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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 12 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 26 février 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour poursuivre son étude des dispositions sur la régie contenues dans la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (anciennement le projet de loi C-2).

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Conformément à l'ordre de renvoi adopté par le Sénat le jeudi 12 février 1998, le comité étudie les dispositions sur la régie contenues dans la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Je souhaite la bienvenue aux témoins qui représentent le Congrès du travail du Canada.

Messieurs, nous vous écoutons.

M. Richard A. Martin, secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada: Monsieur le président, membres du comité, nous vous remercions de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui. Les questions intéressant les pensions en général et le Régime de pensions du Canada en particulier ont toujours été d'une importance primordiale pour le Congrès du travail du Canada et le sont encore. Je préside le comité des pensions du Congrès du travail du Canada, secondé par M. Baldwin qui me fait profiter de ses connaissances. C'est un perpétuel sujet de discussion à notre comité et à notre conseil exécutif. Nous nous intéressons particulièrement aux questions concernant le RPC, parce que nous le considérons comme une source de revenus de retraite particulièrement précieuse pour nos membres et pour la population canadienne en général.

Nous savons que pour ces audiences, vous vous intéressez principalement au rôle, au mandat et à la structure du futur Office d'investissement du RPC. Je sais aussi que vous avez un intérêt corollaire pour les questions de reddition de comptes. En vue de la réunion d'aujourd'hui, je vous ai fait parvenir des copies du mémoire présenté par le CTC au comité permanent des finances de la Chambre des communes, au sujet du projet de loi C-2, ainsi que deux notes supplémentaires que nous avions produites pour le même comité. Des passages du mémoire traitent le domaine qui vous intéresse plus particulièrement ainsi que d'autres questions concernant le RPC. Étant donné qu'à l'avenir, le Parlement se penchera régulièrement sur un large éventail de ces questions -- et j'ajouterais que nous en sommes fort heureux -- j'ai cru qu'il serait intéressant de vous présenter notre mémoire au complet.

Je vais résumer certains points clés concernant l'office d'investissement et la reddition des comptes. Quand nous aurons terminé notre exposé, nous répondrons avec plaisir à vos questions sur ces sujets.

L'un des problèmes que le CTC entrevoit au sujet de l'accumulation d'un fonds d'investissement du RPC, c'est que ça pourrait provoquer un malentendu sur les enjeux et sur la viabilité financière à long terme du RPC. En particulier, nous avons dit craindre que la constitution du fonds n'incite les gens à croire que la viabilité financière du régime dépend du taux de rendement de l'actif financier du fonds. Pourtant, le RPC demeure en réalité un régime de retraite par répartition et sa viabilité financière dépend surtout d'une croissance soutenue des revenus et de l'emploi dans l'avenir. La mission et les pouvoirs prévus pour l'office d'investissement semblent refléter les risques de malentendu sur la base de la viabilité financière du RPC. La mission et les pouvoirs de l'office sont énoncés dans le projet de loi C-2 qui mentionne un seul objectif précis, celui de placer l'actif en vue d'un rendement maximal tout en évitant des risques de pertes indus.

On dirait que le libellé reflète l'opinion fausse que la viabilité financière du RPC dépend surtout du rendement des investissements. En outre, la mission de l'office comprend un énoncé général disant que le régime sera géré dans l'intérêt des cotisants et des bénéficiaires. Cela devrait certainement comprendre l'intérêt pour les bénéficiaires d'avoir un emploi rémunérateur avant leur retraite. C'est pourquoi le Congrès du travail du Canada a proposé de reformuler la mission de l'office de manière à le charger de maximiser la croissance des revenus et de l'emploi au Canada, en tenant compte des risques et du rendement des régimes de retraite d'entreprise.

Le CTC soutient également qu'il est important pour le futur office d'investissement de ne pas être dominé par des conseillers en placements. Au mieux, ces professionnels peuvent apporter quelque chose à l'un des intérêts des cotisants et des bénéficiaires, à savoir le rendement des placements. L'office devrait être largement représentatif des cotisants et des bénéficiaires. Quand il aura besoin des conseils d'experts sur diverses questions, il pourra en engager facilement.

Le projet de loi C-2 renferme plusieurs dispositions qui sont censées faciliter la reddition de comptes sur les décisions prises pour le RPC et sur ses activités courantes. Plusieurs de ces propositions, y compris celles de tenir une révision triennale du taux de cotisation au RPC, sont vraiment intéressantes selon le CTC. Malheureusement, les bonnes idées sont conjuguées à d'autres qui sont mauvaises et, à notre avis, tout à fait irréalisables.

Par exemple, le projet de loi C-2 renferme une disposition visant à pleinement capitaliser les futures améliorations des prestations ce qui, en pratique, leur fera obstacle et est donc incompatible avec les mécanismes de financement généraux créés par le même projet de loi. De plus, on y fixe deux objectifs tout à fait contradictoires pour le financement du RPC, à savoir stabiliser en même temps le taux de cotisation et le rapport capitalisation-dépenses. Selon le CTC, seul le taux de cotisation est vraiment pertinent.

Malheureusement, le projet de loi C-2 ne traite pas certains problèmes de responsabilité politique profondément enracinés. Toute la documentation sur le RPC que le gouvernement fédéral a produite et diffusée ces dernières années porte exclusivement sur la question des dépenses de programme. Dans cette documentation, jamais la question de savoir si les revenus de retraite sont adéquats en ce moment et s'ils le seront à l'avenir n'est abordée, pas plus que celle sur le rôle joué par le RPC comme source de revenus. Cette présentation faussée des enjeux empêche tout débat éclairé. Nous trouvons ça tout à fait inacceptable. Nous avons présenté des propositions qui rendraient officielle la nécessité de fournir au public des informations tant sur les prévisions de dépenses du RPC et ses évaluations des perspectives des revenus de retraite que sur son rôle comme source de revenus de retraite. Une analyse comparative des effets selon le sexe ferait partie des exigences.

Enfin, nous avons fait des propositions pour régler le problème des négociations fédérales-provinciales sur le RPC dont le manque de transparence ne permet pas un examen public, ce qui nuit à la responsabilisation politique. Il est particulièrement important de tenir des audiences parlementaires publiques avant que le gouvernement fédéral ne s'entende avec les provinces sur des questions concernant le RPC.

Nous avons résumé brièvement les propos que nous avons tenus au comité de la Chambre des communes, en particulier nos observations sur l'office d'investissement du RPC et sur la reddition des comptes. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question sur la composition du conseil d'administration. Selon vous, ses membres ne devraient pas être en majorité des experts ou des experts sur les pensions. Quelles qualités rechercheriez-vous chez les membres de l'office?

M. Martin: Nous n'avons pas parlé d'experts sur les pensions; nous songions plutôt à des experts en placements. D'après ce que nous en savons, ces experts ont foncièrement pour but de maximiser le rendement du fonds sans tenir compte de l'ensemble des questions sociales touchant les bénéficiaires et les cotisants. C'est pourquoi nous croyons qu'ils ont leur place, qu'il doit y avoir de tels experts à l'office, mais que le grand public, y compris le mouvement syndical, doit aussi y être représenté.

Quelles sont les qualités requises? Il faut certainement quelqu'un qui comprenne le Régime de pensions du Canada. Je pense qu'il faut quelqu'un qui connaît bien les régimes de retraite du secteur privé mais qui n'est pas nécessairement expert en placements; quelqu'un qui apportera une vision plus large à l'administration de la caisse et qui facilitera la reddition des comptes.

