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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 6 - Témoignages du 2 décembre


OTTAWA, le mardi 2 décembre 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi concernant l'imposition de droits de douane et d'autres droits, la mise en oeuvre de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et l'exonération de divers droits de douane ou autres, comportant des mesures connexes et modifiant ou abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 35 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nous entamons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-11. On l'appelle d'habitude le projet de loi sur le Tarif des douanes même si, comme la plupart des projets de loi, son titre officiel est beaucoup plus long que cela.

Nous entendrons ce matin quatre groupes de témoins. Le premier se compose de fonctionnaires du ministère des Finances et de Revenu Canada. Le ministre Jim Peterson se joindra à nous jeudi quand nous terminerons l'étude du projet de loi. Nous accueillons aussi aujourd'hui des représentants de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, de l'Association des fabricants de pièces d'automobile et, enfin, de la Japan Automobile Manufacturers Association of Canada.

Monsieur Collins-Williams, voulez-vous d'abord nous présenter ceux qui vous accompagnent pour les sténographes du hansard et faire ensuite votre déclaration d'ouverture? Je crois savoir que vous savez de quoi les témoins qui interviendront après vous parleront vu la rencontre que les adjoints du sénateur Tkachuk et les miens ont eue avec vous hier. J'imagine donc que vous profiterez de votre déclaration d'ouverture pour répondre à leurs préoccupations.

M. Terry Collins-Williams, directeur, Section des politiques de commerce international, ministère des Finances: Les fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui sont M. Gilles Le Blanc, chef principal, Politiques du commerce international; M. Fraser Laschinger, coordonnateur, Tarif simplifié; Mme Chris Wiecek, agente à la Division des politiques du commerce international; et Mme Candace Breakwell, directrice de la simplification du Tarif des douanes.

Nous sommes heureux de pouvoir témoigner devant votre comité pour vous aider dans votre examen du projet de loi C-11.

[Français]

À cet égard, on m'informe qu'on vous a remis la documentation suivante: l'avis de la Gazette du Canada du 23 mars 1996, portant sur une proposition globale de Tarif des douanes simplifié; un bref résumé des parties du projet de loi; le communiqué de presse émis le 7 octobre dernier lors du dépôt de l'avis de voies et moyens portant sur le projet de loi et le document d'information l'accompagnant ainsi qu'un cahier commentant chacune des dispositions du projet de loi.

Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de faire un bref rappel du projet de loi C-11. Le projet de loi C-11 est le résultat de l'examen du Tarif des douanes et de sa réglementation annoncé dans le budget de février 1994. Cet examen, qui a impliqué de vastes consultations avec les intéressés sur une série de propositions, vise l'atteinte des objectifs suivants: mieux adapter le Tarif des douanes aux pressions concurrentielles auxquelles l'industrie canadienne fait face suite à la libéralisation des échanges, de le simplifier, le rendre plus transparent et plus prévisible afin d'alléger le fardeau réglementaire et les coûts connexes.

Le projet de loi C-11 abroge le Tarif des douanes existant et le remplace par un Tarif des douanes qui met à jour et rationalise le texte législatif; propose d'élargir la portée d'un pouvoir existant prévoyant la réduction des droits par décret sur les intrants en l'étendant à tous les intrants de fabrication et au secteur des services; prévoit un pouvoir temporaire permettant de corriger par arrêté des erreurs qui auraient pu être faites lors de l'élaboration de l'annexe; réduit les droits de douane sur une gamme importante d'intrants de fabrication.

Il élimine des dispositions tarifaires, règlements ou les exigences qui ne sont plus justifiés. Il remplace le programme de remise sur les machines par des dispositions tarifaires dans l'annexe du Tarif; élimine ou réduit les procédures administratives associées à certaines dispositions tarifaires; regroupe les dispositions tarifaires sous une seule annexe -- au lieu de sept actuellement -- comportant environ 8 000 dispositions au lieu de 11 000 actuellement; prévoit une structure de taux plus simple, par exemple, en éliminant les taux très bas, ceux en dessous de 2 p. 100 et en arrondissant les taux; et, propose des modifications complémentaires à la Loi sur les douanes.

[Traduction]

Le projet de loi bénéficie de l'appui général de l'industrie canadienne qui tient à ce que la mesure entre en vigueur le 1er janvier 1998 comme prévu. Les principales associations de l'industrie, notamment l'Association des importateurs canadiens, l'Alliance of Manufacturers and Exporters of Canada, la Chambre de commerce du Canada et l'Association canadienne des pâtes et papier, ont écrit au gouvernement pour manifester leur appui au projet de loi et demander qu'il soit adopté rapidement.

Comme on l'a dit à l'étape de la deuxième lecture, malgré tout l'appui que reçoit le projet de loi, deux choses préoccupent les intéressés. La première est le moment choisi pour l'entrée en vigueur de la mesure. Certains craignent que leurs systèmes d'importation ne soient pas prêts pour le 1er janvier 1998. Vu la grande quantité de nouvelles données qui doivent être installées dans ces systèmes, Revenu Canada a lancé en avril dernier une vaste campagne pour fournir aux importateurs les données dont ils auront besoin pour mettre à jour leurs systèmes, notamment en leur faisant parvenir cet été une version électronique de la base de données contenant les renseignements tarifaires et statistiques nécessaires.

Revenu Canada poursuit ses efforts pour s'assurer que les importateurs disposent de tous les renseignements voulus avant le 1er janvier 1998.

Dans la même veine, certains importateurs ont demandé que Revenu Canada n'impose pas de pénalités à ceux qui fourniront des données statistiques incorrectes pendant les six premiers mois de 1998. Revenu Canada en a discuté avec les importateurs et répondu qu'il était prêt à faire preuve de souplesse tant que les importateurs feront de leur mieux pour appliquer correctement le nouveau tarif.

Revenu Canada a aussi signalé qu'il est prêt à aider ceux qui ont besoin d'aide pour identifier les données statistiques nécessaires et qu'il le fera avant que les marchandises ne soient importées au Canada.

L'Association canadienne des constructeurs de véhicules, qui témoignera devant le comité aujourd'hui, a demandé que l'on enlève de l'annexe du projet de loi une disposition permettant d'importer en franchise des pièces d'automobile utilisées pour l'assemblage au Canada de véhicules par des compagnies qui ne font pas partie du Pacte de l'automobile, en l'occurrence Toyota et Honda. Cela obligerait Toyota et Honda à verser des droits de douane sur des pièces d'automobile, alors que ni Toyota ni Honda ne paient de tels droits depuis qu'elles ont commencé à assembler des véhicules au Canada. D'autre part, les compagnies visées par le Pacte de l'automobile continuent d'importer toutes leurs pièces en franchise selon le pacte.

Depuis l'entrée en vigueur du Pacte de l'automobile en 1965, aucun fabricant de véhicules, qu'il soit visé ou non par le pacte, n'a versé de droits sur les pièces importées pour l'assemblage de véhicules au Canada. Le projet de loi ne change rien à la situation, mais maintient le statu quo pour garantir des règles du jeu uniformes pour toutes les compagnies qui assemblent des automobiles au Canada afin que le Canada continue d'attirer des investissements dans l'industrie automobile.

Le gouvernement a signalé à l'industrie qu'il n'y avait rien de changé à la situation pour l'inciter à modifier cette politique.

Aux États-Unis, un tarif de 2,5 p. 100 est imposé sur les pièces d'automobile. Cependant, ce tarif s'applique aux importations de tous les fabricants d'automobiles des États-Unis, qu'ils soient visés ou non par le Pacte de l'automobile. Les États-Unis comme le Canada font en sorte que toutes les compagnies qui assemblent des automobiles paient les mêmes prix pour leurs facteurs de production. Le projet de loi C-11 garantit que cette politique continuera de s'appliquer au Canada.

Je note enfin que l'Association canadienne des producteurs d'acier témoignera devant le comité. Je signale que nous n'avons reçu aucune instance officielle de l'ACPA au sujet des préoccupations qu'elle peut avoir. Nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question qui pourrait découler de leur témoignage plus tard.

Le sénateur Angus: Je voudrais une précision. Vous dites que le projet de loi est essentiellement une mesure de simplification. Le Tarif des douanes représente maintenant une montagne de documentation. Le nom même du projet de loi laisse entendre que son principal objectif consiste à se débarrasser de toute cette complexité et à simplifier le tarif pour les membres de l'industrie qui doivent s'occuper d'une façon ou d'une autre des questions de douane. Je veux parler des importateurs, des courtiers en douane, de vos propres fonctionnaires et de ceux du ministère du Revenu. Est-ce exact?

M. Collins-Williams: C'est exact. L'objectif du projet de loi et des longues consultations que nous avons menées avant de rédiger la mesure consiste à simplifier le tarif, à le rendre plus transparent et plus facile à utiliser pour les gens d'affaires du Canada.

Le sénateur Angus: À cet égard, diriez-vous qu'il s'agit davantage d'un projet de loi de nature technique? C'est une mesure purement administrative d'après ce que nous venons de dire, n'est-ce pas?

M. Collins-Williams: Oui. Quand nous avons décidé d'examiner la Loi sur le Tarif des douanes et de rédiger ces amendements, nous voulions obtenir plus de transparence et simplifier la loi et le tarif lui-même.

Le sénateur Angus: Vous ne voulez nullement changer la politique du gouvernement ou la politique relative aux questions commerciales, n'est-ce pas? J'essaie simplement de comprendre.

Nous recevons souvent des projets de loi fiscaux de nature administrative. On nous dit que nous ne devons pas nous inquiéter, que les changements sont purement techniques et ne représentent nullement une nouvelle orientation de politique.

Nous avons reçu l'autre jour toute une pile de documents qui, d'après le sénateur Meighen, mesurait 30,24 centimètres. Son adjoint a failli se faire une hernie en transportant ces documents au Sénat le jour du discours du sénateur Meighen.

M. Collins-Williams: Je demanderai à mon collègue, Gilles Le Blanc, qui a dirigé cette revue, d'expliquer davantage quels étaient nos objectifs et comment ils se rapportent à la politique du gouvernement.

Le sénateur Angus: Vous comprenez cependant ce que j'essaie de dire? Il nous arrive d'avoir des débats sur la politique de l'État. S'il semble y avoir une raison de changer la politique, nous en discutons. Lorsqu'un changement est de nature simplement technique, nous reconnaissons que vous êtes les experts et que vous essayez simplement de simplifier la loi, non pas d'appliquer une nouvelle politique. Je ne suis pas vraiment certain de ce que nous devons penser de ce projet de loi vu ce que j'entends maintenant.

M. Gilles Le Blanc, chef principal, ministère des Finances: Comme l'a dit M. Collins-Williams, cette initiative vise deux principaux objectifs. Le premier consistait à adapter le tarif pour qu'il réagisse mieux aux pressions concurrentielles auxquelles fait face l'industrie canadienne à cause de la libéralisation du commerce, en partie sur le marché nord-américain. Notre autre objectif consistait à simplifier le tarif et à réduire le fardeau réglementaire pour l'industrie et le gouvernement.

Du côté de la concurrence, dès 1995, le gouvernement a réduit le tarif sur un vaste éventail d'intrants manufacturiers dans le cadre de son initiative de simplification du tarif. Nous avons donc commencé à nous occuper de la question de la concurrence en 1995 vu que l'on devait commencer à réduire l'importance du programme de drawback aux termes de l'ALENA le 1er janvier 1996. Le gouvernement a donc instauré ces réductions tarifaires pour maintenir et améliorer la compétitivité de l'industrie canadienne. Cette initiative a été très bien accueillie par l'industrie et elle est entrée en vigueur en juin 1995.

En simplifiant le tarif, nous avons formulé des propositions qui ont des conséquences sur le plan des principes. Par exemple, il existe maintenant une disposition tarifaire qui permet des réductions unilatérales des droits de douane sur certains intrants utilisés dans la fabrication au Canada. Nous comptons étendre cette disposition à d'autres facteurs de production et l'appliquer aussi aux secteurs des services lorsque ceux-ci utilisent certains articles pour fournir leurs services. À cet égard, nous élargissons l'application du tarif pour refléter un principe visant à aider l'industrie canadienne à devenir plus compétitive. Cette décision a été très bien accueillie par le public canadien.

Le sénateur Angus: C'est un exemple d'une conséquence sur le plan des principes.

M. Le Blanc: C'est exact.

Le sénateur Angus: Le projet de loi n'est donc pas uniquement technique et ne vise pas seulement la simplification; il contient certaines dispositions prépondérantes sur le plan de l'orientation.

M. Le Blanc: En effet, mais l'orientation ne change pas. C'est la même que suit actuellement le gouvernement.

L'un de nos objectifs consiste à adapter le Tarif des douanes aux pressions auxquelles l'industrie fait face. Nous avons déclaré que nous ferions tout le nécessaire pour aider l'industrie à devenir plus compétitive sur le marché mondial et au Canada.

Le sénateur Angus: M. Collins-Williams a dit que l'industrie avait noté deux problèmes à propos du projet de loi. Le premier concerne la date d'entrée en vigueur qui sera le 1er janvier 1998, si j'ai bien compris et si le projet de loi est adopté à temps par le Parlement. Est-ce exact?

