Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 18 - Témoignages du 12 mai 1998 (après-midi)
OTTAWA, le mardi 12 mai 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner l'état actuel du système financier au Canada (étude comparative sur la réglementation des services financiers).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous allons nous entretenir ce soir, par voie de vidéoconférence, avec des témoins de la Nouvelle-Zélande.
Je m'appelle Michael Kirby, et je suis le président du comité. Nous vous remercions beaucoup d'avoir bien voulu mettre de côté vos autres occupations pour nous consacrer un peu de votre temps. Si je ne m'abuse, chez vous, il est actuellement 10 heures du matin, n'est-ce pas?
M. Donald Brash, gouverneur, Reserve Bank of New Zealand: C'est exact.
Le président: Je vais vous présenter mes collègues: le sénateur Jack Austin de la Colombie-Britannique, le sénateur Catherine Callbeck de l'Île-du-Prince-Édouard, le sénateur Céline Hervieux-Payette du Québec, le sénateur Donald Oliver de la Nouvelle-Écosse, le sénateur David Tkachuk de la Saskatchewan, et le sénateur Kelleher de l'Ontario. Je suis personnellement de la Nouvelle-Écosse.
Notre personnel vous a fait parvenir une liste des sujets qui nous intéressent. Pourriez-vous vous présenter, après quoi chacun de vous pourrait peut-être nous faire brièvement part de ses impressions à propos de la documentation que nous vous avons fait parvenir. Nous passerons ensuite au dialogue proprement dit.
M. Brash: Merci beaucoup. Nous sommes ravis de nous entretenir avec vous. Nous avons beaucoup appris au fil des ans au contact des Canadiens.
J'ai avec moi M. Peter Allport, le président de la Commerce Commission.
M. Peter Allport, président, Commerce Commission, gouvernement de la Nouvelle-Zélande: Bonsoir, mesdames et messieurs.
M. Brash: Mes deux collègues de la Reserve Bank sont M. Peter Leddingham, qui est responsable de notre département du système bancaire, et M. Ian Harrison, qui fait partie de la haute direction de ce département.
Vous nous avez invités à formuler des observations d'ordre général concernant notre approche du système bancaire ici en Nouvelle-Zélande. Combien de temps nous accordez-vous pour cette déclaration préliminaire? Songez-vous à une introduction de 30 secondes, ou à quelque chose de plus long?
Le président: Vu que nous avons eu la chance de lire un certain nombre d'articles à propos de ce que vous faites, monsieur le gouverneur, nous vous saurions gré de simplement revenir sur quelques-uns des principaux éléments qui sont pertinents aux questions dont nous sommes saisis. Par exemple, le Canada exige que toutes les grandes banques soient de propriété canadienne, alors que vous n'avez manifestement pas de telle politique. De même, votre vision de la réglementation est différente de la nôtre. Par ailleurs, nous avons un régime d'assurance-dépôts, ce qui n'est pas le cas chez vous.
Plus généralement, il nous serait utile de savoir, entre autres choses, comment vous vous y prenez pour réglementer efficacement votre système bancaire tout en lui assurant une certaine stabilité. Comme vous le savez, notre système bancaire est quelque peu différent de celui des États-Unis. Comme dans bien des secteurs au Canada, nous avons opté pour un compromis entre ce que j'appellerais un système à l'américaine fondé sur des règles et un système à la britannique purement discrétionnaire. Quant à vous, vous avez adopté une toute autre orientation. Pour nous aider à mieux cerner ces distinctions et, évidemment, à lancer le dialogue, pourriez-vous nous dire, d'une part, pourquoi vous vous êtes engagés dans cette direction et, d'autre part, dans quelle mesure cette nouvelle orientation est préférable à votre ancien système?
M. Brash: Avec plaisir. Avant le milieu des années 80, nous n'avions en fait que quatre banques agréées, dont trois appartenaient déjà à des étrangers. Nous avions donc, même à ce moment-là, un long historique de propriété étrangère dans notre secteur bancaire. L'autre banque, la quatrième, était en réalité une banque commerciale d'État, connue sous le nom de Bank of New Zealand. Ce n'était pas la banque centrale, mais une banque commerciale.
Au milieu des années 80, lorsque nous avons libéralisé le marché bancaire et ouvert la porte à tous les intéressés qui répondaient à certaines normes qualitatives, nous avons assisté à une montée en flèche du nombre de banques, pour beaucoup étrangères. Certaines, comme la Post Office Savings Bank, étaient d'anciennes quasi-banques locales qui s'étaient converties en banques. Nous avions en outre un certain nombre de caisses d'épargne ordinaires, calquées sur le modèle des caisses d'épargne écossaises, qui s'étaient transformées en banques. Par ailleurs, certaines mutuelles d'épargne et de construction étaient aussi devenues des banques.
Nous avons alors assisté à une augmentation marquée du nombre de banques. Notre secteur bancaire était toutefois demeuré largement de propriété étrangère, quoiqu'un nombre important de banques néo-zélandaises en faisaient partie.
En 1991, nous avons entrepris de revoir notre façon d'exercer la surveillance du secteur bancaire. Trois motifs nous ont incités à effectuer cette révision. Le premier facteur était la forte proportion de notre secteur bancaire qui appartenait à des intérêts étrangers -- et, vraiment, il s'agissait de savoir quelle était l'incidence de ce facteur sur la façon dont nous exercions la surveillance des activités bancaires. Le deuxième motif tenait à ce que notre surveillance du secteur bancaire avait été jusque là fort limitée. Au cours des cinq ou six premières années qui avaient suivi la libéralisation de notre marché bancaire au milieu des années 80, nous nous étions montrés progressivement beaucoup plus rigides à cet égard. En 1991, nous avons jugé indiqué de prendre du recul et de nous demander si cette nouvelle orientation était souhaitable. Notre troisième motif, et peut-être le plus important, était que nous nous inquiétions jusqu'à un certain point des risques auxquels nous exposions les Néo-Zélandais en maintenant le système bancaire tel que nous le connaissions jusque là, risques qui ne sont évidemment pas très différents de ceux auxquels les clients des banques sont exposés dans la plupart des pays.
Nous exercions notre surveillance en nous fondant sur d'importants volumes de renseignements que nous recueillions à propos de chacune des banques. Cette information était gardée confidentielle. Nous avions établi un grand nombre de règles et de limites -- limites concernant les risques élevés, limites sur toute une gamme d'activités, par exemple sur les positions de change, et cetera. Nous craignions un peu qu'en cas de faillite de banque, des déposants ne viennent nous dire que nous, qui étions chargés de la surveillance, connaissions la situation -- détenions l'information --, alors qu'eux n'étaient au courant de rien, et que, vu que les banques fonctionnaient en conformité de nos règlements, ils ne réclament des dédommagements pour pertes.
Certains d'entre nous se disaient qu'il ne fallait pas trop s'en faire à cet égard, car nous exercions une surveillance à ce point efficace qu'aucune de nos banques n'avait jamais fait faillite. Mais en observant ce qui s'était produit dans d'autres pays, y compris aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Scandinavie, au Japon, en Australie et, bien sûr, même en Nouvelle-Zélande où, vers la fin des années 80, certaines banques avaient frôlé la banqueroute, nous nous sommes alors demandé si notre surveillance diminuait de façon vraiment significative le risque de faillite.
Nous nous sommes longuement penchés sur cette question. Nous avons pris connaissance des études pertinentes qui avaient été effectuées dans le monde entier. Nous nous sommes demandé si, en réalité, nous avions vraiment besoin de réglementation spéciale pour les banques. Nous avons jugé que, oui, nous en avions besoin. En dernière analyse, nous avons décidé d'opter pour une nouvelle approche en matière de réglementation, une approche qui serait au moins aussi satisfaisante que notre ancienne approche et qui offrirait probablement à la clientèle des banques une plus grande sécurité. Cette décision se fondait sur trois éléments principaux.
Premièrement, nous nous sommes dit que certaines règles étaient nécessaires, que le système ne pouvait s'autoréglementer. Nous avons décidé de limiter les montants qu'une banque peut prêter à ses actionnaires.
Deuxièmement, nous avons mis une insistance marquée sur la transparence, sur la communication au public de renseignements très précis et très détaillés au moyen de rapports trimestriels. Sans prétendre que la plupart des clients ou déposants des banques liront cette information, nous croyons que l'obligation de rendre publics ces renseignements incitera les gestionnaires et les administrateurs de banque à agir prudemment.
Troisièmement, nous exigeons que chacun des administrateurs de la banque signent ces rapports trimestriels, pour attester que les renseignements qu'ils contiennent sont fiables et que les contrôles internes de cette banque sont appropriés à la nature des affaires de la banque et sont exercés convenablement. Encore là, nous croyons que cette exigence contribuera grandement à inciter les gestionnaires et les administrateurs de banque à agir prudemment.
Ce qui intéresse votre comité, c'est de savoir si ces mesures se sont révélées efficaces. Il est difficile d'être catégorique à cet égard, car, depuis un siècle, aucune de nos banques n'a de toute façon fait faillite. Il serait donc présomptueux de tirer des conclusions fermes, car, depuis que nous avons appliqué ces nouvelles règles, aucune faillite n'est encore survenue dans le secteur bancaire. Il faut dire également que notre système bancaire, qui était déjà largement sous contrôle étranger avant l'instauration de ce nouveau régime, est aujourd'hui presque complètement dominé par des intérêts étrangers. La plupart de nos banques appartiennent à d'importantes et richissimes banques internationales ou en sont des succursales. Encore là, le risque de faillite, quel que soit le système, n'est probablement pas très grand.
Nous croyons avoir incité davantage les banques à agir prudemment et, partant, avoir réduit le risque de faillite bancaire au moins marginalement. Notre secteur bancaire est hautement concurrentiel et les marges bénéficiaires des banques ont diminué sensiblement au cours de la dernière décennie. Notre secteur bancaire est des plus innovateurs. En tant que dirigeants de la banque centrale, nous estimons que nous avons un secteur bancaire qui répond à la plupart des besoins que, selon nous, un secteur bancaire devrait combler, à savoir offrir un marché concurrentiel, un système bancaire stable, un système bancaire innovateur, et un système bancaire dans lequel les banques, même si elles sont sous contrôle étranger, suivent aussi fidèlement la politique monétaire de la banque centrale que si elles appartenaient à des intérêts nationaux.
J'aurais quelques brèves observations à formuler à propos de l'assurance-dépôts. Nous n'avons jamais eu de régime d'assurance-dépôts en Nouvelle-Zélande. Si nos banques se sont elles-mêmes montrées carrément opposées à une telle mesure, c'est, je crois, parce qu'au départ, comme je l'ai signalé tout à l'heure, nous n'avions que quatre très grandes banques. Elles avaient le sentiment qu'un régime d'assurance-dépôts ne ferait que subventionner à leurs dépens les institutions financières de moindre importance. C'est ainsi qu'il ne s'est jamais exercé de pressions, ni de la part du secteur bancaire, ni de la part du public en général, pour réclamer l'institution d'un tel régime.
Le président: Avant de donner la parole à mes collègues, j'aimerais vous poser deux questions sur des sujets que nous voudrons probablement examiner de plus près.
À propos de propriété étrangère, depuis 30 ou 40 ans, mais plus spécialement depuis une dizaine d'années, le débat refait sporadiquement surface dans notre pays sur la question de savoir s'il est nécessaire que les grandes banques appartiennent à des intérêts canadiens pour que le gouvernement et le gouverneur de la Banque du Canada puissent exercer efficacement leur rôle en matière de politique monétaire. Dans quelle mesure le fait que toutes vos grandes banques soient sous contrôle étranger vous empêche-t-il, en tant que gouverneur de la banque centrale, de jouer votre rôle non pas en ce qui concerne la réglementation des institutions bancaires, mais en matière de politique monétaire?
