Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 28 - Témoignages du 1er octobre 1998
OTTAWA, le jeudi 1er octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit à 11 h aujourd'hui pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) assume la présidence.
[Traduction]
Le vice-président: Comme vous le savez, notre rapport sera déposé au Sénat cet après-midi. Des articles ont paru aujourd'hui dans le Globe and Mail et le Financial Post. J'aimerais présenter mes excuses aux honorables sénateurs à ce sujet. Je ferai la même chose au nom du comité lorsque je présenterai le rapport aujourd'hui.
Le sénateur Oliver: De quel rapport s'agit-il?
Le vice-président: Je parle du rapport comparatif sur la réglementation que je vais présenter à la Chambre cet après-midi au nom du président. Je constate que la presse en a déjà parlé et je le mentionnerai lorsque je présenterai le rapport au Sénat. Je suis désolé qu'il y ait eu une fuite dans la presse avant que les sénateurs aient pu voir le rapport.
Le sénateur Angus: Pour qui présentez-vous vos excuses?
Le vice-président: Je présente mes excuses au nom du comité. Je ne sais pas qui est l'auteur de cette fuite, bien que cela me préoccupe. Je pense simplement que cela n'aurait pas dû déjà paraître dans la presse. Le rapport aurait du être présenté au Sénat avant que les journaux n'en parlent.
Le sénateur Stewart: Il est évident qu'il s'agit d'une infraction au privilège parlementaire.
Le vice-président: C'est exact. C'est tout à fait choquant.
Le sénateur Stewart: Il fut un temps où une fuite de ce genre aurait été considérée comme un fait très grave à la Chambre des communes.
Pourrais-je mentionner un autre aspect de cette question? J'ai reçu des appels sur le contenu du rapport tel qu'il est décrit dans les journaux. Il me semble que si le compte rendu des journaux est erroné sur des points importants, vous devriez mentionner l'incompétence du journaliste qui a bénéficié de cette fuite, si l'article ne rend effectivement pas bien compte du contenu du rapport du comité.
Le sénateur Meighen: Je suis d'accord avec vous, sénateur Stewart. Peut-être devrions-nous nous efforcer, par l'intermédiaire du bureau du président, de chercher à savoir comment cela s'est passé.
Le sénateur Angus: Oui, et savoir également quand cela s'est produit.
Le sénateur Stewart: Oui. C'est certainement la question qui vient à l'esprit, mais je ne pense pas cependant que nous devrions y perdre trop de temps. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. C'est fait. Malheureusement, nous devons nous y résigner.
Le sénateur Meighen: Cela semble devenir endémique dans cette ville.
Il y a un autre sujet sur lequel j'aimerais avoir l'opinion de mes collègues. Je suis particulièrement troublé par les articles parus dans les journaux offrant diverses raisons pour le renvoi de l'actuaire en chef du Régime de pensions du Canada. Le président du BSIF est censé avoir dit qu'il s'agissait d'un conflit de personnalité. M. Dussault donne une version assez différente et fait, à mon avis, des allégations très graves.
Je ne sais pas ce qui est vrai, mais il nous incombe de faire une enquête officielle à ce sujet. Nous serait-il possible de proposer une motion demandant à ce que M. Palmer vienne répondre aux questions des membres du comité sur ce qui s'est passé? Nous parlons ici du Régime de pensions du Canada, des économies des Canadiens. Le rôle de l'actuaire est donc évidemment primordial.
Si tout le Bureau est en émoi ou si ce que dit M. Dussault est vrai, nous faisons face à un grave problème.
Je ne sais pas si mes collègues sont d'accord avec moi, mais j'aimerais proposer que M. Palmer, le surintendant des institutions financières soit invité à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce le plus rapidement possible pour répondre à des questions sur le renvoi de l'actuaire en chef, M. Bernard Dussault.
Le vice-président: Des remarques sur cette motion?
Tous en faveur?
Adopté.
Notre premier témoin est M. Duff Conacher. Veuillez commencer.
M. Duff Conacher, coordonnateur, Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire: Honorables sénateurs, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous. Je suis sûr que vous avez tous reçu une copie des recommandations que notre coalition a présentées par rapport à celles du groupe de travail. C'est ce dont je vais surtout parler aujourd'hui. Nous avons également fourni des documents d'information sur la coalition, notamment une liste de plus de 100 organisations de toutes les provinces et des Territoires du Nord-Ouest, représentant plus de 3 millions de Canadiens. Vous trouverez également une liste de Canadiens éminents qui appuient les propositions de la coalition en vue de modifier les lois qui régissent les institutions financières ainsi qu'un sommaire de nos recommandations. Nous avons également inclus un résumé d'une page ou deux de chacun des six exposés de position publiés par la coalition l'automne dernier et plus particulièrement le document sur le projet de fusion des banques qui a été publié à la fin de mai. Je remettrai au greffier une copie complète de chaque document à titre de référence.
La coalition a été créée en décembre 1996 et réunit des groupes qui se préoccupent de pauvreté, de justice sociale, de consommation, de développement économique communautaire, des jeunes, des femmes, des petites entreprises, ainsi que d'autres groupes communautaires de tout le pays. Tous s'intéressent aux institutions financières et à la façon dont elles servent les Canadiens. Ils s'intéressent aussi plus particulièrement aux changements qu'ils aimeraient voir apporter aux lois qui régissent les institutions financières.
Nous nous demandons essentiellement ce que les banques et les autres institutions financières font avec notre argent. Nous voulons également savoir ce que fera le gouvernement fédéral pour que ces institutions utilisent notre argent de manière à promouvoir un développement économique durable au Canada et pour que les banques desservent tous les Canadiens de façon juste et adéquate.
Nous savons que nos banques réalisent des profits considérables, mais nous devons en savoir beaucoup plus sur la façon dont elles servent les Canadiens. Ces institutions financières représentent un grand pouvoir, en particulier les banques, mais elles n'ont guère d'obligation de rendre compte. Nous n'en savons pas assez sur les banques et sur la façon dont elles servent les gens. Nous ne le mesurons pas. Plus particulièrement dans le contexte des fusions proposées, si nous ne mesurons pas maintenant la façon dont nos institutions desservent les gens, comment pourrons-nous jamais juger si elles disent vrai lorsqu'elles prétendent que le service sera nettement meilleur après la fusion?
Un sage a dit un jour que le soleil était un désinfectant. Il fait en sorte qu'il n'existe pas d'écart entre la rhétorique des dirigeants des institutions financières et la réalité de leurs 20 millions de clients.
Pour vous donner un exemple, dans le numéro du 3 août de Maclean's, on pouvait lire un bref article sur un manuel utilisé par l'Institut des banquiers canadiens pour former ses agents de prêt. La Banque Royale, en particulier, exigeait, jusqu'à ce que cela soit divulgué, que tous ses agents de prêt suivent le cours de formation dans lequel ce manuel était utilisé.
Ce manuel précise notamment que l'on a pu dire que les entrepreneurs sont des gens déviants ou des marginaux perturbés par des expériences malheureuses dans leur petite enfance. On y dit aussi que selon les recherches, les entreprises dirigées par des hommes réussissent mieux que les entreprises dirigées par des femmes en raison notamment du fait que les filles sont élevées en apprenant à partager et à attendre son tour plutôt qu'à gagner et à prendre des risques.
Ailleurs, le manuel renvoie à une enquête de Multiculturalisme Canada. Maclean's a vérifié auprès de Multiculturalisme Canada et a découvert que l'enquête n'avait jamais été réalisée. Le manuel prétend pourtant que cette enquête révélait que parmi les groupes d'immigrants, les Grecs et les Juifs sont ceux qui ont le plus le sens de l'entrepreneurship. On cite ensuite d'autres études qui prétendent que parmi les immigrants des Antilles et des Philippines résidant au Canada, le niveau d'activité entrepreneuriale est très faible.
Lorsque Maclean's a communiqué avec la Banque Royale, le porte-parole, Brian Smith, a répondu qu'il ne voyait rien de mal dans les énoncés du manuel. Le lendemain, le conseiller principal en affaires publiques -- notez bien qu'il ne s'agissait pas du conseiller aux prêts mais aux affaires publiques -- a émis une déclaration décrivant le contenu du livre comme choquant et annonçant qu'il serait retiré du programme.
Comme vous le voyez, le soleil est toujours un bon désinfectant. Lorsque l'on fait briller une lumière assez forte sur les attitudes et les activités des banques, elles corrigent ces attitudes et ces activités si elles indiquent une tendance à la discrimination ou à la médiocrité des services.
Le pouvoir de nos banques doit être contrebalancé par des lois régissant leur imputabilité, car les banques contrôlent en fait de nombreux aspects du secteur financier. Elles ont des succursales dans plus de 120 pays et réalisent des profits considérables. Pour justifier les fusions, elles prétendent notamment qu'elles ne peuvent pas être concurrentielles sur le marché mondial. En fait, la CIBC fait partie des 10 premières institutions dans bon nombre des grands secteurs financiers internationaux. La banque Toronto-Dominion possède la troisième firme de courtage dans le monde et est la cinquième banque au Canada. La banque de Nouvelle-Écosse, la quatrième banque au Canada, se classe au dixième rang des institutions qui financent les grandes entreprises.
Ces cinq banques contrôlent 70 p. 100 de tous les actifs des établissements de dépôt au Canada, de la majorité des sociétés de placement, de toutes les grandes sociétés de fiducie sauf une et de la majorité du crédit à la consommation et des prêts hypothécaires.
Nous savons que les banques sont également très rentables, plus rentables que d'autres secteurs institutionnels. Selon un institut de l'Université McGill, cela serait suffisant pour montrer l'absence de concurrence dans ce secteur actuellement, sans parler de ce qui se passerait après les fusions. En moyenne, en 1997, le niveau de rentabilité du secteur financier a été plus du double de celui des entreprises n'appartenant pas à ce secteur.
Tout ce pouvoir et ces profits laissent à penser que les banques bénéficient d'économies d'échelle et seraient donc en mesure de très bien desservir les Canadiens et de réinvestir dans ces services.
Pourtant, en 1996 et 1997, un sondage mené par l'Institut national de la qualité, un organisme indépendant situé à Mississauga, auprès de plus de 8 000 Canadiens et a permis de constater que sur 21 entreprises, les banques se situaient parmi les cinq dernières en ce qui concerne la satisfaction des consommateurs.
En outre, plus de 400 000 Canadiens adultes ne possèdent pas de compte bancaire du fait surtout que les banques compliquent souvent l'ouverture d'un compte. Elles exigent des clients qu'ils fournissent des documents d'identification excessifs, qu'ils aient un emploi ou qu'ils gardent un montant minimum d'argent dans leur compte.
En février 1997, les banques ont convenu avec le gouvernement d'abaisser ces barrières. Les trois sondages qui ont été effectués depuis, notamment un sondage réalisé par le groupe de travail MacKay, a permis de constater que ces barrières existaient toujours. Nous avons mené nous-mêmes une enquête qui a révélé que cinq des six banques enfreignaient l'accord de février 1997. Le groupe de travail a conclu qu'il doutait fort que l'accord de février 1997 ait eu le moindre effet.
En ce qui concerne les prêts aux petites et moyennes entreprises, nous avons rendu publique hier une analyse des prêts consentis de 1995 à 1997, que j'ai remise au comité. Cette analyse montre notamment que la clientèle des petites et moyennes entreprises et les montants prêtés ont diminué en 1995 et 1997, même si les banques prétendent le contraire.
De même, sur les 90 milliards de dollars de nouveaux prêts consentis pendant ces deux années, plus de 89 milliards -- c'est-à-dire 89 p. 100 -- ont été prêtés à de grandes entreprises, certains se montant à 5 millions dollars ou plus. Or, cela se produisait au moment même où cette clientèle diminuait. Les banques ont prêté plus d'argent à un nombre réduit de grandes entreprises. Elles déclarent maintenant des pertes. De ces deux années, il ressort que les banques ont perdu presque 200 millions de dollars de plus en prêtant aux grandes entreprises qu'aux petites.
Nos banques prétendent que le système fonctionne mieux au Canada que dans d'autres pays, mais cela n'est pas suffisant. Si l'on examine la situation d'un peu plus près, comme l'a fait le groupe de travail, on s'aperçoit qu'elle n'est pas meilleure à bien des égards.
Par exemple, en ce qui concerne les frais de service, le groupe de travail a trouvé quatre pays où les frais de service étaient en moyenne inférieurs tant pour les petites entreprises que pour les comptes personnels. Dans un pays en particulier, le Royaume-Uni, il n'y a pas de frais de service. On entend souvent nos banques se comparer à celles des États-Unis pour ce qui est des frais de service et dire qu'en moyenne, leurs frais sont inférieurs; mais elles oublient de dire qu'il existe quatre pays où ces frais sont inférieurs.
Nos banques prétendent également qu'elles font face à la concurrence étrangère et que c'est là une des principales raisons pour lesquelles elles veulent fusionner. Là encore, c'est faux. En réalité, il y a actuellement moins de banques étrangères au Canada qu'en 1987 et elles ne détiennent que 7 p. 100 du total de l'actif du secteur bancaire dans le pays. Le fait que les PDG des banques qui cherchent à fusionner continuent de faire ce genre de déclaration montre bien qu'ils sont prêts à dire n'importe pour obtenir ce qu'ils veulent. Cela révèle une absence d'intégrité et laisse planer le doute sur les autres arguments qu'ils avancent.
Depuis plus de 30 ans, les banques étrangères se heurtent à d'importants obstacles quand elles essaient de s'implanter au Canada et ce, même après les changements apportés à la suite d'une entente conclue entre le Canada l'Organisation mondiale du commerce signée à Genève en décembre dernier. En raison des coûts associés à l'ouverture des succursales, la formation du personnel et la constitution d'une clientèle, il est peu probable que les banques étrangères représentent jamais une concurrence sérieuse pour nos grandes banques. C'est ce que l'on peut voir en Australie, qui s'est ouverte aux banques étrangères depuis sept ans. Les banques étrangères ont fait un effort concerté pour pénétrer ce marché, mais elles n'y détiennent qu'une part de 3 p. 100.
Les banques donnent également comme prétexte l'apparition de sociétés de cartes de crédit étrangères et disent que cela fait partie de la vague de fond. Selon le Bureau de la consommation de Industrie Canada, qui a comparé les prix offerts par ces banques, une fois que l'on a passé l'offre initiale de six mois, par exemple, offerte par la société de carte de crédit MBNA, on découvre que les prix ne sont pas plus compétitifs et même plus élevés dans bien des cas que les taux d'intérêt et les frais excessifs qu'exigent nos propres banques.
Le contrôle du marché par les banques serait très important dans de nombreux secteurs. Comme je l'ai déjà dit, c'est déjà le cas pour les cinq grandes banques et la concentration serait encore plus forte s'il ne restait que deux grandes banques.
Les banques veulent en fait se concentrer sur les prêts de plusieurs milliards de dollars. On constate dans d'autres pays que les banques prêtent une plus petite portion au secteur créateur d'emplois -- c'est-à-dire les petites et moyennes entreprises dans notre pays.
Les grandes banques veulent éliminer les services dans certaines collectivités du Canada. Les fusions leur en donneraient le prétexte. Elles parleraient de double emploi à éliminer pour devenir plus efficace. Tout cela est de la rhétorique et nie, ignore et minimise le coût important pour les consommateurs. Les fusions entraîneront la fermeture d'au moins 20 p. 100 des succursales, selon le doyen de l'École d'administration de l'Université de Western Ontario. Cela entraînera la perte d'au moins 20 p. 100 du total des emplois dans les banques qui fusionneront.
Voilà encore une autre affirmation des banques au sujet des fusions qui devrait être sérieusement remise en cause. Elles peuvent prétendre employer davantage de gens, mais pour la plupart de nos banques et de nos institutions financières, nous n'avons qu'un seul chiffre, celui du total des personnes employées par les banques. Ce chiffre ne peut pas à lui seul donner une image exacte de la situation. Lorsque les banques disent que le nombre des emplois a augmenté depuis plusieurs années, elles oublient de dire qu'elles ont racheté plus de 300 sociétés au cours de ces mêmes années. Il est bien évident que le nombre des emplois augmentera si elles rachètent toute sorte d'entreprises.
