Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 8 - Témoignages pour la séance de l'après-midi
TORONTO, le mardi 17 février 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 13 heures pour poursuivre son étude des dispositions relatives à la structure de gestion contenues dans la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (ancien projet de loi C-2).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous recevons cet après-midi, comme vous le savez, deux témoins. Nous entendrons d'abord M. Claude Lamoureux, président-directeur général du Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, puis le président-directeur général de la Commission du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario.
Je vous remercie, Claude, d'avoir accepté de venir témoigner de nouveau devant nous. Vous nous avez été fort utile il y a environ un an, au moment de notre étude sur la structure de gestion à prévoir dans la LSA, car nous avons alors trouvé vos propos très pertinents. Comme vous le savez, pratiquement toutes vos suggestions se sont retrouvées dans nos recommandations. À ce que m'ont dit les représentants du gouvernement, ces recommandations seront d'ailleurs reprises dans la nouvelle LSA qui doit être déposée dans à peu près un mois. Nous vous remercions beaucoup de votre présence, que nous trouvons fort précieuse.
M. Claude Lamoureux, président-directeur général, Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario: Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions à propos de l'Office d'investissement du RPC. Comme il m'apparaît plus important de répondre à des questions que de donner un exposé préparé d'avance, n'hésitez surtout pas à m'en poser.
Je vous signale d'abord qu'à première vue, ce projet de loi me semble très bien conçu. Il contient, naturellement, certains points qu'il s'impose d'examiner plus attentivement.
Je crois que les législateurs qui ont élaboré et adopté le projet de loi C-2 ont tenu compte de ce que leur ont dit les représentants du secteur de l'investissement des fonds de retraite. Je puis en témoigner en ma qualité d'actuaire qui s'y connaît bien en matière de gestion de fonds de retraite.
Monsieur le président, j'ai à vous proposer quatre recommandations qui, à mon avis, pourront être utiles à votre comité. Premièrement, assurez-vous que le conseil d'administration soit composé de membres hautement compétents et confiez-leur un mandat clair. Deuxièmement, donnez aux responsables du nouveau fonds d'investissement toute la latitude voulue pour bien l'administrer, et attendez-vous à ce qu'ils commettent des erreurs. Troisièmement, embauchez les gens les plus qualifiés possible et rémunérez-les aux taux du marché. Enfin, quatrièmement, ne perdez jamais de vue votre passif actuariel et veillez à ce qu'il soit en équilibre avec votre actif. Revoyons maintenant de plus près chacun de ces points.
Rien n'est plus fondamental pour la bonne gestion d'une entreprise que son effectif, à commencer par le palier supérieur, le conseil d'administration, qui doit être le plus compétent possible. Il s'impose donc de sélectionner dès le départ les membres du conseil d'administration de manière à ce qu'ils possèdent, comme groupe, les qualités voulues pour bien superviser la gestion du fonds. Il s'agit là d'un élément d'une importance vitale, notamment à l'étape critique de l'implantation du fonds, car c'est au conseil d'administration qu'il incombera de prendre les décisions importantes et de définir les grandes orientations du fonds.
Bien que ce soit à l'oeuvre qu'on reconnaisse l'artiste, il me semble que la désignation l'automne dernier d'un comité des candidatures non partisan est un pas dans la bonne direction en vue de la création d'un conseil d'administration efficace. À ce qu'on m'a dit, monsieur le président, ce comité s'emploie actuellement à dresser une liste d'une vingtaine de candidats. Il est à la recherche de personnes qualifiées, dont la plupart devraient avoir, ou auront, des connaissances et des états de service en matière de gestion financière. Une fois que cette liste leur aura été soumise, le ministre des Finances et ses homologues provinciaux procéderont ensemble à la sélection des 12 membres du conseil d'administration de l'office. Pourquoi ces détails sont-ils si importants, me demanderez-vous? C'est qu'à mon sens, les chances qu'on en arrive à former un conseil d'administration objectif et efficace sont meilleures si l'on peut compter au départ sur un comité de sélection des candidatures qui fait son travail en toute indépendance.
Cette façon de procéder devrait permettre de trouver des gens d'expérience qui comprennent que leur rôle consistera à surveiller la gestion du fonds, et non à le gérer eux-mêmes. Elle contribuera par ailleurs à la constitution d'un conseil d'administration qui pourra s'acquitter de sa mission en toute objectivité, à l'abri de l'emprise directe de quelque gouvernement que ce soit. Les comités des candidatures et de sélection des candidats étant non partisans, il y a vraiment lieu d'espérer que le conseil sera exempt de tout lien, réel ou appréhendé, avec quelque gouvernement ou quelque programme politique.
Il s'agit là d'un aspect important, car tôt ou tard, et je prédis que ce sera plus tôt que tard, le conseil sera appelé à résister aux pressions de politiciens, de syndicats, de groupes du secteur privé et d'autres groupes d'intérêt.
Le RPC devra investir ses fonds de façon diversifiée, ce qui l'amènera forcément à effectuer des placements qui feront jaser et qui soulèveront même parfois la controverse. Au Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, par exemple, nous avons effectué dans des sociétés responsables des placements qui ont donné des rendements intéressants. Ces placements ont néanmoins parfois fait l'objet de polémiques, certains de nos membres soutenant que, dans les décisions d'investissement du fonds, on devait tenir compte de considérations d'ordre politique et social.
De même, il pourrait arriver que des citoyens ou des groupes de citoyens fassent pression auprès du conseil d'administration pour l'inciter à acquérir certaines participations, ou à s'en départir, pour des motifs sociaux, politiques ou écologiques.
Pour pouvoir demeurer fidèle à son mandat, c'est-à-dire, comme le stipule la loi, gérer le fonds dans l'intérêt des cotisants et des bénéficiaires du régime et chercher à obtenir un taux de rendement maximal tout en évitant les risques de pertes indus, un conseil d'administration doit être fort et constitué d'administrateurs compétents. Il sera intéressant de voir combien de temps les administrateurs mettront à oublier ce principe. Le président du conseil aura un rôle crucial à jouer pour veiller à ce que les administrateurs s'acquittent fidèlement de leur mandat. Ne sous-estimez pas ce rôle -- recrutez la personne la plus hautement qualifiée possible pour occuper ce poste.
Au fonds des enseignants, nous avons de la chance. Notre président actuel, Ted Medland, est un ancien président-directeur général de Wood Gundy. Avant lui, nous avions comme président Gerry Bouey, l'ex-gouverneur de la Banque du Canada. Il s'agit de deux personnes indépendantes qui ont su apporter une aide précieuse aux gestionnaires de notre caisse de retraite.
Ceci m'amène à vous parler de ma recommandation suivante. Il faut établir clairement à qui le conseil d'administration doit rendre des comptes et éviter d'imposer aux administrateurs des restrictions excessives en matière de placement.
Dans un document de travail publié par le ministère des Finances, il est mentionné que, pour que l'entrée du fonds sur le marché boursier se fasse en douceur, le conseil d'administration devra limiter ses investissements aux placements indiciels. Or, la notion de placements indiciels n'est pas facile à définir. À la limite, le conseil serait tenu en tout temps de calquer ses placements sur la reproduction intégrale de l'indice boursier. C'est un objectif pour le moins irréaliste. Il serait préférable que ce soit le comité de placement de l'office qui établisse la stratégie de placement du fonds avec le concours des gestionnaires. Pour accroître le rendement sur l'investissement, le conseil pourrait, par exemple, souhaiter avoir une certaine latitude dans le choix du moment d'effectuer des placements ou du volume d'actions à acheter.
À mon sens, le ministre des Finances devrait émettre des lignes directrices qui laissent une certaine marge de manoeuvre à l'office. À trop vouloir préciser ses orientations, on risque de restreindre à outrance sa liberté d'action.
Or, à la lecture de la loi, je constate que le ministre des Finances garde manifestement la main haute sur l'office et que son emprise pourrait -- et je dis bien «pourrait» -- semer de la confusion sur la question de savoir quelles sont, en définitive, les responsabilités de chacun. Par exemple, la loi stipule que le ministre peut procéder à un examen spécial de l'office ou de n'importe laquelle de ses filiales.
À mon avis, si le conseil d'administration de l'office supervise adéquatement son comité de vérification et définit bien son rôle, il y a lieu de s'interroger sur le pouvoir du ministre d'ordonner un deuxième examen et de se demander qui est responsable en dernière analyse. Est-ce le conseil ou bien le ministre? Ce dont je veux parler ici, c'est évidemment de la gestion au jour le jour du fonds et non de la responsabilité de définir les grandes orientations de l'office. Comme vous le savez, monsieur le président, le conseil de l'office rend compte de son administration aux gouvernements participants et à la population au moyen de son rapport annuel.
D'ailleurs, nous ne devrions pas craindre de laisser le conseil commettre ses erreurs. Faisons-nous à l'idée qu'il sera forcément amené à faire de mauvais placements. Cela procède de la nature même du domaine du placement, qui comporte inévitablement des risques. Il n'y aurait donc pas lieu de nous inquiéter outre mesure si jamais l'office effectuait un placement dont le rendement se révélait par la suite décevant.
Ma recommandation suivante découle du principe selon lequel on en a toujours pour son argent. La rémunération de ceux à qui on demandera de gérer le fonds au jour le jour devra être comparable à ce qui se paie par ailleurs dans l'industrie du placement. L'observation de ce principe aidera l'office à embaucher les gens les plus compétents pour faire le travail et à les garder en poste.
Leur rémunération devra être en rapport avec le rendement. On doit récompenser les individus lorsque leur rendement est égal ou supérieur aux objectifs fixés annuellement et aux critères repères de performance utilisés ailleurs. Dans le secteur du placement, les primes au rendement constituent une part importante de la rémunération. L'octroi de primes minimes ou l'absence de primes indique que les placements effectués ont donné des résultats inférieurs aux attentes.
Enfin, en tant qu'actuaire, je me dois de vous rappeler que tout grand livre comporte deux côtés: l'actif et le passif. La politique d'investissement de tout régime de retraite doit tenir compte des obligations actuarielles du régime et les contrebalancer par des avoirs équivalents. En termes simples, si l'avoir du fonds augmente, mais que sa progression est inférieure à la croissance des obligations actuarielles du régime, le régime se retrouvera un jour ou l'autre en difficulté.
À cet égard, je suis étonné du nombre de rapports qu'on entend exiger pour rendre compte de l'état des avoirs. Je présume que c'est parce qu'ils sont plus faciles à évaluer que les éléments du passif. Je constate toutefois qu'on ne dit rien dans la loi de certaines données qui sont encore plus importantes, par exemple celles propres à renseigner sur l'équilibre qui doit exister entre les avoirs et le passif actuariel.
Les administrateurs de l'Office d'investissement du RPC devront toujours garder à l'esprit qu'ils se doivent de faire en sorte que le fonds croisse suffisamment pour permettre le versement des pensions promises. Il sera donc plus important pour eux de chercher à atteindre les meilleurs résultats possible à long terme que de ne songer qu'au trimestre ou à l'exercice en cours.
Monsieur le président, je vous ai remis le texte de ma déclaration auquel j'ai joint deux annexes. L'annexe I traite de plusieurs détails mineurs que comporte la loi et que votre comité pourrait vouloir examiner de plus près. L'annexe II s'inscrit dans la tradition qu'a instituée le professeur Jeffery MacIntosh lorsqu'il a comparu devant vous en novembre. J'y ai inclus un passage d'un ouvrage du Docteur Seuss, que vous trouverez peut-être pertinent.
Je termine en vous rappelant les quatre principes fondamentaux qu'à mon avis il faudrait observer pour assurer la solidité du fonds d'investissement de ce régime de retraite, à savoir doter l'office d'un conseil d'administration compétent et indépendant et lui confier un mandat clair; éviter de menotter l'équipe d'experts chargés d'effectuer les placements; recruter et retenir en poste un personnel hautement qualifié; enfin, veiller à ce que les avoirs du fonds contrebalancent les obligations actuarielles du régime de retraite. Je crois que ces quatre piliers formeront une solide assise sur laquelle reposera la prospérité du futur Office d'investissement du RPC.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lamoureux. Pendant que vous nous lisiez votre exposé, j'ai parcouru votre seconde annexe. Le commentaire du Docteur Seuss constitue une réponse appropriée aux propos qu'a tenus le professeur MacIntosh lorsqu'il a comparu devant nous l'an dernier.
Le premier à poser des questions sera le sénateur St. Germain. Je tiens toutefois à m'assurer que dans le courant de la discussion, nous donnerons à M. Lamoureux l'occasion de traiter du contenu de son annexe I, qui porte sur quelques éléments précis de la loi dont, à son avis, nous devrions tenir compte dans nos recommandations. Gardons donc cela à l'esprit pendant la période des questions.
Le sénateur St. Germain: Votre mémoire est instructif et fort intéressant, et on voit que vous avez une vaste expérience dans ce domaine. Je vais me permettre dans mes propos de porter un jugement positif sur la façon dont sont choisis les membres du conseil d'administration du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. Mes questions porteront sur le futur conseil d'administration de l'office, sur sa composition et sur la manière dont on en choisira les membres. À mon sens, si on prend soin au départ d'établir un processus approprié de sélection des membres du conseil et qu'on choisit effectivement des gens hautement qualifiés pour en faire partie, le reste viendra par surcroît.
Vous pouvez me corriger si j'ai tort, mais je suis sûr qu'un tel conseil verra à recruter un directeur général aussi qualifié que vous l'êtes, et j'ai le sentiment que, le cas échéant, le fonds de pension des Canadiens sera des plus prospères.
Mes propos porteront d'abord sur la composition du comité des candidatures. Je crains qu'on ouvre dès ce niveau la porte à l'esprit partisan, et je me demande si ceux qui font partie de ce comité ont vraiment les compétences voulues pour sélectionner les candidats. De l'avis d'un des témoins que nous avons entendus ce matin, on devrait carrément confier à ce comité un mandat de chasseur de têtes plutôt que de simplement lui demander de combler les postes au sein du conseil d'administration.
