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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 17 - Témoignages du 6 mai 1998


OTTAWA, le mercredi 6 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 18 h 10 pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, notre premier témoin, M. William Dimma, a déjà comparu deux fois devant nous. La plupart d'entre vous savent qu'il est professeur d'université et p.-d.g. de plusieurs compagnies. On pourrait justement affirmer qu'il est administrateur professionnel, puisqu'il siège au conseil de plusieurs grandes sociétés canadiennes.

Merci d'avoir accepté notre invitation, monsieur Dimma. Je vous en prie, commencez.

M. William Dimma, administrateur de plusieurs sociétés: Monsieur le président, avec votre permission, je me propose de consacrer 10 à 15 minutes à l'intervention croissante -- et devrais-je peut-être préciser «musclée» -- des investisseurs institutionnels dans les sociétés dont ils détiennent des actions.

Je m'intéresse à cette question parce qu'il y a 32 ans que je siège à des conseils d'administration. Aujourd'hui encore, je suis membre de 14 conseils, c'est-à-dire beaucoup trop pour quelqu'un de mon âge. J'en préside cinq et je siège à deux autres conseils d'organismes sans but lucratif.

Au cours de mes 50 années de carrière ou presque et -- dans une moindre mesure --, dans le cadre de mes fonctions d'enseignant, j'ai siégé à 46 conseils de sociétés et à 26 conseils d'organismes sans but lucratif. Seize conseils sur ces 46 étaient directement liés à mon emploi, c'est-à-dire qu'ils venaient avec la fonction; pour les 30 autres, j'étais simple administrateur.

Enfin, je rédige régulièrement des articles sur le thème du gouvernement d'entreprise -- ou de la gouvernance --, sur les diverses facettes du rôle d'administrateur et sur tout un éventail de sujets annexes mais d'intérêt actuel, comme la succession des p.-d.g., les jetons d'administrateurs, la rétribution des dirigeants d'entreprises, le rôle des actions et ainsi de suite. J'ai, par exemple, signé un article au ton plutôt ironique intitulé The Director from Hell, qu'on pourrait traduire par «L'administrateur infernal»; nous en parlerons peut-être une autre fois.

Je sais qu'avec vous je n'ai pas besoin de trop entrer dans le détail, mais je vais commencer par établir brièvement la distinction entre les différentes catégories d'investisseurs, afin que nous cernions mieux la problématique de l'influence des conseils d'administration et des équipes de gestion. Je me propose d'effectuer un survol de ce phénomène plus que d'entrer dans le menu détail; quoi qu'il en soit, j'ai certains points de vue dont je veux vous faire part et je suis heureux que vous m'en donniez l'occasion.

Ce n'est pas un secret: la propriété des sociétés nord-américaines est de plus en plus concentrée entre les mains d'investisseurs institutionnels. Plus des trois quarts des sociétés inscrites au S&P 500 sont maintenant détenus par des institutions; il s'agit d'une tendance lourde qui s'est installée au cours des vingt dernières années. Au Canada, cette situation est compliquée par le phénomène des actionnaires majoritaires, lesquels sont souvent des sociétés-mères étrangères. C'est beaucoup plus rare dans le cas des compagnies inscrites au NYSE ou au S&P 500 que pour celles du TSE 300, dont un tiers environ sont détenues sous la forme de blocs de contrôle; en outre, on peut certainement estimer que 75 p. 100 du tiers, soit 50 p. 100 des sociétés canadiennes cotées en bourse sont détenues par des investisseurs institutionnels.

Les institutions investissent d'abord et avant tout dans les caisses de retraite et dans les fonds communs de placement. Bien que ces derniers soient supervisés par des conseils d'administration, ils sont parfois gérés par des spécialistes, à l'interne, mais le plus souvent ils le sont par des firmes de courtage indépendantes.

En règle générale, les institutions qui investissent dans les grandes caisses de retraite publiques, lesquelles constituent d'énormes réservoirs de capitaux mis en commun, sont gérées à l'interne. C'est, par exemple, le cas de la Caisse Desjardins, de OMERS, du régime des enseignants et enseignantes de l'Ontario -- l'OTP -- et du régime de pension des hôpitaux de l'Ontario.

La plupart des caisses de retraite privées sont gérées à l'externe, la seule exception étant constituée par des entreprises qui ont des fonds de pension placés dans le secteur des services financiers ou dans une partie de ce secteur -- et l'on a alors affaire à un seul secteur et non à plusieurs. Pour des raisons évidentes, les particuliers et les compagnies faisant partie de ce secteur ont tendance à gérer leur portefeuille à l'interne, car ils ne veulent pas se tourner vers un concurrent -- vers quelqu'un ayant le même type d'activité -- pour solliciter des services de gestion de portefeuille.

Quelques caisses de retraite, celles des sociétés les plus importantes, sont également gérées à l'interne, en totalité ou en partie; mais cela n'est vrai que pour les plus grosses d'entre elles.

Les agents de placement externes qui travaillent pour des caisses de retraite privées ont plutôt tendance à s'en remettre à leurs clients pour tout ce qui concerne la gouvernance des entreprises dans lesquelles ils investissent. De plus, les clients sont passifs, à quelques exceptions près, et ils appuient en général la position des entreprises dont la caisse est actionnaire. Je crois qu'on peut y voir une variante commerciale du célèbre dicton: «Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse», que nous traduirons en langage moderne par: Attention, tu risques d'être le prochain!

Dans le cas des caisses de retraite du secteur public, surtout des plus importantes, le niveau de proactivité est plus élevé et il ne cesse d'augmenter. Ainsi, le régime des enseignants et enseignantes de l'Ontario s'intéresse de très près à toute une gamme de questions liées au gouvernement des entreprises et à d'autres aspects concernant la conduite des sociétés dans lesquelles cette caisse investit; il lui arrive de prendre des positions très arrêtées à leur sujet. Pour s'en tenir à la question de la rémunération des dirigeants de société -- sujet brûlant d'actualité --, les administrateurs de l'OTP soutiennent que ces gens-là devraient payer de leur poche les actions de leurs sociétés, que le reste de leur rémunération ne devrait plus être constituée d'un salaire fixe, mais d'une rétribution variable et que les éléments variables de cette rétribution devraient se présenter sous la forme d'options d'achat et d'octrois d'actions.

Ils vilipendent également les administrateurs qui achètent, de leur poche, des actions valant plusieurs fois -- jusqu'à sept fois -- leurs honoraires annuels. Il existe en effet des défenseurs du bien public et du bien des sociétés qui soutiennent que tout administrateur devrait effectivement détenir un portefeuille d'actions valant jusqu'à sept fois ses jetons annuels.

En outre, ces mêmes personnes affirment que les administrateurs devraient être davantage rémunérés en actions qu'en espèces et vont jusqu'à recommander -- nous en avons eu plusieurs exemples, bien que cela ne soit pas encore très fréquent -- de supprimer carrément toute forme de rémunération en espèces pour ne plus rétribuer les administrateurs qu'en actions.

Je vais vous dire un mot des fonds mutuels dans lesquels, comme nous le savons tous, ont été investies de prodigieuses quantités d'argent au cours des dix dernières années. Les caisses de retraite elles-mêmes investissent couramment dans les fonds communs de placement, le plus souvent dans des portefeuilles distincts. Dans l'ensemble, et je suis conscient de généraliser, les gestionnaires de fonds communs de placement sont plus passifs que ceux des caisses de retraite publiques et ont plutôt tendance à voter dans le même sens que la direction des sociétés dont ils possèdent des actions.

Il existe, cependant, quelques exceptions notables -- beaucoup plus aux États-Unis qu'au Canada, bien qu'on en ait un exemple ou deux ici -- où des administrateurs de fonds communs de placement très connus ne se sont pas gênés pour s'exprimer haut et fort. Nul besoin d'être un génie pour prédire que cette tendance va s'intensifier.

Le vieux raisonnement du type «si l'on n'est pas d'accord avec la gouvernance d'une entreprise, il n'y a qu'à se départir de ses actions» n'a plus cours.

Bref, il est clair que ce sont les gestionnaires internes des caisses de retraite publiques et les gestionnaires des fonds communs de placement, ainsi que quelques conseillers et courtiers financiers et même des investisseurs particuliers, qui sont montés aux créneaux pour défendre haut et fort les droits des actionnaires. C'est, par exemple, ce qu'a fait ressortir l'action très médiatisée de M. Yves Michaud. Après avoir acheté quelques actions de banques à charte canadiennes, il est parvenu, au cours des deux dernières années, à faire voter les actionnaires sur quelques sujets très controversés liés au gouvernement d'entreprise. Bien que toutes ces résolutions aient été défaites jusqu'ici, M. Michaud et ses partisans se sont attirés un appui somme tout respectable et ont mobilisé l'attention des médias sur certaines questions importantes de gouvernance. On y retrouve des aspects comme la séparation du rôle du président du conseil et de celui de p.-d.g., proposition que beaucoup semblent considérer comme étant un pas dans la bonne direction, à l'exception des banques à charte. Il y a aussi le plafonnement de la rémunération des p.-d.g. qu'on voudrait faire correspondre à un multiple du salaire des employés au bas de l'échelle; enfin, il y a la question de la composition des conseils dont on veut exclure les parties apparentées.

Après avoir passé ces quelques instants à dresser la toile de fond de notre débat, voici la question fondamentale que je veux soulever: supposons que la tendance soit au renforcement de l'influence des actionnaires sur une gamme étendue de questions liées à la gouvernance: cette tendance -- qui ne fait aucun doute -- est-elle une bonne ou une mauvaise chose? C'est très certainement là une question qui préoccupe votre comité.

Si je réponds pour la société en général et en vertu des bons principes de gouvernance, c'est sans doute une bonne chose. Deux ou trois mises en garde s'imposent toutefois. D'abord, nous ne devrons jamais perdre de vue qu'un investisseur institutionnel est un agent, un substitut de l'actionnaire et non l'actionnaire lui-même. Le gestionnaire d'une caisse de retraite, d'un fonds commun de placement ou de la fortune d'un riche particulier ne perd bien sûr jamais de vue les intérêts de l'actionnaire, mais il arrive que les intérêts de l'un et de l'autre divergent. Par exemple, il existe un risque évident de différend au sujet du niveau de frais que les actionnaires doivent verser au titre de l'administration de leur placement. Les droits de commercialisation, les frais de distribution, les droits de gestion et les frais de transaction sont tous payés par l'actionnaire.

Deux fois au cours des trois dernières années, j'ai personnellement vécu ce problème. Sommes-nous absolument certain que les agents de placement ont bien fait leurs recherches et qu'ils sont parvenus à la bonne conclusion en voulant représenter honnêtement les intérêts des actionnaires sur tous les plans? Permettez-moi de vous citer un exemple. À deux reprises, j'ai été témoin d'attaques violentes menées contre des plans raisonnables et sans conséquence concernant les droits des actionnaires -- l'un de ces plans a même été renversé --, tout cela à cause à cause de caprices ou de quelques préjugés généralisés que rien n'étaye.

Je veux parler ici de ce qu'on pourrait qualifier de plans ordinaires destinés à «démenotter» les agents de placement. Je suis contre cela et je suis sûr que toutes les personnes raisonnables, à l'exception peut-être des administrateurs eux-mêmes, sont également contre. Ces plans avaient simplement pour objet de permettre aux administrateurs de disposer d'un délai supplémentaire à celui qu'impose le règlement fédéral pour trouver un repreneur offrant un meilleur prix.

Par-delà ces ergoteries, ma grande préoccupation relativement au pouvoir croissant que les actionnaires exercent par l'intermédiaire de leurs agents est celle-ci: si le bien public est en grande partie assuré par des groupes se présentant comme des chiens de garde capables de bloquer d'éventuels ou réels abus de pouvoir corporatistes, on peut se poser la question de savoir qui va surveiller les chiens de garde. Autrement dit, qui va s'assurer que les éventuels auteurs d'abus ne seront pas remplacés par d'autres?

