Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 26 - Témoignages pour la séance de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 28 septembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 14 h 05, pour examiner la situation du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous entamons notre deuxième séance aujourd'hui avec le président et le vice-président du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien ainsi qu'avec les membres de leur personnel. Ce matin, nous avons discuté de la partie du rapport qui traite de la structure de l'industrie, de la structure du marché et de la concurrence et la compétitivité. Cet après-midi, nous aborderons le contexte ou le cadre de réglementation et nous discuterons de ce que devraient être les mandats des diverses agences et de ce que devraient être les relations entre elles. Puis, nous aborderons la question des responsabilités des institutions financières en tant que sociétés, ou, comme on dit parfois, de leurs responsabilités sociales; si leurs responsabilités diffèrent de celles d'autres sociétés, nous essaierons de savoir pourquoi et nous tenterons de déterminer comment elles en diffèrent et ce qu'on pourrait faire pour veiller à ce que les institutions se comportent de façon responsable.
Nous avons demandé à M. MacKay de commencer par nous faire quelques observations sur ces sujets.
Vous avez la parole.
M. Harold MacKay, président, Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien: Dans l'introduction au chapitre 9, où nous examinons le cadre réglementaire et les éléments qui le composent et où nous tentons de déterminer quelles modifications pourraient être avantageuses, nous abordons plusieurs questions. Dans certains cas nous faisons des recommandations; dans d'autres, comme c'est bien évident dans le rapport, nous préférons ne pas faire de recommandations et nous rejetons même certaines propositions qui nous ont été faites.
Nous avons fait un examen approfondi du rôle et de la structure du BSIF. Nous avons conclu que le Canada avait bien fait d'intégrer les activités bancaires et les activités d'assurance il y a dix ans; à certains égards, nous avons pris une longueur d'avance, car d'autres pays nous emboîtent maintenant le pas en réponse à la convergence des diverses composantes du secteur.
En ce qui a trait à la structure et au mandat du BSIF, nous avons essentiellement deux ensembles de propositions. Tout d'abord, nous estimons qu'il faudrait modifier le mandat du BSIF.
Le président: Pour plus de précision, il convient de signaler que le BSIF, c'est le Bureau du surintendant des institutions fédérales, l'organisme qui réglemente toutes les institutions financières soumises à la réglementation fédérale, qu'il s'agisse de banques, de sociétés de fiducie ou de compagnies d'assurances.
M. MacKay: Nous proposons que le mandat, qui a été ajouté à la loi il y a de cela quelques années seulement, soit examiné afin de s'assurer qu'il reflète bien les responsabilités que nous aimerions confier au BSIF à l'avenir. Une de ces responsabilités consiste à assurer l'équilibre entre la concurrence et l'innovation, d'une part, et la solidité et la fiabilité, d'autre part, comme nous l'avons dit ce matin. Il y aurait lieu toutefois de confirmer par une déclaration quelconque le rôle du BSIF en ce qui a trait à l'application de la législation fédérale en matière de protection des consommateurs. Le Bureau joue déjà ce rôle, mais la loi ne lui confère pas le mandat de ce faire. Nous trouvons qu'il faudrait préciser la situation.
Enfin, le BSIF a à l'heure actuelle le mandat de protéger les déposants, les souscripteurs et les créanciers; cette mention qui est faite dans le mandat semble porter à confusion. Nous ne voyons pas pourquoi un organisme de réglementation devrait protéger les créanciers qui ne seraient ni des déposants ni des souscripteurs.
Nous recommandons donc que ces trois modifications soient apportées au mandat du BSIF afin de mieux préciser quel est son rôle. Nous recommandons aussi -- et il s'agit là d'une recommandation importante -- que le BSIF soit doté d'un conseil d'administration. Ce conseil fonctionnerait à peu près de la même façon que celui de la Banque du Canada: il approuverait les grandes stratégies et politiques, il évaluerait la mise en application des plans stratégiques et il aurait un rôle important à l'égard des politiques concernant les ressources humaines. Pour ce qui est toutefois des décisions opérationnelles, il interviendrait seulement après coup pour examiner les décisions qui auraient été prises. Les responsabilités du surintendant et du ministre ne changeraient pas, mais la présence du conseil assurerait un important droit de regard stratégique ainsi qu'un pouvoir avaliseur.
Voici ce que nous proposons pour le BSIF. Nous avons examiné l'opportunité d'une fusion du BSIF avec la SADC, et nous avons décidé de ne pas faire de recommandation en ce sens.
Dans l'ensemble, nous avons étudié les questions relatives à la régie des institutions financières de façon périphérique seulement. Nous avons fait savoir que nous apprécions tout le travail qui a été accompli pour améliorer la régie des institutions financières et que nous reconnaissons l'importance de ce travail dans le contexte actuel. Une bonne régie nous assurera des institutions financières solides et fiables. Nous avons proposé qu'on examine de façon plus approfondie la possibilité de séparer la fonction de président, qui n'aurait aucun rôle de direction, et celle de directeur général. Nous n'avons toutefois pas fait de cette proposition une recommandation ferme, puisque la question n'a été abordée que tard dans nos délibérations et que nous n'avions pas eu l'occasion d'en discuter de façon assez complète avec les divers intervenants que nous avions rencontrés pour que nous nous sentions à l'aise d'en faire une recommandation ferme. Nous estimons cependant que c'est sans doute là la voie à suivre.
Nous nous sommes penchés sur des questions relatives à la gestion du système de paiements. Nous reconnaissons que l'Association canadienne des paiements est un organisme clé du système de services financiers canadien et qu'il sera important, avec le passage du temps, de veiller à ce que l'association défende l'intérêt public.
À l'heure actuelle, le gouverneur en conseil est habilité à approuver les statuts et règlements.
Nous proposons que cette responsabilité incombe plutôt au ministre et que le ministre ait le pouvoir d'examiner et de révoquer les changements apportés aux règles ainsi que les règlements administratifs, car nous ne savons pas toujours ce qui fera l'objet d'une règle et ce qui fera l'objet d'un règlement administratif. De plus, la règle ou le règlement en question pourrait aller à l'encontre de l'intérêt public et avoir pour effet de créer des situations de monopole ou de nuire à la concurrence. Nous proposons aussi que des directives puissent être données à l'association pour le cas où l'intérêt public l'exigerait sur le plan de la concurrence et de la compétitivité. Nous proposons que l'évolution du système de paiements soit évaluée périodiquement par un comité dont les membres représenteraient divers intérêts, et ce, afin d'assurer une plus grande participation de la part du public.
Nous avons accordé beaucoup d'attention à la rationalisation des pratiques réglementaires. Nous formulons un certain nombre de recommandations visant à éliminer les chevauchements entre divers paliers de gouvernement. Nous estimons, entre autres, qu'il serait dans l'intérêt du pays que les provinces délèguent autant que possible au BSIF la réglementation de la solvabilité. Cela se fait déjà dans certains cas. Ainsi, le Manitoba confie au BSIF le soin de vérifier la solvabilité de ses sociétés de fiducie.
Nous recommandons que les institutions financières réglementées au niveau fédéral ou provincial soient soumises à des normes communes de fonds propres et qu'on crée une base de données électroniques centrale afin qu'il ne soit plus nécessaire, comme à l'heure actuelle, de produire des rapports à divers endroits. Le BSIF jouerait un rôle de chef de file à cet égard.
Nous proposons, en conformité avec de saines pratiques commerciales, que tout chevauchement des fonctions de surveillance du BSIF et de la SADC soit éliminé en rendant le BSIF seul responsable de la surveillance au niveau fédéral.
Enfin, nous avons repris un certain nombre de recommandations que le BSIF avait lui-même faites en vue de rationaliser les processus d'approbation.
Dans ce chapitre, nous recommandons aussi l'intégration de la SADC et de ComCorp. Nous faisons cette proposition à la lumière du contexte actuel qui évolue très rapidement. Le système de paiements est maintenant réglementé et protégé de façon différente depuis qu'on a commencé à mettre sur pied certains mécanismes à la Banque du Canada, notamment le système de transfert des paiements de grande valeur et le processus de cautionnement. Nous croyons que la raison d'être de l'assurance-dépôt n'est plus d'empêcher le système de s'effondrer mais plutôt de protéger en priorité les petits déposants.
L'évolution du marché témoigne aussi d'autres facteurs qui, selon nous, militent en faveur de l'intégration. Les banques et les compagnies d'assurances offrent de plus en plus les mêmes produits. Ainsi, une fois que le système de paiements sera élargi, les compagnies d'assurances, qui détiennent pour des milliards dollars de produits assimilables à des dépôts, se trouveront désavantagées sur le plan de la compétitivité si leurs produits n'ont pas droit à un traitement semblable ou égal à celui dont bénéficient les produits offerts par les banques. Nous proposons deux modèles différents d'intégration, la société d'État et la société commerciale, l'un et l'autre modèle permettant d'assurer l'égalité des chances et une concurrence à armes égales et d'aider les consommateurs à s'y retrouver, autant d'objectifs que nous considérons comme importants.
Enfin, dans ce chapitre, nous étudions les services financiers offerts au Canada à partir de l'étranger. Nous n'avons pas formulé de recommandations sur la question générale du commerce électronique qui ne connaît pas de frontières, et nous ne nous sommes pas prononcés sur la position que devrait adopter le Canada dans ce domaine. La majorité des pays ont adopté une attitude attentiste dans le but d'en arriver à définir les règlements nationaux et internationaux qui s'imposeront.
Cependant, nous avons proposé un mécanisme qui permettra aux compagnies qui veulent, à partir de l'étranger, prêter de l'argent au Canada -- non pas solliciter des fonds sous forme de dépôts -- d'être accréditées à cette fin, sans être réglementées au Canada, d'abord qui conviennent de se conformer aux règles canadiennes de protection des consommateurs et, en cas de différend, de se soumettre à la compétence des tribunaux canadiens. Ainsi, si un fournisseur étranger veut prêter de l'argent au Canada, il devrait exister un mécanisme qui permette de le faire. Ce n'est pas actuellement le cas, ce qui explique la confusion qui a entouré l'affaire Wells Fargo lorsque cette entreprise a tenté d'offrir des services financiers au Canada.
C'était là un bref aperçu, monsieur le président, du chapitre 9. Je ne sais pas si vous voulez que je m'arrête maintenant ou que je vous donne un aperçu, encore plus bref, du chapitre 8.
Le président: Vous pourriez peut-être nous parler du chapitre sur la responsabilité sociale des entreprises, puis nous pourrons passer aux questions.
M. MacKay: Je crois qu'il me faudra encore moins de temps pour vous résumer la chapitre 8 parce que lors de la période des questions ce matin, nous avons en fait abordé le contexte des recommandations qui ont été formulées au chapitre 8.
Nous nous sommes demandé sérieusement si les attentes élevées des Canadiens à l'égard des institutions financières, tout particulièrement des banques, étaient justifiées. Pour les raisons que nous avons abordées ce matin avec plusieurs sénateurs, nous avons conclu qu'elles l'étaient. Ces attentes existent et elles sont justifiées.
Nous avons cerné deux grands types d'attentes. D'abord, on veut que les banques réussissent dans le domaine des affaires. Cependant il s'agit justement là d'activités commerciales et professionnelles, il ne s'agit pas d'un rôle social. On s'attend à ce que ces activités commerciales se déroulent et qu'elles soient efficaces. Nous avons discuté de trois grands types d'activités: le financement des petites et moyennes entreprises; le financement des nouvelles entreprises axées sur le savoir, secteur en pleine expansion, et, enfin, les besoins de financement des entreprises autochtones. En fait, il y a quelques paragraphes sur ces entreprises. À notre avis, il s'agit là d'attentes liées aux besoins de nature commerciale plutôt que sociale.
Pour ce qui est des attentes en matière sociale, nous avons étudié l'accès aux services bancaires de base pour les Canadiens à faible revenu, ainsi que l'accès aux services en succursale. On a déjà parlé de nos recommandations. Nous avons abordé également la question des moyens à prendre pour mettre en place des partenariats plus féconds, pour améliorer l'accès au microcrédit et pour encourager les partenariats entre le secteur bénévole et les institutions financières. Enfin, nous avons étudié la création d'un modèle canadien de responsabilisation des institutions financières envers les collectivités; ainsi, on présenterait des données commerciales détaillées avec une ventilation régionale et sectorielle; de plus, cela permettrait d'assurer un dialogue permanent entre les institutions et les collectivités au chapitre des services communautaires, de la transparence et de la documentation, de la philanthropie et d'autres questions touchant les collectivités.
En fait ces propositions ne devraient pas viser seulement les banques mais également toutes les compagnies de fiducie et d'assurance-vie sous réglementation fédérale, parce que nous croyons que puisque tous les secteurs semblent se recouper de plus en plus, il ne faudrait pas que les banques aient des responsabilités plus importantes que les autres institutions qui, sans porter le même nom, offrent les mêmes services.
Je ne suis pas encore passé, monsieur le président, aux détails de nos recommandations à cet égard. Je me contenterai d'en mentionner deux.
Pour ce qui est des petites entreprises et des industries axées sur le savoir, nous avons recommandé la création d'un programme complet de recueil de données; nous l'avons fait parce que nous avons constaté, à notre surprise, qu'il n'existait pas de données adéquates sur les problèmes auxquels sont confrontées les petites entreprises au Canada. Je me souviens quand je faisais partie du conseil d'administration de la Banque fédérale de développement, je pensais que pratiquement toutes les questions touchant les petites entreprises avaient été étudiées, révisées et étudiées à nouveau.
Nous avons constaté qu'il n'y avait pas d'études détaillées ou de bases de données crédibles au Canada sur les besoins des petites entreprises en matière de financement. Certains ont étudié l'accès des petites entreprises au financement, mais il n'y a rien de vraiment détaillé et les données ne sont pas regroupées. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les banques ne détiennent qu'environ 50 p. 100 du marché et elles ne produisent de données pertinentes que depuis deux ou trois ans. Il est évident que la base de données actuelle ne permet pas vraiment d'assurer de bonnes politiques publiques.
Nous avons donc recommandé de constituer une base de données. Le gouvernement devrait de plus, à l'interne, constituer un groupe sur le financement des petites entreprises au sein d'Industrie Canada. Les données devraient être analysées et rendues publiques. Cette initiative est semblable à celles qui ont été entreprises au cours des derniers mois et des dernières années aux États-Unis et au Royaume-Uni; en fait, l'absence de données pertinentes a poussé la Federal Reserve aux États-Unis et la Bank of England en Angleterre à se tourner plus sérieusement vers le secteur afin d'obtenir des données plus fiables pour les responsables de la politique publique. Il s'agit là d'une recommandation importante; cela n'a rien à voir avec la technocratie et c'est une recommandation qui est certainement très utile et nécessaire.
Pour ce qui est de l'accès aux comptes en banque, nous croyons qu'on a déjà accompli beaucoup. L'entente conclut entre le gouvernement et les banques est un premier pas visant à assurer que les Canadiens à faible revenu auront accès à des comptes en banque. Cependant, nous ne savons toujours pas si cette entente, informelle, permettra d'atteindre les objectifs visés. Il est difficile de changer la culture d'une organisation aussi importante que le secteur financier. Les tests que nous avons effectués pour déterminer l'efficacité de cette entente démontrent que la partie est loin d'être gagnée.
