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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 19 - Témoignages pour la séance du 14 mai 1998


OTTAWA, le jeudi 14 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, notre premier témoin de ce matin est Mme Glorianne Stromberg qui, au même titre que les membres du Sénat, comprend clairement que la notoriété survit à la célébrité. Nous sommes enchantés de vous compter parmi nous.

Comme bon nombre d'entre vous s'en souviennent, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a, en 1994, a demandé à Mme Stromberg de formuler des recommandations quant aux modifications qui devraient être apportées au cadre réglementaire, particulièrement celui qui régit les fonds communs de placement, rapport qui a été publié au début de 1995 et qui a déclenché toute une controverse. Par la suite, soit au début de la présente année, le Bureau de la consommation, qui fait partie du ministère de l'Industrie, lui a demandé de se pencher sur une question analogue, dans le contexte de la protection qu'il conviendrait d'offrir aux consommateurs qui, de plus en plus, se tournent vers les fonds communs de placement comme moyen de générer et de protéger une source de revenu de retraite. Je crois que le rapport doit être déposé à la fin du mois de juin. Ai-je raison?

Mme Glorianne Stromberg, commissaire, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario: Oui, Monsieur le président, vous avez raison.

Le président: Dans mon esprit, il ne fait aucun doute qu'il aura droit au même degré d'attention et de couverture médiatique que le précédent. Nous vous souhaitons la bienvenue dans le monde étrange de la politique gouvernementale, au carrefour de la politique commerciale et de la politique gouvernementale, d'où naît parfois la controverse. Je suis enchanté que vous soyez des nôtres. Je pense que vous êtes au courant des enjeux auxquels nous nous intéressons.

Vous avez déposé un mémoire, que mes collègues et moi avons lu; il s'agit d'une perspective canadienne sur la réglementation et la supervision des fonds de placement. Vous avez également eu l'amabilité de préparer une brève déclaration liminaire pour aujourd'hui. Nous aimerions que vous fassiez votre déclaration liminaire, après quoi, à la lumière de celle-ci et de votre rapport, nous vous poserons des questions. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.

Mme Stromberg: Merci, Monsieur le président. Honorables sénateurs, merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui dans le contexte de votre étude de la régie des investisseurs institutionnels. Je suis ravie de savoir que vous connaissez mon rapport, Regulatory Strategies for the Mid-'90s -- Recommendations for Regulating Investment Funds in Canada, et que vous ayez en main un exemplaire du document que j'ai préparé pour le compte de l'OCDE l'été dernier.

Je n'ai pas préparé de mémoire officiel pour aujourd'hui parce que je n'étais pas certaine de l'aspect de mes travaux et de mes réflexions qui vous seraient le plus utiles. Si je fais cette affirmation -- je sais que vous vous intéressez aux questions touchant la régie -- , c'est que je crois que la plupart des observations et des recommandations que j'ai faites dans les deux documents sont autant d'éléments qui font partie intégrante d'une régie d'entreprise efficace.

Ces observations et recommandations ont trait à la structure réglementaire, à la structure organisationnelle, à la compétence, aux pratiques équitables, aux ressources adéquates, à la surveillance efficace, à une structure législative qui va dans le sens de l'équité et de l'égalité des chances, à l'intégrité des personnes et des particuliers autorisés à fournir à autrui des conseils et des services de placement, à l intégrité du produit et des services offerts, à la surveillance et au contrôle efficaces des activités de même qu'à la prise de mesures rapides pour remédier aux problèmes et empêcher qu'ils ne se produisent de nouveau. Voilà autant d'éléments essentiels à une régie de qualité. Pour que la régie soit de qualité, tous ces éléments doivent être présents et intégrés, en plus de fonctionner de façon efficace.

Aujourd'hui, je vais tenter de répondre à vos questions. Je serai heureuse de donner suite à tout point que vous voudrez bien soulever. D'entrée de jeu, je tiens à souligner que je m'exprime aujourd'hui à titre personnel et non à titre de commissaire de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. J'exprimerai mes propres points de vue, qui ne sont pas nécessairement ceux de la commission ni ceux de toute autre personne ayant partie liée à la commission.

Permettez-moi de faire ressortir certaines questions qui, à mon avis, revêtent une importance particulière dans le contexte de votre étude. Premièrement, j'aimerais parler de ce que j'appelle la face changeante de l'investisseur institutionnel. Je pense qu'il importe de reconnaître cette face changeante. Il importe de reconnaître que les frontières entre ceux qu'on appelle les investisseurs institutionnels et les investisseurs particuliers se sont estompées, un nombre de plus en plus grand d'investisseurs institutionnels assumant, à titre de représentant, la gestion des capitaux d'investisseurs particuliers plutôt qu'en leur propre nom. À ce titre, la capacité qu'ils ont de poursuivre la gestion de tel fonds peut prendre fin sur présentation d'un préavis relativement bref ou, dans certains cas, sans préavis du tout.

Le particulier qui investit dans des fonds communs de placement ou qui participe à un régime de cotisations défini exerce un droit de propriété directe sur ses investissements, qui fluctue selon la valeur marchande de ces derniers, par opposition à un simple droit contractuel de recevoir, à une date déterminée, un paiement convenu. Le particulier qui possède ces investissements à titre direct ou par l'entremise d'une forme quelconque de véhicule de placement collectif est en concurrence directe avec l'investisseur institutionnel qui investit en son propre nom.

Au cours des dix dernières années, on a assisté à une transformation durable des économies des ménages, qui sont passés des instruments assimilables aux dépôts et de l'assurance-vie à d'autres types d'investissements, les fonds communs de placement étant le véhicule de placement privilégié, ce qui a entraîné une revitalisation du marché. En d'autres termes, on n'est plus fondé à concevoir le marché comme s'il était simplement divisé en marché de détail et en marché institutionnel. Le marché s'est individualisé.

Dans ce marché, il importe que la structure de réglementation et de supervision ne favorise pas l'investisseur institutionnel au détriment de l'investisseur individuel, traditionnellement appelé investisseur particulier. Du point de vue de la réglementation et de la supervision, le fait qu'un particulier détienne une participation dans des valeurs sous options, directement ou par l'entremise d'un véhicule quelconque de placement collectif, ne devrait pas avoir une grande incidence. J'étudie ces thèmes plus en détail dans le document que j'ai préparé pour l'OCDE, et je formule quelques suggestions pour faire en sorte que les règles du jeu soient égales pour tous.

Je vais maintenant dire un mot de l'établissement et de la structure des fonds de placement, particulièrement des fonds de placement ouverts, communément appelés fonds communs de placement. Dans les prescriptions réglementaires actuelles, on retrouve relativement peu d'exigences concernant l'établissement et la structuration de ces fonds. Pour pouvoir établir et exploiter des fonds de placement, le gestionnaire de fonds de placement n'est nullement tenu de s'inscrire auprès d'une organisation responsable des valeurs mobilières. En outre, la présence d'administrateurs extérieurs non liés aux gestionnaires de fonds de placement n'est pas obligatoire.

Il n'y a pas non plus d'exigence quant au capital réglementaire minimal, à l'assurance ou aux garanties, aux ressources en gestion, à la compétence ou à l'habileté du personnel, à la pertinence des systèmes, des contrôles et des procédures internes, ni aux procédures concernant la surveillance de ces derniers. En ce qui concerne les fonds de placement parrainés par le gestionnaire des fonds de placement, les fonds de placement parrainés ne sont en outre pas tenus de se doter de conseils indépendants.

Il importe de se rappeler que le gestionnaire et le fiduciaire du fonds constituent habituellement la même entité, qu'ils sont affiliés l'un à l'autre et que le gestionnaire, le fiduciaire et leurs affiliés fournissent aux fonds communs de placement tous les services requis suivant des modalités qui, pour la plupart, sont imposées de façon unilatérale. On doit aussi tenir compte du fait que, au Canada, les fonds communs de placement sont, pour des raisons fiscales, structurés en fiducie et que, au pays, il n'existe pas de structure législative constitutive comparable à celle qu'on retrouve pour les sociétés. Les modalités de la fiducie sont fixées de façon unilatérale par le fiduciaire-gestionnaire.

Dans une structure qui permet que toutes les fonctions exercées en rapport avec un fonds de placement le soient par des entités apparentées, suivant des modalités qui, dans les faits, sont imposées de façon unilatérale, sans que des parties non apparentées soient appelées à se prononcer d'une façon ou de l'autre sur la façon dont les intéressés s'acquittent de leurs obligations, on est en droit de nourrir des préoccupations ayant trait à la prudence. Dans la structure actuelle, personne n'est appelé à se pencher sur l'équité de la structure et des opérations, du seul point de vue de l'intérêt du fonds de placement et des investisseurs. Dans ce contexte, on ne doit guère s'étonner du fait que certains se posent des questions quant à savoir qui s'occupe des intérêts des investisseurs. J'ai donc formulé des recommandations précises qui visent à améliorer les dispositions concernant la régie des fonds de placement. Je suis certaine que vous aurez des questions à poser à ce sujet, mais, avant que vous ne le fassiez, j'aimerais évoquer un autre enjeu, à savoir l'allocation des coûts et des dépenses.

À propos de mes recommandations, on a en outre dit craindre qu'elles n'entraînent une augmentation des coûts, coûts qui seront par la suite passés à l'investisseur particulier. Dans le contexte actuel, c'est probablement vrai. Or, le fait qu'il en soit ainsi devrait nous amener à nous demander si l'allocation des coûts et des dépenses entre le gestionnaire et le fonds géré fait l'objet d'une surveillance suffisante. Il semble qu'on ait tendance à simplement passer les coûts plutôt qu'à assujettir ces activités à un examen juste et rigoureux visant à déterminer s'il convient bel et bien d'agir ainsi, ou encore à se demander s'il n'y a pas des moyens plus efficients de faire les choses à moindre coût.

Lundi de cette semaine, l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC) a déposé son projet de code de déontologie modèle pour l'investissement personnel. Ce dépôt s'est accompagné d'observations provenant de sources diverses, selon lesquelles les coûts de conformité du gestionnaire devraient être passés au détenteur d'unités du fonds. Personne ne semble s'être demandé pourquoi ce sont les détenteurs d'unités du fonds qui devraient assumer les coûts additionnels liés aux mesures prises pour vérifier si le gestionnaire du fonds s'acquitte des obligations de fiduciaire qu'il a envers eux et s'il ne s'approprie pas les occasions de placement du fonds. Personne ne semble se poser de questions à propos de la portion des frais généraux du gestionnaire qui devraient pouvoir être passés au détenteur d'unités du fonds. Personne ne semble non plus se demander quelle portion des coûts de répartition du gestionnaire devrait pouvoir être passée au détenteur d'unités du fonds. Ces sommes semblent toutes faire partie du ratio des frais de gestion du fonds et entraîner une réduction du rendement des investisseurs. À l'occasion d'un témoignage antérieur, on vous a dit que le rendement de l'investisseur, pour chaque tranche de 50 points de base additionnels imputés, fond au fil des ans. Par conséquent, ces questions paraissent légitimes.

Les réponses ont un impact sur la capacité de l'investisseur d'assurer son propre bien-être et ses revenus de retraite. Elles ont également un impact sur le manque à gagner que le gouvernement pourrait un jour être appelé à combler.

Aujourd'hui, j'aimerais également aborder avec vous la question des droits de vote -- secteur auquel, au Canada, et peut-être ailleurs, on s'est peu intéressé. Il est vrai que les particuliers, en choisissant de regrouper leurs placements dans un véhicule de placement collectif comme les fonds communs de placement, ont renoncé à l'un des droits fondamentaux rattaché à la propriété de valeurs mobilières, nommément le droit de prendre par vote des décisions concernant de telles valeurs. Les particuliers ont involontairement cédé leur droit de vote; ce faisant, ils ont conféré des pouvoirs énormes aux gestionnaires professionnels de portefeuilles, dont certains n'ont pas tout à fait les coudées franches par rapport à d'autres intérêts financiers et commerciaux.

Le comité a déjà entendu des témoignages à propos de la valeur économique du droit de vote. Au fur et à mesure que les préoccupations relatives à la concentration du pouvoir, à l'activisme des actionnaires et à l'impact de la politique à courte vue des gestionnaires de portefeuilles, des gestionnaires d'entreprises et d'autres s'intensifient, on peut s'attendre à ce que cette question donne lieu à des revendications en faveur du changement. Je pense qu'on doit réfléchir au traitement qu'il convient de réserver aux droits de vote. Tout au moins, je pense que les gestionnaires de fonds devraient clairement définir leur politique à cet égard. En cas d'écart, ils devraient par ailleurs être tenus d'expliquer pourquoi dans les rapports annuels et périodiques qu'ils soumettent aux investisseurs. Quoi qu'il en soit, je pense que la valeur économique du vote devrait, sans équivoque, appartenir au fonds.