Sans vouloir diminuer ces personnes, je constate que pour former le comité des candidatures on a choisi pour la plupart des hauts fonctionnaires provinciaux. Je me demande si vous croyez que c'est bien là le genre de personnes qu'on devrait charger de recommander la nomination des membres du futur conseil; en tout cas, je crains personnellement qu'elles n'aient pas vraiment l'expérience voulue pour repérer les candidats hautement qualifiés qu'il nous faut.
M. Phelps, un ex-fonctionnaire, a réussi à gravir les échelons au sein de la société West Coast Energy après avoir quitté son poste au gouvernement. J'ignore tout de M. Brian McNeil, si ce n'est qu'il est le directeur général de IPL Energy. Pour faire cette sélection, nous avons donc deux personnes du secteur de l'énergie, et les autres sont des fonctionnaires. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
J'ai fait valoir, monsieur Lamoureux, auprès du ministre ainsi qu'auprès du Sénat, qu'à mon avis, la transparence de ce conseil revêtait une importance capitale. Il m'apparaît en effet s'imposer, pour que le fonds ait les meilleures chances de succès, que ce processus se déroule en toute impartialité.
Pour formuler ma recommandation en ce sens, je me suis fondé sur la manière dont vous sélectionnez les membres du conseil d'administration dans le cas du Régime de retraite des enseignants de l'Ontario. Si je ne m'abuse, le ministre de l'Éducation choisit la moitié des membres du conseil d'administration, et l'organisme qui représente les enseignants, l'autre moitié; et ensemble, ils nomment le président du conseil. J'avais suggéré qu'au lieu de dire que le gouvernement fédéral «peut consulter» les provinces, la loi laisse aux provinces le soin de sélectionner la moitié des membres du conseil. Le gouvernement fédéral choisirait l'autre moitié, et ensemble, ils désigneraient un président neutre.
Selon moi, on ferait ainsi en sorte que le conseil agisse avec transparence, se méritant ainsi la confiance que la population doit avoir dans un conseil de cette importance, qui gérera possiblement 100 milliards de dollars. J'aimerais que vous nous disiez, monsieur, ce que vous pensez du comité des candidatures et du processus de sélection.
M. Lamoureux: Eh bien, je conviens avec vous que la sélection des candidats est probablement l'une des plus importantes décisions qu'on aura à prendre, mais je crois que la plus importante de toutes sera le choix du président du conseil.
Permettez-moi de vous décrire la façon dont on a procédé dans le cas de la caisse de retraite des enseignants; au départ, les membres du conseil n'étaient pas choisis moitié par le gouvernement et moitié par les enseignants. En réalité, le gouvernement en désignait cinq, et les enseignants, trois. Sauf erreur, la première personne à avoir ainsi été désignée est Gerry Bouey. S'il a été choisi, c'est parce que quelqu'un connaissait sa fille, ce qui illustre éloquemment à quel point on attachait alors de l'importance aux valeurs familiales.
Le président: Ou bien au favoritisme.
M. Lamoureux: Peut-être, mais pas le genre de favoritisme auquel vous songez.
Je sais cependant que Gerry a eu énormément d'influence sur le déroulement du processus qui a mené au choix des membres du premier conseil. Il tenait à ce qu'on recrute les meilleurs candidats possible. Pour une bonne part, il connaissait déjà personnellement ceux qui ont finalement été choisis.
Du côté des enseignants -- ils n'avaient que trois membres à choisir -- Gerry tenait à ce qu'on fasse les bons choix, et je suis sûr qu'il a dû engager bien des discussions à ce sujet avec certaines personnes, mais les enseignants eux-mêmes ont tenu à choisir dès le départ des candidats qui n'étaient pas que des enseignants. Ils se sont d'ailleurs rendu compte qu'ils avaient besoin de se faire représenter également par quelqu'un qui connaissait bien le domaine des services financiers, et c'est pourquoi seulement deux des trois personnes qu'ils ont choisies au début étaient des enseignants.
Pour sa part, parce qu'il craignait que le conseil ne soit pas perçu comme suffisamment représentatif des deux parties, Gerry a tenu à ce que tous les comités comptent le même nombre de représentants de chacune des deux parties. Il a invité les enseignants à nommer deux autres personnes pour faire partie du comité de placement, sans contredit le plus important, car tous les membres du conseil, dans notre cas, sont membres du comité de placement.
Voilà comment le tout a été mis en marche. Je me souviens que Gerry m'a dit à maintes reprises qu'il nous fallait des assises solides. J'ai posé ma candidature, puis c'est à l'unanimité que le conseil m'a choisi. Je n'avais encore jamais eu l'occasion d'être interviewé par huit personnes à la fois, mais c'est ainsi que j'ai obtenu le poste que j'occupe depuis.
Comme vous le savez, chaque membre du conseil est nommé pour deux ans, et peut demeurer en poste jusqu'à huit ans. Je prends le temps de consulter les représentants des deux groupes, et soyez sûrs que les discussions se poursuivent dans les coulisses. Si quelqu'un quitte le conseil, on se demande ensemble comment on comblera le poste. Pour moi, un conseil d'administration, c'est comme une équipe de hockey; on y a besoin de divers types de joueurs. On ne peut se limiter aux experts en finances; il faut aussi des gens qui ont une formation juridique, d'autres qui comprennent le fonctionnement du régime, et d'autres encore pour représenter les membres.
Nous n'hésitons pas à consacrer le temps voulu à l'examen de la façon dont on devrait combler les vacances -- par exemple, je discute de la question avec notre président, Ted Medland. Nous faisons des suggestions aux représentants des deux parties. En dernière analyse, c'est à eux qu'il appartient de prendre une décision, et je suis disposé à travailler avec n'importe quelle personne, mais je sais qu'il est fort souhaitable pour l'ensemble de l'organisation que nous ayons des administrateurs qui nous forcent à demeurer vigilants. Ce principe me tient à coeur. Je crois qu'un bon conseil d'administration est le moteur de la réussite d'une telle organisation.
J'ignorais jusqu'à ce jour en quoi consistait le processus équivalent au gouvernement fédéral, mais je pense que vous avez besoin qu'on vous donne une opinion, et je sais que je puis vous conseiller à cet égard. Il est arrivé quelques fois qu'un représentant du gouvernement veuille mousser la candidature d'un ex-politicien, et je me suis toujours élevé contre ce genre de proposition. Dans un de ces cas, c'était ou bien l'ex-politicien ou bien un ex-président de banque, en l'occurrence Robin Corteau.
On m'a alors servi l'argument que le candidat qu'on proposait avait fait partie de nombreux conseils d'administration, ce à quoi j'ai répliqué qu'il n'avait toutefois pas été membre du conseil de la Banque TD. Il aurait, j'en suis sûr, apporté une contribution utile, mais il n'avait assurément pas l'envergure de Robin Corteau.
C'était clair à mon esprit; d'aucuns peuvent se dire qu'après tout, un conseil d'administration n'est rien d'autre qu'un conseil d'administration, mais je ne suis pas de cet avis. Plus un administrateur a de l'expérience, plus il est probable qu'il posera les bonnes questions et qu'il sera apte à juger de la valeur de nos propositions. Je dis ces choses en tant que membre du personnel, car je ne fais pas partie du conseil d'administration. Ce sont les meilleurs administrateurs qui posent les meilleures questions, et on se rend vite compte de leur largeur de vue. Ces gens sont vraiment utiles et bonifient nos propositions.
Le sénateur St. Germain: Existe-t-il un équilibre entre les pouvoirs du gouvernement et ceux des enseignants? Si le conseil de l'office était composé, d'une part, de représentants des provinces et, d'autre part, de représentants du gouvernement fédéral, je présume que les groupes se surveilleraient mutuellement, mais je me demande si c'est comme ça que les choses se passent dans votre organisation.
M. Lamoureux: Si vous assistiez à une réunion de notre conseil d'administration, vous ne sauriez distinguer qui représente qui. Je suis très fier de cet état de choses. Tous les membres de notre conseil d'administration savent qu'ils sont là pour agir dans l'intérêt des enseignants de la province et de leurs légataires. Jamais, face à une décision à prendre, les deux parties se sont dressées l'une contre l'autre.
Il m'arrive parfois de m'entretenir avec des responsables de la gestion d'autres caisses de retraite du secteur public et d'être invité à prendre la parole lors de rencontres de gens qui oeuvrent dans ce domaine. Une fois, dans une circonstance similaire, quelqu'un m'a demandé comment nous réglions les différends entre les deux parties. Sur le coup, je n'ai pas vraiment saisi le sens de la question, quoique j'ai vite compris qu'on songeait aux traditionnels affrontements entre syndicats et patrons. J'ai donc expliqué aux personnes présentes que nous ne connaissions pas ce genre de situation, que rien de tel ne s'était jamais produit au sein de notre conseil d'administration. Je n'ai en effet souvenir d'aucun vote qui ait donné lieu à un tel clivage d'opinion entre les représentants de l'employeur et ceux des enseignants.
Ces considérations nous ramènent à mon affirmation de tout à l'heure, à savoir qu'un bon président peut y être pour beaucoup; le président doit s'assurer que tous demeurent conscients de leur véritable mandat. Je vous prie de me croire qu'en ce qui nous concerne, nous nous entendons à merveille.
Le sénateur St. Germain: Si les membres du conseil d'administration sont nommés par le gouvernement, ne pensez-vous pas que leurs décisions de placement risquent d'être influencées par les engagements du gouvernement sur le plan social, au détriment du rendement financier du fonds lui-même?
M. Lamoureux: Nous sommes là pour investir de notre mieux dans l'intérêt de nos membres. Nous rappelons au besoin ce principe à notre conseil ainsi qu'à nos membres. Il nous est même parfois arrivé de le rappeler au gouvernement lui-même, et nous n'avons jamais dévié de cette position.
Je puis vous dire que tout ce qui nous préoccupe, c'est d'effectuer des placements judicieux qui procureront au fonds le meilleur rendement possible.
Il m'apparaît évident que ce projet de loi va également dans ce sens. Les placements doivent être effectués dans le seul intérêt des membres et viser un rendement maximal.
Il y a eu un cas célèbre en Angleterre, qui illustre bien notre propos, où les mineurs de charbon s'opposaient à ce que les fonds de leur caisse de retraite servent à des placements dans le secteur des sources d'énergie de substitution ou soient exportés à l'étranger. La Haute Cour a déterminé que de telles exclusions allaient à l'encontre du mandat des gestionnaires du fonds. Nous nous en remettons à cette règle, à laquelle nous n'avons d'ailleurs jamais dérogé.
Nous subissons des pressions considérables cependant -- nous recevons des demandes et des appels quotidiennement.
Le président: Le cas de Maple Leaf Foods auquel vous avez fait allusion en est un bel exemple.
M. Lamoureux: Je n'avais pas l'intention de nommer cette société, mais c'est effectivement un bel exemple. On a beau dire que cette société est aux prises avec un conflit de travail dans le moment, il s'agit d'un placement que nous avons fait il y a trois ans. Cette société est maintenant parvenue à conclure 95 conventions collectives sur un total de 100 qu'elle avait à négocier. Les cinq qui restent sont de toute évidence les plus difficiles; le syndicat des enseignants désapprouve notre placement dans cette société et voudrait que nous nous en départissions. Si nous le faisions maintenant, nous ferions assurément un mauvais coup. Nous avons investi dans quelque 350 sociétés canadiennes. Des conflits ouvriers surviennent sporadiquement dans ces entreprises, et nous ne saurions nous en mêler.
Il demeure toutefois que nous subissons inévitablement des pressions sur des questions d'ordre social. Comme je le signale dans mon mémoire, le conseil d'administration de l'office subira lui aussi des pressions dès l'instant où il se mettra à exercer ses activités. Je puis vous le garantir.
Le sénateur St. Germain: On impose une limite de 20 p. 100 en ce qui concerne les placements à l'étranger, sur un fonds qui aura peut-être au total 100 milliards de dollars à placer. D'après votre expérience, cela posera-t-il problème?
M. Lamoureux: Cette limitation ne nous pose pas de problèmes, à nous, car nous investissons beaucoup dans des produits dérivés. Pour ce qui est de la répartition de notre portefeuille, seulement quelque 12 p. 100 de nos avoirs liquides sont investis à l'extérieur du Canada, mais en pratique, plus du tiers des fonds que nous plaçons s'en vont à l'étranger, et ce, au moyen de l'achat de produits dérivés.
J'ignore si ce mécanisme vous est familier. Nous pouvons, par exemple, acheter des obligations canadiennes et en convertir le produit sur le marché boursier de Londres, sur la base de l'indice FUTSE. Nous pouvons donc investir 100 millions de dollars dans un placement canadien et le convertir ensuite.
Le président: Au moyen d'opérations swaps.
M. Lamoureux: Voilà.
Le président: Mais le swap ne se matérialise pas vraiment, ce qui fait qu'en principe, l'opération n'est pas complète.
M. Lamoureux: Notre placement est canadien, mais notre rendement nous est versé en devises étrangères. Au fond, nous opposons ici les notions de liquidité et de participation économique.
Ce n'est pas si extraordinaire et nous n'avons rien inventé à cet égard. Le ministre des Finances et son ministère sont bien au courant de cette question. Je me souviens qu'au début, Gerry Bouey tenait à s'assurer que cette pratique était conforme à la loi et à ce que les gens sachent que nous y recourions. Nous en faisons clairement état dans notre rapport annuel.
Le sénateur St. Germain: Très bien, merci, monsieur le président. Merci, monsieur Lamoureux.
Le président: Sénateur Kelleher.
Le sénateur Kelleher: D'ici 10 ans, ce fonds aura normalement atteint entre 75 et 100 milliards de dollars, et cette probable croissance rapide suscite énormément de discussions, ce qui m'amène à vous poser deux questions: Premièrement, à votre avis, quel impact aura sur les marchés financiers canadiens l'arrivée massive de ces capitaux?
