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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 17 - Témoignages du 5 mai 1998


OTTAWA, le mardi 5 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour examiner l'état du système financier canadien (Le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons poursuivre l'étude permanente du rôle des investisseurs institutionnels, de leur gestion et des raisons pour lesquelles il convient d'ajuster les besoins de gestion en fonction de la législation et des règlements qui régissent ces investisseurs. Ces audiences se dérouleront sur une période de trois semaines -- cette semaine et la semaine prochaine, puis nous continuerons après le congé parlementaire.

Nous nous réunirons demain soir à 18 heures ainsi que mardi et mercredi soir, la semaine prochaine. Cependant, la réunion de mardi soir sera consacrée à d'autres sujets. Nous tiendrons en fait une téléconférence avec des fonctionnaires néo-zélandais

Ce matin, notre premier témoin est M. Michael Hamilton qui a déjà comparu lorsque nous sommes allés à Toronto. Merci beaucoup, monsieur Hamilton, d'être venu nous aider à nouveau.

M. Malcolm Hamilton, directeur, William M. Mercer Limited: Je suis actuaire et au cours des 20 dernières années, j'ai été consultant pour la plupart des principaux régimes de retraite du Canada, des régimes publics tels que le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario et le Ontario Hydro's Pension Plan, ainsi que des régimes privés tels que ceux des employés de la Banque de Montréal et de Abitibi Consolidated.

Je n'ai pas travaillé beaucoup pour des investisseurs institutionnels mais surtout pour des caisses de retraite qui engagent des investisseurs institutionnels pour gérer leurs fonds. Je vous parlerai de la gestion des régimes de retraite au Canada, en essayant de voir si le système actuel est rentable pour ces régimes.

D'après ce que j'ai pu constater au cours de ma carrière, les caisses de retraite sont administrées par des personnes compétentes et dévouées qui font l'impossible pour bien s'acquitter de leur tâche. Au cours des 20 années pendant lesquelles j'ai été consultant, je n'ai jamais vu une seule fois un conseil ou un comité des pensions prendre sciemment des initiatives contraires aux intérêts des bénéficiaires.

Par contre, on ne sait pas très bien quelles décisions sont prises et à quel titre, qui sera touché par ces décisions, ce que l'on entend par la prudence et surtout quelle est la mission d'une caisse de retraite.

Les régimes de pension ont un actif et un passif. Le passif vient de l'obligation de payer des pensions que les répondants promettent de verser aux membres. L'actif est placé en fiducie pour garantir le respect de ces obligations. À qui appartient toutefois l'actif? Dans un certain sens, il appartient aux membres car cet argent a été accumulé dans l'unique but de garantir les pensions que l'on a promis de leur verser.

Par contre l'actif, dans une certaine mesure, appartient au répondant parce que des investissements rentables réduisent ses contributions futures tandis que des investissements non rentables les font augmenter. Les membres ne sont généralement pas touchés par le rendement des placements. Un bon rendement ne fait pas augmenter leur pension; un mauvais rendement ne fait pas augmenter leurs cotisations. En bref, l'argent est placé pour garantir le respect d'une promesse mais l'argent et la promesse sont deux choses distinctes.

Ils se confondent dans une seule circonstance. Quand un régime de pension est liquidé par un répondant insolvable et qu'il ne reste pas assez d'argent dans la caisse pour couvrir toutes les obligations découlant de la liquidation, la pension des membres est réduite selon les moyens du régime.

Ceci place l'administrateur du régime dans une situation embarrassante. L'administrateur doit agir, à titre de fiduciaire, dans l'intérêt des membres du régime et pourtant, dans la plupart des circonstances, les membres ne sont pas touchés par les politiques de placement qu'il adopte. J'ignore si l'un d'entre vous a déjà essayé de servir les intérêts d'une partie qui n'est pas touchée par vos décisions mais je vous signale que ce n'est pas facile.

Dans la réalité, soit que l'administrateur adopte une politique dont l'objectif est de ressembler le plus possible aux autres caisses de retraite dans la conviction que, si quelque chose tourne mal, un juge ne trouvera pas matière à reproches envers une caisse qui a fait comme tout le monde, soit qu'il adopte une politique qui serve les intérêts du répondant, sachant que dans la plupart des circonstances, c'est celui-ci qui est touché par le rendement des placements et qui est par conséquent directement intéressé.

Il y a quelques années, deux anthropologues américains ont écrit un ouvrage intitulé Fortune and Folly après avoir étudié le comportement de grosses caisses de retraite américaines. Lorsqu'ils ont essayé de déterminer ce qui motivait les décisions de placement les plus élémentaires, ils s'attendaient à ce qu'elles soient liées intimement à des théories financières et à la nature des obligations du régime. Ils ont au contraire entendu des explications qu'ils ont comparées aux fables sur la création qui circulent dans les sociétés primitives, des théories sur l'affrontement de forces puissantes à une époque révolue et des histoires de décisions héroïques prises par des personnages héroïques pratiquement oubliés de nos jours.

Pour la plupart des régimes, une imitation des techniques appliquées par d'autres caisses de retraite est la plupart du temps sans danger. Les membres sont bien protégés par les conventions de financement qui obligent le répondant à réserver des sommes suffisantes pour pouvoir remplir les obligations du régime dans la plupart des circonstances prévisibles.

Les politiques d'investissement adoptées par la plupart des régimes sont, dans l'ensemble, très raisonnables et très semblables; les placements sont répartis de façon équilibrée entre les actions et les obligations et ils sont très diversifiés. L'exception la plus importante à cette politique émane de la règle imposée par le gouvernement du Canada qui limite à 20 p. 100 la diversification dans des placements étrangers, limite qui accroît à la fois le coût et les risques du parrainage d'un régime.

Si l'imitation des méthodes appliquées par les autres fait l'affaire de la plupart des caisses de retraite, il est toutefois dangereux pour les régimes qui sont très différents d'ignorer la réalité suivante: les régimes qui ne sont pas aussi bien financés que d'autres, et qui sont parrainés par des employeurs dont la situation financière est précaire, qui sont démesurés par rapport aux perspectives peu reluisantes qu'offre une industrie en déclin, les régimes dont les deux tiers ou les trois quarts des membres sont retraités, n'ont pas les moyens d'adopter certaines politiques qui conviennent à des régimes plus récents et mieux financés ou bien alors, ils en subiront le contrecoup un jour ou l'autre.

Le secteur des pensions a connu une période faste qui a duré 20 ans. Le rendement de ces investissements a dépassé toutes les prévisions et a atteint des sommets que peu de gens auraient cru possibles. Même les régimes les plus faibles et les plus vulnérables ont prospéré. Les membres ont été bien protégés et les coûts des répondants ont été réduits. Cependant, l'épreuve suprême ne sera pas une question de savoir endurer la prospérité mais bien de savoir faire face à une période d'adversité, aussi inéluctable que le fait que la nuit succède au jour. C'est alors, et seulement alors, que nous saurons si notre système de pension et nos structures gouvernementales ont effectivement servi à la fois les intérêts des répondants et ceux des membres.

Le président: Je sais que vous avez lu le texte qui a été préparé à notre intention par le professeur MacIntosh de l'Université de Toronto et, étant donné que je n'ai pas une formation d'avocat, je m'abstiendrai de discuter des problèmes qu'il signale, à savoir notamment que les contraintes juridiques réduisent la capacité des investisseurs institutionnels de surveiller efficacement les gestionnaires et, à plus forte raison, de prendre des sanctions à leur égard.

Sur le marché, on part du principe que les gestionnaires sont poussés à être performants et le critère sur lequel on se base pour déterminer si c'est le cas ou non est clair: il suffit de savoir si la compagnie est rentable ou non. Il suffit de suivre la cote de ses actions. Certains signes manifestes, certains chiffres et certains indices publics incitent les gestionnaires d'entreprises publiques à être performants.

De toute apparence, les gestionnaires de caisses de retraite d'organismes de l'État ne sont pas soumis à des pressions analogues alors que celles-ci constituent à mon sens la clé du processus de reddition de comptes. Au cours de toute ma carrière, je n'ai jamais eu connaissance de gestionnaires de caisses de retraite publiques qui aient été licenciés ou sévèrement réprimandés par les membres pour performance insuffisante et pourtant, on a peine à croire que la performance ait été toujours optimale au cours des 30 dernières années.

Ai-je raison de croire qu'il n'existe pratiquement aucun processus de reddition de comptes qui permette de prendre des sanctions contre des gestionnaires dont la performance est insuffisante? Si j'ai raison, quels changements pourrait-on apporter par le biais d'une loi ou d'un règlement ou encore par le biais d'une politique officielle, pour remédier à ce problème?

M. Hamilton: Votre perception est assez exacte. Il existe de nombreux types différents de régimes de pension au Canada. Celui que je connais le mieux, celui auquel la plupart des gens pensent lorsqu'on leur parle d'un régime de retraite, est le régime de pension à prestations déterminées qui couvre les employés d'une entreprise.

À moins qu'il ne s'agisse d'une très grande entreprise, l'employeur n'affecte pas quelqu'un à plein temps à la gestion de la caisse de retraite. Seules les grandes entreprises ont les moyens d'engager une personne dont l'unique mission consiste à diriger l'investissement des fonds que contient sa caisse de retraite. La plupart du temps, il s'agit d'une tâche à temps partiel accomplie par un trésorier ou par un membre du personnel qui s'intéresse aux pensions. Ce n'est pas le principal critère d'auto-évaluation de la réussite d'une entreprise. L'objectif principal d'une entreprise est de réaliser de bénéfices, de faire des affaires et de réaliser des ventes. La caisse de retraite a tendance à revêtir une importance secondaire et elle ne fait pas l'objet du même degré d'attention.

Si l'on voulait que la situation change -- et je ne suis pas certain que cela modifierait beaucoup la façon dont les fonds des caisses de retraite sont investis --, il faudrait établir un critère d'évaluation efficace de la valeur ajoutée par les personnes chargées de diriger les investissements.

Je vais vous expliquer ce que j'entends par là. Dans une société, la personne qui engage un gestionnaire des investissements n'est pas celle qui gère les fonds. Tous les gestionnaires d'investissements sont évalués en fonction des critères du marché et du rendement des autres gestionnaires d'investissements. La personne qui choisit le gestionnaire des investissements sera soumise à un certain contrôle mais on ne sait pas très bien en fonction de quels critères. La plupart des caisses de retraite comparent leur rendement à celui des autres caisses de retraite. On part du principe que toutes les caisses de retraite sont les mêmes, ce qui n'est pas vrai dans la plupart des cas. D'une part, on peut avoir affaire à une caisse de retraite dont la valeur augmente rapidement, qui est bien financée et qui relève d'un employeur qui a les reins solides, qui a les moyens de prendre tous les risques possibles et imaginables sans risquer de faire encourir la moindre perte à ses membres. À l'autre extrême, on peut avoir affaire à une caisse de retraite importante dans un secteur en déclin, qui n'est pas très bien financée et où l'on n'est pas certain du tout que l'employeur ne devra pas fermer boutique; si les gestionnaires de cette caisse de retraite prenaient les mêmes risques que ceux de la première, ce serait très imprudent de leur part. On ne sait pas encore très bien -- et je crois qu'il faudra encore un certain temps pour y arriver -- sur quels critères on peut se baser pour évaluer la valeur ajoutée par les personnes qui gèrent les investissements de la caisse de retraite pour le compte de l'entreprise. Il faudra un certain temps pour y arriver, pour établir des critères qui tiennent compte des traits particuliers de cette caisse par rapport aux autres.

Le président: Je comprends ce que vous voulez dire. On pourrait en conclure qu'il faut attendre sans rien faire. J'éprouve des difficultés à l'accepter.

Même si l'on tient compte des différences importantes qui existent selon le type de caisse, selon qu'il s'agisse d'une entreprise d'un secteur en pleine maturité et en déclin ou d'une entreprise en pleine expansion qui recrute continuellement, il faut en outre être capable d'évaluer le rendement des gestionnaires du régime sur une période de 12 mois sans tenir compte par exemple des nouvelles cotisations versées au cours de l'année, pour savoir exactement combien d'argent il y avait en début d'exercice.

On pourrait sans aucun doute établir des critères d'évaluation, ne fût-ce que des critères tout simples, ce qui serait tout de même préférable à l'inaction totale.

M. Hamilton: Des tests tout simples risquent de faire plus de tort que de bien. Il est possible d'établir certains critères. Cependant, ceux qui existent pour l'instant ne sont pas très souvent appliqués.

Dans le cas d'un régime très bien financé et d'une entreprise qui a le portefeuille bien garni, le mandat du comité des pensions pourrait très bien être de maximiser le rendement. On n'a pas à craindre de prendre des risques. La caisse de retraite est petite par rapport à l'entreprise mais les membres sont bien protégés. Dans cette situation, les gestionnaires auront peut-être tendance à maximiser le rendement. Ils achèteront beaucoup d'actions, et c'est très bien ainsi.

Par contre, dans le cas d'une caisse de retraite dont l'actif est à peine suffisant pour couvrir le passif, dont le répondant est dans une situation financière plutôt précaire, une caisse qui risque d'avoir disparu dans deux ou trois ans, il est difficile pour les gestionnaires d'essayer d'obtenir le rendement optimal. Ce serait faire preuve d'irresponsabilité. Ils doivent reconnaître qu'étant donné les obligations de ce régime, il convient d'investir surtout dans des rentes et que dans ce cas, l'achat d'obligations s'impose, parce que c'est un placement sûr. Ils seront forcés ou devraient être forcés par leurs obligations fiduciaires d'adopter une stratégie de placement axée sur des investissements sûrs.

Si vous adoptez un critère simple et comparez les rendements de ces deux caisses de retraite, vous risquez fort de pousser le régime qui n'est pas très bien financé à investir surtout dans des actions pour que son rendement soit comparable à celui de régimes qui ne se trouvent pas dans la même situation. Il existe des solutions, mais les solutions faciles risquent, à mon avis, de faire plus de tort que de bien.

Le président: Vous avez dit qu'il faudra attendre un certain temps pour accumuler les connaissances nécessaires pour pouvoir établir ces critères d'évaluation compliqués. Cela veut-il dire que vous recommandez l'inaction?

M. Hamilton: Non. Nos connaissances s'améliorent mais nous n'avons pas encore trouvé les solutions. On a peut-être tendance à croire que c'est un domaine où toutes les réponses sont connues. Ce n'est pas le cas. Il n'est pas facile ne fût-ce que de préciser dans l'intérêt de qui on agit, lorsqu'il s'agit d'investir les fonds d'une caisse de retraite; par ailleurs, les organismes concernés ne procèdent pas tous de la même façon. C'est un processus qui évolue en permanence. La situation s'améliore mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Je crois qu'il est absolument impossible de résoudre le problème du jour au lendemain.

Même s'il n'existe qu'environ dix organismes de réglementation différents au Canada, dont certains relèvent des provinces et d'autres du gouvernement fédéral, on obtiendrait dix réponses différentes si on leur demandait si les fonds d'une caisse de retraite sont investis de façon appropriée. Nous n'avons pas encore trouvé de solution à ce problème.

Le président: Y a-t-il quelque chose qu'il faudrait faire en attendant pour accélérer le processus?

M. Hamilton: Je ne connais pas suffisamment la nature de votre rôle et de votre mission pour pouvoir vous le dire. Si vous prenez conscience de certains problèmes et que certaines choses vous préoccupent, vous devriez les signaler clairement. Je crois que cela aura une influence. Il n'existe pas de recette magique qui permette de résoudre le problème du jour au lendemain en passant un règlement.

