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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 20 - Témoignages pour la séance du 28 mai 1998


OTTAWA, le jeudi 28 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président: Je crois que notre témoin aujourd'hui nous sera très utile pour mener notre étude. Il s'agit de M. Lawrence Schwartz, économiste principal au bureau de LECG, Inc., de Toronto, l'une des principales firmes d'experts-conseils en Amérique du Nord qui fournit des analyses économiques dans le contexte judiciaire et réglementaire.

Bienvenue au comité, monsieur Schwartz. Je crois comprendre que vous nous ferez un résumé de votre présentation, et nous poserons ensuite des questions.

M. Lawrence P. Schwartz, économiste principal, LECG Inc.: Je souhaite saisir cette occasion pour exprimer en quelque sorte une opinion dissidente sur la question de la gouvernance des fonds communs de placement. Si cette séance s'était déroulée comme il avait été prévu initialement, la commissaire Stromberg aurait été présente. La commissaire Stromberg et moi avons discuté de ces questions à quelques reprises. Elle accepte bien mon opinion dissidente, et j'ai beaucoup d'estime pour elle et pour son travail dans ce domaine. Il s'agit d'un désaccord sur ce point précis.

L'organigramme que j'ai fourni, qui est intitulé «Arrangements dans les sociétés de fonds communs de placement», pourrait aider à clarifier certaines des relations qui existent entre les sociétés de gestion de fonds communs de placement, les fonds qu'elles gèrent, et les investisseurs dans ces fonds, que nous appelons «détenteurs d'unités». À la droite, il y a la distribution, c'est-à-dire comment l'argent des personnes entre dans les fonds communs de placement. Celui-ci est placé par l'entremise de firmes de courtage en valeurs mobilières, de courtiers de fonds communs de placement, de sociétés de planification financière, et les nombreux visages souriants représentent les gens qui ne sont pas encore des détenteurs d'unités, soit des investisseurs éventuels.

La relation qui existe entre la société de gestion du fonds et les fonds est établie grâce à un document fiduciaire et à un contrat de gestion. Pour chaque groupement de fonds, soit un fonds du marché monétaire, un fonds d'actions et un fonds hypothécaire, on établit un document fiduciaire distinct et on passe un contrat de gestion avec la société de gestion du fonds. À droite, vous voyez l'accord de distribution que la société de gestion du fonds, à titre de principal distributeur, conclut avec chacune des diverses sociétés de distribution qu'elle désire utiliser pour distribuer son fonds.

J'aimerais parler des arrangements. Lorsque nous parlons du commerce des fonds communs de placement, nous ne savons pas nécessairement de façon claire ce que cela veut dire, et j'espère donc que mes précisions vous seront utiles. Lorsque nous parlons de gouvernance des fonds communs de placement, nous parlons des groupements de fonds, dont chacun est encerclé, soit le fonds du marché monétaire, le fonds d'actions et le fonds hypothécaire, et du type de mécanisme ou d'institution de gouvernance que nous devrions avoir pour ces groupements de fonds. Nous ne parlons pas de la distribution des fonds communs de placement.

Les gens qui investissent dans ces fonds pourraient faire l'objet de nombreux types d'abus, notamment des transactions d'initiés, des conflits d'intérêts, le vol, ou le retrait des actifs des groupements de fonds pour le propre profit de quelqu'un. Voilà les types d'abus qu'un régime de gouvernance pourrait chercher à éviter. Franchement, il y en a peu au Canada, et je ne suis au courant d'aucune poursuite judiciaire, d'aucun procès ni cas de faute au pays. Ce n'est pas la même chose aux États-Unis.

Il y a cependant des abus dans le commerce canadien des fonds communs de placement, mais cela a tendance à être le fait des distributeurs et des investisseurs éventuels qui figurent sur ce diagramme. Par cela, je veux dire qu'un vendeur peut chercher à convaincre un investisseur éventuel en faisant miroiter un rendement farfelu, en prétendant par exemple que le fonds va doubler en trois ou cinq ans; le vendeur peut également tenter de persuader une personne âgée qui cherche à investir, de contracter une hypothèque sur sa maison et d'utiliser le produit de ce prêt hypothécaire pour acheter des unités dans un fonds qu'il distribue. Ces types d'abus sont très réels, et ils sont courants. Les instances de réglementation des valeurs mobilières au pays sont très au courant et elles s'efforcent de les empêcher.

Cependant, les problèmes de gouvernance dont nous parlons n'ont presque rien à voir avec ces types d'abus. Parce que ce n'est pas parfaitement clair dans l'esprit de ceux qui pensent qu'il faudrait modifier le régime de gouvernance des fonds communs de placement, nous devrions être clairs quant aux abus qu'on tente de corriger.

Actuellement, trois propositions sont faites pour réformer la gouvernance des fonds communs de placement au Canada. Dans son rapport destiné aux administrateurs de valeurs mobilières il y a quelques années, la commissaire Stromberg a déclaré essentiellement que chaque fonds commun de placement devrait mettre sur pied son propre conseil d'administration, dont les membres assumeraient des responsabilités comme celles des membres d'un conseil d'administration d'une société, et qu'une majorité des membres de chaque conseil d'administration du fonds commun de placement devraient être indépendants. Elle n'a pas fourni beaucoup de détails sur ce qu'il faut entendre par indépendant.

Cette proposition a été examinée par le Groupe directeur des fonds d'investissement que le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a mis sur pied pour étudier le rapport Stromberg. Au sujet de la gouvernance, les membres du groupe ont convenu, sans équivoque, avec la commissaire Stromberg que chaque fonds commun de placement devrait avoir son conseil d'administration, ou qu'il devrait y avoir des conseils, et que ceux-ci devraient se composer d'une majorité d'administrateurs indépendants.

Le rapport tire une conclusion confuse. On a estimé qu'il ne serait pas nécessaire d'établir un conseil pour chaque fonds commun de placement au Canada, mais qu'il devrait y avoir un conseil pour chaque famille de fonds. Par exemple, si une société fait la promotion d'un fonds de marché monétaire, d'un fonds d'actions et d'un fonds hypothécaire, il y aurait un seul conseil pour ce groupement de fonds. Voilà la deuxième proposition, un conseil d'administration pour une famille de fonds, mais toujours indépendant.

