrie des fonds mutuels en particulier n'avait pas une très bonne feuille de route. Certaines de vos pratiques et certains de vos barèmes de frais étaient préoccupants. Vous savez tout cela.

Plus récemment, j'ai suivi dans les pages financières de nombreux journaux un débat plutôt public entre vous-même, par exemple, et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario au sujet de qui devrait vous réglementer. Bien sûr, je n'ai pas été étonné de lire que vous préférez l'autoréglementation, que vous tentez d'établir des normes. J'ai eu l'impression que l'idée d'une commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui intervienne, qui fixe certaines règles et édicte certains règlements ne vous plaisait pas beaucoup.

À la lumière des plaintes plutôt publiques que nous avons entendues au cours de la dernière année et des prises de bec que vous avez eues publiquement avec la commission des valeurs mobilières, pourriez-vous nous expliquer pourquoi, selon vous, il faudrait que vous vous autoréglementiez plutôt que d'être assujettis à une certaine réglementation, qu'elle soit provinciale ou fédérale?

Je ne veux pas faire le difficile, mais nous tentons de décider ce qu'il faut faire de votre industrie en particulier. Vous vous êtes borné à nous dire quelle bonne source de fonds vous êtes et vous nous avez parlé de l'argent que vous gérez et que vous contrôlez actuellement.

M. Hockin: Je remercie le sénateur Kelleher d'avoir posé la question. Vous serez peut-être étonné d'apprendre qu'il ne faut pas croire tout ce qu'on lit dans les journaux.

Avant de vous répondre, il faudrait peut-être préciser que les fonds mutuels, contrairement aux banques et aux compagnies d'assurance, peuvent disparaître du jour au lendemain si les investisseurs perdent confiance. Il y aura toujours des banques. Elles sont peut-être petites ou mauvaises, mais nous aurons toujours besoin d'un lieu où faire des dépôts et encaisser des chèques. Il y aura toujours aussi de l'assurance, que les sociétés soient bonnes ou pas.

Le commerce des fonds mutuels n'a pas de raison d'être naturelle. S'il ne donne pas le rendement voulu, s'il n'est pas intègre, pouf, il disparaît. C'est là la grande différence.

Le président: Je n'ai rien contre votre boniment, mais j'aimerais que vous répondiez à la question.

M. Hockin: C'est un préambule à ma réponse.

Le président: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit. J'ignore si cela a un rapport avec la question. Nous disposons d'un temps relativement limité. Vous avez entendu le débat, plus tôt, au sujet des régimes à cotisations déterminées et vous avez entendu les témoins précédents dire que les lignes directrices s'appliquant à ces régimes devraient s'appliquer aux REER et aux fonds mutuels offrant des REER. Je soupçonne que c'est là où voulait en venir le sénateur Kelleher. Je ne suis pas opposé à ce que l'on déroge un peu à la question, mais savoir si les banques continuent d'exister ou pas est sans rapport et il importe que nous débattions de la véritable question.

M. Hockin: Monsieur le président, il y a un rapport. Les fonds mutuels n'existent que si l'on est convaincu de l'intégrité et de l'efficacité du produit. C'est pourquoi nous croyons, de concert avec l'association des courtiers en valeurs mobilières, que nous pourrions nous autoréglementer. Les négociations que nous menons à cette fin avec l'association prendront fin demain, à 17 heures.

La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a été informée, il y a quatre mois, que nous étions disposés à le faire de concert avec l'association des courtiers. Elle le sait. J'ignore pourquoi les médias croient que nous ne voulons pas être réglementés. Nous avons été réglementés par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Elle n'a pas beaucoup réglementé notre industrie parce qu'elle a consacré son temps à autre chose. Il existe donc, dans la réglementation, un vide qui est attribuable non pas à l'industrie, mais au fait que l'organisme de réglementation n'avait pas les ressources voulues pour le faire ou qu'il n'y était pas enclin.

Entre-temps, nous avons produit des codes à l'intention des gestionnaires, des codes concernant les pratiques de vente destinés aux distributeurs, des codes de publicité, et ainsi de suite. Cette expérience nous a porté à croire que nous pouvions de concert avec l'association des courtiers nous autoréglementer. L'organisme de réglementation peut mettre fin à l'autoréglementation du jour au lendemain. C'est par tolérance qu'on nous laisse nous autoréglementer. Si nous le faisons bien, tout va. Par contre, s'il n'est pas satisfait de notre autoréglementation, l'organisme de réglementation reprendra les choses en charge, comme l'a fait la province de l'Ontario ou la province de Québec, et le fera lui-même.

C'est notre position. Si l'organisme de réglementation veut nous réglementer, nous nous y plierons volontiers. Il n'a pas les ressources pour le faire. Nous le ferons donc de concert avec l'association des courtiers en valeurs mobilières, et l'organisme de réglementation aura droit de regard.

Le sénateur Angus: Pour ce qui est de la régie, j'ai moi aussi lu ces rapports. Je conviens qu'il ne faut pas croire tout ce qu'on lit dans les journaux. Comment sont régis ces fonds mutuels? J'ai écrit à quelques connaissances qui gèrent des fonds mutuels pour leur demander si elles aimeraient venir témoigner. Elles m'ont ni plus ni moins répondu: «Sénateur, laissez-nous tranquilles. Cela ne nous intéresse pas». La réponse n'a pas été aussi sèche que cela. Cependant, il s'agissait de petits fonds qui investissent énormément dans des valeurs mobilières étrangères et qui ne comptent pas sur l'enregistrement des régimes de retraite et tout le reste comme seule raison d'existence.