M. Le Blanc: Oui.

Le sénateur Angus: Nous avons reçu des instances des représentants du syndicat des agents des douanes qui doivent s'occuper de ces questions à la frontière. Ils nous ont dit que, dans certains cas, l'entrée en vigueur du projet de loi entraînerait l'application de nouveaux droits de douane et l'élimination de certains autres. Ce qu'ils veulent surtout, c'est recevoir la formation appropriée.

Madame Breakwell, pouvez-vous nous garantir que tout se fera dans les règles au ministère et que les agents des douanes pourront bien faire leur travail le 1er janvier 1998?

Mme Candace Breakwell, directrice, Simplification du Tarif des douanes, Direction de la politique, Revenu Canada: Tout à fait. Quand la motion a été déposée à la Chambre des communes en avril, nous avons tout de suite commencé à collaborer avec l'industrie et nous avons diffusé toutes sortes de renseignements au sujet de la motion et de ses conséquences pour les gens d'affaires en général. Nous avons lancé une campagne d'information très dynamique en avril sur notre tableau d'affichage électronique et dans les bulletins du ministère.

S'agissant de la formation des employés, nous avons tout de suite créé plusieurs comités internes qui comprennent des représentants des régions. Nous avons établi un comité pour examiner le genre de formation qu'il faudrait non seulement à la frontière et dans les bureaux régionaux, mais aussi au siège social du ministère.

En juin, nous avons commencé à mettre au point des programmes nationaux de formation pour tous les agents des bureaux régionaux au sujet des amendements proposés au Tarif des douanes et à la Loi sur les douanes. Au début de novembre, nous avons organisé des séances de formation pour les représentants régionaux qui sont en train maintenant de remettre à tous les agents de leur région les trousses de formation que nous avons préparées. Nous en avons envoyé 9 000. Je suis certaine que la formation sera terminée d'ici le début de décembre.

Le sénateur Angus: Le compte rendu indiquera qu'on est maintenant le 2 décembre.

Mme Breakwell: D'ici la fin de la semaine ou le début de la semaine prochaine, la formation sera terminée.

En plus de ces trousses d'information en bonne et due forme, au cours de l'été nous avons travaillé très fort et nous avons communiqué avec les régions concernant les détails du projet de la loi et l'impact qu'il aura sur leur travail.

Le sénateur Angus: C'est bien. Ce qui ressort des représentations de ces employés, c'est la crainte que, vu les réductions générales de personnel dans ce domaine, les ressources dans les bureaux de douane ne suffisent pas pour mettre en application les nouvelles dispositions. Pourriez-vous nous rassurer encore une fois à cet égard?

Mme Breakwell: Oui, il y aura suffisamment de ressources. En ce qui concerne le traitement douanier, le cadre, ce que nous avons essayé de faire et ce que nous avons effectivement fait, ça a été de simplifier le processus non seulement pour les entreprises mais aussi pour le ministère. Nous aurons une méthode plus efficace pour nous occuper des rajustements, des remboursements et des appels, ce qui permettra à notre personnel de mieux cibler les cas de non-conformité et de risque élevé.

En même temps, nous pouvons faire des investissements pour éduquer les entreprises et, en réalisant des buts à long terme, nous allons supprimer un certain nombre de problèmes ou de malentendus. En raison de ces améliorations dans l'administration, nous savons qu'il n'y aura aucun besoin de ressources supplémentaires.

Le sénateur Angus: Un des points qui est ressorti le plus souvent concernait les processus d'examen. Dans leur mémoire, ils ont indiqué qu'ils avaient par le passé 30 jours pour faire ce qu'ils doivent faire maintenant en 30 secondes. Cela a retenu mon attention. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Mme Breakwell: Comme je l'ai indiqué, nous avons voulu, afin de respecter les objectifs du projet de loi, simplifier la façon de procéder pour ce qui est de l'examen, des appels et des rajustements.

Nous avons éliminé le délai de 30 jours du processus d'examen parce que le système actuel est un système transactionnel, c'est-à-dire que c'est un système où il y a beaucoup de formalités. La décision a été prise de ne plus exiger un délai de 30 jours. Comme la Loi sur les douanes vise la conformité volontaire, il incombe aux importateurs et aux courtiers de nous donner des données exactes. Par conséquent, nous allons investir dans la vérification des services à la clientèle plutôt qu'au niveau des formalités. Nous passons d'un contexte transactionnel à un contexte de vérification plus global. Nous allons consacrer des fonds à la recherche des cas de risque élevé et de non-conformité et à l'éducation des clients. Nous n'avons pas besoin d'un délai d'examen de 30 jours.

Le sénateur Angus: Croyez-vous que cela créera un problème?

Mme Breakwell: Non.

Le sénateur Angus: L'autre point que vous avez soulevé, monsieur Collins-Williams, concernait les constructeurs signataires du Pacte de l'automobile.

Le sénateur Oliver: Avant que le témoin ne réponde à cette deuxième question, j'aimerais poser une question supplémentaire.

En réponse à la première préoccupation soulevée, c'est-à-dire le moment choisi pour la mise en application des nouveaux systèmes, certains groupes vous ont demandé un moratoire de six mois; vous avez répondu que vous étiez disposés à faire preuve de souplesse si les importateurs faisaient leur possible. À mon avis, il ne s'agit pas d'une réponse directe à une demande d'un moratoire de six mois. Allez-vous leur accorder un moratoire de six mois pendant qu'ils règlent des difficultés, ou allez-vous vous servir de votre pouvoir discrétionnaire et appliquer la loi si cela vous convient? Allez-vous accorder le moratoire demandé ou non?

Mme Breakwell: Oui, nous allons l'accorder. Nous avons déjà écrit à plusieurs groupes de l'industrie et aux deux associations nationales de fournisseurs de services pour confirmer notre position.

Nous ferons preuve de souplesse ce qui concerne l'exactitude des données statistiques pendant les six premiers mois. Cela veut dire que nous n'allons pas imposer de pénalités dans le cas de données inexactes, sous réserve de certaines conditions cependant. Premièrement, les importateurs et les courtiers doivent utiliser un numéro de 1998 valide. Le numéro tarifaire de huit chiffres dans le projet de loi doit être exact. Ils doivent aussi se montrer raisonnablement empressés.

Nous avons insisté sur le fait que nous serons heureux d'aider les importateurs qui éprouvent des difficultés à déterminer leurs neuvième et dixième chiffres et qu'ils devraient s'adresser à nous pour obtenir de l'aide avant d'importer les biens.

Le président: Étant donné que vous avez envoyé des lettres à divers groupes, seriez-vous disposés à déposer ces lettres auprès du comité?

Mme Breakwell: Oui. Je ne les ai pas apportées, mais nous serons heureux de les fournir au comité.

Le président: Notre personnel aimerait les voir avant notre séance de jeudi. Nous vous saurions gré de les faire parvenir à notre greffier.

Le sénateur Angus: Pour revenir au deuxième point, si je comprends bien, la préoccupation concerne le numéro tarifaire 9958.00.00 à la page 2388 de l'Annexe du Tarif des douanes. Est-ce qu'il s'agit là d'un des points soulevés?

M. Le Blanc: Oui.

M. Collins-Williams: Il s'agit du tarif sur les pièces d'automobile.

Le sénateur Angus: Ce numéro tarifaire se lit comme suit:

Parties, accessoires et articles, à l'exclusion des pneumatiques et chambres à air, devant servir à la fabrication de parties d'équipement d'origine...

Je crois comprendre qu'on utilise pour désigner ce numéro l'abréviation «PEO».

...de véhicules de tourisme, de camions ou d'autobus, ou devant servir d'équipement d'origine dans la fabrication de ces véhicules ou de leurs châssis.

Vous avez indiqué qu'il n'y a pas eu de changement fondamental d'orientation, que l'orientation actuelle est maintenue. Ma question est la suivante: est-ce que j'ai raison de croire qu'une décision a été prise sur le plan de l'orientation, à un moment donné, laquelle a abouti à un décret en conseil qui prend fin le 31 décembre de cette année?

M. Collins-Williams: Oui.

Le sénateur Angus: Quelle était cette décision d'orientation qui a abouti au décret, concernant un changement dans les dispositions du Pacte de l'automobile qui étaient alors en vigueur?

M. Collins-Williams: Le décret en conseil a permis l'importation en franchise de pièces d'automobile. Il ne s'agissait pas d'un changement par rapport à la politique en vigueur lorsque le décret a été pris en 1995, mais plutôt d'une réaction au changement intervenu dans les conditions en vertu du régime de drawback et de remise de droits, l'instrument qui avait permis aux constructeurs non signataires du Pacte de l'automobile au Canada d'importer en franchise des pièces d'automobile jusqu'à la fin de 1995. L'adoption de l'ALENA nous a obligés à éliminer ce qu'on appelle les remises de droits fondées sur le rendement et le drawback de droits à partir du 1er janvier 1996. Pour pouvoir continuer de permettre l'importation en franchise des pièces pour ces constructeurs au Canada, nous avons créé un nouvel instrument, soit le décret en conseil.

Le sénateur Angus: La date d'expiration du décret en conseil est le 31 décembre. Pour quelle considération stratégique a-t-on décidé d'indiquer une date plutôt que le contraire? Si tout le monde croyait que c'était la chose à faire dans l'intérêt du Canada, pourquoi a-t-on indiqué le 31 décembre 1997?

M. Collins-Williams: Je demanderais à M. Le Blanc de fournir la réponse.

M. Le Blanc: La date du 31 décembre 1997 n'a pas de signification stratégique; cette date s'appliquait à des milliers de dispositions ou de codes tarifaires spéciaux régissant les intrants de produits. Nous avons procédé de cette façon parce que, le 1er janvier 1998 entrait en vigueur le commerce en franchise entre le Canada et les États-Unis en vertu de l'ALE. Nous avons pris la décision administrative de réexaminer la nécessité de continuer d'avoir des codes spéciaux avant l'entrée en vigueur globale de l'ALE. L'entrée en vigueur du commerce en franchise avec les États-Unis faisait en sorte que beaucoup de ces dispositions n'étaient plus requises. Il a été décidé d'en conserver certaines et pas d'autres. En somme, nous avons procédé à ce réexamen parce que beaucoup de ces dispositions spéciales ont été éliminées et d'autres ont été converties en dispositions tarifaires dans la nouvelle annexe consolidée. Le code que vous venez de mentionner est un de ceux qui a fait l'objet d'une conversion parce que le niveau de commerce était assez important. Le numéro a changé, et il fait maintenant partie de l'annexe du chapitre 99.

Le sénateur Angus: Le numéro tarifaire que j'ai cité ne s'applique pas exclusivement au commerce avec les États-Unis, n'est-ce pas?

M. Le Blanc: Non.

Le sénateur Angus: Au contraire; il s'agit d'une exception aux règles.

M. Le Blanc: Non, non. Pour vous donner un peu de contexte sur ces dispositions ou ces codes spéciaux qui existent en vertu du tarif actuel, si 100 p. 100 du commerce venait des États-Unis, on n'aurait pas besoin d'une disposition spéciale comme celle-ci. Par ailleurs, cette disposition s'applique à tous les pays. Il n'y a pas de dispositions spéciales pour les États-Unis. Il s'agit d'un tarif NPF; néanmoins, comme tous les biens en vertu de cette disposition spéciale proviennent des États-Unis, nous avons décidé qu'elle n'était pas nécessaire parce que les biens seraient assujettis aux dispositions tarifaires usuelles, en franchise en provenance des États-Unis.

Dans d'autres cas, les biens provenaient non pas des États-Unis, mais d'autres pays, et nous avons décidé de conserver ces dispositions spéciales, mais elles doivent être converties en dispositions tarifaires dans le corps principal du tarif.

M. Collins-Williams: J'aimerais ajouter quelque chose à la réponse de M. Le Blanc, pour clarification. En 1995, nous avons travaillé activement à la simplification de ce tarif; nous avions prévu la coïncidence de l'élimination le 1er janvier 1998 de tous les tarifs avec les États-Unis. Nous nous attendions à pouvoir mettre en place le tarif simplifié dès le 1er janvier 1998 et ainsi absorber tous ces codes dans l'annexe du tarif. C'est la raison pour laquelle ces codes avaient pour date limite le 31 décembre 1997; cela faisait partie de cette visée plus grande.

Le sénateur Tkachuk: Je ne suis ni avocat ni expert en tarifs. Pourriez-vous me décrire le processus dans le cas d'une pièce d'automobile fabriquée, par exemple, en Corée du Sud et d'une autre fabriquée aux États-Unis, avant le décret en conseil et après?

M. Collins-Williams: Je demanderais à Christine Wiecek de répondre.

Mme Christine Wiecek, Questions tarifaires nationales, Division des politiques du commerce international, ministère des Finances: Avant le 1er janvier 1996, avant le décret en conseil, dans le cas d'une pièce d'automobile provenant de la Corée du Sud, du Japon ou de l'Allemagne, en vertu du Pacte de l'automobile, les constructeurs signataires ne payaient pas de douane. Si la compagnie importatrice n'était pas un constructeur signataire du pacte, par exemple Toyota ou Honda, la compagnie était exemptée de douane grâce à deux régimes importants. Le premier régime est celui du drawback des droits: le droit s'applique lorsque la pièce est importée et utilisée pour produire un bien fini; une fois le produit exporté, le droit est remboursé. L'autre possibilité est le régime de remise de droits basés sur la production, en vertu duquel les constructeurs non signataires du Pacte de l'automobile reçoivent des crédits pour compenser le droit. Il n'y a donc, en réalité, aucun tarif sur les pièces d'automobile, que le constructeur soit signataire ou non signataire du Pacte.