Le sénateur Oliver: Pourquoi vous a-t-on demandé de venir témoigner aujourd'hui, d'après vous? Quelles questions comptiez-vous aborder? Vous a-t-on demandé de parler de l'intervention éventuelle des investisseurs institutionnels, c'est-à-dire les caisses de retraite et les organismes de placement, dans la régie des sociétés? Quel genre de critères conviendrait-il de mettre en place pour assurer la rentabilité de ces caisses? N'est-ce pas la raison pour laquelle vous êtes ici?

M. Hamilton: J'ai dit à ceux qui m'ont demandé de venir témoigner que je n'étais pas expert en matière de régie des sociétés. Par contre, les régimes de pension et les caisses de retraite sont un domaine que je connais bien et par conséquent, je peux parler au nom des bénéficiaires du rendement des investisseurs institutionnels. C'est à ce titre que j'ai été invité. Je ne parlerai donc pas de régie des sociétés, parce que c'est un sujet que vous connaissez mieux que moi. Je parlerai de l'administration des caisses de retraite.

Le sénateur Oliver: À la lumière de votre expérience comme consultant pour Ontario Hydro et Abitibi par exemple, pouvez-vous nous parler de l'activisme des investisseurs, d'organismes comme CalPERS? Est-ce une formule qu'il faudrait adopter au Canada et que vous recommandez?

M. Hamilton: Ce n'est pas une formule que je recommande, mais je ne la rejette pas. Je ne pense pas que dans le secteur privé, les caisses de retraite s'efforcent beaucoup d'influencer le comportement des sociétés. C'est peut-être un peu plus le cas dans le secteur public mais je ne pense pas que le régime de pension d'Ontario Hydro soit particulièrement militant dans ce domaine. Par contre, le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario l'est davantage. Cet activisme ne fait certainement pas de tort mais je ne sais pas s'il est particulièrement efficace.

Le sénateur Meighen: Pour pouvoir parler du rendement des investisseurs qui s'occupent de caisses de retraite, il faut parler de la nature de leurs placements. Comme vous l'avez signalé, ils sont tenus, en vertu de la loi, d'investir au moins 80 p. 100 de leurs actifs sur le marché canadien, qui est un marché restreint. Nous avons recommandé à trois reprises une modification, voire la suppression pure et simple, du plafond de 20 p. 100 sur les investissements à l'étranger. D'autres organismes ont fait des recommandations analogues.

Si j'ai bien compris la position du ministre des Finances à cet égard, la question n'est pas de savoir si cela se fera mais plutôt quand. D'après lui, si nous le faisons immédiatement, cela risque d'aggraver les pressions à la baisse exercées sur notre devise. Personne d'autre ne partage cette opinion, à ma connaissance. Je voudrais entendre les commentaires que vous avez à faire à ce sujet, si vous voulez bien en faire.

Vous avez critiqué la règle qui impose un plafond sur les investissements à l'étranger et étant donné que le Régime de pensions du Canada, compte tenu de sa structure actuelle, fera des investissements supplémentaires énormes sur le marché canadien, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet des contraintes que cette règle impose aux investisseurs?

M. Hamilton: Je n'ai connaissance d'aucun argument plausible qui soit susceptible de justifier cette restriction. Il y a cinq ou dix ans, lorsque le secteur public faisait des emprunts colossaux, on pouvait comprendre pourquoi l'on essayait d'empêcher les investisseurs de faire des placements à l'étranger. Nous empruntions beaucoup d'argent à l'étranger. Je suis toujours convaincu que c'est une politique qui n'est utile pour personne mais je comprends pour quelles raisons elle a été adoptée.

Comme nous le savons, la situation a toutefois considérablement évolué. Les besoins d'emprunt du secteur public sont sous contrôle. Notre profil démographique est tel que l'épargne-retraite s'accumule. Il faudrait pouvoir exploiter les possibilités d'investissement mondiales. Une fuite des capitaux n'est pas à craindre. Je suis absolument convaincu que, si les investisseurs canadiens faisaient davantage de placements à l'étranger, les étrangers en feraient davantage au Canada. Tous les investisseurs auraient en fin de compte des placements plus diversifiés. Leurs portefeuilles de placement seraient plus solides et auraient par conséquent un meilleur rendement. C'est une formule gagnante sur toute la ligne et j'attends impatiemment le moment où l'on arrivera à modifier ces règles.

Le sénateur Meighen: Il existe actuellement, en plus de ce plafond de 20 p. 100, d'autres règles, justifiées ou non, qui imposent des restrictions sur les investissements institutionnels. Je pense notamment aux règles concernant la détection anticipée, la déclaration d'initiés, le placement de blocs de titres et les offres publiques d'achat. Pouvez-vous nous dire, à la lumière de votre expérience, si certaines de ces règles empêchent inutilement les gestionnaires de placement d'obtenir un meilleur rendement?

M. Hamilton: Pas au sens matériel. Je suis certain que certaines de ces règles sont jugées irritantes, mais pour les utilisateurs finaux, pour les membres ou les répondants des caisses de retraite, elles n'ont pas nécessairement des répercussions néfastes sur le rendement.

Le sénateur Meighen: Que pensez-vous des règles de sollicitation des procurations? J'ai toujours éprouvé une certaine difficulté à comprendre pourquoi un actionnaire dissident devait déposer une circulaire de sollicitation de procuration s'il voulait solliciter l'appui d'autres actionnaires. Ne pourrait-on par arguer, pour défendre l'activisme chez les actionnaires et encourager une meilleure gestion des caisses de retraite, que cette règle constitue un obstacle pour ceux et celles qui veulent solliciter l'avis des autres actionnaires pour faire à la direction d'une entreprise des recommandations susceptibles de lui permettre d'améliorer sa gestion? Si l'on ne peut pas communiquer avec les autres actionnaires, on est le seul à protester, ce qui peut constituer un handicap.

M. Hamilton: Vous avez probablement raison mais je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet parce que la plupart des caisses de retraite du Canada ne sont pas directement concernées. Les fonds que contient une caisse de retraite sont répartis entre une série de gestionnaires professionnels de placements. Ce sont eux qui gèrent les actifs. Ce sont eux qui prennent les décisions dans ce domaine. Ce sont eux qui ressentent ce handicap. Quant aux personnes qui choisissent ces gestionnaires, celles qui représentent les répondants et les membres, il faut reconnaître qu'elles n'en sont même pas conscientes.

Le sénateur Meighen: On s'en remet donc entièrement aux gestionnaires professionnels, d'après vous?

M. Hamilton: Entièrement.

Le sénateur Meighen: Est-ce en raison des dispositions légales ou est-ce une question de coutume?

M. Hamilton: Ce n'est pas en raison de certaines dispositions légales. La plupart du temps, les personnes qui dirigent les caisses de retraite ne sont pas des investisseurs professionnels. Elles n'ont pas beaucoup d'expérience dans la gestion des capitaux. Ce sont des employés de l'entreprise concernée. Ces personnes sont parfois nommées par le syndicat et représentent les syndiqués. Elles ne sont pas des experts et n'essaient pas de gérer les capitaux. Elles n'essaient même pas d'intervenir beaucoup dans les décisions des gestionnaires qui ont été engagés pour gérer les fonds.

Ces personnes-là font plus ou moins la même chose que les simples citoyens, lorsqu'il s'agit de choisir un fonds commun de placement. Elles choisissent un gestionnaire de placements. Elles engagent une firme comme la mienne ou n'importe quelle autre firme pour les aider à choisir un ou plusieurs gestionnaires qu'elles paient et qu'elles tiennent responsable de son ou de leur rendement. Quand elles engagent ces gestionnaires, elles leur disent ceci: «Nous évaluerons votre rendement en fonction du TSE 300, de l'indice obligataire Scotia McLeod ou en fonction du rendement de toute une série de caisses de retraite, et nous nous attendons à ce qu'il soit supérieur à la moyenne. S'il est supérieur à la moyenne, nous serons très heureux et nous ne vous poserons pas beaucoup de questions. Par contre, s'il ne l'est pas, nous serons très déçus et nous vous remplacerons probablement.» C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Meighen: Serait-il par conséquent exact d'en conclure que, pour essayer de savoir comment on pourrait améliorer la situation dans l'intérêt des bénéficiaires, il faudrait demander aux gestionnaires des caisses de retraite quelles restrictions font éventuellement diminuer leur rendement?

M. Hamilton: En ce qui concerne cette question, vous devriez parler aux personnes qui prennent les décisions de placement pour les caisses de retraite; dans la plupart des cas, il s'agit de gestionnaires professionnels. Quelques caisses importantes du secteur privé ou du secteur public, telles que le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario, gèrent elles-mêmes leurs fonds. Dans ce dernier cas, la majeure partie des fonds sont gérés par l'organisme. Les responsables de ce régime pourraient vous donner des réponses pertinentes.

Si vous vous adressez à une entreprise canadienne de taille moyenne ayant un régime de retraite qui couvre uniquement ses travailleurs syndiqués, elle n'aura aucune idée de la réponse à cette question.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire que, d'après votre expérience, c'est la taille de la caisse de retraite qui détermine si elle est autogérée ou si sa gestion est confiée à des spécialistes?

M. Hamilton: Oui. Par contre, même les caisses importantes délèguent une partie de la gestion des investissements. Elles peuvent par exemple gérer elles-mêmes le portefeuille d'actions canadiennes et déléguer la gestion du portefeuille d'actions étrangères. Même les caisses très importantes délèguent généralement la gestion d'une partie des placements à des investisseurs professionnels. Cependant, les petites caisses ou celles de taille moyenne délèguent généralement la gestion de leurs investissements.

Le sénateur Callbeck: Je voudrais poser une question à propos de l'activisme institutionnel et de la régie des sociétés, sujet qui a déjà été abordé par le sénateur Oliver. Vous avez dit que vous ne recommandiez pas l'activisme sans toutefois vous y opposer mais vous faites certainement des recommandations à vos clients à ce sujet.

M. Hamilton: Ce n'est pas moi qu'ils consulteraient à ce sujet. Je leur fais des recommandations portant sur des questions comme la répartition de leurs actifs en diverses catégories, le pourcentage de leurs actifs qu'ils devraient investir dans des actions, dans des obligations, dans des placements à l'étranger et le pourcentage qu'ils devraient investir au Canada. Voilà le genre de services que je leur offre. Je leur fais également des recommandations sur l'organisation du régime, sur le montant des cotisations; je leur dis si la caisse de retraite contient suffisamment d'argent compte tenu des obligations du régime de retraite et leur explique quelles répercussions les dispositions législatives qui sont envisagées auraient pour les membres du régime.

Mes clients n'ont pas tendance à me consulter pour savoir si l'activisme améliorerait le rendement de leurs caisses de retraite.

Le sénateur Callbeck: Pensez-vous que l'activisme a progressé ou qu'il a régressé au cours des dix dernières années? Quelles sont les perspectives pour l'avenir?

M. Hamilton: L'activisme était inexistant et par conséquent, s'il existe à l'heure actuelle, il est nécessairement devenu plus fréquent. On en parle beaucoup. Certaines caisses de retraite sont très actives. L'activisme n'est pas très utile pour les petites caisses de retraite. Une petite caisse de retraite qui paie quelqu'un pour gérer ses fonds et qui a fusionné avec plusieurs autres petites caisses de retraite n'a pas le temps de songer à influencer le comportement des sociétés dans lesquelles elle a décidé d'investir son argent. Par contre, l'activisme peut être utile dans le cas d'une caisse dont les avoirs se chiffrent à une dizaine ou à une cinquantaine de milliards de dollars.

Le sénateur Callbeck: Pensez-vous que ce genre d'activité deviendra plus fréquent au Canada?

M. Hamilton: Je pense que oui. La plupart des activités qui deviennent plus fréquentes le deviennent de plus en plus et celle-ci ne fait probablement pas exception à la règle.

La question qui se pose en définitive est celle de savoir si cela améliore la performance des entreprises et si cela leur rapporte. Je suis convaincu qu'un certain activisme est utile, mais qu'il cesse de l'être à partir du moment où cela devient de l'activisme à outrance. Personne ne saura jamais au juste comment il faut le doser. Je suis incapable de deviner si nous en sommes arrivés à ce stade ou si nous l'avons dépassé.

Le sénateur Angus: Connaissez-vous la PIAC, c'est-à-dire l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite?

M. Hamilton: Je suis au courant de son existence. Certains de mes clients en sont membres mais je n'assiste pas à ses réunions et je n'en suis pas membre.

Le sénateur Angus: Ses représentants sont venus témoigner au début de l'année et ils ont dit qu'environ 78 fonds de retraite privés en font partie. C'est le secteur dans lequel vous êtes spécialisé et vous le connaissez mieux, si je ne me trompe, que celui des gros fonds de retraite publics? Je crois que vous avez dit que les fonds privés étaient ceux que vous connaissiez le mieux.

M. Hamilton: Ma clientèle est répartie à peu près équitablement entre le secteur public et le secteur privé. Mon domaine est celui de la gestion des fonds de retraite. Je ne sais pas grand-chose au sujet de la régie des entreprises ni de l'influence que les investisseurs institutionnels peuvent exercer à ce niveau.

Le sénateur Angus: La PIAC regroupe 47 caisses de retraite de l'État ainsi que quelques fonds de retraite privés. Elle s'est développée depuis 1991, date à laquelle elle a instauré un comité de régie spécial pour ces fonds, établi un modèle assez élaboré de règlements concernant la régie des sociétés et la sollicitation de procuration, à laquelle le sénateur Meighen a fait allusion. Connaissez-vous les directives et le modèle de la PIAC?

M. Hamilton: Je sais que j'ai ces règlements, mais je ne les pas encore examinés.

Le sénateur Angus: Vous avez notamment signalé que les régimes de retraite privés ont souvent de la difficulté à engager quelqu'un à plein temps, ne fût-ce qu'en raison de la nature de la masse critique de la petite entreprise. Faut-il en conclure qu'il est à votre avis souhaitable pour les bénéficiaires que les administrateurs de ces fonds se consacrent à plein temps à leur tâche?

M. Hamilton: Je n'en suis pas certain. Vous n'entendez probablement pas beaucoup de témoins parler du critère sur lequel l'utilisateur final voudrait que l'on se fonde, à savoir: les fonds plus importants et plus militants obtiennent-ils un meilleur rendement que les autres.

La réponse est parfois oui, parfois non et quand c'est oui, la différence n'est pas très forte. J'ai lu deux articles qui se trouvaient à la une de Pension & Investment Age. Le premier parlait de quelqu'un qui créait un fonds commun pour permettre aux petites caisses de retraite de mettre leur argent en commun et de bénéficier de tous les avantages d'un fonds important. L'autre portait sur le fonds de retraite de la Ford Motor Company, qui est un fonds important. Il est subdivisé en toute une série de secteurs différents, confiés à des gestionnaires différents, pour pouvoir profiter de tous les avantages d'un petit fonds dynamique. Je n'ai pas beaucoup de preuves de l'efficacité de l'une ou l'autre de ces formules pour ce qui est du rendement.

En ce qui concerne les fonds importants, il est possible de penser qu'ils ont recours à des experts qui s'efforcent d'ajouter de la valeur, mais ce n'est pas une tâche facile. C'est une erreur de penser que la valeur du fonds s'accroîtra automatiquement parce que l'on a recours à un expert qui a reçu une formation solide, engagé spécialement dans ce but. Il est difficile de mieux réussir que les autres investisseurs sur les marchés financiers parce que les autres gestionnaires professionnels ont également reçu une formation solide, qu'ils concentrent tous leurs efforts sur le rendement et qu'ils sont tout aussi déterminés. Les petits investisseurs -- dans la mesure où ils arrivent à confier la gestion de leur argent à un expert, sans que cela leur coûte les yeux de la tête -- réussiront probablement tout aussi bien que ces grandes institutions.

