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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 23 avril 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures, afin d'examiner l'état du système financier du Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous sommes ici présents en vue de la rencontre annuelle avec le gouverneur de la Banque du Canada. Le gouverneur nous fera un exposé d'ouverture, dont un exemplaire vous a été distribué à l'instant. Suivra ensuite la séance de discussion, habituellement très animée.

M. Gordon G. Thiessen, gouverneur de la Banque du Canada: Messieurs les sénateurs et madame le sénateur, il nous fait grand plaisir d'être ici aujourd'hui. J'aimerais vous présenter mon collègue, Tim Noël, le sous-gouverneur responsable des opérations dans les marchés financiers et de la gestion de la dette publique.

C'est avec plaisir que mes collègues et moi-même, nous nous présentons chaque année devant votre comité, car c'est pour nous l'occasion d'expliquer comment la Banque s'y est prise pour réaliser ses objectifs au cours de l'année écoulée. Cela nous permet également de passer en revue avec vous diverses questions économiques et monétaires.

[Français]

Je peux affirmer que la Banque du Canada a pris de nouvelles mesures pour améliorer ses communications avec les Canadiens et pour rendre compte de ses actions. Nous avons intensifié nos rapports avec les particuliers, avec toute une gamme d'entreprises et de groupes ainsi qu'avec les gouvernements provinciaux.

Nos projets les plus importants ont été la mise sur pied de nouveaux bureaux régionaux à Calgary et à Halifax, et l'expansion de nos activités à Montréal, Toronto et Vancouver. Grâce à ces bureaux, nous allons multiplier nos contacts avec les Canadiens des quatre coins du pays et recueillir des renseignements auprès de sources très variées.

[Traduction]

Récemment, nous avons franchi un autre pas pour nous assurer de bénéficier de l'expertise qui existe à l'extérieur de la Banque en matière de politique monétaire. Nous avons créé le poste de conseiller spécial, qui sera comblé par des spécialistes de l'extérieur de la Banque pour des mandats d'un an. Un autre avantage de cette mesure est qu'avec le temps, on trouvera dans les universités et le secteur privé un certain nombre d'économistes ayant une connaissance directe de la Banque et du rôle qu'elle joue. M. David Laidler, professeur à l'Université Western Ontario, a été choisi pour combler ce poste pendant un an, à compter du mois d'août.

Lorsque je me suis adressé à vous il y a un an, les perspectives de croissance de l'économie mondiale étaient très prometteuses. L'activité économique à l'échelle de la planète était vigoureuse, l'inflation faible, et les taux d'intérêt, stables ou à la baisse. Au Canada, la progression de la production et de l'emploi s'était accélérée grâce à nos bas taux d'intérêt et à l'assainissement spectaculaire des finances publiques.

Et, de fait, l'économie canadienne a affiché une très bonne tenu en 1997: sa croissance a dépassé les 4 p. 100 au cours de l'année et l'emploi a enregistré des gains importants. Aujourd'hui, les perspectives économiques tant sur le plan international que national demeurent favorables, même si les problèmes que connaît l'Asie ont amené une révision à la baisse des prévisions antérieures sur l'expansion économique mondiale.

[Français]

La crise asiatique devrait affecter l'économie canadienne surtout par le truchement de nos autres grands partenaires commerciaux et des prix de certains biens que nous exportons, particulièrement les produits de base. Cette crise contribuera sans doute à ralentir l'activité économique au Canada cette année, surtout en Colombie-Britannique, une province qui dépend beaucoup du secteur des produits de base et des exportations vers l'Asie.

[Traduction]

Heureusement, d'autres facteurs aident à renverser la vapeur. À l'exception du Japon, la tenue des économies de nos principaux partenaires commerciaux, en particulier les États-Unis, a été plus robuste que prévu. Ici, au Canada, nos bases économiques sont beaucoup plus solides que par le passé, grâce au bas taux d'inflation, à l'amélioration des finances publiques et à la restructuration qui s'opère dans le secteur privé. Nous sommes donc mieux à même de résister aux chocs comme la crise asiatique.

Sauf lorsqu'elle a fait l'objet de certains facteurs temporaires, l'inflation est demeurée l'an passé à l'intérieur de la fourchette cible de 1 à 3 p. 100. En menant une politique monétaire dont l'objectif est de maintenir l'inflation à un faible niveau, la Banque du Canada contribue à faire durer la plus possible l'expansion économique au pays et, en même temps, à amortir les chocs externes. Plus la croissance économique se prolongera, plus nous en verrons les bienfaits, qui se traduiront en gains aux chapitres des revenus et de l'emploi.

[Français]

Conformément à notre engagement de maintenir l'inflation à un bas niveau, nous avons annoncé en février, conjointement avec le gouvernement fédéral, que l'application de notre fourchette cible actuelle était prolongée jusqu'à la fin de l'an 2001. Cette prolongation donnera à notre économie plus de temps pour démontrer sa capacité d'afficher une bonne tenue en contexte de faible inflation avant que nous définissions des cibles à plus long terme concernant la stabilité des prix.

[Traduction]

Dans l'ensemble, les perspectives économiques pour le Canada restent favorables. Le FMI a prévu dernièrement que la croissance économique au pays serait de 3,2 p. 100 cette année, ce qui place le Canada au premier rang des pays industrialisés du G-7 à ce chapitre. Ces prévisions concordent en général avec les nôtres. Nous nous attendons en effet à ce que la progression des revenus et de l'emploi se poursuive cette année et l'an prochain. L'ampleur des gains à moyen terme dépendra de la mesure dans laquelle la restructuration au sein du secteur privé, que j'ai mentionnée plus tôt, permettra à la productivité de s'accroître au Canada. C'est cette croissance qui servira de fondement à l'amélioration de la qualité de vie.

Le sénateur Tkachuk: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Thiessen et Noël, devant ce comité. Je ne rate jamais l'occasion de vanter notre province. Il me fait toujours plaisir d'accueillir un ancien collègue de l'U. de S. Je suis sûr que les gens de Moosomin sont très fiers qu'un diplômé de leur école secondaire soit gouverneur de la Banque du Canada. C'est une autre preuve de la qualité des habitants des Prairies.

Comme vous le savez tous, le gouverneur Crow a été à l'origine d'une controverse durant les élections générales de 1993. Le premier ministre Jean Chrétien, alors simple chef du Parti libéral, avait averti le gouverneur de la Banque du Canada, John Crow, qu'un gouvernement libéral l'obligerait à se préoccuper de la création d'emplois plutôt que de l'inflation. Vous étiez alors premier sous-gouverneur.

Étiez-vous partisan des politiques du gouverneur Crow, et dans quelle mesure vos propres politiques sont-elles différentes des siennes?

M. Thiessen: En tant que premier sous-gouverneur, j'étais bien entendu en faveur des politiques mises de l'avant. Je participais au processus de prise de décisions. Toutefois, il est trop facile de segmenter les politiques monétaires. Elles ont des conséquences à long terme, et il faut les analyser dans cette optique.

La période durant laquelle l'inflation a été élevée, à partir des années 70, a eu des effets de longue durée, et certains d'entre nous ont pris du temps avant de se rendre compte des difficultés entraînées. Nous bénéficions actuellement des efforts qui ont permis d'abaisser le taux d'inflation.

La situation fiscale a aussi des incidences importantes. Sans aucun doute, les difficultés éprouvées durant la période de forte inflation ont été exacerbées par les difficultés qu'ont eu les gouvernements -- provinciaux, fédéral et d'autres pays -- à assainir la situation fiscale.

Il est aussi intéressant de constater que, même après avoir abaissé le taux d'inflation, nous n'avons pas pu bénéficier pleinement des avantages d'une inflation faible, car il a fallu attendre que les provinces prennent des mesures pour diminuer leur déficit. C'est seulement à ce moment que les taux d'intérêt ont commencé à baisser.

Le sénateur Tkachuk: Les efforts du gouvernement pour diminuer et maîtriser le déficit ont-ils obligé la Banque à changer sa politique monétaire?

M. Thiessen: Non, la politique est restée inchangée. C'est la portée de la politique qui a changé en même temps que la conjoncture. Ainsi, à mesure que le déficit fiscal diminue, on peut diminuer les taux d'intérêt. Même rapport entre la diminution des taux d'inflation et des taux d'intérêt. Cependant, pendant cette période d'ajustement -- depuis longtemps d'ailleurs -- l'objectif de la politique monétaire a toujours été d'abaisser graduellement le taux d'inflation. Nous n'avions pas toujours le succès escompté mais, depuis 1980, la politique a visé essentiellement le même but: abaisser le taux d'inflation. Nous poursuivons toujours ce but, mais nous pouvons actuellement en voir les effets. Mais les fondements de la politique elle-même n'ont pas changé.

Le sénateur Tkachuk: Durant la campagne électorale de 1993, on a demandé à M. Chrétien ce qu'il ferait si M. Crow n'était pas d'accord. M. Chrétien a répondu: «Il est fonctionnaire. C'est tout ce que j'ai à dire.»

Gouverneur Thiessen, au cours des quatre dernières années, le gouvernement vous a-t-il, par le biais du premier ministre ou du ministère des Finances, par lettre ou lors d'une rencontre, demandé d'axer votre politique sur la création d'emplois plutôt que sur la diminution de l'inflation?

M. Thiessen: Sénateur, je ne veux pas commenter les conversations que j'entretiens en privé, surtout pas celles avec le ministre des Finances. Nous nous parlons souvent, tel que le stipule la Loi des banques, et je ne crois vraiment pas qu'il est approprié de commenter nos propos. Tout ce que je peux dire, c'est que les commentaires que nous avons reçus de la part du gouvernement étaient favorables à la politique monétaire.

Le sénateur Austin: Gouverneur, je vous souhaite personnellement la bienvenue. Il est toujours un peu intimidant de vous recevoir ici. Vos connaissances et le rôle très important que vous jouez dans notre système économique sont connus, et j'ai le sentiment que mon cours d'Économie 100 de UBC n'est pas vraiment à la hauteur.

J'aimerais aborder un sujet qui me préoccupe de plus en plus. Nous semblons actuellement très satisfaits de la performance économique du Canada, de même que de celle des États-Unis et des pays européens. J'aimerais me faire l'avocat du diable et vous soumettre quelques pistes de réflexion. Elles ont trait à la politique monétaire, particulièrement à l'importance des liquidités aux États-Unis. Je crois qu'elles sont aussi en croissance au Canada. Il est inquiétant de constater que les prix des principales actions occidentales, surtout aux États-Unis, sont surévalués.

Vous avez sûrement lu dans l'édition du 18 avril de The Economist que l'inflation des prix des éléments d'actifs, surtout aux États-Unis, constitue une menace de plus en plus importante pour l'économie mondiale. On y indique aussi que la stagnation de l'économie japonaise ainsi que la crise financière qui a touché une grande partie de l'Asie tirent à leur fin. Selon les journalistes, les marchés boursiers américains ont connu une hausse de 65 p. 100 au cours des 2 dernières années, que l'on attribue à la croissance monétaire excessive au pays. Les liquidités M-3 ont augmenté de quelque 10 p. 100 durant la dernière année, la plus faste depuis 1985, alors que les États-Unis se relevaient à peine d'une crise relativement grave. Les circonstances sont quelque peu différentes aujourd'hui.

Les auteurs estiment qu'il peut y avoir des risques de récession, mais que le plus grand risque est l'inflation du prix des éléments d'actifs, qui entraîne le surinvestissement et la débandade dans la consommation. Leur conclusion est que la Federal Reserve a raté l'an dernier une belle occasion d'augmenter les taux d'intérêt et, pour paraphraser leur expression, «de dégonfler la bulle»,

Comme vous vous en souvenez peut-être, Alan Greenspan, le président de la Federal Reserve, a parlé en décembre 1996 d'«exubérance irrationnelle», un terme qu'il n'a pas utilisé récemment.

