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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 18 - Témoignages du 7 mai 1998


OTTAWA, le jeudi 7 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 h 05 afin d'examiner la situation du régime financier du Canada (le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour, madame Eastman. Je vous en prie, vous pouvez commencer.

Mme Jan Eastman, présidente, Fédération canadienne des enseignantes et enseignants: Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui et de participer à cette consultation.

La Fédération canadienne des enseignantes et enseignants regroupe 13 associations provinciales et territoriales de l'enseignement qui, à leur tour, représentent 245 000 membres de la profession enseignante dans les écoles élémentaires et secondaires financées par les fonds publics de l'ensemble du Canada.

Lors de la conférence sur les régimes de pension du secteur public de 1997, nous avons appris que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce avait l'intention d'étudier le rôle des investisseurs institutionnels relativement à l'administration des régimes de pension et au fonctionnement des marchés financiers pour prolonger le travail qu'il avait déjà entrepris au sujet des institutions gouvernementales. Étant donné que les fonds et les régimes de pension constitués à l'intention du personnel enseignant du Canada représentent collectivement une partie importante de l'ensemble des actifs des régimes de pension du secteur public du Canada, la FCEE et ses organisations membres considèrent qu'il est de leur devoir de participer à cette consultation.

Nous vous avons remis des exemplaires de notre mémoire. Il porte principalement sur le cadre juridique régissant le fonctionnement des régimes de pension au Canada et sur le concept de la responsabilité fiduciaire qui s'applique à l'intérieur de ce cadre. À notre connaissance, cette consultation vise notamment à déterminer comment sont régis les investisseurs institutionnels. Les régimes de pension des enseignantes et des enseignants sont régis en parfaite conformité avec les cadres législatifs fédéraux et provinciaux actuels, et les responsables de leur administration exercent la responsabilité fiduciaire prévue par la loi.

Après avoir reçu des documents d'information établis en préparation de votre première série d'audiences et après avoir examiné des dépositions de témoins experts, nous avons eu l'impression que, d'après certaines personnes, les investisseurs institutionnels, en particulier les régimes de pension du secteur public tels que ceux qui sont constitués à l'intention des enseignantes et des enseignants, peuvent compromettre, d'une façon ou d'une autre, l'administration des sociétés canadiennes.

Il nous semble que ces préoccupations reflètent en premier lieu une hypothèse selon laquelle les personnes responsables de l'investissement et de l'administration des régimes de pension du secteur public ne posséderaient pas la compétence ou les connaissances appropriées pour prendre les décisions qu'on attend d'elles et qu'elles ne savent pas en quoi consiste leur responsabilité fiduciaire. Notre étude de l'administration des régimes de pension des enseignants et enseignantes révèle que cette crainte est sans fondement.

Deuxièmement, certains ont dit que les décisions relatives aux investissements peuvent être soumises à des pressions politiques et que les représentants syndicaux peuvent utiliser leur pouvoir et leur influence au détriment des intérêts de leurs membres. Là encore, en ce qui concerne les régimes des enseignantes et enseignants, nous considérons que cette opinion est tout à fait sans fondement.

Enfin, des craintes ont été exprimées au sujet de l'influence que les grands investisseurs institutionnels peuvent exercer sur la gestion des sociétés dans lesquelles ils investissent. À notre avis, si un investisseur quelconque cherche à améliorer les résultats de la société et si les mesures qu'il prend s'avèrent rentables pour cette société et cet investisseur, tout le monde y gagne.

Le président: Nous avons entendu des avis divergents au sujet de ce que devrait être la composition du conseil d'administration d'un fonds de pension. Certains se demandent notamment si ces conseils d'administration devraient être composés de profanes représentant les personnes dont le fonds gère la pension ou s'ils devraient être composés de professionnels -- des spécialistes de la gestion financière.

Notre comité connaît bien le conseil d'administration du Fonds de pension des enseignantes et enseignants de l'Ontario, qui est principalement composé de professionnels. En va-t-il de même dans l'ensemble du pays ou les caractéristiques des membres des conseils d'administration sont-elles variables?

Mme Eastman: Elles varient d'un endroit à l'autre. En général, les personnes qui font partie de ces conseils sont soit des employés compétents et expérimentés qui travaillent pour l'organisation, soit des enseignants appartenant à un comité de pension, qui ont acquis une connaissance approfondie des questions dont ils traitent.

M. John Staple, directeur, Services économiques, Fédération canadienne des enseignantes et enseignants: La réponse de Mme Eastman est correcte. La situation de l'Ontario est unique à plusieurs égards. La Saskatchewan Teachers' Federation possède et gère le nouveau régime de pension du personnel enseignant de cette province. Les autres régimes d'enseignants du Canada sont, dans l'ensemble, contrôlés dans une large mesure par le ministère de l'Éducation et le Conseil du Trésor de la province concernée. Les gouvernements de ces provinces exercent une influence considérable sur le fonctionnement de ces plans et les investissements qu'ils réalisent.

Il y a, au sein des conseils d'administration, des représentants du personnel enseignant qui donnent leur avis sur les investissements ou les réalisent eux-mêmes. Dans l'ensemble, ce sont des personnes qui ont déjà acquis une bonne expérience de ces domaines ou ont exercé des responsabilités à cet égard avant leur nomination. C'est, en fait, une condition requise pour leur nomination.

Le président: Vous dites que les gouvernements provinciaux exercent une influence sur ces investissements. Pouvez-vous m'expliquer brièvement de quelle manière ils le font?

M. Staple: L'influence sur les investissements prend la forme d'un contrôle. À ma connaissance, dans la plupart des cas, la participation des représentants du gouvernement et le contrôle exercé par le ministère de l'Éducation et le Conseil du Trésor sont tels que ce sont eux qui, en fait, contrôlent la façon dont sont réalisés les investissements.

Les politiques suivies et les différents types d'investissement pratiqués sont choisis en collaboration avec les groupes d'employés, en particulier les groupes d'enseignantes et d'enseignants, mais les ministères concernés exercent un contrôle considérable.

Le président: Pouvez-vous me dire pourquoi la situation n'a pas évolué de la même façon en Ontario et dans les autres provinces? Pourquoi le régime des enseignantes et enseignants de l'Ontario a-t-il apparemment une structure tout à fait différente pour ce qui est de ses modalités d'administration et de la composition du conseil d'administration par rapport à un grand nombre d'autres régimes du secteur public? Peut-être pourriez-vous nous aider en nous retraçant l'historique de cette question.

M. Tom Ulrich, secrétaire général adjoint, Association des enseignants du Manitoba: Le Manitoba est probablement un bon exemple de l'influence du gouvernement sur les investissements, même si je ne veux pas laisser entendre qu'il utilise cette influence de façon inappropriée. Notre comité d'investissement est toutefois composé des trois personnes désignées dans la Loi sur la pension de retraite des enseignants, dont une est le président du conseil d'administration du régime de pension des enseignants, qui est nommé par le gouvernement, généralement en vertu de sa compétence en matière d'investissements financiers.

Le président: Il s'agit parfois d'un employé du gouvernement, comme je sais que c'est le cas en Nouvelle-Écosse.

M. Ulrich: Au Manitoba, on ne procède pas ainsi. Le président est choisi par le monde des affaires. Le deuxième membre du conseil est le sous-ministre des Finances de la province, et le troisième, un représentant des enseignants, poste que j'occupe actuellement au Manitoba.

Si un vote devait avoir lieu, les deux personnes nommées par le gouvernement sont majoritaires. Cela dit, je peux toutefois dire que depuis que je fais partie du conseil -- depuis cinq ou six ans maintenant --, il n'y a jamais eu, dans un vote, deux voix contre celle du représentant des enseignants.

Je voudrais parler de la situation de l'Ontario, parce que je la connais assez bien, vu nos rapports avec l'ensemble du Canada. Si on examine comment les choses ont évolué, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario voulait essayer de restructurer le régime de pension pour que son efficacité et sa gestion soient meilleures qu'elles ne le sont traditionnellement. Elle voulait en particulier que la gestion des investissements se fasse de façon plus moderne, en toute indépendance par rapport au gouvernement.

M. Staple: Ce que M. Ulrich dit au sujet de l'Ontario me paraît correct. En outre, dans les différentes provinces représentées au sein de notre organisation, diverses choses évoluent différemment. Je n'ai jamais pu comprendre exactement pourquoi. C'est peut-être parce que chaque province a une culture très différente et adopte des méthodes différentes. Relativement à ce qu'a dit M. Ulrich, une chose qui est commune à toutes les provinces est que c'est à l'instigation des associations et des syndicats d'enseignants qu'une grande partie, sinon la totalité, des changements positifs ont été apportés au régime de pension des enseignants. Ces groupes ont joué un rôle de catalyseur, principalement en ce qui concerne la mise en place d'une structure de fonctionnement plus responsable et plus représentative. En fait, ils ont joué un rôle de catalyseur dans les cas où ces régimes de pension étaient sous-capitalisés.

Le sénateur Oliver: Quelques-uns des groupes qui sont intervenus devant notre comité nous ont dit que, quand on insiste sur l'importance d'une bonne administration des fonds de pension, il faut entendre par là que ces fonds de pension donnent de bons résultats. Or, dans votre mémoire, je remarque que vous ne dites rien au sujet des résultats obtenus par les différents fonds de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants. Si vous avez étudié cette question, pourriez-vous nous dire quels sont les résultats qu'obtiennent les différents groupes d'enseignants? Pouvez-vous nous dire comment ils se situent par rapport aux autres fonds de pension?

M. Staple: Nous avons effectué des comparaisons assez détaillées des régimes de pension des enseignants de tout le pays. J'ai quelques exemplaires d'un document que je peux remettre au comité et qui pourrait contribuer à répondre à certaines des questions que vous avez soulevées. Vu les questions et les préoccupations soulevées par votre comité, nous ajouterons un chapitre sur l'administration à notre brochure cet automne.

À un moment ou l'autre, tous les régimes de pension des enseignants de l'ensemble du pays ont eu des difficultés en matière de capitalisation, et ils ont dû essayer de les régler. À deux exceptions près, mais surtout une, ces questions ont été réglées de façon satisfaisante. Au Canada, nos régimes de pension des enseignants sont, dans l'ensemble, capitalisés de façon adéquate -- aussi bien que ceux des autres syndicats du secteur public. C'est seulement à Terre-Neuve et, dans une certaine mesure, en Alberta que la capitalisation de ces régimes pose de gros problèmes.

Le sénateur Oliver: Est-ce parce que la rentabilité de l'argent investi n'est pas bonne ou à cause des contributions? Quel est le problème?

M. Staple: Je peux parler spécifiquement de Terre-Neuve. Je ne pense pas que cela soit dû aux résultats obtenus par le fonds, mais plutôt au fait qu'on ne s'est pas suffisamment penché sur les problèmes concernant le passif non capitalisé.

M. Ulrich: Au Manitoba, nous avons eu à nous pencher sur cette question dès les années 70, quand nous nous sommes retrouvés avec un passif non capitalisé. Nous avons alors décidé de faire deux choses, en particulier de déterminer clairement qui était responsable de quoi dans le contexte de notre régime de pension. Vous ne savez peut-être pas qu'au Manitoba, nous avons un régime de pension semi capitalisé. La part des employés est capitalisée. Le gouvernement a choisi de ne pas capitaliser sa moitié, mais de verser la moitié de la pension à même la masse salariale. Nous avons relevé la contribution des enseignants à un niveau permettant de financer de façon satisfaisante toutes les dépenses futures et nous avons ensuite réglé le problème du passif non capitalisé grâce aux profits réalisés sur les investissements. Au milieu des années 80, le fonds était entièrement capitalisé et avait un bilan excédentaire.

Nous avions des inquiétudes au sujet du rendement des investissements au début des années 90. Au cours des années 80, les régimes de pension, surtout les plus gros, investissaient beaucoup dans les prêts, à cause des taux d'intérêt, mais ce n'était plus un secteur très approprié quand les années 90 ont commencé, et on a lentement changé d'orientation. C'est à cause des énormes quantités d'argent qu'il fallait alors investir dans le marché boursier. Quand on essaie de changer la structure d'un régime de pension dans un marché en hausse, il est toujours difficile de s'en tirer aussi bien que ceux qui ont pris la même décision plus tôt.

Le rendement de nos investissements au début des années 90 serait certainement inférieur à la moyenne si on le comparait aux résultats obtenus, dans l'ensemble, par les fonds mutuels.

Le sénateur Oliver: Avez-vous ces chiffres devant vous? Pouvez-vous nous donner des exemples?

M. Ulrich: Au Manitoba, pendant les années 90, nos résultats ont été supérieurs à la moyenne en 1994, quand les marchés boursiers ont connu un fléchissement. Nous étions à -0,2 alors que tous les autres étaient à -0,4. Les marchés des valeurs mobilières se sont redressés depuis lors, et nous nous situons dans le troisième ou le quatrième quartile, ce qui veut dire que nous sommes à 200 ou 300 points de base en dessous du fonds médian, ce qui nous préoccupe.

En 1997, nous sommes finalement parvenus à avoir un fonds relativement équilibré, composé de 50 p. 100 de valeurs mobilières et de 50 p. 100 de prêts. Depuis ce moment-là, nos résultats se situent à un niveau médian, qui était d'environ 15 p. 100 l'année dernière.

Le sénateur Oliver: Pour ce qui est de votre structure administrative, y a-t-il quelque chose que vous auriez pu faire différemment et qui aurait pu vous aider à vous tourner plus tôt vers les valeurs mobilières? En d'autres termes, y a-t-il d'autres éléments liés à l'administration des fonds qui vous ont empêchés d'obtenir de meilleurs résultats?

M. Ulrich: Oui. La structure de gestion du conseil d'administration du régime de pension était axée presque exclusivement sur les prestations et elle ne met l'accent que depuis peu sur le rendement des investissements. Quand les marchés boursiers ont connu une grande animation au cours des années 90, les gens ont commencé à se soucier de la répartition et de la sélection des actifs et des choses de ce genre. On ne s'en souciait pas pendant les années 80 et, vu la taille de ces fonds, ils n'ont réagi qu'avec lenteur. Comme certains chiffres récents du régime de pension des enseignants de l'Ontario le montrent, la réaction a cependant été tout à fait remarquable.

Le sénateur Oliver: Vos problèmes sont-ils dus en partie au manque d'expérience, de compétence ou de connaissances de certains des fiduciaires?

M. Ulrich: C'est moins cela qui est en cause que la nécessité de changer ce sur quoi on mettait l'accent. Quand on a toujours mis l'accent principalement sur une question au niveau du conseil d'administration et qu'on constate soudain qu'il faut se tourner vers un autre domaine, il y a énormément de choses à apprendre.

Un des problèmes auxquels nous avons dû faire face au Manitoba est le fait que notre loi ne confie pas spécifiquement la responsabilité des investissements au conseil d'administration du fonds de pension, mais au comité d'investissement.

Le sénateur Oliver: Qui contrôle ce comité?

M. Ulrich: Le gouvernement.

Le président: Je n'ai pas posé de question au sujet du comité d'investissement auparavant parce que je pensais qu'il ne faisait qu'un avec le conseil d'administration. Pouvez-vous me dire en quoi la composition de ce comité est différente de celle du conseil?

M. Ulrich: J'ai expliqué que le comité d'investissement est composé du président du conseil d'administration, nommé par le gouvernement, du sous-ministre des Finances et du représentant des enseignants. Le conseil d'administration du régime de pension des enseignants est lui-même composé de sept personnes, dont trois sont nommées par l'organisation des enseignants. Deux sont nommées par l'organisation des commissaires d'école. Le président et un représentant des citoyens sont nommés par le gouvernement et sont généralement choisis dans le monde des affaires.

Le sénateur Oliver: Dans votre mémoire, la principale partie qui porte sur les préoccupations du gouvernement que nous étudions concerne ce que vous appelez la responsabilité fiduciaire. Vous définissez, en fait, ce que sont à votre avis les obligations fiduciaires et vous parlez de la possibilité que certaines personnes agissent par intérêt personnel ou en adoptant un point de vue tendancieux. J'aimerais savoir si c'est un problème que vous avez constaté au Canada.

Mme Eastman: Absolument jamais.

