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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 14 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


HALIFAX, le mercredi 18 mars 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 15 heures pour poursuivre son étude des dispositions sur la régie contenue dans la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (ancien projet de loi C-2).

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Notre premier témoin cet après-midi est M. Richard McAloney.

Monsieur McAloney, vous avez la parole.

M. Richard W. McAloney, président et directeur général, Nova Scotia Association of Health Organizations Pension Plan: Monsieur le président, mesdames et messieurs, le Régime de pensions du Canada joue un rôle important pour la région de l'Atlantique. Ainsi que je l'ai déclaré lorsque j'ai accepté cette invitation, je ne prétends pas tout connaître et disposer d'informations privilégiées. Je suis honoré, toutefois, qu'on me donne ici l'occasion de vous communiquer certaines observations brèves mais, je l'espère, de bon sens. Je dois dire que ce que je considère comme des observations de bon sens ne sont pas toujours suivies d'effet, de sorte que la question n'est peut-être pas tranchée. J'espère que je fais preuve de bon sens, après avoir passé plusieurs années à gérer des fonds de pension de plusieurs milliards de dollars dans le secteur public. Tout récemment, je suis passé dans le secteur privé, mais j'ai passé le plus gros de ma carrière à gérer des fonds de pension dans la fonction publique, notamment pour le compte de la province de la Nouvelle-Écosse.

Je voudrais tout d'abord vous parler du modèle de régie lui-même. Nous verrons au moment des questions si j'ai interprété trop strictement votre ordre du jour, mais la majorité de mes observations porte sur le modèle de régie. Je commencerai par féliciter les décideurs d'avoir choisi le modèle de régie indépendant et rejeté le modèle de régie fixé par la loi. Je pense que vous avez déjà entendu de nombreux experts venir témoigner de l'importance fondamentale que revêt l'établissement d'une bonne structure de régie. Les marchés des capitaux, et d'ailleurs tout l'environnement au sein duquel opèrent les fonds de pension institutionnels sont dynamiques. Je considère en fonction de mon expérience qu'il y aura toujours un décalage entre la loi -- souvent profond et significatif, d'ailleurs -- et l'environnement auquel elle doit s'adapter et sur lequel elle doit éventuellement influer.

Vous n'ignorez pas que les règles fiduciaires exigent que les régimes de pension soient administrés uniquement dans l'intérêt de leurs membres. À mon avis, un modèle régit par la loi empêcherait de répondre à cette obligation fiduciaire parce que le calendrier de mise à jour de la loi devant s'adapter à un environnement dynamique serait influencé par des facteurs autres que celui de l'intérêt des membres du Régime de pensions du Canada.

Je recommande que la loi puisse faire l'objet d'une interprétation aussi prudente que possible. Il faut bien entendu qu'à cela vienne s'ajouter un conseil d'administration solide. Les qualités exigées des membres du conseil sont les suivantes: tout d'abord, un sens du devoir -- soit l'intérêt, l'engagement et la disponibilité pour servir la collectivité; en second lieu, l'indépendance; enfin, en troisième lieu, un ensemble de connaissances et d'expériences qui, une fois que l'orientation aura été donnée, permettront au groupe que constituent les administrateurs de rassembler les connaissances générales sur les obligations fiduciaires, la Loi sur les pensions, les dispositions détaillées du RPC lui-même, ce qui revient à savoir exactement ce que promet le régime de pensions et comment l'administrer, les principes actuariels, les marchés des capitaux et la gestion des risques. S'ils font preuve en outre d'une bonne dose de scepticisme, ces administrateurs assureront un contrôle efficace sans se charger cependant de la direction.

Le Régime de pensions des NSAHO reprend le modèle de régie des politiques élaboré par John Carver pour s'assurer de la clarté, de l'efficacité et de la responsabilité des relations entre les administrateurs et la direction. Je signale qu'aux pages 23 et 25 du rapport Skinner sur les pratiques recommandées en matière d'administration des régimes de pension, on évoque ce modèle en disant qu'il contribue «à l'élaboration des meilleures politiques au sein du conseil d'administration.»

Pour résumer la question, je suis fermement convaincu que moins la loi impose de restrictions, mieux c'est. À mon avis, ce n'est pas en multipliant les évaluations et les audiences amenant à imposer des dispositions législatives que l'on se déchargera aussi bien de nos obligations fiduciaires dans un monde dynamique qu'un conseil d'administration compétent, dévoué et indépendant qui sait qu'il doit défendre uniquement les intérêts des membres du régime, qui agit en fonction de la loi en disposant d'une certaine souplesse et qui doit rendre des comptes.

M'écartant de notre véritable ordre du jour, j'aimerais vous présenter, si vous le permettez, quelques remarques accessoires sur certains détails que vous semblez avoir privilégiés lors de vos discussions antérieures. Le premier est celui de l'indexation par opposition à une gestion active. J'ai relevé que vous vous étiez particulièrement intéressés par la question de l'indexation lors de vos dernières audiences. Je reconnais que les témoins qui m'ont précédé ont plus d'expérience que moi, mais je tiens quand même à faire rapidement les observations suivantes tout en répétant que je tiens dûment compte de la somme de compétences et d'expérience qui sont à la base des observations faites par d'autres. Je ne voudrais pas, toutefois, que ces observations crédibles nous amènent à rejeter l'indexation d'un revers de main.

Je pense que l'indexation et la gestion active peuvent se compléter dans la mesure où il y a suffisamment de gestion active sur le marché pour que celui-ci soit raisonnablement efficace. Même si elle n'est pas «simple comme bonjour», l'indexation efficace est plus facile à réaliser qu'une gestion active efficace. Pour défendre en partie le régime actuel, je ferai observer qu'il est généralement plus sûr d'apprendre d'abord à marcher et ensuite à courir. Après tout, les opérations d'investissement sur le marché du Régime de pensions du Canada révisé n'en sont qu'à leurs débuts. Lorsqu'on nous dit que certains investisseurs vont essayer de devancer la partie indexée du fonds du RPC, c'est vrai -- mais cet effet sur l'indexation existe déjà au Canada. Il est bien évident, toutefois, qu'il faut prendre des précautions, car l'arrivée d'un autre gros pratiquant de l'indexation ne pourrait qu'exacerber «l'effet d'indexation.»

Sur la question du rapport entre administration interne ou externe, je suis parti du principe dans mes observations précédentes que le nouvel office s'orientera vers l'administration interne des éléments d'actif et des stratégies d'investissement qu'il est plus facile de gérer à l'interne plutôt que de l'extérieur. Les statistiques du secteur corroborent cette hypothèse, mais seulement au sein des organisations qui ne comportent pas de barrières artificielles; les barrières artificielles peuvent amener à utiliser des ressources non optimales, qui peuvent peser sur le rendement. Bien évidemment, c'est le meilleur rendement qui prime. J'imagine que vous avez entendu ou que vous entendrez des conseillers en investissement qui n'ont pas la même opinion sur la question.

J'évoquerai en dernier la distribution des éléments d'actif, élément qui est quand même le plus important sur le plan des investissements d'un régime de pension. Je suis sûr que vous avez entendu dire très souvent que la distribution des éléments d'actif explique dans une proportion de 80 à 95 p. 100 les différences de rendement. Étant donné que la distribution actuelle est de 100 p. 100 en titres à revenu fixe libellés en dollars canadiens, une stratégie d'investissement axée uniquement sur l'intérêt des membres du régime doit amener une diversification dans d'autres formes d'investissement aussi rapidement que le permettront effectivement les marchés.

Toute restriction amenant à administrer les «nouveaux éléments d'actif» à l'intérieur d'un portefeuille distinct de celui des «éléments d'actif existants» ne serait pas conforme à l'objectif qui est d'investir uniquement dans l'intérêt des membres du régime. Il s'agit d'un régime de pension n'ayant qu'un seul portefeuille d'éléments d'actif correspondant à un passif unique.

Voilà, monsieur le président, qui met fin aux observations que j'ai rédigées. Je suis prêt à donner tous les éclaircissements que vous souhaiterez et à répondre à toutes vos questions.

Si vous me le permettez, toutefois, après avoir entendu tout à l'heure le témoignage de M. Van Loon et celui de M. Cayo, j'aimerais préciser un certain nombre de choses.

Tout d'abord, j'insiste sur le fait que même si les questions que vous êtes en train d'examiner sont bien sûr très importantes et que nous devons tenter de les résoudre du mieux que nous pouvons, il ne nous faut pas oublier que le mieux est l'ennemi du bien. Il vaut mieux avoir à peu près raison que tout à fait tort. Je tiens tout d'abord à vous féliciter pour les mesures très significatives qui ont été prises pour renforcer le Régime de pensions du Canada.

La plupart des observations que j'ai entendues aujourd'hui ont porté sur le volet des investissements. Le volet des investissements ne représente que la moitié des activités d'un régime de pension. L'autre moitié porte sur l'administration des prestations et la coordination des deux parties du bilan, l'actif et le passif. Je n'ai pas entendu parler de la question aujourd'hui, même si je suis sûr qu'elle est considérée. Je suis d'ailleurs en désaccord avec l'un des intervenants antérieurs, qui a laissé entendre que le rendement du Régime de pensions du Canada avait été jusqu'à présent catastrophique. J'imagine qu'il est parti du principe que les difficultés éprouvées jusqu'à présent par le Régime de pensions du Canada étaient dues au rendement de ses investissements. Ce n'est pas mon analyse. Mon analyse, c'est que le rendement des investissements a été tout à fait acceptable, même si l'on peut se demander s'il faut attribuer cela à la chance ou à une bonne administration. N'est-ce pas une chance d'avoir choisi d'investir uniquement dans des titres à revenu fixe et de le faire, du moins pour la majorité d'entre eux, au début des années 80 alors que les taux d'intérêt étaient très élevés, ce qui nous a permis de bénéficier jusqu'à présent de conditions très favorables sur ces investissements? Il se peut bien que ce soit dû à la chance; il n'en reste pas moins que si le Régime de pensions du Canada s'est retrouvé en difficulté, ce n'est pas dû, à mon avis, à des questions d'investissement, mais davantage au fait que l'on a négligé de planifier à long terme les stratégies de financement appropriées, de faire des projections concernant le passif, etc. Je me rends compte qu'il y avait d'autres enjeux sociaux, que l'objectif à l'époque n'était pas uniquement de créer un régime de pension bien financé, mais je tiens néanmoins à insister sur le fait que l'investissement n'est pas la seule dimension d'un régime de pension bien géré.

Je tiens aussi à reprendre l'argumentation que de nombreux intervenants vous ont probablement présentée au sujet des dispositions sur les biens étrangers. À mon avis, elles n'ont pas véritablement leur raison d'être et elles entraînent des frais d'application inutiles dans le cadre des stratégies d'investissement. Comme on vous l'a certainement expliqué à maintes reprises, le recours aux produits dérivés peut permettre de tourner facilement le règlement, même si cela entraîne probablement des frais d'application secondaires et si cela a des inconvénients. Lorsqu'on analyse les positions de base des différentes parties aux contrats, positions qui déterminent les opérations portant sur ces produits dérivés, au bout du compte quelqu'un, quelque part, fait vraisemblablement ce qui aurait été fait en l'absence de toute restriction sur les biens étrangers. Je ne pense pas que cela réponde à un objectif utile. Une formation supplémentaire s'impose pour faire comprendre les réalités à la partie de la population canadienne qui croit d'une certaine façon que l'on protège nos emplois au Canada en limitant la propriété étrangère.

