Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 27 - Témoignages pour la séance du matin
OTTAWA, le mardi 29 septembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour examiner l'état du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous entreprenons aujourd'hui la deuxième journée d'audiences sur le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nous avons deux réunions aujourd'hui. Ce matin, nous allons entendre les représentants de l'Association des banquiers canadiens. À 17 heures, nous allons entendre d'abord le président-directeur général de la Banque Royale du Canada, et ensuite le président-directeur général de la Banque Nationale.
Nous accueillons ce matin M. Ray Protti, président de l'Association des banquiers canadiens. Il est accompagné de M. Léon Courville, chef des opérations de la Banque Nationale. M. Protti comparaît ce matin à titre de président de l'Association des banquiers canadiens. Il comparaîtra de nouveau ce soir, mais au nom de la Banque Nationale. Donc, il représente ce matin l'industrie, et reviendra nous parler ce soir comme représentant de la banque. Nous accueillons également M. Alan Young, vice-président des politiques à l'ABC.
Merci d'être venus. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
[Français]
M. Léon Courville, président et chef des opérations, Banque Nationale du Canada; président, conseil de l'Association des banquiers canadiens: Monsieur le président, je suis ici ce matin à titre de président du conseil de l'Association des banquiers canadiens. M. Protti m'accompagne et fera une partie de la présentation, de même que M. Young.
Nous vous remercions de votre invitation de vous faire part de nos commentaires préliminaires sur le rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada. Nous vous remettrons également des observations plus détaillées sur des aspects précis du rapport.
[Traduction]
Avant d'aborder certaines questions spécifiques, je tiens à souligner que les observations de notre présentation sont limitées par deux facteurs. Premièrement, le rapport du groupe de travail, rendu public il n'y a que quelques jours, est volumineux et contient énormément d'informations et d'idées. Au cours des semaines à venir, nous analyserons en profondeur et examinerons en détail les implications de cet important ouvrage. Deuxièmement, comme vous le savez fort bien, le gouvernement étudie présentement deux projets de fusion déposés par quatre de nos banques membres. Ces projets de fusion sont le fait de décisions prises par chacune de ces institutions et, à ce titre, l'ABC n'a pas de rôle à jouer en tant qu'association sectorielle. En outre, l'opinion de nos membres est partagée en ce qui a trait à ces projets de fusion et à leurs répercussions sur l'avenir du secteur des services financiers. C'est pourquoi notre présentation n'aborde pas les questions reliées aux délibérations du gouvernement qui portent sur les fusions bancaires et sur les autres enjeux d'intérêt public qui découlent de ce débat.
Le point de vue de nos banques membres diverge quant à la pertinence de certaines des approches réglementaires plus activistes proposées par le groupe de travail. Par conséquent, même si nous commentons de façon préliminaire un certain nombre de questions, nos observations ne portent pas sur les 124 recommandations du rapport du groupe de travail. Toutefois, le fait que nous ne commentions pas certaines de ces questions ne signifie pas que nous souscrivons nécessairement aux recommandations du groupe de travail.
Je remarque, monsieur le président, que le comité a invité chacune de nos grandes institutions membres à comparaître devant vous. Vous serez donc à même d'obtenir leur opinion dans les semaines à venir.
J'aimerais à présent passer au rapport du groupe de travail et à nos observations à l'égard de certaines de ses propositions et de ses recommandations.
À notre avis, le rapport est un document fort imposant -- bien documenté, sérieux et exhaustif. Il énonce une vision claire de l'avenir du secteur des services financiers canadien, une vision qui repose fondamentalement sur un consommateur souverain et habilité. Tout le contenu du rapport, y compris les structures institutionnelles et le cadre de réglementation recommandés par le groupe de travail, découle de cet accent mis par le groupe de travail sur un consommateur souverain et habilité. Nous croyons que cette emphase est tout à fait appropriée.
Nous croyons comprendre qu'un certain nombre de questions intéressent tout particulièrement le comité, telles que l'entrée des banques étrangères, le système de paiements, la structure d'organisation, la structure réglementaire au Canada et les questions de surveillance liées au BSIF et à la SADC. À cette liste, j'ajouterai un enjeu de toute première importance pour les banques: les questions fiscales. Nous avons aujourd'hui l'intention d'axer nos observations sur ces enjeux.
Lors de notre comparution devant le comité permanent des finances de la Chambre des communes, le 24 septembre dernier, nous nous sommes concentrés sur les enjeux liés à la protection des consommateurs. Aujourd'hui, monsieur le président, nous n'avons pas l'intention d'aborder en détail les questions concernant la protection des consommateurs, mais nous répondrons volontiers aux questions que pourraient avoir les membres du comité dans cet important domaine.
Les enjeux dont nous vous entretiendrons aujourd'hui comportent en général des caractéristiques structurelles. Cependant, les enjeux structurels ne sauraient en rien être dissociés des besoins des consommateurs canadiens. Voilà qui ressort d'ailleurs très clairement de la vision que décrit le rapport du groupe de travail. Dans une large mesure, les enjeux structurels portent sur la détermination de qui peut procurer quel service au consommateur et à quelles conditions. En outre, la structure du régime réglementaire peut influer directement sur la sécurité, l'innovation et l'efficacité du secteur financier, dont bénéficie le consommateur.
Je vais maintenant passer la parole à M. Ray Protti qui vous présentera nos observations préliminaires à l'égard de certaines recommandations du rapport.
M. Raymond J. Protti, président-directeur général, Association des banquiers canadiens: Monsieur le président, le rapport du groupe de travail recommande l'accroissement du nombre de concurrents visant la clientèle canadienne et suggère des moyens de lever les obstacles existants et de favoriser la venue de nouveaux intervenants. Même si l'Association estime que le marché canadien des services financiers est très concurrentiel, nous faisons bon accueil à la perspective d'un nombre de concurrents encore plus grand, offrant un choix encore plus vaste aux consommateurs.
Dans le mémoire que nous avons déposé devant le groupe de travail au mois d'octobre 1997, nous avons réaffirmé notre soutien aux politiques qui favorisent la concurrence dans les services financiers, y compris l'établissement de succursales de banques étrangères selon des règles du jeu équitables entre les banques étrangères et les banques d'ici. Nous avons également fait valoir cet appui lors de notre comparution devant le comité permanent des finances de la Chambre des communes à l'automne 1997 et, de nouveau, dans le mémoire que nous avons remis au présent comité au mois de janvier 1997.
À l'instar du groupe de travail, nous sommes d'avis qu'un plus grand nombre de concurrents offrant plus de produits et de services est à l'avantage du consommateur canadien et nous espérons que le gouvernement adoptera au plus tôt une loi sur l'établissement de succursales de banques étrangères au Canada.
Permettez-moi d'aborder l'importante question de la fiscalité. Le groupe de travail MacKay a engagé des spécialistes de la fiscalité pour examiner très attentivement le traitement fiscal réservé aux institutions financières du Canada. Et quelle fut la conclusion du groupe de travail? Son rapport indique que les impôts sur le capital ont, et je cite, des «effets pervers». En conséquence, le groupe de travail recommande l'élimination des impôts sur le capital des institutions financières. Et nous estimons que le groupe de travail a entièrement raison.
Examinons maintenant la question cruciale de l'accès au système de paiements. Les banques du Canada souscrivent à la recommandation du groupe de travail prévoyant l'élargissement de l'accès au système de paiements. Toutefois, nous croyons aussi que toute mesure visant à élargir l'accès au système doit préserver, voire accroître, la sécurité, la stabilité et l'efficacité du système ainsi que les intérêts des consommateurs canadiens. Le groupe de travail l'affirme d'ailleurs lui-même.
Le ministère des Finances a émis un document de discussion au mois de juillet 1998, lequel propose des critères qui s'appliqueraient aux nouveaux entrants du système de paiements. Si les nouveaux entrants n'étaient pas tenus de respecter les mesures réglementaires en matière de surveillance, de solvabilité et de liquidité énoncées dans le document de discussion, la confiance mutuelle et l'assurance que procure la solvabilité présumée de chacun des participants s'effriteraient.
Si l'on n'agit pas de manière appropriée pour régler ces questions, il pourrait en résulter un système à deux paliers, où les clients pourraient bien constater que les chèques tirés sur des institutions comportant un risque plus élevé ne peuvent être encaissés aussi rapidement et que les cartes de débit émises par ces institutions pourraient être assorties de limites de paiement moins élevées. Voilà qui réduirait l'efficacité du système de paiements et minerait la confiance des clients envers la fiabilité du système. L'accès au système de paiements est un enjeu des plus importants, qui a d'énormes répercussions sur le service offert aux consommateurs et, en fait, sur l'ensemble de l'économie. Cette question mérite que toutes les parties intéressées y portent très soigneusement attention au cours des semaines à venir.
Le groupe de travail recommande aussi que des changements soient apportés à la régie de l'Association canadienne des paiements. Nous convenons que certaines modifications seraient appropriées afin de refléter un élargissement du nombre de participants et l'intérêt accru du public envers le fonctionnement du système de paiements. Toutefois, nous désirons souligner que la réussite de ce système est le fruit des efforts de ses participants. Ce sont les participants qui ont la responsabilité de servir leurs clients, en procurant les réseaux sur lesquels repose le système de paiements, en respectant les règles de l'ACP, en assumant les risques et en absorbant les coûts de développement, d'exploitation et de règlement des paiements. C'est pourquoi nous estimons que les participants doivent avoir un rôle à jouer proportionnel à ces responsabilités en ce qui a trait à la régie de l'ACP et aux décisions reliées au niveau de risque du système.
Si l'on modifie la structure de la régie de l'ACP, il est de toute première importance que ces changements ne se traduisent pas par une nouvelle réglementation inutile qui augmenterait le coût du système et en réduirait l'efficacité. À notre avis, le processus consultatif établi par l'ACP, par le biais du conseil consultatif des intervenants et le comité consultatif, a fait la preuve qu'il constitue une méthode efficace pour obtenir la réaction des intervenants qui ne sont pas membres de l'ACP en ce qui a trait à l'exploitation du système de paiements.
Le rapport du groupe de travail renferme aussi un examen utile de la souplesse organisationnelle et structurelle, que j'aimerais maintenant commenter.
L'ABC est heureuse que le groupe de travail MacKay reconnaisse qu'une souplesse d'organisation accrue est souhaitable et atteignable sans que la sécurité et la stabilité ne soient compromises. Comme vous le savez, le système réglementaire actuellement en vigueur au Canada impose aux banques un seul modèle d'organisation, en vertu duquel les activités de détail et de gros sont exercées au sein de la banque ou d'une filiale de la banque et sont assujetties au même type de réglementation. Dans des activités telles que les cartes de crédit et le financement par crédit-bail, les banques d'aujourd'hui font concurrence sur un même front à des institutions non bancaires qui ne sont pas assujetties au même degré de réglementation ou d'imposition.
Nous avons recommandé au groupe de travail que le gouvernement autorise une approche plus souple en matière de structure d'organisation. Nous avons suggéré que chaque banque puisse disposer de la souplesse voulue pour servir ses clients dans la structure corporative de son choix et puisse effectuer ce choix parmi un éventail d'options organisationnelles, notamment la société de portefeuille, la banque universelle et le modèle de la «banque mère d'une banque».
Nous avons soumis cet éventail d'options à l'examen du groupe de travail, sans recommander de modèle en particulier. Nous reconnaissons que chaque institution aura ses propres plans de stratégie commerciale. À notre avis, les avantages pour le consommateur ne tiennent pas à une structure d'organisation, mais plutôt à la souplesse permettant à chaque institution de choisir la structure d'organisation qui optimisera la manière dont elle dessert les consommateurs.
Nous constatons avec satisfaction que le groupe de travail a formulé des recommandations précises en matière de structure d'organisation. Il recommande, par exemple, un modèle de société de portefeuille, lequel serait à la disposition de toutes les institutions financières de régie fédérale, et que je commenterai dans un moment.
Le groupe de travail recommande aussi ce que nous avons appelé le modèle de banque mère détenant une banque, en vertu duquel une banque pourrait choisir d'exercer séparément ses activités bancaires détail et de gros. Les activités bancaires de détail demeureraient assujetties à la réglementation visant à protéger les consommateurs, tandis que les activités bancaires de gros seraient structurées de manière à concurrencer les institutions non bancaires, lesquelles ne sont pas réglementées et sont considérablement moins imposées que les banques. Le modèle de banque mère détenant une banque serait à la disposition de toutes les institutions financières de régie fédérale à capital largement réparti.
Soulignons que le groupe de travail ne préconise pas un modèle de banque universelle, lequel permettrait aux institutions financières fédérales d'exercer à l'interne leurs activités plutôt que par le biais d'une filiale. Toutefois, en recommandant de manière générale qu'aucune restriction ne s'applique aux structures d'organisation des institutions financières, sauf dans la mesure où la solidité et la stabilité du système financier le justifient, le rapport ouvre du moins la voie à des discussions en ce sens.
Comme nous l'avons souligné il y a un moment, nous souhaitons également commenter le modèle de société de portefeuille proposé par le groupe de travail. Premièrement, nous souscrivons à la recommandation voulant que les exigences réglementaires qui s'appliqueraient à société de portefeuille et à ses filiales non réglementées devraient être aussi légères que possible. Rien ne sert de proposer de nouvelles options organisationnelles, si elles se traduisent par le même degré de réglementation, voire par une réglementation accrue.
Deuxièmement, nous partageons l'avis du groupe de travail, selon lequel la société de portefeuille devrait être une société passive et inactive qui serve de point d'ancrage financier pour son groupe.
Le groupe de travail propose, toutefois, que les placements qu'une société de portefeuille serait autorisée à effectuer reflètent ceux d'une institution financière réglementée active, parce qu'il serait inapproprié de biaiser le choix d'une structure d'organisation en permettant à une institution d'échapper à des fonctions en optant pour un modèle plutôt que pour un autre.
Nous sommes d'avis que cette proposition pourrait être indûment restrictive, à moins que soit revu l'éventail des filiales ou entités désignées autorisées d'une institution financière et qu'il soit élargi. Le groupe de travail suggère une révision des filiales autorisées, suggestion que nous appuyons.
