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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 29 - Témoignages du 6 octobre 1998 (après-midi)


OTTAWA, le mardi 6 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 13 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nos premiers témoins de cet après-midi sont un groupe de trois représentants du secteur des fonds mutuels. Il s'agit de M. Blake Goldring, président et chef des opérations d'AGF Management; de M. Jim Hunter, président de Mackenzie Financial; et de M. Bill Harker, premier vice-président de Trimark Financial.

M. Blake C. Goldring, président et chef des opérations, AGF Management Limited: Sénateurs, nous sommes heureux de votre invitation à comparaître devant vous cet après-midi.

Avant d'aborder le fond du sujet, j'aimerais vous présenter notre groupe. Nos sociétés, Mackenzie, Trimark et AGF, sont trois des plus importantes sociétés indépendantes de fonds mutuels du Canada. À nous trois, nous gérons plus de 67 milliards de dollars de placements d'investisseurs canadiens. Nous le faisons en administrant plus de 5 millions de comptes clients individuels, et nous vendons nos produits par l'intermédiaire d'un large réseau de conseillers financiers d'une côte à l'autre. En bref, nous traitons une grande partie de nos affaires sur Bay Street, mais nous nous considérons réellement représentatifs du Canadien moyen.

La croissance affichée par notre secteur est absolument remarquable. Les consommateurs canadiens n'ont cessé d'accroître leurs placements dans les fonds mutuels, prouvant par là combien ils sont à l'aise avec ce produit. Par exemple, en 1987, notre secteur gérait un actif net de quelque 20 milliards de dollars. À la fin de l'année dernière, l'actif global du secteur dépassait 322 milliards de dollars. Non seulement la valeur des actifs a-t-elle crû à un rythme incroyable, mais dans le même temps, le nombre de comptes clients individuels est passé de 2,5 millions à plus de 33 millions.

Vous vous demandez peut-être comment cela est possible, la population canadienne étant ce qu'elle est. Mais il est courant qu'une personne possède plusieurs comptes.

Ces statistiques proviennent de l'Institut des fonds d'investissements du Canada et elles couvrent la période de dix ans allant du 31 décembre 1987 au 31 décembre 1997. Nous sommes venus vous parler aujourd'hui de l'importance des fonds mutuels de placements monétaires et expliquer pourquoi ces fonds méritent un accès direct au système canadien des paiements, à savoir et l'Association canadienne des paiements et l'Association Interac, et ce à des conditions de prix raisonnables.

[Français]

Nous témoignons aujourd'hui suite à notre présentation auprès du groupe de travail MacKay. Nous voulons vous informer de notre situation face au système canadien des paiements.

Nous croyons que permettre au marché monétaire des fonds mutuels de se joindre à l'Association canadienne des paiements et système Interac résultera en un service financier plus accessible et plus commode pour le consommateur.

[Traduction]

Nos sociétés ont conjugué leurs forces pour intervenir auprès du groupe de travail MacKay sur cette question car nous pensons que notre secteur est parvenu à un niveau de croissance et de maturité tel que nous pouvons participer avec nos fonds mutuels de placements monétaires au système des paiements dans de bonnes conditions de sécurité et de compétitivité. Le consommateur canadien mérite une plus grande gamme de choix lorsqu'il s'agit pour lui de déterminer comment obtenir le meilleur rendement sur ses investissements. Parallèlement, il souhaite un accès immédiat et commode à son argent. À notre sens, le fait de donner au client l'accès direct aux sommes qu'il a placées dans des fonds mutuels de placements monétaires, sans l'obligation de faire des appels téléphoniques, des virements bancaires, de traiter avec une tierce partie, et cetera, représente non seulement une option compétitive pour le consommateur, mais aussi une option plus efficiente. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous pensons que l'appartenance à tant l'Association canadienne des paiements et l'adhésion à l'Association Interac vont de pair.

Au moins l'une des grandes banques y voit également une option attrayante pour sa clientèle. Il y a juste deux semaines, la Banque Royale a annoncé un nouveau type de compte-chèques: privilèges de chèques et Interac illimités, et taux d'intérêt liés à ceux des fonds mutuels de placements monétaires. En annonçant la création de ce nouveau type de compte, un porte-parole de la banque a déclaré:

Beaucoup de clients accumulent des fonds dans des comptes d'épargne et comptes-chèques séparés et dans des instruments de placement à court terme, tels que placements monétaires, bons du Trésor et CPG à courte échéance. Rate Link, qui est le nom de ce nouveau produit, évite d'avoir à transférer des fonds entre tous ces instruments et permet aux clients d'épargner, de dépenser et d'engranger des taux d'intérêt élevés sur un même compte. Cela simplifie la gestion des liquidités, si bien qu'ils peuvent gagner plus en travaillant moins.

Cet exemple, monsieur le président, nous amène aux principaux thèmes de notre intervention devant le groupe de travail MacKay, à savoir l'opportunité, premièrement, de donner au consommateur un meilleur accès à son argent et de lui offrir un plus grand éventail de choix de placements sur le marché et, deuxièmement, de créer un marché plus concurrentiel sous forme d'un accès égal pour tous les participants. Nous formulions dans notre intervention huit recommandations, qui toutes procédaient de ces deux grands thèmes.

Je vais maintenant demander à mon collègue Jim Hunter, de Mackenzie Financial, de traiter du rapport du groupe de travail lui-même.

M. Jim Hunter, président, Mackenzie Financial Corporation: Je vous remercie de cette occasion de vous entretenir cet après-midi. Je serai bref, car nous pensons qu'une période de questions nous permettra de traiter plus directement des éléments qui vous intéressent respectivement.

Nous avons évidemment été très satisfaits de voir que le groupe de travail MacKay s'est prononcé en faveur de notre position. Son rapport est très clair pour ce qui est de notre objectif principal. Les fonds mutuels de placements monétaires doivent jouir du plein accès au Système de paiements canadien. Mon collègue, M. Harker, parlera des solides attributs sécuritaires des fonds mutuels de placements monétaires qui justifient cet accès.

Pour ce qui est du principe secondaire, mais néanmoins important, de l'équité concurrentielle, le rapport du groupe de travail a abordé spécifiquement la vente liée. La suppression des pratiques de vente liée donnera aux quelque 50 000 agents d'assurance-vie, courtiers en placements, négociants et conseillers financiers qui vendent des produits d'investissement un environnement concurrentiel plus juste dans les villes et localités de ce pays où ils exercent. L'abus consistant à lier le remplacement d'un fonds mutuel séparé ou choisi de manière indépendante par le client par un produit de placement de la banque comme condition de l'octroi d'un prêt bancaire devrait donner lieu à des sanctions réglementaires clairement définies.

Nous sommes plus que désireux de collaborer avec le gouvernement sur ces problèmes, et la prise de mesures rapides est absolument cruciale pour notre secteur. Ainsi que M. Goldring l'a montré, les banques sont déjà installées dans le créneau des fonds communs de placements monétaires. De ce fait, si l'on tarde à donner à nos fonds mutuels de placements monétaires l'accès au système des paiements équivaudra à virtuellement nous évincer de ce marché.

À cet égard, nous voulons soulever un dernier problème que le rapport MacKay abordait de façon oblique. Bien que la définition large du système des paiements recouvre tant l'ACP que l'Interac, la recommandation du groupe de travail ne faisait pas mention expressément de l'appartenance de nos fonds mutuels de placements monétaires ou d'autres fonds mutuels de placements monétaires à l'Association Interac. Or, c'est un élément crucial si nous voulons pouvoir offrir à nos clients la commodité et la facilité d'accès à leur compte.

L'accès à l'Interac est vital. Nous avons besoin du droit d'entrée au système Interac à des taux par transaction équitables; nous ne voulons pas nous trouver évincés par des droits élevés qui seraient différents de ceux payés par d'autres membres. Nous voulons que les guichets automatiques Interac n'appartenant pas en propre à un établissement acceptent les dépôts de nos clients et nos cartes de débit et de crédit.

Les services que nous souhaitons pouvoir offrir sont distribués par nos homologues américains. De ce fait, le chiffre des placements monétaires aux États-Unis est environ 40 fois plus important qu'au Canada. Plus significatif encore, cette activité n'est pas dominée par un segment du marché des services financiers comme au Canada. Aux États-Unis, les fonds mutuels et compagnies d'assurance-vie et les courtiers-négociants sont des acteurs importants du marché des placements monétaires. Cela est dû exclusivement au caractère plus concurrentiel du marché des services financiers américain.

L'ouverture à la concurrence des services de placement monétaire aura également d'importantes répercussions positives sur l'écoulement des créances d'État.

Sans notre participation à l'Interac en même temps qu'au système des paiements canadien, les consommateurs n'auront pas directement accès à leurs fonds et la participation au SPC n'apportera pas les avantages visés dans notre intervention et dans le rapport MacKay.

Nous avons besoin de l'adhésion pleine et entière sans qu'aucune banque, autre que la Banque du Canada, ne monte la garde à la porte, tout comme le recommande le groupe de travail, de façon à donner à notre clientèle le même accès sûr et commode à son argent que celui dont jouissent actuellement les clients des banques.

M. William C. Harker, premier vice-président, Trimark Financial Corporation: Il m'incombe de conclure notre exposé en traitant d'un sujet qui a été soulevé lors de notre comparution devant le groupe de travail MacKay. Le rapport final y fait allusion et c'était aussi une préoccupation soulevée lors de rencontres avec les fonctionnaires de l'administration dans le passé. Il s'agit des risques potentiels que notre entrée dans le système des paiements représenterait pour la stabilité de celui-ci.

La sécurité du système des paiements suppose que les participants aient la volonté et la capacité d'identifier et de gérer les risques auxquels ils sont exposés. Elle suppose que le système soit régi par un cadre réglementaire exhaustif et transparent et soit assez robuste pour résister aux chocs. En bref, la stabilité du système est réellement fonction de la stabilité des participants.

J'aimerais prendre quelques moments pour résumer notre conception de la stabilité de notre secteur en faisant ressortir les aspects suivants.

La capacité d'opérer un débit sur un fonds mutuel de placements monétaires dépend de l'actif et de la liquidité du fonds, et non pas de la solvabilité de son gestionnaire de placements, ou de son distributeur, ou de son dépositaire ou de tout négociant.

Les avoirs d'un fonds commun de placements monétaires sont une caisse distincte détenue par un dépositaire qualifié, séparé des avoirs du gestionnaire de placements, distributeur ou négociant. Ils sont par conséquent protégés contre les difficultés potentielles qu'un gestionnaire de placements, distributeur ou négociant pourrait avoir.

Le dépositaire, à son tour, est une institution financière réglementée, habituellement une très grosse banque ou société fiduciaire. Le dépositaire garde les avoirs du fonds mutuel séparés de son propre actif et passif; par conséquent, les avoirs du fonds sont également à l'abri de difficultés potentielles du dépositaire.

Les lignes directrices régissant les placements d'un fonds mutuel du marché monétaire garantissent une faible volatilité et une qualité d'actif relativement élevée. La plupart des placements sont lourdement concentrés sur les créances garanties par l'État à échéance rapprochée.

Les unités des fonds de placements monétaires, lorsqu'elles sont présentées pour remboursement, sont évaluées après prise en compte de toutes les pertes réalisées, des intérêts accumulés et autres éléments de passif. La valeur de l'unité est également ajustée selon toute perte substantielle non réalisée. De ce fait, par définition, il y a toujours dans le fonds un actif suffisant pour rembourser tous les détenteurs de parts, et la nature hautement liquide des placements d'un fonds du marché monétaire garantit que des liquidités suffisantes peuvent être réalisées pour couvrir les remboursements quotidiens.

Les états financiers des fonds mutuels, comprenant un état des changements d'actif net et du portefeuille du fonds, doivent être déposés semestriellement auprès des autorités boursières et faire l'objet d'une vérification comptable annuellement.

Les fonds mutuels de placements monétaires ont la possibilité de satisfaire les demandes de remboursement quotidiennes en conservant une partie de l'actif en espèces, en empruntant ou en vendant des avoirs.

Les activités du gestionnaire de placements sont réglementées par divers moyens, mais principalement par la Déclaration de politique nationale no 39, ou PN 39.

La réglementation des fonds mutuels met l'accent sur les restrictions et pratiques destinées à garantir que les placements soient diversifiés et liquides afin que le fonds puisse remplir son rôle de véhicule pour des placements mis en commun et rachetables sur demande.

Pour ces raisons, même la faillite d'une société de gestion de fonds mutuels ne devrait comporter que peu ou pas de répercussions sur les investisseurs dans les fonds mutuels de cette société.

Un fonds mutuel de placements monétaires canadien devrait par conséquent être en mesure de répondre dans les 24 heures à pratiquement toutes les demandes de rachat émises par n'importe quel nombre de détenteurs de parts. Comme vous le savez, cela est en contraste avec la capacité d'une institution de dépôt traditionnelle de répondre par ses propres moyens à la demande -- improbable -- de tous ses déposants de retirer leurs fonds. Hormis la couverture de la SADC, le déposant doit se fier à la solvabilité de l'institution.

Je pense que ces considérations donnent matière à réflexion. Si je puis comprendre les préoccupations exprimées par d'aucuns, il me semble que cette question peut être considérée dans une optique inverse. Sur la base de ce que j'ai indiqué, quelle stabilité supplémentaire apporterons-nous à l'Association canadienne des paiements et au système des paiements en général?

Encore une fois, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé. J'espère que nous n'en avons pas abusé. Nous sommes certainement impatients de prendre part à la discussion qui va maintenant se dérouler.

Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne le recours au système des paiements par vous et vos clients, feriez-vous crédit aux gens qui ont des parts dans des fonds de placements monétaires? Par exemple, je songe à des obligations d'épargne du Canada ou des bons du Trésor et ce genre de choses. Est-ce ainsi que cela fonctionnerait? Comment cela marcherait-il pour le consommateur? Décrivez-nous sur le plan pratique les avantages pour le consommateur sur le plan de l'accès au capital.

M. Hunter: Il n'y a pas octroi de crédit. Les fonds mutuels de placements monétaires sont réglés sur la même base que la compensation à un jour dans le système bancaire. À toutes fins pratiques, quelqu'un opère un débit sur ce compte pour honorer un chèque. La compensation a lieu la même nuit par débit sur la valeur des unités. Les fonds de placements monétaires ont quasiment le même délai de compensation que le système bancaire. Les chèques sont compensés à J plus 1.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé de cartes de crédit et de cartes de débit.