Un des aspects qui doit être vérifié, mais qui ne l'est pas actuellement -- ce qui ne permet donc pas au gouvernement de tenir les banques responsables à l'égard de leur promesse de préserver ou de créer des emplois -- est le nombre d'emplois créés et éliminés par année par les institutions. Nous devons vérifier ces emplois succursale par succursale et division par division.
Il y a un autre domaine également où nous ne disposons pas de renseignements suffisants. Actuellement, les banques ne sont tenues de divulguer que leurs revenus ou leurs pertes à l'étranger. Elles n'ont pas à ventiler ces montants par pays. Or, dans la mesure où elles exercent leurs activités dans 120 pays, nous devrions connaître leur situation dans chaque pays afin de savoir si elles perdent de l'argent dans la moitié d'entre eux et subventionnent ces pertes en escroquant leurs clients ici.
Une étude américaine réalisée par un économiste de la Réserve fédérale américaine portant sur 39 études de milliers de fusions de banques aux États-Unis, montre que même les actionnaires ne bénéficient pas des fusions car aucune de celles qui ont eu lieu aux États-Unis n'a accru l'efficacité ou la rentabilité des institutions.
Autrement dit, si le gouvernement réalise les rêves mondiaux de ces quelques grands banquiers, les millions de clients des banques canadiennes vivront un cauchemar à l'échelle nationale. Le gouvernement doit choisir entre suivre aveuglément la rhétorique des banques ou ouvrir les yeux et répondre aux préoccupations de plus de 20 millions de consommateurs. Les Canadiens disent clairement qu'il leur faut de meilleures banques et non des banques plus grosses.
Comment obtiendrons-nous de meilleures banques? Le comité a établi de bonnes bases et donné le ton dans son rapport d'août 1995, qui a mené à la réforme de la législation régissant les institutions financières en 1996-1997.
À la page 13 de votre rapport, on peut lire:
La réforme financière a trop souvent été abordée uniquement du point de vue de l'industrie. Cette fois-ci, la réforme doit tenir compte du consommateur plutôt que de l'entreprise.
Malheureusement, les réformes de 1997 ne prévoyaient pas de mesures pour protéger le consommateur, en dehors de la disposition sur les ventes liées, qui n'a pas été adoptée en 1997 mais, comme vous le savez, il y a seulement deux jours.
Toutes les autres mesures faisaient partie d'accords volontaires qui ont été conclus à huis clos avec les banques, sans que le consommateur ait son mot à dire ou presque. Par exemple, Doug Peters, le secrétaire d'État des Institutions financières, a rencontré, entre 1995 et 1997, 45 représentants du secteur et est intervenu à neuf conférences organisées par le secteur, mais n'a jamais rencontré un groupe de consommateurs ou parlé à une conférence de consommateurs pendant toute cette période.
Nous sommes très heureux de voir que le groupe de travail MacKay a adopté et recommandé environ les trois quarts de ce que notre coalition a elle-même recommandé. Il a déclaré clairement que les institutions financières n'étaient pas imputables, que le marché ne peut pas fonctionner et que les consommateurs ne seront pas servis de façon juste et adéquate si les éléments suivants d'un système d'imputabilité ne sont pas mis en place.
Le premier est la divulgation. Il faut vérifier les activités des institutions, sous peine de ne pas connaître les problèmes ni leur importance. Il faut des règles claires et des droits bien énoncés dans la loi. Il faut un organisme indépendant doté des ressources nécessaires pour procéder à des inspections et des vérifications et s'assurer que ce qui est divulgué est exact et que les règles sont respectées. Finalement, il faut imposer des amendes suffisamment lourdes pour décourager les infractions de la part d'institutions qui détiennent souvent des actifs de centaines de milliards de dollars.
Je vais passer en revue les recommandations que nous avons formulées ainsi que les lacunes que nous avons constatées dans le rapport du groupe de travail. La première recommandation vise à mettre en place un système détaillé de divulgation des données sur les prêts et les services comme cela existe aux États-Unis depuis plus de 20 ans.
Je crois comprendre, d'après un article paru dans le Globe and Mail le 19 juin 1998, que le comité a étudié le système américain. Le sénateur Kirby signalait dans cet article que les banques américaines, lorsqu'elles subissaient des pressions en vertu de la Loi sur le réinvestissement communautaire pour réinvestir dans les collectivités où elles exercent leurs activités, ont trouvé des possibilités d'investissement qu'elles auraient autrement négligées. Ces possibilités locales se sont révélées rentables dans bien des cas.
C'est le système que nous recommandons. Malheureusement, le groupe de travail a négligé certains éléments en matière de divulgation -- les prêts, l'investissement et les services -- que nous recommandons et que nous estimons essentiels pour que les banques soient tenues responsables. Ces éléments sont précisés sous de cette recommandation.
La collectivité desservie ne devrait pas être définie par les institutions. Le format et le contenu des rapports annuels sur les responsabilités envers la collectivité, que le groupe de travail a recommandées, ne devraient pas non plus être laissés au bon vouloir des institutions car elles pourraient alors tout simplement rédiger des documents qui soulignent les aspects positifs et minimisent les aspects négatifs des services qu'elles offrent.
De plus, on devrait établir un système d'examen, de sanctions et d'incitatifs, comme c'est le cas en Ontario et aux États-unis, prévoyant que la médiocrité des services devrait être une raison suffisante pour refuser une demande d'expansion, de fusion ou de rachat d'une autre institution.
En ce qui concerne les fusions bancaires, notre deuxième recommandation vise à frapper d'un moratoire les expansions des banques. Ce moratoire s'appliquerait à l'accroissement de leurs pouvoirs en leur accordant les activités de location d'automobiles et d'assurance à partir des succursales ou toute autre expansion ou rachat d'autres institutions tant qu'une loi sur le réinvestissement communautaire ne sera pas adoptée au Canada et tant que l'on n'aura pas apporté les modifications promises aux lois sur l'implantation des banques étrangères.
En nous accordant ce délai, nous saurons mieux si les banques étrangères font réellement concurrence ou feront concurrence aux grandes banques canadiennes. Pour le moment, rien ne montre que ce sera le cas. Nous saurons également si nos banques desservent les Canadiens de façon juste et adéquate. Comme c'est le cas aux États-Unis, pourquoi devrions-nous permettre l'expansion d'une banque qui dessert mal ses clients? La situation ne fera qu'empirer.
Nous recommandons également de ne jamais éliminer la règle de 10 p. 100 relative à la propriété. L'examen des fusions et autres expansions doit comporter une évaluation du réinvestissement communautaire.
Nous pensons que les règles relatives à la propriété proposées par le groupe de travail ne sont pas assez strictes, en particulier pour les compagnies de portefeuille. Il faut que le système bancaire canadien reste sous contrôle canadien et qu'il puisse être réglementé de façon efficace.
Une de nos principales recommandations, qui rejoint celle du groupe de travail, vise à exiger des banques qu'elles joignent un prospectus d'une page et une enveloppe aux envois postaux qu'elles font parvenir aux clients avec les relevés bancaires, les comptes de carte de crédit ou les relevés de primes d'assurance. Ce prospectus devrait décrire l'organisation et inviter les gens à en faire partie. Un sondage réalisé par Environics auprès de plus de 2 000 Canadiens adultes a révélé que c'est ce que souhaitent la majorité d'entre eux. Sur les personnes interrogées, 43 p. 100 ont indiqué qu'elles seraient prêtes à adhérer si elles recevaient le prospectus et 64 p. 100 que si une institution financière refusait d'inclure volontairement le prospectus, le gouvernement devrait l'obliger à le faire.
Les institutions américaines reçoivent généralement un taux de réponse de 3 à 5 p. 100. Au Canada, où 20 millions de prospectus seraient envoyés aux clients des banques, on pourrait former un groupe de 600 000 à 1 000 000 de membres. Selon le sondage de Environics, les gens seraient prêts à dépenser 20 $ par an pour être membre, ce qui donnerait au groupe un budget annuel de 12 millions à 20 millions de dollars.
À elle seule, cette idée permettrait d'aider les gouvernements à réglementer les banques. Les gens pourraient faire des comparaisons. On pourrait traiter les plaintes et sensibiliser davantage les consommateurs. Les règles du jeu seraient également plus équitables entre les banques et les consommateurs.
La Banque Royale est censée avoir dépensé 7 millions de dollars pour sa campagne en faveur de la fusion. L'an dernier, les banques ont également donné 1,1 million de dollars au Parti libéral et 2,2 millions de dollars au total aux partis politiques. L'Association des banquiers canadiens s'est lancée dans une campagne de 20 millions de dollars pour convaincre les Canadiens que ce qui est bon pour les banques est bon pour le Canada.
Il est bien évident que les groupes de consommateurs ne possèdent pas ce pouvoir de dépenser. Les banques et autres institutions financières n'ont qu'à ajouter cinq sous ici et dix sous là à leurs frais de service et utiliser cet argent pour les campagnes de lobbying et de publicité.
Ce prospectus ne coûterait rien au gouvernement et aux institutions et équilibrerait le marché en une seule étape. Le groupe de travail a recommandé que le gouvernement et les institutions financières collaborent et facilitent le succès de ce genre d'organisation.
Nous avons également de fortes recommandations à proposer, comme je l'ai mentionné, en ce qui concerne les services bancaires de base. L'accord volontaire auquel se sont engagées les banques avec le gouvernement en février 1997 n'a rien donné. Des groupes ont essayé de travailler avec les institutions financières, en particulier les banques, depuis plus de 10 ans, sans résultat. Aucun changement ne s'est produit. Le sondage réalisé cet été par l'Association des banquiers canadiens a révélé que sur dix personnes qui tentent d'ouvrir un compte ou d'encaisser un chèque du gouvernement, quatre se voient refuser leur demande sans raison valable.
Sans plus tarder, comme dans plusieurs États américains, les institutions financières de dépôts devraient être tenues de donner accès aux services bancaires de base. Malheureusement, le groupe de travail a décidé d'accorder plus de temps aux banques et aux autres institutions financières. On ne doit plus accorder de délais. Cela fait dix ans que la question a été soulevée et que l'on sait qu'il s'agit d'un problème.
Les amendes de 100 000 $ par jour prévues dans la Loi sur les banques constitueraient une mesure incitative pour les banques qui continuent de refuser de desservir les gens de façon juste et adéquate. Il est temps que ce problème soit résolu.
Pour ce qui est de la fermeture des succursales, nous sommes d'accord avec le groupe de travail pour que l'on effectue des consultations publiques et que l'on prévoie un préavis de quatre mois pour toute fermeture de succursale. Cependant, nous estimons que pour que la collectivité reçoive toute l'information concernant les raisons pour lesquelles une succursale est fermée, les succursales devraient être tenues de divulguer leurs profits, pertes et revenus net pour les années précédentes. Les banques justifient souvent la fermeture d'une succursale en disant qu'elle n'est pas rentable. Cette recommandation les obligerait à le prouver.
Pour ce qui est des recommandations concernant l'ombudsman, la protection de la vie privée et les ventes liées que le groupe de travail a proposées, les lacunes sont minimes. Nous estimons que l'ombudsman devrait être habilité à rendre des décisions exécutoires, comme c'est le cas en Grande-Bretagne. En ce qui concerne les ventes liées et la vie privée, le groupe de travail n'a pas été très précis. Là encore, si les amendes ne sont pas suffisamment rigoureuses pour décourager les entreprises qui réalisent des milliards de dollars de profits et possèdent des centaines de milliards d'actifs, elles n'y verront qu'un des coûts de faire des affaires et continueront à empiéter sur la vie privée des gens et à les forcer à acheter des choses qu'ils ne veulent pas.
Finalement, dans notre dixième recommandation, nous demandons que toutes ces mesures s'appliquent à toutes les institutions financières qui exercent leurs activités au Canada, qu'elles soient étrangères ou canadiennes, qu'elles aient des succursales ou des services électroniques. Le groupe de travail déclaré avec force que ces mesures doivent s'appliquer à toutes les institutions.
En général, la protection du consommateur et l'imputabilité ne sont pas des questions qui intéressent des groupes d'intérêt particuliers. Nous formons une très large coalition qui représente plus de 3 millions de Canadiens. Les sondages montrent que les Canadiens veulent être protégés et qu'ils veulent de meilleures banques et non des banques plus grosses. Tous les Canadiens adultes, et de nombreux jeunes, font affaire avec des institutions financières d'une manière ou d'une autre.
Or, jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a pas pris au sérieux les questions et les préoccupations des consommateurs. Tant Doug Peters que le ministre de l'Industrie, John Manley, ont dit que les consommateurs devraient simplement faire des comparaisons de prix pour se protéger. Le groupe de travail rejette vivement cette attitude et dit que les consommateurs doivent avoir les moyens d'agir. Le rapport précise que les règles relatives à la divulgation et à la transparence doivent être strictes et exhaustives et que l'on doit mettre en place un système d'imputabilité complet et efficace pour que tous les intervenants soient traités de façon juste et adéquate.
En conclusion, nous devons oeuvrer pour que les institutions financières soient tenues responsables à l'égard des services équitables et efficaces qu'elles offrent aux particuliers et aux collectivités du pays. Notre coalition, ainsi que d'autres groupes dans le pays, continueront dans cette voie.
Mais étant donné que le groupe de travail a recommandé les trois quarts de ce que nous souhaitons et qu'il a laissé pratiquement toutes les lacunes à combler, si les institutions ne respectent pas les règles et si le gouvernement n'applique pas ces recommandations, nous le tiendrons responsable. Nous le tiendrons responsable pour chaque personne dont la vie privée a été envahie, pour chaque personne qui est forcée d'acheter quelque chose qu'elle ne veut pas, pour chaque personne qui signe un contrat qu'elle ne comprend pas, pour chaque personne à qui l'on refuse arbitrairement d'ouvrir un compte bancaire ou de recevoir un service bancaire de base, pour chaque personne écrasée par des frais de services et des taux d'intérêt sur des cartes de crédit excessifs, pour chaque entreprise qui n'obtient pas le prêt qu'elle mérite lorsqu'elle essaie de créer des emplois dans le pays et pour chaque institution financière à qui le gouvernement accorde certaines faveurs, notamment l'autorisation de fusionner avec une autre institution, bien qu'elle ne dessert pas bien ses clients de façon juste et adéquate.
Le groupe de travail a proposé un système d'imputabilité et de protection du consommateur exhaustif et global. J'ai parlé des lacunes que nous avons constatées. Nous croyons en fait que l'on jugera vraiment du caractère démocratique de notre pays si l'on fait passer le consommateur avant les institutions et si quelques grosses banques, qui veulent encore grossir, passeront avant les 20 millions de clients qui veulent des banques qui leur offrent de meilleurs services.
Nous vous demandons que, dans votre rapport, vous recommandiez fortement les mesures de protection du consommateur et d'imputabilité que le groupe de travail a proposées. Nous vous demandons également de combler les lacunes qui restent. Ce sont des lacunes essentielles. Dans bon nombre de secteurs, il manque un des cinq éléments clés d'un système d'imputabilité efficace et qui fonctionne bien.
Le sénateur Angus: Bonjour, monsieur Conacher et bienvenue à nouveau au comité.
Je note que depuis votre dernière comparution, votre opinion constante, modérée et impartiale de nos banques n'a pas beaucoup changé.
J'aimerais vous poser quelques questions préliminaires sur les gens que vous représentez réellement. Je sais que nous vous avons déjà posé certaines de ces questions.
La liste que nous avons reçue aujourd'hui montre que vous représentez quelque chose qui s'appelle Démocratie en surveillance. En vous écoutant, je vous ai entendu dire que vous représentez un groupe qui s'appelle la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire, dont vous avez un peu parlé.
Premièrement, qui représentez-vous?
M. Conacher: Je suis le coordonnateur de Démocratie en surveillance. Démocratie en surveillance réunit plus de 100 organisations de toutes les provinces et des Territoires du Nord-Ouest. Nous représentons plus de 3 millions de Canadiens. Je suis le président et le porte-parole de la coalition, choisi par les groupes qui la constituent.
Le sénateur Angus: Démocratie en surveillance est-elle une association, une entité légale?