Troisièmement, l'ABC partage l'opinion du groupe de travail, selon laquelle l'option d'une structure de société de portefeuille financière peut permettre une réglementation plus nuancée sans compromettre la sécurité et la stabilité. Dans un cadre réglementaire plus souple, il est important que les groupes corporatifs aient la capacité d'exercer leurs activités de détail et de gros au moyen d'entités distinctes faisant l'objet d'une réglementation appropriée à chacune d'elles. Nous souscrivons à la recommandation du groupe de travail, selon laquelle, dans le cadre d'une structure de société de portefeuille, les activités de crédit-bail ne relevant pas de l'institution financière réglementée ne devraient pas être assujetties aux exigences de la Banque des règlements internationaux ou aux règles relatives au montant minimal permanent requis pour le capital et l'excédent sur une base consolidée.
Enfin, en ce qui a trait à cette question, je soulignerai simplement que nous partageons pleinement le point de vue du groupe de travail, selon lequel les options structurelles peuvent permettre une réglementation plus souple de certaines activités, ce qui serait à l'avantage des consommateurs canadiens et favoriserait la concurrence.
Monsieur le président, j'aimerais maintenant faire quelques observations sur le système réglementaire du Canada. Le groupe de travail reconnaît les répercussions négatives du chevauchement et du double emploi qui découlent de la structure réglementaire actuelle du Canada. À notre avis, les recommandations du groupe de travail concernant la délégation provinciale de la réglementation prudentielle au BSIF et l'harmonisation des règles, constituent une première série de mesures utiles, mais elles ne seront pas suffisantes pour rationaliser le régime actuel. Nous estimons que la clé pour résoudre la question du chevauchement et du double emploi consiste à adopter une réglementation nationale qui s'appliquera à tous les services financiers, dans les provinces qui choisiront cette option.
Il est intéressant de souligner que, sur la scène internationale, par le biais de nos obligations commerciales dans le cadre de l'ALENA, de l'OMC et de la zone de libre-échange des Amériques, le Canada se dirige vers un marché commun des services financiers avec ses partenaires commerciaux. Toutefois, au Canada, nous sommes aux prises avec un fardeau de règles provinciales.
Une deuxième observation que j'aimerais faire a trait au niveau de risque du système réglementaire et du système financier dans son ensemble. Nous sommes d'accord avec l'emphase que met le groupe de travail sur l'accroissement de la concurrence sur le marché, mais nous considérons que les partisans de la politique publique doivent être prudents dans la poursuite de cet objectif. Favoriser l'établissement d'un plus grand nombre d'institutions de dépôt peut accroître le niveau de risque, car le système comporterait alors un risque de faillites institutionnelles plus élevé. En fait, le groupe de travail s'attend à ce qu'il y ait des faillites et accepte entièrement cette éventualité. Or, la faillite entraîne des coûts, surtout lorsqu'il s'agit d'une institution dont les dépôts sont assurés. Même si les nouvelles primes reliées au risque que la SADC est à mettre de l'avant permettrait de mieux répartir les risques entre les participants à la SADC, nous demeurons préoccupés par l'éventualité que les institutions les plus solides paient une part importante des coûts engendrés par les faillites futures.
Depuis la création de la SADC en 1967, plus de 30 institutions de dépôt ont fait faillite, ce qui représente un coût global de 5 milliards de dollars pour les autres membres de la SADC. La majeure partie de ces 5 milliards de dollars ont été payés par les banques du Canada, et non par les contribuables. En bout de ligne, ces coûts se répercutent sur nos clients et sur nos actionnaires, ce travailleur canadien sur deux qui possède des actions des banques canadiennes. Il ne s'agit pas d'un argument contre la vision décrite dans le rapport du groupe de travail, et qui est d'accroître le pouvoir des consommateurs. Il s'agit plutôt d'un argument destiné aux artisans de la politique publique afin qu'ils s'assurent que des mesures prudentielles adéquates sont en place et que des niveaux de risque indus ne se créent dans le système financier.
Toujours en ce qui a trait à la question de l'assurance-dépôts, nous appuyons les recommandations du rapport qui visent à éliminer le chevauchement entre les rôles de réglementation et d'assurance des dépôts. Bien que la SADC ne supervise pas directement les banques, elle a élaboré des normes de saine pratique financière et commerciale qui, dans bien des cas, font double emploi avec les règlements ou les lignes directrices du BSIF. En outre, bien que le BSIF évalue les risques que prend une institution dans la conduite de ses affaires, la SADC est également en train de concevoir des primes reliées au risque, ce qui obligera les institutions de dépôt à fournir en double de l'information, et ce, à un coût considérable.
Nous sommes aussi d'avis que le BSIF devrait être l'organisme chargé de recueillir l'information «à un seul et même endroit» et d'agir au nom de la SADC en ce qui a trait à la surveillance de la conformité, tout en travaillant étroitement avec elle à l'élaboration des politiques de gestion des risques.
Enfin, soulignons que le rapport recommande aussi la fusion de l'assurance-dépôts actuellement fournie par la SADC, et des régimes d'assurance, actuellement fournis par la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes. Nous sommes d'avis qu'il devrait être clairement établi que l'acceptation de dépôts et d'assurances sont des activités de nature différente, de même que les risques qu'elles comportent. Si l'on décidait de fusionner ces deux régimes, il est essentiel que les fonds qui financent ces deux types d'assurance soient entièrement distincts et qu'il n'y ait pas d'interfinancement. Les institutions de dépôt ne devraient pas être tenues d'assumer les coûts découlant de la faillite d'une compagnie d'assurances, et vice-versa.
Dans les domaines de la protection de la vie privée, de la vente liée avec coercition, de la déclaration de l'information relative au financement des petites et moyennes entreprises et des mesures de redressement offertes aux consommateurs, le groupe de travail recommande que toutes les mesures mises en place pour protéger les consommateurs s'appliquent à l'ensemble du secteur. Nous constatons avec satisfaction que le groupe de travail comprend très bien que les mesures de protection des consommateurs ne doivent pas s'appliquer uniquement aux banques, mais devraient couvrir l'ensemble du secteur financier. Agir autrement serait contraire à l'intérêt du consommateur.
De la même façon, il est à l'évidence dans l'intérêt du consommateur d'établir des règles du jeu équitables en ce qui a trait à qui peut procurer quel service aux consommateurs et à quelles conditions. S'appuyant sur les préférences et sur les besoins des consommateurs et fort d'une recherche imposante et impartiale, le groupe de travail recommande la levée des restrictions qui interdisent aux institutions de dépôt fédérales de vendre au détail une gamme complète de produits d'assurance dans leurs réseaux de succursales et d'offrir des services de financement de véhicules légers par crédit-bail. Le groupe de travail conclut non seulement que les consommateurs bénéficieront d'un meilleur choix dans les domaines de l'assurance et du crédit-bail automobile, mais il souligne également que les priver de ce choix «serait contraire à l'intérêt public».
Toutefois, il est difficile d'expliquer pourquoi le groupe de travail n'est pas aussi pressé de procurer aux consommateurs les avantages d'une concurrence accrue dans les domaines de la vente au détail d'assurance et du financement par crédit-bail qu'il ne l'est dans d'autres sections du rapport, notamment en ce qui concerne l'élargissement de l'accès au système de paiements. En outre, si des mécanismes appropriés de protection des consommateurs sont en place, pourquoi l'accès des consommateurs à ces produits serait-il retardé?
Certains vous diront que l'entrée des banques dans le domaine de la vente au détail d'assurance et du crédit-bail automobile provoquera un marasme économique et des pertes d'emploi massives. Le groupe de travail a mené une recherche exhaustive et, sans émotion ni rhétorique, a examiné cette question pendant près de deux ans. Son évaluation des territoires où les institutions de dépôt sont autorisées à vendre de l'assurance et à offrir du financement par crédit-bail montre que les assureurs traditionnels, les sociétés de financement par crédit-bail et les concessionnaires d'automobiles peuvent bel et bien coexister, se livrer concurrence et prospérer dans ce marché aux côtés des institutions de dépôt. La recherche du groupe de travail est probante et ses conclusions, limpides.
Avant de conclure, je tiens à souligner que, dans le cas des enjeux importants que sont la vente liée, la vie privée et les mesures de redressement, nous souscrivons à l'objectif du groupe de travail, soit de protéger le consommateur. Toutefois, nous souhaitons présenter un autre moyen d'atteindre cet objectif, c'est-à-dire le maintien d'une autoréglementation responsable, sous l'oeil vigilant de l'État.
Je laisse maintenant le soin à M. Courville de faire quelques dernières remarques.
M. Courville: Il ne fait aucun doute que le secteur se trouve à un point tournant, comme en témoignent les changements qui se produisent sur le marché et l'éventail des enjeux d'intérêt public actuellement examinés, y compris les projets de fusion. Il est également clair, pour reprendre les termes du rapport du groupe de travail, que «pour les institutions financières comme pour leurs clients et les responsables de l'intérêt public, il est exclu de penser maintenir le statu quo».
[Français]
Nous espérons que nos observations sur les enjeux d'intérêt public dont il est question dans notre présentation aideront les membres du comité dans ses délibérations sur le futur cadre de réglementations et de politiques publiques du secteur des services financiers canadiens.
Votre tâche n'est pas simple, mais elle revêt une importance cruciale, non pas uniquement pour les institutions financières que nous représentons mais surtout pour les consommateurs canadiens.
Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens vous a fourni un ouvrage imposant qui permet d'obtenir les conseils des Canadiens et de formuler des recommandations.
Nous vous souhaitons bon succès dans vos délibérations et nous nous tenons à votre disposition pour vous fournir toute l'assistance possible dans la préparation de votre rapport. Monsieur le président, nous serons heureux de répondre à vos questions et à celles de vos collègues.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: J'aimerais poser une question à chacun des témoins. Je commencerai par M. Protti. Pourquoi l'autoréglementation en matière de vie privée est-elle préférable à une loi gouvernementale pour le consommateur, comme l'a laissé entendre M. MacKay? Il a en effet dit que les normes relatives à la protection des renseignements personnels que fournissent les Canadiens aux institutions financières devraient être inscrites dans la loi plutôt que laissées aux caprices des banques individuelles. En quoi estimez-vous que les Canadiens sont mieux protégés par ce que vous proposez?
M. Protti: Nous avons notre propre conception de la vie privée, de la vente liée avec coercition et des moyens de redressement offerts aux consommateurs. L'industrie a prouvé -- particulièrement par rapport à certains de nos concurrents du secteur des services financiers -- qu'elle peut et qu'elle a effectivement, par autoréglementation, adopté avec dynamisme un code de protection de la vie privée dont les exigences correspondent bien souvent au modèle proposé par la CSA, voire les excédents. Ce code est en place depuis quelques années déjà. Nous avons donné à nos employés de la formation quant à la façon de l'appliquer, et il donne des résultats.
Pour ce qui est plus particulièrement de la protection de la vie privée, nous avons prouvé que l'autoréglementation peut être efficace. C'est également le cas en ce qui concerne la vente liée avec coercition. Nous avons été les seuls à faire ce que nous demandait de faire le gouvernement, soit de nous doter d'un code de conduite en la matière. Par ailleurs, nous sommes les seuls joueurs du secteur des services financiers à avoir en place un mécanisme de redressement. Le groupe de travail a affirmé sans équivoque que le modèle était bon. En fait, il déplorait que les autres joueurs du secteur ne nous aient pas emboîté le pas.
Notre industrie a essentiellement démontré que l'autoréglementation fonctionne. Il faudrait nous donner l'occasion d'en prouver l'efficacité. Je crois que nous avons établi notre bonne foi à cet égard.
J'aimerais commenter un point qui me préoccupe, particulièrement en ce qui concerne les mesures de redressement offertes au consommateur. Si nous adoptons une solution législative s'appliquant à l'ensemble de l'industrie -- soit la création, par voie législative, d'un ombudsman des services financiers canadiens -- , je crains que cette institution ne se transforme en tribunal quasi judiciaire. Il existe une forte tendance -- je le sais d'expérience, puisque j'ai pendant 25 ans travaillé au sein de la fonction publique -- à laisser ces institutions avoir une vie propre sans rapport avec ce qu'avaient prévu les législateurs à l'origine. Si, pour obtenir redressement, il faut que le consommateur s'adresse à un tribunal quasi judiciaire, il y aura plein d'avocats -- je ne cherche pas à dénigrer cette profession -- dans les deux camps. Le consommateur qui tente de régler une réclamation d'assurance se trouvera coincé entre les deux.
Le sénateur Oliver: Ne serait-ce pas mieux que le régime actuel où l'organisme qui joue le rôle d'ombudman impartial est à la solde des banques qui le contrôlent?
M. Courville: Tout d'abord, en ce qui concerne la protection de la vie privée, tout ce que nous faisons est basé sur la confiance. Sans elle, les banques seraient obligées de fermer; elles ont donc tout intérêt à protéger les renseignements personnels de leurs clients.
La question de l'ombudsman sous-entend l'adoption de pratiques et de moyens de redressement. Si l'ombudsman fait partie de l'industrie, il obtiendra une meilleure coopération en vue de régler certains problèmes. Les banques sont en quelque sorte des parentes de l'ombudsman, et elles doivent trouver avec lui une solution. S'il faut qu'il y ait redressement, il appartient à la banque «fautive» de le faire. Si les banques se sentent responsables de leurs clients, il vaut beaucoup mieux que ce soit quelqu'un de l'intérieur qui provoque et gère le redressement plutôt que de se retrouver sur la place publique, ce qui pourrait donner lieu à des frictions et se traduire par des accusations de part et d'autre.
Nous préférerions donner aux banques et aux institutions financières individuelles la possibilité d'offrir un redressement pour les torts causés à un client et de faire en sorte que l'information au sujet de certaines plaintes où le consommateur n'a pas eu gain de cause à l'arbitrage soit publiquement neutralisée après coup. C'est ce que nous faisons actuellement. Un processus est déjà en place grâce auquel toutes les plaintes sont compilées de même que les cas où les banques individuelles n'ont pas offert de redressement. Le système fonctionne très bien.
Le sénateur Kenny: Des porte-parole de l'Association des banquiers américains ont déclaré: «Rien ne vaut la vente liée. Nous offrons aux clients tous les services dont ils ont besoin. C'est une bonne façon de brasser des affaires. Nos clients sont satisfaits. Ils sont très heureux.» Ne faites-vous que réagir aux pressions exercées par le gouvernement quand vous dites que vous êtes en train de prendre des mesures au sujet des ventes liées ou est-ce vraiment ainsi que vous concevez la structure du système?
