Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 7 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 9 décembre 1997
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la Suède, une convention conclue entre le Canada et la république de Lituanie, une convention conclue entre le Canada et la République du Kazakhstan, une convention conclue entre le Canada et la république d'Islande et une convention conclue entre le Canada et le Royaume du Danemark, en vue d'éviter les doubles impositions ou de prévenir l'invasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, et modifiant la Loi de 1986 sur la Convention Canada-Pays-Bas en matière d'impôt sur le revenu et la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôt, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour en faire l'examen.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous nous réunissons pour examiner le projet de loi C-10, loi qui met en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la Suède, ainsi que divers autres pays.
Nous entendrons ce matin deux témoins. Nous commencerons par un représentant du ministère des Finances, M. Dan MacIntosh, coordonnateur législatif, Direction de la politique de l'impôt. Dans un instant, je vous demanderai de nous présenter votre collègue.
Après le témoignage du ministère, nous entendrons M. William Thrasher, porte-parole du groupe Canadians Asking for Social Security Equality.
Monsieur MacIntosh, je crois savoir que vous commencerez votre exposé par une brève explication du projet de loi. Les membres de notre comité s'inquiètent fortement de deux éléments de ce projet de loi. Je suppose que vous traiterez de ces éléments dans vos observations préliminaires. Nous vous poserons ensuite des questions, puis nous passerons aux observations de M. Thrasher. Allez-y.
M. Dan MacIntosh, coordonnateur législatif, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jean-Marc Déry, chef des conventions fiscales à la Division de la législation de l'impôt du ministère des Finances.
Le président: Nous l'avons déjà entendu à plusieurs reprises au sujet de conventions fiscales semblables.
M. MacIntosh: C'est exact.
Je commencerai par un bref aperçu du projet de loi, puis je passerai aux questions qui intéressent plus particulièrement les membres du comité.
Le projet de loi C-10 est un instrument nécessaire à la mise en oeuvre des conventions fiscales signées avec la Suède, la Lituanie, le Kazakhstan, l'Islande et le Danemark, ainsi que l'application des protocoles modifiant les conventions fiscales signées par le Canada avec les Pays-Bas et les États-Unis.
À l'heure actuelle, les relations fiscales entre le Canada et la Suède sont régies par une convention fiscale remontant à 1983 et celles entre le Canada et le Danemark, à une convention fiscale datant de 1955. Les relations fiscales entre le Canada et le Kazakhstan sont régies par une convention fiscale signée en 1986 par le Canada et l'URSS, convention qui expirait à la fin de 1995. Il est donc nécessaire de signer avec le Kazakhstan un nouveau traité qui s'appliquera, rétroactivement, à compter du début de 1996. Quant aux conventions fiscales avec l'Islande et la Lituanie, elles sont entièrement nouvelles.
Si de telles conventions fiscales sont conclues, c'est pour protéger les contribuables en leur offrant des certitudes en matière de relations fiscales internationales et pour éviter la double imposition. En outre, c'est dans ces conventions que sont fixés les taux de retenues d'impôt applicables aux paiements versés entre les deux pays, entre autres les retenues fiscales sur les dividendes, les intérêts et les redevances.
Les conventions fiscales permettent de rendre plus efficaces les investissements et les échanges commerciaux et internationaux grâce à une réduction mutuelle des retenues d'impôt. Dans le cas des conventions qui nous intéressent, le taux normal des retenues d'impôt, sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu et des lois étrangères, a été réduit de 5 p. 100, en ce qui a trait aux dividendes directs et aux profits réalisés par les succursales et les entreprises, et de 10 p. 100, en ce qui a trait aux intérêts et aux redevances. Toutefois, nos conventions avec la Suède, l'Islande, le Danemark et les Pays-Bas prévoient une exemption totale à l'égard des redevances en matière de droits d'auteur et de celles provenant des logiciels informatiques, des brevets et des procédés de fabrication.
Ces conventions serviront tant les entreprises canadiennes qui investissent et font commerce dans ces pays que les particuliers. Il est peu probable que quiconque s'oppose aux mesures que je viens de décrire.
Permettez-moi de passer maintenant aux questions qui intéressent davantage le comité à l'heure actuelle. Il y a d'abord le protocole relatif à la convention avec les Pays-Bas. Ce protocole, inclus dans le projet de loi C-10, aurait pour effet de modifier notre convention fiscale avec les Pays-Bas, convention signée en 1986.
Ce protocole contient deux dispositions importantes. La première élimine dans les deux pays les retenues d'impôt sur les redevances provenant de brevets et de procédés de fabrication. Cette mesure favorisera le commerce et les investissements entre les deux pays.
La deuxième disposition, qui intéresse plus particulièrement le comité, prévoit que l'administration fiscale de chaque pays pourra aider celle de l'autre à percevoir les impôts. D'après le protocole, cette disposition ne s'appliquerait pas seulement aux créances fiscales futures, mais aussi à celles des dix années qui ont précédé l'entrée en vigueur de la convention.
Certains prétendent que cette disposition constitue une imposition rétroactive. Le gouvernement n'est pas de cet avis. Pour le gouvernement, il y a imposition rétroactive lorsque sont modifiées les lois fiscales qui régissaient les situations antérieures. Ce serait le cas, par exemple, si le protocole légalisait les méthodes de perception fiscale qui n'étaient pas autorisées antérieurement. Mais ici, ce n'est pas le cas.
L'article dont je parle porte sur la perception des impôts à l'avenir. Cet article s'applique aux créances fiscales qui existent maintenant et depuis dix ans, c'est vrai, mais il en est de même de toutes les lois. Elles sont adoptées en raison de situations qui se sont produites dans le passé. Par exemple, si le gouvernement augmentait le taux d'imposition de mon salaire, je ne saurais en aucun cas prétendre qu'il s'agit d'une imposition rétroactive du fait que j'ai obtenu mon emploi il y a plusieurs années.
Nous n'estimons pas qu'il s'agisse d'une imposition rétroactive. Je tiens à souligner que le protocole ne modifie pas les décisions fiscales antérieures dans l'un ou l'autre pays; il ne modifie que la perception future des impôts. De toute façon, d'après le protocole et d'après les lois du Canada, il ne peut y avoir d'aide à la perception des impôts que lorsque le contribuable a épuisé tous les recours possibles en matière d'opposition ou d'appel et lorsque le délai de prescription pour l'exercice de ces autres droits, administratifs et judiciaires, est entièrement écoulé.
Passons maintenant au protocole relatif au traité avec les États-Unis. Je crois savoir que le changement qui intéresse le plus les membres du comité est celui qui régit l'imposition des prestations d'aide sociale versées par un pays aux résidents de l'autre, plus particulièrement en ce qui a trait au paiement par les États-Unis de prestations de sécurité sociale aux résidents du Canada.