Le président: Vous mentionnez quelques cas où se sont posés des problèmes actuariels en matière de passif non capitalisé pour certains régimes de pension. Lorsque cela arrive, qui en est responsable et qu'arrive-t-il à la personne qui est responsable? Des sanctions sont-elles prises à l'endroit des personnes qui gèrent le fonds quand il connaît des difficultés? Je cherche à savoir s'il existe un mécanisme d'imputabilité stipulant qui devrait rendre des comptes quand les choses tournent mal.

Deuxièmement, quand il y a un comité d'investissement qui est contrôlé non pas nécessairement par des représentants du gouvernement, mais tout au moins par des personnes nommées par le gouvernement, y a-t-il des règles implicites ou explicites concernant le type d'investissement qu'on doit effectuer avec le fonds de pension? Je ne sais pas ce qui se passe en Nouvelle-Écosse aujourd'hui, mais je sais quelles étaient les règles au début des années 70. Elles ont peut-être changé depuis. Toutefois, dans les provinces atlantiques, de fortes pressions étaient exercées auprès des fonds de pension publics pour les inciter à investir, premièrement, dans les obligations de leur province et, deuxièmement, dans les obligations municipales. On partait du principe que si on investissait dans des valeurs mobilières, il fallait le faire dans la province. J'essaie de savoir dans quelle mesure il est établi implicitement ou explicitement qu'il faut réinvestir localement, ce qui a évidemment des répercussions importantes sur le taux de rendement potentiel.

M. Ulrich: Nous avons été confrontés à cette question il y a environ deux ans. En fait, au Manitoba, certains ont tenté de créer un fonds d'investissement, le Manitoba Capital Fund, par l'entremise duquel on espérait que tous les principaux régimes de pension du secteur public investiraient une partie de leurs avoirs sous forme de capitaux à risque dans des domaines auxquels les banques ne s'intéressaient pas.

Le président: Au Manitoba?

M. Ulrich: Oui. Nous avons rejeté cette initiative. Il est certain que les représentants du gouvernement au sein du comité d'investissement étaient d'avis que, pour qu'ils soient prêts à décider de placer de l'argent dans ce fonds, il fallait que ce soit commercialement justifié. Il ne suffisait pas que ce soit politiquement justifié.

Une initiative identique a eu lieu en Ontario et, à ma connaissance, les enseignants de l'Ontario ont dit eux aussi que ce fonds n'était pas commercialement viable pour y investir des actifs du fonds de pension des enseignants. C'est une source de préoccupation.

Cela dit, il est tout à fait clair que, pendant les années 70 et 80, surtout quand les taux d'intérêt étaient extrêmement élevés, les obligations publiques étaient un excellent investissement. Beaucoup d'actifs y ont été investis à long terme, et c'est pourquoi nous avons eu du mal à changer d'orientation au cours des années 90 et à nous mettre à investir dans les valeurs mobilières assez rapidement pour avoir un taux de rendement concurrentiel. C'est un problème constant pour les régimes de pension. Ce sont des sources importantes de capitaux, et la population concernée souhaite qu'une partie de cet argent soit investie dans la province.

Au Manitoba, la part du gouvernement étant non capitalisée, nous n'avons pas de problème à cet égard. En fait, 50 p. 100 de l'ensemble du fonds sont investis dans les actifs de la province, ainsi qu'environ 12 p. 100 du reste.

C'est une question dont on discute dans tout le pays. Je ne connais toutefois aucun régime de pension qui ait adopté cela comme principe; aucun d'entre eux ne veut que ses investissements soient déterminés en fonction de critères géographiques.

M. Staple: Si vous m'aviez posé cette question il y a 10 ans, elle m'aurait posé plus de problème qu'aujourd'hui.

Le président: D'après ce dont je me souviens de l'époque où j'étais membre du gouvernement de la Nouvelle-Écosse pendant les années 70, c'aurait été une bonne décision à l'époque, mais ce n'est peut-être pas le cas aujourd'hui.

M. Staple: Dans l'Est, on considère généralement que, pour financer les régimes de pension, on perçoit des cotisations auprès des employés et on verse les prestations à même les recettes courantes. Pendant longtemps, beaucoup de ces provinces n'avaient pas de fonds, ce qui est la raison pour laquelle le passif non capitalisé a été une source de difficultés au cours des années 80 et 90. Pour ce qui est de la gestion et de la mise en place d'un régime de pension, ce qui est le plus important pour les employés est de savoir quelles prestations le plan pourra verser. C'est seulement quand la structure a été mise en place de façon assez stable que les employés commencent à réfléchir à la façon de financer le régime et à l'influence qu'ils peuvent exercer à cet égard. C'est ce qui se passe depuis le milieu des années 80. Pour ce qui est de l'administration des fonds, la participation des représentants des employés a été la cause de certains des changements intervenus au niveau du gouvernement.

Le président: Je suis particulièrement étonné par le fait que, d'après ce que vous avez dit, vos résultats se sont situés pendant longtemps dans le troisième ou le quatrième quartile. En ce qui concerne beaucoup de régimes du secteur privé, mon instinct me dit qu'un groupe d'investissement qui serait dans le quatrième quartile pendant deux, trois ou quatre ans ne survivrait pas très longtemps. Y a-t-il un mécanisme d'imputabilité correspondant dans le secteur public en général et dans vos régimes en particulier?

M. Ulrich: Premièrement, il y a la question de la responsabilité, et elle a été réglée de diverses façons lorsqu'on a constaté qu'il existait un passif non capitalisé. Actuellement, l'exemple le plus radical est probablement celui de l'Alberta; n'importe quel observateur objectif dirait que ni le gouvernement ni les enseignants ne finançaient le régime de façon satisfaisante au vu des prestations promises. De ce fait, les deux parties se sont entendues sur un système qui fait qu'elles paient maintenant des contributions beaucoup plus élevées aux pensions et elles versent donc de quoi couvrir les futures prestations en payant pour les erreurs commises dans le passé.

Lorsqu'un régime de pension est régi par une loi gouvernementale, on peut se demander s'il est approprié de faire payer les erreurs du passé par les futurs employés. C'est pourtant ce qui se passe pour le moment en Alberta.

Au Manitoba, nous sommes parvenus à maîtriser la situation un peu plus rapidement. De ce fait, étant donné que le passif non capitalisé représentait une part beaucoup plus petite de l'ensemble des actifs, le gouvernement a accepté la responsabilité de la sous-capitalisation antérieure. Nous avons conclu un accord au terme duquel les enseignants assument totalement la responsabilité de 50 p. 100 de tout le futur passif non capitalisé, ce qui correspond à leur part des engagements pris relativement aux pensions à verser.

Pour ce qui est de ce qui se passe quand on constate l'existence d'un passif non capitalisé, on s'est maintenant entendu dans la plupart des cas sur la façon de faire face aux problèmes à l'avenir; mais les problèmes hérités du passé, quand une partie exerçait un contrôle absolu sur la structure du fonds et les contributions à celui-ci, sont toujours difficiles à régler.

C'est un sujet de préoccupation en ce qui concerne les investissements. En 1994, au Manitoba, nous avons créé notre propre société de gestion des investissements, une organisation autonome, indépendante, mais qui appartient entièrement au régime de pensions des enseignants. Elle avait pour tâche d'adapter nos investissements aux années 90, et nous nous attendions à ce qu'elle n'obtienne pas de très bons résultats pendant la période de transition. Il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce qu'on puisse gérer cela autrement. Nous avons maintenant atteint l'équilibre requis.

Le président: C'est parce qu'il y avait un grand nombre de placements bloqués à long terme?

M. Ulrich: C'est exact. Nous sommes parvenus à équilibrer notre fonds en juin 1997. Si, pendant un cycle économique, le fonds obtient des résultats inférieurs à la moyenne du marché, nous nous efforcerons de le gérer autrement. C'est comme cela qu'il faudra procéder à l'avenir.

Le sénateur Stewart: Pourriez-vous comparer les modalités prévues pour le versement des prestations de pension des professeurs d'université au Canada avec celles qui s'appliquent au niveau des écoles primaires et secondaires? À ma connaissance, dans les universités, l'université et les employés versent généralement leurs contributions à un fonds géré par des professionnels, et les prestations sont calculées en fonction des résultats du fonds.

Dans le cas des enseignants des écoles primaires et secondaires, je suppose que le gouvernement provincial, au moins dans certaines provinces, est directement responsable de faire en sorte que les enseignants puissent recevoir des prestations, qu'il existe ou non un fonds. Je présume que cela expliquerait pourquoi, dans certaines provinces, le gouvernement est associé aussi étroitement à la gestion du programme, n'est-ce pas? Ma comparaison est-elle valable et ma conclusion est-elle juste?

M. Staple: Je ne peux pas réellement parler de la façon dont les régimes de pension des professeurs d'université sont structurés. J'ai l'impression que cela doit varier d'une province à l'autre. Je sais qu'à Terre-Neuve, par exemple, le régime de pension de l'université est structuré comme les autres régimes du secteur public. Le montant des prestations est prédéterminé, et le gouvernement accorde les mêmes garanties.

Je comprends le sens général de votre question. Les garanties relatives à ces régimes de pension ne rassurent pas beaucoup les membres des régimes de pension des enseignants à l'heure actuelle quand ils constatent les problèmes liés au passif non capitalisé. Voilà pourquoi des mesures ont été prises à cet égard dans tout le pays, comme l'a indiqué M. Ulrich au sujet du Manitoba. Suite à des négociations entre les parties, des modifications ont été apportées à la gestion et aux prestations, les taux de contribution ont été augmentés, et le gouvernement ou l'employeur a versé des contributions spéciales pour couvrir des montants considérables de passif non capitalisé qui n'auraient pas pu être compensés simplement par les prestations et les augmentations des contributions. Dans toutes les provinces où le problème s'est posé, il y a eu des négociations de ce genre et on a pris diverses mesures de ce genre pour régler les problèmes posés par le passif non capitalisé.

Je viens de revenir de Terre-Neuve où on s'est penché pendant plusieurs années sur la question du passif non capitalisé du régime de pension. Le gouvernement a garanti qu'il assumerait les obligations du passif non capitalisé d'un régime qui est probablement capitalisé bien en dessous de 20 p. 100, mais cela rassure peu les enseignants de Terre-Neuve, qui font de gros efforts pour trouver une solution au problème en tenant compte des trois éléments que je viens d'indiquer. Ils se rendent tout à fait compte que, vu la situation actuelle, le gouvernement ne pourra pas remplir ses obligations, quelles que soient les garanties qui figurent dans la loi.

Chaque fois qu'un passif non capitalisé a posé des problèmes, la notion de garantie n'a pas été prise en considération dans le cadre des négociations visant à trouver des solutions.

M. Ulrich: Il faut examiner les conditions dans lesquelles la plupart de ces régimes de pension ont été fondés. À cette époque, l'idée générale était que l'employeur veillait de façon paternaliste à l'avenir de ses employés. Il s'attendait à ce que les employés fassent une contribution et, en contrepartie, il leur garantissait une certaine prestation et était prêt à payer tout ce qu'il faudrait pour qu'il en soit ainsi.

Pour être franc, c'est maintenant complètement dépassé. Aujourd'hui, on demande aux deux parties d'assumer la responsabilité du financement futur des pensions. Le concept ancien a bien marché tant que, des années 20 aux années 60, on s'attendait à une croissance constante et à une distribution démographique relativement équilibrée. L'effroi suscité par le départ à la retraite des baby-boomers a forcé tout le monde à examiner très sérieusement de combien d'argent devraient disposer tous les régimes de pension pour assurer les prestations nécessaires. En conséquence, nous avons maintenant un état d'esprit tout à fait nouveau, et c'est en vertu de principes nouveaux qu'on examine le financement des régimes de pension et qu'on détermine qui est responsable de quoi.

Mme Eastman: Dans tout le pays, nos membres enseignants s'intéressent beaucoup à ce qu'il advient de leur régime. Ils ne sont pas passifs et ils savent très bien qui les représente et comment fonctionnent ces régimes.

Le sénateur Stewart: Cela semble vouloir dire que, si les plans étaient financés adéquatement par des contributions de l'employeur et de l'employé, le mieux serait d'avoir un comité d'investissement auquel le trésorier de la province ne serait associé ni directement ni indirectement.

M. Staple: C'est également mon avis, même si je ne sais pas s'il serait largement partagé. Nous assistons actuellement à une transition progressive dans cette direction. Le Nouveau-Brunswick, par exemple, est la dernière province à avoir créé une commission des pensions de retraite, la Société de gestion des placements du Nouveau-Brunswick. Elle s'occupe des portefeuilles de trois fonds de pension -- celui de la fonction publique, celui des enseignants et celui des juges. Elle est indépendante du gouvernement, même si elle a encore un lien avec lui, qui, je pense, diminuera au fil du temps. Je suis convaincu que c'est la tendance actuelle.

Le sénateur Kelleher: Plusieurs gestionnaires de fonds de pension nous ont parlé de ce qu'ils font quand ils ne sont pas satisfaits de leur investissement dans une société donnée. Selon certain d'entre eux, le mieux est de rencontrer le président ou la direction de cette entreprise pour leur faire part de leur préoccupation. Ils choisissent parfois d'intervenir publiquement, parce qu'aujourd'hui, dans la situation actuelle du marché, il est bien difficile de se débarrasser tout simplement de ses actions.

Que faites-vous quand vous n'êtes pas satisfaits de votre investissement dans une entreprise?

M. Ulrich: Cela dépend de la nature de l'investissement. Je peux penser à trois domaines différents à propos desquels nous agirions différemment.

Pour les valeurs mobilières traitées en bourse, nous déciderions vraisemblablement de nous en défaire. Nous pratiquons toutefois aussi des investissements directs dans des sociétés ainsi que dans l'immobilier. Dans chacun de ces cas, nous nous efforcerions très activement de faire notre possible pour améliorer les résultats de l'entreprise ou la gestion de la société immobilière. C'est ce que nous attendons de notre directeur des investissements. Si nous avons un investissement direct important dans une activité commerciale, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'une opération immobilière, nous devrions normalement siéger au conseil d'administration de celle-ci. C'est la seule façon qui nous permette de prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger les intérêts de nos prestataires.

M. Staple: La situation varie énormément d'une province à l'autre. J'ai l'impression qu'il y aurait beaucoup plus de souplesse pour les fonds gérés indépendamment du gouvernement ou sans lien avec lui. Ils pourraient beaucoup plus facilement avoir une interaction de ce genre avec les sociétés dans lesquelles ils ont investi.

De notre point de vue, toute initiative qui améliore les résultats des fonds profite à nos membres. C'est donc ce que nous devrions faire dans le cadre des limites imposées par notre responsabilité fiduciaire et la loi.

Le sénateur Kelleher: Parlons simplement des sociétés cotées en bourse, parce que nous avons entendu des préoccupations à ce sujet. Si le directeur de votre fonds va discrètement discuter avec la direction de l'entreprise dans laquelle vous avez fait un investissement dont vous n'êtes pas content, cela ne vous donne-t-il pas, en tant qu'investisseur, un avantage par rapport aux actionnaires? Deuxièmement, cela ne place-t-il pas l'entreprise dans une situation délicate, parce qu'elle pourrait vous donner des renseignements qui risqueraient de lui occasionner des problèmes relativement à la réglementation des valeurs mobilières?

M. Staple: Conscient d'un problème éventuel, tout investisseur important pourrait chercher à discuter discrètement avec les dirigeants ou le conseil d'administration de cette société pour obtenir des renseignements ou faire part de ses préoccupations ou de ses conseils. Je ne sais pas qui serait favorisé ou défavorisé s'il fait cela seulement pour améliorer les résultats de cette société. Je pense que tout le monde en bénéficie dans une certaine mesure et je ne vois donc pas comment une activité de ce genre pourrait nuire à d'autres actionnaires.

N'importe quel actionnaire devrait avoir la possibilité d'exprimer ses préoccupations de ce genre et de donner ce genre de conseils d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Kelleher: Si le directeur d'un fonds de pension s'adresse au chef d'une grande société, il entrera en contact avec lui beaucoup plus rapidement et sera écouté beaucoup plus attentivement qu'un simple actionnaire. Celui-ci ne possède peut-être que quelques centaines d'actions, mais, pour lui, cela représente un gros investissement. Est-ce que cette façon de procéder donne à une organisation ou à un groupe un avantage par rapport à d'autres actionnaires?