Le sénateur Tkachuk: Avant le décret en conseil?

Mme Wiecek: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Quelle sera la situation après l'entrée en vigueur du décret en conseil?

Mme Wiecek: Le traitement en franchise continuera à s'appliquer à toutes les pièces d'automobile, pour les constructeurs signataires et non signataires. Il n'y a aucun changement. De plus, la simplification tarifaire n'apporte pas de changement non plus parce que l'importation en franchise continuera pour les constructeurs signataires et non signataires du Pacte de l'automobile.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qu'il en est des pneumatiques et des chambres à air?

Mme Wiecek: Les pneumatiques et les chambres à air sont exclus.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi?

Mme Wiecek: Ils sont exclus depuis 1965 en vertu du Pacte de l'automobile. Je suppose que les fabricants de pneus avaient des préoccupations; ces biens ont toujours été assujettis aux droits de douane.

Le sénateur Tkachuk: C'est protectionniste. Je pose la question tout simplement parce que cette inclusion des pneumatiques et des chambres à air ressort.

Mme Wiecek: Oui, mais l'exclusion date de 1965.

Le sénateur Tkachuk: Je ne comprends pas. Seront-ils dorénavant inclus?

Mme Wiecek: Non. Les pneumatiques et les chambres à air continuent d'être assujettis aux droits.

Le sénateur Stewart: Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que tout ce qui a changé en 1995, c'est la technique que les constructeurs non signataires pouvaient utiliser pour importer des pièces d'automobile.

Une personne un peu naïve qui regarde la situation de loin pourrait se dire que dans le cadre de l'accord de libre-échange ou de l'ALENA une décision a été prise d'éliminer les programmes de remises fondées sur le rendement à partir du 1er janvier 1996 et d'éliminer les drawbacks. L'objectif était clair. Il consistait à s'assurer que les constructeurs non signataires du Pacte de l'automobile n'aient pas accès en franchise à ces pièces importées.

Le gouverneur en conseil a ensuite adopté un décret qui, grâce à une autre technique, a mis fin à ce que l'on avait prévu d'éliminer en vertu de l'ALE ou l'ALENA. Comment expliquer que celui qui observe la situation de loin a tort?

M. Collins-Williams: Pour expliquer la situation que vous décrivez, sénateur, nous devons parler de la dynamique de négociation qui s'est mise en place lors de l'ALE et ensuite de l'ALENA. L'objectif des États-Unis, dans ces négociations, visait à éliminer toutes les remises de douane fondées sur le rendement ainsi que tous les programmes de report du système canadien, et pas seulement ceux dans le domaine de l'automobile. Au cours des négociations, nous avons accepté ce concept et cette obligation d'éliminer les remises fondées sur le rendement, c'est-à-dire le fait de remettre des droits ou d'accorder un traitement spécial en échange lorsqu'une firme canadienne s'engage à faire certaines choses, comme fabriquer quelque chose au Canada. Les Américains s'opposaient à cela. Ils s'y opposent depuis longtemps.

Un de leurs objectifs dans le cadre de l'ALE et ensuite de l'ALENA visait à éliminer cet aspect de notre système. Dans le contexte des négociations, nous avons accepté cela. Nous n'acceptions pas nécessairement de modifier notre traitement tarifaire. Cela ne faisait pas partie des négociations.

Ce que nous avons fait, comme vous l'avez dit au départ, sénateur Stewart, ça a été de modifier l'instrument qui nous permettait d'autoriser l'entrée de pièces d'automobile en franchise, conformément à la politique de longue date visant à permettre l'entrée en franchie de droits.

Le sénateur Stewart: Vous dites que les États-Unis voulaient éliminer les subventions dissimulées dans notre politique sur le Tarif des douanes?

M. Collins-Williams: Je préfère les appeler les «programmes de remises fondées sur le rendement».

Le sénateur Stewart: Le mot «subventions» ne sera pas compris aux États-Unis, parce que les subventions n'existent pas là-bas.

M. Collins-Williams: Je crois qu'il y a beaucoup de subventions aux États-Unis. Je n'emploierais pas le mot «subvention» dans le contexte de ces programmes, parce que cela pourrait nous exposer à d'autres formes de discipline en vertu du droit commercial international.

Le sénateur Stewart: Peu importe la terminologie que l'on utilise, il me semble que les États-Unis voulaient empêcher le gouvernement du Canada d'utiliser ses tarifs douaniers pour atteindre ses objectifs de production industrielle au Canada.

M. Collins-Williams: Oui, afin de pouvoir imposer certaines conditions en échange d'un traitement tarifaire spécial.

Le sénateur Stewart: Nous avons accepté cela, mais nous avons dit clairement que nous allions conserver notre droit d'établir des droits à l'importation sur les pièces d'automobile au niveau adéquat, selon le Parlement du Canada, n'est-ce pas?

M. Collins-Williams: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Nous avons réussi cela au départ grâce au décret en conseil qui, évidemment, a été adopté conformément au pouvoir légal approprié. Maintenant, vous demandez au Parlement de prendre des mesures afin de faire ce que les Américains s'attendaient à ce que nous fassions en 1995, n'est-ce pas? Il n'y a rien de louche dans ce que le gouvernement du Canada fait.

M. Collins-Williams: Non. Nos démarches sont entièrement transparentes; les Américains les comprennent et sont au courant.

Le sénateur Stewart: Ils ont compris cela à l'époque.

M. Collins-Williams: Oui. Nous sommes en train d'inclure cet aspect et bien d'autres dispositions sur l'entrée en franchise dans le tarif, pour que ces dispositions soient entièrement transparentes et comprises immédiatement par les importateurs.

Le sénateur Angus: Je crois comprendre, monsieur, que vous avez eu beaucoup de représentations et de plaintes de la part de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules au sujet de l'article dont j'ai parlé plus tôt. L'association dit que la nouvelle orientation change la nature du Pacte de l'automobile, qui est en vigueur depuis 1965.

M. Le Blanc: Oui, ils ont communiqué avec nous, mais seulement récemment. Cette proposition remonte à mars 1996. Elle avait été annoncée à ce moment-là et c'est seulement à la fin de septembre que nous avons reçu des instances à propos de ce numéro tarifaire.

Le sénateur Angus: Ce groupe ne s'était pas plaint du changement auparavant et il était tout à fait au courant de la situation.

M. Le Blanc: En fait, nous avons reçu des instances à l'automne de 1996, mais elles ne portaient pas là-dessus.

Le sénateur Angus: Quand vous avez reçu les instances du groupe en septembre 1997, quelle a été la réponse du gouvernement?

M. Le Blanc: Essentiellement, le gouvernement a expliqué que l'orientation ne changeait pas et que le statu quo était maintenu, autrement dit qu'aucun fabricant d'automobiles du Canada n'avait jamais eu à payer de droits de douane sur les pièces utilisées pour la fabrication ou l'assemblage d'automobiles au Canada.

Le sénateur Oliver: Honda et Toyota non plus?

Le sénateur Angus: Voulez-vous laisser entendre au comité qu'un mécanisme de remise des droits de douane qui comporte les critères de performance tels que votre collègue l'a expliqué il y a un instant est exactement la même chose qu'un droit de douane nul?

M. Le Blanc: Le fait est qu'aucun droit de douane n'a jamais été payé.

Le sénateur Angus: Aucun droit de douane n'est versé si l'on peut satisfaire à diverses conditions. Pendant mes 38 années de pratique du droit, j'ai constaté qu'il est très compliqué d'obtenir un drawback de douane par le processus de la remise. Il faut prouver que toutes les conditions ont été remplies, ce qui n'est pas la même chose que d'être exonéré des droits de douane dès le départ.

Mme Wiecek: Dans le cas des pièces, la seule condition que doivent respecter tant les fabricants visés par le Pacte de l'automobile que ceux qui ne le sont pas c'est que les pièces doivent être utilisées pour la fabrication d'automobiles neuves. Il ne s'agit pas des pièces de remplacement. Ni les compagnies visées par le Pacte de l'automobile, ni Toyota ou Honda, ne peuvent importer de pièces de remplacement en franchise et les vendre à Canadian Tire. La seule condition fixée, c'est que la compagnie importe la pièce et s'en serve pour fabriquer un véhicule au Canada.

Le sénateur Callbeck: Monsieur le président, on a déjà répondu à la question que je voulais poser au sujet des droits de douane.

Je voudrais cependant savoir si les fonctionnaires ont fait une étude d'impact économique. Quelqu'un a-t-il fait une telle étude? Y aura-t-il des gagnants ou des perdants si le projet de loi est adopté?

M. Le Blanc: Nous avons calculé que le projet de loi représente environ 90 millions de dollars en 1998 en droits de douane perdus par le gouvernement ou économisés par l'industrie.

Le sénateur Callbeck: Pensez-vous qu'il y aura des entreprises canadiennes qui souffriront de cette mesure?

M. Le Blanc: Le projet de loi a été mis au point sur une période de trois ans après de longues consultations auprès des intéressés. Le gouvernement a reçu non seulement des lettres d'appui des principales associations de l'industrie, mais aussi des lettres demandant que le projet de loi soit adopté comme prévu pour être en application le 1er janvier 1998.

Nous avons collaboré de très près avec l'industrie pour préparer ce projet de loi. Il a été très bien accueilli. Même ceux qui viendront témoigner devant le comité plus tard ont dit que le projet de loi est une bonne mesure, même s'ils ont quelques inquiétudes au sujet d'une de ses dispositions. J'ai donc l'impression que l'industrie tient à ce que le projet de loi soit mis en vigueur.

Le sénateur Stewart: Je voudrais examiner les choses d'un peu plus près pour voir si le Pacte de l'automobile est en cause. Nous avons tous reçu une lettre de Tayce A. Wakefield, vice-président, Affaires générales, General Motors du Canada Limitée, dont le deuxième paragraphe se lit ainsi:

Le Pacte de l'automobile conclu en 1965 représente la politique stratégique du Canada pour l'industrie automobile. Il prévoyait que les fabricants automobiles n'auraient pas à payer de droits de douane s'ils étaient prêts à prendre certains engagements relatifs à la production et aux approvisionnements. Pendant les années 80, quand des fabricants transplantés ont investi au Canada, seulement CAMI Automotive...

Si je ne m'abuse, il s'agit de Suzuki GM Canada. La lettre continue:

...était prête à prendre les engagements de production et d'approvisionnement nécessaires pour se joindre au Pacte de l'automobile. Honda et Toyota n'étaient pas prêts à le faire et ont décidé de ne pas se joindre au Pacte de l'automobile quand elles en avaient la chance.

La lettre demande ensuite aux membres du comité d'essayer de modifier le projet de loi C-11.

L'auteur semble laisser entendre que, puisque Honda et Toyota n'ont pas pris certains engagements, elles ne devraient pas pouvoir importer leurs pièces en franchise comme prévu par le projet de loi vu qu'elles ne font pas partie du Pacte de l'automobile.

Aux termes du Pacte de l'automobile, le Canada retire-t-il du fait que Honda et Toyota, qui ont refusé de se joindre au Pacte de l'automobile, ne puissent pas importer ces pièces d'origine en franchise?

M. Collins-Williams: Même si tous les fabricants de véhicules du Canada pourront importer en franchise les pièces d'origine, cela ne veut pas dire que tous les avantages du Pacte de l'automobile s'appliqueront à tous les fabricants du Canada. En effet, l'autre condition et avantage du Pacte de l'automobile consiste à permettre uniquement aux compagnies visées par le Pacte de l'automobile d'importer des véhicules à moteur au Canada en franchise. Les autres compagnies comme Honda et Toyota n'ont pas ce privilège même si elles fabriquent des véhicules au Canada.

Le sénateur Stewart: Quand vous parlez d'importation de véhicules en franchise, ce que je vois tout de suite, c'est le transport de véhicules à la frontière canado-américaine. Pouvez-vous expliquer un peu mieux les conditions de ces importations? Quelles sont les conditions qui s'appliquent à l'importation de marchandises en franchise selon le Pacte de l'automobile et selon l'Accord de libre-échange? Que fait-on des automobiles fabriquées par GM, par exemple, dans un autre pays, si effectivement GM fabrique des automobiles dans des pays éloignés?

Mme Wiecek: Selon le Pacte de l'automobile, si les compagnies visées par le Pacte respectent deux conditions principales relativement à un rapport production-ventes et un rapport de contenu canadien, elles ont le droit d'importer en franchise des véhicules de n'importe où dans le monde, c'est-à-dire des États-Unis, du Japon et du Mexique. Auparavant, selon les programmes de remise des droits de douane, Toyota et Honda pouvaient importer certains de leurs véhicules en franchise. Depuis l'expiration de ces programmes le 1er janvier 1996, Toyota et Honda doivent payer des droits de douane sur tous les véhicules qu'elles importent.

Le sénateur Stewart: Mais pas sur les pièces utilisées uniquement pour la fabrication?