Cela ne veut pas dire que les gestionnaires institutionnels ne doivent pas jouer un rôle actif dans la régie des entreprises mais si certains sont actifs, ceux qui ne le sont pas en profitent également. Je suppose que si les fonds importants se mettent à faire de l'activisme et réussissent, ils ne seront pas les seuls à en profiter; tous les fonds de retraite, quelle que soit leur taille, en profiteront également.

Le sénateur Angus: Je suis votre raisonnement. Permettez-moi de formuler cela autrement. Nous avons fait une étude sur les investisseurs institutionnels en général. La première constatation que nous avons faite -- et je crois qu'elle est assez évidente --, c'est qu'ils représentent généralement les principaux acteurs sur les marchés financiers canadiens actuels, et de très loin. La deuxième, c'est que parmi les investisseurs institutionnels, ceux qui sont de loin les plus militants auprès de la direction des entreprises dans lesquelles ils investissent sont les caisses de retraite, alors que les banques et les compagnies d'assurance par exemple, sont conscientes de la relation avec le client. Êtes-vous d'accord?

M. Hamilton: C'est une observation que je trouve pertinente. Par contre, je ne suis pas certain que la raison que vous invoquez soit nécessairement juste, mais cela ne m'étonne pas.

Le sénateur Angus: Une des raisons que l'on nous a signalées, en ce qui concerne les banques en tout cas, c'est qu'elles hésitent parfois, comme investisseurs institutionnels, à avoir des contacts trop étroits avec leurs principaux clients.

Nous avons constaté que, dans notre pays, les principaux investisseurs sont les investisseurs institutionnels. Nous avons d'ailleurs fait une étude sur la gestion des sociétés ouvertes canadiennes dont les actions sont cotées en bourse. Nous avons également constaté que la régie des entreprises s'est améliorée grâce aux lignes directrices de la Bourse de Toronto et au rapport Day. On a constaté des améliorations importantes et visibles en ce qui concerne la discipline, la gestion et la reddition de comptes des sociétés ouvertes à leurs actionnaires.

Ces constatations nous ont incités à nous demander s'il ne conviendrait pas de réglementer dans une certaine mesure les activités des investisseurs institutionnels, étant donné qu'ils jouent un rôle important et qu'il n'existe pas de lignes directrices en ce qui les concerne. Estimez-vous qu'un débat sur l'opportunité d'instaurer une politique officielle dans ce domaine puisse être utile?

M. Hamilton: Cela peut être très intéressant, mais je vous recommande de pousser vos recherches jusqu'au bout. Vous constaterez que la situation est bien plus compliquée que vous ne l'auriez cru. Par exemple, la majorité des sommes que contiennent les caisses de retraite se trouvent dans des régimes de pension à prestations déterminées. C'est le type de régime le plus répandu.

Comme je l'ai dit au début, on ne sait pas exactement pour le compte de qui cet argent est investi. La population pense que, du fait que l'argent est placé en fiducie pour garantir la promesse de paiement des pensions, il est investi pour le compte des membres. Le seul problème, c'est que personne n'arrive à établir un lien entre le rendement des fonds de retraite et le montant des pensions.

Si vous êtes inscrit à un régime de retraite privé à prestations déterminées et que la valeur du fonds grimpe littéralement pendant une période de dix ans, comme ce fut le cas au cours de la dernière décennie, le montant des pensions n'est pas nécessairement majoré pour autant. Cet argent sert à diminuer le montant des cotisations et ce, pour une bonne raison, à savoir que, lorsque l'inverse s'est produit, entre 1965 et 1975, tous les investisseurs perdaient beaucoup d'argent, mais ces pertes n'ont pas été déduites du montant des pensions. Elles ont été compensées par une augmentation de la contribution des répondants, si bien que, dans la plupart des cas, les bénéficiaires du rendement de ces fonds ne sont pas les membres, mais l'entreprise. On a donc affaire en quelque sorte à une situation incestueuse: l'entreprise est la bénéficiaire du rendement et l'argent y est réinvesti. Dans une certaine mesure, c'est l'entreprise qui est propriétaire. C'est un problème qui n'est pas facile à résoudre.

La première question à se poser est la suivante: pour qui tout cet argent est-il investi? La question suivante est: quelles répercussions cela a-t-il pour les intéressés et comment peut-on trouver une solution raisonnable? Nous n'avons pas encore trouvé les réponses à ces questions à savoir qui est concerné, quelles sont les répercussions et comment trouver une solution raisonnable. Il faut absolument les trouver.

Le sénateur Angus: Nous pensions qu'un débat sur l'opportunité d'instaurer une politique officielle permettrait de trouver certaines réponses. Avez-vous des suggestions à nous faire?

Pour l'instant, nous approchons du sommet d'un marché haussier. Tout le monde craint que les actifs ne soient surévalués et se demande quand la bulle éclatera. Alors que le rapport actuariel de vos clients importants pourrait indiquer un déficit considérable, la valeur théorique de leur entreprise risque d'afficher subitement un énorme excédent. La question est de savoir qui est en charge, que ferait un fiduciaire, que ferait-on de cet excédent et que dirait-on aux syndicats ou aux représentants des bénéficiaires qui veulent avoir leur part de cet excédent considérable.

M. Hamilton: Ce sont des questions que l'on se pose tous les jours. Les régimes accusent un excédent et on se demande qui devrait en bénéficier. À mon avis, la plupart des régimes de retraite du Canada auraient intérêt à ce que leurs membres et leurs répondants aient une meilleure idée des responsabilités en jeu.

La réponse varie d'un régime à l'autre. Le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario est géré comme un partenariat. C'est un des rares régimes de retraite canadiens dont les membres sont directement intéressés au rendement. Le régime d'Ontario Hydro est organisé de façon tout à fait différente. On constate des différences très marquées également dans les régimes privés.

C'est un système qui est au service de l'utilisateur final et par conséquent il faut essayer avant tout de déterminer avec plus de précision l'identité de l'utilisateur final et le type d'entente qui a été prise. Je ne dis pas que les membres devraient être touchés ou non mais ils devraient au moins savoir ce qui se passe.

S'il a été convenu que le répondant promet de vous payer une pension et met de l'argent de côté pour garantir celle-ci, mais que c'est le répondant et non le membre qui bénéficiera du rendement des investissements, bon ou mauvais, il faut que ce soit précisé clairement. À ce propos, je signale que l'activisme a pour conséquence que les entreprises appartiennent en fin de compte aux fonds de retraite qu'elles ont créés et que les résultats, bons ou mauvais, de l'activisme, de la régie et du rendement des investissements sont assumés par l'entreprise. Je ne sais pas comment on peut résoudre ce problème, parce qu'on tourne en rond.

Le sénateur Angus: Je comprends exactement ce que vous voulez dire. J'ai l'impression que, en ce qui concerne du moins la plupart des régimes privés, c'est un comité d'administration composé d'employés affectés à cette tâche à temps partiel et éventuellement d'un ou deux cadres supérieurs qui assument la gestion. À partir de cet exemple, pourriez-vous nous indiquer quels changements vous préconiseriez pour améliorer la situation?

M. Hamilton: Dans la situation que vous avez décrite, il serait utile que tous les intéressés sachent clairement à quel titre ce comité d'administration prend les décisions. Par exemple, dans le cas que vous citez, les membres du comité assument de nombreuses fonctions différentes. Certains d'entre eux sont des membres du régime, d'autres des cadres et des agents de l'entreprise, qui représentent par conséquent l'employeur, mais dont certains sont membres du conseil d'administration et représentent par conséquent aussi les actionnaires. Il est possible qu'ils portent deux ou trois casquettes différentes.

Lorsqu'il s'agit par exemple de décider quelle somme injecter dans le fonds de retraite, il faut se demander s'ils portent la même casquette que lorsqu'il s'agit de décider quelle proportion des fonds il convient d'investir en actions. Non, pas du tout. Généralement, lorsqu'il s'agit de décider la somme à injecter dans le fonds de retraite, ils représentent la société. Par contre, lorsqu'il s'agit de décider combien il convient d'investir en actions, ils jouent le rôle de fiduciaires. Si la loi ou l'institution pouvaient faire une distinction un peu plus nette entre ces divers types de fonctions, les décisions seraient plus judicieuses.

Quoi qu'il en soit, au cours de périodes comme celle-ci, les résultats sont toujours positifs. On n'a pas besoin de bons administrateurs lorsque le marché est en hausse de 20 p. 100 par an, que les caisses de retraite prospèrent et que les membres ainsi que les répondants sont satisfaits. Comme je l'ai dit, il est impossible d'évaluer la performance de ce système. Ce sera impossible tant que les marchés ne seront pas à la baisse pendant un certain temps et c'est seulement alors que nous saurons si le système est efficace ou non.

Le sénateur Stewart: Vous venez de faire allusion à ce qui se passe quand les marchés sont à la baisse et avant cela, vous avez dit que l'on tournait en quelque sorte en rond en ce qui concerne le problème de l'investissement des capitaux des fonds de retraite au Canada. Bien avant cela, vous avez fait allusion à la question du pourcentage des fonds investis à l'étranger et c'est précisément le sujet qui m'intéresse.

Quel est le bilan de l'expérience qu'ont connue récemment les caisses de retraite canadiennes qui avaient investi de l'argent en Asie du Sud-Est?

M. Hamilton: Elles souhaiteraient ne pas avoir fait d'investissements dans cette région. Par contre, juste avant cela, l'expérience était très positive. Tout dépend du moment où elles ont commencé à investir.

Le sénateur Stewart: N'empêche que vous êtes convaincu qu'il faudrait se débarrasser complètement du plafond de 20 p. 100 qui est imposé sur les investissements à l'étranger?

M. Hamilton: Absolument.

Le sénateur Stewart: Vous pouvez deviner la question que je vais vous poser. Comptez-vous sur la stabilité des marchés financiers mondiaux en proposant de se débarrasser de ce plafond? Iriez-vous jusqu'à préconiser de se débarrasser d'un plafond de 30 ou 35 p. 100? Jusqu'où êtes-vous prêt à aller?

M. Hamilton: Je supprimerais complètement cette règle, parce qu'elle n'oblige pas à investir à l'étranger mais qu'elle permet seulement de le faire. La suppression de cette règle n'aurait pas pour conséquence dire que tout le monde se mettrait à investir son argent à l'étranger. Chacun pourrait prendre la décision qu'il juge appropriée, c'est tout.

Le sénateur Stewart: À un certain moment, beaucoup de personnes ont décidé qu'il était bon d'investir en Asie du Sud-Est. Ce genre de décision est-elle prise en partant du principe que l'on investit sur un marché financier mondial stable?

M. Hamilton: Non. On part du principe que la diversification réduit les risques. Personne n'a dit: «Je crois que l'Asie du Sud-Est est un bon endroit pour investir de l'argent et par conséquent, j'y investirai tout le contenu de mon fonds de retraite». S'il n'existait pas de restrictions, les investisseurs auraient très diversifié leurs placements. Ceux qui ont investi sur les marchés mondiaux l'année dernière ne s'en sont pas si mal tirés. Ceux qui ont investi uniquement en Asie du Sud-Est ont manqué leur coup. Ceux qui ont investi en Europe ou en Amérique latine ont obtenu des résultats fantastiques.

Le sénateur Stewart: Nous avons discuté des possibilités d'améliorer le marché intérieur pour ces fonds de retraite. Avez-vous une idée de ce que l'on pourrait faire pour améliorer le marché international et je pense bien entendu surtout au marché de l'Asie du Sud-Est? Je voudrais connaître votre opinion au sujet du rôle d'institutions telles que le FMI.

M. Hamilton: Je n'ai pas la compétence voulue pour faire des commentaires à ce sujet. Dans cette perspective, je suis absolument convaincu que si l'on permet aux investisseurs d'investir leur argent sur les marchés mondiaux, ils finiront par graviter autour des marchés qui les traitent bien. Ces pays attireront les investissements étrangers et je pense qu'ils prospéreront. À la longue, cela servira les intérêts de tous.

Quant à savoir si le FMI prend actuellement des mesures efficaces en ce qui concerne l'Asie du Sud-Est, je ne peux pas le dire du tout.

Le sénateur Stewart: Êtes-vous convaincu qu'il faudrait laisser agir les forces du marché?

M. Hamilton: Il faudrait laisser faire les investisseurs. Ce n'est pas qu'il faille laisser agir les forces du marché comme telles.

Le sénateur Stewart: Le marché est censé être l'endroit où les investisseurs font des opérations.

M. Hamilton: Chaque investisseur peut alors décider où il veut investir.

Le sénateur Stewart: Il me semble que vous essayez de jouer sur tous les tableaux, mais ce n'est probablement pas de façon volontaire. D'une part, vous dites qu'il faut laisser l'entière liberté de décision aux investisseurs alors que le contexte dans lequel ils investiront risque d'être quelque peu déformé -- certains iraient jusqu'à dire altéré -- par les interventions du FMI.

M. Hamilton: Peut-être, mais si cela le préoccupe, l'investisseur peut aller investir dans des endroits où le marché n'est pas altéré par le FMI. Si l'on est un tant soit peu réaliste, on sait que la plupart des Canadiens n'iront pas investir la moitié de leurs capitaux en Asie du Sud-Est.

Le sénateur Stewart: Je m'intéresse précisément à ceux qui ont investi leur argent dans cette région.

Pour en revenir à notre discussion précédente, que devient le gestionnaire dont le rendement n'est pas supérieur à la moyenne? Je pensais que c'était la question la plus intéressante. On s'attend probablement à ce que tous les gestionnaires aient un rendement supérieur à la moyenne.

Le sénateur Angus: Sinon, ils n'arrivent pas à être nommés au Sénat.

Le président: C'est à la Conférence des premiers ministres que j'ai entendu une des déclarations les plus extraordinaires qui soit. Elle venait du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, G.I. Smith. Le sujet des discussions était la péréquation, et G.I. Smith -- qui est devenu sénateur par la suite -- s'était lancé dans une grande tirade finale. Il voulait nous faire comprendre qu'il attendait impatiemment le jour où des provinces comme la Nouvelle-Écosse n'auraient plus besoin de paiements de péréquation parce que leurs recettes fiscales auraient atteint le niveau moyen national. En guise de conclusion, il a dit qu'il attendait très impatiemment le jour où toutes les provinces auraient des revenus supérieurs à la moyenne nationale, ce qui semble assez difficile à envisager pour un mathématicien comme moi.

Étant donné que cette déclaration a été faite par un collègue néo-écossais, j'ai cru bon de vous la rappeler.

Le sénateur Stewart: Il est très utile de se la rappeler. Je ne suis pas aussi optimiste que G.I. Smith. Si c'est le genre de discussion que vous préférez éviter, n'hésitez pas à nous le signaler.

Il est un fait généralement admis que plus on arrive à libéraliser les échanges de produits et mieux cela vaut. D'après ce que vous avez déclaré précédemment, j'en conclus que vous estimez que plus on arrive à libéraliser les investissements internationaux et mieux cela vaut; est-ce une conclusion exacte?

M. Hamilton: Oui.

Le sénateur Stewart: Ce marché financier mondial libéralisé serait-il indépendant ou des institutions comme le FMI s'en mêleraient-elles?

