Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 28 - Témoignages du 30 septembre 1998
OTTAWA, le mercredi 30 septembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 15 h 30 pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Chers confrères, je déclare la séance ouverte. Nous allons poursuivre l'étude de la situation actuelle du régime financier du Canada, et plus particulièrement les questions soumises au Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nos premiers témoins d'aujourd'hui représentent l'Association fraternelle canadienne.
Bonjour, messieurs. Veuillez nous présenter votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions sur les sujets soulevés.
M. Richard May, vice-président, Association fraternelle canadienne: Monsieur le président, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité sénatorial des banques et du commerce pour vous donner notre avis concernant le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Je suis vice-président de l'Association fraternelle canadienne pour sa 108e année. C'est un poste que j'assume à titre bénévole et je suis employé par la Lutheran Life Insurance Society of Canada en qualité de vice-président et d'actuaire. J'ai à mes côtés aujourd'hui Ralf Hensel et Stephen Taylor. Ralf est président du comité législatif de l'Association fraternelle canadienne et il travaille pour l'Ordre indépendant des forestiers en qualité d'avocat principal. Steve est ancien président de l'Association fraternelle canadienne et président-directeur général de la Lutheran Life.
L'Association fraternelle canadienne représente 20 des sociétés de secours mutuel canadiennes et étrangères qui sont actives au Canada. Les membres des sociétés de l'AFC protègent des milliers de familles canadiennes qui ont pour plus de 8,5 milliards de dollars d'assurance-vie et administrent 1,5 milliard de dollars d'actif au Canada et 10 milliards de dollars dans le monde entier.
Nous sommes prêts aujourd'hui à vous donner nos réactions préliminaires et à répondre à vos questions. Mais nous espérons avoir la possibilité de communiquer à nouveau avec vous par écrit dans un avenir proche.
Notre réaction initiale au rapport du groupe de travail est que nous admettons qu'il s'agit là d'un travail remarquable. Il s'agit d'un dossier bien pensé et cohérent qui, s'il est mis en oeuvre, défendra bien les intérêts de la population canadienne. Pour la première fois, il offre au Canada et aux Canadiens une vision complète de l'avenir du secteur des services financiers.
Nous pensons utile de répéter certaines déclarations faites dans le rapport:
Considérées dans leur ensemble, ces conclusions et recommandations [...]
c'est-à-dire celles du rapport,
[...] constituent une approche intégrée et cohérente du renouvellement des politiques cadres, afin que les autorités publiques, les institutions et les consommateurs puissent contribuer ensemble à la mise en place d'un secteur des services financiers solide et dynamique qui servira bien les Canadiens maintenant et dans le prochain millénaire.
À notre avis, l'équilibre de cette vision serait certainement compromis si les législateurs décidaient de choisir seulement quelques-unes des recommandations.
Ce rapport constitue un condensé de 18 mois d'enquêtes dans le secteur des services financiers par des examinateurs indépendants et impartiaux. La plupart des problèmes identifiés dans le rapport font l'objet d'un débat acharné dans le secteur même des services financiers depuis un certain temps. Le rapport du groupe de travail et son insistance sur la nécessité de répondre aux besoins de la population canadienne constituent, à l'intention des législateurs et des autorités réglementaires, une approche actuelle et concise en vue de résoudre ces problèmes importants. Avec cet excellent plan de route en main, nous pensons qu'il n'y aura jamais de meilleure occasion pour prendre des mesures décisives qui montrent une certaine clairvoyance.
Permettez-moi encore une fois de citer le rapport:
On n'arrête pas le changement, et nous ne pouvons faire comme s'il n'existait pas. Pour les institutions financières comme pour leurs clients et les responsables de l'intérêt public, il est exclu de penser maintenir le statu quo.
[...]
Étant donné l'évolution rapide du marché des services financiers au Canada comme dans le reste du monde, les gouvernements et les institutions doivent donner suite sans tarder à ce rapport. En ce qui concerne le gouvernement fédéral, il ne faudrait pas attendre, pour mettre en application ces recommandations, le réexamen périodique de la législation fédérale des services financiers qui est prévu pour l'an 2002.
Le groupe de travail lance l'idée des «responsabilités envers la collectivité». Il faut cependant noter que les sociétés de secours mutuel sont la propriété de leurs membres et sont exploitées dans leur intérêt. La mission de chaque groupe fraternel est de répondre aux besoins financiers et fraternels de la collectivité qu'il dessert.
Nous sommes très heureux du message qui transparaît un peu partout dans le rapport du groupe de travail. Il semble en effet que toute cette idée des responsabilités envers la collectivité reprenne les principes essentiels et traditionnels des sociétés de secours mutuel. Nous ne pouvons que féliciter le groupe de travail pour les recommandations qu'il fait concernant ce secteur important.
Les sociétés de secours mutuel offrent davantage que de simples services financiers à leurs membres. On devient aussi membre pour les avantages sociaux, culturels et communautaires qu'offrent nos sociétés. Les «loges», camps, succursales et «courts» de nos sociétés rassemblent les membres pour leur permettre d'oeuvrer pour le bien de leur collectivité et pour bénéficier de la camaraderie de leurs confrères. Pour mener à bien ces activités, il faut communiquer avec les membres et les encourager à participer. Il est donc nécessaire de connaître certaines données personnelles essentielles pour s'en servir à plusieurs titres et pour fonctionner effectivement et gérer ces programmes profitables à la collectivité.
Nous sommes très favorables à la protection des renseignements personnels et à la prévention des ventes liées avec coercition. Mais la rédaction de la législation portant sur ces questions doit aussi être faite avec sensibilité afin de rendre légitimes les applications qui sont dans l'intérêt des individus en particulier et des Canadiens en général. Nous pensons que les législateurs et les autorités réglementaires reconnaissent généralement ces distinctions. Mais il nous semble important d'insister sur la différence. Un oubli pourrait éliminer involontairement une application légitime et bénéfique de cette information.
Nous avons de plus été rassurés de voir la volonté générale de favoriser un environnement de services financiers qui appuie et entretienne les petites institutions financières du Canada, qui permette l'apparition de participants qui réussissent dans certains créneaux et qui encourage la venue de nouveaux participants dans ce secteur.
Parmi les observations du groupe de travail, le fait que l'on admette que le régime de réglementation «taille unique» devra être révisé pour les petites institutions ou celles qui correspondent à des créneaux afin de tenir compte de leur taille et de la nature de leurs activités et non d'être déterminé par les exigences des importants conglomérats financiers offrant plusieurs produits, est tout à fait important.
Il est peut-être inévitable que l'attention suscitée par le rapport du groupe de travail porte essentiellement sur les aspects qui ont des répercussions sur les institutions financières plus importantes. Mais nous espérons et nous croyons que les nouvelles dispositions répondant aux besoins des organisations de secours mutuel plus petites ne seront pas oubliées.
C'est à ce chapitre que nous avons quelque peu été déçus par le rapport du groupe de travail. Si les sociétés de secours mutuel résument les caractéristiques que le groupe de travail souhaiterait que les institutions financières adoptent, le rapport omet d'identifier le rôle de ces sociétés dans le secteur financier et la contribution éventuelle qu'elles peuvent apporter au secteur des services financiers en pleine évolution.
Si nous faisons cette remarque, c'est parce que les intentions du groupe de travail concernant les sociétés de secours mutuel ne sont pas claires. Étant donné que la législation sur les compagnies d'assurance gouverne la plupart des sociétés membres de l'AFC, nous supposons que les changements recommandés pour les compagnies d'assurance-vie doivent également s'appliquer aux organisations fraternelles. Nous essaierons d'obtenir des précisions sur la question.
Nous espérons que cet oubli ne durera pas et que les caractéristiques particulières des membres de sociétés de secours mutuel dont bénéficient actuellement environ 500 000 Canadiens seront reconnues lorsqu'on envisagera de changer la législation. Nous pourrions jouer un rôle important en aidant les législateurs et les autorités réglementaires à concevoir un environnement qui soit favorable à l'arrivée de petits acteurs qui correspondent à des créneaux. Nous félicitons encore une fois le groupe de travail d'avoir reconnu dans son rapport que les organisations de notre taille peuvent fournir les solutions concurrentielles que souhaitent avoir les Canadiens.
Les gouvernements fédéral et provinciaux ont entendu des appels pour que le secteur des services financiers bénéficie d'un régime fiscal plus juste. Le groupe de travail est d'accord pour dire que l'impôt sur le capital n'est pas justifié et pourrait être contraire à l'intérêt public. L'accumulation du capital est un ingrédient essentiel si l'on veut préserver la sécurité des intérêts financiers des membres et des souscripteurs. L'adoption de l'impôt sur le capital pénalise les institutions dont les principes de fonctionnement exigent des capitaux plus importants pour protéger leurs consommateurs.
Nous appuyons la recommandation du groupe de travail voulant que l'impôt spécial sur le capital soit éliminé. Nous espérons qu'il va être maintenant possible de commencer à agir dans ce domaine.
Honorables sénateurs, je répète que l'Association fraternelle canadienne soutient de toute sa force le rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Les membres du groupe de travail ont produit un excellent rapport en peu de temps. Après un premier examen de ce travail, il nous semble évident que les intérêts des Canadiens seront bien défendus si l'on met en oeuvre les 124 recommandations du rapport.
Nous croyons que les sociétés de secours mutuel ont un rôle important à jouer dans ce contexte et une contribution importante à apporter au développement de toute nouvelle législation et réglementation. Nous nous engageons à participer à la création d'un secteur de services financiers plus concurrentiel pour le bien de tous les Canadiens.
Le sénateur Angus: Bonjour messieurs. Je trouve intéressante votre opinion sur le groupe de travail.
J'aimerais auparavant avoir des précisions sur votre organisation. Vous avez parlé de 1,5 milliard de dollars d'actif au Canada et d'environ 10 milliards de dollars d'actif dans le monde entier. S'agit-il d'une organisation d'envergure mondiale? Comment fonctionne-t-elle?
M. May: L'Association fraternelle canadienne est une association commerciale composée de 20 mutuelles actives au Canada. Il y a environ 40 mutuelles qui existent au total au Canada. Ce chiffre représente donc l'actif combiné de ces 20 organisations.
Le sénateur Angus: Lorsque vous dites que dans le monde entier il y a 10 milliards d'actif, êtes-vous une organisation mondiale qui possède des filiales ou s'agit-il de groupes indépendants dans chaque pays?
M. May: Ce sont des organisations affiliées. Il s'agit d'une seule entité qui a des activités dans divers pays.
M. Stephen Taylor, président-directeur général, Lutheran Life: Honorables sénateurs, pour plus de précision, les 20 milliards de dollars correspondent aux membres qui appartiennent effectivement à l'Association fraternelle canadienne. Toutefois, il y a plusieurs organisations fraternelles aux États-Unis qui représentent des chiffres beaucoup plus importants.
Le sénateur Angus: Les organisations fraternelles canadiennes ont 10 milliards de dollars d'actif, dont 1,5 milliard de dollars au Canada et le reste outre-mer ou aux États-Unis?
M. May: Oui.
Le sénateur Angus: Mais l'actif est la propriété de vos organisations?
M. May: Oui.
Le sénateur Angus: Lorsque vous nous présenterez votre mémoire par écrit, il sera peut-être bon de prévoir une petite partie au début où vous répéterez cela pour le bien de certains d'entre nous.
Existez-vous dans toutes les provinces canadiennes?
M. May: La Lutheran Life est active en Ontario et à l'ouest de l'Ontario. Et cela est simplement dû au fait qu'il y a un grand nombre de luthériens dans cette région. Les autres mutuelles peuvent être actives dans d'autres provinces.
M. Hensel: L'OIF est actif dans toutes les provinces, mais à l'heure actuelle, il n'y a que quelques très rares membres dans les provinces maritimes ou atlantiques. Mais nous avons une licence qui nous autorise à offrir des assurances dans l'ensemble du Canada.
Le sénateur Angus: Vous avez dit que vous vous inquiétiez de ce que le groupe de travail n'avait pas mentionné précisément vos organisations fraternelles. Le groupe de travail vous a-t-il consultés? Lui avez-vous fait des exposés? Avez-vous déposé des mémoires ou comparu devant lui?
M. May: Nous avons comparu devant le groupe de travail et avons envoyé plusieurs mémoires. Nous sommes mentionnés dans les annexes en tant que participant, mais nous ne sommes pas mentionnés dans le corps du texte. Étant donné la nature de certaines remarques, nous avons estimé qu'il y avait une correspondance extraordinaire entre la vision exprimée et ce que font les mutuelles. Nous avons donc été un peu déçus.
Le sénateur Angus: Pour revenir à l'inquiétude que vous avez exprimée, j'aimerais que vous nous précisiez la différence. J'imagine que vous n'êtes pas exactement comme une compagnie d'assurance-vie, mais que vous ressemblez à une telle compagnie, et vous voulez vous assurer que l'environnement préconisé pour les compagnies d'assurance-vie s'applique également aux organisations fraternelles. Je suis sûr que je simplifie exagérément.
Quelle est exactement la différence? Vous parlez de la Lutheran Life et je me demande s'il s'agit simplement d'un membre mineur ou au contraire important de votre organisation générale.
M. May: Si nous revenons en arrière d'une centaine d'années environ pour essayer de voir comment certaines de ces organisations ont été lancées, on constate qu'il pouvait s'agir d'un groupe de personnes d'une collectivité qui oeuvraient ensemble pour se protéger, pour protéger leurs voisins et leurs amis. Si le bâtiment agricole d'une personne brûlait, les voisins allaient tous s'atteler à la tâche pour essayer d'aider. Il n'était pas question de dire: «Voilà l'argent; construisez-vous un nouveau bâtiment.» Tout le monde allait contribuer. C'est encore en grande partie de cette façon que fonctionnent les mutuelles dans la mesure où ce ne sont pas uniquement des transactions financières qui permettent de venir en aide au moment d'un décès ou d'une invalidité. C'est un mécanisme d'aide qui est très humain par sa nature même.
Le sénateur Angus: Est-ce comme un kibboutz en Israël ou une commune dans l'ancienne Union soviétique?
M. May: Ce n'est pas exactement ce que je dirais dans la mesure où il s'agit dans ce cas de collectivités particulières auxquelles tous les membres participent. Mais j'imagine que la plupart des idées sont très semblables.
Dans l'environnement actuel, il s'agit davantage de réunions sociales qui sont organisées de temps à autre. On reste membre actif de la société canadienne alors que le kibboutz peut se concentrer énormément sur ses propres opérations internes en permanence.
Le sénateur Angus: À titre de préparation au rapport, notre comité a fait une étude comparative très générale des systèmes financiers d'autres pays pour essayer de voir ce qui pourrait être mieux ou pire pour nous et de quelle façon nous pourrions améliorer les choses. Je dois admettre que cette étude n'a pas porté précisément sur les organisations fraternelles, mais plutôt sur certains systèmes de surveillance et de réglementation qui existent ailleurs.
Ce faisant, nous pouvons dire je crois, à juste titre, que nous avons eu l'impression que le Canada ne possède pas un secteur très important de services bancaires de détail de second niveau. Les grosses banques occupent la plus grande partie du terrain. Je veux parler des caisses populaires au Québec et des coopératives de crédit, par exemple. Avez-vous une idée des raisons de cette situation au Canada? Pensez-vous que des gens comme vous qui aimeraient jouer un rôle n'ont pas pu le faire jusqu'ici?
M. May: Je ne suis pas sûr de pouvoir faire des remarques appropriées sur la situation des banques et sur les raisons qui font que nous avons quelques acteurs principaux dans ce secteur et peu d'acteurs secondaires. Comparativement, le secteur de l'assurance-vie semble fort bien diversifié. C'est vrai qu'il y a des acteurs importants, mais chacun à lui seul n'occupe qu'une infime partie du marché. Il y a de nombreux acteurs. Mais je dois dire que la situation change et cela pourrait être dû en grande partie au fait qu'ils estiment devoir soutenir la concurrence des grandes banques.
Cela a des répercussions intéressantes pour la Lutheran Life. Nous constatons que nous gravissons progressivement l'échelle des grandes organisations qui fournissent des assurances au Canada et que cela n'est pas nécessairement dû au fait que nous connaissons une croissance.
Le sénateur Angus: Les autres diminuent. C'est une chose relative.
M. May: Là encore, je parle pour la Lutheran Life. Steve Taylor, notre président, est à mes côtés. Notre marché est limité aux luthériens du Canada. Nos services s'adressent à eux. Si tous les luthériens du Canada étaient membres de notre société, notre taille serait encore nettement inférieure à celle des grandes banques. Les possibilités de croissance de ces organisations sont quelque peu limitées.
Le sénateur Angus: Je comprends ce que vous dites, mais j'aimerais revenir en arrière et essayer de mieux comprendre de quoi il s'agit. J'ai eu l'impression, d'après vos remarques préliminaires, que vous étiez très heureux de la portée générale du Groupe de travail MacKay. Vous avez eu l'impression que toutes sortes de possibilités et de nouveaux horizons s'ouvraient à vous. Je dois poser des questions essentielles telles que: Souhaitez-vous devenir une organisation de dépôts?
M. May: C'est une question à laquelle il m'est difficile de répondre maintenant car nous ne savons pas quelles seraient toutes les répercussions d'une telle évolution. C'est quelque chose que nous souhaitons étudier de très près. Cela dépend du régime réglementaire qui existe pour ce genre de choses. Si offrir ce service implique des coûts élevés pour la société ou des questions importantes de respect de la réglementation, il nous faudra sans doute répondre que nous ne pouvons pas nous le permettre. Par ailleurs, si cela reste à un niveau raisonnable pour nous, oui nous souhaiterions étudier la possibilité de très près. Mais il faut que cela représente un plan d'activités logique pour notre organisation.
Le sénateur Angus: Souhaiteriez-vous avoir des services de cartes de crédit?