Mme Wiecek: Exactement. Aucun fabricant, qu'il fasse partie ou non du Pacte de l'automobile, n'a eu à payer de droits de douane sur ces pièces depuis 1965 selon le Pacte de l'automobile et depuis le milieu des années 80 quand Toyota et Honda ont construit des usines au Canada. La seule condition pour les pièces c'est qu'elles doivent être utilisées pour l'assemblage d'un véhicule au Canada.

Le sénateur Meighen: Ai-je raison de penser que les États-Unis perçoivent encore un droit de 2,5 p. 100 sur les pièces d'automobile d'origine?

M. Collins-Williams: Oui. Les États-Unis perçoivent des droits de 2,5 p. 100 sur les pièces d'automobile d'origine de tous les importateurs et de toutes les sources. Il n'y a aucune espèce de tarif préférentiel ou discriminatoire.

Le sénateur Meighen: Le même droit s'applique à tout le monde et nous voulons qu'il ne s'applique à personne.

M. Collins-Williams: Les États-Unis perçoivent des droits de 2,5 p. 100 de tous les importateurs aux États-Unis; nous ne percevons aucun droit sur les pièces d'origine de tous les importateurs. Le tarif est peut-être différent, mais tous les importateurs dans les deux pays sont traités exactement de la même façon.

Le sénateur Meighen: Est-ce parce que l'on croit que si un importateur n'a pas à payer de droits de 2,5 p. 100, il sera encouragé à importer au Canada?

M. Collins-Williams: Notre raisonnement est le suivant: C'est le traitement tarifaire que nous accordons depuis 1965, c'est-à-dire que nous faisons payer 0 p. 100 pour les pièces d'automobile d'origine.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire, monsieur Collins-Williams, que peu importe ce que notre principal partenaire commercial peut faire, si nous ne faisons payer aucun droit depuis 1965, c'est ce que le Parlement doit continuer à faire?

M. Collins-Williams: Nous ne voyons aucune raison d'augmenter notre tarif et de changer le traitement que nous accordons aux importateurs depuis 1965.

Le sénateur Meighen: Pensez-vous que cela donnera un avantage concurrentiel aux importateurs et aux fabricants du Canada?

M. Collins-Williams: C'est possible. Cela devrait les rendre plus concurrentiels puisque cela réduira leurs coûts de production pour l'assemblage au Canada par rapport aux coûts aux États-Unis.

Le sénateur Meighen: Pouvez-vous me dire si le gouvernement ou des organismes du secteur privé ont mené des études d'impact économique pour mesurer les conséquences du projet de loi?

Mme Wiecek: Pas à ma connaissance. Cependant, l'activité au titre de la fabrication de véhicules et de pièces d'automobile a augmenté de façon marquée chaque année.

Les fabricants de pièces ont eu une année sans précédent en 1996. Ils ont expédié pour environ 22 milliards de dollars. En 1997, ils comptent expédier pour 25 milliards ou 26 milliards de dollars. Les expéditions de véhicules à moteur en provenance du Canada augmentent aussi chaque année.

Le sénateur Kelleher: À l'époque des négociations pour l'Accord de libre-échange, Industrie Canada avait mené des études auprès de 25 secteurs de l'industrie canadienne et l'une de ces études portait sur l'industrie automobile. Cette question avait été examinée à cette époque dans une certaine mesure.

Le sénateur Meighen: J'ai encore du mal à concevoir qu'un groupe s'oppose énergiquement à ce projet de loi sous prétexte notamment qu'il réduit l'utilité du Pacte de l'automobile et donne un avantage indu à certains importateurs et fabricants du Canada.

Si j'ai bien compris, vous dites de votre côté que le projet de loi ne fait que maintenir la situation qui existe depuis 1965, que rien n'a changé et que cela ne devrait déranger personne. Est-ce bien votre position?

M. Collins-Williams: Nous comprenons pourquoi l'Association canadienne des constructeurs de véhicules a pris une telle position vu qu'elle a l'impression que le fait que ses rivaux doivent payer des droits constitue un avantage pour elle.

Le sénateur Meighen: Les rivaux en question n'ont jamais eu à payer de droits, du moins pas depuis 1965.

M. Collins-Williams: C'est exact. D'après nous, il n'y a aucun changement dans les circonstances qui nous permettent d'imposer un droit de douane à l'heure actuelle.

Le sénateur Meighen: Avez-vous reçu des instances à ce sujet avant que le projet de loi ne soit présenté à la Chambre?

M. Le Blanc: Oui, nous avons reçu des instances à la fin de septembre.

Le sénateur Meighen: Pas avant?

M. Le Blanc: Non. Pourtant, comme je l'ai déjà dit, cette proposition avait été annoncée en mars 1996.

Le sénateur Stewart: D'après certaines des analyses que j'ai lues, il semble y avoir une surcapacité importante dans le domaine de la production automobile à l'échelle mondiale, que ce soit au Japon, en Corée du Sud, en Europe, en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud. Cela laisse entendre que la possibilité d'un avantage concurrentiel revêt encore plus d'importance qu'auparavant.

A-t-on fait une analyse de l'origine des automobiles achetées dans les pays de l'ALENA? Je veux parler d'un premier achat. Et, question peut-être plus importante, a-t-on fait une analyse de l'origine des pièces, qu'il s'agisse de moteurs, de transmissions ou d'autres choses? Par exemple, combien de moteurs GM sont-ils fabriqués au Brésil?

A-t-on fait une analyse de ce qui se passe vraiment dans l'industrie automobile puisque l'on nous dit qu'il y a surproduction et que, vu que les devises européennes pourraient être dévaluées, les automobiles fabriquées en Europe deviendront peut-être moins dispendieuses sur le marché nord-américain?

M. Collins-Williams: Les analyses d'Industrie Canada mentionnées par le sénateur Kelleher, qui sont effectivement des études et des comparaisons sectorielles, ont été mises à jour, y compris celles qui portent sur la concurrence dans le secteur de l'automobile, et cette étude contient certainement bon nombre des analyses dont vous avez parlé, sénateur. Je pense que nous pourrons facilement vous obtenir un exemplaire de cette analyse sectorielle.

Le sénateur Stewart: Merci. Ce serait utile.

Le président: Voulez-vous essentiellement dire que la concurrence sur le marché n'a pas changé? En pratique, sinon en droit, si j'ai bien compris, il y a eu jusqu'ici trois procédures différentes: celle qui a précédé le décret en conseil; le décret en conseil; et maintenant un droit de douane nul. Il y a nettement une différence en droits, mais pas dans la pratique sur le marché pour les compagnies qui fabriquent des automobiles au Canada puisqu'elles ont payé des droits de douane nuls sur les pièces selon les trois régimes, même si c'était selon des dispositions différentes de la loi. Est-ce essentiellement ce que vous dites?

M. Collins-Williams: Oui.

Le président: Serait-il exact aussi de dire que rien ne vous empêchait d'inscrire cela dans le Tarif des douanes simplifié et de prolonger le décret au-delà du 1er janvier 1998? Une telle démarche n'aurait pas été contraire à nos autres obligations commerciales, n'est-ce pas?

M. Collins-Williams: Nous aurions pu procéder de cette façon, même si cela aurait été incompatible avec l'intention du projet de loi.

Le président: Cela n'aurait peut-être pas été aussi net, mais tout aussi efficace.

M. Collins-Williams: C'est juste.

Le président: L'annexe du projet de loi fait-elle partie intégrante du projet de loi, en ce sens qu'elle peut uniquement être modifiée par voie législative, et non au moyen d'un règlement?

M. Le Blanc: Oui, l'annexe fait partie intégrante du projet de loi, mais il y a ce pouvoir, dont j'ai parlé tout à l'heure, qui permet de réduire les tarifs par décret pour aider les fabricants canadiens à devenir plus concurrentiels dans le domaine des intrants. Ce pouvoir, énoncé dans le projet de loi, autorise le gouvernement à réduire les tarifs.

Le président: Mais pas à les augmenter?

M. Le Blanc: Il permet au gouvernement de les ramener à leur niveau antérieur, dans les cas où ils ont été réduits, mais non de les hausser au-delà du tarif établi par le Parlement.

Le président: Il ne peut les augmenter à partir de zéro?

M. Le Blanc: Il ne peut les porter de 0 à 10, s'ils étaient fixés à cinq auparavant et que le Parlement les avait fixés à cinq.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi les pneus et les chambres à air sont-ils exclus si ce n'est, comme vous l'avez dit, que cela a toujours été le cas?

M. Collins-Williams: Le tarif a été maintenu pour les pneus et les chambres à air pour assurer une protection tarifaire aux fabricants canadiens de pneus et de chambres à air.

Le sénateur Tkachuk: Vous assimilez le tarif de 2,5 p. 100 sur les pièces d'importation à un drawback; autrement dit, l'argent est revenu et par conséquent, le tarif a été supprimé par un crédit. En fait, si vous supprimiez le tarif entièrement, vous vous retrouveriez à vous priver d'un argument de poids, n'est-ce pas?

Autrement dit, l'argument des signataires du Pacte de l'automobile est qu'étant donné que ces compagnies ne se sont pas acquittées de leurs obligations et ne sont pas devenues membres du Pacte de l'automobile, il y avait toujours la possibilité, même si un drawback était offert, de les frapper d'un tarif de 2,5 p. 100. Autrement dit, elles n'avaient aucune garantie. Est-ce juste?

M. Collins-Williams: Le tarif pouvait être imposé, c'est juste.

Le sénateur Tkachuk: En le réduisant, vous vous trouvez à supprimer cette menace. Autrement dit, il y a pour elles encore moins d'incitatifs à devenir membres du Pacte de l'automobile.

M. Collins-Williams: Si l'on a autorisé cette entrée en franchise de droit, sous forme de remise et de drawback, par décret ou aux termes d'une annexe au régime tarifaire, comme on se propose de le faire maintenant, c'était pour améliorer les conditions d'exploitation des entreprises de montage au Canada. Nous estimons que la situation n'a pas changé et que l'entrée en franchise autorisée pour les pièces d'équipement d'origine est toujours justifiée.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi les pneus et les chambres à air?

M. Collins-Williams: On a fait valoir qu'à cet égard, l'industrie nationale avait besoin de protection tarifaire.

Le président: Je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui. Il serait utile que vous restiez pour entendre les commentaires des autres témoins.

J'invite maintenant les témoins de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et de l'Association des fabricants des pièces d'automobile à venir à la table.

Aux fins du compte rendu, monsieur Adams, pourriez-vous nous présenter vos collègues et ensuite faire un exposé liminaire de trois ou quatre minutes?

M. David Adams, directeur, Élaboration des politiques, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Je suis accompagné aujourd'hui des personnes suivantes: Mme Faye Roberts, analyste de la politique commerciale, General Motors du Canada Limitée, M. Michael Sheridan, directeur, Relations gouvernementales, Ford du Canada Limitée; M. Ken MacDonald, directeur, Élaboration de politiques, Association des fabricants des pièces d'automobile; et M. Othmar Stein, vice-président, Affaires publiques, Chrysler Canada Ltée.

On vous a sans doute déjà expliqué la toile de fond du projet de loi C-11, voire même davantage. Cependant, nous voulons aujourd'hui parler d'un problème particulier qui a fait l'objet des dernières questions sur les pièces d'automobile. Nous considérons cette initiative comme un changement d'orientation, contrairement à ce qu'ont affirmé tout à l'heure certains représentants du ministère des Finances et de Revenu Canada. Nous nous inquiétons du taux de droit de douane applicable aux pièces importées utilisées dans la fabrication de pièces d'automobile par des non-fabricants de pièces d'automobile. Sous sa forme actuelle, le projet de loi aura pour effet de ramener à zéro ce droit de douane.

L'ACCV a cinq préoccupations à l'égard de cette démarche et je les résumerai brièvement.

Premièrement, l'élimination des tarifs sur les pièces de véhicule constitue un incitatif pour les constructeurs transplantés d'acquérir des pièces outre-mer au lieu d'acheter des pièces de fournisseurs canadiens. Cela représente un problème de taille pour l'Association des fabricants des pièces d'automobile dont pratiquement tous les membres sont également des fournisseurs importants des trois Grands.

Deuxièmement, le projet de loi mine la valeur du Pacte de l'automobile en conférant un avantage du Pacte de l'automobile aux constructeurs qui n'ont pris aucun engagement vis-à-vis des exigences de sourçage et de production du Pacte de l'automobile.

Troisièmement, le fait d'éliminer unilatéralement le tarif sur les pièces, tel que le propose le projet de loi, ne procure aucun avantage au Canada, mais lui retire plutôt un atout de négociation qu'il devrait utiliser dans ses discussions avec d'autres pays pour obtenir un accès aux marchés étrangers pour les pièces et les véhicules construits au Canada.

Quatrièmement, l'élimination du tarif sur les pièces entraînera pour le Canada un décalage par rapport à son principal partenaire commercial, les États-Unis, qui impose un tarif de 2,5 p. 100 sur les pièces de véhicules d'origine.

Enfin, ce changement de politique est mis en oeuvre alors qu'Industrie Canada procède à une révision complète du secteur de l'automobile au Canada, qui devrait être terminée au cours du premier semestre de 1998 et qui inclut de façon explicite un examen des politiques commerciales s'appliquant au secteur.