En d'autres mots, aimeriez-vous que le gouvernement exerce encore plus de pressions pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de ventes liées? Ou préféreriez-vous avoir plus de possibilités d'offrir un panier plus complet de services?
M. Protti: Je fais une distinction entre l'interdistribution et la vente liée. L'interdistribution consiste à regrouper les services pour le bénéfice du consommateur, que ce soit parce qu'il l'a lui-même demandé ou à la suggestion de l'institution. Par contre, en ce qui concerne la vente liée avec coercition, nous sommes d'accord avec le gouvernement et d'autres qu'il faudrait interdire cette pratique. Nous ne sommes pas à l'aise avec le principe.
Il y a 18 mois environ, en réaction à des accusations de vente liée, tous les joueurs du secteur des services financiers ont été priés par le comité de la Chambre de se doter d'un code d'éthique à ce sujet. Le comité avait recommandé que le code soit mis en place et utilisé pendant un certain temps pour voir s'il y a encore des plaintes. Nous sommes les seuls à l'avoir fait. Nous avons adopté un code, nous l'avons fait connaître à l'échelle du pays et nous avons donné de la formation à nos employés.
Le comité de la Chambre a ensuite tenu une autre série d'audiences et, sans véritable preuve que les ventes liées avec coercition posaient problème, il a décidé d'intégrer dans la Loi sur les banques une disposition interdisant cette pratique. Voilà la situation telle que nous la vivons aujourd'hui.
Nous demeurons d'avis que l'autoréglementation comme ce qu'on nous avait demandé de faire demeure le meilleur moyen de régler le problème. Nous sommes les seuls à avoir donné suite à la recommandation.
Le sénateur Kenny: J'essaie de voir si vous vous efforcez d'être politiquement correct, de décider quels sont vos intérêts économiques réels.
N'eussent été les recommandations faites par le comité, que seraient en train de faire les banques? Quel genre de régime aimeriez-vous avoir? Seriez-vous en faveur d'un régime qui vous encourage à offrir toute une gamme de services et qui permette aux différents organes d'échanger de l'information, de sorte qu'on puisse offrir aux clients différents choix? Ou préféreriez-vous que tout soit compartimenté, de sorte qu'un organe ne puisse pas communiquer avec un autre?
M. Protti: Nous aimerions certainement un marché au sein duquel nous pouvons offrir au consommateur ce qu'il réclame. Les consommateurs actuels sont beaucoup plus avertis qu'ils ne l'étaient. Ils négocient beaucoup plus. Ils se présentent parfois chez nous et disent: «Je dois renouveler mon hypothèque. C'est le plus important produit que j'achète chez vous. Par contre, je trouve que votre taux affiché est trop élevé. Je refuse de payer cela. Si j'achète d'autres produits chez vous, me consentirez-vous une baisse de quelques points, par exemple de 50 ou 75 points?» Ça, c'est de l'interdistribution.
Nous aimerions pouvoir prendre des initiatives de ce genre. Nous aimerions pouvoir dire au consommateur: «Apportez-nous un ensemble de produits et nous allons pouvoir négocier une entente favorable qui serait, par exemple, inférieure au taux courant», ou lui offrir ce qu'il pourrait avoir en tête. C'est ce qu'on appelle des interventes, et c'est ce qui est avantageux pour nous.
Le sénateur Kenny: Pour vous, ce qui fait la différence, c'est qui prend l'initiative. Si c'est le consommateur qui demande, ça va, mais si c'est vous qui offrez le produit, ça ne va pas?
M. Protti: Non.
M. Courville: Dans la vraie vie, monsieur, c'est très lié. On ne sait pas toujours si c'est une question d'offre ou de demande.
En pratique, nous offrons des produits, et nous aimerions offrir tous ceux qu'on peut, en les regroupant. C'est ce que certains consommateurs aiment. Ils aiment se sentir importants dans leur institution financière. Ça leur donne le sentiment d'avoir une influence quand ils négocient divers produits. Ça permet aussi de gagner du temps. Les clients nouent des liens avec un employé de la banque et la banque connaît leur situation. Les clients sentent qu'on les connaît et qu'on peut leur offrir non seulement des produits mais aussi des conseils. C'est ce que nous aimons faire.
Vous avez soulevé une autre question. L'expression «ventes liées» ne convient pas du tout. Il faudrait plutôt parler d'«offres liées», qu'on peut accepter ou refuser. On peut en morceler les éléments. Il ne s'agit pas de ventes liées dans le sens où les produits forment un bloc. On peut les acheter à la pièce ou les acheter en conjonction avec d'autres.
Vous avez parlé de l'échange d'informations sur les produits entre nos filiales. C'est un sujet important. Nous avons des maisons de courtage affiliées et nous vendons aussi des produits financiers traditionnels. En pratique, il ne peut pas y avoir échange d'informations entre les deux à moins que le consommateur nous en ait donné l'autorisation.
La plupart des banques offrent à leurs clients la possibilité d'autoriser ou non la divulgation d'informations. Si le consommateur refuse que les informations soient communiquées, nous nous assurons que son voeu est respecté.
Le sénateur Kenny: L'idéal pour vous serait d'avoir la possibilité d'analyser toutes les informations que vous possédez sur un client pour pouvoir lui faire des propositions parfaitement adaptées à sa situation.
M. Courville: Évidemment.
Le sénateur Kenny: Comment réussir à le faire sans porter atteinte de quelque façon que ce soit aux droits des consommateurs?
M. Courville: Parlez-vous des droits à la protection des renseignements personnels?
Le sénateur Kenny: Oui.
M. Courville: Les clients doivent donner leur consentement.
Le sénateur Kenny: Le donnent-ils en signant le genre de formule qu'on remplit pour les cartes de crédit et qui vous permet d'obtenir des renseignements de toutes sortes sur les antécédents de crédit?
M. Courville: Ils doivent donner leur consentement.
Le sénateur Kenny: On donne son consentement chaque fois qu'on remplit une demande de carte de crédit.
M. Courville: Oui.
Le sénateur Kenny: Ce consentement permet à la banque d'avoir accès à tous les renseignements qu'elle veut.
M. Courville: Pas nécessairement.
Le sénateur Kenny: Mais presque.
Le sénateur Oliver: J'ai une autre question à poser sur la protection des renseignements personnels et ensuite j'aimerais vous interroger sur les contrats de crédit-bail de véhicules légers.
Au sujet de la protection des renseignements personnels, le groupe de travail recommande que les succursales des banques soient autorisées à vendre de l'assurance-vie. Ce serait nouveau. C'est donc dire que les succursales des banques auraient pour la première fois accès à des polices d'assurance-vie et à des renseignements médicaux confidentiels. Si la proposition du groupe de travail est adoptée, faudra-t-il modifier en profondeur les codes sur la confidentialité pour tenir compte du fait que vous aurez accès à des renseignements médicaux confidentiels?
M. Protti: Non. Je crois que M. Young a le texte avec lui.
M. Alan Young, Association des banquiers canadiens: Je lis dans le modèle de code sur la confidentialité de l'ABC, à l'article 5.4, que la banque ne peut tirer des renseignements personnels du dossier médical qu'à des fins biens précises. Le cas échéant, elle n'en divulgue pas la nature à ses filiales ni à ses sociétés affiliées, et vice versa. Par exemple, la banque ne peut pas utiliser les renseignements personnels tirés du dossier médical d'un client de l'une de ses filiales pour évaluer une demande de prêt.
Le sénateur Oliver: Il y a une cloison étanche dans la succursale?
M. Young: Oui. C'est écrit dans le code.
Le sénateur Oliver: Ma prochaine question concerne la vente de voitures par crédit-bail. DesRosiers Automotive Consultants a produit un rapport pour le groupe de travail. On demande dans ce rapport si le marché peut soutenir la valeur résiduelle élevée prévue dans la plupart des contrats de crédit-bail. Par exemple, après trois ans de location, une BMW a, dit-on, une valeur résiduelle de 70 000 $ à 80 000 $. Selon le rapport DesRosiers, après avoir augmenté pendant cinq ans, la valeur résiduelle des voitures diminue rapidement. La baisse de la valeur résiduelle signifie une augmentation des mensualités sur les nouveaux contrats de crédit-bail. D'après le rapport, ça provoquera une diminution des ventes de voitures par crédit-bail, qui ne constitueront plus que 40 p. 100 des ventes de nouvelles voitures cette année par rapport à 47 p. 100 l'année dernière.
Encore d'après ce rapport, la très grande popularité de ce mode de crédit ces dernières années entraînera des pertes pour les prêteurs actuels à l'échéance des contrats de crédit-bail. Nous avons déjà pu constater que certaines banques américaines ont abandonné ce marché précisément à cause des pertes attribuables à la chute de la valeur résiduelle des voitures.
J'aimerais savoir, monsieur Courville, si votre banque a étudié cette question et si vous tenez vraiment à vous lancer dans ce domaine.
M. Courville: Oui. Nous aimerions nous lancer dans le crédit-bail. Vous avez parfaitement raison à propos de ce que dit le rapport DesRosiers. J'ai rencontré des représentants de la Société GE Capital la semaine dernière. Il y a deux ans, le crédit-bail de voitures leur a fait réaliser un profit de 500 millions de dollars. Cette année, ils vont tout juste atteindre le seuil de rentabilité.
Le sénateur Oliver: À cause de la valeur résiduelle?
M. Courville: À cause de la valeur résiduelle et de la chute du prix des voitures. Avec les fluctuations de la monnaie, nous allons assister à de grands changements dans l'industrie automobile du pays, chez les fabricants de voiture américains et japonais, ce qui va faire baisser les prix. En effet, on va ajouter pour presque rien de nouvelles options aux voitures, ce qui constitue en fait la réduction de prix. Ça intensifie la concurrence. Le marché très lucratif d'il y a six ou huit ans a poussé tous les membres du secteur à faire monter la valeur résiduelle des voitures de manière à réduire les coûts du crédit-bail pour les consommateurs. Ils doivent maintenant en subir les conséquences.
Le sénateur Oliver: Il faut assumer ses choix.
M. Courville: Vous avez bien raison. Le crédit-bail, comme toute autre activité commerciale, fonctionne par cycles. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques du secteur financier. Certains produits et certains domaines du secteur financier génèrent des profits pendant certaines parties du cycle. À d'autres moments, il y peu de profits et on peut même subir des pertes.
Nous visons, je suppose, le long terme. Notre entrée dans le domaine du crédit-bail pourrait stimuler la concurrence au Canada. Parce que nous sommes relativement bien supervisés et que nous avons un code d'éthique, nous pensons que nos clients seront mieux renseignés. Les concessionnaires d'automobiles eux-mêmes auront accès à de plus vastes sources de financement pour leurs contrats de crédit-bail. Donc, au bout du compte, même si ce n'est pas le bon moment de nous intégrer au marché, nous comptons y rester longtemps.
Le sénateur Oliver: Monsieur Protti, aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. Protti: Oui, deux choses. Je voudrais préciser que, depuis plusieurs années déjà, les Canadiens ont été amenés à croire que le crédit-bail est uniquement l'affaire des concessionnaires d'automobiles. J'espérais que le groupe de travail détruirait ce mythe. Il a démontré que 80 p. 100 des contrats de crédit-bail au pays sont traités par les services financiers étrangers des fabricants de voitures. En particulier, trois de ces services -- GM, Chrysler et Ford Credit -- détiennent 70 p. 100 du marché. Des entreprises comme les sociétés de crédit-bail occupent 10 p. 100 du marché. M. Courville a cité l'exemple de GE Capital. Seulement 10 p. 100 des voitures sous contrat de crédit-bail appartiennent à des concessionnaires d'automobiles. Sur ces 10 p. 100, seulement 1 p. 100 des concessionnaires -- environ 45 concessionnaires dans tout le pays -- ont plus de 200 voitures sous contrat de crédit-bail. Le concessionnaire moyen ne conclut qu'environ 20 à 25 contrats de location par année. Donc il n'y a pas que les concessionnaires dans ce marché.
Le président: Monsieur Courville, en réponse à la question de savoir s'il est souhaitable de maintenir le bureau de l'ombudsman sous sa forme actuelle ou s'il devrait être tout à fait indépendant des banques, vous vous êtes prononcé en faveur du maintien de la situation actuelle pour deux raisons.
Pour vous paraphraser, vous nous avez dit en premier lieu que si l'ombudsman continue de faire partie du cercle, il devrait obtenir une meilleure collaboration des banques que s'il était indépendant. En deuxième lieu, vous croyez qu'un ombudsman indépendant rendrait le processus public et provoquerait la confrontation.
Le groupe de travail n'a pas envisagé un processus public. En fait, d'après lui, le processus devrait rester le même que celui qu'il est actuellement. Je ne suis pas persuadé que votre préoccupation à l'égard de la publicité est une raison suffisante pour ne pas avoir un ombudsman plus indépendant.
Le fait que, comme vous le dites, l'ombudsman fasse en réalité partie du cercle est justement la raison pour laquelle de nombreux Canadiens doutent de son objectivité et de son utilité. Selon eux, qu'ils aient raison ou tort, un ombudsman qui partie du cercle, risque d'être moins rigoureux avec les membres du cercle que s'il n'en faisait pas partie. À mon avis, vous avez donné une excellente raison, en fait, pour justifier l'indépendance de l'ombudsman.
M. Courville: Je n'ai pas utilisé le terme «cercle».
Le président: J'en conviens. J'ai bien dit que je vous paraphrasais, mais c'est en substance ce que vous avez dit.
M. Courville: Vous pourriez employer le terme «cercle» dans n'importe quel contexte d'autoréglementation, n'importe où, que ce soit dans le secteur financier ou ailleurs, alors je ne saisis pas exactement le sens de l'expression «membre du cercle».
Je voulais seulement dire que le mécanisme de recours est plus important que la démarche de confrontation. Nous nous préoccupons des consommateurs et de la manière dont le bureau de l'ombudsman est structuré présentement. Je vais préciser ma pensée. En pratique, chaque banque a en son sein son propre mécanisme, en vertu duquel quelqu'un est chargé de superviser les plaintes des clients et de s'assurer qu'ils reçoivent un traitement équitable. Ce service n'a rien à voir avec la structure hiérarchique traditionnelle. Ça permet un règlement moins coûteux et, probablement, plus satisfaisant des litiges.