Nous avons fait notre propre test; nous avons demandé à un recherchiste du groupe de travail de se rendre dans le quartier Jane et Finch à Toronto pour ouvrir un compte de banque; cette personne disposait des pièces d'identité nécessaires et avait un chèque émis par le gouvernement. Elle a réussi à ouvrir un compte dans trois des institutions financières auxquelles elle s'est adressée. Les quatre autres ont refusé sa demande, même si elle répondait à tous les critères de l'entente entre le gouvernement et l'Association des banquiers canadiens.
Le sénateur Oliver: A-t-on justifié le refus?
M. MacKay: On a donné toutes sortes de raisons, et même dans une institution on a dit que ce jeune homme n'avait pas de téléphone.
Nous proposons que le gouvernement cherche à fournir, comme on le fait ailleurs, des preuves d'identité à faible coût à ceux qui ne peuvent pas se procurer de preuves d'identité ailleurs. Deuxièmement, il devrait y avoir un compte de banque de base, assorti d'un accès électronique. Nous nous sommes demandé s'il fallait forcer les banques à offrir de tels services. Nous avons décidé de laisser les banques participer à ce programme si elles le désirent.
Nous avons constaté que la majorité des banques canadiennes offrent un compte en banque de base, beaucoup plus simple et beaucoup plus économique que ceux qui sont offerts dans l'État de New York où la loi oblige les banques à offrir un tel service. Nous croyons que les banques canadiennes peuvent offrir un compte bien simple, sauf que personne ne sait qu'il existe. Nous voulons donc que toutes les succursales affichent dans les locaux pertinents des renseignements sur l'existence de ces comptes, tout particulièrement dans les quartiers où ce besoin est évident. Nous proposons également que les banques cherchent à uniformiser ce produit.
Nous voulons qu'on utilise plus fréquemment les dépôts directs et les conventions d'indemnisation, ce qui évitera de devoir bloquer des chèques du gouvernement; nous voulons également une accélération des programmes de formation et une surveillance plus étroite de la situation des gens qui ne sont pas «bancables» ou qui n'utilisent pas les banques pour voir si nous faisons des progrès dans ce domaine.
Nous avons dit également que si on ne réussissait pas à faire des progrès, si un nombre important de Canadiens continuent à ne pas avoir accès à des services bancaires de base en dépit de l'entente, nous devrions légiférer dans ce domaine pour rendre l'entente plus efficace. Mais auparavant, il faut tenter la démarche volontaire.
Le sénateur Austin: Monsieur MacKay, je considère que votre rapport est holistique, car une question conduit à une autre, puis à une troisième, et cela forme un cercle. Si je précise cela, c'est pour m'excuser si mes questions semblent tourner en rond.
Les passages de votre rapport qui traitent de la régie me causent une certaine inquiétude. C'est un sujet qui figure dans notre programme actuel et nous voudrions que le responsable canadien de la réglementation ajoute à la liste des fonctions de surveillance un élément de concurrence. Vous avez parlé de l'organisme qu'on tente actuellement de créer au Royaume-Uni, qui s'appellera le «FSA». Les débats à la Chambre des communes britannique sont tout à fait passionnants. Quoi qu'il en soit, les notions de sécurité et de solvabilité vont de pair avec la question de la concurrence. Dans ce document, vous demandez au responsable de la réglementation d'abandonner les tests relativement objectifs de la sécurité et de la solvabilité en faveur de tests beaucoup plus subjectifs, comme l'évaluation des compétences d'entreprises et une évaluation générale de l'environnement concurrentiel. À ce titre, on poserait des questions comme: «Y a-t-il suffisamment de concurrence? Quelle est la structure des prix? Est-ce que telle région est suffisamment bien servie? Serait-il possible d'établir des politiques qui font une différence entre, par exemple, l'évaluation de l'environnement concurrentiel en Colombie-Britannique et l'environnement concurrentiel en Nouvelle-Écosse? Vous introduisez une série de questions qui sont tellement subjectives qu'on peut se demander si la notion de risque systémique n'est pas menacée. En ce qui concerne la régie, l'idée qu'une, deux ou trois institutions puissent faire faillite fait partie de l'environnement concurrentiel, fait forcément partie des risques qu'on doit prendre dans toute entreprise. Toutefois, je m'inquiète quand je vois qu'une ou deux institutions pourraient influencer indûment la communauté financière internationale en ce qui concerne la sécurité du système canadien.
Est-ce que nous voulons par notre politique publique encourager l'activité d'entreprise en même temps que sur le plan du risque systémique nous risquons d'être mal compris? Que pensez-vous de ces préoccupations?
M. MacKay: En formulant ces recommandations, nous avons essayé d'expliquer clairement que le BSIF resterait, d'abord et avant tout, un responsable prudent de la réglementation, axant son action sur la sécurité et la solvabilité. À la page 205 de notre rapport, nous essayons d'expliquer que nous ne voulons pas nous écarter de cette position. D'ailleurs, cette notion, conduite à l'extrême, signifierait certainement: «N'acceptez pas de nouveaux participants, conservez-nous le même petit groupe confortable et solvable car un problème qu'on connaît est préférable à un problème qu'on ne connaît pas.»
Nous avons essayé d'expliquer qu'on devrait permettre à de nouveaux joueurs, à de nouveaux produits, d'entrer dans l'équation. Cela ne dispenserait pas de passer un test de qualifications et de compétences, il faudrait tout de même prouver sa sécurité et sa solvabilité, mais par exemple, dans un secteur où les besoins en capitaux sont restreints, parfois même négligeables, le BSIF devrait pouvoir examiner chaque proposition individuellement et ne pas être forcé de respecter un chiffre fixe de 10 millions de dollars.
Il est peu probable que la faillite éventuelle de petites institutions présente un risque systémique pour le système canadien. Quand on parle de la nécessité pour le BSIF de faciliter la concurrence au lieu de l'étouffer, il est peu probable que de nouvelles institutions de 5 milliards de dollars et plus arrivent sur le marché et entraînent la nation avec elle dans leur chute.
Nous ne pensons pas avoir atteint un tel déséquilibre. Nous avons essayé d'expliquer que nous n'étions pas là pour promouvoir la concurrence, mais qu'en facilitant la concurrence, en reconnaissant que c'est un élément essentiel de l'environnement, on ne peut que mettre en valeur la réglementation. Nous recherchons tous un meilleur équilibre, et personne n'a intérêt à trop faire pencher la balance.
Le sénateur Austin: Je suis très heureux de vous l'entendre dire devant ce comité. Merci.
Je passe maintenant à la question de la régie des institutions qui sont trop-grosses-pour-faire-faillite. D'après le groupe de travail, y a-t-il de telles institutions à l'heure actuelle au Canada.
M. MacKay: C'est un sujet dont le groupe de travail n'a pas parlé, et par conséquent, nous n'avons pas d'opinion à vous soumettre. Nous avons effectivement de très grosses institutions qui pourraient agiter quelque peu les eaux de la mare -- on peut même parler d'une grosse vague -- si l'une d'entre elles faisait faillite. Quant à savoir si la doctrine «trop-grosse-pour- faire-faillite» peut être invoquée, c'est une autre affaire.
Le sénateur Austin: On pense généralement que si l'une de nos cinq grosses banques devait faire faillite, ce ne serait pas une simple vague, mais plutôt un tsunami, et cela toucherait les contribuables très directement.
Si nos quatre banques et le marché de détail qu'elles occupent sont réduites à deux, le risque systémique serait plus important, du moins en théorie.
Je ne vous pose pas de questions sur la fusion, je vais maintenant passer à autre chose.
Est-ce que votre comité a étudié ce qui se passerait sur le plan de la concurrence si on réduisait le nombre des joueurs qui achètent des bons du Trésor?
Par exemple, dans le Financial Post du 24 septembre 1998, j'ai lu un article très intéressant. D'après l'auteur, de nouvelles règles sur le contrôle des bons du Trésor et des obligations du Canada qui doivent entrer en vigueur avant la fin de septembre vont faire baisser le pourcentage de bons du Trésor achetables par une seule personne de 33,3 p. 100 à 25 p. 100, limitant ainsi la marge de manoeuvre des acheteurs et l'exode de ce service vers des centres financiers étrangers.
M. MacKay: Sénateur, nous ne nous sommes pas penchés sur les marchés concurrentiels pour des produits particuliers. Nous avons considéré que plus il y avait de protagonistes sur le marché, plus la concurrence était efficace pour tous les produits. Toutefois, à l'exception de la généralisation évidente qui a été faite ce matin, nous n'avons pas examiné ce cas particulier.
Le sénateur Austin: Je crois comprendre que la question des fusions proposées par les quatre banques sera examinée dans le cadre d'un autre exercice que celui auquel vous vous êtes livré, et peut-être même pas dans le cadre de nos travaux.
Enfin, j'ai une question à vous poser au sujet des fonds de couverture et de la mesure dans laquelle le Canada est concerné. Est-ce que votre groupe de travail s'est penché sur cette question?
M. MacKay: Non.
Le sénateur Austin: Vous n'avez donc aucune idée de la mesure dans laquelle les banques canadiennes participent au système international des fonds de couverture?
M. MacKay: Non.
Le président: Je reviens sur la dernière question du sénateur Austin et, soit dit en passant, je rappelle aux sénateurs que le gouverneur de la Banque du Canada doit nous rendre visite le 19 octobre. En attendant, les principaux dirigeants de toutes les grandes institutions financières, banques et compagnies d'assurances, doivent comparaître devant nous. J'imagine que la Banque du Canada nous fera parvenir de la documentation et que les institutions nous fourniront chacune des détails plus précis.
Le sénateur Angus: Monsieur MacKay, je reviens aux questions qui ont été posées ce matin. Je vous disais que c'était un privilège d'appartenir au secteur des services financiers au Canada et j'ajoutais que c'était un système assez considérable. D'après ce que vous avez répondu, j'ai l'impression que vous considérez plutôt les banques comme des entreprises de détail et les consommateurs comme des déposants et que vous ne leur apposez l'étiquette de marché financier ou de consommateur de ces produits très élaborés que les banques offrent aujourd'hui sur les marchés mondiaux de capital, comme les instruments dérivés et ce genre de choses. Est-ce que je me trompe?
M. MacKay: Dans l'ensemble de notre rapport, lorsque nous parlons de «consommateur», c'est l'équivalent de «client», ce qui comprend les grosses entreprises commerciales et également les petites entreprises commerciales.
Nous avons conclu que dans l'ensemble les grosses entreprises commerciales étaient très bien servies par notre système, et lorsqu'elles ne le sont pas, elles n'ont aucun mal à s'adresser à des fournisseurs internationaux de services financiers multiples. C'est un marché très robuste et très concurrentiel.
Au chapitre 8, nous parlons des attentes des Canadiens et du comportement des sociétés. Dans ce chapitre-là, nous ne mettons pas l'accent sur les grosses entreprises. Tout au long du rapport, nous donnons beaucoup d'importance à la compétitivité du marché, à la nécessité d'introduire de nouveaux protagonistes, etc. Après examen, nous avons constaté que les attentes des Canadiens portaient surtout sur les petites et moyennes entreprises et non pas sur les grosses entreprises.
Le sénateur Angus: En préparation de l'étude de votre rapport, notre comité a effectué une étude comparative, et très vite nous nous sommes aperçus que le système bancaire canadien avait des caractéristiques uniques, en particulier dans le contexte de notre géographie et de notre réalité démographique.
On risque toujours de comparer des pommes et des oranges, et parfois nous voyons des choses que nous aimerions bien voir dans le système canadien, mais il ne faut jamais oublier que notre secteur secondaire du détail n'est pas très important. J'imagine que c'est une des raisons pour lesquelles vous encouragez la venue de nouveaux intervenants.
Je sais bien que vous proposez plusieurs méthodes pour rendre le système plus attrayant, mais ce matin nous avons convenu tous deux que ce genre de choses était toujours tributaire de l'initiative individuelle, du leadership et de l'élément humain.
Je me demande dans quelle mesure c'est réaliste, dans quelle mesure on peut espérer les changements que vous voudriez voir sans pour autant changer notre système de façon radicale.
M. MacKay: J'ai deux choses à vous répondre. Premièrement, nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il n'existe pas de modèle que nous pourrions adopter tel quel. Dans le monde des services financiers, nous considérons que chaque pays est unique. Chaque pays est le produit de sa propre histoire, de sa géographie, de sa réalité démographique et de ses traditions socio-économiques, etc. Et la position du Canada dans chacun de ces domaines est certainement unique.
Toutefois, cela ne devrait pas nous empêcher d'avoir un marché concurrentiel. Lorsque certaines personnes semblent vouloir participer au système mais se heurtent à des barrières illogiques, nous devrions supprimer ces barrières. Évidemment, nous devons continuer à préserver la sécurité et la solvabilité du marché, mais nous devons encourager la concurrence là où nous le pouvons.
On a parlé, en particulier, d'étendre les pouvoirs du mouvement des coopératives de crédit. À mon avis, c'est un élément crucial. Comme vous le savez probablement, il y a des régions où le mouvement des coopératives de crédit est plus important que le marché des dépôts de n'importe quelle banque. Dans d'autres régions ce phénomène n'existe pas, ce qui n'est pas une raison pour empêcher les coopératives de crédit de devenir des fournisseurs de services financiers à part entière dans toutes les régions. En effet, c'est ce qu'elles voudraient.
Ainsi, nous n'avons peut-être pas les institutions de second palier que nous aimerions avoir, mais nous ne désespérons pas d'en créer de nouvelles, en commençant par le mouvement des coopératives de crédit.
Le sénateur Angus: Voilà qui est intéressant. Dans l'hypothèse où on réussirait à encourager de nouveaux joueurs dans le secteur bancaire de détail, est-ce qu'on ne devrait pas en même temps les forcer, c'est-à-dire forcer les cinq principales banques à charte qui sont les grands protagonistes à l'heure actuelle, à être actives dans le secteur du détail si elles veulent se livrer à d'autres activités où elles se mesurent à des rivaux du monde entier? Il y a deux côtés à la médaille.
M. MacKay: Viendra peut-être un jour où il sera facile de faire ce genre de déclaration au Canada, mais je pense que pour l'instant, la plupart des Canadiens considèrent que ce n'est pas facile à dire.
Le sénateur Angus: C'est la situation à l'heure actuelle, selon vous?
M. MacKay: Je pense la même chose que la plupart des Canadiens.
Je tiens à faire un commentaire au sujet de la capacité de notre secteur de services financiers canadien d'assurer la relève. La réussite de Newcourt Credit Group, une entreprise canadienne de création récente, illustre bien ce qui peut être fait dans le secteur non réglementé. Il s'agit de ce secteur que nous appelons aujourd'hui, dans le sens général du terme, le secteur du détail. Cette entreprise est un prestataire de services important auprès de la petite et moyenne entreprise.
Je crois pour ma part à l'esprit d'entreprise canadien. Il existe bel et bien, à condition que l'on supprime certains obstacles.
M. Pierre Y. Ducros, vice-président, Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien: Nous travaillons ensemble depuis maintenant 20 mois. J'aimerais parler du mouvement des coopératives de crédit, les caisses populaires, qui détiennent 40 p. 100 du marché du détail. Elles sont suivies par la Banque Nationale, qui en détient 16 p. 100. Les grandes banques canadiennes, avec ou sans fusion, se partagent le reste du marché. On constate donc une nette prépondérance de ces deux sociétés financières. Je pense qu'il en va de même en Saskatchewan, où le mouvement des coopératives de crédit est très dynamique. Voilà un type d'institution financière qui pourrait jouer un rôle important au deuxième palier.