Dans le rapport de la Commission consultative du Québec, qui a examiné le rapport Stromberg du point de vue particulier du Québec, on a indiqué que les conseils d'administration pour les familles de fonds étaient la voie à suivre. Cependant, on ne voyait pas pourquoi ceux-ci devraient être indépendants.

Une grande variété de propositions ont été faites sur la modification de la structure de gouvernance des fonds de placement. Il est intéressant de noter, si vous avez lu ces rapports, qu'on ne peut trouver aucune raison valable qui explique pourquoi ces changements sont proposés. La justification de la commissaire Stromberg était très claire. Elle préfère la structure corporative. Elle a indiqué que les tribunaux sont une bien meilleure façon de régir ces types de relations, et c'est pourquoi nous devrions aller de l'avant. Elle n'a pas signalé d'abus au Canada, ni de cas devant les tribunaux, de litiges, de procédures réglementaires qui pourraient avoir une incidence sur les types de relations établies entre les détenteurs d'unités et les sociétés de gestion de fonds communs de placement qui pourraient nécessiter l'intervention d'un conseil d'administration. Elle privilégie les structures de style corporatif.

Le groupe de suivi, le comité directeur des fonds d'investissement, a été d'accord avec elle, semble-t-il, parce qu'il ne pouvait pas non plus produire de preuve. À mon avis, ce groupe aurait très bien pu produire une preuve, s'il y en avait eu, d'abus à l'égard d'investisseurs existants par des fonds et des sociétés de gestion de fonds. En fait, si vous lisiez ce rapport, vous seriez étonnés de constater qu'on ne justifie aucunement les raisons pour lesquelles nous devrions accepter la proposition faite dans ce rapport plutôt que celle de la commissaire Stromberg. Selon moi, si ce groupe est d'accord avec la commissaire Stromberg, comme c'est le cas, il aurait alors dû déclarer que chaque fonds commun de placement devrait avoir son propre conseil d'administration. Ce n'est pas ce qu'il a dit, et il ne nous a pas précisé pourquoi, il a seulement soumis l'idée à notre considération. Je trouve très étrange qu'un comité bien renseigné, mis sur pied par le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, fasse une recommandation sans fournir de justification. Il y a des rumeurs, mais puisque je ne peux les confirmer, je ne vais pas m'y attarder.

Franchement, ce que ces modèles indiquent quant à moi, c'est que l'on n'a pas compris pourquoi le régime actuel au Canada est ce qu'il est. J'ai déjà travaillé à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Personne ne s'intéressait alors à la question, mais personne ne semblait bien comprendre pourquoi le régime que nous avons aujourd'hui, à peu de chose près, était en place. Les personnes qui travaillent dans les commissions de réglementation des valeurs mobilières au pays sont au courant du rapport de 1969 intitulé «Report of the Canadian Committee on Mutual Funds and Investment Contracts». Il s'agissait d'une étude fédérale-provinciale menée par un groupe d'administrateurs de services financiers provinciaux, qui bénéficiait d'un personnel de soutien. Parmi les administrateurs, il y avait un représentant fédéral, l'honorable Marc Lalonde, et le personnel était dirigé par James Bailey, actuel chef du cabinet d'avocats Tory, Tory, Deslauriers et Binnington et ancien dirigeant du groupe d'étude sur l'avenir du secteur des services financiers.

En 1969, ce groupe a examiné toute la gamme des problèmes ayant trait aux fonds communs de placement et à leur réglementation, et il a consacré du temps à la structure de gouvernance des fonds communs de placement. Ce rapport date maintenant de presque 30 ans, et parce qu'il renferme quelque 600 pages, il n'est pas surprenant que peu de gens aient pris le temps de le lire. Je fais allusion à ceux qui s'occupent de la réglementation, du commerce des fonds communs de placement et aux investisseurs. Personne ne semble savoir, sans avoir lu ce rapport, pourquoi l'actuelle structure de gouvernance est ce qu'elle est. Je prétends que c'est là la raison de certains de ces problèmes.

J'aborde cette question plus en détail dans mon document. Au sujet de la gouvernance, il suffit de dire que le comité a adopté deux points de vue quant à savoir ce qu'était réellement un fonds commun de placement. Pour simplifier, on a jugé qu'un fonds commun de placement pouvait être une organisation dans laquelle une personne qui bénéficierait d'une rentrée d'argent inattendue et ne saurait comment gérer cet argent, pourrait investir celui-ci. Cette personne pourrait demander à une firme de conseils en investissement de gérer son argent. Il y aurait un arrangement pour les frais de gestion. Ce comité a suggéré que le fonds commun de placement pourrait être un mécanisme dont les gens qui avaient de l'argent et qui ne désiraient pas le gérer eux-mêmes, mais qui désiraient le confier à un gestionnaire de fonds, pourraient se servir. Selon cette thèse, un fonds commun de placement est simplement un mécanisme mis sur pied par la société de gestion afin de faciliter le regroupement des personnes qui s'adressent à elle pour obtenir des services de gestion de fonds. Si vous vous adressez à un conseiller en investissement et que vous êtes mécontent de son rendement après un certain temps, ou de la manière dont il a administré votre argent, vous pouvez lui retirer celui-ci et aller ailleurs. Il ne serait pas question d'avoir un conseil d'administration à qui vous pourriez vous adresser dans ces circonstances. Ce n'est pas là la manière dont fonctionnent les conseils en placement. Si vous n'aimez pas la façon dont votre argent est géré, vous allez ailleurs.

C'était là l'une des thèses sur le fonds commun de placement que ce comité de 1969 a étudiées. L'autre option est davantage assimilée à l'investissement corporatif. Il a suggéré de comparer l'investissement dans un fonds commun de placement avec l'achat d'une action d'une société. Lorsque vous investissez de l'argent dans un fonds commun de placement, vous obtenez des unités qui représentent votre intérêt; de même, lorsque vous achetez des valeurs mobilières d'une société inscrite en bourse, vous obtenez des actions et devenez actionnaire.