Je voudrais maintenant fournir un contexte historique qui, à mon avis, revêt beaucoup d'importance pour la discussion qui a lieu autour de la table. On semble avancer qu'aucun changement de politique n'a eu lieu. En fait, nous sommes d'avis qu'un changement de politique important s'est produit.

Depuis 1965, la pierre angulaire de la politique commerciale du Canada dans le secteur de l'automobile est l'Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique concernant les produits de l'industrie automobile, mieux connu sous l'appellation Pacte de l'automobile. Par le biais de cet accord, l'entrée en franchise au Canada a été accordée à des sociétés qui se sont engagées à fabriquer des véhicules au Canada et, ce qui est sans doute encore plus important, à s'approvisionner en pièces ici également. Autrement dit, ces sociétés ont pu bénéficier d'un avantage commercial, soit l'entrée en franchise au Canada pour leurs produits, mais uniquement en contrepartie de certaines obligations sous forme de production et d'exigences de valeur ajoutée canadienne.

Le Canada a tiré un avantage énorme de ce régime. Non seulement les sociétés membres du Pacte de l'automobile ont augmenté énormément leur capacité de montage au Canada, mais une toute nouvelle industrie des pièces d'automobile a vu le jour afin de fournir en pièces les usines de montage situées au Canada et aux États-Unis. À l'heure actuelle, les fabricants de pièces d'automobile emploient plus de 90 000 travailleurs, soit plus que les entreprises de montage.

Cependant, au milieu des années 80, le gouvernement s'est engagé sur une voie qui mine l'avenir de cet arrangement commercial jusqu'ici couronné de succès. À cette époque, les sociétés Honda et Toyota ont choisi de s'installer au Canada. Aucune de ces deux entreprises ne pouvait respecter sur-le-champ les exigences du Pacte de l'automobile. Elles ont donc demandé au gouvernement du Canada une aide temporaire sous forme d'exonération des droits d'importation. Au lieu d'adopter la ligne dure à l'égard des nouveaux investisseurs, comme le réclamaient instamment les membres du Pacte de l'automobile à l'époque, le gouvernement du Canada a décidé d'accorder par décret à ces deux sociétés des remises de droits et drawbacks. Essentiellement, Honda et Toyota ont pu tirer parti des avantages du Pacte de l'automobile sans être assujetties à ses obligations. Le seul bon côté, c'est que cette politique était explicitement conçue pour être temporaire. Le gouvernement du Canada a exhorté les deux entreprises en question à adhérer rapidement au Pacte de l'automobile afin de pouvoir mettre un terme aux décrets de remise.

Dans la foulée de l'Accord de libre-échange conclu en 1987 entre le Canada et les États-Unis, on prévoyait de fermer en l'année automobile 1989 la possibilité d'adhérer au Pacte de l'automobile. À ce moment-là, Honda et Toyota étaient déjà toutes deux établies au Canada et on leur a donné le choix entre augmenter leur production canadienne, notamment par sourçage, ou accepter d'être exclues de façon permanente du Pacte de l'automobile. Les deux sociétés ont décidé de ne pas adhérer au Pacte de l'automobile, choisissant plutôt de compter sur les accords de remise de tarif conclus avec le gouvernement du Canada, sachant très bien que ces exonérations de tarif devaient être limitées dans le temps et arriveraient un jour à échéance.

En fait, ces décrets de remise de tarif ont expiré le 31 décembre 1995. À compter de cette date, Honda et Toyota auraient dû commencer à payer des droits sur toutes les pièces importées au Canada. Dans l'intervalle toutefois, à la suite d'un lobbying intense, le gouvernement fédéral leur a accordé d'autres exemptions de droits d'importation. Les sociétés japonaises ont prétendu -- et continuent de prétendre dans des documents qui, à notre connaissance, ont été remis au comité -- qu'il est injuste qu'on leur impose des droits sur les pièces qu'elles importent alors que ces droits ne sont pas imposés aux membres du Pacte de l'automobile.

À titre de membres du Pacte de l'automobile, les trois Grands se sont vigoureusement opposés à l'octroi de concessions additionnelles à ces sociétés en 1995. Les fabricants membres du Pacte de l'automobile ont obtenu des privilèges uniquement en contrepartie de certaines obligations, alors qu'Honda et Toyota ont décidé de ne pas accepter ces obligations alors qu'elles avaient la possibilité de le faire.

Néanmoins, le gouvernement du Canada a décidé d'accorder aux sociétés Honda et Toyota deux autres années d'exemption des droits applicables aux pièces d'automobile importées. Cela s'est fait par le biais d'un décret en conseil qui arrive à échéance à la fin de cette année. Maintenant, deux ans plus tard, nous apprenons que cette exemption des droits d'importation, qui avait été accordée à titre de mesure temporaire à Honda et à Toyota au milieu des années 80 et prolongée par décret en conseil, deviendra une caractéristique permanente de la politique canadienne par suite de son inclusion au projet de loi C-11.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

M. Ken MacDonald, directeur, Élaboration des politiques, Association des fabricants de pièces d'automobile: Honorables sénateurs, notre industrie représente les fabricants d'équipement d'origine au Canada qui comptent environ 95 000 employés dans tout le pays, surtout en Ontario. Leur chiffre d'affaires s'est établi l'année dernière à environ 25 milliards de dollars.

Nous tenons à présenter trois arguments fondamentaux. Le plus important, c'est que le projet de loi C-11 se traduirait par la perte d'un atout de négociation dont se sert le Canada dans ses négociations pour obtenir l'accès à certains marchés étrangers, notamment en Europe et au Japon. Ces pays figurent d'ailleurs parmi les priorités du Canada dans une étude du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

En inscrivant l'application du droit de douane nul dans le projet de loi, on rend celle-ci permanente. Par contre, si le tarif était fixé par décret en conseil, toutes les parties intéressées comprendraient le message qu'il s'agit d'un taux temporaire, sur lequel elles ne doivent pas compter. Dans ce scénario, le Canada conserve son atout de négociation.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'aspect investissement direct, un tarif de 2,5 p. 100 au Canada sécuriserait les sociétés qui envisagent de s'implanter au Canada. Elles seraient moins vulnérables à la concurrence de l'extérieur du Canada, particulièrement celle de pays qui importent aux termes de ce tarif.

Notre dernier argument concerne la perte de revenu occasionnée par l'élimination de ce tarif.

Ces arguments ont tous été présentés dès septembre 1995 dans des lettres envoyées au ministre de l'Industrie John Manley. Nous ne sommes pas des partisans du protectionnisme. Cependant, le libre-échange n'en est pas véritablement un si nous n'obtenons pas de contrepartie à nos concessions.

Le président: Monsieur Adams, dans votre exposé vous vous êtes attaché à ce que vous avez appelé un changement de politique. Vous avez entendu les témoins tout à l'heure. Il y a manifestement eu un changement dans le mécanisme juridique qui s'applique aux fabricants étrangers. Personne ne contesterait l'existence d'une différence sur le plan du droit, mais je voudrais savoir ce que vous entendez par «politique».

Permettez-moi d'exprimer ma question d'une autre façon. Il y a eu trois mécanismes. Le premier s'est appliqué du début au milieu des années 80. Il y a ensuite eu un décret en conseil et maintenant, nous sommes saisis de ce changement. Ces changements ont-ils eu une incidence sur le caractère concurrentiel du marché étant donné qu'en fait, aucun droit n'a été imposé sur les pièces depuis que des fabricants étrangers ont commencé à produire des automobiles au Canada?

M. Adams: Dans leur témoignage, les personnes qui comparaîtront après nous vous diront qu'elles reconnaissent que les décrets de remise ont été instaurés en guise d'étape en vue d'une adhésion intégrale au Pacte de l'automobile. Le Pacte de l'automobile a été le fondement même de la politique commerciale en vigueur au Canada depuis 1965 et jusqu'à aujourd'hui. Cela a d'ailleurs été confirmé par diverses études, jusqu'en 1992-1993.

Tout le monde devrait comprendre que c'est ce cadre qui a présidé à l'évolution de la politique de l'automobile au Canada. Quant à savoir si cela représente un changement de nature concurrentielle, je m'en remets à mon collègue, M. Sheridan.

M. Michael Sheridan, directeur, Relations gouvernementales, Ford du Canada Limitée: L'élimination du tarif applicable aux pièces de son niveau actuel d'environ 6 p. 100, soit le tarif consolidé pour les pièces, représente environ 700 $ pour chaque véhicule fabriqué au Canada.

Le président: Et ce, en dépit du fait que le tarif en question n'a pas été payé par qui que ce soit.

M. Sheridan: Nous convenons que le Pacte de l'automobile a été la raison principale de notre investissement au Canada, le moteur de l'investissement des trois Grands. Nous avons respecté nos engagements au titre de ce pacte. En contrepartie, nous avons tiré parti d'un accès en franchise de droits pour nos véhicules finis ainsi que l'entrée en franchise pour les pièces des fabricants d'équipement d'origine.

Or il semble maintenant que nous ayons décidé de conférer cet avantage à Toyota et Honda qui, en 1989, ont choisi de ne pas être assujetties aux obligations du Pacte de l'automobile.

Le président: Vous avez répondu indirectement en ne répondant pas. Je voulais savoir si l'effet d'annuler un tarif qui n'a jamais été appliqué depuis le milieu des années 80 allait provoquer des changements sur le marché.

M. Sheridan: Nous croyions fermement que cette exemption de tarif dont bénéficiaient les sociétés japonaises était une mesure temporaire.

Le président: J'ai donc raison de dire que cela ne change rien. Cependant, il y a quand même un changement en ce sens que vous pensiez que le tarif en question allait augmenter.

M. Sheridan: Nous pensions qu'il allait être porté à 2,5 p. 100.

Le président: Contrairement à M. MacDonald, qui serait satisfait qu'on laisse en place le décret, cela ne vous satisferait pas?

M. Sheridan: Nous sommes d'accord avec M. MacDonald. Nous considérons qu'il est excellent que le Canada puisse utiliser cet argument de négociation de 2,5 p. 100 pour obtenir l'accès aux marchés étrangers, non seulement pour les pièces d'automobile, mais aussi pour les véhicules finis.

Le président: Permettez-moi d'essayer encore une fois d'obtenir une réponse directe à cette question: auriez-vous été satisfaits du maintien du décret, ce qu'aurait préféré M. MacDonald?

M. Sheridan: Nous avons demandé qu'on restaure le tarif à 2,5 p. 100, ce qui le rendrait égal à celui en vigueur aux États-Unis.

Le président: Il serait égal à celui en vigueur aux États-Unis pour les pièces importées, mais les États-Unis appliquent un tarif de 2,5 p. 100 à tout le monde. Vous voulez qu'on impose un tarif de 2,5 p. 100 à certaines parties seulement.

M. Sheridan: Aux non-membres du Pacte de l'automobile.

Le président: Ce n'est pas la même chose qu'aux États-Unis, où le droit de 2,5 p. 100 s'applique à la fois aux membres et aux non-membres du Pacte de l'automobile.

M. Sheridan: C'est exact. Nous produisons deux véhicules pour chaque véhicule que nous vendons au Canada. Nous achetons également des pièces auprès de fournisseurs canadiens d'une valeur de 5 milliards de dollars. Nous avons investi 6 milliards au Canada depuis six ans à cause des engagements que nous avions pris à l'égard du gouvernement du Canada. Nous avons assumé nos responsabilités aux termes du Pacte de l'automobile.

Le président: Oublions le projet de loi. Vous réclamez un changement à la situation actuelle qui, en fait, augmenterait le coût de fabrication des entreprises non membres du Pacte de l'automobile, indépendamment du projet de loi. Est-ce exact?

M. Sheridan: Nous considérions le décret comme une mesure temporaire qui devait prendre fin à la fin de cette année et nous pensions que le tarif douanier serait réinstauré. De concert avec les fabricants de pièces d'automobile, nous souhaitons que le tarif douanier applicable aux pièces d'automobile soit rétabli à 2,5 p. 100, même si le tarif consolidé au Canada s'élève à 6 p. 100.

M. MacDonald: Nous vous avons demandé de faire relever le tarif douanier d'un décret plutôt que de la loi, et également de revenir au tarif de 2,5 p. 100.

Le sénateur Angus: Après ce que vient de dire le président, je suis heureux que M. MacDonald n'ait pas permis au président de lui faire dire trop de choses.

Nous constatons ici une divergence fondamentale, entre les fonctionnaires et vous-même, sur la question de savoir s'il y a eu effectivement un revirement de politique.

Je vous comprends parfaitement lorsque vous dites que le décret du conseil a été adopté en tant que mesure temporaire et que vous vous attendiez à ce que le tarif douanier soit de 2,5 p. 100 comme on l'a entendu ce matin.

Pourriez-vous nous dire ce qui vous porte à croire que le tarif douanier à 0 p. 100 serait temporaire? Dans la même veine, vous avez entendu les fonctionnaires nous dire que vous ne vous en étiez jamais vraiment plaints jusqu'en septembre 1997. Vous avez toutefois parlé d'une lettre qui aurait été envoyée en 1996.