Le sénateur Callbeck: Et la représentation régionale? Croyez-vous qu'elle est importante?

M. Martin: Je crois que la représentation régionale est importante parce que, comme nous le mentionnons dans notre mémoire, il faut tenir compte de toute la question de l'emploi. Évidemment, les problèmes d'emploi varient d'une province à l'autre et d'une région à l'autre, selon les ressources, et cetera.

Nous croyons aussi qu'il faut des femmes s'intéressant particulièrement à la problématique des femmes plus âgées au pays. C'est aussi un aspect important.

Le sénateur Callbeck: Quelle devrait être la durée du mandat et autoriseriez-vous des mandats successifs?

M. Martin: Je ne crois pas que nous nous soyons penchés sur ces questions, mais il me semble qu'un mandat de trois ans environ serait bien.

Le sénateur Stewart: Je m'intéresse aux objectifs que vous avez en tête pour l'office d'investissement. Vous nous amenez à vous demander si, selon vous, cette modification apportée est vraiment souhaitable ou si le Parlement aurait dû conserver l'ancien système consistant à percevoir les primes et à investir l'argent, si l'on peut dire, dans le développement économique régional, dans la création d'emplois, comme vous dites, en plus de verser des pensions. Les objectifs que vous avez en tête n'étaient-ils pas réalisés par l'ancien système mieux que par le nouveau?

M. Martin: Mon collègue, M. Baldwin, voudra peut-être vous dire quelques mots là-dessus, mais je vais tenter de répondre à certaines de vos questions.

Nous ne nous sommes pas fermement opposés au projet de loi, hormis ses dispositions concernant la composition du conseil d'administration. Nous insistons aussi sur le fait très net que l'avenir du plan ne doit pas reposer uniquement sur les revenus de placements, que ça doit demeurer un régime par répartition. Il faut faire une étude approfondie des taux de cotisation et des prestations tant actuels que futurs. Quand il est question de placements, il ne faut pas se tourner uniquement vers les gars aux bretelles rouges. Il faut considérer le développement et la croissance de l'économie, et non pas se contenter d'investir dans les actions minières parce qu'elles sont en hausse. Il faut tenir compte du nombre d'emplois créés par l'entreprise dans laquelle on souhaite investir. Il est important de faire des choix de placement responsables et le RPC pourrait donner l'exemple au Canada.

Enfin, pour répondre à votre question, les gens ne comprennent pas, effectivement, que l'ancien régime était très utile pour le développement régional puisque les provinces empruntaient de l'argent. Les gens ont l'air de croire que les provinces ne remboursaient pas, mais c'est faux. Elles payaient même en plus un taux d'intérêt raisonnable. Ce n'était pas gratuit. Cet argent servait au développement de l'infrastructure. Ce n'était pas mal et je crois qu'on a pu accomplir ainsi beaucoup de choses utiles. Néanmoins, le nouveau système pourrait réaliser en partie la même chose.

M. Robert D. Baldwin, directeur, Politique sociale et économique: Vous voulez savoir si on a fait une erreur. J'espère que vous avez eu le temps de lire le mémoire que nous avons présenté au comité parlementaire. Pour le meilleur et pour le pire, nous avons manifesté beaucoup d'ambivalence au sujet de l'accroissement du fonds depuis que le gouvernement fédéral a fait connaître ses intentions au début de 1996.

On avait deux motifs de l'augmenter. Le premier, c'est que beaucoup de monde croyait que c'était nécessaire. Nous vous l'avons déjà dit, ce n'est pas sans importance. Si les gens ont l'impression que le régime n'est pas solide, c'est que, dans une certaine mesure, il ne les sécurise pas comme il le devrait.

L'autre argument repose sur la situation économique des 17 dernières années environ, une période qui tire à sa fin, je l'espère. Dans la conjoncture actuelle, le rendement des avoirs financiers est sensiblement supérieur au taux de la croissance économique réelle. C'est une bien fâcheuse situation pour la création d'emplois. On peut trouver des avantages à l'accroissement du fonds de réserve. Comme nous le soulignons dans le mémoire, la constitution du fonds peut être inquiétante pour une foule de raisons, toutefois, notamment parce qu'il provoque nettement des malentendus sur les assises financières du régime.

La sécurité du nouveau fonds, même s'il est plus important, ne repose pas sur le rendement des avoirs financiers. Elle repose surtout sur les taux de croissance des revenus et de l'emploi. C'est fondamentalement un régime de retraite par répartition. La constitution du fonds aura des répercussions économiques négatives à court terme qui n'ont pas été bien évaluées jusqu'à présent.

On se demande si le marché canadien des valeurs mobilières peut vraiment absorber l'argent qu'accumulera ce fonds plus élevé. On exercera énormément de pression sur vous pour que le plafond des placements étrangers dans les régimes de retraite soit élevé.

On comprend mal le rapport entre ce nouveau fonds et les taux d'épargne et d'investissement à long terme. Disons en gros que, dans bien des milieux, on croit à tort qu'une hausse du taux d'épargne de la caisse du RPC entraînera automatiquement une augmentation de la croissance de l'économie et des investissements. Cette idée n'est pas fondée, mais néanmoins, ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre. Personnellement, je pense que les mécanismes d'avant le projet de loi C-2 auraient été viables pendant de nombreuses années encore. Je sais aussi que les avis sont partagés sur la question, mais je ne pense pas que ce soit très net.

Le sénateur Angus: Le témoin dit que ce n'est pas fondé du tout. De quelle façon? On dit que le fonds va stimuler la croissance, que ce sera une bénédiction pour l'économie, que ça aura un effet massif, et ainsi de suite. Vous dites qu'il n'y a rien de vrai là-dedans.

M. Baldwin: Le fonctionnement des régimes de pensions publics fait l'objet de vifs débats depuis le milieu des années 70. À l'époque, on publiait des articles prétendant démontrer que les États-Unis avaient sacrifié une part considérable de croissance économique et d'investissements à cause du fonctionnement de leur régime équivalant à la SV et au RPC qu'ils ont combinés en un seul programme.

Depuis, plusieurs études ont porté sur la même question. Il n'y a rien de concluant. À ce propos, vous connaissez peut-être un rapport produit par la Banque mondiale il y a quelques années, intitulé «Averting the Old Age Crisis», qui trompettait la conclusion de principe qu'il fallait se servir du régime de pensions pour promouvoir une hausse de l'épargne afin de favoriser l'investissement dans la croissance économique. Quand on lit le passage traitant la question, on constate que la Banque mondiale reconnaît l'absence de données concluantes, que ce soit pour ou contre.

Le sénateur Angus: Dois-je déduire de vos propos que vous êtes contre toute modification de la règle des 20 p. 100?

M. Martin: Oui. Comme l'a souligné M. Baldwin, nous croyons que d'intenses pressions seront exercées pour que le plafond soit relevé.

Le sénateur Angus: Effectivement. Quand cet immense fonds commencera à fructifier, la capacité limitée du marché -- c'est-à-dire, s'il y a un plafond de 20 p. 100 -- soulèvera aussi toute la question des politiques de placement passif par opposition au placement actif.