En 1969, le comité a adopté successivement l'une et l'autre de ces deux perspectives. Il a déclaré que si le fonds commun de placement est considéré comme une société, il faut adopter les caractéristiques de gouvernance des sociétés, et qu'il pourrait être sensé alors d'exiger que ce fonds de style corporatif se dote d'un conseil d'administration indépendant. Ce comité a estimé que le style corporatif était essentiellement le modèle américain établi en vertu de la Investment Companies Act de 1940. La manière dont cette législation a été mise en application, son administration, les réglementations auxquelles elle a donné lieu et surtout la question de l'indépendance des administrateurs a posé de nombreux problèmes aux Américains. On s'est demandé «d'où proviendraient ces gens» et «qui pourrait être administrateur»?

La Investment Companies Act prévoit que 40 p. 100 des membres du conseil d'administration des sociétés d'investissement, c'est ainsi que l'on appelle les «fonds communs de placement» aux États-Unis, devraient être indépendants. Cependant, il n'est pas précisé clairement à quel point une personne doit être indépendante pour satisfaire au critère légal. Par exemple, j'ai eu l'occasion de discuter, au cours d'une conférence il y a quelques mois, avec un Américain qui travaillait dans une banque. Il a noté que certains de ses employés à la banque étaient qualifiés et qu'ils étaient les administrateurs indépendants des fonds communs de placement gérés par une filiale de gestion du fonds de la banque. Il est clair, aux États-Unis, que si vous êtes l'employé d'une société de gestion de fonds commun de placement, vous n'êtes indépendant, mais lorsque cette société de gestion de fonds commun de placement est la propriété d'une banque, apparemment les employés de celle-ci sont qualifiés et peuvent satisfaire aux critères de l'indépendance. Voilà qui montre les problèmes que pose la définition «d'indépendance».

Voilà certaines des questions que le comité de 1969 a traitées. En résumé, ce dernier a estimé que les fonds communs de placement ne devraient pas être assimilés aux sociétés, et qu'ils ne devraient pas faire l'objet d'une gouvernance corporative formelle. Cependant, il a estimé que c'était une bonne idée que d'avoir des administrateurs indépendants, mais il n'a pas recommandé que cela soit imposé par la loi. Il a opté pour l'ancien modèle dans lequel les gens confient leur argent à un gestionnaire de fonds, et celui-ci crée une mise en commun, où les gens sont libres d'entrer ou de sortir. Puisqu'il ne s'agit pas d'une structure corporative, il n'y a aucun mécanisme officiel de gouvernance corporative. Cela peut sembler peu approprié à certaines personnes, mais les difficultés inhérentes à l'autre modèle justifient cette position.

À mon avis, nous avons, pas entièrement mais en grande partie, un régime de gouvernance des sociétés de gestion de fonds communs de placement très actif qui fonctionne bien parce que les investisseurs peuvent entrer dans le fonds et s'en retirer à leur gré en récupérant la valeur liquidative nette pratiquement quotidiennement dans la plupart des cas.

Le comité de 1969 n'était pas satisfait de cette justification. Il ne croyait pas que la possibilité de sortir sur demande suffisait pour protéger les intérêts des investisseurs et, plutôt que de suivre la voie corporative, il a jugé qu'il était justifié, de manière générale, de soumettre les activités des fonds communs de placement à une réglementation rigoureuse.

C'est ce que nous avons aujourd'hui. Nous avons un régime de réglementation vigoureuse et interventionniste; un régime où les investisseurs entrent et sortent sur demande en touchant la valeur liquidative nette. Je n'ai pas encore eu la preuve que ce régime ne fonctionne pas extrêmement bien. L'absence de poursuites judiciaires, d'audiences, de demandes d'administrateurs, à l'exception de la commissaire Stromberg et des personnes qui ont effectué le suivi de son étude, indiquent que ce régime fonctionne bien. Il reste à savoir, cependant, si ce mécanisme ouvert de gouvernance serait une amélioration. Je ne crois pas que ce serait le cas parce que notre régime semble fonctionner très bien.

Les Américains ont une énigme à résoudre parce qu'ils ont un régime qui, selon moi, se rapproche lentement mais sûrement du système canadien. Dans mon document, j'ai mentionné le rapport de 1992 de la Division of Investment Management de la Securities and Exchange Commission. Cet organisme a examiné ce qu'il a appelé le «fonds d'investissement unitaire», c'est ainsi qu'ils appellent ce que nous avons au Canada, et il l'a comparé avec ce que la législation américaine exige de ce qu'il appelle des «sociétés d'investissement». La loi américaine exige principalement que chaque fonds commun de placement ou société d'investissement soit doté d'un conseil d'administration, dont au moins 40 p. 100 des membres sont indépendants de la société de gestion ou du fonds. Mis à part les définitions d'indépendance et les problèmes que celles-ci peuvent poser, c'est la règle. La Investment Companies Act prévoit aussi que ces sociétés d'investissement émettent des actions. Elles n'émettent pas des unités comme au Canada, elles émettent des actions; et les gens qui investissent dans ces sociétés d'investissement sont appelés «actionnaires» et non «détenteurs d'unités».

Il est très clair que la Investment Companies Act de 1940 est une tentative de transformer le fonds commun de placement traditionnel en société, du moins pour les fins de la gouvernance. Que les fonds soient structurés comme des sociétés ou des fiducies, la loi les soumet aux dispositions applicables à la gouvernance des sociétés.

Le personnel qui a participé à la rédaction du rapport de 1992 aux États-Unis a étudié la législation américaine applicable à ces UIF, les fonds d'investissement unitaire; il a conclu qu'il aimait le modèle en place, c'est-à-dire le modèle adopté en 1940, et il a décidé de ne pas le modifier. Il a déclaré que changer celui-ci pour adopter un UIF de style canadien irait à l'encontre de l'histoire de la législation américaine. Il a parfaitement raison. Une chose que les États-Unis ont et que nous n'avons pas eu, autant que je sache, c'est une histoire d'abus. Les abus que j'ai mentionnés dans mon document remontent aux années 20 et 30, avant l'adoption de la Securities Exchange Act, avant l'histoire des fonds communs de placement américains ou de la réglementation sur les valeurs mobilières, et il y avait des exemples criants d'abus d'investisseurs commis par les gestionnaires de ces fonds communs de placement. Ces abus étaient si criants qu'ils ont donné lieu à l'adoption de l'Investment Company Act de 1940 et au style corporatif de gouvernance qui réglerait ces questions, croyait-on.