Deuxièmement, devrait-on mettre en place des mécanismes pour assurer que le choix des placements qu'on effectuera à même ces fonds ne se fera pas en fonction d'objectifs macroéconomiques ou sociaux? Nous savons tous que, dans le passé, la Caisse de dépôt, au Québec, a été mise à contribution pour la matérialisation de visées socio-économiques auxquelles cette province attache de l'importance. Quelles règles devrait-on, selon vous, prévoir à cet égard?
J'aimerais connaître votre opinion sur ces deux questions.
M. Lamoureux: Très bien. Je vais commencer par la deuxième.
La loi stipule très clairement que les fonds doivent être investis dans l'intérêt des participants au régime. Un point, c'est tout.
Si j'étais gestionnaire du fonds, je résisterais assurément à toute pression, quoique je reconnais qu'il faut être à l'écoute des gens. Je dis toujours qu'il se peut que quelque chose nous échappe et qu'il nous faut prêter l'oreille aux différentes suggestions. En dernière analyse, toutefois, la décision d'effectuer tel ou tel placement doit se prendre exclusivement en fonction du rendement probable de l'investissement.
Il s'exercera toujours des pressions. La loi exige que l'office tienne une assemblée publique biannuelle dans chacune des provinces participantes. Je puis vous garantir que très peu de gens en profiteront pour féliciter l'office de son excellent travail; ceux qui se rendront à de telles assemblées le feront généralement pour aller s'y plaindre de ce qu'on n'a pas suffisamment investi dans leur province ou leur région.
La loi étant toutefois très claire à cet égard, les administrateurs et les dirigeants n'auront alors qu'à faire valoir qu'ils agissent en conformité de la loi. Je sais d'ailleurs que si tel n'était pas le cas, ils risqueraient d'être poursuivis en justice. Il est donc souhaitable pour eux que la loi soit très claire sur ce genre de question.
Le sénateur Kelleher: Compte tenu de ce dont nous avons été témoins au Québec dans le cas de la Caisse de dépôt, ne devrions-nous pas nous doter d'un mécanisme pour prévenir ce genre de situation?
M. Lamoureux: Je crois que le mandat de la Caisse de dépôt, du moins en partie, exige que la caisse contribue au développement économique du Québec. C'est ce qui explique qu'elle n'observe pas toujours le principe dont nous discutons maintenant.
Le président: Vous avez raison. Les objectifs énoncés dans la loi qui régit la Caisse de dépôt sont différents de ceux auxquels vous attachez tant d'importance ainsi que de ceux qui sont définis dans le présent projet de loi.
M. Lamoureux: C'est au libellé de la loi qu'on doit se référer. Dans notre cas, je vous prie de m'en croire, nous avons passé pas mal de temps à sensibiliser les membres de notre conseil d'administration aux exigences que la loi impose aux gestionnaires de caisses de retraite en Ontario. C'est pourquoi ils sont tous sur la même longueur d'onde à ce sujet. Ils ne risquent pas, comme je vous l'ai fait remarquer tout à l'heure, de se dresser les uns contre les autres. Il est sans contredit très important de se doter d'un conseil d'administration compétent, capable de résister aux pressions et déterminé à bien s'acquitter de son mandat.
Quant à l'impact qu'aura le fonds sur les marchés financiers canadiens -- il y en aura un, assurément. Je ne crois toutefois pas que ce soit forcément une mauvaise chose. Si les Canadiens économisent davantage, cela devrait normalement se traduire par une croissance des investissements et de l'emploi, car à long terme, cet argent devra bien être utilisé quelque part. L'office veillera sûrement à ce que l'argent soit investi dans des organisations très productives, ce qui pourrait exercer une influence à la baisse sur les taux d'intérêt. Je ne suis pas économiste, et un expert serait sans doute mieux placé que moi pour discuter avec vous de ces incidences, mais je suis sûr que l'effet ne sera pas nul.
D'après moi, il pourrait y avoir un impact sur les valeurs boursières si beaucoup d'actions étaient achetées en même temps, mais peut-être nous retrouverions-nous alors dans une position de vendeur. N'oublions pas que chaque fois que quelqu'un achète, il y en a un autre qui vend. Si on a l'impression que le prix que vous êtes prêts à payer est supérieur à ce qu'il devrait être normalement, on sera des plus heureux de vous vendre.
Je vous le redis, ce n'est toutefois pas chose facile que de prévoir ce qui aura un impact sur le marché canadien, et je ne crois pas avoir les connaissances voulues pour faire ce genre de prédiction.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: J'espère que vous avez soumis votre candidature. Je trouve que cela serait une très bonne candidature. Entre administrateurs de fonds, vous échangez de l'information. Est-ce que vos gestionnaires se fient surtout à l'analyse à l'intérieur ou faites-vous appel à une expertise à l'extérieur?
On revient ce matin au fameux incident de Bre-X: quelle est la nature de la recherche qui est faite par les gestionnaires des grands fonds de pension? Vous avez beaucoup plus de moyens qu'en aurait un petit investisseur pour connaître la nature et mieux analyser le risque des investissements que vous faites compte tenu que les sommes d'argent dont vous disposez sont beaucoup plus importantes. À quelle profondeur allez-vous?
M. Lamoureux: On analyse les compagnies en détail. Mais reculons un peu. Il y a deux formes d'investissement: indicial et actif. C'est fondamental de comprendre pourquoi un régime comme le nôtre a investi dans Bre-X: la plus grosse partie de nos investissements sont indicials. Dans notre cas, le mot indicial, devrait être qualifié de quantitatif, c'est-à-dire qu'on se sert de méthodes quantitatives pour décider de l'investissement.
D'une façon assez simple, on peut investir dans l'indice, mais par contre, on connaît les règles qui sont en place pour qu'une action commune soit incluse dans l'indice et à ce moment-là, on va anticiper certaines compagnies, elles seront rajoutées à l'indice et on anticipe si d'autres seront enlevées.
Dans le cas de Bre-X, notre investissement était de cette nature-là. C'était un investissement totalement passif fait par le biais de l'indice. Dans ce cas, on ne fait aucune recherche. Si vous parlez à nos gestionnaires de quantitatifs, ils suivent leur modèle. Une analogie serait peut-être de faire voler un avion par les instruments. Ils ne regardent pas dehors du tout ou très peu et ils font voler leur avion seulement par les instruments. C'est ce qui est arrivé dans le cas Bre-X.
Par contre, lorsque nous allons du côté actif, nous faisons beaucoup de recherche. Généralement, un rapport peut contenir entre 20 et 40 pages. On décortique une compagnie. Une des questions que nous demandons souvent aujourd'hui est celle de la composition du conseil. On fait de la recherche sur la composition du conseil, sur les membres du conseil et pourquoi ils en sont membres, et s'il y aurait lieu d'améliorer à ce niveau. Chaque rapport de recherche est très bien fait. Évidemment, on a de l'aide de l'exterieur. Plusieurs courtiers nous donnent des idées mais, dans notre cas, nous gérons essentiellement 90 p. cent de nos fonds nous-mêmes. Nous avons seulement 10 p. cent, ce qu'on appelle EAFE. On donne des mandants EAFE qui sont gérés par des gestionnaires externes et leur approche en est une avec laquelle nous sommes très familiers, on l'appelle «value investing».
Pour revenir à votre première question: est-ce que l'on se parle entre régimes de retraite? Premièrement, la loi, et c'était notre intervention précédente, ne nous le permet pas. On ne peut pas être quatre représentants de régimes de retraite dans une salle et se dire qu'on veut faire telle ou telle chose. Généralement, dans notre cas, on fait très attention à cela. On prend nous même nos décisions. Cela ne veut pas dire qu'à l'occasion, si quelqu'un nous demandait ce que nous allons faire de certaines procurations, on peut le leur dire mais généralement, on garde notre opinion pour nous-mêmes.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez parlé tantôt d'investissements étrangers et que vous aviez une façon de régler cette question. Une question qui est posée à la Caisse de dépôt, c'est toujours celle concernant les investissements dans les titres à revenus fixes versus ceux dans les actions. Au Québec, on a monté progressivement le pourcentage. Avez-vous une règle à l'intérieur de votre fonds ou si vous allez selon les règles du marché à cause des cycles économiques? Est-ce que cela veut dire que c'est une politique, mais une politique qui fluctue selon les cycles économiques?
M. Lamoureux: La décision la plus importante qu'un conseil doit prendre après avoir engagé l'équipe de gestion est celle de la sélection des actifs. Dans notre cas, il faut commencer par connaître notre passif. Notre passif est un passif indexé à 100 p. cent au coût de la vie, c'est-à-dire qu'il y a un plafond mais le plafond est très haut. Si on atteint le plafond, on a ce qu'on appelle un «carryover».
Dans notre cas, on commence par le passif. En fait, le seul actif où il y a un appariement avec nos obligations, ce sont les obligations à rendement «real return bonds». Ce sont les obligations qui diminuent le plus notre risque et, très rapidement, nous avons commencé avec une sélection des deux tiers équité qu'on a augmenté à 75 p. cent récemment. Pourquoi deux tiers équité au début? On commençait avec zéro d'équité; 100 p. cent d'obligations de la province d'Ontario, et je dois ajouter que nos études démontraient qu'on devait être à 80 p. cent en équité.
Le conseil se sentait plus confortable -- si on part de zéro et on monte à 80 p. cent -- d'aller aux deux tiers. Ils pensaient que cela prendrait beaucoup plus de temps pour y arriver; avec nos fameux produits dérivés, nous sommes arrivés là assez rapidement et dès que nous sommes arrivés à deux tiers, nous avons augmenté à 75 p. cent. En gros, notre fourchette de jeu, comme gestionnaires, c'est environ 5 p. cent de chaque côté. Nous pouvons décider d'aller à 70 ou à 80, mais le conseil a décidé que le risque que nous voulions prendre, compte tenu de notre passif, c'était 75 p. cent dans l'équité. Après cela, nous pouvons nous poser la question si nous allons être au Canada, aux États-Unis ou en Europe. Mais on doit être à 75 p. cent, plus ou moins 5 p. cent dans l'équité. Nous n'essayons pas de jouer, de faire ce qu'on appelle du «market timing».
À long terme, les études semblent démontrer que c'est un jeu où il est très difficile de faire de l'argent. Nous avons une politique et nous essayons de nous en tenir à cette politique.
Je suis assez familier avec ce que fait la Caisse de dépôt et elle procède d'une façon assez semblable. Récemment, ils ont augmenté leur pourcentage en équité, mais en gros, on commence tous avec ce genre de sélection qui est la décision la plus importante.
Le sénateur Hervieux-Payette: Jusqu'à ce jour, vous aviez plus de latitude du côté de l'équité que la Caisse de dépôt que de rehausser le plafond, c'était tout simplement qu'ils s'ajustaient à ces considérations. Sur le plan d'investissement dans ce qui n'est pas l'indice, vous ne considérez jamais. Je dis cela parce qu'il y a une critique qui est faite régulièrement par le Québec, à savoir que les fonds n'investissent pas assez au Québec.
À votre connaissance, est-ce que dans la prise de décision ce facteur entre en ligne de compte, ou est-ce strictement au niveau du rendement que les décisions sont prises?
M. Lamoureux: Dans notre cas, c'est strictement au niveau du rendement. Nous partons du rendement. C'est cela que la loi nous demande.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parlez d'avoir plus de précision sur les «liabilities». Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par cela?
Qu'est-ce que vous recommanderiez au comité de faire valoir au gouvernement afin que cet aspect ait un meilleur équilibre dans la façon de rapporter ces éléments?
M. Lamoureux: Je peux vous répondre par une question. Y a-t-il un membre du comité qui peut m'expliquer ce que veut dire «the unfunded liability of the Canada Pension Plan»?
Le sénateur Hervieux-Payette: Non, pas moi.
M. Lamoureux: Je pars avec qu'un régime de retraite c'est pour payer des pensions. Traditionnellement, l'évaluation d'un régiment actuariel se faisait tous les trois ans. À ce moment-là, quand j'ai commencé ma carrière, c'était assez long de faire l'évaluation d'un gros régime de retraite. Aujourd'hui, équipé d'un ordinateur sur mon bureau, je peux le faire assez rapidement. Je peux vous donner mon surplus toutes les semaines. J'ai dit que l'on ne gère pas des actifs, mais un surplus. Pourquoi? Si on me demande de maximiser le rendement, généralement on me dit par rapport à un indice. Si on prend l'indice ScotiaMcLeod -- je crois que les gens ici sont familiers avec le terme durée -- pour chaque changement de 1 p. 100 dans le taux de l'intérêt, la durée de ces obligations est de 5 ans. Cela veut dire qu'elles vont changer de 5 p. 100. Si je me compare à cela, je peux battre l'indice ScotiaMcLeod de 50 points.
Par contre, du côté du passif, mon passif a une durée de 15 ans; ce qui veut dire que je veux des obligations à long terme. Ma course n'est pas de battre un autre gestionnaire, mais d'avoir assez d'argent pour payer mon passif. C'est pour cela, généralement, que dans beaucoup de régimes privés, la tendance est à l'investissement. Posez-leur la question: parlez-moi de votre passif? La plupart des membres du comité ne peuvent pas vous dire deux mots sur le passif. Je peux dire que, dans notre cas, notre conseil à tous les trimestres, peut vous dire exactement notre surplus. Un actuaire peut vous dire si notre surplus est plus ou moins 2 p. 100. Cela est assez exact.
La loi demande des rapports du côté des actifs, des précisions énormes, mais on néglige le passif. Je préfère voir les deux, les actifs et le passif. Je crois que le Régime de pensions du Canada est évalué tous les trois ans. Moi-même, je ne pourrais pas vous le dire par coeur. Par contre, demandez à chaque membre de notre conseil, il vont vous dire exactement ce qu'est notre surplus.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mais n'est-il pas plus facile pour vous de le faire parce que vous connaissez tous vos enseignants, vous connaissez exactement votre pyramide d'âge? En ce qui concerne notre régime, il me semble que cela sera plus difficile compte tenu que ceux qui y auront accès. Il est question de test des revenus. Il y aura donc des gens qui ne se qualifieront pas.