M. Conacher: Oui. Il s'agit d'un groupe de défense des citoyens constitué en société sans but lucratif qui est basée ici à Ottawa et qui s'intéresse plus particulièrement aux questions de responsabilité des gouvernements et des institutions.
Le sénateur Angus: Y a-t-il un président et êtes-vous ce président?
M. Conacher: Je suis le cocoordinateur. Il n'y a pas de président.
Le sénateur Angus: Y a-t-il d'autres agents, où êtes-vous tout seul?
M. Conacher: Non. Nous avons un petit conseil d'administration composé de trois personnes, ainsi qu'un comité consultatif composé de quatre personnes, notamment Ken Dryden, David Baker, Mary-Lou McPhedran et Lise Blanchard.
Le sénateur Angus: Est-ce que ces quatre personnes que vous venez de nommer sont en plus des trois qui siègent au conseil?
M. Conacher: Oui, elles composent le comité consultatif.
Le sénateur Angus: Y a-t-il trois autres personnes qui travaillent?
M. Conacher: Non. Il y a moi-même, Erin Freeman et Craig Forsey.
Le sénateur Angus: Vous avez parlé de ces 3 millions de Canadiens qui font partie de l'organisation ou de la coalition Démocratie en surveillance. Dois-je supposer que vous parler au nom des deux entités et que ces 3 millions de Canadiens sont membres des deux?
M. Conacher: Non. Ils sont membres des groupes au sein de la coalition.
Le sénateur Angus: Comment êtes-vous financé? Envoyez-vous une facture ou organisez-vous des campagnes de levée de fonds?
M. Conacher: Démocratie en surveillance est financée à la fois par des fondations et des particuliers de tout le pays. Nous avons pour politique de ne pas accepter de dons de gouvernements ou de sociétés.
La coalition est financée par des fondations, notamment la Fondation Trillium, dont vous avez peut-être entendu parler; la Fondation de la famille J.W. McConnell; la Fondation Atkinson et la Fondation Samuel et Sadie Bronfman.
Le sénateur Angus: Estimez-vous être dûment mandaté et un porte-parole légitime des consommateurs canadiens sur ces questions?
M. Conacher: Sur toutes les questions? Nous parlons des questions au sujet desquelles les groupes membres de la coalition ont exprimé leurs préoccupations et que nous avons traitées dans nos six énoncés de position. La coalition est sans aucun doute la plus importante et la plus représentative de tous les autres groupes de consommateurs au pays.
La plupart des groupes de consommateurs qui se présenteront devant vous -- je connais ceux qui s'intéressent aux services financiers -- n'ont guère plus de 3 500 membres. Compte tenu des chevauchements entre les groupes, je crois que nous sommes le plus vaste et donc le plus représentatif.
Sur certaines questions, nos énoncés de position citent des sondages qui ont été réalisés soit par nous-mêmes soit par d'autres groupes de consommateurs. Par exemple, sur cette question du prospectus, on a interrogé 2 000 Canadiens. Dans la mesure où l'on fait confiance aux sondages en général, on peut considérer qu'il s'agit d'un échantillonnage représentatif de Canadiens, avec plus ou moins d'exactitude.
Le sénateur Angus: Ainsi, je suppose que dans votre bureau, vous avez une liste de noms de ces 3 millions de personnes, n'est-ce pas?
M. Conacher: Non. Nous avons ces noms par l'intermédiaire des groupes qui forment la coalition. Vous voyez qu'il existe de grandes organisations comme le Comité canadien d'action sur le statut de la femme, le Congrès du Travail canadien, le Conseil canadien, l'Organisation nationale anti-pauvreté. Toutes ces organisations participent, ainsi que bien d'autres, qui se situent davantage aux niveaux provincial et local.
Le sénateur Angus: Pour terminer avec mes questions sur le financement, vous avez dit que vous ne recevez aucun fonds des gouvernements, mais que vous recevez des montants importants de fondations. Mais si j'ai bien compris, les membres des différents organes dont vous prétendez qu'ils appartiennent à votre association ou coalition ne paient pas de frais d'adhésion.
M. Conacher: Nous voulions former une coalition qui soit accessible et ouverte à tous les groupes, quelles que soient leurs ressources financières. Nous voulions plus particulièrement faire participer les groupes de personnes désavantagées, les groupes qui oeuvrent auprès de personnes à faibles revenus. Comme vous le dira certainement l'Organisation nationale contre la pauvreté quand elle comparaîtra devant vous, ces groupes n'ont souvent pas de ressources. Nous avons établi une échelle mobile fondée sur le revenu d'un particulier ou d'une organisation. C'est une participation volontaire également. Nous avons reçu une partie de nos fonds, un très petit pourcentage, des groupes membres de la coalition.
Le sénateur Angus: Pourrais-je vous demander quel est votre budget annuel, simplement pour avoir un ordre de grandeur?
M. Conacher: Le budget annuel de la coalition est le 1/1000e du montant que la Banque Royale a consacré à sa campagne de lobbying en faveur de la fusion, selon Southam News.
Le sénateur Angus: Vous ne voulez pas me donner un chiffre précis?
M. Conacher: Sur deux ans et demi, nous avons reçu 290 000 $ de fonds.
Le sénateur Angus: Cette coalition a été fondée en décembre 1996. Qu'en est-il de Démocratie en surveillance? Quel est son budget? A-t-elle un budget?
M. Conacher: Oui, en effet. Notre budget annuel est d'environ 35 000 à 40 000 $. Je sais que vous ne l'avez pas demandé à M. Cleghorn, mais j'espère que vous demanderez aux autres dirigeants des banques combien ils dépensent pour leurs campagnes de lobbying et de publicité en faveur des fusions et pour leurs salaires, puisque vous vous intéressez tant aux ressources que possèdent les deux parties au débat.
Le sénateur Oliver: Notre comité n'étudie pas les fusions.
Le sénateur Angus: Je voudrais simplement avoir des réponses à mes questions. Les idées que vous avez présentées aujourd'hui dans votre témoignage sont-elles vos idées personnelles?
M. Conacher: Non. Dans chaque cas, le personnel a rédigé un projet de document après avoir fait des recherches et interrogé les groupes titulaires et les groupes adhérents de la coalition. Dans chaque cas, nous avons distribué une ébauche de l'énoncé de position. Les groupes titulaires et les groupes adhérents ont eu cinq semaines pour répondre et suggérer des modifications. Nous avons ensuite finalisé l'ébauche et nous l'avons distribuée à nouveau avant sa publication.
Le sénateur Angus: L'a-t-on envoyé à Démocratie en surveillance aussi, ou seulement à la coalition?
M. Conacher: Il est plutôt facile de l'envoyer à Démocratie en surveillance puisque j'en suis le coordinateur et le président.
Le sénateur Angus: J'aimerais savoir quelle est la différence dans cette liste entre les ce qui est indiqué en caractère gras et en italique. Quelle est la différence entre un titulaire et un adhérent?
M. Conacher: Les membres titulaires ont accepté de consacrer du temps à la coalition et ils possèdent les ressources nécessaires pour cela. Les adhérents n'ont pas autant de temps. Ils étudient certains des documents, ceux qui les intéressent plus particulièrement, mais ils n'ont pas accepté de consacrer autant de temps que les titulaires, c'est-à-dire plusieurs heures par semaine.
Le sénateur Angus: Étant donné que je vous ai reproché tout à l'heure, sotto voce, qu'il est toujours dangereux de supposer quoi que ce soit et que j'ai donc besoin d'une affirmation de votre part, serait-il exact de conclure que les noms qui ne figurent pas en caractères gras sur la liste n'ont pas beaucoup contribué à vos propos de ce matin?
M. Conacher: Non. En fait, ils ont participé.
Le sénateur Angus: Tous?
M. Conacher: Je rends compte du contenu des énoncés de position et des communiqués de presse; ils sont également étudiés par le comité exécutif et, dans certains cas, par tous les titulaires et adhérents.
Le sénateur Angus: Vous affirmez donc au comité que si nous demandions à n'importe laquelle des organisations énumérées ici, qu'elles figurent en caractères gras ou en italiques, ce qu'elles pensent des opinions que vous avez exprimées, elles seraient toutes d'accord à 100 p. 100?
M. Conacher: Oui.
Le sénateur Angus: Par conséquent, vous représentez bien et vous nous affirmez être le porte-parole légitime d'un très large éventail de Canadiens sur ces questions -- en gros trois millions de personnes?
M. Conacher: Oui.
Le sénateur Angus: On a dit, et c'est ce qui ressort de votre témoignage, que vous êtes contre les banques, mais j'ai entendu dire aussi qu'en fait, vous n'êtes pas contre les banques. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est?
M. Conacher: Notre coalition souhaite de meilleures banques et non des banques plus grosses, comme l'indique le témoignage.
Le sénateur Angus: Vous ne voulez donc pas répondre directement à ma question. Vous sembliez pourtant haïr vraiment les banques: elles ne sont pas imputables, elles sont perverses; on devrait leur imposer des amendes -- j'ai dressé une liste pendant que vous parliez; elles font des fausses déclarations; elles ne divulguent pas assez d'information; elles sont avares et toute une pléthore d'autres choses gentilles que vous avez mentionnées.
Et pourtant, je crois comprendre qu'en fait, vous estimez que le système bancaire canadien n'est pas si mauvais. Je parle de la situation actuelle, sous réserve de certaines divulgations d'information, ce que les banques ont accepté, comme elles nous l'ont dit ici même cette semaine.
M. Conacher: Le groupe de travail, dont 9 des 10 membres représentent l'industrie ou le milieu des affaires et seulement un les consommateurs, a accepté les trois quarts de nos recommandations et a laissé le quart restant en attente au cas où les banques ne collaboreraient pas. Comme nous l'avons mentionné dans le préambule de la comparaison que nous faisons entre nos recommandations et celles du groupe de travail, nous acceptons la vision et la structure proposées dans le rapport du groupe de travail, dans les recommandations 53 à 55 et 57 à 63, qui précisent que les institutions financières ne serviront tous les Canadiens de façon juste et équitable que si on accroît les pouvoirs des consommateurs. Elles précisent que les règles relatives à la divulgation et à la transparence doivent être strictes et détaillées; qu'un système exhaustif d'imputabilité doit être mis en place et que les institutions financières, en particulier les banques, doivent servir tous les intervenants, de façon juste et adéquate, car elles bénéficient traditionnellement de protections qui leur sont accordées par la loi et qu'elles fournissent des services essentiels aux Canadiens.
Le sénateur Angus: Notre système bancaire a-t-il quoi que ce soit de positif? On peut tout améliorer. Les banques sont venues nous dire très franchement qu'elles sont d'accord avec les recommandations du groupe de travail. Elles savent que le monde change et évolue.
M. Conacher: Nous avons communiqué avec chacune des banques et les autres institutions financières réglementées par le fédéral et nous leur avons demandé d'inclure ce prospectus volontairement et elles ont refusé de le faire. Si elles sont d'accord avec les recommandations du groupe de travail, je suppose qu'elles vont bientôt m'appeler pour me dire qu'elles vont insérer le prospectus, puisque le groupe de travail dit que les gouvernements et les institutions financières doivent faciliter le succès de ce genre d'organisation.
Le sénateur Angus: Pensez-vous qu'elles doivent vous appeler à ce sujet? Peut-être ont-elles d'autres types de feuillet qui sont encore mieux que celui du Dakota du Sud ou je ne sais quel autre endroit.
M. Conacher: Corrigez-moi si j'ai tort, mais vous venez de dire qu'elles sont venues vous dire qu'elles étaient d'accord avec ces recommandations.
Le sénateur Angus: Je vais être aussi exact que possible.
M. Conacher: La recommandation 56(a) précise que les gouvernements et les institutions financières doivent faciliter le succès d'une organisation de ce genre. On y mentionne particulièrement notre quatrième énoncé de position et on cite son contenu dans les sections du rapport qui traite de cette recommandation.
Le sénateur Angus: Nous sommes ici pour écouter ce que les citoyens ont à nous dire sur le rapport MacKay. M. MacKay et certains de ses collègues ont comparu lundi matin. Nous avons également entendu l'Association des banquiers canadiens et l'Association des consommateurs du Canada, qui prétend représenter de nombreux consommateurs canadiens. Je suppose qu'elle est membre de votre groupe, n'est-ce-pas?
M. Conacher: Non. Elle accepte de l'argent de l'Association des banquiers canadiens et d'autres institutions financières et associations. À titre de coordinateur de Démocratie en surveillance, je trouve inacceptable qu'un groupe de consommateurs accepte de l'argent de l'industrie, comme le font bien d'autres groupes de consommateurs au pays.
Le sénateur Angus: Pour ce qui est de l'Association des consommateurs du Canada et des opinions qu'elle a exprimées, vous dissocieriez-vous d'elle?
M. Conacher: Je me dissocierais de sa politique qui consiste à accepter de l'argent de l'industrie.
Le sénateur Angus: Mais à propos des opinions qu'elle exprime. Connaissez-vous ces opinions?
M. Conacher: Elle s'est traditionnellement concentrée sur les ventes liées et la protection de la vie privée. Je connais très bien ces opinions: si l'on ouvre la porte aux banques étrangères, on aura résolu tous les problèmes des consommateurs. Les groupes de la coalition ne sont pas d'accord.
Le sénateur Angus: Le groupe de travail MacKay vous a fasciné. Vous êtes-vous présenté devant lui au nom de l'une ou l'autre de vos mantras, soit Démocratie en surveillance ou la coalition?
M. Conacher: En fait, ce ne sont pas mes mantras; ce sont les organisations que je représente.
Oui, j'ai rencontré le groupe de travail trois fois et j'ai échangé un grand nombre de lettres avec lui. Nous lui avons fait parvenir tous nos énoncés de position.
Le sénateur Angus: Il vous a écouté avec intérêt? Vous n'avez pas eu de difficultés à présenter vos arguments?
M. Conacher: Au départ, oui, avec le premier président du groupe de travail, qui a refusé de nous rencontrer. Mais lorsque le président du groupe de travail a changé, nous avons pu facilement nous faire entendre.
Le sénateur Angus: Pensez-vous avoir été bien entendu?
M. Conacher: Oui.
Le sénateur Angus: Si je comprends bien, le groupe de travail n'a pas accepté toutes vos idées car il avait trop de parti pris en faveur des banques. Est-ce exact?
M. Conacher: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que neuf des 10 membres du groupe de travail représentaient soit le secteur des services financiers soit les entreprises et qu'un seul représentait les consommateurs. Huit des 12 recherchistes du groupe de travail avaient travaillé pour une association d'institutions de services financiers et les quatre autres n'avaient jamais travaillé dans ce domaine ni traité de ces questions du point de vue des consommateurs. Dans ces conditions, nous sommes très satisfaits de voir que nous avons pu les convaincre que les Canadiens ne seraient pas bien servis par les institutions financières tant que l'on n'aurait pas mis en place les cinq éléments clés d'un système d'imputabilité dans tous les domaines.
Le sénateur Angus: Mais le groupe de travail n'a pas été convaincu par certains de vos autres arguments, n'est-ce pas?
M. Conacher: Il a été convaincu aux trois quarts ou aux quatre cinquièmes et a laissé la porte ouverte pour certaines choses, notamment si l'ombudsman des institutions ne suit pas les règles, celles-ci devraient devenir obligatoires et la conformité vérifiée. Si les institutions ne changent pas et ne commencent pas à servir les gens de façon juste et adéquate, cela devrait devenir un droit légiféré, ce que nous recommandons. Dans plusieurs domaines, le groupe de travail a préféré attendre de voir si les institutions changent avant de recommander des mesures.
Le sénateur Angus: Pour être bien précis, pourriez-vous nous donner deux ou trois aspects du rapport du groupe de travail MacKay avec lesquels vous n'êtes pas d'accord?
M. Conacher: Le groupe de travail MacKay a fait sa propre enquête en ce qui concerne l'accès aux services bancaires, puisqu'il s'agit d'un système volontaire qui ne fait pas l'objet d'inspections ni de mesures d'exécution. Il a envoyé un recherchiste dans sept succursales d'institutions à Toronto, et dans quatre des sept, on a refusé à cette personne l'ouverture d'un compte ou le paiement d'un chèque. Il s'agit de sa propre enquête.