M. Hunter: Les cartes de crédit ont accès au système Interac, comme vous le savez probablement. Ces types particuliers de transactions sont très semblables aux transactions bancaires. Si nous les offrions, nous devrions accorder crédit, et cela se ferait probablement par le biais de nos organisations fiduciaires.

Le sénateur Tkachuk: Vous feriez crédit par le biais des cartes de crédit. Du côté débit, je tape le montant que j'aimerais retirer, par exemple, 200 $ ou 300 $. Vous détenez des titres correspondant à la valeur en espèces de ce compte. Que se passe-t-il ensuite? Vendez-vous le titre avant de remettre les 300 $ ou faites-vous crédit de 300 $ jusqu'à ce que vous vendiez le titre? Certains titres auront une échéance de six mois ou trois mois. Est-ce que le liquide doit déjà exister dans le compte?

M. Harker: Pour simplifier, la réponse à votre question est «Non». Les fonds mutuels dont nous parlons ne font pas crédit aux clients. Nous allons créer un accès aux comptes des clients, qui préexistent. Lorsqu'ils retirent de l'argent de leur compte, dans la plupart des cas nous utiliserons des liquidités déjà en possession du fonds mutuel pour rembourser les unités. Dans l'éventualité où le client demande un gros montant, il se peut que nous ayons à vendre quelques titres qui sont à échéance, en moyenne, de 80, 90 ou 100 jours, pour réaliser les espèces. Mais dans le cours normal des choses, il n'est pas nécessaire de vendre des éléments d'actif pour répondre à la demande du client utilisant la carte de débit.

Le sénateur Tkachuk: Envisagez-vous que cela aille plus loin? En d'autres termes, les gens pourront-ils mettre de l'argent liquide dans un compte et s'en servir comme d'un compte courant d'entreprise ou de particulier, ou bien s'agit-il simplement de leur faciliter l'accès à des liquidités supplémentaires dont ils pourraient avoir besoin de temps à autre?

M. Goldring: Nous aimerions établir une relation avec les conseillers avec lesquels nous travaillons à travers le pays et leurs clients, sans que ces derniers aient besoin de recourir à une autre institution financière. Aujourd'hui, les clients doivent ouvrir un compte en banque pour pouvoir traiter avec nous. Nous recherchons un terrain de jeu égal de façon à pouvoir traiter directement avec nos clients et nos conseillers financiers.

M. Hunter: Dans le modèle américain, il n'est pas nécessaire de traiter avec une banque pour obtenir tous les types de services bancaires dont une personne normale a besoin. Par exemple, Merrill-Lynch offre des services de dépôt, des cartes de crédit et de débit.

Le sénateur Tkachuk: À la page 6 de votre mémoire vous parlez d'«ouvrir à la concurrence les services de placement monétaire, ce qui aura d'importantes répercussions positives sur l'écoulement des créances d'État». Pourriez-vous nous expliquer cela un peu mieux?

M. Hunter: Oui. Nous pensons que l'ouverture du secteur des placements monétaires aura un effet multiplicateur sur les dépôts et qu'il y aura ainsi sur le marché un plus grand nombre d'acheteurs de bons du Trésor. Vous ne serez plus limité à trois ou six banques. Vous aurez la société de M. Goldring, Trimark, nous-mêmes et certaines des sociétés de courtage qui deviendront également de gros joueurs sur le marché des placements monétaires. Par conséquent, il y aura davantage d'acheteurs de bons du Trésor. Ce sera un marché plus liquide.

Le sénateur Tkachuk: Si vous êtes admis dans le système des paiements et si les recommandations du groupe de travail sont suivies, qu'adviendra-t-il de votre industrie d'ici cinq ans? Ferez-vous partie du secteur bancaire? Comment voyez-vous les choses? Pourquoi voulez-vous cela et pourquoi pensez-vous que dans cinq ans ce sera une bonne chose pour vous, pour le Canada et pour les consommateurs?

M. Harker: Dans cinq ans, vous verrez un secteur des fonds mutuels prospère offrant une variété de services joints aux comptes clients existants. Il s'agit de permettre aux clients d'accéder de n'importe où à l'argent qu'ils ont dans des fonds mutuels de placements monétaires, sans entrave concurrentielle. Si nous avons ce terrain de jeu égal, nous pensons pouvoir livrer concurrence avec succès et prendre de l'essor en proportion. Nous ne cherchons pas à devenir des banques, nous cherchons à ajouter des services à notre activité de fonds mutuels pour répondre aux besoins de nos clients.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que vos dépôts seront assurés?

M. Harker: Non. Ce ne sont pas des dépôts, ce sont des unités, qui sont des parts d'un fonds mutuel.

Le sénateur Tkachuk: Mais ils seront traités tout comme l'argent liquide que quelqu'un peut avoir dans une banque?

M. Harker: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Je n'ai pas besoin de savoir quel est le véhicule, je sais seulement que je fais un dépôt. Quoi que vous en fassiez, je sais que j'ai ce montant d'argent et je m'en sers comme d'un compte bancaire.

M. Hunter: En gros, nous achetons des bons du Trésor et nous les plaçons dans le fonds. Lorsque quelqu'un veut accéder à son argent, nous vendons les bons du Trésor ou nous utilisons nos liquidités pour répondre à sa demande d'argent liquide.

Le sénateur Tkachuk: Comptez-vous faire payer ce service de la même façon que les banques? Autrement dit, vous ferez payer des frais pour chaque transaction?

M. Hunter: Oui. Des frais sont perçus sur chacun de ces comptes et ils sont divulgués selon les exigences de la législation. L'investisseur reçoit un document indiquant les commissions à payer, bien avant qu'il signe un contrat.

Le sénateur Tkachuk: Il y aura des frais pour chaque transaction?

M. Hunter: Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. De manière générale, il n'y a pas de frais de transactions dans les fonds mutuels. Les frais d'administration perçus sur le compte couvrent toutes les transactions.

Le sénateur Tkachuk: C'est ce que faisaient jadis les banques.

Le président: J'aimerais revenir à votre réponse à la question précédente pour m'assurer de bien comprendre le mécanisme.

Comme le sénateur Tkachuk l'a dit, le client vous donne de l'argent et vous achetez des unités. Cependant, aux yeux du consommateur, c'est de l'argent liquide qu'il a et il peut le retirer. Vous vendez alors un titre et remettez l'argent dans le compte. En gros, c'est le mécanisme.

Je présume que l'argent retiré ne sera pas compensé le même jour par la vente d'un titre. Étant donné la volatilité du marché, un élément de risque n'est-il pas introduit par le fait que le retrait en liquide est effectué un jour et que le titre correspondant est vendu le lendemain? Dans quelle mesure cette volatilité se répercute-t-elle sur la stabilité du système?

M. Harker: Il n'y a aucune répercussion parce que nous ne plaçons pas tout l'argent en bons du Trésor ou titres similaires. Nous conservons une partie, mettons 10 p. 100, en liquide pour cette éventualité. Nous n'avons rien besoin de vendre pour les premiers 10 p. 100 de remboursement.

Le président: Vous dites que, en un sens, vous avez les liquidités pour couvrir un retrait typique.

M. Harker: C'est juste. Cependant, si un jour donné plus de 10 p. 100 sont retirés, nous avons le droit d'emprunter jusqu'à hauteur de 5 p. 100 de la valeur du fonds mutuel de placements monétaires.

Le président: Emprunter à qui?

M. Harker: À qui nous voulons.

Le président: Vous avez donc une ligne de crédit chez quelqu'un?

M. Harker: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Entrevoyez-vous le jour où vous demanderez l'assurance-dépôt? Une fois que vous aurez le droit d'effectuer les transactions sur un compte et commencerez à offrir le service de transaction sur les comptes d'investissement des clients, est-ce que l'étape suivante n'est pas de prendre des dépôts assortis de l'assurance-dépôt et d'offrir davantage de services bancaires?

M. Hunter: Les placements dans le compte sont déjà des effets garantis par le gouvernement. La seule assurance dont on puisse avoir besoin est une assurance contre les transactions frauduleuses. Ces dernières ne conduiraient pas une grande institution financière à la faillite. Il s'agit essentiellement d'effets garantis par l'État. De par la nature des titres dans le compte et des dispositions de garde, vous jouissez d'une garantie étatique sans avoir besoin de l'assurance.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que l'étape suivante pour votre industrie ne sera pas d'accepter des dépôts et de faire partie d'un groupe assurant les dépôts jusqu'à hauteur de la limite de 60 000 $?

M. Harker: Il est très difficile de prévoir l'avenir. Notre espoir est que nous n'en aurons pas besoin et ne le demanderons pas. D'un point de vue commercial pratique, il n'est pas nécessaire d'avoir une assurance parce que vous détenez directement les éléments d'actifs. Voilà notre position à ce stade. Il est difficile de prédire l'avenir.

Le sénateur Tkachuk: Une société de fonds mutuels ne peut jamais faire faillite?

M. Harker: Un fonds mutuel ne peut jamais faire faillite.

M. Hunter: Sauf en cas de fraude majeure. Ce ne sont pas les sociétés de fonds mutuels qui sont en jeu. Ce sont les fonds individuels, lesquels sont régis par des règles d'investissement strictes.

Le sénateur Joyal: Ma question s'adresse à M. Hunter et porte sur ce que vous écrivez au bas de la page 5 et en haut de la page 6 au sujet de la concurrence aux États-Unis, où vous dites que les services que vous aimeriez fournir sont offerts par vos homologues américains.

Les représentants des banques nous ont dit que l'une des raisons principales motivant leur demande de changements majeurs est l'invasion du marché canadien par les sociétés de fonds mutuels américaines. Bien entendu, Fidelity est l'exemple qui revient sans cesse. Je suis surpris de n'avoir trouvé dans votre mémoire aucune allusion à vos concurrents et au fait que, comme on nous l'affirme, le marché canadien des fonds mutuels sera soumis à l'avenir à une concurrence beaucoup plus rude que dans le passé. Vous avez affiché au cours des 10 dernières années des chiffres de croissance spectaculaires. Je me serais attendu à ce que vous nous demandiez quelques mesures de protection car les règles du jeu ont radicalement changé au cours des 10 dernières années et vous êtes confrontés à une concurrence mondiale. Or, vous n'avez rien dit ou écrit à ce sujet. Est-ce que je me trompe?

M. Hunter: Non.

Le sénateur Joyal: Qu'est-ce qui vous rend si optimiste pour l'avenir, alors que d'autres acteurs clés sur le marché craignent la concurrence étrangère?

M. Hunter: Je mentionnerai deux choses. Blake et AGF et Trimark et MacKenzie ont toujours eu à affronter la concurrence étrangère. Templeton, qui est un concurrent aussi gros et certainement aussi formidable que Fidelity, est en concurrence avec nous dans ce pays depuis 10 ou 15 ans, si bien que nous avons toujours été affrontés une vive concurrence. Nous la subissons également de la part de nos homologues bancaires au Canada. Le problème n'est pas la concurrence étrangère à nos yeux. Il s'agit plutôt pour nous d'adapter notre paradigme à ce qui se passe dans le monde de façon à être compétitifs.

Nous demandons simplement l'accès afin que, si nous sommes compétitifs et servons bien notre clientèle et tous les agents qui vendent nos produits à travers le Canada, nous aurons nous aussi notre chance sur ce marché particulier.

Le mouvement électronique de l'argent sera un service déterminant pour l'investisseur, qu'il se trouve à Québec ou à Victoria. Nous voulons pouvoir déplacer cet argent de manière efficace et rentable et sur la base du jour suivant.

M. Goldring: Nous n'avons peut-être pas l'air de nous alarmer parce que nous sommes totalement confiants, comme M. Hunter l'a dit. Nous avons déjà affronté la concurrence étrangère. Nous avons également une stratégie pour y faire face. Tout ce que nous demandons, c'est un terrain de jeu égal. Nous voulons vous transmettre deux messages principaux. Le premier est qu'il nous faut un terrain de jeu égal. Cela signifie qu'il nous faut l'accès au système des paiements, de même qu'à l'Interac, sans avoir à payer le coût amorti de l'édification du système. En d'autres termes, nous devons être traités sur un pied d'égalité.

Notre deuxième grand message est que le temps presse. Ces changements doivent être apportés le plus rapidement possible. Je rappelle l'exemple que je vous ai lu, et j'ai ici le communiqué de presse de la Banque Royale. Ce n'est peut-être pas une coïncidence, mais elle est au stade que nous devons atteindre si l'on veut qu'il y ait une concurrence adéquate et un éventail de choix suffisant pour les investisseurs canadiens.

Ce sont là les deux grands messages. Il faut agir vite et il nous faut l'accès à faible coût. C'est un changement de politique relativement fondamental que nous recherchons, non pas un ajustement mineur des règles.

Le président: Si je comprends bien -- et c'est bien ce que je soupçonnais en voyant ce qui ne figurait pas dans votre déclaration liminaire -- vous souhaitez, à toutes fins pratiques, l'accès gratuit au réseau Interac, en ce sens que vous voulez bien payer des frais de transactions à l'avenir, mais ne voulez assumer aucune partie du coût d'édification du réseau. Ai-je bien saisi?

M. Hunter: Eh bien, nous paierons, dans ces frais de transaction, le même coût sous-jacent d'édification du réseau que les banques. Nous ne voulons pas payer de frais supplémentaires ou de gros droits d'entrée.

Le président: Vous voulez payer les mêmes coûts de transaction futurs que tous les autres participants?

M. Hunter: Pour entretenir et moderniser le réseau.

Le président: En dépit du fait que d'autres ont investi de fortes sommes de temps, d'efforts et, particulièrement, d'argent, pour édifier ce réseau, vous voulez en jouir gratuitement? Est-ce que je saisis bien?

M. Goldring: Si vous voulez un marché concurrentiel, ce dont nous sommes certainement partisans, nous pensons que les conditions doivent être équitables pour tous, les gros comme les petits. Ce serait ériger une barrière efficace qui empêcherait quantité de sociétés de fonds mutuels de se mettre sur les rangs dans ce marché.

Le président: Je pense que vous avez répondu à ma question, la réponse étant que vous voulez un voyage gratuit.

M. Goldring: Je ne le formulerais pas ainsi.

Le président: Peu importe les mots. Votre position est claire comme de l'eau de roche. Je suis surpris que vous prétendiez à la gratuité complète, que vous ne veuillez rien payer.