M. Lamoureux: Pour faire une évaluation actuarielle, cela prend des données. Qu'on le fasse pour 10 personnes, 1 000 ou 10 millions, l'ordinateur prend un peu plus de temps. C'est la différence aujourd'hui. Il ne faut pas se dire que parce que c'est plus compliqué, on ne devrait pas le faire. C'est dans ce sens que je fais mes remarques. C'est évident que c'est plus compliqué. Notre régime est l'un des plus gros au Canada. On a 200 000 membres. On peut se servir de certaines techniques. Par exemple, toutes les semaines, on suit exactement le changement dans les bonds à taux réel et on réévalue notre passif dépendant des changements dans les bonds à taux réel.
Le sénateur Hervieux-Payette: Cela nous fera des bonnes questions quand on reverra les gens du conseil.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: À propos du nombre d'administrateurs, vous avez dit, je crois, que vous teniez à ce que le conseil compte en son sein des gens qui connaissent bien l'industrie des services financiers. Quels autres critères prenez-vous en considération? Tenez-vous compte de la représentation régionale?
M. Lamoureux: C'est probablement un facteur qu'on devrait prendre en considération, mais je ne suis pas sûr qu'on puisse recruter des candidats de la trempe voulue dans tous les coins du Canada. Ce critère devrait-il s'appliquer? Sauf erreur, il est prévu dans la loi, et je puis m'en accommoder. Je n'y vois pas un problème majeur, mais, chose certaine, il est essentiel que certains administrateurs connaissent bien les marchés financiers.
Le sénateur Callbeck: Je vois, mais je me demandais simplement si vous tenez à la représentation régionale au sein du conseil qui gère votre caisse de retraite?
M. Lamoureux: Non, pas en Ontario.
Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne la répartition de votre portefeuille, vous en êtes actuellement à 75 p. 100 de placements à long terme, contre 25 p. 100 de titres de créances. À quelle fréquence revoyez-vous cette répartition? Le faites-vous, par exemple, annuellement?
M. Lamoureux: Non. Nous ne le faisons que très rarement. Nous examinons la question à fond peut-être tous les deux ou trois ans, mais je crois qu'il pourrait facilement s'écouler une vingtaine d'années sans qu'on ait à modifier cette répartition. C'est un aspect tellement fondamental et si lié à nos obligations actuarielles que ce n'est pas quelque chose que nous serions prêts à modifier radicalement.
Il vous faut garder à l'esprit les risques auxquels nous sommes exposés -- à une chute des valeurs boursières, par exemple. Dans la vie, on a parfois de la chance. Si nous avions débuté en 1970 plutôt qu'en 1990 -- en 1973 et 1974, le marché a perdu 40 p. 100 de sa valeur. C'est toute une correction. L'année précédente, aux États-Unis, certaines caisses de retraite pouvaient, par exemple, avoir 125 p. 100 de leurs liquidités investies en actions. Il s'agissait là d'un record. En 1974 et 1975, cette proportion avait chuté à 25 p. 100. Ça aussi, c'était un record.
Même les experts se méprennent parfois. Après tout, un conseil d'administration ne vaut que ce que vaut le plus faible de ses membres. Il peut arriver que des administrateurs médiocres finissent par s'imposer à force de parler fort, mais un jour ou l'autre le vent tourne. Dans de telles circonstances, on doit se rappeler et rappeler à chacun des administrateurs qu'il est impérieux en cette matière de savoir de quoi on parle, d'être au fait de la façon dont les choses se sont déroulées dans le passé et d'en tenir compte.
Je ne prétends toutefois pas que ce soit facile. Nous avons vu ce qui s'est produit récemment en Asie. J'ai lu dans le Wall Street Journal que ce sont les petits investisseurs qui ont maintenu leurs placements en Asie, pendant que les gros investisseurs, eux, les retiraient. Voilà qui est intéressant, car c'est l'inverse de ce à quoi on aurait pu s'attendre.
Quant à nous, nous venions alors tout juste de décider d'investir dans un fonds immobilier asiatique, et je me suis dit «Alléluia! le moment est excellent.» Il faut toujours aller à contre-courant des cycles, aller à l'encontre de ses propres impulsions, mais je dois vous avouer que ce n'est pas là chose facile.
Le sénateur Callbeck: Non, vraiment pas.
M. Lamoureux: Nous n'avons pas encore été mis à l'épreuve jusqu'ici, je vous l'assure. Nos premiers placements remontent à 1990, et le marché nous a été on ne peut plus favorable depuis. Vous l'avez sûrement lu dans les journaux; tout le monde sait que nous avons débuté avec un déficit, mais que nous avons maintenant un excédent. Une foule de gens s'imaginent que cette progression n'aura pas de fin, et c'est là le danger. Nous ne saurions escompter que la situation sera dans cinq ans similaire à celle que nous connaissons aujourd'hui.
Le président: Sénateur Austin.
Le sénateur Austin: Ce matin, nous avons entendu quelques témoins et avons discuté de la notion de placement indiciel. On ne savait pas trop pour quel indice il fallait opter. Malcolm Hamilton, de Mercer, nous a brossé un tableau très intéressant du fonctionnement de l'économie, sous l'angle de la gestion à long terme d'un régime de pension.
Le modèle qu'il nous a décrit suppose toutefois le recours à une définition très large de la notion d'«indice». Il nous a dit que l'indice devait porter sur au moins 300 sociétés pour que le modèle soit valable. Comme l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada devra s'en tenir à des placements indiciels, je serais curieux de savoir comment on définit cette notion dans l'industrie. Nous n'avons pas encore nous-mêmes adopté de définition à cet égard, et certaines sont très larges.
Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, on trouve justement un article sur les caisses de retraite états-uniennes qui investissent dans actions étrangères. Elles ont obtenu un rendement moyen de 6,7 p. 100, contre 1,9 p. 100 si elles avaient investi dans des placements indiciels. L'indice de référence est en l'occurrence le Morgan Stanley Capital International, qui inclut des sociétés d'Europe, d'Australie, d'Australasie et d'Extrême-Orient.
M. Lamoureux: Il s'agit de l'indice EAAFE.
Le sénateur Austin: C'est juste, c'est l'indice EAAFE, qui regroupe les 21 plus importants marchés d'outre-mer. C'est tout un écart -- de 6,7 à 1,9 p. 100. Toujours dans cet article, on peut lire que selon InterSec, les gestionnaires de placements actifs ont battu cet indice au cours de sept des dix dernières années. Comme vous le savez, InterSec est un fonds privé qui suit l'évolution du marché -- InterSec Research Corporation, de Stamford (Connecticut). J'ai vraiment hâte de voir ce que vous pensez de ces indices.
Je m'arrête ici pour vous demander de nous donner votre définition de la notion d'indice. Aussi, à quel indice, selon vous, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada devrait-il se référer?
M. Lamoureux: Au sens large, on peut dire qu'il y a deux types d'indices boursiers. Nous connaissons tous l'indice Dow Jones, qui porte essentiellement sur 30 titres. On additionne le cours des actions de ces trente sociétés, puis on divise la somme par 30. Cette valeur moyenne est ensuite comparée quotidiennement. C'est ainsi qu'on calcule l'indice Dow Jones. C'est un indice à l'ancienne.
Le président: On calcule la moyenne purement et simplement.
M. Lamoureux: Exactement. Le calcul est un peu plus complexe que cela, car il faut tenir compte des fractionnements d'actions, des substitutions, etc., mais je n'entrerai pas ici dans ces détails. Il y a par ailleurs ce que nous appelons l'indice par capitalisation.
À titre d'exemple, BCE représente peut-être 10 p. 100 de l'indice TSE 300, qui porte sur 300 sociétés canadiennes. Pour calculer cet indice, on multiplie le nombre d'actions de chacune de ces sociétés par le cours de son action et on additionne ensuite les produits obtenus. Ainsi, sur la base de leur capitalisation, on peut dire que chacune des grandes banques canadiennes représente plus ou moins 2 p. 100 du total de l'indice TSE 300.
Le sénateur Austin: Il s'agit de leur valeur boursière.
M. Lamoureux: Oui, du nombre d'actions en circulation multiplié par le cours. Il y a quelques restrictions cependant. Ainsi, lorsqu'une société est contrôlée à hauteur de 50 p. 100 par un même groupe, ces 50 p. 100 ne pourront être pris en compte dans l'indice -- on s'en tient à ce qu'on appelle la fluidité. En d'autres termes, il doit s'agir d'actions qui peuvent se transiger.
Au Canada, c'est généralement à cet indice qu'on se réfère. Le TSE est un indice de pondération par capitalisation, tout comme le SNP et l'EAAFE. C'est ainsi qu'on calcule ces indices.
Les placements indiciels ont généralement un excellent rapport coût-efficacité, et le marché indiciel des États-Unis est celui qui procure le meilleur rendement relatif. Nos investissements dans ce pays consistent, dans une proportion de 95 p. 100, en des placements indiciels effectués au moyen de produits dérivés. Le marché des États-Unis, disais-je donc, est très performant, et il est par conséquent difficile d'y battre l'indice. Au cours des cinq dernières années, je doute que plus de 10 p. 100 des gestionnaires de fonds y soient parvenus.
Le sénateur Austin: Voulez-vous parler de l'indice Standard & Poor's?
M. Lamoureux: Oui, du Standard & Poor's. C'est généralement celui auquel on se réfère, mais on recourt également au Russell.
Le sénateur Austin: Il y en a d'autres, en effet.
M. Lamoureux: Il y en a effectivement un certain nombre d'autres, dont la majorité sont des indices de pondération par capitalisation, ce qui n'est pas le cas du Dow Jones. Le Dow Jones, je le répète, est le plus vieil indice, mais aussi le plus approximatif. Peu d'entre nous s'y réfèrent.
L'indice EAAFE, quant à lui, englobe un certain nombre de pays. La grande question qui se pose à propos du marché boursier EAAFE, c'est de savoir dans quelle mesure les investisseurs placent leur argent au Japon. Je serais prêt à parier que les gens auxquels vous avez fait allusion, ceux qui ont obtenu un rendement supérieur à l'indice sept années sur dix, investissent tous ailleurs qu'au Japon, et que c'est ce qui leur a permis de battre l'indice à répétition.
Mais il en va tout autrement quand on considère un à un chacun des pays visés dans les sous-indices. On constate alors que certains de ces marchés sont plus performants que d'autres. Le marché du Royaume-Uni l'est fortement, mais celui du Portugal, qui fait depuis peu partie de l'indice EAAFE, offre un rendement inférieur à celui, par exemple, des États-Unis. Somme toute, je crois que c'est une excellente façon d'investir.
Pour un expert, la définition de la notion d'indice ne comporte aucune difficulté. Il songe immédiatement à l'indice de pondération par capitalisation. Ce qui pose problème, par ailleurs, c'est qu'on exige ici que les placements du fonds soient invariablement indiciels. C'est une mission impossible.
Au Canada, nous divisons généralement l'indice de référence en deux blocs, parfois en trois. Allons-y ici pour deux: d'une part, les 100 titres les plus importants sur le plan de la capitalisation, et, d'autre part, les 200 les moins importants. Dans le cas des 200 titres les moins importants, la majorité de leurs actions n'étant pas liquides, il est très difficile d'en accumuler de gros blocs. Pour contourner cette difficulté, nous procédons par voie d'échantillonnage au lieu de nous en remettre intégralement à l'indice.
Dans mon mémoire, je propose qu'on laisse aux gestionnaires du fonds une certaine latitude même si on entend les obliger à se référer à l'indice. Autrement, le détenteur d'actions qui saurait qu'on impose aux gestionnaires du fonds une telle règle -- et nul doute qu'il le saurait -- y flairerait facilement la bonne affaire.
Les gestionnaires doivent avoir une certaine liberté d'action. Compte tenu de l'importance des sommes qu'ils auront à investir, ils ne pourront s'en tenir invariablement à l'indice.
Vous avez fait allusion tout à l'heure à Bre-X -- un titre non liquide comme celui-là a créé une situation intéressante, car il a fait grimper l'indice de quelque part entre 5 et 10 p. 100.
Le sénateur Austin: Serait-ce que les gestionnaires de fonds indiciels étaient obligés de l'acheter?
M. Lamoureux: Exactement, ils étaient forcés de l'acheter; ils n'avaient pas le choix. Les courtiers ont généralement en main une bonne réserve de titres qui sont sur le point d'être pris en compte dans l'indice.
À mon avis, celui de Bre-X aurait dû être inclus dans l'indice plus tôt; vous devez tirer vos propres conclusions sur les raisons qui ont fait qu'il ne l'a pas été. Si vous considérez le rôle du TSE, on a probablement trop tardé à y inclure Bre-X. Mais il faut dire que l'indice canadien est différent des autres indices.
Le sénateur Austin: C'est un indice de pondération par capitalisation.
M. Lamoureux: Tout à fait, mais ce qu'il a de particulier, c'est qu'il est établi par ceux-là mêmes qui contrôlent le marché. L'indice S & P, lui, est établi par l'organisation de Standard & Poor's, et non par des courtiers en valeurs mobilières.
Comme vous pouvez l'imaginer, ceux qui établissent l'indice peuvent avoir également beaucoup d'influence sur sa composition -- l'établissement de l'indice peut facilement se prêter à une foule de machinations.
Le sénateur Austin: Si j'ai bien compris, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada ne pourra effectuer au départ que des placements indiciels. Après un certain temps, le gouvernement fédéral et les provinces participantes verront ensemble s'il y a lieu d'assouplir cette exigence.
À prime abord, il semble donc que le nouveau conseil d'administration et son président auront en quelque sorte les mains liées et se rendront vulnérables aux ruses de certains acteurs du marché. Êtes-vous de cette opinion?
M. Lamoureux: On doit absolument leur laisser une certaine liberté d'action. Si le règlement prévoit que tous les placements du fonds doivent être indiciels, il se posera assurément deux types de problèmes. Premièrement, on demanderait là l'impossible -- les gestionnaires du fonds ne pourraient qu'enfreindre quotidiennement cette règle. Deuxièmement, cette exigence les exposerait à des risques indus -- si je sais que vous devez vous en tenir à des placements indiciels, je ne manquerai pas d'en profiter. Il ne serait donc pas très futé de votre part de vous placer vous-même dans une telle situation.