Dans ces conditions, nous estimons que ce problème devrait être réglé que les institutions de dépôts devraient être tenues de permettre aux gens d'ouvrir un compte. On devrait avoir le droit, comme c'est le cas dans plusieurs États américains, d'ouvrir un compte de base à faible coût. Le groupe de travail a fait des recommandations au sujet de l'imputabilité pour tout ce qui touche les ventes liées et la vie privée. Il a fait des recommandations sur la divulgation, les vérifications et l'adoption de règles strictes. Il a recommandé des mesures d'exécution indépendantes et des amendes élevées. Dans d'autres domaines où il n'a pas recommandé de règles et de droits, comme pour l'accès aux services bancaires, nous pensons que les problèmes continueront.
En ce qui concerne les rapports sur les responsabilités envers la collectivité, s'inspirant de la loi sur le réinvestissement communautaire des États-unis, là encore, il n'a pas prévu d'inspections ni de droits ou de règles concernant les normes de rendement, ni d'examen ni de pénalités. Le problème que l'on a vu concernant l'accès aux services se posera là aussi.
En fait, les banques ont montré que dans le domaine de l'accès aux services bancaires de base, à moins que ces services deviennent obligatoires et qu'elles fassent l'objet d'inspections et d'amendes si elles n'obtempèrent pas, elles ne serviront pas les clients de façon juste et adéquate. C'est ce qu'elles ont montré par leurs propres actions. Nous voulons que les lacunes soient comblées dans tous les autres domaines.
Le sénateur Kenny: J'ai une autre question sur le premier sujet. M. Conacher, j'ai posé précisément la question que vous venez de soulever au président du groupe de travail: est-il temps de légiférer? Il a répondu, «Non. Les banques en sont arrivées à un accord. Elles admettent qu'il y a des problèmes. Elles ont elles-mêmes réalisé des sondages qui révèlent l'existence de problèmes et elles s'en occupent.» Il avait l'impression qu'il était préférable de leur accorder encore un peu de temps, étant donné qu'elles n'en étaient arrivées à un accord que très récemment en vue d'essayer de prendre des mesures au cours des 18 derniers mois. Si elles ne montraient pas de signes évidents de progrès au cours d'une période raisonnable, alors, oui, il faudrait légiférer. Jusque là, il estimait qu'il était préférable d'attendre pour voir si elles agiraient d'elles-mêmes. Avez-vous une observation à faire à ce sujet?
M. Conacher: Nous pensons que cette période de temps raisonnable est passée.
Lorsque les taux d'hypothèque des banques changent, comme cela a été le cas bien des fois ces derniers jours, tous les préposés dans toutes les succursales du pays le savent le lendemain. Lorsqu'un client entre et demande quel est le taux hypothécaire, les préposés sont en mesure de lui répondre.
Dix-huit mois après que les banques ont accepté de modifier leur politique relative à l'accès aux services bancaires de base, quatre préposés sur 10 donnent la mauvaise réponse, selon le sondage réalisé par l'Association des banquiers canadiens elle-même.
Comment les taux hypothécaires peuvent-ils être communiqués dans les 24 heures ou même moins, alors qu'il faut plus de 18 mois pour que la politique sur l'accès aux services bancaires de base soit communiquée aux employés? C'est proprement incroyable. La période de temps raisonnable est déjà passée.
L'Organisation nationale anti-pauvreté a rendu compte à ce sujet en 1987. Des groupes attendent depuis plus de 11 ans que les Canadiens soient desservis de façon juste et adéquate et ne fassent pas l'objet de discrimination en fonction du revenu.
Le sénateur Angus: Avez-vous un compte bancaire? Faites-vous affaire avec une banque vous-même?
M. Conacher: En effet, oui.
Le sénateur Angus: Possédez-vous des actions de banques?
M. Conacher: Non.
Le sénateur Angus: Avez-vous déjà eu des difficultés avec vos propres services ou le coût des services bancaires?
M. Conacher: Moi-même, non. J'ai le même compte depuis des années et comme je n'ai jamais changé, je n'ai pas eu à payer de nouveaux frais de service.
Le sénateur Callbeck: Votre première recommandation a trait à une loi sur le réinvestissement communautaire ou en propose une. Lorsque le comité était à Washington, les représentants de la Réserve fédérale nous ont dit que la loi était en vigueur aux États-Unis. Toutefois, le rapport MacKay dit que rien ne justifie au Canada l'adoption d'une loi de ce genre. C'est pourquoi il recommande un rapport sur les responsabilités envers la collectivité. Vous avez dit que vous êtes intervenu devant le groupe de travail à plusieurs reprises.
Pour appuyer votre recommandation, avez-vous des preuves factuelles et concluantes que le groupe de travail n'aurait pas?
M. Conacher: Un groupe de Montréal a publié fin juillet les résultats d'une enquête. Cette enquête, au cours de laquelle on a étudié les fermetures de succursales d'institutions depuis 30 ans, a permis de constater que dans les collectivités désavantagées, on avait fermé davantage de succursales, proportionnellement, que dans d'autres collectivités.
Les banques diraient qu'il s'agit simplement de fermer des succursales. Ce n'est pas le terme utilisé aux États-unis où l'on parle de «red lining», c'est-à-dire que l'on trace un cercle rouge autour d'une collectivité donnée. Les banques ne prennent plus de dépôts et refusent de consentir des prêts ou de donner accès aux services bancaires de base. La forme ultime du «red lining» est de se retirer complètement de la collectivité.
En 1990, lorsque j'ai commencé à étudier la question, j'ai enquêté auprès d'institutions à Parkdale, un quartier de Toronto. Parkdale est essentiellement une zone multiculturelle à faible revenu. Dans la seule succursale de la Banque Royale dans ce quartier, il n'y avait aucun agent de prêt, selon le gérant. Le gérant a expliqué que ce n'était pas que la banque estimait que les gens de ce quartier ne méritaient pas un agent de prêt, mais que ces gens n'avaient pas le niveau ni l'envergure nécessaires pour justifier, selon la banque, la présence d'un agent de prêt. Cela se passait en 1990. Je lui ai demandé s'il y avait d'autres succursales de la Banque Royale à Toronto qui n'avaient pas d'agent de prêt et il m'a répondu que Parliament et Wellesley était une autre succursale sans agent de prêt. Parliament et Wellesley est située au nord d'un quartier à faible revenu peuplé surtout de minorités visibles.
De plus, étant donné que plus de 400 000 personnes n'ont pas de compte bancaire au Canada, il est évident qu'il existe aussi un problème sur le plan des services. Nous voulons que l'on vérifie les services. Nous voulons que l'on vérifie les plaintes. Nous voulons également que l'on vérifie les prêts.
Les enquêtes de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante donne également des renseignements détaillés sur les difficultés des entreprises et plus particulièrement des petites entreprises dirigées par des femmes à obtenir du capital.
Il existe de nombreuses preuves de discrimination au Canada dans l'offre des services et des prêts comme c'était le cas de 1975 à 1977, lorsque la loi sur le réinvestissement communautaire a été adoptée aux États-Unis.
Nous disons simplement que si les problèmes ne sont pas aussi graves, comme les banques le prétendent, les statistiques nous le diront. Tant que nous ne vérifierons pas, elles seront les seules à détenir des renseignements sur les personnes qu'elles servent et sur celles qu'elles rejettent. On ne peut donc pas les tenir responsables.
Le sénateur Callbeck: Ces rapports vous donneraient vos statistiques. Vous pourriez alors savoir s'il y a vraiment un problème grave.
M. Conacher: Le groupe de travail est très vague. Il dit qu'il faut davantage d'information sur les prêts aux petites entreprises. Il ne précise pas quelle information. Nous avons dit ce que nous estimons être nécessaire: vérifier le nombre de demandeurs, d'approbations et de refus selon la taille et le type d'entreprise, l'emplacement de l'entreprise et le sexe du propriétaire.
C'est ce que se fait depuis plus de 20 ans pour les prêts hypothécaires aux États-Unis. Nous ne suggérons pas que cela soit étendu aux prêts hypothécaires au Canada car les groupes qui s'occupent du logement au sein de la coalition ainsi que d'autres n'ont jamais découvert de problèmes dans le secteur des prêts hypothécaires, mais ils en ont trouvé dans les prêts aux entreprises et aux petites entreprises.
S'il veut dire par divulgation des renseignements sur les prêts aux petites entreprises ce que nous recommandons, cela comblerait cette lacune. Nous pensons également que l'on devrait vérifier les poursuites.
Aux États-Unis, les ouvertures et fermetures de succursales doivent être signalées systématiquement et peuvent être facilement vérifiées. Par conséquent, les rapports pourraient combler certaines des lacunes, mais le format et le contenu du rapport sont à la discrétion des banques, tout comme la définition de «collectivité». Cela ne devrait pas être autorisé. Elles peuvent définir les collectivités et inclure dans les rapports ce qu'elles veulent. Évidemment, comme pour l'accès aux services, les banques souligneront les aspects positifs et minimiseront les aspects négatifs. Cela ne devrait pas être autorisé. Le contenu de ces rapports devrait être normalisé.
Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de donner une note aux institutions financières. Qui devrait donner cette note? Est-ce la Banque du Canada, le BSIF ou un groupe indépendant? Qui devrait en être responsable?
M. Conacher: Nous proposons que ce soit le ministère des Finances. Étant donné les changements que le groupe de travail recommande au rôle du BSIF, ce pourrait être cet organisme également car cela lui conviendrait mieux s'il se voyait confier les responsabilités de protection des consommateurs et de l'imputabilité que le groupe de travail recommande.
Le sénateur Callbeck: Je dois comprendre que vous appuyez une organisation de consommateurs de services financiers. Quel genre de financement envisagez-vous? Vous avez mentionné dans votre mémoire de l'envoi par les banques d'une page d'information à tous les clients. Pensez-vous que cela devrait être financé par ces personnes?
M. Conacher: Comme aux États-Unis, où cela fonctionne bien, le groupe est d'abord financé par un prêt ou une subvention, si le gouvernement décide d'accorder une subvention. Sinon, il demande un prêt à une institution financière. L'impression de 20 millions de prospectus coûterait 300 000 $, si l'on se fie à l'expérience des États-Unis, soit environ 1,5 cent chacun. Ils seraient envoyés aux 20 millions de clients des institutions financières que l'on inviterait à devenir membres. Il n'y aurait pas d'obligation. Ils seraient simplement invités à devenir membres.
Selon le sondage, ils seraient prêts à payer 20 $ chacun. Les feuillets ne seraient pas envoyés chaque mois mais normalement trois fois par an la première année et une fois par an par la suite. Disons que la première fois, la participation serait de seulement 1 p. 100. Cela voudrait dire 200 000 personnes donnant 20 $ chacune, ce qui représente 4 millions de dollars. La première impression du prospectus aurait coûté 300 000 $ et 100 000 $ supplémentaires, selon nos estimations, pour ouvrir un bureau chargé de traiter les réponses. Par conséquent, avec 400 000 $ de dépenses, on obtient 4 millions de dollars et 200 000 membres. Vous remboursez le prêt ou la subvention et à partir de là vous êtes autosuffisant. Il n'en coûte rien au gouvernement ni aux institutions. Le groupe paie également les coûts engagés pour insérer le prospectus dans l'enveloppe.
Tout cela serait totalement volontaire, démocratiquement structuré, largement représentatif et bien entendu doté de ressources suffisantes. C'est pourquoi le groupe de travail le recommande. C'est le moyen de donner plus de pouvoirs aux consommateurs.
Le sénateur Hervieux-Payette: Qui recevra l'argent? On pourrait créer une fondation et l'argent pourrait provenir d'autres sources. Quelle organisation serait en mesure de s'en occuper?
Je suppose que vous connaissez les mêmes problèmes que l'Association des consommateurs, et il y en a d'autres. Comment l'argent serait-il distribué? Je n'aime pas l'approche adoptée par le gouvernement qui consiste à subventionner ces organisations, mais c'est la seule solution pour certaines d'entre elles situées dans des régions éloignées et qui n'ont accès à aucun financement.
Peut-être avez vous un moyen de redistribuer à ceux qui représenteraient un certain code de conduite ou tout au moins aurait un certain mandat. Avez-vous un mécanisme quelconque à nous proposer à cet égard?
M. Conacher: C'est ce dont nous parlons en détail dans notre énoncé de position no 4.
On inviterait les gens à participer. Ils seraient invités également à contribuer à un fonds. Un groupe serait créé à partir des frais d'adhésion de 20 $. Aux États-Unis, lorsqu'on a mis ce système en place pour les services publics, le gouvernement a nommé un conseil provisoire composé de représentants des groupes de consommateurs qui oeuvrent dans ce domaine, ainsi que de groupes de citoyens qui s'intéressent également à d'autres questions dans ce domaine.
Le conseil provisoire s'occuperait du premier envoi postal. Conformément aux statuts de l'organisation américaine, lorsqu'un certain seuil est atteint, normalement environ 20 000, on peut organiser la première élection du conseil. Le conseil est élu parmi les membres au moyen d'un processus de nominations selon lequel n'importe quel membre peut être nommé. Les frais d'adhésion de 20 $ seraient consacrés au premier groupe qui chapeauterait l'ensemble du mouvement.
De plus, on demanderait aux gens de contribuer à un fonds discrétionnaire. Dans le sondage, nous avons demandé aux gens s'ils étaient prêts à donner davantage que les frais d'adhésion. Plus de la moitié ont répondu de façon positive et étaient prêts à verser jusqu'à 30 $ à un fonds discrétionnaire. Selon un taux de réponse de 3 à 5 p. 100, cela permettrait de créer un fonds de 1 million à 1,5 million de dollars. Cet argent serait accordé aux groupes existants au niveau local. Selon le modèle que nous avons proposé, le conseil du groupe principal serait l'organe subventionnaire qui prendrait ces décisions.
Il appuierait les groupes existants, mais il créerait aussi une organisation très vaste et largement représentative dotée des ressources nécessaires pour aider vraiment les consommateurs comme aucun groupe de consommateurs ne peut le faire actuellement au Canada.
Le sénateur Spivak: J'aimerais vous poser une question sur l'imputabilité. Vous avez dit dans vos remarques que les pertes sur prêt aux grandes entreprises étaient plus élevées que pour les prêts consentis aux petites entreprises. Vous avez dit surtout que les grandes banques veulent se concentrer sur les prêts de plusieurs milliards de dollars. Il est difficile de faire confiance à n'importe quelle organisation ces temps-ci, que ce soit la Croix Rouge, le Sénat et ainsi de suite. On a notamment pointé du doigt les grandes banques que l'on estime responsables de la crise financière en Asie du fait qu'elles y ont envoyé tout cet argent pour le retirer par la suite.
Pensez-vous que ce qui est proposé ici, sur le plan de l'imputabilité et de la transparence, est suffisant pour que les banques soient plus prudentes au moment de prêter des milliards de dollars? Est-ce suffisant? Le groupe de travail a-t-il abordé cette question?
M. Conacher: Le groupe de travail recommande uniquement que l'on vérifie les prêts aux petites entreprises. Il reste vague sur la façon de procéder. Nous croyons que les prêts aux petites entreprises devraient être vérifiés sur le plan du nombre des demandes et le nombre des refus. C'est la seule façon de déterminer si l'on refuse plus aux petites entreprises qu'aux grandes.
Actuellement, dans n'importe lequel de leur rapport annuel, les banques peuvent souligner les pays où elles font des profits, mais elles ne sont pas obligées, selon les règles d'imputabilité, de divulguer, pays par pays, les risques liés à leurs actifs ni leurs pertes et revenus.
Lorsque la crise asiatique a éclaté en janvier, c'est seulement après que les actionnaires aient exercé de fortes pressions sur les banques qu'à la fin janvier, la banque Toronto-Dominion, quelques lundis après le début de la crise, a finalement fait connaître sa situation en Asie. Elle ne l'a pas fait pays par pays, mais seulement pour l'ensemble de la région, et seulement après que les actionnaires aient exercé suffisamment de pression. Les autres banques ont suivi car la Toronto-Dominion avait rompu les rangs et divulgué cette information. Mais avant cela, elles étaient toutes d'accord pour refuser de dire à leurs actionnaires quels étaient leurs risques en Asie, sans parler de leurs profits et pertes sur une base annuelle. Tout cela devrait être dévoilé.