Comment les membres de votre organisme sont-ils généralement régis et devant qui sont-ils responsables?

M. Hockin: Tout d'abord, ils doivent se conformer à la législation canadienne sur les valeurs mobilières qui est volumineuse quant aux fonds mutuels. Ce sont essentiellement des codes qui pourraient servir d'exemple à n'importe quel pays au sujet de la régie des sociétés de fonds mutuels et qui sont complétés par des codes volontaires que nous avons mis au point.

La Commission des valeurs mobilières contrôle tout cela et il est possible qu'elle soit soucieuse du détail, ou non. Franchement, elle ne dispose pas de beaucoup de ressources pour l'être. Par conséquent, afin de conserver l'intégrité du produit et la confiance qu'il inspire, nous ne cessons de proposer des codes volontaires touchant divers sujets allant des méthodes de vente, aux transactions, à la gestion de portefeuille -- tous ces aspects-là.

Le gros problème que pose la régie des sociétés de fonds mutuels découle du fait que la plupart sont des fiducies. Cela veut dire qu'elles sont responsables devant leurs détenteurs d'unités. Tous les avoirs d'un fonds mutuel sont envoyés à un dépositaire qui en a la garde au nom des détenteurs d'unités. Les gestionnaires de ce fonds mutuel sont au service des détenteurs d'unités.

Lorsque la société Confederation Life a fait faillite, entraînant dans sa chute toutes ses sociétés affiliées, les fonds mutuels Confederation ne courraient aucun risque, parce que l'avoir de ces fonds mutuels était placé sous la garde d'un dépositaire, d'un fiduciaire, au nom des détenteurs d'unités. Ils sont très différents. Qui en assure la régie? Les détenteurs d'unités qui maintenant reçoivent des rapports annuels, semestriels et souvent trimestriels, et qui sont très transparents. Ils sont beaucoup plus transparents, franchement, que les rapports que vous recevez du secteur des pensions ou de l'assurance. Il n'existe pas de produit financier plus transparent que celui-ci.

Le sénateur Angus: Comme l'a laissé entendre le sénateur Kelleher, les questions que nous posons se veulent aimables. Vous parlez de la responsabilité devant les détenteurs d'unités. Je connais diverses sociétés de fonds mutuels et je dois dire que je n'ai jamais été convoqué à une assemblée pour élire des fiduciaires. Je n'ai jamais participé à un tel processus; mais peut-être, n'ai-je pas lu la documentation sur la procuration.

M. Hockin: Tout d'abord, vous pouvez quitter en rachetant immédiatement votre fonds mutuel. C'est une possibilité qui vous est offerte.

Le sénateur Angus: Vous pouvez vendre vos actions du CN également.

M. Hockin: Oui, mais ce n'est pas si facile que cela de sortir d'un régime de pension à prestations déterminées.

Le sénateur Angus: C'est exact.

M. Hockin: Il n'y a pas de discipline plus convaincante que celle-ci pour les gestionnaires de fonds mutuels.

Le sénateur Angus: Les fiduciaires ne sont pas élus par les détenteurs d'unités. Je tiens à m'assurer que vous ne transmettez pas ce message par mégarde.

M. Hockin: Cela nous amène à un point positif; en effet on a envisagé de mettre en place des administrateurs indépendants, non affiliés, au sein des conseils d'administration de ces sociétés de gestion, tout comme nous l'avons fait pour les banques il y a quelques années. Le problème initial qui s'est posé, c'est qu'il n'y a pas de conseil d'administration, puisqu'il s'agit de fiducies. C'est pour ajouter une fonction consultative à ces fiducies, ce qui permet de faire en sorte que ce sont des administrateurs non affiliés qui poseraient aux gestionnaires de fonds mutuels les questions que l'investisseur moyen pourrait poser. Par exemple, ils pourraient demander: «Est-il nécessaire de m'envoyer toute cette documentation par courrier? Fallait-il vraiment sponsoriser la partie de hockey Maple Leaf la semaine dernière dont les résultats ne m'ont pas impressionné?»

Ces administrateurs non affiliés sont là pour poser ces questions. On ne les retrouve pas dans toutes les sociétés de fonds mutuels pour l'instant. On les retrouve cependant de plus en plus dans les sociétés importantes.

M. Wellum souhaite ajouter quelques observations.

M. Jonathan Wellum, président et gestionnaire de portefeuille, AIC Group of Funds: Monsieur le président, tout fonds mutuel subit d'énormes pressions concurrentielles en matière de performance, laquelle doit être raisonnable par rapport à celle de nos pairs. Comme vous le savez, chaque jour, chaque mois, à chaque instant quasiment, tous nos chiffres de performance sont publiés, contrairement à ceux du secteur des fonds de pension. Il est facile de savoir comment nous nous comparons par rapport à nos pairs, au chapitre des moyennes, des indices, et cetera. Il est possible à tout investisseur de se retirer du fonds à n'importe quel moment, ce qui compte énormément.

Ceci étant dit, tous les détails de ce qui se passe au niveau des portefeuilles et de ce qui est acheté et vendu sont divulgués. En fait, nous devons informer nos détenteurs d'unités, s'ils en font la demande, de tous les achats, ventes et transactions d'un fonds mutuel. Il est rare, en fait, qu'ils demandent ce genre d'information.