Il reste donc peut-être encore à faire un travail d'explication, mais je ne crois pas que ça réponde à un objectif utile. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui préconisent que l'on relève dans un premier temps la limite pour finalement la supprimer.

Même si je n'ai plus de parti pris -- je ne travaille plus dans la fonction publique -- je ne manquerai pas de souscrire aux observations faites par M. Van Loon concernant le rejet automatique des 20 p. 100 -- je crois que c'est le chiffre qu'il a employé -- des participants au Régime de pensions du Canada ne devant pas avoir la possibilité de prendre part à son administration. Je ne comprends pas la raison de cette décision.

Voilà qui met fin à mes observations, monsieur le président.

Le vice-président: Comment opérez-vous au sein de l'organisation dont vous administrez le régime de pension? À qui rendez-vous des comptes?

M. McAloney: Je rends des comptes au conseil des fiduciaires. Il y a 16 administrateurs fiduciaires.

Le vice-président: Du régime de pension?

M. McAloney: Oui, du régime de pension lui-même. On l'a récemment restructuré. Il n'en était pas ainsi auparavant; je n'ai été engagé qu'en janvier 1998. Avant janvier 1998, j'étais à l'emploi, je vous l'ai dit, de la province de la Nouvelle-Écosse, et cela fait partie de son opération de restructuration, engager un PDG et faire en sorte qu'il rende directement des comptes aux administrateurs fiduciaires qui sont légalement responsables du régime de pension. Jusqu'alors, je crois savoir qu'il y avait une relation assez floue entre les fiduciaires du régime de pension, le conseil d'administration de l'organisation, et cetera. Il y a eu une restructuration et cette relation est à mon avis très claire à l'heure actuelle.

Le vice-président: Qui nomme les fiduciaires et quels sont les membres de ce conseil de fiduciaires?

M. McAloney: Ils sont nommés par les différents établissements qui prennent part au régime de pension. C'est un régime de pension regroupant de multiples employeurs qui réunit la plupart des hôpitaux et certains services de soins à long terme dans la province de la Nouvelle-Écosse. Différents regroupements d'hôpitaux disposent du droit de nommer des membres.

Le vice-président: Ils sont les représentants des bénéficiaires.

M. McAloney: Oui. C'est un terme assez général. On peut l'interpréter de nombreuses façons mais, de manière générale, oui.

Le vice-président: Le conseil de l'organisation nomme les fiduciaires. Comment les fiduciaires rendent-ils des comptes? Y a-t-il un mécanisme leur permettant de rendre compte de ce qui se passe au sein du régime de pension auprès du conseil qui représente tous les employés?

M. McAloney: Oui. Un rapport annuel sera remis officiellement chaque année au conseil pour l'ensemble de l'organisation, l'HAO. Il y aura des communications plus fréquentes étant donné que le conseil a le droit de nommer un membre au sein du conseil des fiduciaires du régime de pension. Un membre du conseil siégera au sein du conseil des fiduciaires du régime de pension et les fiduciaires, dans leur ensemble, remettront chaque année un rapport au conseil de l'HAO.

Le vice-président: Je ne sais pas si vous avez examiné la loi, mais considérez-vous que l'on rend bien compte de ce qui se passe aux bénéficiaires? Comment vous apparaît le mécanisme officiel actuel du Régime de pensions du Canada qui doit permettre de rendre des comptes aux bénéficiaires?

M. McAloney: Les exigences officielles de compte rendu telles qu'elles existent à l'heure actuelle?

Le vice-président: Telles qu'elles devraient exister dans la loi qui est proposée. Je veux savoir si vous avez aperçu quelque chose qui m'a échappé.

M. McAloney: Je ne me souviens pas des détails, mais je pense qu'il y a les principes de responsabilité et de transparence. Je me souviens de les avoir vus et j'en suis certainement partisan. Pour ce qui est d'un compte rendu officiel, y avait-il un rapport annuel? Je pense que ce serait suffisant.

Le vice-président: Vous ne pensez pas que le conseil d'administration devrait être tenu de rencontrer les députés ou les membres du comité des finances ou encore de parler à un autre responsable; autrement dit, ils pourraient vaquer à leurs occupations sans que personne ne sache ce qu'ils font? C'est ainsi que procèdent vos fiduciaires?

M. McAloney: Je pense que vous pourriez exiger des comptes rendus plus fréquents si des parties prenantes l'exigeaient, en vertu du principe de la transparence, et il faut tout faire pour respecter ce principe. Il est fondamental de pouvoir faire confiance au conseil et je propose de tout faire pour établir cette confiance.

Là encore, c'est une situation qui va évoluer et il est préférable de recourir le moins possible au règlement ou à la loi et de faire appel le plus possible à de bons principes et a des gens raisonnables qui, à la tête de l'institution, respectent ces principes à mesure que l'on avance, notamment sur le plan de la transparence, autrement dit, en présentant tous les comptes rendus devant permettre d'asseoir cette crédibilité.

Le sénateur Oliver: Une fois que ce conseil d'administration sera constitué, le président soumettra probablement à la discussion l'énoncé de mission ou la vision de l'office. Si l'on tient compte du fait que ce fonds d'investissement est à long terme et qu'il devrait se monter à 100 milliards de dollars dans 10 ou 12 ans, quels sont à votre avis les principes dont devrait se doter ce premier conseil d'administration pour arrêter sa politique?

M. McAloney: Il est clair que s'il a les mains libres -- et je souhaite de tout coeur que ce soit le cas -- pour administrer le fonds uniquement en fonction des intérêts financiers à long terme des membres du régime, il faudrait qu'il fasse tout son possible au départ pour comprendre la nature du passif. L'objectif du régime, tel que je le comprends, du moins, est de payer des pensions lorsqu'elles sont dues. Par conséquent, je souhaiterais avant tout que tous les administrateurs consacrent énormément de temps à essayer de comprendre la nature exacte des promesses faites dans le cadre du Régime de pensions du Canada et les forces qui influent sur ce passif, que ce soit au niveau des montants, des échéances, et cetera.

Le sénateur Oliver: Est-ce que selon vous ce fonds et cet office ainsi constitués aux termes de la loi réussiront à financer 100 p. 100 du passif? Est-ce votre avis?

M. McAloney: Non, ce n'est pas l'objectif pour l'instant. Mais je vous répète que le mieux est l'ennemi du bien; nous revenons de loin. J'ai oublié à quel niveau exact de financement on prévoit d'atteindre un palier.

Le sénateur Oliver: Le financement ne sera pas intégral. Autrement dit, il y a un décalage entre les montants qu'ils devront investir et le passif qu'ils devront apurer?

M. McAloney: Selon les hypothèses actuelles, je crois me souvenir qu'il n'est pas prévu d'atteindre les 100 p. 100. Je peux me tromper, cependant, car il y a déjà un certain temps que je n'ai pas examiné la question en détail. Rappelons que nous avons affaire à un environnement dynamique. Ainsi, si l'on pouvait bénéficier des rendements extraordinaires -- et je ne prédis pas que ce sera le cas -- dont nous avons bénéficié au cours des dernières années, la situation pourrait facilement changer et l'objectif pourrait être éventuellement relevé pour atteindre un ratio de financement -- dont je ne me souviens plus du montant; 30 p. 100, 60 p. 100.

Le vice-président: Lors de la dernière séance je pense que l'on a parlé d'un ratio de 20/80 -- 20 p. 100 seraient financés par le fonds et le reste, 80 p. 100, directement par les retenues sur les salaires. Je pense que c'est la répartition.

M. McAloney: Je me référais, je pense, à un autre ratio, monsieur le président, celui qui fait que l'actif du fonds va augmenter jusqu'à atteindre un certain pourcentage du total du passif -- et je ne me souviens plus si c'était 30 ou 60 p. 100, mais on ne prévoyait pas que ça aille bien plus haut.

Le vice-président: Nous avons entendu parler de 20 p. 100.

M. McAloney: Quoi qu'il en soit, je considère que nous ne devons jamais oublier l'objectif final, qui est un financement à 100 p. 100, mais je vous répète qu'il faut rester pratique et avancer par étapes.

Le sénateur Oliver: Quel est l'objectif que doit se fixer l'office pour ce qui est du financement du passif: 20 p. 100, 30 p. 100, 50 p. 100, 100 p. 100? Que pourcentage doit-il envisager puisque vous nous dites qu'il ne doit pas oublier le passif? Quel pourcentage du passif?

M. McAloney: Le pourcentage prévu par le régime actuel. Ainsi, si c'est 20 p. 100, je ne pense pas qu'il soit possible dans la pratique d'aller bien plus loin. On a déjà fait valoir à bon droit les conséquences de cette taxe, par exemple les ponctions financières imposées aux employés et aux employeurs, et cetera. Évidemment, il est hors de question dans un avenir prévisible de relever les cotisations et il faut donc être réaliste et accepter cet objectif.

Pour en revenir à la question posée à l'origine au sujet de l'énoncé de mission, je pense qu'il leur faut avant tout bien comprendre ce passif et les prévisions prises en compte dans le régime. Ce doit être à mon avis le nord magnétique qui doit orienter leur boussole dans tous leurs projets à l'avenir.

Le sénateur Oliver: Quoi d'autre doit figurer dans leur énoncé de mission? Si vous étiez invité lors de leur première séance pour leur dire ce qui doit figurer dans leur énoncé de mission, quel serait votre avis en tant que professionnel?

M. McAloney: Tout d'abord, comprendre le passif. S'ils comprennent le passif, on peut espérer que cela leur ouvrirait des perspectives leur permettant de comprendre les activités du régime de pension, tant du côté de l'actif que du passif du bilan. Il est fondamental d'avoir une bonne régie. S'ils devaient retenir le modèle de régie des politiques de Carver, il leur faudrait tout d'abord envisager d'établir des politiques dans quatre domaines précis. Carver parle de politiques axées sur les objectifs finaux, sur ce qui est bon pour les gens à un coût donné, selon sa terminologie. En l'espèce, je présume qu'il leur faudra disposer des crédits nécessaires pour maintenir le ratio de financement à un taux donné, 20 p. 100 ou tout autre pourcentage exigé par le régime, et pour s'acquitter de leurs obligations liées aux pensions lorsqu'elles viennent à échéance. Je considère que ce sera là le premier objectif.

Il y aura aussi des objectifs secondaires, mais je ne pense pas que l'on puisse avoir plusieurs objectifs au même niveau, par exemple, ne pas bouleverser les marchés des capitaux canadiens, et d'autres objectifs de ce genre.

En vertu du modèle de Carver, il leur faudra établir des politiques dans trois autres domaines. Tout d'abord, la façon dont l'office lui-même va se régir; des questions telles que les pouvoirs du président, le fonctionnement éventuel de comité et, dans l'affirmative, les pouvoirs de ces comités, et cetera. Il y aura aussi le domaine des relations entre l'office et la direction; qu'il s'agisse du PDG ou d'un responsable ayant un autre titre. Le domaine suivant concerne ce que l'on appelle les limites imposées aux dirigeants.