Je vous rappelle que ce protocole constitue en fait une modification à la convention fiscale actuelle. D'après ce protocole, les prestations de sécurité sociale versées par les États-Unis ne seront plus assujetties à des retenues d'impôt à taux fixe de 25,5 p. 100 perçues aux États-Unis. D'après les nouvelles dispositions, les prestations de sécurité sociale seront incluses dans le revenu imposable des résidents du Canada et seront assujetties, conformément aux lois fiscales canadiennes, à une imposition à taux progressif. Il y a toutefois une exception en ce que seulement 85 p. 100 des prestations de sécurité sociale reçues seront incluses dans le revenu. Les autres 15 p. 100 seront exonérées d'impôt, tout comme ils le seraient pour les récipiendaires de prestations américains qui vivent aux États-Unis.
Selon le protocole, ce nouveau régime s'appliquera rétroactivement, à compter du début de 1996, mais cette application rétroactive ne sera effectuée que lorsqu'elle est à l'avantage du contribuable. Autrement dit, le fait de faire remonter l'application de la convention au début de 1996 autorisera certains contribuables à recevoir des remboursements qu'ils pourront réclamer pour 1996 et 1997. Toutes les personnes pour qui cette règle a entraîné une augmentation des impôts seront exemptées de cette augmentation pour 1996 ou 1997. L'augmentation ne s'appliquera qu'aux années futures.
Le sénateur Kelleher: Merci de votre témoignage.
Je vous dis tout de suite que je ne suis pas expert dans bien des domaines, en tout cas pas en matière d'impôt. Par conséquent, j'irai lentement parce que je ne connais pas bien tous les détails de la disposition relative aux Pays-Bas.
Si j'ai bien compris, cet amendement se trouve à l'annexe 6 du projet de loi C-10. En application de l'article VII du protocole, l'article 26A permet aux États de contribuer à la perception des impôts. D'après cet article, Revenu Canada pourra percevoir les impôts des Pays-Bas comme s'il s'agissait de créances fiscales canadiennes. Revenu Canada pourra user de tous ses pouvoirs pour percevoir les créances dues aux Pays-Bas. Est-ce exact, jusque-là?
M. MacIntosh: C'est exact.
Le sénateur Kelleher: C'est le Canada qui paie les frais de la perception de ces impôts, mais les sommes perçues sont remises aux Pays-Bas. Jusque-là, ça va?
M. MacIntosh: Oui.
Le sénateur Kelleher: Ce qui me dérange, c'est la disposition relative à l'assistance en matière de perception qui se trouve au paragraphe 2 de l'article IX du protocole modifiant la convention. C'est bien le bon article?
M. MacIntosh: Oui.
Le sénateur Kelleher: D'après cet article, les Pays-Bas peuvent demander au Canada de percevoir les créances fiscales ayant fait l'objet d'une décision définitive par les Pays-Bas après la date qui précède de dix ans la date d'entrée en vigueur du protocole. On nous a informés -- et je ne connais rien personnellement -- que cette mesure toucherait un grand nombre d'agriculteurs, surtout des producteurs laitiers, qui ont quitté les Pays-Bas pour venir s'établir au Canada. Ces agriculteurs avaient peut-être des créances impayées auprès des Pays-Bas lorsqu'ils ont quitté ce pays; dans d'autres cas, des décisions ont été rendues à leur égard après leur arrivée au Canada. Cette disposition permet aux Pays-Bas de demander à Revenu Canada de percevoir ces créances auprès de gens qui font maintenant affaire au Canada.
Je ne saurais dire, à partir de cette disposition, si les personnes visées pouvaient ou peuvent exercer un droit d'appel et je ne saurais non plus juger du caractère punitif de cette mesure. Ces personnes m'ont dit que, dans bien des cas, il s'agissait d'impôt punitif; certaines de ces créances étaient dues à l'aliénation de leurs propriétés agricoles et de leur immigration au Canada. Dans certains cas, je suppose, ces impôts ont été calculés après leur départ. Du moins, c'est ce qu'on m'a dit, puisque je ne connais personnellement aucun de ces cas.
Il semble à tout le moins que le processus soit rétroactif. J'ai toujours appliqué le vieil adage voulant que si une bête ressemble à un canard, marche comme un canard et crie comme un canard, c'est qu'il s'agit probablement d'un canard.
Je ne veux pas retarder l'adoption du projet de loi. Je comprends les dispositions pertinentes à la convention fiscale Canada-États-Unis. Je comprends pourquoi il est important de faire adopter cette mesure législative. Ce sont des raisons valables, je ne les mets pas en doute.
Je sais que si je demande -- ou plutôt que si le comité demande, en fait -- que soit maintenant retirée du projet de loi C-10 la Convention fiscale Canada-Pays-Bas, cela aurait sans doute pour effet de retarder l'application de la Convention fiscale Canada-États-Unis et les remboursements destinés à bon nombre de citoyens canadiens. Ni moi, ni les membres du comité ne souhaitent cela. Toutefois, je suis préoccupé par la disposition que j'ai mentionnée. Il semble qu'elle crée un précédent, même si, me dit-on, une disposition semblable existe dans la Convention fiscale Canada-États-Unis. Mais à mon avis, les relations entre le Canada et les États-Unis sont un peu différentes.
Ai-je raison de croire qu'il s'agit d'une imposition rétroactive? Je n'en sais rien. Je ne suis ni fiscaliste, ni comptable. Nous avons toutefois des fiscalistes parmi nous et j'ai des documents de personnes qui considèrent cette mesure comme une imposition rétroactive. S'ils ont raison, je m'oppose à ce principe.
Cela me trouble et j'aimerais que le comité ait la possibilité d'étudier cette question. Nous n'en avons pas maintenant le temps. J'aimerais que nous entendions des spécialistes en comptabilité et des fiscalistes pour discuter de cette question.
Plutôt que de retarder l'application de ces dispositions très utiles entre le Canada et les États-Unis, je propose que votre ministère s'engage par écrit à permettre l'adoption du projet de loi C-10 maintenant mais à retarder l'application des dispositions du projet de loi relatives aux Pays-Bas jusqu'à ce que le comité ait pu examiner cette question de façon plus approfondie. Nous vous inviterions bien sûr à venir témoigner devant nous à ce sujet.
M. MacIntosh: Le gouvernement est très favorable à la proposition du sénateur. Le ministre des Finances, M. Martin, estime qu'il serait à propos que le comité étudie cette question de façon plus approfondie. Le gouvernement convient de ce que le traité ne sera mis en vigueur que lorsque le comité sera satisfait des dispositions que vous avez mentionnées.