Je ne crois pas que les banques étrangères vont s'établir ici en bâtissant un réseau de succursales. Elles vont plutôt s'établir par des moyens technologiques en misant sur des produits bien précis et en s'efforçant d'écrémer les clientèles les plus rentables. C'est ainsi qu'elles vont devenir des concurrents importants au Canada.
Le sénateur Meighen: Pour ce qui est des caisses populaires au Québec, dans bien des localités, la caisse Desjardins est le seul établissement financier. Or, il a été proposé ce matin qu'on envisage la possibilité d'exiger des banques qu'elles donnent un avis de trois ou quatre mois de leur intention de fermer une succursale. La même proposition doit-elle s'appliquer aux caisses, selon vous?
M. Ducros: Votre comité devrait peut-être étudier les localités où le seul établissement financier est une caisse populaire pour déterminer si l'écart entre les coûts d'emprunt et de prêt est plus élevé qu'ailleurs ou s'il est comparable à celui qui existerait en situation de concurrence. On devrait peut-être se pencher sur cet aspect, étant donné que l'absence de concurrence n'est pas du tout à l'avantage du consommateur.
Le sénateur Meighen: Il y a des cas où le service peut-être inexistant, mais un service coûteux est mieux qu'un service inexistant.
M. Ducros: Nous ne nous sommes pas penchés précisément sur le secteur provincial puisque nous ne souhaitons pas aborder un aspect qui relève de la compétence provinciale. Nous avons recommandé qu'une telle exigence soit appliquée dans la réglementation fédérale et nous invitons les gouvernements provinciaux à envisager d'en faire autant, de manière à ce que les règles soient les mêmes pour tous. Je vous renvoie à cet égard à la page 192.
Le sénateur Meighen: Je prends bonne note de votre proposition d'étudier les écarts et leurs incidences dans les localités où un seul prestataire de services financiers est établi. J'imagine que vous connaissez les réponses, mais il nous faudra une étude pour le savoir.
Le sénateur Kelleher: Étant donné que nous parlons des institutions financières qui interviennent au deuxième palier et que nous englobons vraisemblablement les coopératives de crédit dans ce deuxième palier, permettez-moi de signaler que, lorsque notre comité s'est rendu à Washington et à New York, il a beaucoup été question du système des banques communautaires qui existe là-bas. Nous avons pu voir comment fonctionnait ce type de banques et à quel point il leur était facile de démarrer avec un capital minime. Elles sont visées par un régime d'imposition et un régime de déclaration distincts. À New York, les représentants de la U.S. Federal Reserve Board nous ont expliqué comment ils avaient pu damer le pion aux grandes banques. Ces dernières se sont vues accorder l'occasion d'exercer des activités dans les divers États où elles estimaient être en bonne posture pour s'accaparer du marché. Or, il s'est avéré qu'elles ne l'étaient pas autant qu'elles ne le pensaient, puisque les petites banques communautaires ont su leur résister en se tirant fort bien d'affaire.
Notre comité a été impressionné par un régime bancaire comme celui-là, qui permet la création de petites banques locales. Nous n'en parlons pas beaucoup cependant. Ce terme -- je ne l'ai pas trouvé dans votre rapport, du moins -- ne semble pas être utilisé. Comment expliquez-vous cela? Avez-vous réfléchi à la question des banques communautaires?
M. MacKay: Dans nos discussions, nous n'avons pas utilisé l'expression «banque communautaire». Nous avons parlé de nouvelles banques qui seraient créées du fait que certaines d'entre elles seraient des banques locales. Ce à quoi nous pensons, c'est à des banques communautaires locales issues des collectivités canadiennes.
Le sénateur Kelleher: Une version adaptée au Canada?
M. MacKay: Oui, sans le nom, peut-être. Nous avons également pensé à des banques coopératives, qui sont un peu différentes car elles sont liées directement au mouvement de coopératives de crédit. Nous croyons que des banques communautaires privées non coopératives seraient une solution naturelle à l'élimination de la règle des 10 p. 100 applicable aux petits établissements.
J'ai vu la réaction des agriculteurs dans ma propre province; je les ai vus investir des fonds dans la création de terminaux céréaliers en réaction au fait qu'il n'y aurait pas de concurrence dans le secteur des services céréaliers. Étonnamment, et d'une façon que j'aurais cru impossible à une certaine époque, un certain nombre d'agriculteurs et d'autres gens d'affaires se sont réunis pour mettre sur pied une entreprise communautaire importante de stockage des grains. Il en sera de même à mon avis dans les services financiers; rien n'empêche que cela se fasse également.
Le sénateur Kelleher: J'ai beaucoup aimé l'idée des services bancaires communautaires. Il semble que cette idée vous tienne également à coeur.
M. MacKay: Oui.
Le sénateur Kelleher: Je suis toutefois un peu déçu que vous n'ayez pas insisté davantage sur cette idée. Vous l'avez à peine abordée. Je connais bien les gouvernements, et lorsque l'on ne fait qu'effleurer une question, elle est reléguée aux oubliettes. J'aurais aimé que vous insistiez davantage sur cette question et que vous fournissiez des idées positives, car sinon, elle sera perdue dans la bataille.
M. MacKay: Nous serions certes heureux que vous lui accordiez de l'importance.
Vous avez mentionné d'autres facteurs, dont les services fiscaux, qui seront importants si de nouvelles banques sont créées. Nous avons recommandé que soit consentie aux banques débutantes une suspension temporaire des impôts de 10 ans. Sinon, les nouvelles banques communautaires seront pratiquement condamnées dès le départ à la faillite car il est peu probable qu'elles accusent des profits au cours de leurs premières années. Leur capital de base pourrait être érodé.
Pour notre part, nous sommes d'accord pour les établissements locaux. Je ne sais pas s'il faut nécessairement parler de «banque communautaire», mais je crois que de tels établissements peuvent être créés, qu'ils le seront et que ce serait une bonne chose pour le pays.
Le sénateur Kelleher: Vous appuieriez la création de tels établissements?
M. MacKay: Oui.
M. Angus: Toujours dans le domaine des banques communautaires, seriez-vous d'accord pour qu'on consente à ces établissements un monopole limité dans une zone géographique bien définie? C'est ce qui se fait je crois dans le régime américain.
Comme je l'ai déjà dit, il est dangereux de comparer des pommes et des oranges. Vous établissez des normes et la concurrence joue un rôle primordial. Le régime américain est bien beau, mais il est très complexe et il a évolué au fil des ans.
Le président: Pour préciser ce qu'est le monopole mentionné par le sénateur Angus, nous avons découvert, lors de notre visite à New York, que dans un certain nombre d'États, si un groupe de particuliers se réunit pour mettre sur pied une banque communautaire, celle-ci est protégée grâce à un accord qui lui confère l'exclusivité pendant une certaine période de temps -- trois ans ou cinq ans, je ne m'en souviens plus -- en empêchant qu'une autre banque communautaire soit créée dans un rayon prédéterminé. Évidemment, cela n'empêche pas d'autres banques nationales de s'établir dans la localité, mais il n'est pas possible à d'autres banques communautaires de s'établir immédiatement dans la région pour faire concurrence à la nouvelle banque.
M. MacKay: Je ne peux pas vous répondre, car nous n'y avons pas réfléchi. Nous n'en avons pas discuté.
Le sénateur Angus: Dans le domaine de la vente au détail et dans le contexte de votre thème de la concurrence, pourrait-on en conclure que vous n'avez pas examiné la question de la concurrence entre les conseillers financiers ou entre les services bancaires d'investissement, par exemple? C'est une concurrence qui s'exerce contre les grands établissements banquiers, dans leur forme actuelle, n'est-ce pas?
M. MacKay: Non, ce n'est pas tout à fait exact. Dans le cadre de notre mandat, nous voulions examiner tous les obstacles qui empêchent un fournisseur compétent d'offrir des services financiers à n'importe quelle catégorie de consommateurs.
Il se peut, par exemple, que notre réflexion ne soit pas allée jusqu'aux conseillers financiers. Si c'est le cas, c'est que nous n'avons reçu aucun témoignage qui nous ait signalé des obstacles que nous devions examiner dans ce domaine.
Nous estimons avoir examiné tous les obstacles à la concurrence qui existent. Lorsque ces obstacles étaient insensés, nous avons demandé à ce qu'ils soient éliminés. Cela s'applique à toutes les entreprises que nous avons examinées dans notre étude, qu'elles soient grandes ou petites.
Vous devriez peut-être consulter l'étude qui a été réalisée pour nous par le Conference Board. C'est l'une de nos 18 études préliminaires. Le Conference Board a fait une enquête auprès des directeurs financiers des moyennes et des grandes sociétés canadiennes. Il a d'abord vérifié la disponibilité des services financiers. D'après les réponses, l'accès à ces services est facile. Il a ensuite comparé les grandes banques canadiennes aux autres banques étrangères.
Pour ce qui est de la fiabilité, de la stabilité et des autres critères de ce genre, les banques canadiennes, dans une grande mesure, se comparaient favorablement aux autres. Toutefois, elles n'obtenaient pas d'aussi bons résultats dans le domaine des produits innovateurs et dans leur capacité de s'établir dans d'autres parties du monde.
Lorsque nous avons entrepris d'examiner la question de la concurrence, nous étions prêts à étudier la question sous tous ses angles. Nous n'avons pas concentré notre examen au niveau des acheteurs au détail.
Le sénateur Angus: Passons maintenant au chapitre sur la régie et le cadre réglementaire. Comme l'a dit le président, nous avons été heureux de voir que vous aviez repris notre recommandation sur le BSIF -- que le bureau devrait avoir un conseil d'administration.
Sur quoi avez-vous fondé votre réflexion quant à la composition de ce conseil? J'ai lu ce que vous avez écrit à ce sujet dans le Document d'information no 5.
Il me semble que ce dont vous parlez ici, c'est des comptes que doit rendre la direction. Aujourd'hui, d'après ce que j'ai entendu à cette réunion, la direction du BSIF ne rend vraiment de comptes à personne. Le BSIF est un organisme de rétroaction, d'une part, et il devrait d'autre part rendre des comptes.
Le sénateur Oliver: Sauf pour ce qui est du ministre des Finances.
Le sénateur Angus: Le Parlement répond par le truchement du ministre des Finances.
Si l'on proposait la création d'un conseil d'administration, comme vous l'indiquez dans votre recommandation, que j'approuve d'ailleurs, ne serait-il pas important d'éviter toute perception de conflits d'intérêt au sein de ce conseil?
Je remarque que le sous-ministre ferait partie de ce conseil et que vous avez également prévu un certain nombre de membres d'office.
Le sénateur Oliver: Il y en a quatre.
Le sénateur Angus: Le nombre des membres indépendants est très faible. Pourriez-vous m'expliquer davantage sur quoi vous avez fondé cette proposition? Mon enthousiasme a été refroidi lorsque j'ai vu la composition que vous proposiez. À un tel niveau, pourquoi ne pas avoir un conseil entièrement indépendant?
M. MacKay: Je vois. Il n'y aurait aucun représentant de l'élite financière d'Ottawa. C'est bien ce que vous me demandez d'examiner?
Le sénateur Angus: Oui. Contrairement à mon habitude, je vais comparer des pommes et des oranges, mais d'après ce que je peux voir, qu'il s'agisse de la FSA au Royaume-Uni ou des nouveaux organismes qui sont créés un peu partout, on cherche à ce que ces organismes soient tous très indépendants.
M. MacKay: En structurant notre proposition de cette façon, nous avons été influencés par le fait que d'autres conseils d'administration, comme celui de la SADC -- qui fait partie de l'appareil de réglementation, mais avec une autre perspective -- ont des membres d'office. Peut-être avons-nous agi un peu trop machinalement; je n'en sais rien. Nous voulions avoir une structure parallèle et assurer un partage efficace de connaissances parmi les personnes qui en ont besoin. Nous considérons que c'est un avantage du type de conseil dont la SADC est dotée.
D'autres font valoir que nous ne devrions pas accueillir ces personnes et, en l'occurrence, il y a lieu de se demander si le transfert de connaissances serait suffisant. Pour obtenir une indépendance théorique, n'allons-nous pas nous exposer à un manque de coordination entre des organismes qui doivent collaborer efficacement les uns avec les autres?
Après avoir discuté de ces deux éventualités, nous avons décidé dans nos recommandations de conserver les mêmes membres d'office aux deux conseils. Cependant, il y a de bonnes raisons en faveur d'un renouvellement entraînant leur disparition des deux conseils.
Le sénateur Angus: Aux termes de votre rapport, le BSIF ajouterait de nouvelles cordes à son arc puisque son mandat se trouverait modestement élargi.
M. MacKay: Oui.
Le sénateur Angus: Pour ce qui est de la supervision des banques proprement dite, lorsque le but visé est de surveiller les intervenants et d'assurer le respect de certaines normes, un risque de conflit pointe à l'horizon. Des considérations d'ordre politique ou autre risquent de faire en sorte qu'on hésite à intervenir. Il y a de cela des exemples, notamment celui de la Confederation Life.
M. MacKay: C'est exact. Nous sommes d'avis que la participation du président de la SADC et du gouverneur de la banque serait plus positive que négative sur ces fronts.
Nous n'envisageons pas que le conseil du BSIF prenne des décisions de nature opérationnelle, notamment pour ce qui est d'intervenir sur-le-champ ou non. Nous considérons que c'est une décision de gestion qui doit faire l'objet d'une vérification après-coup sur le plan de l'orientation stratégique, de l'efficience et de l'efficacité. À notre avis, il serait malvenu que le conseil doive approuver une intervention à un niveau ou un autre. Cette décision devrait rester du ressort du surintendant, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Le sénateur Angus: Je voulais vous sonder à cet égard et d'après vos réponses, je crois comprendre que vous demeurez ouvert. Il semble que vous pourriez pencher d'un côté comme de l'autre. Merci.
Le sénateur Oliver: J'ai deux questions qui portent en partie sur la réglementation. Tout au long de votre rapport, vous insistez sur l'importance de la réussite et de la solvabilité de notre système bancaire, deux caractéristiques nécessaires pour assurer la protection des consommateurs canadiens. Selon vous, notre système bancaire gagnera en vigueur grâce à une compétitivité accrue, ce que veut dire davantage de concurrence. Le rapport semble préconiser une réglementation minimale là où cela est possible, mais lorsqu'on le lit tout entier, on voit poindre une réglementation et une discrétion ministérielle un peu partout. En fait, dans cette discrétion ministérielle, il n'est pas ou presque pas question du Parlement du Canada.
Après avoir lu le rapport, je tiens à vous signaler que c'est le Parlement du Canada qui adopte les lois et qui confère aux instances compétentes le pouvoir d'élaborer les règles régissant ce genre de choses. J'ai eu l'impression que vous aimeriez que ce nouveau secteur bancaire fortifié soit dirigé par des bureaucrates. Cela risquerait de causer de graves problèmes. Le risque, c'est que les fonctionnaires pourraient mettre en oeuvre bon nombre des ingrédients de votre recette en faveur d'une concurrence accrue, mais d'autre part, ils risquent tout autant de choisir ceux qui exigent une réglementation et laisser pour compte ceux qui favoriseraient la concurrence. Nulle part dans votre rapport ne faites-vous mention de mécanismes qui pourraient empêcher que cela se produise.