M. May: Éventuellement.
M. Taylor: Avez votre permission, j'aimerais ajouter quelques petites remarques ici. Richard parle pour la Lutheran Life. Si nous revenons aux organisations qui constituent l'Association fraternelle canadienne, il y en a qui sont de taille importante, mais il y en a beaucoup qui sont très petites. Je pense que les très petites organisations souhaiteront très vraisemblablement continuer à faire à peu près ce qu'elles font sans se lancer dans les cartes de crédit, les dépôts, et cetera. Il est tout à fait possible que pour les plus grosses organisations, les cartes de crédit et les dépôts puissent être quelque chose qu'elles puissent envisager à l'avenir. C'est notamment vrai depuis l'avènement du commerce électronique et même des cartes intelligentes. Je crois que certaines de ces choses constitueraient de véritables possibilités à l'avenir.
Le sénateur Angus: Nous avons appris dans notre étude que dans le domaine des services financiers, l'une des grosses opérations consiste à s'approprier le marché. À vous entendre, vous vous êtes approprié d'un marché très bien défini. Par exemple, les épiceries et les supermarchés qui offrent des services bancaires et qui prennent des dépôts seraient très proches de vous. Je me demande si cela figure à votre programme. Dans l'affirmative, souhaitez-vous être membre de l'Association canadienne des paiements?
M. Taylor: Certains d'entre nous le souhaitent, oui.
Le sénateur Angus: Estimez-vous attrayante cette nouvelle période de déréglementation ou plutôt de déréglementation prévue du secteur?
M. Taylor: Oui.
Le sénateur Angus: Votre organisation m'intéresse beaucoup, même si, comme je l'ai dit plus tôt, je ne la connais pas parfaitement.
Je viens du Québec. Nous avons des caisses populaires qui ressemblent aux coopératives de crédit. Pour l'aspect coopératif, ressemblez-vous aux credit unions?
M. May: À certains égards, oui, dans la mesure où dans notre système les membres sont propriétaires et gestionnaires. Nous travaillons pour servir les membres de notre organisation. Mais il y a cependant des différentes.
Le sénateur Angus: Quel règlement s'appliquant actuellement à vous pose un problème?
M. Hensel: Je ne dirais pas nécessairement qu'il nous pose un problème. La majorité des membres de l'association sont régis par la Loi sur les compagnies d'assurance. La majorité d'entre eux sont constitués en corporations et organisés sous le régime fédéral. Ce n'est pas tellement que la législation crée un problème, mais plutôt la façon dont elle traite les mutuelles dans leur ensemble. À plus d'un égard, on leur réserve le même traitement que le groupe de travail, c'est-à-dire qu'on les néglige. C'est ce qui pourrait créer un problème car nous sommes contraints d'essayer de voir ce que cela veut dire pour nous.
Oui les organisations plus importantes souhaitent certainement établir un parallèle avec les compagnies d'assurance et dire: «Nous avons un nombre important de membres, et il serait logique, pour répondre aux voeux de nos membres, de pouvoir fournir de tels services ou de tels produits.»
En ce qui concerne certaines des organisations de taille plus réduite, et je reviens à votre analogie avec les épiceries, la majorité des magasins qui souhaitent participer au système de paiements sont des chaînes et non les épiciers indépendants que sont les dépanneurs. Ces propriétaires individuels n'auraient pas les ressources nécessaires. J'imagine qu'il faut assumer des coûts importants pour se joindre au système. Pour eux, cela ne serait pas justifié, sur le plan économique.
Pour la même raison, il serait justifié, sur le plan économique, que les organisations importantes représentées à cette table le fassent. Elles pourraient certainement profiter de cette occasion. Certaines des organisations de plus petite taille n'ont qu'un employé à temps plein et cela ne serait pas réalisable.
Le sénateur Stewart: Serait-il exact de dire que les membres de l'Association fraternelle canadienne offre essentiellement comme services à leurs membres des assurances, notamment l'assurance-vie et l'assurance-maladie?
Le sénateur Angus: Et l'assurance multirisque aussi?
Le sénateur Stewart: Oui, aussi.
M. May: Pour les avantages financiers, je dirais que oui.
Le sénateur Oliver: Oui, à quoi?
M. May: Ils offrent l'assurance-vie, certains produits d'épargne, mais pas l'assurance multirisque, pour l'instant du moins.
Le sénateur Stewart: Ainsi, si certains de vos membres commençaient à prendre des dépôts, par exemple, cela serait véritablement un nouveau départ pour eux. Ce serait peut-être une bonne chose. Mais ce n'est pas ce que veut dire ma question. Cela donnerait une nouvelle personnalité aux membres de votre association qui se lanceraient dans ce nouveau type d'activités.
M. May: Certainement.
M. Taylor: C'est vrai. Je crois que les deux organisations représentées à cette table, la Lutheran Life et l'OIF, ont pris part à la commercialisation et à la vente de produits de rente, comme les certificats de placement garanti et les caisses séparées. Nous avons un peu d'expérience dans ce domaine.
Le sénateur Callbeck: À la deuxième page de votre mémoire, vous parlez des responsabilités envers la collectivité. Vous dites que vous félicitez le groupe de travail MacKay pour sa recommandation voulant que les institutions financières fassent des rapports sur les responsabilités envers la collectivité. À votre avis, quelle information devrait figurer dans ces rapports?
À la page 170, parmi les renseignements énumérés, on trouve les sommes d'argent données, l'investissement dans le développement communautaire, l'aide aux activités socioculturelles, la participation des employés aux services communautaires, les impôts et taxes versés aux administrations publiques de tous niveaux et les emplois fournis par les institutions. Cette liste vous pose-t-elle un problème? Êtes-vous d'accord avec tous les renseignements demandés? En ajouteriez-vous?
M. May: Ce sont tous des renseignements qui méritent d'être pris en compte. En demander davantage plutôt que moins ne constitue pas un problème.
L'un des aspects dont il faut tenir compte est celui des répercussions sur la collectivité. Il ne s'agit pas uniquement de savoir combien d'argent a été injecté, mais ce qui a effectivement été fait et les répercussions que cela peu avoir sur la collectivité lorsqu'on offre ce que nous appelons de bonnes oeuvres.
Il est peut-être important de connaître les heures de bénévolat des employés, mais si elles ne sont pas effectuées dans la collectivité, ce n'est peut-être pas une bonne indication. Il faudrait peut-être envisager de prendre en compte la participation de ceux qui dans la collectivité favorisent les divers aspects que les organisations en question peuvent décider d'encourager. Je pense notamment au pouvoir de bénévolat de ceux qui travaillent avec elles. C'est une chose que les sociétés de secours mutuel évaluent couramment aux États-Unis.
Le sénateur Callbeck: Le faites-vous ici?
M. May: Nous n'avons pas d'activités aux États-Unis.
Le sénateur Callbeck: Mais le faites-vous ici dans votre organisation?
M. Taylor: Nous évaluons certaines choses. L'Ordre indépendant des forestiers et les Chevaliers de Colomb sont également membres de l'Association fraternelle canadienne. Je crois qu'il existe des statistiques nombreuses sur le travail bénévole effectué au Canada.
Le sénateur Callbeck: La plupart de vos organisations proposent-elles des assurances?
M. May: Oui.
Le sénateur Callbeck: J'imagine, d'après vos remarques, que vous n'avez aucune objection à la recommandation faite par le groupe de travail MacKay concernant la possibilité pour les banques de proposer également des assurances?
M. May: On s'inquiète un peu du fait que les sociétés de secours mutuel continuent à faire ce qu'elles faisaient traditionnellement tout en réussissant à le faire à l'avenir tandis que davantage d'acteurs du calibre des banques arrivent sur ce marché, mais je ne vois pas cela comme un obstacle important en soi. Ce qui nous inquiète davantage, c'est la façon dont ces institutions fonctionnent.
M. Hensel: Ce que nous demandons avant tout, c'est que les recommandations du rapport soient mises en oeuvre intégralement et non pas au coup par coup. Permettre aux banques de proposer des assurances sans les autres garanties proposées dans le rapport serait dangereux. J'estime franchement que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour envisager les unes sans les autres. Nous prenons cela comme un tout, même s'il pourrait être intéressant de le disséquer et de le prendre par petits bouts, notamment pour essayer de voir ce qui se produirait si nous les laissions proposer les assurances sans la protection des renseignements personnels et l'interdiction des ventes liées avec coercition.
Le sénateur Callbeck: Vous en parlez dans votre mémoire. Quand est-il du crédit-bail pour les voitures? Allez-vous vous en occuper?
M. May: Nous ne l'avons jamais envisagé dans le passé. Si c'est une possibilité qui nous est offerte, si cela est justifié pour notre organisation, et si nos membres estiment que ce serait utile, je ne vois pas pourquoi nous ne l'envisagerions pas.
Le sénateur Angus: Mais vous pouvez le faire maintenant, si vous le voulez, n'est-ce pas?
M. Hensel: Nous pourrions le faire par l'entremise d'une filiale. Là encore, tout dépend de l'intérêt des organisations et du fait qu'il n'y en a que quatre qui sont d'une taille suffisante pour ne serait-ce qu'envisager de créer une autre organisation pour le faire. Cela dépend aussi entièrement des voeux de nos membres concernant ce service. Comment pourrions-nous êtres concurrentiels? Voilà sans doute la première question qu'il faut se poser.
Le sénateur Callbeck: Quelles sont ces quatre grosses organisations?
M. Hensel: L'Ordre indépendant des forestiers, les Chevaliers de Colomb, la Lutheran Life et la Société Fraternelle ACTRA.
Le sénateur Callbeck: Combien de membres comptent-elles à peu près?
M. Hensel: Sans doute 400 000 sur les 500 000 Canadiens qui sont représentés par les membres de l'Association.
Le vice-président: Seriez-vous assez aimable pour nous remettre une liste de vos 20 membres lorsque vous nous présenterez votre rapport écrit? Ce serait très utile.
M. Hensel: Certainement.
Le sénateur Angus: Quelle était la dernière organisation que vous avez mentionnée?
M. Hensel: La Société Fraternelle ACTRA. Il s'agit du volet mutuel du syndicat des acteurs. Ils ont une association fraternelle.
M. Taylor: Elle s'occupe des besoins des membres de l'association ACTRA en matière de retraite et d'assurance.
Le sénateur Angus: Qu'ils soient luthériens ou non?
M. Taylor: La Lutheran Life est une organisation distincte d'ACTRA.
Le sénateur Oliver: Le sénateur Angus, en bon avocat qu'il est, a posé pratiquement toutes les questions que j'avais sur ma liste. Il n'en reste plus qu'une très précise concernant votre document.
Vous avez dit être favorable au rapport du groupe de travail MacKay, mais vous avez seulement une petite réserve. C'est ce que vous dites dans votre document:
Si les sociétés de secours mutuel résument les caractéristiques que le groupe de travail souhaiterait que les institutions financières adoptent, le rapport omet d'identifier le rôle de ces sociétés dans le secteur financier [...]
Si vous aviez rédigé le rapport du groupe de travail MacKay, qu'y auriez-vous mis concernant les sociétés de secours mutuel? Qu'aimeriez-vous y voir précisément?
M. May: On aurait pu nous prendre en exemple pour montrer comment une institution financière peut oeuvrer avec la collectivité au sein de laquelle elle est installée afin de lui offrir des services précieux.
Le sénateur Oliver: Pour ce qui est des dépôts, de l'assurance-vie, ou autre chose?
M. May: Pas seulement pour les transactions financières elles-mêmes, mais en participant et en aidant les membres à rendre service à leurs voisins et à leurs amis, à se réunir pour faire des choses qui soient profitables à la collectivité de façon générale.
Le sénateur Oliver: Comme par exemple?
Le sénateur Angus: L'évolution que ces sociétés souhaitent pour les banques.
M. Hensel: Vous m'avez demandé en quoi les mutuelles étaient différentes des coopératives de crédit. Les deux sont la propriété de leurs membres. La différence vient de ce que les sociétés de secours mutuel ont un autre aspect, à savoir que les membres se réunissent dans des loges, «courts» ou camps, selon l'organisation, et à ces réunions à caractère social essentiellement, à ces camps, «courts» ou loges, on organise des services communautaires. C'est ce que nous appelons les bonnes oeuvres. On s'organise pour effectuer des tâches telles que le nettoyage de parcs ou les campagnes de financement. C'est là que réside la principale différence.
Les membres qui appartiennent aux mutuelles ne sont pas uniquement des souscripteurs, des membres; ils participent en fait à des réalisations pour la communauté dans le cadre de l'organisation.
Pour répondre à une autre question du sénateur Callbeck sur ce que nous aimerions voir dans les rapports sur les responsabilités envers la collectivité, il n'y a pas seulement les contributions de nos employés. On pourrait parler de celles plus importantes faites par nos membres, car je le répète, bon nombre d'organisations qui appartiennent à l'association ont très peu d'employés mais beaucoup de membres. Si tous ces membres sont en train de faire de bonnes oeuvres dans la collectivité, c'est ce que nous aimerions faire valoir.
Le sénateur Oliver: Si vous deviez rédiger le rapport du groupe de travail, de quelle autre façon formuleriez-vous ce qui y est dit? «Veuillez nous prendre en compte?»
M. Hensel: Entre autres. Nous dirions aussi qu'il y a de nombreuses organisations de taille réduite qui font cela actuellement -- par exemple, les sociétés de secours mutuel. D'une certaine façon, nous avons peut-être constitué un modèle non reconnu pour ce qui figure en définitive dans le rapport du groupe de travail, car nous le faisons déjà.
En ce qui concerne les services financiers, ce n'est qu'un aspect des sociétés de secours mutuel. Pour répondre à la question de savoir si nous voulons être des banques et si nous voulons ceci ou cela, il faut un certain temps pour y réfléchir et voir si c'est quelque chose que nos membres pourraient souhaiter.
M. Taylor: Je crois savoir à quoi vous voulez en venir et je peux compléter la réponse.
Le sénateur Oliver: Je vous demande de préciser ce que vous entendez lorsque vous dites qu'on a omis de vous identifier.
M. Taylor: Oui. Nous aurions aimé que le rapport parle notamment plus clairement des pouvoirs que les sociétés de secours mutuel pourraient avoir. Pourrions-nous émettre des cartes de crédit ou appartenir au système des paiements si nous le souhaitions? J'aurais aimé voir des précisions sur le sujet, voire peut-être que l'on dise que les sociétés de secours mutuel et les compagnies d'assurance-vie devraient appartenir à l'Association canadienne des paiements, qu'il devrait être possible pour nous de bénéficier de pouvoirs plus larges que ceux que nous avons maintenant. Pour l'instant, il semble que l'on puisse prévoir des lois dans lesquelles nous serions oubliés pour ce qui est d'offrir des choses comme les dépôts, l'adhésion à l'Association canadienne des paiements et le crédit-bail pour les voitures. Toutes nos organisations ne vont pas se lancer dans ces secteurs, mais nous aimerions avoir la possibilité de le faire.
Sans essayer de dire exactement quels termes j'aurais aimé voir dans le rapport, j'aurais aimé qu'on y parle de ce genre de choses afin que l'on sache si oui ou non il nous serait possible d'avoir ces pouvoirs. Je sais qu'une fois la loi rédigée, on pourrait l'élargir pour inclure les sociétés de secours mutuel. Nous ne voulons pas être laissés pour compte.
Le sénateur Oliver: Ne pensez-vous pas que le libellé actuel du rapport du groupe de travail en ce qui concerne les compagnies d'assurance couvre également la Lutheran Life?
M. Taylor: Nous sommes traités de façon tout à fait distincte dans la législation sur l'assurance. Une section nous y est consacrée. Nous ne connaissons pas la réponse à cette question.
Le vice-président: Aux pages 167 et 168 du rapport, il est question des partenariats avec le secteur bénévole et également des responsabilités dans les collectivités. Vous auriez sans doute constitué un bon exemple pour montrer comment cela peut se faire.
M. Taylor: Oui.
M. Hensel: Essentiellement, il serait bien que l'on voie l'expression «sociétés de secours mutuel» au moins une fois dans le rapport. Cela répond peut-être à votre question.
Le sénateur Meighen: Je crois que vous avez fort bien exprimé la chose. Cela résume tout. Cela veut sans doute dire que vous souhaitez que le plus grand nombre de portes vous soient ouvertes et que vous voulez avoir la possibilité de décider si vous allez les franchir ou non, individuellement ou en compagnie d'autres organisations dans le cadre d'alliances stratégiques, par exemple. Est-ce bien cela?
M. May: Exactement.
Le sénateur Meighen: J'aimerais savoir ce que vous pensez de la question de la réglementation du secteur des services financiers. Pensez-vous qu'actuellement la réglementation est excessive? Si oui, pensez-vous que le groupe de travail MacKay a fait des suggestions utiles en vue d'augmenter la réglementation ou au contraire de la réduire?
M. Taylor: Nous avons notamment aimé la suggestion voulant que les organisations soient réglementées en fonction de leur taille et de leurs activités. Nous craignons que la loi, telle qu'elle est actuellement libellée, impose un véritable fardeau réglementaire aux mutuelles de toute petite taille. Nous sommes venus ici représenter les mutuelles de toutes tailles. Certaines d'entre elles n'ont qu'un million de dollars d'actif. Il ne semble pas juste que la même réglementation vaille pour les petites mutuelles et les banques ou la Mutual Life. Dans ce cas, la réglementation va les obliger à fermer leurs portes.
Je suis vraiment très heureux de ce qu'a dit le groupe de travail MacKay, mais même si, comme certains l'ont suggéré, ce rapport nous plaît vraiment, nous y voyons des sujets d'inquiétude. À première vue, il y a de bonnes choses dans ce document et nous félicitons le groupe de travail d'avoir réalisé un rapport très cohérent; mais plus nous l'approfondissons, plus nous voyons qu'il y a des éléments qui pourraient nous causer des problèmes.
Des suggestions ont été faites à certains égards qui augmenteraient, à mon avis, la réglementation au lieu de la réduire. Je pense notamment à certains domaines concernant la protection des renseignements personnels et les exigences minimales. Ce n'est pas que cela ne soit pas bien, mais je pense encore une fois aux très petites organisations qui pourraient se trouver confrontées à une réglementation plus importante et non réduite.