La question des administrateurs indépendants qui jouent au moins un rôle de surveillance va se poser. Beaucoup de sociétés de fonds mutuels, comme l'a dit M. Hockin, prévoient maintenant des administrateurs indépendants qui sont distincts de la société et distincts de la gestion de portefeuille. Ils peuvent veiller à ce que les objectifs soient maintenus.

Pour revenir à la réglementation de notre industrie, nos prospectus doivent renfermer tous les objectifs variés de nos portefeuilles. Si on met trop l'accent sur un secteur particulier, il faut l'indiquer, ainsi que souligner les risques qui y sont liés, et cetera; par ailleurs, tous les frais et le sommaire des dépenses sont assez bien détaillés. Il y a donc une certaine réglementation. Tout devient beaucoup plus transparent pour les investisseurs.

Le sénateur Angus: Vous en réjouissez-vous?

M. Wellum: Oui, cela ne nous pose aucun problème. Peut-être que M. Hockin pourrait répondre à cette question dans la perspective de certaines des autres sociétés de fonds mutuels.

Nous investissons beaucoup dans certains de nos fonds concurrentiels. Nous sommes d'importants actionnaires dans certaines des autres sociétés cotées en bourse. Nous nous en réjouissons car, de notre point de vue, si tout se fait selon la réglementation et dans la perspective d'un investisseur, il n'y a rien à cacher.

M. Hockin: Sa société de fonds mutuels détient de 10 à 20 p. 100 de Trimark. Il détient 20 p. 100 de MacKenzie. Il possède beaucoup de banques. Il a besoin de cette information et la recherche. Il est l'un des grands défenseurs de la transparence de l'industrie.

Le sénateur Angus: Des personnes haut placées ont déclaré devant notre comité qu'elles s'inquiétaient au sujet de l'intégrité du système financier au Canada. Dans le cadre de notre mandat, nous servons d'interlocuteurs et offrons une tribune de discussions politiques sur ce sujet. Compte tenu du marché constamment à la hausse que nous avons connu dernièrement, de la prolifération des fonds investis et de la pénurie des instruments de placement, des personnes aussi en vue que le gouverneur de la Banque du Canada et des responsables de la réglementation ont manifesté leur inquiétude vis-à-vis des fonds mutuels qui ne sont assortis d'aucune responsabilité et qui sont libres et sans contrainte. Cela coule de source au moment où nous commençons une étude sur le régime des investisseurs institutionnels.

J'aimerais que vous me disiez le plus franchement possible si vous êtes d'accord avec les observations de ces personnes fort crédibles.

M. Hockin: Absolument pas. «Assorti d'aucune responsabilité», sénateur, il s'agit du produit le plus responsable qui soit. Ses cours sont publiés tous les jours dans la presse.

Le sénateur Angus: Certains de mes fonds ne figurent que dans les journaux du samedi. Habituellement, je joue au golf ou je fais du ski -- distractions habituelles des sénateurs en fin de semaine.

M. Hockin: Il s'agit de fonds à capital fixe réservés aux riches.

Le sénateur Angus: Qu'en est-il des fonds de croissance fondés sur une formule?

M. Hockin: Que voulez-vous dire par «libre et sans contrainte»?

Le sénateur Angus: C'était peut-être une expression familière qui s'est introduite dans mon vocabulaire.

M. Hockin: Franchement, il s'agit du produit le plus réglementé au Canada, mis à part l'industrie nucléaire.

Le sénateur Angus: C'est tout à fait le contraire de ce que nous avons entendu, et je suis heureux que cela figure au compte rendu. Je suis sûr que certains de mes collègues poseront davantage de questions à ce sujet.

Peut-être mettez-vous davantage l'accent sur le mot «responsable» que sur le mot «régie», sans compter les pratiques de régie, conformément aux lignes directrices de la Bourse de Toronto, qui ont leur importance dans les sociétés cotées en bourse appartenant à beaucoup de vos sociétés de fonds. Votre réponse serait-elle différente en ce qui concerne la régie, par opposition à la responsabilité?

M. Hockin: Oui. En ce qui concerne la régie, il est sage que ce comité pose des questions au sujet de toutes les mises en commun de capitaux. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir d'ici deux ou trois mois avec une réponse de l'industrie.

Trois ou quatre problèmes de régie se posent à propos des grandes sociétés de fonds mutuels aux États-Unis. Le premier vise les transactions personnelles des gestionnaires de portefeuille.

Le sénateur Angus: Cela se produit-il au Canada?

M. Hockin: Oui. Après le problème Hirsch, nous avons demandé à Jim Baille d'examiner notre code. Le code ne faisait pas mention de certains points; par exemple, il ne parlait pas des personnes proches du gestionnaire de portefeuille, comme ses parents, son conjoint et peut-être la secrétaire du bureau. Nous avons amélioré notre code. Vous ne pouvez être membre à moins de suivre ce code. C'est ce que nous avons fait à propos des transactions personnelles.

Les deux ou trois autres questions sont également intéressantes. Imaginez que vous êtes la société AIC et que vous avez des frais généraux d'administration de votre siège social. Comment répartissez-vous vos dépenses entre tous vos fonds? Aux États-Unis, ce sont des administrateurs indépendants qui se penchent sur cette question et essayent de la régler.

Autre question de régie d'entreprise: comment évaluez-vous vos valeurs liquides? Comme vous le savez, en général -- et nous en parlerons au comité de l'industrie à propos de l'investissement dans la petite entreprise -- les sociétés de fonds mutuels ne peuvent pas beaucoup investir dans les valeurs liquides. Elles sont autorisées à investir 1 ou 2 p. 100 au maximum. Si vous achetez les valeurs liquides, comment les évaluez-vous? Les administrateurs indépendants peuvent poser ces questions.