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas ouvrir un débat avec le président, mais on vous a interdit d'y participer à l'origine. Le président ne peut pas jouer sur les deux tableaux. On vous empêche d'être membre et ensuite on vous accuse de simplement vouloir le bénéfice. La situation est plus nuancée, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur vos réponses à ma question car il est très important que nous puissions évaluer l'état du marché dans les années qui viennent. Nul d'entre nous n'a le don de voyance, nous le savons, mais si vous aviez comparu il y a six mois, la conjoncture économique était certainement très différente de ce qu'elle est aujourd'hui et pourrait être demain.

Votre raisonnement semble être le suivant: placez-nous sur un pied d'égalité avec nos concurrents américains, ici au Canada, et nous parviendrons à les battre sur notre terrain. Est-ce que je résume bien?

M. Hunter: Oui. Que nous soyons en mesure de les battre ou non, du moment que l'on nous traite équitablement, nous partirons d'ici satisfaits car nous pensons être compétitifs. Nous le sommes certainement dans un grand pan de notre activité, les fonds mutuels de placements boursiers. Nous sommes très compétitifs dans ce domaine, mais le volet des placements monétaires est dominé par les banques canadiennes, lesquelles dominent également le marché des titres d'État, en partie par voie de conséquence.

Le sénateur Di Nino: Il est intéressant que vous vous qualifiez de «petits acteurs». Vous administriez en 1997 un actif de 322 milliards de dollars. Ce n'est pas de la menue monnaie. Il y aurait même lieu de vous féliciter. Vous avez connu une réussite brillante, particulièrement avec la croissance énorme des 10 dernières années, mais ne vous qualifiez pas de «petits acteurs», car cela pourrait nous faire changer d'avis.

J'aimerais clarifier un point. Je sais que vous l'avez dit, mais il me paraît important de le souligner. L'accès au système des paiements canadien et à Interac que vous demandez concerne exclusivement les fonds mutuels de placements monétaires.

M. Goldring: Oui.

Le sénateur Di Nino: Vous ne demandez pas l'accès pour les autres produits que vous vendez, n'est-ce pas?

M. Goldring: C'est juste.

Le sénateur Di Nino: Dans la pratique, si je saisis bien, cela vous donnerait la possibilité d'accepter des dépôts, si je puis employer cette expression, comme une quasi banque, ce qui permettrait à vos clients qui n'ont pas besoin, mettons, d'une ligne de crédit, de faire affaire exclusivement avec vous au lieu de traiter avec une autre institution financière?

M. Goldring: C'est juste.

Le sénateur Di Nino: Mais vous ne voulez pas être assujettis aux restrictions ou autres contraintes réglementaires ou juridiques imposées aux autres institutions financières, si j'ai bien suivi?

M. Goldring: C'est juste. De fait, toutes les trois organisations que nous représentons ont des compagnies fiduciaires, si bien que nous sommes tous réglementés.

Le sénateur Di Nino: J'allais venir à cela.

M. Goldring: Jusque-là, c'est oui.

Le sénateur Di Nino: Il me semble que vous demandez peut-être là un privilège spécial.

M. Hunter: Je réponds non. Le fait est que nous sommes réglementés en tant que négociants de fonds mutuels et gestionnaires de placements. Nous ne voyons pas de moyens d'échapper à la réglementation croisée des différentes institutions financières faisant partie de nos groupes de sociétés.

Le sénateur Di Nino: Vous nous demandez d'accepter votre recommandation d'ouvrir le système pour que vous puissiez servir un groupe de Canadiens -- les 10, 15 ou 20 p. 100 les plus aisés -- disposant d'argent à placer, sans que vous ayez à servir les autres 15 ou 20 p. 100 du marché desservis par les institutions de dépôt, soit les banques, les compagnies fiduciaires et caisses de crédit. Ces dernières servent ce marché à perte, parfois.

M. Goldring: Le produit fonds mutuel est le véhicule d'investissement le plus démocratique jamais inventé. Je le dis sans nuance aucune. Nous servons des millions de petits investisseurs canadiens à travers le pays. Notre compte moyen se chiffre en milliers de dollars, pas en millions.

Le sénateur Di Nino: Il faut quand même que le titulaire ait les moyens.

M. Hunter: Vous pouvez ouvrir un compte de fonds mutuel chez Mackenzie avec 50 $, et nous avons plus de 75 000 dépôts mensuels de moins de 100 $. C'est un produit très démocratique. C'est comme aller déposer dans une banque ou chez Canada Trust les économies de votre enfant. Nous ouvrirons un compte pour votre enfant.

Le sénateur Di Nino: Chacun de vous a une compagnie fiduciaire. Vous fournissez, dans la pratique, un service supplémentaire à la collectivité en général et aux clients qui veulent faire appel à vous pour des services autres que les fonds mutuels eux-mêmes. Est-ce exact?

M. Goldring: Oui.

Le sénateur Di Nino: Est-ce que toutes ces compagnies fiduciaires ont des succursales?

M. Harker: Non. Uniquement Trimark.

Le sénateur Di Nino: Trimark a des succursales et les autres n'ont que leur siège. Vous vendez des CPG et vous êtes administrateurs de fonds de pension et de REER, et cetera. Vous êtes en concurrence avec les banques et d'autres sociétés fiduciaires dans ce domaine.

M. Hunter: Je ne sais pas ce qu'il en est des autres, mais la raison principale pour laquelle nous avons des sociétés fiduciaires est l'administration de REER. C'est pour nous une activité majeure. Nous ne pouvons pas la laisser aux banques.

Le sénateur Di Nino: Je suis d'accord là-dessus, sachez-le.

Qu'est-ce qui vous empêche de créer votre propre banque demain ou plus tard?

M. Hunter: Rien.

Le sénateur Di Nino: Merci de cette réponse.

M. Harker: C'est vrai, rien. Nous possédons aujourd'hui des sociétés fiduciaires affiliées, mais nous y avons été contraints, d'une certaine façon, pour obtenir l'accès partiel au système des paiements. C'était un facteur clé de l'achat par Trimark de sa filiale.

Ce que nous demandons ici est une réglementation appropriée pour le secteur d'activité que constitue les fonds mutuels de placements monétaires. C'est la question clé, je pense.

Le sénateur Di Nino: À la page 6 de votre exposé vous parlez de la nécessité de votre participation pleine et entière au système ACP, sans qu'aucune banque, hormis la Banque du Canada, ne garde la porte d'entrée. Pourriez-vous préciser votre pensée? Je ne suis pas sûr de comprendre.

M. Hunter: Nous ne voulons pas compenser par l'intermédiaire de l'ACP. Nous ne voulons pas d'intermédiaire.

Le sénateur Di Nino: Vous voulez être membre adhérent.

M. Hunter: Oui. Si la compensation est indirecte, il y a quelqu'un entre nous et le système. Ce quelqu'un est un gros concurrent. Nous ne pensons pas que ce soit juste.

Le sénateur Di Nino: Vous voulez être membre direct.

M. Hunter: Absolument. Nous voulons contrôler notre destinée, ne pas avoir une banque ou quelqu'un d'autre entre le système et nous.

Le sénateur Di Nino: On a abordé la question de l'indépendance ou du manque d'indépendance du conseil d'administration du système de paiements canadien. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Le président: Je crois que M. Harker siège au conseil

M. Harker: Je siège au conseil de l'Association canadienne des paiements au titre de la société fiduciaire de mon groupe.

Si l'on décidait que les fonds mutuels ou toute autre catégorie de nouveaux participants seront admis dans le système des paiements, nous pensons qu'ils devraient être représentés au conseil d'administration de l'association. C'est important.

Le sénateur Kolber: Percevez-vous la fusion éventuelle de deux grosses banques comme un danger majeur pour le secteur des fonds mutuels? On a avancé le chiffre de 400 millions de dollars comme revenus combinés provenant des fonds mutuels de la Banque Royale et de la Banque de Montréal, dans l'éventualité de leur fusion. Je ne sais pas si c'est vrai. On dit que si elles le voulaient vraiment, elles pourraient réduire considérablement leurs coûts sans vraiment nuire à leurs résultats d'ensemble, et petit à petit avaler tout le secteur canadien des fonds mutuels. Croyez-vous à cette thèse?

M. Goldring: Nous avons dû affronter les grands groupes. Peu importe que deux ou trois fusionnent. Ils seraient simplement plus gros. Nous avons l'habitude de concurrents plus gros que nous. Nous nous faisons gloire de les affronter nez à nez car, en dernière analyse, c'est le service qui compte.

Nous vous sommes reconnaissants d'avoir écouté attentivement notre message aujourd'hui. Si ces changements sont apportés, nous pourrons livrer concurrence sur un pied d'égalité. Le seul fait d'avoir une plus grosse caisse publicitaire ne suffit pas à gagner la faveur du consommateur.

Le sénateur Kolber: Le montant des frais n'est-il pas un facteur?

M. Goldring: Si, certainement. Toutes les firmes regardent les frais de très près. Je consacre personnellement beaucoup de temps à faire baisser autant que possible le taux des frais de gestion que paie le consommateur. C'est un défi. Je ne sais pas quelle stratégie les banques pourraient adopter ou non à l'avenir.

Le sénateur Kolber: La réponse est-elle que ce n'est pas une menace?

M. Goldring: C'est certainement un défi, qu'il faudra considérer très sérieusement.

M. Hunter: Si l'on exclut les fonds mutuels de placements monétaires de l'activité fonds mutuels des banques, chacune est beaucoup moins grosse que les acteurs présents à cette table. C'est le volet fonds mutuels de placements monétaires qui fait que la Banque Royale est plus grosse que nous.

Pour en revenir à la question des frais, les acheteurs de fonds mutuels visent un bon rendement sur les fonds boursiers. Ils comparent probablement les placements monétaires aux dépôts bancaires. Je prétends qu'un fonds mutuel de placements monétaires a dégagé ces dernières années un meilleur rendement qu'un CPG à échéance fixe.

Le dernier facteur est le service. C'est réellement là-dessus que nous voulons nous concentrer et cet accès au système des paiements nous permettra d'améliorer nos services.

Le sénateur Callbeck: Si les recommandations du groupe de travail sont suivies, envisagez-vous de vous lancer un jour dans d'autres types de services financiers, qu'il s'agisse de vendre de l'assurance ou de créer une banque?

M. Goldring: Nous nous sommes rassemblés sur cet enjeu très important. Notre but à tous est d'offrir de la valeur aux clients individuels à travers le pays. Si nous pouvons ajouter de la valeur à la chaîne des investissements, nous le ferons. Il est difficile d'en dire plus à ce stade.

M. Hunter: Mes éminents collègues sont à la tête de sociétés très sophistiquées. Ils sont actifs dans le secteur hypothécaire et dans celui des CPG, mais de façon mineure. Si nous pouvons donner à nos clients et courtiers un meilleur accès électronique à ces produits, nous pourrons développer ces sphères.

M. Harker: Nous vendons chacun nos produits par le biais de conseillers financiers indépendants. Le nombre de ces derniers se chiffre par milliers. Je suis sûr que bon nombre de ces conseillers disent à mes collègues qu'ils souhaitent offrir davantage de services à leurs clients et ils nous demandent de mettre au point ces services pour eux. Si nous trouvons un moyen de le faire de manière rentable, nous le ferons probablement.

Une des façons de rendre cela plus rentable est d'appuyer ces recommandations. Notre entrée à l'ACP réduira nos frais d'ensemble. Nous pourrons devenir plus efficients et, peut-être, proposer davantage de services à nos conseillers, pour leurs clients.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question sur la vente liée. La seule phrase dans votre mémoire sur ce sujet dit que vous êtes satisfaits des recommandations sur la vente liée. Cela signifie-t-il que vous êtes satisfaits des recommandations et que, si elles sont suivies, ce sera la fin de la vente liée?

M. Goldring: C'était l'une des recommandations clés parmi les huit que nous avons formulées au groupe de travail MacKay. Nous avons été ravis de voir qu'il demande au Parlement d'interdire la vente liée. Franchement, il faudra faire preuve d'une réelle vigilance. Je sais que je parle au nom de mes collègues lorsque je dis que ces situations viennent à nos oreilles; il y aura de nombreux chiens de garde pour s'occuper des intérêts des petits investisseurs.

M. Hunter: C'est extrêmement important pour le conseiller financier ou l'agent d'assurance-vie installé rue Principale. C'est lui qui affronte le directeur de la succursale bancaire locale, lequel a davantage de flèches dans son carquois que notre vendeur. La vente liée est un facteur très important pour nos distributeurs, plus important que pour nous en tant que sociétés individuelles.

Le sénateur Callbeck: Êtes-vous donc satisfaits des recommandations?

M. Hunter: Oui, et de la réaction.

Le président: Votre position vis-à-vis de la vente liée et de votre compétitivité par rapport aux banques diffère totalement de la première intervention que nous avons entendue hier soir, celle du Bureau d'assurance du Canada. Votre position semble être que, pourvu qu'il y ait un bon régime réglementaire pour réprimer la vente liée et que vous ayez accès au système des paiements et à Interac, vous êtes prêts à affronter la concurrence, aussi dure soit-elle. Vous pensez pouvoir battre les banques, étant donné la qualité des services fournis par vos vendeurs. C'est une position que je comprends tout à fait.

Pouvez-vous nous aider à comprendre le degré de paranoïa qui semble régner ailleurs dans le secteur des services financiers? Hier soir, on nous a brossé un tableau où 20 p. 100 de tous les effectifs du secteur seraient licenciés et où des milliers d'agents et de courtiers disparaîtraient. Pourtant, le processus fondamental est le même que celui dont vous parlez, à savoir l'irruption des banques dans ce qui est tout à fait une activité de service.

Pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi vous vous sentez assurés de prospérer dans cet environnement, alors que d'autres en sont terrifiés?

M. Harker: Il ne nous appartient pas de dire comment d'autres sont arrivés à leur position.

Le président: Vous avez l'expérience de la concurrence contre les banques. Cela nous trouble de voir des points de vue aussi radicalement divergents sur ce qui est essentiellement la même proposition commerciale.

Le sénateur Tkachuk: Vous vendez un produit dont le client peut voir le rendement. S'il regarde les résultats de Trimark, Templeton et d'autres, il peut se dire: «Ils écrasent les fonds mutuels de la Banque Royale et de la Banque Impériale de Commerce, je vais aller chez eux». Les banques vendent des produits que nul ne veut réellement. Personne ne veut mourir ou voir sa maison brûler. C'est ma perception de la situation, et c'est pourquoi les compagnies d'assurance s'inquiètent. On ne peut mesurer le rendement d'une police d'assurance-vie, parce qu'on est mort.