Lorsque nous vous présenterons notre mémoire, nous vous donnerons des précisions sur certains de ces domaines. Comme vous l'imaginez fort bien, nous avons eu très peu de temps pour lire le rapport. Nous sommes tous des bénévoles dans la mesure où nous avons tous à nous occuper de nos propres affaires, et pourtant nous sommes ici pour représenter l'Association fraternelle canadienne. Et j'espère que lorsque nous aurons mis au point notre mémoire, il y aura des domaines sur lesquels nous pourrons donner des précisions.
Le sénateur Meighen: En ce qui concerne la réglementation, voyez-vous des problèmes particuliers à ce que les réglementations fédérale et provinciales se chevauchent, c'est-à-dire, cela vous pose-t-il davantage ou moins de problèmes qu'aux autres?
M. Taylor: Je pense que c'est à peu près la même chose que pour tout le monde. Si on supprimait ce double emploi, ce serait l'une des choses les plus extraordinaires que je puisse envisager.
Le sénateur Meighen: Au bas de la page 3, vous dites:
Nous sommes très favorables à la protection du caractère confidentiel des renseignements personnels et à la prévention des ventes liées avec coercition. Le libellé de la législation traitant de ces questions doit également tenir compte des applications légitimes qui sont dans l'intérêt des individus en particulier et des Canadiens en général.
Pourriez-vous préciser ou formuler cela autrement pour que je comprenne? Vous êtes favorable à la protection de la confidentialité des renseignements personnels et vous êtes contre les ventes liées avec coercition, mais vous voulez être sûr que certaines choses ne se produiront pas lorsqu'on mettra en application ces mesures. De quelles choses s'agit-il?
M. May: Pour les activités communautaires auxquelles participent nos membres, si une succursale située dans un endroit donné n'a pas accès à l'identité des nouveaux membres, ne serait-ce que pour leur dire: «Venez mardi soir», cette succursale ne peut pas fonctionner. Il faut que l'on puisse communiquer au moins un nom, un numéro de téléphone et une adresse. Mais il ne s'agit absolument pas ici de renseignements personnels concernant leurs dossiers financiers, leur situation actuelle ou leurs antécédents médicaux.
Je ne vois pas exactement quelle distinction pourrait faire les législateurs dans ce cas; où se situe la ligne de démarcation entre ce que l'on peut considérer comme des renseignements à caractère privé et ce qui n'en est pas?
M. Taylor: Nous devons pouvoir disposer de certains renseignements pour que notre structure s'appuyant sur les membres fonctionne. M. May a parlé notamment de fournir à nos groupes de membres qui forment des loges, des «courts» et autres regroupements pour faire leurs bonnes oeuvres, les noms et les adresses des individus qui constitueront en partie cette structure.
Le sénateur Meighen: Vous voulez parler des loges au sein d'une même organisation.
M. Taylor: Oui.
Le sénateur Meighen: Et non pas par exemple, les Chevaliers de Colomb avec l'OIF.
M. Taylor: Non, au sein de la même organisation. C'est de cela que nous voulons parler. Dans de nombreuses organisations, il faut être membre pour pouvoir acheter un produit. Nous ne voudrions pas que cela disparaisse, mais je ne sais pas si cela pourrait être considéré comme une vente liée avec coercition ou non.
Le sénateur Meighen: Un travail bénévole obligatoire.
M. Taylor: Nous n'obligeons pas les gens à faire du travail bénévole s'ils ne le veulent pas.
Voilà donc quelques-unes des questions que nous nous posons. Une personne qui ne serait pas membre de notre organisation pourrait-elle dire: «Vous ne pouvez pas me forcer à devenir membre, mais je veux acheter votre produit.» Nous estimons que l'aspect adhésion à nos organisations est très important. Voilà ce qui nous inquiète; nous sommes des organisations s'appuyant sur l'adhésion de leurs membres.
Ce sont là deux choses que nous avons remarquées. Si nous regardions les choses de plus près, je suis sûr que nous en verrions d'autres pour lesquelles nous pourrions dire: «Les organisations constituées par des membres, les sociétés de secours mutuel sont des organisations uniques.» Il faut faire très attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain et avoir pour finir un règlement général sur la protection des renseignements personnels qui nous empêche de fonctionner et de faire les bonnes oeuvres qui font partie intégrante de notre identité.
Le sénateur Meighen: Pour l'instant, vous n'avez pas de problèmes dans ces domaines, n'est-ce pas?
M. Taylor: Non.
Le sénateur Stewart: J'aimerais revenir sur la question posée par le sénateur Callbeck concernant les rapports proposés sur les responsabilités envers la collectivité. Pour être plus clair, je vais vous lire deux ou trois phrases de la page 197 du rapport:
Nous recommandons par conséquent que toutes les institutions de dépôts et sociétés d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral soient tenues de produire chaque année un rapport sur leurs responsabilités envers la collectivité, qui informerait le public de leur contribution à la société par des activités du genre décrit précédemment, ou traitant d'autres questions qui peuvent apparaître pertinentes. Nous recommandons aussi que les provinces envisagent d'appliquer des exigences similaires aux institutions financières qui relèvent de leur compétence.
À première vue, cela m'a semblé être une bonne proposition; mais j'ai eu ensuite certains doutes. Que va-t-on nous proposer? On va nous faire des rapports où l'on va se vanter. Ce seront des annonces publicitaires: «Nous avons fait ceci et cela. Nous avons offert tant de hot dogs au cours des jeux écossais de la localité.» Voilà le genre de choses qu'on nous dira et cela sera fait chaque année. On sait ce que sont en général les rapports annuels. Ils sont à peu près tous écrits selon un modèle standard et on leur réserve à peu près un traitement standard aussi. On les classe.
Pour en venir au problème, je vais vous poser deux ou trois questions. Je vous dirai lorsque vous m'aurez répondu quel était l'objectif de ces questions.
Pourquoi tous ceux qui appartiennent au secteur des services financiers, selon la description du rapport, devraient-ils faire cela? Il est clair que leur objectif n'est pas de faire de la philanthropie. La Banque Royale du Canada n'est pas un groupe de philanthropistes constitué en société. Pourquoi ceux qui appartiennent au secteur des services financiers devraient-ils être obligés de se charger de ce fardeau supplémentaire? Je crois que votre cas est assez différent car vous faites de la philanthropie, mais pourquoi la Banque Royale du Canada ou la Banque de Montréal devraient-elles se vanter de tout ce qu'elles ont fait?
M. Taylor: Permettez-moi de faire une remarque sur ce qu'essaye de réaliser le rapport. Je crois qu'il essaye de mettre en lumière les secteurs où les banques ne font pas leur devoir envers la collectivité. Si nous estimons que toute organisation a une responsabilité envers la collectivité dans laquelle elle est active, il est certainement utile qu'elle transmette cette information.
Si nous sommes favorables à cela, ce n'est pas tant parce que nous avons dit qu'il fallait que ce soit fait dans le cas des banques et des compagnies d'assurance, mais plutôt parce que nous estimons que nos organisations se soucient essentiellement de prendre part à la vie de la collectivité. C'est très important pour les institutions financières et autres.
Vous pourrez demander pourquoi uniquement les institutions financières et pas tout le monde? Je vous répéterai que si nous estimons qu'il est important que les organisations fassent partie de leur collectivité et que la collectivité est importante pour ces organisations, alors elles devraient nous en parler.
Le sénateur Stewart: Vous avez répondu à l'avance à ma deuxième question. En quoi le rôle du secteur des services financiers diffère-t-il tellement de celui des autres secteurs de l'économie et qu'on attende de lui qu'il présente ces rapports annuels? Pourquoi le secteur des services bancaires est-il traité différemment des Sobeys dans l'Est et de toute autre organisation importante? Je ne cherche pas ici à contester ce que vous dites, je voudrais que vous m'expliquiez la différence.
M. Taylor: Je pense que c'est parce que les institutions financières font vraiment partie intégrante de nos vies. Si elles n'existaient pas, nous ne pourrions sans doute pas fonctionner. Si l'Ontario Hydro n'existait pas, vous pourriez tenir le même raisonnement. Vous avez soulevé là une question intéressante.
Il suffit de revenir au rapport lui-même qui essaie de dire qu'il y a des services essentiels qu'une institution financière devrait fournir à la collectivité et que, d'une façon ou d'une autre, nous voulons être sûrs que ces choses sont faites.
Le sénateur Stewart: Vous vous souviendrez, monsieur le président, que lundi, j'ai demandé à M. MacKay d'expliquer la nature particulière du secteur des services financiers pour qu'elle justifie la réglementation lourde qui s'applique à elle en principe dans l'intérêt public. M. MacKay a en fait refusé de répondre à ma question. Tant que nous n'avons pas cette réponse, nous n'avons pas vraiment de justification pour la plupart des nouvelles exigences, y compris celles dont nous nous sommes occupés. Pourquoi aurions-nous le droit de les imposer? Il faudrait avoir une justification à l'esprit pour admettre que ces institutions diffèrent des grosses chaînes de magasins ou des grosses aciéries. Pour que les choses soient bien claires, nous devrions pouvoir comprendre quelle est la différence et les responsables devraient pouvoir le dire au comité.
M. Hensel: Pour en revenir à l'attente du public dont parle le rapport, on pourrait prétendre que sur le plan philosophique tout membre de la collectivité a l'obligation, morale ou autre, de participer et de restituer à la collectivité dans laquelle il vit. Cela s'appliquerait également aux personnes morales. C'est pourquoi il semble que la tendance se généralise dans les organisations -- même Sobeys -- de restituer quelque chose en se joignant à des organisations telle qu'Imagine, et en donnant un pourcentage minimum de leurs bénéfices, de leur propre initiative.
La différence avec les banques, c'est qu'elles font tellement partie intégrante de la vie quotidienne des Canadiens que ceux-ci ont des attentes à leur endroit.
Le sénateur Stewart: Mais on nous dit maintenant qu'il faut qu'elles deviennent plus importantes pour être véritablement des acteurs mondiaux. En quoi cela correspond-il à l'intérêt public lorsqu'on entend parler de ces rapports annuels sur les responsabilités envers la collectivité?
M. Taylor: Est-ce à nous que vous posez cette question ou la lancez-vous pour la forme?
Le sénateur Stewart: J'espérais que vous alliez pouvoir me donner une réponse claire.
M. Taylor: Je ne suis pas sûr que nous souhaitions entamer la discussion de certaines fusions bancaires pour l'instant.
Le sénateur Stewart: Vous admettrez certainement que c'est pertinent pour votre position concernant les rapports en question.
M. May: Nous nous occupons beaucoup d'aider nos collectivités et nous faisons tout notre possible. Nous pensons qu'il serait très utile que davantage d'organisations fassent ce genre de choses.
Le vice-président: Vous ne pensez pas que cela doive être couvert par la législation?
M. Hensel: Elles pourraient le faire volontairement.
Le vice-président: S'agit-il de bénévolat ou d'un travail fait gratuitement mais prévu par la loi?
M. Hensel: C'est la question suivante. Il faudrait que l'on fixe des limites suffisantes pour les rapports, qui sont exigés en vertu de la loi, afin qu'ils ne deviennent pas des annonces publicitaires. Je crains que cela ne commence de cette façon et il y aura concurrence entre les acteurs, chacun affirmant qu'il peut faire plus que les autres.
Le sénateur Stewart: Nous avons tous fait des déclarations contre certaines formes de vente liée. Supposons que je sois une jeune personne qui cherche un emploi auprès d'une banque. Va-t-on me dire: «Savez-vous que vous êtes censé tout à coup faire de nombreuses oeuvres charitables, vous engager dans toutes sortes d'oeuvres communautaires, faute de quoi nous n'aurons pas un bon rapport à la fin de l'année?» Ce n'est peut-être pas une forme de vente liée, mais c'est certainement lié.
Le sénateur Oliver: C'est comme le travail pro bono que font tous les avocats.
Le sénateur Angus: Et les sénateurs.
Le sénateur Stewart: Cela pourrait figurer dans la législation comme un travail pro bono.
Le vice-président: Pensez à tous les cas de discrimination qu'il y aura avec les gens qui ont cinq enfants et ne disposent pas d'autant de temps que les célibataires.
Merci beaucoup, messieurs. Si vous présentez un mémoire, il serait sans doute bon qu'il nous parvienne avant le 15 novembre, car c'est à ce moment-là que nous allons commencer à travailler sur notre rapport. Si vous attendez davantage, on n'en tiendra pas compte dans notre rapport. N'oubliez pas la question des adhésions.
Nous recevons ensuite les représentants de l'Association des consommateurs du Canada.
Mme Gail Lacombe, présidente, Association des consommateurs du Canada: Honorables sénateurs, notre association est le seul groupe national de consommateurs du pays. L'ACC a été créée en 1947 en tant qu'organisation indépendante, sans but lucratif, de bénévoles. Notre mandat consiste à informer et éduquer les consommateurs sur les questions relatives au marché, à défendre les consommateurs auprès des gouvernements et de l'industrie et à travailler avec ces derniers pour résoudre les problèmes de marché de façon avantageuse.
L'ACC axe son travail sur les secteurs de l'alimentation, de la santé, du commerce, des normes, des services financiers, des industries de communication et des autres problèmes relatifs au marché qui émergent. Toutes les politiques de l'ACC sur des questions particulières sont structurées selon un ensemble de principes généraux axés sur les consommateurs. Huit de ces principes régissent les associations de consommateurs qui appartiennent à la fédération mondiale des groupes de consommateurs, l'Internationale des consommateurs. Parmi ces principes, on peut citer le droit de choisir, le droit d'être entendu et le droit à des réparations.
Je vais maintenant vous présenter Mme Jennifer Hillard, notre vice-présidente chargée des politiques, qui va commenter le rapport du groupe de travail.
Mme Jennifer Hillard, vice-présidente, Politiques, Association des consommateurs du Canada: L'ACC a examiné les recommandations du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nous pensons que le groupe de travail a réalisé une oeuvre remarquablement exhaustive en étudiant le sujet; il a produit 124 recommandations générales. L'ACC est dans l'ensemble satisfaite du rapport et impressionnée par le détail qu'il comporte. Il est clair que le groupe de travail s'est particulièrement attaché aux répercussions de tout changement possible à l'avenir du secteur des services financiers sur les consommateurs canadiens. Mais il nous semble que pour certaines questions, il y aurait des détails et des précisions à apporter.
L'Association des consommateurs du Canada est favorable aux nouveaux participants sur le marché et approuve les propositions favorisant la concurrence qui figurent dans le rapport du groupe de travail et qui touchent les banques étrangères et les coopératives de crédit. Elles élargissent les possibilités d'alliances stratégiques et de sociétés de portefeuille. Mais nous pensons que les nouveaux participants sur le marché ont été exclus par le coût élevé de la participation. Il reste de nombreux obstacles réglementaires à la création d'institutions financières différentes et si nous ne sommes pas favorables à une diminution des règlements qui protègent les consommateurs, ils font que les nouveaux participants arriveront vraisemblablement sur le marché plutôt dans les secteurs urbains que dans les collectivités rurales éloignées qui en ont davantage besoin.
Si l'ACC est favorable aux méthodes nouvelles et novatrices lorsqu'il s'agit de fournir des services financiers aux consommateurs canadiens, elle s'inquiète aussi du coût et du risque qu'elles comportent pour les consommateurs. Si les frais de service pour les nouveaux participants sont nettement supérieurs à ceux qui sont perçus par les institutions établies, le consommateur va-t-il recevoir l'information voulue? Les dépôts que recevront ces nouveaux participants seront-ils garantis? Si le risque est plus grand, les consommateurs vont-ils être suffisamment renseignés pour choisir en connaissance de cause?
L'ACC est tout à fait d'accord avec la recommandation du groupe de travail voulant que les questions de protection des renseignements personnels et de ventes liées soient réglées avant que l'on permette aux établissements de dépôts de se lancer dans le secteur de la vente au détail des assurances et du crédit-bail automobile. Les ventes liées constituent une inquiétude importante et les indications de non-respect de la politique relative aux sociétés à cet égard sont nombreuses. Même si la législation permettant de régler ce genre de choses est en place, nous croyons qu'elle doit être renforcée. Cette législation n'a pas été adoptée, mais elle devrait l'être.
De plus en plus, les employés des banques sont rémunérés ou évalués en fonction de la réalisation de certains quotas de ventes plutôt que de la satisfaction du client. Si cela a toujours existé dans le secteur des services financiers, les employés devaient posséder un agrément et respecter un code d'éthique. Des changements apportés récemment à la législation sur les services financiers font que l'agrément va maintenant être accordé à l'établissement, ce qui supprime les contraintes imposées par les codes individuels d'éthique. Cela soulève les questions suivantes: qui va fournir aux consommateurs des renseignements impartiaux si tous sont des vendeurs? Et lorsque les vendeurs contrôlent l'information, qu'est-ce qui fera qu'ils agiront dans l'intérêt du consommateur?
Il faut mettre en place des régimes permettant de régler ce problème avant que les pouvoirs commerciaux des institutions de dépôts ne soient élargis.
Les banques, comme toutes les autres organisations, seront régies par la législation fédérale en matière de protection des renseignements personnels qui devrait, croyons-nous, être adoptée prochainement. Nous craignons cependant que la législation ne comporte pas de dispositions suffisantes concernant la surveillance. Les renseignements personnels sont l'un des secteurs où il ne sera pas possible de déposer des plaintes en raison des problèmes d'information asymétrique. De façon générale, le consommateur apprend qu'il y a eu infraction concernant la confidentialité des renseignements personnels beaucoup trop longtemps après qu'elle a été commise pour pouvoir identifier les responsables. Les questions de réparation seront difficiles à cause du problème de quantification des dommages qui peuvent être en grande partie qualitatifs.
Nous serions donc favorables à une législation plus sévère pour les institutions financières relevant du régime fédéral afin que soient prévues des vérifications indépendantes et des organismes de surveillance pouvant prendre des décisions exécutoires. Il est essentiel de trouver une solution satisfaisante à ces problèmes avant d'augmenter les activités de ces institutions en leur permettant de vendre des assurances au détail et de proposer un crédit-bail automobile.