Le président: À titre d'ancien fonctionnaire, j'appuie sans réserve la position du sénateur Oliver. Après ma lecture, j'ai eu le sentiment d'assister à la renaissance de l'ancien ministère des Finances qui jouissait de grands pouvoirs non réglementés à l'égard du système. J'ai été très sensible à cet aspect que vient tout juste de décrire le sénateur Oliver.
Le sénateur Oliver: Monsieur MacKay, avant que vous ne commenciez, à titre de suivi à l'intervention du sénateur Angus...
M. MacKay: Suis-je autorisé à répliquer?
Le sénateur Oliver: J'ai moi aussi examiné votre recommandation quant à la composition du conseil d'administration du BSIF et j'ai été tellement frappé par le fait que vous souhaitiez la présence de tous ces membres d'office. En outre, j'ai aussi été frappé par votre commentaire, selon lequel toutes les personnes qui feront éventuellement partie du conseil devront agréer au ministre des Finances. Je me suis dit: «Revoilà cette large discrétion ministérielle, même en ce qui a trait à la composition du conseil.» Tout aussi révélateur est le fait que le secteur parlementaire a été ignoré et que vous ayez opté pour que ces nouveaux systèmes soient chapeautés par une lourde bureaucratie.
M. MacKay: Permettez-moi d'aborder cette série de questions.
Dans votre intervention, sénateur, vous avez parlé de réglementation envahissante. Je vous invite à prendre du recul et à examiner l'ensemble des recommandations du rapport. En fait, nous avons recommandé la suppression de la réglementation, la rationalisation du mécanisme d'approbation et la disparition du double emploi. Comparez cela aux dispositions où nous suggérons un nouveau cadre réglementaire. Au cours des deux dernières semaines, des gens m'ont dit: «C'est terrible, vous avez déréglementé le secteur», alors que d'autres ont affirmé: «C'est terrible, vous avez soumis le secteur à une réglementation excessive». Ces deux réactions critiques m'ont plu car il se peut fort bien que nous ayons tout simplement réglementé de façon plus appropriée le secteur. En fait, c'est ce que nous pensons avoir fait.
Pour en revenir à la question de la discrétion ministérielle, nous énonçons au chapitre 1 du rapport les hypothèses de base que nous avons faites nôtres dans nos travaux. Nous pensons que le secteur traverse à l'heure actuelle une période de changement. À notre avis, la réglementation doit afficher une certaine souplesse. Elle doit être dénuée de règles rigides qui exigent un renvoi au Parlement, auquel cas il faudra peut-être attendre 18 mois pour réagir si l'on ne réussit pas à établir une règle idéale du premier coup.
À l'heure actuelle, toute acquisition, aliénation ou fusion, majeure ou mineure, exige l'approbation du ministre des Finances. Cela n'est pas nouveau. Dans certains cas, notamment pour ce qui est de l'entrée d'une banque étrangère au Canada, l'approbation du gouverneur en conseil est nécessaire. À notre avis, les banques étrangères devraient être bienvenues. Par conséquent, il ne devrait pas être nécessaire d'obtenir une approbation d'aussi haut niveau pour leur entrée en sol canadien. Nous recommandons que l'approbation du ministre soit suffisante, comme c'est le cas pour plusieurs douzaines ou centaines de dossiers prévus à l'heure actuelle dans la Loi sur les banques. Je vous le concède, nous élargissons la discrétion ministérielle, mais notre but est de permettre aux banques étrangères d'entrer au Canada.
Quel autre exemple de discrétion ministérielle préconisons-nous? Nous essayons d'adopter une politique plus souple de «propriété à participation multiple», et nous en avons parlé ce matin. En l'occurrence, il faut que quelqu'un prenne la décision quant à l'opportunité d'aller à 20 p. 100. Dans d'autres pays, c'est au ministre ou au responsable de la réglementation qu'il incombe de prendre cette décision. Nous avons laissé cette responsabilité entre les mains du ministre. Nous ne l'avons pas abaissée au niveau du responsable de la réglementation. Cependant, dans d'autres cas, le BSIF a proposé de ramener au niveau du responsable de la réglementation certaines approbations qui relèvent à l'heure actuelle du ministre car il s'agit de questions mineures, et nous avons accepté.
Il faut qu'il y ait de la souplesse. Il y a des cas où la discrétion doit être présente. Les trois cas où nous avons ajouté cette discrétion concernent tous le domaine de la propriété, le passage de la règle de 10 à 20 p. 100. Nous avons dit essentiellement que les sociétés d'assurance-vie démutualisées avaient besoin de temps pour s'adapter, mais qu'elles devraient être en mesure de conclure des transactions d'une certaine nature, sous réserve de l'approbation d'une instance quelconque. Nous avons choisi le ministre des Finances car il faut que cela soit fait sans délai. Il s'agira d'une prise de contrôle, d'une amalgamation ou d'une transaction commerciale qui ne peut attendre l'aval du Parlement.
Enfin, comme nous en avons déjà discuté, il y a le cas exceptionnel où, sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil, en cas de faillite d'une grande institution canadienne, une institution étrangère à grand nombre d'actionnaires est habilitée à en faire l'acquisition. Cela pourrait se faire pour intensifier sensiblement la concurrence ou la compétitivité du secteur des services financiers canadien.
Voilà les principaux cas qui exigeraient un nouveau processus d'approbation au sein du gouvernement. Deux choses l'une: ou l'on interdit de telles initiatives qui, à notre avis, sont bonnes, ou l'on trouve quelqu'un que l'on peut investir du pouvoir de prendre ces décisions. Nous avons ajouté ces trois cas aux plusieurs centaines de cas qui figurent déjà dans la Loi sur les banques, et nous ne pensons pas avoir assujetti le système à une bureaucratie trop lourde. Ce serait plutôt le contraire.
M. Gorbet me rappelle que nous avons proposé qu'il y ait des lignes directrices publiées dans toutes ces circonstances, de sorte que cela ne se ferait pas en vase clos, mais en regard de lignes directrices publiques.
Le sénateur Oliver: Ces lignes directrices seraient-elles approuvées par le Parlement?
M. MacKay: Nous n'avons pas précisé cela, mais on pourrait stipuler dans la mesure législative qu'elles devraient être déposées au Parlement.
Pour en revenir à nos prémisses de ne pas restreindre notre marge de manoeuvre, mais bien d'accepter certaines responsabilités, il faut trouver un dépositaire de cette souplesse, et c'est ce que nous avons proposé.
Le sénateur Oliver: J'aimerais vous poser une question qui va à l'encontre des arguments que je viens de vous faire valoir. À la page 116 du Document d'information no 1, il est question des banques étrangères. On préconise une réglementation aussi allégée que possible relativement aux activités des institutions financières étrangères qui ne justifient pas une réglementation prudentielle, et vous dites que «le groupe de travail n'est pas troublé par les anomalies que pourrait créer ce régime sur le plan de la concurrence entre les banques étrangères et intérieures. Il estime que l'objectif d'un accroissement de la concurrence doit avoir préséance.»
Si de telles anomalies entravent la compétitivité des institutions du pays, n'est-ce pas injuste?
M. MacKay: Nous ne pensons pas que cela risque d'arriver. Il existe des services financiers canadiens bien ancrés tant dans le domaine de l'assurance que des banques. Je pense qu'on plaide un peu trop en faveur d'un paysage où les règles sont uniformes. Il ne peut en être question lorsqu'on essaie d'améliorer le niveau de concurrence sur le marché. Étant originaire de la Saskatchewan, j'en connais un bout sur ce qui constitue un paysage uniforme, et je peux vous dire qu'il n'est pas nécessaire que les conditions soient les mêmes partout.
Dans le marché canadien d'aujourd'hui, auquel on reproche sa concentration exagérée, ses concurrents trop peu nombreux ou trop gros, si certains intervenants qui souhaitent entrer sur le marché sont modestement réglementés, car c'est vraiment ce qui arrivera, ou sont moins réglementés que leurs homologues nationaux, ce déséquilibre est un prix bien faible à payer pour jouir des avantages de la concurrence. Nous ne sommes pas d'accord avec vous pour dire que cela crée un déséquilibre. Nous pensons que les avantages l'emportent sur les inconvénients. Vous avez vu le résultat. Vous venez tout juste de le lire.
Le sénateur Oliver: Lorsque les représentants des cinq banques dont vous avez parlé comparaîtront devant nous, je m'attends à ce qu'elles disent que c'est injuste, que cette absence de réglementation crée des conditions tellement inégales que cela confère un avantage considérable aux banques étrangères. Tout à l'heure, je disais qu'il y avait trop de réglementation et voilà que je dis le contraire.
M. MacKay: Les porte-parole des banques auront bien du mal à alléguer cela compte tenu du fait que la balance penche tellement en leur faveur à cause surtout des nombreux avantages liés à leur imposante structure de succursales. C'est une réalité qu'on ne saurait nier. Si un autre intervenant jouit d'un léger avantage pour ce qui est de la paperasse découlant du cadre réglementaire, j'estime qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat.
Le sénateur Oliver: Dans le même texte, où il est question du document de consultation du gouvernement fédéral faisant état des conditions en vertu desquelles les banques étrangères peuvent s'établir au Canada, vous avez dressé la liste de leurs critères d'établissement. Vos observations n'ont porté que sur un seul critère. J'aimerais connaître vos vues sur quelques autres parce que je veux bien comprendre pourquoi vous ne les jugiez pas importants.
Pour les besoins du procès-verbal -- et je me contenterai de paraphraser --, je rappelle que vous dites: qu'une banque étrangère doit posséder des actifs de l'ordre de 25 milliards de dollars dans le monde entier, et vous faites quelques remarques à ce sujet; elle doit être à participation multiple; elle doit disposer d'une expérience internationale; elle doit avoir le consentement de l'organisme de réglementation de son pays d'origine; elle doit présenter un bilan positif au cours des cinq dernières années. Voulez-vous nous parler du dernier critère, à savoir qu'une banque étrangère doit être réglementée et contrôlée de la manière indiquée par l'organisme de réglementation du pays d'origine?
M. MacKay: Monsieur le sénateur, nos remarques portaient sur deux critères. Nous suggérions au gouvernement de repenser la condition relative aux actifs de l'ordre de 25 milliards de dollars et l'exigence relative à l'expérience internationale. Nous sommes partis de l'hypothèse que des banques américaines, peut-être établies le long de la frontière canadienne, mais sans expérience internationale, pourraient être fortes et bien dotées de capitaux permanents. Nous devrions peut-être les accueillir chez nous, et l'expérience internationale ne serait peut-être pas nécessaire.
À nos yeux, les autres éléments tenaient plutôt à des considérations de sécurité et de solvabilité -- les considérations prudentielles normales, dont celle que vous avez mentionnée. Je ne me rappelle pas qu'il y ait eu de discussions exhaustives à l'intérieur du groupe de travail sur ces autres critères, sauf les deux que je viens de mentionner, lesquels nous apparaissaient excessifs. Les autres critères font partie d'un ensemble de principes légitimes relatifs à la sécurité et à la solvabilité.
Le sénateur Oliver: Si le groupe de travail a délaissé le critère des 25 milliards de dollars dans le monde entier, à quel montant songeait-il?
M. MacKay: La valeur des actifs ne nous semblait pas être un critère bien indiqué. Ce que l'on recherche ici, ce sont des petites banques fortes et bien dotées de capitaux permanents. L'ampleur des actifs ne nous semblait pas un facteur très important.
Le sénateur Kenny: Je note que les recommandations 99 et 108 sont renvoyées aux comités des communes -- dans un cas, le comité de l'industrie, et dans l'autre, le comité des finances. Pourquoi, à votre avis, le Sénat ne devrait-il pas être saisi de ces questions?
M. MacKay: Il n'y a pas de raison.
Le sénateur Kenny: Si vous voulez bien passer à la page 206, à la partie traitant de l'amélioration de la régie du BSIF, vous faites valoir la nécessité de créer un conseil d'administration. Vous mentionnez expressément les politiques relatives aux ressources humaines, à la dotation en personnel et à la rémunération. Votre étude vous a-t-elle permis de déterminer si le BSIF dispose aujourd'hui des ressources voulues et si sa politique de rémunération est suffisante?
M. MacKay: Au niveau de ces détails, monsieur le sénateur, la réponse est non. En discutant avec les autorités et en examinant les problèmes qui se posent aux organismes de réglementation ailleurs, nous avons découvert qu'il était difficile pour tous les organismes de réglementation du secteur des services financiers de retenir les services de bons éléments dans les emplois les plus pointus. Il nous est devenu apparent qu'au cours de la prochaine décennie, il sera essentiel d'attirer des gens très motivés en leur offrant la rémunération voulue. Nous ne nous sommes pas demandé si les ressources ou les salaires actuels étaient suffisants. Il s'agissait d'une observation à caractère plus général.
Le sénateur Kenny: C'est la question que je vous posais, monsieur, parce qu'elle semble faire problème. Partout où nous allons, les gens nous en parlent, cependant, personne ne semble avoir de solution qui marche particulièrement bien.
M. MacKay: Mes collègues me rappellent que, dans notre texte, nous avons mentionné le rapport annuel du BSIF qui faisait état de ce problème et soulignait la difficulté qu'il y a à attirer et à retenir des employés qualifiés.
Il a été démontré dans d'autres institutions publiques que les employés de ces institutions restent en poste en partie seulement pour le salaire et en partie parce qu'ils veulent servir l'intérêt public, parce qu'ils ont des convictions, parce qu'ils aiment le mode vie, ou parce qu'ils aiment le travail lui-même.
Certaines institutions importantes comme le BSIF peuvent recruter sans verser des salaires astronomiques mais il faut quand même qu'ils soient décents. Il faut qu'ils restent compétitifs surtout au niveau du surintendant, des surintendants adjoints et des cadres supérieurs. Attirer les compétences et les garder vont devenir de plus en plus difficiles pour le gouvernement.
Le rôle du conseil d'administration sera important puisqu'il aidera cette institution à façonner les politiques appropriées, tout en reconnaissant qu'elle ne pourra jamais rivaliser avec les poids lourds du marché privé.
M. Ducros: Les produits devenant beaucoup plus sophistiqués, surtout dans les domaines de l'évaluation des risques du marché et des produits dérivés, on constate dans le monde entier que les grosses institutions financières recrutent des docteurs en mathématiques. Ils ont pour tâche de définir avec la plus grande exactitude les produits à offrir. Le BSIF n'a pas cette capacité.
La question que vous soulevez peut être élargie à celle de la régie. Si nous ne pouvons disposer de ces ressources au sein du BSIF, faudrait-il modifier la structure pour renforcer la régie des institutions financières elles-mêmes, encore, faudrait-il ou en même temps recruter du personnel qualifié tout en faisant appel à des ressources externes pour travailler ponctuellement sur des projets spécifiques?
Le sénateur Kenny: Quand vous parlez de renforcement de la régie d'entreprise elle-même, pourriez-vous donner à notre comité un exemple du genre d'aspects de régie d'entreprise auxquels vous pensez?