Il est intéressant de constater, si je puis me permettre, que la plupart des fonds communs de placement américains des années 20 et 30 étaient des sociétés à capital limité, c'est-à-dire que si vous investissiez dans l'un de ces fonds, vous n'aviez pas le droit de récupérer votre investissement sur demande. Il fallait vous adresser à la bourse pour trouver quelqu'un qui voudrait acheter vos parts dans le fonds commun de placement lorsque vous vouliez vous retirer. Ce qui n'était pas toujours possible. Et il n'était pas toujours possible non plus d'obtenir une valeur proche de la valeur liquidative nette.

Même si nous en avons, ces fonds ne sont pas aussi courants au Canada. Il y a certains fonds spéciaux, et il peut y avoir des raisons d'investir dans ceux-ci, mais je dirais que 90 p. 100 des fonds communs de placement canadiens traditionnels sont des fonds à capital variable et que ceux-ci permettent donc le rachat sur demande à la valeur liquidative nette. Il est d'ailleurs intéressant de noter que la plupart des fonds communs de placement américains sont maintenant de ce type. La majorité des fonds communs de placement américains sont à capital variable, mais on continue d'imposer à ceux-ci le mécanisme de gouvernance de la loi de 1940 qui a été adoptée pour régler principalement les abus dont faisaient l'objet les fonds à capital limité dans les années 20 et 30.

Cela dit, je crois que les Américains évoluent vers un autre type de fonds, même si ce changement ne se produira pas immédiatement. Le rapport de 1992 signale qu'ils n'auront jamais le type de fonds dont nous parlons. Cependant, ils ont pris certaines mesures. La commission des valeurs mobilières a suggéré, entre autres, que la proportion d'administrateurs indépendants devrait passer de 40 à 50 p. 100. Je trouve intéressant que le Congrès n'ait pas accepté cette proposition, même si un certain nombre des autres recommandations de la commission ont été acceptées.

Ce rapport remet aussi en question le succès du mécanisme de gouvernance. Il a fait observer que, malgré le fait que ces sociétés de fonds communs de placement soient obligées de tenir des assemblées annuelles, les investisseurs sont très peu nombreux à y participer; lorsque les demandes de procurations sont envoyées par la poste, très peu de gens y répondent. Cela pourrait ne pas vous surprendre, mais c'est là l'expérience américaine.

Il a fait observer aussi que les administrateurs indépendants ont tendance à ne pas faire leur travail. Ils renvoient rarement le gestionnaire qui a lancé le fonds. Même lorsqu'ils contestent les honoraires que le fonds verse au gestionnaire, le résultat est que ces derniers ne sont que marginalement réduits par rapport à la proposition initiale du gestionnaire. Le rapport indique aussi que les administrateurs indépendants contestent rarement les transactions d'initiés ou les conflits d'intérêts.

Vous devez vous demander si le personnel de la commission fait preuve de contradiction, particulièrement lorsqu'il conclut qu'il ne convient pas de retenir le modèle de fonds d'investissement unitaire utilisé dans d'autres pays.

Dans le rapport de 1992, il recommande toutefois de supprimer certaines exigences touchant le vote des actionnaires. J'en donne deux exemples dans mon document. Il a décidé que, dans certains cas, les actionnaires ne voteraient plus puisque les investisseurs du fonds, en plaçant leur argent, ont déjà choisi leurs arrangements.

Cela m'amène à conclure qu'aux États-Unis, on s'écarte du régime très sévère de gouvernance de style corporatif imposé pour les fonds communs de placement, et qu'on évolue vers quelque chose qui compte sur le droit de rachat -- sur le retrait par l'actionnaire de sa valeur liquidative nette, si vous voulez -- pour discipliner les sociétés de gestion des fonds.

Je suppose que votre comité a d'autres interrogations. Je suis donc prêt, monsieur le président, à conclure mes remarques préliminaires si les membres désirent poser des questions.

Le vice-président: Passons aux questions. Si nous ne traitons pas tous les sujets que vous désirez porter à notre attention, vous pourrez y revenir.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Schwartz, est-ce que le code de ventes qui a été adopté couvre le type d'abus que vous avez mentionnés au Canada, c'est-à-dire au cas du vendeur qui promet des rendements irréalistes pour encourager quelqu'un à hypothéquer sa maison?

M. Schwartz: Oui.

Le sénateur Callbeck: Qui s'occupe de l'appliquer?

M. Schwartz: Je ne sais pas exactement pour l'instant. Il s'agit d'un code que l'industrie elle-même a établi par l'intermédiaire de son organisation commerciale, et je crois que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et peut-être d'autres ont tenté de lui donner une base juridique ou une base d'autoréglementation.

Le sénateur Callbeck: Cela réglerait-il ce problème?

M. Schwartz: Oui. Ce sont les types d'abus que le code de ventes vise à empêcher, contrairement aux abus qui pourraient inciter à mettre en place un régime de gouvernance. Ce régime s'appliquerait à des situations qui pourraient se produire une fois que vous avez investi dans le fonds, à savoir le cas où le gestionnaire du fonds déciderait de changer ses honoraires, convertirait l'actif du fonds en liquide et s'enfuirait en Afrique du Sud, ou encore celui où le fonds aurait acheté des actions du personnel de la société de gestion du fonds, contrairement à la politique officielle d'investissement du fonds. Comme je l'ai dit, je ne suis au courant d'aucune plainte du genre au Canada, mais ces abus ne sont pas les types d'abus que le code de ventes est censé régler. Ce dernier a pour objet de régir les pratiques de ventes des courtiers.

En fait, si nous exigions au Canada que nos fonds soient dotés de conseils du genre que la commissaire Stromberg envisage, et si ces administrateurs notaient des abus dans le domaine des ventes, ils ne pourraient pas faire grand-chose. Les investisseurs éventuels n'ont pas élu les administrateurs, et ces derniers ne sont pas là pour s'occuper de leurs intérêts. Les administrateurs n'ont aucune responsabilité à leur égard. Ils ont une responsabilité à l'égard des personnes qui ont investi dans le fonds. Ces dernières ont élu les administrateurs pour qu'ils représentent leurs intérêts.