M. Ulrich: Nous nous attendons à ce que notre directeur des investissements visite les entreprises, y compris celles qui sont cotées en bourse, dans lesquelles nous investissons pour s'assurer que nous faisons un bon investissement à l'heure actuelle et pour l'avenir. Cela fait partie des précautions qu'il faut prendre, de l'exercice de la responsabilité fiduciaire.

Cela nous donne-t-il un avantage? Seulement si c'était au détriment de quelqu'un d'autre. Le fonds peut certainement avoir plus d'influence, comme tout groupe possédant un volume important de capital, mais je ne pense pas que cela soit unique au régime de pension des enseignants ou à n'importe quel régime de pension. C'est ce qui se passe dans le monde contemporain.

En fait, on pourrait dire que nous représentons des milliers de petits actionnaires soucieux de connaître les résultats de cette entreprise. Nous espérons pouvoir contribuer à les améliorer et, ce faisant, nous n'aidons pas seulement nos membres, mais aussi tous les autres actionnaires qui ne peuvent pas se faire entendre de la même façon parce qu'ils n'agissent pas collectivement. De nombreux petits actionnaires peuvent toutefois agir collectivement par l'entremise d'un fonds mutuel.

Le sénateur Kelleher: Et si on vous dit: «Je suis désolé, je ne peux pas vous donner ces renseignements, parce que ce sont peut-être des renseignements privilégiés, et je risquerais des ennuis.» Est-ce un problème et cela est-il déjà arrivé à quelqu'un?

M. Ulrich: Nous ne nous attendrions certainement pas à ce que l'on nous donne des renseignements privilégiés. Il nous arrive d'obtenir des renseignements à propos de choses qui se passent dans le monde des affaires, ce qui nous empêche ensuite d'effectuer des transactions avec les valeurs mobilières concernées pendant un certain temps. Nous appliquons cela de façon générale -- notre directeur des investissements ne peut ni les acheter ni les vendre, ni tirer profit de ce genre de renseignements. C'est la norme pour tous les gestionnaires d'investissement, que ce soit dans les fonds de pension ou ailleurs.

Le sénateur Kelleher: Cette pratique devient plus courante. Faudrait-il examiner les lignes directrices dans ce domaine ou les modifier?

M. Ulrich: Il faudrait me convaincre qu'il existe un problème. Ce qui se passe est à l'avantage des entreprises, pas à leur détriment. C'est à l'avantage de tous les gens qui investissent dans ces sociétés, et non pas à leur détriment. Il est évident que tous les gestionnaires d'investissement établissent une politique sur les conflits d'intérêt pour faire face à ce genre de question. Nous en avons une pour le nôtre et nous sommes convaincus qu'elle est appropriée. Il y a également les lignes directrices générales de l'AIMR pour les protocoles d'investissement qui portent sur les conflits d'intérêt. Ces questions ont été réglées, et j'espère que vous voulez bien croire que ces politiques existent.

Le sénateur Kenny: Je dois avouer que les réponses qui ont été fournies me gênent. Lorsqu'un directeur d'investissement rend visite à une entreprise, c'est un événement important pour celle-ci et cela l'inquiète réellement. Elle est sur ses gardes et souhaite faire la meilleure impression possible. Elle craint fortement qu'il ne soit pas satisfait de ce qu'il constate. La carrière et la rémunération de tous les employés de l'entreprise dépendent de la façon dont ses actions se vendent. Si les gens qui travaillent pour vous ne font pas un bon rapport à leur retour, cela crée des problèmes. À mon avis, il est hors de doute qu'il y a là des conflits évidents qu'il faut régler.

Je reconnais qu'il est rassurant de savoir que, quand un directeur d'investissement reçoit des renseignements privilégiés, il n'est pas censé vendre ou acheter les actions en cause et qu'il est censé dire à ses subordonnés de ne pas le faire tant que ces renseignements sont encore privilégiés.

Cela dit, je suis forcé de croire que, pendant la conversation, il apprendra certains renseignements auxquels d'autres gens n'ont pas accès. C'est ce à quoi le sénateur Kelleher veut en venir. Je ne pense pas qu'il soit suffisant de dire: «Si nous donnons de bons conseils et que cela améliore les résultats de l'entreprise, c'est à l'avantage de tout le monde.» Peut-être que oui, mais peut-être que non. Cela peut être seulement à votre avantage. C'est difficile à dire. Vous pouvez acheter et vendre des actions d'une façon qui n'est pas à la portée d'un investisseur ordinaire. Cela me laisse une impression de gêne. Je me demande si vous voudriez bien commenter ce que j'ai dit.

M. Ulrich: Vous sous-entendiez certaines choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord et contre lesquelles je m'objecte. Je comprends pourquoi vous dites cela. Nous contrôlons nous-mêmes ce que fait notre directeur des investissements, et je suis convaincu qu'il respecte rigoureusement ces lignes directrices. Si ce n'était pas le cas, cela aurait des conséquences graves, y compris, bien entendu, des conséquences criminelles. Je suis convaincu que les lignes directrices sont respectées.

Pour ce qui est des renseignements obtenus, est-ce que cela permet de prendre de meilleures décisions? Est-ce très différent pour les fonds de pension? C'est absolument le cas pour quelqu'un qui investit quelques milliers de dollars. Beaucoup de gens placent quelques centaines de dollars pour garantir la sécurité de leur retraite. Ce n'est pas pour eux une question sans importance, et ils s'attendent à ce que la personne qui gère cet argent, quelle qu'elle soit, utilise tous les moyens disponibles pour le protéger contre tout risque inutile et pour obtenir les meilleurs résultats possibles en acceptant certains risques raisonnables.

C'est ce à quoi s'attendent raisonnablement tous nos prestataires. Si nous ne sommes pas libres de prendre des décisions en connaissance de cause, nous ne pouvons pas nous acquitter de cette responsabilité, pas plus que ne peuvent le faire les banques ou les fonds mutuels qui imposent toutes sortes de conditions avant d'investir de l'argent, que ce soit dans notre pays ou pour aider au développement de pays du tiers monde. L'influence des capitaux de ce genre se fait sentir dans le monde entier. Ce n'est pas propre aux fonds de pension.

Le sénateur Kenny: Je ne voulais certainement pas en faire une question personnelle. Je parlais de façon générale.

M. Ulrich: Je m'objecte à une telle déclaration générale -- l'idée selon laquelle les fonds de pension pourraient fonctionner ainsi.

Le sénateur Kenny: Il existe là un conflit potentiel, et si vous ne le voyez pas, cela m'inquiète beaucoup plus. De temps en temps, notre comité a cherché à déterminer si on pouvait compter sur les gros investisseurs pour protéger les petits investisseurs qui ne sont pas associés à eux. Nous n'avons encore vu aucune preuve qu'il en est ainsi. La conclusion à laquelle j'en suis venu est que les gros investisseurs s'occupent des gros investisseurs, et que les petits investisseurs doivent s'occuper de leurs propres affaires. Voulez-vous dire qu'en fait, votre présence devrait rassurer les petits investisseurs qui ne font pas partie de votre fonds et leur donner des garanties?

M. Staple: Je ne pense pas que nous disposions de renseignements nous permettant de répondre à cette question d'une façon ou d'une autre. Nous n'avons jamais rien vu qui prouve que la façon dont les régimes de pension des enseignants pratiquent leurs investissements ait une influence négative sur les petits investisseurs.

Un témoin qui a comparu devant votre comité -- je crois que c'était M. MacIntosh -- a signalé que son étude des sociétés dont une forte proportion du capital appartenait à des investisseurs institutionnels montrait qu'elles avaient un taux de rendement supérieur aux autres. C'est le genre de preuve dont nous parlons. Nous n'en connaissons aucune qui prouve le contraire.

M. Ulrich: Je comprends votre préoccupation au sujet des risques de conflit, mais il faut évaluer cela dans le contexte de l'énorme potentiel de synergie qui existe. La collaboration entre les deux parties peut servir au mieux les intérêts des deux.

Le sénateur Hervieux-Payette: À l'heure actuelle, il n'y a aucune exigence stricte pour les investissements, à part pour les investissements étrangers. Il n'y a rien au sujet de la différence entre les actions et les obligations, c'est-à-dire les investissements plus sûrs. Maintenant que nous approchons de l'an 2000 et que la mondialisation s'accroît, certains demandent qu'on passe à une proportion de 30 p. 100 d'investissements étrangers, et nous savons que les gens qui s'occupent des investissements sont tenus de prendre de multiples précautions.

Si nous autorisons davantage d'investissements étrangers, comment pouvons-nous nous assurer que personne ne vas commencer à avoir des pertes, et cetera? Quelle règle le gouvernement devrait-il imposer en ce qui concerne la stratégie sur les investissements pour l'an 2000, ou le gouvernement devrait-il, en fait, jouer un rôle?

Nous n'investissons plus dans les valeurs très sûres que sont les obligations du gouvernement. Autrefois, il ne devait pas être très difficile de gérer les fonds, mais je pense que cela va finir par devenir plus compliqué et probablement plus risqué. La situation est en train de changer, et nous devons éviter d'exposer les fonds à des risques futurs. Échangez-vous des idées avec d'autres à ce sujet? Comment fait-on, dans l'ensemble du secteur, pour s'assurer qu'il n'y aura pas de gros risques dans la nouvelle période?

M. Ulrich: Je ne connais actuellement personne qui dirait qu'il n'y a pas un gros risque. Les marchés des valeurs mobilières sont extrêmement instables depuis un an, surtout depuis octobre dernier. Dans le milieu des investisseurs, beaucoup de gens sont très nerveux et, de ce fait, se placent sur la défensive -- ils font plus de transactions au comptant, réduisent leurs prises de participations, et cetera. Vous vous attendez à ce que votre directeur des investissements fasse constamment ce genre de chose pour limiter le risque à un niveau qui vous paraît tolérable. Toute la question de ce qu'est un risque tolérable est très délicate, et les conseils d'administration des fonds de pension doivent en tenir compte. Il n'y a pas une réponse unique parce que cela dépend -- si vous avez un bilan très excédentaire, vous pouvez évidemment prendre de plus gros risques. Si vous êtes déficitaire, vous êtes déjà exposé à des risques. C'est une question très délicate.

Nous cherchons à obtenir les meilleurs renseignements que nous puissions trouver pour savoir ce sur quoi on peut le mieux compter pour l'avenir. À l'heure actuelle, j'entends tous les gens dire qu'ils aimeraient bien savoir ce qu'il en est. Jusqu'à présent, ils continuent de dire que les valeurs mobilières sont ce qu'il y a de mieux pour l'avenir, mais, pour aussi loin qu'on puisse prévoir, le marché sera très instable.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je viens d'une province où on applique le droit civil. Quand j'ai obtenu mon diplôme de droit, on imposait certaines limitations aux fiduciaires pour ce qui est de la structure du fonds qu'ils géraient. Un certain pourcentage seulement pouvait être exposé à des risques. Je ne veux pas dire que nous devrions revenir à cela. Dans notre pays, les gestionnaires de fonds n'ont pas tous les mêmes qualifications et je pense qu'il faudrait que nous ayons des gens de première classe pour les fonds de première classe.

Je me rappelle l'histoire du Trust Royal. Je croyais qu'il était presque aussi solide que la Banque du Canada, mais il a fait faillite malgré ses milliards de dollars. Si nous envisageons d'ouvrir la porte à davantage d'investissements étrangers alors que le marché est très instable, si j'étais une employée ou une veuve, j'aimerais savoir ce qui protège l'avenir de mon fonds de pension. Les gestionnaires de ces fonds ne sont pas parfaits, alors quelles mesures ou quels mécanismes le gouvernement peut-il prévoir pour éviter le chaos en cas de fléchissement important du marché?

M. Ulrich: Il y a des lois sur les prestations de pension dans toutes les provinces; elles imposent certaines limites sur les investissements et sur le montant maximum qu'on peut investir dans certaines entreprises. En outre, la plupart de ces lois, sinon toutes, exigent également que chaque régime de pension ait sa propre politique d'investissement déterminant comment ses actifs sont répartis. Elle doit être examinée chaque année, dans la plupart des cas, pour déterminer si elle est encore adaptée à la conjoncture du moment.

Je peux vous dire en toute franchise que cela rend les investisseurs très nerveux. Ceux d'entre nous qui ont une responsabilité fiduciaire pour des régimes de pension y pensent beaucoup, parce que les préoccupations que vous soulevez sont réelles. Il faut les concilier avec le fait que les prestataires s'attendent à ce que vous obteniez un très bon taux de rendement pour qu'ils aient à faire le moins possible de contributions supplémentaires.

Le sénateur Hervieux-Payette: Même si, au Québec, les régimes de pension ne sont pas assujettis à la réglementation fédérale, nous avons modifié la loi pour nous permettre d'investir jusqu'à 60 p. 100 en valeurs mobilières. Cette proportion a augmenté au fil des ans. L'objectif est toujours d'avoir le meilleur rendement possible, mais il faut aussi protéger la pension qui devra être payée à l'avenir. Si j'étais un gestionnaire de fonds prudent, je trouverais certainement que ce chiffre de 60 p. 100 ne répond certainement pas aux meilleures normes de prudence vu ce à quoi je peux m'attendre pour l'avenir. Si j'avais également placé 60 p. 100 dans des actions à l'extérieur du Canada, j'aurais certaines réserves, parce que cela combinerait plusieurs facteurs de risque. Voilà pourquoi je parlais de pourcentage. Doit-il être de 50 p. 100? De 40 p. 100? Initialement, au Québec, le pourcentage qu'on pouvait investir dans des actions était très limité. Il atteint maintenant 60 p. 100. Allons-nous passer à 70 p. 100 ou choisir plutôt la voie de la prudence?

Le sénateur Angus: La prudence ou les restrictions?

M. Ulrich: C'est la question qui se pose -- la prudence ou les restrictions? Je suis également président d'un comité d'investissement pour notre fonds d'invalidité. Son profil de risque est différent, et nous avons investi jusqu'à 85 p. 100 dans les valeurs mobilières, simplement parce que c'était le type de placement indiqué pour obtenir le genre de rendement que nous souhaitions, ou pour verser les prestations que nous promettions aux enseignants invalides. Les obligations de ce fonds ont une durée différente, si bien que nous pouvions nous permettre de prendre ce genre de risque puisque nous savions à quoi nous attendre pour le rendement. Ce n'est cependant plus ce que nous faisons pour le moment, parce que le profil de risque des investissements en valeurs mobilières a changé; il faut constamment prendre de nouvelles décisions.

La façon prudente de procéder est de prendre la décision appropriée en fonction de tous les renseignements qu'on peut obtenir. Il n'est pas prudent de dire à l'avance que le chiffre approprié est de 60 p. 100 un certain jour et de 40 p. 100 un autre jour, parce qu'on ne sait jamais exactement ce qu'il en est tant qu'on n'a pas examiné tous les renseignements.

Le sénateur Kolber: Dans ma carrière, j'ai été associé à trois ou quatre fonds de pension réellement gros. Vous avez dit que vous aviez beaucoup investi dans les obligations pendant les années 80 et que cela vous avait créé un gros problème au cours des années 90. Je ne gérais pas ces fonds de pension, mais c'était les fonds de pension d'énormes entreprises internationales dont la valeur se situait entre 10 et 18 milliards de dollars. Ils n'étaient peut-être pas aussi gros que le vôtre, mais c'est néanmoins une somme importante. Nous n'avons pas eu ce genre de problème.

Je trouve bizarre de dire qu'il est imprudent d'investir dans des valeurs mobilières. Votre réponse était bonne -- la prudence, c'est essayer de prendre les décisions appropriées au moment approprié. Je ne pense réellement pas que notre comité devrait s'occuper des lignes directrices. Ce serait le comble de la stupidité.

Vous avez dit tout à l'heure que le conseil d'administration du Fonds du Manitoba s'occupait seulement de l'administration. Cette séparation des pouvoirs et la tendance à privilégier les investissements dans la province m'ont paru archaïques et infantiles. Notre rôle devrait être de vous demander comment nous pouvons vous aider et ce que le gouvernement devrait légiférer.