M. Hunter: L'assurance-vie reste un produit sophistiqué, et il y a place pour elle dans la planification de toute famille. Nombre de nos distributeurs sont agents d'assurance-vie, et je ne pense pas que les banques puissent les anéantir. Ce que vend un agent d'assurance incendie, accidents et risques divers est davantage une marchandise. Un produit vie est plus complexe. Il tient une place important dans la planification financière des gens, et dépend de leur nombre d'enfants et de leur âge. Je peux me tromper, mais il me semble que l'assurance de voitures et de maisons est davantage une marchandise.

Le sénateur Di Nino: Elle est également obligatoire.

M. Goldring: Nous pensons pouvoir nous en tirer à condition que ces changements soient apportés assez rapidement. De toute évidence, le monde bouge autour de nous. À ce sujet, j'ai mentionné un produit dans mon mémoire. Mais plusieurs autres banques en ont lancé des similaires, en particulier la Banque TD. Avec quelques autres produits aussi, plus longtemps nous devrons attendre et moins nous serons concurrentiels.

Le sénateur Oliver: Vous voulez ces changements tout de suite.

M. Goldring: Oui, le plus rapidement possible.

Le président: Merci beaucoup d'être venus, messieurs. Je dois dire, avant que vous partiez, que votre proposition fondamentale rencontre des oreilles raisonnablement réceptives en ce sens que notre comité s'est déjà exprimé, dans au moins un rapport récent, en faveur d'une ouverture radicale du système des paiements à toutes les compagnies de services financiers.

Nous nous sommes également penchés dans le passé sur la question de l'Interac. Nos instincts nous font pencher tout à fait dans le sens que vous préconisez.

Notre prochain témoin est M. William Loewen, président de TelPay, une entreprise de Winnipeg offrant le paiement téléphonique de factures.

Monsieur Loewen, au lieu de nous parler du contenu de votre mémoire au groupe de travail, vous pourriez peut-être résumer les points couverts dans votre lettre? J'ai lu les deux et votre lettre donne la substance. Nous pourrons ensuite passer aux questions.

M. W.H. Loewen, président, TelPay: Monsieur le président, je fais cet exposé sur la base de mes 30 années d'expérience de la concurrence contre les cinq grosses banques. Si j'ai l'air de me faire de la publicité, veuillez m'en excuser. Tout ce que je puis dire, c'est que je sais que beaucoup d'autres entrepreneurs ont eu des expériences similaires mais n'ont pas eu autant de chance que nous. J'aimerais qu'ils puissent être là pour appuyer cette présentation.

Une analyse du rapport MacKay distingue quatre grands thèmes dans ces recommandations, à savoir: le renforcement de la concurrence, l'habilitation du consommateur, la déontologie des entreprises et l'amélioration du cadre réglementaire. Malheureusement, à notre sens, nos préoccupations sont presque absentes du rapport, sans même parler de solutions. Cela, en dépit du fait que nous avons apporté et continuons à apporter une contribution importante dans la plupart de ces domaines.

Pour ce qui est du renforcement de la concurrence, j'ai dirigé au cours des 30 dernières années deux entreprises qui étaient des concurrentes directes des cinq grandes banques. J'ai d'abord fondé Comcheq Payroll Services, sans savoir que les banques allaient devenir mes concurrents. Bien que Comcheq ait connu un grand succès, nous n'avons cessé d'être désavantagés par le fait que nous ne pouvions nous positionner comme adhérent du système interbancaire de compensation.

Ayant démarré avec un capital de 15 000 $, nous avons réussi à rivaliser avec la Banque Royale et la CIBC en chiffre d'affaires et les avons certainement toutes dépassées en efficience. La situation réglementaire nous a finalement amenés à vendre. Bien que nous avions une offre nettement supérieure d'ADP, une société américaine, nous avons préféré vendre à une banque canadienne, considérant que notre compte fiduciaire de plus de 100 millions de dollars et notre clientèle seraient en de bonnes mains.

Cinq années plus tard, toutes les banques avaient vendu leurs services de paye à l'une des deux firmes américaines qui contrôlent maintenant plus de 90 p. 100 de ce secteur. Une partie de Comcheq n'a pas été vendue, TelPay. TelPay est un service de paiement électronique de factures disponible dans tout le pays. L'accès au service se fait par téléphone ou ordinateur. Il est utilisé par près de 200 petites institutions financières, surtout des caisses de crédit, mais aussi par trois banques. Plus de 700 entreprises de services publics, sociétés de carte de crédit et de paiement et diverses autres organisations peuvent être payées par ce moyen.

Quiconque considère l'impact de ces deux services ne peut que convenir que nous avons largement contribué à la concurrence. De fait, les deux services sont devenus le seul rival des cinq grandes banques.

Comcheq donnait aux consommateurs, c'est-à-dire dans son cas aux entreprises, un choix. Elles pouvaient changer de banque sans changer de service de paye. La mobilité de la clientèle représente une dissuasion majeure à pratiquer des prix excessifs et constitue quelque chose que les grandes banques détestent.

TelPay fait la même chose pour les particuliers, mais permet en sus à quelques 200 petites institutions financières d'offrir des services bancaires téléphoniques de manière efficiente.

Tant Comcheq que TelPay se sont comportées de manière très responsable sur le plan déontologique, beaucoup plus que les banques, dirions-nous. Quantité de prix nous ont été décernés pour nos réalisations commerciales et notre soutien à la collectivité. Nous avons fait bénéficier nos clients des normes de confidentialité et de protection de la vie privée les plus rigoureuses et avons milité pour qu'une loi impose les mêmes aux banques.

Nous avons manié de manière responsable et sûre pour plusieurs milliards de dollars de fonds de nos clients, sans jamais encourir la moindre perte durant toutes les tempêtes financières des 30 dernières années.

S'agissant d'améliorer le cadre réglementaire, nous avons échoué. Nous avons effectué quantité d'interventions au fil des ans mais sans guère de résultat, bien que nous soyons sincèrement convaincus que ce qui serait bon pour nous le serait aussi pour beaucoup d'autres entreprises et particuliers.

Le groupe de travail recommande aussi de gérer le changement. Sur ce plan, nous sommes certainement des chefs de file, puisque nous avons montré la voie aux grandes banques sur le plan des services de paiement de factures. En ce qui concerne le changement technologique, Comcheq et TelPay ont été d'importants innovateurs.

Nous avions certainement une culture entrepreneuriale. Nous avons toujours considéré indispensable une réglementation prudentielle et nous nous sommes toujours comportés en conséquence.

La flexibilité est nécessaire. Nous y voyons l'impératif le plus important à l'heure actuelle.

Nous souscrivons à presque tout ce que dit le groupe de travail et nous appliquons déjà à bien des égards ce qu'il recommande. Cependant, il n'a rien fait pour nous soulager de la domination oppressante de l'Association canadienne des paiements, qui nous met des bâtons dans les roues dans presque tout ce que nous entreprenons.

Le rapport recommande de permettre aux institutions réglementées d'adhérer à l'ACP. Ne vous y trompez pas, l'ACP est et sera sous la coupe des grandes banques si rien ne change. Les banques ont les droits de vote, qui sont fonction du volume des transactions. Elles paient les factures et elles ont les ressources pour participer aux réunions interminables organisées pour discuter de changements dont elles ne veulent pas. Elles se livrent à des exercices de relations publiques, telles que la création du soit disant comité consultatif des protagonistes. Elles ont démantelé il y a presque 20 ans un système de transfert des gros montants et n'ont toujours pas réussi à en mettre en place un nouveau. Ceux qui paient réellement le coût de la compensation, à savoir les entreprises et les consommateurs, ne sont pas représentés au sein de cet organe.

Le problème de l'ACP est fondamental. Sa seule raison d'être est de réglementer un système qui touche chaque entreprise et chaque citoyen canadien. Cependant, les régulateurs sont à toutes fins pratiques les cinq grosses banques. L'association prétend faire la loi, mais elle n'a de compte à rendre qu'aux membres adhérents.

Il apparaît que beaucoup de gens à Ottawa semblent considérer aussi que l'association est un organe législatif. Dans ce cas, elle est probablement l'institution la moins démocratique que l'on puisse imaginer. Il faut modifier radicalement le processus réglementaire si l'on veut jamais voir une concurrence réelle dans les services financiers. Il faut créer un organe indépendant devant lequel nous puissions plaider notre cause.

En tant qu'innovateurs, il importe que nous puissions faire approuver les changements rapidement. Nous ne devrions pas être obligés de plaider notre cause auprès de nos concurrents, qui vont retarder leur décision jusqu'à ce qu'ils aient pu s'emparer de nos idées et les mettre en pratique eux-mêmes. S'il faut un organe législatif, il ne doit certainement pas être composé des cinq grosses banques.

Nous aimerions que des opérateurs indépendants soient autorisés à offrir à leurs clients l'accès en ligne à leur compte bancaire. C'est une idée que l'ACP jugerait aberrante. Cependant, je pense qu'un organe indépendant jugerait l'idée acceptable. En effet, elle ne diffère guère du mécanisme actuel qui nous donne accès aux comptes de nos clients avec un délai d'un jour, avec leur autorisation.

Par ailleurs, je suis en désaccord avec la recommandation du groupe de travail concernant la participation étrangère au marché canadien. Au début des années 80, plus de 50 banques étrangères ont reçu leur charte au Canada. Elles n'ont guère fait sentir leur présence.

La recommandation invitant Industrie Canada à élaborer un cadre juridique pour le commerce électronique émanant de fournisseurs de services étrangers nous touche de plus près. Qu'en est-il des fournisseurs de services canadiens? Comment se fait-il que l'on suppose constamment que les Canadiens ne peuvent faire ce travail?

J'ai l'impression que les grandes banques sont à l'origine de cela. Elles sont sur le point de négocier un accord avec Microsoft et First Data Corporation des États-Unis. Nul doute que les règles de l'ACP toléreront cette alliance. Déjà, quantité de transactions canadiennes de paiement de factures sont traitées aux États-Unis. Est-ce ce que nous voulons réellement?

Je m'attends à ce que les banques canadiennes tombent un jour en mains étrangères, comme c'est le cas de beaucoup d'autres industries. L'une de nos grandes ressources naturelles sont les opportunités commerciales. Les changements technologiques leur donnent naissance. Ces opportunités devraient-elles bénéficier aux Canadiens ou aux étrangers?

Un autre aspect que j'aimerais soulever est l'invocation constante du risque. Ce que nous proposons ne comporte de risque pour aucun système. Nous ne faisons qu'exécuter les instructions de nos clients, lesquelles nous parviennent de manière tout aussi sûre qu'à n'importe quelle banque. Nous serions ravis d'être réglementés ou soumis à une vérification spéciale de nature appropriée. Je suis sûr que nous réussirions l'épreuve haut la main.

Notre mémoire au groupe de travail, qui vous a été distribué, contient beaucoup plus de détails sur notre expérience passée. Malheureusement, je n'ai eu qu'un court préavis de ma comparution ici et je suis pas mal occupé. Je serai ravi de vous distribuer ces notes, mais elles se présentent sous forme manuscrite. Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Meighen: Ai-je bien saisi que vous aimeriez que l'ACP soit restructurée selon le modèle d'un organe de réglementation tel que le CRTC?

Plus loin dans votre exposé vous avez dit qu'il importait que les décisions soient prises rapidement afin de pouvoir agir vite. Je n'ai pas l'impression que la rapidité soit une caractéristique du CRTC, mais je peux me tromper.

M. Loewen: Je ne connais pas très bien le fonctionnement ou l'efficacité du CRTC. Cependant, je suis sûr que vous jugeriez le CRTC encore moins efficace s'il était dirigé par Ted Rogers ou Izzy Asper.

Je ne pense pas que Moffat Communications serait ravi. À toutes fins pratiques, c'est ce que vous avez avec l'Association canadienne des paiements. Elle est dirigée par un petit groupe de gens qui se serrent les coudes et protègent leurs intérêts. De temps à autre, elle jette une carotte pour faire taire les mécontents, mais c'est habituellement après que la carotte a perdu son intérêt.

Le sénateur Meighen: Dites-vous qu'il vaudrait mieux qu'elle soit dirigée par des gens extérieurs à l'industrie?

M. Loewen: Oui, ce serait mieux et je suis sûr que ces personnes pourraient acquérir l'expérience voulue. On pourrait mettre sur pied un processus de consultation de spécialistes.

Le sénateur Meighen: À supposer que votre vision se concrétise, à votre avis qui devrait avoir accès au système de paiements? Je songe à l'intervention des témoins précédents, que vous avez peut-être entendue. D'autres ont également demandé l'ouverture de l'ACP. Seriez-vous en faveur de cela?

M. Loewen: Tout à fait. Il faudrait un certain nombre de regroupements. Avec la technologie d'aujourd'hui, on pourrait avoir plusieurs centaines de participants directs. Il en faudrait certainement beaucoup plus qu'aujourd'hui. Une première étape pourrait être un participant direct servant une industrie donnée. Il faudrait assurément beaucoup plus de participants directs.

Le sénateur Meighen: Avez-vous d'autres avis à nous communiquer sur le rapport MacKay, sur des sujets autres que le système des paiements dont vous avez principalement traité?

M. Loewen: Je dois avouer ne pas l'avoir lu en entier. D'après ce que j'ai vu, presque toutes ses recommandations sont excellentes, sauf qu'il ne s'est pas penché sur la question de savoir qui va gérer la mécanique de base de toute l'industrie, à savoir la manière dont on déplace l'argent. C'est la seule grande lacune que j'ai trouvée. Je ne suis pas non plus d'accord avec la partie qui traite de l'étranger.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire la propriété étrangère?

M. Loewen: Oui. Je ne pense pas que nous ayons besoin de propriété étrangère dans une industrie aussi vitale que celle-là. Je ne pense pas qu'il faille se tourner vers l'étranger pour résoudre ces problèmes que nous pouvons régler nous-mêmes. Je ne suis pas d'accord lorsqu'il dit qu'il faut ouvrir la porte aux fournisseurs de services étrangers. Microsoft fait la cour aux banques en ce moment même et Microsoft a un plan pour assurer toutes les transactions financières du monde -- certainement toutes les transactions de paiement de factures du monde. C'est du moins ce qu'ils disent.