M. Martin: Vous avez raison. Je pense qu'une fausseté circule. Depuis quelques années, il y a eu des gains spectaculaires à la bourse, mais c'est irréel et il devrait y avoir une correction dans un avenir rapproché. À moins que les marchés canadiens suivent une tendance à la hausse jusqu'à atteindre des niveaux irréalistes, sans rapport avec la valeur réelle d'une entreprise et d'autres éléments, à cause des sommes considérables qu'on cherchera à placer.

Tous les spécialistes des fonds communs de placement le disent: «N'espérez plus des taux de rendement à deux chiffres». Nous croyons qu'à un moment donné, ce sera la même chose pour tout le marché boursier. Ça nuira donc à l'économie et peut-être même aux placements du Régime de pensions du Canada.

Le sénateur Angus: Ce que le témoin vient de dire contredit ce qu'il a dit tout à l'heure. Vous avez insisté sur la question de la responsabilisation politique dont j'aimerais traiter une fois que le sénateur Oliver aura posé ses questions. Je voudrais savoir ce que vous entendez au juste par là.

Si vous êtes contre la suppression du plafond de 20 p. 100 ou son relèvement à 30 p. 100, ou encore son élimination graduelle -- quel que soit le modèle que vous préconisiez -- il y aura de nouvelles ingérences politiques. Le marché est limité au Canada et les investissements à l'étranger sont plafonnés à 20 p. 100, puis voilà qu'arrive ce gigantesque investisseur institutionnel qui est obligé de s'en tenir à des placements canadiens. À mon avis -- et je crois que certains de mes collègues qui étaient au comité lors des audiences de la semaine dernière, ou de la semaine précédente, en conviendront -- ça ne pourra qu'accroître l'ingérence politique. C'est précisément ce à quoi vous vous opposez. Saisissez-vous la contradiction?

M. Martin: Non, pas du tout.

Le sénateur Angus: Nous essaierons de la préciser tout à l'heure.

Le sénateur Oliver: Je suis d'accord avec le sénateur Angus. C'est l'un des aspects dont je veux traiter.

Vos commentaires sur le conflit d'intérêts m'intéressent et je voudrais aussi discuter de l'idée de faire des placements en maximisant les rendements et en évitant, si possible, les risques que cela comporte.

Premièrement, en ce qui concerne les conflits d'intérêts, j'ai trouvé vos observations de la page 14, fascinantes. Vous dites que l'office, s'il est dominé par des experts en investissements, connaîtra régulièrement des conflits d'intérêts. Qu'est-ce que vous recommandez pour parer à une situation comme celle décrite dans votre mémoire? Comment éviter les conflits d'intérêts?

M. Martin: Ce sera très difficile. Ça découle de l'affirmation que le conseil d'administration ne devrait pas être composé uniquement d'experts en placements. La population canadienne et même certaines institutions devraient y avoir des représentants.

Le sénateur Oliver: Supposons que le conseil d'administration compte 12 personnes dont trois sont des spécialistes en placements. D'après vous, les trois seront toujours en conflit d'intérêts. Que recommandez-vous?

M. Martin: Il faudra les trier sur le volet. On pourrait par exemple choisir un spécialiste des placements qui est professeur d'université; c'est-à-dire quelqu'un qui comprend bien l'investissement mais qui ne travaille pas pour une entreprise ou une organisation qui fait des placements. Ce serait un universitaire compétent qui ne s'occupe pas professionnellement de faire des placements.

Il y a beaucoup de monde dans cette situation. Notre expert au Congrès du travail du Canada, M. Baldwin, ne s'occupe pas d'investir notre argent. C'est moi qui suis censé le faire. Lui, il pourrait faire profiter le conseil d'administration de son expertise. Il y en a d'autres aussi, par exemple des actuaires, qui feraient l'affaire.

D'après nous, les courtiers en valeurs mobilières ou les conseillers en placement se trouveraient en conflit d'intérêts s'ils étaient membre du conseil, parce qu'ils pourraient décider d'investir l'argent du Régime de pensions du Canada dans certains titres pour en faire monter les cours. Il y a un énorme risque de conflits d'intérêts. Il faudra choisir des membres parmi le grand public.

M. Baldwin: C'est vraiment important et sans rapport avec la question soulevée par le sénateur Angus. Le plus frappant dans les portefeuilles des régimes de retraite d'entreprise, c'est leur faible diversification. Généralement, même dans les grandes entreprises, le portefeuille renferme des actions d'à peine une cinquantaine de sociétés différentes. Quand je demande aux gens dans le domaine quelle proportion des avoirs est investie dans des entreprises du TSE 300, on me répond régulièrement qu'elle varie entre 80 et 90 p. 100; ça signifie des placements considérables dans un très petit nombre d'entreprises différentes.

Le CTC ne mâche pas ses mots dans le mémoire parce qu'il sera très difficile pour quiconque s'occupe activement de la gestion d'une caisse de retraite de siéger au conseil d'administration en faisant abstraction de la répercussion des transactions de l'office sur la valeur des portefeuilles qu'il gère pour quelqu'un d'autre. Je pense que c'est une forme de conflit d'intérêts différente de celle bien personnelle visée au projet de loi C-2. Le comité voudra sans doute interroger à ce sujet d'autres témoins plus proches du monde des placements que nous.

Si vous voulez une proposition concrète, j'ai aussi pensé à des gens d'affaires à la retraite qui, sans être actifs, conservent leur expertise dont le conseil d'administration pourrait profiter.

Je pense que quiconque s'occupe quotidiennement de placements ne pourra pas s'empêcher de penser de temps à autre qu'en faisant telle chose, son client Untel pourra -- vous voyez ce que je veux dire. Ce sera extrêmement difficile.

Le sénateur Oliver: Un conseil de 12 membres chargé d'administrer un fonds de 100 milliards de dollars, par exemple, ne va pas prendre des décisions sur certaines actions en particulier. Il aura beaucoup de conseillers, vous ne croyez pas?

M. Baldwin: C'est vrai. D'ailleurs, le projet de loi C-2 prévoit la création d'un comité de placement mais, je vous l'ai dit, l'univers dans lequel nous traitons n'est pas très grand. Vous aurez du mal à trouver des professionnels n'ayant aucun intérêt aux décisions sur la répartition de l'actif. Je présume que ces décisions seront prises par le conseil d'administration ou par son comité de placement. Comme j'ai dit tout à l'heure que l'éventail des titres était assez réduit, les décisions sur l'investissement de l'actif auront de nettes répercussions sur le prix des actions, par exemple, que les membres du conseil n'ignoreront pas.

Le sénateur Oliver: Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec vous; j'essaie simplement de connaître votre opinion sur un aspect qui me trouble.

L'autre question qui m'intéresse, c'est la maximisation du rendement et ce dont il faudrait tenir compte, selon vous, c'est-à-dire la croissance soutenue des revenus et de l'emploi, et l'économie en général dont dépend surtout le rendement. Voilà ce dont il faudrait se préoccuper d'après vous. Supposons que vous êtes administrateur et que vous êtes qualifié pour faire des placements. Je vous remets 1 000 $ à investir en mon nom en précisant: «Je ne vous demande que deux choses: maximiser le rendement de ces 1 000 $ et éviter les risques trop élevés. Je ne veux pas perdre mon argent.» Voilà votre mandat. Vous assumez alors certaines obligations fiduciaires relativement à mon argent. Vous n'allez pas commencer par étudier la situation de l'emploi, l'argent en circulation, et cetera. Vous devez vous en tenir au mandat que je vous ai donné -- tout comme l'office d'investissement du RPC devra le faire.