M. Hamilton: Je ne sais pas si le FMI intervient sur les marchés. C'est au niveau de l'économie qu'il intervient.

Le sénateur Stewart: Ne pensez-vous pas que c'est presque de l'ingérence? Quand on dit à un pays à quel niveau doivent être ses taux d'intérêt, n'est-ce pas pour ainsi dire de l'ingérence sur les marchés financiers?

M. Hamilton: Peut-être en ce qui concerne les bons du Trésor. On ne peut toutefois pas réglementer le marché obligataire. Ce qui est important, c'est que le FMI s'occupe des emprunts de capitaux, fasse des prêts et assujettisse l'octroi de ces prêts à certaines conditions. Il n'intervient pas directement dans le fonctionnement des marchés boursiers de ces pays, à ce que je sache.

Le sénateur Stewart: Il intervient en tout cas vigoureusement dans les rapports qui existent entre les autorités gouvernementales et l'économie. Je crois que les dirigeants indonésiens ou sud-coréens seraient en mesure de vous le confirmer amplement.

M. Hamilton: Quel est toutefois le rapport entre cela et le fait que les Canadiens désireux d'investir une partie de leur épargne-retraite en Indonésie soient en mesure de le faire ou non?

Le sénateur Stewart: Vous nous dites que vous êtes en faveur d'une libéralisation accrue des investissements canadiens. J'essaie de me faire une idée exacte de votre vision de la situation, du marché dans lequel cet argent canadien est investi. J'essaie de savoir si vous êtes prêt à vous passer complètement de réglementation dans ce domaine. Partez-vous du principe qu'il existera des règlements visant à protéger les biens et à réprimer la fraude par exemple ou que des institutions internationales -- et l'on songe bien entendu automatiquement au FMI -- interviendront dans des situations comme celle dans laquelle se trouvait le Mexique, il y a quelques années, et comme la crise qui a éclaté l'année dernière en Asie du Sud-Est, jusqu'à la Corée du Sud, qui persiste d'ailleurs? C'est ce que j'essaie de savoir.

M. Hamilton: Mes opinions au sujet de la libéralisation ne changent pas, que des institutions comme le FMI interviennent ou non. Cette intervention ne me fera pas changer d'avis. Elle pourrait influencer la façon dont j'investis mais pas mes opinions quant à la liberté de choix souhaitable. Les institutions devraient pouvoir prendre des décisions librement. Si elles décident de se laisser influencer par ce genre d'événements, c'est leur affaire, et si elles décident de ne pas en tenir compte, cela les regarde également.

Le président: Vous avez axé tous vos commentaires sur les régimes à prestations déterminées. Vous avez notamment signalé que si le régime est performant, l'employeur a un excédent au chapitre des pensions. On a tendance à opter de plus en plus pour des régimes à cotisations déterminées; les employés et les employeurs paient des cotisations et cet argent est investi; les risques sont par conséquent transférés aux bénéficiaires, c'est-à-dire les employés.

À votre avis, cela devrait-il changer les mécanismes de reddition de comptes concernant les gestionnaires de fonds de retraite, en ce sens que si leur rendement est insatisfaisant, ce sont dorénavant les employés qui en subiront les conséquences, contrairement à ce qui se passait vers le milieu des années 60 et des années 70, à l'époque où les caisses de retraite faisaient de mauvaises affaires et où, du fait que tous les régimes étaient des régimes à prestations déterminées, l'employeur rajoutait de l'argent pour compenser les pertes? Ce n'est plus le cas en ce qui concerne les régimes à cotisations déterminées.

La responsabilité des gestionnaires de caisses de retraite est accrue en raison des conséquences sociales nettement plus graves de leur mauvaise performance. En quoi cela devrait-il changer, à votre avis, la nature des règlements concernant la reddition de comptes?

M. Hamilton: Ce qui est clair dans les régimes à cotisations déterminées ou les REER, c'est que c'est en quelque sorte l'utilisateur final, le bénéficiaire final, qui gagne ou perd selon le rendement des placements. Je ne sais pas quelle incidence cela peut avoir sur le mode de gestion des fonds de retraite.

J'ai l'impression que les choses se passeront de la façon suivante. Si je dirigeais un fonds commun de placement et estimais pouvoir améliorer son rendement en étant actif au niveau de la régie des entreprises, je le ferais et si je réussissais, mon fonds aurait un meilleur rendement que les autres. Dans ce cas, j'attirerais davantage de capitaux d'investissement et je réussirais encore mieux. Tant que les utilisateurs finaux choisissent de préférence les fonds qui ont un bon rendement, ils n'ont pas besoin de se mêler du tout du mode de régie des entreprises.

C'est aux gestionnaires des fonds communs de placement qu'il incombe par conséquent de décider s'ils peuvent améliorer le rendement de leur fonds en étant actifs à ce niveau.

Je n'ai pas de relations directes avec ce milieu mais j'ai la conviction profonde que la plupart des gestionnaires de fonds auraient tendance à dire que l'un des problèmes de l'activisme, c'est que votre fonds n'est pas le seul à bénéficier du fruit de vos efforts. Si j'arrive à améliorer la performance de toute une série d'entreprises, il est possible que tous les autres fonds en bénéficient autant que le mien. Je ne suis pas certain que cela me procurera un avantage sur la concurrence.

Cela pourrait être le cas dans certaines circonstances. À supposer que vous investissiez les capitaux de votre fonds dans des actions de faible valeur, dans une série de petites entreprises, et que d'autres fonds n'investissent pas leurs capitaux dans le même type d'entreprises, cela vous inciterait à faire des efforts pour améliorer leur performance, si c'est possible.

La formule qui consiste à permettre au gestionnaire du fonds qui estime pouvoir ainsi améliorer le rendement des placements de ses clients d'essayer d'exercer une influence sur le mode de régie des sociétés ne me préoccupe pas. S'il estime par contre que c'est inutile, qu'il reste tranquille. Ce sont en définitive les gestionnaires de fonds de retraite qui prendront ce genre de décision et le marché décidera si cela est rentable ou non. Je n'irais pas jusqu'à supputer les chances de réussite.

Le président: Voulez-vous insinuer qu'une des raisons pour ne pas être actif -- et renoncer du même coup à accroître le rendement de votre fonds -- est que les autres en profiteraient gratuitement?

M. Hamilton: Non, mais si vous essayez d'obtenir un meilleur rendement que les autres, les seuls placements qui vous procurent un avantage sur la concurrence sont ceux qui vous aident plus que les autres.

Le président: Je vais formuler ma question d'une autre manière. Si vous pouviez améliorer le rendement de votre fonds, même si cela ne vous permettait pas de mieux réussir que la concurrence et ne vous procurait par conséquent aucun avantage sur elle, cela serait-il une raison de renoncer à agir? L'objectif principal doit être d'abord et avant tout d'améliorer le rendement, puis de l'améliorer par rapport à la concurrence.

M. Hamilton: C'est un bon objectif sur le plan social mais dans la pratique, les gestionnaires de caisses de retraite essaient d'obtenir un meilleur rendement que leurs collègues. Il existe une profusion d'autres activités auxquelles vous pourriez consacrer votre temps et votre énergie; étant donné que ceux-ci sont limités, si vous avez le choix entre l'activisme dont tout le monde peut bénéficier ou d'autres activités susceptibles d'améliorer le rendement de vos placements et d'accroître votre part du marché, le marché vous récompensera davantage si vous optez pour la deuxième formule que si vous optez pour la première. Cela ne signifie toutefois pas que ce soit préférable sur le plan social. Ce n'est pas ce que je veux dire. Le marché vous pousse à améliorer le rendement comparatif de votre fonds et pas à améliorer la situation sociale au Canada. Même si c'est un but que nous devrions tous poursuivre, les réalités quotidiennes nous en empêchent.

Le président: Par conséquent, l'objectif d'un fonds est manifestement d'obtenir de meilleurs résultats que la concurrence et pas nécessairement d'améliorer purement et simplement son rendement?

M. Hamilton: C'est ainsi que les investisseurs en décident.

Le président: Il me semble que la distinction que vous faites entre les objectifs sociaux et ceux d'un gestionnaire professionnel est pertinente.

M. Hamilton: À ce propos, on a notamment constaté que l'activisme auprès de la direction des entreprises est le propre des caisses de retraite et plus particulièrement des caisses de retraite à prestations déterminées du secteur public. Pour les raisons que je viens de vous citer, je ne pense pas que les fonds communs de placement s'adonnent beaucoup à ce genre d'activisme. Ils n'ont aucun avantage concurrentiel à en tirer.

Ce genre d'activisme est à mon avis le propre des régimes de pension du secteur public étant donné la nature de ces institutions. Ainsi, le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario est un partenariat entre les enseignants et la province de l'Ontario. Ses objectifs ne se limitent pas à essayer d'améliorer le rendement de ses placements, et c'est visible dans son comportement. C'est un organisme public. Il tient une assemblée générale annuelle pour s'assurer que ses membres approuvent la ligne de conduite qu'il a adoptée, ce qui influence son style de gestion.

Vous m'aviez au fait demandé si la situation changera du fait que la formule des régimes à cotisations déterminées se répand de plus en plus? Je crois que oui, parce que cela incitera à mon avis les fonds à essayer d'accroître leur rendement par rapport aux autres.

Le président: Vous avez également fait une nette distinction entre ce que l'on pourrait considérer comme les objectifs généraux des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur public et ceux du secteur privé.

M. Hamilton: Ils sont très différents.

Le président: Merci beaucoup d'être venu, monsieur Hamilton.

Nos deux témoins suivants sont M. Roger Richard, président du conseil d'administration de l'OMERS (Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario) et M. Tom Gunn, agent principal des investissements. Allez-y, monsieur Richard.

M. Roger Richard, président du conseil d'administration, Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario: Je tiens à vous remercier au nom de l'OMERS de nous permettre de dire comment nous concevons le rôle que jouent les fonds de retraite de l'État dans l'économie canadienne.

Au Canada comme dans le monde entier, de nombreux changements qui modifient considérablement la nature des institutions et des processus qui régissent les entreprises et leur financement se produisent. Les technologies nouvelles, la mondialisation rapide du commerce et des finances et une clientèle de plus en plus exigeante forcent les institutions à remettre leur rôle en question.

L'OMERS appuie votre décision d'examiner le mode de régie des entreprises en général, et plus précisément en fonction de leur taille. Comme l'a signalé le président du comité sénatorial, les Canadiens éprouvent une méfiance viscérale à l'égard des grandes institutions, qu'il s'agisse de grandes entreprises, de syndicats ou d'institutions publiques. La concentration du pouvoir dans quelque secteur que ce soit de notre société dérange les Canadiens et suscite leur méfiance.

Je vous prie de bien vouloir excuser M. Dale Richmond qui prévoyait être ici aujourd'hui. On lui a demandé à la toute dernière minute de se joindre à une délégation de l'ACDI qui est actuellement en route pour la Chine, dans le but d'examiner l'infrastructure de la ville de Shanghai.

Le président: M. Richmond s'est toujours montré disposé à collaborer avec nous. Nous apprécions vos excuses mais comprenons parfaitement pourquoi il n'est pas là.

M. Richard: C'est M. Tom Gunn qui répondra à vos trois principales questions. Avant de lui céder la parole, je voudrais toutefois faire quelques observations d'ordre général.

Il ne fait aucun doute que l'OMERS est un actionnaire assez important sur le marché boursier canadien. Il importe de connaître les principes qui le guident dans ses investissements. C'est essentiel. L'investissement est uniquement un moyen d'atteindre un objectif précis, à savoir tenir la promesse de verser une pension à ses membres. Ce n'est pas la première fois que des témoins vous le disent.

L'OMERS n'a pas la moindre intention d'investir dans le but d'édifier un empire ou d'accumuler le pouvoir. Il ne tient absolument pas à investir dans le but d'établir des synergies ou des associations stratégiques. Contrairement aux fonds communs de placement ou aux autres investisseurs institutionnels, il ne tient pas à investir pour attirer des clients, recevoir des honoraires ou réaliser des bénéfices à court terme. Nous sommes motivés par la nécessité d'assumer nos obligations envers nos membres; c'est là notre seule et unique motivation.

L'OMERS s'appuie sur des principes tout simples axés sur l'investissement, la communauté d'intérêts et le rendement à long terme.

Nous aborderons notamment la question de l'opportunité d'un conseil d'administration dont les membres ne sont pas des professionnels -- et je suis certain que c'est un sujet qui vous intéresse. C'est une question qui revient régulièrement sur le tapis au cours de nos discussions.

Ce système a bien fonctionné pendant 35 ans et je crois que notre performance le prouve. Cinq facteurs justifient le choix d'un conseil d'administration non professionnel et font que cette formule a été payante en ce qui nous concerne. Le premier est la motivation. Les membres du conseil d'administration de l'OMERS sont des membres du régime de retraite et ils ont par conséquent tout intérêt à accomplir consciencieusement leur tâche. Cela crée un lien de solidarité très fort en quelque sorte.

Le deuxième facteur est le cloisonnement classique qui existe entre les représentants du conseil, c'est-à-dire des actionnaires, et la direction; ce clivage constitue un remède très efficace contre les conflits d'intérêts. Le président et l'agent principal des investissements ne font pas partie du conseil d'administration de la caisse. Par ailleurs, nous ne relevons pas de la direction mais du conseil d'administration.

Le troisième facteur est le fait que, même s'ils ne sont pas des experts en matière d'investissements, les membres du conseil d'administration sont toutefois qualifiés pour administrer un régime de retraite. Ce sont nos employés qui sont les experts en placements et par conséquent, les décisions en la matière sont prises par des experts.

Le quatrième facteur est le fait que le conseil non professionnel veille davantage à informer les membres que la plupart des experts ou des conseils professionnels. Nous estimons que les experts ont généralement tendance à faire preuve de négligence à cet égard alors que notre conseil fait des efforts visibles dans ce domaine. En effet, il a notamment organisé une série d'ateliers d'information pour ses membres; ceux-ci ont lieu une fois par mois, dans le cadre de ses réunions.

Le cinquième facteur est que le conseil d'administration d'OMERS est plus démocratique que la plupart des conseils de direction. Les membres de l'exécutif sont élus pour un mandat non renouvelable d'un an et par conséquent toute possibilité de concentration des pouvoirs entre les mains d'une seule personne ou d'un seul groupe, et par conséquent tout risque de dictature, sont exclus. Le conseil d'administration d'OMERS peut être comparé à juste titre à un jury composé de personnes intéressées ou dévouées auxquelles on demande d'examiner les recommandations des experts et de prendre des décisions judicieuses. Il n'est que juste que vous vous demandiez comment ce système fonctionne. Alors qu'elle ne constitue pas nécessairement la solution parfaite pour toutes les caisses de retraite de l'État, la formule adoptée par l'OMERS est basée sur un mode de régie solide et efficace. Le rendement des investissements est excellent jusqu'à présent et c'est un des rares régimes de retraite par capitalisation intégrale du Canada, voire du monde entier.

Ainsi, chaque fois que je vais aux États-Unis, dès que je dis que je représente l'OMERS, on me répond que l'on sait qu'il s'agit d'un régime par capitalisation intégrale. Nous en sommes très fiers. Nous sommes en fait un oiseau rare.

L'OMERS voudrait que vous teniez compte de deux principes dans le cadre de vos investigations et dans les recommandations que vous ferez. Le premier est qu'il est possible d'administrer des fonds de diverses façons tout en obtenant d'excellents résultats. Il existe de nombreux modes d'administration idéaux. Celui de l'OMERS n'en est qu'un parmi tant d'autres. Peu importe la nature des recommandations que vous ferez, nous vous conseillons d'éviter de défigurer complètement les régimes actuels qui fournissent des services de qualité supérieure à leurs membres et à l'économie en général.