Certains soutiendront qu'un palier de gouvernement pourrait constituer la meilleure deuxième ligne de défense. Peut-être. Cependant, cela va à l'encontre du principe de l'autogouvernement que beaucoup préfèrent, toutes choses étant égales par ailleurs.

L'autre approche qui ne va peut-être pas assez loin, consiste à améliorer la sélection, l'orientation et la formation continue des administrateurs des caisses de retraite, surtout des caisses de retraite publiques.

Vous pourriez me demander pourquoi ce distinguo entre régimes de retraite privés et régimes de pension publics. La différence entre les deux n'est pas systématique, mais il peut en exister une. Dans le secteur privé, il est courant de trouver un comité du conseil d'administration chargé d'assurer un contrôle exhaustif et suivi des régimes de retraite de l'entreprise.

Depuis quelque temps, le processus de nomination des administrateurs à la tête de sociétés inscrites en bourse est généralement très poussé, certains diront même à outrance. Grâce à cela, on retrouve au sein de ces conseils des administrateurs d'expérience, bien formés et bien informés. Il y a bien sûr toujours les exceptions qui confirment la règle.

Cela étant, le contrôle des régimes de pension est généralement satisfaisant. Ce n'était peut-être pas vrai il y a dix ou vingt ans, quand régnait encore «le club des vieux copains» qui est devenu un célèbre cliché. Quoi qu'il en soit, les changements ont été profonds et radicaux au cours des vingt dernières années.

Aujourd'hui, partout où l'on applique des normes de gouvernance exigeantes et rigoureuses, la supervision des régimes de retraite du secteur privé est assez bonne, pour dire le moins. Les sociétés qui agissent ainsi le font sous la pression d'actionnaires mécontents, d'organismes de réglementation, des bourses elles-mêmes et des observateurs autorisés.

Certaines caisses de retraite publiques n'ont pas encore réalisé la transition entre ce qu'on pourrait appeler l'amateurisme et le professionnalisme. Bien que nombre d'entre elles soient administrées par de vrais spécialistes, leurs conseils sont souvent composés de personnes dont le seul mérite est d'occuper une telle charge, de bénéficier du régime de pension et d'avoir été élues par leurs camarades employés. Si elle est louable sur un plan démocratique, cette formule ne permet pas toujours d'en arriver à la meilleure qualité de direction et de supervision, nécessaire dans notre monde incroyablement complexe.

Une partie de la réponse pourrait consister à disposer d'administrateurs de caisses de retraite qui soient mieux sélectionnés, mieux orientés et mieux formés de façon continue. Il est bien sûr crucial que les actionnaires, leurs conseillers et leurs substituts se livrent à une critique autorisée, impartiale et perspicace de la performance des sociétés dans lesquelles ils investissent. On y parviendra d'autant plus facilement si les personnes chargées de contrôler les caisses de retraite sont mieux sélectionnées et mieux formées.

Ce qui n'est pas très clair, du moins en ce qui me concerne, c'est de savoir comment parvenir à ce stade. Comme d'habitude, tout le problème réside au niveau du détail. Davantage de transparence dans le processus de sélection et de formation des administrateurs ne peut qu'aider; il y aurait aussi intérêt à ce que le public accorde une plus grande attention à ceux et à celles qui siègent aux conseils d'administration des grandes caisses de retraite du secteur public.

Vous voudrez bien m'excuser, je vais me laisser aller à une minute et demie de philosophie. Je me suis souvent demandé si le fait d'octroyer une licence à des caisses de retraite et à des sociétés ouvertes présentait un mérite quelconque. Après tout, les comptables, les avocats, les actuaires et même les agents immobiliers sont agréés, sont détenteurs de licences, ils sont agréés. La question est de savoir si l'on peut s'appuyer, aujourd'hui, sur une masse de renseignements suffisante pour étayer et justifier l'agrément des administrateurs.

Il y vingt ans, j'aurais certainement répondu par la négative. Mais depuis quelques années, on a réalisé d'énormes progrès sur ce plan. Les cours destinés à conférer un niveau de connaissance suffisant aux administrateurs sont maintenant chose courante et l'on pourrait très facilement mettre au point des épreuves destinées à déterminer si de tels programmes de formation permettent d'atteindre une norme minimale. D'ailleurs, à l'heure où je vous parle, on est en train de préparer des cours qui s'adresseront aux nouveaux ou aux futurs administrateurs, bien que ce ne soit pas pour leur donner un agrément.

Je connais deux ou trois personnes, très compétentes, qui mettent au point des cours par correspondance grâce auxquels les futurs administrateurs pourront obtenir leur qualification en 18 mois. Il n'est pas ici question d'agréer les administrateurs, mais plutôt de les rendre davantage compétents dans leurs fonctions.

Des écoles de commerce, des cabinets comptables et des firmes d'experts conseils ainsi que l'Institut des administrateurs des corporations, dont je suis membre du conseil, ont commencé à offrir des cours spécialisés se présentant sous différentes formes, qui s'adressent aux administrateurs possédant une certaine expérience.

L'idée d'accorder un agrément à des administrateurs n'a peut-être pas encore vraiment pris au Canada. Cependant, cela ne devrait pas tarder car on attend de plus en plus d'eux tant sur le plan des responsabilités que sur celui des obligations. Si l'on devait un jour adopter le principe de l'agrément, je m'empresse de dire que l'autoréglementation serait sans doute la meilleure solution.

Je conclurai par une remarque. C'est l'actionnaire qui, au bout du compte, bénéficie de l'examen attentif et de la critique éventuelle de ce que font les sociétés dans lesquelles il a investi. Ainsi, toute personne ou tout groupe autorisé qui assume ce rôle et dont les objectifs correspondent grosso modo à ceux des actionnaires, fait oeuvre utile. Je sais qu'une telle méthode risque d'en irriter plus d'un mais, quant à moi, il convient de l'encourager.

Le président: Merci, monsieur Dimma. Comme à votre habitude, vous vous êtes bien gardé de provoquer qui que ce soit.

À l'occasion de ses audiences sur le gouvernement d'entreprise, le comité a entendu Sir Graham Day. Son profil est un peu semblable au vôtre, puisqu'il a été universitaire, qu'il a siégé à de nombreux conseils et qu'il en a présidé plusieurs. Lui aussi a consacré la totalité de sa présentation à la nécessité de former les administrateurs. Il n'est pas allé jusqu'à parler de licence ou d'agrément, mais c'est un principe auquel il nous a dit adhérer.

Je comprends vos réserves à propos des conseils d'administration composés de profanes plutôt que de spécialistes. Nous avons notamment entendu les représentants d'OMERS, dont le conseil correspond au modèle classique des conseils de profanes. Outre qu'ils ont évoqué, en faveur de ce système, les principes de démocratie et de participation, ils ont aussi soutenu que leur caisse s'est extrêmement bien comportée par rapport à d'autres. Je n'ai pas examiné les chiffres, mais considérons, pour l'instant, que tel est le cas.

Que pourrions-nous dire d'autre contre les conseils de profanes, si ce n'est qu'il s'agit d'un travail professionnel qui, de toute évidence, devrait être accompli par des spécialistes? Voici ma question: sur quoi peut-on s'appuyer -- autre que sur l'intuition que beaucoup partagent avec vous -- pour dire que les conseils de profanes ne sont pas aussi efficaces que les conseils composés de spécialistes du milieu?

M. Dimma: Je n'ai jamais rien vu de probant à cet égard. OMERS est l'une des plus importantes caisses de retraite publiques au Canada, car elle se classe certainement parmi les quatre ou cinq premières et peut-être même les deux premières. Elle est mieux administrée que bien d'autres caisses. Comme elle est chapeautée par un conseil de profanes qui se soucient des résultats, l'argument qu'on pourrait invoquer contre cette formule est quelque peu affaibli. Il existe, cependant, d'autres caisses de retraite publiques qui n'obtiennent des résultats aussi bons. J'en connais quelques-unes pour qui l'on pourrait dire «à bon vent, bons marins», car il leur aurait été difficile de ne pas enregistrer une performance raisonnable au cours des six ou sept dernières années. Certes, quelques-uns pensent que nous sommes dans une nouvelle ère et que le vent ne tournera pas, mais quand il tournera -- ce qui est inévitable -- l'opposition professionnalisme- amateurisme deviendra plus évidente.

Le président: Autrement dit, quand l'économie va, tout va!

Le sénateur Tkachuk: Vos remarques au sujet de l'influence des caisses de retraite sur le fonctionnement des sociétés ont retenu mon attention. Comment une grande caisse s'y prend-elle pour faire connaître sa position à la société dans laquelle elle investit?

M. Dimma: Disons qu'il y a la «bonne» et la «moins bonne» méthode. Dans le premier cas, un dirigeant de la caisse de retraite rencontre discrètement le p.-d.g. ainsi que deux ou trois autres dirigeants de la société dans laquelle il a investi, pour leur faire part de son point de vue. Mais attention, il y a toujours le problème de la responsabilité civile des dirigeants de la société en cas de divulgation d'une information qui ne serait pas communiquée à l'ensemble de ses actionnaires.

La «moins bonne» méthode -- plus courante aux États-Unis qu'au Canada -- consiste à anathémiser sur la place publique une société en particulier mais parfois, aussi, plusieurs, pour une pratique donnée. Je ne suis pas certain que ce soit la manière la plus efficace de régler les problèmes.

Je préfère la première méthode. Tant que le p.-d.g. et ses collaborateurs veillent, dans ces entretiens, à ne rien révéler qui soit caché aux actionnaires autorisés, elle constitue la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il un risque que les agents des actionnaires -- c'est-à-dire un fonds commun de placement ou une caisse de retraite représentant des milliers d'actionnaires potentiels -- investissent dans une compagnie et en infiltrent ensuite l'équipe de gestion?

M. Dimma: Vous voulez dire par cooptation?

Le sénateur Tkachuk: Les actionnaires font savoir leurs positions lors des réunions publiques d'actionnaires. Un administrateur de caisse de retraite désireux de toucher une prime en fin d'année s'intéressera plus aux résultats à court terme qu'aux intérêts des actionnaires en général. Il peut être actionnaire à 30 p. 100, 10 p. 100 ou 5 p. 100 d'une compagnie. La caisse de retraite fait pression sur cette compagnie pour qu'elle réalise des profits immédiats qui ne seront pas forcément bons pour elle à long terme, mais qui feront bien paraître l'administrateur de la caisse de retraite quand il vendra ses actions à la fin de l'année. S'il obtient de bons résultats pour l'ensemble de son portefeuille, il aura éventuellement droit à une prime. Il se trouve donc à aller à l'encontre des intérêts à long terme des actionnaires pour défendre ses intérêts à lui.

M. Dimma: Voilà une remarque intéressante et fondée. Dans ce cas, ce n'est pas tant le gestionnaire qui est en tort que la caisse de retraite. Après tout, c'est elle qui insiste pour gonfler les profits à court terme. L'efficacité d'un administrateur de caisse de retraite se mesure par quartile, mais aussi dans l'absolu, c'est-à-dire pour l'ensemble des résultats qu'il obtient. Dès qu'on s'en tient à une évaluation par quartile, on exerce des pressions pour obtenir des résultats à court terme.

Il arrive parfois que les actionnaires et les administrateurs des grandes caisses de retraite s'entendent tacitement pour jouer le court terme. Toutes les pressions s'exercent alors dans ce sens. Je le déplore, mais tel est le monde dans lequel nous vivons et je ne suis pas certain qu'il existe une autre solution. On dirait que tout le monde cherche à ce que le prochain trimestre soit à la fois le premier et le meilleur quartile... en attendant le prochain.

Le sénateur Tkachuk: Voilà un aspect sur lequel le comité devra se pencher.