En ce qui concerne la structure du bureau de l'ombudsman, je tiens à souligner que, depuis cette année, les membres du conseil d'administration ne sont pas issus du secteur bancaire ou financier. Ils nous fournissent des conseils sur la manière dont nous devrions fonctionner; ils supervisent le mécanisme de recours; ils contrôlent le nombre de cas soumis à l'ombudsman; et ils analysent non seulement les situations, mais les types de situation qui font l'objet des plaintes. C'est ça l'autoréglementation. Vous appelez ça un «cercle».
Le président: Vous avez utilisé le terme «confrontation». Pourquoi est-ce que le fait d'avoir un ombudsman indépendant devrait susciter plus de confrontation que d'avoir un ombudsman non indépendant? Je ne pense pas que ce soit lié.
M. Protti: J'aimerais dire deux ou trois choses pour clarifier la question. Premièrement, pour en revenir à ce que disait M. Courville, le conseil d'administration du bureau de l'ombudsman compte plus de membres indépendants que de membres du secteur bancaire. Deuxièmement, pour illustrer le degré d'indépendance de l'ombudsman, si jamais il est question de destitution, la seule façon dont un ombudsman peut être destitué est par l'obtention du vote unanime des membres indépendants du conseil d'administration. Troisièmement, que je sache, en ce qui concerne les plaintes qui ont déjà été réglées, chaque fois que l'ombudsman a tranché en faveur du consommateur, les banques en cause ont agi conformément à la recommandation de l'ombudsman.
Pour ce qui est de l'utilisation du terme «confrontation», j'aimerais faire une mise en garde parce que, si le mécanisme est prévu par la loi, nous risquerions fort, il me semble, monsieur le président, de nous retrouver -- pas tout de suite, mais ça ne manquerait pas d'arriver, la bureaucratie étant ce qu'elle est -- avec un groupe d'avocats d'un côté et un autre de l'autre. Cette perspective m'inquiète. Si ça se réalisait ce serait, en fin de compte, au détriment des plaignants.
Le président: Tout changement comporte un certain degré de risque, qu'on peut toujours invoquer pour ne pas l'effectuer.
M. Courville: En fait, qu'est-ce qu'on essaie de régler en ce qui concerne l'ombudsman? On dirait qu'il y a présomption, qu'à cause de l'autoréglementation on sera moins attentifs aux consommateurs qui portent plainte.
Le président: C'est bien ce qui est perçu.
M. Courville: C'est une présomption, non pas une perception, parce que je crois que nous n'avons rien entendu de négatif aujourd'hui à propos des mécanismes de recours de l'ombudsman; alors j'ai l'impression que nous essayons de régler un problème qui ne s'est encore jamais présenté.
Le sénateur Kolber: J'ai posé cette question hier, mais je n'ai pas obtenu de réponse. Vous pouvez peut-être m'aider. Nous venons seulement d'entamer les auditions sur un sujet d'une portée considérable et potentiellement très complexe, l'industrie financière au Canada. Pour moi, si ça fonctionne bien, n'y changeons rien. Cependant, le groupe de travail a conclu que, pour les institutions financières, comme pour les clients et les responsables l'intérêt public, il est exclu de penser maintenir le statu quo.
J'essaie d'aborder ce débat en partant d'un principe de base. Il est inutile de discuter, parce que les conclusions n'auront pas de sens, si on ne s'entend pas sur un principe de base. Cela dit, quel est le problème? Est-il systémique ou accessoire? La question du crédit-bail ne manque pas d'intérêt. À mon avis, les banques devraient être libres d'offrir ce service, mais elles ne le peuvent pas. À chacune de décider si c'est une bonne affaire ou non. Cependant, lorsqu'on voit les énormes profits que les banques réalisent depuis quelque temps, alors qu'elles déclarent un taux de rendement des capitaux propres de 15 à 18 p. 100, pourquoi le statu quo est-il exclu? J'ai du mal à comprendre ça.
Si vous me disiez que c'est un très bon système mais qu'il pourrait être amélioré, je pourrais comprendre. Si les représentants des banques affirmaient que, d'ici 10 ans, le secteur bancaire sera marginalisé, en tant que sénateur et législateur j'en serais très inquiet parce qu'il est essentiel que nous ayons un secteur financier qui nous ressemble et nous appartienne. Lorsque je lis dans les journaux que le gouvernement a lancé un appel d'offres sur les cartes de crédit et a attribué la plus grande part du contrat, à part votre banque, à American Express, il me semble qu'il y a quelque chose qui cloche.
Est-ce que notre rôle ici est de changer fondamentalement le système, ou seulement d'améliorer un système qui fonctionne déjà assez bien? Je crois que notre démarche dépendra de notre décision à cet égard. N'oublions pas que nous venons seulement de commencer notre réflexion.
M. Courville: Voilà une bonne question, à laquelle probablement le rapport d'un autre groupe de travail devra répondre.
En tant que porte-parole du secteur financier, je tiens à vous rappeler que nous ne sommes pas tous d'accord là-dessus. Vous traitez de l'avenir, et non pas du passé, et «l'avenir n'est plus ce qu'il était». Vous avez parfaitement raison de dire que le système a jusqu'ici été très efficace. De fait, le groupe de travail le reconnaît dans son rapport. Il a décrit de façon détaillée l'efficience du système, tant du point de vue du consommateur que du point de vue des intervenants du secteur. Sur ce plan, les résultats obtenus jusqu'ici sont satisfaisants, mais vous dites que ça ne durera pas.
Comme je l'ai dit, les membres de l'industrie ne perçoivent pas tous l'avenir de la même façon, et ils se positionnent en fonction de leur vision des choses. Pour planifier une stratégie et rédiger des politiques publiques, il faut envisager l'avenir de façon à ce que les intervenants nationaux du moment puissent faire face aux tensions qui surviendront sur le marché, qui sont toutes autres que celles du passé.
Vous soulevez là un dilemme. Je vous renvoie la question, parce que c'est à vous d'y répondre, étant donné que vous êtes de ceux qui devez vous pencher sur le sujet et faire des recommandations au gouvernement. Vous faites partie de l'appareil gouvernemental. Vous ne pouvez pas examiner la situation actuelle, pour la changer en surface ou en profondeur, seulement en vous fondant sur le passé. Vous devez vous faire votre propre idée de ce que sera l'avenir et de la capacité des institutions canadiennes de rester à flot en dépit des tempêtes qui secoueront les marchés.
Le sénateur Kolber: Il ne manque pas de tempêtes, alors pourquoi les banques ne se préparent-elles pas à toute éventualité?
M. Courville: Les représentants des banques -- et je parle au nom de ma banque et d'autres banques -- vous diront que la position qu'ils ont adoptée était justifiée par des raisons bien précises. Nous regardons tous vers l'avenir, et non pas vers le passé.
Notre vision de l'avenir détermine notre stratégie. La vôtre devrait orienter la politique publique et, dans un sens, c'est la même chose qu'une stratégie. Vous devez vous assurer de donner aux institutions tous les moyens qu'il faudra pour s'adapter au changement. Nous avons des opinions différentes sur l'ampleur réelle de ce changement. Nous nous gardons bien de présumer de l'avenir, mais nous présentons notre vision de l'avenir parce que toutes les banques ne sont pas du même avis là-dessus.
Le sénateur Kolber: Monsieur Protti, au sujet de la société de portefeuille, avez-vous dit qu'une de ses filiales, une banque de détail, pourrait être réglementée et qu'une autre, une banque de gros, ne le serait pas?
M. Protti: Oui.
Le sénateur Kolber: Si ces deux filiales ont le même propriétaire et que la banque de gros éprouve de très grandes difficultés, vers qui se tournera-t-elle pour obtenir du secours? À New York, nous avons appris qu'une société de capitaux a failli causer la chute de tout le système bancaire. Il a fallu trouver une solution qui engageait la participation du secteur privé, à qui elle a coûté 3,5 milliards de dollars.
Comment pouvez-vous dire que, dans la même société de portefeuille, certains de ses éléments pourraient être réglementés et d'autres pas? J'avoue que ça m'échappe complètement.
M. Young: Ce que nous disons, c'est qu'il nous faut se demander essentiellement pourquoi nous avons établi un cadre de réglementation entièrement différent pour les institutions financières. Aucun autre secteur ne connaît cette situation au Canada.
Pour le groupe de travail, le régime de réglementation est différent parce que des institutions du secteur acceptent les dépôts des particuliers et d'autres achètent des polices d'assurance avec l'argent des particuliers.
Si c'est la raison pour laquelle le gouvernement veut réglementer les institutions financières, ce que nous acceptons, nous pensons que le système de réglementation devrait être suffisamment souple pour permettre au gouvernement d'occuper la place qui lui revient et pour protéger les intérêts des particuliers qui nous confient leurs dépôts. Par contre, les grandes sociétés qui ne font pas ce genre de dépôt devraient pouvoir obtenir les services financiers d'un organisme différent qui n'est pas réglementé ni taxé dans la même mesure qu'une institution de dépôt réglementée.
Le sénateur Kolber: Que voulez-vous dire par «dans la même mesure»? C'est comme dire qu'une femme est un peu enceinte; ou on est réglementé ou on ne l'est pas.
M. Courville: Le BSIF a proposé de s'occuper de la structure des sociétés de portefeuille financières. Je ne sais pas comment, en pratique, on pourrait réglementer les sociétés de portefeuille, parce ça n'a jamais encore été fait. On ne connaît pas les hypothèses sur lesquelles fonder la réglementation. Par exemple, quel genre de besoins en capitaux seront exigés.
Dans une société de portefeuille qui est propriétaire de sociétés réglementées, s'il arrive quelque chose à la banque de gros, mais qu'elle est réglementée et supervisée, la banque va survivre et les dépôts seront honorés. Toutes les obligations de la banque seront honorées; c'est le volume d'affaires de la société de portefeuille qui va baisser et ses actionnaires qui auront des problèmes.
Le sénateur Kolber: Tout dépend des sommes d'argent que la banque de détail a placées dans la banque de gros.
M. Courville: Dans ce contexte, il y a des interdits et des règles strictes concernant les opérations avec apparentés.
Si on peut régler le problème des opérations avec les apparentés et que chaque élément est réglementé, comme les sociétés d'assurance-vie ou les banques, de façon à être protégé, les institutions financières seront prémunies contre les difficultés éprouvées par les autres éléments de la société de portefeuille.
Le sénateur Kolber: Voulez-vous dire qu'il faudra préciser ce que la société de portefeuille pourra placer dans chaque sous-catégorie?
M. Courville: Je parle du prêt des banques à la banque de gros, à la compagnie d'assurances, à la société de crédit-bail ou aux autres éléments de la société de portefeuille. Cette mesure va assurer que le transfert d'actifs des sociétés réglementées aux sociétés non réglementées ne nuira pas à la banque.
Le sénateur Kolber: Avez-vous dit pour que ça ne nuise pas à la banque?
M. Courville: Oui.
Le sénateur Kolber: Autrement dit, il faut réglementer.
M. Courville: Les opérations avec apparentés devraient être réglementées. On sait comment réglementer une banque ou une société d'assurance-vie -- du moins je présume qu'on le sait --, mais je ne suis pas sûr qu'on sait comment réglementer une société de portefeuille et les opérations financières entre les sociétés qui la composent. Il n'existe pas de modèle à ce sujet.
Le sénateur Kolber: J'ai deux autres questions à poser auxquelles vous voudrez peut-être réfléchir avant de nous répondre. Premièrement, pensez-vous que la politique gouvernementale crée des obstacles qui paralysent nos banques? Et deuxièmement, nos banques sont-elles de mauvais stratèges?
Le sénateur Angus: Le groupe de travail a fait grand cas de l'intérêt public. C'est ce qu'il fait ressortir dans son rapport. M. MacKay a dit à maintes reprises que si les intérêts privés des banques sont contraires à l'intérêt public, l'intérêt public doit l'emporter. M. MacKay nous a aussi dit que le fait d'oeuvrer dans le secteur des services financiers constitue un privilège pour les banques et les autres institutions financières du secteur. Ce privilège s'accompagne donc d'obligations particulières auxquelles les autres sociétés commerciales ne sont pas tenues.
Êtes-vous dans l'ensemble d'accord avec le point de vue du groupe de travail? Pensez-vous qu'il va trop loin au sujet de l'intérêt public?
M. Courville: Nous pensons que l'équilibre a toujours été maintenu entre l'intérêt public et la réglementation ainsi que le pouvoir discrétionnaire du ministre et le fonctionnement de l'industrie.
Le groupe de travail modifie cet équilibre dans une certaine mesure. Il recommande des règlements et des lois plus sévères dans certains domaines. Nous avons déjà abordé ces questions. Il propose aussi d'accroître le pouvoir discrétionnaire du ministre dans certains domaines. Le groupe de travail conseillerait probablement d'intervenir plus que par le passé. On insiste beaucoup sur le pseudo «intérêt public» dans le cas des fusions. Dans une optique plus large, des consultations publiques seront peut-être nécessaires pour régler les autres questions qui pourraient se présenter.
Le rapport traite de la plupart des questions qui touchent les institutions financières, mais il modifie l'équilibre entre la réglementation, le pouvoir discrétionnaire et l'établissement des règles. Va-t-il trop loin? C'est difficile à dire maintenant. Nous n'en sommes qu'à nos premières réactions. Nous devons découvrir exactement ce que cela suppose pour l'avenir. Il est certain que l'équilibre est modifié.
Le sénateur Angus: Hier, on s'est rendu compte que le rapport est très détaillé sur la libéralisation, la déréglementation, la souplesse, des questions dont votre association nous parle depuis des années -- comme la suppression de certaines entraves -- puis, comme par magie, le groupe de travail semble tourner la page pour rétablir tous les obstacles. Évidemment, je simplifie à l'extrême.
Qu'avez-vous à dire là-dessus?
M. Courville: Vous avez raison de dire que nous souhaitons plus de souplesse. Nous ne voulons pas ouvrir l'accès au marché, mais en même temps nous en ressentons certaines conséquences. On est en train de redéfinir les règles concernant la protection des renseignements personnels, l'ombudsman et le pouvoir discrétionnaire du ministre dans certains domaines déjà existants et dans d'autres qui pourraient exister un jour.
En accroissant le pouvoir discrétionnaire du ministre, on ajoute un élément au processus. Notre système fonctionne selon des règles générales et, si on estime qu'il y a un problème, il est toujours possible de le faire savoir. Le pouvoir discrétionnaire du ministre fait passer la dimension politique avant la réglementation, ou la politique gouvernementale et les considérations d'intérêt public avant les problèmes particuliers. C'est sûrement un aspect dont vous devez discuter parce que ça inquiète l'industrie. Je suis sûr que ça inquiète également les banques.