De nombreuses autres industries qui exercent leurs activités dans d'autres pays doivent divulguer, pays par pays, leurs risques, ainsi que leurs profits et pertes. Nous devons les tenir responsables pour être sûrs qu'elles ne perdent pas d'argent dans leurs nombreuses activités outre-mer et que nous ne les subventionnons pas en les laissant nous escroquer ici.
Le sénateur Spivak: C'est pour cela que je pose la question. Je crois qu'il y a un rapport entre les sommes énormes prélevées pour les grandes sociétés, comme dans le cas des crédits à long terme qui comportent des frais initiaux de 10 millions de dollars, et les frais imposés aux gens ordinaires.
J'aimerais revenir à la question du programme de réinvestissement communautaire qui, d'après vous, fonctionne bien aux Etats-Unis. L'intervenant précédent vous a demandé quelle était la différence entre votre approche et celle du groupe de travail MacKay.
Je crois savoir qu'un projet de loi d'initiative parlementaire a été rejeté par la Chambre des communes. Pensez-vous que ces recommandations sont suffisantes, ou croyez-vous qu'il serait souhaitable, si les recommandations du groupe de travail MacKay ne sont pas mises en oeuvre, de réexaminer cette question pour voir quel genre de loi on pourrait élaborer pour mettre en oeuvre un programme de réinvestissement communautaire?
M. Conacher: Comme le sénateur Kirby, je pense que le système fonctionne très bien aux États-Unis et qu'il fonctionnerait bien ici; il faudrait le mettre en application, fusion ou non.
Le système décrit dans le projet de loi proposé par Réal Ménard prévoyait l'établissement d'un quota que tout organisme de crédit devrait réinvestir dans la collectivité qui place son argent chez lui. Notre coalition n'est pas d'accord avec ce système, car nous ne pensons pas qu'il soit possible de fixer un quota, ni que cela soit une bonne idée. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent aux États-Unis. Aux États-Unis, le système ne s'applique pas uniquement aux banques. Il s'applique à tout établissement qui accorde des prêts hypothécaires et des prêts aux entreprises d'une certaine importance. La demande, et la façon dont les établissements y satisfont, sont enregistrées collectivité par collectivité. Aux Etats-Unis, on la répartit également selon la race, le sexe et le niveau de revenu, en plus des quartiers.
Il serait très profitable pour le gouvernement et les consommateurs au Canada de savoir si leurs établissements de crédit répondent à la demande légitime. Nous voulons également avoir une idée des coefficients de pertes sur prêts et de défauts de paiement sur prêts, pour déterminer s'il existe une demande légitime; en d'autres termes, nous voulons connaître les risques liés aux prêts collectivité par collectivité.
Un des buts de la loi américaine est de vous donner, à vous, le consommateur, le droit de connaître la situation afin que vous puissiez placer votre argent dans un établissement qui soutient votre collectivité. À l'heure actuelle, personne ne sait, collectivité par collectivité, quels établissements appuient ou non la collectivité. L'autre avantage est que le gouvernement peut savoir quels sont les établissements qui ont de bons résultats et qu'il peut ainsi mettre en place des mesures qui incitent à améliorer le rendement. Et, troisièmement, cela permet au gouvernement de savoir dans quels endroits il n'existe aucun établissement qui fonctionne bien et il peut alors prévoir des subventions et, par exemple, demander à la Banque de développement du Canada d'occuper un créneau délaissé par les banques, ce qui est son rôle, ou de leur servir de complément en comblant certains lacunes en matière de crédit. On peut également encourager d'autres établissements comme les caisses de crédit à jouer ce rôle.
La loi répond très bien à ces trois besoins aux États-Unis, et le ferait également très bien ici, au Canada, mais pas au moyen de quotas. Il suffit de suivre la demande d'investissements et de services en matière de prêts et de vérifier ensuite si cette demande est satisfaite et si elle est légitime. Lorsque les demandes légitimes ne sont pas satisfaites, on fait prendre des mesures correctrices, comme cela se fait aux États-Unis, et, comme cela se fait aux États-Unis également, on n'autorise pas un établissement à prendre de l'expansion s'il dessert mal les gens. Voilà comment le système devrait fonctionner ici.
Le sénateur Oliver: Le témoin a commencé aujourd'hui en nous citant un article du magazine Maclean's à propos d'un manuel de la Banque Royale. Je me demande s'il serait possible de remettre cet article au comité afin que nous puissions en prendre connaissance dans son intégralité.
M. Conacher: Cela ne pose aucun problème. Et je serais ravi de me représenter devant vous n'importe quand.
Le sénateur Joyal: Ainsi que vous l'avez suggéré, monsieur le président, j'aimerais que le témoin revienne en temps opportun, car je ne voudrais pas empiéter sur le droit de qui que ce soit autour de la table, de poser des questions au témoin, mais si certains membres du comité ont eu tout le loisir d'interroger le témoin, d'autres n'ont pas eu cette possibilité. Honnêtement, il y a d'autres points du rapport MacKay dont j'aimerais parler et je pense que nous devrions en avoir la possibilité.
Le vice-président: Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: Nous allons donc inviter à nouveau M. Conacher.
Monsieur Conacher, vous avez soulevé de nombreuses questions intéressantes qui donnent à réfléchir.
Nous allons à présent donner la parole aux représentants de la Canadian Automobile Dealers Association, messieurs Huw Williams et Gord Hoddinott.
Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, j'aimerais invoquer le règlement. J'aimerais signaler un conflit d'intérêt avant que nos prochains témoins ne prennent la parole. Notre cabinet juridique représente Chrysler Credit. Nous nous occupons de tout l'aspect juridique des activités de location de Chrysler au Canada. Je m'abstiendrai donc d'intervenir durant cette partie de la discussion. J'aimerais que le greffier prenne note du conflit et précise que je me retire de la discussion sur ce sujet.
Le vice-président: Il s'agit d'une séance ouverte et vous pourriez intervenir sans problème, mais si tel est votre souhait, je suis d'accord.
Le sénateur Kelleher: Je préférerais. Ce sont de très gros clients.
Le vice-président: M. Huw Williams est directeur des affaires gouvernementales à la Canadian Automobile Dealers Association. M. Gord Hoddinott est président de Campbell Ford, à Ottawa, et également l'un des dirigeants de la Canadian Automobile Dealers Association.
M. Gord Hoddinott, président, Campbell Ford, Canadian Automobile Dealers Association: Monsieur le président, je siège au comité qui est chargé d'étudier les banques et la location-vente. C'est là mon rôle dans la CADA.
Le vice-président: Veuillez commencer.
M. Hoddinott: Merci, messieurs les sénateurs, de nous donner la possibilité de vous présenter nos points de vue de concessionnaires et petits entrepreneurs, sur les changements proposés à la Loi sur les banques qui concernent la location-vente de voitures.
Je suis certain que vous connaissez tous personnellement des concessionnaires automobiles. Du moins je l'espère, et je suis certain que vous savez beaucoup de choses à leur propos. En bref, il existe environ 3 700 concessionnaires de voitures au Canada. Nous employons environ 100 000 Canadiens. Nous faisons don chaque année de dizaines de millions de dollars à des oeuvres de charité et activités communautaires dans nos divers établissements.
Le rapport MacKay contient plusieurs recommandations intéressantes. Les dispositions visant les arrangements de ventes liées et la protection des consommateurs méritent d'être prises en considération. Il ne fait guère de doute non plus que le travail réalisé par le groupe MacKay aura une grande influence sur la forme que prendra le secteur des services financiers canadien à l'avenir. De fait, le mandat du groupe de travail consistait entièrement à définir une vision du secteur des services financiers pour le prochain siècle. Le problème, cependant, pour les concessionnaires automobiles et leurs employés, c'est que cette vision, où il est question de la grandeur des banques, ne tient pas compte de l'ensemble de la gamme des intérêts canadiens.
En résumé, le rapport MacKay offre une vision de ce qui convient au secteur des services financiers et aux banques. Il ne tient pas compte de ce qui convient aux petites entreprises, de ce qui convient aux petites collectivités, à l'industrie automobile, ni aux consommateurs à long terme.
Je ne suis pas venu pour attaquer gratuitement le rapport MacKay. Ce ne serait pas utile et ce serait déplacé. Je dois toutefois faire remarquer que le groupe de travail a été constitué à la demande des banques et qu'il s'est dès le début concentré sur les besoins des banques. Les banques ont établi l'ordre du jour.
J'estime qu'il est important que votre comité ne se penche pas seulement sur l'ordre du jour des banques, mais examine les effets plus larges sur tous les secteurs de la société canadienne. Ceci étant dit, je vais vous dire où, à mon avis, le rapport MacKay a fait des erreurs.
Le rapport MacKay se fonde largement sur des comparaisons avec le marché américain et affirme que l'arrivé des banques sur le marché de la location y a bien fonctionné, et que cela devrait donc bien se passer ici. Nous ne vivons pas aux États-Unis, Dieu merci, et il y a de nettes différences entre le secteur bancaire canadien et celui des États-Unis qui font que ces comparaisons entre les marchés de la location ne sont pas valables.
Premièrement, les concessionnaires américains ont le choix entre un bien plus grand nombre de banques que les concessionnaires canadiens. Deuxièmement, les banques canadiennes exercent un contrôle sans précédent sur les services financiers nationaux par rapport aux États-Unis. Et enfin, le marché canadien de la location de voitures comprend un pourcentage bien plus élevé de sociétés de location indépendantes appartenant à des concessionnaires, et financées par les banques, que le marché américain.
Le rapport MacKay avance également que puisque les caisses populaires louent des véhicules directement aux consommateurs au Québec, pourquoi les banques ne pourraient-elles pas le faire? Et bien, ce n'est pas le cas.
Au Québec, les caisses populaires ont une entente écrite avec les concessionnaires automobiles voulant qu'elles ne louent pas directement. Car elles comprennent qu'il y a conflit d'intérêt et c'est pourquoi elles cherchent à s'associer aux petites entreprises et non à leur faire concurrence. Le rapport critique avec force détails les services financiers des constructeurs automobiles qu'il considère comme des sociétés étrangères, mais ce que le rapport ne dit pas, c'est que des sociétés comme Ford Credit ont joué un rôle crucial au cours de tous les cycles économiques, alors que les banques abandonnent généralement les concessionnaires lorsque l'économie va mal.
Je peux en parler personnellement puisque je suis dans ce secteur depuis 1978, et que j'ai vécu la crise des années 80 durant laquelle bien des concessionnaires automobiles auraient fait faillite sans l'aide des services de financement des constructeurs. Dans le fonds, ces sociétés de financement ont de bonnes raisons de garder les concessionnaires en activité, puisqu'ils distribuent la production du constructeur. De toute évidence, les banques n'ont pas la même motivation. Bien des concessionnaires auraient fait faillite, alors qu'ils sont très rentables et emploient de nombreux Canadiens aujourd'hui.
Le groupe de travail indique dans son rapport qu'il n'a pas eu le point de vue de l'Association des consommateurs du Canada sur la question de la location-vente. Au cours du dernier passage en revue de la Loi sur les banques, le président de l'Association des consommateurs du Canada a dit envisager favorablement la venue d'un nouveau concurrent en principe. Mais après avoir examiné les deux aspects de la question, l'Association s'est rendu compte que le fait d'ouvrir la porte aux banques présenterait un risque à long terme.
Permettez-moi de demander à tous les sénateurs autour de la table à combien d'entre eux des Canadiens ont demandé que l'on autorise les banques à louer des voitures? Ou encore, combien d'entre vous ont ressenti une pression du public pour que les banques soient autorisées à étendre leurs pouvoirs?
Dans son document de référence # 2 qui porte sur la location, le groupe de travail dit essentiellement que si la location est un marché hautement compétitif, les banques ne parviendront pas à dominer le secteur ou à se l'approprier. Mais le fait est que les banques, vu leur taille et leurs ressources, ont la capacité de dominer le marché, et que les consommateurs en feront finalement les frais.
De même, le groupe de travail se trompe complètement lorsqu'il affirme, à la page 108, que ce sont les services de location des constructeurs qui seront les plus touchés, plutôt que les concessionnaires. D'une part les sociétés de location des concessionnaires feront face à une pénurie de crédit et d'autres part elles perdront de leur valeur puisque les banques feront l'acquisition de parts de marché de court terme. Les sociétés de location indépendantes des concessionnaires seront les premières à fermer leurs portes. Nous dépendons des banques pour obtenir les capitaux qui nous permettent de louer nos véhicules directement de nos services de location, qui sont très rentables et constituent une partie vitale de nos activités, surtout en période de ralentissement de l'économie. Ils nous procurent un flot régulier de contrats et ne sont pas aussi cycliques que les ventes.
Nous ne sommes pas d'accord non plus avec le groupe MacKay et l'Association des banquiers canadiens lorsque ceux-ci affirment que l'arrivée des banques sur le marché de la location ne nuira pas aux concessionnaires puisque notre part de marché est restreinte. Le rapport technique sur les sociétés de location-vente qui accompagne le rapport MacKay indique clairement qu'il existe bien au-delà de 1 000 concessionnaires qui possèdent leurs propres services de location, et qui dépendent des banques pour leur financement. L'argument selon lequel seulement 50 concessionnaires louent plus de 200 véhicules par an et que les autres 1 000 louent environ 25 unités par an démontre simplement que nous sommes réellement de petits entrepreneurs. Ce que les banques oublient de mentionner, c'est que le concessionnaire moyen au Canada ne vend que 350 unités par an. La question est de savoir si en accordant près de la moitié des activités de location aux banques, on dessert la collectivité des petites entreprises et les Canadiens?
J'estime que le comité devrait savoir également que l'arrivée des banques sur le marché de la location directe de véhicules pourrait menacer inutilement la stabilité de la structure financière du Canada. Dans un récent numéro du Financial Post on pouvait lire le titre suivant «Japan Leasing en train de couler dans un océan de mauvaises créances». Comme vous le savez peut-être, Japan Leasing était la deuxième entreprise de location-vente du Japon, et elle vient de demander la protection des tribunaux. Sa faillite est la deuxième en importance au pays, depuis la dernière guerre.
Devrions-nous soumettre les Canadiens aux mêmes risques que constituent le crédit excessif et les erreurs de calcul des valeurs résiduelles? C'est un sujet dont vous aurez à débattre.
En fait, le document technique MacKay sur la location-vente compare les activités de location aux États-Unis à un parcours de montagnes russes. Les banques entrent et sortent de ce marché à cause des énormes pertes résiduelles. En fin de compte, ce sont les clients et les petites entreprises qui en font les frais.
En dernier lieu, laissez-moi vous dire, afin que cela se sache, pourquoi les banques veulent entrer dans la location-vente. Elles veulent bénéficier de l'avantage fiscal de la déduction pour amortissement afin de soustraire des milliards de dollars de profit à l'impôt. Voilà pourquoi. C'est aussi simple que cela.
L'avantage fiscal de la déduction pour amortissement est présentement réparti dans l'ensemble du Canada puisque des milliers de concessionnaires se prévalent de cet avantage pour réinvestir dans leurs affaires. Le rôle que jouent les économies d'impôt réalisées grâce à la déduction pour amortissement en permettant aux petites entreprises de réinvestir cet argent dans l'expansion continue de leurs activités est important.
En permettant aux banques de faire de la location directe, le gouvernement fédéral diminuerait la capacité des petites entreprises de réinvestir, au profit des banques qui s'en serviraient pour soustraire environ 3 milliards de dollars de profits à l'impôt chaque année.
Je crois que les clients sont satisfaits de la situation actuelle. C'est ce que me disent nos clients à Campbell Ford. Même une étude réalisée par Goldfarb a révélé que la plupart des clients renouvelleraient des contrats de location et que le processus auquel ils ont été soumis était simple.
Le magazine américain Consumer Report, dans son numéro de décembre 1997, indiquait que les consommateurs canadiens jouissent de nets avantages par rapport aux Américains en ce qui a trait à la transparence des contrats. Le rapport MacKay a omis de mentionner ce fait.