On peut supposer que celui qui achète les actions d'une compagnie -- ce qui est également vrai pour les fonds communs de placement et les caisses de retraite -- a fait son travail de recherche. Autrement dit, qu'il est satisfait de l'administration de la société, qu'il en apprécie les points forts et qu'il est d'accord avec ses plans d'avenir. En outre, il adhère à son positionnement stratégique sur le marché. D'un autre côté, s'il n'aime pas une compagnie ou ses options sur actions et s'il estime que les salaires des dirigeants sont trop élevés, rien ne l'oblige à miser sur elle en bourse. Il peut investir ailleurs. Je ne pense pas que l'influence de ce genre d'investisseur puisse être bénéfique pour les autres actionnaires. En d'autres termes, j'estime que tout devrait être affiché au grand jour. Après un déjeuner privé avec un administrateur ou avec le président et le p.-d.g. d'une compagnie, un investisseur pourra décider de liquider ses actions parce qu'il ne sera pas satisfait des réponses qu'on lui aura fournies. Cela pourrait ne pas être intéressant pour l'actionnaire individuel que je suis.

M. Dimma: Dans ma réponse, je crains d'amalgamer les problèmes.

L'un des problèmes tient au fait que les actionnaires ne sont pas monolithiques et qu'il existe une multitude de catégories d'investisseurs ayant des échéances et des objectifs différents. Ces échéances vont de 48 heures au très long terme, ce qui est le cas, par exemple, de la personne de 35 ans, apôtre de Warren Buffett, qui envisage de réussir sa carrière. En pratique, ce genre d'investisseur joue bien un peu le court terme, mais l'essentiel de sa stratégie consiste à acheter les actions d'une compagnie et à les conserver aussi longtemps que celle-ci obtient de bons résultats.

À cause de la diversité des actionnaires, les caisses de retraite disposent d'un peu plus de latitude pour investir à court terme que si elles n'avaient affaire qu'à des retraités.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé de rémunérer les administrateurs en actions. Nous en avons tous vu des exemples. Pourquoi, selon vous, cette forme de rétribution n'est-elle pas davantage populaire? Est-ce que cela vous dérangerait, vous qui siégez à 14 conseils, d'être rétribué en actions? Ne préféreriez-vous pas qu'il en soit ainsi?

M. Dimma: Je siège à certains conseils qui me rétribuent essentiellement sous la forme d'actions. Personnellement, cette formule ne me dérange pas, mais il y a le pour et le contre.

Il existe un argument classique contre un régime d'options trop généreux pour rétribuer des administrateurs et des cadres, mais surtout des administrateurs: ces gens-là ne sont plus alors dans la même position que les actionnaires. En effet, l'actionnaire est rétribué quand son action augmente, mais il perd quand elle baisse. Dans le cas des options, on gagne systématiquement, à la hausse comme à la baisse.

Il existe, cependant, une thèse qui s'oppose à celle-ci. Si l'option fait partie intégrante du régime de rétribution et que la rémunération globale est compétitive sur le marché, advenant que l'option ne produise pas de résultats positifs, on se retrouve en présence d'un coût d'opportunité et l'on passe à côté d'un bénéfice. Quoi qu'il en soit, dans le secteur privé, on est intimement convaincu que les options ne doivent pas constituer la partie essentielle de la rétribution des administrateurs.

Cela étant, il y a aussi la formule de l'octroi des actions selon laquelle une compagnie cède une partie de ses actions à un administrateur, dans le cadre de sa rémunération globale. Cette pratique est de plus en plus populaire, mais elle l'est davantage aux États-Unis que chez nous. Dans ce cas, l'argument saute aux yeux: l'administrateur se retrouve dans la même position que les actionnaires et les reproches qu'on pourrait faire au sujet des options ne tiennent plus.

Enfin, la meilleure formule est celle de l'administrateur qui, appliquant ce qu'il prêche, achète des actions qu'il paie de sa poche. Un détail, cependant: jusqu'à quel point voulez-vous que votre conseil d'administration soit homogène? Si vous voulez qu'il soit surtout composé de gens aisés, dirigeants ou ex-dirigeants de sociétés, retraite, rien ne s'oppose à ce que vous appliquiez de généreuses formules du genre: option d'achat d'actions, octroi d'actions et actionnariat. Toutefois, si vous voulez que votre conseil d'administration soit plus diversifié, par exemple qu'il soit composé d'enseignants et même de jeunes -- ce qu'on ne voit pas encore beaucoup, mais nous devrons y venir -- le seul risque que vous courrez sera de vous retrouver avec un conseil où tout le monde raisonnera de la même façon, parce que tout le monde aura le même bagage et fera la même chose, auquel cas vous devrez appliquer une formule de rémunération par échelon.

Le sénateur Kenny: Une question plus fondamentale se pose: jusqu'à quel point pensez-vous que la rétribution puisse influer sur la performance des administrateurs?

M. Dimma: À l'exception éventuelle des sociétés ayant opté pour des régimes de rétribution généreux fondés sur des options -- et c'est là une des raisons pour lesquelles c'est un peu risqué --, la rétribution n'a pas vraiment d'influence sur le rendement.

Je connais une société qui accorde à tous ses nouveaux administrateurs des options représentant une valeur d'un million de dollars. Parlez-moi d'un stimulant!

Le sénateur Kenny: Voilà de quoi retenir leur attention.

Par ailleurs, vous avez dit que les administrateurs des caisses de retraite publiques sont les meilleurs défenseurs des droits des actionnaires. J'ai déjà exploré cette question et je n'ai pas conclu qu'ils s'occupent aussi des petits investisseurs. Nous nous demandions qui prenait soin d'eux dans le système. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit: les administrateurs des caisses de retraite publiques s'occupent très bien des gros investisseurs. Cela, je n'en doute pas, mais il faut encore me prouver qu'ils s'occupent également des petits investisseurs.

M. Dimma: Les retraités ou retraités en puissance de ces caisses sont eux-mêmes de petits investisseurs, et peut-être qu'ils ne sont même pas investisseurs du tout; or, les caisses s'occupent bien d'eux. Cela étant, je suppose que vous voulez parler de la capacité des caisses de retraite d'acheter d'importants blocs d'actions, par rapport aux particuliers qui ne possèdent qu'une centaine de titres et qui seraient donc traités différemment.

Vous devriez trouver des arguments plus solides que les miens pour prouver que les deux groupes d'investisseurs ne sont pas traités de la même façon et que les administrateurs agiraient très différemment s'ils se préoccupaient du petit épargnant. Cela ne concerne pas le problème des termes d'investissement dont parlait votre collègue tout à l'heure. Sur ce dernier plan, il est certain qu'il y a problème quand les gros investisseurs cherchent à réaliser des profits à très court terme. Sinon, je ne suis pas convaincu qu'il y ait une très grande différence entre gros et petits investisseurs.

Le sénateur Kenny: Les gros investisseurs sont mieux informés, ils sont beaucoup plus aptes que les petits actionnaires à acheter et à vendre des paquets d'actions. Avant que le petit épargnant n'ait réagi, les institutions ne sont plus là.

M. Dimma: Vous avez raison. Il y a peut-être bien une compensation... quoique: les adhérents des fonds communs de placement et des caisses de retraite sont eux-mêmes de petits investisseurs, mais cela ne vaut pas pour les particuliers qui n'adhèrent à aucun de ces fonds et qui investissent de leur côté; il faut le dire!

Le sénateur Kenny: Monsieur Dimma, vous avez beaucoup insisté sur la formation et la sélection des administrateurs, mais vous n'avez pas parlé d'évaluation et du fait qu'il pourrait s'agir d'une autoévaluation. Qu'en pensez-vous?

M. Dimma: C'est là un aspect auquel je m'intéresse personnellement. On commence par l'autoévaluation, puis la notion d'évaluation des administrateurs devenant plus populaire, plus répandue, on en vient à la formule du questionnaire sur le conseil d'administration. Tout le monde est appelé à remplir ces questionnaires qui sont ensuite regroupés par la secrétaire de direction ou éventuellement par le président du conseil. Les membres du conseil consacrent alors une heure environ, guère plus en général, à étudier les réponses et à voir comment améliorer les choses.

D'abord, cet exercice s'apparente à une évaluation collective et non à une évaluation individuelle. Au Canada, on n'a pas encore le courage voulu pour passer aux évaluations individuelles, mais on devrait y venir progressivement dans les dix prochaines années.

Pour l'instant, on affiche un penchant pour l'évaluation réalisée par une tierce partie; reste à savoir qui va attacher le grelot. Qui va-t-on engager pour évaluer le conseil, mais qui ne relèverait pas de ce dernier? Le cabinet comptable, dont le choix est recommandé aux actionnaires par le conseil lui-même? Je ne pense pas que le cabinet soit en position de force pour se montrer très critique envers le conseil. Un universitaire ou un expert conseil? Peut-être. Mais cette personne aura-t-elle toute la connaissance voulue pour effectuer un bon travail d'évaluation? Ce travail ne risque-t-il pas d'être un peu superficiel? Je sais bien que l'autoévaluation n'est pas la meilleure des formules, mais je continue à me demander quelle est la meilleure.

Le sénateur Austin: Et le marché?

M. Dimma: Vous voulez dire que si les administrateurs ne font pas du bon travail, les actions vont baisser et que, dans le cas contraire, elles augmenteront? Comme vous le savez, la relation entre les deux est très alambiquée et il est difficile d'établir un rapport de cause à effet; il est vrai qu'on a déjà vu des conseils être responsables des problèmes rencontrés par leurs sociétés.

Le sénateur Kelleher: Si vous me permettez, je vois un problème à cela. Je n'affirmerai pas que le conseil d'Inco n'a fait que du bon travail, mais il est difficile de le blâmer pour l'écroulement des prix du nickel. C'est à cause de cela qu'Inco va perdre de l'argent, comme les autres producteurs. Il est donc difficile de blâmer le conseil pour un phénomène échappant à son contrôle, ne pensez-vous pas?

M. Dimma: Cela dépend également de la relation entre le conseil et l'administration de la société. C'est évident! Dans certaines sociétés, c'est la direction qui s'occupe de tout, et le conseil fait tapisserie. Il est certain que le conseil est légalement responsable de toutes sortes de choses. Quand on a affaire à un p.-d.g. péremptoire et à un conseil plutôt faible, on ne peut certainement pas blâmer les administrateurs pour ce que fait le p.-d.g. Ce genre de conseil devra disparaître avec le temps; c'est déjà ce qui se passe, mais je crains qu'on trouve encore des conseils de cet acabit.

Le sénateur Meighen: Je crois vous avoir entendu dire qu'à l'exception des banques tout le monde était d'accord avec la nécessité d'établir une distinction entre le conseil d'administration et les dirigeants d'une société. Mais que se passe-t-il dans le cas des petites sociétés ouvertes? Si je me souviens bien, quand nous avons tenu nos audiences sur la LSPA, des représentants de petites sociétés nous ont demandé de ne pas les faire crouler sous une infrastructure trop lourde. Certaines de ces sociétés ont été fondées par celui qui en est maintenant le président et le p.-d.g. Quand le moment sera venu, ce genre de société passera au partage des fonctions.

Le président: Je crois que cet argument a surtout été invoqué par les petites sociétés contrôlées par un seul actionnaire qui estimait avoir le droit de présider le conseil et de voter.

M. Dimma: Vous vous souviendrez qu'à l'époque où vous avez étudié cette question, l'année dernière ou en 1996, la plupart de vos témoins -- dont moi-même -- se sont prononcés contre la séparation des rôles. S'il y a une bonne raison pour que ces fonctions soient assumées par des personnes différentes, alors qu'il en soit ainsi.

Le sénateur Meighen: C'est ce que je voulais savoir.

M. Dimma: Il faut davantage séparer ces deux fonctions et j'estime que nous ne sommes pas encore allés assez loin. Je trouve que les deux postes devraient être séparées dans les banques, surtout à l'heure où l'on s'achemine vers d'importantes fusions, mais je n'en ferai pas pour autant une obligation.

Le sénateur Meighen: Certains témoins -- des représentants de certaines grandes caisses, si je me rappelle bien -- auraient aimé qu'on améliore la divulgation. Cela vous semble-t-il être une demande raisonnable de la part des compagnies qui investissent? Que pensez-vous de cette question de la divulgation?