Je pense qu'il faudrait laisser ces opportunités aux Canadiens. Je ne le dis pas par égoïsme. L'heure de ma retraite a largement sonné, j'aimerais bien me retirer de cela, mais j'ai quelques employés et clients que j'aimerais voir réussir.

Le sénateur Meighen: Cela pourrait-il se faire sans réglementation, que d'aucuns considéreraient comme restrictive vis-à-vis des étrangers?

M. Loewen: Je ne pense pas que ma requête soit restrictive, si c'est ce que vous voulez dire. Il faut avancer de manière responsable et faire ce que l'on pense bon pour le marché. Actuellement nous prévoyons d'introduire quelque chose qui fera bondir l'Association canadienne des paiements. Nous le ferons probablement quand même, car quelqu'un d'autre nous a demandé de le faire. Nous le faisons depuis quelque temps et les banques le font pour elles-mêmes. Nous verrons ce qui arrivera.

Le fait est que maints diktats de l'Association canadienne des paiements ne sont pas respectés par les compagnies d'assurance et d'autres. C'est un peu une farce, mais vous ne savez jamais ce qui risque de vous tomber dessus. Contrairement aux promesses explicites faites il y a quelques années, les banques vont imposer une restriction à l'acheminement par notre service des paiements aux compagnies de carte de crédit. Elles ont dit d'accord pour les factures de téléphone, d'électricité et d'eau, et cetera, mais pas pour les factures de carte de crédit. Pourquoi? Parce que toutes ces autres factures représentent des paiements réguliers. Censément, nos factures téléphoniques seront de montant similaire tous les mois, mais pas les paiements de carte de crédit.

Nous avons dû vivre avec cela pendant cinq ans. Nous avons finalement obtenu le changement afin de pouvoir servir tout le marché et pas seulement une petite partie. Dans l'intervalle, elles ont commencé à introduire le même service chez elles et, bien entendu, elles ne se sont pas imposées les mêmes restrictions. Il y a une règle H6 qui est scandaleuse sur le plan de l'équité. Elles se régissent elles-mêmes d'une certaine manière s'agissant du service de paiement de factures. La règle H4 nous régit d'une manière totalement différente.

C'est une organisation étrange. Je ne vois pas où ils trouvent le culot de faire ce qu'ils font. C'est en partie parce que certaines des choses les plus graves restent ignorées.

Le sénateur Angus: Avez-vous comparu personnellement devant le groupe de travail, en sus du mémoire que vous avez déposé en septembre 1997?

M. Loewen: Oui. Je crois que c'était en décembre. Le groupe a siégé à Winnipeg aux alentours de décembre, je crois.

Le sénateur Angus: Était-ce lorsque M. Baillie était encore président?

M. Loewen: Non, M. MacKay venait d'être nommé. En fait, M. MacKay n'était pas à cette réunion, car il venait juste d'être nommé.

Le sénateur Angus: Il semble que votre principale critique du rapport du groupe de travail tient au fait qu'il ne traite guère du système des paiements.

Je peux me tromper et j'aimerais connaître votre sentiment. Lorsque ce groupe de travail a été mis sur pied et que son mandat a été fixé, on en a retranché le système des paiements, qui a été confié à un groupe technique spécial dirigé par la Banque du Canada et composé de gens ayant une meilleure connaissance de ce mécanisme complexe. Est-ce vrai?

M. Loewen: Je ne suis pas au courant de ces détails. Je sais que la Banque du Canada et le ministère des Finances, en juin ou juillet, ont publié un rapport sur le système des paiements.

Le sénateur Angus: L'avez-vous lu?

M. Loewen: Je l'ai parcouru. Il ne correspond pas du tout à ce que je souhaite. C'est l'une des raisons pour lesquelles je dis qu'il y a des gens à Ottawa qui pensent que l'Association canadienne des paiements est un organe législatif. Il l'est peut-être dans la pratique, mais je ne vois pas pourquoi les banques devraient faire la loi dans ce pays. Je ne suis pas juriste, mais ces décisions deviennent la pratique commerciale, qui est presque le droit commercial.

Le sénateur Angus: Je vois. Vos remarques visaient à la fois le rapport MacKay et le rapport auxiliaire sur le système des paiements.

M. Loewen: C'est juste.

Le sénateur Angus: Pour ce qui est de votre société, j'ai cru comprendre que vous êtes le pionnier du paiement électronique des factures.

M. Loewen: C'est juste.

Le sénateur Angus: Une partie de l'affaire a été vendue, mais le service de paiement de factures, TelPay, existe encore. En êtes-vous le président?

M. Loewen: Oui.

Le sénateur Angus: Combien d'employés avez-vous, monsieur?

M. Loewen: Nous avons une trentaine d'employés.

Le sénateur Angus: Quelle sorte d'équipement avez-vous? Je suppose que tout cela se fait par ordinateur.

M. Loewen: Oui. Nous avons mis au point ce système. Nous allions transformer Comcheq en banque et jugions qu'il nous faudrait un système de transmission électronique des chèques de paye, et cetera. Nous l'avons mis au point et il fonctionnait très bien.

En outre, nous voulions donner aux employés payés par l'intermédiaire de Comcheq l'accès téléphonique à leur compte. Le processus de mise au point a commencé en 1981 ou 1982. Nous ne pouvions pas trouver sur le marché de système de réponse vocale, et nous en avons construit un nous-mêmes. Nous avons conçu tout le système nous-mêmes. Nous avons employé une merveilleuse technologie d'une société appelée Waterloo Microsystems, et tout notre système était opérationnel en 1985. C'était sans doute le tout premier réseau bancaire sans succursale aucune.

Quoi qu'il en soit, les interminables démarches pour devenir une institution financière ont eu raison de nous. Pour de multiples raisons, nous avons finalement décidé de vendre, parce qu'il n'y a simplement pas moyen de battre les banques.

Le sénateur Angus: Vous faites toujours le paiement électronique de facture.

M. Loewen: C'est exact.

Le sénateur Angus: Avez-vous amélioré votre logiciel?

M. Loewen: Nous l'améliorons toujours, et nous continuons à utiliser ce vieux système de Waterloo Microsystems, qui est toujours aussi efficient que tout ce que l'on peut trouver aujourd'hui. Il est entièrement basé sur microordinateurs et, bien entendu, la capacité de ces derniers s'est considérablement accrue, et tout marche bien. C'est essentiellement le même système que celui avec lequel nous avons démarré. Nous avons dû apprendre beaucoup de leçons au début, mais c'est en gros le même système que nous agrandissons sans cesse.

Le sénateur Angus: Vos activités entrent dans la catégorie générale du commerce électronique?

M. Loewen: C'est juste.

Le sénateur Angus: Y a-t-il d'autres exploitants dans ce domaine au Canada, hormis vous-même et les banques?

M. Loewen: Peut-être.

Le sénateur Angus: Vous avez mentionné tout à l'heure vos concurrents et indiqué que vous aimeriez garder cette activité au Canada. Je connais quelques entreprises qui sont actives dans votre domaine. Bell a mis au point un service de commerce électronique offrant le paiement de factures. Bell a récemment fusionné avec MPACT Immedia Inc., qui fait aussi le paiement de factures. Connaissez-vous cette société?

M. Loewen: Non. Je sais que Bell s'occupe de commerce électronique par EED, mais je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre. Les choses évoluent sans cesse. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre traite les débits sur les comptes bancaires.

Le commerce électronique recouvre toutes sortes de choses, et pour notre part nous assurons le transfert de fonds d'un compte bancaire à un autre. Si Bell fait cela, c'est nouveau pour moi.

Le sénateur Angus: À votre connaissance, vous êtes les seuls à faire ce que vous faites?

M. Loewen: C'est juste, nous sommes le seul fournisseur d'envergure. Ce n'est pas un domaine dans lequel il est facile de se lancer. Nous avons une liste de 700 sociétés auxquelles nous pouvons effectuer les paiements, et il n'est pas simple de conclure ces accords.

Le sénateur Angus: Je suppose que vous aimeriez que nous allongions cette liste, et enlevions les entraves?

M. Loewen: Nous allongerons la liste nous-mêmes. Ce que nous demandons, c'est que la réglementation cesse de nous brimer. Nous sommes actuellement plongés dans un litige avec l'Association canadienne des paiements et Revenu Canada. Revenu Canada a décrété que seules les cinq grosses banques pouvaient faire des versements électroniques à Revenu Canada. Cette position est motivée par un accord que le ministère avait conclu avec l'Association canadienne des paiements.

Revenu Canada considérait que l'accord avec l'Association canadienne des paiements interdisait à toute autre institution financière de conclure un accord avec nous. J'estime qu'il n'appartient pas à l'Association canadienne des paiements de dicter la nature de tout accord que ses membres pourraient conclure avec nous, du moment qu'il n'y a pas de répercussions sur le système de compensation. L'ACP a déjà admis que nous avons en partie raison et je suis sûr qu'elle finira par faire le reste du chemin. Dans l'intervalle, nous sommes pratiquement en guerre ouverte avec elle et paralysés du côté de Revenu Canada. Il est très important pour nous que nous puissions effectuer ces paiements.

Le sénateur Angus: Je comprends, monsieur.

Le sénateur Joyal: Puisque c'est vous qui avez créé Comcheq, savez-vous si le système que vous avez conçu -- et qui a été vendu à CIBC -- a été sensiblement amélioré? La banque a-t-elle fait de la R-D pour améliorer le système ou bien a-t-elle apporté des modifications conséquentes qui en feraient un produit différent de celui que vous lui avez vendu?

M. Loewen: Pas réellement. Elle a ajouté quelques systèmes de personnel, mais en gros CIBC a acheté Comcheq parce que son propre système ne marchait pas. Notre service de paye a longtemps fonctionné sur ordinateur central, mais nous avons pu le convertir sur micro-ordinateurs. La principale raison qui les a amenés à nous acheter était de pouvoir retrancher ce système gigantesque de son ordinateur central et de le faire fonctionner sur micro-ordinateurs. Le personnel que j'avais embauché à Comcheq est toujours là et s'occupe des adaptations, mais l'accent a été mis sur la conversion de systèmes existants plutôt que la recherche d'innovations.

Le sénateur Joyal: Vous exploitez maintenant le service TelPay. Est-ce qu'il existe une entreprise ou un service similaire aux États-Unis et pensez-vous qu'il puisse un jour rivaliser avec vous sur le même marché?

M. Loewen: Oui. Checkfree est une importante société américaine. Elle fonctionne à peu près comme nous, à quelques différences près. La société s'implante au Canada, mais je ne sais pas si elle offrira en particulier le paiement de factures. Un changement plus notable est l'alliance entre Microsoft et First Data Corporation aux États-Unis. First Data offre le paiement de factures et des opérations bancaires depuis de nombreuses années aux États-Unis. Les deux ont formé une alliance, créant une société appelée MSFD qui cause l'inquiétude chez les banques canadiennes. Je crois savoir que certains accords ont déjà été conclus.

Le sénateur Joyal: Pensez-vous que le contexte ou l'environnement concurrentiel pour votre société, ou les services comme le vôtre, connaîtra des changements substantiels, au Canada, dans un avenir proche?

M. Loewen: Oui.

Le sénateur Joyal: Si les modifications que vous avez demandées ne sont pas apportées, craignez-vous d'être davantage fragilisé que si le statu quo était maintenu?

M. Loewen: Nous avons été pas mal persistants par le passé et parfois les choses ne tournent pas comme on le voudrait. Je ne dirais pas que nous disparaîtrions. Très franchement, un obstacle comme la situation de Revenu Canada qui nous empêche d'offrir toute une série de preneurs de paiements, représente une plus grande menace qu'un concurrent.

Microsoft, en tant que concurrent, ne me fait pas peur. Je pense simplement qu'il vaudrait mieux que les Canadiens aient un choix. Les banques ont une liste de preneurs similaire à la nôtre et elles sont parfaitement libres de la vendre à qui elles veulent. Pour le moment, il semble qu'elles vont la céder à Microsoft.

Le sénateur Joyal: En d'autres termes, la concurrence étrangère ne vous inquiète pas; vous êtes davantage préoccupés par la réglementation, ici, au Canada.

M. Loewen: Le problème est là. J'aimerais voir quantité de concurrents. De fait, j'aimerais représenter ici une association, plutôt qu'une seule société.

Le sénateur Kroft: Je ne veux pas vous placer de mots dans la bouche, mais si le régime régissant cette activité et les règles étaient équitables, est-ce que cela favoriserait la concurrence?

M. Loewen: Oui, certainement.

Le sénateur Kroft: Ce genre de cadre favoriserait l'arrivée de nouveaux concurrents innovateurs sur le marché?

M. Loewen: Il faudrait que le Bureau de la concurrence y veille. Disons que les banques décident de sous-traiter le travail de paiement de factures. Si chaque banque individuelle devait sous-traiter à différentes organisations, il y aurait une forte concurrence. Cependant, si vous permettez aux banques de faire ce qu'elles ont fait dans le cas des services de paye -- à savoir sous-traiter à un nombre limité de fournisseurs ou même à un seul -- alors nous serons le seul concurrent. Ce serait peut-être bon pour nous, mais je ne sais pas. Si j'avais peur de la concurrence, je ne m'attaquerais pas aux banques.

Le sénateur Kroft: En ce qui concerne les services de paye, votre société, Comcheq, en a racheté deux autres. Le résultat est qu'aujourd'hui toute l'activité de service de paye appartient à une seule compagnie américaine, n'est-ce pas?

M. Loewen: Non, il y a deux compagnies américaines. Vous parlez là du secteur des prestataires de services de paye. D'autres vendent des systèmes de paye pour usage interne.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Loewen. Si vous pouviez dactylographier vos notes et nous les faire parvenir, ce serait excellent.

Le dernier témoin aujourd'hui est M. Graeme Rutledge. Monsieur Rutledge, nous connaissons tous l'Institut canadien des comptables agréés, lequel est intervenu ici sur diverses autres questions ces dernières années. Nous sommes ravis de vous entendre aujourd'hui sur ce sujet, plutôt que sur la responsabilité conjointe et solidaire. Notre patience et notre intérêt pour ce dernier sujet sont épuisés.

Vous avez distribué un mémoire. Veuillez nous en résumer les points saillants, mais nous connaissons le sujet central -- à savoir la modification des normes comptables, dont il est question aux pages 104 et 105 du volume principal du rapport du groupe de travail.