Le président: Aux termes du règlement proposé, les placements en actions canadiennes -- contrairement aux placements en actions étrangères -- qu'effectuera l'office devront refléter au moins un des grands indices boursiers, et non faire l'objet de décisions au cas par cas.
Si vous étiez le directeur général de l'office, comment interpréteriez cette exigence? On parle ici d'indices boursiers au pluriel, et non d'un seul indice. Comment un directeur général pragmatique à qui on imposerait une telle limitation pourrait-il l'interpréter? Comme vous l'avez fait observer dans votre réponse au sénateur Austin, il y a plusieurs façons de définir ce qu'est un indice boursier, et il existe par ailleurs plusieurs indices boursiers.
M. Lamoureux: Au Canada, c'est facile; il y a le TSE 300, ou les sous-indices TSE 35, TSE 100 ou TSE 200.
Le président: Ce sont des sous-indices du TSE 300, n'est-ce pas?
M. Lamoureux: Exactement.
Quand le règlement dit «doivent refléter», je ne puis que contester cette exigence, car je sais qu'il est impossible de s'y conformer. Il serait peut-être possible de le faire en s'en tenant au TSE 35, car il représente de 50 à 60 p. 100 de la capitalisation totale du TSE 300. En y allant pour le TSE 100, on atteint de 75 à 80 p. 100 de la capitalisation totale.
Le président: Au 299e titre, on aura sûrement un problème.
M. Lamoureux: Vous avez deviné.
Si le règlement disait «doivent refléter», la première chose que j'aurais à faire serait d'aller consulter un avocat pour me faire confirmer que le terme «refléter» pourrait valoir ici pour désigner une reproduction floue, par opposition à une reproduction exacte.
Le président: Ce genre d'avocat existe, j'en suis sûr.
M. Lamoureux: Je l'ignore.
Le sénateur Austin: Je ne vais pas m'arrêter à tous ces propos négatifs -- imaginez leur résonance pour quiconque est à la fois avocat et sénateur.
M. Lamoureux: Les avocats sont mes meilleurs amis, et un avocat qui soutiendrait adroitement ce point de vue me rendrait un grand service.
Le sénateur Austin: À propos de cette obligation de reproduire les grands indices boursiers, il n'est fait mention de cette exigence, si je ne m'abuse, que dans le projet de règlement. Je suis sûr que votre avis nous sera très utile pour tenter d'obtenir que le règlement définitif laisse aux gestionnaires toute la latitude dont ils ont besoin à cet égard. J'ai bien aimé vos réponses à mes questions.
M. Lamoureux: Si vous posez la question aux représentants de la Commission du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario, ils vous répondront de la même façon. Nous gérons de loin le plus gros fonds quantitatif au Canada, et il nous serait impossible de n'effectuer que des placements indiciels.
Le sénateur St. Germain: J'aurais deux questions brèves. Premièrement, d'après ce que vous savez de la loi, croyez-vous que le processus de sélection qui a été prévu permettra à l'office de recruter des gens de votre calibre?
Deuxièmement, comme vous l'avez mentionné, on en a toujours pour son argent. En d'autres termes, si on offre trois fois rien, on ne doit pas s'attendre à des miracles. Quel niveau de rémunération estimeriez-vous acceptable pour le poste de directeur général de l'office? Par ailleurs, croyez-vous que le président du conseil devrait assumer ses fonctions à temps plein?
M. Lamoureux: Je vais répondre à vos questions dans l'ordre inverse. S'il s'agissait de notre commission, je vous dirais que le président du conseil ne doit pas faire partie de la direction.
Le président: Tout comme le prévoit la loi.
M. Lamoureux: Dans notre cas, Gerry passait probablement un peu plus de temps au bureau que Ted Medland ne le fait, mais pas tellement plus. Je parle à Ted plusieurs fois par mois, mais il lui arrive rarement de passer une demi-journée au bureau, au conseil, sauf lorsque les comités ou le conseil se réunissent. Généralement, nos réunions se déroulent rondement, comme celles de n'importe quelle institution financière. Habituellement, les réunions du comité de placement commencent à 8 h 30 et se terminent 12 h 30, parfois plus tôt, et pourtant, notre comité de placement a toujours un ordre du jour fort chargé. Après la réunion du comité, nous tenons normalement une courte séance du conseil d'administration.
À mon avis, le poste de président du conseil ne devrait pas occuper son titulaire à plein temps, car autrement celui-ci risquerait de finir par gérer toute l'affaire. Qui serait le patron alors? Ce genre de situation n'est pas souhaitable, bien qu'elle existe à certains endroits.
Votre deuxième question portait sur le calibre que devra avoir la personne dont on retiendra la candidature. Si le candidat au poste de président du conseil vous dit qu'il sera là à plein temps et qu'il scrutera à la loupe toutes les décisions avant qu'elles ne soient prises, il vous faudra certes une personne de très haut calibre. Il n'y a pas à en douter.
Pour ce qui est de son niveau de rémunération, un certain nombre d'enquêtes ont été effectuées pour déterminer ce qui se paie dans l'industrie pour ce genre de poste. Malheureusement, si on divulgue publiquement le montant de cette rémunération, on en fera une question politique. Quoi qu'il en soit, les bons gestionnaires de portefeuille sont rares et recherchés, et même les conseillers en placements quantitatifs sont très bien rémunérés.
Le sénateur St. Germain: Quelle rémunération recevrait aux États-Unis le titulaire d'un poste semblable au vôtre dans le cas de la caisse de retraite d'IBM, par exemple, ou d'une autre entreprise de cette envergure?
M. Lamoureux: J'ignore ce qu'il en est chez IBM. Je connais mieux le cas du premier gestionnaire de la caisse de retraite de GM, et je sais que son salaire de base est d'un million de dollars.
Le sénateur St. Germain: Un salaire de base d'un million?
M. Lamoureux: Tout à fait. Je connais très bien Allan Reid, le directeur général de la caisse de retraite chez GM. Il reçoit une prime en sus de son salaire. Il gère cependant un fonds extrêmement imposant. J'imagine qu'il doit en être de même chez IBM, dont la caisse de retraite est également énorme.
La rémunération que touchent les titulaires de ce genre de poste dans l'entreprise privée aux États-Unis est très attrayante. En règle générale, toutefois, les caisses de retraite publiques ne rémunèrent pas aussi bien leurs gens. Il en résulte que ceux qui y occupent de tels postes n'y restent souvent pas très longtemps -- et un gestionnaire de fonds qui n'est pas expérimenté finit par coûter très cher. Vous n'en êtes peut-être pas conscients, mais c'est à vos frais qu'il fait son apprentissage, et la facture monte vite dans les millions. Personne ne tient cependant compte de ce facteur.
J'ai assisté dernièrement à une conférence donnée par le trésorier de l'État du Connecticut, dont la caisse de retraite se classe parmi le 1 p. 100 des fonds les moins importants de tous les fonds aux États-Unis.
Le président: Les moins importants.
M. Lamoureux: Effectivement, parmi le 1 p. 100 des fonds les moins importants. Elle se classe au 99e rang centile.
Le président: Vraiment.
M. Lamoureux: La personne dont je vous parle a repris en main la gestion de ce fonds et y a apporté un certain nombre de changements.
Je le répète, cependant, on court des risques si on ne rémunère pas bien ses gestionnaires de fonds. C'est une industrie où les titulaires de ce genre de poste sont invités à des conférences dans le monde entier. On pourrait y consacrer tout son temps.
Aux États-Unis, certains conseils d'administration -- et je parle ici de cas où l'on exagère -- peuvent se réunir pendant trois ou quatre jours. On n'en est pas conscient, mais il faut payer pour cela. Ces gens font des voyages d'affaires; ils peuvent parfois se rendre jusqu'en Inde pour visiter les entreprises dans lesquelles ils investissent. Quand je m'arrête à y penser, je me demande bien ce qu'ils vont faire là.
Le président: Nous sommes près de devoir conclure, mais j'aimerais qu'auparavant vous preniez de trois à cinq minutes pour nous parler de votre première annexe. Vous y formulez des suggestions précises concernant des problèmes sur lesquels nous devrons nous pencher. Bien que vos recommandations soient très simples, je me demande si vous ne pourriez pas nous en signaler deux ou trois auxquelles, selon vous, nous devrions apporter une attention particulière.
M. Lamoureux: Un aspect qui me laisse perplexe, c'est que la loi propose deux comités de vérification. Il y a un comité de vérification, dont les membres sont choisis par le conseil d'administration, qui, en principe est compétent, mais tous les six ans le ministre procède à une autre vérification. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un bon principe de gestion d'entreprise.
Après tout, on doit quand même pouvoir se fier à quelqu'un. Si les gens ne sont pas compétents, il vaudrait mieux au départ ne pas les engager. C'est aussi simple que cela. Certains croient au mécanisme de freins et contrepoids, et c'est peut-être ce que l'inclusion de telles dispositions indique.
Je vous rappelle ce que George Morfit, le vérificateur de la Colombie-Britannique, a dit à propos de BC Hydro. Il a affirmé que cette société était conçue pour ne pas fonctionner; comme elle doit faire rapport à sept organismes, elle n'a en définitive de comptes à rendre à personne.
Tomber dans ce piège, ce n'est pas de la bonne gestion.
Le sénateur St. Germain: Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'article 52? C'est l'article qui nous force à nous demander à qui l'office doit rendre des comptes: au Parlement, ou à chaque citoyen.
M. Lamoureux: Ce qu'il faut vous demander, c'est si votre intention est d'exiger que l'office rende directement des comptes à la population. Dans cet article, on demande à l'office de tenir des assemblées publiques biannuelles aux quatre coins du pays. À mon sens, une telle démonstration donne bonne impression, mais je ne crois pas qu'elle ajoute quelque chose d'utile. C'est aux élus qu'il incombe de donner des réponses à la population; les gestionnaires ne devraient pas avoir à parcourir le pays pour se livrer à une telle mise en scène. Ce qui arrivera, c'est qu'on critiquera l'office à propos de tous les placements qu'il aura omis d'effectuer.
L'office fera des erreurs. Nous avons, par exemple, reçu au moins 100 lettres d'enseignants qui nous demandaient des comptes au sujet de Bre-X. Dans le domaine du placement, on parle de discipline quand on peut prouver que si on avait l'occasion de choisir de refaire un placement donné, on prendrait la même décision que la fois d'avant. Telle est la discipline qui s'impose aux gestionnaires chargés d'effectuer des placements quantitatifs. Si notre gestionnaire n'agissait pas ainsi, je me ferais un devoir de lui dire qu'il a dérogé à la discipline.
Nous avons acheté une foule d'autres bons titres en même temps que Bre-X, dont certains se sont même appréciés considérablement. Je pourrais vous en fournir toute une liste. Cependant, personne ne m'a jamais écrit à leur sujet.
Le président: Votre conclusion, donc, c'est que l'office devrait rendre des comptes au Parlement, et non aux bénéficiaires du régime de retraite?
M. Lamoureux: C'est ce que je pense. Dans mon cas, par exemple, je n'ai pas d'objection à discuter avec tel ou tel enseignant, mais je sais de qui je relève. Je dois rendre des comptes au conseil d'administration, tout comme doit le faire notre équipe de gestion. Ainsi, ce sont toujours les mêmes personnes qui donnent les directives. Quand on a affaire à trop de directives divergentes, il devient très difficile de prendre la moindre décision et d'atteindre les résultats escomptés.
Le président: Vous avez souligné à maintes reprises l'importance du conseil d'administration. Avez-vous un programme de formation pour les nouveaux administrateurs? Autrement dit, prenez-vous soin de bien les renseigner non seulement à propos de ce que vous faites, mais aussi à propos de la manière dont tout ce processus fonctionne?
M. Lamoureux: Nous tenons à leur intention une session d'orientation de deux jours. La première journée porte exclusivement sur le régime, et la seconde, sur le volet placement.
Quand Mme Bennett s'est jointe à notre conseil d'administration, elle a accédé à cinq ou six autres conseils d'administration en même temps.
Le président: Elle a déjà été vice-présidente de Manu-Vie; elle est donc bien placée pour comprendre de quoi il en retourne.
M. Lamoureux: Elle a trouvé notre session d'orientation fort utile. Elle nous a dit considérer que cet exercice l'avait aidée à prendre rapidement conscience de ce à quoi elle devait s'attendre et de ce qu'elle aurait à faire.
Par ailleurs, nous avons probablement passé 20 ou 25 heures à discuter de produits dérivés avec le conseil d'administration. Nous avons tenu une séance d'information de huit heures -- seulement sur les produits dérivés -- avec un des experts les plus réputés au monde en la matière.
Malcolm Hamilton vous a parlé du passif actuariel. Initialement, nous avons consacré 25 heures à l'examen de ce volet pour que le conseil d'administration comprenne bien la dynamique de tout le processus et qu'il sache que le passif ne se limite pas à un chiffre, mais à tout un éventail de chiffres.
Le président: Aurions-nous raison d'en conclure que vous nous recommandez vivement de prévoir immédiatement un programme de formation à l'intention des membres du nouveau conseil?
M. Lamoureux: Tout conseil d'administration ou tout administrateur qui en fait partie a besoin de formation et devrait s'intéresser à ce qui est offert en ce sens. À mon avis, les membres des conseils d'administration méritent qu'on les informe bien. On peut avoir d'excellentes connaissances en droit et être peu renseigné sur le fonctionnement des marchés financiers. Il faut donner à ces gens l'heure juste sur ces questions. L'avocat sera certes déjà bien informé des devoirs et fonctions de l'administrateur, mais il devra, au même titre que celui qui s'y connaît en marchés financiers, savoir que nous avons comme mission d'investir les fonds de manière à obtenir le meilleur rendement possible.