M. Dimma: Vous parlez de la divulgation appliquée à la conduite générale des affaires par une société?

Le sénateur Meighen: Oui.

M. Dimma: Eh bien, j'estime, par exemple, qu'il convient de segmenter les résultats financiers ce qui, pour l'instant, ne se fait encore que de façon volontaire; de plus, les sociétés ne ventilent pas leurs résultats en fonction de catégories appropriées qui permettrait aux investisseurs de prendre des décisions plus éclairées.

J'estime effectivement qu'il y a place à l'amélioration sur ce plan. Comme la profession comptable est plutôt conservatrice, on peut se demander qui fera pression en ce sens. En général, cette pression ne viendra pas des sociétés et elle ne viendra pas non plus des comptables. Reste la pression du public, dans une certaine mesure, mais je la trouve lente à se manifester.

Le sénateur Meighen: Vous disiez tout à l'heure préférer que les choses se fassent discrètement plutôt qu'avec tapage, ce qui est aussi ma préférence et, je le suppose, la tradition canadienne. Pour reprendre votre exemple, cependant, supposons que le directeur de la caisse aille voir le directeur des finances ou le p.-d.g. de l'entreprise en disant qu'il n'est pas satisfait de la situation et qu'il exige des explications. Supposons par ailleurs que cela ne produise pas le résultat souhaité et que l'on doive passer à l'étape suivante.

Si tel est le cas, ma première question concerne les critères juridiques actuels. Je songe aux circulaires de dissidents qui veulent obtenir des procurations. Je songe à M. Wilson, de BCE, qui nous a dit ne pas savoir qui sont ses actionnaires. Dans le système actuel, je suppose que quiconque souhaiterait rallier ses actionnaires ne saurait probablement pas non plus qui ils sont. Cela constitue-t-il un obstacle important pour obtenir des appuis et pour continuer d'exercer des pressions sur l'entreprise, afin qu'elle s'améliore?

M. Dimma: Je le pense. On pourrait cependant apporter diverses modifications pour améliorer la situation, dans une certaine mesure.

Par exemple, il semble y avoir de plus en plus de votes individuels sur les administrateurs, ce qui peut causer des difficultés à certains d'entre eux.

Le sénateur Meighen: Je n'ai jamais gagné une élection de ma vie.

M. Dimma: Cela peut être gênant. Je pense que l'on pourrait améliorer la divulgation d'informations dans notre pays. Franchement, la Bourse de New York est plus efficace que celle de Toronto à ce chapitre, et le palier fédéral l'est aussi plus que la CVMO. Cela dit, tout le monde fait aujourd'hui mieux qu'il y a dix ans. Il n'en reste pas moins que les exigences sont plus rigoureuses aux États-Unis.

Le sénateur Meighen: La situation s'améliorerait-elle si nous avions une bourse nationale?

M. Dimma: Oui. En 1984, sous le dernier gouvernement Trudeau, je présidais un groupe de travail un peu similaire à celui que présidait Jim Bailey et à celui que préside aujourd'hui M. McKay. Nous avions cependant un désavantage énorme: le groupe de travail avait été nommé par un gouvernement libéral mais, après les élections, il a dû adresser son rapport à un gouvernement conservateur. Je ne suis pas sûr que notre message ait été bien reçu et c'est pourquoi bon nombre de nos propositions n'ont pas été mises en oeuvre. À l'époque, la plupart d'entre nous pensions qu'une bourse nationale était une fort bonne idée.

Le sénateur Meighen: Le gouvernement conservateur aurait probablement dû lancer l'initiative car les libéraux finissent généralement ce que les autres commencent.

Pour ce qui est des administrateurs professionnels, n'y a-t-il pas un risque de voir apparaître un petit cadre d'administrateurs qui passeront leur temps à se congratuler mutuellement, surtout si l'on considère que notre pays est très petit? Comment un président de syndicat pourra-t-il devenir membre du conseil d'une caisse de retraite? Ne devrions-nous pas plutôt chercher à obtenir des administrateurs mieux formés mais de milieux divers, éventuellement en les formant en cours d'emploi?

M. Dimma: Je n'ai rien contre des conseils d'administration diversifiés. J'ai d'ailleurs tenté d'expliquer que les conseils sont peut-être à mon avis trop homogènes. Cela dit, qu'il s'agisse d'un président de syndicat, d'un ancien p.-d.g. ou du p.-d.g. actif d'une autre entreprise, il serait tout à fait cohérent de leur donner une formation continue. Je n'aime pas employer les mots «amateur» et «professionnel», car on a l'impression de niveaux de compétence différents, bien que cela ne soit peut-être pas tout à fait faux. La question est de savoir si on jette les gens dans la cage aux lions sans aucune préparation. C'est de plus en plus difficile d'être administrateur. Sans vouloir prêcher pour ma paroisse, la fonction est de plus en plus difficile. Cela dit, je ne me plains pas parce que j'aime ça. Il n'en reste pas moins que la plupart des administrateurs n'ont pas reçu de formation adéquate, le mieux étant, dans certains cas, une certaine initiation.

Je vais vous raconter une histoire concernant le jour où je suis entré au conseil d'administration d'une grande compagnie d'assurances. Je peux en parler parce qu'elle n'existe plus.

Le président: Nous pouvons la deviner.

M. Dimma: C'est ce que je pensais. Nous avons reçu trois jours d'initiation, un jour par semaine, une semaine sur deux, au bureau principal de London, en Ontario. J'ai trouvé ça très utile. Par contre, j'ai fait partie d'autres conseils d'administration où l'on ne donne strictement aucune formation et où il faut tout apprendre en cours de route. C'est au petit bonheur la chance. Ça ne me paraît pas satisfaisant, que l'on parle de cadres d'entreprises, de présidents de syndicats ou de n'importe qui d'autre.

Le sénateur Oliver: Je voudrais parler du militantisme des actionnaires des caisses de retraite et des fonds communs de placement. Comme vous avez été président ou cadre supérieur d'entreprise, que pouvez-vous nous dire de la manière dont les caisses de retraite ou les fonds communs de placement ont tenté d'influer sur vos entreprises? D'après vous, quelle devrait être la bonne manière d'exercer cette influence et quelles sont les fautes commises à cet égard?

Hier, les témoins nous ont dit que les investisseurs institutionnels, lorsqu'ils tentent d'user de leur influence, le font en faisant comprendre à la haute direction ou au conseil d'administration qu'ils ne sont pas très impressionnés par certains membres du conseil qui viennent rarement aux assemblées et qui ne font vraiment rien pour les actionnaires.

Je les ai alors interrogés au sujet des gestionnaires. Tentez-vous d'intervenir si vous n'aimez pas la manière dont une grande entreprise est gérée? Comment exprimez-vous votre opinion? Y a-t-il une bonne et une mauvaise manières de le faire?

Le président: Les institutions devraient-elles exercer leur influence en acceptant un siège au conseil d'administration des grandes entreprises? Cela fait partie de la question.

M. Dimma: Je répondrai en passant du particulier au général. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, mais je n'y ai pas réfléchi sérieusement. Je vais cependant tenter de vous donner une réponse un peu plus étoffée. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'avoir des gestionnaires de fonds communs de placement dans les conseils d'administration d'entreprises au sein desquelles ils ont effectué des investissements importants. Tout d'abord, des actions, ça s'achète et ça se vend. En outre, ce serait une sorte d'actionnariat démocratique et, même s'il est difficile d'aller contre la démocratie des actionnaires, cela me semblerait être une méthode un peu trop flagrante.

De fait, je ne sais pas si cela se fait beaucoup au Canada. Quelqu'un a-t-il des exemples? Il y en a peut-être mais je suis sûr qu'ils sont rares. Ça ne veut pas dire que ce soit une mauvaise idée, simplement que c'est rare.

Il faudrait que j'y repense. Certes, un gros actionnaire, quelqu'un possédant 5 p. 100 ou 2 p. 100 des actions d'une entreprise, pourrait être invité à faire partie du conseil d'administration. Si tel était le cas, pourquoi pas une caisse de retraite ou un fonds commun de placement? Je suppose que c'est à cause du manque de permanence. La plupart des investisseurs institutionnels changent régulièrement leurs investissements et je ne suis pas sûr que ce serait une bonne idée. Que se passera-t-il lorsque le fonds aura vendu ses actions de l'entreprise? Vous aurez dans votre conseil d'administration un administrateur possédant les actions d'un concurrent. Évidemment, il se peut fort bien qu'il en ait déjà possédé avant. S'il veut investir dans l'industrie chimique, il possède peut-être des actions de trois entreprises. Je crois que cela pourrait causer des problèmes.

D'un point de vue plus général, sénateur Oliver, et au risque de me répéter, j'estime personnellement que c'est seulement en dernier ressort que le directeur ou président d'une caisse de retraite devrait faire partie d'un conseil d'administration. Certes, il est parfois tout à fait légitime qu'il agisse ainsi, ou qu'il s'adresse à la presse ou fasse un discours pour faire des remarques très controversées et critiques à l'égard d'une entreprise, mais je crois que cela ne devrait être qu'en dernier ressort. Ce n'est pas la méthode canadienne. Ce n'est pas ainsi que nous faisons les choses. Par contre, si l'on est confronté pendant longtemps à une entreprise qui fait de l'obstruction systématique sur des questions valides, cela pourrait être une solution légitime en dernier ressort.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

Le sénateur Oliver: À titre de président du conseil, avez-vous déjà vu de gros investisseurs, des caisses de retraite, vous faire des suggestions sur la manière dont l'entreprise ou l'une de ses divisions devrait être gérée?

M. Dimma: Non. J'en ai déjà vu venir nous poser beaucoup de questions parce qu'ils étaient terriblement intéressés par nos projets, et nous faisions alors extrêmement attention à ne rien divulguer qui ne l'ait pas déjà été à l'ensemble des actionnaires. Cela dit, ça ne m'est jamais arrivé personnellement. La dernière fois que j'ai été p.-d.g., c'était il y a neuf ans. Or, depuis neuf ans, le degré de militantisme des investisseurs et actionnaires a beaucoup augmenté. Je suppose que cela doit arriver.

Je vais vous donner un exemple. Il s'agit du conseil d'administration, dont je fais partie, d'une entreprise américaine dont le siège se trouve à Houston. Je sais que le représentant d'une grande caisse de retraite est venu voir le p.-d.g. pour exprimer de sérieuses inquiétudes au sujet du marché de l'un des trois produits de l'entreprise. Il avait fait des recherches exhaustives et avait une très bonne idée de ce que l'entreprise devrait faire pour corriger la situation. Le p.-d.g. l'a écouté avec beaucoup d'attention et a rapporté la conversation au conseil. C'est comme ça que je l'ai appris.

Le sénateur Oliver: Que pensez-vous des investisseurs institutionnels qui votent par procuration? Comment cela devrait-il se faire?

M. Dimma: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, c'est une question complexe parce que tout est relié. La méthode courtoise consiste à étudier en détail la question devant faire l'objet du vote et, peut-être, à en discuter avec la haute direction. Cela dit, vous avez sans doute déjà entendu parler du boomerang? Bien souvent, les gens votent comme le souhaite l'entreprise parce qu'ils ne veulent pas causer de problèmes qui pourraient revenir les hanter.

La principale exception à cette règle concerne sans doute les questions relatives aux plans de droits des actionnaires. Tout le monde ici sait qu'il en existe et j'en ai vu qui étaient simplement destinés à protéger les dirigeants de l'entreprise. Dans ce cas, il faut absolument les torpiller. Certains investisseurs institutionnels ont pris fermement position à ce sujet parce que certains plans sont allés un peu trop loin et ont eu en fait des conséquences négatives sur les actionnaires, même par inadvertance.