Par ailleurs, jusqu'à quel point pouvez-vous, à l'instar du gouverneur de la Banque d'Angleterre qui semble être capable de convaincre les banques de faire toutes sortes de choses, persuader vos banques sous contrôle étranger de se conduire de la façon dont vous aimeriez qu'elles le fassent, ce qui va forcément au-delà des contraintes d'ordre purement commercial? Le problème dans notre pays, c'est que, bien que nous ayons six grandes banques à charte, bon nombre de localités ne possèdent qu'une seule banque et se trouveraient fort désemparées si leur unique banque décidait de fermer ses portes.
Dans quelle mesure votre pouvoir de persuasion en cette matière -- un pouvoir qui semble pourtant très réel en Angleterre d'après ce que nous en ont dit les gens de ce pays -- se trouve-t-il limité du fait que ces institutions appartiennent à des intérêts étrangers plutôt que nationaux?
M. Brash: Sur le plan de la politique monétaire, comme je l'ai fait remarquer brièvement tout à l'heure, la question de la propriété étrangère ne revêt vraiment pas une grande importance. Tout comme le Canada et peut-être même davantage, notre pays a un taux de change flottant. Nous n'intervenons pas du tout sur le marché des changes, de sorte qu'en réalité, notre politique monétaire est dans une très large mesure dictée par la situation intérieure plutôt que par les flux de liquidités transfrontaliers. J'estime que le fait que nos banques soient très majoritairement sous contrôle étranger ne complique nullement la gestion de notre politique monétaire.
Quant à savoir si notre pouvoir de persuasion auprès des banques est aussi grand que celui que posséderait, selon vous, la Banque d'Angleterre, la question est plus complexe qu'elle ne le semble à première vue. Nous n'avons pas tendance à aborder la politique bancaire de cette manière. J'ai du mal à imaginer des circonstances où nous tiendrions à inciter une banque à faire quelque chose qui, en soi, n'irait pas dans le sens de ses intérêts commerciaux.
J'observe ce qui se passe de l'autre côté de la mer de Tasman, dans le système bancaire australien, qui, bien sûr, n'est à certains égards pas très différent de celui du Canada et qui compte quatre très grandes banques appartenant à des intérêts nationaux. Vous avez fait état du problème qui se pose lorsque des banques ferment des succursales rurales et laissent une petite localité sans services bancaires. C'est justement ce qui se produit en Australie -- ce qui cause d'ailleurs certaines tensions sur le plan politique --, mais, à ma connaissance, la Reserve Bank of Australia n'a pas cherché à faire pression sur ces banques pour qu'elles maintiennent ces succursales.
Il y a des dangers réels à ce qu'une banque centrale tente de persuader des banques d'agir à l'encontre de leurs intérêts commerciaux. Chose certaine, en Nouvelle-Zélande, nous n'avons pas senti le besoin de le faire dans un passé récent.
Le président: Les membres de notre comité ont généralement eu tendance à être du même avis que vous là-dessus. Nos collègues de la Chambre des communes ont fréquemment divergé d'opinion avec nous à cet égard, en raison du fait que ce qui est généralement considéré comme une responsabilité sociale des banques envers la collectivité semble souvent aller bien au-delà de leurs intérêts commerciaux. Nous sommes portés à nous ranger de votre avis sur la seconde question.
Vos remarques sur la question de la propriété étrangère et de son incidence sur la politique monétaire m'ont paru particulièrement utiles.
Le sénateur Austin: Monsieur le gouverneur Brash, j'ai quelques questions éparses à vous poser.
La différence d'attitude qu'on note en Nouvelle-Zélande en regard de celle de l'Australie en ce qui a trait à la propriété étrangère des établissements bancaires tient-elle à des circonstances historiques? Les Australiens ont-ils une histoire si différente de la vôtre? Comment expliquer que vos deux systèmes soient si distincts l'un de l'autre à cet égard?
M. Brash: Je ne suis pas sûr d'être en mesure de répondre à votre question. Il me faudra peut-être faire appel à mes collègues.
Chose certaine, il y a en effet bien longtemps que nous avons des banques sous contrôle étranger en Nouvelle-Zélande, au moins depuis la fin du siècle dernier.
Peut-être M. Leddingham pourrait-il venir à ma rescousse.
M. Peter Leddingham, Département du système bancaire, Reserve Bank of New Zealand: Je me contenterai de corroborer votre réponse, à savoir que nous avons une longue tradition de forte présence de banques étrangères dans notre pays, et c'est ce qui explique que personne chez nous n'en fait grand cas.
M. Brash: Pour l'illustrer, je vous signale que lorsque le gouvernement a décidé, vers la fin des années 80, de privatiser la Post Office Savings Bank, une institution qui répondait aux besoins de services bancaires d'un grand nombre de personnes à revenu relativement faible, l'institution en question a été vendue à la Australia-New Zealand Bank, dont le siège est en Australie. Au début, cette transaction a soulevé tout un tollé, mais les protestations n'ont duré, je crois, qu'au plus quelques semaines. Aujourd'hui, la plupart des gens y semblent tout à fait indifférents.
Le sénateur Austin: De la façon dont la présence des banques étrangères est structurée en Nouvelle-Zélande, les banques en question sont-elles des succursales de banques étrangères ou exigez-vous qu'elles soient des entités constituées en Nouvelle-Zélande?
M. Brash: Non, nous n'avons pas de telle exigence. Certaines de ces banques ne sont que de simples succursales de banques étrangères, d'autres sont des filiales néo-zélandaises d'institutions étrangères. Des cinq plus grandes banques, quatre sont constituées en Nouvelle-Zélande -- ANZ, BNZ, ASB et National Bank -- et la cinquième est une succursale d'une banque étrangère. En fait, la plus importante des cinq, la Westpact Trust, est une succursale d'une banque étrangère.
La majorité des banques de moindre importance sont des succursales de banques étrangères. La plupart d'entre elles ont leur créneau, se spécialisant dans les opérations de trésorerie ou dans les services bancaires aux entreprises. Par exemple, il semble que la Deutsche Bank, la Banque nationale de Paris, la Banque de Tokyo Mitsubishi, soient des succursales de banques étrangères. Mais pour ce qui est des grandes banques, je le répète, quatre sur cinq sont des entités constituées en Nouvelle-Zélande, bien que nous n'ayons pas d'exigence en ce sens.
Le sénateur Austin: Il ne vous importe donc pas que ces banques soient des succursales ou qu'elles soient constituées en Nouvelle-Zélande, pourvu qu'elles se conforment à vos exigences en matière de divulgation, n'est-ce pas?
M. Brash: C'est juste. D'ailleurs, un des avantages des succursales, c'est qu'elles peuvent utiliser le bilan de leur société mère. Le nombre de grosses entreprises en Nouvelle-Zélande n'est pas très impressionnant, mais ces entreprises sont très importantes en regard de la taille de notre économie. Il serait fort difficile pour une banque constituée localement de fournir à ses clients les services dont ils ont besoin tout en maintenant un degré convenable de diversification de son bilan. Une banque qui peut se servir du bilan de sa société mère est mieux en mesure de répartir son risque sur un plus grand nombre d'entreprises débitrices.
Le sénateur Austin: Monsieur le gouverneur Brash, j'aimerais que vous nous parliez des rapports entre la banque centrale et les instances responsables de la réglementation dans les pays de provenance de vos banques étrangères. J'imagine que cette relation doit être harmonieuse, et que le superviseur principal, pour ainsi dire, dans le pays où la banque a son siège, est disposé à vous fournir tous les renseignements susceptibles de vous intéresser concernant la société mère ou la banque qui a une succursale bancaire au sein de votre système.
Ai-je raison de le penser?
M. Brash: Je crois que cette relation ne pose effectivement pas de problème, mais, cette fois encore, permettez-moi de demander à M. Leddingham de répondre à votre question.
M. Leddingham: Dans nos relations avec d'autres instances responsables de la réglementation, nos principaux interlocuteurs sont australiens ou britanniques, ou encore, pour certains, américains.
Si nous entretenons depuis longtemps des relations très ouvertes et très efficaces avec les organismes de réglementation, notamment au Royaume-Uni et en Australie, c'est de toute évidence en partie en raison de notre héritage commun. Nous n'avons pas senti le besoin d'officialiser ces relations en signant des protocoles d'entente, quoique, dans le cas du Royaume-Uni, l'institution d'un nouvel organisme responsable des services financiers nous amènera à signer un document officiel avec cet organisme.
Ces relations ont été très ouvertes et transparentes, de même que très efficaces et relativement fréquentes. Du fait que de part et d'autre nous étions responsables de la banque centrale et de la réglementation dans nos pays respectifs, les représentants de nos organisations se sont rencontrés passablement souvent pour traiter non seulement de questions touchant la réglementation, mais également de sujets concernant la politique monétaire au sens large.
C'est ainsi que nos gouverneurs se sont rencontrés dans diverses circonstances à de nombreuses occasions et ont fréquemment eu la chance d'échanger leurs points de vue tant de manière officielle que spontanée à propos de préoccupations relatives à la réglementation.
Le sénateur Austin: Permettez-moi maintenant d'aborder la question des demandes de la part de banques provenant de pays où l'historique de la réglementation est peut-être moins rassurant ou moins transparent. Par exemple, comment réagiriez-vous à une demande d'une banque thaïlandaise ou indonésienne désireuse d'implanter une succursale dans votre pays? Quelles seraient vos exigences dans un tel cas?
M. Brash: Nous partons du principe que si nous avions quelque appréhension au sujet de la banque mère ou du régime de réglementation qui régit ses activités, nous pourrions exiger que la banque se constitue en Nouvelle-Zélande. Quand j'ai signalé tout à l'heure que nous ne voyions pas d'objection à ce que des banques étrangères s'en tiennent à l'implantation de succursales dans notre pays, j'aurais dû préciser que, dans certaines circonstances, il se pouvait que nous exigions que la banque se constitue en filiale néo-zélandaise.
M. Leddingham: J'aurais une remarque à ajouter sur cette question. Quand nous étudions une demande d'agrément, nous sommes tenus par la loi de prendre en considération un certain nombre d'aspects, notamment de la réputation de l'institution concernée. Notre système bancaire est ouvert aux banques étrangères, mais nous ne révélons pas ce qui peut faire obstacle à leur entrée. Nous attachons énormément d'importance à la réputation des sociétés candidates, et il nous est d'ailleurs parfois arrivé de rejeter des demandes. Notre marché bancaire n'est donc pas inconditionnellement accessible.
Le sénateur Austin: Le degré de responsabilité qu'acceptent d'assumer les administrateurs de banque en Nouvelle-Zélande et, partant, leur vulnérabilité personnelle en cas d'erreur m'impressionnent.
Exigez-vous que les administrateurs de banque soient résidents ou citoyens de votre pays? Est-ce que certains d'entre eux le sont effectivement?
La norme de responsabilité imposée aux administrateurs se limite-t-elle à l'obligation pour eux d'agir prudemment en toutes circonstances, ou est-elle absolue? Si elle est absolue, comment expliquer que des gens consentent quand même à occuper ces postes?
M. Brash: Je vais d'abord répondre à votre première question. Étant donné que nous permettons l'implantation de simples succursales de banques étrangères, nous ne sommes pas vraiment en mesure d'exiger que les administrateurs résident dans notre pays. D'ailleurs, pour des raisons pratiques, bon nombre d'entre eux demeurent à l'étranger.