Pour que le traité entre en vigueur, il faut que le Canada et les Pays-Bas échangent certains instruments de ratification; il s'agit en fait d'avis indiquant que chaque pays a achevé les procédures législatives et parlementaires applicables.
Avant d'échanger ces documents, nous attendrons que le comité soit satisfait de cette disposition, afin que la convention ne commence à s'appliquer qu'avec l'assentiment du comité.
Quant aux autres conventions contenues dans le projet de loi, elles pourraient être mises en oeuvre.
Le simple fait d'adopter le projet de loi C-10 n'entraînera pas automatiquement la mise en oeuvre de la convention avec les Pays-Bas. Nous sommes prêts à adopter d'autres propositions, sénateur.
Le président: Aux fins du compte rendu, et pour souligner ce que disait M. MacIntosh, j'ai reçu hier une ébauche de lettre du ministre des Finances, Paul Martin, que j'ai lue avec les sénateurs Kelleher et Stewart. Il suffit que j'en lise la dernière phrase pour le compte rendu, puisqu'elle résume tout à fait ce qu'a dit M. MacIntosh. Cette phrase se lit comme suit:
[...] Je suis prêt à garantir que le gouvernement ne ratifiera pas le protocole relatif à la Convention fiscale Canada-Pays-Bas jusqu'à ce que le comité [...]
Il s'agit de ce comité-ci ...
[...] soit satisfait de l'article sur l'assistance mutuelle en matière de perception d'impôts.
Je n'ai pas d'exemplaire signé de la lettre, puisqu'elle m'a été confiée pour que je la lise avec les sénateurs Kelleher et Stewart, ce que j'ai fait hier. J'en obtiendrai toutefois un exemplaire signé avant que le comité dépose son rapport à la Chambre.
Après avoir discuté avec les sénateurs Stewart et Kelleher hier, je crois que cette solution, que M. MacIntosh nous a expliquée, résout bien le problème des membres du comité, de tous les partis, quant au caractère rétroactif de cette disposition dans la convention avec les Pays-Bas.
Cette solution vous semble-t-elle raisonnable?
Le sénateur Kelleher: Oui.
Le président: Y a-t-il d'autres questions à ce sujet?
Le sénateur Stewart: J'aimerais poser des questions aux représentants du ministère quant à la situation des agriculteurs hollandais, mais puisque nous étudierons cette question plus tard, j'attendrai avant de poser mes questions.
Le sénateur Grafstein: Ma question serait la même que celle du sénateur Stewart. Permettez-moi toutefois de faire une observation à l'intention du ministre, avant qu'il comparaisse devant notre comité et devant le Sénat. Il y a deux éléments qui devraient être réglés. Il y a d'abord la question de la rétroactivité. J'ai toujours cru que la prescription était de cinq ans plutôt que de 10, mais je me trompe peut-être. Vous pourriez peut-être nous expliquer davantage la durée de cette période et les raisons qui la motivent. Il s'agit d'une question de politique publique, non d'une question relative seulement à ce projet de loi. Elle a d'ailleurs été posée ailleurs. Le ministre pourrait peut-être nous fournir un aide-mémoire quant aux raisons qui motivent la durée de cette période.
Deuxièmement, ce qui me dérange le plus, dans cette question des Pays-Bas, c'est une déclaration qui se trouve dans une lettre que nous avons reçue des contribuables lésés, Peter Wellen et Hans Van denBosch. Le ministre a probablement déjà reçu copie de cette lettre. Les auteurs y disent que bien des gens doivent de l'impôt parce qu'ils ont vendu leur ferme en Hollande. La partie la plus importante de cette lettre est la suivante:
Ces agriculteurs auraient pu reporter l'impôt sur la vente de leur propriété en Hollande s'ils avaient réinvesti l'argent ailleurs en Union européenne.
Puisque nous sommes dans une économie mondiale et que nous essayons d'attirer des gens au Canada, entre autres des agriculteurs, il me semble que le traitement fiscal des agriculteurs de l'Union européenne devrait être le même, s'ils décident de venir s'établir au Canada.
Je ne vous demande pas de répondre aujourd'hui. J'espère que lorsque vous reviendrez, vous aborderez la question de l'équité quant aux règles qui s'appliquent aux agriculteurs qui réinvestissent dans l'Union européenne et à ceux qui décident de s'établir au Canada. J'estime qu'ils devraient être traités de la même façon.
M. MacIntosh: Oui, sénateur. Nous nous assurerons de traiter de ces questions.
Le président: Si c'est tout en ce qui concerne les Pays-Bas, permettez-moi de passer à la question de la sécurité sociale américaine.
Le sénateur St. Germain: Merci, messieurs, d'être venus nous rencontrer ce matin. Monsieur le président, comme vous le savez, nous entendrons un autre témoin, M. Thrasher, immédiatement après les représentants du ministère des Finances. Nous pourrions peut-être demander aux fonctionnaires de demeurer parmi nous, mais après avoir entendu le témoignage de M. Thrasher, nous aurons peut-être des questions auxquelles ils pourraient répondre.
Le président: Je suis sûr que les fonctionnaires seront heureux de rester avec nous.
Le sénateur St. Germain: Ma question porte sur la règle qui permettra maintenant d'assujettir à l'impôt canadien les prestations de sécurité sociale. Pourriez-vous nous dire, messieurs, quel effet négatif cette règle aura pour les gens à revenu fixe? Je crois savoir que ces gens devront payer davantage d'impôt sur ces prestations, puisque, d'après ce que je lis ici, ces prestations ne sont imposables aux États-Unis qu'à partir d'un niveau de revenu plus élevé. Il y a un seuil de 46 000 $ canadiens. Ce changement aura-t-il pour effet d'imposer plus lourdement des personnes à revenu fixe?
M. MacIntosh: Non. En fait, ce sera généralement le contraire. Le gouvernement préconise ce changement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec des considérations fiscales, puisqu'il n'a pas beaucoup d'effets dans ce domaine. C'est pour des raisons d'équité que ce changement est adopté. Le problème, à l'heure actuelle, c'est que tous les Canadiens qui reçoivent ces prestations de sécurité sociale, y compris ceux dont les revenus sont très faibles, sont assujettis à des retenues d'impôt de 25,5 p. 100 aux États-Unis. Ils ne peuvent se prévaloir d'aucune exemption, déduction ou taux graduel. Ces retenues frappent très durement les Canadiens à faible revenu. D'après certaines estimations brutes que nous avons effectuées, sur les 80 000 Canadiens qui reçoivent des prestations de sécurité sociale des États-Unis, environ la moitié seront avantagés par la nouvelle règle que nous proposons. Un quart, environ, seront traités de la même façon et les autres devront payer davantage d'impôts. Mais à peu près tous les avantages de cette mesure profiteront aux Canadiens à faible revenu. Cette disposition est proposée pour soulager les contribuables canadiens des taux fixes et relativement élevés appliqués aux États-Unis.