Le sénateur Austin: Je voudrais donner un autre exemple relié à la question du sénateur Oliver. Il arrive souvent que des directeurs de fonds ou d'autres personnes ayant un rôle fiduciaire dans la gestion des fonds exercent des pressions sur une entreprise pour que celle-ci se sépare d'une division et lance une EIA pour faire monter le cours des actions, que cela soit ou non dans l'intérêt de l'entreprise. Parfois, ils veulent tout simplement qu'une division soit vendue. Des pressions ont ainsi été exercées sur une société canadienne de brasserie pour qu'elle vende sa division de produits chimiques. Tout le monde le sait. Des pressions considérables ont été exercées par des investisseurs institutionnels.

À mon avis, cela correspond simplement au fonctionnement normal du marché.

M. Dimma: J'en donnerais pour exemple la fusion de Nova et TCPL. Les actions de Nova ont été sous-évaluées par le marché, en partie parce que le secteur des pipelines est très différent de celui des produits chimiques. Si la fusion se réalise, ce qui est très probable, il semble que Nova liquidera sa participation dans Methanex et peut-être aussi dans le secteur des produits chimiques. Cela aussi est bien connu.

Le sénateur Kelleher: On semble tourner en rond. Selon les témoins que nous avons entendus, les directeurs de caisses de retraite publiques parlent de plus en plus de leurs préoccupations aux présidents ou aux p.-d.g. des entreprises. Comme l'a dit le sénateur Meighen, en parler en public, ce n'est pas très canadien, et je suis d'accord avec lui. Selon moi, c'est une bonne manière de régler ces problèmes. Quand on interroge les directeurs de fonds à ce sujet, ils se justifient -- et j'ai tendance à partager leur avis -- en disant qu'ils sont les mieux placés pour repérer les problèmes plus vite que l'actionnaire typique et que ce qu'ils apprennent ainsi profite en fin de compte à tous les actionnaires.

Il s'agit là d'une tendance récente pour le Canada. N'oublions pas que les directeurs de fonds qui agissent ainsi, et les entreprises qui leur donnent les informations, risquent d'enfreindre la loi. Cette pratique est pourtant de plus en plus répandue et, probablement, bénéfique. En conséquence, croyez-vous que le gouvernement ou les instances de réglementation devraient envisager d'établir de nouvelles lignes directrices? Si quelqu'un fait quelque chose qui va dans l'intérêt des actionnaires, il serait dommage que cela l'amène à enfreindre la loi et à lui causer des difficultés. L'heure n'est-elle donc pas venue de revoir cette question?

M. Dimma: Certainement, sénateur. Tout d'abord, on ne peut pas reprocher au directeur d'une caisse de retraite d'essayer d'obtenir le plus d'informations possible de chaque entreprise dans laquelle il a investi des sommes importantes. En fait, c'est aux entreprises elles-mêmes qu'il appartient de ne pas enfreindre la loi lorsqu'elles communiquent des informations.

Un vieil ami disait toujours qu'il n'y a jamais de questions indiscrètes, seulement des réponses indiscrètes. Manifestement, les directeurs de caisse de retraite devraient faire le plus d'efforts possible pour obtenir des informations puisqu'ils peuvent dans l'ensemble les évaluer de manière plus efficace que les petits investisseurs. Ils s'occupent constamment de ces choses-là et ils peuvent demander des évaluations très professionnelles. C'est donc aux entreprises de faire attention.

La question plus générale consistant à savoir si l'entreprise devrait être autorisée à donner des informations à un gros investisseur sans qu'elles se rendent jusqu'aux petits actionnaires est truffée d'embûches. Comme vous, je pense qu'il faut alors faire preuve d'une extrême prudence.

Le sénateur Kelleher: En effet, je crains moi aussi que les petits actionnaires n'obtiennent pas les mêmes informations que les caisses de retraite, alors qu'ils y ont probablement droit. Ils ne les obtiennent certainement pas lors des assemblées annuelles. Croyez-vous donc que nous devrions revoir cela? Je sais que c'est un terrain truffé d'embûches mais il me semble que les actionnaires auraient des choses à y gagner. C'est aux entreprises qu'il appartient de faire attention lorsqu'elles donnent des informations. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que ce sont les réponses, pas les questions, qui posent des risques.

M. Dimma: Je pense que c'est une question que l'on aurait peut-être intérêt à étudier mais j'y vois beaucoup de problèmes. Cela dit, tant qu'on ne l'aura pas étudiée, qui sait?

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé d'une montée du militantisme des investisseurs institutionnels. Est-ce que les fonds qui investissent leur argent en suivant un indice, par exemple le TSE 300, font preuve de moins de militantisme, du point de vue de la gouvernance des entreprises, que les autres qui choisissent eux-mêmes leurs investissements?

M. Dimma: Bonne question. Il y a ceux qui suivent ouvertement les indices et ceux qui le font en secret. Ceux qui le font ouvertement ne vont manifestement pas poser des questions aussi poussées que ceux qui gèrent leur argent de manière plus active.

Il y a des investisseurs qui suivent les indices en secret mais qui exigent de grosses commissions en donnant l'impression qu'ils ne suivent pas les indices. Peut-être suis-je trop critique mais nous savons bien qu'il y a des gens qui se contentent de suivre les indices.

Comme ils veulent continuer d'exiger de grosses commissions, ils le font en douce. Comme vous le savez certainement, les commissions des fonds suivant les indices sont environ le tiers de celles des fonds activement gérés.

Le sénateur Angus: Je suis fasciné non pas seulement par ce que vous nous dites ce soir mais aussi par ce que j'ai lu au sujet de ce que vous avez dit et par ce que vous avez dit la dernière fois que vous êtes venu. L'étude actuelle porte sur la gouvernance des investisseurs dits institutionnels, et le débat de ce soir porte aussi en grande mesure sur le gouvernement des sociétés publiques. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'article que vous avez publié dans le numéro de décembre du bulletin de l'Institut des administrateurs de corporations, que j'ai jugé absolument excellent et dans lequel vous parliez d'un conseil parfait et de méthodes parfaites. C'est presque une Bible. Les choses ont-elles changé depuis? Ce que vous y dites s'applique-t-il, en gros, à la gouvernance des investisseurs institutionnels ou y a-t-il des différences marquées?

M. Dimma: Je voudrais m'assurer d'avoir bien saisi votre question, sénateur. Voulez-vous savoir si les remarques que j'ai formulées au sujet des conseils de sociétés s'appliquent aussi aux conseils des caisses de retraite?

Le sénateur Angus: Oui, car l'étude que nous effectuons actuellement concerne les fonds communs de placement et les caisses de retraite, dont beaucoup ne semblent pas avoir le sentiment qu'ils sont liés par le rapport Day, par les lignes directrices de la Bourse de Toronto ou par votre liste des meilleures méthodes. Ils n'ont pas de comité de gouvernance. Ils font un peu ce qu'ils veulent et nous avons entendu beaucoup de plaintes. J'ai l'impression que ce sont des entités différentes mais il se peut que je me trompe. Ce qui m'amène à vous poser cette question, c'est que pratiquement tout ce que nous avons entendu ce soir concernait les conseils de sociétés de manière générale.

Le sénateur Oliver: Les questions portant sur le militantisme des actionnaires allaient dans ce sens.

M. Dimma: Ce que je disais dans cet article portait essentiellement sur les processus. Je devrais le relire attentivement mais je crois que la plupart de mes remarques s'appliquent aux conseils de manière générale. De fait, beaucoup valent autant pour les conseils d'organismes à but non lucratif que pour les conseils de sociétés. À mon avis, sur le plan des procédures, les conseils des caisses de retraite ne devraient pas fonctionner différemment des autres, c'est-à-dire qu'ils devraient respecter aussi attentivement et exhaustivement la règle de droit. Aujourd'hui, les conseils des sociétés -- vous le savez tous -- font des efforts extraordinaires pour assurer une bonne gouvernance. Si je les compare aux conseils typiques d'il y a 20 ans, la différence est énorme.

Le sénateur Angus: Ou même d'il y a cinq ans.

M. Dimma: Le changement a commencé il y a une dizaine d'années et il ne s'est pas arrêté depuis. La différence est considérable. Je connais toute la gamme des conseils d'administration des caisses de retraite et je peux vous dire que certains ne sont pas gérés aussi attentivement, du point de vue de la gouvernance, qu'ils devraient l'être. Il ne devrait pourtant y avoir aucune différence.

Le sénateur Angus: Je suis fasciné par l'idée d'une licence pour devenir administrateur. Le mot «licence» n'est peut-être pas juste mais je sais de quoi vous parlez. Le sénateur Kenny demandait comment on mesure le rendement des administrateurs. Ce que j'ai pu constater dans la pratique, c'est que le comité de gouvernance de la société, qui se compose d'un petit nombre d'administrateurs, peut procéder à un examen de pairs ou mesurer le rendement d'autres conseils. Ensuite, on peut demander au président de l'entreprise ou à une autre personne de mesurer le rendement du comité. Cette solution serait-elle satisfaisante, à votre avis?

M. Dimma: Oui. De fait, en réponse à la question précédente sur l'évaluation des conseils, j'ai oublié de dire qu'une bonne méthode consiste à demander au président de faire une évaluation individuelle. Pour ce faire, il peut demander l'avis du p.-d.g., voire d'autres membres du conseil auxquels il fait confiance. Ainsi, si certains administrateurs s'avèrent être des incapables, le président a un rôle crucial à jouer. Évidemment, cela ne dit pas qui évaluera le président mais, pour un conseil de 11 personnes, on sait au moins que 10 feront l'objet d'une bonne évaluation.

Le sénateur Angus: Et cela vaudrait-il aussi pour un investisseur institutionnel?

M. Dimma: Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas la même chose. Si quelqu'un pense qu'il devrait y avoir une différence, il devra avancer de solides arguments pour me convaincre. Pour ma part, je ne vois pas de différence du point de vue du gouvernement d'entreprise.

Le président: En ce qui concerne les fonds communs de placement par rapport aux caisses de retraite, les premiers disent que la personne qui investit dans une caisse de retraite ne peut pas en retirer son argent et que cela justifie donc l'imposition de règles beaucoup plus rigoureuses en matière de reddition de comptes, étant donné que les caisses de retraite gèrent des sommes sur lesquelles les propriétaires n'ont aucun pouvoir. En outre, comme les gens peuvent retirer immédiatement leur argent des fonds communs de placement dont le rendement ne leur convient pas, les responsables de ces fonds disent que l'on ne devrait pas trop s'inquiéter de leur gouvernance ou de leur reddition de comptes.

Nous avons parlé ce soir des «investisseurs institutionnels» et la plupart de nos exemples portaient sur les caisses de retraite. Dans vos remarques liminaires, toutefois, vous avez dit que, s'il est vrai que la plupart des fonds communs de placement sont passifs, certains sont plus actifs. Croyez-vous donc, de manière générale, que l'on devrait traiter différemment les fonds communs de placement de l'autre catégorie d'investisseurs institutionnels, du point de vue de la gouvernance?

M. Dimma: Je ne suis pas convaincu qu'il faille les traiter différemment. Nous parlons dans les deux cas de capitaux absolument énormes. Nous parlons d'investir l'argent et l'épargne des gens. En ce qui concerne les fonds communs de placement, nous savons tous que l'on y trouve généralement un très grand nombre d'investisseurs relativement petits. Les très gros investisseurs n'investissent généralement pas dans les fonds communs de placement, ou alors une très petite partie de leur portefeuille, alors que les gens dont les revenus sont modiques peuvent y investir toute leur épargne. S'il est vrai qu'il y a un degré de permanence plus élevé avec un fonds, je ne pense pas que cela dispense les fonds communs de placement de la même surveillance et de la même évaluation que les caisses de retraite, dans l'intérêt public.

Le président: En conséquence, si des règles de gouvernance finissent par être adoptées -- par le truchement de notre comité ou autrement -- elles devraient s'appliquer de la même manière à tous?

M. Dimma: Oui, considérant les sommes qui sont investies dans les fonds communs de placement d'Amérique du Nord. Il y a tellement de zéros aujourd'hui qu'on n'arrive plus à les compter. Il est donc absolument crucial qu'ils soient gérés conformément à certaines règles qui devraient probablement s'appliquer à toutes les catégories d'investisseurs institutionnels. J'en suis relativement convaincu.