M. Ducros: Nous ne sommes pas entrés dans le détail des questions de régie des institutions financières si ce n'est pour dire qu'à notre avis elles devraient faire dorénavant l'objet d'un effort prioritaire pour que les institutions financières soient gouvernées par des règles appropriées.
Le sénateur Kenny: Monsieur, vous venez de me répondre qu'une des manières de régler le problème de ressources et de personnel au BSIF est de modifier le modèle de régie d'entreprise dans les institutions qu'il supervise. Est-ce que vous auriez un exemple à nous donner?
M. Ducros: Je n'ai pas parlé de modification. Je dis qu'il faudrait donner une plus grande priorité aux questions de régie des institutions financières.
Le sénateur Kenny: Je vois.
M. Ducros: Plutôt que d'intervenir directement au niveau des règles elles-mêmes, la meilleure solution c'est peut-être d'influer sur la réglementation par le biais de leur conseil d'administration.
M. Fred Gorbet, directeur exécutif, Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien: Cela fait deux ou trois ans que ce travail a commencé. Nous faisons désormais toute confiance au Programme d'autoévaluation selon lequel les administrateurs des institutions de dépôts doivent s'autoévaluer chaque année sur la base des critères de gestion du risque élaborés par l'autorité de réglementation. Il va bientôt en être de même dans le secteur des assurances en coopération avec le BSIF et CompCorp.
Les risques devenant plus complexes, dans tous les pays, les instances de réglementation devront de plus en plus se reposer sur ce genre d'autoréglementation.
Le sénateur Kenny: Vous dites à la page 208 vous être brièvement penché sur la régie d'entreprise et vous avez décidé d'insister sur la séparation des postes et la présence d'administrateurs ne faisant pas partie des dirigeants. Vous dites: «Nous croyons savoir que la plupart, si ce n'est la totalité...». Votre «si ce n'est la totalité» se réfère avant tout aux grandes banques.
Si vous ne vous êtes penché que brièvement sur la régie d'entreprise, pourquoi ne vous êtes-vous pas plutôt intéressé, par exemple, à la taille ou à la composition des conseils d'administration? Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette question particulière?
M. MacKay: Nous avons étudié la réponse faite par les grandes entreprises publiques dans le secteur des services financiers, y compris les banques, aux recommandations du rapport Dey, y compris sur la taille des conseils d'administration et d'autres questions -- en vérité une liste exhaustive de questions de régie.
Nous avons constaté que les principales institutions financières avaient soit déjà donné suite à ces recommandations ou étaient en train de le faire -- cela prend du temps. Il s'agissait notamment de la recommandation sur la taille des conseils d'administration qui en conséquence a été largement réduite pour les rendre plus industrieux et plus efficaces.
Certaines banques semblent avoir fait un peu mieux que d'autres et semblent avoir pris de l'avance. Cependant, elles ont toutes fait des efforts et nous ne voulions pas donner l'impression que les institutions n'avaient pas donné suite aux recommandations de bonne régie d'entreprise. Au début de notre document de travail, nous disons que la régie d'entreprise a fait tellement l'objet d'étude que nous nous abstiendrons. Cependant, comme M. Ducros vient de l'indiquer, notre travail nous a de plus en plus convaincus que pour être efficace toute réglementation dépend en vérité de la qualité de la régie d'entreprise. Elle dépend également de la capacité des autorités de réglementation à évaluer la qualité de cette régie d'entreprise et à la pousser gentiment pour qu'elle s'améliore constamment.
Vers la fin de notre travail, nous avons examiné les réponses au rapport Dey. Nous avons étudié les autres questions que vous avez mentionnées au niveau des mesures prises par le BSIF et la SADC pour attirer l'attention des conseils d'administration et pour répondre à certaines des nouvelles règles de la loi.
Ceci dit, le groupe de travail estime que les banques ont répondu au rapport Dey sur la question de la présidence de ces conseils d'administration. Elles ont répondu en ne choisissant pas la séparation entre le poste de président et celui de chef de l'exécutif, c'était une option, mais en choisissant la deuxième, à savoir la désignation formelle -- ou peut-être moins formelle -- d'un administrateur principal. C'est surtout des banques qu'il s'agit. La plupart d'entre elles se voient très bien avec un administrateur principal, quelqu'un qui n'est pas le président mais un administrateur indépendant considéré comme plus important que les autres administrateurs.
Nous n'avions pas fait le siège des institutions d'une manière très agressive. Le groupe de travail a considéré que c'était une demi-mesure et que la régie d'entreprise serait mieux servie par un président de conseil d'administration indépendant. Pour nous, la première option proposée par Dey était meilleure que la deuxième, celle choisie par les banques. Cependant, n'ayant pas étudié la question en profondeur et n'en ayant pas discuté avec les institutions, nous avons estimé qu'il serait inopportun d'aller plus loin pour le moment.
Cependant, comme nous le disons ici, nous espérons que cette question fera l'objet d'un débat public. Mes collègues, à l'unanimité, estiment qu'il serait préférable d'avoir un président de conseil d'administration indépendant.
Le sénateur Kenny: Est-ce l'élément le plus important de la régie d'entreprise qu'il faut régler? C'est le seul que vous singularisez.
M. MacKay: C'est ce que nous pensons.
Le sénateur Kenny: Merci. Pour finir, je voudrais soulever la question de la protection des consommateurs. Vous avez donné l'exemple de la succursale au coin de Jane et Finch et de l'envoi de votre représentant. C'est quelque chose qui commence à ressembler à une tendance et pourtant vous semblez favorable à une approche volontaire.
Avez-vous débattu de l'idée de proposition immédiate d'une déclaration des droits des consommateurs? Pourquoi voulez-vous attendre et opter pour cette approche volontaire alors que cela fait des années que le problème se pose?
M. MacKay: Il aurait été facile pour maintes de ces questions de suggérer de tout légiférer: légiférons les formulaires, légiférons la transparence, légiférons l'accès; légiférons tout. Cependant, nous nous sommes rendu compte qu'à chaque problème correspondait tout un éventail de solutions. Parfois la solution c'est d'encourager la collaboration et le volontarisme. Parfois, la solution c'est de dire non, cela ne marche pas, ou cela ne marchera probablement pas pour telle ou telle raison et par conséquent il faut légiférer.
C'est un domaine dans lequel nous pensons que l'approche volontaire a commencé à marcher. Les deux accords dont nous discutons entre le gouvernement et les banquiers ont été conclus en 1997. Le premier a été conclu en février et son complément en décembre. Cela ne fait pas si longtemps quand on pense que ce sont les dirigeants qui ont conclu cet accord et qu'il faut maintenant former le personnel et changer les habitudes au niveau des succursales.
Lorsque nous avons fait notre tournée de magasinage surprise, les résultats n'ont pas été époustouflants. Le ministère des Finances et l'Association des banquiers canadiens ont apparemment fait la même chose, sans doute sur une plus grande échelle. Pour autant que je sache, ils n'ont pas publié les résultats de ces recherches. Il n'y a pas lieu d'attendre indéfiniment. Ce serait une bonne chose de faire un petit essai car nous sommes convaincus que les gens de bonne foi seront à même de résoudre le problème sans la menace d'une loi. C'est un domaine où, à notre avis, légiférer devrait être une mesure de dernier recours.
Nous avons dit également qu'il ne fallait pas attendre indéfiniment. Nous n'avons pas défini «sous peu», mais nous avons dit que s'il est impossible de faire des progrès sous peu, il ne fallait pas hésiter à adopter une loi dans ce domaine. Des progrès sont en cours. Nous estimons que les intérêts font preuve de bonne volonté. Des cours de formation sont en vigueur. Des groupes de lutte contre la pauvreté sont en contact avec les banques, non seulement au niveau supérieur mais également à la base. Tout cela est très bien. Nous ne voulons pas envenimer cette bonne ambiance par une intervention législative si ce n'est pas indispensable.
Le sénateur Meighen: Peut-on vous demander si vous avez discuté avec les intéressés des projets de renforcement du rôle et du changement du mandat du BSIF et si vous avez obtenu leur accord?
M. MacKay: Nous avons reçu des observations de leur part à ce sujet. Ils se sont dit déçus que nous ayons continué de confier l'application des lois sur la protection du consommateur au BSIF au lieu de proposer la création d'un service distinct. Autrement, je pense que les responsables voient nos propositions d'un bon oeil ou du moins ne s'y opposent pas avec véhémence. Il vous sera toutefois possible d'en discuter avec eux. C'est le seul point où ils auraient souhaité qu'il en aille autrement
Le sénateur Meighen: C'est peut-être possible. Pourrions-nous revenir brièvement sur la question de la concurrence et de la compétitivité? Comme nous le savons tous, les petites et moyennes entreprises se plaignent continuellement de la difficulté d'obtenir des prêts de la part des banques. Le problème tient simplement au fait que les banques n'aiment pas prendre de risques. Personnellement, je n'ai jamais obtenu de réponse qui me paraisse satisfaisante à ce sujet.
Ma question est en quatre volets. Premièrement, avez-vous déjà obtenu une réponse?
En second lieu, la mise en place d'organismes comme la Banque de développement du Canada et la Société du crédit agricole permet-elle à votre avis de résoudre en partie le problème?
Troisièmement, si, comme vous le suggérez, nous ouvrons ce secteur à des entreprises étrangères et à d'autres nouvelles sociétés canadiennes, cela changera-t-il quelque chose à ce refus ou à cette incapacité d'évaluer le risque, car au cas contraire, cela va rendre les choses encore plus difficiles aux petites et moyennes entreprises sans toutefois accroître leur taux de satisfaction.
M. MacKay: Nous avons recommandé entre autres choses qu'elles évaluent le risque et qu'elles en tiennent compte dans leurs travaux. Ce n'était pas votre question mais je tiens à préciser clairement que nous l'avons dit.
En faisant cette recommandation, nous avons signalé que nous craignions que sa mise en vigueur ne serve d'excuse à une augmentation générale des tarifs. Si c'était le cas, vous ne seriez pas très fier d'être l'artisan de cette recommandation.
Malgré tout, nous estimons que les Canadiens se voient actuellement refuser du crédit parce que les banques ne veulent pas évaluer le risque. À l'instar de votre comité et du gouvernement, nous surveillons avec intérêt la situation pour voir si Wells Fargo va réussir ou non. En effet, cette banque a établi des taux en fonction du risque, selon une courbe allant jusqu'au taux préférentiel majoré de huit points. Il sera intéressant de voir comment le marché canadien réagit à cette initiative.
Quant à savoir si les banques nous ont expliqué clairement pourquoi elles n'établissent pas des taux en fonction du risque, non, nous n'avons pas obtenu cette réponse. Je ne pense pas que nous ayons insisté aussi lourdement que vous venez de le faire et nous aurions sans doute dû le faire. J'ai l'impression qu'elles ne le font pas de crainte qu'une majoration excessive des taux ne paraisse usuraire, mais ce n'est peut-être pas le cas.
Vous avez demandé si la BDC et la SCA contribuent au problème ou à sa solution et de quelle façon. Elles ont un barème de taux en fonction du risque. Elles ont des activités à risques élevés, ce qui est une façon de combler l'absence de barème de taux en fonction du risque. J'ai l'impression que ces deux institutions réévaluent fondamentalement leurs activités afin de desservir de façon plus efficace les créneaux du marché qu'elles devraient occuper, au lieu d'effectuer des opérations qui ne sont pas de leur ressort. C'est sans doute en partie une réponse à ce dilemme de l'évaluation du risque.
Le sénateur Meighen: Êtes-vous en train de nous dire si ces institutions devraient ou non être présentes sur ce marché?
M. MacKay: Tout ce que je dis, c'est que l'évaluation du risque est logique pour elles car il n'existe apparemment aucun service semblable au Canada.
Le sénateur Meighen: Si elles offrent des taux différents en fonction du risque, avez-vous un avis sur la question de savoir si elles peuvent occuper ce créneau et si cela résoudra le problème?
M. MacKay: Je n'en sais rien. En théorie, nous avons fait en sorte d'avoir un maximum d'intervenants que possible sur un marché concurrentiel. Non seulement il y aura des taux différents en fonction du risque, mais encore il y aura des gens qui se livreront concurrence pour offrir les meilleures conditions en matière de crédit à risque élevé. Je ne dis pas que cela résout le problème. Il faut qu'il y ait une offre de crédit dans ce secteur et qu'il existe de tels fournisseurs.
Votre dernière question portait sur la mesure dans laquelle les nouvelles institutions canadiennes et les institutions étrangères qui arrivent sur le marché permettront de résoudre le problème. Je n'en suis pas certain. Je préfère inciter les institutions canadiennes à tenir compte du risque et à changer d'attitude au lieu de miser sur les nouveaux venus.
M. Ducros: L'établissement de taux adaptés au risque ne signifie pas automatiquement une hausse des taux d'intérêt. Cela peut vouloir dire se lancer sur le marché du quasi-capital ou le marché boursier. Surtout pour un sous-groupe de petites entreprises -- ce que l'on appelle les entreprises axées sur le savoir -- la nouvelle économie, le marché boursier et le marché quasi boursier sont des secteurs que nous souhaitons voir évoluer davantage.
Le sénateur Meighen: Avez-vous fait des recommandations quant à la façon d'y parvenir?
M. Ducros: Cela devrait se faire.
Le sénateur Meighen: Par la voie législative?
M. Ducros: Non, les institutions financières devraient accorder plus d'importance à ce secteur et en faire état dans leurs rapports annuels, et présenter chaque année un rapport au gouvernement.
Le sénateur Kroft: Monsieur MacKay, vous m'avez mis sur la voie en parlant d'une expérience commune que nous avons vous et moi vécue dans l'institution même dont il est question. Je suis un fervent partisan de cette institution. Comme vous l'avez signalé, il faut plus que jamais que les banques offrent des services aux clients qui ont besoin non seulement d'argent, peut-être, mais aussi de bonnes idées novatrices pour déterminer le genre d'aide dont elles ont besoin, qu'il s'agisse d'une nouvelle forme de passif, de capital-actions ou d'une bonne dose de conseils en matière de planification d'entreprises. Je ne suis pas au courant de ce qui se passe au sein de cette institution.
Le président: Est-ce que vous êtes en train de parler de la Banque de développement du Canada, l'ancienne Banque fédérale de développement?
Le sénateur Kroft: Oui.
Le problème que j'y ai toujours associé n'est pas tant lié au nombre d'options qu'offre cette banque, mais plutôt à l'ambivalence de l'attitude du gouvernement à son égard, souvent exprimée dans le terme «mandat». Le mandat de l'institution est-il bien clair maintenant? A-t-elle les possibilités, le feu vert, les ressources, la marge de manoeuvre et tout ce dont elle a besoin pour assumer la tâche qui lui est confiée?
Admettons-nous le fait que, mise à part la LPPE, le secteur bancaire commercial ne manifeste pas plus d'enthousiasme que par le passé?