M. Martin: Ce n'est pas de ça dont nous traitons dans notre mémoire. Ce n'est pas une simple question de maximisation du rendement. Il faut aussi ajouter un objectif social plus général. Après tout, il est question de sommes faramineuses qui peuvent avoir un effet déterminant, négatif ou positif, sur la conjoncture et les perspectives économiques du Canada.

Une question d'un sénateur tout à l'heure sur la régionalisation et les problèmes d'emploi et de revenu à régler dans les diverses régions du Canada, sur l'opportunité de cibler des industries précises, m'amène à vous parler de placements responsables. Il faut vérifier si les entreprises ont un dossier irréprochable en matière d'environnement, de relations de travail et de relations avec la collectivité, et cetera. L'investissement de la caisse du RPC peut avoir une forte influence pour le meilleur ou pour le pire. Nous croyons donc que l'office ne devrait pas avoir pour seule mission d'obtenir un bon rendement.

Le sénateur Oliver: Comme le sénateur Stewart vous l'a laissé entendre, l'ancien régime ne visait pas qu'un bon rendement. Le gouvernement fédéral avait l'habitude de prêter de l'argent aux provinces, à un taux très bas, pour les dépanner et c'est ainsi que nous, les futurs bénéficiaires, avons soudain constater qu'il n'y avait plus assez d'argent. On a essayé cette formule et ça ne marche pas.

M. Martin: Ce grand débat se poursuit. Les gens doivent comprendre que ça restera plus ou moins un régime par répartition. On ne veut pas que les citoyens, les membres de nos syndicats, se disent: «On s'en tire à bon compte; les placements vont suffire à financer entièrement le Régime de pensions du Canada.» C'est faux. Il faudra quand même un certain taux de cotisation pour le financer et ce taux dépendra des niveaux d'emploi et de l'importance des revenus. Selon nous, il est dangereux de les séparer en affirmant que ce sera un nouveau régime raffiné de pensions du Canada alors qu'en réalité, le régime conserve son importante mission d'assurer la participation du public et de tenir compte de certains éléments comme les niveaux d'emploi et tout le reste.

Le vice-président: Est-ce qu'au Congrès du travail du Canada vous choisissez vos membres d'après la moralité des entreprises? Il y en a peut-être qui travaillent dans une industrie qui n'a pas de bonnes politiques écologistes. En tenez-vous compte dans le choix de vos membres? Est-ce une question à laquelle vous préférez ne pas répondre?

M. Martin: Non. Nous acceptons les membres que nous trouvons.

Le vice-président: Je comprends. Alors, dans la constitution du portefeuille de titres, ne trouvez-vous pas qu'il y a une contradiction lorsque vous prenez des décisions politiques qui sont, comme on dit, écologiquement ou socialement correctes? Vous investissez peut-être dans des sociétés où travaillent une partie de vos membres. Serait-il équitable pour vos membres d'éviter les entreprises où vous avez beaucoup de membres mais qui, d'après vous, ont des politiques sociales ou environnementales incompatibles avec vos conditions de placement et dans lesquelles on refuse donc que le RPC investisse? Ne serait-ce pas injuste pour vos propres membres?

M. Martin: Le CTC est truffé de contradictions. Toute la société est truffée de contradictions et nous ne faisons pas exception. Cependant, le Régime de pensions du Canada ne sera pas le seul investisseur en lice. Il y a énormément de capitaux privés qui seront investis dans ces entreprises, y compris l'argent des caisses de retraite syndicales, qui est investi de multiples façons. Nous ne croyons pas que ce serait nécessairement discriminatoire.

À vrai dire, le mouvement syndical a eu une grande discussion sur toute la question des placements responsables et du rôle des syndicats aux commissions de pensions, pour savoir à quel niveau il fallait s'en mêler. Devrait-on essayer de contrôler les caisses de retraite entièrement ou conjointement? Les points de vue varient énormément selon les syndicats et au sein même du Congrès du travail du Canada. De façon générale, on veut avoir un mot à dire dans la gestion des caisses de retraite, mais l'opinion sur le degré de contrôle à exercer varie d'un syndicat à l'autre.

Le sénateur Angus: Messieurs, je vous remercie d'être venus. Vous n'êtes pas sans savoir que nous tenons des audiences quelque peu extraordinaires, puisque le Parlement a déjà adopté le projet de loi C-2 mais a suspendu l'entrée en vigueur de ses 52 ou 53 dispositions. Ces réunions nous permettent de mieux attirer l'attention des Canadiens sur certaines difficultés de la loi. Par conséquent, du moins de notre bord, nous sommes très heureux que vous comparaissiez.

Vous devriez étoffer un peu vos propos. Vous l'avez dit, vous ne mâchez pas vos mots dans le mémoire. D'ailleurs, dans vos remarques liminaires, vous avez dit que deux ou trois dispositions étaient tout à fait inacceptables à votre avis. Comme vous représentez un vaste segment de la population canadienne, nous avons besoin d'en savoir plus long parce que notre comité fera rapport au Sénat et réussira peut-être à influer sur la façon dont les choses se passeront, surtout relativement au conseil d'administration.

Des représentants du gouvernement ont comparu devant nous à Toronto la semaine dernière. Ils ont admis qu'ils allaient réfléchir sérieusement à nos suggestions.

Tout d'abord, discutons de la responsabilisation politique. Vous utilisez cette expression qui veut dire mille choses. Je comprends l'obligation redditionnelle d'un groupe de fiduciaires envers leur mandat, mais qu'entendez-vous par l'expression «responsabilisation politique» au sens plus large?

M. Baldwin: Depuis plusieurs années, nous sommes préoccupés par la façon dont la question du RPC est présentée ou plutôt n'est pas présentée aux Canadiens.

Nos préoccupations sont de deux ordres. D'une part, il y a eu de la documentation en masse sur les futures dépenses de programme du RPC, mais dans les documents rendus publics, il n'y a jamais eu de données correspondantes pour permettre aux gens de déterminer si les revenus des Canadiens à la retraite sont adéquats en ce moment et s'ils le seront à l'avenir. En corollaire, les Canadiens n'ont jamais obtenu de renseignements sur le rôle que joue le Régime de pensions du Canada pour fournir ces revenus, qu'ils soient suffisants ou non. Par conséquent, la question, à notre avis, n'a pas été présentée au public d'une façon équilibrée.

Nous avons fait des recommandations très concrètes sur la façon de corriger ce problème. La révision triennale régulière du taux de cotisation devrait notamment comporter une évaluation des revenus de retraite des personnes âgées d'aujourd'hui et des perspectives de revenus de retraite des personnes âgées de demain, en insistant particulièrement sur le rôle du RPC. Il y aurait aussi une analyse des sexospécificités.

De plus, chaque fois que des modifications au Régime de pensions du Canada sont déposées, il faudrait présenter en même temps non seulement les rapports actuariels requis depuis la création du RPC, mais aussi une évaluation des répercussions de la modification des prestations sur les retraités d'aujourd'hui et de demain, y compris les sous-ensembles pertinents.

Selon nous, on n'a pas réussi à présenter la question du RPC de façon à permettre aux gens de décider d'une façon éclairée si un taux de cotisation par répartition de 14,2 p. 100 est acceptable ou non. On leur dit simplement que ça ne l'est pas.