J'espère que mes propos vous seront utiles dans vos délibérations. Je serai heureuse de répondre à vos questions et de revenir sur ce que j'ai dit.

Le président: Merci de vous être montrée exhaustive et provocante comme vous l'êtes habituellement. Vous avez soulevé de si nombreuses questions qu'il est difficile de savoir par où commencer. Je commencerai donc par la fin de votre exposé, sur lequel je reviendrai à rebours.

Histoire de bien me permettre de comprendre, laissons de côté pour le moment la question du droit de vote. Essentiellement, les dépenses sont ajoutées aux coûts des opérations. N'est-ce pas essentiellement ce qui arrive, c'est-à-dire que, à mesure que les dépenses augmentent, elles sont passées aux consommateurs.

Les gestionnaires ne sont tout simplement pas motivés à chercher ces moyens efficients d'administrer le fonds. N'est-ce pas là une description juste de l'activité?

Mme Stromberg: Je pense que tous les gestionnaires vous diront qu'ils sont très sensibles aux coûts passés aux consommateurs.

Le président: Ils n'y sont pas sensibles au point de ne pas les passer.

Mme Stromberg: Vous avez raison, ils n'y sont pas sensibles au point de ne pas les passer. Selon certains critiques de la structure, les gestionnaires ne sont tout simplement pas incités à porter une attention étroite à ce qui se produit.

Le président: Êtes-vous d'accord avec ces critiques?

Mme Stromberg: Oui. J'ai également entendu de nombreuses personnes laisser entendre qu'on devrait chercher à établir une structure en vertu de laquelle un droit global serait fixé: ainsi, on déclarerait d'entrée de jeu que, en contrepartie de 1 p. 100 des actifs nets administrés, le fonds bénéficie, en matière de placement, des services consultatifs et des autres services nécessaires à son fonctionnement. Autrefois, bon nombre de fonds étaient structurés de cette façon. La modification remonte probablement aux années 70.

Le président: J'aimerais en finir avec la question des coûts. Habituellement, la structure de coûts est établie, comme vous venez tout juste de le dire, en pourcentage des fonds administrés. Est-ce juste?

Mme Stromberg: C'est juste.

Le président: Vous vous êtes penché sur cette question beaucoup plus que le reste d'entre nous. S'agit-il d'une mesure raisonnable des efforts déployés? En fait, voici ce que j'aimerais savoir: si on s'occupe de 1 million de dollars plutôt que de 100 000 $, les coûts de gestion sont-ils vraiment dix fois plus élevés, comme la formule actuelle le laisse entendre, ou n'y a-t-il pas plutôt un mécanisme en vertu duquel on établit foncièrement un coût fixe pour la gestion des fonds d'une personne, auquel s'ajoute un coût proportionnel, qui n'est toutefois pas uniforme pour tous?

Mme Stromberg: Sénateur, votre déclaration est juste. Toutefois, les personnes qui possèdent les capitaux importants sont en mesure de négocier un pourcentage moins élevé de leurs actifs nets administrés.

Le président: Il s'agit d'une fonction linéaire, mais l'inclinaison est différente.

Mme Stromberg: C'est juste.

Le président: Dans vos propos liminaires, vous avez affirmé que votre document contient des suggestions visant à améliorer la régie. Vous avez dit avoir formulé des recommandations précises. Je tiens pour acquis que ce sont celles qui débutent à la page 8 de votre document européen. Ai-je raison?

Mme Stromberg: Oui, vous avez absolument raison.

Le président: Je sais que mes collègues voudront vous poser un certain nombre de questions à ce sujet. Je n'ai pas encore eu le temps d'étudier en détail les lignes directrices de l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC) qui ont été publiées plus tôt cette semaine. Pouvez-vous nous expliquer leur proposition et nous dire si vos propositions divergent ou coïncident?

Mme Stromberg: Je suis désavantagée dans la mesure où le code ne m'est parvenu qu'hier en fin de journée. Je ne l'ai pas lu. De façon générale, les recommandations de l'Institut se rapprochent des miennes. On a déployé de sérieux efforts pour corriger les problèmes.

La principale préoccupation que j'avais à l'égard de l'ébauche que l'Institut a rendue publique il y a environ un an avait trait à la proposition selon laquelle les gestionnaires de fonds qui retenaient les services d'un conseiller en placement de l'extérieur du pays n'étaient pas, en vertu du principe de la diligence raisonnable et des modalités du contrat, tenus de veiller à ce que les gestionnaires de portefeuilles de l'extérieur obéissent à un code de déontologie rigoureux et comparable. Il me semblait que le fait de confier les services consultatifs en placement à un gestionnaire de portefeuille non visé par les lignes directrices de l'IFIC pouvait se traduire par un type de non-conformité.

Le président: Pour le moment, tenons donc pour acquis que les lignes directrices de l'IFIC, une fois que vous aurez eu l'occasion de les examiner -- je tiens pour acquis que vous le ferez dans le cadre de votre travail au gouvernement fédéral -- , vous donneront satisfaction. Il serait utile que nous sachions ce que vous en pensez et que vous déterminiez pour nous les points de convergence et de divergence par rapport à vos propres propositions. Il serait bon que nous soyons au fait de l'ampleur des divergences -- que nous sachions s'il s'agit d'un écart grave ou simplement mineur.

Mme Stromberg: Je vous reviendrai sur ce point.

Le président: Pour le moment, tenons donc pour acquis que, essentiellement, les lignes directrices de l'IFIC répondent aux objectifs que vous avez fixés dans vos travaux antérieurs. Si je comprends bien, les lignes directrices de l'IFIC seront des lignes directrices à peu près au même titre que les dispositions du rapport Day concernant la régie d'entreprise sont des lignes directrices. Ai-je raison?

Mme Stromberg: Vous avez raison.

Le président: On ne propose pas de légiférer ni d'imposer un cadre réglementaire exécutoire autour des lignes directrices, n'est-ce pas?

Mme Stromberg: L'IFIC n'a pas demandé aux organisations canadiennes responsables des valeurs mobilières d'en faire des règles ni des règlements.

Le président: À votre avis, est-ce ou non la bonne façon de procéder? Permettez-moi de vous donner une idée de ce que nous avons entendu au cours des présentes audiences, sans oublier que quelques personnes siégeant au comité appartiennent à des conseils d'administration d'entreprises. La beauté du rapport Day, c'est qu'on a imposé un règlement obligeant les intéressés à dire au conseil s'ils se conforment ou non aux lignes directrices. Les lignes directrices n'ont pas force de loi. Ce qui a force de loi, c'est l'obligation de rendre compte de votre rendement ou de votre absence de rendement, en application des lignes directrices.

La mesure a eu des effets relativement profonds sur le comportement des administrateurs. Il semble bien que la crainte des administrateurs d'être mis dans l'embarras, de ce que les pairs pourront penser qu'ils ne se conforment pas à l'esprit des lignes directrices, a modifié en profondeur le comportement des administrateurs. En d'autres termes, le comportement a changé non pas parce qu'il a dû changer, mais bien parce que les administrateurs ont craint de montrer que leur comportement n'avait pas changé.

En ce qui concerne les lignes directrices de l'IFIC et vos propositions, devez-vous miser tout au moins sur la crainte d'être mis dans l'embarras comme outil de réglementation, même si vous n'entendez pas aller jusqu'à officialiser toutes les lignes directrices sous forme de réglementation?

Mme Stromberg: Dans cette situation particulière, je pense que la crainte d'être mis dans l'embarras est l'outil réglementaire le plus efficace. Rien n'a un effet plus négatif sur un gestionnaire de fonds que des allégations selon lesquelles il ne se serait pas conformé au code.

Le président: Quelle modification législative ou réglementaire faudrait-il apporter pour mettre en place les mesures susceptibles de mettre les administrateurs dans l'embarras? Si je vous pose la question c'est que, contrairement à moi, vous êtes avocate.

Mme Stromberg: Je ne suis pas en mesure de dire exactement quelles mesures, le cas échéant, devraient être mises en place. Il suffirait probablement d'exiger qu'un rapport soit présenté aux détenteurs d'unités ou à la commission, à supposer que nous donnions suite à l'inscription des gestionnaires de fonds de placement, quant à leur conformité au code: en cas de non-conformité, ces derniers devraient préciser les exigences qui n'ont pas été respectées et fournir une explication. Il s'agirait d'exigences analogues à celles qu'on retrouve dans le rapport Day.

Le président: Mardi soir, nous avons entendu le témoignage fascinant du gouverneur de la Banque centrale de Nouvelle-Zélande à propos du même genre de processus exactement, relativement à la réglementation à laquelle les établissements financiers néo-zélandais, les banques en particulier, doivent se conformer, du point de vue des signatures que les administrateurs doivent fournir en rapport avec le profil de risque et le reste. Mes collègues me corrigeront si j'interprète mal les faits, mais le gouverneur semblait laisser entendre que l'impact réel du nouveau cadre réglementaire a été non pas tant une sensibilisation beaucoup plus grande du public, mais bien plutôt une modification radicale du comportement de la direction et des membres du conseil d'administration. Pour eux, il était important que l'information publiée les fasse bien paraître, ce qui, en contrepartie, a entraîné un resserrement véritable de la structure de gestion. En un sens, le produit dérivé s'est, de fait, révélé beaucoup plus précieux que ce qu'on avait imaginé au départ, c'est-à-dire que la communication publique et la sensibilisation des consommateurs doivent mettre l'acheteur sur ses gardes.

Mme Stromberg: Je suis une fervente partisane du type de «réglementation» qu'est l'auto-réglementation.

Le président: Pour qu'on puisse faire appel à ce qu'on appelle maintenant, par souci de concision, le pouvoir de mettre dans l'embarras, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario devrait-elle adopter un règlement? Le changement relèverait-il de la législation fédérale?

Mme Stromberg: À ce stade-ci, il s'agirait d'une question relevant du droit provincial.

Le président: L'industrie des fonds de placement tout entière est réglementée par les provinces. Qu'arrive-t-il des fonds de placement ou, si vous préférez, des fonds communs de placement qui appartiennent à des compagnies d'assurance ou à des banques constituées sous le régime de la loi fédérale?

Mme Stromberg: Elles doivent se conformer aux lois provinciales sur les valeurs mobilières.

Le président: Elles doivent s'y conformer, mais, s'il existait des lois fédérales dans ce domaine, elles devraient également s'y conformer, n'est-ce pas?

Mme Stromberg: Elles devraient aussi se conformer à ces lois.

Le président: Pourrait-on, dans ce qui relève de la compétence fédérale, tout au moins, imposer ce que nous appelons les lignes directrices axées sur la capacité de «mettre dans l'embarras» à l'égard des fonds administrés par des établissements financiers constitués sous le régime de la loi fédérale, par exemple les grandes banques et les grandes compagnies d'assurance?

Mme Stromberg: Je crois que le gouvernement fédéral le pourrait.

Le président: Le cas échéant, la mesure serait-elle susceptible ou non de s'étendre aux administrations provinciales?

Mme Stromberg: J'ose espérer qu'elles travailleraient en parallèle. Il serait important que les provinces imposent des exigences comparables, puisque les établissements financiers constitués sous le régime de la loi fédérale ne possèdent pas et n'exploitent pas tous les gestionnaires de fonds, du moins pas pour le moment.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre la structure des fonds. À la page 3 de votre mémoire, vous soulevez cette question. Vous dites que les prescriptions réglementaires actuelles contiennent peu d'exigences quant à l'établissement et à la structuration de ces fonds. Pourriez-vous nous fournir plus d'explications? Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais je n'en suis pas absolument certain.

Mme Stromberg: Au Canada, la plupart des fonds communs de placement sont structurés en fiducie. Les fiducies sont créées par quelqu'un. En ce qui concerne un fonds commun de placement, le fiduciaire présente une déclaration de fiducie, c'est-à-dire une sorte de document écrit fixant les modalités de la fiducie.

Le sénateur Tkachuk: Le fiduciaire y précise qu'il ne s'emparera pas de l'argent pour partir en vacances.