J'aimerais que vous me disiez si la Banque du Canada estime qu'on pourrait connaître une inflation du prix des éléments actifs; qu'il faut s'inquiéter du prix des liquidités et des taux élevés des P/E; et si l'excès de liquidités sur le marché boursier, particulièrement dans le domaine des fonds mutuels, rend la situation économique complètement instable. Quel est l'impact de ces phénomènes pour l'ensemble du Canada?

M. Thiessen: Je crois que votre introduction avait pour but de m'amener à vous faire des confidences. Le sénateur Austin a soulevé l'une des questions les plus difficiles actuellement sur le plan de l'analyse de la politique monétaire.

Traditionnellement, la politique monétaire concerne ce que nous appelons «l'économie réelle», soit la production de biens et de services, et le prix auxquels ils sont vendus. La grande majorité des banques centrales du monde considèrent que la meilleure façon pour elles d'optimiser la production de ces biens et services est de maintenir un taux d'inflation faible, ce qui devient donc l'objectif naturel de leur politique monétaire. Comme vous l'aurez constaté, je n'ai pas mentionné le prix des éléments d'actifs: c'est le pris des biens et des services. La plupart d'entre nous estime que c'est là la définition la plus appropriée du rôle d'une banque centrale.

Cela étant dit, nous connaissons tous la situation japonaise, où le prix des éléments d'actifs, particulièrement celui des biens immeubles et des liquidités, a atteint des sommets très élevés. Il y avait une bulle spéculative et, quand elle a dégonflé, les conséquences sur l'économie réelle ont été nombreuses. Si on fait une analyse rétrospective, on peut dire que, si les gens avaient fait ceci et cela, peut-être auraient-ils pu éviter la formation de la bulle et toutes les conséquences subséquentes sur l'économie réelle.

Il est cependant difficile de dépister une bulle spéculative importante, car il s'agit d'une analyse distincte de celle qui s'intéresse à l'économie réelle. Je dois admettre qu'il n'y a pas au sein des banques centrales de consensus sur les actions justes à poser dans ce cas.

Je doute fort que la croissance monétaire entraînera une bulle spéculative. L'ampleur des changements récents dans le secteur financier de la majorité des pays est telle qu'il devient extrêmement difficile de déterminer exactement ce que sera la suite, car ces changements sont souvent très importants.

Au Canada, les agrégats sont en pleine redéfinition. Nous avions les M-2, puis les M-2 plus, et nous en sommes maintenant aux M-2 plus plus parce que le monde est en perpétuelle transformation. C'est pourquoi je suis très réticent à attribuer une importance capitale aux M-3.

Je serais beaucoup plus enclin à penser que les transformations majeures dans le monde ont un écho sur le marché boursier. On pourrait arguer que ces changements ne sont pas aussi importants qu'on le prétend. Les taux d'intérêt sont beaucoup plus faibles qu'auparavant. En raison des changements technologiques, la productivité ne cesse de s'accroître, aux États-Unis surtout. Le flux des profits dans l'avenir semble plus long qu'avant, et nous calculons une valeur actualisée avec un taux d'intérêt plus faible. La valeur actualisée est plus élevée, de même que le prix du marché que les consommateurs sont prêts à payer. Sans aucun doute, surtout aux États-Unis, ces prix repoussent les limites à la baisse des taux d'intérêt et les limites à la hausse des profits.

Cette explication de la hausse des profits me semble plus vraisemblable que celle liée aux agrégats monétaires. Cependant, je sais que l'on s'inquiète en général du risque de la spéculation intempestive sur les marchés et de la débâcle qui peut s'ensuivre, et des répercussions certaines sur le reste de l'économie.

Nous observons ces phénomènes de très près, mais je ne peux en dire plus. Il peut arriver, en effet, que l'on perde le contrôle; on agira en conséquence le cas échéant.

M. Tim E. Noël, sous-gouverneur, Banque du Canada: L'effet de richesse attribué au prix des actions est très aléatoire. Si on retourne à 1987, année du dernier crash boursier, la chute du prix des actions a eu un effet très mitigé sur l'économie occidentale.

Le sénateur Austin: Votre réponse est très intéressante. J'aimerais maintenant que l'on parle des éléments qui vous poussent à intervenir, une question que vous avez abordée, monsieur le gouverneur.

En ce qui a trait à l'inflation, vous avez parlé d'une gestion de longue haleine. Pour ce qui est de l'inflation des prix des éléments d'actifs, on fait sûrement dans le long terme aussi. Mais plus on attend, logiquement, plus il sera difficile d'intervenir de façon appropriée. J'apprécie votre réponse, et le fait que vous vous préoccupiez de cette question. Je comprends.

Pendant que M. Noël parlait, je n'ai pu m'empêcher de penser aux conséquences psychologiques d'une réduction draconienne de la richesse -- de l'éventualité d'une réduction draconienne de la richesse -- et des répercussions sur la confiance des consommateurs, sur l'investissement, et cetera. Vous dites que vous surveillez la situation de près. Vous ne savez pas au juste quel sera le meilleur moment pour intervenir, si c'est encore possible, et la Federal Reserve en est probablement au même point en ce qui a trait à l'économie américaine.

M. Thiessen: Je crois que la situation aux États-Unis est beaucoup plus avancée qu'au Canada, si je peux m'exprimer ainsi. Il s'agit d'une économie qui fonctionne à pleine capacité. Le niveau de confiance envers cette économie, si l'on se fie au marché boursier, est beaucoup plus élevé que chez nous, car nous n'avons pas encore atteint la pleine capacité. Le degré d'optimisme envers le marché boursier est beaucoup plus élevé aux États-Unis qu'il ne l'est ici.

Le sénateur Austin: Est-il juste de dire que les marchés boursiers jouent un rôle plus important que jamais dans l'élaboration des politiques monétaires?

M. Thiessen: Ce n'est pas encore le cas, mais les banques centrales en tiennent beaucoup plus compte qu'auparavant.

Le sénateur Austin: Oui, certaines s'en préoccupent, c'est sûr.

J'aimerais que l'on discute de la relation entre les taux d'intérêt, l'inflation et le taux de change du dollar canadien par rapport au dollar U.S. La presse parle abondamment de ce sujet, mais on comprend très mal ce lien. Mon prochain commentaire vous prouvera la profondeur de mon incompréhension.

Je comprends que la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain est due en partie au prix de nos biens et services marchands exportés. Ceux-ci étant plus bas, et étant donné que le Canada se trouve actuellement au bas du cycle, le dollar canadien est obligatoirement plus faible.

Pour ce qui est des marchés de liquidités dont nous parlions voilà quelques minutes, nous observons actuellement un soutien accru aux biens et services marchands, ce qui devrait normalement entraîner la hausse du dollar canadien par rapport au dollar américain. C'est le seul lien que je veux aborder pour le moment, car autrement la discussion devient trop complexe.

Si cela est vrai, quelles sont les incidences sur votre stratégie de gestion des taux d'intérêt dans la fourchette fixée? Quelles seront les conséquences sur l'économie canadienne?

M. Thiessen: Le prix des biens et services marchands explique en partie pourquoi le dollar canadien se trouve à l'extrémité faible du cycle, depuis les six derniers mois sinon plus.

Les prix des biens et services ont baissé énormément. Les marchés des produits primaires ont été particulièrement touchés par la crise asiatique et, plus récemment, par la stagnation des marchés japonais.

Ces phénomènes ont en effet eu des répercussions sur le dollar canadien. Bien que le Canada produise moins de biens et services qu'auparavant, ils constituent encore une part importante de nos exportations et, de ce fait, ont beaucoup d'influence sur le dollar canadien.

Peu de signes indiquent un changement quant au prix des biens et services marchands. Les activités ont connu une certaine recrudescence dans certains secteurs. Bien entendu, cette situation a des échos sur les valeurs pétrolières dans les marchés boursiers, où l'on prévoit que les choses vont en s'améliorant, ce qui instigue un sentiment de confiance accrue.

L'amélioration de la situation des biens et services marchands est loin d'être assuré. On a connu une situation similaire en janvier, et les prix ont de nouveau baissé. C'est la conjoncture asiatique qui sera l'élément déterminant. Si on s'aperçoit que le Japon semble vouloir resserrer sa politique de façon sensible, des changements plus substantiels pourraient survenir dans les marchés des biens et services, avec des conséquences certaines pour le dollar canadien.

Pour ce qui est de la question des taux d'intérêt, il faut examiner l'effet combiné des taux d'intérêt et des taux de change sur l'économie. Notre économie est très ouverte, et il faut toujours considérer les deux facteurs ensemble. Quand le dollar canadien connaît une hausse ou une baisse, nous examinons les incidences éventuelles sur notre économie. Nous nous demandons ensuite quels taux d'intérêt permettront une expansion non inflationniste et durable. Si le dollar canadien est descendu plus bas que la limite inférieure nécessaire pour maintenir une croissance stable, nous allons augmenter les taux d'intérêt pour compenser; si au contraire le dollar est très fort, nous abaisserons les taux d'intérêt.

Le sénateur Austin: L'augmentation des taux d'intérêt est un obstacle à la croissance de l'économie.

M. Thiessen: Oui, mais une baisse du taux d'intérêt est un stimuli naturel. Toutefois, quand une baisse monétaire est due à la faiblesse des prix des biens et services marchands, et donc à la faiblesse d'un secteur de l'économie canadienne, il faut en tenir compte. Ce n'est pas un mécanisme simple. Mes propos semblent déjà trop complexes, mais nous devons faire ces évaluations.

Si le dollar canadien est en chute, il faut se demander pourquoi. Si cela est dû au ralentissement de l'économie canadienne, il faut élaborer des mesures de redressement, et se demander si la chute est justifiée par rapport au prix des biens et services marchands.

Ce sont les calculs que nous avons faits au cours des derniers mois. Nous sommes arrivés à la conclusion que le déclin du dollar canadien était beaucoup plus important que ne le justifiait la conjoncture économique, malgré la faiblesse des prix des biens et services marchands et la situation en Asie.

Cette conclusion s'est imposée parce que notre principal partenaire commercial, les États-Unis, est encore plus fort que prévu. Cela a fait contrepoids.

Le sénateur Oliver: Mes questions concernent toutes l'inflation. Le 25 mars dernier, vous avez donné une importante conférence à Winnipeg sur l'économie canadienne, l'inflation et la politique monétaire. Vous avez fait deux déclarations qui résument je crois votre point de vue:

... un taux d'inflation élevé rend le futur plus incertain.

Le taux d'inflation est bas, et nous nous engageons à le conserver ainsi.

Dans cette optique, la Banque du Canada et le ministre des Finances ont déclaré conjointement que leur objectif était de fixer une fourchette cible du taux d'inflation entre 1 et 3 p. 100, une mesure reportée jusqu'en 2001.

Cette mesure a été mise en <#0139>uvre en 1993, et devait être réévaluée à la fin de 1998. Cette réévaluation ne sera pas effectuée. Pourquoi? Pourquoi reportez-vous l'échéance dans trois ans?

M. Thiessen: Nous l'avons réévaluée, monsieur le sénateur. La Banque a mis sur pied un programme intensif de recherche et d'analyse, auquel ont collaboré des économistes de l'extérieur. Il s'est terminé par un grand congrès, organisé par la Banque à l'automne dernier et qui visait à rassembler toutes les analyses effectuées. Nous avons ensuite discuté avec nos collègues du ministère des Finances et, ensemble, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il nous fallait plus de temps. Nous devons observer comment se comporte l'économie canadienne avec un taux d'inflation peu élevé sur une plus longue période avant d'établir un objectif de contrôle de l'inflation au Canada.

Le sénateur Oliver: Quelle information vous manquait? Quels autres éléments devez-vous étudier?