Le modèle de Carver insiste avant tout sur les pouvoirs et non pas sur les limites, un nouveau système très utilisé qui s'oppose à l'ancien système que l'on retrouve dans nombre de services du gouvernement et qui consiste à exiger que la moindre chose soit approuvée par le supérieur hiérarchique. C'est ce que j'appelle tuer une mouche avec une masse. Si vous avez un sujet d'inquiétude, vous ne ralentissez pas toute l'opération en exigeant que tout le monde vienne vous demander une autorisation. Carver fait exactement le contraire. Il prescrit des limites aux dirigeants. Si vous avez un sujet d'inquiétude et si vous ne voulez pas accorder un pouvoir de délégation au PDG ou au personnel, quelque chose que vous ne voulez pas qu'ils soient habilités à faire, vous le prescrivez dans une limite imposée aux dirigeants. Ils sont habilités à faire toute autre chose que l'on peut interpréter raisonnablement comme devant permettre d'atteindre les objectifs ou les buts que l'on s'est fixés. L'office doit commencer par élaborer ces politiques. Il lui faudra ensuite engager le meilleur PDG qu'il pourra trouver.

Le sénateur Oliver: Quelle est la répartition des éléments d'actif que vous recommandez?

M. McAloney: Ce serait de ma part irresponsable de vous répondre dès maintenant parce que c'est à mon avis la plus importante des questions concernant les investissements. Pour y répondre, il faut bien réfléchir et mieux comprendre la nature du passif que je ne peux le faire actuellement.

Pour en revenir à mon leitmotiv qui consiste à dire qu'il est préférable d'avoir à peu près raison que tout à fait tort, je sais cependant que l'on aurait absolument tort d'avoir 100 p. 100 de titres à revenu fixe. Quant à la bonne répartition, chacun est juge, mais il est clair que dans leur majorité, les fonds s'approchent davantage de 50 p. 100 de valeurs mobilières et de 50 p. 100 de titres à revenu fixe que de 100 p. 100 d'un côté et zéro de l'autre.

Le fonds que j'administre actuellement se situe juste au-dessous du milliard de dollars; à la fin de l'année il était d'environ 980 millions de dollars.

Le sénateur Oliver: Quel est le rendement que vous obtenez?

M. McAloney: Je ne suis là que depuis trois ou quatre mois, mais pour l'année qui s'est terminée en 1997, nous nous sommes situés dans le premier quart des fonds de pension canadiens. Je ne me souviens pas du rendement exact.

Le sénateur Oliver: N'était-ce pas un peu plus de 15 p. 100?

M. McAloney: Oui, c'était autour de 15 p. 100.

C'est auprès de la province de la Nouvelle-Écosse que j'ai les plus longs états de service, et là nous nous sommes maintenus dans le haut du premier quart pendant la plupart des années, et certainement pour ce qui est de notre rendement sur 10 ans. Je pense que nous avons obtenu le meilleur rendement de tous les gros régimes de pension du Canada, ceux de 3 milliards de dollars et plus, au cours de l'année civile 1996. Je suis parti en décembre 1997 et je n'ai donc pas les derniers chiffres concernant la province.

Le sénateur Oliver: Combien de gestionnaires investissent dans votre fonds?

M. McAloney: Huit à peu près.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous investissez vous-même en compagnie de vos cadres?

M. McAloney: Non. Dans mon poste précédent, que j'ai quitté il y a trois mois, nous investissions plus de 50 p. 100 par l'intermédiaire de nos services internes. C'était un fonds bien plus gros, s'élevant à 5 milliards de dollars, et nous avions en outre des fonds d'amortissement, de sorte que l'actif de la province dépassait les 8 milliards de dollars. Dans mon nouveau poste, nous sommes à moins d'un milliard de dollars qui, pour l'instant, sont tous investis par des services extérieurs.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous que l'Office d'investissement du fonds de pension du Canada doit passer par des gestionnaires extérieurs pour investir ou faire confiance à ses propres services; quelle est votre recommandation?

M. McAloney: S'il a la possibilité d'agir indépendamment du gouvernement et de décider rationnellement lui-même s'il convient de faire faire par d'autres ou de faire soi-même, c'est ce qu'il doit faire. Après avoir bien étudié la question, il lui appartient de fixer la répartition de ses éléments d'actif. Pour chaque catégorie d'actif et chaque mode de mise en oeuvre à l'intérieur de cette catégorie, il lui faudra calculer les ressources internes dont il aura besoin. Si elles sont moins chères, il fera appel à des ressources internes; si elles sont plus chères, il s'adressera à des gestionnaires de l'extérieur.

Très rapidement, dans le cas d'un fonds appelé à devenir aussi gros que celui-ci au cours des prochaines années, je considère qu'il sera absolument rentable de faire appel aux services internes pour les titres canadiens à revenu fixe et certainement pour de nombreuses catégories de valeurs mobilières canadiennes. Pour ce qui est des valeurs mobilières des pays émergents, il faudra attendre beaucoup de temps pour que les montants investis justifient que l'on fasse appel aux services internes et l'on devra donc s'adresser à des services extérieurs, qui offriront un meilleur rendement. Il se peut très bien que la situation évolue. Au départ, on pourra faire appel exclusivement à des services extérieurs qui seront éventuellement plus rentables. Il n'en reste pas moins que pour un fonds de cette taille, nous disposons de nombreuses statistiques dans notre secteur qui indiquent que les coûts d'investissement des services internes sont bien plus faibles. En gros, on peut dire que c'est trois fois plus cher de passer par des services extérieurs que de faire appel aux services internes. Il y a plusieurs années, alors que j'étais au service de la province, j'ai calculé ce ratio pour les titres à revenu fixe et c'était 19 fois plus cher. Je ne propose pas que l'on suive ce modèle. Selon mon interprétation, nous manquions peut-être quelque peu de ressources et je ne proposerais jamais cette solution, mais il est clair cependant que les services internes reviennent meilleur marché.

Cette possibilité ne peut être envisagée qu'en l'absence de barrières artificielles venant limiter le rendement. Si par exemple il faut aller rendre visite sur place aux entreprises, il n'est pas question d'opérer au sein d'un environnement caractérisé par une règle stupide qui interdit que l'on prenne l'avion pour aller rencontrer une équipe de direction alors que c'est indispensable dans ce type de gestion des placements en valeurs mobilières. Dans ce cas-là, il est préférable de passer par des services extérieurs quel qu'en soit le coût parce que ce sont bien sûr les rendements qui comptent avant tout.

Le sénateur Oliver: Nombre de témoins sont venus dire au comité qu'un mandat de trois ans était trop au court au sein d'un conseil d'administration de cette nature, qui doit entre autres faire des investissements à long terme. Hier, un intervenant a recommandé un mandat de cinq à huit ans. Qu'en pensez-vous?

M. McAloney: Je pense que la loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit un mandat de trois ans avec une possibilité de renouvellement. Cela me paraît très bien. Évidemment, un mandat de plus de trois ans est préférable, mais on peut avoir besoin de faire des changements entre-temps. Je pense qu'un mandat de trois ans avec une possibilité de renouvellement est une bonne solution intermédiaire; elle permet de procéder plus facilement à des changements, si des changements s'avèrent nécessaires. Bien entendu, vous l'avez dit, il y a des décisions qui sont prises à long terme; c'est une tâche très complexe. Selon sa formation, la personne appelée à siéger au sein du conseil d'administration va beaucoup apprendre au cours des premières années et une reconduction après un premier mandat de trois ans lui sera à mon avis très bénéfique.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Pouvez-vous nous expliquer votre concept de l'indépendance des administrateurs? L'indépendance de qui? L'indépendance face à la communauté des affaires, l'indépendance personnelle de ne pas avoir d'actions dans les entreprises où le fonds investit?

Est-ce que les administrateurs doivent se départir de leur portefeuille personnel s'ils n'interviennent pas dans la gestion même mais plutôt dans les grandes directions du fonds?

Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'un certain pourcentage du fonds soit géré et investi dans la petite et moyenne entreprise par le biais de placements privés? Est-ce que vous prévoyez qu'un certain pourcentage pourrait être investi à ce niveau avant que les compagnies ne deviennent publiques?

[Traduction]

M. McAloney: Vous me demandez tout d'abord de préciser ce que j'entends par indépendance, s'il faut à mon avis que les administrateurs doivent mettre leurs placements personnels dans une fiducie sans droit de regard. Si l'on pose par exemple le principe que personne ne pourra tirer, directement ou indirectement, un profit personnel de sa participation à l'administration du Régime de pensions du Canada -- je me contente ici de réfléchir tout haut -- on est plus efficace qu'en intimant: «Vous ne devez pas faire ça et ça». Ainsi, si les employés d'un bureau de conseil en placements étaient appelés à siéger au sein du conseil d'administration, il faudrait au minimum qu'ils s'abstiennent d'intervenir dans les décisions d'embauche des gestionnaires. Cela ne veut pas dire qu'ils ne pourraient pas intervenir utilement dans d'autres décisions et se prononcer par exemple sur la répartition des éléments d'actif. Si le conseil d'administration envisageait de se lancer dans des activités dont l'un de ses membres pourrait tirer personnellement profit, ce membre devrait soit se déclarer en conflit d'intérêt, soit placer son portefeuille personnel dans une fiducie ou sous toute autre forme dont il n'a pas le contrôle.

Je ne peux pas dès maintenant vous donner une liste exhaustive de solutions impératives, mais sur le plan des principes, je considère que toute situation qui ferait qu'un membre du conseil d'administration pourrait retirer un profit personnel serait contraire à ce principe d'indépendance.

Le sénateur Hervieux-Payette: Au sein d'une organisation comme la vôtre, est-ce que vous gérez votre propre portefeuille ou est-ce qu'il est placé dans une fiducie sans droit de regard? Est-ce que votre conseil d'administration vous autorise ou non à vous occuper de vos propres placements?

M. McAloney: Même notre régime de 1 milliard de dollars, s'il devait être investi dans un sens, n'est pas suffisamment gros pour influer de manière significative sur le marché, à moins que nous ayons recours à des solutions extrêmes, de sorte que je n'ai pas la possibilité de devancer les investissements de mon portefeuille de 1 milliard de dollars pour en profiter, ni même le portefeuille de 8 milliards de dollars que j'administrais dans mon poste précédent, et que je ne peux pas en fait en retirer un véritable profit personnel, ce qui fait que la question ne s'est jamais posée.

Cela dit, ma situation sur le marché tient uniquement à ma réputation et l'on ne peut jamais être trop prudent en la matière. J'ajouterai qu'en ma qualité de membre de l'Institut canadien des comptables agréés, de l'Institute of Internal Auditors et de l'Institute of Chartered Financial Analysis, je suis tenu de respecter une telle pléthore de codes d'éthique que j'ai toujours peur de tourner à droite au feu rouge. C'est donc par la prudence que l'on évite les conflits d'intérêts potentiels.