Dans le cas des filiales bancaires qui sont constituées en Nouvelle-Zélande, nous exigeons qu'au moins deux de leurs administrateurs soient indépendants de la société mère. Autrement dit, nous tenons à nous assurer que cette filiale est exploitée comme une personne morale distincte et non comme une simple succursale. Il est donc alors normal que les deux administrateurs indépendants résident en Nouvelle-Zélande, quoique nous n'en fassions pas vraiment une exigence légale. Ces administrateurs doivent toutefois agir en toute indépendance de leur société mère.
Le sénateur Austin: Mais ils peuvent être de la même nationalité que les propriétaires de leur banque mère? Ils pourraient résider en Australie, pourvu qu'ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, n'est-ce pas?
M. Brash: Oui, je crois qu'en principe il en est ainsi. Ce genre de situation ne s'est toutefois jamais présentée. Jusqu'à maintenant, toutes les banques assujetties au régime des entreprises bancaires constituées en Nouvelle-Zélande ont toujours eu des administrateurs qui résidaient dans notre pays. Je crois qu'on ne nous a même jamais demandé si nous voyions une objection à ce que des administrateurs de telles banques résident à l'étranger. L'avantage pour ces administrateurs de demeurer dans notre pays, c'est qu'ils sont alors mieux placés pour connaître le marché local. C'est d'ailleurs sans aucun doute ce qui se fait depuis toujours dans le monde entier. Il n'est jamais arrivé que des filiales néo-zélandaises de banques étrangères n'aient pas au moins deux administrateurs, souvent davantage, qui résident dans notre pays.
Pour ce qui est de votre seconde question, vous avez tout à fait raison. Cette question nous d'ailleurs a été posée par un certain nombre de représentants de banques au moment de l'examen de notre proposition. Ils nous demandaient comment les banques feraient pour recruter des administrateurs de banque, et si les administrateurs de banque seraient ainsi amenés à devenir de véritables vérificateurs internes. Nous avons sollicité une foule d'avis juridiques sur cette question.
À ce que nous avons compris, les administrateurs de banque sont relativement invulnérables, pourvu qu'ils puissent démontrer qu'ils ont agi avec soin, prudemment, sans négligence, et cetera. Ils doivent donc faire la preuve qu'ils ont mis en place une procédure propre à leur permettre de vérifier l'exactitude des données qui leur sont fournies.
Le sénateur Austin: Chez nous, nous dirions qu'ils doivent agir avec une diligence raisonnable.
M. Brash: C'est juste.
Le sénateur Austin: J'aurais une autre question visant à bien clarifier tout ce qui a trait aux banques constituées localement. Parmi les banques étrangères, combien y a-t-il de banques de détail et combien y a-t-il de banques de gros?
M. Brash: Je ne crois pas me tromper en disant que presque toutes les banques constituées en Nouvelle-Zélande sont des banques de détail. L'une des grandes banques que j'ai mentionnées tout à l'heure est une succursale d'une banque étrangère, et elle est, elle aussi, une banque de détail. Chose certaine, nos cinq plus grandes banques, dont quatre sont constituées localement et l'autre est une simple succursale de banque étrangère, sont toutes des banques de détail, mais elles offrent également d'autres services. En règle générale, les simples succursales de banques étrangères sont avant tout spécialisées dans les services aux grandes entreprises, dans les services de trésorerie, et cetera.
La seule exception en Nouvelle-Zélande est la Bankers Trust, qui fonctionne comme une filiale garantie par une banque mère étrangère. Les autres banques de gros sont pour la plupart de simples succursales de banques étrangères.
Le sénateur Austin: J'aimerais revenir sur la question de votre cadre réglementaire, si peu rigide soit-il. Vos banques sont tenues de publier des informations trimestriellement. Les normes de présentation de cette information sont-elles définies dans une loi, dans des règlements, ou font-elles plutôt simplement l'objet de lignes directrices de la part de la banque centrale?
M. Brash: Le pouvoir d'exiger la divulgation d'information a un fondement législatif. La loi en question est elle-même assortie de règlements qui peuvent être modifiés de temps à autre après consultation avec les banques.
Vous avez fait allusion à l'absence de rigidité de notre cadre réglementaire, et je puis comprendre que certaines personnes aient cette impression, mais je ne crois pas que ce soit ainsi que le perçoivent les banques. Par exemple, peu après l'établissement de ce régime au début de 1996, l'une de nos banques s'est vue forcée de reconnaître qu'elle avait non seulement outrepassé notre limite réglementaire en matière de risques imposés aux actionnaires, mais qu'elle avait même fait courir à ses actionnaires néo-zélandais des risques représentant un montant supérieur au capital qu'ils avaient souscrit. Sous l'ancien régime, les responsables se seraient tout au plus déclarés terriblement désolés d'avoir commis une telle erreur et nous auraient assuré que cela ne se reproduirait plus, après quoi nous les aurions sermonnés. Mais étant donné que cette banque était une filiale néo-zélandaise d'une importante banque européenne, ses responsables étaient alors probablement confiants que nous ne suspendrions pas le permis de leur banque.
Sous le nouveau régime, ils ont été forcés d'admettre à la face du monde qu'ils avaient enfreint les règlements et qu'ils avaient effectivement ou virtuellement transféré à l'étranger tous les fonds de leurs actionnaires néo-zélandais.
Les médias ont fait tout un scandale de cette affaire. Encore plus embarrassant, j'imagine, pour cette banque, c'est que les administrateurs des autres banques se sont montrés furieux contre elle. Certaines d'entre eux nous ont appelés ou ont appelé les administrateurs fautifs pour exprimer leur inquiétude à la pensée de ce que leur société mère aurait à leur dire quand elle apprendrait qu'ils avaient déposé des fonds dans une banque qui transférait à l'étranger tout l'avoir de ses actionnaires. Je présume que cette expérience a contribué davantage à faire réfléchir les administrateurs de la banque fautive que ne l'aurait fait une simple lettre du gouverneur de la banque centrale.
Le sénateur Austin: Je ne risque plus de croire que votre cadre réglementaire n'est pas apte à imposer une discipline rigide, car, j'en conviens, ce genre d'exposition médiatique est précisément ce que craignent le plus les banquiers. Je me rends compte de l'influence qu'une telle publicité négative doit exercer sur le comportement des administrateurs d'une banque.
Vous êtes un très bon témoin, il est même peut-être un peu difficile de dialoguer avec vous, car vous êtes allé au-devant de certaines de mes questions. Je voulais en outre vous demander comment votre système de divulgation trimestrielle de l'information traite des opérations de couverture et des produits dérivés. Les banques sont-elles tenues de faire état de leur exposition au risque-devise? Dans quelle mesure leur faut-il faire état de leur exposition à divers types de risques?
M. Brash: Je vais demander à mon collègue, M. Ian Harrison, de répondre à votre question dans un moment, mais permettez-moi d'abord de formuler une autre observation.
Vous avez fait allusion aux choses que les banquiers n'aiment pas. L'une des règles que nous avons abolies avec l'implantation du nouveau système, c'est la limite d'exposition aux risques de contrepartie. À l'instar de la plupart des organismes de réglementation, nous imposions auparavant une limite. Certains organismes de réglementation établissent cette limite à 25 p. 100 des fonds propres de la banque; certains la fixent plus haut. Nous avons aboli cette limite, mais nous exigeons des banques qu'elles indiquent, dans leur divulgation trimestrielle d'information, combien de leurs risques de contrepartie sont supérieurs à 10 p. 100 des fonds propres de la banque, combien sont supérieurs à 20 p. 100, combien sont supérieurs à 30 p. 100, et ainsi de suite.
En fait, nous comptons largement sur ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire sur le fait que les banques ne sont vraiment pas disposées à reconnaître à la face du monde qu'elles ont un portefeuille de risque fortement concentré. Ce moyen de dissuasion s'est d'ailleurs révélé fort efficace.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Ian Harrison, qui a travaillé de concert avec les banques à mettre au point un système de divulgation des risques hors bilan dont vous avez parlé. Nous tenions absolument à ce que nos exigences en matière de divulgation, tout en permettant que les intéressés soient adéquatement renseignés, ne soient pas lourdes au point de forcer les banques à dépenser des dizaines de milliers de dollars, voire des dizaines de millions, pour s'y conformer.
M. Ian Harrison, Département du système bancaire, Reserve Bank of New Zealand: Nous avons, en matière de divulgation du degré d'exposition au risque du marché, une réglementation s'inspirant à certains égards du modèle normalisé relatif aux fonds empruntés. L'élément le plus important qu'il comporte, c'est que dans le cas des risques liés aux fluctuations des taux d'intérêt, des cours des devises et des titres boursiers respectivement, toute banque est tenue de produire, pour chacun de ces risques, une seule évaluation sommaire pour l'ensemble des activités pertinentes du réseau bancaire auquel elle appartient, autrement dit, une seule donnée comptable. Ainsi, les experts-comptables peuvent facilement comparer les données en question de chacune des sociétés bancaires et observer tout changement de ces données qui surviendrait d'un trimestre à l'autre.
Nos règles en matière de divulgation laissent aux banques une certaine latitude dans la façon de produire ces données. Nous croyons que nos règles sont assez rigides à l'intérieur de la marge de manoeuvre dont les banques doivent normalement disposer face aux risques du marché. Les banques peuvent se comporter d'une multitude de façons, mais toutes doivent produire une donnée propre à renseigner les intéressés sur tout risque majeur auquel elles s'exposent. C'est également de cette manière que les banques doivent rendre compte de leur exposition aux risques liés aux fluctuations des taux d'intérêt et des taux de change, que ces risques figurent ou non à leur bilan.
Le sénateur Austin: Vous nous avez donné là une réponse très intéressante et précieuse.
Enfin, dans ce même ordre d'idée, le public a-t-il accès en Nouvelle-Zélande à un service d'analyse ou de consultation à l'intention des acheteurs de créances bancaires ou de certificats de dépôt bancaires? Existe-t-il dans votre pays des agences de cotation privées qui évaluent la solvabilité de vos banques?
M. Brash: Une des raisons pour lesquelles le cas de la Nouvelle-Zélande n'est pas très représentatif de l'intérêt que peut présenter une réglementation axée sur l'obligation de divulguer l'information, c'est le fait que les banques y sont dans une large mesure sous contrôle étranger, ce qui amène la plupart des clients de ces banques à se dire qu'ils n'ont pas à s'inquiéter de la banque X vu qu'elle appartient à la Lloyds Bank, ou qu'ils n'ont pas à se soucier de la banque Y qui appartient à la Citybank. Le grand public s'intéresse moins à cet aspect qu'il ne le ferait dans un contexte où les banques appartiendraient davantage à des intérêts nationaux.
L'un des moyens que nous avons pris pour faciliter l'interprétation des rapports produits par les banques a été le recours aux cotes bancaires. Nous avons dit aux banques qu'elles n'étaient pas tenues d'être cotées, mais que si elles l'étaient, elles devaient divulguer leur cote et que si elles ne l'étaient pas, elles devaient le mentionner dans leurs rapports. Toutes nos banques, sauf deux, sont cotées par Standard and Poors ou par Moodies. Or, il se trouve que si le grand public ne comprend pas forcément toutes les complexités des évaluations des risques liés aux fluctuations des taux d'intérêt figurant au bilan ou hors bilan, il fait facilement la différence entre une cote triple A et une cote A. Ce sont des symboles très pratiques. Il arrive parfois que nos médias publient le tableau des cotes qui sont attribuées à nos banques. Heureusement, la plupart de nos banques obtiennent des cotes passablement élevées.