D'autre part, certains mécanismes entourant les négociations fédérales-provinciales et l'intervention du Parlement dans ce processus font problème.

Le sénateur Angus: À ce sujet, vous avez dit qu'à votre avis, les négociations avec les provinces n'étaient pas assez transparentes pour laisser entrevoir ce qui sous-tend certaines des ententes conclues.

M. Baldwin: Vous avez tout à fait raison. Nous croyons qu'il devrait y avoir des audiences parlementaires quelconques avant le début des négociations.

Vu notre expérience de la négociation collective, nous savons qu'il est impossible de tout négocier au grand jour, mais les syndicats entreprennent rarement une séance de négociation sans avoir informé leurs membres de leurs objectifs. Dans le cas du RPC, les négociations étaient déjà pas mal avancées quand on a entendu dire qu'elles étaient bornées par des paramètres assez stricts. Ensuite, tout s'est poursuivi à huis clos. Il y a finalement eu des audiences parlementaires, mais tant les députés que des gens comme nous se font dire qu'il ne faut pas changer une seule virgule parce que tout a été adopté.

Le sénateur Angus: On nous a dit: «C'est un fait accompli et il faut que ce soit adopté avant le 31 décembre.»

M. Baldwin: J'ai déjà entendu ça.

La transparence est importante au début du processus. L'ordre du jour des discussions devrait être public afin que les gens puissent décider s'il y a lieu pour eux d'intervenir ou non. Les gouvernements participants ont l'obligation de renseigner leurs électeurs sur les objectifs qu'ils visent.

En passant, tout ceci a été recommandé au gouvernement avant le début des travaux.

Le sénateur Angus: C'est vous qui en avez fait la recommandation?

M. Baldwin: Oui. Il me semble que nous n'avons même pas eu de réponse.

M. Martin: Il y a très longtemps, nous avons rencontré le ministre des Finances, M. Martin. Nous avons présenté plusieurs de ces questions aux fonctionnaires du ministère des Finances et au ministre lui-même. Nous leur avons dit que les Canadiens comprenaient très mal le rôle du Régime de pensions du Canada et son avenir.

Le gouvernement ne s'est pas rendu service -- et ça vaut quel que soit le gouvernement au pouvoir -- en expliquant le rôle du Régime de pensions du Canada et son avenir. Il a plutôt énervé les gens qui craignent la faillite.

Par exemple, j'avais une réunion avec un fonctionnaire d'Environnement Canada très instruit. Il a fait la remarque qu'il était mieux d'investir beaucoup dans les REER parce qu'il ne pouvait pas compter sur le Régime de pensions du Canada. Consterné, je lui ai demandé d'où il tenait ce renseignement. Eh bien il s'informe en lisant des déclarations faites par le Parti réformiste et des reportages négatifs.

Vous allez constater que les jeunes Canadiens sont persuadés qu'il n'y aura plus de Régime de pensions du Canada un jour. Ils croient que le régime va faire faillite et que ses fonds sont mal investis.

Seul le gouvernement peut corriger l'impression de la population canadienne. Il doit assurer la transparence de ses négociations. Il doit dire aux Canadiens où l'argent est investi et communiquer ses projections réelles.

Je trouve que le monde de la finance n'est pas d'un grand secours. Je veux parler du secteur privé. Il est dans son intérêt de miner le concept même du Régime de pensions du Canada. Il sert ses propres intérêts. Il rêve que soit adoptée l'idée de Preston Manning qui veut rendre les REER obligatoires. Ne serait-ce pas merveilleux? Nous serions obligés d'investir dans le secteur privé pour assurer nos vieux jours.

Évidemment, nous sommes contre cette proposition, mais si l'on veut qu'elle soit rejetée, le gouvernement doit expliquer comme il faut ce qu'est le Régime de pensions du Canada. Il doit aussi assurer la transparence de ses négociations futures avec les provinces.

Comme nous le disons dans notre mémoire, nous sommes contents qu'il y ait une révision à tous les trois ans parce que c'est important.

Le sénateur Angus: Vous venez d'expliquer la «responsabilisation politique». Ça s'applique à l'économie de la loi et à la question qui a mené au nouveau projet de loi, ainsi qu'au problème courant.

Je passe maintenant au sujet plus pointu de la nomination au conseil d'administration. Comme vous le savez, un communiqué du gouvernement nous apprenait l'an dernier la nomination d'un comité des candidatures. Je pense que vous êtes au courant. Ce comité est présidé par Michael Phelps, p.-d.g. de Westcoast Energy Inc. Le comité a été formé et a même déjà présenté 20 candidatures dont 12 seront retenues. Êtes-vous au courant de ça?

M. Baldwin: Je sais qu'un comité des candidatures a été formé. Je n'ai pas trouvé ça particulièrement encourageant.

Le sénateur Angus: Il y avait une liste des membres, un représentant de chacune des provinces. Ce sont des personnes assez importantes et il faut présumer que les candidatures seront intéressantes. Cependant, des lignes directrices ou des paramètres sur le choix des candidatures et des administrateurs semblent faire cruellement défaut à cette démarche.

Si j'ai bien compris vos témoignages, c'est ce dont vous vous plaignez. Vous n'avez rien contre la nomination de trois, quatre ou cinq experts en placements, mais vous ne voulez pas de gars de Bay Street qui géreraient des portefeuilles privés en même temps, se plaçant ainsi en conflit d'intérêts. Cependant, ce ne serait pas mauvais d'avoir des retraités. Vous dites aussi que le conseil devrait être représentatif de certains groupes, avoir en quelque sorte un conseil d'intervenants, formé suivant certaines lignes directrices.

Nous pouvons présenter des recommandations. Comme l'a dit le sénateur Oliver, ce serait très utile pour nous si vous présentiez des propositions précises. Vous dites en avoir fait. Sont-elles toutes dans ce mémoire?

M. Baldwin: La question de la composition du conseil d'administration est à peine effleurée dans le mémoire. D'ailleurs, sans le savoir, vous avez paraphrasé presque tout ce qui s'y trouve sauf qu'en plus, nous attirons l'attention sur le fait que la disposition créant le conseil consultatif du Régime de pensions du Canada, abrogée par le projet de loi C-2, précisait que ce conseil devait être composé de représentants des employeurs, des employés et des travailleurs autonomes. C'est la seule disposition sur laquelle nous pouvons nous appuyer.

Nous avons aussi souligné le fait que le projet de loi C-2 prévoit que le conseil d'administration devrait comprendre des personnes ayant une compétence financière reconnue, mais sans limiter leur nombre. À notre avis, s'il s'agit de quatre ou cinq personnes sur 12, ça va, mais s'il s'agit de 12 personnes sur 12, c'est tout à fait inacceptable. Nous n'avons pas précisé quel devrait être leur nombre, mais peut-être voudrez-vous le faire.

Le sénateur Angus: Vous êtes très préoccupé par les antécédents ou le profil des administrateurs. Ça n'a rien à voir avec la politique. Vous trouvez seulement que, du point de vue des affaires, le choix des administrateurs est mal encadré.

M. Martin: C'est exact. De nos jours, on parle beaucoup du rôle de la société civile dans la conduite des affaires publiques.

Le sénateur Angus: Voulez-vous parler des règles générales du gouvernement d'entreprise?