Ce qui s'en rapproche le plus en ce qui me concerne, c'est une transaction que j'ai faite il y a un an lorsque j'ai réhypothéqué ma maison pour investir personnellement ce qui pour moi était un montant d'argent important même si, à l'échelle de l'institution, c'était tout à fait insignifiant. Je l'ai placé dans une entreprise qui gérait par ailleurs nos fonds, au bénéfice de la province, mais il n'y avait pas de conflit d'intérêts pour la raison, tout d'abord, que l'argent qui était géré pour le compte de la province était déjà pleinement investi, et ceci depuis plusieurs mois, avant que j'engage mon propre argent; c'était donc juste le contraire. S'il y avait un risque, c'est que mes intérêts personnels soient lésés en procédant ainsi. Si j'avais agi dans l'ordre inverse, on aurait pu percevoir l'existence d'un problème; en second lieu, même si je n'avais absolument aucune chance d'en tirer un profit personnel, avant de procéder à ce placement, je l'ai déclaré à notre comité consultatif, par simple mesure de précaution.

Le sénateur Hervieux-Payette: La deuxième partie de ma question porte sur les petites entreprises et les placements privés.

M. McAloney: Là encore, je ne suis pas favorable aux mesures impératives dictées par la loi. J'aimerais évidemment que l'office puisse s'engager dans cette voie, s'il juge bon de le faire, au moment où il le décidera, et pour les montants qui lui conviennent. Je pense qu'il sera mieux placé pour juger que quiconque, y compris les législateurs -- sans vouloir m'en prendre aux législateurs.

Le sénateur Callbeck: Pour ce qui est de l'investissement des fonds par l'office du RPC, je crois comprendre que pour vous le seul critère est le rendement. C'est bien ça?

M. McAloney: À condition que le risque soit acceptable. Il faut associer un rendement acceptable à un risque acceptable.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que vous avez huit agents de placement. Que leur demandez-vous, outre de réaliser des placements ayant un certain rendement? Leur demandez-vous d'investir davantage dans certaines actions ou dans certaines obligations?

M. McAloney: Oui, dans bien des cas c'est comme cela que ça se passe, mais uniquement pour respecter notre seul objectif qui est de protéger l'intérêt économique à long terme de nos cotisants. Comme le portefeuille est réparti entre plusieurs agents de placement -- je ne me souviens plus s'ils sont huit, neuf ou dix --, nous sommes tous responsables de la totalité des actifs de portefeuille ainsi que du rendement de tous les fonds placés. Nous leur prodiguons effectivement de nombreux conseils quant aux classes d'actifs dans lesquelles ils devraient investir. À part cela, le champ est libre. Nous n'appliquons pas d'autres objectifs, comme les investissements à vocation économique; nous ne leur disons pas, par exemple, d'investir ou de ne pas investir en Nouvelle-Écosse. On ne peut se permettre d'être indécis. On ne peut risquer de leur dire une chose à un moment donné et son contraire à un autre, car on risquerait de se contredire. Pour nous en tenir à un mandat clair, nous appliquons pour seul critère le taux de rendement. Nous leur donnons une idée du genre de répartition à réaliser entre les actions et les obligations. Par ailleurs, à cause de la pénalité fiscale imposée aux propriétaires de portefeuilles détenant plus de 20 p. 100 de titres étrangers, nous demandons aux agents de ne pas investir dans des placements susceptibles d'être jugés comme des placements étrangers en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Donc, nous conseillons nos agents sur ce genre de choses, mais sans plus pour qu'ils ne perdent pas de vue leur mandat qui est d'obtenir un rendement maximum en fonction d'un niveau de risque acceptable.

Le sénateur Callbeck: Combien de gens employez-vous? Je sais que vos fonds sont gérés à l'extérieur, mais combien de gens encadrez-vous sur place?

M. McAloney: Avant de vous répondre, je tiens à vous dire que nous sommes en pleine restructuration et que notre structure actuelle ne traduit rien d'autre que la situation d'une organisation en pleine mutation. Pour l'instant, je suis le seul à m'occuper de placements. Certes, j'ai d'autres tâches à assumer, notamment sur le plan administratif. De plus, nous avons instauré un lien étroit avec un cabinet d'experts conseils indépendants.

Le sénateur Callbeck: Vos frais administratifs sont-ils assez faibles?

M. McAloney: Oui, mais ce n'est pas forcément ce à quoi nous aspirons.

Le sénateur Callbeck: Vous faites état d'un certain nombre de critères à retenir dans le choix des membres du conseil. Dans votre liste, il n'est pas question de représentation régionale, ni de représentation féminine.

M. McAloney: Encore une fois, je ne vois pas en quoi cela contribuerait à ce que je crois être notre mission globale, soit de garantir une retraite aux cotisants au Régime de pensions du Canada. J'ai eu l'honneur de collaborer avec un grand nombre de femmes et de personnes appartenant à des groupes minoritaires, mais elles se trouvaient là pour leurs compétences et je ne vois aucune raison d'adopter un autre critère. Bien des gens, venant d'un peu tous les horizons, possèdent des compétences qui pourraient nous être utiles, mais je ne vois pas pourquoi d'autres critères devraient prédominer.

Le vice-président: Cinquante pour cent des bénéficiaires du régime sont des femmes et comme elles vivent plus longtemps que les hommes, elles percevront leurs prestations plus longtemps également. Ne devraient-elles pas être représentées? Ne devrait-on pas se fixer des objectifs du genre?

M. McAloney: Encore une fois, et pour en rester sur un plan très pratique, je ne crois pas qu'il faudrait inviter qui que ce soit à siéger au conseil parce qu'il appartient à un sexe plutôt qu'à l'autre, qu'il est gaucher ou autre chose. Les administrateurs devraient être choisis pour leurs compétences. C'est ce que je pense.

C'est ainsi qu'il faut s'y prendre pour gagner la confiance du public dès le début et pour que les gens jugent le processus crédible.

Le vice-président: Il y a sans doute plus de 12 ou 15 personnes en mesure d'administrer le Régime de pensions du Canada. Il y en a peut-être 100, 200 et qui sait même 500; je ne le sais pas! Une chose est sûre: si vous ne vous fixez pas d'objectifs, vous n'aboutirez nulle part. Aujourd'hui, par exemple, un témoin nous a déclaré que les postes vacants au comité consultatif avaient été annoncés, que les gens étaient au courant et qu'ils auraient pu déposer leur candidature, mais je ne le crois pas. Je ne pense pas qu'une seule personne de l'extérieur ait été en mesure de postuler. Quant à la communication, ce n'était pas de la publicité, mais un simple communiqué de presse.

Comment une personne, compétente par ailleurs, appartenant à la Fédération canadienne du travail ou employée par la province de l'Alberta, pourrait-elle être au courant des postes à combler, seuls les proches conseillers et les copains des actuels membres du comité étant vraiment au courant?

Cela étant, n'estimez-vous pas qu'il serait nécessaire d'établir des objectifs? Personnellement, c'est ce que je pense. Et vous, qu'en pensez-vous?

M. McAloney: Je ne suis pas venu ici pour apporter mon appui à la dernière campagne de sélection. Tout ce que je dis, c'est que le premier critère devrait être de répondre aux objectifs énoncés et à adhérer à l'énoncé de mission. Je suis tout à fait d'accord qu'il existe, au Canada, plus de 12 personnes compétentes en mesure d'assumer ce genre de fonctions, et je suis prêt à vous concéder que nombre d'entre elles sont des femmes, des gauchers ou des gauchères, des personnes de grande taille ou que sais-je encore.

Le vice-président: Les témoins que nous avons entendus nous ont exprimé des points de vue différents. Pour certains, les bénéficiaires veulent essentiellement d'un conseil apte à formuler des avis en matière de placement. D'autres estiment que certains groupes devraient être représentés. En revanche, personne n'a énoncé de critères et ce matin personne ne m'a aidé à ce propos, non plus. Autrement dit, on va certainement retrouver dans ces 12 conseillers choisis parmi 30 millions de Canadiens et de Canadiennes -- dont on ne sait combien de milliers pourraient faire l'affaire -- des avocats et peut-être des comptables. Devrait-il y avoir deux avocats? Ne devrait-il y en avoir qu'un seul? Devrait-on compter des agriculteurs? Il est nécessaire que le conseil soit non seulement représentatif des régions du Canada, mais aussi qu'il soit composé de personnes expertes en administration des caisses de retraite. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elles soient toutes des gourous en placement, n'est-ce pas?

M. McAloney: Effectivement pas.

Le vice-président: Vous êtes en train de recruter ces personnes, n'est-ce pas?

M. McAloney: Oui.

Le vice-président: Ne pensez-vous pas qu'il faudrait commencer par suivre l'avis du comité consultatif qui pourrait vous dire: «Voilà le genre de conseil que nous voulons et nous pensons que c'est telle ou telle composition qui nous permettra le mieux de défendre les intérêts des bénéficiaires»? Ne pensez-vous pas que c'est par cela qu'il faudrait, commencer plutôt que de choisir des noms au hasard? Je ne comprends pas ce que vous faites.

M. McAloney: Si l'on m'avait confié le recrutement -- Dieu merci ce ne fut pas le cas, parce que je suis certain que bien d'autres choses auraient été de travers -- je me serais fondé sur ma liste de critères. Loin de moi l'idée de suggérer que tout le monde au conseil doit être gourou en placement, mais ces gens-là devront pouvoir apprendre à contrôler les gourous en placement. Voilà quel serait mon critère premier.

Mon sens pratique m'aurait incité à garantir à tous les cotisants au régime que le recrutement est bien exécuté, et je me serais effectivement escrimé à obtenir une représentation régionale, à équilibrer la composition du conseil entre les hommes et les femmes et sans doute à faire appel à des représentants du milieu syndical. On m'a dit beaucoup de bien de la collaboration entre les administrateurs de fonds et les syndicats, par exemple.

Le vice-président: Tout à fait, comme avec les syndicats d'enseignants.

M. McAloney: Je ne prendrai sûrement pas le risque de miner la crédibilité des administrateurs en clamant qu'ils ont été choisis parce qu'ils viennent de la côte Ouest ou parce qu'il fallait des femmes. Tout cela ferait partie de l'équilibre général que je rechercherais dans la mise sur pied d'un conseil crédible et efficace, mais j'estime qu'il serait injuste de ma part de minimiser la compétence des administrateurs en donnant à penser qu'ils ont été nommés pour des raisons symboliques. Il y a beaucoup trop de gens compétents dans ces différentes catégories pour prendre ce risque.

Le sénateur Meighen: Je suis de plus en plus confus. Tout le monde semble s'entendre sur le fait que les membres du conseil de l'Office d'investissement doivent être choisis en fonction de leur capacité d'encadrer les agents de placement.

M. McAloney: Tout à fait.

Le sénateur Meighen: À quoi ressemblent ces gens-là? Où dois-je aller les chercher? Vous-même, par exemple, seriez-vous compétent pour encadrer des agents de placement?

M. McAloney: Je ne peux vous répondre en toute objectivité; il semble que d'autres personnes en aient jugé ainsi étant donné certaines des responsabilités qu'on m'a confiées dans les dix dernières années.

Le sénateur Meighen: Il s'agirait de personnes comme vous, possédant votre expérience du domaine.

M. McAloney: Je pense effectivement que je pourrais apporter ma contribution, mais encore une fois, mieux vaut ne pas s'appuyer sur des profils idéals, parce qu'il est certain qu'on recherche des gens d'horizons professionnels et intellectuels différents, ayant des points de vue également différents, que ce soit des hommes, des femmes, des gens d'âge mûr ou pas, et ainsi de suite. Vous ne voulez certainement pas vous retrouver avec 12 administrateurs ayant tous le même bagage et partageant un même point de vue.