Le sénateur Oliver: J'avais au départ quatre questions à vous poser, mais le sénateur Austin les a pratiquement toutes abordées. Toutefois, il y a quelques nouvelles réalités à propos desquelles j'aimerais connaître votre point de vue.
Depuis un certain temps, les fournisseurs de services financiers du monde entier s'adressent à leurs organismes de réglementation pour leur parler de nouvelles réalités avec lesquelles ils doivent composer: le commerce électronique et les services bancaires électroniques. Un de leurs principaux sujets de préoccupation à cet égard -- dont on nous a d'ailleurs fait part lors de notre visite aux États-Unis il y a deux semaines --, c'est la façon dont on pourra s'y prendre pour réglementer ce qui se passe sur Internet.
Compte tenu du fait que vous avez un système ouvert fondé sur l'autoréglementation et l'obligation de divulgation, j'aimerais bien savoir ce que vous entendez faire sur ce chapitre en ce qui a trait aux institutions financières étrangères. Qui pourra faire du commerce électronique dans votre pays?
M. Leddingham: Il va sans dire qu'il s'agit là d'une question nouvelle qui revêt un certain intérêt. Nous avons bien sûr commencé à y réfléchir, mais, comme la plupart des pays, nous ne sommes pas encore parvenus à nous faire une idée définitive de la façon dont nous devrions envisager ces choses.
Nous partons du principe que ce sont des innovations auxquelles il nous faudra nous adapter. D'une manière ou d'une autre, le monde entier évolue dans cette direction. Les organismes de réglementation ne pourront pas freiner cette évolution, de sorte que nous devrons de toute façon trouver un moyen de composer avec ces nouveautés.
Pour notre part, nous sommes portés à croire qu'en gros, nous devrions aborder ce genre de question à peu près comme la vraie vie nous a appris à le faire au fil du temps. La plupart des Néo-Zélandais savent fort bien que quiconque s'avise au cours d'un voyage quelque part au Moyen-Orient de se procurer un tapis offert en vente dans un quelconque bazar a avantage à se comporter en acheteur averti. Il serait sage de sa part de ne pas trop compter sur la garantie au consommateur et de s'appliquer plutôt à vérifier si le fournisseur est fiable, s'il a de bonnes références, et cetera.
Nous croyons qu'il serait peut-être indiqué d'adopter essentiellement le même genre d'attitude dans le cas du commerce électronique. Nous devrions en effet nous intéresser de près au comportement de nos fournisseurs locaux et, s'ils font affaire en Nouvelle-Zélande sur une haute échelle, nous assurer qu'ils se conforment à toutes les exigences auxquelles ils doivent satisfaire, notamment en matière de divulgation d'information.
Quant au commerce transfrontière, nous en sommes rendus au point où il nous est devenu pratiquement impossible de le contrôler. Force nous est de reconnaître cette réalité, et, par conséquent, d'assumer un rôle essentiellement axé sur la sensibilisation du grand public, et peut-être également des entreprises en général, dans le sens que j'ai expliqué tout à l'heure, à savoir que chacun doit s'assurer qu'il fait affaire avec des fournisseurs de bonne réputation et prendre soin de se servir des mécanismes d'autosurveillance qui existent dans un environnement comme celui d'Internet, où les fournisseurs de mauvaise réputation peuvent être très facilement identifiés. Espérons que ce genre de mécanismes du marché permettront au commerce électronique de s'effectuer de façon honorable.
M. Brash: M. Allport aurait lui aussi des commentaires à formuler sur cette question.
M. Allport: J'aimerais simplement formuler une observation à ce sujet du point de vue de la loi sur la concurrence au sens large. Nous sommes fréquemment aux prises avec des problèmes de ce genre depuis que la concurrence a tendance à s'internationaliser. Je souscris à tout ce qu'on en a dit jusqu'à présent.
Ce que nous faisons depuis quelque temps, lorsque certaines pratiques de commerce électronique vont à l'encontre de nos lois et qu'il nous est impossible de mettre la main sur les coupables parce qu'ils échappent à notre champ de compétence, nous tentons de nous rabattre sur le fournisseur Internet. Il n'est pas certain que nous soyons justifiés d'agir de la sorte, et jusqu'à présent, nous nous sommes surtout efforcés de faire pression sur eux pour qu'ils s'assurent que le service qu'ils offrent ne serve pas les intérêts d'escrocs. Je songe ici à des cas de transgression flagrante. Jusqu'à maintenant, cette approche s'est révélée relativement efficace. Toutefois, il m'apparaît évident qu'avec le temps, le commerce électronique transfrontière nous causera de plus en plus de difficultés.
Le sénateur Oliver: À propos du rôle du secteur public à cet égard, une des choses que les politiciens et les parlementaires ont toujours cherché à faire dans le passé, c'est d'adopter des mesures réglementaires propres à protéger les utilisateurs du système bancaire. Si nous nous mettons maintenant à renoncer à intervenir et à nous dire qu'il appartient au consommateur lui-même d'être sur ses gardes, nous devrons en assumer les conséquences. Nous nous éloignerons alors quelque peu de notre façon traditionnelle de réglementer les activités des banques pour la protection de nos citoyens.
M. Brash: En un sens, vous avez raison, sauf que je me sens quelque peu rassuré du fait qu'il y a fort à parier que la plupart des gens qui en sont rendus à effectuer des opérations bancaires par l'intermédiaire d'Internet sont déjà plus avertis que ceux qui ont vraiment eu besoin de la protection de l'État dans le passé. Cette remarque n'est peut-être pas de bon ton, mais il m'apparaît évident qu'ici, en Nouvelle-Zélande, en tout cas, les gens qui semblent avoir le plus besoin de protection sont ceux qui sont les moins appelés, du moins dans l'avenir immédiat, à effectuer des opérations bancaires sur Internet.
Le sénateur Oliver: Une des deux caractéristiques de votre approche de la réglementation -- qui nous apparaît tout à fait originale et intéressante pour notre étude --, c'est que vous mettez l'accent sur l'obligation de divulguer l'information utile et sur l'autoréglementation. J'aimerais que vous nous disiez comment le consommateur moyen réagit à un tel système. Qu'en pense-t-il? Comment votre cadre réglementaire favorise-t-il l'émergence de petites entreprises et de nouveaux services innovateurs? Les consommateurs y trouvent-ils leur compte?
M. Brash: Je dois dire que notre système de surveillance n'a probablement pas eu beaucoup d'effet sur l'innovation bancaire. Si les idées novatrices foisonnent depuis dix ans chez nous dans ce secteur, c'est principalement grâce à la concurrence. Comme je l'ai signalé tout à l'heure, nous avons un secteur bancaire très concurrentiel, où l'utilisation des guichets automatiques et des transferts électroniques de fonds est très répandue. Je crois que nous sommes à l'heure actuelle le pays au monde où il y a, par exemple, le plus grand nombre de points de service et de détenteurs de cartes de guichet. Il se fait en outre chez nous énormément d'opérations bancaires par téléphone, par Internet, à la maison, et cetera.
Notre système bancaire s'est révélé fort innovateur ces dernières années, mais je n'oserais pas prétendre que ces progrès sont dus principalement à notre nouvelle approche de la surveillance bancaire.
Je me dois de reconnaître qu'une grande partie de la population n'est probablement même pas consciente de notre nouvelle approche de la surveillance des activités bancaires. Comme je l'ai expliqué plus tôt, cet état de choses tient en partie au fait que les gens sont portés à se dire que ces banques appartiennent à d'importantes institutions financières internationales et que, par conséquent, le risque que l'une de leurs filiales ou succursales fasse faillite en Nouvelle-Zélande est très faible.
L'impact de l'implantation de notre nouveau système s'est surtout fait sentir chez les gestionnaires et les administrateurs de banque. On nous a d'ailleurs raconté un certain nombre d'anecdotes où des banques ont été amenées à revoir leur système de contrôles internes depuis l'entrée en vigueur de notre nouveau régime de surveillance bancaire, et il nous semble qu'au moins dans une certaine mesure, elles l'ont fait expressément pour pouvoir se conformer à nos nouvelles exigences.
Je m'attendais à ce qu'un représentant de l'une de nos plus grandes banques soit présent ici ce matin. Le directeur général de la banque en question m'a confié qu'on y avait resserré considérablement les contrôles internes en raison du fait que les membres du conseil d'administration de sa banque n'étaient pas très chauds à l'idée d'apposer leur signature sur les documents que nous exigeons, à moins d'être certains de la fiabilité du processus menant à leur production. Notre nouvelle approche s'est donc révélée utile, parce qu'elle a amené les banques, davantage d'ailleurs que le public, à modifier leur comportement.
Le sénateur Oliver: Au Canada, comme vous le savez, nos banques ne sont pas autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales. Lors de notre passage à Londres, les représentants de la FSA nous ont signalé qu'ils aimeraient bien que tous les volets des services financiers -- valeurs mobilières, services bancaires, assurance et autres -- soient sous le même parapluie, c'est-à-dire sous le parapluie de la FSA. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez du système anglais proposé, à quoi il va mener, et s'il vous apparaît viable en regard de votre propre système, qui est fort différent.
M. Brash: Votre question porte sur la structure de la FSA, et non sur la structure de l'institution bancaire elle-même, n'est-ce pas?
Le sénateur Oliver: C'est exact, car la FSA réglementera tous les aspects des services financiers, depuis le secteur des valeurs mobilières jusqu'à celui de l'assurance.
M. Brash: Ici encore, je vais demander à M. Leddingham de répondre à votre question.
En Nouvelle-Zélande, nous n'avons jamais empêché les banques de vendre de l'assurance. D'ailleurs, ces dernières années, les banques ont envahi très résolument le domaine de l'assurance, notamment celui de l'assurance-vie, de même que, dans une certaine mesure, ceux de l'assurance-incendie et de l'assurance multirisque. Nous ne les restreignons nullement à cet égard. Toute institution financière qui offre des services bancaires parmi ses autres services financiers peut demander à être agrée comme banque.
M. Leddingham: Deux choses à ce sujet. Premièrement, l'organisation du système financier néo-zélandais est raisonnablement simple, comparée à ce qu'on trouve dans beaucoup d'autres pays. Même si nos banques ont en effet envahi le domaine de l'assurance, nous n'avons pas encore assisté à l'émergence de conglomérats sur ce marché. En ce sens, nous n'avons pas encore senti le besoin de réagir à cette situation.
Deuxièmement, l'organisation des mécanismes de réglementation en Nouvelle-Zélande est fort simple. Nous avons la banque centrale qui exerce une surveillance sur les banques; nous avons l'équipe de M. Allport qui s'occupe de la commission du commerce, du libre-échange et de ce genre d'activité; et nous avons notre autre organisme de réglementation, la Securities Commission qui surveille toutes les autres activités comportant la collecte de fonds auprès du public.
La réglementation qui relève de la Securities Commission n'est pas axée sur la protection de l'épargne. Le contrôle qu'exerce cet organisme s'appuie principalement sur la divulgation de l'information, qui est généralement présentée en conformité des normes comptables reconnues. Bien que les maisons de courtage en valeurs mobilières et les autres institutions de dépôt ne soient pas tenues, contrairement aux banques, par exemple, de produire des rapports trimestriels, les règlements qu'administrent nos deux organismes de réglementation sont assez semblables. Autrement dit, les mesures que nous prenons en tant que surveillants des banques et celles que prend notre commission des valeurs mobilières dans le cas des activités de dépôt et des activités boursières sont relativement concordantes en comparaison de ce qui se fait dans d'autres pays. Personne d'ailleurs ne revendique haut et fort le nivellement de nos exigences. Il existe bien chez nous certaines revendications en ce sens, mais elles ne sont pas aussi pressantes que celles qu'on peut observer dans d'autres pays.