On commence à voir au Canada l'arrivée d'investisseurs indirects dans l'instrument que l'on appelle fiducie, ce qui est étrange. Ce sont eux qui vont aborder ces genres de questions.

Le sénateur Austin: J'aimerais poser une question au sujet du rôle des sociétés de gestion dans le commerce des fonds mutuels. Je ne sais pas s'il s'agit d'instruments transparents qui soient souhaitables ou -- parce que la rémunération est fonction d'un mécanisme de cotation, parfois fonction d'un mécanisme de frais -- s'il est illogique que les gestionnaires soient rémunérés en fonction des décisions qu'ils prennent au nom de leurs détenteurs.

Pouvez-vous parler des sociétés ouvertes de gestion?

M. Hockin: La société de M. Wellum comporte beaucoup de ces genres de gestionnaires. Je vais lui demander de répondre à cette question.

M. Wellum: Nous avons d'importantes positions dans certaines sociétés cotées en bourse.

Le président: Voulez-vous parler des sociétés de gestion de fonds mutuels cotées en bourse?

M. Wellum: Effectivement.

La question que vous posez ne prend pas en compte l'énorme discipline des marchés financiers. Si ces gestionnaires de fonds ne sont pas performants ou s'ils ne font pas du bon travail pour le compte de leurs détenteurs d'unités, ces derniers vont racheter leurs fonds et on ne pourra plus compter sur la plus-value de l'actif des portefeuilles individuels, qui génère les revenus. Il y a donc un effet immédiat sur l'évaluation des sociétés.

C'est le marché lui-même qui est le meilleur autocorrecteur à cet égard. Les gestionnaires de portefeuille et les sociétés qui ne privilégient pas la croissance à long terme de la société et qui, par conséquent, prennent des décisions dans le meilleur intérêt du détenteur d'unité, à court terme, en subiront directement les effets.

Le marché lui-même corrige tout ce problème. Les décisions à court terme qui ne reflètent pas les possibilités à long terme qui s'offrent aux détenteurs d'unités se refléteront dans les cours des actions. C'est ce qui s'est produit sur notre propre marché. Les sociétés qui ont trop mis l'accent sur certains secteurs ou qui ont fait de mauvais investissements voient une diminution automatique et rapide des ventes nettes. Elles doivent souvent procéder à des rachats, ce qui a un effet sur le cours des actions.

Le sénateur Austin: Ma question ne portait pas de jugement sur l'existence de ces gestionnaires subventionnés par le grand public. Ils existent sur le marché et sont soutenus par lui. Je me préoccupe, tout comme le sénateur Angus hier, des petits acheteurs au détail -- non pas des gens comme vous, qui peuvent faire énormément de recherche et qui ont des critères de performance, mais des professionnels qui sont occupés ailleurs, qui ne suivent pas la situation de près et qui n'ont pas de critères de performance. Ils voient le montant leur portefeuille, mais ne sont pas en mesure de juger si, par exemple, le gestionnaire est excessivement payé ou s'il est payé selon les normes de l'industrie, ils ne sont pas au courant des compilations de frais et ne savent pas non plus ce qu'ils paient au bout du compte.

Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez de tout ceci, dans le contexte des observations que vous avez entendues plus tôt aujourd'hui au sujet des économies de coût pour les bénéficiaires des fonds de pension et notamment les économies d'échelle, soit le dixième d'un point de pourcentage?

M. Wellum: La nature concurrentielle des sociétés de fonds mutuels est telle que si les frais ne sont pas gagnés ou justifiés -- et tous les chiffres de performance sont cités après les frais -- des pressions ne manqueront pas de s'exercer pour diminuer ces frais. Nous sommes également d'importants investisseurs sur le marché américain. Ce marché est riche en enseignements et nous permet de prévoir l'orientation du marché canadien. Ce dernier acquiert plus d'expérience et par conséquent attire de plus en plus de participants si bien que de plus en plus de pressions s'exercent en matière de prix et on assiste à une plus grande compétitivité en matière de frais de gestion.

À notre avis, les frais de gestion vont diminuer au cours des prochaines années. En attendant, les sociétés de fonds mutuels ont toujours été en mesure de justifier les frais de gestion par rapport à leur performance.

M. Hockin: Les frais de gestion varient énormément.

Le sénateur Austin: Je le sais. Je me demande si ceux qui préconisent la suppression du plafond croient que les pressions qui s'exercent sur les prix américains rendraient les frais de gestion canadiens plus en accord avec les frais de gestion américains.

M. Hockin: Les frais de gestion américains et les frais de gestion canadiens applicables aux fonds mutuels n'ont rien à voir les uns avec les autres. La définition américaine de frais de gestion est fort différente de la définition canadienne, si bien que vous ne pouvez pas comparer les deux.

Les sociétés canadiennes de fonds mutuels sont plus petites; par conséquent, elles ne peuvent pas radier les frais généraux liés à un bloc important de capitaux. Nos ratios de frais de gestion sont donc légèrement supérieurs, même quand on les compare directement avec les ratios américains.

Nous sommes toutefois à peu près au même niveau en ce qui concerne les fonds à pourcentage étranger. Les fonds canadiens à pourcentage étranger et les fonds américains à pourcentage étranger sont assortis d'à peu près le même ratio de frais de gestion.