M. Thiessen: À notre avis, nous n'avions pas pu observer l'influence d'un taux d'inflation peu élevé sur l'économie durant une assez longue période. Les taux d'inflation ont été relativement bas depuis le début de 1993, mais ce n'est pas une très longue période si l'on considère qu'ils avaient été élevés depuis 20 ans. Il nous semblait plus indiqué de réserver nos conclusions jusqu'à ce que nous ayons pu observer un taux d'inflation faible sur une assez longue période, et surtout dans une économie qui fonctionne à pleine capacité, ce qui n'est pas encore le cas. Nous aimerions beaucoup observer une économie en pleine santé avec un faible taux d'inflation, avant de décider d'un objectif à long terme pour le contrôle de l'inflation.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous que ce sera possible d'ici l'an 2001?

M. Thiessen: Je crois que oui. Du moins, c'est ce que nous pensons. Il ne faut rien laisser passer. Nous devons faire une analyse, comme nous l'avons fait cette année, pour voir comment les choses se sont déroulées. Le rendement a-t-il été à la hauteur des attentes? Existe-t-il des problèmes que nous n'avions pas vus auparavant? L'économie est-elle aussi souple que nous le croyons? Nous devons répondre à toutes sortes de questions de cette nature.

Le sénateur Oliver: Des organismes extérieurs, tels que le FMI, vous ont-ils suggéré de prendre plus de temps et de faire d'autres analyses avant de fixer un objectif?

M. Thiessen: Le FMI nous a en effet suggéré de prolonger la période d'analyse avant de fixer l'objectif.

Le sénateur Oliver: Le FMI a-t-il mentionné l'an 2001?

M. Thiessen: Je ne crois pas qu'on nous ait suggéré une date précise. On nous a simplement dit qu'on devrait reporter la décision.

Le sénateur Oliver: Ma prochaine question porte sur le taux d'inflation fondamental et sur la méthode utilisée pour le fixer. J'ai lu dans un article que la Banque préfère calculer l'inflation en fonction d'un taux fondamental, qui ne tient pas compte des coûts énergétiques et des aliments. J'ai trouvé cela étrange, parce que les consommateurs subissent quotidiennement les hausses des coûts réels des aliments. En janvier, le prix des aliments a augmenté de 26,5 p. 100. Comment votre calcul peut-il ignorer ce genre de fluctuations?

M. Thiessen: L'objectif est défini en fonction de l'indice des prix à la consommation. Nous nous concentrons sur le taux d'inflation fondamentale afin de ne pas nous laisser duper par les fluctuations. Les prix des aliments et de l'énergie varient énormément. Il suffit d'un petit changement météorologique pour que non seulement le prix des aliments changent, mais celui aussi du prix attendu des aliments sur les marchés des biens et services. Si nous tenions compte de ces fluctuations, le calcul de l'indice des prix à la consommation s'appuierait sur des facteurs beaucoup trop volatiles.

Nous devons nous concentrer sur la tendance. On ne peut ajuster l'indice des prix à la consommation; on ne peut même pas tenter de le faire. Notre travail consiste à maintenir la tendance de l'indice des prix à la consommation dans une fourchette de 1 à 3 p. 100. Nous nous servons de ce taux dit fondamental seulement pour éviter qu'il soit soumis à ces fluctuations.

Si l'indice des prix à la consommation total était très différent du taux fondamental durant une longue période, nous devrions alors tenir compte chaque fois de l'IPC.

Le sénateur Oliver: Faites-vous des tests? Feriez-vous des tests relatifs aux coûts réels afin de déterminer l'incidence sur l'augmentation des coûts énergétiques et des aliments en même temps que vous effectuez des tests sur le taux fondamental?

M. Thiessen: Oui. Nous utilisons différentes méthodes d'analyse. Nous avons eu recours à d'autres variations qui n'éliminent pas complètement les éléments volatiles mais qui en réduisent l'importance, en tenant pour acquis que, s'ils ont augmenté de façon significative, ils baisseront de nouveau. Nous faisons cet exercice afin de déterminer si nous pouvons effectuer des tests plus souples qui permettent de mieux cerner la tendance. Nous examinons toujours un ensemble de facteurs. L'analyse d'un seul facteur ne serait pas assez fiable.

Le sénateur Kolber: En mars, le taux de chômage était de 4,7 p. 100 aux États-Unis, alors qu'il atteignait 8,5 p. 100 au Canada.

Le président de la Federal Reserve, Alan Greenspan, a démontré que le taux de chômage pouvait descendre bien au-dessous des objectifs conventionnels sans que le taux d'inflation augmente. De nombreux experts croient qu'il y a beaucoup trop de laisser-aller dans le marché de l'emploi et qu'on pourrait créer beaucoup de nouveaux emplois si on abaissait les taux sans toucher à l'inflation. Les États-Unis ont semble-t-il obtenu des résultats extraordinaires dans ce domaine. Le taux d'inflation se situe à 1,4 p. 100 sur une année, selon les résultats de février, alors qu'il est de 1 p. 100 au Canada.

Ma question comporte deux volets et touche la leçon que vous pourrions tirer de l'expérience américaine. Premièrement, la Banque du Canada est-elle prête à tester jusqu'où peut descendre le taux de chômage au Canada, comme l'a fait le président de la Federal Reserve pour les États-Unis? Deuxièmement, croyez-vous que le taux de chômage au Canada pourra suivre celui des États-Unis?

M. Thiessen: Il s'agit en effet de questions importantes. L'expérience américaine est intéressante. La Federal Reserve a fait de l'excellent travail en ce qui a trait à la politique monétaire.

J'abonde dans votre sens quand vous dites que le taux actuel de chômage aux États-Unis est beaucoup plus bas que ne le croyaient possible la plupart des observateurs sur une longue période. On peut se demander s'il est possible de le maintenir si bas, mais il est indubitable que le taux de chômage durable aux États-Unis est beaucoup plus bas que prévu. C'est exactement ce que nous cherchons à faire au Canada avec notre politique monétaire.

Il est intéressant de remarquer que les États-Unis ont augmenté considérablement les taux d'intérêt en 1994, alors que leur économie semblait ne pouvoir le supporter. Nombreux étaient ceux qui disaient que le marché de l'emploi serait gravement atteint et qu'il serait extrêmement difficile d'abaisser le taux de chômage. Ce ne fut pas le cas. La hausse des taux d'intérêt a ramené l'économie américaine sur la voie de la croissance durable. Les taux de productivité et de chômage ont continué de s'améliorer.

Il est primordial de se rappeler qu'il faut absolument placer l'économie sur la voie de la croissance durable et de la non-inflation. Cela permet d'augmenter la durée de la croissance économique et les possibilités d'abaisser le taux de chômage.

Au cours des 25 dernières années, nous avons appris que, chaque fois qu'on permet à une économie de dépasser sa pleine capacité avec des taux d'inflation à la hausse, il s'ensuit un boom et un crash. On n'obtient pas de tels taux de chômage sans une plus grande stabilité.

J'espère que c'est ce que nous pourrons faire. Pour la première fois en 25 ans, le taux d'inflation est bas, ce qui donne aux banques centrales une plus grande marge de man<#0139>uvre. Quand l'inflation est élevée, on commence à s'inquiéter dès qu'il y a augmentation de la demande ou une augmentation de l'activité. Les prix et les salaires montent. On demande de plus hauts taux d'intérêt. L'économie ralentit.

Quand le taux d'inflation est bas, on attend de voir ce qui va se passer avant d'augmenter les prix, les salaires et les taux d'intérêt. Un taux d'inflation peu élevé permet de tester les limites de capacité d'une économie. Nous avons mis en place les circonstances qui permettront de tester ces limites au Canada.

Je ne sais pas jusqu'où on peut abaisser le taux de chômage au Canada. Il faut se garder de faire des prédictions. On ne peut pas dire ce qui va se passer; il faut faire des tests avant d'affirmer que l'on obtiendra des résultats extraordinaires.

Le sénateur Kolber: Depuis que la Banque du Canada a instauré l'Index de la situation monétaire, ou ISM, un index artificiel qui tient compte à la fois des fluctuations des taux de change et des taux d'intérêt à court terme, les marchés financiers le suivent de très près. D'autres facteurs que les taux d'intérêt et la valeur du dollar canadien agissent pourtant sur la politique canadienne à court terme.

Considérez-vous que les marchés financiers attachent beaucoup trop d'importance à l'ISM, en ce sens qu'ils s'attendent à ce que la Banque du Canada augmente automatiquement les taux d'intérêt chaque fois que le dollar canadien enregistre une baisse? La Banque a-t-elle amené les marchés financiers à accorder beaucoup trop d'importance à l'ISM?

M. Thiessen: Oui, c'est possible. J'espère que ce n'est pas le cas, mais je crois en effet qu'on accorde beaucoup trop d'importance à la moindre variation de l'ISM. Celui-ci nous sert de guide général en vue de l'élaboration de notre politique. Nous ne cherchons jamais à l'ajuster en vertu d'une marge étroite.

À une question qui a été posée précédemment, j'ai répondu qu'il fallait toujours évaluer les causes des variations à la hausse ou à la baisse des taux de change. L'économie canadienne est-elle en cause, ou s'agit-il d'un phénomène lié uniquement au marché des changes, qui n'a pas de contrepartie dans l'économie canadienne et qu'il faut donc compenser? Il faut toujours faire cette évaluation. Nous n'avons pas établi de fourchette étroite pour l'Index de la situation monétaire. Vous avez raison: les acteurs des marchés exagèrent parfois l'importance de l'Index et tentent de le maintenir dans une fourchette beaucoup trop étroite.

Le sénateur Kolber: Je ne veux pas vous ennuyer avec la question des marchés boursiers constamment en hausse, mais je suis sûr qu'il faudra prendre des mesures de redressement bientôt.

La journée qui a suivi la dernière chute, en octobre 1987, la valeur des biens immeubles a augmenté en flèche, de même que la valeur de l'or. Ma question était la suivante: si la bulle se dégonfle, quels seront les effets sur le dollar canadien et sur les taux d'intérêt? Je ne crois pas que vous avez répondu à cette question. À votre avis, ne s'agit-il pas d'un transfert des avoirs?

M. Thiessen: Pas nécessairement. Dans de nombreux cas, seuls les prix fluctuent. Il peut arriver que, sans qu'il y ait aucune transaction, toutes les actions que l'on croyait très élevées perdent beaucoup de valeur. Cela peut arriver même s'il n'y a eu aucune transaction.

Ce n'est pas comme si soudainement tout l'argent avait été déplacé, même si cela peut arriver. Vous avez sûrement observé que, quand les marchés boursiers sont à la baisse, de nombreux acheteurs se tournent vers le marché des obligations, où ils se sentent plus en sécurité. Mais s'ils attendent après le crash, ils ont moins d'argent pour acheter des obligations.

Le sénateur Kolber: Nous avons vendu notre société immobilière 2 semaines après la débâcle de 1987. Durant la semaine qui a suivi le crash, nous avons été submergés d'acheteurs qui croyaient que l'immobilier était beaucoup plus sûr que les marchés boursiers.

M. Thiessen: De nombreuses personnes, y compris celles qui travaillent dans les banques centrales, se sont méprises sur les conséquences du crash. Elles croyaient qu'il aurait une plus mauvaise influence sur la perception de la population quant à la richesse et sur sa confiance en l'avenir que ce ne fut le cas.

Comme l'a souligné M. Noël, l'effet de richesse attendu -- «Si les gens sont plus pauvres tout à coup, que se passera-t-il?» -- n'a pas eu lieu. Nous avons retiré toutes les liquidités que nous avions injectées dans ce marché tout de suite après la crise, plus rapidement que la plupart des autres banques centrales. Cependant, je dois admettre que certaines tensions inflationnistes sont apparues à la fin des années 80 à la suite d'une réaction démesurée à la crise des marchés boursiers.