La gestion d'un fonds de pension est une chose extraordinaire. Le fonds de pension de Seagram est fortement surcapitalisé. Nous avons fondamentalement toujours possédé seulement des valeurs mobilières. Ce n'est pas le moment de donner une leçon d'économie ou de gestion, mais les valeurs mobilières rapportent plus que pratiquement n'importe quoi d'autre depuis n'importe quelle date de référence raisonnable. Bien entendu, si vous voulez acheter des actions d'une mine qui valent quelques sous, vous commettez une erreur. Ce n'est pas du ressort de ce comité, et ce n'est pas ce que nous faisons. Vous êtes censés nous aider, conseiller le gouvernement au sujet du type de loi qu'il faudrait, selon vous, adopter.

Je connais certains de ceux qui participent à la gestion du fonds de pension des enseignants de l'Ontario, et ils ont beaucoup d'expérience. Ted Medlin a dirigé Wood Gundy pendant très longtemps. Je traite avec lui je ne me souviens plus depuis quand, et ces gens-là font un excellent travail.

S'il y a quelque chose à quoi nous devrions penser en matière de procédure ou de loi, c'est très bien, mais il ne faut absolument pas que nous nous mettions à établir des lignes directives pour dire X p. 100 de ceci ou y p. 100 de cela. Ce serait stupide. C'est ce que vous avez fait pendant les années 80. Vous avez acheté toutes ces obligations parce que les taux d'intérêt étaient montés jusqu'à 20 p. 100. Ça paraissait une merveilleuse affaire, mais elles sont lentement redescendues jusqu'à 5 p. 100, et vous n'aviez plus aucune marge de croissance. Comme vous l'avez dit, la prudence, c'est prendre la décision appropriée.

Le sénateur Angus: Vous prêchez à des convertis.

M. Staple: Je sais que les régimes de pension du secteur public s'efforcent depuis longtemps de parvenir à obtenir une participation importante des groupes d'employés. Nos attentes ont été largement dépassées dans certaines provinces, mais c'est encore l'obscurantisme qui règne dans d'autres.

Pour ce qui est des prestations et de l'administration des régimes au jour le jour, on accepte maintenant que les groupes d'employés aient une participation directe et importante; plus particulièrement, en ce qui nous concerne, les membres des organisations d'enseignants.

Pour ce qui est de la participation importante dans la majorité des régimes, je ne parle pas maintenant du volume de leurs actifs -- je parle simplement du nombre de régimes. Pour ce qui est d'une participation importante des groupes d'employés aux procédures d'investissement, on est encore très loin des niveaux souhaitables. Dans plusieurs provinces, les groupes d'employés ont dû lutter pour avoir véritablement leur mot à dire dans les procédures d'investissement. Quand cela se produira, nous commencerons également à voir certains types différents de prestations.

Le président: Merci. Si je comprends bien, nous vous prêterions assistance si nous intervenions dans ce sens. Je vous remercie beaucoup d'être venus. Nous vous remercions de votre franchise.

Monsieur Kelly, vous pouvez commencer, je vous en prie.

M. Peter Kelly, vice-président exécutif, Power Workers Union: Je vous présenterai un point de vue tout à fait différent.

Les membres du Fonds de pension d'Ontario Hydro, que je représente, sont totalement tenus à l'écart de toute participation à l'administration du fonds ou aux décisions concernant les investissements. Notre fonds dépasse largement les 10 milliards de dollars. En matière de pension, nous avons des rapports incroyablement acrimonieux avec notre principal employeur, Ontario Hydro, à cause de cela. Nous nous retrouvons constamment devant les tribunaux; nous avons toute une série de procès. Hier encore, j'ai appris une fois de plus que les tribunaux de l'Ontario s'étaient prononcés en notre faveur à propos d'une affaire de pension. Le juge MacPherson nous communiquera sa décision écrite dans quelques jours.

Nous sommes allés jusqu'à la Cour suprême du Canada à propos des pensions. Ontario Hydro a régulièrement commis des actes illégaux en ce qui concerne l'administration de notre fonds de pension. En fait, en 1989, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu le jugement suivant:

Hydro n'est pas autorisée à se prévaloir de l'excédent du régime de pension des employés pour s'acquitter de son obligation de contribuer au coût des prestations qui doivent être fournies par le régime.

Plus tard, la même année, la demande d'autorisation de recourir en appel devant la Cour suprême du Canada présentée par Ontario Hydro a été rejetée. En fait, quand cette affaire a été réglée, l'employeur a dû rembourser plus de 600 millions de dollars à notre fonds de pension. Pendant plusieurs années, il avait illégalement retiré cet argent du fonds de pension en prenant diverses mesures.

Nous tenons les actuaires dans la plus haute estime, mais même les professionnels appliquent les consignes qu'ils reçoivent de leur employeur. Dans le cas que je viens de citer, l'actuaire de l'employeur avait mis au point une méthode pour, nous semble-t-il, éviter d'avoir à appliquer la décision du tribunal qui exigeait le remboursement de 600 millions de dollars. Il avait mis au point une méthode appelée la «méthode de la double évaluation» pour trouver l'argent que l'entreprise devait contribuer au régime. Il s'agit d'une série d'hypothèses audacieuses qui réduisent en fait le montant des contributions qu'elle doit payer chaque année d'environ 50 ou 60 millions de dollars.

Nous nous retrouvons à nouveau devant les tribunaux. Le juge MacPherson vient de statuer que cette question doit être réglée par la Commission des régimes de retraite de l'Ontario, et nous avons toute raison de penser que nous allons à nouveau gagner ce procès. Cela crée toutefois des rapports incroyablement acrimonieux dans des périodes très difficiles.

Comme, j'en suis sûr, vous le savez tous, le secteur de l'électricité va être restructuré en profondeur en Ontario. En fait, si le projet de loi est promulgué comme prévu, Ontario Hydro disparaîtra en tant que société dans le courant de l'an 2000 et renaîtra sous la forme de plusieurs sociétés d'État à un moment donné au cours de la même année. En ce qui concerne le fonds de pension, vous comprenez ce que cela peut signifier. Nous avons un énorme excédent. Il est largement supérieur à 3 milliards de dollars, et nous pensons qu'il se rapproche rapidement de 4 milliards de dollars.

Ce fonds a beaucoup rapporté. Nous ne critiquons pas la façon dont il a été géré. Nous pensons que les gestionnaires ont fait un bon travail. À notre époque, le revenu de retraite est très important pour des millions et des millions de gens. C'est tout particulièrement vrai à la lumière des décisions du gouvernement; les pensions privées et l'épargne personnelle deviennent une partie plus importante du revenu de retraite, et le gouvernement sera une source de revenu moins importante pour beaucoup de gens à l'avenir. Dans ces conditions, il nous paraît sage que le gouvernement prévoie une méthode d'administration des fonds de pension qui ait une portée plus vaste.

Si un régime de pension privé doit devenir ma principale source de revenu de retraite, il est important qu'en tant que membres du régime et que représentants des membres du régime, nous ayons un mot à dire en ce qui concerne la façon dont il est investi et dont il est régi. À l'heure actuelle, nous sommes totalement tenus à l'écart. Nous avons un employeur qui a prouvé qu'il ne respectait pas toujours la loi, et, à notre avis, tout ce système est totalement inadapté.

Le président: Les employés contribuent-ils au régime de pension?

M. Kelly: Oui. Nous payons en tout 6 p. 100, et une fois que nous atteignons le MGAP pour le RPC, notre contribution est de 6 p. 100. Avant d'atteindre le MGAP, elle se monte à 4 p. 100, si bien qu'elle est, en moyenne, de 5 p. 100.

La contribution de l'employeur était traditionnellement deux fois plus élevée que celle de l'employé. Cette proportion a diminué depuis quelques années. L'employeur verse actuellement 1,7 $ pour chaque dollar de contribution d'un employé.

Le président: Le fonds est-il géré entièrement par des représentants de l'employeur ou, puisque vous êtes une société d'État, y a-t-il une quelconque participation du gouvernement? Quelle est la structure d'administration de ce régime?

M. Kelly: La structure d'administration est unique et tout à fait incroyable. Le conseil d'administration d'Ontario Hydro est également le conseil d'administration de notre régime de pension.

Le président: Dans sa totalité?

M. Kelly: Oui.

Le président: Il doit y avoir quelqu'un qui est directeur général du fonds. De qui relève-t-il?

M. Kelly: Il y a quelqu'un qui gère le fonds. Les gestionnaires sont surtout des employés d'Ontario Hydro, mais ils font généralement partie de la direction. Ces dernières années, certains portefeuilles d'investissement ont été confiés à des gestionnaires de l'extérieur, mais, en fin de compte, ils font rapport de leurs activités à l'interne au président du conseil d'administration.

Le président: Cette structure a-t-elle été négociée dans le cadre de la convention collective ou est-elle établie en vertu d'une loi?

M. Kelly: Elle est régie par la Loi sur la Société provinciale de l'électricité.

Le président: Y a-t-il d'autres sociétés d'État provinciales de l'Ontario importantes qui auraient la même structure?

M. Kelly: Je ne sais pas. La plupart d'entre elles, comme le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario, ont un conseil d'administration mixte.

Le président: Ce fonds n'appartient pas entièrement au gouvernement.

M. Kelly: Il n'appartient pas au gouvernement, mais aux autorités locales et aux municipalités. C'est un fonds public. Je ne sais pas quelle est la structure du fonds des employés du gouvernement.

Le président: Vos procès remontent presque à une dizaine d'années. Au fil des ans, avez-vous essayé d'obtenir les modifications législatives nécessaires pour changer la structure de gestion du régime?

M. Kelly: Pendant plusieurs années, nous avons essayé de négocier un système de cogestion avec l'employeur. Le tribunal a statué que l'argent du régime appartient aux membres de celui-ci et que l'employeur ne peut pas cesser de verser une contribution sans le consentement de l'agent négociateur.

Nous avons essayé d'obtenir ce que nous considérons comme un système d'administration approprié dans le cadre duquel nous exercerions conjointement l'administration du fonds et le contrôle des actuaires. Nous avons offert à l'employeur une partie de l'excédent, mais il semble penser qu'il peut faire en sorte que la loi soit modifiée à son avantage. Il veut tout avoir, bien que nous ayons dit que nous lui donnerions une partie importante.

Nous avons engagé ensemble une entreprise, et pendant un certain temps, nous avons travaillé avec M. John Paul pour essayer de mettre au point une structure d'administration. Nous y sommes presque parvenus, mais c'est alors que ce secteur a été restructuré, et Ontario Hydro a décidé de chercher à contrôler l'ensemble du régime.

Le président: Savez-vous si votre structure est semblable à celle d'autres sociétés provinciales d'électricité du reste du pays? Y a-t-il un système particulier au secteur de l'énergie?

Le sénateur Angus: La structure du régime d'Hydro Québec est-elle identique?

M. Kelly: Notre cas est unique, dans la mesure où nous avons une loi particulière, la Loi sur la Société provinciale de l'électricité, qui contient en fait une clause relative à notre pension. D'après nos conseillers juridiques, notre situation est unique à cet égard.

Le président: Sénateur Angus, vous siégiez au conseil d'administration d'Air Canada quand c'était une société d'État. Je ne connais pas la structure des régimes de pension des sociétés d'État, à part celui du CN, où il y a des représentants des employés et de l'employeur. Le cas de M. Kelly est-il tout à fait unique?

Le sénateur Angus: Je n'avais jamais entendu parler d'un cas semblable.

M. Kelly: Notre cabinet juridique est Gowling, Strathy et Henderson.

Le sénateur Kelleher: Les cabinets d'avocat se plaisent à penser qu'à quelque chose, malheur est bon.

Le sénateur Angus: Avez-vous pris des mesures pour faire modifier cette disposition de la loi?

M. Kelly: Pendant nos négociations de 1990, nous sommes parvenus à inclure une clause dans notre convention collective aux termes de laquelle l'employeur ne peut pas s'adresser unilatéralement au gouvernement pour chercher à faire modifier la réglementation relative à notre régime, par exemple en modifiant la loi, sans notre consentement.

La raison en est évidente. À l'époque, Ontario Hydro avait fait la preuve qu'elle était prête à faire ce qui lui passait par la tête.

Nous avons utilisé une méthode préventive pour l'empêcher d'agir de façon unilatérale. Elle a constamment essayé de supprimer cette clause. Nous avons essayé d'obtenir l'appui du gouvernement pour faire pression auprès de l'employeur afin qu'il soit prêt à accepter un système de cogestion plus approprié.

Je ne veux offenser personne, mais, vu le régime actuel en Ontario, nous avons très peu de chances de faire reconnaître nos besoins par le gouvernement en place.

Le sénateur Angus: Le gouvernement était réceptif au sujet de l'hépatite C.

Le sénateur Stewart: Dans un sens, le témoin a préparé le terrain pour ma question. Il nous a dit qu'il y a des difficultés avec l'employeur depuis très, très longtemps. Il vient juste de mentionner le gouvernement actuel de l'Ontario. Les gouvernements antérieurs étaient également au courant des plaintes relatives au système existant. Je ne veux pas vous poser une question politiquement gênante, mais avez-vous essayé de faire corriger la situation quand M. Rae était premier ministre? Avez-vous essayé de le faire quand M. Peterson était premier ministre?

Je pose une question plus fondamentale. Le gouvernement a-t-il une bonne raison de ne pas apporter des modifications comme celles que vous demandez?

M. Kelly: En ce qui concerne le gouvernement de M. Peterson et celui de M. Rae, je m'occupe de notre fonds depuis 1990. Quand ils étaient au pouvoir et avec leur aide, nous avons essayé de négocier avec l'employeur un système de gestion qui soit à l'avantage des deux parties. Nous n'avons pas cherché à obtenir une intervention législative directe.

On nous a dit que nous pouvons nous attendre à ce qu'en juin, à l'Assemblée législative de l'Ontario, soit présenté un projet de loi qui supprimera la Loi sur la Société provinciale de l'électricité. Un autre projet de loi donnera le contrôle de l'excédent aux sociétés qui vont remplacer Ontario Hydro. À notre avis, c'est la raison pour laquelle cette dernière a cessé de participer à l'effort que nous avions entrepris conjointement avec Cortex pour mettre en place la cogestion. Elle a peut-être appris que c'est inutile.

Le sénateur Stewart: Vous avez été extraordinairement patient, peut-être au point de commettre une imprudence, en comptant sur les négociations.

M. Kelly: À notre avis, le gros avantage de la Loi sur la Société provinciale de l'électricité est la clause qui stipule que l'employeur doit contribuer au fonds. C'est celle que nous avons invoquée devant les tribunaux. Nous avons réussi à faire valoir que c'est bien ce que dit clairement cette clause. Bien entendu, nous ne voulions pas qu'elle soit modifiée. Nous voulions que le système en place soit modifié. À tort ou à raison, nous avions l'impression que la meilleure façon d'y parvenir était de nous entendre sur un règlement. Au lieu qu'une des parties se sente totalement lésée et que l'autre frétille de joie, nous voulions conclure une entente, mais nous n'avons pas réussi à le faire. Il s'avérera peut-être que notre impatience nous a rendu négligents.

Le sénateur Oliver: Il y a onze ans, la Cour suprême du Canada a statué que la direction d'Ontario Hydro ne peut pas cesser ses contributions ni toucher à l'excédent sans le consentement des employés. Vous le savez depuis 11 ans et vous n'avez entrepris aucun effort pour faire modifier la loi. Si vous voulez que le comité fasse quelque chose, de quoi s'agit-il?

M. Kelly: Nous sommes à bout de patience et nous ne croyons pas qu'il sera jamais possible de négocier une structure administrative appropriée, une entente appropriée sur le partage de l'excédent ou une entente appropriée sur le partage du passif -- toutes les choses qui vont de soi si nous avons un mot à dire en ce qui concerne l'administration du régime et ses investissements. Nous avons acquis la conviction que cela n'intéresse pas du tout l'employeur, bien que nous ayons essayé de le faire à diverses reprises et bien que nous ayons même engagé ensemble des experts-conseils pour nous aider à plusieurs reprises.

Nous souhaiterions qu'une loi établisse des exigences de base concernant les structures administratives mises en place par les employeurs. Quand il n'y a pas de syndicat, le pouvoir et le contrôle seraient partagés si c'est le désir de la majorité, et ils le seraient également quand il y a un syndicat, si c'est le désir de l'agent négociateur.