En ce qui concerne les regroupements et les fusions, l'ACC est tout à fait favorable à la proposition voulant que l'on évalue l'intérêt public avant d'envisager des consolidations et des fusions. Nous sommes aussi d'accord avec l'examen et l'analyse communautaire exigés pendant les quatre mois de préavis précédant la fermeture d'une succursale. Nous avons cependant quelques inquiétudes concernant la possibilité et la probabilité d'une participation du public à cet examen.
Nous croyons que sans la participation du public, ces évaluations seraient rédigées par l'industrie, pour l'industrie, et ne prendraient en compte que l'optique mondiale au détriment de l'optique nationale. De cette façon les rapports ne vont plus s'attacher au rôle du secteur financier au Canada. C'est une lacune importante et nous devons étudier la possibilité des dommages que pourraient subir les consommateurs dans notre pays.
Il est essentiel que les consommateurs canadiens aient leur mot à dire tandis que l'on décide de la «portée» des évaluations de l'intérêt public afin de veiller à ce que le processus réponde comme il se doit aux questions pertinentes. Il est essentiel que les banques assument le coût de ces examens et que ces coûts ne soient pas répercutés sur les usagers des services bancaires.
Pour ce qui est de responsabiliser les consommateurs, il est essentiel que l'ombudsman reste indépendant. Toute possibilité de nomination tenant compte des affiliations politiques par le conseil dont dépend l'ombudsman nous fera douter de son indépendance. Il faudra veiller à ce que le BSIF ne soit pas placé dans une situation de conflit d'intérêts. Le BSIF a pour tâche de garantir la viabilité à long terme du secteur des services financiers. L'ACC s'inquiéterait si cette fonction était autorisée à l'emporter sur la fonction de protection du consommateur qu'a le bureau. C'est pourquoi il pourrait être utile d'envisager de créer un bureau spécial indépendant du BSFI pour traiter des aspects des recommandations qui concernent la protection des consommateurs. On pourrait également attribuer à ce bureau des ressources suffisantes pour lui permettre d'assumer certains rôles préventifs, notamment la rédaction de documents en langue courante, les systèmes de réparation, les codes modèles, et cetera.
En ce qui concerne les attentes à l'égard des établissements de financement, l'ACC estime que les recommandations concernant les responsabilités envers la collectivité vont dans la bonne direction. Nous croyons que toute tentative d'influer sur la composition du portefeuille d'une institution financière devrait être d'ordre moral plutôt qu'autoritaire. Nous aimerions qu'un certain délai soit accordé pour permettre aux solutions axées sur le marché proposées par le groupe de travail de fonctionner avant de conseiller une intervention sur le marché. L'ACC n'a pas de preuve suffisante d'échec grave sur le marché pour suggérer une solution différente pour l'instant.
En ce qui concerne la divulgation et la transparence, l'ACC espère que les représentants des consommateurs prendront part au groupe de travail multipartite qui est proposé comme organisme de surveillance pour garantir que l'on va bien produire une information facile à comprendre pour les consommateurs. Cela irait également dans le sens des partenariats plus forts suggérés avec le secteur bénévole pour aider les institutions financières à trouver des solutions nouvelles répondant aux exigences des consommateurs.
En conclusion, nous croyons qu'il est dangereux de supposer que l'environnement plus concurrentiel qu'envisage le groupe de travail protège nécessairement les intérêts des petits entrepreneurs et des consommateurs. La documentation mentionne des économies d'échelle pouvant aller jusqu'à un milliard de dollars d'actif. Il faudra du temps, peut-être beaucoup de temps, avant que n'apparaisse un nombre raisonnable de concurrents de taille suffisante pour réaliser ces économies d'échelle. Les grandes banques réalisent actuellement un maximum d'économies d'échelle. C'est pourquoi on ne peut pas attaquer le secteur malgré les énormes bénéfices qu'il réalise. Il peut être utile de se poser la question suivante: le public est-il mieux servi par un nombre restreint d'éléments oligopolistiques techniquement efficaces qui réalisent des bénéfices énormes ou au contraire par un grand nombre de concurrents qui réalisent des bénéfices normaux mais qui ont une taille insuffisante pour être efficaces? Si la réponse est favorable aux premiers, combien devraient-ils être?
L'ACC recommande la mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail d'abord et ensuite l'évaluation de l'effet des recommandations. Si les changements apportés au secteur des services financiers ont permis à un moins grand nombre de consommateurs de compter sur les grandes banques, on pourrait envisager les fusions.
Le groupe de travail MacKay a produit des résultats bien supérieurs à ce que l'on attendait et il est difficile de lui rendre justice dans un si court exposé.
Le sénateur Oliver: Merci de cet excellent exposé. Il a été à la fois intéressant et stimulant.
Je vais commencer par quelques questions qui découlent de vos déclarations. Vous avez dit que l'un des gros problèmes vient de ce que vous pensez que la plupart de ces nouveaux participants pourraient aller dans les régions urbaines. Qu'est-ce qui, dans le rapport du groupe de travail MacKay, vous porte à le croire?
Mme Hillard: Je pense que c'est le fait qu'il y aura une réglementation importante. Prenez par exemple les guichets automatiques. Les grandes banques ne vont pas en installer s'il n'y a pas au moins 4 000 visites par mois. Certaines petites compagnies sont en train de venir dans les prairies pour installer des guichets automatiques indépendants non liés aux banques. Elles les installent chez les dépanneurs, dans les halls des hôtels. Mais les frais d'utilisation sont de 1,25 $ plus 1,25 $ pour Interac afin de compenser le risque supplémentaire qu'elles prennent car elles pourraient n'avoir que 40 visites par mois.
Bien que le rapport du groupe de travail MacKay soit excellent et qu'il ait abordé de nombreuses choses, je ne pense pas qu'il ait déblayé le terrain pour que des services financiers soient offerts, pas nécessairement par les banques, dans bon nombre de petites localités.
Le sénateur Oliver: Vous savez par le rapport du groupe de travail et par d'autres lectures et études que la plupart des opérations bancaires actuelles, en 1998, ne se font pas par chèques mais en allant dans une succursale bancaire pour faire toutes les opérations. On le fait par téléphone, par voie électronique ou par les guichets automatiques. Ces nouveaux participants vont utiliser la technologie moderne et non pas créer des succursales.
Mme Hillard: Pas nécessairement, mais ceux qui vivent dans les régions rurales et isolées sont sans doute ceux qui ont le moins accès à ces autres possibilités. Bon nombre d'entre eux n'ont même pas un bon service téléphonique.
Le sénateur Oliver: Le Canada a le taux de pénétration le plus élevé du monde pour le téléphone.
Mme Hillard: Nous avons aussi la plus faible densité de population. Une audience importante du CRTC a lieu actuellement sur le sujet d'un bon vieux service téléphonique qui soit de qualité raisonnable pour certaines de ces régions isolées. Il n'y est pas encore question d'accès à Interac sans frais.
Il y a des choses nouvelles qui se font dans d'autres pays. Au Royaume-Uni, vous pouvez maintenant faire vos opérations bancaires dans certaines épiceries.
Le sénateur Oliver: Nous avons la même chose au Canada, en Ontario, avec Loblaws.
Mme Hillard: Je vous demande pardon. Je viens des Prairies.
Le sénateur Oliver: Je suis surpris que vous disiez que les régions rurales vont souffrir de cette situation. Si vous nous envoyez d'autres documents, j'aimerais que vous précisiez un peu plus ce que vous entendez par là. Comme vous le savez, le rapport parle de donner beaucoup plus de force aux coopératives de crédit et aux caisses dans l'ensemble du Canada afin qu'elles puissent devenir davantage une possibilité de second niveau pour remplacer les banques.
Mme Hillard: Je ne pense pas que nous ayons dit que les régions rurales allaient souffrir. Nous disons dans notre document que nous pensons que les nouveaux participants vont aller dans les régions urbaines. Il est toujours difficile de faire venir des gens dans une région où le volume des affaires est limité.
Le sénateur Oliver: La plupart des compagnies américaines sont très spécialisées. Elles vont peut-être s'occuper uniquement de cartes de crédit, de crédit-bail automobile ou d'hypothèques sur les résidences, par exemple. Elles peuvent le faire par ordinateur ou par téléphone, ou peut-être en envoyant un représentant chez vous. Là encore, cela ne veut pas dire qu'on ne pourrait pas le faire aussi bien dans une région rurale qu'urbaine.
Mme Hillard: C'est ce qu'on espère. Mais les compagnies de téléphone viennent de nous dire qu'elles ne peuvent pas réparer les lignes téléphoniques dans les régions isolées en moins de 24 heures.
Le sénateur Oliver: Le fait que vous ayez dit que nombreux sont ceux qui deviennent des vendeurs m'a intéressé. J'ai aussi aimé votre remarque sur ceux qui vont aider les consommateurs et sur le fait que les régimes qui permettront de régler ce problème doivent être mis en place avant que les pouvoirs commerciaux des institutions de dépôts soient élargis.
J'ai trouvé cela fascinant parce que l'une des choses qui se produit lorsqu'on apporte la concurrence d'autres banques et institutions financières, c'est qu'elles vont toutes essayer de garder de bons prix pour que vous fassiez affaire avec elles. Le fait que le rapport du groupe de travail recommande fortement une plus grande concurrence dans les services financiers ne va-t-il pas régler le problème des gens qui deviennent des vendeurs?
Mme Hillard: Cela réglera la question des prix. Que cela règle la question de vendre à la personne ce qu'elle veut vraiment plutôt que ce que vous voulez lui vendre est une autre histoire.
Le sénateur Oliver: En quoi cela diffère-t-il du fait d'aller dans un magasin de détail ou une épicerie où vous trouvez un même produit sous plusieurs marques? Comment savoir que les gens achètent ce qu'ils devraient acheter? En quoi cela est-il différent pour les services financiers?
Mme Hillard: Il n'y a généralement pas de nombreuses possibilités pour une chose. Il est plus raisonnable de comparer les services financiers avec l'achat d'une voiture ou d'une maison où vous pouvez obtenir des renseignements très détaillés. On essaye donc bien de vous vendre quelque chose, mais on vous donne de nombreux renseignements. Ce sont des organisations autoréglementées, mais elles sont peut-être autoréglementées de façon plus ouverte que certains de ces systèmes financiers actuels.
Le sénateur Oliver: Le rapport du groupe de travail parle de légiférer des normes pour la protection des renseignements personnels, et cetera. Êtes-vous d'accord avec les recommandations du groupe de travail voulant que cela soit régi par la loi?
Mme Hillard: Absolument.
Le sénateur Oliver: Vous avez dit que la législation a déjà été rédigée mais qu'elle doit être modifiée. Quels sont les changements nécessaires à votre avis?
Mme Hillard: La législation sur la protection des renseignements personnels n'a pas encore été complètement rédigée. On est en train d'y travailler. On la renforce progressivement. Nous avons beaucoup participé au processus. Le Canada est un chef de file en la matière. Nous semblons avoir une avance sur la plupart des autres pays, ce qui est bien.
Le sénateur Oliver: Vous avez dit que la législation traitant de cela était en place mais qu'elle exige d'être renforcée.
Mme Hillard: Il ne s'agissait pas de la législation concernant la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Oliver: Il s'agissait de la législation sur les ventes liées. En quoi la législation en place a-t-elle besoin d'être renforcée pour ce qui est des ventes liées? Quels changements recommandez-vous?
Mme Hillard: Je ne pourrais pas vous le dire de façon détaillée. Je l'insérerai dans le rapport. C'est une recommandation qui a été faite par notre comité des services financiers dont aucun membre n'a pu venir aujourd'hui. Je vais noter la question et je vais faire en sorte que la réponse figure dans le rapport définitif qui sera soumis avant le 15 novembre.
Le sénateur Callbeck: Dans le rapport du groupe de travail, en bas de la page 237, on dit:
Le groupe de travail invite instamment les groupes de défense des consommateurs à élaborer de concert les principes qui pourraient mener à la création d'une organisation des consommateurs de produits et de services financiers, de manière à assurer une défense efficace des consommateurs dans ce secteur.
Qu'en pensez-vous?
Mme Hillard: Nous avons en fait rencontré la semaine dernière la plupart des groupes de consommateurs. Les autres sont d'envergure régionale; nous sommes le seul de portée nationale. Nous essayons de travailler avec toutes nos succursales provinciales afin d'oeuvrer dans la même direction. Industrie Canada nous a aidés à travailler ensemble pour répondre à votre document. Nous étions en fait tous à Ottawa lorsqu'il est paru la semaine dernière.
C'est une solution utile. Tous les groupes de consommateurs souffrent des mêmes problèmes financiers que tout le monde. Des alliances importantes doivent être créées pour nous permettre d'être efficaces dans certains domaines, notamment celui des institutions financières.
Le sénateur Callbeck: Vous n'avez pas réfléchi au mandat de cette organisation ni à son financement?
Mme Hillard: Nous ne nous sommes pas réunis avec d'autres groupes pour en discuter. Comme je l'ai dit, nous avons travaillé ensemble la semaine dernière pour commenter le rapport. Il a en fait fallu faire vite simplement pour le lire depuis sa parution.
Le sénateur Callbeck: Je l'imagine en effet. Merci.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parliez de consulter les banquiers en disant que c'était quelque chose que vous aimeriez faire. Pour la création de l'ombudsman, du système en place, avez-vous été consultée par les banques.
Mme Hillard: Pas que je sache. Il n'y a que deux ans que je suis vice-présidente, mais je n'ai vu aucune trace de consultation concernant l'ombudsman.
Le sénateur Hervieux-Payette: L'Association des banquiers canadiens nous a indiqué hier qu'il y avait un système à deux niveaux. Ils en ont un dans chaque banque et si vous n'êtes pas satisfait de la décision, il y a un ombudsman extérieur. Il y a un conseil d'administration indépendant qui peut révoquer l'ombudsman à la suite d'un vote unanime. Cela laisse à l'ombudsman beaucoup de liberté. Étant donné qu'il est possible de changer le système de l'ombudsman, êtes-vous prêts à essayer le système qui est actuellement en place et qui est tout à fait nouveau?
Mme Hillard: Nous avons accepté le système en place. En fait, l'un de nos membres fait partie du conseil de l'ombudsman actuellement. Notre inquiétude vient de ce que le groupe de travail semble demander que les nominations soient davantage de nature politique, contrairement au système actuel où l'on choisit des personnes indépendantes.
Le sénateur Hervieux-Payette: Personnellement, je ne pense pas que nous ayons besoin davantage de problèmes à résoudre. Nous pouvons essayer le système actuel, et s'il ne fonctionne pas, nous réglerons le problème.
Mme Hillard: Il n'y a pas très longtemps qu'il est en place. Nous n'avons aucune donnée concernant des personnes qui l'auraient essayé de façon empirique, que ce soit au niveau provincial ou fédéral.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parliez des relations avec la banque, de l'emplacement de la banque et bien sûr de son personnel. Vous avez dit que la rémunération de ce dernier était liée aux bénéfices de sa succursale. Dans le système capitaliste, il arrive très souvent lorsque vous êtes dans une institution financière qu'il y ait des liens avec d'autres secteurs. Par exemple, si vous êtes courtier en valeurs mobilières, il y a un lien.
Hier, on nous a dit que le Québec était la seule province où l'on doit passer un examen, obtenir un agrément, pour devenir conseiller financier. Ces examens sont semblables à ceux de l'Association des courtiers en valeurs mobilières du Canada. Ils ne sont pas faciles. Il faut étudier et avoir certaines connaissances pour les passer.
Ceux qui s'appellent des conseillers financiers peuvent travailler dans n'importe quelle organisation de services financiers. Ils peuvent travailler dans le secteur des assurances, pour une fiducie ou pour une banque. Recommanderiez-vous que ces personnes reçoivent la formation et l'agrément voulus, même si c'est un domaine qui ne relève pas de la compétence fédérale mais de celle des provinces?
J'ai l'impression qu'une association comme la vôtre pourrait suggérer que, pour le bien des consommateurs, il devrait y avoir des personnes fiables qui ont reçu la formation voulue pour donner des conseils en matière financière.
Mme Hillard: Je dois dire que depuis près de 10 ans, nous faisons pression pour qu'il y ait un enseignement, une formation et une organisation pour les planificateurs financiers. Il y a des groupes qui offrent un agrément dans certaines provinces, sans que ce soit obligatoire, où les planificateurs financiers peuvent recevoir une formation. Nous conseillons aux consommateurs qui veulent consulter un planificateur financier d'essayer de savoir quelle formation il a reçue ou à quelle organisation il appartient. De cette façon, le consommateur peut vérifier le code d'éthique, et cetera, de la personne en question.
Il serait bien évidemment souhaitable, dans un pays comme le Canada, d'harmoniser cela dans toutes les provinces parce que la population est très mobile. Si l'on prend l'emploi en considération, si un planificateur financier cherche un emploi dans une autre province, ou si un consommateur déménage dans une autre province, l'harmonisation faciliterait beaucoup les choses.
Le sénateur Hervieux-Payette: Pensez-vous que votre organisation et les autres qui s'occupent de protection du consommateur soient suffisamment bien financées pour assurer le mandat extraordinaire qui leur incombe?
Mme Hillard: Non. Mme Lacombe et moi sommes toutes deux bénévoles. Nous ne sommes ni l'une ni l'autre d'Ottawa. Ce travail bénévole représente presque un engagement à temps plein et nous avons encore du mal à nous tenir au courant. C'est pourquoi il n'y a pas de représentant ici aujourd'hui de nos services financiers. Ils sont en train de faire d'autres choses. Il est presque impossible d'obtenir l'argent nécessaire pour effectuer la recherche utile sur la question.