Mme Stromberg: Il précise qu'il va recueillir des fonds auprès d'investisseurs, les détenir en fiducie et les utiliser pour investir d'une certaine façon. Le point que je soulevais à la page 3, c'est que c'est le gestionnaire qui décide ce qui fait partie de l'acte de fiducie et ce qui n'en fait pas partie. Dans le cas d'une société, il en va tout autrement: même si on dispose d'une marge de manoeuvre considérable quant aux dispositions que comportent les articles constitutifs, ces dernières sont toutes assujetties à la Loi sur les personnes morales, qui renferme certains paramètres.

Ce que je voulais montrer, c'est que la création de ce qu'on appelle souvent une fiducie commerciale n'est pas assujettie à une autorisation législative constitutive. Il serait utile que nous nous dotions de dispositions législatives régissant les fiducies commerciales par opposition aux fiducies personnelles privées établies en vertu d'un testament, pour répondre aux besoins de sa famille, ou je ne sais pour quelle autre raison.

Le sénateur Tkachuk: Lorsqu'un fonds commun de placement souhaite créer un nouveau fonds, par exemple un fonds international extrême-oriental investissant en Asie, ou encore en Europe, je ne sais, et qu'il constitue un fonds distinct, le fonds en question fait-il l'objet d'une inscription distincte? Comment cela fonctionne-t-il? J'ai un compte dans un fonds commun de placement. Expliquez-moi comment il fonctionne. Si j'investis dans un compte particulier, par exemple un compte de placement à l'étranger, mais uniquement avec Templeton, des fiducies distinctes sont-elles créées pour chaque compte, ou tous les comptes sont-ils visés par une seule et même fiducie?

Mme Stromberg: Les situations varient; on doit donc se pencher sur chaque cas particulier. On peut procéder d'une façon ou de l'autre. En ce qui concerne Templeton, je crois comprendre qu'on constitue des fiducies distinctes pour chaque fonds distinct. D'autres organisations se dotent d'un acte fiduciaire général qui crée des ensembles séparés et distincts d'actifs qui sont utilisés pour investir d'une façon donnée. Par exemple, les fonds de l'Extrême-Orient ou les fonds de croissance canadiens sont des instruments inactifs, mais ils sont juridiquement constitués en fiducies distinctes. Ils doivent l'être pour pouvoir bénéficier des dispositions relatives à la transmission prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu pour les fiducies; mais ils peuvent être constitués à titre d'instrument fiduciaire général. Cela n'a pas véritablement d'importance.

J'ai oublié de faire mention d'un élément qui influe sur le contenu de l'acte de fiducie, à savoir que la politique nationale no 39 des Canadian Securities Administrators comporte certains paramètres relatifs aux normes auxquelles doit satisfaire un fonds commun de placement offert au public.

La préoccupation, c'est que tous les fonds communs de placement ne sont pas offerts au public, et que la politique nationale no 39 n'a pas pour objet de constituer une structure législative complète et exécutoire pour un fonds.

Le sénateur Tkachuk: Chacun des fonds d'un fonds commun de placement possède-t-il un conseil distinct, ou s'agit-il plutôt d'une organisation générale, la tâche d'administrer chacun des fonds étant confiée au gestionnaire?

Mme Stromberg: Habituellement, le gestionnaire administre quelques fonds, et il n'y a pas de conseil d'administration ni de conseil de fiducie pour les fonds distincts.

Le sénateur Tkachuk: Lorsqu'elle crée un nouveau fonds, la direction décide qui en sera l'administrateur.

Mme Stromberg: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: On retient les services d'une personne possédant la compétence voulue, puis les choses suivent leur cours.

Mme Stromberg: Oui. En ce qui a trait à la diligence et aux obligations juridiques, le gestionnaire doit, en rapport avec le fonds, se conformer à des normes très élevées. Une obligation dite de fiduciaire lui échoit à l'égard du fonds. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que c'est l'anarchie. Ce n'est pas le cas. Ces fonds sont habituellement créés de façon unilatérale -- il ne s'agit pas d'une opération négociée -- outre la personne qui représente le gestionnaire, personne ne représente le fonds.

Le sénateur Tkachuk: Dans la première partie du paragraphe, vous avez aussi déclaré plus tôt que l'établissement et la structuration de ces fonds sont assujettis à peu d'exigences; en d'autres termes, il n'est pas difficile de faire son entrée dans ce secteur.

Mme Stromberg: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Dans le contexte de toutes ces prescriptions réglementaires, l'affaire Bre-X n'aurait jamais dû se produire. Pourtant, elle est bel et bien arrivée. Ce qui me préoccupe, c'est que, tôt ou tard, un problème analogue se posera dans les fonds communs de placement. Ce qui m'inquiète -- et ce qui, j'en suis certain, inquiète les autres membres du comité -- , c'est que des sommes colossales sont investies dans les fonds communs de placement. Je parierais que nous avons tous un REER. Je n'ai pas la moindre idée de ce que je paie en frais dans chacun d'eux -- franchement, je pense que la plupart des épargnants ignorent quels sont les frais. Dans une banque, chacun est au courant du taux d'intérêts qu'il obtient; s'il investit 2 000 $, chacun sait combien d'argent il touchera. La plupart des épargnants ne s'intéressent qu'à ce que leur rapporte un fonds commun de placement. Des sommes colossales sont investies.

Le président: Pour confirmer ce que dit le sénateur Tkachuk, j'ai vu, le mois dernier, un sondage d'opinion publique mené auprès des personnes qui investissent dans les fonds communs de placement. Environ 60 p. 100 d'entre elles ignoraient même avoir payé des frais. Il s'agissait d'une étude canadienne, et non d'une étude américaine. Voilà qui confirme précisément ce qu'avance le sénateur Tkachuk.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, j'aimerais, aux fins du procès-verbal, mentionner que le sénateur Di Nino est au fait de ce qu'il paie.

Le sénateur Tkachuk: Comment la plupart des organisations sont-elles constituées? Par exemple, Templeton et le groupe Investors sont-elles des sociétés ouvertes? On peut acheter des actions d'Investors.

Mme Stromberg: Oui, le Groupe Investors est une société ouverte. Au Canada, Templeton est une filiale d'une société ouverte, mais il s'agit, ici au Canada, d'une entreprise privée.

Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il un conflit? Je me rappelle que, à une certaine époque, on se tirait beaucoup mieux d'affaire en achetant des actions d'Investors qu'en investissant dans les fonds communs de placement d'Investors; en d'autres termes, plus on réduit les frais au sommet de la pyramide, plus on gagne de l'argent pour la société et plus cette dernière est rentable.

Mme Stromberg: Certains analystes financiers ont laissé entendre qu'il valait mieux acheter le gestionnaire que le fonds.

Le sénateur Tkachuk: Exactement, ce qui n'est guère rassurant pour les personnes dont les revenus de pension sont bloqués dans un fonds commun de placement.

Mme Stromberg: Je ne voudrais pas vous laisser avec une impression totalement négative de la situation. J'évoque des problèmes éventuels pouvant résulter de l'absence de ce que j'appellerai, faute d'une meilleure expression, des exigences structurelles. Au Canada, l'industrie des fonds jouit d'une bonne réputation, et les personnes qui sont en place depuis le début possèdent un sens élevé de l'éthique et ont des principes. Ne l'oubliez pas. Toutefois, des problèmes peuvent toujours se poser. Les problèmes se posent lorsqu'on s'y attend le moins, là où on s'y attend le moins.

Mes recommandations ne visent qu'à tenter d'éviter d'éventuelles difficultés parce que c'est l'épargne des citoyens qui est en cause. Les actifs du fonds sont détenus par un gardien, en fiducie, ce qui, peut-on imaginer, assure une bonne protection.

Le sénateur Tkachuk: Je ne voudrais pas non plus laisser une mauvaise impression. J'ai du respect pour ce qui, franchement, constitue une industrie passablement non réglementée qui s'est très bien tirée d'affaire. L'information fournie dans les rapports annuels est vraiment assez détaillée. Ces sociétés sont sur le marché. On peut toujours vérifier. Si on le veut, on peut, chaque jour, vérifier la valeur du fonds dans un journal. Tout est passablement public et ouvert, à l'exception du fonctionnement, qui demeure mystérieux. On connaît bien les banques, mais on en sait beaucoup moins à propos des fonds communs de placement, et beaucoup d'argent y est investi. Si je pose ces questions, c'est pour tenter de mieux comprendre.

Mme Stromberg: Ce sont de bonnes questions, et je comprends bien le contexte dans lequel vous les posez. À la lecture du compte rendu, on pourra toutefois avoir l'impression que nous brossons un portrait sombre de la situation.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais poursuivre dans la même veine, mais, avant, je veux vous interroger à propos du rôle de la concurrence, particulièrement la concurrence assortie de l'obligation de présenter un exposé complet, clair et véridique, pour établir des règles du jeu égales.

Mme Stromberg: Je ne sais vraiment pas comment répondre à cette question.

Le sénateur Di Nino: Permettez-moi d'être plus précis. La question porte sur l'absence d'une recherche d'efficience. Je pense qu'on a dit que les frais sont passés au client, de sorte qu'on n'a pas véritablement à se préoccuper des frais imputés au client. Ce que je dis, c'est que l'obligation de présenter un exposé complet, clair et véridique joue un rôle dans le contexte de la concurrence en faisant en sorte que ces frais ne soient pas exorbitants ou encore que le client ait au moins la possibilité d'évaluer une possibilité par rapport à une autre.

Mme Stromberg: Dans l'industrie des fonds, la concurrence est un facteur très important. Si vous lisez le premier chapitre du rapport, vous constaterez qu'on y fait état des pressions qu'exerce la concurrence sur le rendement ainsi que des pressions qui s'exercent en faveur de la collecte d'actifs qui donne lieu à ce que j'appelle des pratiques commerciales douteuses.

La concurrence exerce aussi une forte pression sur le gestionnaire, qui doit veiller à ce que son rendement demeure parmi les meilleurs, les rendements étant affichés chaque jour, chaque semaine et chaque mois dans tous les journaux, avec celui qui donne les meilleurs résultats et celui qui donne les moins bons, à ce moment précis. Aucun gestionnaire ne souhaite être présenté sous un jour négatif. Parfois, on renonce aux frais, ou on les absorbe, à supposer que les problèmes puissent être réglés de cette façon. En d'autres occasions, on achète des actions qui, en réalité, sont non liquides et on les échange à répétition pour créer l'apparence d'une valeur marchande et pour «mousser» les rendements. Dans l'industrie des fonds, la concurrence est un facteur très intéressant.

Le sénateur Di Nino: Permettez-moi maintenant de donner suite aux questions posées par mes collègues. Si je comprends bien ce que vous dites à la page 3, il n'existe pas de modalités d'accès à l'industrie, de critères, de règles et de règlements pour séparer le bon grain de l'ivraie.

Mme Stromberg: C'est exact.

Le sénateur Di Nino: Doit-on en conclure que, dans les faits, vous nous dites qu'on devrait consacrer une partie de l'énergie et des efforts qu'on consacre à la création des règlements à la mise en place d'une série adéquate de règles nous donnant la possibilité d'étudier comme il se doit les modalités d'accès à l'industrie?

Mme Stromberg: Je pense que les personnes qui font leur entrée dans l'industrie devraient être tenues de faire la preuve qu'elles possèdent la capacité, la compétence, la solvabilité et les ressources nécessaires.

Le sénateur Di Nino: Ce que vous nous dites, c'est que, ces jours-ci, ce n'est pas toujours le cas?

Mme Stromberg: Ces jours-ci, ce n'est pas toujours le cas.

Le sénateur Di Nino: Que faisons-nous à ce sujet?

Mme Stromberg: Au risque de commettre une indiscrétion, je dirai que nous ne faisons pas grand-chose.

Le sénateur Di Nino: Faut-il en conclure que nous perdons du temps à tenter de fermer la porte de l'écurie alors que le cheval est déjà dans le champ. Devrions-nous consacrer une partie de notre énergie à, si vous voulez, une intervention plus précoce dans le processus?

Mme Stromberg: Oui, sénateur, c'est, à mon avis, ce que nous devrions faire. Je l'ai affirmé en termes peu équivoques.

Le sénateur Di Nino: Je comprends. Si je soulève cette question, c'est pour qu'elle soit consignée au procès-verbal, puisqu'il se trouve que je suis d'accord avec vous. En règle générale, les problèmes se posent lorsqu'on ne mène pas une enquête suffisamment poussée et qu'on ne prête pas une attention suffisante aux intervenants concernés. À l'apparition des problèmes, on doit consacrer une énergie considérable pour tenter de les résoudre; en d'autres termes, on s'emploie à éteindre les feux plutôt qu'à créer un contexte dans lequel les incendies ne se déclareraient pas. Cette évaluation est-elle juste?