Outre les raisons que j'ai déjà mentionnées, les concessionnaires automobiles sont contre l'arrivée des banques sur le marché de la location-vente pour les motifs suivants: premièrement, cela fera perdre des milliers d'emplois dans tout le Canada. Car s'il y a moins de concessionnaires, il y aura moins d'installations pour desservir les automobilistes.
Deuxièmement, les banques bénéficient déjà d'une importante portion de nos activités, y compris jusqu'à 50 p. 100 de nos activités de location-vente. Désormais, elles ne veulent plus simplement les intérêts sur leur argent, mais la déduction pour amortissement également.
Troisièmement, les banques ont accès à nos renseignements les plus confidentiels, dont les portefeuilles de location-vente actuels, les dates de renouvellement des contrats et les données sur les paiements. En les laissant entrer en concurrence avec les petites entreprises, on créerait un sérieux conflit d'intérêt. Elles auraient un avantage injuste et on peut se demander ce que cela aurait comme effet sur les ventes liées, compte tenu de ce qu'elles sauraient sur les antécédents financiers et les habitudes d'achat des consommateurs.
Quatrièmement, les concessionnaires sont tenus d'avoir des salles d'exposition et des ateliers. On ne demandera pas aux banques d'investir davantage dans la collectivité. Elles n'ouvriront pas de concessions et ne créeront pas d'emploi. Elles ne seront pas là pour assurer un service après-vente à leurs clients, accepter les réclamations au titre des garanties, fournir des pièces de rechange et faire des travaux de carrosserie, des choses indispensables surtout en cas d'accident.
Cinquièmement, faire accéder les banques au marché de la location, ne vise pas à les préparer à affronter le marché international. La démarche fait plutôt partie de leur objectif global d'intégration verticale sur le marché national. Il nous faut davantage et non moins de diversification dans le processus de prise de décision financière au Canada, et moins de domination par les institutions financières sur le marché intérieur.
Pour finir, j'aimerais citer l'ancien sous-ministre adjoint responsable de la politique du secteur financier, Nick Le Pan. Lorsqu'il s'est présenté devant votre comité lors de la révision de la Loi sur les banques de 1990, il a dit, essentiellement, que le gouvernement avait été amené à limiter les pouvoirs des banques dans le marché de la location en raison de l'important conflit d'intérêt que cela pourrait créer au niveau tout à fait local. On n'était pas convaincu que ces conflits d'intérêts pourraient être gérés par des règlements et des restrictions si l'on permettait aux banques de se lancer dans la location-vente.
Il a ensuite donné l'exemple d'un gérant de banque de Perth, en Ontario, qui accorde des crédits à court et long terme à la personne au coin de la rue qui fait de la location-vente. M. Le Pan ne voyait pas comment on pourrait concevoir le cas d'un banquier qui prendrait des décisions en matière de crédit pour la société de location du concessionnaire du coin de la rue, tout en menant le même genre d'activité dans sa banque.
N'oubliez pas qu'empêcher les banques d'étendre davantage leurs pouvoirs revient à protéger des emplois dans les petites localités, à protéger les consommateurs contre un effritement de leurs choix, à préserver une concurrence robuste et saine, et à protéger le gagne pain de petits entrepreneurs indépendants.
Le sénateur Stewart: J'avais une question, tout à l'heure, qui m'a été suggérée dans une certaine mesure par la question du sénateur Callbeck. Il serait intéressant de connaître la réaction du présent témoin au problème.
Vous avez signalé tout à l'heure que les concessionnaires automobiles font des contributions à la collectivité -- c'est-à-dire qu'ils appuient les activités communautaires. On nous souligne l'importance, dans le rapport MacKay, à compter de la page 168, de l'imputabilité envers les collectivités. Vers la fin de cette discussion, on recommande que les établissements de dépôt et les compagnies d'assurance-vie relevant de la réglementation fédérale soient tenus de faire chaque année un bilan des responsabilités envers la collectivité.
L'idée semble bonne, mais j'ai des réserves. J'espérais que le témoin précédent les dissiperait, mais compte tenu du fait que vos organisations participent à certaines de ces activités communautaires, vous pouvez peut-être m'aider à revenir sur ces réserves. J'essaie d'imaginer ce que les rapports annuels pourraient contenir. On nous parlerait de soutien aux activités communautaires. On y trouverait la participation des employés aux services communautaires et les actes philanthropiques. Si nous retenons cette recommandation, n'aurons-nous pas simplement une loi exigeant ce que j'appellerai un exercice annuel de «vantardise».
Ma question est la suivante: qui paie pour cet exercice annuel? Ne me dites pas que c'est le président de la banque. Ne me dites pas que ce sont les actionnaires des banques. Non. On fera un effort pour augmenter les contributions à la collectivité et alors le coût -- qu'il s'agisse du coût pour convaincre les employés de participer aux bonnes oeuvres ou du coût de la philanthropie -- sera reporté sur les consommateurs. Nous nous retrouverons avec une nouvelle taxe à la consommation destinée à aider les banques à mieux paraître. C'est ce qui me dérange. Je suis d'accord avec le but recherché, mais je crois que les moyens sont très mauvais.
Étant donné votre expérience dans ce domaine du soutien à la collectivité, pouvez-vous me donner des raisons de mettre mes réserves de côté?
M. Williams: Les concessionnaires sont fiers de leur contribution aux collectivités locales. Cette contribution peut être évaluée à 7 000 $ en moyenne par concessionnaire. Elle se fait à un niveau très local. Le fond de la question est le suivant: quelle est la différence entre ce type de contribution et ce que font les banques? Vous l'avez très bien dit. Les contributions des banques viennent de grandes organisations et se différencient de celles des concessionnaires automobiles. Ce sont de petites entreprises familiales qui aident les oeuvres de charité locales, par exemple, de Summerside à Sherbrooke. C'est une façon très différente de donner. S'agissant des banques et de leurs contributions, les concessionnaires n'ont rien contre. S'il y a une chose dont nous voulons vous convaincre, c'est que nous ne sommes pas contre la participation des banques à la collectivité. Elles font beaucoup de bonnes choses. Nous disons ceci: ne les laissez pas dominer le marché de sorte que d'autres ne puissent pas également prendre part à ce processus.
Quant à savoir s'il faudra taxer le consommateur ou si les banques prélèveront des frais de service pour payer ce genre de choses, c'est une question dont il vous faudra vous occuper. Nous ne sommes peut-être pas bien placés pour répondre à cette question.
M. Hoddinott: Le fait que les concessionnaires soient tous des hommes d'affaires indépendants dans leurs propres collectivités présente un gros avantage. Ils ont des relations avec de nombreux groupes de citoyens, des hôpitaux et des organisations. Les organismes de charité sollicitent leur aide. Nous ne le faisons pas pour avoir de la publicité; nous en faisons déjà assez. Nous le faisons parce que nous faisons partie de la collectivité. Nous faisons bien plus que vous ne l'imaginez sans doute.
Le sénateur Oliver: La partie la plus convaincante de votre argument et de votre présentation devant nous est la question du conflit d'intérêt. Vous êtes très persuasif lorsque vous citez Nick Le Pan. Je vais y réfléchir. Lorsque d'autres témoins se présenteront devant nous, je leur poserai des questions sur le conflit d'intérêt car je ne connais pas la réponse.
Le rapport MacKay ne dit pas que les banques devraient se lancer dans la location-vente immédiatement. On parle du 1er janvier 2002. N'est-ce pas un délai raisonnable pour donner le temps aux constructeurs de s'adapter à la nouvelle réalité?
M. Hoddinott: Nous sommes tout à fait contre l'arrivée des banques sur le marché de la location. C'est-à-dire dans son aspect commercial. Qu'elles le fassent maintenant ou plus tard, je ne crois pas que la façon dont les constructeurs gèrent leurs affaires changera beaucoup. Ils font déjà beaucoup de location et ils ont pas mal uniformisé la démarche. Les choses ne pourraient pas aller beaucoup mieux qu'actuellement pour les consommateurs. Les taux sont très faibles et les valeurs résiduelles sont très élevées. Ce sont des gens qui ont une grande expérience de l'industrie. Je ne prévois pas grand changement qui profiterait aux consommateurs au cours des trois prochaines années et qui faciliterait l'arrivée des banques sur le marché de la location.
M. Williams: La perte de crédit dont souffriront les concessionnaires pour l'exploitation de leurs propres services de location sera importante. Campbell Ford, par exemple loue en moyenne 100 unités par an par ses services internes. En 2002, ils seront pris entre l'arbre et l'écorce. Les banques n'auront plus le crédit nécessaire pour financer ces opérations puisqu'elles commenceront à faire une concurrence directe sur ce marché.
Le sénateur Oliver: Ce ne sera pas nécessairement le cas.
M. Williams: Comment donc?
Le sénateur Oliver: Ils pourront quand même demander un crédit à la banque ou trouver d'autres sources de crédit pour financer leurs affaires.
M. Williams: Les concessionnaires ne cessent de nous dire qu'ils ont un choix de plus en plus restreint pour le financement de leurs activités de location. Je voudrais maintenant vous faire part d'une anecdote.
Un concessionnaire de Colombie-Britannique, à cause de divers arrangements financiers passés avec diverses banques, nous a dit: «Je veux financer mes services de location auprès d'un établissement qui ne soit pas une banque». National Trust a alors financé ses opérations de location. Et, bien sûr, un mois plus tard, la Banque de Nouvelle-Écosse reprenait le National Trust. Il a alors opté pour un portefeuille de location à Canada Trust, qui a ensuite vendu son portefeuille, à CIBC dans ce cas particulier. Ce concessionnaire m'a dit: «Mes sources de financement pour mes activités de location maison sont de plus en plus limitées. Et je vais subir la pression de la concurrence car les mêmes personnes qui décideront de mon crédit et des ratios au sein de mon comité de location interne seront en concurrence avec moi». Le fait est que les choses ne changeront pas entre aujourd'hui et l'an 2002.
Le sénateur Oliver: Le principal thème du rapport du groupe de travail MacKay est le suivant: «Renforçons le secteur des services financiers en accroissant la concurrence sous de nombreuses formes». Permettez-moi de vous donner quelques chiffres.
Les services financiers des constructeurs automobiles contrôlent environ 80,2 p. 100 des contrats de location de véhicules de détail signés l'année dernière, par rapport à 10,1 p. 100 pour les concessionnaires automobiles et 9,7 p. 100 pour les agences de location commerciales. Ne peut-on dire que ce sont les constructeurs qui préservent leur position protectionniste? De toute évidence les «trois grands» dominent la situation. Pourquoi ne pas ouvrir le marché à davantage de compétition? C'est ce que nous conseille de faire le rapport MacKay.
M. Williams: Concernant ces chiffres, il importe de prendre en considération l'état de la situation à un moment donné. En ce moment, il existe un surplus de l'offre de véhicules dans le monde. Les usines produisent trop de véhicules et elles essaient de forcer l'écoulement de leur production aussi rapidement que possible. C'est pour cela que l'on trouve des financements à 1,9 p. 100 et 0 p. 100. Dans le fond, elles favorisent la vente de ces véhicules en pratiquant des taux aussi faibles que possible. Pour celui qui a sa propre entreprise de location, il est impossible de soutenir la concurrence des fortes valeurs résiduelles fixées par les constructeurs et des faibles taux d'intérêt en même temps. C'est le consommateur qui sort gagnant de cette situation, lorsque les constructeurs se montrent agressifs.
Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a 21 constructeurs en concurrence sur le marché. Il ne s'agit pas simplement de choisir entre la domination d'un seul constructeur plutôt que de trois banques.
Je voudrais également attirer votre attention sur l'impression erronée que les banques ne font pas de location. Nous avons parlé de la façon dont les banques financent les concessionnaires pour leur permettre d'exploiter leurs propres services de location, mais elles ont également un programme très dynamique que l'on appelle de la quasi-location. Un bon exemple serait le «Dealer Value Lease Plan» de la Banque de Nouvelle-Écosse. C'est une copie conforme du contrat de location-vente de GMAC ou de Ford Credit, la seule exception étant que la banque ne s'approprie pas le titre du véhicule car la Loi sur les banques ne l'y autorise pas. La banque peut fournir le financement et l'argent mais elle n'achète ni ne vend de véhicules. Les concessionnaires se satisfont du statu quo car ainsi les banques restent en dehors du marché automobile. Mais si les banques veulent intervenir sérieusement en introduisant des taux d'intérêt plus faibles sur le marché -- et il y a déjà 450 concessionnaires qui utilisent le plan de location des concessionnaires de la Banque de Nouvelle-Écosse -- cela ne leur donne pas le titre à la CADA. Elles ne sont pas dans le marché de l'automobile. C'est-à-dire qu'elles n'en font pas le commerce, si vous voyez ce que je veux dire.
Le sénateur Joyal: Merci pour votre présentation de ce matin. J'aimerais vous référer à la page 4, où vous dites ceci:
Le rapport MacKay avance également que puisque les caisses populaires louent des véhicules directement aux consommateurs au Québec, pourquoi les banques ne pourraient-elles pas le faire?
Ensuite vous dites:
Et bien, ce n'est pas le cas. Au Québec, les caisses populaires ont une entente écrite avec les concessionnaires automobiles voulant qu'elles ne louent pas directement. Car elles comprennent qu'il y a conflit d'intérêt et c'est pourquoi elles cherchent à s'associer aux petites entreprises et non pas à leur faire concurrence.
Si le gouvernement parvient à conclure une sorte d'entente en vertu de laquelle les banques auraient plus ou moins le même arrangement avec les banques que celui des caisses populaires avec les concessionnaires, cela vous conviendrait-il? Autrement dit, la question du conflit d'intérêt serait réglée. Seriez-vous d'accord si le problème était réglé ainsi au Québec?
M. Williams: Ce qu'il y a d'intéressant dans l'exemple québécois, c'est que les caisses populaires ont reconnu le fait, mais elles fonctionnent de la même façon que les banques avec le plan de location des concessionnaires de la Banque de Nouvelle-Écosse.
Les concessionnaires de partout au pays nous disent qu'avec le statu quo -- et il ne s'agit pas simplement du plan de la Banque de Nouvelle-Écosse, la CIBC et la TD en ont également un -- les banques ont toutes sortes de façons d'offrir un financement indirectement aux consommateurs en vertu de la Loi sur les banques actuelle. Cet effort pour offrir ces plans directement est simplement un truc fiscal et une façon de profiter de leur liste de clients, de sorte que lorsque vous allez dans succursale bancaire, vous pouvez louer un véhicule et l'assurer, tout en contractant en même temps une hypothèque, pendant que vous êtes là. J'espère que cela répond à votre question.
M. Hoddinott: Tout d'abord, la déduction pour amortissement contribue largement à permettre aux hommes d'affaires de notre catégorie d'épargner du capital et de le réinvestir dans leurs propres entreprises. Il s'agit d'un secteur à forte intensité de capital et nous serions perdant dans un tel scénario.
Le coût du crédit également m'inquiète. Si l'on permet aux banques de se lancer sur le marché de la location, elles pourraient facilement faire monter les prix du crédit offert en haussant les taux d'intérêt pour s'aligner sur ce qu'elles voudraient -- même si on les laissait pénétrer le marché indirectement comme vous le dites. En ce moment elles doivent offrir des taux concurrentiels aux concessionnaires car il existe d'autres sources de capitaux. Si elles intervenaient à l'autre bout, les coûts augmenteraient, j'en ai bien peur. Et les taux seront plus élevés pour tout le monde.
Le sénateur Joyal: Puisque vous dites que les caisses populaires ne louent pas directement à leurs clients, ne serait-il pas possible que les banques ne louent pas directement, mais qu'elles aient un arrangement semblable à celui des caisses populaires de sorte que le marché soit largement ouvert et que le consommateur ait la possibilité de s'en prévaloir s'il le désire sans être soumis à la pression dont vous parlez?
M. Hoddinott: Nous devons avoir accès aux fonds. C'est en gros ce qui se passe en ce moment. Nous avons accès aux fonds par l'entremise de nos propres opérations de location, et nous louons et nous gardons le titre de propriété du véhicule à notre nom. C'est ce qui permet aux taux des caisses d'être concurrentiels également, car elles savent que les banques ne louent pas directement, elles doivent le faire par l'intermédiaire des concessionnaires.