Le sénateur Oliver: Aux États-Unis, nous avons constaté que l'apparition d'une nouvelle situation ou d'une innovation y déclenchait souvent une guerre de territoires entre organismes de réglementation. Avez-vous connu ce genre de rivalités dans votre pays?
M. Leddingham: Je dirais «au contraire». Pour l'illustrer, je vous cite l'exemple du commerce électronique, qui ressortit à un certain nombre d'organismes de réglementation. Même si nous n'avons pas dans notre pays de conseil des organismes de réglementation, ou quoi que ce soit de ce genre, nous entretenons de très bonnes relations avec nos homologues des autres organismes de réglementation. Nous nous rencontrons volontiers pour discuter des problèmes qui se posent. C'est ce que nous avons fait, par exemple, dans le cas des cartes de crédit des grands magasins dès que des difficultés sont apparues dans ce domaine. Il s'agissait d'un exemple classique où il n'était pas tout à fait clair si c'est au superviseur des banques ou bien à la Securities Commission qu'il appartenait de surveiller ce genre d'activité. Nous sommes fermement convaincus de l'importance d'entretenir ainsi de bons contacts et d'échanger des renseignements avec nos homologues des autres organismes de réglementation dans de telles circonstances, et je crois que nous y sommes très bien parvenus.
M. Allport: Concernant ce qu'on vient tout juste de dire, c'est un fait que les organismes de réglementation de la Nouvelle-Zélande travaillent vraiment en très étroite collaboration. D'ailleurs, nous sommes physiquement situés dans un rayon qui n'excède probablement pas 500 mètres, de sorte qu'il nous est très facile de nous visiter les uns les autres pour discuter des problèmes qui se posent et pour solliciter des conseils. Le niveau de collaboration et de coopération entre les diverses instances compétentes est très poussé.
M. Brash: La Securities Commission a même ses bureaux dans l'édifice de la Reserve Bank, ce qui facilite considérablement les choses.
Le président: Avant de donner la parole au sénateur Kelleher, pourriez-vous, monsieur le gouverneur, revenir sur un point qui ne m'apparaît pas très clair?
En réponse à une question du sénateur Austin, vous avez expliqué que dans certains cas les banques étrangères implantaient des succursales dans votre pays et que dans d'autres, elles y créaient des filiales néo-zélandaises. Vos lois exigent-elles certaines choses des banques étrangères qui font affaire dans votre pays, par exemple de s'y constituer en filiales néo-zélandaises, ou cela est-il plutôt laissé à la discrétion de leurs sociétés mères? Une banque étrangère peut-elle, par exemple, y implanter tout simplement 200 succursales, ou doit-elle y constituer une filiale?
M. Brash: Elles sont tout à fait libres de leur choix à cet égard, à la seule exception près que j'ai mentionnée tout à l'heure, en réponse à une question, à propos, je crois, de ce que nous ferions dans le cas d'une banque qui viendrait d'un pays qui ne nous inspire pas confiance sur le plan de la qualité de la surveillance qu'on y exerce, ou encore si la banque elle-même ne nous apparaissait pas vraiment solide. Dans un tel cas, nous exigerions que la banque se constitue en Nouvelle-Zélande, mais cette décision n'aurait rien à voir avec le genre d'activités qu'elle exerce.
Le président: Vous avez également dit que la majorité des banques étrangères de votre pays étaient en réalité des filiales des banques étrangères ou s'y étaient constituées en filiales néo-zélandaises. Pour quel motif d'ordre commercial choisissent-elles cette voie? Pourquoi préfèrent-elles y constituer une filiale plutôt que de simplement y implanter un réseau de succursales?
M. Brash: Si j'ai dit qu'il s'agissait principalement de filiales, je vous ai induit en erreur. Des quelque 20 banques que nous avons actuellement, environ 7 sont des filiales néo-zélandaises de banques étrangères. Je ne suis pas sûr du chiffre exact, et il me faudra le vérifier. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une minorité d'entre les 20 banques en question. Sur la base des actifs bancaires, les filiales de banques étrangères ont la plus grande part, mais sur le plan du nombre de banques, elles sont minoritaires. Je présume que cela s'explique par des circonstances historiques davantage que par quoi que ce soit d'autre.
De nos cinq plus grandes banques, quatre sont des filiales néo-zélandaises de banques étrangères, et elles se sont constituées en société dans notre pays il y a de cela fort longtemps.
Le président: La cinquième compte de multiples succursales, mais n'est elle-même qu'une succursale de la société mère, n'est-ce pas?
M. Brash: Oui. Une banque peut être elle-même une succursale de banque étrangère et chapeauter autant de succursales qu'elle le désire.
L'exemple qui l'illustre le mieux est celui de la banque la plus importante dans notre pays, la Westpac Trust, qui compte probablement de 300 à 400 succursales. Elle est à la fois une banque de détail, une banque commerciale et une banque d'entreprise. C'est une banque universelle. Je vous le répète, les banques peuvent avoir autant de succursales qu'elles le désirent, et en ouvrir ou en fermer à leur discrétion.
Le président: J'aimerais revenir sur le moyen de dissuasion qu'est censé représenter l'inconfort que sont susceptibles d'éprouver les administrateurs de banque en signant les rapports trimestriels que vous exigez d'eux et sur la responsabilité qui pourrait leur être imputée dans certaines éventualités. Prenons l'exemple de la Westpac, qui a un nombre imposant de succursales dans notre pays, mais qui ne s'y est pas constituée. Étant donné que les administrateurs qui signent les rapports trimestriels de cette banque sont, je présume, ceux de la société mère australienne, j'imagine que le pouvoir de dissuasion inhérent à cet hypothétique inconfort doit jouer moins fort dans leur cas que s'ils étaient résidents de la Nouvelle-Zélande.
M. Brash: Dans les faits, vous avez tout à fait raison. Les administrateurs qui signent les rapports de divulgation de cette banque sont en effet ceux de la banque mère qui a son siège en Australie.
Nous n'avons toutefois pas noté qu'ils étaient de ce fait moins portés à se montrer rigoureux sur ce plan. Je crois qu'ils se sentiraient fort gênés s'ils signaient des déclarations bourrées d'erreurs.
Permettez-moi d'aborder un autre point pertinent à cette question de divulgation. Un des aspects qu'il nous a fallu examiner consistait à établir ce que les succursales bancaires devaient divulguer. À un moment donné, nous en étions venus à penser qu'il était moins important qu'elles divulguent les renseignements à propos de leurs opérations en Nouvelle-Zélande qu'à propos de leur banque mère et de l'ensemble de ses activités. En effet, le client d'une succursale locale de la Citibank ou de la Banque de Hong Kong, par exemple, s'intéressera peut-être bien davantage au bilan de l'ensemble des activités de la banque mère qu'à celui des opérations de la succursale où il fait affaire.
Nous en étions donc venus à songer à imposer aux banques étrangères l'obligation de divulguer les données concernant leur banque mère et à ne pas exiger qu'elles produisent celles concernant leurs succursales locales. Finalement, et peu de temps après l'effondrement de la BCCI qui est survenu, vous vous en souviendrez, il y a quelques années, nous avons décidé d'exiger la divulgation des renseignements concernant les opérations des succursales locales ainsi que de toute l'information que la banque mère voudrait bien divulguer à propos de l'ensemble de ses activités. Encore là, nous nous sommes dit que de cette façon les banques mères seraient vraiment portées à faire fièrement état de leur puissance, de leur force et de leur stabilité, et que, par ailleurs, nous permettions aux clients de leurs succursales locales de se faire au moins une idée de la stabilité de la succursale où ils font affaire.
À la suite de la faillite de la BCCI, nous avons vu des surveillants bancaires dans le monde entier mettre la main sur les succursales que maintenait cette banque sur leur territoire. Autrement dit, le partage des avoirs de cette banque ne s'est pas fait sur une base de droits égaux. Voilà pourquoi nous nous sommes dit qu'il ne serait que juste envers les clients néo-zélandais de succursales de banques étrangères de leur permettre de prendre connaissance du bilan de la succursale où ils font affaire.
Le sénateur Kelleher: Merci, messieurs, d'avoir accepté de participer à cette conférence que nous trouvons tous extrêmement intéressante.
Un point qui m'a frappé dans ce que vous avez dit et qui me permet de faire un parallèle intéressant entre nos deux pays, c'est qu'alors que vous avez cinq banques importantes et une multitude de petites banques, le Canada, le croiriez-vous, compte également cinq banques importantes, puis un certain nombre de très petites banques, plus précisément 46, qui font partie de ce que nous appelons les banques de l'annexe II ou banques étrangères. Ces petites banques n'offrent toutefois pour la plupart que des services aux entreprises et n'acceptent pas de dépôts, et elles ne représentent pas au total une très grande part de l'ensemble de nos activités bancaires.
Dans notre pays, nous avons une règle, ou une croyance traditionnelle, selon laquelle le gros ne doit pas s'unir au gros. Les banques, quant à elles, croient que, compte tenu de la mondialisation de l'économie, plus on est gros, mieux c'est. Or, voilà que, sans qu'on s'y attende, notre première et notre troisième banques en importance ont fait part au ministre des Finances, qui a le pouvoir d'accepter ou de refuser, de leur intention de fusionner. Puis, nos deuxième et quatrième banques en importance ont informé le ministre des Finances, qui n'en était pas encore revenu de la première demande, qu'elles désiraient elles aussi fusionner. C'est donc dire que quatre de nos cinq principales banques, qui administrent quelque 70 p. 100 des comptes de dépôt du pays nous annoncent qu'elles voudraient fusionner. Nos cinq principales banques constitueraient alors trois grandes banques. Il va sans dire que nous ne savons que penser de cette question. Les banques ont-elles raison de dire que plus on est gros, mieux c'est. Nous faut-il vraiment créer ces grosses banques pour pouvoir affronter la concurrence mondiale?
Le milieu des petites entreprises et les gens ordinaires disent craindre que si ces fusions se concrétisent, de nombreuses succursales fermeront leurs portes, privant ainsi leurs anciens clients de services bancaires dans leur entourage. Nombreux sont ceux qui croient que les banques ne sont pas déjà très sensibles aux problèmes des gens et qu'elles le seront encore moins si ces fusions se matérialisent.
Que feriez-vous si quatre de vos cinq plus importantes banques vous annonçaient qu'elles entendent fusionner pour ne former que deux gigantesques banques au lieu de quatre? C'est exactement dans cette situation que nous sommes placés actuellement. Le gouvernement a créé un comité spécial, un groupe du secteur privé, le comité McKay, pour se pencher sur cette question. Le ministre des Finances se gratte la tête, et tout le monde s'agite un peu. Comment réagiriez-vous dans une telle situation, monsieur le gouverneur?
M. Brash: Je vais répondre à une partie de la question et demander à M. Allport de compléter ma réponse. Il me semble que cette question touche en réalité deux volets des politiques publiques. Nous nous demanderions, d'une part, si la fusion ou les deux fusions en question accroîtraient le risque systémique au sein du système bancaire, et, d'autre part, si elles restreindraient excessivement la concurrence.