Vos collaborateurs ont indiqué que vous avez publié aujourd'hui un communiqué de presse, dont le contenu semble être couvert au haut de la page 4 de votre mémoire.

M. Graeme K. Rutledge, président, Groupe d'étude de l'ICCA sur la réforme des institutions financières, Institut canadien des comptables agréés: Je suis associé principal chez Deloitte and Touche et président du Groupe d'étude de l'ICCA sur la réforme des institutions financières. M'accompagnent aujourd'hui Mme Sylvia Smith, directrice, Normes comptables, et Mme Diana Hillier, directrice, Normes de vérification. Nous avons été invités à nous prononcer sur le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

L'Institut canadien des comptables agréés (ICCA) appuie pleinement l'importante initiative lancée par le groupe de travail. Au cours du projet, nous avons présenté des instances au groupe de travail et avons plusieurs fois rencontré celui-ci et son personnel. Mon intervention d'aujourd'hui portera principalement sur l'une des questions abordées par le groupe de travail, notamment la comptabilité pour les regroupements d'entreprises.

Nous tenons à saisir le comité des plans récemment élaborés par le Groupe d'étude de l'ICCA sur la réforme des institutions financières en vue de s'attaquer rapidement à la question de la comptabilité pour les regroupements d'entreprises. Avant de ce faire, j'aimerais fournir au comité des explications et des observations importantes relativement aux questions qui interviennent dans ce domaine plutôt complexe.

Nous traiterons également brièvement dans notre exposé d'aujourd'hui de certaines questions liées aux besoins d'information des parties intéressées, à la régie d'entreprise et à la réglementation des institutions financières.

Je vais tout d'abord traiter de la comptabilité pour les regroupements d'entreprises. Les recommandations 42 et 43 du rapport du groupe de travail portent sur l'incidence des principes comptables sur la compétitivité des institutions financières, notamment en ce qui concerne les regroupements d'entreprises. Essentiellement, ces recommandations encouragent le Conseil des normes comptables (CNC) à être sensible aux changements de principes et de pratiques comptables susceptibles d'avoir un effet négatif sur la compétitivité internationale des institutions financières canadiennes ou de nuire au démarrage et à la croissance de nouvelles institutions financières.

Le CNC est l'organe de l'ICCA chargé de fixer les normes comptables au Canada. Son principal mandat est d'établir et d'améliorer les normes de comptabilité et de présentation de renseignements financiers. Plusieurs groupes bénéficient du travail du Conseil des normes comptables, notamment utilisateurs, préparateurs et vérificateurs de rapports financiers. En fait, le public tout entier bénéficie de la diffusion de renseignements financiers de qualité.

L'efficacité des rapports financiers est évaluée en fonction de leur contribution à la reddition de comptes, à la transparence et à la comparabilité de toutes les entités qui se font actuellement concurrence pour avoir des capitaux sur le marché d'aujourd'hui. Des rapports financiers de cette qualité contribuent à la compétitivité des entités canadiennes en aidant les intéressés à prendre leurs décisions en matière de répartition de ressources.

Maintenant que nous avons traité du principal mandat du Conseil des normes comptables, je vais aborder la question de l'incidence de la mondialisation. Le CNC reconnaît que l'accès aux marchés des capitaux mondiaux est de plus en plus important pour les entreprises canadiennes. En fait, une part importante du travail du CNC au cours des dernières années a visé la suppression ou en tout cas la minimisation des différences entre les normes comptables canadiennes et internationales.

Étant donné que les États-Unis sont notre principal partenaire commercial, la réduction maximale des différences entre les normes canadiennes et américaines a été tout particulièrement importante. En dépit de l'importance de l'harmonisation, le Conseil des normes comptables du Canada doit demeurer fidèle à l'objectif qu'est celui d'apporter aux normes de comptabilité des changements qui améliorent l'imputabilité et la transparence en matière de rapports financiers. Il arrive que surviennent des conflits entre cet objectif et le désir d'amener l'harmonisation. C'est le problème dans le cas de la comptabilité pour les regroupements d'entreprises.

Le Conseil des normes comptables a une conscience aiguë des préoccupations au sujet de la comptabilité des regroupements d'entreprises. Interviennent diverses questions complexes, et nous aimerions à cet égard faire quelques observations. Nous vous soumettons ces observations dans le but d'illustrer certains des aspects complexes et les raisons pour lesquelles il n'existe à cet égard pas de solution facile.

Au Canada, la comptabilité pour les regroupements d'entreprises est axée sur la méthode de l'achat pur et simple, sauf dans de rares cas où l'on ne peut pas identifier l'acquéreur, auquel cas l'on recoure à la méthode de la fusion des intérêts communs. En vertu de la méthode comptable de l'achat pur et simple, la compagnie acquéreuse doit rendre compte du prix payé pour faire l'acquisition. Il s'agit là de la valeur marchande de la transaction.

Cette reddition est perdue dans le cadre de la méthode de mise en commun des intérêts. Les critères américains applicables au cas où les combinaisons d'entreprises sont traitées comme des mises en commun ou des fusions sont très différents. Il en résulte que de nombreuses acquisitions américaines dans le contexte desquelles un parti achète l'autre sont enregistrées comme étant des mises en commun d'intérêt aux États-Unis, avec très peu ou pas du tout de reddition de comptes en ce qui concerne la valeur de la transaction.

Le Conseil des normes comptables croit que la reddition de comptes aux parties prenantes en ce qui concerne la valeur de la transaction est très importante. Plusieurs PDG d'entreprises canadiennes ont exprimé cette opinion. La question du recours à la méthode de l'achat par opposition à la méthode de la mise en commun des intérêts peut paraître technique, mais ce qui compte pour les parties prenantes, c'est la reddition de comptes.

C'est le Financial Accounting Standards Board (FASB) qui établit les normes comptables aux États-Unis et il convient que l'approche américaine en matière de mise en commun présente certaines lacunes. Il a lancé un projet déjà bien avancé visant à modifier la norme américaine. Grâce aux relations très étroites que nous entretenons avec lui, nous pensons que les changements proposés seront déposés auprès du public américain pour que celui-ci se prononce dans le courant du deuxième trimestre de 1999.

Le FASB est appuyé dans cette initiative par la Securities and Exchange Commission (SEC). Des représentants de la SEC nous ont dit à quel point il est difficile de réglementer la norme américaine. L'ancien comptable en chef de la SEC a déclaré publiquement que les normes américaines en matière de mise en commun sont détraquées et doivent être repensées.

Il importe également de souligner certains récents développements en matière de comptabilité pour les regroupements d'entreprises au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni utilise une approche semblable à la nôtre pour déterminer les rares combinaisons d'entreprises qui seront visées par une méthode de fusion d'intérêts. Cette approche n'a pas changé. Cependant, la norme britannique applicable à l'achalandage et aux biens incorporels a été modifiée l'an dernier. La nouvelle norme britannique exige que l'achalandage et les biens incorporels soient capitalisés et amortis sur leur durée de vie utile si celle-ci peut être déterminée. Ce changement a éliminé ce que d'autres pays avaient jusqu'alors appelé l'avantage britannique, étant donné que les normes du Royaume-Uni permettaient d'amortir l'achalandage pendant l'année d'acquisition.

D'autre part, la nouvelle norme permet d'amortir la clientèle et les biens incorporels sur une période supérieure à 20 ans ou encore pas du tout, si une durée de vie plus longue ou indéterminée peut être justifiée. L'achalandage et les biens incorporels amortis sur une période supérieure à 20 ans ou pas du tout seront assujettis à des mesures annuelles de vérification de perte de valeur.

Un autre changement international important à signaler est l'initiative du G4+1 relativement aux regroupements d'entreprises. A été créé un groupe de travail sur les normes comptables réunissant des participants du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, d'Australie et de Nouvelle-Zélande, ainsi que du comité international des normes comptables. Le G4+1 oeuvre présentement à l'élaboration d'un énoncé de principes devant être déposé en décembre 1998 et qui propose une méthode comptable unique applicable aux regroupements d'entreprises.

Le but de cette initiative, menée par le FASB, est l'élaboration de normes internationales harmonisées applicables à la méthode comptable pour les regroupements d'entreprises. Nous pensons que le leadership du FASB dans le cadre du projet du G4+1 est un signe concret de son engagement à changer le traitement comptable des regroupements d'entreprises. D'autre part, le fait de participer à une initiative internationale devrait faciliter l'adoption de changements sur les marchés nationaux de chacun des pays concernés.

En dépit de toutes ces initiatives internationales, le Conseil des normes comptables est très sensible au contexte canadien et aux opinions divergentes quant à la meilleure solution. D'aucuns estiment que nous devrions attendre que les normes américaines soient changées. D'autres estiment qu'il importe d'intervenir plus rapidement. En attendant, il y a en vérité deux façons différentes d'aborder le problème: premièrement, adopter les critères américains en matière de mise en commun; deuxièmement, apporter certains changements au traitement comptable de l'achalandage, surtout en ce qui concerne l'amortissement, afin que les gains déclarés soient plus proches de ce qu'ils seraient en vertu de la méthode de mise en commun des intérêts.

Adopter les critères américains en matière de mise en commun pourrait sembler être la façon la plus simple et la plus directe d'harmoniser avec les PCGR américains, mais cette approche n'est pas aussi simple que d'aucuns le pensent. En vertu des PCGR des États-Unis, il y a 12 critères détaillés qui doivent être respectés dans le cadre de la fusion d'intérêts communs. La satisfaction de ces critères peut sérieusement limiter certaines activités, notamment la capacité de racheter des actions -- tant avant qu'après la transaction -- et la liquidation d'éléments d'actif pendant les deux années suivant la fusion.

Comparativement aux États-Unis, le Canada a, relativement parlant, plus d'entreprises qui sont des filiales d'autres sociétés. Il convient par ailleurs de souligner que les critères de mise en commun américains interdisent l'utilisation de mises en commun d'intérêts pour une compagnie qui a été une filiale dans les deux années précédant la fusion.

Le Conseil des normes comptables s'est engagé à suivre un processus équitable de consultation et d'analyse. Un processus semblable sera suivi par d'autres organes d'établissement de normes et cela demande du temps. Dans le cadre de ce processus, nous recueillons les réactions de parties intéressées aux changements proposés. Comptent parmi ces parties intéressées des entreprises canadiennes et ceux et celles qui comptent sur les états financiers, ainsi que des organes de réglementation.

Dans l'intervalle, en tant que remède immédiat, nous aimerions souligner que certaines entreprises canadiennes préparent deux jeux d'états financiers, une qui correspond aux PCGR canadiens et une aux PCGR américains. L'inconvénient d'une telle approche est le risque potentiel de confusion. Cependant, le très net avantage est qu'il offre une aide immédiate à ceux et celles qui s'estiment désavantagés sur le plan compétitivité par rapport à leurs homologues américains.

Le Conseil des normes comptables continue de croire que la meilleure solution en ce qui concerne les préoccupations entourant la comptabilité pour les regroupements d'entreprises est l'harmonisation des normes nord-américaines. À cette fin, le Conseil poursuit son projet parallèlement à celui du FASB. Des exposés-sondages de ces deux projets concomitants, invitant les gens à se prononcer sur les propositions en matière de normes harmonisées, devraient être diffusés dans les deux pays au cours de la deuxième moitié de l'année 1999.

Le Conseil des normes comptables reconnaît l'urgence des questions entourant les regroupements d'entreprises et surveille activement la situation, recourant à des organes de réglementation et aux milieux d'affaires pour leurs contributions. Le Conseil a également participé aux récentes initiatives du Bureau du Surintendant des institutions financières (BSIF) en vue d'examiner des solutions provisoires envisageables. Lors de la réunion du Conseil des normes comptables du 23 septembre 1998, le Conseil a décidé de prendre des mesures en vue de maintenir le contrôle de l'échéancier. Il a été convenu que si le FASB n'est pas en mesure de produire un exposé-sondage en mai 1999, le Conseil des normes comptables du Canada émettra son propre exposé-sondage en mai abordant les questions relatives à la comptabilité pour les regroupements d'entreprises, l'objet étant de produire des normes finales pour diffusion d'ici à l'automne 1999.

Le Conseil des normes comptables va cet automne lancer une invitation à se prononcer sur la proposition du G4+1 visant une méthode harmonisée de comptabilité pour les regroupements d'entreprises. Le conseil va par ailleurs lancer une invitation à se prononcer sur la comptabilisation de la cote d'estime des entreprises. Les réponses obtenues grâce à ces deux initiatives faciliteront l'élaboration de l'exposé-sondage en mai 1999 et, en bout de ligne, des normes finales.

Le Conseil des normes comptables a collaboré étroitement avec le BSIF relativement à cette question. D'après ce que nous avons compris, les plans actuels du conseil bénéficient de l'appui du BSIF, en ce sens que celui-ci a décidé de suivre les progrès du conseil dans son examen de la question et de s'abstenir pour l'instant d'utiliser son droit de dérogation pour mettre en place une solution provisoire.

Nous aimerions souligner notre préoccupation quant à la possibilité que le BSIF utilise son pouvoir pour établir des principes comptables applicables aux regroupements d'entreprises étant donné qu'une telle solution ne s'appliquerait qu'aux institutions financières à réglementation fédérale, ce qui créerait des déséquilibres sur le marché canadien. Plusieurs chefs des opérations financières d'entreprises canadiennes nous ont exprimé la même préoccupation.

J'aimerais maintenant passer aux besoins des parties prenantes en matière de renseignements. Le groupe de travail fait état de transparence et de divulgation de renseignements aux consommateurs. Nous aimerions néanmoins souligner que le rapport ne semble pas traiter de la façon dont cette transparence et cette divulgation pourraient être assurées pour d'autres parties prenantes, notamment les actionnaires.

Nous pensons qu'il importe d'effectuer une analyse exhaustive des besoins en matière de renseignements de toutes les parties prenantes, et de la façon dont ces besoins pourront être le plus efficacement satisfaits.

Devraient participer à une telle étude associations sectorielles, groupes de consommateurs, organes de réglementation et autres parties intéressées. Cette étude devrait porter sur les renseignements à fournir, sous quelle forme et à quelle fréquence. L'ICCA serait heureuse de participer à une telle étude pour les questions où sa compétence serait pertinente.