Le sénateur Oliver: Ils seraient les mandataires de la société.

M. Schwartz: Sénateur, je crois que c'est ce que je conteste. Si l'on exigeait que les administrateurs du fonds représentent les investisseurs, c'est ainsi qu'ils obtiendraient alors leur pouvoir, de la même manière que les administrateurs de sociétés obtiennent leur pouvoir des actionnaires existants.

Je peux me tromper, mais si j'étais administrateur d'une société inscrite en bourse et que je constatais qu'un courtier fait des allégations bizarres à d'autres personnes, cela ne me plairait probablement pas, mais je ne crois pas que je pourrais faire grand chose à ce sujet. D'ailleurs, je ne crois pas que je devrais faire quelque chose. Je ne vais certainement pas puiser dans l'actif de ma société pour intenter une action en justice contre ce vendeur. Ce n'est pas dans l'intérêt des actionnaires, du moins en temps normal. Dans l'ensemble, je ne crois pas que ce genre de chose préoccupe les administrateurs. Ils ne se soucient pas des gens qui ne sont pas actionnaires; ils se préoccupent des actionnaires.

Je vais pousser plus loin encore ma situation hypothétique. Si vous croyez que ces administrateurs de fonds hypothétiques agissent dans le meilleur intérêt de leurs souscripteurs, alors plus il y a d'argent dans le fonds, moins les frais de gestion des unités sont élevés. Il est donc avantageux que le fonds augmente parce que le coût pour les investisseurs sera réduit. Par conséquent, l'administrateur de fonds hypothétique, dans mon scénario, ignorera les abus commis lors de la vente parce qu'il n'est pas responsable des vendeurs; si ces derniers font rentrer l'argent, c'est au bénéfice des détenteurs d'unités.

Tout cela est de la spéculation de ma part, mais j'ai tendance à croire que cela pourrait avoir des conséquences défavorables, du moins sur les pratiques de ventes. Je ne parle pas à titre d'expert à ce sujet, mais certains m'ont dit que j'avais raison, tandis que d'autres m'ont dit que j'avais tort. Toutefois, je pense avoir une idée de ce que font les administrateurs et que je pourrais contribuer à votre pensée collective sur la manière dont les administrateurs réagiraient.

Le sénateur Callbeck: Pour finir, peut-on dire, donc, que vous estimez que ce code de vente permet de répondre aux abus que l'on a tendance à voir au Canada?

M. Schwartz: Je ne me suis pas du tout occupé de cela. Je sais que ce code de vente est censé empêcher ce genre d'abus, plutôt que les abus dont j'ai parlé.

Le sénateur Meighen: Dites-moi si je vous ai bien compris, M. Schwartz. Vous dites -- et je suis d'accord avec vous au moins en ce qui a trait à la progression logique -- qu'il n'y a pas vraiment de raison logique d'avoir des conseils d'administration «indépendants» dans les fonds communs d'investissement à capital variable, mais que vous ne voyez pas de mal à cela. Aurais-je également raison de dire qu'en fait la tendance actuelle est en faveur de conseils d'administration plus «indépendants» dans les fonds à capital variable?

Je devrais vous dire tout d'abord que je suis le président de Cundhill Funds, et que cette société a un conseil d'administration, ou que le fonds d'investissement en capital de risque a un conseil d'administration depuis la fin des années 70, début des années 80.

M. Schwartz: Je pense que le rapport de 1969 a bien dit les choses: il est souhaitable d'avoir des administrateurs indépendants si vous arrivez à en trouver et si vous pouvez, d'une manière ou d'une autre, les tenir responsables devant les investisseurs. On ne dit pas clairement comment les choisir, mais admettons que cette difficulté puisse être surmontée.

Je ne suis pas contre la notion d'indépendance. Je suis contre l'idée d'imposer la chose. Je ne sais pas, monsieur le sénateur, s'il y a beaucoup de conseils d'administration dans les fonds communs d'investissement. On a plutôt tendance à favoriser les commissions ou comités consultatifs et je crois que ceux-ci pourraient avoir un rôle à jouer. Les commissions consultatives sur lesquelles je me suis renseigné ont très peu de responsabilités ou d'autorité, me semble-t-il. Je ne sais pas ce qu'elles font. Je suis juste un peu sceptique quant à leur influence.

Je suis souscripteur avec participation dans une compagnie d'assurances. Celle-ci établit chaque année un comité consultatif formé de gens bien informés qui interrogent le directeur ainsi que toutes autres personnes de leur choix, et font ensuite rapport aux titulaires de police. Cette démarche est très utile. Ce sont des gens qui sont sans nul doute indépendants, et qualifiés. A ma connaissance il n'y a pas de comités consultatifs qui fassent la même chose dans les fonds communs de placement au Canada. Je suis sûr qu'ils se réunissent et font probablement de leur mieux, mais je n'ai pas l'impression qu'ils soient terriblement influents. Sénateur, vous faites sans doute partie d'une minorité si votre fonds possède un conseil d'administration, dans le sens corporatif.

Le sénateur Meighen: Je suppose que oui. Ce que nous faisons est intéressant. Nous n'avons pas de vendeurs, par exemple; ce sont des organisations indépendantes qui vendent les unités de notre fonds commun de placement, si elles veulent. Nous estimons que notre conseil d'administration n'a aucune responsabilité envers, disons XYZ Planners Inc., qui vend toutes sortes de fonds de placement, y compris le nôtre. Ils sont régis par d'autres codes et autorités, comme vous l'avez laissé entendre.

Nous estimons en revanche avoir la responsabilité de veiller à ce que le gestionnaire du fonds fasse bien ce qu'il a annoncé dans sa circulaire d'information et dans ses rapports annuels -- par exemple sa politique sur les instruments dérivés. Nous essayons de nous assurer qu'il respecte bien la politique énoncée. Nous vérifions qu'il met en application toutes ses autres déclarations publiques. Je suis d'accord avec vous que s'il décide de hausser ses honoraires d'un demi de un pour cent, les détenteurs d'unités du fonds réagiront en tapant du pied, car ceux-ci doivent être consultés. Nous ne jugeons pas nécessairement.