Le sénateur Angus: Nous venons de parler de la structure d'organisation, c'est-à-dire le modèle de banque universelle, la société de portefeuille et le modèle de la banque mère d'une banque. D'un côté, vous semblez approuver l'orientation que prend le groupe de travail, vers une apparente souplesse accrue. D'un autre côté, j'ai le sentiment que vous donnez là un exemple où le groupe de travail, tout en prônant plus de souplesse, impose des conditions qui y sont presque contraires. Est-ce que je me trompe?
M. Protti: Sénateur Angus, pour ce qui est de la souplesse dans la structure d'organisation, c'est quand on va rentrer dans les détails que les problèmes vont surgir. Nous aimerions bien que diverses options structurelles soient mises à la disposition des banques. Mais si cela doit alourdir la réglementation, on n'obtiendra pas la souplesse recherchée comme vous le dites. Il faudra régler cette question avec le gouvernement et plus précisément avec ceux qui sont chargés de la réglementation. C'est inutile d'assouplir la structure si la réglementation n'est pas réduite. Mais on ne sera fixé à ce sujet que dans les prochains mois. Les problèmes sont à venir à ce sujet.
Le sénateur Angus: J'ai retenu avec intérêt ce que M. MacKay a dit hier dans son témoignage devant nous ainsi que la semaine dernière dans un discours qu'il a prononcé à Toronto, au sujet du privilège des banques et des obligations qui en découlent.
Il a dit que les principales banques à charte du Canada ont droit à un statut particulier depuis longtemps et que la loi les a protégées pendant des décennies contre l'intrusion et la concurrence des banques étrangères. Cela a donné lieu à une certaine torpeur et à un manque d'imagination, comme l'a dit le sénateur Kolber, ainsi qu'à une absence d'innovation et de compétitivité. Il en est question dans le rapport dans lequel les auteurs signalent que les fusions ne sont pas la seule solution, qu'il y en a probablement d'autres, et qui proposent certaines orientations.
Au cours de ses déplacements, le comité s'est fait dire que beaucoup de milieux considèrent que le système bancaire canadien nous a bien servis jusqu'ici et qu'il ne faudrait pas y toucher sans réfléchir.
En surprotégeant le système, on s'est coincé. Si nous tirons de l'arrière et si nous ne sommes pas aussi concurrentiels que nous le voudrions sur la scène internationale, c'est en partie parce que vous vous êtes abandonnés à un certain confort.
M. Courville: Pour vous répondre, il faut à la fois regarder vers l'avenir et faire un retour en arrière. Dans le passé, les compagnies de fiducie ont fait concurrence aux banques dans le recueil des dépôts, étant favorisées jusqu'à un certain point par la réglementation. Malheureusement, nous savons ce qui est arrivé. La politique gouvernementale a choisi de réduire l'importance des banques au Canada en permettant la concurrence à l'intérieur du pays. Donc, si nous avons un statut privilégié, expression que je n'aime pas, soit. Abolissons ce privilège et ouvrons le marché à la concurrence étrangère. Nous n'avons pas d'objection. Nous aimons la concurrence.
En réalité, des faits énoncés dans le rapport MacKay nous indiquent que nous sommes plutôt efficaces tant dans la prestation des services que dans les prix que paient les consommateurs à l'achat de ces services. Ce n'est pas l'ABC qui le dit -- je pourrais vous citer le rapport MacKay, qui fait remarquer que nos prix sont inférieurs. Il souligne aussi que nos coûts de production sont inférieurs. Par conséquent, si nous sommes privilégiés, le Canada l'est lui aussi. Si vous voulez mettre fin à ce privilège, ouvrez la porte à la concurrence.
Comme l'a dit M. Protti dans sa déclaration, nous accueillerons avec joie la concurrence. En fait, ce serait probablement révélateur d'une bonne performance, et nous aimerions prouver que c'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre. Toutefois, si vous ouvrez la porte à la concurrence, il faut faire en sorte que tous soient soumis aux mêmes règles.
M. Protti: J'ajouterai que, à ce sujet justement, quelqu'un a demandé pourquoi il fallait réparer le système s'il fonctionnait bien. J'ai entendu M. MacKay répondre à une question précise, lors d'une interview donnée il y a cinq ou six jours. Je me souviens de sa réponse et je la partage avec vous parce qu'elle m'a semblé excellente. Il a dit que ce n'est pas tant le présent qui importe que l'avenir. Il a précisé que, de toute évidence, notre industrie est stable, sûre, efficace et -- pour reprendre les propos de M. Courville -- très compétitive. Il n'y a aucun doute que les Canadiens sont bien servis par leur système bancaire.
M. MacKay a aussi déclaré que le groupe de travail avait une préoccupation. Confrontés aux pressions de la mondialisation, de l'intégration des marchés financiers, surtout en Amérique du Nord, et aux pressions des percées technologiques, des changements démographiques et d'un consommateur de plus en plus exigeant, que pouvons-nous faire pour nous assurer que le système bancaire, en fait tout le secteur des services financiers, continuent d'appartenir à des Canadiens et d'être contrôlés par eux et continuent d'évoluer dans un climat très compétitif? Selon lui, il n'est pas question de changer un système qui fonctionne bien, mais d'empêcher son éclatement plus tard.
Le sénateur Meighen: Vous venez de répondre à la question du sénateur Kolber.
Le sénateur Angus: À nos deux questions, en fait.
M. Protti: J'aimerais faire une autre observation au sujet de cette question de privilège, pour que notre position officielle soit très claire. Il en était question dans le mémoire que nous avons soumis au groupe de travail, l'an dernier. Nous avons dit que nous n'estimions pas que les banques canadiennes jouissaient de privilèges et que nous n'en demandions pas. Dans le passé, nous avons été accusés de jouir de toutes sortes de privilèges. Nous avons soutenu, devant le groupe de travail, que certaines des choses que l'on décrit comme étant des privilèges reflètent une politique adoptée délibérément par le gouvernement du jour. Nous avons demandé au groupe de travail d'examiner chacun de ces présumés privilèges et, s'il estimait qu'il existait une raison valable les justifiant sur le plan de la politique gouvernementale, de le dire plutôt que de parler de privilèges pour les banques. Le groupe l'a fait dans le cas notamment de la règle de propriété de 10 p. 100, au sujet de laquelle il a dit qu'il existait nettement une raison d'ordre public.
Le sénateur Angus: Je crois que cette question est maintenant sur la table. À votre avis, messieurs, au 29 septembre 1998, c'est-à-dire aujourd'hui, croyez-vous que le système comme tel, de même que les gouvernements du jour et votre propre industrie, ont échoué, qu'ils ont péché par excès de prudence en n'admettant pas de nouveaux concurrents réels et efficaces au sein du marché bancaire?
Il est probablement vrai que nous n'avons pas, du moins dans le domaine de la vente au détail, d'institutions financières de second rang efficaces qui auraient diversifié les choix des consommateurs et avivé la concurrence, ce qui aurait permis aux plus grosses banques de s'attaquer avec énergie au marché mondial.
M. Courville: Je répète qu'on ne peut pas changer le passé. J'ai déjà dit que, selon moi, la politique gouvernementale des 25 dernières années a consisté, implicitement, à favoriser l'établissement d'institutions canadiennes qui rivaliseraient avec les banques des secteurs autres que le secteur bancaire traditionnel. Manifestement, cette politique a échoué. Vous nous demandez s'il faut la remplacer par une ouverture à la concurrence de l'étranger. La concurrence ne nous fait pas peur, et nous sommes prêts à relever le défi.
Le sénateur Angus: Pourquoi estimez-vous que ces présumés «efforts du passé» ont échoué?
M. Courville: Il est impossible de vous répondre en quelques mots. Il y a eu manque de surveillance. Bon nombre des institutions qui ont fait faillite étaient assujetties à une réglementation provinciale, mais jouissaient de l'assurance-dépôts fédérale. Le gouvernement fédéral a été informé du problème une fois qu'il était trop tard, dans une certaine mesure, et la supervision provinciale faisait probablement défaut jusqu'à un certain point. Nous avons créé des structures de sociétés de portefeuilles dont le haut n'était pas réglementé. Nous avons aussi limité l'investissement de ces sociétés fiduciaires au secteur immobilier parce que, depuis 45 ans, l'immobilier était le meilleur et le plus sûr avoir que l'on pouvait inscrire dans les livres et qu'en concentrant ces sociétés dans l'immobilier et en consacrant l'usage, nous les avons en fait mises en cage. Lorsque cette cage a été secouée, le problème était trop grave. Si les entreprises commerciales dans lesquelles ces sociétés pouvaient se lancer avaient été plus diversifiées et moins réglementées, quelques-unes d'entre elles auraient probablement survécu jusqu'à aujourd'hui.
Il n'y a pas d'explication simple à l'effondrement des institutions de dépôt non bancaires dans le secteur de la vente au détail. Le phénomène pourrait s'expliquer par toute une foule de raisons.
Je crois que l'ouverture du marché à la concurrence, qu'elle soit canadienne ou maintenant étrangère, établira un certain équilibre et que nous réussirons l'épreuve haut la main. Nous sommes conscients que le marché pourrait être libéralisé, mais à condition d'y mettre certaines restrictions concernant le risque systémique et la participation au système de paiements, un problème grave qu'il faut examiner avec soin, nous ne sommes pas inquiets. Nous reconnaissons que nous pourrions d'une certaine façon être privilégiés, en ce sens que l'on ne veut pas que tous participent au système de paiements. Il faut faire en sorte que les règles soient bonnes. La sécurité du système a son importance. Cependant, mis à part cette réserve, je ne crois pas que l'ABC et l'industrie souhaitent retarder l'ouverture du marché à la concurrence.
Le sénateur Meighen: Vous avez dit, je crois, que la concurrence entre établissements canadiens n'a pas réglé le problème. Voilà que nous envisageons la possibilité d'autoriser la concurrence étrangère. Je doute que les objectifs des institutions étrangères soient les mêmes que ceux des institutions canadiennes qui ont fait faillite. Les sociétés de fiducie, les coopératives de crédit et je ne sais quoi encore sont essentiellement des institutions de dépôt de second rang. Je ne cherche pas à les dénigrer en disant cela. Je ne parle pas de qualité, mais de la gamme de services qu'elles peuvent offrir. Elles sont locales. Elles font peut-être en règle générale des affaires au sein de plus petites collectivités.
Si nous n'avons pas réussi autant que nous l'aurions voulu à assurer la concurrence, pourquoi croyons-nous que l'introduction d'institutions étrangères résoudra le problème? On semble être d'accord pour dire que les institutions étrangères qui pénétreront le marché canadien -- corrigez-moi si je fais erreur -- se dirigeront vers les activités qui rapportent le plus, plutôt que vers les établissements de dépôt. On dit qu'elles mangeront les plus petites, qu'elles iront vers les activités les plus lucratives, plutôt que de s'installer dans telle collectivité où les services sont presque inexistants.
M. Courville: En ce qui concerne la concurrence dans le secteur non bancaire, le Québec constitue probablement un modèle à retenir, ce à quoi, je crois, le groupe de travail a fait allusion. Il aimerait certes abaisser les capitaux requis pour ouvrir une institution de dépôt et il a particulièrement mentionné l'aspect communautaire. Je crois que c'est un modèle qui se prêterait bien à notre situation. Beaucoup de transactions bancaires sont de nature locale et le demeureront. Que votre banque soit très grosse ou très petite, il faut qu'elle maintienne le contact avec le client. Le client choisit sa banque en fonction des personnes qui y travaillent, non pas des produits qui lui sont offerts.
Par ailleurs, la concurrence étrangère nous fait prendre conscience que celui dont les coûts sont peut-être inférieurs et qui a une stratégie différente pourrait pénétrer notre industrie et la rendre moins lucrative pour nous, ce qui nous forcera à être sur le qui-vive et à nous secouer, si ce n'est déjà fait. Il faut que nous nous organisions pour faire en sorte que la prestation de nos services soit rentable, sans quoi nous perdrons une grande partie de nos éventuels profits. La règle du 80 p. 100/20 p. 100 s'applique ici aussi bien qu'ailleurs.
Vous avez dit que les gros concurrents étrangers mangeraient les plus petits. Ce sera peut-être effectivement le cas au début, mais tôt ou tard ils devront s'étendre. Donner aux établissements étrangers accès à une plus vaste gamme de services que par le passé est un moyen de mettre en place la concurrence. En toute franchise, je crois que le groupe de travail ignore quelle est la bonne solution. En tant qu'analyste de l'industrie, il me semble que le groupe de travail essaie de libéraliser le système de plusieurs façons à la fois, en espérant qu'une ou deux d'entre elles connaîtront plus de succès que par le passé. C'est probablement une bonne idée de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier parce que ce serait peut-être une erreur de miser sur un seul groupe d'institutions.
M. Protti: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelques précisions. Deux institutions assureront une présence dans le secteur de la vente au détail, soit la Hongkong Bank of Canada qui bien sûr est déjà très présente à l'échelle nationale dans le secteur des services bancaires offerts au détail, et la Banca Commerciale Italiana of Canada qui a un réseau de succursales concentré dans le sud de l'Ontario et, en partie, au Québec. La ING Bank of Canada qui naturellement offre maintenant des services de ventes au détail sans présence réelle au Canada est un joueur relativement nouveau sur le marché. Cette banque virtuelle attire depuis 18 mois des dépôts d'un peu partout au Canada. Il s'agit d'une banque entièrement informatisée, sans réseau de succursales. On assiste aussi à l'arrivée de fournisseurs de produits uniques comme la MBNA Bank, deuxième banque émettrice de cartes de crédit au Canada. Elle a pignon sur rue ici, à Ottawa. Dans très peu de temps, elle aura comme voisine la plus importante banque de crédit hypothécaire, soit Countrywide Credit.