Le sénateur Meighen: Donc, nous en revenons à ce que le président disait, et je ne me prononcerai pas à ce sujet, c'est-à-dire que nous avons besoin d'un conseil diversifié, composé de personnes intelligentes et intègres représentant le pays dans l'administration d'agents de placement.

M. McAloney: Encore une fois, je n'accorderais pas la priorité à la représentativité, que je reléguerais plutôt au bas de la liste. Le critère le plus important est la capacité d'appréhender globalement ce qu'il faut faire pour administrer une entreprise complexe, un régime de pension nécessitant la prise de décisions à long terme et l'encadrement d'un personnel qui, lui, travaille au niveau du détail.

Le sénateur Meighen: Peut-on revenir sur un sujet dont a déjà parlé le sénateur Oliver, entre autres, c'est-à-dire l'exercice du droit de vote par procuration. Quelle pratique suivez-vous à cet égard? Exercez-vous ce droit de vote ou donnez-vous des instructions à vos agents de placement? Comment vous y prenez-vous?

M. McAloney: Je ne puis que faire écho aux propos de M. Van Loon, parce que j'ai principalement acquis mon expérience à l'échelon provincial où la quasi-totalité de nos titres à revenus fixes était administrée à l'interne, par mon personnel, et où la quasi-totalité des placements en actions était réalisée à l'extérieur, par différentes firmes dont nous avions retenu les services. Donc, toutes les décisions de placement en actions étaient prises par des agents extérieurs parce que je les sentais plus proches que nous des compagnies dans lesquelles ils investissaient, et donc davantage en mesure de déterminer comment faire voter les procurations. Nous déléguions ce genre de décisions à des agents extérieurs que nous contrôlions par le truchement de la liste produite par Fairvest, comme M. Van Loon l'a dit ce matin. Nous n'intervenions directement qu'à titre exceptionnel, et quand quelque chose attirait notre attention, nous communiquions avec l'agent de placement pour voir s'il y avait lieu ou non de lui donner des consignes.

Le sénateur Meighen: Disposiez-vous d'une politique fixant l'examen du rendement des agents de placement, notamment quant à la régularité de tels examens? Dans l'affirmative, pensez-vous que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada devrait adopter la même formule?

M. McAloney: Je suis certain que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada jugera utile d'adopter une telle politique pour son pdg et son personnel. Si je siégeais au conseil, je demanderais à l'administration si elle dispose d'une telle politique, je voudrais savoir de quoi il en retourne et comment elle est mise en oeuvre; en outre, on pourrait peut-être faire davantage confiance à des membres du personnel qu'à des membres du conseil pour que cela soit fait efficacement. Si vous n'aviez pas confiance que cela se déroule au niveau du personnel, vous seriez aux prises avec un grave dilemme, mais je ne pense pas que le conseil devrait s'occuper de ce genre de chose.

Le sénateur Meighen: Ai-je bien compris que, pour vous, c'est le personnel qui doit être chargé de formuler au conseil les recommandations relatives au remplacement ou à l'engagement d'agents de placement? Ou estimez-vous qu'il devrait directement engager et congédier les agents?

M. McAloney: Je crois savoir que différentes organisations appliquent les deux méthodes à la fois. Dans certains cas, c'est le conseil qui se charge du recrutement et du congédiement des agents, dans d'autres, cette fonction est déléguée au personnel. Pour en revenir au principe à retenir, j'essaierais de faire correspondre le processus de décision avec le niveau de compétence le plus approprié. Ainsi, si j'avais l'impression que le conseil soit davantage en mesure de choisir les agents de placement qui réussiront demain et l'année prochaine, je me fierais à lui. En revanche, si je devais estimer que le personnel est mieux placé pour cela, je m'en remettrais au personnel et je le tiendrais responsable des résultats.

C'est le principe que j'appliquerais. Cependant, il faut savoir que dans la pratique les conseils ne veulent généralement pas déléguer cette responsabilité au personnel. Idéalement, il faudrait confier cette décision au palier le plus compétent pour la prendre et rendre responsable ceux qui prendraient la décision.

Le sénateur Meighen: Je ne vois cependant pas très bien où nous en arrivons avec tout cela. On se retrouverait avec un gentil conseil composé de gentils administrateurs intègres ne prenant aucune décision, en face d'un personnel prenant toutes les décisions; le conseil se réunirait occasionnellement pour entériner les décisions prises. Je suppose que les Canadiens et les Canadiennes tiendront le conseil responsable de ce qui se fait à l'Office, n'est-ce pas?

M. McAloney: C'est ce que je crois. Je n'ai toutefois pas l'impression de vous avoir répondu, comme vous semblez le suggérer, que le conseil ne prendrait aucune décision. Vous m'avez posé une question au sujet d'une décision bien particulière.

Le sénateur Meighen: Je suis d'accord, j'ai donné un peu trop de couleur à mon interprétation. Néanmoins, mais vous avez indiqué qu'il serait possible, suivant la compétence des uns et des autres, de déléguer au personnel l'entière responsabilité de l'engagement et du congédiement des agents en placement.

M. McAloney: Je pense que le mieux serait de commencer par là, c'est-à-dire en fonction des compétences qu'on trouverait aux divers échelons.

Le vice-président: Pensez-vous qu'au bout du compte, on tiendrait des politiciens responsables?

M. McAloney: Je pense que oui.

Le vice-président: C'est en fait le politicien qui serait tenu pour responsable. Voilà pourquoi c'est un problème aussi délicat.

Le sénateur Meighen: Vous m'avez bien répondu au sujet de l'évaluation du rendement des agents en placement, mais dites-moi, vous étiez-vous fixé des périodes d'évaluation? On a ici affaire au bon vieux tiraillement entre le fait d'indiquer à un employé le genre de rendement qu'il devrait donner sur une certaine période et le fait de ne pas tolérer trop longtemps un rendement défaillant.

M. McAloney: Effectivement. Encore une fois, je ne recommande rien de précis à cet égard. La période à envisager dans le cas du RPC devrait sûrement être de quatre ans: si son portefeuille a pris de la valeur au bout de quatre ans, l'agent reste, sinon, s'il en a perdu, il est congédié. Personnellement, je préfère ne pas fonctionner comme ça, mais tout dépend des situations. J'ai toujours dit à mes administrateurs, et c'est un principe que j'ai toujours appliqué avec leur appui, que la question n'est pas de se pencher sur un rendement passé, de récompenser les agents ayant augmenté la valeur de leur portefeuille en les gardant et en leur confiant d'autres dossiers, et de congédier ceux dont le portefeuille a perdu de la valeur. Le passé appartient au passé et il y a encore beaucoup d'eau qui va couler sous le pont. On ne peut rien changer à ce qui est passé. Nous ne pouvons prendre de décision qu'en fonction de la confiance que nous avons dans la capacité des agents en placement de faire prendre de la valeur à leur portefeuille; si, à un moment donné, je devais perdre confiance dans la capacité d'un agent ou si je ne le sentais plus compétent, je recommanderais qu'on le congédie immédiatement, que ce soit au bout d'un an ou au bout de dix ans d'emploi.

Encore une fois, tout dépend des circonstances. J'estime qu'il serait dangereux de recommander quelque chose de précis maintenant, de dire, par exemple, que si le portefeuille de l'agent a pris de la valeur au bout de quatre ans, celui-ci conservera son emploi et que, dans le cas contraire, il sera congédié.

Le sénateur Meighen: Ce qui est important, donc, c'est d'analyser régulièrement le rendement des portefeuilles?

M. McAloney: Effectivement. C'est ce que nous faisons chaque mois, mais nous ne nous intéressons pas uniquement au rendement. Nombre d'études ont établi que le rendement passé n'est pas un indicateur statistiquement significatif du rendement à venir. Bien d'autres éléments entrent en jeu, comme les modifications survenant dans le milieu de travail et qui pourraient perturber leur motivation, un changement de propriétaire ou de personnel, ou encore une modification des processus de placement. Au bout du compte, l'évaluation du rendement tient en partie à une science et en partie à un art, et le jugement y occupe une grande place.

Le sénateur James F. Kelleher (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le vice-président: Nous avons apprécié votre témoignage, monsieur McAloney, et je puis vous assurer que nous allons lire votre rapport avec grand intérêt. Nous veillerons d'ailleurs à vous payer les frais d'affranchissement.

M. McAloney: Bonne chance dans cette décision très importante.

Le vice-président: Nous devions normalement entendre M. Peter Marshall, mais comme il n'a pu se présenter, nous allons passer aux autres témoins, MM. Tom MacLaren et Robert McKim.

Avant de commencer votre exposé, vous pourriez peut-être nous présenter SEAMARK et nous parler de votre expérience dans ce domaine.

M. Robert G. McKim, président, SEAMARK Asset Management Ltd.: SEAMARK est un organisme de conseil financier situé dans le Canada atlantique, qui a été mis sur pied en 1982. Nous administrons actuellement 3 milliards de dollars en fonds de retraite et fonds de dotation, principalement dans le Canada atlantique, mais notre clientèle est aujourd'hui répartie dans l'ensemble du Canada. À partir de nos bureaux de Halifax, nous sommes parvenus à créer une entreprise pancanadienne qui possède une solide fiche de route en matière de placement et qui est fort bien cotée partout au Canada, selon les normes de l'industrie.

Nous sommes surtout spécialisés dans les fonds de placement équilibrés, bien que nous nous débrouillions pas mal aussi dans les placements en actions.

M. Tom MacLaren, vice-président, SEAMARK Asset Management Ltd.: Je vais rapidement vous présenter la façon dont SEAMARK repenserait la façon d'administrer le RPC. Une partie de ce que nous allons vous dire a déjà été exprimé dans des témoignages précédents et certains éléments s'appliquent tout à fait aux questions dont vous êtes saisis aujourd'hui.

Il y a trois ans, l'Institut canadien des actuaires a publié un rapport dans lequel il conclut que la majorité des Canadiens et des Canadiennes n'espère pas percevoir les prestations du RPC. Ce manque criant de confiance est le résultat de 32 années de mauvaise gestion du régime. À l'origine, le RPC était destiné à donner deux assurances fondamentales aux travailleurs canadiens: que le financement du régime serait suffisant pour garantir le versement des prestations promises et que chaque génération de travailleurs canadiens verserait des contributions raisonnables pour assurer le versement des prestations en question.

Le RPC est aujourd'hui très nettement sous-financé pour un certain nombre de raisons, notamment à cause du niveau des cotisations qui a été insuffisant au cours des trente dernières années, d'un objectif de placement qui a consisté à accorder aux provinces des taux de financement inférieurs à ceux du marché, et l'élargissement de la mission du régime qui incorpore maintenant les travailleurs handicapés.

Au vu de ces écueils de parcours et du manque de confiance du public envers le RPC, on voit bien que des changements s'imposent. Nous adhérons donc à la recommandation que vient de formuler l'Atlantic Institute for Market Studies, c'est-à-dire de permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de s'approprier en partie leur régime de retraite par le biais d'une privatisation du RPC.

D'ailleurs, prenant acte de ce manque de confiance du public envers le RPC, M. Paul Martin, ministre des Finances, devait déclarer ceci dans son discours du budget de mars 1996:

Le parti qui a créé le système de pensions dans ce pays se doit maintenant d'agir pour le préserver.