Le sénateur St. Germain: J'aimerais entendre le témoin qui a demandé à comparaître devant nous à ce sujet.
Le sénateur Stewart: Ai-je raison de croire que les prestataires de pension des États-Unis seront assujettis au Canada à des impôts exprimés en dollars canadiens, c'est-à-dire en devises converties, plutôt qu'en dollars américains?
M. MacIntosh: C'est exact. Les sommes qu'ils reçoivent en dollars américains seront converties en dollars canadiens pour le calcul de l'impôt canadien.
Le sénateur Whelan: J'ai une autre question à poser sur la convention avec les Pays-Bas. Les sénateurs Kelleher et Grafstein en ont discuté avec beaucoup de compétence, mais il subsiste une légère inquiétude encore dans mon esprit. La loi que nous modifions a été adoptée par le gouvernement antérieur. Le ministre actuel des Finances l'a signée, semble-t-il, sans en connaître le contenu. Il faut éviter que le gouvernement se retrouve de nouveau dans une telle situation, que des lois soient adoptées et entrent en vigueur sans qu'on puisse les appliquer avant de tenir de nouvelles audiences, et cetera.
Le président: Dans le cas de la convention avec les Pays-Bas, nous avons convenu que le Canada ne signera pas les documents, que la convention n'entrera pas en vigueur, tant que notre comité n'aura pas eu l'occasion de l'étudier de façon approfondie.
Même si ce protocole fait partie du projet de loi -- et c'est malheureux, car s'il y avait eu cinq projets de loi distincts, le problème ne se serait pas posé... toutefois, ce n'est pas le cas -- puisqu'il est souhaitable que soient adoptés d'autres aspects du projet de loi, nous adopterons la mesure législative dans son ensemble, mais le gouvernement ne signera la convention avec les Pays-Bas que lorsque le comité sera satisfait des dispositions relatives à la perception des impôts.
Le sénateur Whelan: Quelle garantie avons-nous que la convention ne sera pas signée, comme cela s'est fait la dernière fois?
Le président: Nous avons reçu une lettre signée du ministre des Finances, ce qui constitue un engagement public très clair. Je la lirai au Sénat, afin de la rendre officielle. M. MacIntosh l'a également déclaré très clairement aujourd'hui.
Le sénateur Stewart: Je souhaite toutefois m'assurer que notre compte rendu est clair, car je soupçonne que les personnes touchées par cette mesure le liront avec beaucoup d'intérêt.
Vous avez parlé de signature. Il me semble que la convention avec les Pays-Bas a déjà été signée, mais qu'elle n'a pas encore été ratifiée. Est-ce exact? La ratification sera suspendue jusqu'à ce que le comité soit satisfait de la disposition, n'est-ce pas?
M. MacIntosh: C'est exact. Nous appliquons au protocole le même processus qu'à nos conventions fiscales. Il y a d'abord des négociations, puis une ébauche commune est signée par les représentants de chaque État. Pour que le document entre en vigueur, il faut encore franchir deux autres étapes. La convention doit être incluse dans un projet de loi et adoptée par le Parlement. Enfin, il faut qu'il y ait échange d'instruments de ratification. Chacune de ces étapes est obligatoire.
Le sénateur Stewart: Merci.
Le sénateur Grafstein: À ce propos, ce n'est pas de ratification qu'il est question. Le ministre s'est engagé à ne pas mettre en oeuvre le protocole avant qu'il soit ratifié. Les dispositions de mise en oeuvre se trouvent déjà dans le projet de loi.
Le président: La ratification précède la mise en oeuvre.
Le sénateur Grafstein: Laissez-moi vous expliquer. Si j'ai bien compris le témoin, il a dit qu'une de ces étapes consistait à adopter la mesure habilitante. C'est de cette mesure que nous sommes saisis. Le ministre s'est engagé à ne pas proclamer ou à ne pas faire entrer en vigueur la mesure habilitante qui se trouve dans le projet de loi.
Le président: Pourrais-je demander au sénateur Stewart, qui est sans doute de nous tous le plus savant dans ce domaine, de résumer le processus? Je demanderai ensuite à M. Déry de commenter son explication.
Le sénateur Stewart: Je crois savoir que la convention avec les Pays-Bas a déjà été signée. Ce projet de loi acquiert force de loi lorsqu'il reçoit la sanction royale. Toutefois, pour qu'une convention ou qu'un protocole entre en vigueur, il doit être ratifié. Cela signifie que, même si le projet de loi existe, ces dispositions ne pourront être appliquées qu'après ratification. Le ministre a déclaré que la mesure ne serait pas ratifiée par le gouvernement tant que notre comité ne sera pas satisfait de ses modalités.
Le président: C'est bien ce que vous comprenez, monsieur Déry?
M. Jean-Marc Déry, chef, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, ministère des Finances: C'est exactement la marche à suivre. Une fois le projet de loi adopté, le gouvernement doit encore aviser officiellement le gouvernement hollandais de ce que toutes les démarches ont été achevées au Canada. Le ministre des Finances a indiqué que les Affaires extérieures n'appliqueront pas ce protocole tant que votre comité ne sera pas satisfait de cette disposition.
Le sénateur Austin: Cela signifie que si notre comité n'est pas convaincu du caractère équitable de cette mesure législative, la convention avec les Pays-Bas sera abrogée, n'est-ce pas?
M. Déry: La convention ne sera pas abrogée, mais elle n'entrera jamais en vigueur. Le document signé n'aura aucune valeur. Si le Canada n'envoie jamais l'avis de ratification aux autorités hollandaises, la convention existera, mais elle restera lettre morte.
Le sénateur Austin: Cette mesure ne sera donc jamais mise en oeuvre?
M. Déry: C'est exact.
Le sénateur Callbeck: Il semble que jusqu'à 1984, les immigrants arrivant en Hollande devaient signer un document garantissant qu'ils paieraient tous leurs impôts à la Hollande avant leur départ. En 1984, cette exigence a été abandonnée. Savez-vous pourquoi?
M. MacIntosh: Nous ne pouvons pas répondre maintenant à cette question. C'est un sujet qui a été traité par le passé par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Nous ne savons pas pourquoi cette politique a été abandonnée, mais nous pourrons vous trouver la réponse afin que, lorsque le comité étudiera de nouveau cette question, nous puissions vous fournir ce renseignement.
Le sénateur Callbeck: Merci.
Le président: Je voudrais m'assurer de bien comprendre la question relative à la sécurité sociale aux États-Unis.