M. Wellum: Lorsqu'il y a une différence de prix entre le marché américain et le marché canadien, même à l'intérieur du marché américain, elle vise les frais de service, qu'il y ait conseil ou non.

Par conséquent, une société comme Schwab, par exemple, ou la société de vente à rabais de fonds mutuels sans frais d'acquisition T. Rowe Price qui gère plus de 100 milliards de dollars américains, affichent des frais qui sont très bas. Là encore, les courtiers en valeurs mobilières ne donnent pas de conseils.

Le président: Y a-t-il des produits similaires qui soient disponibles au Canada?

M. Wellum: Pas pour l'instant, mais les sociétés américaines s'intéressent de plus en plus au marché canadien. Grâce à l'assouplissement de la réglementation en matière de pourcentage étranger, il sera plus intéressant pour les fabricants américains d'instruments d'épargne, comme les fonds mutuels, de venir dans notre pays, puisqu'ils ne seront plus encombrés par les limites du marché canadien.

Le président: À cet égard, le sénateur Angus a dit que c'est exactement l'argument avancé par ce comité pour favoriser l'entrée de Wells Fargo dans l'industrie des portefeuilles de prêt à la petite entreprise.

D'après ce que vous dites, les frais de gestion diminueront seulement si la concurrence augmente. Vous avez dit en fait que si la concurrence augmente, les frais de gestion vont diminuer. J'en conclus que c'est la seule façon de les faire baisser.

Nous sommes tous en faveur d'une diminution des frais de gestion, puisque c'est clairement dans l'intérêt des Canadiens.

Vous avez également dit que si certains des fonds américains pouvaient entrer au Canada, il s'agirait en fait de fonds sans frais d'acquisition, offrant moins de conseil; par conséquent, ils créeraient l'environnement concurrentiel que nous recherchons pour abaisser les frais de gestion. Quel règlement ou quelle loi faut-il donc modifier pour que cela se produise?

Le sénateur Austin: Comment pouvons-nous assurer la surveillance d'un fonds situé aux États-Unis, alors qu'il représente une entité relevant de plus d'une compétence?

M. Hockin: Tout d'abord, je ne dirais pas qu'il n'y a pas de concurrence dans le domaine des fonds mutuels au Canada.

Le président: Ce n'est pas ce que nous disons. Ce sont là vos propres paroles.

Le sénateur Austin: Les ratios des frais de gestion varient de 0,1 p. 100 à 3 p. 100, et vous êtes libres de choisir celui qui vous convient.

Le président: M. Wellum est d'avis que les frais de gestion diminueront si la concurrence augmente.

M. Wellum: Au sein de notre propre marché.

Le président: Comment pouvons-nous arriver aux mêmes résultats plus rapidement? Nous ferions n'importe quoi pour que cela se produise demain. Quel conseil pourriez-vous nous donner pour rendre le marché plus concurrentiel de façon à faire diminuer les frais de gestion?

Le sénateur Meighen: Nous devons persuader les Américains de laisser les fonds canadiens pénétrer leur marché.

Le sénateur Angus: Ils le font déjà.

M. Hockin: Nous devons nous assurer que les règles du jeu sont uniformes et réciproques. Les autorités américaines ne sont pas très chaudes à l'idée d'accueillir des fonds étrangers. On peut évidemment ne rien leur demander en retour mais, pour l'instant, MacKenzie est la seule présence canadienne là-bas.

Les fonds américains domiciliés hors des États-Unis ne peuvent faire des affaires au Canada à l'heure actuelle, à moins de créer une réplique exacte, comme l'a fait la Fidelity. Autrement dit, le fonds doit être enregistré et exploité ici. Quand vous achetez des fonds de la Fidelity à Ottawa, vous achetez en fait une copie conforme et non l'original de Boston.

M. Hockin: Cette exigence en matière d'enregistrement existe des deux côtés de la frontière.

Le président: Ce n'est pas ce que je voulais savoir. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit. Je voulais savoir ce que l'on pouvait changer? Je voudrais créer le marché concurrentiel dont vous avez parlé, et ce, le plus tôt possible. Que puis-je faire pour accélérer le processus? Vous avez dit que nous avions besoin de règles réciproques. Cette réciprocité servirait peut-être les intérêts des Canadiens. Je comprends qu'elle puisse servir les intérêts de l'industrie des fonds mutuels, mais est-elle nécessaire pour les consommateurs canadiens? Ceux-ci s'en moquent peut-être et souhaitent uniquement que les concurrents américains pénètrent le marché canadien le plus tôt possible pour bénéficier de meilleures conditions. Je comprends que cela ne convienne pas à votre industrie. Mais ce n'était pas ce que je voulais savoir.

Je répète ma question: que devons-nous faire pour aider le consommateur? Qu'est-ce qui servirait l'intérêt public? Vous répondrez peut-être que l'intérêt public serait mieux servi par des règles réciproques, alors parlons tout simplement de l'intérêt du consommateur.

M. Hockin: Tout d'abord, je ne crois pas que le ratio des frais de gestion d'un fonds mutuel américain serait inférieur à celui de Trimark, de MacKenzie ou d'AIC. Ce ratio pourrait être inférieur dans le cas d'un fonds américain vendu à Toronto. Dans une certaine mesure, les fonds américains ne peuvent agir de cette façon à l'heure actuelle parce qu'ils doivent être enregistrés au Canada et avoir un bureau ici. Il faut donc tout d'abord modifier cette règle d'enregistrement dans chaque province.