Le président: Monsieur Lamoureux, nous pourrions poursuivre ainsi des heures et des heures. Je vous remercie de nous avoir donné de votre temps. Merci beaucoup de votre présence parmi nous. Nous ferons inévitablement de nouveau appel à vous.
Mesdames et messieurs les sénateurs, les derniers témoins que nous entendrons aujourd'hui représentent OMERS, la Commission du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. M. Dale Richmond en est le président-directeur général, et M. Tom Gunn, l'agent principal des investissements.
M. Dale Richmond, président-directeur général, Commission du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS): OMERS est le deuxième régime de retraite en importance dans le secteur public en Ontario. Notre régime est entièrement capitalisé, et sa caisse est excédentaire. Nous sommes donc en mesure de garantir à nos fonctionnaires qu'ils pourront jouir de leurs prestations de retraite. Nous comptons quelque 250 000 participants. C'est donc dire qu'en incluant leurs familles, le régime touche environ un million de personnes.
Notre régime de retraite est l'un des plus anciens. Il existe depuis environ 35 ans, 35 années au cours desquelles nous avons été autorisés à investir assez librement sur les marchés financiers, ce qui nous a permis d'accumuler une longue expérience des marchés financiers non seulement canadiens mais également étrangers.
Au cas où cela intéresserait les membres du comité, nous avons apporté de la documentation à propos de nos activités. Nous ne prétendons pas avoir réponse à tout, mais nous avons exploré un certain nombre de pistes dans diverses circonstances. Nous vous avons remis un feuillet qui vous renseignera sur le fonds comme tel. Nous y avons joint la table des matières du manuel qui traite de notre politique de placement, pour vous donner une idée de son contenu. Le manuel lui-même est très volumineux. Vous trouverez également une version vulgarisée de nos objectifs de placement.
Nous avons inclus l'énoncé de notre politique sur les conflits d'intérêts parce que nous avons vu que la loi faisait largement état de cette question. Nous voulions en outre vous montrer comment nous gérons ce problème à la Commission.
Nous ne disposons encore que de la première version, qui date de 1992, de notre énoncé de lignes directrices sur le vote par procuration. On y traite de la façon dont un grand investisseur institutionnel doit interagir avec les sociétés dans lesquelles il investit. Nous n'avons toutefois pas apporté ce document aujourd'hui, car nous sommes à le mettre à jour et à en rafraîchir la présentation. Il est sous presse au moment où nous nous parlons. Si les membres du comité désirent en prendre connaissance, nous vous le ferons parvenir une fois qu'il sera publié.
Le président: Nous aimerions certes en avoir une copie, et pas seulement pour les fins de cette série d'audiences. Comme vous le savez, nous nous penchons également actuellement sur une autre question, celle des investisseurs institutionnels, dont nous vous reparlerons d'ailleurs au printemps. Nous attachons beaucoup d'importance à toute la question du rôle du vote par procuration et à l'à-propos pour les investisseurs institutionnels de se montrer ou non activistes. Nous aurons sans doute l'occasion d'en discuter avec vous en mai.
M. Richmond: Je termine ma déclaration préliminaire en vous faisant part de quelques observations concernant notre structure de gestion.
Notre conseil d'administration compte 13 membres. Il se compose de représentants des employeurs, de représentants des employés et de représentants des retraités. Il y a longtemps que nous fonctionnons avec cette structure et, compte tenu de la taille de notre régime de retraite, nous faisons évidemment régulièrement aussi appel à des experts. Je crois qu'une fois que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada aura sa propre structure et que ses gestionnaires seront en poste, nous pourrons probablement leur être utiles, notamment pour les aider à régler certains problèmes de démarrage.
Nous avons quelques remarques de nature générale à formuler sur divers sujets, et à cette fin, je vais céder la parole à Tom Gunn.
M. G. Tom Gunn, agent principal des investissements, Commission du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario: J'ai personnellement participé à l'élaboration de certains projets de loi par le passé, et je sais combien ce genre de tâche peut parfois être ardue. Même si le législateur est bien intentionné, la loi, elle, n'est pas toujours aussi applicable qu'on ne l'aurait souhaité.
Il y a deux ou trois petits points que j'aimerais porter à l'attention des sénateurs. Je sais que Claude Lamoureux vous a parlé de certains aspects de la question des placements indiciels. Je me ferai un plaisir d'approfondir un peu ce sujet avec vous.
J'aurais d'abord quelques observations à formuler concernant l'expression «capacité d'une personne physique». Je suis ravi de constater que l'article 6 de cette loi reconnaît explicitement à l'office les attributions d'une personne physique en ce qui concerne sa capacité de faire des placements. Bien que ce point puisse paraître anodin, il est selon moi extrêmement important, car on voit régulièrement apparaître de nouvelles catégories d'instruments financiers qu'il serait très difficile de décrire à l'avance dans la loi. Je crois que le fait de conférer à l'office de larges pouvoirs sera à l'avantage de tous.
Le président: Pour un profane, que signifie l'expression «capacité d'une personne physique»?
M. Gunn: Il y a deux façons possibles de libeller ce genre de loi, dont l'une consiste à décrire de façon très précise les pouvoirs de l'institution en matière de placement. On peut l'enjoindre de s'en tenir à ce qui existe déjà, aux instruments financiers dont on connaît actuellement la définition. Les instruments qui pourraient être créés dans l'avenir en sont alors fatalement exclus.
Le président: Il y a vingt ans, on n'aurait pas pu décrire dans la loi les produits dérivés, n'est-ce pas?
M. Gunn: Vous avez tout à fait raison, et il y a vingt ans, il n'aurait pu y être question non plus de la possibilité d'investir dans un projet de pont vers l'Île-du-Prince-Édouard.
J'aimerais maintenant formuler une remarque au sujet des qualités requises des administrateurs. Le projet de loi dit que tout Canadien est admissible au poste de membre du conseil d'administration -- nous avons à cet égard un problème à l'OMERS. Jusqu'à ce jour, on considérait généralement qu'un administrateur de caisse de retraite pouvait se trouver en conflit d'intérêts du seul fait qu'il participait au régime de retraite concerné.
Or, il n'est fait aucune mention d'une telle restriction dans le présent projet de loi, et nous nous en réjouissons. Nous croyons qu'il s'agit là d'une question qui relève du domaine de la gestion d'entreprise et qu'en l'occurrence, il est heureux qu'un administrateur ne soit pas réputé être en conflit d'intérêts du seul fait qu'il cotise au Régime de pensions du Canada. À l'OMERS, c'est le contraire, et nous sommes ravis de voir que le Sénat s'apprête à donner le ton dans le sens de la suppression de cette anomalie.
Toujours à propos de la question des conflits d'intérêts, nous constatons par ailleurs qu'une des modifications qu'on apporte à l'ancienne loi entraîne le retrait de la règle du de minimis. Vous jugerez peut-être toutefois qu'il serait souhaitable qu'on la rétablisse.
Si le retrait de cette règle pose problème, c'est qu'il est tout à fait possible, compte tenu de la nature du domaine du placement, qu'on soit tenu, en vertu de la nouvelle règle, de divulguer divers faits absolument sans importance. Pour faciliter la saine gestion du régime, il serait préférable qu'on assouplisse cette exigence afin de ne pas obliger les gens à divulguer des futilités.
Le président: De quel type de futilités pourrait-il s'agir?
M. Gunn: Par exemple, un administrateur pourrait être réputé en conflit d'intérêts du seul fait qu'il approuve un placement dans des valeurs qu'il détient lui-même, directement ou indirectement. Compte tenu du fait que le régime en question investira dans des placements indiciels -- c'est ce qu'on a l'intention d'exiger --, tout administrateur qui effectuerait lui aussi des placements indiciels se placerait alors automatiquement en conflit d'intérêts.
Le président: De la façon dont vous interprétez cette disposition, toute personne qui aurait des placements boursiers ne pourrait être admissible à un poste au sein du conseil d'administration?
M. Gunn: Ce pourrait très bien être le cas.
Le président: Je vois. C'est sûrement par inadvertance qu'on a ainsi libellé cette disposition. C'est peut-être ce qu'on y lit, mais ce n'est pas ce que le législateur avait à l'esprit. Votre observation à cet égard nous sera fort utile.
Le sénateur Callbeck: Monsieur le président, vous ai-je bien compris? Avez-vous voulu dire qu'un membre du conseil d'administration qui détiendrait des actions de la Banque de la Nouvelle-Écosse, par exemple, alors que le conseil déciderait d'acheter des actions de cette banque, serait alors en conflit d'intérêts?
M. Gunn: D'après le libellé de cette loi, un tel fait devrait être déclaré comme élément susceptible de créer un conflit d'intérêts.
Le sénateur Callbeck: Je vois.
M. Gunn: C'est une chose qui pourrait être corrigée.
Enfin, j'aimerais aborder la question du rôle des placements autres qu'indiciels et des placements actifs.
Au Canada, un des points qu'on a essayé de faire valoir auprès des administrateurs de régimes de retraite publics, c'est la nécessité d'orienter leur politique de placement davantage en fonction de la création d'emplois. Sans parler nécessairement d'investissement dans des mesures sociales, on leur demande de tenir compte du fait que l'économie canadienne pourrait tirer profit des capitaux provenant des régimes de retraite. Voilà qui semble aller à l'encontre d'une politique de placement indiciel.
Sauf erreur, le fonds du RPC se verrait limité à 20 p. 100 de placements à l'étranger et interdire le recours aux produits dérivés. Cette exigence aussi n'est pas conciliable avec une politique de placement indiciel.
Dans le contexte de la mondialisation des marchés, on peut se demander si vraiment une telle orientation sert au mieux les intérêts de l'ensemble des Canadiens -- un principe qui, comme vous le savez, est énoncé dans la mission de l'office.
Du point de vue de la création d'emplois, il est tout à fait plausible, en vertu de l'Accord de libre-échange, qu'une société canadienne passe sous le contrôle d'une société états-unienne et, partant, cesse d'être considérée comme canadienne aux fins d'investissement. Il se pourrait fort bien également que l'indice TSE se contracte, et qu'un fonds indiciel s'en retrouve avec des actions de sociétés devenues non admissibles.
Je le reconnais, nous avons un problème de chômage. Si une société étrangère achetait une société canadienne, il est probable que cette société implanterait sa prochaine usine aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Mais à l'inverse, si une société canadienne achetait une société étrangère, il est tout à fait probable qu'elle déciderait de construire sa prochaine usine en Ontario, en Nouvelle-Écosse ou à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous devrions tous être conscients que limiter ainsi à 20 p. 100 les placements à l'étranger peut en réalité nuire indirectement à la création d'emplois.
Étant donné que le ministre des Finances juge que ce choix d'orientation sociale est acceptable dans le cas des fonds des caisses de retraite qui relèvent des provinces, il serait souhaitable qu'on envisage cette option dans l'établissement des règles d'investissement du fonds du Régime de pensions du Canada et qu'on s'interroge par ailleurs de nouveau sur tout ce qui touche la gestion de l'office.
Le président: Merci. J'aimerais que vous examiniez avec nous de plus près certains points.
Il est prévu que, pour les trois premières années, le fonds devra n'effectuer que des placements indiciels. Nous avons discuté de cette question ce matin avec des représentants du ministère des Finances. Tous les témoins du secteur privé que nous avons entendus jusqu'à ce jour nous ont dit qu'il serait impossible de respecter une telle exigence, qu'il s'agissait d'une idée intéressante, mais inapplicable. On nous a fourni diverses explications pour nous démontrer qu'elle est irréaliste.
Vous nous aideriez à nous faire une idée plus claire de la question si vous nous disiez pourquoi, selon vous, il serait irréaliste d'exiger que le fonds n'effectue que des placements indiciels. La législation, ou plus exactement le règlement, précise qu'il doit s'agir de grands indices boursiers. J'aimerais savoir ce que peut désigner cette expression; porte-t-elle à interprétation?
Mais revenons sur la règle de 80/20 -- je crois que vous étiez présent tout à l'heure quand M. Lamoureux a expliqué que, pour respecter la loi, on n'avait pas à s'en tenir rigidement à la règle de 80/20. Il a dit, sauf erreur, que son fonds effectuait environ le tiers de ses placements en titres canadiens, et que leur plus-value était réinvestie dans des produits dérivés étrangers.
Je ne suis pas très sûr que le RPC puisse appliquer cette stratégie. La caisse de retraite des enseignants a recours à cette pratique, comme d'ailleurs toutes les autres caisses de retraite -- la vôtre y compris, je présume. À votre connaissance, le RPC sera-t-il autorisé à appliquer cette stratégie?
M. Gunn: Pour en avoir discuté avec des représentants du ministère des Finances, j'ai bien l'impression que les gestionnaires du Régime de pensions du Canada seront tenus de respecter scrupuleusement la limite de 20 p. 100 de placements étrangers et qu'ils ne pourront pas avoir recours aux autres types de placements qui leur permettraient d'aller au-delà de ce plafond.
Le président: Ils seront donc soumis à des contraintes plus strictes que celles imposées à n'importe quelle autre caisse de retraite?
M. Gunn: On nous a expliqué que c'est la contrainte qu'on a l'intention d'imposer au RPC.
Le président: Vous tirez ce renseignement de rencontres privées que vous avez eues avec des représentants du ministère des Finances?
M. Gunn: Oui.
Le président: Nous pourrons aborder cette question avec les représentants des Finances lorsqu'ils comparaîtront de nouveau devant nous dans le cadre de la présente série d'audiences.
Pouvez-vous nous dire un mot de la question des «placements indiciels»? Il ne fait pas de doute que l'intention du législateur était de faire en sorte que les gestionnaires, étant donné qu'on leur a confié un fonds qui est déjà établi, ne devraient pas prendre de risques indus, mais plutôt s'en tenir au comportement général du marché. Aux yeux d'un profane, cela peut sembler raisonnable.
Nous reconnaissons donc l'intention, l'esprit de cette politique, mais il se trouve que tous les témoins du secteur privé que nous avons entendus nous ont dit qu'elle n'était pas applicable. En ce cas, comment allons-nous nous en sortir?