Le deuxième est qu'il serait bon de ne pas oublier, dans le cadre de votre étude, que les institutions qui gèrent les investissements doivent bénéficier d'une certaine latitude. Toute réglementation future devra tenir compte non seulement de la nécessité de réagir et de changer de cap rapidement mais aussi du besoin de s'adapter aux changements susceptibles de survenir à l'échelle planétaire, sur lesquels les pouvoirs de réglementation actuels n'auront aucune prise.

Je tiens à vous remercier encore une fois de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos opinions. Je répète que nous sommes prêts à vous soutenir dans vos efforts.

M. G. Tom Gunn, agent principal des investissements, Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario: Je me propose de vous donner aujourd'hui un bref aperçu des activités de l'OMERS en fonction des trois questions qui ont été posées aux investisseurs institutionnels.

La première de vos questions concerne le degré d'influence de l'OMERS sur les grandes entreprises canadiennes et sur l'économie.

À titre d'information, je vous signale que l'OMERS gère actuellement des actifs dont la valeur se chiffre à plus de 32 milliards de dollars. En 1997, l'OMERS a investi environ 3,4 milliards de dollars supplémentaires, soit environ 13 millions de dollars par jour, au nom de tous ses participants et des retraités.

Le président: Cela comprend-il les sommes reportées et les nouvelles cotisations?

M. Gunn: Oui. Environ 80 p. 100 des capitaux sont investis au Canada et 20 p. 100 à l'étranger. Nous en avons investi 46 p. 100 dans les actions et dans des sociétés cotées en bourse. Environ 41 p. 100 des capitaux sont investis dans divers types de titres d'emprunt et 13 p. 100 dans d'autres types d'investissements composés principalement d'actions de sociétés fermées, d'investissements directs dans l'immobilier et autres placements analogues.

Sur les 46 p. 100 investis en actions de sociétés cotées en bourse, 39 p. 100 environ, soit 9 milliards de dollars, sont investis dans des entreprises dont les actions entrent dans le calcul du TSE 300 (indice composé de la Bourse de Toronto), c'est-à-dire dans des entreprises dont la valeur boursière dépasse les 600 millions de dollars. Environ 7 p. 100 des capitaux investis en actions, soit 735 millions de dollars, sont investis dans des petites et moyennes entreprises qui, selon les règlements actuels, sont les entreprises dont la valeur boursière se situe autour de 250 millions de dollars.

Les placements de l'OMERS sont également diversifiés dans tous les secteurs représentés par la Bourse de Toronto ce qui dilue en fait notre influence sur tel ou tel secteur en particulier.

L'OMERS détient des titres représentant environ 2 p. 100 de la valeur boursière des grandes entreprises canadiennes. Nous estimons que ce n'est pas la taille ou l'importance de nos investissements qui nous permet d'exercer de l'influence. Ce n'est pas cela qui importe mais plutôt la façon dont on exerce ses droits de propriété. C'est ce que nous considérons comme le deuxième des trois principes fondamentaux.

Notre président a fait allusion à nos principes et à nos objectifs en matière de placements mais je voudrais expliquer brièvement comment nous avons recours aux services d'une équipe d'experts pour atteindre nos objectifs.

Le conseil d'administration de l'OMERS a le droit de superviser la stratégie d'investissement en général. Cette tâche consiste à établir une stratégie de diversification des investissements et à l'améliorer. Par contre, la mise en oeuvre proprement dite de la stratégie et ce que l'on appelle parfois les mesures «tactiques» sont confiées à des experts. Le processus est supervisé par la commission mais il est mis en place par des experts.

Les gestionnaires professionnels de notre caisse sont recrutés dans les mêmes cercles que partout ailleurs dans le milieu. Nous appliquons tous les mêmes critères très stricts en matière d'accréditation, de connaissances, de probité que ceux qui sont appliqués au recrutement des personnes occupant des fonctions analogues, dans les entreprises canadiennes et dans les fonds communs de placement.

Dans notre milieu, les pratiques en matière de motivation et de gestion sont très semblables à celles qui ont cours dans les principales institutions financières privées.

Étant donné que l'OMERS n'essaie pas de devenir actionnaire majoritaire d'entreprises canadiennes, ses principales activités consistent à contrôler l'information, exercer son droit de vote comme fiduciaire et prendre, dans des circonstances exceptionnelles, certaines initiatives visant à s'assurer que les objectifs à long terme de la caisse sont respectés.

L'OMERS estime toutefois que c'est parfaitement légitime et même qu'un fiduciaire se doit d'essayer d'obtenir tous les renseignements et toutes les études non confidentiels qui concernent les entreprises dont il possède des actions, y compris des renseignements informels afin de vérifier si la direction des entreprises en question est digne de confiance et de suivre ses activités.

C'est nécessaire en ce qui concerne les gros investisseurs parce que la législation actuelle sur la divulgation des renseignements concernant les sociétés n'est pas assez stricte. Elle ne les oblige pas à divulguer tous les renseignements. Au Canada et aux États-Unis, les avocats d'entreprises sont généralement peu disposés à discuter des problèmes, de quelque façon que ce soit, tant qu'ils n'y sont pas obligés par la loi ou par les règlements.

Ils ont donc établi un énoncé de mission, dont il a d'ailleurs été question dans les journaux, si je ne me trompe, surtout aux États-Unis, qui crée un goulot interne empêchant la libre circulation de renseignements d'importance capitale pour tous les actionnaires et la diffusion efficace de ces renseignements. On prétend généralement que les renseignements sont accessibles mais si c'est vrai en principe, ce ne l'est pas nécessairement dans la pratique.

À titre d'actionnaire, l'OMERS voudrait que cet obstacle disparaisse et que l'on ajoute à la législation des dispositions exigeant la divulgation plus systématique des renseignements, conformément aux recommandations qui ont été faites par les organisations canadiennes et américaines de comptables. À notre avis, l'adoption de tels changements mettrait les simples actionnaires et les actionnaires institutionnels sur un pied d'égalité, tel que préconisé généralement.

Outre la collecte de renseignements, l'OMERS exerce activement tous ses droits de vote par procuration. Nous le faisons parce que, comme fiduciaire, nous considérons nos droits de vote comme un bien. D'une manière générale, les actions avec droit de vote ont une valeur plus élevée sur le marché que les actions sans droit de vote et cela permet par conséquent d'évaluer en quelque sorte ce droit de vote. Comme fiduciaire, nous estimons qu'il est de notre devoir d'exercer ces droits de propriété.

Au mois de mars, l'OMERS a révisé ses lignes directrices en matière d'exercice du droit de vote par procuration et la nouvelle brochure de 38 pages est annexée au mémoire qui vous a été remis aujourd'hui. Elle contient une description très précise de notre politique dans cinq secteurs clés, à savoir: conseil d'administration, rémunération des membres de la direction, protection contre les prises de contrôle, droits des actionnaires et responsabilités sociales.

Deux observations méritent d'être faites en l'occurrence à propos de ces lignes directrices. Premièrement, les lignes directrices de l'OMERS concernant l'exercice du droit de vote par procuration constituent pour nous le moyen principal et privilégié d'entretenir des relations avec les entreprises dans lesquelles nous investissons nos fonds. Deuxièmement, l'OMERS reçoit environ 1 200 formulaires de sollicitation de vote par procuration par année. Nous considérons l'examen systématique des formulaires et les discussions sur l'opportunité de voter de telle ou telle façon comme une de nos obligations fondamentales. Nous prenons ces responsabilités très au sérieux.

En outre, l'OMERS est conscient du fait que chaque société dans laquelle il investit de l'argent est unique et que toutes les entreprises sont confrontées à une évolution extrêmement rapide et profonde de la conjoncture économique et qu'il est par conséquent nécessaire de voir comment il faut voter dans chaque cas.

Nous avons pour principe d'examiner avant tout la performance générale de l'entreprise car nous estimons que c'est le moyen le plus efficace de déterminer si les intérêts des fonds de retraite et ceux de la direction des entreprises dans lesquelles nous investissons notre argent convergent. Nous ne cherchons pas la confrontation mais l'harmonie.

Lorsque l'OMERS estime que tel ou tel investissement ne sert plus du tout les intérêts des actionnaires, il a recours à un moyen extrêmement simple pour manifester sa désapprobation. Nous estimons qu'il existe un décalage dangereux à partir du moment où la valeur à long terme de l'investissement des actionnaires est compromise, mais pour cela, il ne suffit pas que la direction de l'entreprise prenne des décisions inhabituelles ou discutables mais aussi que la valeur sous-jacente de l'investissement soit réellement menacée.

Lorsque l'OMERS décide de ne pas vendre, la division des investissements peut décider entre autres de manifester sa désapprobation. À ce propos, je signale que toutes les personnes qui possèdent des actions peuvent avoir recours à ce genre de méthode. Nous commençons parfois par écrire à la haute direction pour la mettre au courant de nos préoccupations. Si cela ne donne aucun résultat, l'OMERS peut alors essayer de rencontrer les membres de la direction ou, dans certaines circonstances, ceux du conseil d'administration. L'OMERS peut aussi appuyer par son vote des motions qui sont présentées par d'autres actionnaires, si aucun changement ne se produit. Si, malgré cela, aucun signe de progrès ne se manifeste, l'OMERS peut aller jusqu'à prendre l'initiative de présenter des motions.

L'OMERS intente de temps à autre des poursuites contre des entreprises dont la direction a, à son avis, nuit aux intérêts des actionnaires.

L'OMERS estime qu'il est parfaitement légitime qu'un actionnaire bien informé demande à la direction ce qu'elle fait pour servir les intérêts des actionnaires, surtout lorsque la performance de l'entreprise ne correspond plus aux attentes de ceux-ci. Ce n'est pas du tout la même chose que de lui dicter ses volontés. On se contente de demander à la direction ce qu'elle fait et en quoi ses projets feront augmenter la valeur de l'entreprise. On lui demande si elle est satisfaite des résultats obtenus. En fait, on commence par lui demander quels sont ses objectifs.

Nous estimons que le moyen le plus efficace de provoquer le changement est de négocier calmement avec l'entreprise. Par contre, nous n'oublions pas que tous les actionnaires devraient être sur un pied d'égalité. Le fait que nous soyons les premiers à poser la question ne signifie pas que d'autres actionnaires ne pourraient ou ne devraient pas la poser également.

Somme toute, les investisseurs institutionnels, et l'OMERS en particulier, ont eu une influence très positive pour tous les actionnaires et ce, pour deux raisons. La première, c'est que les experts en investissements institutionnels ont à leur disposition des signaux d'alarme précoce peut-être inaccessibles aux petits actionnaires. Nous suivons certaines entreprises de très près et nous réagissons en cas de problème. Le premier signal d'alarme est généralement lancé par un investisseur institutionnel plutôt que par un particulier.

D'une façon générale, les investisseurs institutionnels demandent également beaucoup plus de renseignements aux sociétés ouvertes que les particuliers. Il faut reconnaître que tout le monde profite d'une meilleure circulation de l'information.

Par contre, sauf dans les cas exceptionnels où des renseignements d'initiés ont donné lieu à des transactions illégales, l'opinion que les investisseurs institutionnels exercent ou ont exercé une influence malsaine sur les entreprises canadiennes semble effectivement être dénuée de tout fondement et relève purement et simplement du domaine hypothétique. Les objectifs et le mode d'organisation de l'OMERS en matière de placements en font un des investisseurs les plus responsables du Canada.

Nous estimons que les Canadiens doivent comprendre comment nous exerçons les pouvoirs que nous avons. Nous essayons de faire en sorte que toutes nos pratiques soient transparentes. Nous publions nos lignes directrices concernant l'exercice du droit de vote par procuration. Nous les distribuons gratuitement. Nous en avons envoyé un exemplaire à toutes les sociétés dans lesquelles nous investissons de l'argent, au Canada comme à l'étranger. Nous tenons deux fois par an des assemblées publiques et nous parcourons à cette occasion toute la province, pour essayer d'assurer la représentation de tous nos membres. Nous communiquerons en outre avec les médias locaux et provinciaux.

Le président: Merci pour votre exposé très complet. Monsieur Richard, je comprends toutes les raisons que vous avez invoquées pour justifier les avantages de votre conseil non professionnel, à savoir la motivation, le clivage entre la direction et les actionnaires et le caractère démocratique de cette formule. Que pensez-vous de la critique dont fait l'objet cette formule, à savoir qu'en raison de la nature éminemment technique de la gestion d'une caisse de retraite, un conseil d'administration composé uniquement de non-professionnels -- qui finit par être «évincé» par le personnel spécialisé, ajouterais-je --, n'est en définitive pas en mesure de contester les décisions et les recommandations techniques des experts parce que ses membres ne possèdent pas les compétences nécessaires et que par conséquent, les décisions qui sont prises au sein d'une caisse de retraite dirigée par un tel conseil d'administration relèvent exclusivement du personnel spécialisé qui jouit, somme toute, d'une indépendance totale? Que pensez-vous de cet argument?

M. Richard: C'est une question pertinente à laquelle il est difficile de répondre. Cette question est souvent abordée au sein du conseil d'administration de l'OMERS. À première vue, la réponse semble évidente mais je dirais qu'elle est en fait un peu plus compliquée que cela. Les ateliers d'information dont j'ai parlé portent sur des questions qui dépassent largement le cadre de nos activités et de ce qui se passe à Toronto. Un des sujets concerne la responsabilité fiduciaire et nous prenons ce rôle très au sérieux. Il est extrêmement important que nous continuions à enrichir nos connaissances et à être mieux informés; c'est pourquoi nous assistons à des séances d'information dans toutes les régions des États-Unis et du Canada.

En principe, vous avez raison. Nous nous fions aux recommandations des experts en ce qui concerne tel ou tel placement. Par contre, un de nos principaux objectifs est une diversification équilibrée de nos placements. Nous suivons une formation très poussée dans ce domaine, après quoi, les experts nous aident à concrétiser cette diversification. Ils n'ont toutefois qu'une influence limitée sur nos décisions. C'est nous qui décidons de la diversification des placements et notre choix est basé sur les risques, sur la volonté de tenir nos promesses envers nos membres et sur nos objectifs.

Je pense que vous seriez étonnés du degré de précision des questions que nous posons. J'estime que même lorsque le conseil d'administration est composé d'experts, on finit par tenir une discussion pour s'assurer que les investissements sont judicieux. Je vous assure que nous sommes bien informés. Les renseignements que nous voulons obtenir sont d'importance critique et nos questions portent sur le degré de risque et autres sujets analogues. Lorsque nous ne sommes pas parfaitement au courant des aspects techniques de tel ou tel investissement, nous savons ce que nous faisons et nous posons des questions. Si la réponse ne nous satisfait pas, la décision est reportée jusqu'à ce que l'on nous fournisse des renseignements plus précis.

Le président: Quelle est la durée du mandat des membres de votre conseil d'administration?

M. Richard: Les membres du conseil d'administration de l'OMERS peuvent faire au maximum deux mandats d'une durée de trois ans. Nous avons la garantie de pouvoir exercer nos fonctions pendant six ans. La première année est, bien entendu, consacrée en grande partie à l'apprentissage mais pendant les trois dernières années, nous sommes très efficaces. Nous essayons de maintenir un roulement pour éviter de perdre la plupart de nos membres chevronnés en même temps.

Le président: Est-ce 15 ou 20 p. 100 des membres du conseil d'administration qui sont remplacés chaque année?