Je crains que lorsque les banques feront le même genre de chose, il y aura davantage de pression pour que les taux restent à de faibles niveaux car il y a une autre source de capital, et elles augmenteront à nouveau les taux. Nous devons avoir accès à des fonds à des taux intéressants.
M. Williams: Du point de vue du consommateur, lorsqu'un consommateur va chez un concessionnaire -- et je vais prendre l'exemple de Bélisle Automobiles car je sais qu'il utilise les plans de location de la Banque de Nouvelle-Écosse ici, à Ottawa -- le client a le choix entre un contrat de GMAC, un contrat de la Banque de Nouvelle-Écosse et le contrat des services indépendants de Bélisle, qui est financé par une banque. Le concessionnaire doit alors offrir au client le meilleur contrat possible -- que ce soit le plan de la Banque de Nouvelle-Écosse, le contrat de location GMAC ou le sien. S'il n'offre pas au client le meilleur de ces trois choix, le concessionnaire GM de l'autre côté de la rue l'offrira et fera la vente à sa place.
Dans l'état actuel des choses, les banques ont une façon de faire concurrence, comme au Québec. C'est pourquoi il est important de mettre fin à ce mensonge qui veut que les banques ne soient pas dans la location. La question n'est pas de savoir si les banques devraient s'occuper de location, car elles le font; la question est de savoir comment. Elles veulent tout.
Les limites imposées par le gouvernement protègent généralement les concessionnaires automobiles en empêchant les banques d'acheter et de vendre des véhicules en s'appropriant les titres. C'est le fond de l'histoire.
Le sénateur Joyal: Selon le président de la Banque Royale, qui s'est présenté devant nous plus tôt cette semaine, cela se fait dans d'autres pays, alors pourquoi pas au Canada? C'est un argument irrésistible, mais d'après ce que vous dites, il semblerait que la situation au Canada ne soit pas tout à fait comparable à celle des États-Unis.
Pouvez-vous nous dire comment la participation des banques du Royaume-Uni au marché de la location-vente se compare à la situation du Canada?
M. Williams: D'abord, au Royaume-Uni, le nombre de locations est négligeable. Les gens ne louent pas leurs véhicules. Voilà pour un exemple.
Ensuite, aux États-Unis, la proportion des locations, soit probablement la plus élevée de celles que nous connaissons, est d'environ 23 p. 100. Ici, au Canada, notre taux de location d'automobiles est plus proche de 46 p. 100 du marché. Pourquoi en est-il ainsi? Dans notre secteur, nous utilisons ce que nous appelons l'indice d'abordabilité des véhicules, dont se sert également Statistique Canada. Il indique combien de semaines il faut pour acheter une voiture. Au Canada, puisque notre revenu disponible est plus faible qu'aux États-Unis et que notre taux d'imposition est plus élevé, les véhicules sont meilleur marché mais il est plus difficile pour les consommateurs de se les procurer. La location est une solution plus intéressante au Canada pour les financer. C'est pour certaines de ces raisons que les services de location indépendants des concessionnaires ont représenté une plus grande proportion du marché. A l'heure actuelle, environ 1 200 concessionnaires, soit un tiers d'entre eux, ont d'importants portefeuilles de location.
D'autre part l'expérience des concessionnaires américains est différente. Nous avons recueilli quelques chiffres l'année passée. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois qu'en gros, vous les trouverez exacts. On dit souvent que nous avons cinq banques au Canada et qu'il y en a 10 000 aux États-Unis. Nous sommes allés dans divers marchés pour voir quels choix les concessionnaires américains avaient à leur disposition. À Chicago, le concessionnaire avait le choix entre quelque 1500 banques; à Los Angeles il avait le choix entre 700; et à Toronto entre sept.
Pour répondre à la question du sénateur Oliver, le problème est que le choix des banques à la disposition des concessionnaires est plus restreint ici. C'est un élément important de notre situation. Aux États-Unis, les concessionnaires ne subissent pas les mêmes pressions concurrentielles de la part de l'industrie bancaire. Ils ont un grand choix; ce sont eux qui mènent le jeu.
M. Hoddinott: Aux États-Unis, il y a un bien plus grand choix. Même si les banques revendiquent le droit de se lancer dans la location en ce moment, j'en ai déjà vu qui avaient fait marche arrière. Je ne sais pas si elles resteraient sur le marché de la location à long terme. Ce ne serait une bonne affaire ni pour les banques ni pour les consommateurs. Par contre les constructeurs y resteront car il s'agit pour eux d'une activité de base.
J'aimerais vous faire remarquer que les constructeurs automobiles se servent de leurs services de location et de financement comme outil de commercialisation pour leurs produits. La compétitivité n'est pas nécessaire dans l'aspect financier de la location puisqu'elle existe déjà dans le secteur de l'automobile qui est extrêmement compétitif. Tous les constructeurs se font concurrence pour le marché de l'automobile. En outre, la location sert d'outil pour la vente de nos produits; et avec notre système de franchise, en vertu duquel nous, les concessionnaires ne représentons qu'un seul constructeur, il n'est pas nécessaire d'accroître la concurrence dans le marché de la location. Elle se fait par le biais des constructeurs et les banques y participent par le biais des concessionnaires avec leurs services internes de location lorsqu'ils sont en concurrence les uns avec les autres pour l'obtention du financement.
M. Williams: À Ottawa, par exemple, il existe 50 concessionnaires automobiles indépendants. Parmi ceux-ci, 13 sont probablement des concessionnaires General Motors dont les propriétaires sont indépendants, qui se font tous concurrence dans cette ville. Les concessionnaires se font concurrence entre eux en proposant de bonnes affaires.
Je ne connais personne qui ait acheté une voiture sans aller vérifier les prix ailleurs. Les succursales bancaires ne se font pas concurrence de la même manière.
Le sénateur Meighen: Ce qui me dérange toujours encore un peu, c'est de constater que l'on s'inquiète autant de voir les banques assumer une position dominante si on leur permet de fusionner. Nonobstant ce que vous venez de dire, nous avons ici trois grandes sociétés qui font de l'argent, les sociétés de financement Chrysler, Ford et GM -- qui dominent le marché de la location à 80 p. 100, je crois, 10,1 p. 100 allant aux concessionnaires et 9,7 p. 100 aux agences de location commerciales.
M. Williams: Le rapport technique donne une répartition plus égale. On nous donne 16 p. 100 du marché. Tout dépend du moment choisi. Et ils ont pris le scénario le pire dans leur recommandation.
Le sénateur Meighen: Je suppose que cela peut se comparer à l'argument des banques qui disent que nous devrions tenir compte non seulement des activités bancaires mais des activités financières générales, et l'on obtiendrait un pourcentage de concentration bien moindre.
C'est ce que je n'arrive pas à me sortir de la tête. Si nous retenons votre position, nous disons «non» à la concurrence dans un marché dominé à 80 p. 100 ou plus par trois joueurs. Selon mes informations, la part des concessionnaires, de 10 ou 16 p. 100, ne va pas en augmentant, mais est en diminuant.
Comment puis-je dire que je suis contre une concurrence accrue?
M. Hoddinott: Je suis un concessionnaire et je peux parler du point de vue des concessionnaires. Je ne peux parler au nom des constructeurs. Ils ont leurs propres organisations et connaissent la situation selon leur propre perspective. Toutefois, à mon avis, ils sont victimes de leur propre succès à cet égard. Ils ont eu recours à la location afin que les véhicules soient plus accessibles lorsque les prix ont grimpé pour les Canadiens. Vous avez signalé qu'il faut plus longtemps pour payer un véhicule et que ce véhicule coûte plus cher qu'aux États-Unis, lorsqu'on tient compte du revenu disponible. Un des moyens qu'ils ont trouvés pour contourner la chose a été de rendre la location attrayante. Ils ont détourné la clientèle vers la location, car elle revenait moins cher que l'achat. Ils ont investi des revenus considérables pour la rendre accessible. Franchement, ils ont simplement payé pour cela. Ils ont acheté cette part du marché.
Les sociétés de financement des constructeurs automobiles ont si bien réussi, car ce qu'elles offraient était si intéressant que même nous, concessionnaires, ne pouvions soutenir leur concurrence dans nos propres établissements. Nous avons laissé la location là où cela est le plus intéressant pour le consommateur, c'est-à-dire, dans ce cas-là, chez le constructeur.
Le sénateur Meighen: Comment un concessionnaire pourrait-il faire concurrence à Ford Credit? Cela m'étonnerait que vous puissiez me proposer une meilleure affaire.
M. Hoddinott: Ils sont prêts à abaisser leurs taux d'intérêt bien en dessous du taux préférentiel; ils sont prêts à établir des valeurs résiduelles très élevées, ce qui réduit les paiements; et ils assument le risque. Les contrats sont ouverts. Le client peut rapporter le véhicule n'importe quand sans obligation.
Le sénateur Meighen: Et pourtant ils font beaucoup d'argent, et je ne suis pas contre cela.
M. Hoddinott: Cela reste à voir, car avec la location, il faut attendre d'avoir récupéré tous les véhicules avant de savoir si l'on a fait de l'argent.
Le sénateur Meighen: Selon les chiffres que j'ai, Chrysler Credit a fait 51,6 millions l'année dernière, par rapport à 8,4 millions en 1983.
M. Hoddinott: A ma connaissance, les résultats de cette année sont très différents.
M. Williams: La question est de savoir si le fait de permettre aux banques de pénétrer le marché le rendra plus compétitif. Voyons cette répartition de 85-15 p. 100 du marché.
Le sénateur Meighen: On suppose que les taux baisseraient.
M. Williams: Les banques ont déjà la possibilité, par le biais du plan de location des concessionnaires de la Banque de Nouvelle-Écosse et autres produits dont nous avons parlé, d'offrir un taux d'intérêt de 1,9 p. 100 au lieu de 8 p. 100. La première part de marché qu'elles s'approprieront sera celle des services de location des concessionnaires qu'elles financent actuellement car elles pourront leur faire concurrence. Campbell Ford ne peut offrir un financement à 1,9 pour cent si Ford Credit n'est pas derrière. Elles chercheront à prendre la part de gâteau des concessionnaires. Ce seront les premiers à tomber.
La question est vraiment de savoir si vous voulez que les concessionnaires puissent avoir leurs propres institutions financières indépendantes pour offrir des services de location intéressants à leurs clients, ou si vous voulez donner cette activité aux banques.
Le sénateur Angus a dit quelque chose qui mérite d'être noté. Je ne suis pas ici pour défendre les constructeurs, mais les usines d'Oshawa et de Windsor ont réalisé d'importants investissements au Canada. Lorsque les concessionnaires ne peuvent obtenir une assurance contre la grêle, Ford Credit les assure parce que Ford Credit veut garder les petites entreprises en activité. Pour le petit entrepreneur, peu importe où se trouve le siège de Ford Credit; tout ce qui lui importe c'est qu'il aide les petites entreprises à rester en activité.
Le sénateur Meighen: Les banques peuvent louer du matériel lourd, si je comprends bien.
M. Williams: Oui, elles peuvent, lorsqu'il s'agit de véhicules de plus de 21 tonnes.
Le sénateur Meighen: Ça n'a pas toujours été le cas. Quelqu'un se souvient-il depuis quand?
M. Williams: Je crois qu'on les a autorisées à le faire en 1980.
Le sénateur Meighen: Avant cela, je suppose, je pouvais me présenter chez mon sympathique vendeur de tracteurs et louer un véhicule par son entremise. Aujourd'hui, le vendeur de tracteurs soit offre ce genre de service soit l'a abandonné et la banque a pris la relève, mais le vendeur de tracteurs est toujours là, je suppose, et, selon l'état de l'économie, fait de bonnes ou de mauvaises affaires. Ne peut-on y voir une certaine analogie?
M. Hoddinott: Les services financiers du fabricant ne participent pas au financement. Je ne sais pas si vous voulez parler de tracteurs agricoles ou de gros camions, lorsque vous dites «tracteur». Elles s'occupent des deux.
Le sénateur Meighen: Vous en savez plus que moi, je vous le concède; n'importe quel matériel lourd.
M. Hoddinott: Les poids lourds, les gros porteurs et ce genre de choses ne font pas partie, et il faudrait une concurrence dans ce domaine pour l'obtention des fonds.
Nous nous occupions de poids lourds à un moment donné, mais plus maintenant. Le problème est que ce secteur exige une forte concentration de capital et que la clientèle est restreinte. Il suffit de quelques pertes pour se trouver en difficulté car les gros camions coûtent entre 60 000$ et 100 000$ et on ne fait pas un très gros volume d'affaires. Dix ou 20 véhicules par an, c'est déjà beaucoup. Et trois ou quatre pertes peuvent anéantir votre portefeuille. Un concessionnaire ne peut assumer un tel risque. Il préfère qu'une organisation plus importante comme une banque s'occupe du matériel lourd.
Le sénateur Meighen: Y a-t-il une ou plusieurs personnes dans votre concession qui se chargent des locations?
M. Hoddinott: Nous faisons deux types de location. Pour la location maison, nous avons un directeur qui s'occupe de ce portefeuille.
Le sénateur Meighen: Est-ce tout ce qu'il ou elle fait?
M. Williams: Tout ce qu'il fait c'est de s'occuper de nos locations maison. Nous avons trois personnes qui travaillent dans ce service dans notre concession. Toutefois, dans nos nouvelles salles de vente, les directeurs, directeurs des ventes et vendeurs connaissent tous très bien les modalités de nos locations de détail.
Le sénateur Meighen: Pensez-vous que si les banques étaient autorisées à pénétrer ce marché, vous seriez forcé de licencier ces gens-là?
M. Hoddinott: Je crois qu'il y aurait un déplacement des activités de nos salles de vente vers les banques et que nous finirions par employer moins de vendeurs, moins de cadres et que notre marge de profit serait réduite, et je crois que cela serait très mauvais pour de petites entreprises comme les nôtres.
M. Williams: Ce que je trouve vraiment injuste, dans cette histoire, c'est que les concessionnaires investissent dans le personnel qui montre les véhicules et prennent le risque d'acheter ces véhicules aux usines. Les concessionnaires ne prennent pas les véhicules en consignation. Il faut acheter les véhicules aux usines et obtenir l'argent nécessaire auprès des banques. Il faut emprunter l'argent pour se procurer le stock et payer des intérêts aux banques. Il nous faut hypothéquer nos bâtiments. Or si vous autorisez les banques à faire de la location, les gens viendront dans nos salles de vente, donneront quelques coups dans les pneus, feront un essai sur route et puis iront à la banque du coin pour signer un contrat de location. Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce scénario.
Le sénateur Angus: J'avais un peu les mêmes inquiétudes et questions que le sénateur Meighen. Vous avez contribué à répondre à certaines d'entre elles. Jusqu'à il y a une dizaine d'années, lorsqu'on louait une voiture, on le faisait en passant par le service de location du concessionnaire. Aujourd'hui, s'il s'agit d'un concessionnaire GM, ce sera un contrat GMAC; si c'est un concessionnaire Ford, ce sera Ford Credit; et cetera. Ce n'est que si vous demandez une voiture étrangère, par exemple, que le concessionnaire semble pouvoir acheter cette voiture en votre nom et vous offrir un contrat par le biais de son service interne. Je crois comprendre qu'il s'agit d'une activité très limitée.
Dans votre introduction, vous avez dit quelque chose qui m'a semblé curieux. Vous avez dit que le groupe de travail MacKay a été établi à la demande des banques. En avez-vous des preuves? C'est la première fois que j'entends cela.
M. Hoddinott: Je ne fais que vous donner mon opinion personnelle sur le sujet. Je ne peux vous donner de renseignements plus précis. L'ordre du jour semblait probanque dès le début. Ce n'est peut-être qu'une supposition, mais c'est mon opinion néanmoins.
M. Williams: Je ne veux pas dénigrer le groupe de travail MacKay. Le traitement que nous a réservé le groupe de travail MacKay était quelque peu différent. Il a posé la question suivante: serait-ce mal si toutes les banques reprenaient les concessions automobiles et les exploitaient comme des Wal-Mart? C'est une question géniale. Si vous examinez les antécédents des gens du groupe, il n'y a personne de l'industrie automobile, ni personne qui ait une expérience dans le commerce de détail. Est-ce qu'ils étudient le système bancaire et l'industrie automobile, ou toutes les industries, pour faire leurs recommandations?