Mme Stromberg: Vous avez vu juste. Mes recommandations concernent justement ce que l'on peut faire pour éviter dès le départ que des problèmes ne se produisent.

Le sénateur Di Nino: Que pensez-vous de l'idée de créer un organisme national de réglementation?

Mme Stromberg: Je préconise vivement la création d'un organisme centralisé de réglementation ayant de solides pouvoirs. C'est l'une des recommandations principales du rapport. Je croyais, peut-être un peu naïvement, que cela proviendrait d'une coopération avec les provinces. J'essayais de trouver une façon de procéder sans s'engager dans le dossier constitutionnel, une façon d'éviter une modification constitutionnelle. J'espère encore que nous allons y arriver au bout du compte. Cela me paraît très important, et non seulement au Canada; je crois qu'il faut envisager de créer avec d'autres organismes de réglementation des liens internationaux et trouver, de fait une façon de se donner un organisme international de réglementation des valeurs mobilières.

Le sénateur Di Nino: Croyez-vous qu'il nous faudrait nous donner un organisme national, du moins le plus national que l'on puisse se donner, même si l'intégralité des provinces ou des territoires ne seraient pas d'accord?

Mme Stromberg: Oui. Il existe de nombreux degrés d'ententes. Même si ce n'est pas tout le monde qui dit qu'il est d'accord, souvent, on peut coordonner les actions de manière à disposer d'une entente effective.

Le sénateur Stewart: On a signalé plusieurs fois le fait que les coûts ne sont pas bien réduits: ils sont simplement refilés à l'investisseur. Ensuite, on a dit qu'il y a beaucoup de concurrence dans ce domaine et que l'on peut se renseigner régulièrement sur les différents fonds. Ma question n'est pas très profonde, mais je vais quand même la poser. Quelle est l'ampleur du phénomène de multiplications des opérations dans le domaine des placements? Le journal consacre une page entière à la situation quotidienne des fonds. Si on était des Martiens, on pourrait présumer qu'il y aura, le lendemain matin, beaucoup d'argent qui changera de main. En fait, quelle ampleur prend le phénomène?

Mme Stromberg: Je n'en sais rien, sénateur. Je ne sais pas si quelqu'un a déjà fait une enquête ou établi des statistiques là-dessus. On entend parler de gens qui lisent le journal et décident qu'un certain fonds va si bien qu'ils devraient y investir eux-mêmes; alors, ils se défont d'un vieil investissement et se tournent vers le placement de l'heure. Quelle en est l'ampleur? Je n'en sais rien.

Le sénateur Stewart: Le fait que vous ne le sachiez pas laisse penser que la concurrence et l'information ne sont peut-être pas si importantes dans ce domaine; quelqu'un peut investir dans un fonds, ranger les documents et les oublier pendant plusieurs mois, car il y a d'autres choses qui occupent l'esprit.

Je suis d'une toute autre époque. C'est ce qu'explorait le sénateur Di Nino. Je vais vous lire une phrase ou deux, simplement pour faire le lien entre ma question et votre déclaration initiale. Vous dites que les gestionnaires de fonds de placement ne sont pas obligés de s'inscrire auprès d'une quelconque commission des valeurs mobilières pour avoir le droit d'établir et d'exploiter un fonds de placement. Vous traitez alors d'autres considérations à ce sujet.

La question que j'ai notée quand j'ai vu votre observation, c'est: «Pourquoi?» Je veux formuler une réponse et voir si vous êtes d'accord. Cette industrie particulière est née et s'est épanouie durant une période marquée par la paix et la prospérité. Disons que nous revenons à des conditions comparables à celles du début des années 30 -- qu'il y aurait présumément des catastrophes, tout au moins du point de vue des investisseurs. N'est-ce pas que l'inscription et les diverses autres exigences dont vous parlez à la page 3 de votre mémoire ne sont pas perçues comme nécessaires? Comme c'est le cas et que les gens hésitent généralement à intervenir si tout paraît bien fonctionner, est-ce la raison pour laquelle les politiciens n'agiront vraisemblablement pas?

Mme Stromberg: On a souvent dit qu'il ne faut pas toucher à l'industrie du fonds de placement parce que tout semble bien fonctionner. J'espère que les gens ont raison quand ils disent cela. Je crains qu'ils n'aient peut-être pas raison et que, à un moment donné, il n'arrive une chose qui prouve la vulnérabilité de l'industrie de fonds de placement en l'absence d'un cadre structurel efficace.

Je ne suis pas du genre à préconiser la mise en place de longs règlements où les plus infimes détails sont prévus, mais je crois tout de même qu'il faut se pencher sur les questions structurelles. Il nous faudrait une loi sur les fonds de placement qui, entres autres, reconnaît la validité des fiducies commerciales et prévoit des exigences constitutives appropriées. Je crois que les gestionnaires de fonds de placement devraient être assujettis à une obligation d'inscription qui tient compte des divers points que j'ai mentionnés ici -- un capital adéquat, de l'assurance et une couverture de cautionnement, et cetera.

Je devrais préciser que quiconque entend fournir des conseils en placement et en gestion de portefeuille aux responsables d'un fonds ou à toute autre entité est tenu de s'inscrire. Un grand nombre de gestionnaires de fonds communs de placement, qui travaillent aussi comme gestionnaires de portefeuille, sont inscrits comme tels auprès des diverses commissions des valeurs mobilières. Par contre, les exigences relatives au capital, à l'assurance et aux cautionnements -- les choses de cette nature --, sont réduites au strict minimum. Je crois que le capital minimal est de 5 000 $ environ. Il y a une formule pour le déterminer, mais cela n'a rien à voir avec l'ampleur des sommes gérées.

Le sénateur Stewart: Ai-je raison de présumer que vous parlez là de l'industrie canadienne? Vous ne parlez pas de l'industrie nord-américaine.

Mme Stromberg: Vous avez raison, sénateur.

Le sénateur Stewart: La situation est-elle meilleure aux États-Unis?

Mme Stromberg: Oui, je crois qu'elle l'est à certains égards.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, voici une variante d'une question que j'ai posée hier soir. Nous savons que l'Europe se dirige vers l'instauration d'une union monétaire, et on nous dit que cela mènera probablement à une rationalisation considérable des services financiers sur le continent. Vous avez parlé il y a quelques instants d'un organisme central de réglementation ayant de solides pouvoirs. Vous avez parlé de l'idée de le lier à d'autres organismes de réglementation -- qu'il y en aurait non pas un, mais plusieurs.

Compte tenu de l'intégration économique croissante du Canada et des États-Unis du point de vue du commerce et de l'investissement, combien de temps faudra-t-il attendre avant que les gens avertis commencent à proposer qu'il y ait un organisme central de réglementation doté de solides pouvoirs pour l'Amérique du Nord?

Mme Stromberg: Je crois que la proposition a déjà été faite. Du côté pratique des choses, nous avons déjà négocié des ententes avec la SEC.

Le sénateur Stewart: Vous dites «nous». Vous voulez dire l'Ontario?

Mme Stromberg: Ce n'est peut-être pas le «nous» qu'il faut utiliser ici. Les Canadian Securities Administrators et la SEC ont conclu des protocoles d'entente touchant certaines catégories d'opérations sur les valeurs mobilières de sorte que l'émetteur qui dépose à un endroit pourra offrir ses titres à l'autre endroit en s'astreignant à des exigences minimales. Je crois que c'est là un bon développement. Il en va de même des efforts que nous déployons actuellement au Canada pour ce qui touche la «commission virtuelle», qui repose sur les rapports réciproques. Il est supposé au départ que les gens sont à l'aise avec les normes qu'applique chacun des territoires et qu'ils sont prêts à se fier aux travaux effectués sur le territoire en question.

Le sénateur Stewart: Tout en reconnaissant le bien-fondé de ce genre d'entente, diriez-vous toujours que, au Canada, il nous faut un organisme central de réglementation doté de solides pouvoirs?

Mme Stromberg: Oui.

Le président: J'aimerais obtenir une précision sur la question du sénateur Stewart. Lorsqu'il vous a demandé si les choses étaient meilleures aux États-Unis qu'au Canada pour ce qui touche le système réglementaire, vous avez dit que c'était le cas «à certains égards». Puis, vous vous êtes arrêtée. Je croyais que vous alliez poursuivre et me dire en quoi c'était meilleur.

Mme Stromberg: La structure prévue dans la loi de 1940 sur les sociétés d'investissement est une bonne structure. Les États-Unis disposent de lois sur les fiducies commerciales. De ce point de vue, certaines des structures qu'ils ont en place me paraissent intéressantes. Par contre, au Canada, nous avons une assez bonne réglementation pour ce qui est de ce que nous exigeons et de ce que nous n'exigeons pas de la part des fonds de placement. Nous pouvons y apporter des améliorations, mais je ne voudrais pas laisser entendre qu'il faudrait tout délaisser pour adopter la norme américaine.

Le président: Avez-vous noté quelque part quelles seraient ces améliorations?

Mme Stromberg: Pas que je me souvienne.

Le sénateur Kelleher: Je vous félicite de votre rapport: c'est une percée dans le domaine à mon avis. On ne se trompe pas en disant que vous n'avez pas été accueillie à bras ouverts et que vous n'avez certainement pas reçu de prix pour cela. De fait, vous avez dû subir à maintes reprises la fronde et les flèches. À mes yeux, c'est toutefois un rapport très précieux. Ce n'est pas un rapport facile à présenter. Je suis sûr que vous avez eu, après l'avoir présenté, quelques nuits blanches.

Pour faire suite aux questions des sénateurs Stewart et Di Nino quant à la nécessité de créer une forme quelconque de commission nationale des valeurs mobilières, disons qu'il est bien connu que la concurrence pour les investissements est très forte dans ce domaine de nos jours. Tout un chacun se bat pour obtenir l'argent de l'investisseur. Bien sûr, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons conclu des accords commerciaux avec les États-Unis, pour que tous nos investissements ne soient pas attirés vers les États-Unis, ce qui nous laisserait en plan.

Étant donné la concurrence qu'on se livre pour obtenir l'argent de l'investisseur de nos jours, d'après vos études, serait-il juste de dire que l'absence d'une sorte de commission nationale des valeurs mobilières nuit aux investissements ici au Canada, ou que cela cause des problèmes?

Mme Stromberg: Je crois que la réponse à votre question est oui, mais je réponds d'instinct.

Le sénateur Kelleher: Est-ce une façon de résumer votre réponse? Que cela a probablement un effet quelconque?

Mme Stromberg: Oui.

Le sénateur Kelleher: Je suis du même avis. C'est une autre raison pour nous de créer une commission nationale.

Mme Stromberg: Sénateurs, il y a un aspect de cela que je ne crois pas vous avoir bien fait comprendre. Dans la mesure où vous envisagez d'établir une structure réglementaire, je voudrais attirer votre attention sur une autre question. Aujourd'hui, au Canada, nous avons une structure réglementaire segmentée qui repose sur les quatre vieux piliers censément disparus avec la déréglementation des services financiers, commencée en 1987.

Nous devons songer à faire en sorte que la structure réglementaire s'apparente à l'intégration opérée dans l'industrie des services financiers, plutôt que d'établir plusieurs organismes de réglementation distincts pour les valeurs mobilières, pour les banques, pour les assurances et pour les fiducies, dans la mesure où il y aura encore des fiducies. Je dis cela parce que, si vous suivez le cheminement jusqu'en bas, vous arrivez à l'investisseur-consommateur -- c'est-à-dire chacun d'entre nous ici, autour de la table. Nous avons tous des besoins financiers intégrés. Je crois qu'il serait utile pour nous de disposer d'une structure de réglementation et de surveillance qui tient compte de nos besoins intégrés, et qui ne segmentent pas dans différents camps les différentes choses dont nous avons besoin.

Le sénateur Kelleher: Nous le savions parce qu'au début de l'année, le BSIF a demandé à notre comité de se rendre à Londres pour étudier la FSA, où, comme vous le savez, des fonctions ont été retirées à la Banque d'Angleterre, puis confiées à d'autres organismes de réglementation, qui relèvent désormais de la FSA. Il nous a demandé de former une opinion sur la façon britannique de procéder et de déterminer si c'est une chose qui pouvait être utile et s'appliquer ici au Canada.

Mme Stromberg: L'avez-vous fait?

Le sénateur Kelleher: Oui, nous avons fait un beau voyage à Londres.