M. MacKay: Lors des discussions ou des échanges que nous avons eus avec la BDC au cours de notre étude, nous n'avons pas entendu parler des problèmes de mandat, pour autant que je sache. En fait, celui-ci a été remanié dernièrement en vertu de la loi. Lors de nos discussions avec les responsables de la BDC et l'institution du secteur privé -- et nous le signalons dans notre rapport -- nous avons appris que la Banque de développement du Canada est apparemment un chef de file en matière de financement des petites entreprises axées sur le savoir. Elle offre des taux différents en fonction du risque dans le cadre d'options de financement plus novatrices. Elle semble entretenir d'excellentes relations avec le secteur privé et a conclu de nombreux partenariats, lesquels suscitent le respect des intéressés de part et d'autres. Tout semble aller pour le mieux au sein de la Banque de développement du Canada, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura plus jamais de problèmes. Dans notre rapport, nous avons signalé que, surtout dans le domaine des entreprises axées sur le savoir, cette institution est un vrai chef de file et qu'elle fait apparemment un travail efficace.
Le sénateur Kroft: Vous avez parlé, plus tôt, d'uniformiser les règles du jeu. Je ne pense pas qu'une personne du Manitoba puisse tenir tête à quelqu'un de la Saskatchewan pour savoir où les terrains de jeu sont les plus plats. Je sais que, dans le rapport, vos collègues et vous dites clairement que votre étude ne porte pas sur les questions fiscales fondamentales, que celles-ci font l'objet d'une étude parallèle et que, en gros, vous nous demandez de ne pas nous faire trop d'illusions dans ce domaine.
J'ai deux questions précises à poser à ce sujet. Une porte sur les caisses de crédit. Là encore, je repense à votre déclaration selon laquelle toutes les règles du jeu n'ont pas absolument besoin d'être identiques. La structure fiscale influe-t-elle sur la compétitivité des caisses de crédit et d'autres institutions dans le domaine des services financiers, et cela pose-t-il un problème? J'avoue ma totale ignorance au sujet du point suivant. Les banques virtuelles envoient leurs fonds sous forme électronique de part et d'autre de la frontière. Je n'ai aucune idée de la façon dont elles payent de l'impôt, le cas échéant. Vous pourriez peut-être éclairer notre lanterne sur ce point.
M. MacKay: Vous me faites vite perdre pied, sénateur. Parallèlement au groupe de travail sur la fiscalité des entreprises, lequel était présidé par M. Mintz, nous avons fait faire une étude conjointe sur la fiscalité des institutions financières. Lorsque M. Mintz a remis son rapport, cette deuxième étude n'était pas terminée. C'est à lui qu'il aurait fallu logiquement parler de ces questions fiscales techniques. Le rapport a été rédigé peu de temps après et nous l'avons incorporé dans l'un de nos documents de travail.
Dans cette étude se trouve un commentaire au sujet du modèle d'imposition des caisses de crédit. Dans notre rapport, nous nous contentons de signaler qu'au Québec, la Banque Nationale a porté à notre attention le fardeau fiscal excessif qui lui incombe par rapport au mouvement des caisses. Certaines mesures ont été prises dernièrement dans le budget du Québec pour améliorer l'impôt sur le capital perçu dans la province.
Nous avons demandé instamment au gouvernement de surveiller de près la situation pour s'assurer qu'il existe un juste équilibre, surtout dans cette province où le mouvement des caisses est tellement fort. Le problème peut se poser également dans d'autres provinces en raison des diverses mesures fiscales en vigueur, tant pour ce qui est de l'impôt sur le revenu que pour ce qui est de l'impôt sur le capital, entre les sociétés du secteur privé et les caisses de crédit. Toutefois, c'est la seule occasion où nous avons abordé la question lors de notre étude et la seule remarque que nous faisons à ce sujet dans notre rapport.
Quant à votre deuxième question, à savoir l'imposition des banques virtuelles, nous ne nous sommes pas penchés du tout sur cette question.
M. Gorbet: Le groupe de travail n'a pas consacré beaucoup de temps à l'étude de cette question. La banque ING est une banque virtuelle exploitée au Canada par le biais d'une filiale. Elle est donc imposée au même titre que toute société constituée au Canada. Si la banque n'est pas matériellement présente au Canada, comme la Wells Fargo, elle n'est pas assujettie à la fiscalité canadienne. Le retenue d'impôt s'applique à tous les prêts qu'elle consent.
Le sénateur Tkachuk: J'ai une question qui fait suite à celle du sénateur Meighen au sujet des services offerts aux petites entreprises, de l'offre de crédit et de l'établissement de taux en fonction du risque. Les membres du groupe de travail en ont-ils discuté avec les banques?
M. MacKay: Nous avons discuté des politiques et usages en matière de crédit mais pas précisément des plafonds de prêts en vigueur.
Le sénateur Tkachuk: Vous ont-elles expliqué pourquoi elles n'offrent pas automatiquement ce service a l'heure actuelle?
M. MacKay: D'après les nombreuses discussions que nous avons eues, j'en déduis que les taux d'intérêt élevés donnent l'impression qu'elles ne cherchent qu'à gagner de l'argent. Si les banques entretiennent de mauvaises relations avec une collectivité ou qu'elles essayent d'améliorer leurs relations avec celle-ci, il n'est pas très bien vu de donner l'impression d'exiger des taux trop élevés.
Les petites entreprises et leurs représentants sont encore perplexes quant à savoir s'ils souhaitent véritablement exhorter les banques canadiennes à offrir des taux différents en fonction du risque ou s'ils obtiennent de meilleures conditions parce que chacune s'efforce de faire mieux que l'autre. Il est possible que certains se voient offrir le taux préférentiel plus trois, alors qu'ailleurs, ils obtiendraient le taux préférentiel plus quatre ou plus cinq pour cent.
Les petites entreprises ne s'entendent pas à dire que ce serait une bonne idée d'obliger tous les organismes de prêt à offrir des taux différents en fonction du risque. À notre avis, il serait utile qu'il existe certains prêteurs sur le marché qui se concentrent sur ce genre d'activités et qui offrent des taux adaptés au risque. Cela ne veut pas dire nécessairement que tous les intervenants doivent faire la même chose.
Le sénateur Tkachuk: À l'heure actuelle, les banques offrent des taux différents en fonction du risque sur les prêts personnels. Si vous êtes un client privilégié, la banque vous accordera un prêt au taux préférentiel majoré de 1 ou 2 p. 100. Est-ce ainsi que les banques agissent pour les prêts personnels? Autrement dit, les consommateurs peuvent-ils être prudents et insister auprès des banques pour obtenir le taux préférentiel au lieu du taux préférentiel majoré de 1 p. 100?
M. MacKay: À mon avis, une négociation est toujours opportune.
Le sénateur Tkachuk: Les banques agissent déjà auprès des consommateurs comme les entreprises craignent qu'elles ne le fassent avec elles; autrement dit, elles exigent un taux plus élevé pour un produit qu'elles ne le devraient.
M. MacKay: La meilleure façon de se protéger contre ce genre de choses c'est d'avoir accès à un marché le plus concurrentiel possible, d'avoir une foule de choix et de pouvoir faire des comparaisons entre les établissements qui desservent ce marché. Là encore, je le répète, la technologie nous permettra de comparer les prix, ce qui n'était pas possible par le passé.
Le sénateur Tkachuk: Je tiens à aborder cette question car c'est la base de l'argument invoquée par les banques pour se lancer dans d'autres activités. Il y a une dizaine d'années, elles ont eu le droit de se lancer dans les opérations de courtage. Seule la Banque Toronto Dominion a créé une nouvelle firme de courtiers. Les autres ont acheté des maisons déjà existantes. Cela n'a donc pas favorisé l'apparition d'une nouvelle industrie du courtage: c'était les mêmes vieilles entreprises qui avaient changé de main, et aujourd'hui elles sont sur le point de fusionner.
Je sais que les membres du groupe de travail n'ont pas abordé la question des fusions, mais celle-ci s'est posée en janvier dernier et votre rapport se fonde sur la prémisse que la concurrence contribue à réglementer le secteur des services financiers. Si l'on accepte les fusions, non seulement les banques vont fusionner mais en outre, les filiales le feront peut-être également. La Banque Royale va fusionner avec Midland Walwyn et la CIBC avec la maison de courtage, même si elles continuent de garder deux raisons sociales différentes car ce sont deux entreprises différentes. Il y aura fusion au niveau de la direction, ainsi que de certains services de surveillance.
Cela va à l'encontre de votre argument. Le secteur des services financiers au Canada est en train de se diviser en blocs de plus en plus gros, ce qui signifie moins de concurrence.
M. MacKay: Nous avons dit que, selon nous, aucune fusion ne doit être autorisée si elle a pour effet de réduire la concurrence sur le marché. C'est ce qu'est censé faire le Bureau de la concurrence. À notre avis, ce bureau dispose des moyens nécessaires pour faire ce travail. Dans notre rapport, nous avons fait certaines propositions au sujet de cet aspect de la question. Toutefois, au bout du compte, les promoteurs des fusions devront pouvoir couver que leur fusion ne réduira pas la concurrence sur le marché, tant à l'heure actuelle que compte tenu des nouveaux intervenants susceptibles d'entrer sur le marché. Faute de quoi, la fusion ne sera pas autorisée. C'est ainsi que fonctionne le système de la concurrence au Canada. S'agissant des fusions, nous avons essayé de faire valoir que, à une époque de modifications aussi profondes, il serait peu judicieux pour le Canada de ne pas être prêt à évaluer les propositions de fusion en fonction de leurs mérites. Il faut examiner de près la question pour voir si cette stratégie peut se révéler avantageuse à tous les coups pour les consommateurs, ainsi que pour les institutions en cause et le pays tout entier.
Le sénateur Tkachuk: Le rapport de groupe de travail repose sur la prémisse qu'il faut accroître la concurrence maintenant.
M. MacKay: Tout le rapport du groupe de travail repose sur la prémisse selon laquelle plus il y a de concurrence, mieux c'est pour le consommateur.
Le sénateur Tkachuk: À votre avis, la concurrence est-elle suffisante à l'heure actuelle ou faut-il l'accroître?
M. MacKay: Nos marchés sont concurrentiels, à mon avis. C'est la conclusion que nous avons tirée et les consommateurs eux-mêmes se sont dit du même avis lors d'un sondage que nous avons effectué. D'après leurs réponses, ils estiment avoir accès à des marchés concurrentiels.
Si la question est de savoir si le marché serait compétitif si toutes les banques se fusionnaient en une seule grande banque, il faut bien sûr répondre non. Cela serait peut-être possible dans cinq ans, à condition qu'il y ait d'autres forces compétitives sur le marché, mais tout dépend du contexte.
Nous avons dit qu'il conviendrait d'examiner sérieusement le projet de fusion afin d'en déterminer l'incidence sur la concurrence. Si, à la suite de la fusion, la concurrence serait insuffisante, il appartiendra aux promoteurs de la fusion, de concert avec les organismes chargés de réglementer la concurrence, de trouver une solution avant que la fusion ne puisse se faire. Pour cela, il pourrait être nécessaire de céder des secteurs entiers d'activités ou encore un certain nombre de succursales. C'est ce qui s'est produit dans d'autres pays. Cela s'est produit en Suisse et aux États-Unis, et le Canada ne fait pas exception à la règle. Il serait difficile de croire que les projets de fusion ne poseront aucun problème sur le plan de la concurrence. Les projets devront donc être examinés à la lumière de cette possibilité.
Le sénateur Tkachuk: Je suis un peu mêlé, car il me semble que votre rapport part du principe que la concurrence est bonne et que le marché est assez compétitif. Le statu quo est donc acceptable.
Dites-vous qu'il faudrait que votre rapport soit mis en oeuvre avant que le gouvernement ne puisse approuver les fusions?
M. MacKay: Il y a beaucoup de balles qui sont en jeu au même moment.
Le sénateur Tkachuk: J'essaie de m'assurer que vous n'en échapperez aucune.
M. MacKay: La plupart de ces balles sont des éléments du marché. Nous avons effectivement de nouveaux arrivants. ING a mis sur pied une nouvelle société et vend de nouveaux produits sur le marché. D'une part, nous avons de nouveaux arrivants qui se présentent sur le marché avec de nouveaux produits. D'autre part, certains des acteurs existants essaient de fusionner leurs activités. Nous recommandons des modifications à la politique gouvernementale qui permettrait d'ouvrir davantage certains marchés.
Les acteurs que l'on retrouve sur les marchés sont en transition rapide. Le phénomène de la consolidation fait partie de la transition et la turbulence est aussi un facteur; il ne s'agit toutefois qu'une des nombreuses balles qui sont en jeu.
Selon nous, toutes les balles peuvent continuer à être en jeu au même moment sans que les fusions nuisent à la compétitivité, à condition que ces fusions soient examinées attentivement dans le contexte où elles sont proposées.
Quelqu'un m'a demandé s'il serait plus facile de faire accepter un projet de fusion si tous les changements proposés étaient déjà en place et qu'on s'y était déjà adapté. Ces changements feront augmenter la concurrence sur le marché, mais il ne faut pas conclure pour autant qu'on ne pourrait pas proposer dès maintenant une fusion et l'approuver à des conditions qui préserveraient la compétitivité du marché.
Le sénateur Tkachuk: Ce matin, nous avons parlé des banques qui courraient un risque plus élevé du fait qu'elles s'étaient mises à offrir des services de courtage. Nous sommes à même de constater ce qui se passe à l'heure actuelle avec les banques qui demandent l'autorisation de fusionner. Nous aurons moins de banques et moins de maisons de courtage de la taille et de l'importance de celles que nous avions auparavant.
L'entrée des banques dans les domaines des assurances et du crédit-bail en fera-t-elle, selon vous, des représentants Amway? Les directeurs de succursales sont-ils en train de devenir des courtiers? Auront-ils leurs propres compagnies d'assurances qui vendront un seul type d'assurance? Sommes-nous en train de faire de ces succursales des petits comptoirs qui vendront divers services?
M. MacKay: Le profil de risque des institutions bancaires a changé. Pour ce qui est de savoir si le risque est plus élevé ou moins élevé, tout dépend des diverses gammes de produits qu'elles ont à un moment donné.
Ce que j'ai voulu faire comprendre ce matin, c'est que la banque qui a de nombreux secteurs d'activités a un profil de risque différent. D'une certaine façon, il y a eu diversification et c'est là une technique de minimisation du risque. Par ailleurs, les banques se sont engagées dans des domaines d'activités qui pourraient être plus volatiles et qui, par conséquent, présenteraient un risque plus élevé. Le profil de risque est donc très différent.
En ce qui a trait aux assurances -- et nous formulons des recommandations qui pourraient contribuer à atténuer vos inquiétudes -- comme je l'ai dit ce matin, nous sommes essentiellement d'avis que les clients ne se mettront pas à envahir leurs succursales bancaires pour y acheter de l'assurance. Nous pensons plutôt qu'ils auront divers services qui leur seront offerts à leurs comptoirs bancaires.
Pour commencer, le vendeur d'assurance, quel qu'il soit, devra avoir la formation nécessaire et être agréé comme n'importe quel courtier d'assurance. Par conséquent, le personnel qui occupera ces postes sera qualifié.
Deuxièmement, nous suggérons d'adopter les mêmes mesures de protection qu'au Québec, selon lesquelles les vendeurs d'assurance dans les succursales ne peuvent être en même temps responsables de la vente de produits de crédit. Il y aura donc distinction au niveau du personnel et au niveau des informations fournies.