Selon nous, il faut une loi pour forcer la main des employeurs. Notre propre expérience montre clairement que, bien que nous puissions nous appuyer sur l'arrêt du tribunal, il nous est pratiquement impossible de négocier une entente satisfaisante. C'est le cas même quand on y consacre beaucoup de temps et quand on va jusqu'à embaucher des gens pour obtenir leur aide.

Nous avons engagé Cortex ensemble à deux reprises, pas seulement une fois, et nous avons fait de gros efforts. Nous essayons de négocier une entente ne lésant aucune des parties. Si notre patience s'avère avoir été de la négligence de notre part, nous admettons notre culpabilité. À l'époque, nous avions cependant l'impression que c'était la voie à suivre. Nous croyons maintenant qu'il faut une loi pour forcer la main de notre employeur et des autres employeurs.

Le sénateur Oliver: Vous n'êtes pas parvenu à atteindre votre but par la négociation de la convention collective. Les clauses de votre convention sont encore insuffisantes, n'est-ce pas?

M. Kelly: Les clauses de la convention empêchent encore l'employeur de chercher à apporter des changements de façon unilatérale. Malheureusement, nous avons découvert il y a deux semaines que c'est précisément ce qu'il avait fait. Nous avons demandé 5 millions de dollars de dommages-intérêts, mais c'est une autre affaire.

Le sénateur Angus: Je peux voir pourquoi vous ne pouvez pas négocier.

M. Kelly: Pensez simplement à ce que nous avons offert. Le tribunal avait dit à l'employeur qu'il ne pouvait pas toucher à la propriété du fonds ni à la répartition de l'excédent sans le consentement des employés et de l'agent négociateur. Nous avons proposé de partager cet excédent, d'assumer une partie du passif, d'assumer, le cas échéant, la responsabilité du passif non capitalisé, et nous voulions une participation égale au conseil d'administration. Nous voulions que 50 p. 100 de ses membres soient nommés par le syndicat et 50 p. 100 par l'employeur. La réponse a été non. Nous lui avons proposé de partager une énorme somme d'argent à laquelle il n'avait pas accès sans notre consentement. Il ne voulait toujours pas le faire parce qu'il veut tout avoir.

Le sénateur Angus: Quels arguments invoque-t-il exactement?

M. Kelly: Le seul argument de l'employeur est que les tribunaux se sont trompés.

Le sénateur Angus: Est-ce qu'il vous dit: «Peu nous importe la conception moderne du mode d'administration, nous sommes satisfaits des dispositions de la loi telle qu'elle existe et nous ne voulons pas la modifier»?

M. Kelly: Un de ses arguments est qu'il doit définir le régime de prestation et que c'est lui qui devra couvrir un déficit éventuel. À son avis, s'il en est ainsi, toutes les décisions devraient lui revenir; il devrait embaucher l'actuaire, former le conseil d'administration et avoir la possession de l'excédent. Bien que nous n'acceptions pas cet argument, et il dit que les tribunaux se sont trompés, nous lui avons dit: «Très bien, concluez une entente avec nous aux termes de laquelle nous partageons toutes ces choses-là, y compris la responsabilité pour le passif non capitalisé.» La réponse a été non.

À notre avis, il est vraiment convaincu qu'une loi va lui permettre d'avoir accès à tout cet argent et qu'il n'a donc pas besoin de changer quoi que ce soit.

Le sénateur Tkachuk: A-t-il raison?

M. Kelly: Un des associés de Gowling, Strathy et Henderson m'a récemment dit que les gouvernements peuvent légiférer de façon rétroactive. Je ne le savais pas. C'est apparemment ce qui est prévu, et nous porterons une fois de plus l'affaire devant les tribunaux.

Le sénateur Tkachuk: Que pensez-vous qu'il faudrait faire avec les excédents?

M. Kelly: Permettez-moi de vous donner un exemple: l'employeur pourrait créer un régime auquel les employés ne cotiseraient pas; l'employeur serait le seul à y mettre de l'argent. Il serait structuré de façon à augmenter en même temps que l'inflation et serait indexé à 100 p. 100 pour les membres actuellement en poste et les retraités. Dans un tel cas, l'employeur pourrait revendiquer ce que rapporterait le régime. Quand les employés cotisent également et quand ce que rapporte le régime n'a, en réalité, rien à voir avec les cotisations, mais dépend uniquement du rendement financier du régime, pourquoi ces gains devraient-ils revenir automatiquement à l'employeur? C'est l'argent des membres du régime.

À la liquidation d'un régime, s'il est déficitaire, devinez qui doit assumer ce déficit? Les membres, pas l'employeur. À la liquidation d'un régime excédentaire, l'employeur se manifeste soudain et en revendique la propriété. Si le régime est déficitaire, les prestations des membres seront réduites.

Je peux peut-être poser une question. Pourquoi croit-on que, quand les deux parties cotisent à un régime de pension, tout excédent devrait automatiquement appartenir à l'employeur?

Le sénateur Kolber: N'y a-t-il pas des lois qui régissent cela?

M. Kelly: Oui, mais dans notre cas, puisque nous avons une loi spécifique, il ne lui appartient pas. La Cour suprême du Canada a déclaré qu'en ce qui concerne précisément ce régime, il appartient à ses membres.

Le sénateur Tkachuk: Les excédents devraient-ils être investis avec les mêmes précautions que les fonds de pension proprement dits ou peut-on les utiliser pour faire des investissements plus risqués? Devrait-on répartir les investissements de la même façon?

M. Kelly: À mon avis, tous les fonds de pension sont semblables. Le fait que certains puissent être considérés comme excédentaires à un moment donné ne devrait rien changer aux précautions à prendre en matière d'investissement. Pour n'importe quel fonds de pension, il ne faudrait faire que de bons investissements. Tout investissement doit être financièrement justifié.

Le sénateur Kolber: Les services ne sont pas traités séparément.

Le sénateur Tkachuk: Je le sais bien, mais quand on a plus d'argent que nécessaire, on ne prend pas toujours les mêmes précautions.

Le sénateur Stewart: Nous parlons des cotisations des employés. Il y a certainement des cas où elles sont en fait payées par l'employeur. La négociation est en cours. Il fait une offre à un employé qui est membre potentiel d'un régime de pension et lui propose 5 ou 6 p. 100 de plus que le montant actuel. Cette somme sera déduite du salaire net et sera versée dans le fonds de pension.

Je suis conscient que, dans un marché du travail très concurrentiel, on ne pourrait pas dire que la cotisation portée au crédit de l'employé était en réalité payée par l'employeur. Il y a néanmoins certainement des cas où on traite avec des professionnels ou des paraprofessionnels, et c'est peut-être bien ainsi que cela se passerait. Vous avez l'habitude des négociations, moi pas. Est-ce que cela se produit réellement?

M. Kelly: Dans les négociations que je connais, je pense que c'est le contraire qui se produit. Quand nous obtenons une amélioration de la pension, elle fait partie de l'ensemble des conditions de rémunération offertes par l'employeur et, dans de nombreux cas, nous avons sacrifié d'autres choses. Nous n'avons pas pu obtenir d'autres améliorations parce que nous avons utilisé une partie de la somme totale que l'employeur prévoit dans le cadre de sa stratégie de négociation pour améliorer la pension.

En fait, nous nous contentons de moins dans un autre domaine pour parvenir à améliorer la pension. Je pense que c'est le contraire de ce que vous avez dit.

Le sénateur Stewart: On entend parler des hauts dirigeants d'Ontario Hydro qui forment ce qu'on appelle le culte atomique. Le nombre de gens pouvant faire partie de ce groupe est relativement limité. Quand ils ont discuté de la rémunération, ce n'était pas réellement une négociation ordinaire, n'est-ce pas?

M. Kelly: Les gens de ce groupe, je peux vous l'assurer, n'étaient pas nos membres. Nous n'avons pas négocié en leur nom.

Le sénateur Stewart: C'était un groupe relativement petit en haut de la hiérarchie?

M. Kelly: Ontario Hydro parle à leur sujet de la masse salariale des cadres supérieurs.

Le sénateur Stewart: Structurellement, ce groupe est tout à fait différent des gens avec lesquels vous travaillez?

M. Kelly: Oui, mais le régime de pension est le même pour tous. Traditionnellement, les gens qui ont passé deux mois à nous refuser une prestation pendant les négociations en bénéficient une fois que nous l'obtenons. C'est une situation très particulière.

Le président: Monsieur Kelly, je vous remercie d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

Le témoin suivant est M. Claude Lamoureux, du Conseil du régime de retraite des enseignants et des enseignantes de l'Ontario.

M. Claude Lamoureux, président-directeur général, Conseil du Régime de retraite des enseignants et des enseignantes de l'Ontario: Comme vous le savez, la présence de grands fonds de pension dans le marché des capitaux soulève des questions que votre comité est en train d'étudier. De qui ces fonds relèvent-ils et dans quelle mesure exercent-ils une influence économique?

Votre comité offre une tribune utile. Vous étudiez notamment ce que nous pouvons faire et comment on peut influencer les lois provinciales. En matière de fonds de pension, il y a une législation fédérale. Bien souvent, les provinces ont tendance à s'inspirer des mesures que prend le gouvernement fédéral. Dans un sens, cette influence est utile pour les fonds de pension. C'est une question de pratiques optimales. Si le gouvernement fédéral peut mettre en place des pratiques optimales, les provinces pourront plus facilement en faire autant.

Je vais aborder trois domaines: notre influence en tant qu'investisseur institutionnel, la façon dont notre régime est administré et ce que l'opinion publique pense des gros fonds de pension.

Les fonds de pension et les fonds mutuels gèrent des investissements au nom de millions de travailleurs canadiens qui recherchent la sécurité financière. Notre seule raison d'être est de finir par verser une pension. Notre rôle n'est pas d'investir de l'argent; c'est seulement un moyen qui nous permet de verser finalement ces pensions. Ce faisant, les fonds de pension deviennent d'importants investisseurs dans les sociétés canadiennes. En 1975, les fonds de pension et les fonds mutuels possédaient des investissements de 5,3 milliards de dollars en valeurs mobilières canadiennes; le chiffre actuel est plus proche de 180 milliards de dollars.

Cette croissance est liée à deux facteurs. Le premier est le vieillissement de la population. Dans son livre à succès, Boom, Bust and Echo, David Foot affirme que, au fur et à mesure qu'augmente le nombre de baby-boomers qui atteignent l'âge de 40 ans, leurs priorités financières ne concernent plus le remboursement de leurs dettes mais la gestion de leurs actifs et la préparation de leur retraite. Ceci explique partiellement l'augmentation impressionnante du volume d'actifs détenus par les fonds mutuels et les fonds de pension.

L'autre facteur est le fait que les fonds de pension investissent maintenant plutôt dans les actions que dans les valeurs mobilières à revenu fixe. Les fonds de pension et les fonds mutuels possèdent près d'un tiers des actions des sociétés canadiennes cotées en bourse, ce qui constitue un énorme changement par rapport à la situation d'il y a une vingtaine d'années, quand ce chiffre était plus proche de 1 p. 100.

Pour notre part, le régime de retraite des enseignants et des enseignantes de l'Ontario possède des investissements de plus de 18 milliards de dollars en actions canadiennes, alors qu'il n'en possédait aucune en 1990. Quelle influence un régime comme le nôtre exerce-t-il sur le marché canadien? Nous investissons de deux façons; nous achetons un lot d'actions; c'est ce que nous appelons un investissement quantitatif ou indiciel. Si une action figure à l'indice, nous l'achetons; ce n'est pas plus compliqué que cela. Nos achats quantitatifs portent sur environ 15 milliards de dollars, et la sélection individuelle sur seulement 3 milliards de dollars. Nous sélectionnons des actions qui nous paraissent sous-évaluées, et elles font également partie de notre portefeuille.

L'indice des 300 de la Bourse de Toronto contient les actions des 300 principales sociétés cotées en bourse du Canada. Lorsque nous investissons dans cet indice, nous le faisons de façon proportionnelle pour toutes les actions cotées en tenant compte de leurs valeurs boursières. Si une action figure dans cet indice, nos achats sont proportionnels; si elle représente 1 p. 100 de l'indice, nous en achetons 1 p. 100.

Si elle en représente 0,25 p. 100, nous en achetons 0,25 p. 100. Voilà comment nous gérons notre portefeuille.

Le sénateur Kolber: Achetez-vous véritablement cette action ou l'indice?

M. Lamoureux: Non, nous achetons l'action. Nous reproduisons l'indice.

Le sénateur Kolber: Pourquoi?

M. Lamoureux: Nous procédons ainsi parce que c'est actuellement une façon très efficace d'investir, surtout aux États-Unis, où l'indice donne de meilleurs résultats que 75 ou 80 p. 100 des gestionnaires.

Le sénateur Kolber: Je pensais qu'il y avait une façon plus simple de faire cela.

M. Lamoureux: Il y a une façon plus simple quand on achète des TIPS et des HIPS, c'est-à-dire les TSE 35 et TSE 100. Pourquoi payer quelqu'un d'autre pour le faire quand on est un gros investisseur? La bourse vous fait payer environ cinq points pour gérer les programmes TIPS et HIPS. Cela nous coûte seulement un point ou deux points si nous le faisons. Nous le faisons donc nous-mêmes.

Il nous est arrivé d'acheter des TIPS et des HIPS dans le cadre du programme géré par la bourse. Il est assez efficace. Pour un investisseur individuel, c'est une excellente façon d'investir. C'est mon conseil boursier du jour.

Le sénateur Kolber: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il n'y a pas plus de fonds de pension qui font exactement cela?

M. Lamoureux: Chacun croit qu'il peut faire mieux que la moyenne. Investir requiert une grande discipline, mais, pour beaucoup de gens, c'est une idée fausse.

Le sénateur Kolber: Ils ne peuvent pas faire mieux que la moyenne.

M. Lamoureux: Quand l'univers est composé de toutes les institutions, il est difficile pour nous tous de faire mieux que la moyenne, puisque nous constituons cet univers. Voilà l'idée fausse.

Telle est la politique que nous suivons. Au Canada, sur nos 18 milliards de dollars de placement, 15 milliards de dollars sont dans l'indice. Aux États-Unis, la proportion est de 95 p. 100. Dans les pays de la communauté européenne, en Asie et en Extrême Orient, la plupart de nos investissements ne sont pas indiciels. Nous les gérons activement parce que nous pensons que cela rapporte plus. En sélectionnant activement les actions, nous sommes convaincus que nous pouvons faire mieux que la moyenne.

Une des choses qui nous inquiètent est de savoir ce qui peut inciter à faire mieux que la moyenne. Tous nos employés touchent certaines primes de rendement. Quand on gère un fonds quantitatif, il faut suivre de près l'indice. On peut subir de légères pertes, parce que nous facturons certaines dépenses, mais il faut suivre de près l'indice. En utilisant des méthodes quantitatives, nous pouvons normalement faire mieux que l'indice.

Je ne sais pas pourquoi la plupart des gens ne le font pas. Les journaux montrent constamment que la plupart des fonds mutuels ne font pas mieux que l'indice. Il y a au départ des frais de 2 p. 100 qui sont facturés. Si vous achetez des TIPS, cela peut aller jusqu'à 10 points, mais plus vraisemblablement cinq points. Une différence de 1 p. 100 pendant toute la vie de quelqu'un se traduira par une différence de 20 à 25 p. 100 pour le montant de sa pension au moment de son départ à la retraite.

Quand les gens parlent d'adopter un système à cotisations déterminées plutôt qu'à prestations déterminées en disant que les deux leur assureront un revenu en fin de compte, c'est également totalement faux. Si on essaie de faire mieux que l'indice et si cela coûte beaucoup plus à administrer, par exemple 1 p. 100 ou 2 p. 100, la pension versée sera réduite de 20 à 25 p. 100. La plupart des gens qui commencent leur carrière ne s'intéressent pas réellement à cette question.

Nous sommes de chauds partisans des investissements quantitatifs, depuis le début. C'est une façon d'investir qui exige beaucoup de...

Le sénateur Kolber: Merci.

M. Lamoureux: Nous avons un programme très actif de vote par procuration. Dans notre documentation, nous avons inclus nos lignes directrices sur le vote par procuration. Les gens ne se disent pas, en se réveillant le matin «voilà comment je vais voter.» Les lignes directrices sont approuvées par notre conseil d'administration, et nous lui remettons une fois par an un rapport indiquant comment nous avons voté, si nous avons fait des exceptions et pourquoi, et si nous avons voté contre les procurations qui nous ont été présentées.