Passant maintenant à la régie d'entreprise, nous convenons que le rapport du groupe de travail ne fait pas une étude exhaustive des pratiques en matière de régie des institutions financières réglementées, car les questions relatives à la régie d'entreprise seront examinées dans le cadre du processus de remaniement de la Loi sur les sociétés par actions. Nous aimerions cependant souligner que le rôle joué par les déposants et les détenteurs de polices non participantes dans les institutions financières soulève un certain nombre de questions de régie tout à fait uniques. Nous nous demandons comment les rôles des déposants et des détenteurs de polices seront abordés dans l'étude plus vaste de la régie d'entreprise faisant partie du processus de réforme de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Une étude plus ciblée sera peut-être nécessaire pour traiter des questions de régie particulières aux déposants et aux titulaires de polices.

Passant maintenant à la question de la réglementation des institutions financières, nous aimerions nous prononcer en faveur des recommandations du groupe de travail portant sur les dédoublements et les chevauchements entre les réglementations fédérale et provinciales. Nous appuyons par ailleurs les recommandations visant la simplification des approbations. Le groupe de travail recommande également que la responsabilité statutaire du BSIF soit élargie dans certains domaines. En réaction à ces propositions, nous aimerions souligner que la réflexion actuelle sur la régie d'entreprise et la réglementation semble pencher en faveur de l'élaboration de principes axés sur l'autorégie et l'imputabilité. Nous tenons ici à faire une petite mise en garde: tout changement au niveau des pouvoirs de réglementation doit assurer un équilibre approprié entre l'autorégie et la réglementation.

Voilà qui met fin à ma présentation officielle. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Êtes-vous au courant que le BSIF a émis un communiqué de presse aujourd'hui en réaction au vôtre?

M. Rutledge: J'étais au courant qu'il comptait le faire, mais je n'ai pas encore vu le communiqué.

Le président: Je vais vous en lire le paragraphe pertinent, car je pense que mes collègues devraient disposer de ces renseignements dans l'intérêt de la discussion qui va suivre. Ce communiqué a été diffusé par le BSIF à midi aujourd'hui. Il dit ceci:

De l'avis du BSIF, il est essentiel que les institutions financières canadiennes à réglementation fédérale se voient donner la certitude que des normes comptables concurrentielles pour les regroupements d'entreprises seront en place dans un proche avenir pour permettre aux entreprises de planifier leur avenir. En conséquence, s'il devient clair que l'ICCA se trouve confronté à des obstacles tels qu'il ne sera vraisemblablement pas en mesure d'atteindre rapidement cet objectif, le BSIF sera prêt à adopter des changements aux normes comptables utilisées par les institutions financières canadiennes à réglementation fédérale pour réduire autant que possible le désavantage concurrentiel. Ce droit de dérogation serait en vigueur pour les périodes fiscales commençant le 1er novembre 1998 et au-delà et serait maintenu jusqu'à ce qu'il y ait convergence entre le Canada et les États-Unis en matière de comptabilité pour les regroupements d'entreprises.

La question de la différence dans les méthodes comptables applicables aux fusions et aux acquisitions nous occupe depuis plusieurs années déjà. J'ai la très nette impression que l'ICCA a été entraîné contre son gré à prendre sa décision du 23 septembre de pousser plus loin dans cette orientation. Si je dis cela c'est que j'ai du mal à croire que c'est une simple coïncidence qu'une question qui flotte autour de l'ICCA depuis quelque temps et qui n'allait nulle part ait tout d'un coup débouché sur de l'activité lorsque sont survenues deux choses: premièrement, MacKay a produit un rapport disant que vous devriez apporter ce changement et, deuxièmement, le BSIF dit que si vous n'apportez pas le changement, il le fera à votre place.

L'on a donc le sentiment qu'il y a chez vous beaucoup d'hésitation quant à votre situation et l'on est amené à s'interroger là-dessus après lecture de votre mémoire et de votre communiqué de presse, qui parle de votre objectif de trouver une solution d'ici à l'automne 1999.

Je ne comprends pas l'énorme hésitation que semble avoir votre profession pour s'attaquer à une question comme celle-ci, alors que d'aucuns laissent entendre qu'il y a peut-être une façon différente de traiter d'une question, comparativement à celle que vous avez historiquement utilisée. Mon instinct me dit qu'il n'y a en matière de normes comptables aucune vérité absolue. Or, il s'agit peut-être là d'un concept que votre association a eu du mal à accepter. Est-ce là une interprétation injuste de la situation?

M. Rutledge: Tout d'abord, je vous suis reconnaissant d'avoir lu ce paragraphe tiré du communiqué de presse du BSIF, afin que cela figure au procès-verbal. C'est, en gros, ce à quoi nous nous étions attendus de la part du BSIF. Il y a eu une communication étroite entre les deux groupes, un échange d'ébauches de communiqués de presse, et cetera.

Le président: J'ai posé ces questions car je pensais que vous aviez vu le communiqué de presse.

M. Rutledge: C'est très bien. Le gros de votre question vise à déterminer ce qui prend tant de temps et si nous avons été entraînés contre notre gré à la table.

Je pense qu'il est très juste de dire que l'Institut canadien des comptables agréés suit de très près la situation depuis plusieurs années. Il est intervenu. L'Institut canadien des comptables agréés a compté parmi les premiers, aux côtés de l'Institut du Royaume-Uni, à porter à l'attention des Américains, et notamment du FASB, le fait que ce dernier n'est en gros pas au diapason avec le reste du monde commercial à cet égard.

Il en a résulté que les Américains ont convenu d'entreprendre un projet qui serait très prioritaire, et que l'ICCA canadien y participerait. L'échéancier de ce projet, lorsque nous l'avons entrepris, était relativement court. Malheureusement, il semble qu'il ait sans cesse été prolongé.

Une vérification des dossiers montrera que cette question a de nombreuses fois au cours des dernières années figuré à l'ordre du jour du Conseil des normes comptables. Lors de sa réunion de septembre, celui-ci a décidé que cela durait depuis assez longtemps et qu'il lui faudrait prendre le contrôle de l'échéancier. Le Conseil canadien des normes comptables a déclaré que si l'échéancier négocié avec le FASB, prévoyant le dépôt d'un exposé-sondage d'ici à mai 1999, n'est pas respecté, alors il fixera son propre échéancier.

En un sens, ce serait dommage que cela arrive, vu que l'harmonisation est un objectif si important pour le Canada et les États-Unis. Cela pourrait résulter en une situation dans laquelle le Canada serait obligé d'apporter des changements seul de son côté. Les Américains apporteraient des changements plus tard et il n'y aurait alors peut-être pas synchronisation entre les deux pays.

Le président: Vous n'avez pas conclu votre déclaration au sujet de votre situation relativement à l'ébauche de mai. Il me semble que la déclaration du BSIF dit qu'il y a une date de clôture pour ce processus, d'une façon ou d'une autre. Est-ce bien cela?

M. Rutledge: Le processus suivi par l'Institut canadien des comptables agréés prévoit la production d'un document de discussion et sa distribution à un groupe de personnes compétentes en la matière dans le but de recueillir leurs réactions initiales. Une fois émis l'exposé-sondage, l'on considérera qu'il s'agit là en gros de la déclaration d'intention. Il y aura peut-être du travail de peaufinage entre cette date-là et la diffusion de la norme finale, mais cet exposé-sondage correspond à une étape très importante.

Le président: Vous attendez-vous à ce que l'ébauche finale soit prête avant le 31 octobre 1999?

M. Rutledge: Nous avons dit que ce serait à l'automne 1999. Le surintendant dit octobre parce que cela correspond à la fin de l'exercice financier des banques canadiennes.

Le président: Vous attendez-vous à ce que ce délai soit respecté?

M. Rutledge: Je pense que la réunion finale du Conseil des normes comptables est prévue pour novembre.

Mme Sylvia Smith, directrice, Normes comptables, Institut canadien des comptables agréés: Nous nous efforcerons certainement de respecter cet échéancier. Nous sommes en train de mettre en place le processus nécessaire pour y parvenir.

Le président: Le BSIF a en résumé dit que si vous ne respectez pas l'échéancier, il interviendra. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Rutledge: C'est exact.

Le sénateur Angus: Le sénateur Kirby a, je pense, couvert la question essentielle qui nous occupe ici cet après-midi. Cependant, pour resserrer un peu les choses, il y a clairement ici impasse. Cela nous est ressorti très clairement ce matin lorsque le PDG de Great-West Life a eu l'occasion de faire devant les sénateurs certaines observations là-dessus au sujet de l'ICCA. Il n'a pas mâché ses mots. Il voulait que nous comprenions bien que l'industrie se sent très entravée par le fait qu'il existe à l'heure actuelle des règles différentes entre le Canada et les États-Unis, en particulier. Comme l'a dit le président, il ne s'agit pas d'une chose que nous avons apprise seulement hier. Il y a dans le milieu beaucoup de frustration. Le président a bien situé les choses lorsqu'il a déclaré que vous êtes à ce sujet hésitants. Vous ne voulez pas changer les choses. Vous préféreriez maintenir le statu quo et obtenir des Américains qu'ils adoptent notre système.

M. Rutledge: Non. Si vous me permettez, j'aimerais corriger ce que vous venez de dire.

Notre préférence n'est pas de garder le statu quo ici et de faire changer les Américains de système. Ce que nous voulons, c'est travailler avec les Américains et, ensemble, adopter une nouvelle norme. Qu'il s'agisse d'un changement par rapport à ce que nous avons ou d'un changement par rapport à ce qu'ont les Américains reste à déterminer. L'engagement était d'assurer l'harmonisation entre les deux pays. Nous nous sommes engagés à harmoniser jusqu'à un certain point dans l'échéancier, après quoi nous nous retirons et nous faisons cavalier seul.

Le sénateur Angus: Vous dites bel et bien cela un petit peu partout dans votre rapport. Dans un monde idéal, il y aurait rapidement harmonisation. Cela cadre avec une ouverture maximale à la concurrence. D'un autre côté, le mot «préoccupation» apparaît beaucoup plus souvent dans votre document. Vous êtes préoccupés par la question du bon choix.

Dans quelle mesure interviennent ici les aspects sécurité et solidité? C'est clairement là ce qui vous préoccupe, en ce qui concerne la comptabilité pour ces regroupements et le système canadien. Vous serait-il possible de faire ressortir les principales différences? J'ai compris ce que vous avez dit au sujet de la mise en commun.

M. Rutledge: Si j'ai bien compris votre question, vous aimeriez en savoir plus sur les principales différences entre la norme canadienne et les normes américaines existantes. La principale différence est qu'aux États-Unis une société relativement importante qui acquiert une société relativement petite peut utiliser la méthode comptable de mise en commun des intérêts, à condition que la transaction soit structurée de telle sorte qu'il s'agisse d'un échange d'actions entre deux organisations, et 12 critères doivent alors être respectés. Ces 12 critères sont tels que vous devez rester ensemble pendant deux années avant l'acquisition et pendant deux années après l'acquisition. Vous ne faites rien indirectement qui puisse être une opération en espèces directement. Vous n'êtes pas autorisé à vendre des actions pendant deux ans. Les parties recevant les actions -- les groupes d'intérêt -- ne peuvent pas liquider leurs actions. Ils ne peuvent pas se retourner, vendre les avoirs et obtenir de cette façon de l'argent comptant.

Le sénateur Angus: C'est un petit peu comme le cas des personnes qui ont obtenu des actions de Great-West pour London Life. Dans une telle situation, ils n'auraient pas le droit de négocier ces titres pour cette période de temps. Est-ce là une bonne analogie?

M. Rutledge: Oui, si les parties dont il est question peuvent être qualifiées de groupes de contrôle significatifs. Si l'entreprise est à propriété dispersée, la réponse serait différente. Cependant, s'il s'agit d'un groupe d'intérêt et d'un autre, ils ne peuvent pas liquider leurs actions pendant cette période de deux ans.

Le sénateur Angus: Même si ces actions essuient une énorme perte de valeur.

M. Rutledge: Même si elles connaissent une baisse de valeur.

Le sénateur Angus: Quel est le but de cela? Quel est le mal là-dedans? C'est ce qu'ils font aux États-Unis, n'est-ce pas?

M. Rutledge: Oui.

Le sénateur Angus: Vous n'aimez pas cela.

M. Rutledge: La raison pour laquelle nous n'aimons pas cela est que si vous faisiez une transaction en espèces, vous seriez libre de toutes ces restrictions. Cependant, du simple fait que vous utilisez du papier, ce qui remplace l'argent comptant, ces restrictions s'appliquent. Cela ne semble pas logique.

Dans le cas de Great-West Life, j'ai dit dans mes remarques liminaires au comité, que l'une de ces 12 conditions est que vous ne pouvez pas être une filiale d'une autre société. Comme vous le savez, Great-West est en fait la filiale d'une autre société. Par conséquent, elle ne pourrait pas utiliser les règles américaines en matière de mise en commun des intérêts, même si l'organe de réglementation adoptait la norme américaine. Si l'organe de réglementation faisait intervenir l'APP-16 américain, alors toutes les conditions qui s'y appliquent empêcheraient une société comme Great-West Life -- ou une quelconque autre société cotée à la bourse et qui est une filiale -- de bénéficier de cela. Certains gens d'affaires commencent à peine à se rendre compte que de nombreuses restrictions s'appliquent dans le cas de situations de fusion d'intérêts communs aux États-Unis.

Au Canada, nous limitons la mise en commun des intérêts aux situations où deux groupes de taille à peu près égale se mettent ensemble et où il n'y a pas d'acquéreur clairement identifié. Ils mettent en gros en commun leurs entreprises.

Le sénateur Angus: Si je comprends bien, vous êtes en train de nous dire: «Pour l'amour de Dieu, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain dans l'intérêt de l'harmonisation». Ceux qui se plaignent auprès de nous que le système canadien, dans notre contexte concurrentiel, souffre de cette différence n'ont pas très bien compris. Ils ne comprennent peut-être pas bien le tout. En fait, nous avons un bien meilleur système ici, et l'accent devrait être mis sur l'intégration dans la nouvelle version harmonisée de ce qu'il y a de mieux dans notre système actuel.

M. Rutledge: C'est ce que nous pensons. J'ai dit que l'organe d'établissement des normes au Royaume-Uni a apporté un changement il y a un an. Il est bien au courant des normes américaines et il a décidé de ne pas les adopter. En fait, il avait un système dans le cadre duquel il était permis d'amortir l'achalandage dans l'année d'acquisition, ce qui nous ramène à la norme américaine. Ce serait alors tout à fait la même situation. Cependant, il a décidé que ce n'était pas là une norme appropriée et il l'a changée l'an dernier. C'est pourquoi nous nous occupons de cette difficile question qu'est l'harmonisation, pour essayer d'établir les choses comme il faut, tout en veillant à ce que l'on demeure concurrentiel ici au Canada. C'est une lutte.