Le sénateur Kolber: Ma dernière question a trait au problème causé par l'arrivée de l'an 2000 dans les systèmes informatiques, dont la presse a abondamment parlé. Comme vous le savez, le problème est dû au fait que les ordinateurs ont été programmés pour reconnaître uniquement les deux derniers chiffres de l'année. Par exemple, les ordinateurs ne distinguent pas l'an 2000 de l'an 1900. Certains analystes estiment que ce problème est assez grave pour entraîner une récession. Cela vous inquiète-t-il? Pouvez-vous nous livrer vos commentaires à cet effet?

M. Thiessen: Je crois sincèrement que la réaction est démesurée. À mon avis, on comprend de mieux en mieux de quoi il en retourne, et la plupart des sociétés, des institutions et des gouvernements prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que leurs opérations continueront normalement au tournant de l'an 2000. C'est pourquoi je crois qu'on exagère beaucoup quand on parle de récession après l'an 2000.

Je ne nie pas que certaines entreprises ne passeront pas le cap, mais elles auront choisi la banqueroute ou elles seront forcées de faire faillite.

Le sénateur Angus: J'aimerais poursuivre sur un thème dont j'ai discuté avec vous au cours de vos dernières visites ici, soit les données fondamentales. Je suis content de vous entendre dire ce matin que vous considérez que les données fondamentales de l'économie canadienne sont encore bonnes, mais j'aimerais que vous élaboriez sur ce thème. Je crois que vous avez dit que, d'une part, il y a encore place à l'expansion dans notre économie, mais que, d'autre part, elle a été confrontée à certains problèmes au cours des trois ou quatre derniers mois.

En premier lieu, pouvez-vous nous donner quelques explications sur les données fondamentales? En deuxième lieu, les Canadiens devraient-ils tenir compte de certains signaux d'alarme?

M. Thiessen: Oui, en effet, sénateur, les données fondamentales sont encore très positives. Elles se sont énormément améliorées. Cela est du à la fois à l'amélioration de la situation fiscale, à tous les paliers de gouvernement au Canada, et au faible taux d'inflation, ainsi -- un facteur très important -- qu'aux efforts réalisés par le secteur privé pour augmenter sa productivité et sa compétitivité, et pour optimiser l'évolution technologique.

Il s'agit d'améliorations très importantes des données fondamentales. Je crois qu'elles sont meilleures actuellement qu'elles ne l'ont jamais été depuis les années 60. Cela est très prometteur pour l'avenir, une situation que nous n'avons pas vue depuis bien longtemps. Le Canada a maintenant de meilleurs moyens pour faire face aux chocs causés par des facteurs extérieurs.

Le Canada ne peut s'isoler pour ne pas subir les ondes de choc venant de l'extérieur. Notre économie est très ouverte. Nous sommes dépendants du commerce et des transactions effectués dans le restant du monde. Il en sera toujours ainsi. Ce qu'il faut se demander, c'est si on continuera de faire confiance à la capacité du Canada de faire face à ces chocs. Je crois que nous l'avons démontré au cours de la crise asiatique. Si on compare la façon de gérer la crise asiatique et la façon dont le Canada a réagi à la crise monétaire au Mexique, on constate une amélioration surprenante.

Pour conclure, oui, je crois que les données fondamentales sont très positives.

Le sénateur Angus: En ce qui a trait aux signaux d'alarme ou à d'autres problèmes, on peut rappeler que, l'an dernier, je vous avais demandé si ces données fondamentales étaient aussi bonnes dans tout le pays. Si je me souviens bien, à la fin de la journée, vous aviez acquiescé au fait que la situation n'était pas aussi réjouissante dans certains régions. J'avais parlé surtout du Québec, d'où je viens.

Avez-vous constaté des améliorations aussi dans la province de Québec?

M. Thiessen: Il est vrai, sénateur, que certaines provinces ont entamé le processus de réduction du déficit un peu plus tard, et que les résultats tardent à venir. Il en est ainsi pour l'Ontario et le Québec. Toutefois, je peux affirmer que les deux provinces ont fait beaucoup de progrès et qu'elles se sont toutes deux engagées à maîtriser la dette. Ce sont de très bonnes nouvelles.

Le domaine qui me préoccupe le plus quant à l'état des données fondamentales est le niveau de la dette publique, au fédéral et dans les provinces, par rapport à la taille de notre économie. Le ratio commence tout juste à baisser. Les dettes sont encore très élevées, ce qui nous rend très vulnérables. Il faudra que le ratio continue de diminuer durant plusieurs années encore si nous voulons consolider notre situation, Si nous n'y parvenons pas, nous risquons d'être touchés plus durement par une prochaine crise.

Le sénateur Angus: Gouverneur, en ce qui a trait au Québec, des analystes prétendent que l'annonce de la candidature de Jean Charest comme premier ministre a entraîné une augmentation sensible des points de base du dollar canadien. Bien entendu, l'effet peut être de courte durée. Vous conviendrez sûrement qu'un seul individu ne peut avoir un effet durable. Vous avez mentionné plus tôt, en réponse au sénateur Austin, divers facteurs qui ont une influence sur le dollar.

Pouvez-vous commenter le facteur Charest par rapport aux données fondamentales au Québec?

M. Thiessen: Il est très difficile d'interpréter les fluctuations des marchés. Mais vous avez raison: le jour de l'annonce de l'accession de Jean Charest à la tête du Parti libéral, le dollar canadien a bougé. Il est difficile de prévoir la durée de cet effet.

Je peux dire toutefois qu'un climat politique incertain, pour quelle que raison que ce soit, a toujours des effets négatifs sur les économies et sur les marchés financiers. Comme je l'ai dit plus tôt, l'un des grands atouts d'un taux d'inflation faible est qu'il réduit l'incertitude sur le plan économique, et permet donc un meilleur rendement. Il est certain que la minimisation des facteurs d'instabilité politique favorise un meilleur rendement économique, en permettant aux acteurs des marchés financiers de faire un meilleur travail.

Le sénateur Angus: Merci de cette réponse.

En ce qui a trait au dollar, certains éléments des réponses que vous avez données non seulement au sénateur Austin, mais aussi au sénateur Kolber au sujet de l'IMC, m'ont fait penser à une joute oratoire à l'université, qui aurait pour thème: «Dites si l'élaboration d'une politique monétaire est un art ou une science.» J'ai toujours pensé que c'était un art, et je crois que vous êtes d'accord avec moi.

Je veux juste m'assurer que je comprends votre position. Vous avez dit que différents facteurs, même Jean Charest, peuvent influer sur la situation du dollar.

Pourrait-on avancer que la personne chargée d'élaborer la politique monétaire se trouve au milieu d'un conflit perpétuel: d'une part, elle doit essayer de maintenir le dollar à un niveau approprié, suffisamment fort dans le contexte; d'autre part, elle ne doit prendre aucune mesure qui enfreint la croissance économique, telle que l'augmentation du taux d'escompte. Mon analyse est-elle juste? Ces deux facteurs sont-ils constamment en conflit?

M. Thiessen: Non, je ne peux faire une telle affirmation, sénateur. En fait, l'un des points positifs dans la situation récente est que ces questions n'ont plus une telle importance.

Quand les politiques économiques n'inspirent pas confiance, qu'il s'agisse de politiques monétaires ou fiscales, il arrive très fréquemment que l'on perde confiance dans la monnaie en cause. Et nous savons que si la monnaie n'inspire pas confiance, les conséquences sont très graves. Je vais citer un exemple qui peut sembler exagéré, mais qui illustre bien mon point: un pays comme l'Indonésie, où la monnaie a perdu 60 ou 70 p. 100 de sa valeur, subit actuellement des conséquences énormes. Il faut à tout prix éviter cette perte de confiance.

Récemment, ces questions ont été beaucoup moins inquiétantes. La principale raison qui nous a poussés à augmenter le taux d'escompte au cours des derniers mois est que le déclin du dollar engendrait des stimuli sur l'économie qui à notre avis ne contribuaient aucunement à la garder sur cette voie de durabilité et de non-inflation qui favorise l'expansion à long terme.

Le sénateur Angus: Nous voyons souvent dans la presse spécialisée des comparaisons entre le contexte économique canadien et le contexte américain. En fait, notre comité se rendra à Washington la semaine prochaine pour examiner certaines différences entre nos deux pays. J'ai remarqué, non seulement dans la presse mais aussi dans vos rapports et dans vos discours, que vous faites souvent référence à ces différences.

Ainsi, le taux d'inflation est plus élevé aux États-Unis, de même que le taux d'intérêt à long terme. Nous parlons constamment de l'écart entre les taux américains et canadiens. Nous avons parlé ce matin du taux de chômage moins élevé aux États-Unis, ainsi que du taux naturel de plein emploi moins élevé.

Si on regroupe ces éléments, les différences semblent assez importantes, mais leur degré varie, je crois, en fonction des circonstances et du contexte courant. Je crois que les taux d'intérêt à court terme diffèrent de ceux des États-Unis. Pouvez-vous nous expliquer ces différences et nous dire ce que les Canadiens doivent en déduire?

M. Thiessen: La meilleure façon de comprendre ces différences est d'observer la situation qui avait cours dans les années 80. Je préfère analyser les incidences d'une politique monétaire dans une perspective à long terme.

Dans les années 80, nous avons connu une période où le dollar US était très fort. Les Américains étaient très incertains relativement à la concurrentialité de leurs produits, surtout par rapport au Japon. De nombreuses sociétés des États-Unis ont entrepris une restructuration en profondeur afin d'augmenter leur compétitivité internationale et d'utiliser la technologie beaucoup plus efficacement qu'auparavant. Alors que beaucoup s'inquiétaient alors d'un éventuel déclin de l'industrie manufacturière et de la «rust belt», il appert maintenant que de nombreuses entreprises se préparaient à prendre d'affront le marché international. Ce processus a été enclenché aux États-Unis bien avant qu'il ne le soit dans les autres pays, et ils en retirent les avantages avant les autres. Nous tirons tous de la patte derrière. C'est pourquoi notre économie n'a pas atteint sa pleine capacité, alors que l'économie américaine y est parvenue. Par conséquent, nos taux d'intérêt sont plus bas. Nous avons aussi réussi à atteindre un taux d'inflation moins élevé, mais cela n'est pas aussi important.

Le point important est que nous suivons actuellement une piste qui n'est pas très différente de celle qu'ont empruntée les Américains, mais nous accusons un retard de quelques années. C'est la meilleure façon d'expliquer les différences.

Le sénateur Angus: Le taux d'intérêt, surtout à court terme -- le taux sur 90 jours, et cetera -- n'a pas toujours été plus bas. Il était plus élevé durant les dernières années.

M. Thiessen: Bien entendu. En gros, notre taux d'inflation était plus élevé que le leur durant cette période.

Le sénateur Angus: Est-ce lié à l'inflation, donc?

M. Thiessen: Oui, c'est lié à l'inflation, et à l'état de l'économie par rapport à la pleine capacité. La combinaison d'un taux d'inflation peu élevé et d'une situation économique qui a besoin de stimuli pour atteindre la pleine capacité entraîne des taux d'intérêt plus bas. Au cours de la période précédente, notre taux d'inflation était si élevé par rapport au taux américain que, même si notre taux d'activités était plus faible que le leur, nous n'avons jamais réussi à faire descendre nos taux d'intérêt au-dessous des leurs.

Le sénateur Angus: Une autre différence avec les États-Unis en ce qui a trait à l'inflation est ce dont M. Greenspan a parlé, soit la déflation et les risques liés. Le taux d'inflation en février était de 0,9 p. 100, au-dessous de la fourchette fixée par la Banque et le ministère des Finances. Pouvez-vous commenter cette question? Avez-vous bien dormi hier, gouverneur?

M. Thiessen: Certains facteurs exercent une influence temporaire, tout comme cela a été le cas en novembre et en décembre, alors que le taux d'inflation est descendu plus bas que la limite inférieure de la fourchette fixée.