Le président: Merci de votre comparution.

Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Jeffrey Graham, président élu, ACPM, conseiller juridique, Borden & Elliot, avocats: Monsieur le président, c'est un grand honneur et un grand plaisir pour nous de comparaître devant votre comité. Le président actuel de l'Association, M. Beswick, fera notre déclaration liminaire.

M. Michael Beswick, président, ACPM; premier vice-président, Division des pensions, Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario (CREMO): Merci de nous avoir invités aujourd'hui pour vous parler de cette importante question qu'est le gouvernement d'entreprise des caisses de retraite.

L'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR) est une association de quelque 400 organisations à travers le Canada représentant un actif évalué à 226 milliards de dollars. Nous sommes la voix nationale du Canada pour les commanditaires de régimes de retraite. Alors que nos membres proviennent d'horizons divers, une part importante d'entre eux se compose de directeurs d'entreprises qui sont responsables de l'administration de régimes de retraite. Notre mission est de défendre, au nom des commanditaires des régimes de retraite, des politiques et des règlements destinés à assurer la croissance et la santé des régimes de retraite au Canada. Par l'entremise de comités, de commissions d'études spéciales et de conseils régionaux, l'Association représente ses membres en ce qui a trait aux questions législatives et réglementaires dans les discussions avec les initiateurs de programmes et de règlements fédéraux et provinciaux.

Au niveau fédéral, l'ACARR s'est impliquée très activement dans la promotion de la réforme du système de revenu de retraite. À cet égard, l'Association se réjouit du leadership dont ce comité a fait montre dans la défense de l'assouplissement, voire de l'élimination éventuelle de la règle des 20 p. 100 de contenu étranger.

Ce soir nous aimerions discuter avec vous de quelques réalisations de l'Association au chapitre des questions de gouvernance des régimes de retraite. Tout particulièrement, nous aimerions mettre en lumière notre rapport sur la gouvernance efficace des régimes de retraite et notre récent sondage des pratiques de gouvernement d'entreprise de nos membres.

L'année dernière, un comité spécial de membres de l'ACARR était sollicité afin de rédiger un article sur la gouvernance des régimes de retraite. Le comité spécial était composé de représentants de régimes de retraite et de conseillers professionnels qui font des recommandations aux régimes sur les questions de gouvernement d'entreprise. Le mandat du comité était de produire une vue pratique et flexible de l'administration des régimes de retraite, qui pourrait être utilisée par tous les types de régimes de retraite, grands ou petits, bref pour tous les membres de l'ACARR. L'automne dernier, le comité spécial a achevé son travail et a remis à l'association et à ses membres le rapport intitulé «Governance of Pension Plan». Le rapport a été distribué à tous les membres de l'ACARR et les réactions ont été très favorables. Une copie a été jointe à votre pochette.

Le gouvernement ou la direction d'entreprise concerne l'administration et l'obligation de rendre compte, en mettant l'accent sur la seconde. Au cours des quelques dernières années, une attention et un intérêt grandissants se sont fait jour tant à l'endroit du gouvernement de l'entreprise que de celle des régimes de retraite. Cet intérêt et cette discussion sont bons.

Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que l'on soit en mesure d'affirmer que tous les régimes sont bien dirigés. Les chargés de la réglementation se doivent d'encourager un tel intérêt et doivent aussi encourager les bonnes pratiques. Ils doivent toutefois résister aux solutions normatives ce sur quoi nous insisterons ce soir.

La gouvernance des régimes de retraite est très complexe et la flexibilité est de rigueur. On ne doit pas non plus oublier que le système privé de pension est un système volontaire. Trop de règlements auront pour effet d'étouffer la croissance, pas de la stimuler.

La gouvernance des régimes de retraite a trois volets: l'actif, la capitalisation et le service aux bénéficiaires. Tous ces aspects doivent former une triade efficace afin d'assurer une bonne direction.

Le rapport sur la direction de l'ACARR tente d'établir les principes et les lignes directrices d'une gouvernance efficace des régimes de retraite. Il le fait d'une façon pratique et utile pour les régimes de tous les types et toutes les tailles. Les grands régimes sont des joueurs clés, toutefois, de bonnes pratiques et de bons conseils sont tout aussi vitaux pour les régimes de petite taille ou de taille moyenne.

Un système efficace en matière de gouvernance des régimes de pension est nécessaire afin d'aider les représentants à exercer un jugement indépendant. Pour accomplir cela, les responsabilités et les obligations de rendre compte doivent être clairement présentées. Le gouvernement d'entreprise doit non seulement être séparé du fonctionnement, il doit effectuer la surveillance de celui-ci. Une direction efficace effectue une surveillance raisonnable, mais n'est pas lourde au point de décourager l'établissement de régimes de retraite ou l'allocation de temps pour les superviser.

En matière de gouvernance, le concept de taille unique n'existe pas, un fait mis en lumière par notre sondage. Les administrateurs doivent avoir la flexibilité nécessaire pour s'accommoder de circonstances différentes, voire changeantes. Ils doivent être libres d'élaborer leurs propres approches à même un vaste ensemble de principes. Chaque régime est unique. La gouvernance des régimes de retraite ne doit faire l'objet ni d'un mandat, ni d'une législation, un principe très largement soutenu par nos membres.

Notre rapport de direction établit les principes d'une gouvernance efficace des régimes de retraite, lesquels principes sont pratiques et peuvent être utilisés par des régimes de toutes les tailles. Chaque activité de gouvernance est établie selon quatre principes: partage des risques et des pouvoirs; compétences de base; cheminement de l'information et évaluation du rendement.

Nous n'avons pas tenté de prescrire un modèle des meilleures pratiques de gouvernance, pas plus que nous croyons que les législateurs devraient tenter de la faire. Nous avons plutôt identifié quelques principes qui, nous l'espérons, joueront le rôle de panneaux indicateurs le long de la route de la bonne direction. Un résumé de ces principes figure à la page 5 de l'article.

Comme nous l'avons vu, l'Association a récemment sondé ses membres au sujet de leurs pratiques de gouvernance, y compris sur la question de l'influence des sociétés dépendantes. À l'occasion d'une de nos conférences de l'été dernier, le sénateur Kirby nous a informé qu'un des objectifs de son comité serait de recueillir des données sur ce qui se passe effectivement dans le milieu, d'où ce sondage. Une copie des résultats du sondage fait également partie des documents que nous avons fournis aux membres du comité.

Une large part de la rétroaction engendrée par le sondage confirme ce à quoi l'on pourrait s'attendre: les pratiques varient largement en fonction de la taille du régime. Les régimes de grande taille sont plus sophistiqués que les petits régimes, par exemple. Le sondage démontre que les sociétés dont la taille va de plus petite à moyenne ont besoin d'être davantage attentives à leurs régimes de retraite, si l'on veut en assurer la direction efficace.

Le sondage donne également d'autres aperçus intéressants. Par exemple, on note des différences importantes dans les pratiques de gouvernance des régimes. Une large part des commanditaires délèguent la responsabilité des régimes de retraite à des entités multiples - cela fait de l'obligation de rendre compte un défi plus grand.

Une large part des comités de retraite ont d'importants éléments de direction en place -- un mandat clair, la distinction entre les responsabilités de direction et celles de fonctionnement, des lignes directrices relatives aux conflits d'intérêt et des rapports rendus à leur conseil à intervalles réguliers. Sauf pour de très vastes régimes de retraite, la formation prodiguée aux représentants semble être un domaine qui requiert l'attention. Toutefois, une large part de régimes de tailles allant de moyenne à grande choisissent effectivement des membres de comité de retraite en se basant sur les qualifications pertinentes.

Une large part des régimes de retraite sont dénués de régime stratégique pour le régime de retraite. Il semble y avoir une part relativement importante des régimes qui ont une approche structurée dans le choix et l'évaluation des directeurs des investissements. Cela n'est pas le cas, toutefois, en ce qui a trait aux actuaires de régimes, aux vérificateurs et aux administrateurs. Cela n'a peut-être rien de surprenant mais indique néanmoins un champ pour l'amélioration future. Un niveau de satisfaction très élevé prévaut à l'endroit des lois actuelles régissant les représentants de régimes de retraite.

Comme l'on serait en droit de s'y attendre, la question du vote par procuration et de l'influence exercée sur les sociétés dépendantes est fondamentalement une question qui concerne les très vastes régimes. Cela n'a rien d'étonnant puisque les régimes plus petits sont enclins à consacrer l'investissement à des caisses en gestion commune ou à déléguer le vote à leurs directeurs externes.

Le sondage démontre que nombre de grands fonds de placement sont actifs dans les questions de vote par procuration, bien qu'une part étonnante -- 40 p. 100 des plus grands fonds -- n'aient pas de critères énoncés en matière de vote par procuration. Dans ce même groupe, 40 p. 100 des fonds les plus grands ont tenté d'influencer les sociétés dans lesquelles ils investissaient, pour toutes sortes de raisons, et les résultats ont été mitigés. Pratiquement tous les fonds ont déclaré ne jamais s'être sentis contraints, pour quelque raison que ce soit, de voter par procuration, bien que la plupart des régimes ne comportent pas de vote par procuration.

Pour conclure, nous aimerions remercier le comité pour cette occasion de participer aux présentes audiences sur le gouvernement d'entreprise. Le comité traite une question intéressante et importante. Il s'agit également d'une question fort complexe, du type de celles qui n'appellent pas de réponses faciles. Nous espérons que le comité comprend cela et qu'il aborde sa tâche dans un esprit de dialogue constructif avec l'industrie, dialogue lui-même porteur de changements, plutôt que de chercher des réponses normatives ou du type taille unique.

Nous attendons vos commentaires et vos questions avec impatience.

Le président: Au risque de vous contester, je voudrais revenir sur une partie de votre mémoire. Vous y dites en effet qu'il serait bon que les gens s'intéressent plus directement à la gouvernance, et à ce qu'il y ait de nombreuses propositions à ce sujet mais, surtout, qu'il ne faut absolument pas légiférer ou réglementer en la matière, qu'il ne faut pas vous dire quoi faire et qu'il faut vous faire confiance. J'exagère peut-être un peu mais l'idée générale est juste.

Laissez-moi cependant vous dire que c'est exactement comme cela qu'ont réagi les milieux d'affaires lors de la publication du rapport Day. Or, ce qui a garanti l'efficacité des lignes directrices du rapport Day, c'est l'obligation qui a été faite aux conseils d'administration d'indiquer à la Bourse de Toronto, dans leur circulaire annuelle, ce qu'ils faisaient précisément au sujet de ces lignes directrices. Autrement dit, la peur d'être embarrassé parce que vos collègues et concurrents auraient fait «mieux» que vous a fait merveille du point de vue de la mise en oeuvre des lignes directrices. Il n'est pas nécessaire de légiférer, il suffit de faire confiance à la vindicte publique.

Le sénateur Angus: Les actionnaires s'interrogeaient.

Le président: Ma question est celle-ci: si nous ne devons rien réglementer, quelle forme de vindicte publique pourrions-nous utiliser envers les caisses de retraite pour obtenir le même résultat?

M. Beswick: Pour répondre à votre prémisse légèrement exagérée, notre argument est qu'il y a déjà pas mal de règlements qui s'appliquent. Nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de modifier ou d'améliorer les lois régissant actuellement la divulgation, par exemple. Il ne nous paraît absolument pas évident qu'il soit nécessaire d'adopter de nouvelles lois, de nouveaux règlements ou de nouvelles conditions car nous pensons que le gouvernement d'entreprise est déjà dans l'ensemble très satisfaisant. Vous n'êtes peut-être pas d'accord mais c'est notre position. Notre objectif n'est pas du tout d'éliminer toute réglementation, mais vous savez que notre secteur est déjà fortement réglementé.

Le président: Vos règlements n'ont rien à voir avec le gouvernement d'entreprise.