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est l'impression que j'avais, mais je voulais que vous le disiez. Si l'on doit complètement changer le système pour l'équilibrer, et insister davantage sur la protection des consommateurs, il vous faut être bien équipés. Je ne sais pas quels sont les mécanismes indiqués. Hier, quelqu'un a suggéré que les banques, lorsqu'elles envoient les états de compte, insèrent un dépliant pour demander des dons volontaires pour les associations de consommateurs. Mais j'ai l'impression que sur la scène mondiale, vous allez avoir besoin d'aide. Je crois qu'il serait indiqué que l'on accorde davantage d'argent au budget de protection des consommateurs.
Mme Lacombe: Je suis d'accord. Je crois effectivement qu'il y a naturellement insuffisance de financement. Je pense que de nombreuses choses peuvent être faites avec les institutions financières pour ce qui est de réaliser certains projets. Je peux dire que l'Association des consommateurs du Canada a travaillé avec l'ABC pour certains projets. Je crois que c'est une solution qui a de l'avenir pour le bien de tous les consommateurs canadiens.
Comme Mme Hillard l'a dit, je vis au Québec.
[Français]
Je demeure à Montréal; Mme Hillard vient de Winnipeg. Et, de plus en plus, nous avons de la difficulté à venir faire des représentations tout simplement parce que nous recevons beaucoup de demandes. Les fonds ne sont pas là pour payer le coût du voyage de nos bénévoles de Vancouver, des Maritimes jusqu'à Ottawa pour qu'ils fassent ces présentations.
À l'avenir, nous nous dirigeons vers un ACC différent qui dira dorénavant: nous savons que nous sommes crédibles, nous existons depuis 50 ans, ce n'est pas pour rien. Mais, à l'avenir, s'il n'y a pas d'argent pour au moins nous donner des ressources pour exposer notre point de vue, nous serons forcés de refuser.
Le sénateur Hervieux-Payette: Lorsque vous parlez des profits excessifs des banques, je voudrais simplement vous souligner que nos banques font des profits moindres que les grandes banques de plusieurs autres pays. Hier, ils se disaient les mal-aimés du système. Je veux tout de même prendre un peu leur défense. Il y a eu de mauvaises années pendant lesquelles on n'a pas tellement pleuré sur leur sort, malgré les années difficiles du passé. C'est l'amalgame des firmes de courtage avec les banques qui a fait que celles-ci ont connu une performance extraordinaire.
La bourse va un peu moins bien et les derniers rapports financiers disponibles démontrent des profits moins élevés. Ce n'est pas relié directement aux opérations bancaires, mais bien aux opérations du domaine du courtage.
Je voulais clarifier ce point car, tout comme nous-mêmes, vous vous devez de distinguer les deux. Dès que les banques ont pu oeuvrer dans différents secteurs, elles en ont profité. Mais le secteur du courtage est certainement plus volatil que celui des hypothèques et des prêts personnels. Je voulais juste que cette remarque soit notée.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: Quel est votre budget et quelles sont vos principales sources de revenu? Vous avez notamment parlé de l'Association des banquiers canadiens. Contribue-t-elle à votre budget? Et quelles sont vos autres sources de revenu?
Mme Lacombe: L'ACC fonctionne essentiellement grâce au financement des projets qu'elle réalise dans de nombreux domaines avec Industrie Canada. Mme Hillard pourrait vous dire de quels sujets nous nous occupons aujourd'hui. C'est elle la responsable de ces «sujets»; je suis l'administratrice.
Il existe un financement pour les projets. Nous faisons un projet avec Santé Canada cette année. Nous faisons des projets avec des gens comme l'Association des banquiers canadiens. Nous faisons beaucoup de travail avec le Secrétariat à l'alphabétisation et nous avons récemment produit des dépliants importants sur les responsabilités des consommateurs -- sur leurs droits et leurs responsabilités. Un autre pamphlet offre des conseils en matière alimentaire.
Lorsque les temps sont difficiles, nos membres nous aident.
Vous nous avez demandé notre budget. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact, mais je peux dire qu'il est de l'ordre de 600 000 à 700 000 $ par an.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que 90 p. 100 environ de ce montant vient des projets?
Mme Lacombe: Oui, c'est à peu près ça.
Le sénateur Stewart: Ma question a peut-être été implicitement traitée dans ce qui a déjà été dit. Il s'agit un petit peu d'une question de contexte.
Nous savons que le secteur des services financiers a vécu une histoire très différente dans divers pays importants. Le Canada diffère des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Avez-vous des preuves ou l'impression que, en ce qui concerne le secteur des services financiers, les Canadiens sont dans une plus mauvaise situation que leurs homologues des États-Unis, de France, du Royaume-Uni ou d'un autre pays dont vous auriez connaissance? Si oui, pourriez-vous préciser en quoi leur situation est pire et dans quels aspects du secteur?
Mme Hillard: Je m'occupe des questions générales de la vice-présidence, et non de ce qui concerne le secteur des services financiers. Mais je vais essayer de vous répondre en partie.
Les consommateurs canadiens sont les plus gros utilisateurs d'opérations bancaires automatiques -- cartes de débit et cartes de crédit. À certains égards, cela représente un avantage pour les banques. C'est pratique pour nous, mais les banques en tirent aussi quelques avantages.
Je ne vois pas d'autres pays où il y ait un tel écart entre le taux d'intérêt des cartes de crédit et ce que l'on nous donne pour notre compte bancaire -- 18 p. 100 pour une carte de crédit et 2 ou 3 p. 100 pour l'argent que l'on met à la banque. Dans ce cas, je dirais que nous sommes désavantagés.
La plupart de nos frais bancaires semblent très élevés par rapport à ceux des consommateurs des autres pays que je rencontre lors de réunions de consommateurs. Mais ce sont des impressions et non des preuves.
Le système canadien est très différent de ce que l'on peut trouver aux États-Unis, puisque c'est là que vont le plus souvent les Canadiens. En tant que Canadiens, lorsque nous nous rendons dans une ville américaine et que nous trouvons 15 petites banques ayant des noms différents, qui font toutes des choses différentes, nous pensons que ce doit être bien d'avoir le choix. Nous n'avons pas le choix.
L'une des choses les plus difficiles pour les Canadiens -- et je parle plus précisément des banques que des autres services financiers -- consiste à choisir une banque et les services que nous voulons obtenir d'elle, car les banques ont toutes des noms différents pour les mêmes choses. Notre association a dû se battre pendant des années pour que les bouchers appellent les morceaux de viande par le même nom. Nous nous livrons actuellement à une bataille semblable avec les banques. Il y a un nom différent pour ceci et cela. On compare en fait des choses semblables alors qu'on croit comparer des choses différentes.
Vous avez posé des questions sur les responsabilités sociales. Aux États-Unis, on demande à la plupart des banques de réinvestir dans leur collectivité. Nous ne sommes pas favorables à ce genre de mesure législative, mais cela change aussi les choses. D'une certaine façon, les banques ont davantage l'impression de faire partie de la collectivité.
Je viens des Prairies. Dans une petite ville des Prairies, il peut y avoir une coopérative de crédit, ce qui fait que l'institution financière fait partie de la collectivité. Récemment au Manitoba, une coopérative de crédit a investi et souscrit, avec l'aide d'un plan d'infrastructure du gouvernement fédéral, pour la prolongation d'une conduite de gaz naturel jusqu'à la petite ville, qui sans cela n'aurait pas pu se permettre de la faire venir jusqu'où elle va maintenant. C'est quelque chose qui est vraiment très utile à la collectivité. C'est très visible et cela touche tout le monde. Cela donne un sentiment collectif très différent.
Le sénateur Kelleher: Je regarde la page 5 de votre mémoire qui traite des recommandations. Vous y dites:
L'ACC recommande la mise en oeuvre des recommandations du groupe de travail d'abord et ensuite l'évaluation de l'effet des recommandations. Si les changements apportés au secteur des services financiers ont permis à un moins grand nombre de consommateurs de compter sur les grandes banques, on pourrait envisager les fusions.
Lorsque je lis cela, et que je réfléchis comme un avocat, je me dis: «Mon dieu, il y a 124 recommandations. Voulez-vous dire qu'il faille mettre en oeuvre les 124 recommandations? Faut-il ensuite évaluer leur effet?» Je ne sais à quel délai vous penser pour évaluer cet effet. Si l'on compte moins sur les banques, on peut envisager les fusions.
Le sénateur Angus: Dans 20 ans.
Le sénateur Kelleher: Sachant à quelle vitesse vont les choses à Ottawa, comme mon collègue le sénateur Angus le dit, il faudrait peut-être 20 ans. Pouvez-vous préciser combien de temps vous pensez que ce processus prendra? Je n'essaie pas de favoriser qui que ce soit ici; j'essaie simplement d'aller à l'essentiel.
Mais je dois vous dire que si le processus que vous envisagez devait prendre cinq ans avant que l'on puisse recommander ne serait-ce que d'envisager les fusions, je ne pense pas que cela ferait très plaisir aux banques. Je ne veux pas dire par là qu'il faille leur faire plaisir, mais je pense que c'est un délai qui dépasse de beaucoup ce qu'elles envisagent.
Le sénateur Oliver: Ce n'est peut-être pas dans l'intérêt public.
Mme Hillard: Nous pensions plutôt à deux ou trois ans. Les banques peuvent répondre très rapidement lorsqu'elles le veulent. Dès que les fusions ont été annoncées, de nombreuses succursales ont commencé à fermer et de nombreux services ont été intégrés en un seul centre. Elles peuvent agir rapidement si elles le veulent.
Pratiquement dans la semaine qui a suivi les annonces de fusion, les banques lançaient de nouvelles publicités à la télévision montrant des gens qui dansaient au son de la musique des années 1960. Les banques commencent à faire de la publicité pour la plupart des choses qui devaient être faites avant d'envisager les fusions, d'après les experts. Peut-être qu'Ottawa avance à la vitesse des glaciers, mais si les banques veulent quelque chose, elles peuvent agir très rapidement. Si les banques veulent des fusions, il faut leur demander quelque chose en échange.
Le sénateur Kelleher: Mais vous pensez cependant que le processus va prendre trois ans en supposant que les banques fassent des pieds et des mains.
Mme Hillard: Probablement. Il faudra un certain temps pour que la concurrence s'installe sur le plan pratique. Les banques canadiennes ont eu des années pour se développer et s'adapter, des années pour mettre tout au point et aller dans le sens qu'elles voulaient. Elles ont agi rapidement pour en faire plus au cours des six à neuf derniers mois. Tous ces nouveaux participants vont avoir toutes sortes d'obstacles à franchir. Ils doivent s'établir et gagner la confiance des consommateurs. Même si les Canadiens adorent dire qu'ils détestent les banques, ils leur font aussi confiance. C'est là qu'ils placent leur argent. Je crois qu'il faudra attendre deux ou trois ans avant de voir une véritable concurrence.
Ce pourrait être épisodique dans certaines régions. C'est ce qu'on a vu au Québec avec l'arrivée des caisses populaires, comme au Manitoba avec les coopératives de crédit. Dès que les fusions ont été annoncées et que tout le monde a commencé à s'en prendre aux banques encore une fois, les coopératives de crédit ont elles aussi lancé des campagnes publicitaires très agressives. Elles ont dit: «Venez chez nous.» C'est ce qui se produira.
Le secteur peut agir aussi vite qu'il veut s'il souhaite obtenir quelque chose. L'aspect législatif de la question pourrait demander plus de temps, mais le secteur va agir.
Le sénateur Kelleher: Je pense que c'est évident.
Mme Hillard: Le secteur va agir autant et aussi vite qu'il le pourra.
Le sénateur Angus: Votre point de vue semble prêter à interprétation. Le groupe de travail a dit que le statu quo était inacceptable. Êtes-vous d'accord avec cela ou préféreriez-vous le statu quo plutôt que certaines de ces choses effrayantes, nouvelles dont vous demandez la mise en oeuvre et l'essai avant que ces autres choses inconnues arrivent?
Mme Hillard: Voilà longtemps que nous faisons pression pour la concurrence dans le secteur financier. Nous avons vraiment souhaité avoir plusieurs options différentes le plus vite possible.
Le sénateur Angus: Vous les avez liés aux agglomérations urbaines, mais il me semble, de façon générale, que pour que les nouveaux participants se lancent dans un milieu inconnu, il devait y avoir des raisons pour qu'ils ne s'y trouvent pas auparavant. Nous savons que le cadre réglementaire était pour eux hostile et peu engageant. Pour qu'ils soient incités à venir, que ce soit dans les régions urbaines ou ailleurs, il faut qu'il y ait un compromis et un risque pris par les deux parties concernées.
Je suis consommateur et j'aimerais personnellement voir d'autres options que ce que nous avons maintenant. Mais on ne peut simplement pas s'attendre à ce que les gens lancent des affaires pour y laisser leur chemise.
Mme Hillard: Et vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les consommateurs y laissent leur chemise.
Le sénateur Angus: Ce n'est pas le cas.
Mme Hillard: Pas maintenant.
Le sénateur Angus: Ils auront toujours ces options. Permettez-moi de vous donner un exemple précis. Ce n'est peut-être pas le bon car vous avez dit que vous n'étiez pas responsable des services financiers.
Le rapport propose une certaine ouverture du système des paiements, ce qui constitue une opération très complexe. Je me demande s'il n'y a pas un équilibre à trouver entre la concurrence et la sécurité. Nous avons un système de paiement, qui, d'après ce que l'on peut voir, est l'un des meilleurs, sinon le meilleur du monde. On peut déposer un chèque à Halifax le matin et quelqu'un d'autre peut se promener avec cet argent l'après-midi à Los Angeles. Dans l'exercice de mes autres fonctions, lorsqu'on me paye une note d'honoraires avec un chèque provenant d'une autre région, il faut attendre deux semaines avant de pouvoir retirer cet argent. Cela vous montre combien le système que nous avons ici est excellent. La sécurité et la solidité constituent un critère important au Canada.
Étant donné que vous représentez les consommateurs et que vous avez étudié ces questions du point de vue des consommateurs, estimez-vous qu'il puisse y avoir une demi-mesure dans tout cela?
Mme Hillard: Pourquoi ne pas laisser les compagnies d'assurance se joindre au système des paiements du Canada si les banques vont proposer des polices d'assurance?
Le sénateur Oliver: Nous pouvons le recommander.
Mme Hillard: Nous sommes d'accord avec cela. De nombreuses petites villes ont des agents d'assurance. Que faut-il mettre en place pour leur permettre d'avoir accès à cela? Si la seule succursale bancaire de la ville ferme et qu'elle ne laisse même pas un guichet automatique, peut-être que l'agent d'assurance pourrait la remplacer en offrant certains de ces services.
Le sénateur Angus: C'est un exemple. On peut ouvrir le système des paiements de diverses façons. Il me semble qu'il faut ici une demi-mesure. Je crois même que M. MacKay était d'accord avec nous à cet égard lorsqu'il était parmi nous.
Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est une oeuvre extraordinaire qu'ont réalisée les membres du groupe de travail. C'est une série de documents volumineuse. Ce n'est bien sûr pas quelque chose que l'on peut comprendre et digérer complètement à tous égards du jour au lendemain. Vous dites cependant: «Nous représentons les consommateurs et nous ne sommes pas assez sûrs de cela pour permettre aux forces du marché d'agir pendant un certain temps.» Vous dites que nous devrions appliquer toutes les recommandations, les essayer et voir ce qui va se produire pendant deux ou trois ans. Je suis d'accord avec le sénateur Kelleher pour dire que c'est d'une certaine façon rêver en technicolor. Le simple fait d'appliquer toutes les recommandations pourrait prendre plus de temps.
Je pense que vous voyez où je veux en venir. Mais c'est un peu exagéré. Nous sommes ici à tâtonner. Nous faisons comparaître tous les groupes intéressés. Plus nous sommes, mieux cela vaut en vérité parce que nous sommes comme vous -- nous voulons comprendre avant de faire nos propres recommandations.
Mais je ne suis pas sûr qu'il faille tout rejeter. Nous avons un bon système bancaire dans notre pays. Tout tend à le prouver. Nous avons un bon système d'assurance et un bon système financier. Mais en raison de la nature même de notre constitution démographique et de choses telles que la réglementation, nous n'avons pas favorisé l'avènement d'un système bancaire de deuxième niveau. Nous avons maintenu la division entre les finances et le commerce pour des raisons historiques valables. Et tout d'un coup, nous ne pouvons plus contrôler cela du fait des changements technologiques et de la nouvelle notion de mondialisation, ce qui pour l'essentiel ne s'est pas produit ces dix dernières années, mais ces deux ou trois dernières années.
Il y a cinq ans, le courrier électronique n'existait pas. Maintenant, Internet permet de réserver des billets d'avion.
Je me demande parfois pour la forme: S'il s'agit d'offrir toutes les possibilités, de déréglementer et de laisser les forces du marché jouer, et d'attendre de voir ce qui va se produire, n'est-ce pas bien?
Mme Hillard: Nous souhaitons la concurrence sur le marché, mais nous ne pensons pas que cela se fasse si tout n'est pas réalisé dans le bon ordre.
L'une des choses que j'ai trouvées très intéressantes dans ce document est l'idée d'avoir une évaluation de l'intérêt public. C'est la première fois que je vois quelqu'un du secteur économique de l'appareil gouvernemental faire quelque chose qui corresponde, à mon avis, à l'engagement du gouvernement fédéral envers le développement durable. Il est essentiel d'avoir des collectivités solides. Le groupe de travail recommande une évaluation de l'intérêt public qui va probablement vous aider à traiter des services financiers tout en conservant des collectivités solides. Il en va de même pour l'examen dans les petites collectivités pour les fermetures de banques.
J'ai emporté ces documents avec moi au Manitoba la semaine dernière pour les donner directement au ministre du développement rural en lui disant: «Lisez ce rapport. C'est extraordinaire. C'est le genre de choses que nous devrions favoriser. Nous avons une loi qui traite du développement durable. Nous luttons pour que nos collectivités soient saines et durables. Allons-y.» Cela devrait faire le lien entre tout ce que le gouvernement prétend faire.