Auparavant, lorsque des gens vivant au Canada recevaient des prestations de sécurité sociale des États-Unis, la moitié de leur revenu était imposée au Canada et la moitié était exemptée d'impôt. Est-ce exact?
M. MacIntosh: C'est exact.
Le président: Lorsque cette règle a été mise en place, les citoyens américains vivant aux États-Unis qui recevaient des prestations de sécurité sociale des États-Unis étaient assujettis à la même règle, c'est-à-dire que la moitié de leur revenu était imposé et l'autre moitié ne l'était pas. Est-ce que je me trompe?
M. MacIntosh: Non.
Le président: Laissons de côté pour l'instant le fait que les États-Unis ont restauré un régime de retenues d'impôt à taux fixe. Sous le régime des nouvelles dispositions, les Canadiens qui vivent au Canada et perçoivent des prestations de sécurité sociale des États-Unis verront 85 p. 100 de leur revenu imposé au Canada et 15 p. 100 non imposé.
M. MacIntosh: Oui.
Le président: Est-il également exact que ce même régime d'imposition de 85 p. 100 du revenu s'appliquerait aux résidents américains vivant aux États-Unis et percevant des prestations de sécurité sociale américaines?
M. MacIntosh: Oui.
Le président: Par conséquent, on peut dire que ces dispositions augmentent les impôts payés au Canada par les prestataires de sécurité sociale américains, mais que leur traitement sera le même que celui des prestataires américains de sécurité sociale des États-Unis puisque ces derniers subiront la même augmentation d'impôt. Est-ce exact?
M. MacIntosh: Oui, c'est exact.
Le président: Merci.
Le sénateur Meighen: Comment se négocient et se signent ces conventions fiscales? On constate que dans cette liste de quelque 86 pays, les dates sont toutes différentes. En fait-on un examen régulièrement? Attend-on que certains pays communiquent avec nous ou faisons-nous des démarches auprès de certains pays pour mettre tout cela à jour? Comment fonctionne le système, s'il existe une méthode?
M. Déry: À l'origine, on a entrepris les négociations avec les pays où le Canada avait le plus d'intérêts économiques. Cela a commencé au début des années 70, lorsque des négociations ont été entreprises avec les pays d'Europe, le Japon, l'Australie, les États-Unis, certains pays d'Amérique latine, et cetera. Par la suite, nous avons négocié avec d'autres pays qui présentaient pour le Canada des possibilités d'investissement. Nous avons négocié avec les pays qui étaient intéressés à négocier avec nous. Pendant une période de 20 à 25 ans, nous avons signé 61 traités qui sont maintenant en vigueur.
Depuis cinq ou sept ans, nous avons entrepris de renégocier la convention qui remontait aux années 70, surtout parce qu'il y a eu des changements dans les politiques fiscales canadiennes. Par exemple, le ministre a déclaré en 1992 que le Canada n'était pas prêt à réduire à 15 p. 100 le taux de retenues fiscales sur les dividendes entre sociétés. Le taux de ces retenues était de 15 p. 100 dans les traités que nous avions signés avec la plupart des pays d'Europe. Il aurait fallu pour cela tenir de nouvelles négociations. Il en est de même pour les exemptions en matière de redevances annoncées en 1993. Il s'agit d'un processus permanent.
En outre, il y a plus de pays maintenant qu'il y en avait il y a 25 ans. Par suite de la chute du régime soviétique et de l'indépendance des pays baltes, nous avons dû tenir des négociations distinctes avec la plupart de ces pays. De plus, les pays d'Amérique latine commencent maintenant à signer des conventions fiscales. C'est pourquoi nous devrons tenir d'autres négociations avec ces pays. Ces négociations se font généralement sur les intérêts acquis par les investisseurs canadiens et sont parfois aussi motivés par des raisons politiques. Certains pays ne veulent pas être exclus parce que le Canada a signé une convention avec leurs voisins. Il y a toutes sortes de motifs à ces négociations.
Le sénateur Meighen: Je remarque qu'aucun des pays d'Europe de l'Est ne figure dans cette liste, mais je n'en tire aucune conclusion particulière. Lorsque les investisseurs canadiens ont des intérêts dans un pays où il n'y a pas de convention fiscale où la convention fiscale est désuète, il leur appartient de convaincre le ministère, directement ou indirectement, que des négociations devraient être entreprises, n'est-ce pas?
M. Déry: C'est exact.
Le sénateur Angus: Monsieur Déry, pourrait-on dire que le projet de loi C-10 est un compendium de toutes les conventions actuelles qui sont prêtes à entrer en vigueur?
M. Déry: C'est tout à fait cela. Le projet de loi comprend toutes les conventions signées d'août 1996 à septembre 1997.
Le sénateur Angus: Lorsque d'autres seront prêtes à entrer en vigueur, faudra-t-il une autre mesure législative semblable?
M. Déry: C'est de cette façon que j'ai l'intention de procéder. On a signé une convention avec le Vietnam en novembre, et le Vietnam sera donc probablement le premier pays inscrit au prochain projet de loi sur les conventions fiscales.
Le sénateur Angus: Êtes-vous encore chef de la section des conventions fiscales?
M. Déry: Oui, monsieur.
Le sénateur Angus: Est-ce votre titre exact?
M. Déry: Oui.
Le sénateur Angus: Au cours d'une audience précédente, je vous avais posé une question sur la Colombie. J'avais dit que nous avions été informés de ce que les Canadiens dans ce pays se voyaient imposer d'énormes retenues fiscales et ne pouvaient, en l'absence de convention, éviter la double imposition. En réponse à ma question, vous aviez dit que cette question devrait être abordée en juillet -- je ne me rappelle pas si c'était en 1994 ou 1995. Où en est-on dans le dossier de la Colombie? Je constate que ce pays ne figure pas sur la liste de ce gros document que vous nous avez remis.
M. Déry: Nous n'avons fait aucun progrès dans le dossier de la Colombie au cours des quatre dernières années. Nous essayons régulièrement -- et j'entends par là environ tous les six mois -- de voir si les Colombiens sont maintenant prêts à poursuivre les négociations. Mais comme les dernières négociations remontent à de nombreuses années, il faudra probablement tout reprendre à zéro. Malheureusement, nous n'avons pas réussi. Chaque fois que je me rends en Amérique du Sud, j'en fais la proposition, mais nous n'avons pas réussi à nous entendre sur une date pour nous rencontrer.
Le sénateur Angus: Vous affirmez donc que le Canada est prêt à négocier une telle convention avec la Colombie, mais que ce dernier pays n'est pas prêt à en faire autant?