M. Othmar Stein, vice-président, Affaires publiques, Chrysler Canada Limitée: Pour mettre les choses en contexte, laissez-moi vous rappeler que Honda avait déjà négocié en 1983 avec le gouvernement du Canada l'ordonnance de remise des droits qui la concernait, et que Toyota avait emboîté le pas peu de temps après. À l'époque, le gouvernement avait dit à ces deux constructeurs que ce programme de remise était temporaire -- c'est cela que nous voulons faire valoir ici -- et qu'il fallait qu'ils se rapprochent tous deux du Pacte de l'automobile.

Le sénateur Angus: Voilà une chose importante et qui répond directement à ma question. Ce n'est que ouï-dire, n'est-ce pas? Cela existe-t-il par écrit? Avez-vous la preuve que le gouvernement avait dit cela à l'époque?

M. Stein: Je crois bien. Je n'ai pas ces documents ici, mais je pourrais vous les faire obtenir. Des gens de chez nous ont suivi les négociations de l'ALENA pendant lesquelles la question avait été évoquée.

La clôture du Pacte de l'automobile a été annoncée à l'automne de 1987, et cette mesure n'est entrée en vigueur qu'en 1989. Les constructeurs ont eu six années complètes pour s'adapter aux normes du Pacte de l'automobile, mais ils n'ont même pas pris la peine d'essayer. Ils ont préféré tabler sur leur ordonnance de remise. C'est là un des éléments fondamentaux que nous voulions faire valoir.

Le gouvernement fédéral a toujours soutenu qu'il s'agissait d'une mesure temporaire qui ferait l'objet d'une réévaluation en temps utile au gré des négociations commerciales.

Le sénateur Meighen: C'est important pour moi que vous nous disiez qu'on vous avait effectivement donné la garantie que cette mesure serait temporaire. Pourriez-vous nous faire remettre des documents à l'appui?

M. Stein: Je fais partie du CCA, le comité consultatif sur l'automobile, qui conseille M. Manley et, lorsque le décret du conseil qui concrétisait ce nouvel état de choses a été pris il y a deux ans, nous avons manifesté une vigoureuse opposition. Nous n'aimions pas en effet la façon dont ce décret était mis en oeuvre. C'était un peu comme si, du jour au lendemain, ce décret du conseil était tombé du ciel sans qu'il y eut consultation au préalable. À l'époque, nous avons effectivement écrit au gouvernement à ce sujet. La question ne s'est donc pas posée pour la première fois au mois de septembre.

M. Adams: Nous avons des tonnes de documents que nous pouvons vous remettre et qui prouvent que nous nous sommes plaints de cela deux ou trois ans avant l'entrée en vigueur et, tout récemment encore, au mois de septembre comme l'a mentionné M. Le Blanc. Nous serions heureux de vous faire remettre cela si vous le désirez.

M. MacDonald: La lettre que nous avons envoyée à John Manley était datée de septembre 1995.

Le sénateur Angus: Aviez-vous demandé si cette mesure était temporaire, ou s'agissait-il d'une protestation due au fait que ce revirement de politique battait en brèche votre statut aux termes du Pacte de l'automobile?

M. MacDonald: Notre lettre de 1995 avançait l'opinion qu'il s'agissait d'une initiative régressive et mal avisée pour les raisons que j'ai mentionnées il y a quelques instants.

Le sénateur Angus: À mon avis, il y a toute une différence entre une initiative mal avisée et une initiative qui ne l'est pas, tout comme entre un levier de négociation et quelque chose qui ne le serait pas. Cela pourrait être pour le Canada un bon levier de négociation. Quoi qu'il en soit, c'est une question de stratégie.

Pour revenir à la question de savoir s'il y avait vraiment entendement entre le gouvernement et vous, j'imagine qu'il n'y a eu aucune discussion à propos du décret et que, partant, le gouvernement vous a effectivement jeté de la poudre aux yeux.

M. Stein: Parfaitement.

Le sénateur Angus: Le ministre vous a laissé entendre que cette mesure allait disparaître et c'est la raison pour laquelle, pensiez-vous, le gouvernement avait inclus une date de péremption.

M. Stein: En effet.

Le sénateur Angus: D'après ce que j'ai pu comprendre de la bouche des fonctionnaires, le décret en question portait sur plusieurs autres postes tarifaires et pas simplement celui-là.

M. Stein: Mais c'est celui-là qui intéressait notre industrie, et c'est de cela que je voulais parler un peu plus tôt. Nous avions été très étonnés de la façon dont ce décret avait été mis en oeuvre. Comme je le disais, nous sommes membres du comité consultatif sur l'automobile et, si quelqu'un aurait dû être informé de ce qui s'annonçait alors, cela aurait bien été l'un d'entre nous. Incidemment, tous ceux qui sont présents ici sont représentés au comité. Les choses n'ont certainement pas été mises en oeuvre de cette façon.

M. Adams: Si vous me permettez d'ajouter une précision, il me semble que ce dont nous parlons ici est dans une large mesure un problème de chronologie. Si nous en avions discuté mettons en 1989 ou avant cela même, il aurait été je pense tout à fait évident qu'il se serait agi d'un revirement de politique par rapport aux paramètres du Pacte de l'automobile, revirement ouvrant sur un programme de remise des droits qui allait durer dix ou douze ans. La politique en vigueur à l'époque dans le domaine de l'automobile est exposée dans le rapport Lumley de 1983 sous le titre «Une stratégie pour l'industrie de l'automobile au Canada». Elle a également été étayée par le comité Select sur l'industrie automobile sur la compétitivité de l'industrie automobile nord-américaine. On la trouve également dans le rapport adressé en 1992 par le comité consultatif sur l'automobile au ministre Wilson dans le cadre de son initiative de la prospérité. Dans chacun de ces documents, le Pacte de l'automobile est présenté comme le cadre de référence à partir duquel toutes les politiques commerciales dans le secteur de l'automobile pour le Canada devraient être établies. Nous parlons ici d'un revirement de politique.

Le sénateur Angus: Il semble donc qu'il y ait fondamentalement désaccord entre les fonctionnaires et vous. D'après votre témoignage, dès lors que vous vous étiez élevés contre le décret du conseil en 1995, le gouvernement vous avait donné des assurances et, dès lors que vous auriez exposé les motifs de votre attitude et ainsi de suite, des changements seraient apportés, cette mesure étant donc temporaire. Je tiens ici à bien préciser l'ordonnancement des choses sans être simpliste.

M. Adams: L'origine est encore antérieure à cela. Le problème remonte à 1993, lorsqu'a commencé la première phase de la réduction des tarifs douaniers concernant les pièces détachées. À l'époque, un décret établissait deux codes tarifaires distincts, le code 6227 et le code 6228, qui regroupaient un certain nombre d'éléments différents. Les postes tarifaires relevant du code 6228 ont immédiatement été ramenés à zéro et les postes tarifaires relevant du code 6227 sont demeurés au taux de 2,5 p. 100 alors que le tarif douanier courant sur les pièces détachées pour automobiles était de 9,2 p. 100. Cela constitue donc la première phase avec cette réduction échelonnée. En 1995, les postes tarifaires relevant du code 6227, qui étaient demeurés frappés d'un tarif douanier de 2,5 p. 100, ont été exonérés.

Le président: Savez-vous au juste quand en 1993?

M. Adams: À la fin du mois de décembre 1993, avec entrée en vigueur le 1er janvier 1994.

Je devrais d'ailleurs vous lire une lettre d'Industrie Canada datée du 11 janvier 1994 qui concernait précisément cette première phase.

Le sénateur Angus: Une lettre adressée à qui?

M. Adams: À mon président, M. Mark Nantais et signée par M. Slawek Skorupinski, directeur général de la Direction automobile, transport urbain et chemins de fer. Cette lettre dit ceci:

Pour arriver à la nouvelle structure tarifaire, nous avons pris en compte les commentaires de tous les intervenants, et notamment de vos représentants au Sous-comité international du CAA qui en avait discuté en détail. Nous avons été particulièrement sensibles à l'argumentation concernant l'impact de cette mesure sur les garanties en vertu du Pacte de l'automobile. Ainsi, la réduction concédée n'a-t-elle pas frappée uniformément tous les postes tarifaires concernant les pièces détachées.

Cette lettre le dit bien, ce ne sont pas tous les postes tarifaires concernant les pièces détachées qui ont fait l'objet d'une réduction. Le ministère était sensible à l'argument des garanties en 1993 mais, de toute évidence, il y eut en 1995 un revirement de politique qui a fait que ce tarif douanier a lui aussi disparu.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous remettre une copie de cette lettre à la fin de notre séance?

M. Adams: Certainement.

Le sénateur Angus: Si j'ai bien compris, vous êtes venu témoigner devant nous pour nous demander de proposer, dans notre rapport, un amendement au projet de loi C-11. Que voulez-vous que nous fassions?

M. Adams: J'ai ici le texte d'une proposition d'amendement que je serais heureux de vous faire distribuer. Sénateur Angus, vous avez parlé il y a quelques instants du poste tarifaire 9958 de l'annexe. Nous proposons d'ajouter à la toute fin de la description du poste tarifaire en question un amendement que je vais vous lire si vous le voulez bien:

...uniquement si l'importation est faite en conformité des conditions du Décret de 1988 sur le tarif des véhicules automobiles.

Un tel amendement bénéficierait effectivement aux seuls membres du Pacte de l'automobile.

Le sénateur Angus: Depuis le mois de septembre, vous demandez au gouvernement d'introduire cet amendement, n'est-ce pas?

M. Adams: En effet.

Le sénateur Angus: Ai-je raison de croire que le gouvernement n'a guère apprécié l'idée?

M. Adams: Oui.

Le sénateur Meighen: Pour ma propre édification, vous ai-je bien entendu dire qu'aux États-Unis, le tarif de 2,5 p. 100 s'applique à tous les véhicules et à toutes les pièces détachées importées aux États-Unis?

M. Adams: Ce ne sont pas tous les véhicules qui sont importés aux États-Unis au tarif de 2,5 p. 100. Les États-Unis apposent également un tarif douanier de 25 p. 100 sur les camions.

Le sénateur Meighen: Qu'en est-il des véhicules fabriqués au Canada dans le cadre du Pacte de l'automobile puis apportés aux États-Unis?

M. Adams: Ils sont exonérés.

M. Sheridan: C'est d'ailleurs le cas pour tous les constructeurs, membres ou non du Pacte de l'automobile, à condition qu'ils respectent les conditions de l'ALENA.

Le sénateur Meighen: Et inversement?

M. Sheridan: Oui.

Le sénateur Meighen: Si ce projet de loi était adopté, quelle serait la différence pour un constructeur membre du Pacte de l'automobile et un constructeur non membre du Pacte de l'automobile du point de vue du prix de revient?

M. Adams: Pour un constructeur membre du Pacte de l'automobile, il n'y aurait aucun changement. La situation resterait la même que ce qu'elle est depuis 30 ans. Le constructeur non membre du Pacte de l'automobile paierait des droits de douane sur les pièces détachées qu'il importe, non pas des États-Unis, mais d'un tiers pays.

Le sénateur Meighen: Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, il ne paierait donc pas de droit de douane.

M. Adams: En effet. Mais avec notre amendement, il devrait en payer.

Le sénateur Meighen: Je voudrais surtout parler du projet de loi sous sa forme actuelle.

Si le projet de loi est adopté en l'état, y aurait-il une différence entre un constructeur membre du Pacte de l'automobile et un constructeur non membre?

Le sénateur Stewart: Une différence pécuniaire vous voulez dire?

Le sénateur Meighen: Non, je parle du prix de revient. En d'autres termes, en quoi est-il intéressant d'être ou de ne pas être membre du Pacte de l'automobile?

M. Sheridan: Le Pacte de l'automobile prescrit qu'il faut construire un véhicule pour chaque véhicule que nous vendons au Canada et que nous devons maintenir un niveau de plus value canadienne de 60 p. 100. Cependant, l'un des avantages était jusqu'à présent qu'il ne fallait pas payer de droits de douane sur les pièces détachées. L'autre avantage tenait à ce que nous pouvions importer des véhicules construits dans un tiers pays sans payer de droit d'auteur. Si vous n'êtes pas membre du Pacte de l'automobile, tout véhicule que vous importez d'un tiers pays est frappé d'un droit de douane.

C'est peut-être seulement la partie visible de l'iceberg. J'imagine que d'ici un an, nous risquons de nous retrouver ici pour parler également de l'élimination du tarif douanier frappant les véhicules automobiles finis.

Le sénateur Meighen: Il demeure qu'il est toujours intéressant pour un constructeur d'être membre du Pacte de l'automobile.

M. Sheridan: Dans la mesure où il peut importer en franchise d'un tiers pays des véhicules automobiles finis.

Le sénateur Whelan: Par exemple des camions diesel fabriqués au Brésil.

M. Sheridan: Aussi longtemps que vous respectez la condition d'un véhicule fabriqué au Canada par véhicule vendu, vous pouvez effectivement importer en franchise des véhicules automobiles de n'importe quel pays du monde.

Le sénateur Meighen: Les fluctuations du cours des devises ont-elles un rôle important dans votre secteur?