Pour nous, le vote par procuration est une question économique. On peut vendre les droits de vote par procuration. Il y a des gens qui sont prêts à payer pour exercer votre procuration dans certains cas. Le vote par procuration a une valeur économique.

Le sénateur Angus: Dans les cas normaux ou seulement en cas de prise de contrôle?

M. Lamoureux: Dans les cas normaux.

On peut vendre pratiquement n'importe quoi, mais une procuration est quelque chose que vous pouvez vendre ou que quelqu'un peut vous vendre. Cela ne se fait pas à grande échelle, mais cela se fait de la même façon que vous pouvez prêter vos actions à quelqu'un pour une vente à découvert. C'est une façon d'augmenter votre revenu.

Le sénateur Austin: Je me demande pourquoi quelqu'un voudrait acheter vos droits de vote par procuration. Pourquoi, dans une situation normale, voudrait-il avoir plus de votes? Je peux le comprendre s'il s'agit d'une OPA.

M. Lamoureux: Si nous parlons des options dont dispose la direction, elle pourrait s'opposer à un groupe d'administrateurs formant une liste ou à l'élection individuelle des administrateurs. Les gens peuvent parfois avoir besoin de plus de votes pour faire quelque chose ou pour avoir une plus forte influence sur une proposition qui leur est présentée.

Le sénateur Austin: Dans un tel cas, cherchez-vous à savoir pourquoi on vous fait une offre pour vos procurations? Prononcez-vous un jugement qualitatif sur le fait de savoir si vous devez appuyer une telle initiative?

M. Lamoureux: Si je veux vendre une action, je ne cherche pas à savoir pourquoi quelqu'un veut l'acheter. Nous ne le faisons pas, mais je connais des fonds de pension qui le font. Nous n'avons jamais vendu de procuration, mais cela peut se faire. Pourquoi devrais-je chercher à en savoir plus?

Le sénateur Oliver: Vous êtes encore propriétaire des actions.

M. Lamoureux: En général, on le sait. C'est évident.

Le sénateur Austin: Vous vous souciez de la qualité de votre investissement à long terme, mais vous pouvez vendre la procuration, de la même façon qu'on transfère un instrument négociable. Vous constaterez peut-être que l'acheteur est M. Michaud et qu'il est financé par le sénateur Kolber. Supposons que cette personne cherche à faire modifier la structure administrative de la société d'une façon qui est contraire à vos intérêts. Cette personne, dans le cadre de l'élection individuelle des administrateurs, veut peut-être qu'un administrateur soit démis, et cela n'est peut-être pas dans votre intérêt.

M. Lamoureux: N'oubliez pas que nous investissons dans le monde entier. Il se peut que quelqu'un nous appelle de Nouvelle-Zélande pour nous dire: «Je crois savoir que vous possédez des actions de cette société, et voici ce que nous aimerions faire.» Cette personne a peut-être plus d'influence que nous ne pourrions en avoir. Comme je l'ai dit, nous ne l'avons jamais fait, mais je sais que cela se fait. De nos jours, on peut acheter ou vendre beaucoup de choses, et une procuration en est simplement une parmi d'autres.

Pour ce qui est du prêt de valeurs mobilières, quand nous le faisons, est-ce que nous demandons si quelqu'un veut pratiquer une vente à découvert? C'est beaucoup plus courant, et, oui, nous le faisons. Si nous avons un placement à long terme et que quelqu'un veut faire une vente à découvert, vous pourriez vous demander pourquoi nous faisons cela. C'est simplement une autre façon de gagner de l'argent. Nous possédons manifestement ces actions, et quelqu'un que nous connaissons veut les vendre à découvert. Dans certains cas, le résultat ne sera pas en notre faveur. Toutefois, si nous tenons véritablement à notre investissement à long terme, nous ne devrions pas nous inquiéter si quelqu'un veut faire une vente à découvert.

Le sénateur Austin: Je suis d'accord. C'est la distinction fondamentale. C'est essentiellement une décision d'investissement.

En ce qui concerne l'utilisation des procurations pour l'administration de la société, celles-ci ont une incidence sur d'autres questions que simplement l'aspect investissement de votre décision.

M. Lamoureux: C'est une décision d'investissement.

Le sénateur Oliver: Cela n'augmente pas nécessairement l'avoir des actionnaires. Vous n'en savez rien.

Le sénateur Angus: Vous dites que votre fonds ne l'a pas fait et qu'il ne le ferait pas si cela a un effet négatif sur l'administration de la société.

Le sénateur Austin: Je ne suis pas sûr que le témoin ait dit cela. Je crois qu'il a dit que le droit de vote est, pour lui, quelque chose qui peut se vendre.

M. Lamoureux: Il a manifestement une valeur économique.

Le sénateur Austin: Jusqu'à présent, vous n'avez pas utilisé cette valeur potentielle. Je ne sais pas si vous l'envisagez ou non, mais si cette pratique se généralise, elle peut avoir des répercussions très intéressantes sur l'administration des sociétés.

M. Lamoureux: Je pense que le sénateur Kelly s'inquiétait au sujet des petits actionnaires individuels. Ils peuvent se regrouper de cette façon-là pour avoir plus de votes.

Le sénateur Austin: Il s'agit de savoir si la direction doit se protéger en faisant une offre pour l'achat de ces procurations quand il y a plusieurs parties qui se les disputent. Par exemple, de nos jours, la direction sollicite le vote des actionnaires, mais il n'est pas question de paiement.

M. Lamoureux: Clarifions une chose. La direction agit pour le compte des actionnaires. Elle ne peut pas se protéger contre eux. Il est faux de penser que la direction est un groupe distinct des actionnaires. Sa seule raison d'être est d'agir en leur nom, de la même façon que le conseil d'administration. Il est faux de penser que la direction doit se protéger.

Le sénateur Austin: Le droit des sociétés actuel donne à la direction le droit de solliciter l'appui des actionnaires.

M. Lamoureux: C'est la société qui bénéficie de ce droit. La direction l'exerce.

Le sénateur Austin: Le conseil d'administration exerce ce droit.

M. Lamoureux: Le conseil d'administration représente les actionnaires. C'est sa seule raison d'être. Il ne peut pas se protéger contre les actionnaires. Il les représente.

Le sénateur Austin: Quand le conseil d'administration sait qu'un actionnaire veut changer sa composition et achète des procurations, n'est-il pas acceptable d'annoncer que le conseil achète des procurations pour protéger les intérêts du conseil existant dans la société?

M. Lamoureux: Je reviendrai au point fondamental. Pourquoi y a-t-il un conseil d'administration et qui représente-t-il? C'est souvent le problème. Beaucoup de conseils d'administration pensent qu'ils ne représentent pas les actionnaires. De toute évidence, tout au moins selon nous, il est là pour les représenter, et non pas pour les protéger. Les actionnaires peuvent très bien se protéger eux-mêmes, croyez-moi.

C'est la même chose quand il y a une OPA. Nous avons toujours dit que nous attendons 20 ou 30 jours pour décider si une offre est acceptable. Bien souvent, le conseil veut disposer de deux ou trois mois pour prendre une telle décision. Elle peut être prise plus rapidement. Très souvent, nous voulons le rencontrer pour analyser la situation. Si ABC a pu accepter d'être achetée par Disney en quelques heures, ce n'est pas quelque chose de terriblement compliqué. Les gens donnent l'impression que c'est très compliqué, mais l'évaluation d'une société est quelque chose d'assez simple.

Le président: Vous pouvez comprendre que ceux d'entre nous qui ont fait des campagnes électorales sont un peu réticents à poser des questions au sujet de l'achat de votes.

Le sénateur Austin: C'est une remarque que je ne peux pas accuser vos recherchistes de vous avoir fournie.

Le président: Monsieur Lamoureux, voulez-vous continuer votre déclaration?

M. Lamoureux: Je sais que votre comité s'intéresse à la façon dont notre régime est administré. Pour nous, une bonne administration d'un régime de pension comporte réellement trois éléments. Premièrement, il faut un conseil d'administration très compétent composé de personnes qui connaissent bien la question des pensions ou les investissements. Très souvent, l'erreur est que les gens étudient la question une fois qu'ils sont nommés au conseil. Il y a très peu de gens parmi vous qui iraient voir un médecin qui est sur le point d'étudier la neurochirurgie. Nous faisons la même chose en matière financière.

Deuxièmement, il faut avoir un objectif clairement défini. Vous avez entendu la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants dire dans son mémoire que son objectif est de verser des pensions. Elle n'en a pas toutes sortes d'autres, même s'il fut un temps où beaucoup de gens étaient de cet avis.

J'ai entendu le témoin ce matin. Quand quelqu'un vient représenter le ministre devant un comité -- ce pourrait être le sous-ministre des Finances --, qui est le patron? Il fera ce que veut son patron au lieu de chercher à faire ce qui est juste. Dans ce cas-ci, ce qui est juste est de faire en sorte que nous puissions payer ces pensions. Pour qu'un régime soit bien administré, il faut également que les administrateurs soient indépendants. La plupart d'entre eux savent aujourd'hui ce qu'est une bonne administration. On a écrit beaucoup de choses à ce sujet.

Dans notre cas, nous essayons de suivre la pratique optimale. Nous avons un conseil d'administration qui est indépendant de la direction et qui sait clairement qu'il doit agir -- conformément à la loi -- au mieux des intérêts de tous les bénéficiaires. La rémunération des dirigeants dépend des résultats de l'organisation. En d'autres termes, les membres de la direction savent qu'il est à leur avantage d'obtenir de bons résultats. Cela s'applique aussi bien au secteur administratif -- la gestion des pensions et la collecte de données -- qu'aux investissements.

Il faut également que les membres de la direction soient prêts à dialoguer et à communiquer et ne cachent rien au conseil d'administration. Celui-ci ne peut agir qu'en fonction des renseignements qu'il reçoit. C'est parfois ce qui lui pose le plus de problèmes. Nous respectons également les normes recommandées par notre secteur et par l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite dans son modèle de gestion des régimes de retraite. En fait, nous avons participé à l'élaboration de ces normes et nous encourageons les régimes de pension à les appliquer le cas échéant.

Nous avons également essayé de suivre les recommandations du comité Day. Dans notre rapport annuel, nous donnons, dans l'ensemble, à nos membres le même type de renseignements que si nous étions une société cotée en bourse. Nous leur montrons que le conseil d'administration est indépendant, comment le comité est constitué, et cetera, afin qu'ils puissent juger si nous tenons nos engagements.

J'aime toujours tenir compte de nos clients et du public en général. Dans les groupes de consultation, les membres de notre régime ont montré qu'ils avaient confiance dans la façon dont nous gérons le revenu de retraite des enseignants ontariens et de leurs survivants, ce qui est conforme à l'attitude de la population canadienne à l'égard des gros fonds de pension. Un sondage national réalisé à la fin de l'année dernière à ce sujet a constaté que, d'après plus de la moitié des Canadiens, les fonds de pension font un «très bon» ou «bon» travail pour ce qui est d'assurer une source stable de revenu de retraite à leurs membres. Sept pour cent ont répondu «très bon», et 46 p. 100 «bon».

Les deux tiers des Canadiens pensent que le gouvernement ne devrait pas se mêler de la façon dont les régimes de pension indépendants investissent les actifs de leurs membres. Seuls 15 p. 100 des personnes interrogées pensent que les gros fonds de pension ont trop d'influence sur l'économie canadienne. Les deux tiers sont d'avis qu'ils investissent de façon responsable.

Je vais maintenant essayer de répondre à vos questions initiales. Le problème du passif non capitalisé est intéressant. Beaucoup de gens se plaisent à penser que c'est arrivé par accident, mais ce n'est pas le cas. C'est un peu comme le RPC. Nous nous demandons d'un seul coup aujourd'hui pourquoi nous avons ce problème. Nous étions déjà au courant de son existence en 1967. Il en va de même pour le passif non capitalisé des régimes de pension. La plupart des gouvernements et des organisations d'enseignants savaient, ou auraient dû savoir, que les prestations promises n'étaient pas suffisamment couvertes par les cotisations. Vingt ans plus tard, ils ont beau jeu de se présenter devant le comité et de dire qu'ils n'en savaient rien.

Les enseignants de Terre-Neuve, où la situation est probablement la pire au Canada, savent depuis des années que leur régime est sous-capitalisé. Dans le cas des enseignants de l'Ontario, que je connais beaucoup mieux, nous avions un passif non capitalisé d'environ 15 p. 100 des actifs en 1990. C'était la conséquence d'une seule décision -- l'accord d'une protection contre l'inflation. À cette époque, l'augmentation des cotisations avait seulement été le tiers de ce qu'elle aurait dû être. On le savait. Ce n'était pas une surprise. Cela avait été négocié. Les gens ne peuvent pas venir dire aujourd'hui qu'ils ne le savaient pas.

Cela a beaucoup inquiété les enseignants à partir de 1990. Ils savaient également que nous pouvions obtenir de meilleurs résultats si nous investissions dans l'ensemble du marché au lieu de nous en tenir aux obligations du gouvernement de l'Ontario. Il en va à peu près de même dans de nombreux autres cas.

Ces choses-là étaient connues. Malheureusement, de nombreux régimes publics n'ont pas à respecter les lois sur les pensions de leurs provinces respectives. Voilà pourquoi ils ont pu être sous-capitalisés. Si, en Ontario, ces plans avaient été privés -- celui d'Ontario Hydro était plutôt traité comme un régime privé --, ils seraient surcapitalisés dans l'ensemble puisque les marchés ont plutôt été bons dernièrement.

Voilà qui, à mon avis, règle toute la question du passif non capitalisé.

Votre dernière question était intéressante. Comment changer les choses? En 1990, c'était peut-être par chance -- mais on mérite parfois la chance qu'on a --, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, qui participait à la mise en place du conseil d'administration, a décidé qu'elle voulait que celui-ci soit excellent, que ce soit un groupe qui gère le régime au profit des enseignants. Le premier président était Gérald Bouey, que beaucoup d'entre vous connaissent. Il a été nommé président et a participé à la sélection d'un conseil d'administration composé principalement de personnalités expérimentées du monde des affaires. Même les enseignants ont nommé des gens qui avaient une expérience du monde des affaires parce que, dans leur esprit -- et cela inquiétait certains dirigeants --, ils voulaient avoir des gens qui puissent réellement comprendre ce dont on discutait au conseil.

Je pense que nous avons une très bonne équipe de gestion, et nous essayons de faire preuve d'imagination. Nous sommes probablement un des principaux utilisateurs de produits dérivés, mais beaucoup d'organisations s'inspirent de la façon dont nous les utilisons. Nous avons beaucoup investi dans les valeurs mobilières parce qu'il était manifeste que le risque auquel nous étions exposés était une inflation imprévue. Pour un fonds de pension indexé, le risque n'est pas l'écroulement du marché. Le plus gros risque est, de toute évidence, une inflation imprévue. C'est quelque chose que les gens ont parfois tendance à négliger.

Nous achetons une grosse quantité d'obligations à rendement réel. Pourquoi? Parce que cela se combine bien avec notre passif. Nous avons tendance à surveiller non pas nos actifs, mais notre excédent. Nous surveillons toujours l'interaction entre les actifs et le passif. Si la bourse baisse de 20 p. 100 aujourd'hui parce que les taux d'intérêt ont augmenté, la valeur de notre passif va probablement chuter de plus de 20 p. 100. Il faut surveiller les deux. Si la bourse baisse de 20 p. 100 mais que votre passif baisse de 25 p. 100, il n'y a pas de problème.

Pour ce qui est de l'excédent, une des pires années sur les marchés boursiers a été 1995.

Le président: Pourquoi?

M. Lamoureux: Parce que l'excédent de nombreuses sociétés a augmenté de 40 ou 45 p. 100, alors que la bourse a eu une hausse de 35 p. 100. Je prendrai l'exemple de GM. C'est un exemple américain, mais je l'utilise parce qu'il y a plus d'indices aux États-Unis. En 1995, le passif des fonds de pension des États-Unis a augmenté en moyenne de plus de 40 p. 100, alors que les actifs n'en ont pas fait autant, même s'ils ont donné de très bons résultats.

Il ne faut pas surveiller seulement les actifs, mais également l'excédent. Comme je l'ai dit, nous devons payer des pensions.