M. Beswick: Il y a déjà pas mal de règles sur la gouvernance.

Le président: En ce qui concerne les caisses de retraite, si j'ai bien compris -- et je faisais autrefois partie du conseil d'investissement des pensions du CN -- il y a toutes sortes de règles sur où et comment investir mais je n'en connais aucune qui s'appliquerait à ce qu'on appelle aujourd'hui «la gouvernance». Je ne connais en particulier aucune règle sur comment et pourquoi voter par procuration, par exemple. Aucune des règles actuelles concernant les caisses de retraite ne porte là-dessus.

M. Beswick: La règle la plus importante qui s'applique à nous est la prudence. Il existe par exemple en Ontario des règles de prudence s'appliquant non seulement aux investissements mais à la manière dont l'entité est gérée. Les critères de reddition de comptes n'ont peut-être pas fait l'objet de beaucoup de publicité mais, croyez-moi, il y a déjà beaucoup de règles.

Le sénateur Angus: À ce sujet, le responsable des investissements du CN, Tulio Cedrashi, est venu nous exposer ses 18 règles sur la manière dont les conseils des sociétés devraient être gérés, ainsi que les critères à prendre en considération pour veiller à ce qu'ils fassent un bon travail. Cela dit, il a les pleins pouvoir. Comment les adhérents au régime de pension du CN sont-ils protégés?

Le sénateur Meighen: M. Dimma dit qu'ils devraient tous être traités de la même manière.

Le président: Vous étiez présent lorsque M. Dimma nous a répondu. Il a répondu à cette question en ce qui concerne non seulement les conseils de sociétés mais aussi les fonds communs de placement.

Si l'on examine l'évolution des règles de responsabilité, et l'évolution de la société dans son ensemble, dans toutes sortes de domaines, depuis 20 ans, on constate que ces règles, bien qu'elles aient été formalisées, n'ont pas nécessairement été établies de manière tout à fait explicite. Elles sont assez souples et elles s'appliquent à toutes sortes d'institutions. Il y a 20 ans, les membres des conseils des hôpitaux et des écoles étaient tous nommés. On peut dresser toute une liste des avantages qu'ont tirés les actionnaires du processus de responsabilité, quels qu'ils soient.

Je ne veux pas dire que vos lignes directrices ne sont pas bonnes. Je dis simplement que les lignes directrices doivent avoir un minimum de rigueur pour être efficaces -- et, dans le cas du rapport Day, leur vigueur vient de la vindicte publique plutôt que de la loi. Écoutez, on ne peut pas laisser des gens qui gèrent des choses aussi importantes que des caisses de retraite fonctionner avec les mêmes règles qu'il y a 30 ou 50 ans, alors que toutes les autres institutions sont en train de changer. Voilà ma question.

M. Beswick: Je suis d'accord. Je ne vous conteste pas, monsieur le président. Sachez cependant qu'il y a aussi beaucoup de changements dans notre propre secteur. J'examinais il y a quelques jours le rapport annuel de la caisse de retraite des enseignants de l'Alberta. Deux pages du rapport sont consacrées à la gouvernance. Pour ce qui est de notre propre institution, je puis vous dire que nous sommes beaucoup plus sensibles au gouvernement d'entreprise. On en parle beaucoup plus dans notre propre rapport. Si vous examinez le rapport annuel du fonds des enseignants de l'Ontario, vous y trouverez deux ou trois pages sur la gouvernance. Je ne sais pas si c'est la peur de la vindicte publique qui produit cet effet mais il est clair que l'on est beaucoup plus sensible à cette question et que l'on en rend beaucoup mieux compte.

Le président: La question est de savoir si l'on peut accélérer ou non cette évolution.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous remercie de m'avoir donné une copie en français. Dans votre rapport, vous dites qu'une large part des régimes de retraite sont dénués de régime stratégique pour le régime de retraite. Si les personnes n'ont pas établi de stratégie sur le régime de retraite, cela ne me semble pas très positif. Est-ce bien traduit? Je ne comprends pas l'esprit de cette phrase. Comment pourrait-on gérer un régime de retraite sans avoir une stratégie? Il me semble que le contraire serait d'improviser. J'aimerais qu'on m'explique ce que veut dire cette phrase mentionnant qu'il n'y a pas de régime stratégique.

[Traduction]

M. Beswick: Pour ce qui est de la gestion d'un régime de pension, du point de vue global, bon nombre d'employeurs et d'administrateurs de régimes ne se demandent pas si la stratégie de capitalisation correspond bien aux besoins des grandes entreprises. Vos agents des ressources humaines négocient des avantages pour le personnel et vous payez. Vous ne vous demandez pas comment cet argent sera investi. Vous n'avez pas de stratégie de gestion des excédents. Rien de tout cela n'existe. Il est fort rare que les administrateurs des caisses de retraite, sauf si ceux-ci sont très gros, prennent du recul pour analyser les résultats qu'ils obtiennent avec leur régime de pension.

Le sénateur Austin: Avez-vous une stratégie de financement?

M. Beswick: Par exemple, oui.

Le sénateur Austin: Chaque régime doit en avoir une.

M. Beswick: Pas nécessairement, on peut réagir aux besoins de financement du régime.

Le sénateur Austin: Il faut une stratégie de marketing.

M. Beswick: Je ne comprends pas.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je n'ai pas encore compris. Pouvez-vous nous donner une explication plus précise sur cette allégation et comment elle peut s'appliquer dans la réalité? C'est abstrait. La lecture de cette phrase porte à croire qu'une large part des régimes de retraite sont improvisés. Quand vous écrivez qu'ils sont dénués de régime stratégique, cela veut dire que c'est improvisé. Comment peut-on avoir un régime de retraite improvisé? Je sais pas ce que cela veut dire. C'est pour cela que je vous pose la question.

[Traduction]

M. Beswick: Par exemple, je m'occupe de régimes de pension pour lesquels on a créé un comité d'investissement qui fait ce qu'il peut. Il y a aussi un comité de pension qui établit en quelque sorte les prestations, qui discute avec l'actuaire et qui fixe la stratégie de capitalisation. Les deux comités ne se parlent pas. Chez nous, par exemple, à OMERS, nous avons une stratégie d'investissement clairement établie, une stratégie de gestion de l'excédent et des objectifs de capitalisation. Nous discutons de tout cela. Dans bien des régimes, on se contente de réagir et on n'analyse pas attentivement les besoins et objectifs du régime global.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: C'est un peu plus clair. Autrement dit, ils ne font pas très bien leur travail. Vous mentionnez au point 8, à la dernière phrase qu'en ce même groupe, 40 p. 100 des fonds les plus grands ont tenté d'influencer les sociétés dans lesquelles elles investissaient pour toutes sortes de raisons et les résultats ont été mitigés. Notre témoin précédent nous disait combien il y avait peu de gens qui prenaient des décisions et qui étaient impliqués. C'était très concentré. Une grande partie des décisions sont prises par un très petit groupe. Comment se fait-il que ces gens qui sont si peu nombreux ne peuvent pas avoir au moins une influence? Je pense à certains désastres de certaines entreprises. Ils pourraient demander des comptes lorsqu'une entreprise a des pertes de revenus pour reporter les augmentations de salaire à l'année prochaine ou donner des directives aux entreprises qui ne servent pas bien les intérêts des actionnaires.

Vous faites partie d'une société comme OMERS. Certaines personnes nous ont dit qu'elles donnaient souvent à l'entreprise des conseils pour les aider à mieux passer à travers leurs difficultés ou à sortir d'une impasse. Je le verrais beaucoup plus de façon préventive qu'en réaction, particulièrement dans une économie qui évolue dans une société où de plus en plus l'investissement va se faire dans des sociétés de savoir: on investit de moins en moins dans le béton et la quincaillerie et de plus en plus dans des individus. Il est beaucoup plus difficile d'apprécier le risque. Vous aurez besoin de plus d'expertise, donc de mieux suivre et de mieux conseiller les entreprises.

Quant à l'évolution future de notre économie, croyez-vous qu'il y aura une correction ou allons-nous garder le statu quo? Est-ce que dans l'avenir plus de gens aideront les entreprises dans leur croissance en leur donnant de bons conseils quand ils siègent à un conseil d'administration?

[Traduction]

M. Beswick: Veuillez m'excuser, c'est une question à laquelle il me serait difficile de répondre et qui est peut-être relativement théorique. Je ne sais que répondre. Dans notre enquête, nous avons demandé à nos membres de nous dire s'ils essayaient d'influer sur les entreprises mais nous ne nous sommes pas beaucoup penchés sur la question.

Les 40 p. 100 dont il s'agit ici représentent 40 p. 100 de 15 fonds. Il y avait 15 fonds dans notre enquête, ce qui n'est pas beaucoup. Quant à savoir si ça va augmenter et si ce sera plus positif et plus utile pour les entreprises, je crains de ne pouvoir le dire.

Le sénateur Austin: Vous avez dit dans votre exposé qu'une grande proportion des caisses de retraite n'ont pas de plan stratégique. Dans votre document intitulé «Governance of Pension Plans», je vois qu'il y a un chapitre intitulé «Governance Structure» où vous dites plus ou moins ce que je pensais que vous alliez répondre au sénateur Hervieux-Payette.

Au point 4, vous dites que le comité de pension établit un plan de gestion stratégique pour l'ensemble du régime de pension, en tenant compte du passif et des engagements inhérents et des possibilités de revenu de l'actif. Cela veut dire que l'on établit des politiques et des objectifs d'investissement.

Cet élément, conjugué aux deux suivants, constituerait à mon avis une réponse très cohérente. Il faut aussi veiller à ce que le comité de pension cerne ses responsabilités, répartisse les tâches pour s'en acquitter et instaure des procédures de surveillance et de rétroaction pour assurer un contrôle. Le comité de pension doit aussi trouver le moyen de mesurer sa propre efficacité et d'en faire régulièrement rapport au conseil. Voilà ce qu'est le gouvernement d'entreprise. Comme vous dites, ça ne se fait pas.

Ensuite, vous dites que ça devrait se faire. Comment pourrions-nous y contribuer? Pourrions-nous faire quelque chose qui vous aiderait à atteindre les buts que vous avez énoncés?

M. Graham: Tout d'abord, l'exercice que vous venez de lancer est utile pour tous les investisseurs institutionnels. Il met en relief des questions qui touchent au coeur même de leurs activités. Cela ne saurait être inutile.

Vous connaissez certainement les récentes procédures établis par le BSIF et les efforts déployés pour aider les entités réglementées, dont les caisses de retraite, à comprendre les principes de bonne gouvernance. À terme, cela fera partie du processus d'inspection et d'évaluation. Ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Cela ne relève pas du contexte législatif ou réglementaire actuel. Toutefois, tous les régimes réglementés au palier fédéral et, en fait, tous les grands régimes sont sensibles à l'importance d'assurer la conformité de leurs pratiques.

Vous avez entendu les représentants de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite. Cette association est à la pointe de celles qui tentent d'aider leurs membres à comprendre l'importance de la gouvernance et d'instaurer des processus à ce sujet. Vous avez raison, sénateur. Nous essayons d'être parfaitement honnêtes avec vous. Nous avons fait enquête auprès d'une petite partie de nos membres, comme c'est toujours le cas. En fait, ce n'est pas une partie négligeable, relativement parlant. Nous vous donnons les bonnes nouvelles autant que les mauvaises.

La bonne nouvelle, c'est que les choses s'améliorent. Si nous avions fait cette enquête il y a quelques années, comme l'a dit votre dernier témoin, les réponses n'auraient sans doute pas été aussi encourageantes qu'aujourd'hui. C'est donc positif. Et si nous faisions l'enquête lorsque vous aurez conclu votre étude, dans un an ou deux, les réponses seraient encore meilleures.

Le président: L'étude a été effectuée, de manière indirecte, suite à une demande de ce comité. Nous y sommes sensibles. Nous semblons tous vouloir combler le fossé qui semble séparer la situation idéale que vous décrivez dans votre rapport de la réalité que reflète votre enquête. Que pouvons-nous donc faire pour aller plus vite, si notre objectif est vraiment de ne pas laisser le changement se produire au rythme relativement lent que l'on connaît normalement. Voilà notre question.