M. Gunn: Sachez tout d'abord que, alors que la caisse de retraite des enseignants constitue le fonds indiciel le plus important au Canada, OMERS, lui, est celui dont la politique de placement est la plus active, c'est-à-dire celui qui effectue le moins de placements indiciels.
Je me range donc de l'opinion de mes collègues de la profession pour dire qu'une politique de placement intégralement indicielle est fascinante, mais non applicable.
Qu'est-ce qu'un indice? Ce concept est très étroitement lié à la théorie états-unienne des marchés performants. C'est une approche qui nous est venue des États-Unis et qui repose sur les actions transigées sur les marchés boursiers de ce pays. L'indice est par définition une base de référence qui évolue avec le temps. D'aucuns accordent plus de crédibilité à un indice portant sur un nombre très restreint de titres, alors que d'autres estiment que plus la composition de l'indice est étendue, mieux c'est.
Au cours des dix dernières années, comme l'a fait observer M. Lamoureux, la plupart des gestionnaires de fonds de retraite américains sont très difficilement parvenus à obtenir un rendement supérieur à l'indice de Standard & Poor's. Il faut dire qu'il s'agit d'un indice restreint, contrairement à l'indice Russell qui est généralement considéré comme englobant, puisqu'il couvre 3 000 titres. Il semblerait que si les gestionnaires de fonds peuvent assez facilement réaliser mieux que cet indice, obtenir des plus-values bien supérieures aux siennes, c'est en raison de sa composition.
C'est un fait généralement reconnu que le marché boursier canadien n'est pas aussi performant que le marché états-unien.
Le président: Pourquoi?
M. Gunn: En partie à cause de la taille des entreprises. Nos sociétés sont plus petites et leurs actions se transigent moins, de sorte que les gestionnaires de fonds peuvent difficilement en acheter de gros blocs à un prix intéressant.
Par ailleurs, la façon dont on décide de la composition même de tout indice -- notamment de ceux qu'établit la Bourse de Toronto -- procède de la présomption selon laquelle tous les titres peuvent être transigés n'importe quand, sans que le cours des actions ne puisse être influencé par l'intervention d'un investisseur qui achèterait d'importants volumes d'actions. Ce n'est toutefois pas ainsi que les choses se passent dans la pratique, car la venue d'un fonds important crée ce qu'on appelle un «effet de faiseur de marché», et il devient dès lors très difficile de maintenir la neutralité de l'indice. L'indice neutre n'existe que sur le plan mathématique; il n'existe pas dans la réalité.
Je le répète, il y a aussi le phénomène canadien qui est en cause ici -- c'est-à-dire le fait que le marché boursier canadien n'est pas aussi performant que le marché états-unien. Le marché boursier canadien est, je crois, le 10e en importance au monde. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les marchés du Royaume-Uni, du Japon ou de l'Allemagne soient plus performants que le nôtre. La bonne performance d'un marché tient en partie à l'attrait que ce marché exerce sur les investisseurs qui sont à la recherche de cours avantageux, ainsi qu'à la forte intensité de son activité.
La nature même du marché boursier canadien, la vision qui préside à la composition de notre indice, et la taille de nos sociétés qui n'entrent pas dans la composition du TSE 100 sont autant de facteurs qui nous causent des difficultés systémiques qu'il faut surmonter.
Je dirais que le noeud du problème se situe non pas sur le plan théorique, mais sur le plan pratique. En principe, il peut bien sûr sembler souhaitable d'opter essentiellement pour une politique de placement indiciel, mais, en pratique, une telle politique ne saurait, dans le contexte canadien, mener à des résultats satisfaisants. D'ailleurs, compte tenu de l'importance des investissements directs qui proviendront du RPC, il sera de plus en plus difficile de s'en tenir à une politique de placement indiciel.
Le président: La question de savoir si cette politique est la bonne suscite bien des débats. Supposons un instant que l'intention du législateur ait été d'éviter la spéculation excessive -- de faire en sorte que les gestionnaires du fonds adoptent une attitude prudente dans leur façon de suivre le marché. Serait-il possible alors de faire en sorte que les gestionnaires puissent agir dans cet esprit tout en ayant ce que M. Lamoureux appelle une «latitude suffisante»?
M. Gunn: Il serait relativement simple de les obliger à placer un certain pourcentage du fonds en se fondant sur l'indice et de leur permettre d'investir le reste dans ce qu'on pourrait alors définir comme un panier d'autres titres -- on leur donnerait ainsi une marge de manoeuvre. L'ancienne loi comportait une disposition qui accordait aux gestionnaires de fonds ce genre de liberté dans le choix des titres du portefeuille. Il serait peut-être approprié de la réinsérer dans la nouvelle loi.
Le président: Cette disposition exigerait qu'un certain pourcentage du portefeuille total corresponde essentiellement au TSE 300?
M. Gunn: On pourrait exiger par exemple que 80 p. 100 du contenu canadien du portefeuille soit constitué de titres qui reproduisent un ou plusieurs indices que pourrait choisir le conseil d'administration -- les autres 20 p. 100 pourraient servir à l'achat d'actions ordinaires de sociétés choisies et approuvées par le conseil.
Le président: Le règlement fait référence à des indices au pluriel -- l'expression exacte, si je ne m'abuse, est «grands indices boursiers». Plusieurs témoins nous ont avoué se demander de quels indices il pourrait s'agir. Nous n'avons utilisé aujourd'hui, au cours de cette séance, que le célèbre exemple du TSE 300, mais quels autres indices pourraient convenir? On devait tout de même en avoir d'autres à l'esprit en rédigeant la loi, en sus des sous-indices du TSE 300.
M. Gunn: L'indice de la Bourse de Toronto est réputé être l'indice directeur au Canada et celui qui repose sur l'assise la plus large. Je pense que ce à quoi on songeait, c'est aux sous-indices dont vous parlez -- le TSE 35, le TSE 100 et le TSE 200.
La Bourse de Toronto n'est toutefois pas la seule Bourse au Canada -- ce n'est que la plus importante. Il se pourrait d'ailleurs fort bien que la question soit soulevée à un moment donné. Je crois que personne ne saurait prétendre -- autrement que pour des motifs régionaux -- que le RPC devrait faire abstraction de l'indice des Bourses de Vancouver, de Calgary ou de Montréal, qui sont toutes différentes les unes des autres.
Je pense que c'est une question pratique sur laquelle il appartiendra au conseil d'administration de se prononcer. Il aura à décider de l'indice qu'on voudra essayer d'égaler.
Le sénateur St. Germain: Nous devrions engager des gens qualifiés comme vous, messieurs, ou comme M. Lamoureux, pour s'occuper de ce genre de détails techniques.
On entend de nos jours beaucoup de remarques sarcastiques à propos des nominations politiques, et ma question porte sur la reddition de comptes. Au cours des discussions que nous avons eues sur cette question, notamment dans le cadre de nos audiences, j'ai eu l'occasion de suggérer au ministre Martin que plutôt que de s'en remettre au gouverneur en conseil pour ces nominations -- qui sont toujours considérées comme politiques -- les administrateurs devraient êtres choisis la moitié par le gouvernement fédéral et l'autre moitié par les provinces. Après tout, les provinces sont des participantes à part entière, et elles devraient avoir voix au chapitre. Le libellé établirait que le ministre «peut» consulter ces gens, et non qu'il les «consulte» ou qu'il «doit» les consulter.
De cette façon, les représentants du gouvernement fédéral, de concert avec ceux des provinces, choisiraient un président neutre. Croyez-vous que cela donnerait au conseil plus de transparence et plus de crédibilité aux yeux des citoyens, qui sont en fait les actionnaires de ce fonds?
M. Richmond: Il m'est difficile de me prononcer sur cette question. Je ne crois pas que la population en général fasse tellement de différence entre les motifs politiques de représentants fédéraux ou provinciaux -- pour elle, une nomination politique est une nomination politique, voilà tout.
Quoi qu'il en soit, certaines personnes devront pouvoir encore se tenir debout sur leurs jambes quand la fête sera terminée, et ce sera évidemment les ministres responsables du régime. Peu importe qui nommera les personnes qui feront partie du futur conseil d'administration, pour peu qu'on agisse avec prudence et qu'on mette sur pied un comité d'examen des candidatures, on finira normalement par sélectionner des gens honnêtes, intéressés et compétents.
Durant les rondes de discussion, le gouvernement a entendu des experts, des responsables de caisses de retraite et des gens ordinaires, et il les a écoutés. Le gouvernement n'a pas essayé de dépolitiser le processus, mais, sans nier qu'il s'inscrit dans la réalité politique, il s'est efforcé de le rendre le plus responsable possible. Il cherche à faire en sorte que ce soient les bonnes personnes, celles qui ont les compétences voulues, qui soient finalement choisies pour faire partie du conseil d'administration. Il veut aussi qu'on y trouve des représentants des employeurs, des cotisants et probablement aussi des retraités.
Le sénateur Tkachuk: Comment pourrait-on rendre le processus de nomination plus politique qu'il ne l'est déjà? Ce que j'essaie de faire valoir, c'est qu'une nomination politique demeure une nomination politique.
Dites-moi, je vous prie, comment on pourrait rendre ces nominations -- à voir la façon dont on procède -- plus politiques qu'elles ne le sont déjà? Les postes sont généralement attribués en fonction de l'allégeance des candidats.
M. Richmond: Je vous répondrai en me fondant sur notre propre expérience. OMERS a depuis 35 ans un conseil d'administration dont les membres sont nommés par le pouvoir politique. Quand le gouvernement procède à une nomination, il ne choisit toutefois pas quelqu'un issu de ses rangs -- tout dépendant du poste à combler, il invite les employeurs, les représentants des employés ou des retraités à lui soumettre des candidatures.
Bien que le conseil d'administration d'OMERS soit constitué de gens dont la nomination a été politique, il n'a pas de parti pris politique. Il prend ses décisions en fonction de l'intérêt des bénéficiaires. Notre caisse de retraite a toujours été excédentaire, et nous pouvons compter sur un personnel compétent. Nous avons accès à tous les véhicules de placement, et nous appliquons à loisir les stratégies qui nous semblent les plus judicieuses.
À mon avis, si les choses se passent comme chez OMERS, tout ira pour le mieux.
Le sénateur Tkachuk: Les gouvernements provinciaux ont toutefois directement intérêt à ce que les caisses de retraite des municipalités soient gérées efficacement, car il ne serait pas sain pour eux qu'elles connaissent des difficultés.
Il en va tout autrement dans le cas du RPC, qui est financé à même les recettes fiscales. On me soutire littéralement -- en vertu d'une loi -- ma cotisation au fonds. En réalité, je ne contribue pas à une caisse de retraite; on me prélève une cotisation sur mon salaire pour financer les prestations des retraités d'aujourd'hui. Je n'investis pas vraiment dans mon propre fonds -- je finance les prestations des bénéficiaires actuels.
M. Richmond: Il y a du vrai dans ce que vous dites. Si un régime n'est pas entièrement capitalisé, il s'effectue par définition un certain transfert intergénérationnel.
Ce régime et son office d'investissement ont toutefois justement pour mission de nous éloigner de la notion de financement par le seul moyen de l'imposition du revenu, de la retenue à la source. Ils doivent faire en sorte que le régime soit de plus en plus capitalisé. L'objectif visé est de normaliser, non seulement les activités de placement, mais également la contribution que ces activités apportent au financement du régime. Ce changement d'orientation amènera le RPC à agir comme le font déjà une foule d'autres régimes de retraite publics.
Le sénateur St. Germain: L'avenir m'inquiète davantage que le présent. Nous avons vu échouer lamentablement un si grand nombre de sociétés d'État par le passé; elles ont accumulé d'énormes dettes, puis on a fini par s'en défaire pour moins que rien.
Ce qui me préoccupe, ce n'est pas le premier conseil d'administration, car j'ose espérer qu'il sera le meilleur qu'on puisse imaginer. Il établira les paramètres et il se comportera de manière impeccable. Ce sont les conseils qui prennent la relève qui posent problème habituellement, comme on peut le constater en jetant un coup d'oeil au dossier des nombreuses sociétés d'État qu'on a créées dans le passé. C'est vraiment ce qui m'inquiète.
J'aimerais revenir sur l'hypothèse où les administrateurs seraient nommés moitié par les provinces, moitié par le gouvernement fédéral, avec un président neutre. Seul votre témoignage fondé sur l'expérience de votre organisation pourra me convaincre que ce que je demande n'est pas nécessaire.
Vos deux organisations ont un excellent palmarès; si elles fonctionnent si bien, pourquoi ne demanderait-on pas au gouvernement de songer à une formule similaire à la vôtre, qui assure l'équilibre des pouvoirs? Après tout, il ne s'agit pas là d'une opération politique. C'est le bien-être futur de tous les Canadiens qui est en jeu ici.
M. Richmond: Il faut prendre ici en considération ce qui nous distingue, même par rapport aux autres sociétés d'État. Nous avons acquis au fil des ans une solide crédibilité, en ce sens qu'historiquement les régimes de retraite publics ont bien fonctionné, non seulement en Ontario, mais également en Colombie-Britannique, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et ailleurs. Il existe des modèles dont on peut s'inspirer.
Une foule de sociétés d'État n'ont pas atteint les objectifs qu'on leur avait assignés au départ, ou ne sont même jamais parvenues à accomplir ce qui constituait en fait leur raison d'être. Les régimes de retraite, quant à eux, évoluent dans un cadre relativement uniforme.
Par ailleurs, cet organisme jouira d'une grande visibilité, bien que je ne croie pas qu'il faille le considérer comme une société d'État.
Le sénateur St. Germain: Non.
M. Richmond: Une subtile distinction à faire.
Le président: La semaine dernière, certains d'entre nous se sont retrouvés à London dans le cadre d'une autre étude, et on y a soulevé la question de la dotation en personnel, de l'embauche d'employés compétents, des difficultés liées au statut d'organisme parapublic, et du versement de salaires comparables à ce qui se paie dans l'industrie.