Le sénateur Angus: C'est juste. Je trouve également que les idées avancées dans le rapport sont progressistes et excellentes. Franchement, je me demande si on va assez loin. Bien que certaines recommandations semblent modernes et d'avant-garde à première vue, en juin, les membres du groupe de travail se sont réunis pour se demander: «Qu'allons-nous dire aux rédacteurs d'écrire dans ce rapport?» Trois mois se sont écoulés et il y a déjà beaucoup de nouvelles choses qui se sont produites. Je crois que nous voulons, en tant que Canadiens, être à la fine pointe, mais sans prendre des risques inutiles.
Je comprends ce que vous voulez dire, mais je pense que ce que vous suggérez revient en fait à ce dont j'accuse MacKay de faire. Son document comporte deux ou trois chapitres importants sur la déréglementation, sur la libéralisation, sur l'idée d'ouvrir les portes pour pouvoir donner aux Canadiens le choix et la concurrence. Puis il nous lie les mains avec certaines restrictions. Il semble qu'il y ait tellement de nouveaux obstacles réglementaires qui puissent apparaître qu'on pourrait ne pas tirer profit de tout cela.
Mme Hillard: Si une voiture d'une conception nouvelle arrive, vous voulez tout de même qu'elle respecte les normes de sécurité.
Le sénateur Angus: Absolument. C'est un critère essentiel.
Le vice-président: Nous vous remercions pour votre exposé.
Nous avons maintenant pour représenter l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, M. Robert Fleischacker, président du conseil d'administration et M. David Thibaudeau, président. Si vous voulez bien nous faire votre exposé.
M. Robert Thibaudeau, président, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance: L'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, anciennement appelée Association des assureurs-vie du Canada, est une association professionnelle sans but lucratif. Nos 18 000 membres volontaires fournissent des conseils financiers, commercialisent et vendent des produits provenant de divers types d'institutions financières du Canada, des compagnies d'assurance-vie aux banques. Les membres de l'ACCAF vendent la majorité des produits d'assurance-vie et maladie du Canada.
Avant d'en venir à l'essence de nos recommandations sur le rapport MacKay, j'aimerais remercier publiquement Harold MacKay, son groupe de travail et leurs adjoints de ce rapport de grande envergure sur l'avenir du secteur des services financiers. Nous ne sommes peut-être pas d'accord avec toutes les recommandations du rapport MacKay, et vous ne serez pas surpris de l'apprendre, mais nous devons admettre que le rapport est exhaustif, qu'il est tourné vers l'avenir et qu'il essaie sincèrement de mettre le consommateur au premier plan. Étant donné qu'il est si exhaustif, je conseillerais aux membres du comité de ne pas se sentir obligés de l'accepter ou de le rejeter dans sa totalité, mais plutôt de choisir des recommandations qui leur semblent logiques pour les consommateurs canadiens.
Si l'ACCAF va soumettre au comité un mémoire la semaine prochaine sur plusieurs recommandations du rapport MacKay, je vais aujourd'hui aborder brièvement les recommandations qui intéressent particulièrement les membres de l'ACCAF, à savoir celles qui concernent les ventes liées et la vente d'assurances au détail.
L'ACCAF fait pression depuis longtemps auprès du gouvernement fédéral pour qu'il protège les consommateurs des ventes liées, notamment de la part des banques. Nous avons comparu devant le comité des finances de la Chambre des communes au printemps dernier pour présenter notre étude sur les ventes liées et pour recommander l'adoption de dispositions interdisant les ventes liées dans la Loi sur les banques. Nous avons également fourni au comité une liste de consommateurs et de petits entrepreneurs qui estiment avoir été victimes de ventes liées et qui ont été heureux de ce que le comité invite certains d'entre eux à venir témoigner en personne sur leur expérience des ventes liées.
Nous avons aussi été heureux que le comité recommande dans son rapport du mois de juin sur les ventes liées que le paragraphe 459(1) de la Loi sur les banques soit adopté. Je crois qu'il va être adopté aujourd'hui d'ailleurs, et nous remercions le ministre Peterson et ses collègues d'avoir pris une mesure aussi décisive au nom des consommateurs.
Je crois que ces mesures, avec les résultats de sondages qui figurent dans le rapport MacKay en disent long sur ceux qui prétendent depuis longtemps que les ventes liées n'existent pas sur le marché des services financiers.
Le groupe de travail a dit être surpris du nombre de Canadiens qui ont indiqué qu'à leur avis un prêt ou une hypothèque aurait pu ne pas être approuvé si un autre produit n'avait pas été acheté auprès de la même institution. Un Canadien sur six et un travailleur indépendant sur quatre estiment qu'au cours des trois dernières années l'un de leurs prêts ou hypothèques aurait pu ne pas être approuvé si un autre produit, comme une assurance, n'avait pas été acheté auprès de l'institution.
Selon Ekos Research, qui a réalisé les sondages pour le groupe de travail MacKay, il n'y a guère de doute que de nombreux Canadiens estiment avoir affaire à des ventes liées. Nous croyons pour notre part, monsieur le président, que les sondages d'Ekos ont sous-estimé l'importance des ventes liées au Canada et que cela a poussé le groupe de travail à des conclusions erronées concernant la vente d'assurances au détail.
Plusieurs raisons nous poussent à le croire. Tout d'abord, la définition des «ventes liées» utilisée dans le questionnaire Ekos ne mentionne que les prêts et les hypothèques et exclue les cartes de crédit, source courante de crédit pour les consommateurs, notamment pour les petites entreprises. Selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, un de ses membres sur huit environ utilise une carte de crédit comme principale source de crédit pour son entreprise. Pour les entreprises qui ont quatre employés ou moins, ce nombre augmente puisqu'il s'agit d'une sur six. Si la question posée par Ekos sur les ventes liées avait également porté sur les cartes de crédit, nous pensons que le taux signalé de ventes liées aurait été plus élevé chez les consommateurs de façon générale et les travailleurs indépendants en particulier.
Deuxièmement, la question posée par Ekos donne l'assurance comme le seul exemple d'un produit qui peut être lié à un prêt. Étant donné que les banques ne peuvent pas vendre la plupart des types d'assurance dans leurs succursales, cet exemple ne va probablement pas faire venir à l'esprit des répondants les incidents de ventes liées. Dans une étude réalisée par notre association, les banques risquent six fois plus de lier un fonds commun de placement non désiré ou un autre produit du REER qu'une assurance à un prêt. Nous pensons que le taux indiqué de ventes liées aurait été beaucoup plus élevé si la question posée par Ekos avait été: avez-vous jamais eu personnellement l'impression que l'un de vos emprunts ou l'une de vos hypothèques aurait pu ne pas être approuvé si vous n'aviez pas acheté aussi un autre produit, comme un fonds commun de placement, à votre institution?
Si je dis cela, ce n'est pas que je veuille diminuer la portée des conclusions du groupe de travail voulant que les ventes liées constituent un problème, mais plutôt bien montrer que les ventes liées constituent peut-être un problème plus important que ne le pense le groupe de travail.
L'ACCAF estime que les résultats du sondage d'Ekos vont au minimum dans le sens de la recommandation du groupe de travail voulant qu'on interdise plus sérieusement et plus généralement les ventes liées avec coercition que cela n'est actuellement le cas. Une telle interdiction devrait comporter au minimum une définition plus large des ventes liées, une divulgation et l'accès à certains recours juridiques dans le cas d'une vente liée. Nous croyons que ces mesures constituent un pas dans la bonne direction; mais nous ne partageons pas l'optimisme du groupe de travail selon lequel ces mesures vont avoir un effet important dans un avenir proche.
Comme indiqué dans notre mémoire présenté en mars au comité, la vente liée est enracinée dans la culture des banques et il faudra un certain temps pour que celles-ci acceptent une nouvelle réglementation, quelle que soit sa sévérité. Le fait que les ventes liées soient illégales en vertu de la Loi sur la concurrence depuis 1976 ne semble pas avoir empêché la croissance de la culture des ventes liées dans certaines institutions de dépôts.
Et ce n'est pas seulement la culture des banques qui doit changer; l'attitude des Canadiens doit changer également. Selon Ekos Research, pratiquement la moitié de ceux qui ont dit avoir fait l'expérience d'une vente liée ont cédé à la coercition. Monsieur le président, le régime le plus sévère du monde contre les ventes liées n'aura guère d'effet si les consommateurs canadiens continuent à se sentir sans défense face aux responsables des prêts d'une banque. Nous ne pouvons donc que douter de la possibilité que la culture bien enracinée des ventes liées change beaucoup d'ici 2002, comme le souhaite le groupe de travail MacKay.
Après avoir parlé des ventes liées, je souhaite maintenant passer à un sujet connexe qui est celui de la vente d'assurances au détail par les banques, encore appelé «bancassurance». Le rapport MacKay recommande que la politique actuelle interdisant aux institutions de dépôts de vendre des assurances au détail dans leurs succursales soit abrogée à partir de 2002 pour les institutions de dépôts ayant un avoir des actionnaires supérieur à 5 milliards de dollars, et plus tôt que cela pour ceux qui sont en dessous de ce seuil.
Pour les avantages que comporte la bancassurance pour les consommateurs, le rapport estime que le principal avantage -- qui est en fait le seul -- est que cela augmentera pour les Canadiens les possibilités de souscrire à des assurances. C'est un point important qui mérite qu'on s'y attarde.
Selon le rapport MacKay, les consommateurs canadiens ne devraient pas s'attendre à des prix inférieurs ou à des services améliorés si les banques peuvent proposer des assurances dans leurs succursales. À l'appui de ces conclusions selon lesquelles les Canadiens ne souscrivent peut-être pas assez à l'assurance-vie, le rapport cite les chiffres d'Ekos Research voulant que 71 p. 100 des Canadiens disent posséder une forme d'assurance-vie. Le chiffre pour les couples et les personnes qui ont des enfants est plus élevé puisque ce sont des groupes qui ont davantage besoin que la moyenne d'une assurance-vie.
Un sondage réalisé en 1998 par la Life Insurance Marketing Research Association, LIMRA, permet de constater en fait que le nombre des personnes couvertes est plus élevé que celui du sondage d'Ekos. Le sondage de la LIMRA a révélé que 82 p. 100 des ménages canadiens bénéficient de la garantie d'une assurance-vie. Cela représente une augmentation par rapport à 1994 où il s'agissait de 80 p. 100.
Pourquoi cette différence? Nous imaginons que c'est à cause de la méthode différente utilisée par les deux instituts de sondage. L'enquête de la LIMRA a été effectuée auprès de celui qui prend les décisions financières dans chaque ménage, la personne qui risque le plus de connaître une chose comme l'assurance-vie. Par contre, le sondage d'Ekos a été effectué auprès de toute personne de plus de 18 ans qui réside en permanence au Canada.
Selon la LIMRA, ce sont donc huit ménages canadiens sur dix qui possèdent une assurance-vie et deux sur dix qui estiment qu'un membre de la famille risque de souscrire à une police d'assurance dans un avenir proche. Là encore les deux chiffres seront à peu près sûrement plus élevés pour les couples et les personnes ayant des enfants.
Si je suis le premier à admettre que notre secteur a encore du travail à faire pour augmenter le nombre des détenteurs d'assurance-vie parmi les Canadiens à faible revenu, je veux rejeter l'idée qui semble implicite dans le rapport MacKay, selon laquelle le marché de l'assurance-vie au Canada peut être considéré comme insuffisamment desservi tant que 100 p. 100 des Canadiens n'auront pas une assurance-vie. Le groupe de travail l'admet même dans son rapport puisqu'il indique que son enquête n'a pas précisé pourquoi divers répondants n'ont pas d'assurance. Le groupe de travail est prudent en concluant que le marché est insuffisamment desservi au Canada.
Si le marché de l'assurance-vie au Canada est déjà bien desservi et que le nombre des polices augmente aussi, il semble que cela aille à l'encontre du principal argument du groupe de travail en faveur de la bancassurance.
De plus, pour ce qui est de servir les Canadiens à faible revenu, aucune raison ne permet de croire que les banques pourraient mieux desservir ce marché que le secteur de l'assurance-vie ne le fait actuellement. Les résultats des banques pour ce qui est de donner accès aux services bancaires de base aux Canadiens à faible revenu ont porté le groupe de travail à conclure que malgré la politique déclarée des banques, un problème d'importance subsiste encore pour ce qui est de servir une catégorie de clients qui risque de ne pas être très rentable pour la succursale. Le groupe de travail fait en outre l'observation suivante: les principaux obstacles au progrès relèvent des attitudes et de la culture et non des procédés.
Si les Canadiens à faible revenu ont du mal à obtenir l'accès ne serait-ce qu'aux services bancaires de base pour lesquels ils sont prêts à venir faire la queue dans la succursale, les soi-disant produits tirés ou demandés, pourquoi voudrait-on attendre des banques qu'elles travaillent fort pour essayer de persuader ces consommateurs soi-disant non rentables de la nécessité de souscrire à une assurance-vie?
J'aimerais maintenant en venir au coût énorme de la suppression de l'interdiction faite aux banques de vendre des assurances au détail dans leurs succursales. Le principal risque de la bancassurance identifié par le rapport MacKay est celui des ventes liées, mais le groupe de travail estime que ses propositions vont effectivement régler ce problème.
Pourquoi le groupe de travail est-il si optimiste? Lorsque le groupe de travail fait remarquer qu'il n'a aucune preuve indiquant que les marchés ont été sérieusement bouleversés dans les pays où les banques proposent des assurances au détail, il ne tient pas compte du prix que les consommateurs ont peut-être dû payer. Le rapport MacKay ne donne aucune preuve, pour ces pays, montrant que les ventes liées peuvent en fait être limitées avec toute la réglementation qu'il propose. On ne fait aucun parallèle entre le secteur bancaire particulièrement concentré au Canada avec sa culture enracinée de ventes liées et les autres pays du monde où les banques offrent maintenant des assurances au détail.
En outre, nous croyons que le groupe de travail en plus de sous-estimer le problème des ventes liées au Canada l'a peut-être essentiellement mal compris. Il fait remarquer que la possibilité de ventes liées avec coercition existe chaque fois que des produits multiples sont offerts par le même détaillant. Il laisse encore entendre pour la forme que les agents d'assurance ne devraient peut-être pas pouvoir vendre d'autres produits, tels que les valeurs mobilières ou les conseils en matière de planification financière, de crainte qu'ils ne tentent de faire des ventes liées ou utilisent abusivement les renseignements personnels.
Monsieur le président, cette façon de voir néglige le fait que les conseillers financiers qui appartiennent à l'ACCAF n'accordent pas de crédit et n'ont aucun pouvoir économique sur leurs clients. Ils ne pourraient même pas tenter de leurs proposer des ventes liées s'ils le voulaient. En vertu du régime actuel, c'est le consommateur qui détient les rênes et non le conseiller financier, et il est beaucoup plus facile de changer d'agent d'assurance-vie que de banque, surtout pour les petites entreprises.
Par ailleurs, les banques ont le pouvoir d'accorder, d'augmenter ou de refuser un crédit à des particuliers qui peuvent en avoir vraiment besoin pour acheter leur première maison ou à de petits entrepreneurs qui doivent pouvoir équilibrer leurs comptes fournisseurs et leurs comptes clients. Les consommateurs sont parfaitement conscients de ce pouvoir, comme le montrent les chiffres d'Ekos.
Monsieur le président, étant donné que nous croyons que le groupe de travail a à la fois sous-estimé l'ampleur et mal vu la nature du problème des ventes liées au Canada, nous croyons que le comité devrait réfléchir à deux fois avant d'accepter, comme on le lui garantit, que le problème des ventes liées sera pratiquement résolu d'ici 2002.
Que dire de l'autre risque important de la bancassurance -- le mauvais usage des renseignements personnels? D'après les données du sondage du groupe de travail, 56 p. 100 des Canadiens se sont dit inquiets de ce que les banques possèdent trop de renseignements personnels et financiers, et qu'elles pourraient les utiliser de façon inappropriée si on leur permettait de proposer des assurances dans leur succursale.
Cela correspond à ce qu'ont révélé des études dans le passé, et c'est en fait sous-estimer l'inquiétude des Canadiens. Par exemple, une enquête Compas de 1995 montre que 83 p. 100 des Canadiens sont favorables à l'interdiction faite aux banques de balayer les transactions qu'ils font à l'aide leurs cartes de crédit et de leurs chèques pour leur proposer des assurances. Quatre-vingt-cinq pour cent sont favorables à l'interdiction faite aux banques d'utiliser l'information sur les comptes de leurs clients concernant les dépôts importants ou un héritage pour leur proposer des assurances.
L'ACCAF appuie donc la recommandation du rapport MacKay voulant que le gouvernement fédéral aille plus loin que les codes de respect des renseignements personnels auxquels on adhère de façon volontaire et prévoie des dispositions législatives à cet égard qui s'appliquent aux entités du secteur privé.
Nous sommes aussi heureux de l'annonce faite récemment par le premier ministre concernant la protection des renseignements personnels en ligne. Nous constatons cependant que le groupe de travail admet qu'il faudra peut-être du temps pour mettre au point une approche uniforme et complète à l'égard de la législation sur la protection des renseignements personnels visant le secteur privé. L'ACCAF considère que l'absence d'un tel régime législatif pour la protection des renseignements personnels comme un argument de plus contre la suppression de l'interdiction concernant l'assurance-vie.
En conclusion, nous croyons que les avantages de la bancassurance pour les consommateurs canadiens sont au mieux insuffisants, mais le risque pour les consommateurs sous forme de ventes liées et de non-respect des renseignements personnels sont très réels. Nous croyons que ces coûts très réels l'emportent nettement sur les prétendus avantages.
Ces éléments négatifs peuvent expliquer le peu d'intérêt, constaté par le groupe de travail, des consommateurs à l'égard de la bancassurance. S'il est vrai que trois Canadiens sur quatre ont dit à Ekos Research qu'ils voulaient pouvoir choisir leur assureur, cela ne doit pas surprendre. Peu de gens vont volontairement renoncer à leur liberté de choix. Le chiffre le plus important à notre avis est que la moitié des Canadiens environ ont dit ne pas se soucier du fait que les banques puissent ou non vendre des produits d'assurance dans leurs succursales. Autrement dit, la moitié des Canadiens ne seront pas déçus si nous optons pour la protection des consommateurs et si nous maintenons l'interdiction de la vente des assurances au détail, et 21 autres pour cent sont sans opinion.