Il nous appartiendrait de répondre à la première question, et la Securities Commission se pencherait sur la seconde. De notre côté, nous tiendrions à nous assurer que la fusion envisagée se traduirait par la création d'une institution bancaire forte et dotée de capitaux permanents suffisants, de manière à ce qu'il soit improbable qu'elle connaisse des difficultés susceptibles de compromettre la stabilité de l'ensemble de notre système financier. Nous nous pencherions uniquement sur le volet de la question relatif au risque systémique.
Nous tiendrions vraiment à nous rassurer à cet égard, car il s'agit là d'un aspect très important à nos yeux. Toutefois, si les banques concernées ne nous apparaissaient pas fragiles et si leur fusion semblait vraiment devoir mener à la création d'une nouvelle entité solide, nous ne nous opposerions pas, du seul fait de leur taille imposante, à ce qu'elles fusionnent.
Je dois dire toutefois que, de son côté, la Commerce Commission se chargerait d'examiner la question de la concurrence et qu'elle le ferait dans une toute autre perspective.
M. Allport: Mesdames et messieurs, dans de telles circonstances, nous étudierions le projet de fusion. Notre Commerce Act prévoit un seuil à ne pas dépasser en ce qui a trait à la domination d'un marché, et elle interdit d'acquérir ou de renforcer une position dominante sur un marché.
C'est dans cette perspective que nous examinerions la proposition de fusion. Les banques concernées pourraient soit s'adresser à nous pour tenter d'obtenir un permis de fusionner conformément à l'article pertinent de notre loi, ou elles pourraient tout simplement procéder à leur fusion si elles sont convaincues que cette fusion ne posera pas de problème majeur. Si elles allaient de l'avant sans avoir obtenu notre approbation, nous serions habilités à faire enquête, et si nous étions alors amenés à constater que la fusion en question s'est traduite par l'acquisition ou le renforcement d'une position dominante sur le marché, nous serions en droit d'en contester la validité devant les tribunaux.
Notre seuil de tolérance en matière de dominance est assez élevé. Pour vous donner une idée de ce qu'il en est, d'après nos lignes directrices en matière de fusion et d'acquisition d'entreprise, si la réalisation du projet se traduit par une appropriation de 60 p. 100 ou moins d'un marché et que le concurrent qui occupe le deuxième rang détient 15 p. 100 ou plus du même marché, nous estimons que le marché ne s'en trouve pas menacé et nous ne nous opposons pas à la fusion.
Si nos seuils de tolérance à cet égard sont passablement élevés en regard des normes nord-américaines, c'est peut-être en partie à cause de la taille restreinte de notre économie. Notre loi contient une autre disposition portant sur cette question. Si la fusion projetée entraîne un dépassement de nos limites de tolérance relatives à la domination du marché, les parties pourraient chercher à obtenir de nous ce que nous appelons une autorisation. Autrement dit, elles nous demanderaient d'autoriser leur fusion même si celle-ci devait mener à l'acquisition ou au renforcement d'une position dominante sur le marché. Nous examinerions alors le projet en en comparant les avantages en regard des inconvénients qui pourraient en découler sur le plan de la concurrence. Et si nous constations que les avantages sont supérieurs aux inconvénients, nous autoriserions la fusion.
Le sénateur Kelleher: Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce que vous nous expliquez là a de quoi nous surprendre. Quand vous avez mentionné un seuil de tolérance de 60 p. 100, vous ne les avez peut-être pas entendus en Nouvelle-Zélande, mais il y a eu bien des soupirs ici autour de la table.
Je puis vous assurer, monsieur le gouverneur, à propos d'un des éléments de votre réponse, qu'aucune de nos quatre banques qui souhaitent fusionner n'est fragile. Elles sont toutes quatre fort prospères. Il ne s'agit nullement de cas où une banque se porterait à la rescousse d'une autre, ou quoi que ce soit de ce genre. Non, ces banques sont en excellente situation financière.
Il résulterait de la fusion de ces quatre grandes banques que nous nous retrouverions avec deux nouvelles banques encore plus importantes qui contrôleraient probablement quelque 75 p. 100 de notre secteur des services bancaires de détail. Certes, aucune d'elles ne contrôlerait près de 60 p. 100 du marché. Les deux seraient d'importance sensiblement égale. Si je vous interprète bien, vous conseilleriez à notre ministre des Finances de ne pas s'inquiéter de ces fusions. Il aurait avantage à s'entretenir avec vous à ce sujet -- et je vais d'ailleurs lui conseiller de le faire, naturellement --, car, sous votre régime, il semblerait que ces fusions n'entraîneraient pas de transgression de vos normes, ce qui nous paraît fort intéressant. Jusqu'à maintenant, ni la population, ni les autorités bancaires canadiennes ne semblent très enthousiastes face à ce projet.
M. Allport: Ce qu'il faut essayer d'établir dans l'examen d'un projet de fusion, ce n'est pas nécessairement quelle part du marché global les parties à la transaction s'apprêtent à contrôler. Il faut, bien évidemment, voir ce qu'il adviendra de chacun des secteurs du marché. Il s'agit là, naturellement, d'un aspect essentiel de l'examen de toute demande de fusion. Toute concurrence contribue à morceler le marché. Il est peu probable qu'il ne faille considérer que l'ensemble des services bancaires. On peut devoir l'examiner dans certaines de ses composantes beaucoup plus restreintes. Dans un tel examen, nous pourrions, par exemple, constater que le projet de fusion ne posera pas problème dans le secteur des services bancaires de détail, ni même dans la quasi-totalité des secteurs du marché, mais nous inquiéter de ce que dans tel ou tel marché relativement restreint notre seuil de tolérance sera dépassé.
Le cas échéant, nous serions habilités à accepter des engagements à des dessaisissements, mais uniquement à des dessaisissements d'actions ou d'éléments d'actif. En fait, la promesse doit porter sur le dessaisissement d'éléments d'actif.
Lorsque nous n'appréhendons aucun problème dans la plupart des secteurs du marché sauf dans un ou deux, les parties en cause peuvent alors offrir à la commission de contourner cette difficulté en s'engageant à se départir de certains biens.
M. Brash: Juste pour vous donner un petit exemple de l'application de cette politique, j'ai eu un rôle à jouer il y a 20 ans dans un cas où deux banques d'investissement demandaient l'autorisation de fusionner. L'une des deux était détentrice de la franchise de la carte de crédit American Express pour la Nouvelle-Zélande, et l'autre, de la carte de crédit Diner's Club. À cette époque, les cartes de crédit bancaires n'étaient pas aussi répandues que maintenant. En l'occurrence, la Commerce Commission a autorisé la fusion, mais à la condition que la nouvelle banque se départisse de l'une des deux franchises.
Le sénateur Kelleher: Je tiens à vous signaler que nous avons nous aussi une loi sur la concurrence, comme vous pouvez l'imaginer, et qu'en sus de l'autorisation qui doit être obtenue du ministre des Finances, les parties à un projet de fusion doivent également obtenir le consentement exigé aux termes de cette loi. Le ministère responsable de l'application de cette loi devra donc lui aussi approuver le projet. Il étudie d'ailleurs actuellement la question.
Pour peu que j'aie entendu parler de notre loi et que je la connaisse, elle m'apparaît s'apparenter bien davantage que la vôtre à celle des États-Unis, qui est passablement restrictive. Il faut dire que les Américains ont de bonnes raisons de tenir à ce que leur loi soit sévère.
Chose certaine, nous allons faire part de vos observations à notre ministre des Finances. Nous avons votre nom, votre adresse et votre numéro de téléphone, et il vous faudrait peut-être vous attendre à recevoir un appel à ce sujet.
Le sénateur Callbeck: Merci beaucoup, monsieur le gouverneur et messieurs.
Toujours sur la question des fusions, qu'est-il résulté des fusions en Nouvelle-Zélande? Quels en ont été les avantages et les inconvénients? Par exemple, ont-elles profité aux actionnaires des banques en question? L'éventail des services offerts s'en est-il trouvé plus étendu? Ont-elles donné lieu à une augmentation des droits d'utilisation ou des frais bancaires?
Si je ne m'abuse, les banques qui ont fusionné aux États-Unis ont généralement augmenté par la suite leurs frais bancaires.
Qu'en est-il des fermetures de succursales? Monsieur le gouverneur, vous avez parlé dans votre déclaration préliminaire de fermetures de banques en Australie. Ces fermetures ont-elles résulté de fusions, et est-ce également ce qui se produit en Nouvelle-Zélande?
M. Brash: Je puis répondre à votre question, mais en me gardant d'être trop catégorique. Si je vous dis cela, c'est que nous assistons actuellement à un passage rapide de la prestation de services bancaires exclusivement par l'entremise de réseaux de succursales à l'avènement de services bancaires électroniques, de guichets automatiques, et cetera. Dans tout le pays, on ferme des succursales pour cette raison, et ces fermetures n'ont rien à voir avec les autres fermetures qui peuvent être occasionnées par des fusions.
On ne peut nier que les fusions ont généralement entraîné des fermetures de succursales en Nouvelle-Zélande. Pendant que vous posiez votre question, j'ai noté quatre fusions de banque qui me sont venues à l'esprit et qui sont survenues ces cinq ou six dernières années. Il est juste de dire que toutes ces fusions se sont traduites par la fermeture d'un nombre assez impressionnant de succursales.
Il est probablement également vrai d'affirmer que, sauf peut-être quelques exceptions, toutes les régions de notre pays demeurent en réalité très bien pourvues de succursales bancaires. C'est un fait que toutes nos villes et villages continuent de disposer d'une multitude de succursales bancaires. Ce n'est que dans les très très petites localités que des gens se sont plaints de ce que des fermetures de succursales avaient causé un grave préjudice à leur collectivité. Cela dit, je le répète, ces fermetures ne sont pas dues tellement aux fusions, mais davantage aux autres tendances dont j'ai parlé tout à l'heure, comme la multiplication des services bancaires rendus par voie électronique.
Un autre facteur qui entre ici en ligne de compte, je pense, du moins en Nouvelle-Zélande et peut-être aussi au Canada, c'est que les banques, jusque tout récemment, évoluaient dans un contexte où elles étaient peu vulnérables et où elles pouvaient se permettre de fournir certains services à perte et d'autres, naturellement, à très fort profit. Il leur était possible, sans trop de difficulté, d'interfinancer leurs services. Avec l'ouverture des marchés à laquelle nous avons assisté, les banques se sont vues de plus en plus forcées, du fait que la concurrence a réduit la marge bénéficiaire de leurs services les plus rentables, de couvrir leurs frais pour chacun de leurs services, ce qui a d'ailleurs contribué à faire grimper les frais directs sur les transactions bancaires. Je crois en effet que si on s'est mis à exiger des frais pour encaisser des chèques, par exemple, c'est en raison de la nécessité de réduire l'importance de la pratique de l'interfinancement des services financiers.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que les frais de service ont tendance à augmenter également dans vos petites banques?
M. Brash: En règle générale, oui. Je parle d'ailleurs surtout des banques de détail en ce moment, car ce sont celles pour qui les changements de politique sont les plus délicats. Il faut dire par ailleurs que toutes les banques, tant les grandes que les petites, ont été amenées à augmenter leurs frais du fait qu'elles ont vu leur volume de prêts bancaires réduit par la concurrence des institutions financières non bancaires.
Le sénateur Tkachuk: Bienvenue et merci de votre contribution à nos travaux. Les problèmes que nous connaissons au Canada ne sont pas uniquement liés à la concentration de l'industrie bancaire, mais également à celle de l'industrie des services financiers. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous autorisiez les banques à vendre de l'assurance. Comment procède-t-on? Les sociétés d'assurance sont-elles des filiales de banques, ou recourt-on à des sociétés de portefeuille qui comporteraient deux entités distinctes, une société bancaire et une société d'assurance? Comment tout cela se reflète-t-il dans les déclarations que les banques vous soumettent?