Mme Stromberg: Ce qui se passe là-bas est très intéressant. L'Australie est en train de recadrer sa structure réglementaire selon les mêmes principes.

Le sénateur Kelleher: Nous allons tenir avec eux une conférence téléphonique à ce sujet d'ici une semaine environ. Cette semaine déjà, nous avons eu une conférence téléphonique avec le gouverneur de la Banque de Nouvelle-Zélande et son personnel. Ils se situent tout à fait à l'opposé: la Nouvelle-Zélande dispose d'une réglementation minimale, de base; l'Australie réglemente au maximum.

Mme Stromberg: C'est là qu'est l'avant-garde à mes yeux.

Le sénateur Tkachuk: Préconisez-vous une structure centralisée comme celle que l'on encourage en Grande-Bretagne?

Mme Stromberg: Oui.

Le sénateur Kelleher: D'après l'une des pratiques qui semble devenir de plus en plus courantes, si je me fie aux témoignages qui nous sont donnés, les représentants des fonds de pension et des fonds communs de placement abordent des sociétés individuelles dans lesquelles ils ont investi et demandent des renseignements. Dans l'ancien temps, celui qui n'aimait pas son investissement se contentait de s'en défaire. Ce n'est pas très pratique de nos jours au Canada, étant donné surtout le faible flottant dont nous disposons aujourd'hui, en partie à cause de la règle des 20 p. 100. C'est un tout autre sujet.

Les responsables des fonds de pension et des fonds communs de placement nous disent qu'ils procèdent ainsi. Il nous semble, à certains d'entre nous, qu'ils obtiennent des renseignements dont ne disposent pas les actionnaires et investisseurs individuels. Les entreprises jurent bien qu'elles ne révèlent que les renseignements permis, qu'elles ne donnent pas d'information privilégiée et qu'elles ne leur diraient rien qui ne soit pas déjà accessible pour l'actionnaire individuel. Pour être franc, j'ai un peu de difficulté à croire cela.

Si j'étais président d'entreprise et que le responsable du Régime de retraite des employés municipaux ou du Régime de retraite des enseignants de l'Ontario, ou un autre de ces très importants fonds, me demandait des informations, nature humaine oblige, je serais un peu plus ouvert avec lui qu'avec, disons, le sénateur Stewart, qui est originaire des Maritimes et qui pose une question au sujet d'une entreprise dans laquelle il possède 100 parts. Cela semble être un problème croissant. Est-il devenu si répandu qu'il nous faudrait songer à agir?

Mme Stromberg: Oui, c'est un problème et, oui, il est devenu si grand que vous devriez songer à agir. Je vous incite vivement à envisager un régime réglementaire qui insiste vraiment -- pardonnez-moi un peu de jargon -- sur une obligation d'information continue, c'est-à-dire un régime selon lequel, dans la mesure où on peut exiger cela, tous les renseignements pertinents sont mis sur le marché pour ainsi dire «en continu», pour que tout le monde y ait accès.

Dans le document de l'OCDE, je traite de la nécessité d'égaliser ainsi le flux de l'information et je souligne le fait que nous sommes en mesure, probablement pour la première fois de l'histoire, d'agir à ce sujet, étant donné les progrès réalisés du point de vue de la technologie et des communications. Autre exemple: l'assemblée annuelle tenue en Colombie-Britannique, la semaine dernière. N'importe qui, qu'il ait été actionnaire ou non, pouvait assister à la réunion sur Internet, regarder les participants et écouter les audiences de la même façon que s'il avait été présent sur les lieux mêmes.

Les entreprises qui parlent aux analystes donnent maintenant un préavis que l'analyste sera là à 10 h tel ou tel jour et, pour qui veut écouter la conférence téléphonique, il est possible de le faire. Nous disposons des ressources nécessaires. Il faut absolument se rappeler que l'information est une force qui favorise énormément l'équité. L'accès à l'information sans entraves et au moment voulu représente l'élément absolu, l'élément fondamental pour que les règles du jeu soient équitables.

Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, j'ai une dernière question, mais elle porte sur un sujet différent. Nous discutions des frais ce matin. Si je ne m'abuse, on nous a dit que l'exploitation d'un fonds de pension coûte nettement moins cher que l'exploitation d'un fonds commun de placement. Si cela est vrai, pourquoi y aurait-il un tel écart? Il semble avoir tout un écart entre le coût d'exploitation d'un fonds commun de placement et le coût d'exploitation d'un fonds de pension. Ai-je raison de conclure qu'il y a là un écart?

Mme Stromberg: Oui. Ce sont là deux moyens de placement distincts, mais la somme imputée à un fonds de pension au chapitre de la gestion financière est nettement inférieure à la somme qui est imputée à un fonds commun de placement.

Le sénateur Tkachuk: Ils fonctionnent au moyen d'une taxe. Les employés transmettent un chèque tous les mois au fonds de pension, alors que le responsable du fonds commun de placement doit aller chercher l'argent.

Mme Stromberg: J'aurais parlé de «cotisation».

Le sénateur Tkachuk: Nous pouvons appeler cela cotisation, mais c'est une cotisation obligatoire. Le responsable sait qu'il obtient l'argent d'un nombre x d'employés. Il n'a pas à acquérir le montant en espèces dans les faits. Il y a là beaucoup de dépenses.

Mme Stromberg: Vous avez raison. Il n'y a pas de coûts de distribution ou de marketing. Je suis probablement une des seules personnes qui restent qui se soucie des coûts de distribution que les gestionnaires de fonds imputent au fonds commun de placement lui-même. Ils vous diront qu'ils ne font pas payer de frais de distribution; ce sont seulement des frais de gestion. Toutefois, les frais de gestion comportent au moins une part de 1 p. 100 qui porte sur les coûts de distribution.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question -- mais on en a peut-être parlé déjà -- je suis arrivée en retard. J'ai lu dans la revue Maclean's que l'industrie a acquiescé à 80 p. 100 des vos recommandations. Pourriez-vous nous dire brièvement quels sont les 20 p. 100 qui restent? Vous en avez peut-être déjà parlé.

Mme Stromberg: Je n'en ai pas parlé. Je ne sais pas d'où vient ce pourcentage. L'industrie est favorable aux recommandations en général, mais c'est un peu comme si elle disait «pas maintenant» ou «pas encore». Il se fait beaucoup de choses, mais il reste beaucoup à faire. Ce n'est pas vraiment utile. Je n'ai jamais su où ils ont trouvé les 80 p. 100 en question.

Le sénateur Callbeck: C'est vrai, il reste beaucoup à faire, mais d'après cela, je comprends que 80 p. 100 des membres de l'industrie sont d'accord avec les recommandations. Quelles sont les recommandations auxquelles ils s'opposent vivement?

Mme Stromberg: Il n'y a rien qui me vient à l'idée. À un moment donné, on s'est opposé à l'idée d'un conseil indépendant. Fait assez intéressant, durant les récentes réunions avec les participants de l'industrie, ceux-ci ont été très favorables à l'idée. Ceux qui ont mis en place un conseil indépendant ont constaté que celui-ci était extrêmement utile.

Le président: Les frais que demandent les fonds de placement aux États-Unis, par rapport au Canada, sont très peu élevés. Je présume que les coûts de l'entreprise sont à peu près les mêmes. Je me demande alors: pourquoi? Devrions-nous encourager les fonds américains à venir au Canada précisément pour venir y abaisser les coûts?

Mon autre question, qui porte aussi sur les coûts, est la suivante: si la fusion des banques procède comme prévu, quels en seront vraisemblablement les effets, si tant est qu'il y en a, sur la structure tarifaire ou les coûts que fera porter l'industrie aux consommateurs dans tout le secteur, et non seulement aux fonds communs de placement appartenant à des banques? Pour être bref, je me demande dans quelle mesure les fusions, d'une part, ou la concurrence américaine, d'autre part, auront pour effet d'abaisser les tarifs au point où ils s'apparenteraient à ceux des États-Unis.

Mme Stromberg: Les nombres absolus de part et d'autre induisent en erreur, car aux États-Unis, on a tendance à imputer des frais distincts ici et là, de sorte que les chiffres paraissent plus bas qu'ils ne le sont vraiment.

Le président: Je ne compare pas des pommes avec des pommes.

Mme Stromberg: Tout à fait. Aux États-Unis, il n'y a pas longtemps encore, les placements faisaient rarement l'objet de frais d'acquisition reportés, alors qu'au Canada, c'est la façon la plus courante de procéder dans le cas des fonds communs de placement. Cela fait augmenter considérablement le coût de nos fonds, car le gestionnaire doit, en fait, verser une commission de vente de 5 p. 100 dès départ, puis les frais administratifs par la suite. Cela fait augmenter considérablement le coût. On me dit que les Américains suivent notre bon exemple et qu'il y a convergence entre le coût des fonds américains et le coût des fonds canadiens.

Pour répondre à votre deuxième question, oui: je serais en faveur d'une concurrence accrue. Les coûts ne vont baisser au Canada que s'il y a des fournisseurs dont les coûts sont bas et le rendement, élevé. Je suis favorable à l'idée d'ouvrir notre marché.

Pour répondre à votre dernière question au sujet de l'impact de la fusion des banques, je n'en sais rien. En ce moment, certaines des banques déclarent qu'elles vont être les premières à baisser le coûts de leurs fonds et ont annoncé la période durant laquelle elles entendent le faire. Encore une fois, la connaissance et la conscientisation accrues du consommateur fera toute la différence pour ce qui est de l'abaissement des frais et de la période durant laquelle cela se fera.

Le président: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous voir, d'avoir accepté d'approfondir un peu les lignes directrices de l'IFIC et de nous dire en quoi elles diffèrent des vôtres.

Je crois vous avoir demandé déjà de songer à la question suivante; si ce n'est pas le cas, je voulais le faire: en sachant que le champ de compétences fédéral dans ce domaine est quelque peu limité, croyez-vous que le leadership fédéral peut mettre à profit le pouvoir d'embarrasser des lignes directrices de l'IFIC, ou une version modifiée quelconque, pour agir sur les établissements à charte fédérale -- que ce serait une étape utile pouvant conduire à un jour à la propagation de la technique réglementaire à l'ensemble des fonds communs de placement?

Mme Stromberg: Je serais heureuse de le faire. Si je peux vous aider de quelque autre façon, je serais aussi heureuse de le faire.

Le président: Merci. Nous apprécions votre présence ici.

Sénateurs, notre second et dernier témoin ce matin est M. Doug Grant, président de Sceptre Investments.

Monsieur Grant, j'ai remarqué que vous avez pris des notes assez détaillées. Je ne sais pas si vous allez présenter un exposé ou donner la réplique à Mme Stromberg. Quoi qu'il en soit, nous sommes enchantés de vous recevoir. Nous apprécions le fait que vous ayez quitté Toronto et pris le temps de vous rendre ici aujourd'hui. Vous avez, paraît-il, une courte introduction à faire. Comme vous le voyez, après l'exposé, nous passons de façon assez informelle à une période où la discussion et les questions sont assez intéressantes.

M. Douglas Grant, président, Sceptre Investments: Merci de m'avoir invité. J'ai effectivement une courte déclaration liminaire à faire.

Au départ, je vous parlerai de la société Sceptre pour que vous sachiez bien d'où je viens. Ensuite, je vais couvrir brièvement les points suivants: la règle des 20 p. 100; l'approche de Sceptre face à ses responsabilités fiduciaires, la question des séances privées et les ratios des frais de gestion.

Sceptre vient au cinquième rang parmi les gestionnaires de fonds de pension au Canada, et au dixième, parmi les gestionnaires de placements en général. Autant que je sache, elle se classe au 320e rang mondialement à ce chapitre. Cela veut dire qu'il y a au moins 300 organisations de gestion financière qui sont plus grandes dans le monde. Nous gérons 19,3 milliards de dollars, dont 14,4 milliards de dollars proviennent de fonds de pension, de successions, de fondations et de fiducies; 1 milliard de dollars de fonds communs de placement; et 1,2 milliard de dollars de particuliers dont l'avoir net est extrêmement élevé. Il s'agit de sommes commençant à 250 000 $. Nous gérons 2 milliards de dollars pour d'autres organisations, et environ 600 000 $, pour des compagnies d'assurance. Nous en investissons environ 97 p. 100 au nom de particuliers. Par exemple, dans le domaine des fonds de pension, nous gérons probablement l'épargne ou une partie de l'épargne de 400 000 à 500 000 Canadiens.

Le président: Par l'entremise de leurs fonds de pension?