Nous croyons que le taux d'inflation remontera, et qu'il sera plus près des 2 p. 100 d'ici la fin de l'année. Cette hausse sera attribuable surtout à l'incidence de la faiblesse du dollar canadien sur les prix à l'importation. L'inflation ne connaîtra pas de hausse importante, aucun mouvement brusque, mais elle se maintiendra probablement au centre de la fourchette plutôt qu'à la limite inférieure.

Le sénateur Angus: Est-il juste de dire que vous n'êtes pas préoccupé par la déflation?

M. Thiessen: Non, je ne le suis pas, et je ne pense pas que M. Greenspan le soit non plus. Il a dit que lorsque les gens parlent de déflation, ils ne parlent pas toujours de la même chose. En particulier, ils parlent parfois du prix des éléments d'actifs, tel que nous en avons discuté plus tôt. Comme je l'expliquais au sénateur Austin, les banques centrales se concentrent sur le prix des biens et des services, et non des actifs.

En ce qui a trait au prix des biens et des services, bien que les taux d'inflation dans ces secteurs soient faibles, je ne pense pas qu'il y ait un véritable risque de déflation. L'économie américaine ne fait qu'exercer une pression sur les limites de cette capacité. Ce n'est pas un scénario de déflation. Pour ce qui est du Japon, c'est une autre histoire.

Le sénateur Angus: La saveur de l'année, plus que celle du mois, comme nous l'entendons tous dire, est le commerce électronique et l'argent électronique. Je sais qu'il s'agit là d'un sujet qui vous est cher, à vous et à vos collègues. Pouvez-vous élaborer sur l'effet de ce nouveau développement? Il semble progresser à pas de géant. De quelle façon affectera-t-il la croissance économique?

M. Thiessen: Nous avons demandé à la Banque des règlements internationaux de réaliser une étude sur les répercussions de l'argent électronique sur un éventail de points. Une de ces études portait principalement sur ses répercussions en ce qui concerne la politique monétaire. L'étude venait à la conclusion qu'il n'y avait pas vraiment de répercussions pour la politique monétaire, si ce n'est qu'il rendait les agrégats monétaires plus difficiles à lire, une fois de plus.

Je pense que la plupart des questions soulevées en ce qui concerne l'argent électronique sont des questions de prudence. Comment pouvez-vous être certain que ces cartes intelligentes ne sont pas contrefaites? Comment pouvez-vous être certain que l'institution qui les émet est effectivement une institution solvable? À mon avis, ce sont là les grandes questions, et c'est la façon de vous attaquer à ces questions qui fait l'objet des discussions.

En Europe, on a tendance à penser que tous les émetteurs devraient être des banques étroitement réglementées. Aux États-Unis, on est beaucoup plus enclins à dire que nous n'allons obtenir des profits que si nous permettons un peu de concurrence, donc cela ne nous dérangerait pas si d'autres personnes cherchaient à se lancer dans cette entreprise. Ce sont les questions auxquelles nous sommes confrontés.

À l'heure actuelle, le processus n'est pas suffisamment avancé pour que nous ayons à prendre une décision formelle. Nous suivons la situation de près. Je peux vous en assurer.

Le sénateur Angus: Êtes-vous à l'aise avec l'arrivée du commerce électronique et de la carte intelligente?

M. Thiessen: Je ne pense pas que nous ayons de choix. Je ne pense pas que vous puissiez dire que nous n'allons rien permettre de tout cela. Il s'agit d'une autre évolution. C'est comme si on nous demandait comment nous nous sentions lorsqu'on a mis au point les cartes de crédit et les cartes de débit, qui ont modifié la nature des transactions. L'aspect essentiel est de s'assurer que vous avez en fin de compte un système de paiement sûr et fiable, exactement comme nous nous préoccupons en ce moment d'avoir des traites sûres et fiables.

Le sénateur Stewart: Dans votre déclaration préliminaire, monsieur Thiessen, vous avez fait référence à la situation financière en Asie. Vous avez dit que la crise asiatique devrait affecter l'économie canadienne surtout par le truchement de nos autres grands partenaires commerciaux et des prix de certains biens que nous exportons, en particulier les produits de base. Vous avez ajouté que dans une certaine mesure tout cela sera compensé par la performance économique de nos principaux partenaires commerciaux.

Attardons-nous au premier aspect. J'ai ici une copie de la déclaration que M. Martin a faite à Washington le 16 avril de cette année. Il disait:

Toutefois, les événements survenus récemment en Asie portent à croire qu'il faut faire encore davantage. Indépendamment des efforts visant à étendre la surveillance pour inclure le secteur financier, un accent insuffisant mis sur les questions du secteur financier a été un facteur déterminant qui a empêché une détection précoce de la crise asiatique.

Plus tôt, dans la même déclaration, il disait:

Il est également important que le FMI améliore la transparence de ses propres opérations et communique ses conseils à ses membres et au grand public de façon claire et avec une plus grande franchise.

Étant donné l'importance que vous avez établie entre la situation asiatique et l'économie canadienne, pensez-vous que la critique implicite à l'égard du FMI dans la déclaration de M. Martin soit justifiée? Deuxièmement, est-ce que l'intervention corrective du FMI contribue à un danger moral sur les marchés financiers mondiaux?

M. Thiessen: Monsieur le sénateur, je ne pense pas qu'il y avait une très grande critique implicite dans ce qu'a dit le ministre. Le FMI a déployé des efforts dans le but d'améliorer la transparence de ses activités. Une partie du problème est que ce n'est pas toujours une tâche facile avec des pays. Le FMI ne peut pas dire de façon unilatérale «Très bien, nous allons dire au grand public tout ce que nous pensons au sujet d'un pays donné», parce que le FMI est, évidemment, une coopérative de pays. Ce que disait vraiment le ministre, c'est que nous devons tous accepter que nous devons faire preuve d'une plus grande transparence, que les jugements du FMI doivent être rendus publics afin que les institutions financières, les marchés qui considèrent un pays, aient une source objective d'évaluation pour ce qui se passe dans ces pays. Je ne pense pas que qui que ce soit pense que cela va disparaître très rapidement. Il est important de maintenir la pression, et c'est précisément ce que le ministre essayait de faire.

Pour ce qui est de la question du danger moral, oui, il n'y a aucun doute que dès qu'un organisme prête de l'argent, comme le fait le FMI, il fournit un degré de confort et de sécurité aux prêteurs internationaux, ce qui signifie par conséquent qu'ils sont davantage disposés à prêter dans des situations à risque qu'ils l'étaient auparavant. Oui, en effet, il y a un élément de danger moral à cet égard.

Parmi les choses que nous essayons de faire, il y a d'abord, comme le dit le ministre, rehausser les normes de supervision des institutions financières dans les pays partout dans le monde et, deuxièmement, voir s'il n'y a pas des façons de s'assurer que lorsqu'un problème survient, les prêteurs et investisseurs du secteur privé font partie immédiatement de la solution.

Le sénateur Stewart: J'étais un peu pris par la crise en Asie. Le comité des Affaires étrangères a produit un rapport provisoire sur le Canada dans l'Asie-Pacifique en juin dernier et nous n'avons pas perçu la crise financière imminente. Par la suite, j'ai demandé un certain nombre d'articles parus dans The Economist en rapport avec les institutions financières d'Extrême-Orient. J'ai été estomaqué par le nombre d'articles. Comme quelqu'un me le disait lorsque nous étions à Londres, il n'y a aucune raison qui puisse expliquer que les gens avisés n'étaient pas au courant que les institutions financières dans de nombreux pays asiatiques étaient passablement peu fiables. Nous n'avions pas besoin d'attendre que le FMI nous fournisse des renseignements. La même personne m'a dit que nous devons nous rappeler, évidemment, que le marché n'est pas vraiment intéressé par les faits.

Je me demande à quel point l'information officielle est pertinente au sujet de ce qui se passe dans les marchés financiers mondiaux. Allons-nous nous trouver dans une situation où des investisseurs participent à des transactions sur les marchés mondiaux et voient par la suite le FMI, je suppose aux frais de quelques contribuables, se présenter avec une intervention corrective? J'en déduis que vous ne considérez pas cela comme une situation satisfaisante?

M. Thiessen: Non, je ne pense pas que la situation actuelle soit satisfaisante. Il est vrai que si vous examinez rigoureusement toutes les données disponibles, vous pouvez démonter que nous aurions dû voir se développer la situation. Toutefois, ces crises ne sont pas aussi prévisibles que cela. Les gens qui adoptent un point de vue très pessimiste et cynique des choses anticipent tellement de crises qu'ils finissent par tomber pile à l'occasion. C'est d'ailleurs là que le bât blesse. Les investisseurs peuvent dire qu'une certaine personne a prévu une crise l'année dernière et que rien s'est produit; et que donc ils ne devraient pas s'inquiéter.

Il n'y a aucun doute qu'il y a de la place pour plus d'information et une meilleure information. Rien n'indique que tout le monde a compris l'ampleur du risque pour les devises étrangères de certains de ces pays, et en particulier certaines de leurs banques, et du fait que le risque pour cette devise étrangère était à court terme.

Le sénateur Stewart: J'aimerais mettre de côté l'intervention corrective du FMI pour aborder ce que j'appelle l'aspect préventif.

M. Martin, dans la même déclaration, disait:

Le temps est maintenant venu d'établir une nouvelle entité multilatérale avec un mandat clair à l'égard du secteur financier.

Il poursuit en décrivant la façon dont ce nouveau secrétariat fonctionnerait.

À quel point est-ce réaliste? D'une certaine façon, ce qui est proposé -- et je sais qu'on l'a proposé avec toutes les modifications qu'on peut attendre d'un document international -- c'est la régie par un organisme international de systèmes de gouvernements extrêmement variés. Il est possible que les institutions financières ne soient pas dirigées par les ministres des Finances au Japon et en Corée du Sud et ainsi de suite, mais elles sont passablement près des gouvernements de ces pays, et du style du gouvernement, en Indonésie, par exemple.

Pensons-nous vraiment qu'un secrétariat à Washington, ou dans quelque autre endroit qui convient, puisse entreprendre de prévoir des mesures qui empêcheraient de se produire le genre d'incident dont le Canada va souffrir au cours de la présente année?

M. Thiessen: Il ne préviendra pas de façon absolue, mais il devrait réduire les risques que cela se produise. Je suis d'accord avec ce que vous dites, sénateur. Ce n'est pas facile, lorsque vous avez un gouvernement fondamentalement différent, un style différent de faire les choses, de tout simplement imposer la façon que nous avons de faire les choses dans les pays industrialisés.

En fait, si les pays et les institutions de ces nouveaux marchés veulent profiter de la circulation des capitaux internationaux et des prêts provenant des pays industrialisés, il doit y avoir une norme de comportement commercial perçu par les prêteurs comme leur offrant une chance raisonnable de ravoir leur argent, avec les intérêts.

La proposition qu'a faite le ministre porte sur une participation volontaire. Il s'agit d'un processus d'examen par les pairs où les superviseurs des pays industrialisés et des nouveaux marchés font partie d'un mécanisme d'examen par les pairs qui prend en compte les arrangements de supervision dans les différents pays. Si un pays veut participer à ce processus, et si ce processus d'examen par les pairs lui accorde une note raisonnable, alors il sera en mesure d'attirer plus de capitaux. Si ce pays ne veut pas participer, il n'est pas tenu de le faire.

Le sénateur Stewart: En supposant que le pays X, un très important pays, décide qu'il ne veut pas participer, serait-il approprié, à votre avis, pour le Canada, compte tenu de sa position au sein du FMI ou quel que soit le nom de l'organisme, de dire «Au cas où il y aurait des difficultés financières dans ce pays qui affecteraient les investisseurs étrangers, nous n'allons pas appuyer l'intervention corrective en raison du facteur de danger moral»?