M. Déry: Nous avons entrepris des négociations. L'ébauche de convention qui a été rédigée il y a un certain nombre d'années est de plus en plus désuète. Nous devrons recommencer à peu près à zéro. Parmi les problèmes, en Amérique centrale et en Amérique latine, il y a le manque d'expérience et le roulement très élevé du personnel dans la fonction publique. On entreprend des négociations avec un groupe et lorsqu'il commence à comprendre le problème, on se retrouve devant une autre équipe qu'il faut de nouveau essayer de convaincre que la convention est une bonne idée. C'est l'un des éléments du problème. Certaines de ces personnes n'ont aucune expérience pratique de telles négociations.
Le sénateur Angus: Que faudrait-il faire pour accélérer la signature d'une convention avec la Colombie?
M. Déry: Si le gouvernement colombien souhaite négocier, il suffit simplement de fixer une date et un endroit.
Le sénateur Angus: Un endroit où discuter?
M. Déry: Oui, et une date de réunion.
Le sénateur Angus: Et le Canada serait prêt à négocier? D'après notre politique, souhaitons-nous signer une telle convention avec la Colombie?
M. Déry: Nous savons que les investissements canadiens en Colombie connaissent certains problèmes et nous souhaiterions les traiter au moyen d'une convention fiscale. Je ne sais pas si une telle convention sera signée, mais nous sommes certes prêts à négocier.
Le président: Merci d'être venu nous rencontrer, monsieur Thrasher. Avez-vous des observations préliminaires à faire?
M. William Thrasher, porte-parole, Canadians Asking for Social Security Equality: Merci, monsieur le président. C'est une question très importante pour bien des Canadiens. Il y a environ 85 000 personnes au Canada qui reçoivent des prestations de sécurité sociale. De ce nombre, 55 000 sont des citoyens canadiens. La plupart de ceux que je connais vivaient au Canada et travaillaient de l'autre côté de la frontière. Ils faisaient la navette entre les deux pays et payaient de l'impôt des deux côtés de la frontière. Ils ont pris leur retraite sous un régime comportant certaines règles, règles qui ont été modifiées en 1995.
À propos, permettez-moi de corriger ce qu'a dit le sénateur Whelan: les modifications apportées à la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôt, contenues dans ce qu'il est convenu d'appeler le protocole, ont été signées le 17 mars 1995 et sont entrées en vigueur au moyen d'un échange d'instruments qui ont été ratifiés à Ottawa le 9 novembre 1995, c'est-à-dire environ deux ans après l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel.
En 1995, l'administration de la sécurité sociale des États-Unis a informé par lettre les prestataires du fait que leurs prestations seraient réduites de 25,5 p. 100. Pour la plupart des prestataires âgés, c'était une catastrophe. Ces personnes n'avaient plus les moyens de demeurer dans des foyers pour personnes âgées. On a dit à d'autres qu'ils ne pourraient conserver leur appartement s'ils ne pouvaient payer le loyer. J'ai reçu des appels de veuves de 85 ans qui m'ont dit devoir quitter leur appartement parce qu'elles ne pouvaient plus payer la totalité du loyer.
On a créé un groupe appelé CASSE, composé de quelques-uns d'entre nous, après que j'aie écrit une lettre au Windsor Star. D'autres ont également écrit des lettres. Mme Olive Smith, une dame très digne dotée d'une forte personnalité qui avait elle-même subi plusieurs opérations, entre autres pour traiter un cancer, nous a convaincus de former un groupe. Nous nous sommes réunis dans une petite ville, Essex, où nous nous attendions à ce qu'environ 25 personnes se présentent. Plus de 200 sont venues. Notre salle de réunion n'était pas suffisamment grande. Nous avons tenu une autre assemblée en août 1996, et 2 000 personnes y sont venues. C'est une question très importante pour les gens de Windsor et du comté d'Essex.
Lorsque le Windsor Star a demandé à Herb Gray ce que signifiaient, d'après lui, ces retenues d'impôt, il a dit que, à ce qu'il savait, personne ne paierait davantage d'impôts et certains en paieraient même moins. Ces propos ont été repris dans le Windsor Star du 27 décembre 1995.
La retenue fiscale est entrée en vigueur le 1er janvier 1996. Les gens avaient reçu un préavis de deux semaines, juste avant Noël. Ils étaient catastrophés.
Notre organisme a exercé de fortes pressions sur le gouvernement. Paul Martin a rencontré notre conseil d'administration et écouté nos préoccupations. Il a dit que ce serait difficile à régler, puisque les États-Unis devraient faire leur part. Il a dit qu'il faudrait du temps.
Eh bien, il a fallu deux ans. Nous sommes actuellement engagés dans ce processus. C'est parce que le gouvernement est intervenu auprès des États-Unis que vous êtes maintenant saisis du projet de loi C-10.
En 1995, 50 p. 100 des prestations de sécurité sociale étaient taxées au Canada. Lorsque les changements ont été apportés en 1996, les États-Unis avaient le droit d'imposer des retenues fiscales de 25,5 p. 100 sur les prestations canadiennes. Tous ceux qui gagnaient moins de 70 000 $ par année se trouvaient désavantagés par rapport à ce qu'était leur situation en 1995 et ceux qui gagnaient plus de 70 000 $ payaient à peu près autant d'impôt qu'auparavant.
Sous le régime du projet de loi C-10, on propose maintenant d'imposer non pas 50 p. 100, mais 85 p. 100 des prestations de sécurité sociale au Canada. Cela représente une augmentation de 70 p. 100 par rapport à ce qui existait en 1995.
Les gens mentionnent toujours la situation de 1996, mais cette situation était si terrible qu'on en est arrivé à ce projet de loi C-10. Le projet de loi S-9 n'a pas tenu le coup deux ans. C'est le projet de loi C-10 qu'on se propose maintenant d'adopter.
Certains des renseignements donnés ici ce matin sont erronés. On peut gagner 41 000 $CAN aux États-Unis sans payer du tout de taxe sur les prestations d'aide sociale aux États-Unis. Après environ 41 000 $ de gains, on impose 50 p. 100 de la prestation d'aide sociale, et la proportion augmente jusqu'à 85 p. 100 jusqu'à un revenu de 60 000 $. Au Canada, certaines pauvres veuves qui ont un revenu brut de 12 000 $ vont désormais devoir inclure 85 p. 100 de leurs prestations d'aide sociale des États-Unis pour le calcul de l'impôt sur le revenu.
Pourquoi ces gens-là n'auraient-ils pas pu bénéficier de droits acquis comme on a proposé de le faire pour le Régime de pensions du Canada?
J'ai reçu un feuillet de l'un des députés locaux. On peut y lire que l'ensemble des pensions de retraite du RPC, des prestations d'invalidité, des prestations du survivant et des prestations mixtes telles qu'elles existaient au 31 décembre 1997 ne sont pas touchées.