Enfin, on compte actuellement au Canada des banques étrangères comme Wells Fargo qui ciblent la petite entreprise. Cette banque n'assure aucune présence au Canada. La nature de la concurrence étrangère change radicalement.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je reviens à l'ombudsman et j'aurais peut-être une suggestion pour votre association. Si l'ombudsman travaillait au sein de l'association, on aurait peut-être le meilleur des deux mondes. D'une part, les gens sauraient qu'il n'y a pas de liens directs entre employeurs et employés, et d'autre part, l'ombudsman pourrait partager les expériences du dossier A, B, C et D, et au moins, il connaîtrait le secteur. Il pourrait développer une expertise dans le secteur. Je suis d'accord avec l'association qui veut créer une bureaucratie. Au moment où on se parle, les dossiers s'accumulent devant la Commission des droits de la personne. Je ne voudrais pas que l'on attende des années avant de régler un dossier dans des questions financières. Je me demandais si l'association ne pourrait pas jouer le rôle d'arbitre lors d'un différend entre un client et une banque.
M. Courville: C'est à peu près ce qui se passe maintenant. En pratique, ce n'est pas tout à fait l'association, mais un organisme indépendant qui a été mis sur pied par l'ensemble des banques. Il repose sur une structure dans chacune des banques où il y a un ombudsman et il est en relation avec cet ombudsman indépendant et pas spécifiquement relié à une banque. Cette tension existe entre, d'une part, la nécessité de s'assurer que les plaintes soient bien articulées et surtout bien réglées au niveau de chacune des banques par les ombudsmen de chacune des banques, et d'autre part, le travail de l'ombudsman qui lui n'est pas relié à une banque individuellement mais collectivement. Avec des administrateurs indépendants, il devient une espèce de juge: pourquoi la plainte n'a-t-elle pas été réglée en faveur du consommateur? Il pose la question et il collige les informations à la fois sur l'ensemble des banques prises individuellement et sur la nature des sujets qui ont fait l'objet des plaintes.
M. Protti pourrait nous décrire comment ce système fonctionne présentement. Je ne suis pas certain que nous le connaissions autant. Il y a comme une présomption dans le rapport que cela pourrait créer un conflit d'intérêts alors que je n'en ai pas vu actuellement. Je suis un des membres fondateurs du poste de l'ombudsman canadien sur le conseil. Il me semble que cela a été un progrès pour nous, individuellement et pour l'industrie aussi. Il n'y a pas beaucoup de problèmes à ce sujet. La structure répond justement à cette tension que vous voulez : d'une part, qu'il y ait un intérêt personnel à ce que les plaintes soient réglées, et d'autre part, qu'il y ait une espèce d'indépendance par rapport aux banques prises individuellement.
Le sénateur Hervieux-Payette: Comme consommatrice, j'avais l'impression que, de la façon dont les banques nous parlent de leur ombudsman, cet ombudsman était relié à chacune des banques individuellement et qu'il ne faisait pas partie d'une autre structure. J'apprends ce matin qu'il y a une autre structure indépendante et que cet ombudsman n'est pas un employé de la banque. C'est tout à fait nouveau, et je suis plutôt portée à privilégier cette formule plutôt que celle d'un ombudsman technocrate avec une toute une infrastructure à travers le pays. Cette formule me répugne un peu.
M. Protti: Il y a deux étapes.
[Traduction]
La première étape dans le règlement de la plainte déposée par un consommateur consiste à communiquer avec la banque individuelle. Il existe à la banque même des étapes que doit franchir le client s'estimant lésé. S'il n'est pas satisfait de la réponse qu'il obtient, il s'adresse ensuite à l'ombudsman de la banque. Chaque banque en a un. Cette personne est indépendante de l'exploitation et elle essaie de régler la plainte.
Il existe aussi une troisième étape. Si le client n'est toujours pas satisfait, il peut faire appel à ce tout nouvel ombudsman dont le poste a été créé il y a 20 mois, l'«ombudsman des banques canadiennes» dont parlait M. MacKay. Il peut lui dire: «Je n'ai pas pu obtenir de réponse satisfaisante de la banque A ou B. Je vous saurais gré d'y voir». Cet ombudsman jouit d'une certaine indépendance, ce que j'ai tenté de vous expliquer aujourd'hui. Le fait de devoir dire à l'association que la majorité des Canadiens ne croient pas qu'il est indépendant me préoccuperait. C'est justement pourquoi l'organe a été créé à l'extérieur de l'association et qu'il relève d'un conseil indépendant.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je viens d'apprendre ce matin qu'on a deux ombudsmen. Il y en a un dans chaque banque et un pour l'appel des décisions. J'hésiterais personnellement beaucoup avant de créer une structure administrative.
Les sénateurs Kolber, Angus ont glissé un mot sur les raisons de la réforme. On revoit de temps à autre dans le rapport une des raisons majeures de la réforme: le coût des systèmes informatiques, des logiciels et de tous les appareils. Est-ce que c'est vraiment la raison pour examiner tout l'ensemble? Il faut restructurer pour vous permettre de vous procurer les systèmes très coûteux et qui vous permettent de donner plus de services, de meilleurs services ou de mieux concurrencer les Wells Fargo ou ING, et cetera. C'est un des points majeurs. Est-ce que la technologie est un des domaines qui mettrait le plus en danger l'avenir du système actuel?
M. Courville: Certaines banques disent oui, d'autres disent non. Cette question fait l'objet d'un argument spécifique de la part des banques qui proposent les fusions. Il faudrait poser la question également à celles qui ne se fusionnent pas pour avoir l'autre point de vue.
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est une bonne réponse. Quand on parle de la vente d'assurance dans les succursales des banques, est-ce qu'on parle uniquement d'assurance-vie ou d'assurances générales, à savoir toutes les couvertures qu'on peut avoir pour la prochaine tempête de verglas, pour protéger la piscine et tout autre risque. Est-ce qu'on parle d'assurance-vie, donc une couverture assez précise par tranche de milliers de dollars qui est assez simple à administrer ou de tout l'ensemble des risques qui peuvent être assurés autant par une entreprise que par un particulier?
M. Courville: Non, on parle d'assurance-vie, c'est évident. Le domaine de l'assurance-vie est un peu celui de la quasi-épargne. On n'assure pas juste la vie, on la protège après la mort, mais également avant un petit peu. Les rentes viagères sont classées comme des produits d'assurance et elles ne peuvent pas faire l'objet de vente par les banques aujourd'hui. C'est une alternative à certains produits que nous avons et en ce sens, l'assurance-vie, oui, mais l'assurance générale également.Certaines banques en particulier sont intéressées à entrer dans ce domaine. Elles prétendent à juste titre qu'elles ont accès à une facilité de rendre homogène l'ensemble de la protection contre les risques matériels et qu'elles pourraient réduire les coûts de transmission de ce produit à beaucoup de consommateurs canadiens, incluant certaines petites entreprises et les individus sûrement.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez quand même élaboré là-dessus en mentionnant comment on s'assure qu'il y ait plus de compétition et comment on sert mieux l'intérêt du consommateur. Est-ce qu'on doit aller vers les petites institutions canadiennes avec des règles plus souples ou vers l'ouverture aux banques étrangères en leur permettant un meilleur accès selon les mêmes règles? Est-ce que vous vous opposez à ce que les petites institutions mentionnées dans le rapport aient des règles différentes, par exemple, sur le 10 p. 100?
M. Courville: Cela vise certaines institutions spécifiques. Vous le leur demanderez. Mais il est évident que si on veut faire la promotion de la concurrence -- c'est un point de vue personnel que mes collègues partagent également -- on ne peut pas identifier un modèle unique. Il faut faire confiance aux règles du marché et faire en sorte que les empêchements traditionnels soient écartés le plus possible tout en s'assurant que le contrôle demeure un peu canadien, que les institutions canadiennes importantes demeurent canadiennes. Nous nous assurerons ainsi qu'on ait une mainmise sur la supervision du contrôle des institutions qui oeuvrent chez nous.
Je pense à la nécessité de réduire la concurrence potentielle ou réelle parce qu'il y a aussi une concurrence potentielle. Bien souvent, nous sommes concurrents et ce n'est pas parce que nous sommes beaucoup.Si on exagère, quelqu'un va s'en mêler. L'action de concurrence potentielle est importante dans notre industrie en particulier. Il faut s'assurer de l'existence de plusieurs points d'entrée dans le système financier. C'est un peu l'attitude prise par le rapport MacKay. La seule clarification que je fais concerne le système des paiements qui lui requiert un examen particulier parce qu'un petit déraillement dans un système de paiement peut provoquer un gros problème.
Il faut s'assurer des règles de solvabilité et de participation qui feraient en sorte qu'on maintienne des systèmes de paiment fluides, efficaces mais aussi sécurisants. Les risques systémiques se produisent une seule fois. Il faut 100 ans, 50 ans ou 30 ans pour les compenser. Il faut s'assurer que nous ne soyons pas trop exposés à ces risques.
Le sénateur Hervieux-Payette: Si je vous comprends bien, vous ne vous opposeriez pas à ce qu'il y ait des règles différentes pour les petites banques, en autant que cela ne met pas en danger le reste de ce secteur financier.
M. Courville: D'ailleurs, dans un des documents annexes, je ne me souviens plus si c'est le numéro six ou quatre, on fait état de l'importance d'avoir au Canada des institutions canadiennes de «mind management» parce que cela a des effets d'entraînement qui résulte d'une activité autochtone importante sur le plan financier, non pas seulement pour les entreprises financières mais aussi pour les entreprises non financières. Le savoir se transmet, la technologie s'importe, on crée des effets d'entraînement dans d'autres industries. Le rapport a de très belles pages sur cette question.
Le sénateur Meighen: Justement là-dessus, M. Courville, je retiens de votre réponse que vous favorisez une présence canadienne dans le système financier pour les petits, les grands et les moyens joueurs. Ma question est la suivante: est-ce que vous croyez que les recommandations du groupe de travail vont nous amener là où vous voulez? Êtes-vous satisfait de leurs recommandations et sinon, lesquelles, en principe, sont négatives dans le contexte de la solution recherchée?
M. Courville: Comme l'a dit M. Protti dans les remarques d'introduction -- et cela couvrait implicitement les règles de propriété, une question délicate -- le fait qu'on permette à d'autres institutions d'avoir des règles de propriété ou des règles initiales de capital différentes de celles des entreprises déjà en place est probablement une des façons de permettre la concurrence accrue. Que les règles ne soient pas les mêmes, cela posera un problème. Dans un premier temps, faire en sorte que de la flexibilité accrue existe pour certaines institutions ou d'autres institutions potentielles est sûrement une des façons de permettre plus de concurrence. Est-ce que cela résultera en une concurrence significative? On verra, mais je pense que c'est, encore une fois, comme analyste de l'industrie, la première fois qu'on voit non pas une seule approche prise pour essayer d'augmenter la concurrence réelle ou potentielle mais une série d'approches qui doivent être prises. C'est le but du rapport MacKay. Nos remarques préliminaires au niveau de l'industrie sont que nous favorisons un accroissement de la concurrence.
La question du 10 p. 100 est un héritage du passé qui n'était pas fait pour protéger la concurrence étrangère, mais pour séparer le commerce et les finances. C'est devenu par la suite une espèce d'obstacle à la mainmise financière d'une institution par une autre, à partir du moment où vous enlevez la règle du 10 p. 100, vous êtes obligés de faire la fusion du commerce et des finances parce que cela peut être une banque qui acquiert une banque canadienne mais cette banque étrangère pourrait fort bien être acquise par un groupe commercial et vous n'auriez plus aucun contrôle là-dessus. À partir du moment où vous tirez sur cette corde, c'est un peu comme un sac de ciment, le sac s'ouvre tout d'un coup. La première transaction est correcte, mais vous n'avez plus de contrôle sur les suivantes.
Le sénateur Meighen: Dans le contexte de votre réponse, quelle importance attachez-vous à la mise en application globale et simultanée de toutes les recommandations du groupe de travail? Pensez-vous qu'il est bien important de le faire comme un tout ou bien peut-on en prendre quelques-unes ici et les mettre en application à un moment différent?
M. Courville: Je pense qu'on n'a pas de points de vue sur cette question aujourd'hui. Il y a déjà eu des moments où la législation a été globale et a touché l'ensemble des institutions. Si on regarde les 15 dernières années, les innovations sont venues à la pièce. C'est à vous de juger si le processus de réaménagement du système financier doit être fait globalement et que toutes les pièces soient mises en place ou si vous pouvez déjà commencer à initier certains changements spécifiques.
Encore là, chacune des banques aura son point de vue sur ces questions. Pour le moment, l'industrie n'a pas de préférence pour l'un ou pour l'autre. Lorsque le débat évoluera, on pourra statuer plus clairement sur cette question.
Le sénateur Meighen: J'ai toujours cru que le 10 p. 100 nous est arrivé au moment où la Chase Manhattan Bank a voulu acheter la Banque Toronto Dominion. C'était pour cette raison que le ministre Gordon du moment a eu l'idée de créer cette règle du 10 p. 100.
M. Courville: L'extension origine de la séparation du commerce et des finances parce que le 10 p. 100 existait dans ce but et il a été fixé aux banques étrangères.
[Traduction]
Le sénateur Meighen: Monsieur Protti, le sénateur Kolber a une question qu'il aime bien poser à tous les témoins et à laquelle il estime parfois ne pas obtenir de réponse. Je suppose que j'ai moi aussi une question de ce genre, et elle n'a peut-être pas tout à fait rapport avec le sujet à l'étude. Elle concerne l'établissement des prix en fonction du risque.
D'une part, nous entendons les petites et moyennes entreprises dire que les banques refusent simplement de leur consentir des prêts, même à un taux d'intérêt plus élevé. Pourquoi? La réponse semble être que les banques refusent d'établir leur prix en fonction du risque. Si c'est le cas, pourquoi refusent-elles de le faire?
D'autre part, cela explique-t-il, du moins en partie, la croissance d'activité de la Banque de développement du Canada et de la Société du crédit agricole? Elles semblent de plus en plus s'installer dans ce secteur d'activité.
Enfin, la recommandation du groupe de travail, particulièrement en ce qui concerne la concurrence étrangère, atténuera-t-elle ce problème, réel ou perçu?
M. Protti: Je vous remercie d'avoir posé la question. J'aurais quelques observations à faire à ce sujet. La première, c'est qu'il s'agit-là manifestement d'une décision opérationnelle. Je vous encourage à la poser aux différentes institutions qui viendront témoigner.
Le sénateur Meighen: Nous entendons cette plainte des clients de toutes les institutions.
M. Protti: Nous avons certes eu un débat animé avec le groupe de travail à ce sujet. Je dois avouer, cependant, que nous en savons très peu sur ce qui est offert à la petite entreprise sur le marché de la dette et sur le marché boursier.