M. Richard: C'est le maximum.

Le président: Ma question vient du commentaire que vous avez fait au sujet de la diversification des placements. J'ai lu dans les journaux un article concernant une affaire qui a un rapport avec le sujet. Nous en parlerons à M. Lambert, mais je voudrais savoir si cela pourrait arriver chez vous. Il s'agit d'une affaire qui remonte à un certain temps et qui concerne une grève à Aliments Maple Leaf Inc. Certains membres du Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario avaient demandé à leur caisse de retraite de vendre les actions qu'elle possédait dans cette société parce qu'ils voulaient manifester leur sympathie à l'égard des grévistes.

Les administrateurs de cette caisse ont répondu que leurs décisions étaient fondées sur des critères d'ordre économique et pas sur des critères d'ordre social ou politique et que par conséquent ils ne vendraient pas ces actions. M. Lambert a fait cette déclaration publiquement.

Essayez-vous, en ce qui vous concerne, d'atteindre d'autres objectifs que la maximisation pure et simple du rendement? Pour revenir à l'exemple que j'ai cité, si une situation analogue se produisait en Ontario et si les employés de telle ou telle entreprise se mettaient en grève ou que celle-ci polluait l'environnement par exemple, quelle incidence ce genre de facteurs pourraient-ils avoir sur la répartition de vos actifs?

M. Richard: C'est une bonne question. C'est une question qui est souvent abordée à notre conseil d'administration. Notre priorité est, bien entendu, de respecter notre promesse au chapitre des pensions. Lorsque nous examinons une possibilité d'investissement, nous le faisons en nous basant sur ses mérites intrinsèques. Nous ne prenons pas les aspects sociaux en considération. Nous discutons souvent de l'opportunité de faire des investissements axés sur la responsabilité sociale. Comme vous le savez, nous représentons toutes sortes d'employés. Nous représentons 1 100 employeurs et toutes sortes de syndicats. Il est indéniable qu'il ait déjà été question de renoncer à investir dans telle ou telle société parce qu'elle est en faveur du patronat et nous pas. Nous discutons de tout cela, mais en fin de compte, toutes les décisions sont basées sur les mérites de l'entreprise et sur les perspectives qu'elle nous offre de réaliser les bénéfices nécessaires pour nous permettre de tenir notre promesse. Nous sommes très conscients des aspects sociaux, mais je dois reconnaître que notre objectif n'est pas du tout de faire des investissements à vocation sociale.

Le président: Vous vous efforcez d'éviter de vous laisser influencer par ce genre de considérations.

M. Richard: C'est exact.

Le sénateur Angus: Je dois dire que j'attendais impatiemment -- comme vous tous, je pense -- que les représentants de la mère de tous les investissements institutionnels au Canada comparaissent. Vos observations suscitent une foule de questions et je commencerai par vous en poser une au sujet des conflits d'intérêts, monsieur Richard.

Nous avons fait dernièrement une étude sur l'Office d'investissement du RPC et nous avons recommandé dans notre rapport que l'on s'inspire de vos lignes directrices en matière de conflits d'intérêts. Par contre, après avoir entendu vos commentaires sur les deux principes majeurs qui les sous-tendent, il me semble que le premier, celui qui concerne la communauté d'intérêts, a un rapport direct avec le problème des conflits d'intérêts. Vous pourriez peut-être nous donner des précisions sur le fonctionnement de votre système et spécifier les limites à ne pas dépasser éventuellement en matière de protection contre les conflits d'intérêts. Comme vous le savez, nous pouvons aller jusqu'à interdire aux personnes concernées de posséder des actions des sociétés dans lesquelles elles investissent.

M. Richard: Les membres du conseil d'administration ainsi que le personnel doivent respecter des lignes directrices très précises sur les conflits d'intérêts, surtout en ce qui concerne la divulgation des avoirs. D'une manière générale, il nous est absolument interdit de faire des investissements dans les entreprises sur lesquelles nous avons obtenu des renseignements dans l'exercice de nos fonctions ou dont le nom figure sur la liste des placements qui a été dressée par la division des investissements. Les lignes directrices sur les conflits d'intérêts nous interdisent formellement d'investir dans ces sociétés.

Nous devons faire un rapport mensuel par l'intermédiaire de nos vérificateurs et divulguer la nature de tous nos investissements. Tout membre du conseil doit divulguer chaque mois ses investissements par l'intermédiaire des vérificateurs. En cas d'irrégularités, le président et le membre du conseil qui est en cause sont mis au courant de la situation. Nos lignes directrices sont incontestablement excellentes et elles doivent être appliquées au pied de la lettre.

Le sénateur Angus: Vous est-il arrivé de constater l'existence de conflits d'intérêts au sein de la direction d'entreprises dans lesquelles vous investissez des fonds et, comme investisseur institutionnel, avez-vous pris des mesures de protestation?

M. Gunn: Nous rencontrons régulièrement des représentants des grandes entreprises où se posent certains problèmes et nous leur demandons des renseignements plus précis sur des situations susceptibles d'inciter un observateur à poser des questions. Par exemple, les absences répétées de certains administrateurs aux réunions peuvent être un indice de conflit d'intérêts. On pourrait demander au conseil si la personne en question, qui est souvent absente, représente réellement les intérêts des actionnaires. Cette personne pourrait se trouver dans une situation de conflit d'intérêts pour toutes sortes de raisons. C'est ce qui nous incite à examiner son cas.

Nous n'essayons pas de dicter nos volontés à qui que ce soit. Si nous avons connaissance d'un élément qui éveille des doutes dans notre esprit, nous n'hésitons pas à poser des questions mais nous ne pouvons pas dire que nous cherchons des indices bien précis.

Il existe actuellement au Canada un fonds public important -- qui a été privatisé -- qui a établi environ 15 lignes directrices que nous sommes en train d'examiner. Elles portent sur des questions de régie. Nous avons établi un certain nombre de critères d'évaluation des entreprises que nous n'avons pas divulgués. Cette liste contient plus de 15 questions.

Le sénateur Angus: Parlez-vous des lignes directrices «à la Tullio Cedraschi»?

M. Gunn: Certaines personnes pensent peut-être que la liste de Tullio est excellente, et elle l'est effectivement. Je vous signale toutefois que nous voulons aller plus loin que lui dans certains cas.

Le sénateur Angus: Vous avez dit que les règles généralement en vigueur à l'heure actuelle en matière de divulgation des intérêts n'étaient pas assez strictes. J'ai trouvé cette déclaration extrêmement importante. Pourriez-vous préciser votre pensée et nous faire éventuellement quelques suggestions?

M. Gunn: Oui. On s'est souvent demandé si un investisseur important était avantagé du fait qu'il a des contacts avec les entreprises. Nous estimons pour notre part qu'il n'est pas nécessairement avantagé. Notre position est la suivante -- et c'est un des principes que j'ai expliqués clairement à tous les membres de notre personnel -- : nous ne souhaitons pas obtenir des renseignements d'initiés et nous n'essayons pas d'en obtenir. Nous essayons éventuellement d'obtenir des renseignements plus précis et nous encourageons éventuellement les entreprises à divulguer des renseignements qui devraient, à notre avis, être accessibles à tous les investisseurs.

Certains d'entre vous savent peut-être que j'ai déjà été agent principal de la réglementation et directeur des services financiers d'une société ouverte où nous mettions en pratique le principe de la transparence totale que je prêche. J'ai constaté que la transparence totale faisait augmenter la valeur des actions, ce qui devrait encourager toutes les entreprises à appliquer ce principe. Elle n'avantage aucun actionnaire en particulier. C'est le traitement de l'information qui fait la différence.

Une des opinions exprimées dans votre mémoire, que vous avez d'ailleurs passée sous silence dans votre exposé, est que les investisseurs institutionnels acquièrent peut-être des compétences supplémentaires ou une meilleure intuition parce qu'ils sont les premiers à obtenir les renseignements et que les petits investisseurs, qu'il s'agisse des veuves ou des orphelins, n'ont pas accès à ce genre de renseignements. Je vous signale qu'à l'époque actuelle, on a davantage tendance que l'on pourrait s'y attendre à confier la gestion des fonds à des gestionnaires institutionnels. Un de nos services économiques a trouvé des statistiques qui indiquent qu'à l'heure actuelle, environ 40 p. 100 des valeurs mobilières sont gérées par des gestionnaires professionnels au Canada. Tous ces renseignements sont facilement accessibles aux investisseurs institutionnels. Ils sont accessibles par le biais des services d'information et des agences de presse.

Si un petit investisseur décide de ne pas engager un gestionnaire de placements, il s'agit d'une décision fondée sur des considérations d'ordre commercial. Cela ne veut pas dire qu'il soit nécessairement désavantagé sur le plan de l'information mais cela signifie qu'il a décidé de ne pas engager un professionnel qui accélère l'accès à l'information.

D'une manière générale, il est important de s'assurer que l'information est diffusée rapidement et à temps. C'est assez facile d'y arriver. À l'échelon provincial, les commissions des valeurs mobilières ont délimité ce territoire et j'estime que la création d'une commission nationale des valeurs mobilières contribuerait à accélérer la diffusion de l'information. Je crois que c'est possible.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous dire avec un peu plus de précision quels changements vous souhaiteriez? Encore tout récemment, il était manifeste que le Canada était nettement en retard sur ses voisins du Sud. Les manigances à propos de la divulgation de la rémunération des cadres supérieurs des entreprises inscrites à New York ou ailleurs en sont une preuve flagrante. Les entreprises devaient fournir ces renseignements au SEC. Nous avons toujours su quel salaire touchent les PDG ou quelle était la valeur de leurs options d'achat d'actions, par exemple. Cependant, nous ne possédions pas ces renseignements s'il s'agissait de compagnies non inscrites en bourse.

Grâce aux lignes directrices et à toute l'industrie qui se crée autour de la régie des sociétés et qui est en pleine expansion, nous savons désormais combien gagnent les PDG d'entreprises canadiennes. Ce que je trouve amusant, c'est qu'au lieu de faire baisser le plafond salarial des PDG, cela l'a fait augmenter en raison de l'esprit de compétition.

Avez-vous des recommandations à faire en ce qui concerne d'autres aspects de la divulgation de renseignements? Préconisez-vous de modifier certaines règles, certains règlements ou certaines lois?

M. Gunn: Oui. Nous avons indiqué dans notre mémoire un certain nombre de domaines où il est possible de diffuser l'information.

En ce qui concerne la divulgation de renseignements, l'OMERS défend le principe suivant, d'ailleurs énoncé par écrit: en matière de rémunération, les entreprises doivent être justes mais elles doivent faire preuve de modération. C'est un principe officiel, que nous n'avons aucune difficulté à exprimer clairement.

Le sénateur Angus: Ce principe s'applique-t-il aux banques?

M. Gunn: Oui, ainsi qu'au secteur pétrolier ou à celui de la fabrication des pièces d'automobile où se situe le record en matière de salaires au Canada.

Le sénateur Angus: En ce qui concerne la divulgation des renseignements, vous avez dit que si les règles en la matière étaient étoffées et améliorées selon vos recommandations, les petits investisseurs et les investisseurs institutionnels seraient davantage sur un pied d'égalité. Du fait que j'ai reçu une formation d'avocat plaidant, j'ai interprété cette déclaration comme voulant dire que ce n'est pas le cas pour le moment. Malgré les commentaires que vous avez faits à ce sujet, il ne fait aucun doute que la perception, qui vient en partie des déclarations des analystes mais relève également du folklore, est qu'étant donné l'exiguïté des marchés financiers canadiens, les principaux acteurs, dont vous faites partie, peuvent téléphoner au PDG d'une entreprise alors qu'un actionnaire ordinaire n'a pas cette possibilité, même si cela ne vous permet pas d'obtenir des renseignements d'initiés. C'est une question de complicité. On se présente et on pose négligemment quelques questions précises.

M. Gunn: Premièrement, il ne faut pas oublier que si nous estimons que les deux parties ne sont pas nécessairement sur un pied d'égalité, je ne crois pas que le but doive être l'égalité absolue.

Deuxièmement, la compétence et l'intuition jouent un rôle. Il n'est pas nécessaire d'exiger que tous les renseignements soient accessibles en tout temps et en tous lieux. Il s'agit plutôt de permettre à quelqu'un qui désire se spécialiser dans le domaine d'y avoir aussi facilement accès, s'il en fait la demande. Pour reprendre le cas de l'avocat plaidant que vous avez évoqué, on pourrait dire que c'est regrettable que vous n'ayez pas posé la question «fatidique» au témoin parce qu'il vous aurait donné la réponse dont vous aviez besoin pour gagner votre cause. Les renseignements sont disponibles. Le tout, c'est de savoir comment les solliciter. Si quelqu'un d'autre pose la question, les renseignements sont divulgués. L'avantage qu'a cette personne, c'est d'avoir fait preuve de perspicacité et d'avoir posé la question.

Aux États-Unis, lorsque telle ou telle réponse a été sollicitée et qu'on juge le renseignement important, on le diffuse publiquement. On pourrait très facilement faire la même chose au Canada et je crois que tout le monde en tirerait profit.

Le sénateur Stewart: Monsieur Richard, vous avez fait allusion dans votre exposé à la formation des membres du conseil d'administration. Vous avez dit, si je ne me trompe, que les gestionnaires professionnels ont tendance à ne pas vouloir en entendre parler. Est-ce exact? Pourriez-vous être un peu plus précis?

M. Richard: Je ne voulais pas généraliser. Je dirais plutôt que les administrateurs professionnels -- et pas nécessairement les experts qui ne font pas partie du conseil d'administration -- estiment tout savoir, du fait même qu'ils se considèrent comme des experts et que, par conséquent, ils n'ont peut-être pas l'esprit aussi ouvert que des administrateurs non professionnels. C'est cela que je voulais dire. Il est indéniable que tout nous intéresse. Nous cherchons à apprendre. Nous voulons tout savoir tandis que dans certains cas, les experts, du fait même qu'ils se considèrent comme des experts, ont l'esprit un peu moins ouvert, ce qui ne veut pas dire que ce soit toujours le cas.

Le sénateur Stewart: Mon interprétation de ce que vous venez de dire n'est peut-être pas nécessairement exacte, mais je compte sur vous pour la rectifier. On pourrait interpréter vos propos -- et ce n'est pas une interprétation exclusive -- de la façon suivante: l'expert connaît parfaitement les règles du jeu et par conséquent, il risque de négliger de tenir compte des changements de conjoncture qui ne sont pas prévus. Par conséquent, l'administrateur non professionnel peut très bien, s'il en a l'occasion, mettre l'expert au courant de certaines choses. Est-ce bien ce que vous vouliez dire entre autres?

M. Richard: C'est exact. Je dirais que c'est une excellente interprétation.

Le sénateur Stewart: C'est effectivement une observation très intéressante. C'est un avertissement qui est valable pour tous -- plus on accumule de savoir dans son domaine, et plus on risque de s'accrocher à des connaissances qui sont dépassées.

Vous nous avez dit qu'environ 80 p. 100 des fonds de l'OMERS étaient investis au Canada et environ 20 p. 100 à l'étranger. Dans votre mémoire, vous dites notamment ceci à propos de la politique gouvernementale:

L'efficacité des efforts déployés par l'OMERS pour trouver des possibilités d'investissement acceptables est limitée par les dispositions réglementaires qui imposent un plafond de 20 p. 100 sur le pourcentage des capitaux que les fonds de retraite canadiens peuvent investir dans des valeurs à l'extérieur du marché canadien.

Je crois que vous étiez là ce matin, messieurs, quand M. Hamilton a témoigné. Si j'ai bien compris, il a dit qu'il était nécessaire d'investir sur le marché étranger, auquel vous vous intéressez précisément en raison du plafond de 20 p. 100. Autrement dit, il faut laisser aux investisseurs la liberté de prendre une décision après avoir évalué personnellement la situation -- en Indonésie ou en Corée du Sud, par exemple.