M. Thiessen: C'est une bonne question, et il est difficile d'y répondre. S'il n'y avait aucune circonstance qui vous amenait à adopter un point de vue plus généreux, vous pourriez souhaiter voter en ce sens, oui.

Le sénateur Meighen: Toutes mes questions seront très faciles, monsieur le gouverneur.

Le souvenir que j'en ai, c'est que vous avez dépensé d'importantes sommes d'argent -- et ce n'est pas une critique -- pour défendre le dollar canadien plus tôt cette année. Les grands titres parlaient de montants de l'ordre de 1,6 milliard de dollars, de 2 milliards de dollars; c'est beaucoup d'argent. Certains critiques ont dit que vous n'auriez pas dû dépenser autant d'argent et que vous provoquiez un effet de resserrement sur l'économie canadienne et sur les taux d'intérêt, et que ce n'est pas bon.

Peut-on conclure compte tenu des importantes sommes d'argent dépensées plus tôt cette année que, à votre avis, le dollar avait atteint le seuil le plus bas que pouvait supporter l'économie canadienne?

M. Thiessen: En fait, notre avis était qu'il avait trop descendu et, compte tenu de tout ce que nous savions alors, la situation semblait appliquer un certain degré de stimulus à l'économie qui n'était tout simplement pas justifié. Toutefois, je n'ai pas besoin de vous rappeler, si vous me le permettez, sénateur, que nous n'avons pas dépensé d'argent. Nous avons échangé des dollars américains contre des dollars canadiens. Par la suite, la valeur de ces dollars canadiens a remonté par rapport à celle du dollar américain, de sorte que ce n'est pas vraiment une dépense d'argent. C'est changé un actif pour un autre. Si nous avons en fin de compte un certain succès dans tout cela, l'opération aura été profitable, ou du moins elle n'aura pas été coûteuse.

Le sénateur Meighen: D'accord, monsieur le gouverneur. C'est vrai si vous connaissez du succès. Si non, il me semble que ce sera très coûteux.

Vous avez indiqué que vous pensiez que le dollar avait trop descendu. Vous savez que certains critiques à votre endroit ont dit que si c'est effectivement le cas, pourquoi n'avez-vous pas intervenu plus tôt? Pouvez-vous me rappeler pourquoi vous avez décidé d'attendre que le dollar parvienne à un niveau trop bas?

M. Thiessen: Les marchés dans le monde sont toujours à la hausse et à la baisse. Vous ne voulez certainement pas suivre chaque petit mouvement sur le marché. Nous attendons pour voir si un mouvement particulier du dollar semble vouloir se maintenir pendant un certain temps avant de réagir. Autrement, vous intervenez toujours sur le marché, et vous vous battez avec un mouvement qui peut être inversé demain ou la semaine prochaine.

Le sénateur Meighen: C'est facile de jouer au quart arrière le lundi matin, et je ne voudrais pas qu'on pense que c'est ce que je fais.

Le sénateur Kelleher: Mais c'est ce que vous faites.

Le sénateur Meighen: Mettons cela de côté pour un instant. Je pourrai y revenir plus tard.

J'aimerais vous demander quel est l'objectif en matière d'inflation que vous et le ministre avez fixé. Pourriez-vous en quelques mots nous brosser un portrait du processus que vous suivez avec le ministre pour arriver à cette fourchette, et pourriez-vous nous dire pourquoi l'inflation est le seul objectif à être choisi? Pourquoi est-ce que vous et le ministre n'établiriez-vous pas un objectif pour les taux de chômage ou les taux d'intérêt et voir avec quel succès vous et nous tous pouvons atteindre ces objectifs?

M. Thiessen: L'impact de la politique monétaire dans le temps se fait sur le taux d'inflation et le niveau des prix. Si vous suivez une mesure monétaire donnée pendant une période de temps suffisamment longue, le seul impact sera sur le niveau des prix et sur le taux d'inflation. Compte tenu de tout cela, la chose la plus sensée à dire en ce qui concerne la politique monétaire est que, par conséquent, vous devez fixer un objectif qui sera bon pour l'économie. La proposition que nous appuyons est qu'un faible taux d'inflation est une bonne chose pour l'économie.

À court terme, la politique monétaire aura effectivement une incidence sur l'économie, sur le chômage, et tout le reste, mais non à long terme. En effet, sur des périodes de temps longues, la performance de l'économie a rapport à la productivité, à la compétitivité internationale, à la croissance de la main-d'oeuvre, aux compétences de la main-d'oeuvre et tout le reste. Voilà pourquoi vous ne pouvez pas, par le truchement de la politique monétaire, obtenir de l'économie qu'elle surperforme en quelque sorte. Cela ne se fait tout simplement pas. Ces autres aspects sont vraiment ce qui importe.

La proposition est que vous devriez fixer des objectifs que vous pouvez atteindre. Dans ces autres domaines, vous ne pouvez pas les atteindre. Si vous fixez un objectif pour les taux d'intérêt, par exemple, vous pourriez être en mesure de l'atteindre pendant quelque temps, mais si vous fixez un objectif très bas pour les taux d'intérêt, un objectif qui n'est pas compatible avec le maintien d'un faible taux d'inflation, vous ne pourrez pas l'atteindre. À un moment donné, les prix augmenteraient tellement rapidement que personne ne serait prêt à économiser de l'argent de sorte que vous ne seriez plus en mesure de respecter cet objectif. Par conséquent, ce n'est pas un objectif raisonnable.

Il en va de même avec le chômage. Il y a tellement de facteurs dans une économie qui ont une incidence sur le chômage que vous ne pouvez pas dire qu'un instrument, la politique monétaire, permettra d'atteindre votre objectif. Comme je l'ai dit en réponse à une question plus tôt, nous ne savons même pas quel est au juste le niveau de chômage atteignable. Donc, vous ne voulez pas établir un objectif parce qu'il pourrait être soit trop haut, soit trop bas. Vous voulez uniquement faire progresser l'économie continuellement sur une trajectoire non inflationniste, une trajectoire qui est aussi près que vous pouvez de la pleine capacité, et alors vous obtiendrez le plus bas taux de chômage que l'économie peut produire dans les circonstances actuelles.

Le sénateur Meighen: Je comprends ce que vous dites, monsieur le gouverneur. Aurais-je alors raison de dire que pour ce qui est du dollar canadien, vous avez établi sa référence à au moins 69,5 cents? Vous nous avez dit il y a quelques instants que cette valeur était trop basse, à votre avis. Avez-vous une fourchette d'objectifs quant à la valeur où il devrait être, compte tenu de l'état actuel de notre économie en Amérique du Nord et dans le monde?

M. Thiessen: Non. Comme je le disais plus tôt, nous surveillons continuellement l'impact du niveau de la devise sur l'économie. Je tiens compte de l'impact de la devise sur l'économie, je tiens compte de l'impact des taux d'intérêt sur l'économie, je tiens compte de tous les autres aspects qui ont une incidence sur l'économie et je demande alors: est-ce que cet effet combiné des taux d'intérêt et du taux de change est à peu près correct ou non? Si la réponse est non, alors nous devons modifier les taux d'intérêt afin d'essayer de modifier cet effet combiné. C'est ce que nous faisons tout le temps. Toutefois, nous ne disons pas qu'il se trouve que c'est la bonne valeur pour le dollar canadien, parce que cette valeur peut changer. Par exemple, il se pourrait fort bien que le prix des produits augmente. Si le prix des produits augmente, il y aura probablement un effet d'entraînement sur le dollar. Alors nous devrons dire que lorsque le prix des produits est plus élevé, l'économie canadienne semble plus forte et que peut-être un dollar plus fort conviendrait; ou si le dollar augmente trop, nous pourrions dire que l'économie semble trop tendue et nous devons abaisser les taux d'intérêt.

Voilà les genres de calculs que nous faisons, et cela ne veut aucunement dire donner une valeur de référence à l'économie.

M. Noël: La dernière fois que nous sommes intervenus, en ce qui concerne le dollar canadien, par le truchement des taux d'intérêt, c'était à la fin de janvier, et le dollar était beaucoup plus bas que 69,5 cents. Il était à 68,10 cents.

Le sénateur Meighen: Vous avez abordé la question de la valeur de référence. Pouvez-vous imaginer des circonstances où ce serait approprié pour le dollar?

M. Thiessen: Non, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

La dernière expérience que nous avons vécue a été très intéressante. Nous avons été aux prises avec une crise en Asie, ainsi qu'avec une crise du prix des produits, et la devise s'est rajustée à la baisse dans une certaine mesure. Elle est descendue un peu trop bas, mais une certaine baisse de la devise dans les circonstances était appropriée. Si toute cette situation se résorbe, et nous nous attendons vraiment à ce que ce soit le cas, une certaine hausse de la devise sera également appropriée. C'est en quelque sorte un amortisseur que procure la devise, et je ne peux pas imaginer pourquoi nous voudrions abandonner ce mécanisme.

Le sénateur Meighen: En ce qui concerne la devise et les taux, notre comité a recommandé deux fois à l'unanimité que nous haussions, comme nous l'avons fait entre 1990 et 1995, le pourcentage de contenu étranger que les régimes de pensions et autres régimes semblables pourraient soutenir. Si nous haussions le plafond pour l'amener à 30 p. 100, par tranche de 2 p. 100 par année au cours des cinq prochaines années, est-ce que cela serait contraire à votre stratégie? Est-ce que cela mettrait une pression indue sur le dollar canadien?

M. Thiessen: Je ne pense pas. Exactement à quelle vitesse ou dans quelle mesure vous faites ces choses, ce sont des jugements minutieux, et je pense que ce sont des jugements que les gouvernements doivent faire. L'orientation générale ne me poserait aucun problème. Toutefois, je serais mal avisé de le faire lorsqu'il y a une pression considérable à la baisse exercée sur la devise.

Le sénateur Meighen: Ce n'est pas le cas en ce moment n'est-ce pas? Est-ce que vous nous dites quelque chose que vous savez et que nous ne savons pas?

M. Thiessen: Absolument pas.

Le sénateur Austin: S'il ne sait pas, je suis inquiet.

M. Thiessen: Ne soyez pas inquiet.

Le sénateur Meighen: Je me rends compte qu'il s'agit d'un terrain dangereux, mais nous avons assisté à des mégafusions de banques aux États-Unis. On parle même de fusions semblables chez nous. On dit du taux de la Banque du Canada qu'il détermine l'orientation. Est-il possible que si la fièvre des fusions se poursuit dans le secteur bancaire aux États-Unis, aussi critique que soit la situation des États-Unis par rapport à la situation de notre taux d'intérêt, nous pourrions nous trouver rapidement dans une situation où le taux de la grosse banque aux États-Unis soit celui qui détermine l'orientation au Canada, et non le taux de la Banque du Canada?

M. Thiessen: Non, je ne pense pas. Les marchés financiers sont très vastes et très profonds. Ils sont internationaux. Il y a un grand nombre d'intervenants dans ces marchés la plupart du temps, et même encore plus d'intervenants une partie du temps. Ces marchés sont vraiment ce qui importe. Ce sont les marchés que nous tentons d'influencer à très court terme par les fluctuations de notre taux d'intérêt et que la Federal Reserve cherche à préserver par les fluctuations de son taux d'intérêt. Je ne vois rien dans les fusions qui compromettrait cette capacité d'influencer à très court terme les marchés financiers.

Le sénateur Kenny: Aujourd'hui, les audiences de notre comité sont télévisées et il y a donc comme tel un auditoire plus grand qui est à l'écoute de nos délibérations. Dans une certaine mesure, nos délibérations ont tendance à être passablement introspectives. Ce serait utile si vous pouviez prendre un instant pour expliquer aux Canadiens quelles sont vos principales responsabilités et quels outils vous utilisez pour réduire le chômage et faire prendre une expansion à l'économie.