Étant donné le peu d'empressement évident chez les Canadiens de voir les banques proposer des assurances dans leurs succursales dans un avenir proche et étant donné le coût net probablement énorme pour les consommateurs si le gouvernement accordait ce pouvoir aux banques, l'ACCAF recommande de soumettre à un examen beaucoup plus approfondi la recommandation du groupe de travail MacKay sur la bancassurance avant d'envisager de la mettre en oeuvre.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de participer au débat. M. Fleischacker et moi-même serons heureux de répondre aux questions éventuelles.
Le sénateur Angus: Il est agréable de voir quelqu'un qui ne critique pas tous les éléments du rapport MacKay. Il est clair qu'il y a certaines choses qui vous plaisent et d'autres non. Je suis sûr que ceux qui s'occupent de crédit-bail automobile auront leur opinion aussi.
J'aimerais revenir sur les ventes liées et les ventes additionnelles. Il y a parfois confusion de termes et il est important d'avoir l'idée juste.
Pour ce qui est de la législation qui va être adoptée aujourd'hui, qui vous fait plaisir je crois, il s'agit de ventes liées indues, avec coercition, c'est-à-dire celles qui ne devraient pas se produire. La loi va régler ce problème. Je sais que vous avez dit que, malgré la législation, vous estimez qu'il y a une culture enracinée de ventes liées avec coercition.
Si j'interprète bien le rapport MacKay, on y dit que tout cela doit se passer concurremment pour que les recommandations soient justifiées. Autrement dit, le groupe de travail ne dit pas qu'on devrait laisser les banques proposer des assurances, du crédit-bail automobile et ouvrir le système sans dire en même temps qu'il doit y avoir davantage de concurrence, d'autres institutions de dépôts et d'autres prêteurs pour que le champ des possibilités ne soit pas aussi étroit. Êtes-vous d'accord pour dire que le contexte serait différent si toutes ces recommandations étaient appliquées?
M. Thibaudeau: Je suis d'accord.
Le sénateur Angus: Ce serait un contexte qui ne porterait pas à ce que vous appelez une mauvaise culture.
M. Thibaudeau: La question essentielle est celle du pouvoir du prêteur, de quelque type qu'il soit, qu'il s'agisse d'une grosse ou d'une petite banque. Si vous êtes maître de la situation, vous pouvez être maître de la commercialisation d'autres produits. Cela touche le consommateur plus que les autres.
Nous ne sommes pas venus ici représenter un secteur proprement dit. Nous venons ici représenter des gens qui donnent des conseils à autrui, qu'il s'agisse d'une société d'assurance-vie, d'une banque ou d'une société de fonds communs de placement. Mais dès que vous créez cette possibilité de prêter et qu'il y a également d'autres produits disponibles, cela peut amener à la coercition.
Nous avons fait un peu d'historique, mais l'évolution des produits offerts par les banques va bien au-delà des dépôts et des prêts. Ces institutions offrent maintenant toutes sortes de choses au public. Ce faisant, nous avons peut-être perdu de vue le levier que possède les banques.
Nous sommes aussi très favorables à la réglementation des renseignements concernant le crédit. Si une compagnie d'assurance ou un établissement non bancaire prêtait de l'argent sur une hypothèque, il ne devrait pas y avoir de situation liée.
Dans notre rapport écrit, nous sommes tout à fait favorables à l'élargissement et à l'ouverture du système des paiements. Nous pensons que cela augmentera l'accès de la population à l'argent, qu'il s'agisse d'une société de fonds communs de placement ou d'une compagnie d'assurance, au lieu de garder simplement cet argent dans un compte bancaire. On pourra déplacer l'argent par voie électronique.
Le sénateur Angus: Je suis d'accord avec vous, sauf que nous avons tous tendance à être conditionnés par le statu quo, qui, à ce qu'on a dit, est inacceptable. Si le Canada souhaite rester à jour et à l'avant-garde et donner à la population les avantages de tous ces nouveaux produits, il nous faut prendre certains risques. Nous devons être audacieux et agir vite.
Vous avez très bien agi lorsque vous êtes venu au début de l'année nous donner des exemples de ventes liées. Nous avons fait venir des témoins précisément à la suite de ce que vous nous avez appris. Nous nous sommes ensuite livrés à une étude comparative avec le Royaume-Uni, les États-Unis et quelques autres pays. Nous avons parlé de toutes ces choses. Nous avons demandé ce qu'il en était des ventes liées, affirmé que c'était une chose terrible. On nous répondait en nous demandant ce qu'on entendait par là. On ne comprenait pas pourquoi nous étions si inquiets. On nous a dit que les consommateurs souhaitaient un guichet unique. Qu'ils jugeaient que c'était bien. Si une institution financière peut offrir une multitude de produits et n'en offre qu'un alors qu'elle a la clientèle à sa disposition, elle n'a pas toute sa raison. Il y a toujours une option lorsqu'il y a le cadre concurrentiel voulu.
Ne feriez-vous pas une telle distinction? Vous vous êtes exprimés véhémentement contre le fait que les banques commencent à proposer des assurances dans leurs succursales étant donné le contexte limité et assez peu concurrentiel qui existe actuellement.
Me suis-je bien fait comprendre?
M. Robert Fleischacker, président, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance: Je vous ai suivi jusqu'à la dernière partie qui concerne le contexte non concurrentiel.
Le sénateur Angus: Il me semble -- et vous pouvez me corriger si je me trompe -- que lorsque vous n'avez qu'une ou deux options pour obtenir un prêt, vous êtes désavantagé. Prenons l'exemple d'un consommateur qui se présente pour obtenir un prêt et à qui le prêteur dit: «D'accord, Charles, mais je veux que vous preniez ma carte de crédit, que vous souscriviez à mon assurance, etc.», ce qui peut être considéré comme un peu coercitif. Cela laisse vraiment le pauvre consommateur -- aussi frustre soit-il parce qu'il n'est peut-être pas représenté par des gens aussi avancés que vous -- un peu dans une situation de contrainte. Tout ce qui figure dans le rapport MacKay, me semble-il, dépend du fait qu'il y ait de nombreuses options. Les ventes additionnelles en soi, qui sont une autre façon d'appeler les ventes liées, me semble-t-il, ne sont pas nécessairement toutes mauvaises. Elles donnent au consommateur un avantage.
M. Thibaudeau: Ce pourrait certainement être le cas.
M. Fleischacker: Il y a une distinction terminologique importante en fait, comme vous l'avez souligné. Ce dont nous parlons ici, c'est des ventes liées avec coercition. Des ventes liées ont lieu et elles se font dans un contexte indiqué. Les ventes additionnelles se pratiquent et sont acceptables avec la réglementation voulue. Ce sont les ventes liées avec coercition auxquelles nous nous opposons. Ce qui figure dans le rapport MacKay fait beaucoup pour créer le cadre indiqué pour que ce genre de choses commence à se produire. Nous ne voyons pas comment les banques peuvent déjà savoir qu'en 2002 elles auront la possibilité de faire des ventes de détail. Nous avons la preuve maintenant -- et vous l'avez également -- que les ventes liées avec coercition se produisent en fait. Nous demandons donc que les banques prouvent qu'elles ont remédié à cette situation après quoi nous pourrons en reparler. Il est inutile de les menacer du bâton. Une fois qu'on leur accorde quelque chose, on n'a plus de recours.
Le sénateur Angus: Je vois ce que vous voulez dire mais je pense, sauf votre respect, que vous prêchez un peu pour votre paroisse. Les législateurs sont d'accord avec vous pour dire que les ventes liées avec coercition sont mauvaises. À partir de demain, une fois que la loi aura été adoptée, je ne pense pas qu'elles aillent enfreindre la loi, que cela leur plaise ou non.
M. Thibaudeau: J'espère que non.
M. Fleischacker: Certainement pas, mais culturellement, il faudra du temps avant que cette idée fasse son chemin dans l'organisation. Et cela vaut pour toute organisation. Vous ne pouvez pas changer le comportement en changeant les règles.
Le sénateur Angus: Nous sommes tous en train de tâtonner ici. Nous parlons d'un contexte qui n'existe pas encore, et je ne veux pas que le gouvernement ou nous-mêmes nous laissions conditionner par votre description de la culture enracinée des ventes liées avec coercition qui vont disparaître ipso facto dès qu'apparaîtront sur la scène toutes ces institutions concurrentes.
M. Thibaudeau: Il est difficile d'imaginer comment cela va se passer. Le problème est qu'il y a en fait très peu à gagner pour quiconque en dehors de ceux qui vont obtenir ce nouveau droit. Cela figure dans le rapport. Il y a très peu à gagner avec cela. Si nous parlons d'un marché insuffisamment desservi, je ne sais pas jusqu'à quel point il faut qu'il soit insuffisamment desservi. Faut-il que l'on arrive à 100 p. 100? Qu'est-ce que les Canadiens ont à gagner dans l'immédiat et qu'est-ce qu'ils ont à perdre? Je crois qu'ils pourraient être touchés par ces ventes liées et également par la question de la protection des renseignements personnels. Cette dernière est importante car elle permet de vous cibler en fonction de ce que l'on sait de vous.
Je n'aime pas penser que si j'ai fait un gros dépôt à mon compte bancaire hier, dans deux jours, alors que je n'ai pas entendu parler de ma banque pendant des mois, je vais recevoir un appel. Cela veut dire que quelqu'un regarde mon compte. Ce n'est pas un compte de prêts. Il s'agit d'un compte d'épargne. Vous réagirez peut-être en disant: «Ça, c'est du service!»
Le sénateur Angus: Je pourrais dire que vous gérez mal vos fonds et que la banque essaie simplement de vous aider en vous proposant un placement à 90 jours et à 25 p. 100.
M. Thibaudeau: Exactement. Mais je n'aime pas penser qu'on regarde mon compte. Je préférerais essayer de voir moi-même ce que je peux faire avec cet argent pour les en informer ensuite.
Il est difficile d'imaginer comment cela pourrait se produire immédiatement. Si nous obtenons ce nouveau règlement sur les ventes liées avec coercition et si nous obtenons une législation sur la protection des renseignements personnels, alors nous pourrons voir comment cela fonctionne. Si le climat que nous créons pour permettre à différentes banques de venir dans notre pays faire des affaires montre que c'est un bon endroit pour travailler, la population aura alors de nombreux choix. Mais cela cause des problèmes de dire: «Voilà ce qui va se produire», tout en ajoutant: «À propos, les deux plus grosses banques peuvent fusionner et les deux suivantes aussi.» Il est difficile d'imaginer cette liberté totale.
Le sénateur Angus: Avez-vous dit cela au groupe de travail MacKay?
M. Thibaudeau: Oui.
Le sénateur Angus: Et il ne l'a pas accepté à 100 p. 100. Il essaie en fait d'arriver à un équilibre. Il ne semble pas y avoir de gros gagnant. Il s'agit d'un changement systémique de notre secteur des services financiers.
Puis-je me permettre une petite anecdote? Nous étions au Royaume-Uni en train de parler de tous les types d'activités, surtout concernant les banques, de ce que l'on devrait leur permettre ou non de faire et de nous demander si nous devions changer notre système. À une réunion, après deux heures de bavardages entre les deux groupes, un gars s'est levé et a dit: «Chers sénateurs, je suis ce qui se passe au Canada. Il n'y a pas grand-chose qui me plaise dans ce pays en dehors des opérations des banques. C'est une chose qu'elles font fort bien et je vous conseillerais de ne pas mettre la pagaïe dans ce secteur.»
C'est pourquoi nous disions hier que si ça marche, ce n'est pas la peine de réparer. Mais je crois que le groupe de travail MacKay a constaté que ça ne marchait pas parce que la technologie et la mondialisation allaient nous échapper. Il nous faut faire quelque chose pour suivre l'évolution et nous devons faire des compromis sur tous les fronts. C'est ainsi que je l'interprète. Seriez-vous d'accord?
M. Thibaudeau: Je suis d'accord pour dire qu'il faudrait des compromis et que le statu quo n'est pas acceptable. Je suis d'accord avec toutes ces idées progressistes. Mais la question importante est cependant de savoir comment nous allons procéder, comment nous allons mettre tout cela en oeuvre.
Je ne pense pas qu'il nous faille aller jusqu'à dire: «Voilà, on vous donne ça parce qu'on va leur donner ça.» Nous nous situons tout à fait au milieu; autrement dit nous ne sommes ni une compagnie d'assurance ni une banque.
Le sénateur Angus: Mais à votre place, c'est là que je serais.
M. Thibaudeau: Je dois me demander ce que cela va donner.
Le sénateur Angus: Je crois que vous devriez vous inquiéter d'autres choses. Lorsque je regarde Internet, il y a là des gens qui ne sont pas membres de votre association et qui essayent de me vendre une assurance-vie. Ils me disent: «Vous avez plus de 60 ans et je vois que vous continuez à fumer, mais ne vous en faites pas. Je peux vous obtenir cette police d'assurance avec telle ou telle compagnie.» Je n'ai pas du tout besoin de vous appeler.
M. Fleischacker: Mais il y a cependant une différence subtile. Vous avez le choix de répondre. Ils n'ont aucun moyen de levier. Si vous transposez cela dans le secteur du crédit, quelqu'un a le pouvoir. Nous ne pensons pas que cela doive être accordé à quiconque.
Le sénateur Angus: Et cela a été rendu illégal.
Le sénateur Callbeck: Vous avez indiqué dans vos remarques préliminaires que la législation sur les ventes liées allait être adoptée aujourd'hui. J'aimerais savoir ce que vous pensez à ce sujet car le groupe qui a comparu avant vous -- l'Association des consommateurs -- et vous avez sans doute entendu parler d'elle -- a indiqué qu'elle estimait que la législation devrait être renforcée. Qu'en dites-vous?
M. Thibaudeau: Vous voulez dire que la législation qui a été adoptée aujourd'hui devrait être renforcée?
Le sénateur Callbeck: Oui.
M. Thibaudeau: Je ne suis pas sûr de connaître assez bien cette législation pour pouvoir dire s'il faudrait la renforcer ou non. Je ne sais pas à quoi faisaient allusion mes prédécesseurs précisément, ni quels changements ils envisageaient. Mais il est clair que s'ils pensaient que les consommateurs allaient être lésés, nous serions d'accord.
Le sénateur Callbeck: Vous semblez vous inquiéter beaucoup des ventes liées et je me demandais si vous étiez satisfait de la législation qui vient d'être adoptée.
M. Thibaudeau: Nous sommes heureux qu'elle ait été adoptée car nous avons énormément fait pression dans ce sens.
Le sénateur Callbeck: Et êtes-vous satisfait du libellé?
M. Thibaudeau: Oui.
Le sénateur Callbeck: Hier, nous avons entendu le président de la Banque Royale. Il a indiqué que l'Association des banquiers canadiens avait un code d'éthique qui devrait, à son avis, régler le problème des ventes liées. Avez-vous connaissance de ce code et qu'en pensez-vous?
M. Thibaudeau: Je ne puis que vous parler des preuves. Cela s'est produit et cela se produit encore. Le code existe peut-être. Je ne sais pas pourquoi il ne donne pas de résultats. S'il en donne, c'est seulement épisodiquement.
Le sénateur Kelleher: Messieurs, je vous renvoie à la page 9 de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe. Vous dites:
Étant donné le peu d'empressement évident chez les Canadiens de voir les banques proposer des assurances dans leurs succursales dans un avenir proche et étant donné le coût net probablement énorme pour les consommateurs si le gouvernement accordait ce pouvoir aux banques [...]
Ça me semble être une déclaration un peu audacieuse. Sur quoi la fondez-vous? Avec quels arguments l'appuyez-vous? Si on laisse davantage de personnes proposer des assurances, p. ex. les banques, pourquoi cela devrait-il représenter un coût net énorme pour les consommateurs? Cela ne va-t-il pas créer une plus grande concurrence et donc faire baisser les prix?
M. Thibaudeau: Je vais répondre à la dernière partie de votre question concernant les coûts. Dans le rapport MacKay, on ne dit pas que cela va avoir des répercussions sur les prix si les banques ont la possibilité de vendre des assurances au détail, je ne l'ai donc pas considéré comme une répercussion. Les coûts sont en fait les ventes liées avec coercition qui se font en permanence.
Dans la Loi sur la concurrence de 1976, on dit qu'une telle chose n'est pas autorisée mais cela se fait puisqu'Ekos Research laisse entendre que cela se produit et notre étude le prouve. Si cela se produit et si nous avons une loi qui l'interdit, leur accorder maintenant encore une possibilité d'ajouter un produit à leur ligne constitue-t-il une pénalité? Avant, c'était uniquement les fonds communs de placement qu'on pouvait vous inciter à acheter dans les banques. Maintenant il y aura aussi les assurances-vie.
Le sénateur Kelleher: En quoi cela entraîne-t-il des coûts nets énormes pour les consommateurs?
M. Thibaudeau: Voulez-vous parler de prix payé?
Le sénateur Kelleher: Oui.
M. Thibaudeau: Il ne s'agit pas de prix payé. Il s'agit d'un coût relatif à la protection des renseignements personnels et aux options.
Le sénateur Kelleher: J'aimerais vous renvoyer à la page 6 de votre mémoire. Vous devez comprendre que nous venons de le recevoir et que nous sommes donc obligés d'aller à la pêche pour trouver des questions.
Vous dites au paragraphe du milieu:
Monsieur le président, si le marché de l'assurance-vie au Canada est déjà bien desservi et que le nombre des polices augmente déjà, il semble que cela aille à l'encontre du principal argument du groupe de travail en faveur de la bancassurance.