Le sénateur Austin: Ce document, «Governance of Pension Plans», est un bon document. Les informations que vous nous avez adressées sont intéressantes. En revanche, vous dites que seulement 40 p. 100 de vos membres ont répondu à votre enquête. Est-ce suffisant? Devrait-on faire quelque chose de plus pour imposer un degré plus élevé d'autoréglementation?

Je n'ai rien contre l'autoréglementation, mais autorégle- mentation ne veut pas dire pas de réglementation. Cela ne veut pas dire qu'on doit faire fi de la réglementation. Ça veut dire qu'on réglemente.

M. Graham: Honorables sénateurs, les régimes de pension, comme les autres entités financières, sont des entités fortement réglementées, à la différence de nombreux autres organismes institutionnels dont vous parlez, qu'il s'agisse d'entreprises cotées en bourse ayant des responsabilités à cet égard, ou de fonds communs de placement.

Le sénateur Austin: Ils sont réglementés du point de vue de leurs activités financières mais pas de la gouvernance.

M. Graham: C'est juste. Comme les autres types d'institutions financières, les régimes de pension sont réglementés à la fois en ce qui concerne le gouvernement d'entreprise et la solvabilité. Cela relève d'ailleurs du mandat de l'instance de réglementation, le BSIF. Une bonne partie du travail effectué par ce dernier au cours des dernières années a consisté à renforcer la gouvernance des banques, des sociétés de fiducie et des compagnies d'assurance, mais aussi à se demander dans quelle mesure les mêmes normes ou principes peuvent s'appliquer aux régimes de pension.

Le président a parlé de réglementation obligatoire, en demandant si cela permettrait de mettre ces questions plus en lumière. Je parle ici des obligations de rapport dans le contexte de la Bourse de Toronto. Il s'agit là en effet d'une structure de réglementation en vertu de laquelle l'instance idoine procède à l'inspection des régimes. L'inspection n'est peut-être pas aussi régulière qu'elle pourrait l'être mais elle existe. Je le sais. J'ai des clients qui viennent m'en parler. Évidemment, l'une de leurs préoccupations est de savoir s'ils ont mis en oeuvre les politiques et méthodes nécessaires, conformément à leurs documents écrits.

Notre indication qu'il n'y a typiquement pas de grands plans stratégiques ne veut pas nécessairement dire que les questions sous-jacentes d'investissement et d'administration ne font pas l'objet d'une documentation adéquate.

En fait, il s'agit d'un processus relativement dispersé ou partagé. Un groupe de professionnels s'occupe des questions d'investissement, et un autre, des questions de gestion et d'administration. Peut-être serait-il sage d'envisager cela seulement d'un point de vue plus global et unifié. C'est peut-être ce que nous devrions faire.

Le président: Je ne pense pas que quiconque autour de cette table ait recommandé des mesures obligatoires. Nous aurions plutôt tendance à recommander que l'on nous fasse une offre que nous ne pourrions pas refuser, ou à user de ferme persuasion plutôt que d'obligation.

M. Beswick: Vous avez raison de parler «d'accélération». Vous avez accéléré le processus. Sans vos audiences antérieures sur le gouvernement des entreprises et sans cette série d'audiences, des documents comme celui-ci n'existeraient pas. Même chose pour le document de la PIAC. Vos audiences publiques accélèrent le processus. Nous vous encourageons à ne pas faire un pas de plus pour ne pas figer le processus, par la réglementation.

Le sénateur Meighen: Sur un autre sujet, mais qui ne manque pas d'intérêt, nous étions saisis lors de la dernière session du projet de loi S-9 concernant les régimes de pension réglementés à l'échelle fédérale. Il s'agissait de savoir ce qu'ils pourraient faire de leurs excédents. Le projet de loi comportait un mécanisme très structuré à ce sujet. Considérant la manière dont la bourse a évolué, cette question n'est pas sans importance.

Faites-vous quoi que ce soit pour inciter vos membres à prendre des initiatives à ce sujet et à négocier des ententes?

M. Beswick: Au sujet des excédents?

Le sénateur Meighen: Oui.

M. Beswick: Nous n'avons pas sondé nos membres à ce sujet mais c'est une question qui revient de temps en temps dans les conférences. C'est une question brûlante depuis 10 ans, parce qu'il y a beaucoup de confusion en ce qui concerne les règles de propriété des excédents. Toutefois, nous ne l'avons pas réexaminée récemment.

Le sénateur Meighen: Savez-vous si beaucoup de membres ont une entente?

M. Beswick: Le CN a récemment négocié une entente avec ses syndicats sur la propriété de l'excédent. Le régime que je préside, l'OMERS, procède actuellement à la distribution de l'excédent supplémentaire à ses membres. Les régimes de pension vivent actuellement une période d'abondance. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, les cotisations doivent cesser dès que l'excédent atteint un certain niveau. En ce qui nous concerne, nous réduisons les taux de cotisation.

Le sénateur Angus: Faites-vous partie du conseil d'administration d'OMERS?

M. Beswick: Non, il n'y a pas de membres du personnel au conseil d'OMERS.

Le sénateur Angus: Deux de vos représentants ont récemment fait un excellent exposé. Mes collègues et moi-même avons été choqués de voir combien les membres de votre conseil sont mal rémunérés.

Le président: Cette remarque concerne les administrateurs, pas les employés.

Le sénateur Angus: Nous ne savons pas ce que gagnent les employés. Je suppose que leur rémunération est plus compétitive que celle des administrateurs.

Nous avons un peu poussé notre examen vers la fin. Par rapport à la gamme de rémunération usuelle des administrateurs de cette nature, même s'il est vrai que tout le monde ne peut avoir exactement la même rémunération, les vôtres semblent être vraiment au bas de l'échelle. La réponse que l'on nous a donnée semblait être qu'il s'agit quasiment d'une sorte de service gratuit, de service public.

M. Beswick: C'est un peu plus complexe que ça. Cela reflète le fait que les administrateurs ne sont pas des spécialistes. Par exemple, les administrateurs du régime de pension des hôpitaux de l'Ontario ne reçoivent aucune rémunération.

Le sénateur Angus: Ils le font par bon coeur.

M. Beswick: Dans notre cas, la rémunération de nos administrateurs est régie par le gouvernement de l'Ontario. Nous ne pourrions donc pas les payer plus même si nous le voulions.

Le sénateur Angus: À moins que la loi ne soit modifiée.

M. Beswick: Ou que nous obtenions l'autonomie.

Le sénateur Angus: Si c'était 20 000 $ par an au lieu de 10 000 $, cela améliorerait-il la qualité des administrateurs, ou est-ce quelque chose de typique pour des non-spécialistes?

M. Beswick: Je ne le pense pas. À mon avis, si c'était 50 000 $, environ, ce serait comparable à ce que gagnent certains. À ce niveau, cela n'affecterait pas le conseil. C'est un conseil composé de non-spécialistes, ce qui a à la fois des avantages et des inconvénients. Que leur rémunération soit 10 000 $ ou 20 000 $ par an, cela ne changerait rien.

Le sénateur Tkachuk: Je voudrais revenir à la question que j'ai posée au témoin précédent. Vos fonds sont-ils particulièrement militants pour ce qui est d'influer sur la gestion des entreprises? Le témoin précédent nous a dit qu'il avait perçu un degré de militantisme croissant de la part des caisses de retraite. Est-ce que vous laissez cette responsabilité à vos membres? Avez-vous des lignes directrices? Cela fait-il l'objet de contestations ou de discussions parmi vos membres? Vous demandez-vous si ce que vous faites est bien ou mal ou le faites-vous uniquement pour accroître l'actif des actionnaires?

M. Beswick: Nous avions posé quelques questions simples à ce sujet dans notre enquête et j'ai été surpris. Je pensais qu'il y en aurait plus. Il n'y en a pas beaucoup qui nous ont dit qu'ils avaient tenté d'exercer une influence.

Nous n'avons pas de lignes directrices pour nos membres. La plupart d'entre eux ne sont pas de gros régimes. On en parle de temps en temps dans les conférences mais pas de manière à produire des lignes directrices ou des règles.

Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous qu'il y a une augmentation réelle à ce chapitre ou est-ce seulement une impression superficielle, résultant du fait que cela se faisait très peu il y a quatre ou cinq ans et seulement un peu plus aujourd'hui? Y a-t-il un grand nombre de fonds qui agissent de cette manière, ou s'agit-il seulement de quelques fonds agissant auprès de nombreuses sociétés différentes?

M. Beswick: Difficile à dire. Je n'ai pas assez d'expérience pour m'exprimer au nom des autres fonds. En ce qui concerne celui que je connais bien, c'est une question de maturation et d'expansion. C'est peut-être vrai pour les autres fonds. Je ne peux pas dire qu'il y ait plus ou moins de militantisme qu'il y a cinq ans ou que c'est quelque chose qui a toujours existé mais auquel on commence seulement à s'intéresser. Quoi qu'il en soit, cela a commencé aux États-Unis, avec CalPERS et certains fonds de l'État de New York. Les accusations portées contre les entreprises ont attiré l'attention des gens. Cela dit, les gros investisseurs ont toujours eu des contacts avec les entreprises dans lesquelles ils investissent.

Le président: Je voudrais vous poser une question au sujet du taux de réponse de 40 p. 100 dont a parlé le sénateur Austin. Il y a d'excellentes lignes directrices aux pages 5 et 6 de votre rapport. Vous avez dit que le BSIF tente de surveiller un peu mieux la gouvernance, évidemment de manière assez informelle puisqu'il n'existe pas de lignes directrices concrètes. Ce n'est pas une fonction de réglementation qui lui appartienne.

Vous voudrez peut-être réfléchir un peu à ma question avant d'y répondre. Il s'agit de savoir s'il y a un modèle analogue à celui de la Bourse de Toronto, qui oblige les entreprises à fournir des informations pour dire si elles respectent les lignes directrices ou non. Ensuite, ces informations sont généralement mises à la disposition de tous les actionnaires et du grand public. Que diriez-vous si le BSIF adoptait des lignes directrices, quelle que soit leur forme ultime, instaurant un processus similaire dans votre cas? Autrement dit, vous auriez l'obligation ou le devoir de demander à chaque caisse de retraite réglementée par le BSIF de déposer un rapport annuel au Bureau pour indiquer dans quelle mesure elle respecte les lignes directrices, et ce rapport serait mis à la disposition de tous les adhérents. Je ne doute pas que certaines personnes présentes dans cette salle trouvent cette idée assez intrigante.

Le sénateur Austin: Et les fonds qui ne le feraient pas seraient obligés de l'indiquer dans les rapports qu'ils adressent à leurs membres.

Le président: En vertu du règlement, ils seraient obligés de produire un rapport.

Le sénateur Austin: Ou de dire: «Cette année, nous n'en produisons pas».

Le président: Je songe à un mécanisme qui comprendrait un certain degré d'encouragement musclé, sans aller jusqu'à la force brute. Cela est une solution mais il y en a peut-être une douzaine d'autres auxquelles nous n'avons pas encore pensé.

Si vous pouviez penser à des méthodes qui nous permettraient d'accomplir cet objectif par la persuasion, nous vous en serions reconnaissants.

M. Beswick: Le rapport pourrait peut-être être adressé aux membres des régimes au lieu du BSIF, par exemple.

Le président: Vous voyez de quoi nous parlons.

M. Beswick: Notre comité de promotion sociale et de relations gouvernementales va bientôt se réunir et nous l'inviterons à se pencher sur cette question. Nous vous enverrons la réponse.

Le président: J'aimerais engager un dialogue à ce sujet pour nous permettre d'atteindre nos objectifs mutuels.

M. Beswick: Nous serons très heureux de reprendre contact avec vous.

Le président: Merci d'être venus témoigner ce soir et d'avoir fait l'enquête. Nous avons eu ainsi les premières données jamais produites sur cette question.

La séance est levée.


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