M. Thiessen: Le travail de la Banque est de s'assurer que la politique monétaire contribue à la meilleure performance de l'économie canadienne que nous puissions obtenir. Cela ne signifie pas que la politique monétaire est le seul aspect qui importe, mais la politique a une contribution importante à faire pour s'assurer que l'économie performe aussi bien que possible, ce qui signifie produire autant de revenus et autant d'emplois que possible dans le temps. En maintenant le taux d'inflation faible, nous contribuerons à cette économie, et nous produirons par conséquent un plus grand nombre d'emplois et plus de revenus d'une façon plus stable. C'est ainsi que nous, à la Banque du Canada, voyons notre objectif.

Il y a d'autres choses que nous devons faire. Nous estimons qu'il est de notre devoir de fournir aux Canadiens un système de devises aussi sûr que possible, et nous sommes chargés d'émettre la dette du gouvernement aux meilleurs taux d'intérêt que nous pouvons négocier.

Le sénateur Kenny: Vous pourriez peut-être élaborer un peu plus et décrire aux Canadiens votre rôle par rapport à la politique budgétaire et de quelle façon vous et le ministre des Finances entretenez vos rapports.

M. Thiessen: La Loi sur la Banque du Canada exige que le ministre et le gouverneur se rencontrent régulièrement pour discuter de politique économique en général et de politique monétaire. C'est ce que nous faisons, non seulement avec le ministre, mais aussi avec des hauts fonctionnaires du ministère des Finances. Ces conversations et discussions se déroulent continuellement de sorte qu'il n'y a aucune surprise entre les institutions.

La politique budgétaire et la politique monétaire sont deux choses tout à fait différentes. La politique budgétaire se concentre sur des questions telles la taille du gouvernement et le niveau d'imposition, ainsi que sur l'ampleur des déficits et des excédents et leur incidence sur la dette du gouvernement. Tout cela a un important impact sur les taux d'intérêt.

Il y a une interaction entre la politique budgétaire et la politique monétaire. La politique monétaire a rapport à l'expansion du crédit et de l'argent dans le temps. Selon ce qui se passe au Canada et dans le reste du monde, il en résultera des niveaux des taux d'intérêt et un niveau de la valeur du dollar canadien qui, à leur tour, auront une incidence sur l'économie. Notre travail, comme je le disais, est de faire cela d'une façon qui permettra à l'économie canadienne d'avoir la meilleure perfomance possible.

Une politique budgétaire qui n'est pas crédible et un manque de confiance dans la politique budgétaire mèneront à des taux de change et des taux d'intérêt différents que ce qui se produirait dans le cas d'une politique budgétaire en laquelle on a beaucoup confiance. Voilà le genre de choses dont vous devez tenir compte en ce qui concerne la politique monétaire.

De même, si vous avez une politique budgétaire expansionniste, c'est-à-dire lorsque les gouvernements augmentent leurs opérations et leurs dépenses rapidement et que cela met une pression sur la capacité de l'économie de produire, le travail de la politique monétaire est de comprimer le secteur privé pour faire place à un gouvernement plus important. C'est ainsi que le processus fonctionne. Vous parvenez à faire cela avec des taux d'intérêt élevés et un dollar canadien fort.

Le sénateur Kenny: Quels signaux de l'économie pourraient être préoccupants pour les Canadiens et quelles mesures devraient-ils s'attendre à ce que vous preniez lorsqu'ils voient ces signaux?

M. Thiessen: Il n'y a pas un nombre bien élevé de raisons pour lesquelles on devrait se préoccuper maintenant. Les bases sont bonnes. Tout ce qui a rapport à un ratio à la baisse de la dette publique par rapport au PIB pour tous les paliers de gouvernement au Canada devrait être une préoccupation. Si les Canadiens voient cela, ils devraient être préoccupés. Il n'y a rien que la politique monétaire puisse faire à ce sujet, mais cela voudrait dire des taux d'intérêt plus élevés que ceux que nous connaissons en ce moment.

Les Canadiens doivent toujours être préoccupés par ce qui se passe à l'étranger. Nous avons une économie très ouverte. S'il se passe des choses à l'étranger, il est essentiel que la Banque du Canada contrôle les taux d'intérêt et les taux de change de façon à atténuer l'impact de l'événement sur le Canada. Vous ne pouvez pas éviter l'impact, mais vous devez contrôler ces choses de façon à atténuer l'impact. Il n'y a rien d'autre qui me vienne rapidement à l'esprit.

Le sénateur Kelleher: Je suis convaincu que le sénateur Meighen disait la vérité lorsqu'il a dit que les requins étaient à l'oeuvre. J'ai commencé en posant ce que je pensais être des questions extrêmement pertinentes et exploratives. Vous serez heureux d'apprendre qu'elles ont toutes disparu une par une. Je passerai donc à un autre domaine, une autre partie des grandes banques, si vous voulez.

Comme vous le savez, le DSIF a demandé au comité du sénat sur les banques d'aller à Londres, ce que nous avons fait en janvier et février, et d'examiner la nouvelle Financial Services Authority qu'ils ont créée là-bas. Comme vous le savez mieux que quiconque ici, nous avons un système un peu fragmenté au Canada. Nous n'avons pas seulement un système fédéral de réglementation fragmenté, nous avons aussi des provinces qui sont impliquées à divers niveaux.

En Grande-Bretagne, nous avons constaté qu'en vertu de la nouvelle Financial Services Authority, ils ont tout confié à cette nouvelle autorité et ont gardé la Banque d'Angleterre comme banquier de dernier recours. Ils se sont étendus dans de nombreux domaines qui étaient du ressort du secteur privé dans bien des cas.

Je me rends compte que vous ne pouvez pas dire aux provinces ce qu'elles doivent faire; le gouvernement fédéral a appris cela il y a bien des années. Toutefois, compte tenu de notre système fragmenté, et en cette ère de fusion de conglomérats où tout le monde s'intéresse à l'activité de tout le monde, est-ce que nous serions mieux servis si nous adoptions quelque chose de semblable au système de Grande-Bretagne, en supposant que cela soit possible?

M. Thiessen: Sénateur, je ne crois pas que les arrangements institutionnels comme tels soient importants. L'aspect essentiel est qu'il y a un degré de collaboration. On a la question de savoir quelle est la meilleure façon de réaliser tout cela. Dans le grand débat au Royaume-Uni, la Banque d'Angleterre dirait qu'il y a déjà collaboration.

La véritable question est de savoir si la collaboration au sein des institutions fonctionne mieux que la collaboration entre les institutions. Ils ont décidé que ce serait le cas. Dans la plupart des cas, cela fonctionne probablement mieux de cette façon, mais vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas d'autres façons.

Le Royaume-Uni est l'État le plus inclusif au monde au chapitre des organismes de réglementation. Les Australiens ont également pris cette orientation, mais ont décidé de garder la réglementation des marchés de valeurs mobilières distincte des tâches du mégaorganisme de réglementation. Je ne crois pas que l'on puisse dire qu'il y a un seul modèle qui fonctionnera. Le fait que nous ayons fusionné la réglementation des banques, des sociétés de fiducie, des compagnies d'assurances et des fonds de pension sous le BSIF n'en a pas un modèle pour le Royaume-Uni et pour l'Australie.

Que vous ayez à adopter l'autre mesure, je ne sais pas, mais vous devez vous assurer qu'il y aura collaboration. Comme vous l'avez à juste titre signalé, plus les conglomérats sont importants, plus vous voulez examiner tous les aspects de leurs activités. Ce n'est pas seulement vrai à l'échelle nationale, c'est vrai à l'échelle internationale. Il y a un certain nombre de projets d'envergure internationale pour s'assurer que les superviseurs des opérations bancaires et les superviseurs des compagnies d'assurances et les superviseurs des marchés de valeurs mobilières travaillent tous de concert. Il y a un projet, et la plupart des réunions ont lieu à Bâle, à la Banque des règlements internationaux, pour faire en sorte que ces gens discutent de la façon d'examiner les conglomérats.

Le sénateur Kelleher: Un des sujets intéressants dont nous avons discuté avec eux, en particulier depuis que Londres est devenue un centre bancaire international important, est de quelle façon ils peuvent garder le contrôle. Ils ont dit qu'il y avait plus de 400 banques étrangères en exploitation à Londres.

C'est quelque chose que nous pourrions voir dans l'avenir étant donné que nous envisageons d'ouvrir notre système bancaire. Avez-vous des observations à faire sur la façon dont un pays conserve le contrôle lorsqu'un si grand nombre de banques étrangères s'intègrent dans le système bancaire d'un pays?

M. Thiessen: Une chose que vous faites, c'est de vous fier sur le pays d'origine de la banque étrangère pour réglementer sur une base consolidée mondiale. Ce n'est pas la seule chose que vous faites, mais cela vous procure un grand niveau de confort.

Le sénateur Kelleher: Vous ne diriez pas cela si vous considériez l'Indonésie, par exemple.

M. Thiessen: C'est le problème. Cela me ramène au projet que le ministre a annoncé à Washington. Si vous avez un processus permanent d'examen par des pairs, pas uniquement pour les pays des nouveaux marchés, mais pour tous les pays dans le cadre d'un processus régulier de supervision, et si vous avez des ententes de réglementation dans chaque pays, lorsque les banques qui sont assujetties à la réglementation de ce système de supervision viennent s'établir au Canada, vous pouvez alors jouir d'un niveau de confort qui est supérieur à ce qu'il aurait autrement pu être. Si vous n'aimez pas ce que dit le système d'examen par des pairs au sujet du système de supervision, alors vous risquez d'être un peu moins à l'aise. En fait, vous pourriez décider de ne pas les accepter. S'ils se sont déjà établis au Canada, vous pourriez choisir de consacrer plus de vos énergies à examiner les opérations de ces succursales plutôt que celles qui semblent bien réglementées sur une base consolidée mondiale.

Et ce serait vrai pour les banques canadiennes en exploitation à l'étranger. Si on estime que le BSIF fait bien son travail, vous allez vous rendre compte que les organismes de réglementation étrangers superviseront à peine les activités des banques canadiennes dans leur pays.

Le sénateur Kelleher: Je pensais que la suggestion de M. Martin était passablement raisonnable, mais le mieux que je puisse dire quant à la réaction, c'est qu'elle était tiède. Est-ce que cela ne créera pas un problème à Londres et également ici au Canada si nous permettons à notre système bancaire de s'ouvrir à une concurrence des banques étrangères?

M. Thiessen: Vous voulez vous assurer que cette concurrence accrue se produit sur une base qui est saine prudentiellement. La façon exacte de faire cela dépendra du bon fonctionnement des systèmes de réglementation ailleurs. Si vous pensez que personne a un bon système de réglementation, alors le BSIF doit examiner chaque succursale et sa façon de fonctionner. Il devra obtenir des renseignements au sujet de la compagnie mère de cette succursale, et il se guidera en conséquence. Ce sera beaucoup de travail, mais c'est possible.

Le sénateur Callbeck: Ma question a rapport au deuxième groupe des fournisseurs de services financiers. Estimez-vous que nous avons un secteur fort au Canada?

M. Thiessen: Sénateur, je suis en faveur de la concurrence. J'aimerais voir un deuxième groupe plus fort que ce que nous avons eu. Nous avons traversé des temps difficiles en ce qui concerne les institutions financières au cours des 20 dernières années, et un grand nombre d'entre elles ont vécu des difficultés. Certaines ont fusionné, certaines ont été liquidées ou certaines ont changé de main. Le deuxième groupe ne semble pas aussi fort qu'il l'était il y a un certain temps. Je demeure confiant que la plus grande partie de tout cela est derrière nous, que nous verrons maintenant un plus grand nombre d'institutions financières du deuxième groupe. Ce n'est qu'une question de temps.