M. Grant: Oui.

Notre entreprise est une société ouverte, et ce, depuis 1986. Nous sommes la plus importante parmi les gestionnaires canadiens de valeurs autres que celles de l'Amérique du Nord. Nous nous sommes lancés en affaires il y a environ 15 ou 20 ans. La nôtre est l'une des rares entreprises canadiennes à posséder sa propre capacité à l'interne. Ce n'est pas le cas de la plupart des entreprises canadiennes, en raison de la règle des 10 p. 100 concernant le contenu étranger, qui a été portée par la suite à 20 p. 100. Nous avons fait cela parce que nous voulions comprendre ce qui se passe dans le reste du monde pour être de bons gestionnaires canadiens.

Le président: Comme vous êtes les plus gros hors de l'Amérique du Nord, pouvez-vous nous donner une idée du pourcentage de vos actifs qui se trouvent ailleurs qu'en Amérique du Nord, par exemple en Europe et en Asie? Je cherche simplement des estimations.

M. Grant: D'accord. L'argent extérieur à l'Amérique du Nord. Ce serait autour de 60 p. 100 en Europe, 10 p. 100 au Japon, 10 p. 100 à Singapour, Hong Kong et en Australie, en Nouvelle-Zélande.

Le président: Ils sont ensemble.

M. Grant: Environ 12 p. 100 se trouvent dans les marchés qui se développent, dont la moitié serait en Asie, et la moitié en Amérique latine.

Le président: Merci. Je voulais savoir un peu si tout ce que vous faisiez était en Europe ou en Asie.

M. Grant: Nous sommes présents dans environ 40 pays, et nous faisons tout cela depuis le Canada même.

La raison pour laquelle la règle des 20 p. 100 a été instaurée et la raison pour laquelle on la défend toujours, je présume, c'est que le Canada était importateur de capital et qu'on avait l'impression -- cela se trouvait dans le modèle de développement en vigueur il y a 30 ans -- que ces fonds de retraite devraient demeurer au Canada, pour produire des emplois ici. Cela n'a jamais été une bonne théorie. Cela a été écarté de presque tous les modèles de par le monde. Les faits ont changé, comme vous le savez. Il y a dix ans, les gouvernements au Canada amassaient -- c'est-à-dire qu'ils les empruntaient -- 50 milliards de dollars par année. D'ores et déjà, ce n'est plus le cas. Sinon, ce sera sous peu. De fait, ils remboursent.

Le Régime de pensions du Canada ira sur le marché pour presque 100 milliards de dollars en valeurs au cours des cinq prochaines années. Il est possible de contourner la règle limitative en recourant aux instruments dérivés, et c'est ce que l'on fait. De fait, on me dit que le fonds le plus important au Canada, c'est-à-dire la Caisse de retraite des enseignants de l'Ontario, se trouve à raison de 45 p. 100 à l'étranger, grâce aux instruments dérivés.

Le président: Nous avons obtenu essentiellement la même statistique à ce sujet.

M. Grant: Le ministère du Revenu y a apparemment donné son approbation. Cela comporte des coûts. Cela peut être risqué. C'est complexe, et c'est une technique qui n'est pas généralement accessible au public.

Les coûts associés à cette règle ont été énormes. Vous avez entendu des témoins dire que toute augmentation de 1 p. 100 du rendement fait varier l'indemnité de retraite finale de 20 p. 100. L'exclusion des marchés étrangers a provoqué des coûts énormes à cet égard pour les retraités canadiens.

Cela veut dire aussi que nous n'avons pas développé au Canada une expertise générale en placements internationaux, de sorte que, de plus en plus, l'actif des retraités canadiens est pris en charge à l'étranger -- à New York, à Londres, en Suisse et ailleurs. Je dirais que les frais versés à ces gestionnaires sont de l'ordre de 200 ou 300 millions de dollars par année.

Enfin, selon moi, le Canada aurait dû être un centre international de gestion des finances, ce qu'il pourrait toujours être. Nous avons ici les éléments fondamentaux. Nous avons l'infrastructure. Nous avons la primauté du droit. Nous avons le respect de la communauté internationale et nous avons la protection de la défense américaine. Nous n'avons pas acquis cette expertise, en partie en raison de la règle en question et en partie en raison du gouvernement du Canada, qui, de fait, a essayé de dissuader que le centre s'établisse là où il devait et doit toujours légitimement se trouver, c'est-à-dire Toronto -- là où la masse critique se trouve. Le gouvernement du Canada a fait de Montréal et de Vancouver nos centres financiers internationaux, ce qui est de la folie.

Je recommanderais que la règle soit simplement éliminée. Une façon sensée d'y arriver consisterait à procéder comme nous l'avons fait la dernière fois, c'est-à-dire de l'augmenter de 2 p. 100 par année jusqu'à 30 p. 100, puis de l'éliminer entièrement.

J'aimerais parler maintenant de l'approche de Sceptre en ce qui concerne ses responsabilités fiduciaires. Sceptre n'a pas d'argent en tant que tel. Nos recettes proviennent entièrement des frais de gestion des finances d'autrui. Il nous faut investir au nom de nos clients pour réaliser le rendement le plus élevé possible par rapport au risque couru, sans égard à notre vision personnelle sur les questions morales, sociales ou politiques. C'est une responsabilité fiduciaire au sens juridique du terme.

Nous agissons pour quelque 200 fonds de pension. Nous exerçons systématiquement le droit de vote par procuration, exception faite du cas de cinq institutions qui se sont réservé ce droit. Nous employons Fairvest, dont je sais que vous avez reçu le témoignage. Pour toute question controversée, nous recourons à leurs conseils en matière de procuration.

Tous les gestionnaires de portefeuille qui portent ce titre doivent être inscrits comme tels, les exigences à cet égard étant assez strictes. Tous nos gestionnaires de portefeuille doivent signer chacune des sollicitations de procuration.

Nous votons avec la direction, sauf s'il y a un problème, et nous votons toujours contre les «pilules empoisonnées» ou les droits de protection des actionnaires, que nous n'allons jamais solliciter. Nous nous donnons pour règle de voter contre toute demande d'accroissement des options au-delà de 15 p. 100 des actions en circulation.

Chez Sceptre, nous contrôlons 7,5 milliards de dollars en valeurs canadiennes, ce qui représente environ 1,2 p. 100 du flottant de la Bourse de Toronto. Nous occupons des postes importants au sein de plusieurs sociétés, d'autant plus qu'il y a cette règle des 20 p. 100.

Nous aspirons constamment à être le meilleur investisseur au nom de nos clients. Nous employons le meilleur personnel qui soit. Les salaires que nous offrons sont parmi les plus élevés de l'industrie. Nous cherchons constamment à créer un climat propice à de bonnes décisions en matière de placements. Grâce à ce climat, ou tout au moins à l'effort que nous déployons pour le créer, nous faisons partie d'un marché efficient. J'entends par là que nous essayons d'en arriver à une utilisation plus efficace du capital, car nous faisons partie du processus où l'épargne des gens est investie dans des instruments profitables.

Dans le contexte, nous tenons des séances privées avec les entreprises dans lesquelles nous investissons. Ces séances nous sont d'un apport précieux, en partie parce que nous contrôlons l'ordre du jour et en partie parce qu'il nous importe de connaître le caractère de ceux qui gèrent les entreprises dans lesquelles nous investissons. Elles sont importantes aux yeux des entreprises, qui les acceptent parce qu'elles doivent demeurer en contact avec les actionnaires et nous sommes, d'ordinaire, un actionnaire de taille.

C'est là un outil précieux pour nous. Nous nous en servons non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Les séances privées sont très importantes pour nous, tout comme, sans doute, les séances privées sont importantes pour vous. Les séances publiques sont aussi importantes, comme le sont les états financiers et les analyses quantitatives. C'est l'un des moyens que nous employons pour essayer d'être un bon investisseur.

Je crois que vous craignez un peu que nous obtenions, au cours de ces séances, des renseignements que d'autres n'obtiennent pas. Vous comprenez qu'il existe, bien sûr, des règles juridiques concernant les informations privilégiées -- il ne peut donc en être aucunement question. Nous essayons toujours d'obtenir des renseignements que d'autres n'obtiennent pas ou d'organiser les éléments d'information d'une manière plus significative. Cela fait partie du marché.

Je vous incite vivement -- vous qui réfléchissez à cette question et essayez de savoir quoi faire du point de vue de la réglementation -- à songer aux avantages que procurent ces réunions et à ce qu'il coûterait d'essayer de les réglementer. Je vous invite vivement à ne pas essayer de faire cesser les réunions privées. N'essayez pas de les faire cesser en déclarant, par exemple, que si nous acceptons de rencontrer les représentants d'une certaine entreprise, nous devons l'annoncer au préalable et accepter de le faire dans une salle qui est suffisamment grande pour accueillir tout le monde. Cela voudrait dire que les réunions en question ne prendraient plus la même forme. Le Canada serait à l'écart du reste du monde, si nous procédions ainsi.

Je vous incite donc vivement, avant d'envisager de protéger l'investissement particulier, à tenter de comprendre qui est investisseur au juste. Aujourd'hui, tous les investisseurs particuliers ont accès à un gestionnaire de fonds communs de placement ou à un expert financier. D'après moi, quiconque a 100 parts dans une société donnée reçoit les conseils d'un courtier en valeurs mobilières, qui, lui, emploie des analystes qui assistent à des réunions privées. De même, les gens achètent des actions pour d'autres raisons. Ils travaillent eux-mêmes pour l'entreprise ou ils connaissent quelqu'un qui y travaille, ou encore sont convaincus du succès de l'industrie.

Sceptre est une société ouverte depuis 1986. Depuis, j'y exerce les fonctions de président et je suis responsable de toutes les relations avec les investisseurs. Dans notre rapport annuel, je mets beaucoup d'efforts à essayer de décrire pour nos actionnaires la façon dont nous procédons et de donner toute l'information dont je voudrais disposer moi-même si j'essayais de comprendre la chose. Nous tenons aussi des assemblées publiques annuelles qui sont annoncées d'avance dans la presse financière, et tous les actionnaires sont invités à s'y rendre. La dernière a eu lieu il y a un mois environ, et une seule question a été posée. J'ai imploré les gens d'en poser plus. Il n'y a pas eu d'autres questions. Par la suite, nous avons bu et mangé, et personne ne m'a abordé pour me poser des questions.

Je crois que vous devriez encourager les tribunes où les gens peuvent se renseigner. Je crois que vous devriez encourager la divulgation de l'information. Je sais que la CVMO va instaurer bientôt une règle selon laquelle quiconque a des clients qui contrôlent, au total, 10 p. 100 ou plus des actions d'une entreprise doit le divulguer publiquement, et il en va de même de toute fluctuation de 2 p. 100 d'un côté comme de l'autre. De plus en plus de nos jours, les gens ont tendance à tenir des conférences téléphoniques trimestrielles. Glorianne Stromberg en a parlé, et BCE a fait un exposé Internet là-dessus à sa dernière assemblée annuelle. Je suis sûr que ce genre de choses sera de plus en plus courant. Je vous incite vivement à essayer non pas de faire cesser ces réunions privées, mais plutôt à encourager l'accès à l'information.

Enfin, je traiterai des frais exigés en rapport avec l'administration des fonds communs de placement. Nous avons commencé à nous occuper de fonds communs de placement en 1986. Notre objectif consistait à exiger des frais qui se situent dans les 25 p. 100 inférieurs à ce chapitre et à présenter un taux de rendement supérieur à la moyenne. Nous y sommes arrivés dans les deux cas. De fait, il y a deux ans, nous avons été nommés «société de l'année» dans ce secteur.

Je dirais que nos fonds communs de placement représentent un succès artistique et un échec commercial. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que nous exigeons effectivement des frais moins élevés que les autres. D'ailleurs, deux de nos fonds les plus importants se situent dans le 85e rang centile au chapitre des frais, et nous avons un milliard de dollars; malgré ce fait, Trimark, qui s'est lancée à peu près en même temps, a environ 28 milliards de dollars et exige des frais beaucoup plus élevés que les nôtres. Par exemple, notre ratio global des frais de gestion de notre fonds équilibré, ce qui comprend nos frais et tous les autres frais, s'élève à 1,43 p. 100. Je crois que la moyenne pour les fonds équilibrés se situe autour de 2,5 p. 100.

Je crois, que s'il y a ces frais, c'est que les acheteurs ne s'en soucient guère. S'ils ne s'en soucient guère, c'est parce que les taux de rendement sont si élevés depuis si longtemps. C'est là une situation anormale. Je fais ce métier depuis 35 ans. Je tiens à vous dire que je ne fais pas confiance aux prévisions en matière d'investissement, mais que je fais confiance à la structure, et je peux vous garantir que, d'ici 10 ou 15 ans, les taux de rendement reviendront à un niveau plus normal de 8 ou 9 p. 100. À ce moment-là, je crois que les gens prêteront davantage attention aux frais.