M. Martin: Exact. Je veux parler de ça et de la façon d'y mêler la société. Il ne faudrait pas que ça se fasse en vase clos entre le gouvernement et les entreprises. En ce qui concerne la composition du conseil d'administration, nous sommes persuadés qu'il faudrait des représentants d'organisations féminines et probablement aussi des administrateurs représentant des organisations écologistes. Nous estimons évidemment avoir un rôle à jouer puisque nous représentons des millions de travailleurs canadiens, et pas seulement pour décider où investir l'argent.

Il faut savoir que les modifications apportées au Régime de pensions du Canada ont habituellement une incidence considérable sur les régimes privés que nous négocions avec les employeurs. Parfois, on n'en tient pas compte. Tous ces régimes de retraite sont touchés par les modifications apportées au Régime de pensions du Canada, que ce soit le niveau des prestations, l'entrée en vigueur des modifications, la retraite anticipée, et ainsi de suite. Parfois, quand il y a un seul régime de retraite, on n'en tient pas compte, mais il y a un nombre considérable de régimes dans l'entreprise privée.

Le sénateur Angus: J'allais aborder cette question juste après, au sujet des fonds multiples. Pour en finir avec la question du conseil d'administration, ce qui nous inquiète, c'est que les administrateurs seront nommés par décret ouvert. La première année, ce sera une période de rodage des mandats de trois ans où tout le monde tâtonnera pour se faire aux questions de l'investissement passif et pour faire fructifier la caisse de retraite. Ce seront des équipes de rodage si je peux dire. Nous craignons que par la suite, les gens s'assoupissent et que les nominations soient uniquement politiques, sans parler de certains points qui vous tracassent. Est-ce que vous partagez notre crainte?

M. Martin: Oui.

M. Baldwin: Il faut souligner aussi qu'il existe une foule de pratiques pour faire nommer des gens à divers conseils consultatifs en plus de ceux ayant un pouvoir exécutif. D'après mon expérience personnelle au conseil consultatif du Régime de pensions du Canada, à une ou deux exceptions près dont moi, les membres étaient nommés pour des motifs surtout partisans, quel que soit le gouvernement au pouvoir.

Le sénateur Angus: C'est ce qui nous inquiète.

M. Baldwin: Outre ce problème, il y a d'autres précédents que vous pouvez examiner et peut-être voudrez-vous pousser l'affaire plus loin. Je pense par exemple à la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre dont les membres sont officiellement nommés par décret après avoir été choisis en fait par des organisations représentant divers intérêts. Ainsi, il y a huit membres du monde des affaires dont les noms ont été proposés par un groupe d'entreprises directement intéressées par le travail de la commission.

Le sénateur Angus: C'est délicat.

M. Baldwin: C'est vrai, mais c'est important. Ça devient un problème quand on craint que toutes les nominations soient politiques.

Le sénateur Angus: Au sujet de la composition du conseil d'administration et des lignes directrices à donner au comité des candidatures, vous trouvez qu'il faut resserrer tout ça?

M. Martin: En effet.

Le sénateur Angus: Vous représentez les travailleurs canadiens, ceux qui non seulement cotisent au régime et à la caisse, mais ceux qui en bénéficieront ultimement. Vous avez donc un intérêt particulier à l'affaire. Il me semble que l'analogie la plus frappante pour ce type de caisse, c'est l'OMERS -- le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario -- et le régime des enseignants. Vous savez probablement que les administrateurs de ces régimes sont venus nous parler de leurs graves préoccupations. Voyez-vous une analogie? Je crois que ce sont deux modèles différents. Le modèle des employés municipaux n'est pas le même que celui des enseignants qui ressemble davantage à une gestion par les intéressés comme celle que vous décrivez. À moins que ce ne soit le contraire. Je voudrais connaître votre opinion car nous pourrions peut-être tirer des leçons de leur expérience et les appliquer.

M. Martin: Je crois que le régime des enseignants est un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Disons essentiellement que la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, ainsi que les syndicats affiliés comme la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario et l'Ontario English Catholic Teachers se sont vivement opposés à la façon dont le régime de retraite des enseignants est administré. En pratique, ils n'ont pas un mot à dire sur les placements.

Le sénateur Oliver: Ils ont soulevé la question des placements responsables.

M. Martin: Effectivement. Je veux parler non seulement des relations de travail mais aussi de l'effet sur l'environnement. Ainsi, le régime de retraite a investi dans le centre commercial Bayshore. Je les taquine en disant: «Quel investissement formidable. C'est excellent pour vos membres et ça crée des tas d'emplois. Qu'est-ce que ça veut dire?» Leur caisse de retraite devrait servir à créer des emplois, pas seulement à maximiser le rendement. Nous croyons que l'un découle de l'autre. Si le conseil d'administration qui s'occupe des investissements a des préoccupations sociales, non seulement il prendra la meilleure décision pour l'ensemble de l'économie, mais il fera des profits par la même occasion. Les États-Unis ont une plus longue expérience de l'investissement responsable que le Canada. Or, il appert que les investissements responsables offrent, la plupart du temps, des rendements meilleurs que si l'on se préoccupe uniquement d'un rendement maximal à tout prix.

Personnellement, je me souviens du temps où on disait qu'il fallait investir tout l'argent des caisses de retraite, ou une bonne partie, en Asie du Sud-Est. Aujourd'hui, ceux qui ne l'ont pas fait s'en félicitent. Mais les investisseurs faisaient cette recommandation sans tenir compte des conditions de travail en Asie, du pressurage, du travail des enfants, de l'écologie, et cetera. Depuis, ils ont reçu un bon coup de pied au derrière et accusé évidemment des pertes.

Le sénateur Angus: Je vais revenir sur ce que vous dites, mais avant, je veux savoir quelle leçon on peut tirer du régime des employés municipaux puisque, selon vous, celui des enseignants est un bon modèle de ce qu'il ne faut pas faire.

M. Martin: Je ne connais pas très bien l'administration du régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario.

Le sénateur Angus: Si l'on cherche d'autres modèles au Canada, il y a toujours le régime de retraite du CN. Le connaissez-vous? Je présume que nombre de vos membres en sont des bénéficiaires. Si je ne m'abuse, c'est un régime qui n'est pas administré par des intéressés. Ça se fait surtout à l'interne suivant des principes assez fermes et les rendements sont excellents. Qu'en pensez-vous?

M. Baldwin: Le modèle qui marche et qui ressemble sans doute le plus à ce qu'on obtiendra, c'est celui de la Caisse de dépôt et placement.

Le sénateur Angus: On ne peut pas dire qu'elle soit indépendante du gouvernement.

M. Baldwin: C'est vrai, mais de tous les autres modèles de régime, c'est celui qui ressemblera le plus à ce que vous obtiendrez au bout du compte.

Il ne faut pas oublier non plus que tous ces modèles dont vous parlez, OMERS, le régime des enseignants et celui du CN, ont tous comme mode de financement la pleine capitalisation provisionnelle. Le rendement des investissements joue un rôle beaucoup plus capital dans leur financement que dans celui du Régime de pensions du Canada, même si sa capitalisation est accrue.

À première vue, on pourrait dire que, pour un régime de retraite pleinement capitalisé, il est logique de se préoccuper exclusivement du taux de rendement, puisqu'on tente, la plupart du temps, de tirer sur les revenus tiers. À moins de faire des transactions intéressées avec la caisse de retraite, on essaie de tirer sur les revenus tiers de quoi payer les prestations aux retraités, une formule qui, pour un régime de pensions public national, sera de plus en plus compliquée.