Le Conference Board a effectué une étude, il y a 18 mois environ, qui permettait de conclure, avec pas mal de certitude, que les banques représentent environ la moitié du financement par emprunt des petites entreprises. Il existe une foule d'autres joueurs qui offrent l'autre moitié du financement.
Nous en savons beaucoup maintenant sur ce que les banques font et ne font pas sur le marché de la dette parce que nous produisons chaque trimestre des données statistiques très complètes. Nous sommes d'ailleurs les seuls à le faire. Nous ignorons à peu près tout du marché boursier. Nous ne savons absolument rien de l'autre moitié du marché de la dette. Ce que le groupe de travail a recommandé, soit de céder au gouvernement la responsabilité de mieux cerner ce qui se passe du côté du financement des petites entreprises, nous a réjouis parce que, pour parler très franchement, les décisions politiques prises ici et les discussions que nous avons se fondent sur des données incomplètes.
Pour ce qui est du risque comme tel, il faut que chaque banque arrête sa propre stratégie quant à ce qu'elle veut faire dans ce domaine. Le groupe de travail a certes fait une recommandation solide. J'ose dire, cependant, en tant que dirigeant d'une association, que je ne serais pas étonné, sénateur Meighen, si les banques qui sont membres de mon association décidaient de pénétrer ce marché, de vous entendre, vous ou vos collègues de l'autre Chambre, me dire au cours des trois à cinq prochaines années que les petits entrepreneurs se plaignent des taux qu'ils ont à payer. C'est ce que je prévois. À cet égard, il appartient à chaque membre de décider.
Le sénateur Meighen: On nous a laissé entendre hier, pour reprendre les mots de M. Courville, que c'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre. Nous attendrons de voir le succès remporté par Wells Fargo. Si les résultats sont bons, c'est qu'elle répond de toute évidence à un besoin. Tous vos membres voudront alors sauter dans la tranchée, déjà occupée, pour essayer de se creuser une niche. Je vous remercie.
Le sénateur Kroft: Messieurs, nous avons souvent repris, ce matin, les paroles de ce grand philosophe américain Yogi Berra, qui disait: «L'avenir n'est plus ce qu'il était». J'ignore s'il a dit qu'il ne sert à rien de réparer ce qui n'est pas brisé, mais cela cadrerait assez bien avec sa philosophie. On a souvent entendu cette expression ce matin.
Il y a un domaine dans lequel je ne crois pas que cette phrase s'applique, parce que tout ne tourne peut-être pas rond. Je parle de l'image des banques et de l'idée que se fait le public canadien d'elles, de leurs dirigeants et de leur gestion.
Dans ce contexte, j'aimerais revenir à la question de l'ombudsman. L'association a défendu le poste actuel avec efficacité et de manière bien articulée, et ses arguments n'étaient pas déraisonnables. Cependant, je vous demanderais de prendre du recul et de répondre à deux ou trois questions. Acceptez-vous -- et je vous dis d'avance qu'il serait très difficile selon moi de ne pas le faire -- le commentaire du groupe de travail selon lequel il existe beaucoup d'antipathie à l'égard des institutions financières, en particulier à l'égard des banques et de leurs dirigeants? Cette remarque suit immédiatement l'observation selon laquelle, dans l'ensemble, les banques semblent fournir un service efficace et, parfois, exceptionnel, ce qui est raisonnable étant donné les écarts, les coûts et ainsi de suite. Cela ne règle pas cet épineux problème.
Le sénateur Angus: Le Sénat a le même problème.
Le sénateur Kroft: Tout comme le Sénat effectivement. Si vous ressentez une impression de chaleur, de compassion et de compréhension de notre part, vous comprendrez que nous partageons avec vous le sentiment de frustration.
La raison pour laquelle, à certains égards, par exemple dans la situation de l'ombudsman, même si vous estimez que ce que vous faites est correct, vous ne cherchez pas aussi intensément que vous le pourriez des mesures qui pourraient régler ce problème d'antipathie, ce qui assainirait le contexte dans lequel il faut élaborer une politique gouvernementale et améliorer le climat politique, me laisse un peu perplexe.
J'aurais cru que, même si vous êtes convaincu de bien faire, à moins que certaines des autres idées n'aient été terribles, vous auriez été disposé à prendre les devants, à essayer de trouver des mesures innovatrices pour régler le problème. Pour parler franchement, j'ai l'impression que vous continuez de faire vos petites affaires sans tenir compte du fait que les Canadiens disent souvent clairement qu'ils estiment que le rapport de forces n'est pas égal. Selon moi, cette impression d'inégalité dans les rapports est à la base d'une grande partie du problème d'image qu'ont les banques. De petites choses comme le poste d'ombudsman, qui ne représentent pas beaucoup comme concession de votre part, pourraient assainir le climat.
M. Courville: Pour faire suite à l'observation du sénateur Angus, les Canadiens aiment bien les sénateurs, mais ils détestent l'institution du Sénat. C'est la même chose dans le cas des banques. Je crois que nos clients aiment bien leurs banquiers, bien qu'ils n'aiment pas autant les banques. J'ignore comment régler cela. Le problème est grave.
Les sondages révèlent qu'au sein des banques individuelles, de même qu'au sein de l'association, les gens entretiennent de forts bons rapports avec leurs banquiers, tant dans les régions que dans les grandes villes. Ils s'identifient à une personne et ils l'aiment bien. Pourtant, ils n'aiment pas les banques.
C'est une question que nous cherchons à régler parce qu'il s'agit d'une impression qu'a le public. C'est aussi le cas dans d'autres professions, y compris en politique. Les gens votent en faveur d'un candidat et aiment bien leur représentant. Pourtant, ils ne semblent pas priser la classe politique autant.
Si vous avez la réponse à cette question, je vous saurais gré de me le dire parce que c'est une épine à notre pied.
Pour ce qui est plus particulièrement de la question de l'ombudsman, nous avons essayé aujourd'hui de vous dire que nous ne croyons pas si mal faire. Si l'on suppose au départ que la situation pourrait empirer, il faut que vous sachiez ce que nous faisons actuellement et que vous le compreniez. Il vous appartiendra ensuite de décider. À notre avis, créer le poste d'ombudsman dans une loi aggravera la situation. Cela n'aidera ni les banques ni leurs clients.
Vous dites que c'est une petite concession. Je soutiens au contraire que c'est une concession importante. L'ombudsman a été mis en place, il y a 20 mois, parce qu'on estimait qu'un processus plus candide, un meilleur mécanisme de redressement et de l'information au sujet des plaintes s'imposait. Maintenant, vous voulez que nous cédions encore plus. Ce n'est pas une question de donner; c'est une question de faire en sorte que nous ayons les bons mécanismes en place pour traiter de questions précises. Nous croyons avoir mis en place quelque chose dont les assises sont solides. Je suis conscient qu'il y a place à de l'amélioration, mais il ne s'agit pas d'une concession. Nous estimons qu'il s'agit d'un élément crucial de notre activité qui redonnera aux consommateurs confiance dans les banques.
Ce qui compte en bout de ligne, c'est la satisfaction du client. Si les banques et leurs dirigeants sont mal perçus, alors tant pis. Nous voulons des clients qui sont satisfaits et qui ont l'impression d'entretenir de bonnes relations avec leurs banquiers.
M. Protti: Je tiens à répéter ce que M. Courville a dit. Les études que nous avons effectuées indiquent clairement que les Canadiens sont satisfaits des services que leur offrent les banques et les succursales. Ils sont également très satisfaits du rôle que nous remplissons en tant qu'institutions sûres, stables et sécuritaires.
Il y a une aversion pour tout ce qui est relié aux «banques» dans l'industrie. Nous le savons depuis longtemps. C'est pourquoi les banques ont été les premières, dans le secteur des services financiers, à adopter des règles pour assurer la confidentialité des renseignements personnels et protéger les consommateurs contre les ventes liées, et à établir des mécanismes de redressement et des programmes pour venir en aide aux petites entreprises. Conscients que ces efforts ne suffisent pas, nous avons, au début de l'année, lancé une campagne d'information publique. Cette campagne ne consiste pas uniquement en des annonces télévisées, bien que ce soit pour nous la meilleure façon d'atteindre les Canadiens. Nous avons écouté les Canadiens, qui nous ont dit que nous devons mieux communiquer avec eux en tant que particuliers, et avec les collectivités. Ils ont affirmé que les banques possèdent beaucoup d'informations sur l'économie et le monde financier, et qu'elles devraient rendre ces renseignements plus accessibles. Vous avez vu les annonces dans lesquelles nous décrivons les engagements que nous avons pris dans ce domaine.
Nous avons produit environ une douzaine de brochures portant sur des questions d'ordre économique et financier. Les Canadiens en ont commandé presque 800 000. Nous avons reçu environ 700 000 demandes sur notre site Web. Notre centre téléphonique reçoit entre 3 000 et 5 000 appels, en moyenne, par semaine. Nous avons également établi des partenariats avec des petites entreprises, par le biais de la Chambre de commerce du Canada, en vue d'offrir des séances d'information sur le problème de l'an 2000. L'année prochaine, nous prévoyons organiser des séances d'information sur toute une gamme de questions qui intéressent les petites entreprises. Nous déployons donc beaucoup d'efforts pour venir à bout de cette aversion.
Je suis nouveau dans l'industrie. Cette industrie possède une culture axée sur les services qui reste inégalée dans le monde des affaires. Si vous parlez aux présidents des campagnes Centraide dans chacune des régions du pays, ils vont vous dire qu'ils ne pourraient aller de l'avant sans la participation bénévole des employés des banques et des banques elles-mêmes. Or, nous ne nous en sommes jamais vantés.
Cela fait partie de la culture de l'industrie. On s'attend à ce que vous fassiez ce genre de contribution, mais sans vous en attribuer le mérite. Nous devons être plus dynamiques et faire valoir les efforts que nous déployons dans certains domaines. Nous en sommes conscients et nous réagissons.
Le sénateur Kroft: J'ai participé à diverses campagnes de financement pendant de nombreuses années, et pour de nombreuses causes, et je suis conscient de ce que font les banques dans bien des domaines.
J'aimerais passer à un autre sujet, si vous me le permettez. Je n'ai pas été en mesure, hier, d'obtenir beaucoup de renseignements là-dessus de M. MacKay, parce que ce n'est pas une question qui a suscité beaucoup d'intérêt.
Je viens de l'ouest du Canada et je suis très conscient de la concurrence et des problèmes qui existent, surtout en ce qui concerne le commerce agricole, entre l'entreprise privée, qui est assujettie au régime d'imposition normal des sociétés, et le mouvement coopératif. Nous avons beaucoup de mal à concilier des systèmes fiscaux contradictoires. Dans quelle mesure les coopératives de crédit constituent-elles un problème pour le secteur bancaire?
Par ailleurs, j'aimerais savoir si les banques qui font appel à la technologie -- c'est-à-dire les banques virtuelles, comme Wells Fargo et autres qui ne sont pas présentes au Canada -- constituent, pour vous, une source de préoccupations?
M. Protti: Pour ce qui est du régime fiscal, les règles du jeu inéquitables constituent pour nous une source de préoccupation. Nous avons, au cours des 18 derniers mois, comparé notre fardeau fiscal à celui des entreprises dans leur ensemble. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais nous pouvons vous les fournir. L'écart entre le secteur primaire et le secteur financier dans son ensemble, y compris les banques, est énorme. Nous sommes très satisfaits du rapport Mintz. L'écart est considérable. C'est une question sur laquelle le gouvernement devrait se pencher, parce que les secteurs en croissance sont, de plus en plus, les secteurs axés sur les services, notamment financiers. Il est essentiel qu'on examine l'écart qui existe entre ces secteurs. Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais je vais vous les fournir.
Le secteur des services financiers dans son ensemble a réalisé une étude, qu'il a fait parvenir au ministre des Finances il y environ un an de cela, et qui fait état de l'inégalité des règles du jeu actuelles. Les coopératives de crédit détiennent, en vertu des règles qui les régissent, un avantage d'environ 44 p. 100 par rapport aux banques. Nous avons également comparé notre situation à celle des banques aux États-Unis et au Royaume-Uni, et nous avons constaté que les banques dans ces pays sont beaucoup mieux traitées, sur le plan fiscal, que les banques au Canada.
Je n'ai pas compris votre deuxième question, sénateur Kroft.
Le sénateur Kroft: En fait, il n'y avait qu'une seule question. Elle portait sur les divers domaines dans lesquels vous estimez être désavantagés sur le plan fiscal.
M. Protti: Essentiellement sur le plan fiscal.
Le sénateur Callbeck: J'aimerais aborder une question qui me préoccupe depuis un certain temps, et vous demander s'il y a quelque chose dans le rapport du groupe de travail qui nous permettre de régler le problème. Je fais allusion ici à l'intérêt applicable aux cartes de crédit.
Pour vous donner un exemple, j'attire votre attention sur un article qui a paru dans l'édition du 26 septembre du Ottawa Citizen. Un certain M. Côté avait, à la fin d'août, un solde de 13 839,19 $ à payer sur sa carte de crédit. Il a tout payé, sauf un dollar. Lorsqu'il a reçu son relevé en septembre, il devait 211,61 $ en intérêt.
C'est une question qui m'intrigue depuis longtemps. Je ne sais pas comment les banques peuvent justifier cela. Il avait un solde impayé de un dollar, mais il a dû payer 211 $ en intérêt. Ne trouvez-vous pas cette pratique déraisonnable? Y a-t-il quelque chose dans le rapport qui, à votre avis, permettrait de régler ce genre de problème?
M. Protti: M. Côté est un très bon ami. Je n'ai pas encore eu l'occasion de lui parler, mais il savait exactement ce qu'il faisait. Ce que je trouve intéressant, c'est que M. Côté est allé en Europe alors qu'il avait un peu plus de 13 000 $ dans son compte en banque. Toutefois, il a décidé de ne pas utiliser cet argent pour acheter des chèques de voyage, mais de se servir plutôt de sa carte de crédit. Je sais pourquoi il a fait cela. Il sait très bien gérer son argent. Chaque fois qu'il utilisait sa carte de crédit, il utilisait, en fait, non pas son argent, mais celui de quelqu'un d'autre. Dans ce cas-ci, l'argent d'une banque en particulier. Pendant son voyage en Europe, il a acheté des articles, a réglé ses notes d'hôtel, ainsi de suite, avec l'argent de la banque. Il savait qu'il pouvait utiliser la carte, sans payer d'intérêt, pendant un maximum de 30 jours. La banque ne lui faisait payer aucun intérêt parce que les modalités d'utilisation de sa carte de crédit sont très claires: vous pouvez utiliser l'argent de quelqu'un d'autre, sans payer d'intérêt, pendant 30 jours, à la condition qu'au bout de ces 30 jours, vous soyez disposé à régler le solde.