M. Schwartz: J'aimerais répéter que je ne suis pas opposé au fait que les administrateurs ou autres personnes qui assument des rôles de conseillers soient indépendants. Si nous devions modifier notre système pour qu'il ressemble davantage au système américain, je pense qu'il faudrait s'attendre à plus de litiges et de réglementation, comme dans leur système. Je suis bien au courant d'un type particulier de cas portés devant les tribunaux aux Etats-Unis, qui consiste à dénoncer des honoraires excessifs. En général, quelqu'un prend la parole, conformément à la réglementation sur les recours collectifs, et déclare que le gestionnaire du fonds s'est octroyé des honoraires trop élevés. La dernière fois que je me suis renseigné, il y avait 60 de ces cas, ce qui n'est peut-être pas beaucoup, mais ils sont réels et ils perdent toujours en cour.

Ce genre de chose n'arrive jamais au Canada. A ma connaissance, il n'est jamais arrivé qu'un investisseur dans un fonds commun de placement ait intenté un procès à la société qui gère le fonds, mais, fait intéressant, il est possible d'intenter des recours collectifs dans certaines provinces, soit en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, je crois.

Si nous devions adopter le modèle américain, nous ouvririons la porte à des litiges que je considère largement comme frivoles. Ce qui signifie, bien sûr, qu'il nous faudrait davantage de règles pour contrôler ce genre de choses. Les gens voudront peut-être comparer la Investment Companies Act de 1940 et les règlements qu'elle contient, avec notre réglementation moins lourde sur les valeurs mobilières.

Le sénateur Meighen: Je crois que je suis d'accord avec vous, je n'aimerais pas voir cela. En fait, on peut dire que le conseil que je connais est davantage un conseil consultatif qu'un conseil d'administration, un conseil de type consultatif, dont vous avez parlé tout à l'heure je crois.

En ce qui concerne les fonds à capital limité, je crois comprendre qu'ils ne sont pas tout à fait aussi courants au Canada qu'aux Etats-Unis. Toutefois, corrigez-moi si je me trompe, ceux-ci ne doivent-ils pas être incorporés en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Canada ou de l'Ontario, ou autre loi du genre, qui exige l'établissement d'un conseil d'administration?

M. Schwartz: Ces fonds sont effectivement des sociétés par action et doivent donc respecter les exigences de la loi qui régissent les sociétés.

Je pourrais dire -- et j'ai écrit à ce sujet, quoique pas dans ce contexte -- que bon nombre de ces fonds spécialisés, et cela est peut-être davantage vrai aux Etats-Unis, traitent des valeurs mobilières non liquides. Si vous voulez acheter un fonds coréen, disons, qui investit dans des valeurs mobilières coréennes et dans la bourse des valeurs de Corée, ou quoi que ce soit -- les pays de ce genre ont tendance à avoir des valeurs non liquides, elles ne sont pas souvent mises sur le marché. Dans ce cas, le fonds aurait intérêt à être structuré en fonds à capital limité, car si moi, en tant qu'investisseur dans le fonds coréen, je souhaitais récupérer mon argent, le gestionnaire du fonds devrait commencer à liquider les actifs du fonds. Le fait de détenir des valeurs non liquides, des valeurs cotées à la bourse de Corée qui ne peuvent être vendues facilement, placerait le gestionnaire du fonds dans une situation difficile s'il devait faire face quotidiennement à des demandes de rachat car il pourrait ne pas trouver d'acheteurs pour les actions du fonds. C'est une bonne raison d'avoir des fonds à capital limité. Et en tant que fonds à capital limité, ils devraient être soumis à un mécanisme de gouvernance des sociétés. Il faudrait que quelqu'un surveille le gestionnaire car le fonds serait moins soumis au test du marché.

Le sénateur Austin: Si je comprends bien le fonctionnement des fonds à capital variable, le gestionnaire du fonds est tenu de protéger les souscripteurs du fonds en faisant des placements dans des sociétés de fiducie. Ai-je raison?

M. Schwartz: Pas une société en fiducie. Il faut faire une déclaration de fiducie par le biais de laquelle la société de gestion établit le groupement de fonds. Celui-ci doit donc avoir des fiduciaires.

Dans le rapport de 1969, on demandait s'il ne faudrait pas exiger que les fiduciaires désignés en vertu de l'accord de fiducie soient indépendants. Le comité a répondu que non et a signalé un problème. La Montreal Trust Company, par exemple, qui offrait des fonds communs de placement dans les années 60, ou souhaitait le faire, aurait dû demander à Central Trust, disons, d'être leurs fiduciaires. Le comité a décidé que ce ne serait pas très pratique de demander à la concurrence de servir de fiduciaire pour leurs produits.

Le sénateur Austin: Quelle est la valeur, au jour le jour, de cet accord de fiducie? Les fiduciaires agissent sur les instructions du gestionnaire du fonds. Quel rôle indépendant jouent-ils?

M. Schwartz: Comme je l'ai dit, pour l'instant on ne demande pas d'établir une société de fiducie, seulement d'avoir des fiduciaires.

Le sénateur Austin: C'est exact, et la plupart ont utilisé des sociétés de fiducie à un moment ou un autre.

M. Schwartz: Je ne crois pas, monsieur le sénateur. J'ai l'impression que les fiduciaires sont souvent des employés de la société de gestion mais ceux-ci sont soumis à la déclaration de fiducie. Ils ont un rôle de dépositaire, dans ce sens que les actifs du fonds, ou de plus en plus de nos jours la puce d'ordinateur où sont enregistrés les actifs du fonds, sont détenus dans une banque ou institution financière quelconque.

Ce qui ne figure pas sur ce tableau, c'est le rôle de dépositaire. Il y a une différence entre le fiduciaire et le dépositaire.

Le sénateur Austin: En cas d'acte criminel grave qui diminuerait l'actif des détenteurs d'unités du fonds, quelle serait la responsabilité des fiduciaires?

M. Schwartz: Je ne sais pas. Bien sûr, monsieur le sénateur, c'est le problème.

Le sénateur Austin: Quelle est la politique concernant un fiduciaire?