Le sénateur Austin: Nous parlons de la première impression. Nous nous pencherons sur cette question. Nous nous préparons à vivre dans un monde peuplé de nouveaux intervenants et de nouveaux produits. Nous nous retrouverons avec un accord multilatéral sur l'investissement dont on ne connaît pas encore la teneur. Le Canada négocie actuellement à ce sujet et au sujet des répercussions que cet accord pourrait avoir. Nous cherchons donc seulement à en apprendre davantage. Nous ne prenons pas encore position. En fait, ce soir, nous avons cherché à provoquer vos réactions dans la bonne humeur, du moins je l'espère.

M. Hockin: L'Internet pourrait mener à ce phénomène mondial, quelles que soient les mesures prises par le Sénat ou la Chambre des communes. Ainsi, toute personne qui voudra acheter des actions de la Fidelity, de la Deutsch Bank ou d'une entreprise japonaise sur Internet pourra le faire pourvu qu'elle soit prête à renoncer aux droits que lui accorde la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ou la Commission des valeurs mobilières du Québec en tant qu'investisseur. Un Ontarien pourrait ainsi se rendre sur Internet pour y faire des achats parce qu'il ne se soucie pas de la protection que pourrait leur accorder sa province.

Il n'est toutefois pas certain que les fonds étrangers vous permettent de faire ces achats. À l'heure actuelle, ils n'aiment généralement pas cela. C'est pourtant ce qui risque de se produire avec Internet.

Le sénateur Tkachuk: Un américain pourrait également acheter des fonds canadiens sur Internet en renonçant à la protection de l'État de New York en faveur de celle de l'Ontario.

Le sénateur Meighen: Compte tenu du fait que le marché se resserre constamment et que les rendements ne sont pas ce qu'ils étaient ces dernières années, les frais feront l'objet d'un examen plus approfondi et la concurrence dont vous avez parlé sera de plus en plus forte.

Monsieur Hockin, quel pourcentage des fonds mutuels sont membres de l'Institut des fonds d'investissement?

M. Hockin: À l'heure actuelle, 99 p. 100 des gestionnaires sont membres de l'institut. Quelques gestionnaires moins importants ne le sont pas.

Le sénateur Meighen: N'est-ce pas une amélioration par rapport à il y a cinq ans?

M. Hockin: Oui. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour pouvoir parler au nom de toute l'industrie. Nous sommes également la seule association de fonds mutuels au monde -- il y en a 40 -- qui représente les distributeurs. Nous représentons environ 75 p. 100 des personnes qui vendent des fonds mutuels, mais probablement seulement un tiers des entreprises qui font la même chose. Celles qui ne sont pas membres de l'institut sont des petites entreprises familiales qui exercent dans des petites villes. Elles ne veulent pas payer les cotisations.

Le sénateur Meighen: Il n'y a pas de gros distributeurs?

M. Hockin: Je ne connais aucun gros distributeur qui ne soit pas membre de l'institut.

Le sénateur Meighen: Aux États-Unis, le nombre de fonds à capital fixe est plus élevé qu'au Canada; en fait, les sociétés américaines d'investissement à capital fixe offrent un rabais beaucoup moins important que leurs homologues canadiennes. Par ailleurs, je ne serais pas surpris de constater, au Canada, une croissance de ce genre de sociétés au cours des prochaines années. L'institut a-t-il l'intention d'essayer de les attirer dans ses rangs?

M. Hockin: Certains des fonds à capital fixe ont obtenu des rendements extraordinaires assez semblables aux fonds de placement ouvert. Ils ne disposent pas de la même liquidité ni de la même facilité de rachat.

Le sénateur Meighen: Il y a évidemment un avantage.

M. Hockin: Oui. Ces sociétés n'ont pas encore communiqué avec nous mais, si elles le font, nous serons très heureux d'inviter leurs représentants à déjeuner.

Le sénateur Meighen: Mes souvenirs sont vagues, mais n'y a-t-il pas eu ces dernières années un grand nombre de critiques parce que les fonds versaient des honoraires aux courtiers qui vendaient un certain volume d'actions? Quelle est la position de l'institut à cet égard et qu'en est-il de la situation?

Le sénateur Stewart: Des vacances.

Le sénateur Meighen: Comme le sénateur Stewart vient de le préciser, il s'agissait notamment de vacances dans des lieux exotiques. Cette pratique a-t-elle encore cours?

M. Hockin: Notre code interdit cette pratique depuis deux ans. L'industrie a volontairement adopté un code plus strict encore que ce que recommandait le rapport Stromberg. Les commissions des valeurs mobilières de tout le Canada sont sur le point d'adopter, le mois prochain si je ne m'abuse, une règle qui s'inspire principalement de notre code. Cette règle précise essentiellement que vous pouvez verser le montant que vous voulez au courtier ou au planificateur financier, pourvu que ce soit de l'argent. Vous ne pouvez pas offrir un voyage à Hawaï ou des bâtons de golf. Vous devez divulguer ce montant dans le prospectus pertinent.

L'ensemble de l'industrie, nos distributeurs et les gestionnaires ont examiné ce code et l'organisme de réglementation s'en est servi comme modèle.

Le sénateur Meighen: Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que la solution consiste à ouvrir grandes les portes pour permettre à tous les fonds américains de nous envahir à moins que nous puissions agir de la même façon là-bas. Vous ne nous avez pas vraiment tous convaincus que la concurrence est nécessaire pour maintenir ces frais à un niveau équitable.