Le risque de convertir un gérant de portefeuille de crédit en courtier d'assurance n'existe pas dans le système proposé. Quant à savoir si les banques récupéreront ainsi de nouveaux clients, nos études montrent que dans les autres pays qui ont opté pour ce système, le taux de pénétration des activités d'assurance par les banques est généralement inférieur à 20 p. 100.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez bien répondu à la question concernant le crédit-bail mais pas à ma satisfaction. En matière de crédit-bail et d'assurance, les banques sont avantagées dans la mesure où elles en savent beaucoup sur leurs clients. Le responsable de ces transactions connaît le montant des dépôts du client ou le montant de ses emprunts. Il peut aussi connaître ses antécédents médicaux quand il lui vend une police d'assurance-vie. Les banques savent tout sur leurs clients parce qu'elles sont le réceptacle de beaucoup plus de renseignements confidentiels que n'importe quelle autre institution. Comment nous assurer que les banques n'abusent pas de cette connaissance?
J'ai un problème aussi avec les ventes liées. Les clients se sentiront peut-être obligés de contracter une assurance-vie avec leur hypothèque auprès de leur banque plutôt que de s'adresser à leur compagnie d'assurance-vie et d'accroître leur police d'assurance-vie pour rembourser cette hypothèque qu'ils font d'ailleurs. Nous transformons les banques en des institutions aux pouvoirs énormes qu'à mon avis nous ne pourrons pas contrôler.
M. MacKay: Pour commencer, nous reconnaissons la légitimité des arguments liés aux renseignements personnels et aux ventes liées. Cependant, cela ne devrait pas être une raison pour nier à ces institutions la possibilité d'offrir ces services. Nous proposons plutôt de résoudre les problèmes entourant les ventes liées et les renseignements confidentiels.
Nous recommandons des régimes législatifs très clairs pour la protection des renseignements personnels, des régimes qui permettront aux clients d'exiger des banques qu'elles n'utilisent pas les renseignements qui leur sont fournis aux fins que vous venez de décrire. De manière analogue, nous recommandons un régime de ventes liées plus sévère que celui qui existe actuellement et accompagné de recours en cas d'abus.
Pour ce qui est du crédit-bail et des assurances, nous disons que les institutions de dépôts -- et par institutions de dépôts nous entendons les banques, les sociétés de fiducie et, nous le supposons, les coopératives de crédit, bien que ce soit une décision qui relève du provincial -- ne devraient pas pouvoir offrir ces services à moins que des régimes efficaces de protection des renseignements personnels et de ventes liées ne soient en place pour éviter les problèmes que vous venez justement de décrire.
Pour ce qui est des renseignements médicaux, dans tous les territoires où les institutions de dépôts sont autorisées à vendre ces produits, il y a des règlements très stricts interdisant aux institutions de dépôts de détenir les renseignements médicaux transmis par un employé à la compagnie d'assurances. Il est défendu à la compagnie d'assurances de fournir ces renseignements à la banque même si le client y consent. Nous faisons la même recommandation dans notre rapport.
Ces mesures isoleront les renseignements fournis et protégeront les clients. Ces droits des consommateurs sont en totale harmonie avec ce qui se fait ailleurs.
Au Québec, les caisses Desjardins vendent tout autant des assurances qu'elles offrent des crédits-bails pour l'achat de véhicules. La Banque Laurentienne et la Banque Nationale sont deux banques nationales à charte qui aimeraient concurrencer la plus grosse institution financière du Québec mais qui se le voient interdit par la loi fédérale.
Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé ce matin du financement des petites entreprises. Dans votre rapport -- et vous l'avez aussi répété --, vous estimez que l'une des premières mesures à prendre consisterait à rendre obligatoires les rapports sur les responsabilités. Quelles seraient les conséquences de l'adoption de cette recommandation? Par exemple, en tant que résidente de l'Île-du-Prince-Édouard, serai-je à même de savoir ce que chacune des institutions financières a investi dans ma province sous une forme ou sous une autre? De quoi s'agit-il exactement?
M. MacKay: Ma réponse sera en deux volets. Vous avez parlé des finances de la petite entreprise. La recommandation essentielle n'est pas tant le rapport sur les responsabilités envers la collectivité que la fourniture de données par les institutions financières à Statistique Canada, données qui seraient rendues publiques. Au Canada, à l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, vous auriez deux documents à examiner lors de vos discussions avec des institutions financières par rapport à votre province. D'une part, la fourniture de données à Statistique Canada -- c'est-à-dire les données sur les petites entreprises. Elles proviennent non seulement des banques, mais aussi des autres organismes qui fournissent des données aux habitants de l'île. Cela se ferait par région et par secteur. À l'heure actuelle, la fourniture de données par secteur aux États-Unis, aux termes de la CRA, n'existe pas. Pour reprendre votre exemple du tourisme que vous avez cité ce matin, aux États-Unis vous n'obtiendriez pas ce genre de données mais vous les obtiendriez en vertu de la proposition que nous avons faite. Cela se fait aux termes du programme de fourniture de renseignements de Statistique Canada auquel vous avez accès.
Il y aura également le rapport sur les responsabilités envers la collectivité. Il ne serait pas nécessaire de répéter toutes les données fournies sous une autre forme, mais si l'institution décidait de le faire, ce serait son affaire. Nous essayons d'inciter les institutions à prouver leur conscience sociale d'entreprise en rendant ouvertement des comptes auprès de la collectivité. À notre avis, les institutions ont très intérêt à se présenter sous le meilleur jour possible aux collectivités qu'elles desservent car si elles ne le font pas, elles seront les perdantes dans ces collectivités. Ces rapports seront fournis au ministre des Finances et ensuite déposés au Parlement. Il existe un système d'examen minutieux qui servira de toile de fond aux discussions entre les institutions et les collectivités. Ce n'est pas une formalité administrative. Nous optons pour un système qui favorise un dialogue libre, intéressé et constructif, plutôt qu'un bulletin de notes où le fait d'avoir tout juste la moyenne suffit. Il est inutile de continuer à discuter. Ce n'est pas ce que nous attendons.
Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question au sujet de l'accès. Partout à l'heure actuelle nous voyons la technologie occuper de plus en plus de place. On entend souvent les gens se plaindre de ce que, lorsqu'ils se rendent à la banque, il n'y a personne pour les aider à utiliser la technologie disponible. J'ai lu aujourd'hui que 38 p. 100 des Canadiens ont du mal à comprendre les directives les plus simples fournies par écrit. Que peuvent faire les institutions financières pour y remédier, selon vous? Est-ce une statistique qui les inquiète?
M. MacKay: Toute cette question est très intéressante et importante. Le groupe de travail estime que nous traversons une période de transition. La technologie va accroître le pouvoir de tous les consommateurs. Ce sera notamment le cas des consommateurs dans les collectivités rurales et éloignées qui n'ont jamais eu le même accès aux services financiers que ceux des grandes collectivités urbaines. Dans un certain nombre d'années, les services financiers interactifs seront accessibles depuis chez vous et de façon extrêmement conviviale, par exemple, grâce à un système commandé par la voix. Ce sera on ne peut plus convivial.
Les choses évoluent très rapidement par rapport à l'époque où les transactions se faisaient surtout dans les succursales. Il y a trois ou quatre ans encore, environ 38 p. 100 des transactions avaient lieu dans une succursale bancaire et aujourd'hui, il n'y en a plus que 21 p. 100. En général, les Canadiens ont opté pour l'utilisation de toute la technologie possible. Nous sommes en concurrence avec les meilleurs du monde, mais certaines personnes continuent de se sentir un peu mal à l'aise pendant cette période de transition. Nous n'en sommes pas encore au point où les systèmes sont bon marché, conviviaux et interactifs. Ce sera une drôle d'époque. Les consommateurs doivent être en mesure de s'adapter car les institutions financières doivent maintenant diriger plusieurs services de transaction en même temps, à savoir une succursale, une installation électronique, des centres d'appel téléphonique, etc. Dans une dizaine d'années, tout fonctionnera comme sur des roulettes et ce sera rentable. Il incombe alors aux consommateurs de s'adapter à cette nouvelle technologie et aux institutions financières de faire preuve de sensibilité et de ne pas claquer la porte des succursales trop rapidement. Nous sommes en pleine transition et des succursales vont fermer leurs portes. Le petit train train quotidien n'existera plus et le maintien du statu quo n'est plus une option.
Le président: Il se trouve que je suis parfaitement d'accord avec tout ce que vous avez dit au sujet de la transition et de l'évolution de la technologie. Or, en ce qui a trait à la question que soulève le sénateur Callbeck, j'ai eu l'impression en lisant le rapport que les auteurs ont cédé à une ou deux reprises à la tentation de mettre à l'abri du changement les consommateurs qui sont lents à s'y adapter ou à l'accepter. Certains Canadiens, dont certains dans cette pièce, ont toujours du mal à accepter le changement. Le gouvernement devrait-il pour autant aller jusqu'à dire: «Nous vous mettrons à l'abri de ce changement»?
Pendant que je lisais le rapport, il m'est venu à l'esprit la comparaison avec les stations libre-service en Nouvelle-Écosse. La Nouvelle-Écosse a eu 10 ans de retard par rapport aux autres provinces pour ce qui est de l'ouverture des stations libre-service et pour cela pour deux raisons: l'emploi des personnes qui pompent l'essence et les personnes âgées qui n'aimaient pas les stations libre-service. Pendant 10 ans, tous les autres consommateurs se sont vus priver de l'avantage des prix plus bas dans les stations d'essence libre-service. J'ai cru noter un réflexe assez semblable à quelques endroits dans votre mémoire. Est-ce injuste?
M. MacKay: Pouvez-vous me donner un exemple de ce dont vous parlez?
Le président: Au haut de la page 192 du rapport du groupe de travail, vous dites que la disparition d'une succursale peut entraîner de sérieuses perturbations sur le plan local, notamment pour les clients mal à l'aise avec les solutions de rechange électroniques. Vous dites ensuite qu'il faudrait prévoir une période de transition avant de fermer des succursales.
Pour en revenir à la question du sénateur Callbeck, dans quelle mesure le gouvernement doit-il se charger de réglementer de tels changements au lieu d'en laisser le soin au marché?
M. MacKay: Vos propos sont un peu minimalistes. D'après nos calculs, environ 119 collectivités ont perdu leur dernière succursale de banque, dont 40 dans ma propre province.
Je peux vous décrire en connaissance de cause l'érosion communautaire très marquée qui résulte de la fermeture de la dernière succursale locale. Toute fermeture de succursale dans une petite localité est traumatisante. Toutefois, je ne sais pas si les stations d'essence libre-service en Nouvelle-Écosse ont eu le même effet -- peut-être. Il s'agit ici d'un sérieux problème qui résulte de la perte d'un service important pour la collectivité.
Le président: Compareriez-vous cela aux bureaux de poste et aux silos de collecte?
M. MacKay: Cela ressemble à cela, mais en plus traumatisant. La présence d'une succursale est essentielle aux activités commerciales.
Prenez l'exemple de Lynn Lake au Manitoba, dont on a parlé dans les journaux. La succursale a été fermée. Cette fermeture était peut-être inévitable, mais les petits hommes d'affaires devront peut-être faire appel à un camion de la Brink's pour franchir les 50 milles jusqu'à la prochaine succursale, et ce n'est pas peu dire.
Nous disons qu'une période de consultation permettrait peut-être de trouver de meilleures solutions de rechange. Nous ne considérons pas qu'il s'agit de mettre les consommateurs à l'abri du changement. Nous ne croyons pas avoir repoussé l'inévitable pendant quatre mois. À notre avis, ce n'est pas l'essentiel ici. C'est plutôt à notre avis l'occasion d'avoir un dialogue constructif. L'institution financière ne pourrait-elle pas offrir quelques services de succursales? Un membre de la collectivité ne pourrait-il pas faire une offre à l'institution? Ne pourrait-on pas négocier la cession à une autre institution afin d'éviter toute rupture dans l'accès au service?
Le président: Je comprends ce que vous dites lorsqu'il s'agit de la dernière succursale de la collectivité; mais je ne comprends franchement pas la nécessité de cela au coeur d'un grand centre urbain. Je comprends que vous puissiez souhaiter une politique relative aux collectivités rurales et à la fermeture de la dernière succursale, mais je ne vois pas pourquoi la même politique s'appliquerait à une collectivité où il y a quatre institutions différentes, chacune ayant une succursale aux quatre coins d'une intersection, et que l'une d'elles choisit de fermer sa succursale.
M. MacKay: Certains retraités à faible revenu qui voient fermer leur succursale de quartier ne partageraient peut-être pas votre avis.
M. Ducros: Quatre mois ce n'est pas la fin du monde. Nous calculons qu'il faudra quatre mois pour s'adapter.
M. MacKay: Il s'agit de prévoir un délai de transition au cours duquel on cherchera à déterminer quel autre service peut être offert en remplacement, s'il en est. Il ne s'agit pas de s'ingérer de façon indue dans les décisions d'affaires. C'est une autre façon d'améliorer l'obligation de rendre compte aux collectivités qui n'ont pas intérêt à fermer abruptement des succursales, que ce soit dans les grands centres ou dans les régions rurales du Canada.
Le sénateur Callbeck: Je sais que nous ne sommes pas là pour parler de fusions. Toutefois, quand nous sommes allés à Washington, le contrôleur intérimaire de la monnaie nous a parlé d'une étude qui est en cours pour déterminer si les frais imposés aux consommateurs augmentent ou diminuent après une fusion. Le contrôleur nous a indiqué que l'étude n'est pas terminée mais que des rapports provisoires révèlent que les frais de services augmentent. Dans votre étude ou dans vos conclusions, est-ce que vous commentez ce phénomène?
M. MacKay: Je ne suis pas certain que nous puissions ajouter quoi que ce soit. Les données relatives aux fusions sont soit périmées, soit trop insuffisantes pour qu'on en tire des conclusions, et cela dans quasiment tous les cas. Les principales données sur les fusions, que nous avons analysées en détail, portent sur la question de savoir si l'on peut démontrer qu'il est avantageux d'avoir une institution de plus grande taille, et nous avons conclu que l'analyse ne le démontre pas de façon concluante, ou même convaincante, dans tous les cas. La taille n'est pas une panacée. À ma connaissance, nous n'avons fait aucune analyse sur la question des frais ou des droits résiduels après une fusion, et j'ai l'impression de ne pas avoir lu d'études de ce genre.
Le sénateur Austin: Monsieur MacKay, je note à la page 100 de votre rapport un commentaire que vous faites en passant. Vous commentiez une recommandation sur l'adoption d'une loi sur les sociétés financières de portefeuille. Ma question est aussi oblique que votre commentaire. Vers le milieu de la page 100, vous dites que cela pourrait devenir «... une bonne façon de se rapprocher d'un système de réglementation fonctionnel». Ce commentaire m'a laissé perplexe.
Le comité s'est rendu à Londres où nous nous sommes entretenus avec Harold Davies au sujet du projet de FSA. Si ma mémoire est fidèle, c'est exactement le modèle que souhaitait abandonner le Royaume-Uni. Nous connaissons les bouleversements qu'a connu leur système entre 1985 et aujourd'hui, et les échecs retentissants de leur réglementation financière nationale, particulièrement dans le secteur de l'immobilier et des fiducies, lesquels ont amené le nouveau gouvernement de M. Blair à prendre une décision au départ très populaire, à savoir la création d'un organisme de réglementation unique regroupant la quasi-totalité des fonctions de réglementation, cette dernière se faisant par fonction plutôt que par institution.