M. Schwartz: Je suppose que le fonds est constitué en fiducie pour séparer l'actif du fonds de l'actif de la société de gestion, et je suppose que le fiduciaire est là en quelque sorte pour veiller aux intérêts des investisseurs. Je reconnais tout à fait que le fait que les fiduciaires soient des employés de la société de gestion du fonds paraît épouvantable sur papier, mais je peux vous rassurer en vous disant qu'il n'y a absolument jamais eu de crime de ce genre dans toute l'histoire de notre pays. Je ne sais pas jusqu'où vous voulez remonter, mais aussi mauvais que cela puisse paraître sur papier, cela ne semble vraiment pas poser de problème.

Le sénateur Austin: Vous faites référence à l'affaire Hirsch dans votre mémoire, et la presse a fait état d'autres histoires, plus récentes, de gestions de façade.

M. Schwartz: Je pensais moins à ce type d'affaire qu'à cet employé d'Altamira, Frank Mersch.

D'après ce que j'ai lu à propos de Hirsch et Mersch, je pense que si j'étais un investisseur, je trouverais que leur comportement démontre un certain manque d'éthique, un certain manque de compréhension à l'égard des mes intérêts en tant qu'investisseur. Mais ils n'ont rien fait qui diminue les intérêts des souscripteurs du fonds. Mersch est censé avoir menti à une commission des valeurs mobilières, sur un sujet qui n'a absolument aucun rapport. Je n'y vois rien qui ait porté préjudice aux investisseurs. Les gens vont quelque peu délaisser ce fonds, j'en suis certain, car ils estiment que leur administrateur manque d'éthique professionnelle.

Le sénateur Austin: Puis-je supposer que s'ils agissaient entièrement à titre de fiduciaires pour leurs détenteurs d'unités du fonds, ces occasions qu'ils ont mises au nom d'autres personnes -- et ils se sont justifiés en disant que ces autres personnes étaient les propriétaires bénéficiaires réels -- auraient dû bénéficier aux détenteurs du fonds.

M. Schwartz: Je ne sais pas si cela a effectivement été le cas, encore que ce soit possible. Le fait est qu'il court beaucoup de rumeurs dans la communauté. Tous ceux avec qui je parle ont l'air d'être au courant de quelque chose qui s'est mal passé. On insinue beaucoup de choses mais on n'a aucune preuve. Personne n'a encore avancé la preuve que telle ou telle personne avait fait telle ou telle chose à ses investisseurs jusqu'à présent. Pour l'instant il ne s'agit que de spéculation.

Votre comité pourrait se rendre utile au pays en demandant des preuves, en demandant aux gens de consigner ce qu'ils savent et ensuite nous pourrons juger si notre dispositif de gouvernance fonctionne ou non. C'est exactement l'impression que j'ai. Par exemple, Hirsch avait été renvoyée avant même d'avoir commencé. Fidelity l'avait rachetée à AGF -- elle devait gérer le fonds -- mais ses pratiques d'investissement malfaisantes ont été mises au jour avant même l'entrée en vigueur du fonds. Lorsqu'ils s'en sont rendu compte, les gens de Fidelity l'on écartée. Ils savaient qu'ils ne pouvaient se permettre de placer une telle personne à la tête du fonds. Je crois que les gens d'Altamira en sont venus à la même conclusion à propos de Mersch. Même s'il ne s'agit que de suppositions, les gens ont tendance à racheter leurs actions sur un coup de tête. La moindre allusion de mauvaise conduite ou de manquement à l'éthique suffit à décider les gens à quitter le fonds.

L'un des points forts de notre système est qu'il comporte un certain nombre de facteurs qui encouragent à bien se comporter. La société de gestion n'a aucun intérêt à engager des gens qui feront du tort aux investisseurs. Dans une structure à capital limité, oui, parce que la société de gestion s'en moque. C'est aux gens qui travaillent à la bourse de se débarrasser de leurs actions, et c'est cela, bien sûr, qui a été le problème aux États-Unis dans les années 20 et 30.

Le sénateur Oliver: J'aimerais savoir tout d'abord si vous connaissez John Por et si vous êtes au courant de ses ouvrages et de ses travaux sur la gérance des sociétés d'investisseurs institutionnels? Avez-vous pris connaissance de son témoignage devant notre comité?

M. Schwartz: Non, je ne suis pas au courant.

Le sénateur Oliver: Il a établi un rapport entre la qualité de la gérance et la performance du fonds et, à son avis, il y a une forte corrélation entre les deux.

J'aimerais également vous poser quelques questions sur l'activisme des investisseurs institutionnels. Cela ne fait pas partie des sujets que vous avez abordés aujourd'hui, mais les témoins en ont beaucoup parlé et nous allons probablement l'aborder dans notre rapport. J'aimerais que vous me disiez si, à votre avis, l'activisme des investisseurs institutionnels comporte des principes de gouvernance -- je pense aux exemples de CalPERS -- que nous devrions examiner; et, le cas échéant, quels sont-ils et que pensez-vous de la façon dont ces fonds utilisent leurs procurations, et ainsi de suite.

M. Schwartz: Je n'ai pas grande expérience dans ce domaine. Mais j'ai cependant corédigé un mémoire avec le professeur Jeff MacIntosh, de la faculté de droit de l'Université de Toronto, qui a été présenté lors d'une conférence d'Industrie Canada il y a deux ans. Nous avons essayé de prouver qu'il y avait une relation entre le contrôle exercé par les actionnaires, qu'il s'agisse d'investisseurs institutionnels ou non, d'une part, ou d'investisseurs institutionnels ou non, d'autre part, et la performance du fonds. Nous avons trouvé un certain rapport. Je trouverai les références et vous les ferai parvenir avec plaisir.

Le sénateur Oliver: Le professeur MacIntosh est venu témoigner devant notre comité. Il a également rédigé un document de référence et nous sommes au courant de ses travaux et de ses statistiques.

M. Schwartz: Il semble y avoir un rapport. Il n'est pas aussi fort que nous ne l'avions espéré, si vous réunissez les données et faites les études -- et j'estime que c'est ainsi qu'il faudrait faire pour établir notre politique en ce domaine. Il faudrait avoir des raisons pour agir. Les raisons que j'ai trouvées, et je crois que le professeur MacIntosh serait d'accord, pour nous, qui nous considérons comme des enthousiastes dans ce domaine, la recherche pourrait être plus poussée.