Serait-il juste de dire que vous n'avez aucune contrainte à cet égard? Autrement dit, que même si la commission est un organisme parapublic et que, partant, elle doit en théorie se soumettre à certaines règles -- seraient-elles officieuses --, elle est en mesure de rémunérer ses employés selon les normes du marché? Ai-je raison de le penser?
M. Richmond: Tout à fait.
Le président: La plupart de vos conseillers en placement reçoivent en sus de leur salaire une prime au rendement, n'est-ce pas?
M. Richmond: C'est juste.
Le président: S'ils font une mauvaise année sur le plan du placement, connaissent-ils une mauvaise année sur le plan de la rémunération?
M. Richmond: Effectivement, leur année est moins bonne, mais leur salaire de base demeure une composante importante de leur rémunération. Ils reçoivent un salaire de base et des stimulants.
Le président: Sans chercher à vous faire dévoiler le pourcentage exact, la proportion que représente le salaire de base se situe-t-elle plus près des 50 p. 100 que des 80 p. 100?
M. Richmond: Plus près des 50 p. 100 dans notre cas, mais plus près des 80 dans d'autres.
Le président: Ce matin, nous avons accueilli Keith Ambachtsheer, John Por et Malcolm Hamilton, et ils nous ont fait part de leur vision des traits caractéristiques de l'administrateur idéal. Plus tôt cet après-midi, Claude Lamoureux, plutôt que de nous parler des qualités requises de chacun des membres du conseil, a insisté sur l'importance de mettre en place un conseil d'administration qui soit le plus compétent possible.
Que feriez-vous si vous deviez partir de zéro? Oubliez le processus de sélection comme tel. Quelles qualités, selon vous, devraient posséder les candidats au poste d'administrateur? Quelles seraient d'après vous les caractéristiques d'un conseil d'administration idéal?
M. Richmond: Je vais laisser Tom répondre à cette question.
M. Gunn: On demande régulièrement aux gestionnaires de régimes de retraite de donner leur opinion à propos des qualités d'un bon administrateur de société, et nous observons de très près les conseils d'administration de différentes sociétés canadiennes pour tenter d'y discerner ce qui fait que certaines fonctionnent mieux que d'autres.
Il y a quatre caractéristiques qui sont essentielles. Premièrement, les membres du conseil d'administration de l'Office d'investissement du RPC devront tous avoir une solide compréhension des questions relatives au placement. Deuxièmement, ils devront avoir une vision claire de tout ce qui touche le régime, car la véritable raison d'être de ce régime est le versement de prestations de retraite et non simplement la gestion d'un fonds de placement.
Le président: Lorsque vous parlez de prestations et de placements, songez-vous également à la nécessité de faire concorder l'actif et le passif du régime?
M. Gunn: Oui.
Tout administrateur d'institution financière doit avoir une bonne compréhension de la gestion de l'actif et du passif et de leurs rapports mutuels; c'est une exigence fondamentale. Je dirais toutefois qu'il n'est pas nécessaire que chacun des administrateurs soit reconnu comme un expert en matière de placement, pas plus qu'on exigera d'un administrateur de toute autre société qu'il soit réputé être une sommité dans son domaine.
L'important, c'est que les membres du conseil sachent travailler en équipe, unir leurs forces pour une plus grande efficacité. Une fois que le conseil d'administration de l'office sera sur pied, il comptera parmi ses membres des personnes qui s'y connaissent bien sur tel ou tel sujet, mais qui, en plus, seront disposées à s'abreuver aux conseils d'experts dans des domaines particuliers.
De solides antécédents -- notamment une expérience à des postes de haut niveau au Canada, où le titulaire a su s'informer auprès d'experts -- sont un important trait caractéristique que doit posséder tout administrateur.
Le président: Dans la première partie de votre réponse, vous avez insisté sur l'importance, dans le cas qui nous occupe, de la connaissance et de la compréhension des questions relatives à l'investissement, aux activités de placement et au fonctionnement des marchés financiers. C'est donc dire que ce qu'on recherche avant tout comme administrateurs, ce sont des gens qui ont une bonne connaissance du domaine visé.
Les conseils d'administration trouvent toutefois souvent avantageux de compter parmi leurs membres des personnes qui, bien que n'ayant pas une connaissance très étendue du domaine directement concerné, sont à même de fournir aux autres membres du conseil d'administration une vision bien personnelle du contexte dans lequel évolue leur entreprise.
M. Gunn: Vous avez tout à fait raison.
Le président: On est parfois porté à se demander pourquoi telle ou telle personne fait partie d'un conseil d'administration, pour découvrir ensuite qu'elle est habile à présenter utilement à ses collègues une perspective originale de la réalité.
Vous semblez insister vraiment sur l'importance que tous les membres du conseil d'administration aient une expérience pertinente au mandat du conseil. C'est peut-être que, dans le domaine où vous travaillez, il est important que chacun soit au fait de toutes les implications de la mission à accomplir -- et je n'ai rien contre.
Étant donné que, dans le cas qui nous occupe, les membres du conseil seront nommés par le gouvernement, vous comprendrez toutefois que les gouvernements fédéral et provinciaux subiront d'énormes pressions pour que le conseil forme un tout cohérent mais représentatif d'une diversité d'éléments.
Ce qui risque de se produire, c'est que cette recherche de diversité l'emporte sur celle de la compétence. Chose certaine, c'est une crainte qui nous a été exprimée à maintes reprises ici aujourd'hui. Comment, selon vous, devrions-nous nous y prendre pour surmonter cette difficulté?
M. Gunn: Je n'ai nullement voulu dire que le conseil ne devrait être composé que d'experts en placement. Il est toutefois important qu'un membre du conseil qui n'aurait même pas une connaissance de base du domaine des caisses de retraite se montre désireux de se familiariser avec ces notions, car elles touchent la raison d'être même du RPC.
Mieux vaut un administrateur qui a une bonne connaissance générale du domaine qu'un autre qui, bien qu'expert, n'est pas très porté à tenir compte de l'opinion d'autrui. Il est déjà arrivé, au sein de certains conseils d'administration, que des gens qui avaient été recrutés pour leur qualité d'experts essaient de faire la preuve de leur compétence en refusant d'accepter les opinions des autres. Ce n'est pas un bon principe de gestion.
La mission même de l'office exigera que son conseil joue davantage un rôle de fiduciaire qu'un rôle classique de conseil d'administration de société.
Le président: Quelle différence y voyez-vous?
M. Gunn: Le bien-être futur de tous les Canadiens dépend en partie du RPC. Le conseil d'administration de l'office se devra donc d'accomplir son mandat avec un soin attentif et une bonne compréhension des enjeux. Au Canada, les normes se rapportant à la saine gestion des entreprises sont élevées et, comme nous le savons tous, de plus en plus exigeantes. Étant donné que l'office aura pour mandat non pas de créer un produit ou de réaliser un profit, mais de jouer un rôle fiduciaire, il sera soumis à des normes encore plus élevées, car la loi est plus exigeante à cet égard pour ceux qui se voient confier des responsabilités fiduciaires.
Toute personne appelée à faire partie du conseil d'administration de l'office devra être consciente que son rôle consiste à assumer une responsabilité fiduciaire envers tous les Canadiens.
Le président: Merci. Dale, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Richmond: Même si les nominations au conseil d'administration d'OMERS sont politiques, il a toujours régné au sein du conseil une certaine magie entre gens qui proviennent de différentes sphères d'activité et qui représentent des employeurs, des groupes d'employés et des retraités.
Bon nombre de ces administrateurs ont des cheminements de carrière enviables, mais, lorsqu'ils se présentent à une réunion du conseil, ils oublient tout le reste pour ne se soucier que de notre grand objectif, celui de faire concorder l'actif et le passif de la caisse de retraite, autrement dit, pour collaborer à l'accomplissement de notre mission première. On est alors bien loin de la mentalité qui, dans le secteur privé, préside à la seule recherche effrénée et terre à terre du rendement sur les investissements.
Le régime a une responsabilité fiduciaire envers les bénéficiaires, et non à l'endroit des gens qui nomment les administrateurs, ni du conseil lui-même. La mission d'une caisse de retraite n'est ni de créer un produit ni de réaliser un profit. Il importe de bien choisir les administrateurs pour atteindre l'équilibre dans un système comme le régime de pensions; le conseil ne doit agir que dans l'intérêt des bénéficiaires, à telle enseigne que les administrateurs se placeraient eux-mêmes en conflit d'intérêts s'ils recherchaient le moindrement leur propre avantage.
Le président: Claude Lamoureux nous a dit que, si nous devions assister à une réunion de son conseil d'administration, nous ne saurions discerner quels administrateurs représentent respectivement le syndicat et le gouvernement. Les membres du conseil d'administration de la caisse de retraite des enseignants agissent collectivement, à peu près comme notre comité le fait habituellement. Il nous est parfois arrivé de nous diviser sur les questions qui étaient mises aux voix, mais pratiquement jamais à cause de la discipline de parti.
Nous avons eu, par exemple, une âpre discussion à propos du projet de loi qui touchait Sports Illustrated, mais la situation était surtout cocasse, puisque Lowell Murray, l'ex-leader conservateur au Sénat, appuyait la position du gouvernement, alors que j'étais moi-même en désaccord avec le gouvernement. Nos discussions n'avaient donc rien à voir avec le sectarisme politique; nous divergions tout simplement d'opinion sur ce qui était dans l'intérêt public.
Ce qu'a dit Claude Lamoureux de son conseil d'administration vaut-il pour le vôtre?
M. Richmond: Oui, et nous avons une tradition de 35 ans de codirection. On choisit les candidats en fonction de leur compétence tout en veillant à ce que six représentants des employeurs et six représentants des employés siègent au conseil. Malgré cela, il est juste d'affirmer qu'aucun observateur ne saurait distinguer qui représente qui. Qui plus est, nous n'avons même jamais eu de vote serré, ce qui est tout à fait remarquable.
Le président: J'aurais une dernière question concernant les placements indiciels. Cette question m'intrigue vraiment; je me demande comment il se fait qu'une idée qui semble pourtant si simple -- comme l'est l'inclusion de la taxe dans le prix -- ne soit pas forcément applicable.
Vous avez signalé tout à l'heure que si vous ne vous référiez pas à l'indice de la Bourse de Toronto, vous pourriez toujours vous référer aux indices des Bourses de Vancouver ou de l'Alberta -- je n'y avais pas pensé. J'aurais tendance à croire cependant qu'il serait vraiment beaucoup plus difficile d'apparier les indices boursiers de l'Alberta et de Vancouver, à cause du faible volume d'actions qui s'y transigent, que d'apparier celui de Toronto. En d'autres termes, disons que, comme Claude Lamoureux l'a expliqué, vous pourriez vous référer au TSE pour les titres importants, mais qu'il vous serait difficile de placer dans le 299e élément du TSE.
Je ne connais pas très bien les indices boursiers de Vancouver et de l'Alberta, mais ai-je raison de croire qu'il vous serait encore plus difficile d'y effectuer des placements indiciels qu'à la Bourse de Toronto?
M. Gunn: Oui, naturellement. Cela nous ramène à la question de la capitalisation et de la valeur totale des titres négociables. La valeur des titres cotés qui composent le TSE 300 dépasse de loin celle de tous les autres titres boursiers au Canada.
La valeur totale des titres cotés qui composent les autres indices boursiers ou qui sont inscrits aux autres bourses au Canada est relativement très faible. Il nous serait extrêmement difficile d'y effectuer des placements indiciels.
Il en résulterait par ailleurs un autre problème, en ce sens que le Régime de pensions du Canada deviendrait alors probablement un faiseur de marché dominant sur ces places boursières. Cela aurait d'autres conséquences, et je ne crois pas qu'on y ait profondément réfléchi.
Le président: Je vois; il deviendrait donc un faiseur de marché dominant simplement à cause du volume d'actions transigées. Par définition, il fausserait alors l'indice, à cause de l'importance de ses transactions. C'est une question d'une évidence mathématique.
M. Gunn: C'est juste.
Le président: Compte tenu des réalités que vous venez de nous exposer, je crois que deux options s'offrent à nous. Je pense savoir laquelle je privilégierais, mais j'aimerais connaître votre opinion.
De la façon dont je le vois, une première option serait de ne pas investir dans les titres cotés aux Bourses de l'Alberta et de Vancouver. La seconde consisterait à repenser notre exigence d'appariement avec l'indice, en laissant au conseil plus de latitude en ce qui concerne sa politique de placement, de manière à ne pas perturber le marché. Y suis-je?
M. Gunn: Tout à fait. Je choisirais certes la deuxième option. Si vous investissiez aveuglément en fonction de l'indice, il en résulterait normalement une mauvaise répartition du capital au détriment d'autres secteurs de l'économie dans lesquels nous devrions investir. Suivre aveuglément un indice boursier ne serait d'ailleurs pas souhaitable sur le plan du développement économique.
Le président: Voilà. Vous avez dit que vous gérez le plus important fonds non indiciel au Canada, et que, de son côté, celui des enseignants est le plus important fonds indiciel au pays. Mais je crois que même la caisse de retraite des enseignants est loin de pouvoir n'être qu'indicielle, à cause du risque de déstabiliser le marché. Est-ce le cas?
M. Gunn: Oui, c'est juste. C'est une stratégie très intéressante, en principe. Mais elle est très difficile à appliquer, et c'est là que réside le problème.
Le président: Eh bien, voilà pourquoi j'ai fait allusion, par analogie, à la taxe incluse dans le prix, un mode de taxation que divers pays ont carrément adopté plutôt que de se contenter comme nous de le mettre à l'essai dans trois petites provinces.
M. Gunn: Vous avez bien raison.
Le président: Je m'excuse, mais nous devons mettre fin à la séance. Il nous faut aller prendre l'avion pour Calgary, où nous tenons des audiences demain.
Nous serons impatients de discuter avec vous des investisseurs institutionnels en mai prochain. Merci d'avoir accepté notre invitation.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous suspendons nos travaux jusqu'à notre séance de demain matin, que nous tiendrons à compter de 9 heures précises, à Calgary, au Delta Bow Valley.
La séance est levée.