J'ai l'impression que les frais, dans le cas des fonds communs de placement, sont beaucoup moins élevés ici qu'aux États-Unis. Je sais très bien que les frais dans le domaine des pensions sont inférieurs au Canada, et la différence peut aller jusqu'à 50 p. 100. Je ne comprends pas pourquoi les choses sont ainsi; c'est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans les fonds communs de placement comme nous l'avons fait. La seule chose qui me vient à l'idée, c'est que les Canadiens aiment être conseillés, car la plupart de ces frais concernent les conseils ou la vente. S'il vous faut verser à un conseiller des frais administratifs de 1 p. 100 par année, il faut exiger 1 p. 100 pour recouvrer la somme. Nous n'avons rien payé à quiconque: je croyais que le public intelligent se précipiterait chez nous. J'ai encore cet espoir, mais il n'en est rien.

Les ratios de frais de gestion sont systématiquement diffusés publiquement. Tous les mois, ils figurent dans la presse financière aux côtés des taux de rendement, des actifs, des numéros de téléphone et ainsi de suite. Lorsque des Canadiens d'une grande intelligence me disent qu'ils ne savent pas ce que représente le ratio de frais de gestion en rapport avec leur fonds, j'en ai le souffle coupé. Je crois que nous verrons cela quand même un jour. Je sais que bien des gens ne savent pas qu'ils se font prélever des frais sur les premiers et les derniers versements, mais ils devraient le savoir parce que c'est divulgué et qu'ils acquittent les frais en question. Ce sont des gros achats pour les gens; c'est leur retraite dont il est question. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de réglementer dans le cas de gens intelligents, dans la mesure où les renseignements sont divulgués. Visiblement, ils ont d'autres raisons d'agir ainsi.

Je suis étonné de voir que les gens peuvent exiger n'importe quels frais des investisseurs. Nos vérificateurs nous disent ce que nous pouvons exiger. Nous nous donnons un ratio fixe et disons que nous n'allons pas le dépasser. Dans les faits, nous l'avons souvent dépassé, mais c'est nous qui comblons l'écart à ce moment-là.

Voilà qui termine ma déclaration préliminaire.

Le président: En ce qui concerne votre quatrième point, c'est-à-dire votre argument selon lequel nous ne devrions pas mettre un terme aux réunions privées, vous avez utilisé le terme «encourager» deux ou trois fois, par exemple que nous devrions «encourager» la divulgation et «encourager» l'accès à l'information. Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions y parvenir?

M. Grant: Non, je ne sais pas comment vous le pourriez. Je pense que des entreprises commencent à le faire dans des conférences téléphoniques. Je pense qu'elles vont progressivement le faire sur Internet. La loi nous oblige à tenir une assemblée annuelle, à présenter des rapports trimestriels, à signaler les événements importants. Je pense que ces exigences de divulgation sont adéquates.

Le président: Ma deuxième question concerne les directives de l'IFIC. Êtes-vous membre de l'IFIC ou certains de vos employés le sont-ils?

M. Grant: Je pense que nous le sommes. Si je dis cela, c'est parce que je ne sais pas comment d'autres personnes fonctionnent, mais j'ai une idée de la façon dont je voudrais être traité si j'étais un client. C'est comme ça que nous traitons nos clients. À chaque assemblée annuelle des actionnaires de Sceptre, je dis que notre préoccupation la plus importante, ce sont nos clients. Ensuite, ce sont nos employés. Si nous traitons bien ces deux groupes, nos actionnaires en profiteront.

Quand nous risquons d'enfreindre une loi, nos avocats nous le disent; j'espère que nous ne sommes pas sur le point d'enfreindre une loi. Je n'ai pas étudié les directives de l'IFIC qui ont été publiées un peu plus tôt cette semaine.

Le président: J'ai pensé que vous ne l'aviez probablement pas fait.

M. Grant: En fait, j'en ai examiné quelques-unes lorsque Glorianne Stromberg est venue me voir avec son rapport. Nous étions en général d'accord avec toutes, et nous avions l'impression que nous les respections. Je n'étais pas d'accord que sur un seul point.

Le président: Était-ce un point mineur?

M. Grant: Oui. Nous n'avons pas versé de frais administratifs à quiconque. Je voulais commencer à payer des frais administratifs à seulement quelques personnes, parce que je voulais choisir qui allait vendre nos fonds. De plus, il est beaucoup plus efficient d'établir une relation avec, disons, 12 ou 30 personnes. Je pense que le rapport Stromberg recommandait de verser des frais administratifs à tout le monde dès qu'on en versait à une personne, et l'institut a appliqué cette recommandation, de sorte que nous payons les frais à tout le monde.

Le président: Je suis plutôt intrigué par votre commentaire selon lequel les frais imposés à une caisse de retraite pour l'administration des fonds sont d'environ 50 p. 100 inférieurs au Canada à ceux des États-Unis. Pourquoi? C'est vraiment intrigant d'entendre cela, même si l'on tient compte de l'observation de Mme Stromberg selon laquelle on ne peut vraiment faire de comparaison directe en ce qui concerne l'industrie des fonds communs de placement, parce que ce serait comparer des pommes avec des oranges. Elle a dit que, malgré cela, il semble que les frais pour les fonds américains soient moindres que pour les fonds canadiens, mais, que, par contre, dans le cas des caisses de retraite, c'est exactement l'inverse. Savez-vous par quelle alchimie on arrive à ce résultat?

M. Grant: Je ne sais pas pourquoi ils paient autant aux États-Unis. Je pense qu'ils font davantage de gestion spécialisée.

Le président: Qu'entendez-vous par «gestion spécialisée»?

M. Grant: Je veux dire qu'ils engagent quelqu'un pour administrer les fonds du pays et quelqu'un d'autre pour administrer les fonds internationaux, et quelqu'un d'autre encore pour administrer les obligations. Ils ont beaucoup plus de gestionnaires. Nous commençons de plus en plus à agir ainsi au Canada. Il fut un temps où vous touchiez des honoraires uniques pour exploiter l'ensemble du fonds, pour en exploiter chacune des parties. Quand vous faites appel à des gestionnaires spécialisés, les honoraires augmentent. Je pense que c'est ce qui explique la situation aux États-Unis.

Le sénateur Di Nino: Vous êtes en affaires pour faire de l'argent, n'est-ce pas?

M. Grant: Tout à fait.

Le sénateur Di Nino: Vous tentez d'établir une entreprise fructueuse qui procure un rendement juste et équitable aux investisseurs. C'est fondamentalement votre rôle.

M. Grant: Oui. Comme je vous l'ai déjà dit, par contre, -- et je l'ai mentionné dans les 12 rapports annuels que j'ai rédigés ainsi qu'à chaque réunion des actionnaires -- notre premier souci est notre clientèle, parce que, sans clients, nous ne serions pas une entreprise. Je crois qu'à l'heure actuelle, on parle de «groupements diversifiés de clients». Pour être en affaires, il faut faire des profits.

Le sénateur Di Nino: Précisément. Une des questions que nous avons étudiées ce matin est la réglementation de votre industrie. Comment vous distinguez-vous de vos concurrents? Comment vous positionnez-vous? Comment dites-vous aux gens que Sceptre est un bon endroit où placer de l'argent à court ou à long terme? Comment mettez-vous l'accent sur un secteur particulier à un moment donné?

M. Grant: Il y a une diversité de marchés. Dans le secteur des caisses de retraite, il s'agit strictement d'une affaire de chiffres, et vous devez convaincre environ six entreprises d'actuaires au Canada.

Le sénateur Di Nino: Des chiffres relatifs au rendement?

M. Grant: Absolument, le taux de rendement et son uniformité sur une période de quatre ans.

Le sénateur Di Nino: Est-il vrai que les frais ne jouent pas réellement un rôle majeur; c'est le rendement qui compte?

M. Grant: Non, nous pensons que les frais doivent être concurrentiels. Vous devez exiger des frais comparables à ceux que les autres exigent.

Le sénateur Di Nino: En définitive, tout cela s'additionne pour former le chiffre final. L'argument des investisseurs est celui-ci: «Voici 1 million de dollars, et j'aimerais obtenir un rendement de «x»».

M. Grant: Pas en ce qui concerne les caisses de retraite. J'ai remarqué que Glorianne Stromberg a mentionné qu'il y avait de bons pouvoirs de négociation dans l'industrie des caisses de retraite. Vous avez affaire à environ six firmes d'actuaires au Canada qui placent l'affaire, c'est-à-dire que si vous avez une caisse de retraite, elles chercheront un gestionnaire, en retiendront trois qui, selon elles, répondraient le mieux à vos intérêts, après quoi vous faites un exposé devant les fiduciaires. Ceux-ci vont examiner les frais, et ils veulent qu'ils soient concurrentiels.

L'aspect le plus important est le rendement et puisqu'il va fluctuer, ils veulent qu'il soit uniforme sur une certaine période, et ils veulent étudier soigneusement la chimie de votre organisation, entre autres aspects.

Le sénateur Di Nino: En tant que fiduciaire d'au moins trois caisses de retraite, ou de fonds qui sont investis de cette manière, lorsque nous réunissons tout cela à la fin, nous examinons le rendement, nous ajoutons les frais au coût, ou nous déduisons les frais, ou ainsi de suite. C'est là une composante du rendement total. Comment faites-vous connaître votre message aux investisseurs particuliers? Peut-être que mon ami, le sénateur Tkachuk, qui ne sait pas combien il paie, pourrait venir vous parler. Il m'a dit que 250 000 $, c'était trop pour lui. Peut-être que vous pouvez lui faire une aubaine et diminuer le montant.

M. Grant: Comme je l'ai dit, je pense que nous étions une réussite sur le plan artistique et un échec sur le plan commercial. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour vous répondre. La démarche particulière que nous adoptions consistait à dire que nous allions facturer des frais moindres et offrir un meilleur rendement. C'est ce que nous avons fait. Nous avons gagné 1 milliard de dollars. Je ne me plains pas.

Vous m'avez demandé comment nous tentions de nous distinguer. C'est ainsi que nous avons tenté de nous distinguer. Nous allons continuer de le faire, parce que, avec le temps, une part de plus en plus grande du marché s'avise de la situation et vient vous voir.

Il y a un rôle légitime pour les conseils donnés par des planificateurs financiers, des courtiers en investissement et ainsi de suite. Nous versons à ces gens qui vendent nos fonds 0,25 p. 100 par année en frais administratifs. La moyenne de l'industrie est environ de 0,5 à 1 p. 100. Si vous aviez le choix et que vous tentiez de gagner votre vie comme courtier en investissement, vous vendriez les fonds de quelqu'un d'autre.

Nous allons maintenir notre approche qui consiste à nous distinguer en exigeant des frais moindres.

Le sénateur Di Nino: Ai-je raison de présumer, comme j'ai tenté de le laisser croire à Mme Stromberg, que les forces de la concurrence sont, avec les mesures de divulgation appropriées, un solide élément de contrôle, pour ainsi dire, dans le marché?

M. Grant: Oui, c'est tout à fait exact. La raison pour laquelle les frais n'ont pas diminué comme nous l'avions prévu doit tenir à une combinaison de facteurs, dont les taux de rendement inhabituellement élevés que nous avons connus et, peut-être, le fait que les gens paient des frais plus élevés, dans la mesure où ils y sont sensibilisés, est valable parce que quelqu'un en qui ils ont confiance s'occupe de leurs intérêts, et peut-être que la personne en question est un courtier en investissement ou un planificateur financier.

Le sénateur Di Nino: Avez-vous besoin d'une plus grande ou d'une moins grande réglementation, ou avez-vous besoin d'une réglementation totalement différente?

M. Grant: En ce qui concerne le rapport entre la gestion et les frais exigés?

Le sénateur Di Nino: En ce qui concerne l'industrie tout entière, pas seulement les rapports.

M. Grant: L'industrie est passée de 25 milliards de dollars en 1990 à 325 milliards de dollars en mars dernier, sans qu'il y ait de catastrophe majeure. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'une nouvelle réglementation en ce qui concerne les RFG.

Il devrait y avoir des administrateurs qui s'occupent des intérêts des détenteurs d'unités des fonds. C'est l'une des recommandations formulées par Mme Stromberg.