Le sénateur Angus: Monsieur Lamoureux, je pense que vous savez très bien que vos commentaires sont une des principales raisons pour lesquelles nous effectuons cette étude.

M. Lamoureux: Dois-je prendre cela en bien ou en mal?

Le sénateur Angus: Lorsque nous avons eu notre première table ronde sur la régie des sociétés, certaines des choses que vous avez dites nous ont amenés à comprendre qu'il était important d'examiner les investisseurs institutionnels. Je me demande si nous ne devrions pas aussi examiner comment les sociétés d'État sont administrées, mais ce sera pour une autre fois.

M. Lamoureux: Oui, vous devriez le faire.

Le sénateur Angus: Hier, nous avons reçu des représentants d'OMERS, le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. Vous êtes ici aujourd'hui. Vos deux organisations sont d'importantes institutions canadiennes, et il y a pourtant des différences importantes dans la façon dont elles sont administrées, si je comprends bien. Je pense qu'il pourrait être utile que vous nous expliquiez quelles sont les principales différences entre les deux.

M. Lamoureux: Pour ce qui est de notre régime administratif, la principale différence est qu'OMERS a un conseil d'administration composé de non-spécialistes alors que je dirais que le nôtre est plus spécialisé. Les membres du nôtre ont une grande expérience des questions financières. Nous avons des gens comme Robert Korthals et Ted Medland, qui ont dirigé de grandes institutions financières. Jalynn Bennett siège au conseil d'administration de plusieurs sociétés, dont une grande banque. Nous avons plusieurs personnes qui ont une vaste expérience. L'OMERS, dans l'ensemble, a tendance à nommer des gens choisis parmi ses membres. En fait, ce sont généralement des dirigeants de cette organisation. Quand quelqu'un a travaillé au sein du syndicat, il a une certaine expérience et il a siégé dans des conseils d'administration, mais pas dans le domaine des finances.

Comme je l'ai déjà dit en plaisantant, je préfère notre modèle, mais si vous examinez l'historique d'OMERS, il lui a fallu assez longtemps pour acquérir un pourcentage important de valeurs mobilières. Il a commencé en 1975. Nous avons pu le faire en deux ou trois ans. Il nous a fallu seulement deux ou trois ans pour arriver à près de 70 p. 100. Quand on fait des choses qui paraissent très dynamiques, comme l'utilisation de produits dérivés, si c'est la première fois que les gens entendent ce mot et que la seule chose qu'ils en savent est qu'on en dit du mal dans les journaux, il faudra longtemps pour arriver à quelque chose. Je suis certainement satisfait de notre modèle.

Il a également été utile en ce qui concerne l'administration des pensions. Nous avions un énorme problème quand nous avons assumé la direction de notre régime. Le précédent modèle du fonds des enseignants était le même que celui d'OMERS. Nous avons aussi dû recalculer 55 000 pensions. Les données étaient erronées; des procédures et des contrôles qui auraient dû exister faisaient défaut. Il est également très utile d'avoir un bon conseil d'administration qui comprend pourquoi on investit dans un système informatique. Voilà pourquoi il est important d'avoir les gens les plus compétents. C'est un modèle que je connais très bien et qui, je pense, est efficace.

Je ne dis pas que le modèle d'OMERS n'est pas efficace, mais OMERS a également consulté des experts -- je ne sais pas si c'était un comité du conseil d'administration -- pour l'aider dans ses investissements. Il a dissout ce groupe il y a plusieurs années, mais il l'avait eu pendant un bon nombre d'années. Je ne pense pas qu'il y ait nécessairement un seul modèle efficace, mais je préfère certainement le nôtre, et je sais que des gens qui ont de l'expérience poseront des questions beaucoup plus pertinentes que des gens qui n'en ont pas. Ce qui est effrayant avec ces fonds, aujourd'hui, est qu'ils gèrent des milliards de dollars.

Quand on parle des décisions qu'il faut prendre, la plupart des gens évaluent l'importance d'une décision en fonction de leur salaire. Si le chiffre est supérieur à mon salaire, c'est un gros montant, s'il est inférieur, c'est un petit montant. D'un seul coup, les membres du conseil d'administration doivent parler de montants chiffrés en milliards de dollars, il y a très peu de gens qui reçoivent un salaire de ce niveau. Il faut des gens qui ont l'habitude de prendre ce genre de décision et qui n'ont pas peur de les prendre. Sinon, il leur faudra longtemps avant d'en être capables. Voilà pourquoi je recommande le modèle que nous utilisons. Je sais que la présence d'experts au sein de notre conseil d'administration s'est avérée utile pour nous.

Le sénateur Angus: D'après ce que vous dites, la principale différence, elle est importante, est la composition du conseil et l'origine de ses membres. Bien entendu, comme notre étude nous l'a déjà appris, il existe des centaines de sortes d'investisseurs institutionnels, qu'il s'agisse des enseignants, de l'OMERS, des fonds mutuels ou des petits fonds de pension de certaines sociétés. Dans la première étude, que vous nous avez aidé à réaliser, nous avons pu nous appuyer -- ou les sociétés du Canada ont pu s'appuyer -- sur des études antérieures, comme le rapport Day et les lignes directrices de la Bourse de Toronto, qui ont évolué et qui ont exercé une grande influence sur les pratiques d'administration des entreprises qui ont actuellement cours au Canada. Nous nous demandions hier soir ce qui pourrait constituer une liste appropriée ou comment notre comité, qui essaie d'élaborer une politique gouvernementale en la matière, pourrait énoncer une série de pratiques recommandées réalistes au sujet de l'administration des institutions. J'ajouterai que nous nous rendons compte qu'on ne peut pas utiliser le même modèle pour tout le monde.

M. Lamoureux: Vous connaissez déjà le meilleur expert d'Amérique du Nord, Keith Ambachtsheer. Il a étudié les fonds de pension dans le monde entier. Il a commencé en Amérique du Nord. En fait, quand je travaillais à New York, je pensais qu'il était américain, mais j'ai corrigé cette fausse impression depuis.

Il a écrit un livre, qui va bientôt être publié, qui ne porte pas seulement sur l'administration des fonds de pension. Ne vous laissez pas influencer par le fait qu'un des chapitres de ce livre nous est consacré. Vous pouvez lire le reste. Il a fait beaucoup de recherches quantitatives sur les rapports entre les investissements et les dépenses: qu'est-ce qui ajoute de la valeur? Comment ajoute-t-on de la valeur? Pourquoi le fait-on?

Il a fait une étude quantitative de la gestion. Il a parlé à de nombreux conseils d'administration et à de nombreux gestionnaires de fonds de pension. Je pense que c'est un des principaux experts dans son domaine en Amérique du Nord. Un de ses livres a été traduit en japonais. Il a écrit un ouvrage remarquable, que j'ai donné à tous les membres de notre conseil d'administration, dans lequel il explique que les fonds de pension doivent essentiellement être considérés comme des entreprises commerciales. Je suis également de cet avis. Je ne crois pas que ce soit seulement une question d'actif et de passif, ni que chaque groupe doive relever du conseil d'administration. Il faut concilier les deux, ce que nous avons fait.

M. Ambachtsheer pourrait vous dire ce qu'il a constaté dans les fonds de pension qui donnent de bons résultats et pourquoi ils y parviennent. J'ai mes propres idées préconçues, bien entendu, mais je discute également avec de nombreux autres gestionnaires de fonds de pension. On finit par savoir qui tire bien son épingle du jeu et qui ne le fait pas. Certains sont bons dans certaines domaines, mais peut-être pas dans d'autres.

Nous essayons d'être bons pour ce qui est du système. Si on peut faire en sorte que le fonds rapporte un demi pour cent de plus, cela veut dire que la pension sera ultérieurement de 10 p. 100 plus élevée. C'est une grosse différence. On ne peut pas faire beaucoup mieux que l'indice, mais on peut faire mieux que lui régulièrement. Si on peut le battre d'un demi pour cent, on s'en tire très bien. Pour la plupart des gens, c'est très difficile à faire. Je vous ai déjà dit que nous constituons un univers. Il est bien difficile que nous puissions tous faire mieux que l'indice. Je suis heureux d'avoir un conseil d'administration comme le mien parce que ses membres nous poussent à essayer de faire mieux que l'indice.

Le sénateur Angus: M. Ambachtsheer et M. John Por, nos premiers témoins, nous ont présenté un cadre de référence.

Nous voyons des exemples de gestionnaires de fonds de pension, comme vous-même et beaucoup d'autres, qui appliquent des méthodes réellement bonnes. Nous entendons aussi parler, à l'occasion, d'histoires terrifiantes. Vous étiez ici ce matin quand nous avons entendu parler d'un autre exemple d'une méthode pas tout à fait parfaite utilisée par une des sociétés d'État de l'Ontario.

M. Lamoureux: Vous avez mentionné l'OMERS. Il y a quelques années, il a eu un problème en ce qui concerne l'évaluation de biens immobiliers. Ce problème tenait seulement à la méthode d'administration. S'il y avait eu plus de spécialistes dans son conseil d'administration, j'oserais dire que ce problème ne se serait pas produit.

Voilà pourquoi je pense qu'il faut des gens qui puissent poser les bonnes questions. Cela n'évitera pas tous les problèmes, mais la plupart d'entre eux. Il y aura quand même des problèmes. C'est la vie.

Le sénateur Angus: Comment le comité peut-il contribuer à relever le niveau de qualité de l'administration de façon générale?

M. Lamoureux: Vous l'avez déjà fait dans une certaine mesure grâce à votre travail au sujet du RPC. Vous avez fait en sorte que le RPC donne l'exemple. Les gens s'inspirent des fonds les plus importants. S'ils sont bien gérés, c'est très utile.

Le travail que vous avez réalisé au sujet du RPC a fait mieux connaître le problème. Les gens se sont soudain rendu compte qu'il faut de bons conseils d'administration. Un bon membre d'un conseil d'administration doit bien connaître le domaine. Il ne suffit pas d'être simplement l'ami d'un autre membre. Il est très important de parler de ce genre de travail. Dans le domaine juridique, si les choses se font déjà à un certain niveau, il faut être au moins à ce niveau ou, si possible, à un niveau supérieur. Avec votre travail, vous avez relevé la barre, ce qui est certainement utile. Bien entendu, vous ne pouvez pas modifier la loi provinciale, mais il est essentiel de faire en sorte que ces conseils d'administration soient compétents.

Les États-Unis ne sont pas un modèle en la matière. En fait, les États-Unis peuvent parfois nous apprendre ce qu'il ne faut pas faire. Il y a de nombreux fonds publics des États-Unis que je ne comparerais pas avec les fonds canadiens parce qu'on y pratique beaucoup de favoritisme. Ils ne sont pas assujettis à la Employment Retirement Income Securities Act, qui s'applique aux sociétés privées. Ce qui se passe dans ces fonds n'est donc pas toujours très joli.

Le sénateur Austin: Hier soir, Bill Dimma semblait dire qu'il fallait que les directeurs des fonds de pension du Canada soient licenciés. Il disait qu'ils devraient recevoir une formation et passer un examen objectif et que les administrateurs des fonds de pension devraient obtenir une licence ou être agréés avant de pouvoir exercer leurs fonctions.

Le sénateur Angus: Je pense qu'il n'a pas limité cela aux fonds de pension, mais qu'il pensait également aux administrateurs des sociétés cotées en bourse.

Le sénateur Austin: Comment réagissez-vous en ce qui concerne les conseils d'administration des fonds de pension? Vous avez fait plusieurs commentaires à propos du fait qu'ils devaient être experts dans leur domaine. Pensez-vous qu'un système plus structuré serait nécessaire au Canada?

M. Lamoureux: L'idée d'exiger une licence est intéressante. Par ailleurs, un conseil d'administration est une équipe. Il doit être composé de gens qui ont des antécédents différents. Il faut des gens qui connaissent la mise en marché, d'autres qui connaissent les relations publiques ou les finances. C'est comme si on exigeait une attestation de bon sens. C'est en grande partie une question de bon sens.

Deux professeurs de l'Université de Western Ontario ont écrit un livre dans lequel ils disent que, dans un conseil d'administration, il faut des gens qui puissent semer la dissension, poser les questions désagréables évidentes. Comment peut-on délivrer une licence pour cela? Peut-être qu'on peut le faire. Il faut toutefois certainement des gens qui aient une certaine expérience. L'idée de M. Dimma est intéressante, mais je ne sais pas comment on pourrait l'appliquer. À mon avis, il faut des gens de toutes sortes.

Je suis sûr que vous avez tous entendu parler de Peter Lynch, qui a été associé à deux faillites retentissantes aux États-Unis. Il aurait brillamment réussi à un examen. Je l'aurais nommé dans n'importe quel conseil d'administration. Il avait toutefois du mal à faire preuve de dissension créative, et c'est difficile à évaluer à l'avance. On peut réussir à l'examen, mais il faut être capable de confronter le PDG et de poser des questions désagréables.

Le président: Hier soir, nous avons cité le rapport Day à titre de comparaison. Nous avons dit qu'il n'y a pas besoin d'une loi pour tout, si on a des lignes directrices et si on tient compte du fait que les gens tiennent beaucoup à sauvegarder leur réputation. On peut réaliser beaucoup de choses en s'appuyant sur l'adhésion volontaire des gens, parce que leurs pairs auront beaucoup moins d'estime pour eux s'ils ne respectent pas les lignes directrices, même si ce ne sont que des lignes directrices.

Que pourrions-nous faire pour créer un mécanisme du même genre pour l'administration des fonds de pension afin que, sans exiger une réglementation formelle -- ce qui est difficile à faire parce que ce domaine relève de la compétence des provinces --, nous puissions néanmoins utiliser la crainte qu'ont les gens de voir leur réputation compromise pour convaincre les différentes sortes de fonds de pension qu'ils doivent se conformer à des lignes directrices appropriées en matière d'administration?

M. Lamoureux: Le meilleur mécanisme est la peur de voir sa réputation compromise. C'est la chose dont les administrateurs ont le plus peur. Il est manifeste que c'est efficace, et c'est efficace pour la plupart d'entre nous.

Le président: Sur quoi peut-on agir? Comment atteindre un tel résultat? Quel mécanisme faut-il utiliser?

M. Lamoureux: Vous pouvez mettre certaines de ces choses dans les régimes fédéraux, mais il est évident qu'un conseil d'administration doit être composé de gens compétents. D'après les exigences mentionnées dans le rapport Day, on pourrait poser les questions suivantes: Le conseil est-il indépendant? Le PDG en fait-il partie? Comment les membres sont-ils choisis? Existe-t-il une procédure indépendante pour la sélection des candidats?

Dans la plupart des régimes publics, cette procédure est appliquée de façon indépendante. Toutefois, si un sous-ministre est membre du conseil et que son patron est le ministre, j'ai du mal à voir comment cette indépendance pourrait être respectée. Le sous-ministre cherche certainement à tenir compte de ce que veut le ministre: «Allons-nous investir dans cette petite chose dont le conseil est saisi ou allons-nous prendre la décision correcte et refuser de le faire?» Cette personne se retrouve au moins dans une situation de conflit d'intérêts; on ne s'en rend peut-être pas compte, mais c'est le cas.

En outre, les sous-ministres, même au ministère des Finances, n'ont pas tous de l'expérience en matière d'investissement. Ce sont parfois des experts en matière d'emprunt. Beaucoup d'entre eux ne veulent pas investir dans les valeurs mobilières. Et il faut avoir des gens qui ont une certaine connaissance du marché des capitaux, mais pas seulement d'une partie de celui-ci, de sa totalité.

Pour investir, il faut s'en tenir à une discipline rigoureuse. On peut codifier certaines des pratiques optimales qui existent déjà, ou tout au moins en faire état dans un rapport. Elles finissent par devenir une norme, de la même façon que nous utilisons maintenant les critères présentés par le comité Day au moins pour l'administration de notre conseil. Nous les utilisons parce qu'il n'y avait rien d'autre de ce genre pour le secteur des pensions.

L'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite a préparé un document extraordinaire. Si je siégeais pour la première fois au conseil d'administration d'un fonds de pension, il faudrait au moins que je le lise et que je demande comment le conseil se situe vis-à-vis des normes qui y figurent.

Il est difficile d'imposer de telles normes dans une loi. Je n'en sais rien; je ne suis pas expert dans ce domaine.