M. Leddingham: Nous n'avons pas de sociétés de portefeuille comportant une filiale bancaire et une filiale d'assurance. Il existe bel et bien dans notre pays des sociétés de portefeuille qui agissent comme intermédiaires entre les banques mères et leurs filiales néo-zélandaises, mais leur existence est normalement davantage liée à des motifs fiscaux qu'à des raisons structurelles.
En règle générale, les polices d'assurance que vendent les banques le sont tantôt par l'entremise de leurs filiales, tantôt pour le compte d'une tierce partie ou dans le cadre d'alliances stratégiques avec des courtiers d'assurance.
Le sénateur Tkachuk: Permettez-vous aux banques de contrôler des sociétés de courtage en valeurs mobilières?
M. Brash: Nous n'avons pas vraiment de problème à cet égard, car nous n'avons jamais fait de véritable distinction entre les services bancaires commerciaux traditionnels et les activités de placement. Les banques sont donc libres de vendre des valeurs mobilières depuis leurs succursales bancaires.
Le sénateur Tkachuk: Votre secteur du commerce des valeurs mobilières est-il essentiellement contrôlé par les banques, ou existe-t-il dans votre pays un important secteur du placement qui soit indépendant des banques?
M. Brash: Dans notre pays, il y a une foule d'activités financières qui s'effectuent ailleurs que dans les banques. Ces opérations se font souvent par l'entremise de filiales ou de succursales de sociétés internationales, notamment d'importantes banques d'investissement nord-américaines ou européennes. Elles exercent toutefois leurs activités dans une certaine mesure en marge du système bancaire.
M. Harrison: L'essentiel des opérations sur les obligations, sur les devises, et cetera, sont toutefois effectuées par les banques.
M. Brash: Mais les services bancaires d'investissement -- la prise ferme d'actions ou d'obligations et d'autres opérations de ce genre -- sont le fait en partie des institutions bancaires et en partie des institutions non bancaires, surtout des institutions non bancaires. La prise ferme d'actions ou d'obligations, par exemple, est dominée par les institutions non bancaires, mais les banques peuvent également offrir ce service.
Le sénateur Tkachuk: Au début de notre discussion, vous avez parlé des études que vous avez effectuées avant d'opter pour le système que vous avez finalement retenu. Vous vous êtes en quelque sorte intéressés à ce qui se fait dans le monde entier à cet égard. Vous avez manifestement tiré des conclusions bien arrêtées de votre examen. J'aimerais que nous discutions plus avant de cet aspect.
Les systèmes à réglementation rigoureuse peuvent-ils prévenir les faillites bancaires? Croyez-vous qu'ils le peuvent?
M. Brash: Non, je suis certain qu'ils ne le peuvent pas. C'est ce qui ressort clairement d'un simple coup d'oeil sur ce qui s'est passé dans divers pays. Des faillites de banques, il y en a eu dans le monde entier, que ce soit dans des pays en développement dont les systèmes de surveillance laissaient fortement à désirer, ou encore dans le monde industrialisé où ces mêmes systèmes sont réputés très efficaces. La faillite de la Barrings est survenue au moment même où nous nous apprêtions, il y a de cela deux ou trois ans, à soumettre au Parlement nos propositions de modification de la réglementation. Comme nous en étions à l'étape de l'examen par le comité spécial, les membres de ce comité ont jugé bon de nous faire comparaître de nouveau pour nous demander si nous pouvions leur assurer que notre nouveau système préviendrait des faillites comme celle de la Barrings. Je leur ai répondu que, malheureusement, je ne pouvais leur donner une telle assurance. Tout ce que je pouvais en dire, c'est que la Barrings avait fait faillite malgré le fait qu'elle évoluait au sein d'un système on ne peut plus traditionnel. Naturellement, la Bank of England et la Monetary Authority of Singapore étaient elles aussi régies par ce même système au moment où la Barrings s'est mise à connaître les pires difficultés.
Je crois qu'aucun système ne peut nous garantir qu'on pourra prévenir toute faillite bancaire. Si l'on jette un coup d'oeil aux causes de faillites bancaires depuis la Seconde Guerre mondiale, on constate qu'elles sont essentiellement de deux types. Elles ont résulté soit de fraudes de la part d'employés, soit de changements marqués de la valeur d'éléments d'actif -- valeur des propriétés foncières ou valeur des actions, et cetera. Il m'apparaît que la preuve n'a encore jamais été faite que l'approche conventionnelle de la surveillance bancaire soit vraiment efficace pour prévenir ces deux types de situations. La fraude est très difficilement détectable par un surveillant de l'extérieur, et les faillites de la BCCI et de la Barrings l'illustrent bien. Quant aux changements de la valeur des actifs, ils sont fréquemment imprévisibles, même pour les gens les mieux renseignés. Lorsque la valeur des actifs est à la hausse, il va sans dire que les provisions pour pertes sur prêt semblent amplement suffisantes, ainsi d'ailleurs que les fonds propres de la banque; tout semble alors baigner dans l'huile, jusqu'à ce que les valeurs chutent de moitié et que, soudain, les choses semblent se gâter.
Le sénateur Tkachuk: À ce propos, j'aimerais aborder un autre aspect, à savoir les conséquences de ce qui s'est produit en Asie sur le système bancaire en Nouvelle-Zélande et sur l'économie néo-zélandaise. Quelle incidence a eu ce que nous appelons ici «la grippe asiatique» sur votre économie? Votre système bancaire s'en est-il ressenti? Certaines de vos banques sont-elles vulnérables à cet égard?
M. Brash: Pas de manière significative. Il faut garder à l'esprit, comme je l'ai signalé tout à l'heure, que la plupart de nos banques sont des composantes de banques internationales beaucoup plus importantes. Certaines de ces banques sont manifestement touchées par ce qui se passe en Asie; plus particulièrement, certaines banques australiennes ont fait savoir qu'elles risquaient de subir le contre-coup de ce qui s'y produit. À ma connaissance, elles ne sont toutefois pas gravement vulnérables, et, chose certaine, nous n'avons pas l'impression que les opérations bancaires locales s'en ressentent sérieusement.
Les conséquences de ces événements pour l'ensemble de l'économie de notre pays sont toutefois vraiment considérables. Tout comme c'est le cas pour l'Australie, nos exportations vers les pays de l'Asie de l'Est s'en ressentent énormément, et certains de nos secteurs s'en trouvent grandement touchés, notamment ceux de la foresterie et du tourisme.
Le sénateur Tkachuk: Si votre régime réglementaire actuel et votre système de divulgation avaient déjà été en place il y a un certain nombre d'années, les renseignements que les banques auraient été tenues de vous fournir auraient-ils compris ceux relatifs à leurs risques en Asie? Est-ce là le genre d'information qu'il leur aurait fallu divulguer, concernant leur exposition à l'étranger, par exemple, en faisant état non seulement des montants en cause, mais également des pays où ils s'exposaient?
M. Brash: Oui, si des sommes importantes avaient été en cause, elles auraient assurément été tenues de divulguer ces renseignements.
Le président: Monsieur le gouverneur, le fait que l'un de vos outils réglementaires consiste à mettre les fautifs dans l'embarras excite ma curiosité. J'aimerais que nous explorions un peu plus avant cette question. Il me semble que ce mode de persuasion ne doit être efficace que pour autant qu'on soit en présence d'une publicité vraiment négative, dans des cas où les renseignements fournis indiquent que la banque concernée n'est pas en excellente posture. Vous nous avez fait remarquer tout à l'heure, par exemple, que les consommateurs sont aptes à comparer les cotes établies par les agences de cotation des titres. Je crois que ce que vous avez dit précisément, c'est que les gens savent faire la différence entre une cote triple A et une cote A. D'un autre côté, étant donné que la plupart des grandes banques obtiennent des cotes élevées, je vois mal qu'on puisse en dégager des conclusions très intéressantes concernant le marché.
Quel genre d'information est le plus susceptible de comporter des éléments virtuellement embarrassants pour les fautifs? Si je pose ma question sous cet angle, c'est qu'il me semble qu'il se pourrait que vous exigiez des institutions financières qu'elles divulguent une montagne de renseignements hautement spécialisés, mais que personne, même chez les chroniqueurs financiers, ne soit apte à s'y retrouver. Je suis porté à croire que pour que les données divulguées puissent avoir l'effet de dissuasion que vous escomptez, il faudrait qu'il s'agisse de renseignements qui peuvent être facilement communiqués par les médias et compris par les consommateurs. Je présume, à moins que je ne me trompe, que vous avez dû longuement réfléchir avant d'établir en quoi consisterait l'information que vous exigez.
Comment y êtes-vous parvenus, et quels sont les deux, trois ou quatre types de renseignements les plus pertinents à cet égard?
M. Brash: Nous nous sommes rendu compte dès le départ que les spécialistes en analyse bancaire auraient besoin d'un volume considérable de renseignements pour bien asseoir leurs conclusions. C'est pourquoi nous exigeons des banques qu'elles produisent un si grand nombre de renseignements.
Nous sommes par ailleurs conscients que le fait d'exiger une quantité de renseignements à ce point imposante pourrait en soi empêcher l'immense majorité des gens de s'y retrouver. C'est pour cette raison qu'en réalité nous exigeons que cette information soit divulguée sous deux formes distinctes. L'une consiste en une présentation détaillée, et l'autre prend la forme de ce que nous appelons en anglais nos rapports KIS, pour «key information summary» (résumé des renseignements essentiels) et non pour «keep it simple» (évitez de compliquer les choses). Il s'agit de rapports très succincts de deux ou trois pages que toutes les succursales bancaires sont tenues de remettre à leurs clients sur demande.
Même à l'intérieur de ce genre de document relativement succinct, j'imagine que le type de renseignements auxquels la plupart des gens s'intéressent, c'est essentiellement la cote de la banque et peut-être le ratio de suffisance du capital de la banque. Ces deux données sont relativement bien comprises et, je crois, présentent de l'intérêt pour une importante minorité de gens bien informés.
Le président: Une fois que ces rapports succincts sont publiés, les médias prennent-ils soin de reproduire ces diverses données sous forme de tableau comparatif, de manière à faire ressortir, par exemple, les données de la Westpac comparées à celles de la Banque A, puis de la Banque Z, et cetera? Autrement dit, les médias s'efforcent-ils de faciliter le choix des consommateurs en leur présentant les données de façon à ce qu'ils puissent s'y retrouver?
M. Brash: Nous souhaiterions que se soit davantage le cas, car à l'heure actuelle, ils ne le font vraiment pas beaucoup. D'ailleurs, nous avons entrepris récemment à l'interne d'envisager des moyens d'encourager les médias à effectuer davantage d'analyses de ces données.
Comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, l'une des difficultés réelles et l'une des raisons qui expliquent que notre pays n'est pas un très bon laboratoire pour juger de l'intérêt que peut présenter la divulgation de ces renseignements, c'est tout simplement que nos banques sont très largement perçues comme faisant partie de très grandes banques implantées dans le monde entier. Ce facteur atténue certes l'intérêt que le public porte à cette information.
M. Leddingham me rappelle que nous publions nous-mêmes trimestriellement un tableau comparatif sur notre site Internet. Nous avons donc fait de sérieux efforts pour rendre cette information disponible au grand public en lui donnant accès, au moyen de tableaux comparatifs, aux renseignements concernant les diverses banques.