Une partie du problème auquel les institutions financières du deuxième groupe font face à l'heure actuelle, c'est leur réputation de ne pas être sûres en raison des problèmes que nous avons traversés à la fin des années 80. Toutefois, ces préoccupations disparaîtront graduellement et nous pourrons entrevoir un plus grand nombre d'institutions du deuxième groupe. Il ne fait aucun doute que, à mesure que certaines institutions prennent de l'importance, il y aura toujours de la place pour de plus petits concurrents. C'est ainsi que le monde fonctionne.

Le sénateur Callbeck: On a beaucoup parlé ce matin de la plage d'inflation qui est de 1 p. 100 à 3 p. 100. Je crois comprendre qu'un grand nombre de pays, notamment les États-Unis, n'ont pas d'objectifs semblables. Je me demande quels sont les avantages et les désavantages. Est-ce que les pays qui ont des objectifs ont un meilleur rendement?

M. Thiessen: Non. Les pays qui ont des objectifs les ont choisis parce que leur performance antérieure était pire. Les pays qui ont une très bonne performance ont tendance à ne pas se donner d'objectifs. Les pays qui n'ont pas eu une bonne performance ont tendance à avoir des objectifs.

L'Allemagne, le Japon et les États-Unis, qui se sont tous raisonnablement bien sortis du contrôle de l'inflation, n'ont pas d'objectifs, du moins pas en matière d'inflation. Le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suède et le Canada ont des objectifs. Il y a divers pays européens importants qui ont choisi d'avoir des objectifs en matière de taux de change afin de se lier à l'Allemagne.

Les objectifs sont une façon de produire une crédibilité et une confiance dans la lutte à l'inflation dans les pays qui ne se sont pas toujours sortis d'affaires aussi bien qu'ils auraient dû.

Le sénateur Callbeck: Dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que la crise asiatique contribuera sans doute à ralentir l'activité économique au Canada. Pourriez-vous élaborer un peu plus s'il vous plaît?

M. Thiessen: Oui, je peux. Il est tout de même difficile d'avoir une bonne idée de l'importance de ce que sera cette influence. C'est partiellement parce que l'incertitude entourant l'Asie n'est pas disparue. Elle est beaucoup plus certaine qu'elle ne l'était il y a quelques mois, mais la situation au Japon demeure incertaine. Les autorités japonaises ont récemment pris des mesures. Nous ne savons pas encore à ce stade-ci dans quelle mesure elles seront efficaces. Le Japon est important pour le reste de l'Asie.

Ce n'est pas une coïncidence que l'une des raisons pour lesquelles le Mexique s'est remis si rapidement de sa crise, c'est qu'il est situé tout près des États-Unis, qui ont une économie très forte. Si l'économie japonaise était forte, la situation en Asie serait essentiellement meilleure. Il y a encore beaucoup d'incertitude là-bas.

En ce qui concerne l'impact éventuel, il doit y avoir une marge d'incertitude. Il nous semble toutefois que la croissance de l'activité économique au Canada sera de l'ordre de 0,3 p. 100 à 0,5 p. 100 plus faible que nous l'avions prévu. C'est essentiellement ce qu'a annoncé le FMI lors de ses réunions à Washington il y a deux semaines. Il y a un certain consensus à cet effet.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que le risque pour nos institutions financières en Asie est important?

M. Thiessen: Non, il ne l'est pas. Si on inclut le Japon, tout le sud-est asiatique et la Corée, il serait de l'ordre de 17 milliards de dollars, ce qui est environ 1 p. 100 de tous les actifs du système bancaire canadien. On ne devrait pas sauter à la conclusion que tous ces prêts sont de mauvaises créances, parce que ce n'est pas le cas. C'est leur risque total dans cette région, ce qui n'est vraiment pas très important.

Le sénateur Callbeck: Ce matin, vous avez parlé du taux naturel de chômage. Pensez-vous que si nous avons la bonne politique monétaire nous pouvons descendre encore plus bas que ce taux, comme ce fut le cas aux États-Unis?

M. Thiessen: Je dois vous admettre, sénateur, que je déteste au plus haut point l'expression «taux naturel» parce que je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de naturel à ce sujet. Il y a des taux de chômage auxquels les marchés du travail deviennent imperméables et il y est difficile d'engager des gens. Les pressions sur le salaire augmentent. Tout cela variera dans le temps de façons qui ne sont pas prévisibles. Toutefois, je crois qu'avec tous les changements qui sont survenus récemment dans l'économie canadienne, il y a une très bonne chance que nous puissions abaisser notre taux de chômage à un taux que nous n'avons pas connu depuis longtemps. Je ne peux pas le dire avec certitude, mais les perspectives sont très bonnes à cet égard. Je ne sais pas non plus jusqu'à quel niveau nous l'abaisserons, comme je l'ai dit plus tôt, tout comme les Américains ne savaient pas qu'ils allaient se retrouver à 4,6 p. 100.

Le président: J'aimerais mettre fin à nos travaux pour l'instant avec quelques questions sur le rôle de la Banque en ce qui concerne la gestion du risque systémique et ses activités en tant que prêteur de dernier recours.

Il y a environ sept ou huit ans, on a demandé à votre prédécesseur, lorsqu'il a comparu devant notre comité, s'il était important pour le gouverneur de la Banque du Canada que les principales institutions de dépôts du pays appartiennent à des intérêts canadiens ou des intérêts étrangers. M. Crow a dit qu'il était important pour lui, en tant que gouverneur, que les principales institutions de dépôts appartiennent à des intérêts canadiens.

Compte tenu de la façon dont les marchés des capitaux se sont mondialisés au cours des huit ou neuf années qui se sont écoulées depuis que M. Crow a fait ce commentaire, je vous pose exactement la même question. Est-ce que votre rôle, en particulier par rapport au fait d'être le prêteur de dernier recours et le responsable du risque systémique par opposition à la politique monétaire, est plus facile ou plus difficile si les principales institutions de dépôts appartiennent à des intérêts étrangers?

M. Thiessen: Cela ne fait pas beaucoup de différence en ce qui concerne la politique monétaire étant donné que, comme vous le savez, les marchés sont vastes et profonds et c'est vraiment cela qui importe.

Pour ce qui est du risque systémique, il doit y avoir une réassurance en ce qui concerne la supervision des institutions, qu'elles appartiennent à des intérêts étrangers ou canadiens. Cela nous ramène à la question que posait le sénateur Kelleher il y a un moment. C'est une question des institutions qui sont en exploitation dans votre pays. Vous voulez savoir si elles sont gérées de façon soigneuse et prudente. Outre cela, je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire quoi que ce soit. Il est très difficile de parvenir à un jugement formel à cet égard.

Le président: Si vous aviez confiance dans un organisme de réglementation au Canada et dans d'autres endroits dans le monde où l'institution est exploitée, la nécessité que l'institution appartienne effectivement à des intérêts canadiens au Canada n'est pas si essentielle?

M. Thiessen: C'est bien cela, de ce point de vue étroit. Il peut y avoir de nombreuses autres raisons pour lesquelles vous voulez qu'elles appartiennent à des intérêts canadiens, mais si vous ne considérez que la stabilité systémique, c'est une question de savoir dans quelle mesure elles sont bien réglementées.

Le président: Est-il exact que du point de vue de la Banque du Canada, la question n'est pas vraiment de savoir qui est le propriétaire de l'institution, mais dans quelle mesure elle est bien réglementée dans ces marchés nationaux?

M. Thiessen: Encore un fois, de notre point de vue étroit, c'est exact.

Le président: En ce qui a trait à la question des institutions financières du deuxième groupe, avant les échecs des années 80, les institutions financières du deuxième groupe au Canada étaient régionales. Sur un plan historique, ces institutions ont fréquemment connu l'échec parce qu'elles étaient régionales. Elles prêtaient beaucoup aux industries locales qui, dans de nombreux cas, étaient des industries liées aux ressources naturelles et, étant donné la nature cyclique du secteur des ressources naturelles, lorsque le secteur s'est effondré, l'institution a échoué. Effectivement, l'origine de la plupart des banques nationales au Canada est le fruit de fusion, sur une longue période de temps, des institutions régionales.

Par ailleurs, lorsque vous lisez les commentaires dans la presse américaine au sujet de la dernière poussée de fusion là-bas, et lorsque vous écoutez certains des commentaires qui ont été formulés devant notre comité alors que nous parlions à des gens d'Europe, il semble qu'on voit maintenant l'autre côté de la médaille, que j'appellerais presque la question trop grand pour échouer. Courons-nous le risque de passer du problème historique, systémique des petites institutions régionales, que nous semblons avoir corrigé, à un problème systémique différent, le problème de trop grand pour échouer?

M. Thiessen: Dès que vous êtes dans une situation de trop grand pour échouer, c'est une situation difficile parce qu'elle soulève toutes les questions de danger moral. Dès qu'une institution estime qu'elle sera protégée coûte que coûte, il y a un incitatif à prendre des risques qui ne seraient pas pris autrement, et les clients de cette institution ne ressentent pas le même besoin de porter des jugements formels relativement à sa force et à solvabilité. C'est une situation que vous ne voulez certainement pas avoir. Il ne faut pas avoir l'impression que les institutions sont trop grandes pour échouer, qui est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles la stabilité systémique a tant d'importance. Vous voulez vous assurer que les effets de retombée d'un problème dans une seule institution sont minimisés dans toute la mesure du possible.

Le président: De quelle façon prévenez-vous la perception ou la croyance, soit au sein de l'institution, soit, ce qui est encore beaucoup plus important, au sein du grand public, qu'une institution est trop grande pour échouer? Que peut faire le gouvernement pour prévenir cette idée fausse, en supposant pour l'instant qu'il s'agit bien d'une idée fausse?

M. Thiessen: Je dois dire que j'ai une réponse facile à cela, monsieur le président. Il est difficile pour le gouvernement de dire à qui veut l'entendre qu'il n'y aucune banque qui soit trop grande pour échouer ici; les banques peuvent fort bien échouer. Ce n'est pas là un sentiment que quiconque veut exprimer. Vous devez tout simplement continuer de réglementer ces institutions d'une façon qui minimisera les risques qui y sont rattachés.

Je dois dire, à brûle-pourpoint, que je ne connais pas une façon facile de traiter de cette question.

Le président: J'ai une question qui découle d'une grande partie des témoignages que notre comité a entendus lorsque nous étions en Europe et que je suppose que nous entendrons lorsque nous irons aux États-Unis. L'énoncé est souvent fait, par des commentateurs ainsi que des institutions, que pour qu'un système de dépôts de classe internationale, un système bancaire, existe dans le pays X et pour parvenir à un service international pour les clients, il est essentiel que les intervenants soient suffisamment importants, qu'ils soient des intervenants de classe internationale. Y a-t-il quoi que ce soit pour étayer cet énoncé?

Je pose la question parce que nous avons entendu cet énoncé comme s'il s'agissait d'un énoncé évident, ex cathedra. Des témoins nous l'ont dit à Londres, des personnes qui parlaient des fusions en Suisse l'ont dit, il a été fait aux États-Unis par des gens qui parlaient des fusions aux États-Unis.

Avez-vous entendu parler de quoi que ce soit qui lierait la qualité d'un système de dépôts, pour ce qui est des services aux entreprises et aux clients du secteur au détail, avec la taille.

M. Thiessen: Je n'ai rien entendu, d'un côté comme de l'autre, monsieur le président.

Le président: Par conséquent, l'énoncé n'est pas un énoncé pour lequel on peut faire des recherches, le prouver de façon analytique.

M. Thiessen: Je ne sais pas si je dirais qu'il est impossible de faire des recherches. Je n'ai tout simplement vu aucune recherche que ce soit, dans un sens comme dans l'autre.

Le président: Monsieur le gouverneur, nous avons dit que nous terminerions à une heure. Comme d'habitude, nous avons quelque peu dépassé notre temps. Au nom du comité, je vous remercie de nous avoir consacré ce temps.

La séance est levée.


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