Étant donné que vous êtes un gros investisseur et que vous estimez probablement que les possibilités sont plutôt restreintes sur le marché canadien, du fait de son exiguïté, avez-vous réfléchi à la question de la mondialisation des marchés financiers? Dans l'affirmative, j'aurai encore deux ou trois questions à vous poser. Dans la négative, je m'abstiendrai de vous poser toute autre question.

M. Gunn: Nous sommes des partisans convaincus des investissements internationaux et d'un assouplissement de la règle des 20 p. 100.

Le sénateur Stewart: Quel genre d'assouplissement préconiseriez-vous?

M. Gunn: Si le plafond était porté à 30 ou 35 p. 100, cela nous donnerait des possibilités de diversification qui serviraient très bien les intérêts de la plupart des Canadiens. Cela a donné de bons résultats à l'étranger.

Certains autres effets du plafond de 20 p. 100 ne sont peut-être pas très connus. Je voudrais vous en parler. Le rachat de certaines entreprises par d'autres a toujours suscité un certain intérêt, surtout les transactions entre sociétés canadiennes et sociétés américaines. En vertu de l'Accord de libre-échange, les entreprises américaines sont autorisées à faire des investissements dans des entreprises canadiennes et à cause de la conjoncture actuelle, la cote des actions américaines a tendance à être plus élevée que celle des actions canadiennes, ce qui augmente l'attrait de ces dernières pour les acheteurs. Il en résulte une anomalie intéressante pour tous les fonds de retraite importants, à savoir que le marché des valeurs canadiennes risque en fait de se rétrécir, ce qui a une incidence sur l'emploi qui est tout à fait à l'opposé des attentes dans ce domaine.

Si une entreprise canadienne est achetée par une entreprise américaine, il est fort probable que la prochaine usine ne sera pas construite en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou en Ontario mais probablement en Ohio. C'est un fait unanimement reconnu. Cependant, si une entreprise canadienne achète une entreprise américaine, l'usine sera probablement construite dans notre pays. Ce plafond de 20 p. 100 risque de faire perdre des emplois au Canada. Une libéralisation des mouvements de capitaux peut en fait être porteuse d'emplois.

Le sénateur Stewart: C'est utile.

Je voudrais aborder un autre aspect de la mondialisation de l'investissement. Les Canadiens ont subi, d'une façon ou d'une autre, le contrecoup de la crise qui a éclaté en Asie du Sud-Est. Je ne sais pas si cela a eu un «impact» -- c'est le terme employé couramment à l'heure actuelle -- sur l'OMERS. Pouvez-vous nous dire si cette crise a eu des répercussions en ce qui vous concerne?

M. Gunn: Sénateur, les fonds de retraite importants cherchent des possibilités d'investissement dans le monde entier pour améliorer leur rendement. Nous avons pour principe de chercher des occasions de placement qui sont prometteuses, dans quelque pays que ce soit. Si nous sommes assurés que les avoirs des pensionnés peuvent être protégés, nous envisagerons la possibilité d'investir sur ce marché. L'Asie du Sud-Est comprend également l'Australie et la Nouvelle-Zélande, où les rendements ont été très intéressants.

Il a en outre été possible d'obtenir d'assez bons résultats au Japon, même si le marché japonais n'a pas été fameux. Je vous assure que nous évitons certains pays et que nous sommes très satisfaits des résultats que nous avons obtenus.

Le sénateur Stewart: Laissons la question des définitions de côté. J'en conclus que vous avez décidé de ne pas investir en Indonésie. Est-ce exact? Qu'avez-vous décidé en ce qui concerne la Thaïlande et la Corée du Sud? Aviez-vous fait des placements dans ces pays il y a un an?

M. Gunn: Je vous répondrai à peu près de la même façon que j'ai répondu aux questions de nos membres au cours des assemblées publiques. Honorables sénateurs, je vous garantis que, lorsqu'on se trouve devant les membres et qu'on doit leur expliquer que l'on a perdu 45 millions de dollars, il n'est pas possible d'être plus redevable que cela.

Le sénateur Stewart: Je vous interromps pour vous demander si vous avez abordé le problème des surintendants ou de la réglementation du marché financier international. C'est une question qui a été posée entre autres par M. Martin. Avez-vous eu l'occasion de vous attaquer à ce problème?

M. Gunn: Oui. En fait, on a affaire d'une part à des organismes de réglementation qui se réunissent de temps en temps pour essayer de décider quel genre de «recommandations» -- qui ne sont pas des «ordres» -- il convient de faire aux gouvernements et d'autre part à d'autres organismes, comme le FMI, qui ont tendance à faire des recommandations avec une insistance telle que ce sont pratiquement des ordres. Nous savons tous que certains gouvernements étrangers ont refusé d'exécuter ces «ordres», estimant qu'ils constituent une atteinte à leur souveraineté nationale.

Les situations engendrées par le libéralisme économique indiquent que la discipline financière est efficace dans les pays qui adoptent des normes strictes, bien que les opinions varient d'un économiste à l'autre quant à la rapidité de l'effet de ces politiques.

Les réactions des gouvernements des pays d'Asie du Sud-Est aux recommandations du FMI ainsi que du U.S. Treasury sont plutôt mitigées et l'on se pose des questions sur l'efficacité éventuelle de ces programmes. La crise persiste en Indonésie. La situation est un peu moins précaire en Thaïlande et elle s'est améliorée dans une certaine mesure en Corée du Sud. On continue de se demander si le gouvernement japonais est pleinement conscient des mesures qui sont nécessaires. C'est une question de «persuasion», comme on avait coutume de le dire. Il faut généralement du temps pour déterminer si les politiques recommandées par un organisme national sont pertinentes.

Le sénateur Stewart: Comme investisseur important, estimez-vous que M. Martin devrait insister davantage sur la formule qu'il propose, à savoir l'adoption de préceptes internationaux -- le FMI ou une autre entité analogue définirait par exemple ce que l'on entend par de bonnes pratiques financières -- et qu'il faudrait en outre se doter de certains moyens de les faire respecter en avertissant les intéressés que, s'ils n'acceptent pas les règles de base, ils ne doivent pas s'attendre à ce que le FMI leur vienne en aide en cas de problèmes?

M. Gunn: C'est une question intéressante. Je ferais peut-être bien de la poser directement au ministre. Ce rôle pourrait être confié à la Banque des règlements internationaux qui joue actuellement en partie le rôle de régulateur international du secteur bancaire. Le ministère des Finances et la Banque du Canada ne manqueront certainement pas de le soutenir dans ces fonctions.

Les organismes de réglementation solides du secteur financier sont généralement considérés comme une source de stabilité dans le monde entier. Par exemple, on demande souvent à des institutions comme la nôtre qui investissent autant de capitaux à l'étranger que les banques, de quel organisme de réglementation nous relevons et nous sommes fiers et heureux de la performance du BSIF. Je suis enchanté que le ministre ait l'intention d'essayer d'accroître l'efficacité du système.

Le sénateur Oliver: Dans votre exposé liminaire, vous avez cité diverses façons dont vous exercez votre influence. En réponse à une question du sénateur Angus, vous avez cité un exemple. Vous avez dit que, lorsque vous demandez des renseignements à une entreprise dans laquelle vous avez investi des fonds, il vous arrive de lui signaler que vous aviez remarqué que tel ou tel administrateur était souvent absent et que vous vous demandiez si cet absentéisme est vraiment profitable pour les actionnaires. Cela se passe au niveau du conseil d'administration.

Que faites-vous s'il s'agit d'un membre de la direction, d'un vice-président directeur? Si vous aviez constaté que tel vice-président semblait être un handicap pour l'entreprise, le signaleriez-vous au cours de vos contacts informels avec les représentants des entreprises dans lesquelles vous investissez vos capitaux? Jusqu'où iriez-vous?

M. Gunn: Je pourrais peut-être citer un exemple un peu plus général. Si nous apprenions qu'une division est tellement mal administrée que cela pose un problème flagrant, nous voudrions approfondir la question. On pourrait par exemple demander à la haute direction si elle est convaincue de la compétence de la direction de la division en question, sans en faire un cas particulier, pas à la première rencontre en tout cas.

Le sénateur Oliver: Avez-vous déjà eu l'occasion, au cours de vos entretiens informels avec les représentants d'une entreprise dans laquelle vous avez investi des capitaux, de leur demander de surveiller tel ou tel membre de la direction?

M. Gunn: La réponse est oui, en ce qui concerne la première partie de la question mais je réserve ma réponse en ce qui concerne la deuxième. Dans le cas d'une multinationale, d'un conglomérat canadien diversifié qui était conscient d'être en difficulté, il était par exemple légitime de la part d'un investisseur institutionnel de demander si certains progrès avaient été réalisés, si cette entreprise avait dressé des plans pour essayer de régler le problème, quelles étaient les options et quand on comptait passer à l'action. En cas d'inertie, on serait alors en droit de poser d'autres questions telles que: «Y a-t-il du nouveau? N'avez-vous pris aucune initiative? Y a-t-il un problème sur le marché?»

Un jour, nous avons fait remarquer au président d'une grande entreprise que celle-ci avait énormément d'argent en caisse. L'entreprise en question avait des liquidités dépassant les deux milliards de dollars. Nous avons dit aux responsables que nous estimions que cet argent nous appartenait et que s'ils n'arrivaient pas à trouver un moyen de l'investir, nous pourrions le faire nous-mêmes. Nous leur avons dit que si leur entreprise n'envisageait pas sérieusement d'investir ces sommes dans une nouvelle activité, nous aimerions qu'elle envisage de les répartir entre les actionnaires sous forme de dividendes. Nous savions à quel taux de rendement nous attendre. Ce sont des questions légitimes. Je poserais le genre de questions que n'importe quel investisseur pourrait et devrait poser.

Le sénateur Oliver: Ma question suivante concerne les principes fondamentaux sur lesquels repose la régie des sociétés. Vous les avez énumérés pour la plupart. Votre conseil d'administration est constitué de 13 membres qui sont pour la moitié des représentants de l'employeur et pour la moitié des représentants des employés, mais comment le président est-il choisi? Quelles sont la fréquence et la durée des réunions du conseil et quelle est la rémunération de ses membres?

M. Richard: Vos renseignements sont exacts. Notre conseil est composé de 13 membres. Six sont des représentants des employés et six des représentants de l'employeur et un est un représentant du gouvernement. Les candidats sont choisis par voie de mise en candidature et des élections libres ont lieu chaque année, en décembre.

Le sénateur Oliver: S'agit-il d'un vote interne, auquel participent seulement les membres du conseil d'administration?

M. Richard: Oui, seuls les membres du conseil ont le droit de voter. Cette formule s'est avérée très efficace. Comme nous l'avons indiqué, je pense, dans les documents que nous avons remis, la rémunération des membres du conseil représente à peu près la moitié ou le quart de ce que peuvent toucher les membres de la plupart des autres conseils d'administration. Le président touche 12 000 $ par an et les autres membres 10 000 $.

Le sénateur Oliver: Quelle est la fréquence des réunions?

M. Richard: Le conseil tient des réunions mensuelles qui durent deux jours minimum. Le Sous-comité des investissements et de la gestion tient également des réunions, qui sont suivies d'une séance plénière le lendemain. À ces 24 journées de réunion par an viennent s'ajouter d'autres activités comme les conférences d'information, par exemple. C'est très astreignant parce que, comme vous le savez, cela vient s'ajouter à nos fonctions régulières.

Le taux de présence est exceptionnel. Sauf cas de force majeure au bureau, pour ainsi dire personne ne manque une réunion. Dans la plupart des cas, tout le monde est présent.

Le sénateur Oliver: Je tiens à vous féliciter pour votre excellent exposé. Il porte précisément sur les questions qui nous intéressent.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que votre conseil d'administration est composé de non-professionnels et vous avez fait l'éloge de ses membres. Par contre, vous reconnaissez que ce conseil n'est pas parfait. Je sais qu'il est très difficile d'atteindre la perfection mais que proposeriez-vous si vous aviez l'occasion d'apporter certains changements à la structure du conseil?

M. Gunn: Sénateur, étant donné que j'ai une certaine expérience en matière de gestion, j'aurais trois remarques à faire à ce sujet. La première, c'est qu'il n'existe pas de formule universelle. Il n'existe pas de modèle parfait de conseil d'administration. La deuxième, c'est que, si d'aucuns prétendent que les conseils composés de non-professionnels ne sont pas efficaces, le modèle courant est peut-être celui du conseil composé de membres qui sont nommés et qui ne sont pas directement intéressés. Le conseil de l'OMERS est un conseil qui est axé sur la participation. Tous les membres ont le même intérêt dans la réussite du régime. Le conseil est composé de représentants des organisations qui placent des fonds dans notre régime et tous les membres sont aussi des bénéficiaires.

L'autre élément capital est lié à la performance de ce conseil. L'OMERS est le premier régime de retraite à avoir réalisé un excédent. Depuis un certain temps, il atteint et dépasse ses objectifs. Les chiffres sont éloquents. Nous avons une formule qui est efficace et c'est ce que l'on a souvent tendance à oublier. Il est possible que des confrères recommandent une composition différente du conseil, mais je voudrais bien qu'ils fournissent publiquement des preuves de l'efficacité de leur formule.

M. Richard: Cette année, la principale tâche du conseil sera de faire une étude exhaustive de la structure administrative. Elle est actuellement en cours. Nous consultons tous nos membres, les groupes patronaux et les groupes syndicaux. Nous les avons convoqués il y a deux ou trois semaines. De toute évidence, notre conseil restera un conseil non professionnel mais nous remettons sa composition en question. Nous faisons le genre d'examen que tout bon conseil d'administration se doit de faire de temps en temps.

Le sénateur Callbeck: Les activités du conseil sont soumises de temps en temps à un examen. Pouvez-vous nous dire quelle est la fréquence de ces examens et comment on procède?

M. Richard: Chaque année, le conseil d'administration organise une séance d'orientation au cours de laquelle il examine à fond les progrès qui ont été réalisés. La question à laquelle on accorde la priorité cette année est celle de la reddition de comptes. Nous estimons que nous sommes dotés d'excellentes structures de régie pour ce qui est de la supervision et de la gestion. Cette année, nous devons évaluer la qualité de notre travail, jeter un regard critique sur nous-mêmes et nous demander en fonction de quels critères il convient d'évaluer notre performance et nos décisions. Le deuxième sujet que le conseil examinera cette année porte sur les meilleures pratiques de reddition de comptes en vigueur à l'heure actuelle, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. Cette étude se poursuivra l'année prochaine.

M. Gunn: Nous estimons qu'il serait déplacé de notre part de recommander aux entreprises canadiennes d'adopter des critères de régie que nous ne voulons pas appliquer nous-mêmes.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous exerciez le droit de vote par procuration. Qui décide comment il faut voter? Est-ce le conseil? Est-ce que ce sont les cadres supérieurs? Est-ce que ce sont les gestionnaires de placements?

M. Gunn: Comme nous l'avons signalé, nous recevons environ 1 200 formulaires de sollicitation de procurations par an et la plupart des questions sur lesquelles on nous demande de voter sont quelque peu techniques: appui du choix des vérificateurs, acceptation des états financiers et autres questions analogues au sujet desquelles la décision est prise généralement par un membre du personnel. Les décisions sont assez faciles à prendre. On vote selon les lignes directrices générales.