M. Sheridan: Assurément.

M. MacDonald vous a déjà parlé du levier de négociation. Si nous regardons ce qui se passe dans le monde entier, le problème majeur dans notre industrie est la surcapacité. On estime que d'ici la fin du siècle, le secteur automobile mondial sera en surcapacité à hauteur de 22 millions d'unités. L'offre sera tellement supérieure à la demande pour nos véhicules que nous aurons 88 chaînes de montage de trop. Ce sont des chiffres qui, incidemment, valent pour l'ensemble du secteur à l'échelle mondiale. Il y a également de nombreuses chaînes de montage en Amérique du Nord.

Et même alors que la surcapacité augmente, certains pays comme la Corée augmentent massivement leur capacité de production. L'an dernier, les Coréens nous ont dépassés en devenant le sixième plus important producteur au monde, et nous sommes passés au septième rang. La Corée produit 2,5 millions de véhicules et ce chiffre devrait atteindre les 5 millions d'unités d'ici la fin du siècle.

Pendant l'année dernière, la dépréciation de la devise coréenne a eu pour effet qu'il est devenu considérablement moins coûteux de produire une automobile en Corée qu'au Canada. Pour nous, c'est là un levier de négociation. Le Canada devrait imposer un tarif douanier de 2,5 p. 100 sur les pièces détachées afin précisément d'ouvrir les marchés étrangers comme le Japon et la Corée au lieu de baisser les bras. Pour nous, ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Nous craignons que d'ici un an, les tarifs douaniers sur les véhicules automobiles finis seront également mis sur la table de négociation. Nous prévoyons être inondés par les importations en provenance des tiers pays. C'est là le plus gros problème qui inquiète actuellement notre industrie. La surcapacité alliée à la dévaluation des devises met en danger l'industrie la plus stratégique du Canada.

Le sénateur Tkachuk: Toyota et Honda ne respectent pas la condition d'un véhicule produit par véhicule vendu, est-ce bien cela?

M. Sheridan: Peut-être le font-ils aujourd'hui. Je ne sais pas au juste si ces deux constructeurs vont pouvoir dorénavant respecter la condition de la valeur ajoutée canadienne. Cela dit toutefois, en 1989, on leur a donné le choix de respecter ces conditions, d'accepter leur imposition aux termes du Pacte de l'automobile, mais ils ont préféré décliner. Ils auraient pu ouvrir une nouvelle chaîne de montage ou encore une usine d'assemblage de composantes principales comme les moteurs ou les transmissions, voire acheter davantage de pièces détachées, mais ils ne l'ont pas fait.

Le sénateur Tkachuk: Je me souviens du débat qui avait eu lieu à l'occasion du Pacte de l'automobile, lorsqu'on avait dit que le Pacte représentait un pilier de politique qui resterait immuable même en situation de libre-échange, une politique que le Canada perpétuerait. J'en conviens, la question de la réduction du tarif de 2,5 p. 100 continue à poser problème.

Les gens du ministère nous ont dit que vous ne leur aviez pas écrit à propos de la condition des 2,5 p. 100. Vous avaient-ils informés de leurs intentions et aviez-vous une bonne raison de ne pas le faire? Aviez-vous prévu que cela se passerait? Les opinions à cet égard divergent considérablement.

M. Adams: Il faut admettre que nous leur avons surtout écrit plus tard, ce qui vous donne une idée du genre de consultation que nous avions dans ce dossier. Une fois que la première phase de réduction est survenue en 1993, nous avons eu un copieux échange de correspondance avec le ministère auquel nous faisions part des préoccupations de notre association quant à l'orientation prise par le gouvernement dans le dossier des pièces détachées.

Pour en revenir à votre question, sénateur, vous avez raison -- l'Accord de libre-échange a à toutes fins pratiques fermé la liste des membres du Pacte de l'automobile. Ce dernier était dès lors fermé à tout autre constructeur. Mais cela n'a pas dû étonner Honda parce qu'il le savait fort bien.

L'alinéa 1 de l'annexe 300-A.1 de l'ALENA contient en fait l'article 1001 de l'ALE qui oblige le Canada et les États-Unis de s'efforcer d'administrer le Pacte de l'automobile de manière à favoriser l'emploi et la production dans les deux pays. Le Pacte de l'automobile est plus ou moins enchâssé aussi bien dans l'ALE que dans l'ALENA.

Le sénateur Whelan: Pour en revenir à l'amendement que vous proposez, a-t-il été soumis au comité des Communes et êtes-vous comparu devant ce comité?

M. Adams: Nous avons effectivement été entendus.

Le sénateur Whelan: Vous lui avez fait part à ce moment-là de votre amendement?

M. Adams: Assurément.

Le sénateur Whelan: Lorsque vous parlez de la correspondance de 1993 et d'un décret, qui était ministre à l'époque? Vous avez dit que la mesure avait été promulguée en février 1994.

M. Stein: Le ministre de quel ministère?

Le sénateur Whelan: Le ministère compétent. Qui était le ministre qui avait signé ces lettres, le ministre à l'origine du décret?

M. Stein: C'était M. Wilson, je crois.

Le sénateur Whelan: Cela n'a peut-être pas d'importance, nous pourrions nous renseigner plus tard.

Monsieur le président, les témoins n'arrêtent pas de parler de la surcapacité en fait de pièces détachées. J'ai travaillé jadis dans des chaînes de montage, et je connais donc un peu ce secteur. Ce sont des produits non périssables. Une surcapacité est prévisible. Pourquoi ne pas faire de la «gestion de l'offre»?

M. Adams: Sénateur, votre question est intéressante et c'est précisément l'une des choses sur lesquelles nous nous penchons en raison précisément de la surcapacité. La réalité demeure que si vous ne parvenez pas à maintenir la production sur le territoire national, si les importations commencent à inonder certains marchés et s'il n'y a aucun contrôle, vous ouvrez la porte aux problèmes des importations, un problème qui nous préoccupe.

C'est pour nous un problème grave. À nos yeux, c'est là ce qu'on pourrait appeler le pied dans la porte par rapport au Pacte de l'automobile. Au début de l'année, le nouveau président de Toyota Canada a réclamé l'abrogation du Pacte de l'automobile. Toyota veut que ce pacte disparaisse parce qu'il nous donne un avantage concurrentiel par rapport à ses propres marchés d'exportation ainsi qu'à notre marché intérieur.

Le sénateur Whelan: On parle tant et plus du libre-échange. Pour vous, le Pacte de l'automobile est-il un libre-échange?

M. Adams: C'est un genre de libre-échange sectoriel entre le Canada et les États-Unis.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, j'ai posé il y a quelques instants une question à propos de la surproduction, et nos témoins sont revenus à cette question. J'imagine qu'ils doivent avoir des chiffres et peut-être pourraient-ils nous les remettre.

Le président: Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître devant nous ce matin.

Notre dernier groupe de témoins pour la matinée sera la Japan Automobile Manufacturers Association of Canada dont le directeur général, M. David Worts, sera le porte-parole.

Monsieur Worts, comme vous avez suivi nos travaux depuis le début de la matinée et comme nous avions prévu de lever la séance à 11 h 30, ce serait avec plaisir que je prolongerais la séance de cinq ou six minutes pour vous accommoder, mais nous ne saurions guère l'allonger davantage étant donné que plusieurs de nos membres doivent assister à une autre séance.

Je vous demanderais donc de nous brosser un rapide commentaire dont vous voudrez peut-être faire une réfutation de ce que vous avez entendu jusqu'à présent. Quoi qu'il en soit, je vous saurais gré d'être aussi bref que possible, monsieur Worts.

M. David Worts, directeur général, Japan Automobile Manufacturers Association of Canada: Je suis accompagné aujourd'hui par M. Adriaan Korstanje, directeur général, Toyota Manufacturing Canada Inc. et par M. Vaughn Hibbits, vice-président principal (administration), Honda of Canada Manufacturing, qui représente la Japan Automobile Manufacturers Association.

Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné le loisir de comparaître devant le comité. Vous en avez déjà entendu beaucoup ce matin et nous allons tenter d'être brefs afin de pouvoir répondre à quelques-unes de vos questions.

Nous intervenons ici à l'appui du projet de loi et de la politique du gouvernement du Canada. Nous pensons qu'il s'agit, comme vous l'avez déjà entendu aujourd'hui, d'un prolongement d'une politique qui existe depuis 1965, un prolongement qui peut-être prend la forme d'un instrument différent. L'association escompte que cette politique se poursuivra, du moins c'est la position de Toyota et de Honda.

Pour revenir aux points de détail qui ont été invoqués, et en particulier l'origine étrangère des pièces détachées, lorsque le tarif douanier est passé à zéro au début de 1996 sous couvert du décret, les pièces détachées pour automobiles importées du Japon par des compagnies non membres du Pacte de l'automobile -- en l'occurrence Honda et Toyota -- ont connu une diminution de 15 p. 100 alors que les importations de pièces détachées en provenance du Japon effectuées par les compagnies membres du Pacte de l'automobile ont augmenté de 50 p. 100 pendant la même année. L'argument voulant que l'exonération tarifaire entraînera une augmentation de l'approvisionnement en pièces détachées d'origine étrangère par les compagnies touchées directement par cette mesure est boiteux.

On a également parlé de la réduction unilatérale du tarif douanier en disant que cela nous donnait un levier de négociation. Le fait que la remise des droits de douane ait été une politique du gouvernement du Canada depuis 1965 porte plutôt à penser qu'il s'agit d'un levier de négociation qui n'a pas été abandonné, loin de là, mais qui a plutôt été utilisé pour faire venir des investissements au Canada.

Une des caractéristiques de l'industrie automobile au Canada est qu'elle exporte de 80 à 85 p. 100 de toute sa production. Il faut jeter un coup d'oeil sur les mouvements commerciaux entre le Canada et l'étranger pour avoir une idée juste de la configuration de cette industrie. Je ne pense pas que nous ayons cédé le pas aux États-Unis. Les États-Unis apposent un tarif douanier de 2,5 p. 100 sur toute la gamme alors que le Canada a préféré une exonération totale.

Pour terminer, je voudrais revenir sur la question du décret qui a été mis en oeuvre à la fin de 1995. Il avait été effectivement précédé par des consultations. J'étais alors membre du comité international du CAA qui en avait discuté. Cette question avait déjà été discutée pendant plusieurs mois auparavant, pendant l'automne 1995, avec tous les participants qui représentaient l'industrie. Je ne pense pas qu'il se soit agi ni d'une mesure tombée du ciel, ni d'une initiative prise à l'aveuglette.

Je pourrais peut-être demander si mes collègues auraient quelque chose à ajouter à ce que je viens de dire, après quoi nous répondrons avec plaisir à vos questions.

M. Adriaan Korstanje, directeur général, Toyota Manufacturing Canada Inc.: Nous avons déjà investi plus de 2,2 milliards de dollars au Canada. Lorsque nos plans d'expansion actuels se termineront cette année, nous réunirons toutes les conditions requises par le Pacte de l'automobile, comme la condition d'un véhicule produit par véhicule vendu. Nous fabriquerons au Canada deux véhicules pour chaque véhicule que nous vendrons dans ce pays, et nous allons également respecter la condition relative aux 60 p. 100 de valeur ajoutée canadienne.

Si nous avons investi autant que nous l'avons fait et si nous avons décidé de continuer à investir, c'est surtout parce que nous avons eu la confirmation que les dispositions en matière de remise des droits et de drawback seraient maintenues. Lorsque le texte initial de l'ALE a interdit à tout nouveau constructeur d'adhérer au Pacte de l'automobile, nous n'avons nullement décidé de ne pas devenir membre. Ce n'est pas que nous ne voulions pas devenir membre, c'est simplement que l'ALE nous en a empêchés. Ce que nous escomptions, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons continué à investir, c'est que les dispositions en matière de droits de douane qui existaient au moment où nous avions investi seraient maintenues. Je pense que le gouvernement du Canada a à juste titre décidé de maintenir ces dispositions.

Les constructeurs automobiles, et les trois Grands ne font pas exception, prennent leurs décisions en matière d'investissement en fonction de la structure de leur prix de revient et non pas en fonction de celle de leurs concurrents. Le projet de loi C-11 ne changera en rien la structure du prix de revient de ces constructeurs. Pour eux, rien ne changera; pour nous, rien ne changera non plus.

Contrairement à l'Association canadienne des constructeurs automobiles, nous ne vous demandons pas de nous donner un avantage concurrentiel, mais bien de faire en sorte que les règles du jeu demeurent les mêmes pour tout le monde et que la politique en matière automobile reste équitable et concurrentielle.

M. Vaughn Hibbits, vice-président (administration), Honda of Canada Manufacturing: Depuis notre implantation en novembre 1986, nous sommes arrivés à un niveau de production de 160 000 véhicules par an, ce qui est de loin supérieur au nombre de véhicules que nous vendons au Canada. En décembre 1995, nous avons annoncé l'implantation d'une nouvelle chaîne de montage de camionnettes. C'est la seule chaîne de ce genre exploitée par Honda dans le monde entier, et nous sommes très fiers qu'elle se trouve au Canada. Nous pensons qu'elle est promise à un brillant avenir. Avec cette chaîne de montage, notre production totale passera à 280 000 véhicules par an, c'est-à-dire 30 p. 100 de la capacité de production totale de Honda au Canada et aux États-Unis, beaucoup plus que la moyenne sectorielle au Canada, même avec les trois Grands.