Oubliez le Groupe de travail MacKay un instant, et je sais que c'est chose difficile pour nous tous. Pour moi, et peut-être que je me trompe, mais lorsqu'on dit qu'un secteur est bien desservi et que le nombre des assurances augmente, ce n'est pas une raison valable pour empêcher quelqu'un d'autre d'entrer sur le marché, qu'il s'agisse d'un assureur ou d'un magasin de détail. Par exemple, il y a eu un afflux de grands magasins des États-Unis. Bien franchement, je pensais qu'à de nombreux égards on était assez bien servi par K-Mart et Zellers et tous ces gens-là. Je ne vais pas beaucoup dans les magasins, mais il me semblait qu'on était relativement bien servi. Il n'aurait cependant pas été logique de dire: «Ne laissez pas ces grands magasins arriver au Canada parce que nous avons déjà de nombreux magasins et que nous sommes bien servis.»
Il me semble que c'est ce que vous dites ici. «Ne laissez pas les banques entrer. Le marché est bien servi, et les clients sont bien servis et nous n'avons pas besoin de concurrence supplémentaire.» C'est ainsi que j'interprète ce paragraphe. Pour être honnête avec vous, ça me pose un petit problème. Peut-être pouvez-vous me l'éclairer d'un jour nouveau.
M. Thibaudeau: J'ai dit plus tôt que lorsque l'équipe MacKay a fait son étude, elle a dit que la seule raison pour laquelle nous devrions permettre aux banques de proposer des assurances dans leurs succursales était que le marché n'était pas très bien servi. Je ne sais pas si elle a pensé que 71 ce n'était pas assez. Tout a commencé là car c'est de là que vient la prémisse sur laquelle nous avons élaboré. C'est pour cela que l'équipe laissait entendre qu'on devrait les autoriser à le faire. Cela n'avait aucun rapport avec l'effet sur les prix, la création d'un produit plus concurrentiel ou d'un service meilleur. Si telle est la raison, nous nous demandons par ailleurs ce que cette autorisation va faire pour quiconque?
Je ne vois pas d'inconvénient à ce que Wal-Mart vienne ou à ce qu'une banque vienne proposer des assurances et faire concurrence à tous ceux qui proposent ce produit car nos membres vendront ce produit bancaire. Cela est sans rapport avec le fait que je peux créer un produit et que maintenant quelqu'un d'autre va le vendre parce que je pourrais peut-être vendre aussi le produit des autres. Le principal problème ici est que si je peux vous tenir pour vous vendre le produit parce que je vous ai accordé un crédit, je peux vous forcer à faire affaire avec moi. Ce n'est pas la même chose que d'aller dans un magasin Wal-Mart ou Zellers. Cela revient à dire que je dois aller chez Wal-Mart faute de quoi on va incendier ma maison ce soir.
Le sénateur Kelleher: Essayons de dire les choses autrement. Votre gros problème ou argument semble être le vilain spectre, à ce que vous dites, des ventes liées.
M. Thibaudeau: J'en ai fait l'expérience.
Le sénateur Kelleher: Permettez-moi de faire une comparaison. Il y a des années, lorsque j'étais jeune avocat en train d'essayer de se constituer un cabinet, j'ai compris que des gens allaient venir me trouver en me demandant une licence pour vendre de l'alcool en Ontario. C'était à l'époque où le seul bar qui existait en Ontario était le Silver Rail. La Commission des liqueurs avait sa propre théorie. «Si nous accordons simplement quelques licences pour la vente des alcools, quelques-unes seulement, ceux qui en bénéficieront feront vraiment beaucoup d'argent et ne seront pas tentés de vendre à découvert, de vendre à des arsouilles ou à des enfants qui n'ont pas l'âge légal. Ce sera bien parce que ce sera facile à appliquer et tout le monde sera content.»
Ce n'est pas la réponse. On a pour finir généralisé le système. On a vu l'idiotie de cette théorie en Ontario pour ce qui concerne les bars et on trouve aujourd'hui toutes sortes de bars. Je peux obtenir une licence pour un client aujourd'hui sans problème. Il a fallu résoudre le problème des ventes à découvert et quelques petites autres choses. Bien sûr, il a fallu prévoir davantage d'inspecteurs, et bien sûr, il a fallu faire respecter davantage la réglementation, et bien sûr, il a fallu ajouter de nouvelles règles à la législation sur l'alcool.
Je vois les assurances de la même façon. L'essentiel est d'augmenter la concurrence, de laisser les dés tomber là où ils veulent. S'il y a des abus, il n'est pas question de limiter la concurrence pour cela. Il faut faire face au problème, s'en prendre aux banques si elles font des ventes liées et les mettre vraiment au pied du mur.
Parce que vous envisagez des abus, il ne me semble pas que ce soit une raison suffisante pour empêcher qu'il y ait davantage de concurrence sur le marché. La solution c'est d'appliquer la loi comme elle devrait l'être. Comme mon ami le sénateur Angus, j'ai du mal à accepter votre argument.
M. Thibaudeau: Je le comprends. Ce que nous disons ressemble à l'exemple que vous avez donné concernant l'alcool. Instaurons les règles et libéralisons le système. Mais il ne faut pas le libéraliser en disant: «Nous allons prévoir des règles.» Il faut savoir ce qui doit venir d'abord. Nous disons qu'une chose devrait se produire avant l'autre, qu'il faudrait voir si ça fonctionne et ensuite aller de l'avant.
Le sénateur Kelleher: Je suis heureux de cette petite discussion car j'ai l'impression, d'après votre mémoire, que vous souhaitez vraiment que les banques restent en dehors. Je ne crois pas que vous disiez: «Mettons la législation en place et ensuite nous n'aurons plus d'objection à ce que le système soit ouvert.» J'ai l'impression, d'après ce que vous me dites, que vous seriez tout aussi heureux, merci beaucoup, si les banques restaient chez elles, quelle que soit la législation que l'on adopte.
Le vice-président: Cela prête un peu à confusion. Permettre aux banques de proposer des assurances ne veut pas dire que nous allons avoir davantage de compagnies d'assurance. Elles ont déjà des compagnies d'assurance. Ce que cela veut vraiment dire, c'est qu'il y aura davantage de vendeurs, et qu'ils vont pouvoir travailler dans les succursales. Je suis d'accord avec vous, je ne pense pas que cela change quoi que ce soit aux prix ni aux avantages pour le consommateur. Cela veut dire que le responsable des prêts pourra également proposer des assurances. Ceux qui n'ont pas de compagnies d'assurance n'ont pas dit qu'ils allaient en créer si vous permettez une telle chose et que vous offriez tous ces produits extraordinaires. Ce n'est pas ce qui se passe ici. Vous vendez tous leurs produits, vous connaissez donc toutes les assurances qu'elles offrent, n'est-ce pas?
M. Thibaudeau: Le fait est qu'elles ont maintenant tous les moyens possibles à leur disposition pour vendre des assurances. Elles sont propriétaires des compagnies d'assurance.
Le vice-président: C'est ce que je voulais dire.
M. Thibaudeau: Elles veulent pouvoir les proposer dans les succursales pour lier les deux. C'est ce que nous essayons d'éviter. Je ne vois pas de problème à ce qu'une banque possède une compagnie d'assurance-vie; là n'est pas la question.
Le vice-président: Je ne crois pas qu'elles auront un comptoir pour les assurances. Je crois qu'elles auront toutes sortes de vendeurs qui feront d'autres choses.
M. Thibaudeau: Ce serait très difficile pour les consommateurs.
Le sénateur Kelleher: Je pense que vous avez là un petit problème. Si je devais vous donner des conseils, je vous dirais d'envisager un délai pour faire adopter la nouvelle législation plutôt que de tenter d'obtenir une interdiction absolue pour l'avenir. Je regrette de devoir vous le dire, mais je ne pense pas que ce soit acceptable.
M. Thibaudeau: À la fin de nos remarques préliminaires, nous vous recommandions d'étudier très soigneusement la question.
Le sénateur Angus: Dans 20 ans par exemple.
M. Thibaudeau: Nous ne disons pas que c'est ça et rien d'autre. Ce n'est pas notre façon de voir. Mais nous ne souhaitons certainement pas que les choses se produisent comme dans l'exemple du président.
Le vice-président: Le fait est que vous vendez de nombreuses assurances. Les banques vendent leurs propres assurances. Il n'y aura pas de nouvelles compagnies d'assurance-vie ou d'assurance multirisque, à ce qu'elles nous ont dit. Il y aura simplement davantage de vendeurs. Je veux bien admettre comme vous qu'elles ont un avantage parce qu'elles vendent le produit et qu'elles offrent un crédit. Je crois que quiconque offre un crédit et a ce pouvoir de l'offrir a certainement un avantage net, même s'il est d'ordre psychologique. Ce n'est peut-être pas évident, mais il n'y a aucun doute dans mon esprit que si vous demandez un gros prêt, vous pourriez être disposé à acheter un autre produit.
M. Fleischacker: J'exerce le métier dans la pratique et je suis donc tous les jours confronté à des gens qui prennent ces décisions. C'est un véritable problème. Vous pouvez faire toutes les études que vous voudrez, réunir toutes les statistiques que vous pourrez et tout le reste, un petit entrepreneur qui dépend du financement d'une banque pour pouvoir se livrer à ses activités est très sensible aux petits signes d'intelligence et aux questions comme: «Et votre REER?» Cela se fait vraiment et les règles du jeu ne sont pas égales. Voilà pour l'essentiel pourquoi nous nous opposons à cela. Nous ne disons pas: non, jamais, mais: pourquoi, alors qu'on sait que le loup a déjà été dans la bergerie, leur accorderons-nous ce privilège général de le faire à une date prévue à l'avance?
Le sénateur Kelleher: La sanction royale ne va pas être accordée demain pour une législation plutôt difficile.
M. Fleischacker: Voyons comment elles vont réagir dans ce contexte et revenons sur le sujet à une date ultérieure.
Le sénateur Kelleher: Qu'est-ce que cela veut dire? C'est la question que j'ai posée à l'Association des consommateurs lors de sa comparution.
Le sénateur Stewart: Auparavant, les témoins ont traité du problème de l'avenir, lorsque le sénateur Angus l'a abordé. Je veux faire tout autre chose. Je veux que vous reveniez en arrière. L'expérience du passé est tout à fait pertinente pour la question qui nous occupe.
Quel est votre avis sur la fusion des quatre piliers, surtout dans le cas des compagnies d'assurance et des banques? Il me semble que ce dont nous parlons maintenant, constitue d'une certaine façon un suivi de la fusion des compagnies d'assurance et des banques. Nous allons plus loin qu'auparavant.
Il y a de forts arguments en faveur de la fusion de ces deux piliers. Mais à votre avis quels sont les inconvénients d'une fusion des banques et des compagnies d'assurance?
M. Thibaudeau: C'est une question très intéressante. Vous parlez de deux piliers et c'est d'une certaine façon ce qui reste. Nous avions un pilier que nous appelions le secteur des valeurs mobilières. Nous avions un pilier que nous appelions le secteur des fiducies ou des sociétés de fiducie. Les banques et les compagnies d'assurance constituaient les deux autres. Nous avons maintenant deux piliers parce que les banques ont déjà pris le contrôle du secteur des valeurs mobilières. Elles ont fait disparaître les sociétés de fiducie et elles s'occupent actuellement des compagnies d'assurance.
Nous craignons que s'il ne reste qu'un pilier -- seulement les banques -- qui fournit quelques services, au lieu d'avoir une institution financière qui fournit de nombreux services, c'est une simple question de culture. C'est difficile à définir, que l'on utilise une structure et divers types de sociétés de portefeuille ou autres, pour créer cette entité.
Mais prenons les deux piliers: les banques et les compagnies d'assurance. Les banques ont acquis une telle puissance parce qu'elles ont pris en charge les fiducies et les valeurs mobilières. Ce sont des institutions financières très écrasantes. La pression est très forte.
Cela a touché le secteur des assurances jusqu'à un certain point. Je n'ai pas l'impression que beaucoup de choses se soient produites dans les cabinets de nos membres à ce stade du jeu, mais si nous arrivons pour finir à avoir une ou quelques institutions au Canada qui fournissent des services financiers au public, le choix des consommateurs et le rôle des conseillers seront très limités.
Le sénateur Stewart: J'ai l'impression que lorsqu'on souscrit à une assurance, c'est de plus en plus comme si on achetait des timbres. Il y a un produit standard et on se présente avec l'argent en main. Vous n'avez d'ailleurs même pas à vous présenter. Vous pouvez simplement utiliser votre téléphone. Vous dites votre âge, éventuellement, et on va vous dire quel est le produit standard. Est-ce cela l'avenir?
Je crois que 35 p. 100 des assurances aux États-Unis sont vendues par téléphone de Jacksonville en Floride. Est-ce vers ce genre de service d'assurance qu'on nous incite à aller, peut-être à contrecoeur -- vers des produits standard?
M. Thibaudeau: Il y a une idée fausse qui circule et qui veut que les assurances-vie constituent un produit de transaction. Je ne sais pas qui a lancé cette idée fausse.
Le sénateur Kelleher: Les vendeurs par téléphone.
M. Thibaudeau: Ce sont sans doute d'autres distributeurs, cela nous intéresse donc directement. Mais je crois que notre intérêt se fonde sur l'expérience.
Si vous m'appelez et que vous me dites que vous voulez souscrire à une assurance, je vous demanderai votre âge. Si vous regardez sur Internet, on vous demande votre âge. La machine, ou la personne à l'autre bout du fil vous demande le nom de votre bénéficiaire. Vous pourrez dire: «Je ne suis par sûr, qu'en pensez-vous?» Si la personne à l'autre bout du fil n'est pas un professionnel ayant reçu la formation voulue, ou si vous traitez avec une machine, vous ne savez pas quelle pourrait être la réponse. Ce pourrait être: «Eh bien, qui aimez-vous vraiment?» On va vous proposer toute une série de choix. Mais va-t-on vous donner des conseils sur ce qui se produirait si vous nommez une certaine personne comme bénéficiaire plutôt que vos héritiers ou que toutes sortes d'autres possibilités? Dans ce cas il s'agit des bénéficiaires, et on ne parle pas des modalités du contrat qui varient. Ce n'est pas un document tout prêt. Il n'y a pas de produit normal parce qu'il varie selon les conditions que vous souhaitez.
Le sénateur Stewart: Lorsque je déjeune le matin, je suis bombardé de publicité de la Norwich Union. On me dit: «Il vous suffit d'appeler; aucun examen n'est nécessaire.» Il suffit d'être dans une certaine tranche d'âge. Je choisis cela comme exemple canadien de ce qui se produit de plus en plus aux États-Unis, à ce qu'on me dit.
Vous m'indiquez bien sûr les problèmes idéaux qui pourraient se poser avec ce genre de propositions standard. J'imagine que vous en concluez qu'il y a de très bonnes raisons pour que ce genre de politique standardisée ne soit pas encouragée.
Je vais vous dire pourquoi je vous pose la question. J'essaie d'influer sur votre réponse. J'imagine que les banques, n'ayant pas une longue expérience des assurances, auront tendance à avoir recours à ce que j'appelle la proposition toute prête. Pensez-vous que ce soit vrai?
M. Thibaudeau: Je crois que ce serait la première étape. Ce serait beaucoup plus facile à distribuer sans professionnel ayant reçu la formation voulue. Je crois que c'est la première chose qu'elles feraient.
Je vais revenir sur la remarque du sénateur Angus concernant la Nouvelle-Angleterre. Le secteur des assurances-vie au Canada est beaucoup plus compliqué que dans la plupart des autres pays que je connais. Il ressemble peut-être davantage à celui des États-Unis. L'élaboration d'un produit, son utilisation, la façon dont on peut l'appliquer et les différentes options parmi lesquelles on peut choisir sont très avancées par rapport à ce que l'on peut vous proposer en Angleterre par exemple ou en Australie. L'élaboration des produits dans ces pays n'en est pas encore à ce stade. Je n'en connais pas la raison, mais j'en ai vu des exemples lorsque j'ai eu affaire aux associations qui existent dans ces pays. C'est en partie la raison. La question de la bancassurance, qu'il s'agisse de la France ou de l'Angleterre, c'est une situation différente en ce qui concerne les produits. Leur produit standard est comparé à un REER assorti d'une assurance-vie avec indemnité en cas de décès. Nombreux sont ceux qui souscrivent donc puisque cela fait partie de leur régime d'épargne-retraite. Cela fausse les chiffres et les nombres que vous pouvez lire ou voir.
Il est difficile de comparer des choses comparables dans une situation où il existe cinq ou six grosses banques, toute une série de compagnies d'assurance-vie et des produits complexes d'assurance-vie, et un pays où on vous dit: «En cas de décès, nous vous verserons ceci et si vous prenez votre retraite, vous obtiendrez un peu d'argent.»
Pour en revenir à la situation où aucun agent ne va appeler, il faut en avoir fait l'expérience pour le comprendre. Il y a une implication possible et un lieu pour cela.
M. Fleischacker: Un certain pourcentage de la population se débrouille seul. Même si la vidange ne coûte pas grand-chose, ces gens vont se mettre sous leur voiture pour changer l'huile eux-mêmes. Ils vont souscrire à leur propre assurance aussi. Autrement dit, il y a un créneau pour cela sur le marché. Toutefois, laisser entendre que le secteur s'oriente vers des solutions standard est régressif. Je crois que notre profession s'est orientée vers les procédés plutôt que vers les pressions pour faire acheter un produit. En fait, notre association est très en avance pour ce qui est d'essayer d'instaurer des normes et de les élever en ce qui concerne l'éducation et la qualité du travail de ses membres. Ceux qui essayent de souscrire à une assurance dans le vide, que ce soit par vente directe ou parce que quelqu'un vient leur parler d'assurance, auront un mauvais service. Il faut que ce soit une approche holistique de la gestion financière. C'est dans cette direction que s'oriente notre secteur. Les fournisseurs d'Internet obtiendront un certain pourcentage du marché.
Le sénateur Stewart: Vous pensez que les banques ne pourront pas respecter les critères élevés dont vous venez de parler.
M. Fleischacker: C'est ce que nous avons pu voir dans certains travaux que nous avons réalisés avec le Conseil des normes des planificateurs financiers au Canada.
Le vice-président: Merci beaucoup. Ce fut une après-midi très instructive.
La séance est levée.