De plus, en ce moment, on a un régime par capitalisation intégrale. Dans un tel régime, on peut dire qu'il faut se préoccuper exclusivement du taux de rendement. Par contre, sans une véritable activité économique pour sous-tendre ce qui se passe sur le marché des valeurs -- comme on a pu en voir trop d'exemples il n'y a pas si longtemps du cours de certaines valeurs tout à fait disproportionné par rapport à l'activité économique sous-jacente -- les gens finissent par vouloir liquider leurs titres pour avoir un revenu réel. Donc, même avec un régime par capitalisation intégrale, on ne peut pas faire totalement abstraction de l'activité économique réelle qui sous-tend les titres transigés.

Comme le régime conservera une formule de financement par répartition même après adoption du projet de loi C-2, sa force financière fondamentale dépend d'une croissance soutenue de l'emploi et des revenus. C'est pourquoi nous suggérons que la croissance de l'emploi et du revenu soit mentionnée d'une façon ou d'une autre dans la description de la mission et des pouvoirs de l'office. Nous n'allons certainement pas préconiser des placements de faveur. Vous allez trouver, à la page 12 de notre mémoire, notre tentative de concilier la croissance de l'emploi et des revenus, qui devrait être notre préoccupation première, avec l'obligation de rechercher un taux de rendement tout comme un régime de retraite de l'entreprise privée. Selon nous, l'office devrait avoir pour mission de placer son actif en vue de contribuer au maximum à la croissance des revenus et de l'emploi au Canada tout en s'exposant à des risques et en obtenant des rendements dont les niveaux seraient comparables à ceux des régimes de retraite des travailleurs.

Il ne s'agit donc pas de préconiser des placements de faveur. Nous prétendons simplement qu'au moment de choisir, il faut prendre en considération ce qu'impliquent les placements pour la croissance des revenus et de l'emploi, parce qu'elle est à la base de la viabilité du régime.

Le sénateur Oliver: C'est ouvrir la porte aux considérations politiques.

M. Baldwin: Tout jugement de valeur est politique et toute prise de décisions en implique des milliards. J'ajouterais même que si le modèle général du régime de retraite des employés municipaux ou des enseignants de l'Ontario n'est pas un exemple à suivre, on pourrait néanmoins essayer d'en tirer des leçons pour savoir ce qui arrive quand un important investisseur institutionnel -- ce que deviendra le RPC -- ne peut pas manifester sa satisfaction ou son mécontentement en vendant ses titres parce qu'il en tirera un prix moins intéressant s'il le fait. Ces gros investisseurs institutionnels doivent s'intéresser beaucoup plus activement que les petits investisseurs à la gestion quotidienne des entreprises dans lesquelles ils investissent. Si vous avez l'occasion de discuter à nouveau avec les gens des régimes des employés municipaux et des enseignants, vous devriez peut-être les interroger pour savoir ce qui arriverait si le modèle était appliqué à la caisse du RPC.

Le sénateur Angus: Avez-vous eu l'occasion de lire les règlements publiés par le gouvernement?

M. Martin: Non.

Le sénateur Angus: Ça vaudrait la peine parce que je crois qu'ils règlent certains des problèmes que vous soulevez. C'est important qu'on les ait et nous devrions nous occuper des problèmes qu'ils ne règlent pas.

Le sénateur Kenny: Vous avez dit qu'à votre avis, le RPC demeurerait un régime par répartition, contrairement aux deux autres dont vous avez parlé. Il est donc sous-entendu qu'il existe des caisses de retraite ayant réussi à créer des emplois. Je ne me souviens pas d'une caisse de retraite qui aurait été grande créatrice d'emplois. Je n'ai jamais vu non plus de mesures indiquant qu'un fonds de retraite est particulièrement avantageux parce qu'il crée beaucoup d'emplois. Ce n'est pas ainsi qu'on mesure la réussite d'un fonds.

Je me demande pourquoi vous suggérez que le Régime de pensions du Canada soit considéré à l'avenir comme un fonds différent des autres.

Que répondez-vous à ça?

M. Martin: Vous avez raison, mais il est temps à notre avis que la création d'emplois serve d'étalon.

Tout d'abord, on parle de l'argent des Canadiens. Cependant, l'autre élément de la réponse c'est qu'une économie prospère, la création d'emplois et de bons niveaux de revenu servent les intérêts d'un régime de retraite. En soi, ce sont de bonnes choses, mais en plus, elles influent directement sur l'avenir du régime.

Le sénateur Kenny: Je comprends votre argument tautologique, mais je serais étonné que vous puissiez nommer une seule organisation pouvant prétendre que ses placements créent des emplois. Je n'imagine pas des gens en train d'affirmer tout d'un coup que le gouvernement réussit à créer des emplois. Nous en sommes venus à la conclusion que les gouvernements n'étaient pas forts en création d'emplois.

M. Martin: Les opinions divergent là-dessus.

Le sénateur Angus: Ça dépend du gouvernement.

Le sénateur Kenny: C'est évident, mais ça dépend aussi des politiques qu'on applique. Je voudrais que vous donniez des détails parce qu'il me semble que la clé de voûte de votre argument, c'est qu'il est possible pour une caisse de retraite de créer plus d'emplois si elle investit judicieusement. Si c'est vrai, je voudrais savoir quel est ce régime et quel en est le modèle.

M. Baldwin: Tout d'abord, j'avoue n'avoir jamais vu de données cherchant à mesurer la capacité de création d'emplois des caisses de retraite. Cependant, quand on est responsable d'un important fonds de pension et que la création d'emplois est un objectif, on peut faire des choses qu'on ne ferait pas normalement avec les placements d'un régime type.

Par exemple, on va accorder plus de place à l'investissement de capital-risque. On pourrait faire ce que j'ai pu observer chez certaines caisses de retraite de syndiqués de la construction, c'est-à-dire se concentrer sur la promotion immobilière afin de créer des emplois pour les syndiqués et d'occuper des créneaux du marché domiciliaire dont les promoteurs se désintéressent habituellement. On pourrait décider d'être un investisseur beaucoup plus patient ou même de jouer un rôle plus actif dans les entreprises où on a investi, ce qu'évitent la plupart des fonds de retraite.

Si vous voulez privilégier une société où les investissements sont subventionnés, il y a des précédents au Canada. La SCHL a déjà eu un programme pour suppléer le taux de rendement des placements de fonds de retraite qui investissaient dans les coopératives d'habitations. Même si on opte pour un monde sans placements subventionnés ni investissements de faveur, il y a probablement des placements différents de ce qu'un gestionnaire de fonds typique ferait. On pourrait aussi renoncer aux placements à l'étranger parce que ça ne crée aucun emploi au Canada.

Le sénateur Angus: Une chose est claire. La semaine dernière, on nous a expliqué la différence entre investissement passif et investissement actif. Le gouvernement a laissé entendre que, pendant les trois premières années, le RPC se contenterait d'investir passivement dans les indices.

Le président du régime de retraite des enseignants nous a dit que c'était une mauvaise idée qui créerait toutes sortes de difficultés. Ce qui ressort certainement de ce que vous dites, c'est que vous vous opposez tout à fait à l'investissement passif. Vous croyez qu'il faudrait une participation active directe en discutant avec les entreprises des questions d'éthique.