Comment se fait-il que les personnes qui dépendent de l'aide sociale, les personnes âgées de 65 à 90 ans, sont frappées d'une si forte augmentation d'impôt? Tous ceux qui gagnent plus de 12 000 $ paieront plus d'impôts. Aux termes du projet de loi C-10, aucune personne ne va payer moins d'impôt qu'elle n'en payait en 1995.
On peut voir un délai de cinq ans pour la prestation aux aînés qui est proposée. Il n'y a pas eu de délai en 1995 lorsque, deux semaines avant Noël, on a dit aux gens que leurs pensions seraient réduites d'un pourcentage énorme, soit de 25,5 p. 100.
Notre association ne souhaite pas retarder la signature de la convention. Ce faisant, on permettrait aux États-Unis de continuer à retenir l'impôt, ce qui causerait davantage de difficultés durant plus longtemps. En adoptant le projet de loi dès maintenant, nous obtiendrons les remboursements. Nous comprenons cela.
Nous demandons au comité de demander à notre gouvernement de fournir une lettre d'intention selon laquelle il est disposé à proposer aux États-Unis l'insertion des mots suivants: «un minimum ou non moins de» 15 p. 100.
Le président: Là où figurent les 85 p. 100?
M. Thrasher: C'est exact.
À l'article 2, l'alinéa 5a) de l'article XVIII précise:
a) les prestations payées en vertu de la législation sur la sécurité sociale aux États-Unis à un résident du Canada sont imposables au Canada comme s'il s'agissait de prestations en vertu du Régime de pensions du Canada, sauf que 15 p. 100 du montant des prestations est également exonéré de l'impôt canadien;
Nous estimons que l'ajout des mots «un minimum ou non moins de» 15 p. 100 permettrait au gouvernement canadien de ne plus avoir les mains liées, étant donné que, à l'heure actuelle, nous sommes liés par la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est de l'obtention de prestations d'aide sociale des États-Unis par des Canadiens.
On s'entend peut-être déjà pour dire que les 15 p. 100 constituent un minimum.
Le sénateur St. Germain: Êtes-vous en train de dire que l'ajout de ces mots donnerait davantage de souplesse et ne lierait pas les lois fiscales à la convention?
M. Thrasher: À l'heure actuelle, il nous faudrait approcher les États-Unis et revoir ou modifier la convention fiscale pour obtenir quelque changement que ce soit par rapport au taux de 15 p. 100. Si nous modifions le traité en ajoutant les mots «un minimum ou non moins de», nous ouvrons la porte et nous nous délions les mains. Nous n'aurions plus à aborder la question à nouveau avec les États-Unis. Le gouvernement actuel ou tout gouvernement à l'avenir pourrait modifier les lois fiscales visant les prestataires d'aide sociale des États-Unis sans avoir à obtenir l'accord des États-Unis.
D'ailleurs, Paul Martin a déclaré aux représentants de l'Association canadienne des individus retraités que la retenue d'impôt relevait de la politique fiscale des États-Unis. Il a déclaré que la solution à tout problème causé par le taux d'imposition des États-Unis nécessite la participation des États-Unis. Il a donc déclaré que l'Association des retraités devrait peut-être faire valoir ses intérêts auprès du gouvernement des États-Unis.
Ainsi, une fois de plus, il a fait valoir que nous ne pouvions rien faire sans nous en remettre aux États-Unis. Supprimons donc ces entraves. Faisons en sorte que le gouvernement canadien puisse imposer sa population comme il l'entend.
Le sénateur St. Germain: Ma question suivante s'adresse aux fonctionnaires. J'aimerais leur demander si la chose est possible et si cela entraînerait les résultats souhaités par M. Thrasher.
Le président: J'aimerais demander à M. MacIntosh ou à M. Déry de répondre à la question du sénateur St. Germain. Vous savez quel changement est proposé, je ne dirais pas qu'il s'agit d'un amendement. M. Thrasher a déclaré qu'il comprenait bien l'utilité d'adopter le projet de loi et de signer la convention dans les meilleurs délais. En parlant de déclaration d'intention, il a décrit assez bien l'idée de tenter de modifier à la baisse les 85 p. 100 en proportion du pourcentage d'imposition aux États-Unis.
M. MacIntosh: Abstraction faite de la pertinence d'une telle initiative sur le plan de la politique, on peut dire que, sur le plan technique, il n'est pas nécessaire de modifier le traité à cette fin. Le traité prévoit que le Canada doit exonérer 15 p. 100 des prestations de bien-être social des États-Unis.
Le traitement fiscal accordé aux autres 85 p. 100 relève de la loi canadienne. Notre loi pourrait prévoir d'autres exonérations si la chose était jugée opportune. Il ne serait pas nécessaire de solliciter l'accord des États-Unis à cet égard.
Le président: Ainsi, la convention actuelle permet au Canada de prendre les décisions qu'il juge opportunes en la matière, comme le souhaite M. Thrasher?
M. MacIntosh: En effet.
Le sénateur St. Germain: Sans vouloir amorcer un débat entre les témoins, j'aimerais vous demander, monsieur Thrasher, si vous êtes maintenant satisfait, d'après ce que vous avez entendu, que le Canada n'a plus les mains liées au sujet de ces 85 p .100.
M. Thrasher: Oui. Et j'aimerais rappeler à ceux qui sont ici que M. Martin a toujours déclaré que tout effort visant à contrecarrer ou modifier le projet de loi aurait des effets négatifs. Si nous ne pouvons pas empêcher l'adoption du projet de loi, nous pouvons tout au moins modifier le taux d'imposition des prestations de bien-être social.
Il y a un autre aspect que je n'ai pas abordé. Lorsque l'on travaille aux États-Unis, on paie immédiatement l'impôt sur les prestations de bien-être social. Autrement dit, ces prestations sont imposées. Ce n'est pas le cas du Régime de pensions du Canada, où l'impôt est reporté.
Le sénateur St. Germain: Êtes-vous en train de dire qu'il s'agissait de dollars après impôt?
M. Thrasher: En effet, et l'impôt s'applique jusqu'à hauteur de 60 000 $US, soit 84 000 $canadiens. En réalité, le rapport des prestations aux cotisations est beaucoup plus considérable pour le Régime de pensions du Canada que pour l'aide sociale des États-Unis. Certains disent qu'il est injuste que, pour les Canadiens, les prestations du Régime de pensions du Canada soient imposées à 100 p. 100 alors que seulement 50 p. 100 de nos prestations d'aide sociale des États-Unis sont imposées. Cependant, la comparaison n'est pas valable, étant donné que le rapport entre nos cotisations et nos prestations est de l'ordre de trois.
Le président: Y a-t-il d'autres questions à adresser aux témoins?