Vous m'avez posé une autre question.

Le sénateur Oliver: Ma question portait sur l'activisme des investisseurs institutionnels et sur le rôle actif qu'ils jouent dans la gestion et la direction des sociétés dans lesquelles ils détiennent d'importantes actions.

M. Schwartz: Si vous permettez, sénateur, je n'ai pas vraiment d'opinion sur ce sujet.

Monsieur le président, et membres du comité, j'avais fait remarquer qu'il me semblait que les États-Unis avaient commencé à s'écarter de ce modèle de gérance du style corporatif préconisé par la législation de 1940. Il s'est passé quelque chose aux États-Unis. J'en parle dans mon mémoire, il s'agit du problème de Navellier. Navellier était le gestionnaire de deux fonds de placement aux États-Unis et il a effectué ce que, au Canada, nous considérerions comme des opérations entre entités apparentées. Il avait l'intention de fusionner les deux fonds. Je n'ai pas tous les détails de l'affaire, mais cette opération a amené les administrateurs de l'un des fonds à le renvoyer. Il est très rare qu'un conseil d'administration renvoie son gestionnaire, mais c'est ce qui est arrivé. Il avait le droit de le faire et il pensait que c'était la chose à faire.

Navellier a alors lancé une course aux procurations. Il s'est adressé directement aux investisseurs de son fonds et leur a dit qu'il leur avait fait gagner beaucoup d'argent au cours des années. Et, aussi surprenant que cela puisse paraître, il a gagné la course aux procurations. On se trouvait donc dans une situation où les administrateurs du fonds voulaient se débarrasser de lui alors que les investisseurs voulaient le reprendre. Les administrateurs se sont adressé à la commission des valeurs mobilière des États-Unis et, d'après ce que j'ai pu lire, ont demandé son appui. La commission leur a dit que c'était leur fonds et qu'ils devaient régler le problème eux-mêmes.

C'est une des choses qui ne marche pas aux États-Unis et qui fonctionne au Canada. Si le cas s'était produit dans une province canadienne, je ne pense pas que les instances canadiennes de réglementation des valeurs mobilières auraient beaucoup réfléchi avant de décider si elles devraient intervenir, ce qui dans ce cas était, du moins en apparence, manifestement abusif.

Si nous retenons le modèle américain au Canada et que nous donnons aux conseils d'administration de nos fonds l'autorité d'agir et que les souscripteurs du fonds ne sont pas satisfaits, pourront-ils ensuite s'adresser à la commission des valeurs mobilières pour faire renverser les décisions des administrateurs? Si nous permettons cela, nous introduirons un autre palier de supervision. D'autre part nous avons, au Canada, un régime de réglementation des valeurs mobilières plus activiste qu'aux États-Unis et personne -- pas même la commissaire Stromberg -- n'a dit qu'il faudrait changer cela. Je crois qu'elle apprécie le style interventionniste actuel de la réglementation sur les valeurs mobilières qui protège les investisseurs dans les fonds de placement. Et nous aurions quelques problèmes si nous établissions des conseils d'administration car aux États-Unis ils ont dévolu certains pouvoirs des autorités de réglementation aux conseils et le principal organe de réglementation se désintéresse désormais de certaines de ces questions. Je ne crois pas que cela nous convienne; je prévois des problèmes si nous suivons cette voie.

Si je puis me permettre, j'aimerais faire une autre observation -- mais je dois admettre une certaine gêne ou absence de facilité à l'égard de ces questions car elles sont en fait du domaine politique. La province du Québec, par l'entremise de sa Commission consultative que j'ai mentionnée auparavant, a fait savoir qu'elle n'aimait pas l'idée d'imposer la mise en place de conseils indépendants. Elle privilégie l'établissement de conseils par familles de fonds et ne pense même pas que ceux-ci devraient être indépendants. Je me demande ce qu'il adviendrait si la commission de l'Ontario décidait d'adopter quelque chose qui serait dans la ligne de ce que demande la commissaire Stromberg -- et si l'Alberta et la Colombie-Britannique faisaient pareil. Vous imaginez ce qui pourrait se passer. Il faudrait envisager le scénario selon lequel un fonds commun de placement basé au Québec, qui ne serait pas soumis à ces règles onéreuses, souhaiterait distribuer ses actions dans tout le pays. S'il s'adressait à la Commission ontarienne des valeurs mobilières, celle-ci lui répondrait que le fonds québécois ne satisfait pas aux exigences en matière de gouvernance. Le fonds québécois, ou sa société de gestion, demanderait alors à la Commission de lui accorder une exemption en vertu des règles sur la gouvernance des fonds, afin de pouvoir être distribué en Ontario.

Dans un tel scénario, les commissaires auront une lourde responsabilité. S'ils accordent l'exemption au fonds québécois, tous les autres fonds qui auront fait l'effort de respecter les règles seront, disons simplement, très contrariés. On les entendra crier et dénoncer le fait que tous les autres fonds auront engagé les dépenses nécessaires, et elles sont importantes, pour se soumettre aux exigences, alors qu'un fonds qui n'aura pas pris la peine de le faire aura obtenu une exemption.

Par contre -- et il est difficile pour moi d'en parler -- si la Commission refuse l'exemption à un fonds basé au Québec, on dira d'elle dans certains milieux qu'elle a rallongé la liste, que certains comptabilisent, de tout ce qui ne fonctionne pas au Canada. Certains diront qu'encore une fois, le reste du Canada veut imposer sa façon de faire aux Québécois.

Il s'agit d'une situation incroyablement difficile. Je ne crois pas qu'elle devrait se produire. Je ne vois pas comment éviter la chose si nous prenons cette voie et, en fin de compte, si je n'ai réussi à convaincre personne de ne pas s'engager dans cette voie pour des raisons de fonds, je crois que les conséquences politiques en sont très claires. Je ne voudrais pas donner aux gens l'occasion de dire, même à propos d'un sujet relativement mineur, qu'une fois de plus, le reste du Canada nous impose sa façon de faire les choses.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Schwartz.

La séance est levée.


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