Je ne prétends pas que ces frais soient toujours exagérés, ni qu'ils ne soient pas divulgués. Les gens ont le choix d'acheter ou non. Vous savez toutefois que la plupart des gens ne sont pas du tout intéressés à savoir si un gestionnaire empoche 1, 2 ou 3 p. 100 de la transaction quand le fonds a augmenté de 10 ou 15 p. 100. Quand les temps seront plus durs, ils y prêteront davantage attention. C'est un fait que vous ne devriez pas oublier.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais parler de l'orientation des questions que nous posons concernant l'industrie des fonds mutuels. Quand je regarde la concurrence que se livrent cette industrie et, disons, le secteur bancaire et l'information que me fournit l'industrie des fonds mutuels en tant qu'actionnaire, je préfère investir dans cette dernière, et de loin. Elle offre un plus grand choix au consommateur. À moins que vous ne soyez un usurier ou un escroc, le gouvernement ne s'intéressera pas vraiment aux frais imposés par votre fonds mutuel.

Les détenteurs de fonds mutuels se préoccupent d'une seule chose: le taux de rendement. Je ne connais personne qui se plaigne des frais. Les seules plaintes que j'ai entendues concernaient le taux de rendement. Tous les détenteurs de fonds se fient au taux de rendement qu'ils obtiennent.

Ainsi, si j'obtiens un taux de rendement de 18 p. 100 alors que les entreprises concurrentes n'offrent que des taux de 16, 15, 14 et 12 p. 100, je me fiche pas mal de savoir combien le président est payé ou quels sont les frais.

M. Hockin: Et les taux de rendement sont calculés une fois les frais payés.

Le sénateur Tkachuk: Je reçois un relevé deux fois par année. Je reçois les relevés de Templeton et ceux de Trimark. Je reçois beaucoup plus de renseignements, ou à tout le moins autant, que si j'étais actionnaire d'une banque ou d'une société pétrolière.

M. Hockin: Savez-vous quels sont les frais pour un CPG? Connaissez-vous tous les frais liés à votre contrat d'assurance? Connaissez-vous tous les frais liés à votre fonds de retraite? C'est au sujet des fonds mutuels qu'on reçoit le plus de renseignements.

Le sénateur Tkachuk: Quand on parle des frais et des investissements, il ne faut pas oublier que les banques et les autres institutions financières comme les sociétés de fiducie offrent aussi des fonds mutuels, tout comme Trimark, Templeton, Dynamic et toutes les autres. Nous devrions examiner l'ensemble de la question pour déterminer quels frais bancaires s'appliquent aux dépôts et aux comptes d'épargne et quel taux de rendement on peut obtenir en plaçant de l'argent dans un fonds mutuel.

Je ne suis pas ici pour promouvoir l'industrie des fonds mutuels. Je crois toutefois que ce problème est loin d'être particulier à cette industrie, parce que toutes les institutions financières imposent des frais alors que le taux de rendement des fonds mutuels est plus avantageux, en ce qui me concerne du moins, que la plupart des autres instruments financiers offerts.

Le sénateur Oliver: J'ai une question pour l'AIC.

Nous avons parlé plus tôt avec d'autres témoins de l'activisme des fonds de retraite. Pouvez-vous nous dire ce que vous faites quand votre entreprise achète, par exemple, 5 p. 100 des actions d'une entreprise canadienne? Quelle responsabilité ou quel rôle direct assumez-vous auprès de cette entreprise quand vous faites un tel investissement? Que faites-vous quotidiennement au sujet de cet investissement?

M. Wellum: C'est une bonne question. Nous faisons surtout des investissements que nous gardons à plus long terme. Nous choisissons avec soin nos investissements. Nous effectuons des recherches approfondies sur chaque entreprise. Nous naviguons à contre-courant par rapport au milieu des fonds de retraite. Nous procédons à une analyse détaillée et communiquons étroitement avec les gestionnaires des entreprises dans lesquelles nous investissons. À mesure que nous occupons une place plus importante en tant que gestionnaires de fonds mutuels, nous sommes toutefois de plus en plus appelés à jouer un rôle passif. Nous devons nous montrer passifs tout en occupant une place plus grande. Que doit-on faire? Nous parlons aux gestionnaires et si les choses ne se déroulent pas comme elles le devraient, nous pouvons formuler des suggestions. Nous ne tentons toutefois pas d'obliger les gestionnaires à adopter nos solutions. Cela ne relève pas de notre mandat en tant que gestionnaires de fonds mutuels.

Le sénateur Oliver: Donnez-nous des exemples de ce que vous êtres prêts à faire dans le cas de certains investissements problématiques.

M. Wellum: Nous avons eu d'assez bons résultats parce que l'un des critères essentiels qui président au choix de nos investissements, c'est que nous investissons uniquement dans les entreprises dont les gestionnaires ont gagné notre confiance et détiennent une part importante. Ils cherchent donc à servir leurs intérêts en tant qu'actionnaires et, par le fait même, les intérêts des détenteurs d'unités et des autres actionnaires.

L'un des sujets controversés dont nous discuterions avec les gestionnaires serait l'option d'achat d'actions.

Le sénateur Oliver: Pour les gestionnaires?