Je vous remercie tous de votre participation.
Monsieur Thrasher, le comité vous est reconnaissant d'avoir porté cette question à notre attention. Avant votre intervention de la semaine dernière, je n'étais pas au courant de cette question. Votre participation a été fort utile.
Sénateurs, quelqu'un peut-il proposer une motion nous dispensant de l'étude article par article du projet de loi?
Le sénateur Angus: Je le propose.
Le président: Compte tenu des témoignages reçus ce matin, je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans proposer d'amendements, à deux conditions, la première étant que j'obtienne la lettre signée du ministre des Finances avant de déposer le rapport du comité.
Monsieur MacIntosh, avant que vous ne partiez, j'aimerais vous demander de veiller à ce que j'aie la lettre en main avant 14 heures.
M. MacIntosh: Vous l'aurez.
Le président: En deuxième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, j'aimerais rédiger, au nom du comité, une lettre au ministre des Finances, à partir des commentaires de M. Thrasher et de M. MacIntosh. La lettre stipulerait grosso modo qu'il devrait y avoir une gradation de l'imposition des prestations d'aide sociale des États-Unis au Canada. J'aimerais également que ces prestations soient assujetties au même taux d'imposition variable que le taux américain, soit un taux qui varie de 50 p. 100 à 85 p. 100 selon le revenu. J'aimerais ajouter que, selon ce que nous ont déclaré les fonctionnaires, nous estimons qu'une telle modification peut être faite sans changer la convention et que nous exhortons le ministre des Finances à tenir compte de cet aspect lorsqu'il envisagera d'autres changements à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Ai-je l'accord des membres du comité pour rédiger une telle lettre?
Le sénateur Stewart: Je dois avouer, monsieur le président, que je trouve la situation fort complexe. En fait, je n'y comprends rien du tout. Par conséquent, je suis réticent à donner mon accord au genre de solution que vous proposez. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre le sens de la plainte qui a été formulée.
Le président: Je crois être en mesure d'expliquer la plainte.
Le sénateur Stewart: Permettez-moi de proposer ce qui suit: d'après ce que j'ai compris de votre commentaire, le gouvernement et le Parlement du Canada pourraient, dans une très large mesure, résoudre le problème sans avoir à approcher les autorités américaines. Je crois que M. MacIntosh a bien dit cela. Cependant, avant que nous n'incitions le ministre des Finances à donner satisfaction au témoin que nous avons entendu ce matin, j'aimerais avoir en main une analyse soignée des répercussions de la fiscalité canadienne sur ces contribuables, compte tenu des avantages que nous procure l'argent de nos impôts au Canada, comparativement aux avantages dont bénéficient les contribuables américains aux États-Unis.
Le président: Permettez-moi donc de modifier légèrement ma proposition en conséquence. Je propose ainsi que nous obtenions une telle analyse, ce qui, de toute évidence, va nécessiter quelques jours. Ensuite, je la communiquerai aux membres du comité, avec l'ébauche d'une lettre du ministre. Nous en discuterons avant que la lettre ne soit transmise. La décision ferme de ce matin concernerait la lettre au ministre que M. MacIntosh veillera à me faire parvenir avant 14 heures.
Cette solution est-elle acceptable à tous?
Des voix: D'accord.
Le président: Puis-je demander qu'on dépose une motion portant que le projet de loi sans amendement fasse l'objet d'un rapport?
Le sénateur Meighen: Je le propose.
Le président: J'ai une dernière question à adresser au membre conservateur du comité. On me demandera aujourd'hui en Chambre de déterminer quand il convient d'inscrire le projet de loi au Feuilleton pour une troisième lecture.
Monsieur MacIntosh, est-il exact que, une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, il vous faudra faire adopter une motion de voies et moyens à la Chambre des communes pour être en mesure d'émettre les chèques de remboursement d'impôt?
M. MacIntosh: C'est ce que nous espérions. Cependant, puisque la période des Fêtes arrive à grands pas, il se peut que la chose soit difficile. Après la sanction royale du projet de loi C-10, la prochaine étape est celle de l'échange d'instruments de ratification avec les États-Unis. C'est assez rapide mais il faut tout de même prévoir quelques jours.
Le président: Après cela, vous pourrez émettre les chèques de remboursement, n'est-ce pas?
M. MacIntosh: Lorsque ce sera chose faite, je crois que le gouvernement fera une annonce. Cette annonce suffira, me semble-t-il, à faire en sorte que Revenu Canada émette les chèques de remboursement. Au centre fiscal de Sudbury, on se prépare déjà à transmettre les chèques.
Le président: Vous avez répondu à l'aspect critique de ma question qui visait à déterminer s'il était nécessaire que je sollicite de passer à la troisième lecture dès aujourd'hui. Ce n'est pas nécessaire. Je pourrai la demander pour demain.
M. MacIntosh: La sanction royale est certainement un aspect tout à fait crucial du processus.
Le président: Ce projet de loi passera en troisième lecture demain.
Le sénateur Grafstein: J'ai une préoccupation au sujet du remboursement. On parle d'annonces et ainsi de suite, mais quand les gens recevront-ils leur chèque? Quand vont-ils voir leur argent? Le ministère nous a demandé, en partie, en toute urgence, d'accélérer le processus de façon à ce que ces remboursements soient expédiés le plus vite possible. Les gens ont besoin de cet argent et ils le veulent.
Vous nous dites que vous les préparez, mais est-ce qu'ils vont les recevoir avant Noël? Nous avons fait notre devoir en examinant la question rapidement. Nous l'avons fait dans le seul but de permettre aux contribuables de toucher cet argent avant Noël; du moins, c'est ce que nous espérons.
Le président: Si j'ai bien compris, si ce projet de loi passe en troisième lecture demain, la sanction royale aura lieu demain, ce qui permettra l'envoi de ces chèques avant Noël. C'est ce qu'on m'a dit.
Est-ce exact? Je veux simplement m'assurer de l'exactitude de ces renseignements.
M. MacIntosh: Je ne peux pas vous garantir avec une certitude absolue que les chèques seront envoyés avant Noël. C'est certainement notre objectif. Dès que la sanction royale sera donnée, nous essaierons le plus rapidement possible d'obtenir la ratification avec les États-Unis. Le processus administratif est en place pour envoyer les chèques. Nous allons certainement réussir à le faire dans un délai de quelques semaines, mais c'est à peu près tout ce que je peux vous dire.
Le président: Merci beaucoup.
Sénateurs, nous avons maintenant terminé notre travail en ce qui concerne ce projet de loi. Nous allons maintenant poursuivre nos travaux à huis clos pour discuter de la question de la responsabilité conjointe et individuelle.
La séance se poursuit à huis clos.