Je voudrais également faire valoir autre chose au sujet des achats de pièces détachées. Depuis que nous avons commencé nos opérations au Canada, chaque année nos achats de pièces détachées ont augmenté. En revanche, les achats de pièces détachées provenant du Japon ont considérablement diminué.

Notre compagnie a pour principe de tirer parti au maximum de l'emplacement géographique, à preuve ce que nous avons fait au Canada. Avec notre nouvelle chaîne de montage, le total des pièces détachées provenant du Canada va au moins doubler. Cette excellente nouvelle concerne également les sept nouveaux fournisseurs de pièces détachées qui ont annoncé leur implantation au Canada et dont les installations sont actuellement en chantier. Nous allons également augmenter de 50 p. 100 le nombre de nos fournisseurs de pièces détachées au Canada même.

Pour ce qui est du Pacte de l'automobile, nous avons pris à l'endroit du Canada un engagement à long terme, un engagement de plus en plus important. Nous espérions arriver un jour à pouvoir adhérer au Pacte de l'automobile. Mais la négociation de l'ALENA nous a coupé l'herbe sous le pied.

Pour ce qui est de la politique, Honda accorde beaucoup d'importance à la politique intérieure du pays. Pour nous, le principe le plus important, c'est le traitement équitable. C'est pour cette raison que nous avons investi au Canada et que nous y avons pris de l'expansion. Nous n'avons jamais considéré que ce traitement équitable était une mesure temporaire.

Le sénateur Whelan: Dans votre exposé, vous avez dit avoir fait des démarches. Auprès de qui avez-vous fait ces démarches? Les avez-vous faites auprès de députés? Certaines personnes à qui j'ai parlé m'ont dit que personne de votre association n'avait communiqué avec eux. N'avez-vous fait vos démarches qu'auprès des bureaucrates?

Le sénateur Angus: Ces témoins appuient la mesure législative.

Le sénateur Kelleher: Ils m'ont contacté.

Le sénateur Whelan: Je veux savoir auprès de qui ils ont fait des démarches.

M. Worts: Je ne suis pas certain de savoir de quelles démarches vous parlez, mais en tout cas, nous avons rencontré des députés autant que des bureaucrates au sujet de cette politique. Nous faisons partie du comité consultatif de l'automobile qui conseille M. Manley. En outre, les représentants de notre industrie se rassemblent pour discuter de telles questions.

Le sénateur Whelan: L'un de mes collègues a déclaré: «Ces témoins appuient la mesure législative.» Pour qu'une mesure législative soit rédigée, il faut bien que quelqu'un fasse des démarches quelque part. J'aimerais en savoir davantage quant à vos échanges de correspondance, à qui avez-vous écrit à ce sujet, et cetera.

Le président: Comme l'a fait remarquer le sénateur Kelleher, sénateur Whelan, les démarches ont été faites auprès de lui, lorsqu'il était ministre du Commerce international.

Le sénateur Whelan: Mais il n'est plus ministre du Commerce, maintenant. Il est mon collègue au Sénat. Nous faisons partie de cette Chambre chargée de faire un deuxième examen approfondi. J'aimerais avoir le droit de lire de façon réfléchie tous les documents que vous avez présentés et de savoir à qui vous les avez présentés.

Le sénateur Kelleher: Je voulais simplement faire savoir au sénateur Whelan que, lorsque j'étais président, les témoins ont fait des démarches auprès de moi.

Le sénateur Whelan: Cela ne vaut pas cher d'être ministre lorsque les députés de la Chambre des communes doivent adopter une mesure déjà décidée par le ministre.

Je crois savoir que certaines personnes avaient été invitées à comparaître devant le comité de la Chambre des communes mais s'en sont abstenues. Je connais bien la présidente du comité de la Chambre des communes.

Le président: C'est même sa fille, au cas où vous ne le sauriez pas.

Avez-vous comparu devant le comité de la Chambre des communes?

M. Worts: Oui.

M. Hibbits: Oui.

Le sénateur Angus: Messieurs, vous avez tous les trois entendu le témoignage de nos témoins précédents de ce matin. Vous m'avez entendu leur demander s'il s'agissait là d'une mesure temporaire. À mon avis, tout pivote autour de cela.

J'ai entendu l'un de vous dire qu'il n'était pas question d'être pris par surprise. Êtes-vous étonné d'entendre ces autres témoins dire qu'ils se sentent pris par surprise parce qu'on a discuté ouvertement des modalités du décret avant son adoption?

M. Worts: Oui.

Le sénateur Angus: C'est ce que vous affirmez tous?

M. Korstanje: Oui.

M. Hibbits: Oui.

Le sénateur Angus: Ces autres personnes possédaient-elles les mêmes renseignements que vous?

M. Worts: Je ne peux faire de commentaire sur leur réseau de communication, mais en tout cas, elles ont été informées par le truchement des consultations tenues par le sous-comité international de l'automobile.

Le sénateur Angus: À l'encontre de vos propos, on a dit que vous aviez exercé un «lobbying féroce» et que c'est à cause de cela que le décret a été pris.

À cette époque, aviez-vous l'impression qu'il s'agirait d'une mesure permanente?

M. Worts: Oui, c'est ce que nous pensions. Même si le décret avait une date d'expiration, nous nous attendions à ce que cette mesure soit reprise dans la Loi sur le Tarif des douanes par le truchement du projet de loi C-11.

Le sénateur Angus: Les fonctionnaires vous avaient-ils indiqué, à cette époque, que cette loi simplifiant le tarif était en cours de rédaction et que cette mesure y serait reprise?

M. Hibbits: Je n'ai rien par écrit à ce sujet, mais on m'a dit que c'était ce qui était prévu. En tous cas, nous n'avons jamais estimé qu'il s'agissait d'une mesure temporaire. En outre, il ne s'agit pas d'un changement, mais plutôt de l'application continue du même régime qui existait lorsque nous avons entrepris nos opérations au Canada -- même si les instruments peuvent avoir changé.

Le sénateur Angus: On pourrait déduire de vos observations que tout cela n'aura plus aucune pertinence d'ici un an ou deux, que vous fabriquerez un si grand nombre de ces pièces ici au Canada que la question des droits de douane sera purement théorique. Est-ce bien là ce que vous espérez et prévoyez?

M. Worts: Je crois savoir qu'il existe un processus constant d'augmentation des activités locales, que les sociétés Honda et Toyota augmentent toutes deux leurs opérations, qu'elles doublent leurs ressources au Canada et qu'il en découlera une augmentation de la quantité des pièces. Vous avez sans doute déjà entendu le nombre de fournisseurs à qui on a demandé d'approvisionner ces opérations.

À bien des égards, il s'agit d'une question de principe. Nous savons que tous les fabricants d'automobiles au Canada appartiennent à des intérêts étrangers. À notre avis, il est logique que le Canada traite tous les fabricants étrangers d'automobiles sur un même pied.

Le sénateur Angus: Ce que vous réclamez, ce sont des règles équitables?

M. Worts: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Je ne m'inquiète pas vraiment de la situation qui existait lorsque le décret a été pris, puisque, je suppose, il s'agissait de respecter les dispositions de l'Accord de libre-échange ou de l'ALENA et que le décret n'était qu'un moyen d'y arriver rapidement tout en évitant pour le moment le problème fondamental.

Ce problème fondamental semble remonter à ce qui s'est produit dans les années 1980. J'ai l'impression que, durant cette décennie, Toyota et Honda se sont vu accorder des remises et des remboursements des droits de douane selon le vieil argument des industries naissantes. Mais ces industries ont grandi, elles ont commencé puis terminer leur adolescence, et on nous sert maintenant l'argument des nombreuses industries en naissance perpétuelle. Cela ne finit plus.

Mon analyse est-elle exacte? Souhaitez-vous perpétuer les conditions qui vous ont été accordées lorsque vous pouviez, à juste titre, déclarer que vous participiez à une «industrie naissante» au Canada? Vous avouez maintenant que votre industrie est adulte et assez robuste, mais vous souhaitez jouir encore des mêmes conditions qui vous avaient été accordées à ses débuts. Où est le mal?

M. Hibbits: Il n'y a pas de mal, sauf que notre industrie est adulte. Nous atteindrons le statut des participants au Pacte de l'automobile, mais nous en sommes néanmoins exclus. Nous sommes maintenant des adultes qui devraient jouir des privilèges de la vie adulte, mais nous en sommes privés car nous ne pouvons être membres du Pacte de l'automobile. Il doit bien y avoir d'autres moyens de reconnaître que nous avons grandi.

Le sénateur Stewart: Vous dites que vous êtes exclus du pacte?

M. Hibbits: Oui, à cause des négociations de l'ALENA.

Le sénateur Stewart: Avez-vous étudié les moyens de changer cette situation?

M. Hibbits: Si j'ai bien compris, il faudrait réouvrir l'accord de l'ALENA.

Le sénateur Stewart: Ne nous engageons pas là-dedans maintenant.

Le sénateur Tkachuk: La question porte sur le Pacte de l'automobile. D'après les témoignages des représentants des trois grandes sociétés, qui étaient ici précédemment, je crois savoir que vous avez eu l'occasion de participer au Pacte de l'automobile et de jouir des mêmes privilèges que ces sociétés, mais que Honda et Toyota ont décidé de ne pas adhérer au Pacte. Pourquoi ces sociétés ont-elles fait ce choix?

Vous est-il encore possible de remplir toutes les conditions et de participer au Pacte de l'automobile, ce qui aurait pour effet de rendre cette disposition inutile?

M. Korstanje: Dans le cas de Toyota, il n'y a pas eu de décision de ne pas participer au Pacte de l'automobile. Pendant un certain temps, avant l'Accord de libre-échange, cela aurait été possible. Durant cette même période, nous avons accru nos investissements et nos installations, à tel point que nous répondons maintenant aux normes de rendement du Pacte de l'automobile. L'Accord de libre-échange nous a privés de cette possibilité. Il est donc faux de dire que nous avons décidé de ne pas participer au pacte. Il serait maintenant illégal pour nous d'y participer, mais à l'origine et par la suite encore, nous avons investi en nous attendant pleinement à profiter des remises et des remboursements de droits de douane qui nous permettraient à un moment donné de participer au Pacte de l'automobile ou qui nous accorderaient un régime équivalent, puisque nous répondons maintenant aux exigences de rendement.

M. Hibbits: L'équipe précédente l'a tellement répété que l'idée qu'une offre officielle nous ait été faite de participer au Pacte de l'automobile et que nous ayons décidé de nous en abstenir est presque devenu crédible. Je ne crois pas que cela se soit produit de cette façon. Il faut également tenir compte du moment où cela s'est fait, du degré de maturité de nos opérations à cette époque et du moment où l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'une entreprise atteigne le statut de participant au Pacte de l'automobile, statut auquel nos travaux d'expansion nous donneront plus que droit, tout comme à Toyota.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez des installations de production exemplaires au Canada. Pourquoi seriez-vous favorable à l'application du tarif? Pourquoi ne pas vous approvisionner plutôt auprès des fournisseurs locaux?

M. Hibbits: Nous le faisons déjà. Nous achetons des pièces auprès de fournisseurs canadiens et américains. Nous achetons également quelques pièces au Japon.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi alors vous inquiéter du tarif de 2,5 p. 100?

M. Hibbits: C'est que nous importons encore certaines pièces du Japon, même s'il s'agit d'une infime minorité. C'est également une question de principe. Il s'agit de ne pas avoir à payer des coûts inutiles et discriminatoires dans un contexte commercial compétitif.

Le sénateur Tkachuk: S'agit-il pour vous d'obtenir des pièces à meilleur marché? Quel pourcentage des pièces de vos véhicules viennent de l'étranger?

M. Hibbits: Un très petit pourcentage, tout au plus de 10 à 15 p. 100.

Le sénateur Tkachuk: Quelle serait la différence dans le coût de vos véhicules au Canada, si vous aviez à payer le tarif de 2,5 p. 100?

M. Hibbits: Je n'ai pas fait le calcul en dollars par unité, mais peu importe qu'il s'agisse de 100 $ ou de 400 $ par voiture, il n'en reste pas moins qu'on nous imposerait un coût discriminatoire lorsque nous fabriquons notre produit au Canada.

Le sénateur Tkachuk: Nous, parlementaires, devons défendre les intérêts de notre nation. Autrement dit, nous avons à coeur que nos fabricants nord-américains d'autos et de pièces automobiles puissent exporter leurs produits au Japon, en Corée et ailleurs en jouissant d'un accès équitable et d'exemption des droits de douane.

M. Worts: Je vous signale qu'il n'y a, au Japon, aucun tarif sur les pièces ou sur les véhicules. Malgré ce que peut en dire la presse populaire, nous croyons que le marché japonais est très ouvert. Il suffit de voir le succès que les fabricants d'automobiles européens ont remporté au Japon. Leur part du marché est plus élevée au Japon qu'aux États-Unis. Cela dépend davantage des types de produits et des efforts faits pour pénétrer ces marchés, surtout au Japon, où la concurrence est très forte. Néanmoins, il n'y a pas de tarif sur les pièces ou sur les véhicules.

Le président: Messieurs, merci beaucoup d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui.

La séance est levée.


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