Lorsqu'il s'agit d'une affaire particulièrement importante que nous jugeons bon de faire examiner à un échelon supérieur, elle est soumise au vice-président de la caisse qui étudie le mode de régie des entreprises et, s'il la juge suffisamment importante, elle est portée directement à l'attention de l'agent principal des investissements.

La participation du conseil d'administration est prévue dans l'application des principes de régie. Si une mesure que nous jugeons appropriée nécessitait l'application de ces principes, je n'hésiterais pas à consulter le conseil d'administration. C'est ainsi qu'il convient de procéder à mon sens. Je demanderais aux membres du conseil s'ils sont convaincus du bien-fondé de notre décision.

Cette année, étant donné la nature des questions posées aux conseils d'administration des banques, j'ai eu des entretiens personnels avec les représentants de pratiquement toutes les grandes banques canadiennes et j'étais parfois accompagné de notre président. Nous avons toujours suivi nos lignes directrices concernant les votes par procuration. Le conseil d'administration approuvait notre démarche et était au courant de ce qui se passait.

Le sénateur Di Nino: Vous avez dit qu'un plafond de 30 à 35 p. 100 sur les investissements à l'étranger vous conviendrait. Profiteriez-vous au maximum de ce plafond ou n'estimez-vous pas qu'il faudrait le supprimer complètement?

M. Gunn: Il ne devrait pas exister de plafond. La formule optimale que des firmes comme Mercer ont tendance à recommander, à l'instar des actuaires, est un plafond de 30 p. 100 tout au plus, notamment parce que le passif des caisses de retraite est payable en dollars canadiens et que mathématiquement, il est ridicule de vouloir dépasser une certaine limite.

En outre, dans les pays où il n'existe pas de plafond, on a tendance à investir sur les marchés mondiaux et quand il existe un plafond, il dépasse rarement 30 p. 100. La principale raison est que le passif est payable en dollars canadiens. Si l'on préconise de relever le plafond actuel, c'est en partie à cause de la façon dont la Bourse de Toronto est administrée, mais sa structure administrative n'est pas nécessairement adaptée aux réalités économiques canadiennes. Une participation accrue à l'activité économique canadienne est dans l'intérêt de tous. Si cela nécessite la participation par le biais d'entreprises constituées à l'étranger, il faut reconnaître après tout que cela fait partie des objectifs du libre-échange.

Le sénateur Di Nino: Vous avez cité l'exemple du rachat d'une société canadienne par une entreprise américaine ou du rachat d'une société américaine par une entreprise canadienne. Un fonds de retraite constitue en fait une mise en commun de capitaux utilisés de diverses façons pour servir les intérêts des bénéficiaires. S'il n'existait pas de plafond ou s'il était très élevé, les retombées de ces capitaux pour l'économie du pays concerné ne seraient-elles pas neutralisées si une proportion excessive ou la totalité des fonds -- et je reconnais que c'est un scénario peu plausible -- était investie en dehors du pays d'origine?

M. Gunn: Si l'argent était investi puis dépensé à l'étranger, ce serait le cas. Par contre, si l'on se base sur ce qui s'est passé au cours du siècle dernier, les capitaux investis dans les entreprises sont souvent rapatriés par la maison mère.

Une entreprise canadienne qui est considérée comme une entreprise prospère selon des critères mondiaux doit généralement investir des capitaux à l'étranger. Il ne faut toutefois pas oublier que l'un des avantages liés aux grandes entreprises canadiennes très actives sur les marchés internationaux est que cela génère un nombre énorme d'emplois de haut niveau, des emplois qui restent au Canada. C'est le cas en ce qui concerne les emplois ultraspécialisés dans le secteur bancaire; en fait, tous les emplois liés aux marchés financiers sont au Canada. Le fait qu'une grande partie du système bancaire américain soit sous le contrôle d'institutions financières canadiennes est une performance dont les Canadiens devraient être fiers parce que c'est une source de création d'emplois et de profits.

Le seul fait d'acheter un bloc de contrôle d'une entreprise constituée dans l'État du Delaware ou au Mexique, aura des retombées économiques au Canada. Cette transaction devrait avoir des retombées économiques dans d'autres pays également mais elle en aura à coup sûr dans notre pays.

Le sénateur Di Nino: On ne peut par conséquent jamais arriver à réglementer ces activités?

M. Gunn: Le tout, c'est de savoir si vous voulez les réglementer ou si voulez que le marché répartisse les ressources de façon efficace. Je crois que si nous avions le choix, nous opterions tous pour la création d'emplois au Canada plutôt qu'à l'étranger.

Le sénateur Meighen: Le sénateur Di Nino a signalé que dans les pays où aucun plafond n'est imposé sur les investissements à l'étranger, le pourcentage des capitaux investis à l'étranger a tendance à se situer entre un peu moins et un peu plus de 30 p. 100. Cela semble être lié à la nature humaine. Après tout, c'est le marché national que l'on connaît le mieux et ce phénomène s'explique en partie de diverses façons. Je ne suis pas de l'avis de certaines personnes qui craignent que, si le plafond était supprimé du jour au lendemain, les capitaux des caisses de retraite seraient investis à l'étranger.

Je voudrais aborder maintenant le sujet du capital à risque. Au cours des audiences que nous avons tenues à Vancouver au sujet du RPC, nous avons entendu des plaidoyers convaincants en faveur de l'investissement d'une partie des fonds du RPC -- 5 p. 100 par exemple -- dans le capital à risque, dans de très petites entreprises où autant les risques que les perspectives de profit sont très élevés. L'OMERS a-t-il une politique officielle ou officieuse en la matière?

M. Gunn: La division des investissements comprend un service appelé «Private Placement Merchant Banking Group». L'OMERS estime qu'il faut encourager les entreprises commerciales qui le méritent au Canada. Nous avons entendu les discussions concernant le flux et l'affectation des capitaux. Certains problèmes intéressants d'ordre technique se sont posés de temps à autre. Par exemple, il nous est arrivé à l'occasion d'avoir trop d'argent en caisse alors que les possibilités d'investissement attrayantes étaient plutôt limitées. L'OMERS a la ferme conviction que les régimes de retraite ne peuvent pas prospérer si l'économie canadienne n'est pas prospère.

Nous estimons que nous jouons un rôle de fiduciaire auprès des bénéficiaires du régime. Les placements à caractère social ou toute autre forme de placements ou d'activités à caractère économique doivent être subordonnés aux intérêts à long terme du régime de retraite, dans la mesure où l'on trouve des occasions offrant d'autres avantages. Nous ne considérons pas nécessairement que ces deux types d'activités s'excluent mutuellement mais qu'elles sont plutôt complémentaires. Nous ne cherchons pas la confrontation mais nous cherchons des entreprises rentables. Nous profitons des occasions qui se présentent. Le principe que nous appliquons est, je le répète, celui de la communauté d'intérêts et de l'accroissement de nos bénéfices.

Le sénateur Meighen: Compte tenu de ces considérations et du fait que vous possédez probablement des actions d'une des quatre banques qui se proposent de fusionner, comment décideriez-vous s'il convient d'appuyer ces fusions ou non?

M. Gunn: Je m'attends à ce que nous soyons convoqués à nouveau pour en parler lorsque vous tiendrez des audiences à ce sujet.

Le sénateur Meighen: Vous direz toutefois certainement ce que vous en pensez à la direction de la Banque royale ou de la Banque de Montréal ou à celle de la TD ou la CIBC, dans le cadre de son assemblée annuelle.

M. Gunn: Je l'ai fait effectivement et j'ai exprimé quelques opinions dans le cadre d'une réunion publique. Voici en bref de quoi il s'agit: compte tenu du rôle du secteur bancaire au Canada et de son rôle dans l'évolution de la technologie et compte tenu des mouvements qui se produisent dans le monde entier dans ce secteur, nous estimons qu'il faut envisager les meilleurs intérêts à long terme du Canada dans une perspective très générale.

Aux États-Unis par exemple, au cours de la campagne en faveur du maintien des succursales et des établissements locaux, le débat s'est déroulé dans deux régions différentes, d'une part au Texas et d'autre part dans le sud-est américain. L'État du Texas a décidé d'adopter une attitude extrêmement militante et le résultat est qu'il n'existe plus de banques dans cet État. Elles ont toutes leur siège à Atlanta.

En Europe par ailleurs, les Hollandais avaient manifesté la volonté de protéger leur système bancaire contre l'invasion des grands établissements étrangers. À l'heure actuelle, quatre grandes banques européennes sont implantées en Hollande. La technologie a fait considérablement évoluer la nature des opérations bancaires. C'est une évolution à suivre. Le fait qu'il existe d'autres modes d'exécution des services ne peut être ignoré par le ministre ni par le Sénat.

Si personne ne voit disparaître de gaieté de coeur un établissement local, il existe d'autres possibilités. Il serait intéressant de savoir à quel prix nous sommes déterminés à maintenir la présence locale d'une banque, en dépit du fait que cela irait à l'encontre des intérêts à long terme du Canada. Je préconiserais la tenue d'une bonne discussion à ce sujet, et c'est ce que nous ferons probablement au cours des prochains mois.

Le sénateur Meighen: Je ne tiens pas à rabâcher la même chose sans arrêt, mais aurez-vous une discussion interne à ce sujet?

M. Gunn: Je le préconiserais.

Le sénateur Meighen: Au niveau du conseil d'administration ou à un niveau plus général?

M. Gunn: Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.

Le sénateur Meighen: La haute direction ou les bénéficiaires auraient-ils l'occasion d'y participer?

M. Gunn: Je conçois une discussion très approfondie entre experts en matière de placements, et cela comprend le conseil d'administration. Notre conseil sollicite ouvertement et sans ambages les opinions de tous les bénéficiaires et de toutes les parties concernées.

Le sénateur Meighen: Si j'étais un bénéficiaire de votre régime de retraite, est-ce que j'aurais l'occasion de prendre la parole et d'exprimer mes opinions à ce sujet ou à tout autre sujet dans le cadre d'une assemblée annuelle?

M. Gunn: N'importe quel sujet peut être abordé et débattu à nos assemblées régionales. Je signale clairement que notre président et tous les membres du conseil répondront aux questions qu'on leur posera.

Le sénateur Meighen: Vous avez discuté de la divulgation de la rémunération avec le sénateur Angus. Ce système présente-t-il des inconvénients. Lorsque je travaillais pour une petite compagnie d'assurances canadienne, la direction avait généralement l'impression -- impression dont la direction avait fait part, si je ne me trompe, aux autorités de la province où se trouvait son siège social -- que cette pratique attirerait l'attention sur l'écart qui existe sur le plan salarial entre l'entreprise en question et les grosses compagnies d'assurances américaines ou internationales. Le PDG n'était pas du tout enthousiasmé par cette perspective. Est-ce une réalité brutale que l'on est obligé d'accepter?

M. Gunn: Je crois que oui. Il ne fait aucun doute que la divulgation de la rémunération a provoqué des hausses salariales, surtout dans certains secteurs. Cette situation porte à se demander ce que l'on considère comme un juste salaire et quel niveau de rémunération se justifie. Ce sont des questions légitimes que doivent se poser toutes les organisations.

Le sénateur Meighen: À supposer que certains des chiffres cités dans la presse soient nettement exagérés et que les salaires se situent à tel niveau dans un secteur précis, cela n'inciterait-il pas certaines entreprises à faire du maraudage et à vous faire perdre vos meilleurs employés?

M. Gunn: Voulez-vous parler de nos meilleurs employés en particulier ou parlez-vous d'une façon générale?

Le sénateur Meighen: Prenons le cas de l'OMERS comme exemple.

M. Gunn: En ce qui concerne notre organisation proprement dite, je suis fier de signaler qu'elle est bien administrée. Quelqu'un m'a dit un jour que je devrais me réjouir si l'on essayait de me «piquer» mes employés parce qu'ils ont une excellente formation et sont très compétents.

Nous ne voudrions tout de même pas qu'un fonds concurrent recrute chez nous des gens incompétents. Le maraudage fait partie des risques que courent toutes les organisations. L'OMERS fait la promotion de ses propres valeurs et je crois que toutes les entreprises pensent que le salaire n'est pas la seule raison qui pousse les employés à travailler pour elles. Ceux-ci comprennent et approuvent la culture de l'entreprise pour laquelle ils travaillent et partagent ses valeurs. L'OMERS est une entreprise du secteur public. Elle ne prétend pas ou ne laisse pas entendre qu'elle est disposée à verser les meilleurs salaires qui soient; ce ne serait d'ailleurs pas justifié. Nos employés s'efforcent d'aider nos membres à atteindre leurs objectifs et ils sont tous heureux de travailler pour nous.

Permettez-moi de faire une petite digression au sujet du secteur bancaire. On s'est notamment posé la question suivante: que peut-on considérer comme un juste salaire pour le dirigeant des services de courtage d'un établissement bancaire? Je me souviens que l'on a cité des chiffres de trois, huit et 15 millions de dollars. La question a été posée à toutes les banques qui ont répondu qu'un salaire de trois millions de dollars était plutôt modeste alors qu'un salaire de 15 millions de dollars était exagéré. Quel montant correspond à un juste salaire? Elles n'ont pas donné beaucoup d'explications mais il est légitime de demander à chacun de ces établissements ce qu'il considère comme un juste salaire. Nous ne prétendons pas connaître la réponse, mais nous voulons savoir à qui nous avons affaire.

Le sénateur Meighen: Vous avez signalé qu'il serait utile de créer une commission nationale des valeurs mobilières. Pensez-vous à d'autres changements que vous souhaiteriez en ce qui a trait aux restrictions légales s'appliquant à vos activités institutionnelles sur le marché? Je pense aux dispositions réglementaires sur la divulgation des opérations d'initiés, au fait que vous ne connaissez pas nécessairement l'identité des autres actionnaires à cause du CDS, à l'obligation dans laquelle se trouve un actionnaire dissident de déposer une circulaire de sollicitation de procuration s'il veut obtenir de l'appui. Pensez-vous à certains changements qui seraient susceptibles d'améliorer votre capacité de servir les intérêts de vos membres?

M. Gunn: Nous recommanderions à toutes les entreprises de suivre de leur plein gré les règles américaines en matière de divulgation des intérêts et nous voudrions que les marchés mondiaux évoluent de façon un peu plus uniforme. Nous estimons que la libre-circulation des renseignements en vertu de règles très strictes servirait les intérêts de toutes les entreprises canadiennes et qu'elle favoriserait la participation des actionnaires. Les normes canadiennes se rapprocheraient davantage des normes américaines.

Le sénateur Meighen: Merci beaucoup pour votre excellent mémoire. Je suis certain que les membres de votre conseil reçoivent les documents qui les concernent plus tôt que la veille de la réunion. Nous pourrions peut-être faire quelque chose pour améliorer la situation en ce qui nous concerne.

Le président: Quand vous avez parlé du niveau de rémunération des membres de votre conseil, vous avez dit qu'ils touchent au moins 30 p. 100 de moins que s'ils travaillaient pour toute autre organisation d'une taille comparable. Je comprends que ce soit agréable d'avoir de la main-d'oeuvre à bon marché mais est-ce vraiment juste à leur égard?

M. Richard: Je leur transmettrai la question.

Le président: Je la pose sérieusement.

M. Richard: Je le sais. Un de nos principes est que ces fonctions sont assimilées dans une certaine mesure à un service public. En outre, nous sommes élus membres du conseil d'administration par voie de mise en candidature.

Le président: Entendez-vous par là un mélange de fonctions administratives et de fonctions caritatives?

M. Richard: Oui.

Le président: Merci beaucoup de nous avoir aidés. Votre mémoire était très soigné, comme d'habitude.

La séance est levée.


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