Pendant qu'il utilisait l'argent de quelqu'un d'autre, ses propres placements lui rapportaient un revenu. Son argent était sans doute investi dans des CPG, des bons du Trésor, des obligations d'épargne du gouvernement, des fonds mutuels ou des actions bancaires, et il faisait de l'argent au profit de quelqu'un d'autre. Il savait très bien ce qui allait se produire quand il a laissé un dollar dans son solde.
Il aurait pu rembourser la totalité du montant, après avoir utilisé l'argent de quelqu'un d'autre pendant 30 jours sans payer d'intérêt. Il aurait ainsi très bien gérer son argent. Mais il savait exactement ce qu'il faisait. Pourquoi a-t-il choisi de poser ce geste à ce moment-ci, je ne le sais pas, mais j'aimerais le lui demander. Les modalités de paiement sont décrites dans le contrat que signe le client avec l'émetteur de la carte de crédit, qu'il s'agisse d'une banque ou d'une autre compagnie.
En fait, si un client se trouvait dans cette situation, c'est-à-dire avec un compte de 13 463 $ à payer, mais qu'il se trompait et envoyait un chèque de 13 462 $, je serais très étonné que les frais d'intérêt de 211,61 $ ne soient pas supprimés.
Le sénateur Callbeck: L'intérêt sur les cartes de crédit n'est pas calculé de la même façon dans tous les cas. L'intérêt, dans certains cas, est calculé sur le solde impayé. Je comprends ce que vous dites, mais cela ne me paraît pas très raisonnable.
M. Protti: Nous ne sommes pas certains du pourcentage, mais entre 40 et 60 p. 100 des consommateurs qui utilisent des cartes de crédit payent leur solde à la fin de tous les mois. Cela représente pour eux un avantage énorme. Comme je l'ai dit, ils ont eu l'occasion, pendant cette période, d'utiliser l'argent de quelqu'un d'autre et de rembourser leur solde. C'est ainsi que fonctionne le système. Il est très efficace. L'important pour les consommateurs, c'est de régler le solde.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous semblez dire que, si le consommateur règle le solde, il n'assume aucun frais. C'est faux. L'argent n'est pas prêté gratuitement parce que tout le monde sait que lorsque vous utilisez une carte de crédit, vous payez des frais de 5 p. 100, de 3 p. 100, peu importe le commerçant. Certains magasins offrent un rabais quand le client paie comptant. On réalise donc un profit, même si on prétend que l'utilisation de la carte n'entraîne aucun frais. Quelqu'un paye.
Quand j'achète un article, j'ai déjà payé 25 p. 100. Vous dites que cela ne coûte rien, mais on est facturé deux fois. On paie l'intérêt, et on verse des frais de 5 p. 100 pour l'utilisation de la carte. Le pourcentage varie d'une carte à l'autre.
M. Courville: Il y a deux facteurs dont il faut tenir compte. La carte sert à la fois d'instrument de paiement, et d'outil de crédit.
Lorsque le commerçant se présente à la caisse avec sa copie de la carte VISA ou MasterCard, la banque le rembourse. Le client obtient de l'argent gratuitement pendant une période allant de 20 à 30 jours, tandis que son propre argent, lui, est déposé dans des comptes d'épargne et des fonds mutuels. Il reçoit gratuitement du crédit pendant 20 à 30 jours.
S'il règle la totalité du solde à la fin des 30 jours, il est gagnant. S'il n'en paie qu'une partie, alors il commence à payer de l'intérêt à partir du moment où la banque lui accorde le crédit et paie le commerçant.
Le sénateur Callbeck: Donc, cette pratique, à votre avis, est juste et raisonnable. Vous ne croyez pas qu'elle va changer.
M. Courville: La situation que vous évoquez est vraiment exceptionnelle. Nous allons sans doute faire valoir qu'il a réalisé des profits sur ses placements au cours de la période où il a utilisé sa carte de crédit. Cela ne se produit pas tellement souvent. En fait, s'il y a des problèmes à ce niveau-là, les banques vont réagir.
L'article ne dit pas tout. Il a également obtenu d'autres avantages que nous pouvons calculer pour vous.
Le sénateur Callbeck: Ma deuxième question porte sur la recommandation concernant les partenariats avec le secteur bénévole.
Les banques versent beaucoup d'argent aux sociétés de bienfaisance. Toutefois, on propose ici une formule qui devrait être explorée, soit de rattacher les produits ou services financiers à des mécanismes de don. Par exemple, aux États-Unis, si vous investissez dans des fonds mutuels, vous pouvez demander qu'un pourcentage des profits soit versé à un organisme de bienfaisance désigné. Que pense l'association de cette idée?
M. Protti: C'est une des questions que nous n'avons pas encore examinées en détail. Comme vous le savez, le rapport comporte de nombreuses recommandations. Nous n'avons pas eu le temps de l'analyser. Nous vous ferons connaître nos vues là-dessus plus tard.
Il n'y a pas d'entreprises au Canada qui soient aussi dynamiques et généreuses envers le secteur bénévole que les banques. Le partenariat est un principe auquel nous souscrivons d'emblée. Les partenariats avec le secteur bénévole vont s'intensifier, et non pas diminuer, au cours des prochaines années. Nous vous donnerons plus de détails à ce sujet plus tard.
Le sénateur Angus: Je n'ai encore entendu rien de négatif au sujet du rapport. Pouvez-vous énumérer trois ou quatre recommandations avec lesquelles vous n'êtes pas d'accord, pour que nous puissions établir les paramètres du débat?
M. Courville: Je devrais peut-être être plus direct. Pour ce qui est de la question de l'ombudsman, nous avons été très clairs. En ce qui concerne la réglementation, vous savez que l'on assiste à un changement d'équilibre entre le régime de réglementation et le pouvoir discrétionnaire du ministre, question que nous jugeons très importante pour notre secteur, et pour chacune des banques. Nous ne savons pas encore si la formule que propose M. MacKay est nécessairement celle qui répond à vos préoccupations.
En ce qui concerne le système de paiements ou l'arrivée de nouveaux concurrents, nous avons dit que nous étions en faveur de ces initiatives. Toutefois, dans le cas du système de paiements, nous avons des réserves à formuler. Certains aspects ont été laissés de côté, dont trois que je peux vous exposer. Suis-je assez direct?
Le sénateur Angus: Oui. Je sais ce que vous avez dit plus tôt au sujet de ces trois questions. Toutefois, je pensais qu'il y en avait peut-être d'autres. Vous n'avez pas beaucoup parlé, par exemple, du crédit-bail automobile.
M. Courville: Nous aimerions bien pouvoir vendre de l'assurance et pratiquer le crédit-bail automobile.
Le sénateur Angus: Y a-t-il des recommandations avec lesquelles vous n'êtes pas d'accord? Vous avez formulé des réserves, mais n'y a-t-il pas quatre ou cinq recommandations que vous contestez?
M. Protti: Je ne peux pas ajouter grand-chose à ce qu'a dit le président. Je tiens à souligner que, dans les semaines à venir, vous aurez l'occasion d'entendre le point de vue de nos institutions membres.
Le sénateur Meighen: En tant qu'association, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des propositions sur les règles de propriété?
M. Protti: En ce qui concerne la règle de 10 p. 100, nous sommes d'accord avec ce qu'a dit le groupe de travail. Certaines propositions bien précises ont été faites, et les banques membres ont des opinions divergentes là-dessus.
Le président: À la page 6 de votre mémoire, vous dites que vous êtes en faveur des politiques qui favorisent la concurrence dans les services financiers, y compris l'établissement de succursales de banques étrangères selon des règles du jeu équitables entre les banques étrangères et les banques d'ici.
L'utilisation de l'expression «règles du jeu équitables» laisse entendre qu'il y a certaines choses que les banques n'aiment pas, mais qu'elles ne tiennent pas à mentionner. En ce qui concerne les services bancaires de gros offerts par les banques étrangères, je n'ai pas eu l'impression que les propositions formulées dans le rapport MacKay et dans le rapport que le comité a rendu public, il y a un an et demi de cela, avaient eu pour effet de créer des règles du jeu inéquitables. Vous semblez vous être réservé le droit de revenir ici et de vous plaindre.
M. Protti: Nous nous attendons à ce qu'une mesure législative soit déposée très bientôt. Je n'anticipe aucun problème. Je pense qu'elle favorisera l'établissement de succursales selon le modèle en vigueur aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
Le président: À la page 9 du mémoire, où vous parlez de l'ACP, vous utilisez des expressions que je trouve douteuses.
Vous êtes en faveur d'un élargissement du nombre des participants à l'Association canadienne des paiements, ce que le comité a déjà proposé dans le passé, mais vous émettez certaines réserves. Vous soulignez que la réussite de ce système est le fruit des efforts des participants. Plus loin, vous parlez des membres qui ont créé le système et qui ont absorbé les coûts de développement.
Auriez-vous tendance à dire qu'il faudrait exiger une somme importante des nouveaux membres pour, essentiellement, payer une partie des coûts de développement du système pour lequel ils n'ont pas contribué? Serait-ce l'équivalent des frais de franchisage d'une équipe de sport professionnel?
J'ai entendu des rumeurs à cet effet. Quelqu'un pourrait facilement appuyer l'ouverture du système de paiements canadien et plaider fortement en faveur d'une redevance d'entrée assez élevée si cela signifiait que l'ouverture recherchée ne pourrait se réaliser sans le paiement de cette redevance.
M. Protti: Le point saillant que nous avons fait ressortir à cet égard, c'est que toutes les questions entourant l'ouverture du système de paiements exigeront un débat en profondeur au cours des semaines et des mois à venir. Ce que nous disons ici fait écho à notre position. En effet, si vous voulez élargir la participation, nous n'y voyons pas d'inconvénient. Cependant, en réalité notre système est conçu pour 143 participants et nous voulons étudier attentivement les méthodes et les modalités qui seront mises en place pour l'élargir. Je me réserve de prendre position là-dessus.
Le président: Vous venez tout juste de confirmer mes craintes.
En ce qui concerne vos observations sur les sociétés de portefeuille en général, pouvez-vous nous donner un exemple concret en réponse à la question suivante? En théorie, qu'est-ce qu'une société de portefeuille serait en mesure de faire que le modèle de l'institution financière mère ne peut faire? Nous parlons de structure organisationnelle, comme le fait M. MacKay, personne ne se prononçant concrètement sur ce que seraient les avantages réels du changement. Je ne m'oppose pas au changement.
M. Young: Comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit surtout ici d'essayer de mettre en place une structure organisationnelle qui se concentre sur la véritable raison pour laquelle nous réglementons les activités qui devraient l'être étroitement d'après la politique gouvernementale. Les établissements quasi financiers qui offrent certains services financiers ne sont pas assujettis à la Loi sur les banques, à ce cadre réglementaire. Dans une certaine mesure, nos membres veulent avoir ce choix et explorer différentes options afin de voir s'ils peuvent se structurer de manière à rendre indépendantes les activités de dépôt ou de souscription ou de vente d'assurance.
Le président: Cela ne répond pas à ma question. Ce que je veux savoir c'est pourquoi ne pouvez-vous faire tout cela avec le modèle de l'institution financière mère?
M. Courville: Un modèle d'institution financière mère est une société de portefeuille.
Le président: Vous pouvez le faire, alors.
M. Courville: Non. La différence c'est qu'avec le modèle de l'institution mère vous autoriseriez les opérations entre apparentés. Le modèle de l'institution financière mère garantit que les choses sont morcelées et qu'il n'y a aucun rapport entre les unités. Mais vous pouvez le faire parce qu'une institution mère est en fait une société de portefeuille.
Le président: C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question.
M. Courville: C'est en raison des opérations qui peuvent être conclues entre filiales de la même institution mère ou entre l'institution mère et une ou deux filiales.
Vous pourriez avoir des filiales comme des courtiers et celles qui acceptent des dépôts et offrent des services bancaires de gros. Vous pourriez réglementer chacune d'entre elles ainsi que l'institution mère. La seule autre différence c'est que dans le cas d'une société de portefeuilles vous n'avez pas à réglementer les effets en portefeuille.
Le président: La question est importante dans le sens où il faut se demander si les changements structuraux valent les angoisses qu'exigera leur mise en place. Dans votre proposition initiale, vous donnez une série de modèles différents que vous proposez pour les sociétés de portefeuille ou des modèles de banque universelle. Pouvez-vous nous dire brièvement quels sont les avantages et les inconvénients de chacun d'entre eux? Pouvez-vous essayer de nous donner un exemple concret plutôt de nous donner une opinion générale?
M. Protti: Nous serions ravis de le faire.
Le sénateur Kolber: Selon vous, une société de portefeuille est-elle seulement une coquille vide ou est-ce que la société de portefeuilles pourrait vraiment agir? Si, par exemple, la société de portefeuille s'endette et a besoin des dividendes des autres sociétés pour se renflouer, cela ne causera-t-il pas des complications insurmontables? N'est-ce pas ce qui est passé dans les cas d'Edper et de Royal Trust?
M. Courville: Nous essaierons d'éclaircir ce point et de vous faire part de notre réponse.
Le sénateur Kolber: C'est une chose de dire que nous ne devrions pas réglementer la société de portefeuille elle-même, mais si nous ne le faisons pas, cela pourrait causer d'importants problèmes, comme nous l'avons vu.
M. Courville: Comme je l'ai déjà dit, la société de portefeuille peut faire faillite tandis que chacune des autres composantes s'en tirera si elles sont réglementées et solides. La société de portefeuille et l'institution mère pourraient faire faillite. La banque qui est une filiale de l'institution mère pourrait être intacte et transférée à quelqu'un d'autre. Tous les déposants seraient protégés.
Le sénateur Kolber: Le temps que vous vous en occupiez il se peut que les dommages soient trop importants. Je me reporterais au cas de Royal Trust.
M. Courville: Dans la structure de la compagnie fiduciaire, les opérations étaient en corrélation. Vous devez les interdire.
Nous reviendrons avec un exemple des diverses composantes.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre présence. Vous nous avez été très utile.
La séance est levée.