Il devait ajouter:

Tout d'abord, le RPC doit être placé sur des bases financières saines.

Pour SEAMARK, la privatisation du RPC permettrait justement d'asseoir le régime sur de telles bases saines.

La privatisation du régime de retraite du Chili, en 1981, est un excellent exemple du genre. Après cette opération, le niveau d'épargne retraite au Chili est passé de 3,6 p. 100 du PIB en 1982 à près de 50 p. 100 aujourd'hui. La main-d'oeuvre chilienne peut maintenant investir dans 20 fonds concurrents. Nous recommandons l'adoption d'une structure semblable au Canada.

Nous croyons que l'administration du RPC devrait être contrôlée par les cotisants eux-mêmes qui, à l'instar de ce qui se fait au Chili, devraient pouvoir choisir entre plusieurs des caisses concurrentes sélectionnées par le secteur public. On y trouverait, par exemple, des entreprises de gestion du secteur privé ayant une solide fiche de route et comptant au moins trois ans d'expérience. Les firmes de gestion de placement jouissent de l'indépendance et de la motivation voulue, et disposent des ressources et des talents nécessaires pour gérer les portefeuilles de façon productive.

Si le RPC devait continuer à être géré par le secteur public, les Canadiens et les Canadiennes n'y feraient plus du tout confiance à cause de la dichotomie apparente entre les objectifs sociaux et le rendement du fonds.

SEAMARK est intimement convaincue qu'il faudrait abolir les restrictions actuelles en matière d'investissements étrangers, qui sont imposées à la caisse de pensions canadienne. La loi exige que les régimes de retraite canadiens investissent 80 p. 100 de leurs actifs au Canada. Comme le montrent les rendements à court et à long terme des indices TSE 300 et S & P 500, cette loi a désavantagé les Canadiens.

Si nous avions investi 1 000 $ dans le TSE 300 et dans le S & P 500 le 1er janvier 1988, nous aurions obtenu 2 839 $ au TSE 300 et 5 791 $, en décembre dernier, au S & P 500.

Comme les Canadiens et les Canadiennes sont contraints d'investir 80 p. 100 de leurs fonds de retraite au Canada, plusieurs entreprises canadiennes sont cotées beaucoup plus que des compagnies équivalentes aux États-Unis ou en dehors de l'Amérique du Nord. Nous croyons que cette surévaluation typiquement canadienne est due à la surabondance des liquidités investies dans les caisses de retraite et à un nombre restreint d'occasions d'investissements valables au Canada.

J'ai dressé une liste d'exemples dans des domaines comparables afin que vous compreniez que sur une base ratio coût-bénéfice, la tendance est à la surévaluation des entreprises canadiennes.

L'actuelle limite d'investissement dans des valeurs étrangères, fixée à 20 p. 100, est une violation des libertés fondamentales. À cause de cela, le milieu international du placement considère qu'une telle protection est nécessaire parce que le système financier canadien est faible. Nous recommandons la suppression de ce plafond de 20 p. 100 imposé aux investissements étrangers. Nous croyons que les investisseurs canadiens seraient mieux servis si l'on élargissait leur univers de placement. En outre, nous sommes d'accord avec la nécessité d'agir sans tarder. Sous l'effet du relâchement des restrictions imposées en matière de contrôle des industries canadiennes, conformément à l'ALENA, et sous l'effet des méga fusions d'entreprises canadiennes cotées en bourse ainsi que du volant de financement promis par le RPC, l'univers des possibilités de placements en titres canadiens est en train de se comprimer, et cela va continuer de déterminer la composante rareté dans la valeur des investissements au Canada.

Pour conclure, nous estimons que les Canadiens et les Canadiennes seraient mieux servis si on leur donnait la possibilité de s'approprier leurs actifs du RPC. Cette mesure irait dans le sens de ce qui se fait dans le secteur privé qui a décidé d'opter pour des régimes à cotisations et non à prestations déterminées. Les prestataires du RPC et les contribuables canadiens devraient exiger que les actifs soient gérés par des agents de placement professionnels, indépendants et objectifs, cherchant à obtenir les meilleurs rendements sur un marché libre de toute restriction.

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

Le sénateur Kelleher: Malheureusement, votre exposé a porté en grande partie sur des aspects dont nous ne pouvons pas discuter, car la loi a été adoptée et que notre comité a simplement pour mandat d'en examiner certains articles, c'est-à-dire les articles 51 à 57, concernant l'aspect administratif du RPC. Nous ne sommes pas mandatés pour parler d'autres choses, c'est-à-dire pour recommander de passer un régime privé, comme vous le faites, ou au contraire de maintenir un régime public. En ce qui me concerne, du moins, je n'aborderai pas cette question, parce que ce n'est pas celle dont nous sommes saisis.

En revanche, j'aimerais vous poser une question à propos de ce que vous dites à la page 3 de votre mémoire. Vous expliquez pourquoi, selon vous, l'ancien régime -- c'est-à-dire, je crois, le régime actuel -- est très nettement sous-financé et vous mentionnez notamment à ce chapitre l'existence «d'un objectif de placement qui a consisté à accorder aux provinces des taux de financement inférieurs à ceux du marché».

Je ne sais si vous avez vu l'ébauche du règlement établi pour le régime, mais sachez qu'on y précise, à l'article 8, que la clause est assortie de l'engagement soutenu d'investir dans les titres de créance des provinces.

Personnellement, je n'en suis pas très heureux et je retiens de votre position que vous ne l'êtes pas non plus.

M. MacLaren: Dans le passé, le taux de financement correspondait au loyer de l'argent du gouvernement du Canada. On pourrait soutenir que n'importe quelle province doit payer un taux supérieur à ce que doit acquitter le gouvernement du Canada, qui dispose du meilleur crédit au pays. Quand nous disons que les provinces obtiennent un taux inférieur à celui du marché, nous voulons dire qu'elles devraient être tenues d'emprunter leurs capitaux à des taux supérieurs.

Le sénateur Kelleher: Je suis entièrement d'accord avec vous. Cependant, il se trouve que cette clause, dans le règlement proposé, suggère que l'Office aura non seulement le droit de poursuivre cette pratique, mais qu'il sera tenu -- en vertu de l'engagement du gouvernement du Canada --, d'investir dans les titres de créance des provinces. Je comprends les placements qui ont été réalisés à ce titre jusqu'ici, mais on suggère que cela devrait se poursuivre et je me demande comment vous réagissez à ce règlement proposé. C'est un article dont nous avons été saisis.

M. MacLaren: Dans notre mémoire, nous parlons de la différence entre faire du social et s'occuper de rendement. Il est possible que, dans bien des cas, une telle politique partagée n'aille pas dans le meilleur intérêt des retraités. En effet, en matière de pensions il y a une règle d'or à respecter: tout ce qu'on fait doit aller dans le sens du meilleur intérêt du retraité. Il y a certainement eu des causes juridiques où des administrateurs ont été réprimandés parce qu'ils avaient pris des décisions n'allant pas dans le meilleur intérêt des retraités. Il y a donc des difficultés à cet égard.

Allez-vous prêter au même taux que le taux d'emprunt du gouvernement du Canada?

Le sénateur Kelleher: Il semble que les choses vont continuer ainsi, mais vous pourriez peut-être nous donner une idée de l'écart de taux entre un investissement dans un instrument provincial et ce que vous pourriez obtenir sur le marché libre.

M. MacLaren: En général, il s'agit d'obligations de 20 et de 30 ans. Bien sûr, plus on investit dans des obligations à long terme, offrant un meilleur rendement, plus on court des risques. Cette façon de faire est certainement très intéressante dans le cas les provinces dont la cote de crédit est la plus faible, comme Terre-Neuve, qui se trouvent d'ailleurs majoritairement dans l'Est.

Le montant du prêt est-il déterminé en fonction de la somme reçue par les provinces au titre des contributions au RPC?

Le vice-président: Voilà comment les choses fonctionnent, et des gens sans doute plus intelligents que moi pourront me corriger: nous avons appris que les 30 milliards actuellement dus par les provinces au RPC seront reversés sur une période de trois ans. Voilà qui explique pourquoi il n'y aura presque rien dans le compte pendant trois ans, puisqu'il n'y aura que 9 milliards de dollars, je crois. Je ne sais pas quand cela va débuter. Par la suite, l'Office sera tenu par règlement, d'investir la moitié du Fonds dans des obligations provinciales. On ne précise pas combien chaque province devra obtenir, on sait que globalement ce sera 50 p. 100. Quant aux 30 milliards de dollars, il s'agit du montant qui sera reversé par les provinces.

M. McKim: L'engagement dont le sénateur Kelleher parlait, porte-t-il sur l'achat d'obligations provinciales pour faciliter le reversement?

Le vice-président: Non, ça vient après.

Le sénateur Kelleher: Cela inquiète certains d'entre nous, parce que nous n'y voyons pas le meilleur placement qui soit dans les meilleurs instruments disponibles et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus long sur ce qui vous préoccupe, vous personnellement.

M. MacLaren: Pour ce qui est de l'écart à long terme, vous frisez sans doute les 30 à 50 points de base, ce qui correspond donc à un tiers de pour cent, année après année, sur les 30 milliards de dollars. Les cotisants ont de quoi être préoccupés.

Le vice-président: Vous avez vu le tableau indiquant la somme qui sera disponible dans la caisse de retraite en l'an 2006. On parle soit de 100 milliards de dollars, soit de 70 milliards, l'écart de 30 milliards s'expliquant par le renouvellement du montant dû par les provinces. Les 30 milliards sont bel et bien un actif de la caisse, mais l'Office ne sera pas appelé à les administrer tout de suite. Ce montant sera bloqué pour les 20 prochaines années à un taux d'intérêt que les fonctionnaires sont en train de fixer. En revanche, l'Office devra se charger de placer les 70 milliards de dollars restant, dont la moitié dans des instruments provinciaux, en plus des 30 milliards reversables, si j'interprète bien le règlement.

M. MacLaren: Au taux du marché?

Le vice-président: Oui.

Le sénateur Kelleher: Nous supposons que cela a été négocié entre les provinces et le gouvernement fédéral dans le cadre de l'accord de mise en oeuvre de la nouvelle loi. C'est le prix que le gouvernement fédéral a dû payer aux provinces pour obtenir leur consentement. C'est du moins ce que je suppose.

M. McKim: Si les prêts aux provinces sont consentis suivant les écarts de taux couramment pratiqués sur le marché, vous pourriez toujours dire que vous êtes bénéficiaires à ce niveau.

Le sénateur Kelleher: Le ministère des Finances nous informe qu'à partir de maintenant les obligations seront négociées au taux du marché.

M. McKim: En ce sens, vous profitez donc de l'écart de 30 à 50 points de base, sans compter que vous diversifiez vos placements et que, dans ce cas, vous injectez pas mal d'argent pour éponger les dettes provinciales. Certes, ce n'est peut-être pas la meilleure chose à faire sur une période de 30 ans.