Avez-vous songé à la façon dont l'organisme de réglementation doit s'acquitter de son mandat? Doit-il agir en fonction de la solidité et de la sécurité globale de l'institution? Réglemente-t-il uniquement par fonction, la multiplicité des bons bilans étant alors synonymes de bonne réglementation?
M. MacKay: Je ne sais plus où dans le rapport, nous disons que les institutions font faillite, mais pas les fonctions. Nous comprenons la nécessité d'une réglementation par institution. Nous n'allons pas suggérer ici qu'il faudrait un organisme de réglementation distinct pour chacune des fonctions. Nous voulions plutôt dire que si, dans le contexte d'une société de portefeuille, une activité est financée séparément -- non par des dépôts ni par braconnage à la banque -- et s'il s'agit d'une activité bancaire de gros directement comparable à ce que Capital ou une autre institution fait sur le marché canadien, alors la création d'une société de portefeuille permettrait peut-être de convaincre le BSIF de décider que la fonction exige une réglementation légère ou nulle puisque typiquement il s'agit d'une fonction non réglementée. Cette fonction est réglementée dans le cas d'une institution financière parce qu'elle est englobée aux activités de dépôt. Nous n'avons pas voulu proposer des organismes de réglementation distincts ni encore de laisser croire que nous ne savons pas parfaitement qu'il faut une réglementation par institution.
Si l'institution financière est la filiale d'une même société mère au lieu d'appartenir à un groupe intégré comme c'est le cas actuellement, cela contribuerait peut-être à dissiper les craintes et je souligne le mot «pourrait», de sorte que l'institution affiliée pourrait être réglementée plus légèrement, voire pas du tout, puisqu'il s'agirait d'une fonction ne nécessitant aucune réglementation.
Le sénateur Austin: Je comprends votre réponse. Quant à votre recommandation sur les sociétés financières de portefeuille, j'aimerais savoir si, à votre avis, vous pensez que cette proposition serait très utile ou moyennement utile ou encore que ce serait un objectif que personne ne viserait. Qu'en pensez-vous?
M. MacKay: Quand nous avons analysé la situation, nous nous sommes demandé d'abord s'il serait possible d'atteindre la quasi-totalité des objectifs d'allégement du fardeau réglementaire des institutions financières tout en conservant le modèle actuel de la société mère et de ses filiales. Nous en sommes venus à la conclusion qu'il y avait deux bonnes raisons de retenir le modèle de la société de portefeuille. D'une part, elle permet aux institutions canadiennes de petite et de moyenne taille de se regrouper tout en conservant leur identité propre pour régler quelques autres problèmes notamment de comptabilité. C'est un des avantages de cette structure, si on laisse de côté les objectifs des grandes institutions qui veulent s'affranchir de ce qu'elles considèrent être un fardeau réglementaire inutile. Nous croyons que ce modèle a du bon ne serait-ce que pour cet avantage qu'il comporte.
De là à savoir si les grandes institutions accueilleront favorablement l'idée d'une réglementation allégée ou d'un régime plus souple pour une filiale de la même société mère que pour une société affiliée dépendra entièrement du dialogue qu'elles auront avec le BSIF et sur ce que ce dernier est prêt à accepter. Nous ne sommes pas prêts à recommander des sociétés de portefeuille non réglementées. À notre avis, la seule solution c'est un régime de sociétés de portefeuille réglementées. Je ne peux pas vous dire si ce modèle sera très populaire.
Le sénateur Austin: Nous avons découvert lors de notre examen préalable que les sociétés de portefeuille non réglementées n'existent qu'en théorie; elles n'existent pas dans la pratique, quelles que soient les règles.
M. MacKay: C'est sans doute vrai.
Le sénateur Austin: Cependant, le modèle que nous avons vu aux Pays-Bas, c'était ING, une très grande institution, plus grande que toute banque ou toute autre institution financière au Canada.
M. MacKay: Ce serait après les fusions, n'est-ce pas?
Le sénateur Austin: Je ne sais pas, mais il s'en faudrait de peu. Nous avons constaté que le gouvernement des Pays-Bas accepte assez bien l'idée d'une société de portefeuille où les activités liées à l'actif et au passif sont compartimentées. La Société ABN, par exemple, s'est plaint du fait que cela donne un avantage déloyal à ING. Le modèle semble bien fonctionner. Cela nous rapprocherait de la possibilité d'avoir une grande institution financière à propriété et sous contrôle canadien si nous pouvions réunir dans une structure analogue à celle d'ING, l'une de nos grandes banques et l'une de nos grandes sociétés d'assurances. Avez-vous envisagé cette possibilité ou est-ce que votre modèle de société financière de portefeuille se limite uniquement aux institutions canadiennes de taille moyenne?
M. MacKay: Tous peuvent se donner cette structure. Nous ne savons pas si une grande banque, sous le régime que nous proposons, aurait les moyens de faire l'acquisition d'une grande compagnie d'assurances sans ce modèle de société de portefeuille. La possibilité existerait aussi d'exploiter l'institution ainsi acquise ou de la loger à l'intérieur d'une société de portefeuille. La grande banque pourrait choisir l'une ou l'autre de ces deux formules.
Le sénateur Austin: Si vous souhaitez une réglementation par fonction, ne serait-il pas plus facile de réglementer les activités d'une société de portefeuille plutôt que celle de deux sociétés dont les opérations ne seraient pas intégrées de la même façon?
M. MacKay: C'est l'essentiel de ce qu'il nous a dit. Au fil des ans, cela permettrait d'instaurer un régime de réglementation par fonction.
Le sénateur Austin: Je tiens à vous dire très clairement à vous, et à mes collègues, qu'en quittant nos réunions avec le FSA à Londres, je n'étais pas davantage convaincu de la supériorité de ce modèle.
M. MacKay: Le BSIF a effectué une étude détaillée sur les sociétés de portefeuille qui nous a été très utile. Nous l'avons examinée et, dans une grande mesure, le modèle que nous proposons ici s'inspire de cette étude.
Le sénateur Austin: Dans la partie du rapport qui porte sur le système des paiements, il est dit qu'il existerait un système à deux paliers si l'on incluait dans le système des paiements les fonds mutuels d'assurance et d'autres courtiers en placement. Ai-je bien interprété vos remarques? Nous voulions en arriver à un système de transferts de paiements de grande valeur qui présente le moins de risques possible. Envisagez-vous une structure de risque de deuxième niveau?
M. MacKay: Le système de transferts de paiements de grande valeur continuera d'exister sous sa forme actuelle.
Nous ne prévoyons pas de système à deux paliers. L'Association canadienne des paiements fonctionne déjà selon un système à deux paliers: elle a des membres adhérents et des sous-adhérents. Nous n'avons pas étudié la question de savoir si cette distinction devrait ou non être maintenue. Nous sommes toutefois partis du principe qu'elle continuera d'exister. Si c'est le cas, nous n'avons pas conclu que l'une des compagnies d'assurances ou l'un des fonds communs de placement en instruments du marché monétaire pourrait remplir les critères en vue de devenir un membre adhérent. Nous ne sommes pas allés jusque-là. Nous n'avions pas l'intention de créer deux niveaux ou deux catégories ou de changer quoi que ce soit à la situation actuelle.
Le sénateur Austin: L'une des caractéristiques d'une compagnie d'assurances ou d'un fonds commun de placement, c'est que ses activités dépendent de l'emploi du capital et donc, de l'effet de levier qu'elle possède sur le capital actuel dans la mesure où celui-ci est nécessaire pour garantir la trésorerie et les règlements. Ces entreprises sont désavantagées par rapport à leurs concurrentes qui, de par leur nature, disposent de liquidités importantes, de sorte que l'utilisation de celles-ci importe peu. Vous êtes-vous penché sur ce problème?
M. MacKay: Le problème des liquidités fait partie des trois ou quatre problèmes mentionnés dans le document d'information sur le ministère des Finances et la Banque du Canada. Nous reconnaissons que c'est un problème.
Toutefois, cela ne devrait pas du tout de problème pour ce qui est des fonds communs de placement. Ce que nous disons, c'est que c'est le fonds commun de placement en instruments du marché monétaire et non le gestionnaire du fonds qui devrait être membre du système des paiements. Autrement dit, le problème d'utilisation des liquidités dont vous venez de parler ne se pose pas.
Pour ce qui est du secteur des assurances-vie le problème se pose et devra être résolu, mais ce n'est pas une tâche surhumaine. Telle est notre conclusion.
Le président: Aux pages 213 et 214, vous parlez de l'intégration de la Société d'assurance-dépôts du Canada et de la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes. Vous avez apparemment accepté l'argument que l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes a fait valoir à deux reprises devant notre comité, si ma mémoire est bonne. Elle est d'avis -- avis que vous semblez partager -- que les compagnies d'assurances sont désavantagées par rapport aux institutions de dépôt sous prétexte que la SADC est une institution gouvernementale qui peut emprunter au gouvernement et que ce dernier soutient, tandis que le fonds des assurances privées ne jouit pas d'une telle protection. Dans une note en bas de la page 213, vous dites avoir entendu des témoignages. Ce serait une bonne chose que le comité puisse obtenir ce témoignage. Celui que nous avons examiné par le passé portait notamment sur la mesure dans laquelle le marché réagissait différemment, par exemple, à l'achat de CPG et d'autres instruments de placement. Toutes les preuves recueillies sur le marché, même au lendemain du fiasco de la Confederation Life, prouvent que cela n'a eu aucune incidence sur le marché. Il serait intéressant de savoir pourquoi vous en êtes arrivé à une conclusion différente, au lieu d'accepter les hypothèses de l'industrie.
Si notre comité est sceptique, c'est notamment parce qu'en juin 1994, des responsables de l'industrie ont témoigné devant le comité en s'opposant avec véhémence à l'idée d'organiser la SIAP sur le modèle de la SADC. Nous avons accepté cette opinion.
En août, nous avons assisté à l'effondrement de la Confederation Life. Le gouvernement nous a demandé de tenir des audiences à ce sujet. Vers la mi-septembre, près de 90 jours après leur comparution devant le comité en juin, les responsables avaient totalement changé de position en fonction de l'état du marché, alors que de toute évidence il était impossible de juger concrètement de l'état du marché à l'époque. Vous comprendrez notre scepticisme. Il serait utile que vous nous fournissiez le témoignage que vous avez reçu, plutôt que de parler dans le vide.
M. MacKay: Nous vous transmettrons volontiers les témoignages que nous avons reçus. Toutefois, permettez-moi de vous faire encore un peu de théorie.
Le président: J'espérais que vous répondriez à mon invitation.
M. MacKay: La proposition que nous avons faite ici ne nous a pas été inspirée par l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes. Celle-ci n'a pas proposé l'intégration des deux régimes. Elle a proposé le nivellement des deux régimes grâce à un mécanisme qui aurait eu pour effet de créer une nouvelle SADC et une nouvelle SIAP, les deux jouissant d'un accès bien défini au Trésor.
Nous n'avons pas retenu cette suggestion. Toutefois, en nous penchant sur la convergence des deux secteurs, sur les nouveaux produits vendus par le secteur des assurances, sur l'entrée dans le système des paiements et sur les modifications apportées par le biais du STPGV, nous avons estimé que le contexte avait fondamentalement évolué depuis la dernière fois que ces gens-là avaient comparu devant le comité.
Il faut en revenir aux principes et se demander encore une fois ce qui justifie l'assurance-dépôt. S'il existe une assurance-dépôt, doit-elle être la même pour tous les dépôts, ou être différente selon les genres de dépôt? Dans ce cas, pourquoi?
En fin de compte, nous avons conclu qu'il serait plus logique d'intégrer les deux régimes car cela garantirait la même protection à tous les produits assimilables aux dépôts. Le problème ne va pas disparaître avec le temps, bien au contraire. Les assureurs offrent de plus en plus de produits assimilables aux dépôts. Il est possible de lever en grande partie la confusion qui existe, et cela se comprend, quant aux véritables activités de la SADC. Il ne s'agit pas de ne pas se préoccuper le moindrement de savoir si les règles du jeu sont équitables, mais plutôt d'uniformiser les règles du jeu -- comme je le disais plus tôt.
Le président: Je me réjouis de voir que vous manifestez la même souplesse que celle que les membres de notre profession ont trouvée extrêmement utile au fil des ans.
M. MacKay: Le problème, c'est qu'il existe de grosses banques au Canada et que nous souhaitons que les compagnies d'assurances leur livrent concurrence. L'industrie des assurances, à notre avis, est en mesure de leur livrer concurrence. Ce serait un bon début. Il faudra selon nous mettre de l'ordre dans toutes nos priorités: les priorités des sociétés de fiducie, les priorités des banques, les priorités des compagnies d'assurances. À notre avis, un régime intégré serait une excellente façon d'y parvenir. Nous vous demandons instamment d'envisager sérieusement cette possibilité. Ce n'est pas une recommandation qui émane des compagnies d'assurances. C'est l'opinion du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, en vue d'optimiser son fonctionnement à l'avenir.
Le président: L'argument que vous venez d'invoquer est beaucoup plus plausible que celui qui se trouve à la page 213 du rapport. Il y est dit que cette réalité du marché se traduit par un désavantage concurrentiel pour les sociétés d'assurance-vie. Vos remarques n'ont rien à voir avec la prétendue réalité du marché. Votre argument se fonde sur la progression vers un système uniforme et intégré, ce qui est compatible avec le reste de votre rapport. Ce sont les prétendues réalités du marché qui nous posent des problèmes depuis toujours, et non le genre d'argument que vous invoquez, car c'est entièrement différent.
M. MacKay: Nous vous communiquerons les témoignages dont nous disposons. Vous les trouverez peut-être aussi convaincants que l'argument que je viens de présenter.
Le président: Je ferai trois autres commentaires pour les fins du procès-verbal. D'abord, nous n'avons pas commenté votre recommandation concernant le conseil d'administration du Bureau du surintendant des institutions financières, puisqu'elle est tout à fait conforme à la recommandation déjà faite par ce comité.
De même, vous avez fait deux recommandations sur le Système canadien des paiements: sur l'élargissement du système, et sur le fait que le système des paiements ne devrait pas créer les règles et que les règles devraient être approuvées par le ministre. Ces deux recommandations correspondent, elles aussi, à des propositions déjà faites par le comité.
Nous avons dit aussi, et je suis entièrement d'accord avec vous sur cette question, que la SADC devrait se retirer du processus de création de normes en faveur du Bureau du surintendant. Nous sommes donc très heureux de vos recommandations sur toutes ces questions.
En guise de conclusion, je dirais que nous sommes d'avis, malgré toutes les questions et tous les commentaires reçus par le comité, que vous avez fait un travail de synthèse remarquable en 18 mois. Ce rapport stimulera le débat public au Canada. Nous sommes probablement d'accord avec 75 p. 100 -- même si le 75 p. 100 varie d'un membre à l'autre -- de vos recommandations. À notre avis, vous avez fait un excellent travail.
Merci d'avoir pris le temps d'être avec nous aujourd'hui. Nous vous avons beaucoup sollicités et nous aimerions avoir la possibilité, s'il nous reste des questions de suivi à la fin des audiences, de vous demander de revenir la dernière journée des audiences à la mi-novembre. Nous pourrions vous demander de répondre à de nouvelles idées. Nous allons communiquer avec votre personnel afin de réserver une date provisoire en novembre.
La séance est levée.