Nous sommes une entreprise publique. Nous avons déjà des administrateurs indépendants. Nos fonds communs de placement sont chapeautés par notre entreprise. Nous avons cela, et nous pensons que d'autres entreprises devraient aussi l'avoir.

Je pense qu'il devrait y avoir un seul organisme de réglementation au Canada. Si nous voulons vendre nos fonds dans diverses provinces, nous devons présenter une demande aux autorités provinciales, et nous considérons qu'il s'agit d'une mesure que la province met de l'avant pour recueillir des fonds. Il serait beaucoup plus efficient de leur envoyer tout simplement un chèque. Lorsque nous présentons nos demandes chaque année, l'avocat vient nous voir et aligne littéralement sur la table cinq documents pour chaque province. Il nous faut trouver un table plus grande. Nous signons ensuite 50 documents. Ce n'est pas efficient. Cela dépasse l'entendement. Nous préférerions envoyer un chèque à la province et signer cinq copies auprès d'une seule commission.

Le sénateur Di Nino: Ayant moi-même vécu cela, je compatis avec vous.

Les gens du domaine, ceux qui y sont entrés au cours des dernières années et ceux qui y entrent actuellement sont-ils qualifiés pour y être? Mme Stromberg semblait en douter. Est-ce qu'on réussit à faire en sorte que les gens qui entrent dans votre industrie ont les capacités, les qualités et les ressources financières voulues pour administrer l'argent d'autres personnes avec autant de compétence qu'au cours des dernières années?

M. Grant: Je devrais connaître la réponse à cette question. Je sais que, pour être gestionnaire de portefeuille au Canada, il faut répondre à certaines exigences réglementaires strictes. Vous devez avoir terminé la première année d'un cours d'analyste financier accrédité, et posséder cinq ans d'expérience dans le domaine. C'est très bien comme ça.

Je suis par contre un peu étonné d'entendre qu'une entreprise peut se lancer avec 5 000 $ en capitaux et un cautionnement minime. Cela ne me semble pas très avisé.

Le sénateur Di Nino: Je ne veux pas parler à votre place, mais j'ai l'impression, d'après mes discussions avec diverses personnes, dont Mme Stromberg aujourd'hui, que nous devrions peut-être examiner d'un peu plus près les critères d'admissibilité que l'on impose aux personnes qui sont entrées sur ce marché. Qu'en pensez-vous?

M. Grant: Si elle dit que nous devrions faire quelque chose du genre, je suis d'accord.

Le sénateur Di Nino: Vous l'aimez bien.

M. Grant: Je la connais depuis 30 ans, et je pense qu'elle est fantastique.

Le sénateur Di Nino: Tout le monde dans l'industrie n'est pas d'accord avec vous.

M. Grant: Si vous voulez être courtier en investissement, vous devez vous enregistrer. Selon moi, si vous voulez administrer des fonds communs de placement, vous devez aussi vous enregistrer en tant qu'entreprise.

Le sénateur Di Nino: Il y a quelques années, j'ai vécu une expérience plutôt déplaisante lorsque ce genre de situation s'est produit. Selon moi, les règles ne sont pas assez sévères et ne permettent pas d'exclure des gens qui ne sont pas compétents, mais je parle à titre personnel.

J'ai d'autres questions sur la règle du contenu étranger, mais je vais laisser la parole à d'autres sénateurs. Peut-être que j'y reviendrai plus tard.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, mes questions ne portent pas sur le coeur de notre sujet. Si le sénateur Di Nino a des questions qui portent sur le coeur de notre sujet, je pense que nous devrions lui laisser la parole.

Le président: Sénateur Stewart, j'aimerais que vous posiez vos questions. Le temps passe. En ce qui concerne la règle sur les biens étrangers, M. Grant a été très clair. Il aimerait ce que notre comité recommande depuis une décennie, c'est-à-dire faire augmenter de 2 p. 100 la règle sur les biens étrangers durant cinq ans.

M. Grant: Je sais que vous l'avez recommandé.

Le président: Nous l'avons recommandé. Ce n'est pas une question de partisanerie. Notre comité a formulé à l'unanimité cette recommandation aux ministres des Finances conservateur et libéral, toujours en vain. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas raison; cela dénote tout simplement qu'on ne peut pas toujours faire ce qu'on veut.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, un témoin commentait hier soir l'inquiétude d'un gestionnaire de fonds à l'égard des résultats à court terme d'une industrie particulière. C'était l'industrie du pétrole et du gaz. Selon lui, les répercussions de ces objectifs à court terme étaient néfastes pour l'industrie.

Compte tenu de l'importance des investisseurs institutionnels ainsi que de l'accent qu'ils mettent inévitablement sur l'obtention d'un bon rendement, avez-vous des préoccupations quant aux répercussions à long terme de cette formule d'investissement sur l'économie en général? Bâtissons-nous des châteaux de cartes plutôt que des structures économiques qui dureront un siècle?

M. Grant: Je reconnais que certains investisseurs institutionnels ne s'intéressent qu'aux résultats à court terme. Cependant, l'une des questions qui vous sont soumises est le pouvoir des investisseurs institutionnels, lesquels exercent ce pouvoir en détenant d'importants blocs d'actions d'une entreprise particulière. Le revers de la médaille, c'est que si vous détenez un bloc d'actions important d'une entreprise, vous ne pouvez l'échanger facilement. C'est donc dire que vous avez intérêt à ce que l'entreprise se débrouille bien à long terme.

Si vous êtes un cadre supérieur consciencieux et qu'un fonds ou une institution vient vous voir et tente de vous amener à faire quelque chose qui ne correspond pas à long terme aux intérêts de l'entreprise, vous devriez résister. Dans la mesure où les investisseurs institutionnels prennent de l'ampleur et de la puissance, le pouvoir de l'ensemble de la structure de l'industrie m'amènerait à réfléchir davantage.

Le sénateur Stewart: Je pourrais poser plus de questions sur ce sujet, mais je pense que nous avons saisi l'essentiel de votre pensée.

Si je vous ai bien compris, en ce qui touche vos investissements à l'extérieur de l'Amérique du Nord, 60 p. 100 d'entre eux, soit la partie la plus importante, sont faits en Europe.

M. Grant: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Serait-il indiscret de vous demander quelle part concerne le Royaume-Uni et quelle part concerne l'Irlande?

M. Grant: Ce n'est pas indiscret. Je ne m'en souviens pas. À tout le moins, je n'ai pas cette information avec moi. Elle figure dans le rapport à l'intention de nos détenteurs d'unités. Je sais cependant que l'équilibre est maintenu. Nous avons des investissements en Suisse, en France et en Allemagne.

Le sénateur Stewart: Je pose la question, parce que, au comité sénatorial permanent des affaires étrangères, un homme de la Banque du Canada nous a dit que l'investissement canadien en Europe était affecté, dans une très grande mesure, au Royaume-Uni et à l'Irlande. Nous étions particulièrement intéressés par l'Irlande, parce que ce pays exporte beaucoup au Royaume-Uni. Pourtant, le Royaume-Uni, contrairement à l'Irlande, n'adhérera pas à l'union monétaire. J'ai essayé d'obtenir l'information au cours de cette séance publique.

M. Grant: Je ne peux parler qu'en mon nom propre, mais j'affirme catégoriquement que nos investissements ne sont pas concentrés au Royaume-Uni et en Irlande.

Le sénateur Stewart: Puisque c'est ainsi, le pourcentage de votre investissement en Europe est-il modifié en raison de la réalisation prochaine de l'union monétaire?

M. Grant: Oui, il a augmenté.

Le sénateur Stewart: Vous pensez que ce sera bon pour les affaires dans les États membres.

M. Grant: Absolument.

Le sénateur Stewart: Pourriez-vous nous dire pourquoi? Je sais que c'est une réponse très complexe, mais pouvez-vous nous en donner un ou deux éléments?

M. Grant: Je vais vous en donner un tout simple. Si vous arriviez avec 1 $ en France il y a un an et que vous changiez 11 fois de devise, il ne vous resterait que 50 cents.

Le sénateur Stewart: Devrions-nous appliquer le même modèle en Amérique du Nord?

M. Grant: Je pense que nous avons dans une large mesure ce modèle en Amérique du Nord. J'aimerais que nous l'ayons davantage au Canada, dans la mesure où j'aimerais que les barrières entre les provinces soient éliminées. Cependant, je pense que l'Europe essaie d'en venir à la situation où le Canada se trouve.

Le sénateur Di Nino: C'est intéressant.

M. Grant: Cette augmentation de l'investissement en Europe n'est pas uniquement attribuable au fait que nous prévoyons que l'Union monétaire européenne réussira. Des entreprises européennes commencent déjà à se restructurer et à se préoccuper davantage des actionnaires, et elles commencent à faire des choses que les entreprises américaines font depuis 10 ans. C'est la raison pour laquelle nous investissons dans de grandes entreprises internationales, qui possèdent généralement leur siège social en Europe.

Le président: Selon vous, ce qu'on appelle les «fusions d'efficience» qui se produisent ailleurs dans le monde commenceront-elles à se produire également en Europe?

M. Grant: Je pense qu'elles se sont produites tout d'abord aux États-Unis. Elles se produisent déjà en Europe et, espérons-le, se produiront ensuite au Japon.

L'autre jour, quelqu'un a dit que les Japonais n'ont pas de mot dans leur langue qui puisse désigner le «souci des actionnaires», mais ils sont en train d'en créer un.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous utilisez le vote par procuration et que vous rencontrez parfois les directeurs des entreprises dans lesquelles vous investissez. Croyez-vous que vous avez beaucoup d'influence sur la régie d'entreprise de ces sociétés? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous donner un exemple, sans nommer personne, des aspects sur lesquels vous avez eu de l'influence?

M. Grant: Je ne suis pas sûr de l'influence que nous avons eue. Le cas classique, c'était Canadian Tire. Ce qui s'est produit dans ce cas-là, c'est que Fairvest -- ou, avant Fairvest, Bill Allan -- a organisé un groupe d'actionnaires. Nous y avons participé très activement.

Il ne se passe pas une réunion sans que nos gestionnaires de portefeuille ne fassent une suggestion. Nous avons des opinions bien arrêtées, et nous posons des questions et formulons des suggestions. Je ne sais pas combien d'entre elles sont acceptées. Cependant, nous pouvons dire à une entreprise que nous pensons qu'elle fait du bon travail dans un secteur et du moins bon travail dans un autre. Nous pouvons aussi lui fournir toute information que nous avons entendue à son sujet. Parfois, nous avons de l'influence, mais la plupart du temps, nous n'en avons aucune.

Le sénateur Callbeck: Mon autre question concerne les frais. Manifestement, c'est vous qui avez les frais les moins élevés. Il semble y avoir une grande différence entre vos frais et ceux de vos concurrents. Pourquoi y a-t-il un tel écart?

J'ai cru comprendre, d'après ce que vous avez dit, que vous croyiez que, tôt ou tard, les Canadiens seront mieux renseignés et prendront conscience de tous les montants qu'ils versent en frais. Selon moi, cela n'est pas près d'arriver. Dans l'intervalle, vous perdez beaucoup d'argent. Pourquoi n'êtes-vous pas plus préoccupé par les résultats?

M. Grant: Comment devrais-je répondre à cette question?

Le président: Avec prudence.

M. Grant: Je pense que ces frais diminueront. Nous avons attendu durant 12 ans. Certaines banques disent qu'elles vont diminuer leurs frais. Je pense que les journaux en parlent de plus en plus et aussi qu'il y a plus de gens qui parlent des frais. Cela est certes du domaine public. On en parle dans les journaux financiers chaque mois.

Je pense que les taux de rendement obtenus par les fonds seront plus normaux, c'est-à-dire qu'ils seront bien inférieurs. Lorsque ce sera le cas, les gens y feront plus attention.

Par exemple, nous avons eu un ratio des frais de gestion pour notre fonds obligataire de 1,25 p. 100 au cours des 10 dernières années. Il y a 10 ans, le rendement des obligations était de 18 p. 100. Il est maintenant de 6 p. 100. À notre dernière assemblée annuelle, nous avons réduit notre RFG de 1,25 p. 100 à 0,95 p. 100, et nous en avons fait l'annonce à tous nos actionnaires. Nous pensons que lorsque les investisseurs constateront qu'ils n'obtiennent pas un énorme rendement sur les fonds obligataires, ils feront davantage attention aux frais. Selon moi, c'est ce qui se produira.

Le président: Merci d'avoir pris le temps d'être venus nous voir. Nous apprécions votre aide.

La séance est levée.


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