Pour en revenir à un problème plus général touchant aux objectifs que nous fixons à nos agents de placement, nous avons constaté que les clients essaient de les «piloter» en leur imposant un grand nombre de restrictions quant à la diversification du portefeuille et autres. De nos jours, les agents de placement sont sujets à de nombreuses pressions. Nous estimons que si tous les agents étaient appelés à faire la même chose, leur capacité d'agir différemment des autres, ou mieux, s'en trouverait réduite.

Le vice-président: J'ai demandé au greffier de communiquer avec le ministère des Finances pour vérifier que je ne me trompais pas dans les chiffres. Eh bien, il ne s'agit pas de 30, mais de 36 milliards de dollars qui seront renouvelés. Ainsi, je suppose qu'au cours des trois prochaines années, ce qui restera des 50 p. 100 que l'Office décidera d'investir dans des obligations devra l'être dans les titres de créance des provinces; après cette période, il disposera d'un peu plus de latitude. Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais je sais qu'il aura une plus grande discrétion en la matière.

M. MacLaren: On peut en partie expliquer le manque de confiance des Canadiens et des Canadiennes envers le RPC par tout ce «tripotage» et par le fait que les gens ne savent jamais quelle loi à caractère social va un jour leur tomber dessus. C'est un peu inquiétant.

Comme je le disais plus tôt, la règle d'or des administrateurs doit être d'agir dans le meilleur intérêt des retraités. Si ce meilleur intérêt coïncide avec celui du fonds de retraite, c'est parfait, mais dans tous les cas cette décision doit être prise au terme d'une réflexion et non être imposée a priori par quelque diktat énonçant la façon d'investir l'argent.

Le sénateur Kelleher: En un certain sens, le degré de latitude dont devrait disposer l'Office a déjà été supprimé, d'abord en ce qui concerne les agents de placement et aussi en ce qui concerne le conseil. D'une certaine façon, le gouvernement a mandaté -- mot que je préfère à votre «diktat» -- ce pouvoir discrétionnaire par voie de règlement.

Le sénateur Oliver: J'aimerais que vous m'expliquiez le dernier paragraphe de votre mémoire:

Les prestataires du RPC et les contribuables canadiens devraient exiger que les actifs soient gérés par des agents de placement professionnels, indépendants et objectifs, cherchant à obtenir les meilleurs rendements sur un marché libre de toute restriction.

J'ai deux choses à dire au sujet de cette remarque. D'abord, au sujet d'un «marché libre de toute restriction» et, deuxièmement, au sujet des «agents de placement professionnels, indépendants et objectifs».

Comme vous le savez, nous sommes venus à Halifax parce que le ministre des Finances nous a demandé d'examiner les dispositions de la loi concernant l'Office d'investissement du RPC. On nous a également demandé de nous pencher sur le règlement d'application qui vient d'être rédigé et envoyé aux provinces. La loi et le règlement précisent notamment la façon dont le conseil doit être administré et je me demande, à ce sujet, si vous ne pourriez pas nous donner votre avis de professionnel, quant au type d'agents de placement que l'Office devrait recruter. Devrait-il, lui aussi, confier une partie de son portefeuille à des agents extérieurs? Devrait-il confier la moitié ou la totalité de son portefeuille à des professionnels? Qu'en pensez-vous?

Deuxièmement, quels conseils nous donneriez-vous, pour que nous en fassions part au ministre, sur la façon de veiller à ce que cette caisse de 100 milliards de dollars ne fasse pas l'objet d'une ingérence politique? Que devrait-on recommander pour éviter de risquer que des membres du gouvernement ou des fonctionnaires plongent dans ce fonds? Nous aimerions obtenir votre avis sur ces deux aspects.

M. McKim: Je dirais que le secteur privé a davantage les coudées franches que des fonctionnaires.

Le sénateur Oliver: Est-ce que OMERS ou la caisse des enseignants n'administre pas une partie des fonds à l'interne?

M. McKim: Je ne dis pas que ces gens-là n'en administrent pas une partie à l'interne et je ne dis pas non plus que cela ne peut pas être fait, mais la plupart des Canadiens perçoivent le RPC comme une caisse mal gérée, dont ils ne bénéficieront pas. Peut-être que dans le cas du RPC il est davantage nécessaire d'adopter d'autres mesures pour en assurer l'intégrité, réelle ou perçue. Il est un fait qu'il existe, un peu partout au Canada, un grand nombre d'entreprises connues, indépendantes, spécialisées dans les conseils en placement. M. McAloney parlait de choisir des agents de placement pour administrer une partie de ce fonds à l'interne et d'engager des agents extérieurs pour les actions.

Le sénateur Oliver: Il a dit qu'il avait huit agents de placement.

M. MacLaren: Nous avons constaté que des entreprises comme Ontario Hydro, OMERS et la Caisse de dépôt et placement du Québec sont d'excellentes écoles pour les professionnels en placement. Une fois qu'ils ont fait leur preuve, ou qu'on a l'impression qu'ils ont la main heureuse, le secteur privé leur saute dessus et les attire grâce à des programmes d'intéressement. Vous courrez toujours le risque de perdre les meilleurs parce que le secteur public a de la difficulté à offrir des salaires compétitifs par rapport à ceux du secteur public.

M. McKim: Le plus important, pour pouvoir consentir ce genre de rémunération dans le domaine du conseil de placement traditionnel, est d'offrir des actions de l'entreprise employant les agents, formule que nous recommandons et que nous avons d'ailleurs adoptée à SEAMARK; d'ailleurs, nous pouvons nous enorgueillir du fait que nous n'avons jamais eu à remplacer un seul agent de placement en 15 ans.

Le sénateur Oliver: Combien d'employés avez-vous?

M. McKim: Une douzaine, pas plus.

Le sénateur Oliver: Quel taux de rendement obtenez-vous pour les fonds que vous administrez?

M. MacLaren: Pour les dix dernières années, nous nous sommes classés dans le premier rang-centile des firmes canadiennes, dans le domaine des fonds de placement équilibrés.

Le sénateur Oliver: C'est-à-dire plus de 15 p. 100?

M. McKim: Disons de l'ordre de 12 p. 100, mais très certainement dans le premier pour cent des 2 400 fonds évalués. Ainsi, nous sommes sans doute parmi les meilleurs sur le plan du rendement relatif.

Le sénateur Oliver: Quelle est la taille du fonds le plus gros que vous administrez actuellement?

M. McKim: Disons environ 200 millions de dollars.

Le sénateur Oliver: Pourriez-vous nous donner un conseil sur un autre aspect, conseil que nous pourrions également répercuter au ministre? Les témoins que nous avons entendus un peu partout au Canada se demandent ce qu'on pourrait faire, s'il est possible de faire quelque chose, pour éviter une éventuelle ingérence politique dans l'administration et le fonctionnement de cette caisse. Que nous recommandez-vous?

M. MacLaren: Le conseil que vous mettrez en place devra être prêt à se conformer aux lignes directrices en matière de combinaison des avoirs en portefeuille. En outre, il faudra donner la possibilité aux agents de placement de sauter sur les occasions qui se présentent. S'ils estiment que les obligations sont surévaluées, mais que les actions sont intéressantes et qu'il vaut mieux risquer dans des actions que dans une caisse à revenu fixe, alors il faut leur permettre d'acquérir ces titres. Cela aiderait beaucoup.

Le sénateur Oliver: Et en matière d'ingérence politique?

M. McKim: Je vous le répète, si vous vous dites que vous êtes là pour encadrer des agents de placement, cela signifie que vous devrez les mettre à l'abri des ingérences ou interventions politiques classiques, et leur permettre de s'occuper de leurs affaires pour obtenir le meilleur rendement possible. Leur réputation est en jeu. C'est là, selon moi, la meilleure façon d'instaurer un système indépendant et objectif.

Le sénateur Oliver: Que pensez-vous du vote par procuration? L'Office d'investissement devrait-il appliquer cette méthode?

M. McKim: J'estime que ce sont les agents de placement ou ceux qui prennent les décisions d'investissement qui devraient exercer le droit de voter par procuration.

Le sénateur Oliver: Dans le cas de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, les agents en placement devraient-ils d'abord aller voir leur patron, le propriétaire de leur firme ou leur conseil d'administration pour obtenir des conseils sur la façon de procéder ou du moins pour expliquer le problème auquel ils sont confrontés?

M. McKim: Tout comme dans le cas de l'indépendance par rapport au pouvoir politique, je dirais que si le conseil oriente le vote par procuration, les agents de placement seront relativement moins indépendants que s'ils exerçaient le pouvoir discrétionnaire que leur confèrent les procurations d'acheter les actions de telle ou telle entreprise.

Le sénateur Oliver: Qui, selon vous, est responsable en dernier ressort? L'agent de placement ou le conseil d'administration?

M. McKim: Je dirais que c'est l'agent de placement. Quand nous décidons d'investir dans tel ou tel titre, nous investissons en fait dans la capacité de gestion des entreprises. Nous risquons notre réputation en misant sur la capacité de ces entreprises d'obtenir de bons résultats. Personnellement, j'estime que le mieux est de permettre aux agents de placement d'exercer directement le droit de vote par procuration, de la façon qui leur semble la plus appropriée.

M. MacLaren: Plusieurs de nos clients nous demandent pourquoi, par exemple, il nous arrive de voter contre les dirigeants d'une entreprise. Évidemment, si nous misons sur une compagnie, c'est que nous la croyons saine et bien gérée; nous supposons aussi que ses dirigeants prennent les meilleures décisions qui soient pour les actionnaires. Eh bien, il nous est arrivé de constater que tel n'était pas le cas. Récemment, des banques ont essayé d'augmenter le nombre de membres siégeant au conseil d'administration et de mieux les rémunérer, ce avec quoi nous n'avons pas été d'accord parce que les gens se sont peut-être trouvés là à la bonne place et au moment dans le cycle, qu'ils ont bénéficié d'une certaine conjoncture, et que les dirigeants des banques ont estimé qu'il était justifié d'en faire profiter leur conseil d'administration.

Le sénateur Oliver: Êtes-vous en train de dire que certaines banques veulent augmenter la taille de leur conseil d'administration?

M. MacLaren: Oui.

Le sénateur Oliver: De quelles banques s'agit-il?

M. MacLaren: Il y en a deux qui me viennent à l'esprit.

Le sénateur Oliver: Vous pouvez nous donner leur nom? Je pensais que la plupart des banques étaient en train de réduire la taille de leur conseil.

M. MacLaren: C'est assurément le cas de la Banque royale.

Le sénateur Oliver: Êtes-vous en train de nous dire que cette banque a augmenté la taille de son conseil d'administration?

M. MacLaren: C'est ce qu'elle essaie de faire.

M. McKim: L'annonce de la fusion de deux grandes banques n'a pas eu l'heur de plaire à M. Paul Martin. Le RPC, qui pourrait peser 100 milliards de dollars, investira sans doute beaucoup dans les deux banques en question. Eh bien, ne pensez-vous pas que si le conseil du RPC avait la possibilité de faire voter les procurations comme il le juge nécessaire, le public pourrait penser que les préoccupations d'ordre politique ne devraient pas entrer en ligne de compte? Encore une fois, si ce sont vos agents de placement qui sont responsables, vous venez d'ériger un obstacle de plus contre l'ingérence politique.