M. Wellum: Pour les gestionnaires, ainsi que l'effet de dilution sur les actionnaires. Nous considérons que cette question est importante. Les gens nous paient et sont intéressés à acheter nos fonds parce que notre rendement à long terme est très bon. Si l'effet de dilution est justifié et si une entreprise indique clairement qui pourra bénéficier de telles options, qu'elles ont mis en place des critères précis à cet égard et que ces options visent à garder des gens compétents, nous examinerons la question de façon plus approfondie.

Le sénateur Oliver: Outre les options, pouvez-vous nous donner un ou deux autres exemples de domaines de préoccupation que vous aborderiez.

M. Wellum: Nous demanderions par exemple des explications sur les compétences de certains particuliers et gestionnaires et sur les avantages que ces personnes représentent pour l'entreprise.

Nous devons nous montrer prudents parce que nous investissons beaucoup dans notre propre industrie. Nous connaissons bien celle-ci. Nous pouvons donc nous permettre de faire des commentaires constructifs pour aider ces entreprises à améliorer leur croissance, et nos suggestions sont parfois retenues. Nous devons cependant nous montrer prudents avec de nombreuses industries. Ainsi, si nous investissons dans le secteur des soins de santé ou dans les communications, ce qu'il nous arrive de faire, nous jugeons que les gestionnaires devraient être les mieux placés pour gérer ces entreprises. Nous savons que nous ne devons pas trop intervenir dans ces cas-là. Nous avons donc acheté des actions dans des entreprises très bien administrées, et nous n'intervenons généralement pas dans celles-ci.

Je reconnais que c'est une question problématique. Nous possédons jusqu'à 20 p. 100 de certaines entreprises. C'est selon nous un avantage, parce que le Canada ne compte pas tellement d'entreprises vraiment extraordinaires dans lesquelles nous voudrions détenir une importante participation à long terme. Comme l'a dit Warren Buffet, qui citait Mae West, il peut être merveilleux de se laisser aller à des excès. Comme tout bon entrepreneur, nous voulons détenir une plus grande participation dans une bonne entreprise, et non une participation moindre.

Nous occupons maintenant le 13e rang en importance en ce qui concerne les sociétés de fonds mutuels au Canada. À mesure que nous achetons des actions dans d'autres entreprises, à mesure que nous gérons de plus en plus d'argent, la passivité joue un rôle de plus en plus important. Nous sommes pris entre deux feux. D'une part, nous devons assumer l'obligation fiduciaire qui nous incombe en raison de notre rôle comme analyste financier agréé et, d'autre part, nous devons nous montrer passifs dans notre rôle de gestionnaire de fonds mutuels. Nous sommes pris entre les deux. Nous ne sommes pas devenus des activistes, mais nous aimerions avoir une orientation à ce sujet.

Le sénateur Oliver: Vous avez parlé plus tôt du cas où un premier vice-président ne posséderait pas certaines compétences en gestion. Si vous décidiez de parler à cette entreprise, jusqu'où iriez-vous pour que ce vice-président reçoive une nouvelle formation ou qu'il parte?

M. Wellum: Nous soulèverions le problème, mais nous n'irions pas plus loin. Nous pourrions signaler qu'une certaine personne nous déçoit ou demander les raisons qui justifient qu'elle reste, mais nous n'irions pas plus loin parce que cela ne fait pas partie de notre mandat en tant qu'investisseur passif.

M. Hockin: Je sais que vous étudierez la question de la régie d'entreprise. Nous tenterons d'étudier certaines de ces questions pour vous, afin de déterminer dans quelle mesure notre industrie est active. J'ai toujours eu l'impression que notre industrie n'exerce généralement pas son droit de vote et ne se montre pas très active, mais nous ferons des recherches en ce sens pour vous.

Il y a l'exemple typique des pilules empoisonnées que l'on retrouve aux États-Unis. Comme les gestionnaires de fonds mutuels n'aiment pas les pilules empoisonnées, ils s'opposeront à cette mesure de protection et interviendront. Cela va toutefois tellement à l'encontre des intérêts des investisseurs, que cela ne vaut pas la peine.

Le sénateur Oliver: Il y a toute une liste de solutions comme les achats par endettement.

Le sénateur Kelleher: C'est ce que nous avons fait ici avec Canadian tire.

M. Hockin: Nous allons tenter de travailler là-dessus et nous reviendrons vous en parler.

Le président: Cela serait utile.

Pour ce faire, vous devez savoir qu'au moins quelques membres du comité ne voient pas l'activisme d'un mauvais oeil. Comme l'a dit plus tôt un représentant de la division des investissements du CN, si une chose augmente l'avoir des actionnaires, c'est une bonne chose.

Je vous remercie beaucoup d'être venus ici ce soir. Nous attendons avec impatience d'obtenir l'étude du Conference Board sur la règle 80-20. Nous vous demanderons peut-être de revenir nous en parler avant Noël.

Dans le cadre de la prochaine étape de nos audiences, en février et en mars, nous prendrons connaissance des résultats de l'étude dont vous venez de parler au sujet du niveau d'activisme. Nous parlerons également des lignes directrices sur la régie d'entreprise, qui devraient selon vous être prêtes au cours du premier trimestre de l'année prochaine. Est-ce là votre objectif?

M. Hockin: Nous tentons d'axer nos efforts en ce sens. Cela pourrait aller jusqu'au printemps ou jusqu'à l'été. Nous obtiendrons de l'aide de nos amis américains pour savoir comment ils ont traité la question. Le principe des administrateurs indépendants est tout nouveau pour nous, et nous voulons savoir ce qui se passe ailleurs.

Le président: Merci.

La séance est levée.


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