Le président: Permettez-moi de vous présenter une idée pour que vous nous fassiez part de votre réaction. Penchons-nous un instant sur les régimes fédéraux. Supposons que le BSIF adopte des lignes directrices relativement à l'administration des fonds de pension et que, dans le cadre de sa vérification annuelle des fonds placés sous la juridiction du gouvernement fédéral, il exige que chacun d'eux explique comment il a appliqué chacune des lignes directrices comme on le fait pour les sociétés, et que ces rapports soient mis à la disposition non seulement de tous les membres du régime de pension comme le rapport annuel, mais également de tous les autres régimes de pension. On saurait ce qui se passe dans les autres régimes.

Serait-ce au moins un modeste début pour ce qui est d'inciter les gens à préserver leur réputation?

M. Lamoureux: Cela relèverait la barre, et probablement de façon importante. Le BSIF a récemment publié un règlement qui stipule qu'aucun membre du conseil d'administration d'un fonds de pension ne doit défendre un point de vue particulier. Si je suis employé du gouvernement, je ne suis pas là pour recommander qu'on investisse dans mon entreprise favorite. Si je suis dirigeant syndical, je ne suis pas là pour recommander qu'on investisse en fonction de mes convictions favorites.

Le président: Et si je suis sous-ministre, je ne suis pas là pour recommander qu'on investisse dans ma province, par exemple.

M. Lamoureux: Je suis là pour investir en fonction des intérêts des membres. C'est ce qu'a publié le BSIF. J'ai cité cela comme exemple. Je pense que c'était un projet de règlement, mais c'était un joli petit paragraphe. Bien entendu, si vous êtes administrateur d'un fonds de pension, il faut que vous pensiez à cela. La plupart des lois canadiennes stipulent que les membres des conseils d'administration doivent investir en fonction des intérêts des membres, un point c'est tout.

Nous avons été critiqués pour différentes raisons par des membres de la FEO. Les gens peuvent dire que nous nous abritons derrière notre obligation fiduciaire, mais c'est très important. J'ai été très heureux de constater que le mémoire de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants dit à ce sujet que le fonds de pension existe seulement pour ses membres.

Le président: Vu votre grande imagination, vous pourriez peut-être réfléchir à cette question au cours du prochain mois. Sans employer la force brute, y a-t-il néanmoins moyen de convaincre les gens qu'il serait utile de modifier les méthodes d'administration?

M. Lamoureux: Je trouve également bon de publier notre taux de rendement et de le faire vérifier par le vérificateur. Qu'est-ce qui compte avant tout? C'est mon taux de rendement. C'est le point de référence. Notre taux de rendement est indiqué dans les notes sur nos états financiers. J'ai vu le rapport d'un fonds public du Canada qui indiquait le taux de rendement sur une période de 13 mois comme étant le taux annuel. Il fallait lire les notes en bas de page et être très compétent pour le découvrir.

Le président: Vous voulez que le taux de rendement soit défini de la même façon pour tout le monde, qu'il s'agisse d'un plan arrivé à maturité qui cesse ses activités ou d'un plan qui reçoit de nouvelles cotisations?

M. Lamoureux: Il y a des règles qui s'appliquent à cela.

Le sénateur Oliver: Il faut également respecter les principes comptables généralement reconnus.

M. Lamoureux: À cet égard, il y a l'AIMR, l'Association for Investment Management and Research, qui a publié de nombreux documents à ce sujet. Elle a établi des normes. Pour notre part, nous voudrions qu'un vérificateur dise que nous l'avions fait comme il faut.

Le sénateur Stewart: En réponse au sénateur Austin, vous nous avez dit quelle sorte de gens vous aimeriez voir siéger au conseil d'administration d'un fonds de pension. J'aimerais que vous nous fassiez une déclaration très claire au sujet des administrateurs indépendants. Je crois savoir qu'il y a environ une semaine, vous avez publiquement fait un commentaire au sujet de la façon dont une société qui s'appelle Philip Services Corp. est administrée?

M. Lamoureux: Oui.

Le sénateur Stewart: J'ai une déclaration dont on vous attribue la paternité.

Je suis sûr que c'est un domaine qui sera examiné non seulement par nous, mais par beaucoup d'autres investisseurs. Tout le monde va chercher à voir s'il serait utile d'avoir plus d'indépendance. On va examiner très attentivement le conseil d'administration.

J'aimerais avoir une déclaration très claire, qu'on puisse citer, expliquant pourquoi cette société pourrait obtenir de meilleurs résultats si son conseil d'administration était plus indépendant.

M. Lamoureux: Dans ce cas-ci, le problème concernait la comptabilité, et on peut le prévenir. Si vous avez un comité de vérification indépendant, vous pouvez poser de meilleures questions. On dit beaucoup de choses dans les journaux. Je ne suis pas un observateur attitré de cette société. Nous avons des gens qui gagnent leur vie en faisant cela, mais ce que j'ai lu dans la presse est que c'est un problème de comptabilité. Cette société est contrôlée par deux frères, qui, à ma connaissance, ne possèdent pas la majorité des actions.

De meilleurs administrateurs peuvent poser de meilleures questions. Les vérificateurs seront plus indépendants. Un administrateur saura qu'il travaille pour les actionnaires et non pas pour la direction. La dynamique changera donc au sein du conseil. On y posera de meilleures questions. Au comité de vérification, vous pouvez examiner le bilan financier en cinq minutes -- généralement, si cela prend cinq minutes, c'est qu'il y a quelque chose à cacher. Quelqu'un peut vous signaler les problèmes et les questions en jeu. Vous pouvez parler aux gens dans les bureaux de la société, si vous voulez savoir ce qui s'est passé.

Si vous avez un bon conseil d'administration, ses membres tiendront à obtenir des renseignements, non seulement de la part du PDG mais des autres membres de la direction pour avoir une idée de ce qui s'est passé. À un moment donné, nous avons organisé une rencontre avec deux administrateurs d'une société dans laquelle nous avions investi. Une semaine plus tard, ils ont annulé leur rendez-vous. Pourquoi? Parce qu'ils avaient parlé au PDG. Ces administrateurs étaient-ils indépendants? Non. Là encore, c'est la même question que celle dont nous avons parlé tout à l'heure. Ils pensent qu'ils représentent la direction alors qu'en fait, ils représentent les actionnaires. C'est l'erreur fondamentale. Les administrateurs sont là seulement à cause des actionnaires. Nous ne pouvons pas tous aller à la réunion. Je ne connais pas tous les détails de cette situation, sénateur, mais dans un cas comme celui-ci, oui, nous faisons attention, parce que nous avons un investissement indiciel dans cette société. Il fait partie de cet indice et nous n'allons donc pas le vendre. Quand on ne peut pas vendre, il faut prendre des précautions. Nous ferons nos propres recherches et nous le ferons discrètement, comme d'habitude, au lieu de nous adresser à la presse pour essayer d'exercer une influence sur ce qui se passe dans cette société.

Le sénateur Oliver: Il y a des choses que le vérificateur lui-même n'a pas pu découvrir à propos de Philip. Ces renseignements ont été cachés même au vérificateur.

M. Lamoureux: Mais, sénateur, si vous êtes vérificateur, votre travail est de les découvrir.

Le sénateur Angus: Ou de ne pas signer la déclaration.

M. Lamoureux: Si vous constatez qu'on ne vous permet pas d'avoir accès à certaines choses, vous devez démissionner. Deloitte est notre vérificateur, mais ses représentants savent ce que je pense d'une bonne partie de ce travail. Il faut envoyer les meilleurs experts dont on dispose, et si on constate qu'on a du mal à obtenir des renseignements, on démissionne. Aucune société cotée en bourse ne veut voir son vérificateur démissionner.

Le sénateur Stewart: J'ai une question très différente. Vous gérez un très gros montant d'argent. On nous a dit que le marché canadien est relativement petit. En un mot, êtes-vous d'avis qu'il faudrait éliminer la règle des 20 p. 100 et, si c'est le cas, jusqu'où faudrait-il aller?

Le sénateur Angus: Et si on le fait, cesserez-vous vos transactions sur les produits dérivés?

M. Lamoureux: Vous avez anticipé ma réponse.

Dans un certain sens, pour les gros fonds, la limite de 20 p. 100 -- je vous l'ai déjà dit, et le gouvernement fédéral le sait -- n'est pas un énorme handicap. Si vous avez un gros fonds, vous pouvez utiliser des produits dérivés. Non, nous ne cesserons pas d'en utiliser. Aujourd'hui, ce sont des outils. Nous avons commencé à les utiliser pour résoudre un problème. Nous avions des obligations de l'Ontario qui étaient non négociables et incessibles. Nous voulions les remplacer par des valeurs mobilières. Pour faire cela, on pratique un swap. Une fois que nous nous sommes engagés sur cette voie, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions aller beaucoup plus loin.

Nous avons maintenant 12 p. 100 de nos placements à l'extérieur du Canada, et ils représentent 40 p. 100 de nos revenus. Comment faisons-nous cela? Nous prenons une obligation de l'Ontario et nous utilisons l'indice de S&P. Aujourd'hui, c'est un outil. Je connais, aux États-Unis, le cas d'une coopérative qui a fait l'objet de poursuites -- elle traitait dans le secteur des denrées de base -- parce qu'elle n'avait pas utilisé des produits dérivés.

Les produits dérivés sont un outil que nous aimons bien.

Je pense que la limite de 20 p. 100 pourrait facilement être portée à 30 p. 100. Le fait que 50 p. 100 du CN appartienne à des intérêts étrangers n'empêche personne de dormir. Je crois que cela n'empêche personne de dormir parce qu'il est très difficile de diriger les trains depuis là-bas.

On croit parfois à tort que c'est une source de capitaux. Je pense que cela force un petit fonds de pension à rester en deçà de 20 p. 100. Les gros fonds, s'ils le veulent, peuvent circonvenir cette limitation au moyen des produits dérivés. J'aimerais qu'elle passe à 30 p. 100. Ce ne serait pas catastrophique pour l'économie canadienne.

À certains égards, le fait que nous gagnons plus si nous investissons à l'extérieur du Canada aide l'économie canadienne. On ne gagne pas d'un côté en perdant de l'autre, c'est positif des deux côtés. Quand j'étais adolescent, on s'inquiétait parce que les Américains possédaient trop de choses au Canada. Pourquoi possédaient-ils trop de choses? Parce qu'ils pouvaient réaliser un profit à l'extérieur des États-Unis. Si les Canadiens avaient une plus forte participation dans d'autres économies, nous rapporterions des revenus ici, et les Canadiens en profiteraient. À mon avis, porter cette limite à 30 p. 100 ne poserait pas de problème. Je pense que ce serait utile pour tout le monde, mais surtout pour les petits épargnants et les petits fonds qui ont moins d'options que nous.

Le président: Vous êtes membre de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite et c'est vous qui nous avez remis initialement ce document très concret sur l'administration des régimes de retraite.

Hier soir, l'ACPM, quand elle a comparu devant nous, nous a remis un document établi sur la base d'un questionnaire sur l'administration des régimes de pension qu'elle avait soumis à ses membres. En gardant ces documents à l'esprit, je voudrais revenir à la question des lignes directrices que j'avais soulevée tout à l'heure.

Ce serait réellement utile pour nous si certains des acteurs clés de ce secteur pouvaient nous faire part de leurs réflexions à propos d'une ligne directrice applicable aux régimes de pension qui pourrait être l'équivalent du rapport Day. Je reviens à l'idée que si le BSIF établissait une série de lignes directrices et si le règlement exigeait seulement qu'un rapport soit présenté au sujet de celles-ci et qu'il soit rendu public, la question à poser serait alors la suivante: En quoi devraient précisément consister ces lignes directrices? Nous pouvons nous appuyer sur ces deux documents, surtout celui de l'ACGFR, pour commencer à élaborer une série de lignes directrices, mais si vous savez qu'il en existe déjà ou si l'ACGFR voulait en préparer, ce serait utile.

M. Lamoureux: Ce qu'a fait l'ACGFR est très bien. Je connais mieux ces lignes directrices que celles de l'ACPM.

Le président: Elle les a faites récemment.

M. Lamoureux: Je ne pense pas qu'il doive y avoir d'énormes contradictions entre les deux.

Le président: L'ACGFR propose plutôt une procédure que des lignes directrices. Je pense qu'il faudrait s'en servir pour établir des lignes directrices. Vu votre association avec l'ACGFR, si vous pouviez faire en sorte que quelqu'un se mette à examiner cette question, ce serait utile.

M. Lamoureux: Je pense que cela pourrait se faire.

Le président: Le régime des enseignants nomme-t-il des gens au conseil d'administration des sociétés dans lesquelles il investit beaucoup?

M. Lamoureux: Parfois, mais très rarement.

Le président: Qu'est-ce qui l'incite à le faire?

M. Lamoureux: Je vais vous en donner un exemple, mais permettez-moi d'abord de vous expliquer comment cela se fait de façon générale. Nous avons une liste de noms, connue seulement de nous, de gens qui sont des administrateurs, et les membres de la haute direction savent que nous l'avons. C'est la liste à laquelle je me réfère toujours.

Le sénateur Angus: Ce sont les administrateurs licenciés.

M. Lamoureux: Il arrive qu'on s'adresse à nous ou, dans le cas de Maple Leaf Foods, nous avions initialement le droit de nommer trois administrateurs. Nous avons une participation importante dans Maple Leaf Foods, et nous voulions être sûrs que tout se passe bien.

À l'heure actuelle, nous avons seulement deux administrateurs là, mais nous avons encore le droit d'en avoir trois. L'un d'entre eux est un de nos vice-présidents. C'est une des façons dont nous pouvons nommer quelqu'un à un conseil d'administration.

Un exemple de la deuxième façon est le suivant: quand nous achetons une société privée, nous pouvons avoir un membre de la direction. Dans le cas du Toronto Sun, je pense que nous avons un membre de la direction et nous avons nommé quelqu'un de l'extérieur, choisi également sur cette liste. Quand l'entreprise sera cotée en bourse, notre représentant au conseil d'administration démissionnera dans les deux ans. C'est notre politique. Nous pouvons toujours faire une exception, mais le danger que cela présente -- et un témoin précédent y a fait allusion -- est que si nous apprenons des renseignements privilégiés, nous ne pouvons faire aucune transaction. Quand on possède 40 p. 100 du capital -- et, du point de vue économique, nous possédons 40 p. 100 de Maple Leaf Foods --, il y a toutes sortes d'autres règles qui entrent en jeu. Si nous voulons vendre, nous devons publier un prospectus et nous devons demander des exemptions. Si nous voulons acheter, c'est la même chose. Comme nous avons là un cadre supérieur, nous savons que nous sommes déjà assujettis à certaines limitations. C'est un gros investissement. En même temps, l'actionnaire principal est certainement heureux de notre présence, parce qu'il possède aussi une grosse partie du capital, et il y a beaucoup de contacts entre les deux. Nous obtenons des renseignements privilégiés, mais depuis que nous y avons investi, nous n'avons pas pu acheter plus d'actions.

C'est donc la deuxième façon. S'il s'agit d'une société privée, nous nommerons un membre de notre groupe, un employé, nous nommerons quelqu'un de l'extérieur, et, généralement, deux ans après que la société sera cotée en bourse, nous retirerons notre représentant. Par exemple, nous avions deux administrateurs chez Automated Tooling Systems (ATS) quand cette société était privée. Nous n'en avons plus maintenant. Nous avons fait cela à plusieurs reprises.

Nous participons également aux activités d'une organisation qui s'appelle le Taylor Group, qui investit des fonds pour nous, et Tom Taylor a été nommé membre de plusieurs conseils d'administration au Canada. En général, ce groupe a tendance à investir dans des sociétés qui ont des résultats insuffisants. Il intervient surtout sur l'administration de la société. Si ses conseils ne sont pas bien reçus, il s'en va. En général, il entre au conseil d'administration quand quelqu'un l'invite à le faire, ce n'est pas nous qui l'imposons. J'ai interrogé de nombreuses personnes au côté desquelles il siège, et toutes se félicitent de sa présence parce qu'il apporte une optique tout à fait différente.

Le président: Merci, monsieur Lamoureux, d'être venu. S'il vous plaît, n'oubliez pas les lignes directrices. C'est important pour nous.

La séance est levée.


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