Poussons le raisonnement un peu plus loin. Supposons qu'une firme comme SEAMARK, plutôt que des fonctionnaires, administre le Fonds. Ne pensez-vous qu'il serait plus facile aux agents de placement de SEAMARK, qui n'ont pas à évoluer dans des cercles politiques ou à côtoyer de tels cercles, d'exercer le droit de voter par procurations de la façon qui servira le mieux les intérêts des bénéficiaires plutôt que celui des politiciens?

Le sénateur Moore: Monsieur MacLaren, pendant votre exposé vous avez parlé de ce qu'il serait advenu d'un placement de 1 000 $. Vous avez dit que cette somme investie il y a X années dans le TS 300 auraient rapporté 2 839 $ aujourd'hui, et que le même montant investi au S & P 500 aurait rapporté 5 791 $. Quand ces 1 000 $ auraient-ils été investis?

M. MacLaren: En janvier 1988, c'est-à-dire sur dix ans. Mais cela revient à comparer des pommes et des oranges, parce que cela correspond au montant en dollars canadiens qui aurait été investi dans le S & P.

Le sénateur Moore: Pour en revenir à la question du sénateur Oliver au sujet des agents de placement, de leur indépendance relative, de leur compétence professionnelle objective et de la qualité de leurs prestations, il a souvent été question, aujourd'hui, de la composition du conseil qu'on veut représentative des intérêts régionaux, des minorités visibles et de la répartition hommes-femmes. Avez-vous des recommandations à nous faire à ce sujet?

M. MacLaren: D'abord et avant tout, vous devez recruter les gens les plus compétents. Comme M. McAloney l'a dit plus tôt, ces gens-là peuvent venir de tous les horizons. Certaines banques se plaisent à dire qu'elles comptent le plus de femmes à leur conseil d'administration et parmi leur personnel; c'est très bien si elles ont les compétences voulues pour occuper leur poste. Il est très difficile de dire nous allons prendre deux personnes représentant ceci et deux autres représentant cela.

D'abord et avant tout, ces personnes devront avoir une expérience quelconque dans le domaine du placement, elles devront comprendre comment on encadre les agents de placement et ce qui est important dans le concept d'administration. Il n'est pas nécessaire d'en connaître beaucoup dans ce domaine pour savoir que telle entreprise qui est en affaire depuis longtemps, qui n'a presque pas eu de roulement de personnel et qui envisage l'avenir à long terme dans ses placements, est une candidate idéale.

M. McKim: C'est fort bien d'avoir des antécédents financiers, mais s'il faut tout le temps marcher sur la corde raide pour éviter d'éventuels conflits et éviter les gens porteurs de conflits potentiels, ce n'est certainement pas un travail que j'apprécierais.

Le sénateur Moore: Il a aussi été question du pourcentage des investissements à réaliser au Canada. Estimez-vous qu'il faudrait exiger que ces investissements soient réalisés dans telle ou telle région ou tel ou tel secteur de l'économie, ou devrait-on préciser dans les lignes directrices que l'essentiel est simplement d'obtenir le rendement maximum pour les retraités?

M. McKim: On pourrait certainement demander un rendement maximum, dans la limite de risques acceptables. Notre entreprise a ses racines dans le Canada atlantique et les gens pourraient s'attendre à ce qu'on investisse de fortes sommes dans cette région. Eh bien, un produit du Canada atlantique doit être, dans l'univers dans lequel nous évoluons, tout aussi valable qu'un produit américain, sans parler d'un produit canadien. Il doit se détacher du lot. C'est sans doute ce qui exprimé dans vos plans d'avenir. On choisit donc les meilleures occasions de placement, sans égard à la région ou au pays, parce qu'on est relativement certain que c'est ce titre ou cet autre qui servira le mieux les adhérents ou les contribuables ou qui sais-je encore.

Je ne suis donc pas d'accord avec l'idée de fractionner et de répartir les placements.

M. MacLaren: C'est sur ce plan qu'il ne faudrait permettre aucune manipulation extérieure. Personne ne devrait pouvoir vous dire qu'une partie de vos actifs doit être investie dans l'Est ou dans l'Ouest du Canada. La décision d'investissement doit incomber en totalité à l'agent de placement, en fonction des possibilités qu'il perçoit. C'est parce qu'il a eu l'impression qu'on venait «jouer» dans le RPC, que le public a perdu confiance dans ce régime.

Le sénateur Callbeck: Investissez-vous dans les petites entreprises qui ne sont pas cotées en bourse?

M. McKim: Nos portefeuilles sont composés à 70 p. 100 d'actions de grandes entreprises, à 20 p. 100 d'actions d'entreprises moyennes et à 10 p. 100 d'actions de petites entreprises. Cela tient à notre style de placement. D'autres agences adopteront un style différent et investiront plus dans des petites entreprises. SEAMARK investit dans le long terme, nous sommes de vrais investisseurs, ce qui veut dire que les entreprises dans lesquelles nous plaçons doivent être de très grande qualité.

En général, les petites entreprises n'ont pas les reins assez solides sur le plan des ressources, de la recherche et du développement, du bilan et autres pour durer plus de dix ans dans notre portefeuille. En revanche, d'autres agents de placement se spécialisent dans ce genre d'investissement.

Le sénateur Callbeck: Votre agence de placement est-elle une compagnie de régime fédéral ou de régime provincial?

M. McKim: De régime fédéral.

Le sénateur Callbeck: Mais vous pourriez aussi être du régime provincial, n'est-ce pas? Est-ce que les compagnies de placement sont toujours constituées sous le régime de la loi fédérale?

M. McKim: Ce peut être l'un ou l'autre. Dans les deux cas, nous sommes inscrits auprès des commissions provinciales de valeurs mobilières.

Le sénateur Meighen: L'autre jour, nous discutions avec un témoin du fait que le marché canadien est très ténu et qu'un fonds de plus de 100 milliards de dollars pourrait avoir une forte incidence ne serait-ce que sur la bourse des valeurs mobilières, puisqu'il augmenterait l'offre, le volume des titres garantis par des actifs et ainsi de suite. Avez-vous des suggestions à formuler à cet égard? Est-ce que cela vous paraît logique? Pensez-vous que c'est un risque ou que le marché va s'en accommoder tout seul?

M. McKim: En général, nous estimons que le marché s'adapte de lui-même. Il est certain qu'il y aura une prolifération de nouveaux produits, mais c'est ce qui se passe sur les marchés financiers depuis quelques décennies.

Je dirais ceci. Plutôt que d'essayer de trouver absolument de nouveaux produits, mieux vaut laisser vos agents de placement compétents faire ce qu'ils font de mieux et constituer leurs portefeuilles avec des produits leur convenant, leur paraissant bons, étant entendu que la plupart des produits sur le marché sont des produits dérivés de valeurs à revenu fixe ou de placements en actions. Je dis toujours que si l'on n'est pas sûr de son coup, mieux vaut s'abstenir d'investir dans des produits dérivés.

Le sénateur Meighen: Mais vous devrez peut-être vous lancer dans les produits dérivés pour contourner la règle des 20 p. 100 d'investissements étrangers dont vous parlez dans votre mémoire. Les fonds relativement importants pourraient aller dans ce genre d'investissement, n'est-ce pas?

M. McKim: Nous, nous ne le pouvons pas. Nous n'acceptons pas les produits dérivés dans notre entreprise et, dans l'esprit de la loi, nous ne pouvons pas en acheter pour contourner la règle du pourcentage de placement en titres étrangers. C'est un problème, parce que d'autres le font. Si certains le font, pourquoi tout le monde ne pourrait-il pas le faire de façon légitime?

Le sénateur Meighen: Vous ne le faites pas par principe, à cause du risque que cela comporte ou pour d'autres raisons?

M. McKim: Nous ne sommes pas sur le marché des produits dérivés à cause des risques que cela comporte. Je veux vous dire ce qui s'est passé à l'époque, vous vous en souviendrez peut-être, où l'on est tranquillement passé à 20 p. 100. Nous sommes passés de 10 p. 100 à 12 p. 100 et, si vous vous souvenez bien un grand nombre d'entreprises de placement ont pris de l'avance par rapport aux dates de transition. Nous, nous nous étions fixé pour politique de ne pas le faire. Nous voulons respecter les règles établies.

Dans le cas des fonds de dotation, qui ne sont pas frappés par ce genre de restriction, nous avons investi 40, 50 et même 60 p. 100 à l'extérieur du pays. Si l'on considère uniquement la valeur des placements, nous allons plus loin que ceux qui, dans le domaine des fonds de retraite, tournent la difficulté en recourant aux produits dérivés, car ces investissements sont les meilleurs. Nous respectons les règles et nous respectons donc la limite des 20 p. 100 de contenu étranger.

M. MacLaren: D'un autre côté, nous investissons une bonne partie de nos fonds canadiens dans des entreprises bien établies, concurrentielles à l'échelle internationale. Pour nous, Seagram pourrait tout aussi bien se trouver à New York qu'à Montréal. Northern Telecom pourrait tout aussi bien être dans le Connecticut qu'en Ontario.

Le sénateur Oliver: Vous achetez ces titres comme étant des titres de compagnies canadiennes?

M. MacLaren: Oui, mais ce qui nous intéresse ce sont les importants revenus étrangers de ces entreprises et le fait qu'elles sont très concurrentielles dans leur domaine, à l'échelle internationale.

Le sénateur Oliver: La Banque Scotia réalise 70 p. 100 de son chiffre d'affaires à l'extérieur du Canada; la considérez-vous comme une entreprise canadienne?

M. MacLaren: Nous essayons d'investir sans tenir compte des frontières. Nous préférerions évoluer dans un univers complètement ouvert où nous pourrions choisir les entreprises et les industries que nous considérerions comme étant les meilleures du monde. Nous estimons que c'est la voie à suivre et c'est ce qui nous pousse à dire que les Canadiens et les Canadiennes sont pénalisés. On peut très bien investir 20 p. 100 dans des actifs étrangers et 80 p. 100 dans des portefeuilles considérés comme étant des actifs canadiens, mais qui sont tout de même composés à 20 p. 100 d'actifs étrangers, si bien qu'on se retrouve globalement avec 36 p. 100 d'actifs étrangers. Cependant, comme M. McKim vous l'a dit, nous ne nous prêtons pas à ce jeu. Ne faudrait-il pas tenir compte de cette réalité et adopter des règles du jeu plus équitables, puisque d'aucuns reconnaissent que cela est possible et ont recours a cette astuce? C'est tout de même bizarre que seuls les petits malins puissent en bénéficier.

Le sénateur Meighen: Si je comprends bien, vous n'achetez pas de produits dérivés parce que, selon vous, ils vous amèneraient à faire indirectement ce que la loi vous empêche de faire directement. Je ne contesterai pas votre décision. Rares sont ceux qui la partagent, et je ne dirai pas que vous avez ni raison ni tort. J'aimerais cependant que vous me fournissiez un peu plus d'explications à propos de ce que vous avez dit sur les produits dérivés qui, selon vous, présentent un risque intrinsèque. Certains de vos collègues soutiennent pourtant que, bien employés, les dérivatifs sont un garde-fou.

M. MacLaren: Les seuls vrais garde-fous se trouvent en bordure des routes.

Le sénateur Meighen: Eh bien, je crois que je viens de butter contre un garde-fou et je dois m'arrêter là!

Le vice-président: Je remercie les témoins de s'être rendus à notre invitation.

La séance est levée.


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