Le sénateur Oliver: Je me demande si certains des renseignements que vous obligez les banques à produire trimestriellement sont considérés par elles comme délicats et confidentiels. Sont-elles amenées à divulguer des renseignements confidentiels ou encore des stratégies commerciales qu'elles auraient autrement préféré ne jamais porter à la connaissance de leurs concurrents? Avez-vous reçu des plaintes concernant l'obligation de divulguer ce genre d'information, et, dans l'affirmative, comment y avez-vous réagi? Y a-t-il des choses que les banques peuvent vous communiquer à vous, confidentiellement, mais non publiquement?
M. Brash: Je vais d'abord répondre à votre dernière question, Nous n'encourageons pas les banques à nous divulguer des renseignements auxquels le public n'a pas accès.
Nous n'exigeons jamais des banques qu'elles fournissent l'identité de leurs interlocuteurs. Alors que nous tenons à ce qu'elles dévoilent, dans tous les cas où leur exposition représente plus de 10, 20 ou 30 p. 100 de leurs fonds propres, dans quelle mesure leur risque est concentré, nous n'exigeons pas pour autant qu'elles fournissent le nom de leurs contreparties. Elles n'ont nullement à le faire.
Les premiers temps, les banques se sont montrées quelque peu réticentes à divulguer, par exemple, les renseignements concernant la concentration de leur risque et, en réalité, elles se sont également objectées à ce qu'on les force à dévoiler dans quelle mesure elles sont vulnérables aux fluctuations des taux d'intérêt. Nous leur avons alors fait savoir qu'il n'était pas question que nous tenions compte de leurs objections à cet égard. En réalité, dans un petit marché comme le nôtre, la plupart des banques savent de toute façon fort bien qui fait affaire avec quelle banque. Nous sommes d'avis que tout renseignement qui est fourni par les banques dans ces rapports n'apprendra vraiment pas grand-chose aux principaux intéressés.
Je m'y prends mal pour vous expliquer ce qu'il en est. Donc, toujours à propos de la réticence des banques à dévoiler dans quelle mesure leur risque est concentré, certaines d'entre elles sont venues nous dire qu'elles appréhendaient que les gens pensent, par exemple, qu'elles avaient Fletcher Challenge comme débiteur, ce à quoi nous leur avons répondu qu'ils pouvaient peut-être le penser, mais que cela ne changeait pas grand-chose, puisque quiconque veut savoir avec quelle banque Fletcher Challenge fait affaire n'aura de toute façon pas trop de mal à le découvrir. Nous n'avons donc pas considéré cette objection comme une raison valable de refuser de divulguer l'information que nous jugeons nécessaire à l'analyse de la solvabilité des banques.
Le sénateur Oliver: En réponse à une question que vous a posée plus tôt le sénateur Austin à propos des opérations relatives à des produits dérivés étrangers, vous avez affirmé que vous forciez les sociétés bancaires à divulguer même leurs opérations hors bilan. S'est-on montré réticent à se conformer à cette exigence?
M. Harrison: Nous exigeons qu'elles divulguent un seul chiffre, qui englobe leurs risques figurant au bilan et leurs risques hors bilan. Le chiffre ainsi divulgué ne renseigne pas sur sa provenance exacte.
Ce qui présente de l'intérêt, en fait, c'est le risque global. Nous ne croyons pas, ni les banques d'ailleurs, que le fait de savoir qu'une institution a des opérations relatives aux produits dérivés nous renseigne de quelque manière que ce soit sur le niveau des taux de change. Ce qu'il nous faut, c'est un chiffre qui rende compte de l'ensemble des risques.
M. Brash: Pour illustrer ce propos, je vous fais remarquer que certains pays exigent que les banques divulguent leur position relative aux taux d'intérêt sur les opérations de placement. Comme l'a expliqué M. Harrison, cette position que les banques sont tenues de divulguer aux termes de notre réglementation, englobe à la fois les données sur leurs opérations de placement et les données sur leurs opérations bancaires. Ce que nous exigeons des banques, c'est donc qu'elles divulguent leur risque global net lié aux fluctuations des taux d'intérêt et des taux de change, par exemple, ce qui, à notre avis, ne les oblige nullement à dévoiler indûment des renseignements confidentiels à propos de leurs clients.
Le sénateur Austin: Monsieur le gouverneur, ce que vous nous avez expliqué à propos de l'inflation de la valeur des éléments d'actif m'amène à vous poser la question que voici. Dans quelle mesure votre calcul de l'inflation des éléments d'actif joue-t-il dans l'établissement de votre politique monétaire?
M. Brash: Avez-vous lu l'article de la page 90 du dernier numéro du magazine The Economist?
Le sénateur Austin: Pas encore.
M. Brash: The Economist publie cette semaine un article fort intéressant sur cette question.
Le sénateur Austin: J'ai porté plainte auprès de cette revue parce qu'elle nous est livrée 48 heures après qu'elle est en vente en kiosque.
M. Brash: Il s'agit là d'une des questions les plus controversées concernant la politique monétaire dans le monde aujourd'hui. Je crois qu'aucune banque centrale ne jugera approprié de fonder sa politique monétaire principalement sur la valeur des éléments d'actif. J'imagine cependant qu'aucune banque centrale ne peut non plus se permettre de ne tenir aucunement compte de l'évolution de la valeur des éléments d'actif, parce que, d'une part, une montée importante de ces valeurs engendrera normalement avec le temps une inflation généralisée, et parce que, bien sûr, une explosion de la valeur des éléments d'actif peut aussi mener à la longue à une déflation de ces mêmes valeurs. Il va sans dire qu'une telle situation pourrait avoir de très graves conséquences tant pour le système bancaire que pour l'économie réelle.
Quand je vois ce qui se produit actuellement aux États-Unis, j'ai énormément de sympathie à l'endroit d'Allan Greenspan. Heureusement pour nous, nous ne saurions connaître dans notre pays de situation s'apparentant à celle-là, quoique nous ayons connu il y a quelques années une situation où la flambée des prix des propriétés résidentielles nous a forcés à adopter une politique de resserrement du crédit passablement plus rigide qu'il n'en aurait été autrement.
Le sénateur Austin: Merci de vos explications, monsieur le gouverneur. Cela fait trois semaines que nous cherchons à obtenir une réponse de notre gouverneur Thiessen sur cette question. Il se montre vague lui aussi dans ses propos à ce sujet, et je puis comprendre pourquoi, bien sûr.
Comme vous le savez, le ministre des Finances du Canada, M. Paul Martin, a proposé, lors de la conférence du G-7, qu'on en vienne à traiter de façon plus transparente et plus universelle que dans le passé la question de la réglementation bancaire. Il a demandé à divers pays de s'interroger sur le genre de mécanisme que nous pourrions mettre en place et sur les sanctions que nous pourrions imposer pour en venir à obtenir que chaque pays ait un système bancaire transparent.
Croyez-vous qu'il serait souhaitable qu'on mette en place un mécanisme international à cette fin? Ou croyez-vous plutôt que le système actuel -- constitué essentiellement des banques centrales -- est en mesure de s'attaquer à cette question et de parvenir à exercer l'influence voulue pour obtenir les résultats recherchés?
M. Leddingham: Peut-être le gouverneur voudra-t-il exprimer lui aussi son point de vue sur cette question, mais je puis vous dire que nous sommes carrément d'avis nous aussi que les régimes de surveillance bancaire devraient être plus transparents. Il n'y a pas à en douter.
Cependant, ce que nous savons de la proposition canadienne suscite chez nous quelque inquiétude à propos de la prolifération de ce genre d'instances. Nous craignons qu'on ne fasse ainsi qu'ajouter un autre palier à une structure internationale déjà fort complexe. Ce ne sont pas les organismes qui manquent, depuis le comité de Bâle, en passant par le FMI jusqu'à toute une pléiade d'autres entités et de groupes régionaux, tous de plus en plus impliqués dans l'examen de ces questions.
Nous sommes quelque peu hésitants à appuyer l'idée d'ajouter toujours ainsi de nouveaux paliers institutionnels chargés de vérifier si la surveillance est assurée.
M. Brash: Je souscris entièrement à ce que mon collègue vient d'expliquer. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'il a dit. Nous avons pris conscience, ou le monde a pris conscience, au cours de l'année des 12 derniers mois, de certaines des graves conséquences que peut avoir l'affaiblissement des systèmes bancaires. Nous avons vu, dans la région asiatique, une illustration on ne peut plus spectaculaire de certaines de ces conséquences. Je me plais à croire que les pays concernés ont maintenant eux aussi de très puissants motifs de prendre les mesures qui s'imposent pour renforcer leur système bancaire, sans tenir compte des pressions internes qui pourraient s'exercer sur eux.
M. Brash: Monsieur le sénateur, si vous me le permettez, je vais formuler une autre observation. Vous avez fait allusion à la Banque du Canada ainsi qu'au gouverneur Thiessen et aux propos qu'il a tenus. J'ai eu le privilège de faire un bref séjour à Ottawa en février 1997, séjour au cours duquel j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des représentants de la Banque du Canada. Le gouverneur Thiessen a alors dit que, selon lui, il n'y avait probablement pas deux banques centrales au monde plus semblables que la Banque du Canada et la Reserve Bank of New Zealand. Je crois qu'il a probablement raison. Chose certaine, nous partageons à peu près la même vision de la politique monétaire.
Le président: Monsieur le gouverneur, j'aurais une toute dernière question avant la levée de notre séance.
Il me semble qu'il s'avère généralement que, lorsqu'une personne a assumé la responsabilité de diriger tout un système à une époque où il s'y opère de très importants changements, comme ce fut votre cas ces dernières années, souvent cette personne, une fois qu'elle a à son crédit quatre ou cinq ans de gestion du changement et qu'elle se trouve d'humeur à réfléchir et à jeter un coup d'oeil sur le passé, sera portée à se dire que sachant ce qu'elle sait maintenant, si elle devait repartir carrément de zéro, elle ferait peut-être les choses différemment. Si vous regardiez ainsi en arrière, y a-t-il deux ou trois choses que vous feriez différemment, sachant ce que vous savez maintenant?
M. Brash: Voulez-vous parler de ce que j'aurais fait différemment en matière de surveillance bancaire ou en matière de politique monétaire?
Le président: Je veux parler de ce que vous feriez différemment en matière de surveillance bancaire.
M. Brash: Non, je crois que nous sommes très satisfaits du régime que nous avons maintenant. Avant de le mettre en place, nous avons adopté un système de règlement brut en temps réel pour le règlement des paiements bancaires, car nous étions convaincus qu'il s'agissait là d'une mesure très importante pour réduire le risque systémique. Ce système est maintenant tout à fait opérationnel.
La seule crainte qui m'habite encore en cette matière, c'est que le monde n'a pas entièrement résolu la question du risque que pose le système international de règlement des paiements et que nous connaissons tous depuis à peu près 1974. Personne d'entre nous n'a encore établi clairement comment nous devrions nous attaquer à ce problème. C'est un défi qui continue de nous interpeller tous.
Le président: Monsieur le gouverneur, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues de la Banque ainsi que M. Allport, d'avoir pris le temps de vous entretenir avec nous aujourd'hui. Vos témoignages nous seront très utiles.
Notre personnel entrera de nouveau en communication avec vous. Nous aimerions constater de visu ce dont ont l'air les rapports succincts que vous exigez de vos banques, ainsi que vos rapports plus spécialisés. En attendant, nous vous remercions beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Vous nous avez été très utiles.
La séance est levée.