Je suis d'accord avec vous là-dessus. Il faudrait effectivement un engagement plus direct. Néanmoins, je trouve qu'il y a une contradiction. J'y ai fait allusion tout à l'heure mais vous avez dit ne pas en voir. La Caisse de dépôt est un exemple classique. Je suis certain que vous allez avoir des questions de ma collègue, le sénateur Hervieux-Payette. Nous habitons tous les deux au Québec et nous avons vu que ce fonds était utilisé comme un vecteur des politiques d'ordre public dans divers secteurs industriels, le cas le plus connu étant celui de Steinberg qui a maintenant disparu de la carte, ce qui a faussé tout ce secteur.

J'ignore si c'est mieux ainsi ou non, mais il me semble que cette façon de gérer l'argent des retraités constitue une ingérence imprudente de la part du gouvernement. C'est la pension du sénateur Hervieux-Payette et de moi-même et la situation est assez odieuse.

Pourtant, j'entends ces messieurs préconiser une telle formule. Est-ce que je vous ai mal compris?

M. Martin: Non, vous n'avez pas nécessairement mal compris. Ça nous ramène encore une fois à l'établissement des objectifs du conseil d'administration. De plus, nous convenons qu'il faut un investissement actif pour tout ce qui concerne l'éthique. Cependant, il arrivera que de mauvaises décisions soient prises. Ça ne garantit absolument pas que ce que nous conseillerons réussira systématiquement, mais dans l'ensemble, c'est un meilleur mode de gestion.

La réponse de M. Baldwin est tout à fait exacte. Le régime ne fonctionnera pas comme un fonds de retraite du secteur privé et il ne devrait pas le faire. Il y a toute une différence parce que le secteur privé est conçu pour des cotisants et bénéficiaires particuliers. C'est différent dans le cas d'un régime public qui devrait non seulement s'occuper des futurs retraités, mais aussi contribuer avantageusement à l'économie canadienne.

Nous ne nous faisons pas d'illusions; on ne pourra pas échapper complètement au côté politique. Nous cherchons plutôt à minimiser les décisions politiques crasses qui n'aident ni les Canadiens ni le régime de pensions. Ce n'est pas un chemin facile, mais c'est la voie à suivre. Selon nous, ces recommandations vont aider à éviter la prise de mauvaises décisions parce que les représentants des divers secteurs de l'économie vont se surveiller mutuellement et signaler tout placement intempestif ou toute mauvaise décision de placement.

Grâce à cette méthode ouverte, je crois qu'il n'y aura pas trop de mauvaises décisions. Comme vous le dites, la démarcation n'est pas nette et c'est délicat. Les termes sont contradictoires, mais je comprends ce que vous dites. En l'occurrence, le gouvernement a pris une décision de principe. Pour le moment, faites abstraction des moyens pris pour atteindre notre objectif. Faites abstraction du mode de nomination des administrateurs. Nous convenons de ne pas être d'accord. Il y a quelque chose qui cloche dans la représentation. Il n'y a aucune ligne directrice appropriée, pas de responsabilisation ni de transparence. Cependant, la décision de principe a été prise, à tort ou à raison, et le fonds devra se concentrer sur la maximisation des rendements, sur la constitution du fonds et sur les leçons tirées du passé afin de ne pas répéter les erreurs. Personnellement, je suis d'accord avec ce dernier élément.

Le sénateur Oliver: Il fait non de la tête.

M. Martin: Nous trouvons que c'est une mauvaise décision.

Le sénateur Angus: Je croyais être sur la même longueur d'onde que le mouvement syndical, mais je perçois maintenant une divergence.

M. Martin: Ce n'est pas que je désapprouve ce que vous dites. Nous sommes assez étonnés de la tournure des événements. On retrouve le langage des petits cercles fermés. Ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer. Nous ne préconisons certes pas un tel fonctionnement. Ce n'est pas parfait. On a parlé du manque de transparence même au moment des négociations avec les provinces. C'est l'argent des citoyens canadiens et, par conséquent, il faudrait que tout se fasse au grand jour.

Le sénateur Angus: C'est vrai. Il faut surmonter cet obstacle et exiger la transparence. Il faut au conseil d'administration des représentants de tous les principaux secteurs sociaux, économiques, et cetera. Ils sont là pour superviser, pas pour s'occuper des affaires courantes. Je suis certain qu'on établira une vaste bureaucratie. Espérons que le conseil d'administration aura la sagesse de choisir des gestionnaires compétents.

Après, si le conseil a pour mission de maximiser le rendement ou de se situer dans le premier quart, et cetera, c'est ce que je souhaite comme Canadien et comme futur retraité qui le deviendra peut-être même plus vite que je ne le pensais. Mais je n'aime pas entendre dire que le fonds ne pourra pas investir dans une entreprise donnée ou faire certains placements parce que serait politiquement mal vu, même si l'entreprise en question verse d'immenses dividendes et si la valeur de ses actions triple. Je ne suis pas à l'aise avec cette idée.

M. Martin: Nous ne cessons de le répéter. Il est aussi dans notre intérêt comme futurs retraités, pour en revenir à la question de l'économie, de tendre le plus possible vers le plein emploi et vers de bons revenus. Ces deux facteurs ont un effet direct sur le Régime de pensions du Canada de toute façon. Nous estimons que le RPC est le meilleur moyen de créer de l'emploi et de générer des revenus. Il y a aussi autre chose dont nous avons parlé. Du point de vue éthique, il sera dans l'intérêt du régime de faire de tels placements. Par la même occasion, il maximisera son rendement.

M. Baldwin: J'ajouterais que tout administrateur d'un régime de retraite veut que le rendement de son fonds se situe dans le premier quart, mais n'oubliez pas qu'il s'agit d'un régime par répartition. Que le taux de rendement se situe dans le premier quart ou dans le troisième, l'effet sur les cotisations des Canadiens sera infime.

Les taux de croissance de l'emploi et des revenus auront une incidence beaucoup plus marquée. C'est là-dessus qu'il faut se pencher. On se préoccupe trop du comité des placements et du choix des plus compétents. C'est secondaire au mode de financement du régime.

Je vous rappelle encore une fois que nous ne réclamons pas des placements de faveur. Nous ne prétendons pas non plus qu'il faut sacrifier le rendement. Étant donné ce qui s'est passé pour les fonds communs qui ont fait des placements responsables au Canada et aux États-Unis, nous savons qu'on n'a pas besoin de sacrifier son rendement quand on choisit ses placements suivant une grille responsable.

Le sénateur Angus: Je comprends et c'est un débat philosophique comme celui sur la règle des 20 p. 100. Nous ne sommes pas dans le même camp. J'espère que vous comparaîtrez à nouveau quand il sera question de la fusion des banques. Nous écouterons ce que vous aurez à dire.

M. Martin: Nous en avons long à dire là-dessus.

Le sénateur Angus: Je vous remercie pour vos commentaires.

Le vice-président: Par curiosité, combien de membres avez-vous?

M. Martin: Nous avons 2,3 millions de membres.

Le vice-président: Je présume que vous n'avez pas reçu de lettre du conseil consultatif et qu'on ne vous a pas non plus consultés sur les candidatures au conseil du Régime de pensions du Canada?

M. Martin: En effet.

La séance est levée.


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