Il est juste de dire qu'ils ont donné une vision qui s'applique à l'industrie des services financiers. Les choses commencent à se gâter lorsqu'ils discutent des canaux de distribution des automobiles. Peut-être n'ont-ils pas la même perspective élargie qui conviendrait pour cette question.
Le sénateur Angus: C'est peut-être la même chose ici. Nous ne sommes pas des concessionnaires automobiles. Nous apprécions que vous vous présentiez devant nous, et que vous le fassiez régulièrement. Cela nous aide à comprendre.
Vous êtes ici au nom des concessionnaires automobiles et non des consommateurs.
M. Williams: Je ne dirais pas cela.
Le sénateur Angus: Les questions du sénateur Meighen s'en suivent. La location de voiture est une autre forme de prêt; au lieu de dépenser d'un coup 50 000$ ou tout autre montant que vaut le modèle que vous choisissez, vous pouvez maintenant obtenir un contrat de location à des taux incroyablement bas puisque les taux d'intérêt, du moins depuis récemment, sont bas. Il me semble que c'est le consommateur qui en profiterait si les recommandations du rapport MacKay étaient appliquées. Ai-je tort? En d'autres termes, j'ai l'impression que vous êtes contre les banques pour d'autres raisons que M. Conacher.
M. Hoddinott: Je suis contre les banques pour la location. J'avoue que je suis un peu sur la défensive à ce sujet, car j'y vois une menace pour nos affaires. Je ne suis pas contre les banques; je fais des affaires avec elles tout le temps.
Le sénateur Angus: Vous avez besoin d'elles.
M. Hoddinott: Nous avons besoin d'une source de capital. Les constructeurs ne pourraient pas nous l'offrir de la même façon et nous ne voudrions pas qu'ils le fassent. Nous avons besoin de compétitivité.
D'abord, je ne crois pas que l'on obtiendrait de meilleurs taux ou modalités si les banques se mettaient à faire de la location. Les taux sont extraordinaires, à 50 p. 100 du taux préférentiel, 25 p. 100, des taux d'intérêts de 0,9 p. 100, c'est presque ridicule. Les valeurs résiduelles offertes par tous les constructeurs sont extrêmement élevées. Ils ont pris d'énormes risques car leur objectif est de mettre les véhicules en circulation. Il y a une concurrence énorme dans l'industrie automobile, et la location sert d'outil de commercialisation. L'avantage net va au consommateur qui décide de louer.
L'autre inconvénient que j'entrevois, c'est que si les banques entrent dans le marché de la location, on peut s'attendre à ce qu'elles dominent dans ce créneau. Ce ne serait pas la première fois. Elles pourraient s'approprier jusqu'à la moitié du marché. Et il y aurait alors moins de concessionnaires pour offrir des services de location aux consommateurs. On aurait une situation de monopole, ou quasiment, et les banques pourraient relever les taux...
Rappelez-vous ce que disait le président de l'Association des consommateurs, j'ai l'impression que c'est à cela qu'il pensait lorsqu'il a dit qu'à long terme, il y avait un risque. Voilà ce qui m'inquiète.
Le sénateur Angus: Dans votre secteur, donc, de toutes façons, le statu quo est la seule option.
M. Hoddinott: C'est ce que nous préférerions. Nous estimons que les choses sont bien ainsi pour tout le monde, même les banques.
Le sénateur Angus: Vous vous êtes mis à la place des banques pour essayer de comprendre pourquoi elles veulent investir ce marché, et vous parlez de déductions pour amortissement. Vous avez un bon argument.
De votre côté, avez-vous d'autres motivations? Encore une fois, je ne connais pas grand chose de plus dans ce domaine qu'un simple consommateur; y a-t-il quelque chose dans le marché des voitures usagées qui soit en jeu? Au bout de contrats de location de deux ans, les concessionnaires récupèrent les voitures à des prix de rachat très intéressants; y a-t-il quelque chose que nous devrions savoir?
M. Hoddinott: Dans le cas de Ford, plus particulièrement, c'est Ford qui assume le risque, pas le concessionnaire. En ce moment, vous pouvez leur racheter les véhicules pour des sommes bien inférieures à ce qu'ils y ont investi.
Le sénateur Angus: Vous voulez dire le concessionnaire?
M. Hoddinott: Oui. Les véhicules nous reviennent à des valeurs résiduelles bien trop élevées. Nous n'avons aucun avantage à limiter la location aux constructeurs. Pour commencer, ils ont accepté des valeurs résiduelles trop élevées. Lorsque nous décidons de ne pas racheter un véhicule, il est mis aux enchères et ils le vendent pour nettement moins.
Le sénateur Oliver: Budget, Hertz et Tilden achètent-ils ces voitures?
M. Hoddinott: Elles sont trop chères pour eux. Elles se déprécieraient plus rapidement chez eux qu'avec la location-vente. Souvent ces véhicules se retrouvent aux enchères et font baisser encore le prix de nos véhicules.
M. Williams: Si je comprends bien, la location-vente est simplement une autre forme de prêt. C'est tout le problème; ce n'est pas une autre forme de prêt. Lorsque vous prêtez de l'argent pour acheter une automobile, le client en a la propriété. Lorsque vous louez un véhicule, l'important est que le loueur, dans ce cas-là le concessionnaire, a la propriété du véhicule. C'est donc le concessionnaire qui assume le risque résiduel.
Vous achetez la voiture à l'usine, vous la prêtez ou en donnez la jouissance au client qui vous paie un droit en échange et, au bout du compte, vous reprenez le véhicule dans l'état où il est et c'est à vous de vous en débarrasser.
Si les banques se lancent sur ce marché, elles achèteront et vendront les véhicules. Elles feront du commerce de marchandises. C'est là la différence fondamentale.
En l'état actuel des choses, elles ont le droit de fournir toutes les options de financement qu'elles veulent pour la location ou la quasi-location de ces véhicules, sauf qu'elles ne prennent pas le titre de propriété. Elles n'achètent pas et ne vendent pas les véhicules. C'est là la différence fondamentale que les banques ont omis d'expliquer à votre comité.
Vous avez également parlé des consommateurs. Je ne vais pas prétendre que nous sommes ici pour représenter les consommateurs. Toutefois, si vous voulez louer une voiture, il faudra probablement étudier la situation.
En 1989, la location représentait 4 p. 100 du marché des voitures. Aujourd'hui sa part atteint 45 p. 100. À l'école, personne ne vous apprend à louer une voiture. Notre industrie a l'obligation d'aider à enseigner cela aux gens.
Lors de la dernière révision, on nous a reproché de ne pas avoir été aussi ouverts là-dessus qu'il aurait fallu. Depuis, nous avons volontairement fait le nécessaire pour être tout à fait clairs. Il y a une liste de tous les éléments qui doivent être divulgués au dos de ce feuillet.
La majorité des contrats signés au Canada l'année dernière étaient totalement transparents. Ce n'est pas le cas aux États-Unis. En 18 mois, les provinces ont signé un accord selon lequel tous les contrats seront obligatoirement clairs et complets dans toutes les provinces du Canada. Nous en sommes fiers.
Le sénateur Kenny: J'apprécie tout ce que vous dites, messieurs, mais je ne comprends pas bien. Lorsque vous avez donné l'exemple de la location, vous avez dit que louer est différent de prêter. Vous avez indiqué comment le concessionnaire demeure le propriétaire du véhicule.
Je me suis dit que les constructeurs automobiles peuvent être en concurrence sur le marché de la location. Les concessionnaires peuvent être en concurrence sur le marché de la location. Mais vous ne voulez pas que les banques se fassent concurrence sur ce marché. Or je suppose que vous reconnaîtrez que l'arrivée d'un nouvel intervenant sur ce marché accroîtrait encore la compétitivité, ce qui serait mieux pour le consommateur. Les banques font déjà de la location. Vous semblez dire que vous ne voulez pas qu'elles vendent des voitures. Or vous pouvez consentir des prêts, GMAC peut consentir l'équivalent de prêts. Le fait est que lorsque les banques louent des avions ou du matériel lourd, elles deviennent propriétaires du véhicule ou du matériel. Elles assument le risque. Si elles prennent un bien en garantie, c'est ce qui leur restera sur les bras si le prêt n'est pas remboursé.
Je crois que je ne comprends pas bien la logique de votre argument. Je me demande si vous pourriez me l'expliquer encore une fois, s'il vous plaît.
M. Hoddinott: En tant que concessionnaires, nous ne voulons pas que les banques vendent des voitures, tout comme, j'en suis sûr, les grands magasins ne voudraient pas qu'elles vendent des batteries de cuisine. Pour nous, ce sera de la concurrence.
Nous devons investir beaucoup dans nos bâtiments car nous offrons toute la gamme des services. Nous ne nous contentons pas de vendre des voitures, nous assurons leur entretien et nous les garantissons. Nous administrons la garantie des concessionnaires. Nous avons d'importants frais administratifs. Nous avons de vastes locaux pour y entreposer nos voitures. Nous avons des ateliers de pièces de rechange, de carrosserie, et toutes ces choses que les banques n'offrirons pas. Nous avons besoin de tous ces éléments pour que nos affaires marchent car il s'agit d'une industrie fort compétitive.
Enlevez-nous une partie de nos activités et nous ne serons plus compétitifs. Il en résultera moins de concessionnaires, moins de concurrence et moins de service pour le client.
Je crains que si les banques nous prennent nos activités de location, à nous et aux services de financement des constructeurs, il y aura moins de compétitivité dans la location également.
Le sénateur Kenny: Les banques ne nous disent-elles pas la même chose?
M. Hoddinott: Qu'elles offriront une plus grande compétitivité?
Le sénateur: Oui.
M. Hoddinott: Je ne crois pas. Je ne peux pas dire pour une société de financement par rapport à une banque, mais je suppose qu'elles ont accès au capital à des conditions bien plus intéressantes que les services de financement des constructeurs. Je suis sûr que leur capital est immobilisé du côté de la production. Après tout, c'est le but de leurs activités.
M. Williams: Si je comprends bien votre question, vous vous demandez de quoi nous nous plaignons. Il existe 1200 concessionnaires qui exploitent leurs propres services de location indépendants et qui empruntent de l'argent aux banques. Les banques ont un rôle à jouer dans notre société en prêtant de l'argent afin que les concessionnaires automobiles puissent acheter les voitures à l'usine, contracter des hypothèques et accorder des marges de crédit de location. Ils trouvent tout cela dans les banques. Or les banques veulent maintenant contourner le processus et continuer à vous prêter l'argent nécessaire au fonctionnement de votre entreprise, tout en ayant la liste de vos clients.
Le sénateur Oliver: Il y a conflit d'intérêt.
M. Williams: Tout à fait. Elles ont la liste des dates de renouvellement de contrat de ces clients.
Prenons l'exemple de n'importe quelle petite ville, comme Summerside, dans l'Ile-du-Prince-Édouard. Un gérant de banque ferait directement concurrence à la personne avec laquelle il fait affaire, au coin de la rue. Ces 1 200 concessionnaires ne seront pas dans le marché de la location parce que les banques n'auront pas besoin de dire «Nous n'allons plus accorder aux concessionnaires le crédit dont ils ont besoin pour leurs activités»?
Il leur suffira de modifier leurs coefficients de prêt. Pour peu qu'elles s'énervent un peu et décident de changer les coefficients de prêts, par-ci, par-là, nous nous retrouverons éjectés du marché de la location.
Le fait est qu'il y aura moins de concurrence. Vous allez remplacer 1200 indépendants qui s'efforcent d'offrir un plus large choix aux consommateurs par cinq banques qui n'offriront pas le même choix.
Le sénateur Callbeck: Au haut de la page 5, vous dites que le rapport ne mentionne pas le fait que Ford Credit a joué un rôle crucial en donnant un appui financier aux concessionnaires durant tous les cycles économiques, alors que les banques les abandonnaient généralement en période de ralentissement économique. Les exemples de banques qui laissent tomber les petites entreprises en période de ralentissement économique sont certainement nombreuses. Cette affirmation est-elle une opinion ou est-elle fondée sur des faits quelconques?
M. Williams: Je ne peux pas vous le démontrer avec des statistiques, mais c'est un fait. Je vous ai mentionné que Ford Credit fournissait une assurance aux concessionnaires, cela a permis de sauver de vrais emplois et de vraies concessions.
Dans les Cantons de l'Est dans les années 80, plus que n'importe où au pays, les banques sont devenues nerveuses et ont dit «Nous retirons nos marges de crédit». Des centaines de concessionnaires littéralement -- et j'aimerais bien qu'ils viennent tous vous rencontrer, sénateur -- pourraient vous conter des histoires qui leur sont arrivées personnellement. Les banques appelaient pour exiger le remboursement de prêts à 24 heures d'avis en disant «Nous nous retirons du jeu». Les seules sociétés qui ont gardé ces concessionnaires en activité sont des sociétés comme GMAC et Ford Credit.
Lorsque ces concessionnaires se rappellent de cette époque, les larmes leur montent aux yeux. J'ai cru que j'allais faire faillite. J'avais 40 ans, aujourd'hui j'en ai 60. J'ai environ 208 employés dans deux établissements différents. Je ne serais pas ici aujourd'hui sans l'aide de GMAC.
Si vous avez besoin de statistiques pour appuyer cela, je vous les fournirai avec plaisir. C'est une bonne idée. Nous devrions mettre cela par écrit de façon claire.
Le sénateur Callbeck: L'autre argument a trait aux ventes liées. Le groupe de travail estime qu'il a traité la question comme il se doit dans ses recommandations. Je suppose que vous en avez pris connaissance. Qu'en pensez-vous?
M. Williams: Les ventes liées constituent évidemment un risque, surtout si vous les autorisez à louer. Si on leur permet de louer, le risque est là.
L'une des choses qui nous inquiète le plus, en ce qui concerne les ventes liées, est que l'on peut les interdire, mais qu'il y a toujours une façon moins visible de procéder. Lorsque vous allez chez votre banquier, vous lui êtes reconnaissant de vous donner une hypothèque sur votre maison. Il ne vous force pas à prendre le prêt pour votre auto ou d'autres produits d'assurance, mais vous êtes tellement reconnaissant que vous n'êtes pas en position de traiter avec lui. Il est injuste de donner aux banquiers le contrôle de tous les services financiers dans notre pays.
M. Hoddinott: Je ne crois pas qu'il serait exagéré de dire que dans certains cas, on se sent redevable à sa banque. On dépend des largesses de son banquier pour sa marge de crédit et pour son prêt d'exploitation. Il serait plutôt désagréable de se retrouver dans une situation ou tout d'un coup le banquier aurait quelque chose à demander au concessionnaire.
En ce qui a trait aux consommateurs, ils vendent leurs propres produits, et je ne peux que supposer qu'ils en profiteront.
Je crois que le rapport MacKay contenait des dispositions visant les ventes liées et la protection des consommateurs. Je dois admettre que je n'ai pas lu le rapport en détail. Je m'en suis tenu aux passages qui concernent la location automobile. Si le rapport traite de ce genre de choses, nous pensons qu'il vaudrait la peine d'y donner suite.
M. Williams: En ce qui concerne ce que le rapport MacKay dit à propos de la vente liée, on en revient à ce que disait le sénateur Oliver. C'est une question de temps. Si l'on pouvait prouver, au cours des dix années à venir, qu'il est possible d'interdire les ventes liées et avoir dix années d'expérience prouvant que les nouvelles dispositions sur les ventes liées sont efficaces, peut-être cela changerait-il l'idée que les petites entreprises ont des banques. Mais dire que l'on va tout d'un coup entraîner les petites entreprises et les consommateurs sur cette voie sans pouvoir s'appuyer sur des antécédents qui prouvent que ces dispositions sur les vents liées fonctionnent, cela n'est pas évident.
Le vice-président: J'aimerais bien que le sénateur Oliver soit récompensé pour ses bonnes oeuvres, mais je dois néanmoins lever la séance. Merci beaucoup.
La séance est levée.