L'autre point que j'aimerais souligner est que je me rends bien compte que cette audience porte sur les institutions financières à réglementation fédérale. L'Institut canadien des comptables agréés a un très vaste mandat en vertu duquel il doit établir des normes pour toutes les entités qui préparent des états financiers au Canada.

Le sénateur Angus: C'est là l'une des merveilles du fédéralisme.

M. Rutledge: Les entreprises incorporées au niveau fédéral en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions sont un exemple intéressant. Elles ne seront peut-être pas sur un pied d'égalité avec les autres si l'organe de réglementation doit utiliser ses pouvoirs dans ce cas particulier.

Le sénateur Angus: Ce qui nous préoccupe le plus est que vous ne cessez de répéter qu'il n'y a pas de consensus quant à la solution au problème. Vous avez dit que certains préconisent qu'on adopte tout simplement le système américain.

Nous avons un problème. Je ne suis pas certain de ce qu'il nous faut déduire de cela, en dehors du fait que vous nous exhorter d'être patients au lieu de sauter sur la recommandation MacKay à ce sujet.

M. Rutledge: Si cela est possible, monsieur le président, je vous demanderais d'exhorter les milieux d'affaires canadiens à faire connaître leurs opinions. Il serait très utile que les PDG, les dirigeants dans les milieux d'affaires prennent la parole et fassent connaître à l'ICCA leurs opinions sur les différentes possibilités. Cela serait très utile.

Le sénateur Angus: À la page 4 de votre déclaration, vous faites des recommandations en matière de divulgation et de renseignements plus complets. Vous y évoquez des conditions qui sont intéressantes. Tout n'est pas aussi simple que M. MacKay aimerait peut-être nous le faire croire. Vous mentionnez que le rapport n'explique pas comment la transparence et la divulgation pourraient être réalisées en ce qui concerne les parties prenantes, exception faite des consommateurs. Qui sont ces autres parties prenantes auxquelles vous songez? Vous avez mentionné des associations sectorielles et d'autres.

M. Rutledge: Je sais que les actionnaires sont également des consommateurs. Cependant, ils sont importants en leur qualité d'actionnaires, de déposants ou de détenteurs de polices non participantes. Vous soulevez la question de la sécurité et de la solidité. À long terme, une entreprise doit être sûre et saine si elle veut réussir. Je pense que les gens d'affaires prennent tous les jours des décisions qui supposent débourser de l'argent d'une façon ou d'une autre. Vous pourriez dire que ces décisions ne sont peut-être pas dans l'intérêt du déposant, mais elles sont peut-être bel et bien dans l'intérêt des actionnaires, si vous parlez d'un dividende. Bien sûr, vous ne devriez pas verser de dividende si l'entreprise ne sera par la suite pas sûre et saine. Il y a d'autres transactions de capital qui doivent être envisagées. Ce sont les intérêts de ces différents groupes qui comptent.

Le sénateur Angus: Êtes-vous au courant du système qu'a récemment adopté la Nouvelle-Zélande?

M. Rutledge: Oui, un peu.

Le sénateur Angus: Il vise en partie à s'écarter d'un système de surveillance axé strictement sur des règles et à laisser jouer les forces du marché, mais avec un mécanisme de divulgation trimestriel plus exigeant. Comment réagissez-vous à cela? Est-ce qu'ils sont en train de passer à côté là-bas aussi?

M. Rutledge: Notre examen initial de la situation là-bas est positif. Encore une fois, tout se ramène à la question de savoir si le public saura comprendre les différentes mesures qui sont fournies trimestriellement.

Mme Smith: Les principes de divulgation et de transparence cadrent parfaitement avec les objectifs de l'ICCA et du Conseil des normes comptables. Nous n'avons pas examiné dans le détail ce que fait la Nouvelle-Zélande, mais nous dirions qu'elle va dans la bonne direction. Il s'agit clairement là de quelque chose qui devrait être examiné de plus près à notre avis. Nous serions en faveur de ce genre d'orientation, qui s'inscrit dans cette même logique. Cependant, nous ne pouvons pas nous prononcer sur le détail du système néo-zélandais.

Le sénateur Angus: Nous avons tout juste l'autre jour déposé un rapport dans lequel nous faisons quelques observations là-dessus. Il serait intéressant de savoir si M. Rutledge et ses collègues pensent que nous avons frappé près de la cible ou non.

M. Rutledge: Cela nous intéressait de l'examiner.

Le sénateur Kroft: Ce que je vois, c'est la réalité, soit que nous avons eu une discussion d'environ une demi-heure alors que le groupe de travail MacKay décrit plusieurs réunions qu'il a eues. Il semble qu'il demeure résolument non convaincu. C'est le fait qui nous reste. Je suis tenté de vous poser la question suivante: Pourquoi pensez-vous ne pas avoir réussi à le convaincre?

Pourriez-vous nous aider à comprendre? Y avait-il une pierre d'achoppement bien précise qui n'est pas claire? Il nous a dit: «On s'est réuni maintes et maintes fois. On a écouté. On demeure convaincu qu'il nous faut aller de l'avant avec cela».

M. Rutledge: Le message que je tire du groupe de travail MacKay est que bien que l'harmonisation et la mondialisation soient des objectifs souhaitables, la protection de la compétitivité de l'industrie canadienne a aujourd'hui un niveau de priorité supérieure. C'est ce que je déduis de la recommandation du groupe de travail. Bien que nous aimerions avoir des systèmes comptables harmonisés, il nous faudra peut-être, dans l'intervalle, bouger. Je pense que c'est la raison pour laquelle le Conseil des normes comptables a maintenant un échéancier accéléré, soit une procédure équitable écourtée.

Le sénateur Di Nino: Je ne suis pas certain que l'échange d'aujourd'hui me rassure beaucoup. Je n'ai pas forcément expliqué cela publiquement à tous mes collègues, mais j'ai passé quatre décennies au sein du secteur des services financiers.

L'une des questions qui a toujours été soulevée chaque fois qu'un problème est survenu est le rôle que les vérificateurs externes, vos membres, ont joué dans les événements ayant débouché sur les problèmes -- qui ont créé quelques sérieuses difficultés pour les Canadiens, en tout cas pour le Canada. Je dirais même que c'est également le cas de certaines grosses institutions, mais je ne citerai pas de noms, car tout le monde peut les deviner.

Ce que nous espérons de ces genres de discussions c'est de pousser un tout petit peu plus haut la barre. Lorsque nous abordons la question, soit l'avenir des institutions financières au Canada, nous devrions pouvoir tirer un certain réconfort du fait que nous avons poussé plus haut la barre, en tout cas en ce qui concerne l'indépendance du public à l'égard des vérificateurs externes comme faisant partie de la solution, pour éviter le problème. Or, ce n'est pas cela qu'on me communique aujourd'hui. Je me sens plutôt mal à l'aise -- et c'est un malaise que j'éprouve depuis quelques temps déjà -- car j'ai l'impression qu'on est en train de se chamailler et que quelque chose va peut-être nous échapper. Si cela devait arriver, c'est le public qui souffrirait.

Mon interprétation des choses est-elle juste, ou bien ma réaction est-elle exagérée?

Mme Smith: Mettons un instant de côté le rôle des vérificateurs: ce dont nous parlions au départ, c'était de renseignements, de renseignements utiles. Il y a un certain nombre de compromis à faire lorsqu'on se penche sur la question de la quantité et du genre de renseignements qui devraient être diffusés sur le marché.

Premièrement, en ce qui concerne les regroupements d'entreprises, et laissons un instant de côté les normes américaines, nous avons ici une norme qui est en place depuis plusieurs années. Elle n'est pas parfaite, mais ses exigences en matière de renseignements et de divulgation sont suffisantes pour que la direction soit obligée de rendre compte de ses décisions et de fournir suffisamment de renseignements aux investisseurs pour que ceux-ci soient en mesure de décider si l'acquisition concernée était bonne ou pas. C'est là un élément.

Si vous faites intervenir la concurrence, les États-Unis et la comparabilité, il importe de souligner qu'il y a une norme différente aux États-Unis. À bien des égards, le système américain fournit moins de renseignements. Il faut donc se poser la question suivante: «Devrait-on adopter cette norme ou pas?» C'est là que réside le dilemme. Vous voulez harmoniser car vous aimeriez que tout le monde utilise le même langage comptable; mais vous savez que si vous adoptez une norme américaine, il y aura moins de renseignements sur le marché, d'où la controverse. C'est pourquoi les choses achoppent là-dessus et c'est pourquoi c'est si difficile pour nous d'avancer.

Après examen, le conseil a décidé qu'il nous faut des normes harmonisées et qu'il nous faut influencer les Américains. Les sceptiques disent: «Les Américains ne bougeront pas. Vous êtes une petite souris, et eux, ils sont un éléphant. Comment cela pourrait-il fonctionner? Voilà le dilemme auquel nous nous consacrons.

Vous avez mentionné le malaise que vous ressentez aujourd'hui. Vous ressentez ce malaise parce que nous comprenons le compromis entre fournir les renseignements que vous jugez nécessaires pour le marché et, au bout du compte, ne pas défavoriser des organisations en donnant trop ou en n'étant pas d'accord avec le plus gros marché mondial. Voilà le malaise que vous ressentez. C'est cet équilibre que nous essayons d'établir en suivant le programme de travaux que nous vous avons décrit aujourd'hui. J'espère que vous comprenez cela.

Le sénateur Di Nino: Êtes-vous en train de dire que le rapport MacKay donne peut-être trop, fait peut-être trop pencher d'un côté la balance par rapport à ce que vous, professionnels dans ce domaine, vous voudriez?

Mme Smith: Il y a certaines craintes que ce soit le cas. La difficulté réside dans le fait que nous reconnaissons que l'harmonisation est importante. Pour avoir des marchés de capitaux efficaces et efficients, il faut employer un langage commun. Nous y oeuvrons. Cela ne veut pas toujours dire adopter les normes d'autrui, mais plutôt essayer d'influencer ceux qui établissent les normes un peu partout dans le monde pour en arriver à des normes communes qui soient les meilleures normes possibles.

Le groupe de travail MacKay, bien qu'il voie cela, examine le problème et dit qu'il y a une différence qui doit être changée tout de suite. C'est peut-être le contexte qui le préoccupe. Peut-être qu'il ne voit pas le tableau d'ensemble de ce qu'essaie de faire le conseil en matière d'harmonisation.

Le sénateur Di Nino: Incluez-vous là-dedans le BSIF? Celui-ci a diffusé un communiqué de presse disant que si vous ne faites pas le nécessaire d'ici le 31 octobre, il interviendra lui-même. Lui non plus ne voit-il pas tout le tableau? Pourquoi le BSIF adopte-t-il cette position contradictoire?

Mme Smith: Je ne suis pas certaine qu'elle soit contradictoire. Ils essaient de nous encourager à le faire le plus efficacement et le plus rapidement possible. Je peux comprendre cela, de leur point de vue. Ils se penchent par ailleurs sur un moment précis et une norme particulière. Je ne peux pas vous dire si le BSIF est lui aussi en train de passer à côté du tableau d'ensemble.

M. Rutledge: Je comprends que la recommandation du groupe de travail MacKay est que le premier choix pour l'ICCA est de trouver rapidement une solution.

Le deuxième choix serait que le BSIF utilise son pouvoir en vertu de la Loi sur les banques et de la Loi sur les assurances pour imposer l'emploi d'un principe comptable donné dans ce cas particulier. Il est clair que la solution privilégiée est que l'ICCA s'en occupe.

Le sénateur Di Nino: A-t-on un an pour accomplir ce travail?

M. Rutledge: Ce que nous disons, c'est que cela va nous demander un an.

Le sénateur Di Nino: Nous devrions poursuivre là-dessus. Je ne suis pas satisfait. Il y a ici quelque chose qui ne tient pas debout.

Le sénateur Joyal: J'aimerais revenir à la page 4 de votre mémoire où vous faites état du comité de Bâle sur la transparence des finances bancaires.

L'un des arguments que mettent de l'avant les principales banques et institutions bancaires pour appuyer la consolidation du secteur est la capacité des institutions canadiennes d'avoir accès aux marchés mondiaux ou de pénétrer de nouveaux marchés.

Étant donné l'expérience de la fin des années 80 -- période marquée par des investissements par les banques dans des domaines tels l'immobilier -- pensez-vous que l'obligation des principales institutions financières de divulguer des renseignements sur leurs investissements et activités à l'étranger suffit pour satisfaire les objectifs du rapport MacKay concernant la protection des actionnaires des banques et des consommateurs en général?

M. Rutledge: Il est difficile de donner une réponse exhaustive à cette question. Il est certain que les besoins en matière de renseignements peuvent beaucoup varier d'une personne à une autre. Cependant, ce que nous visons tous, y compris les auteurs du rapport de Bâle, est la divulgation de renseignements qui permettent au lecteur d'évaluer l'exposition au risque. Il faut ajouter à cela le fait que l'administration de l'organisation discute de ce que sont vos pratiques en matière de risque, vos politiques en matière de risque, et la façon dont le conseil d'administration veille à ce que ces politiques soient respectées.

C'est le mieux que nous puissions faire en ce moment. Reste à savoir si c'est suffisant. Ce serait en tout cas une amélioration par rapport à ce qui existe de façon générale dans le monde d'aujourd'hui.

Le sénateur Joyal: Ne pensez-vous pas que si les institutions financières avaient accès à notre niveau de capital, elles essaieraient de réinvestir ce capital ailleurs? Ne pensez-vous pas que nous devrions nous intéresser de plus près à la façon dont la pratique comptable pourrait être raffinée de façon à assurer un meilleur accès aux évaluations de risque des activités de ces institutions à l'étranger?

La mondialisation, comme nous avons pu le constater au cours des derniers mois, présente non seulement des avantages, mais également des risques. Autant nous établissons de nouvelles règles pour permettre aux institutions canadiennes d'être plus concurrentielles à l'échelle internationale, autant nous devons élaborer une capacité ou un potentiel canadien d'évaluation des risques que nous prenons à l'étranger.

Il nous faut nous préoccuper autant de la mondialisation que de la concurrence, sans quoi le système dans son entier ne servira pas les intérêts du pays.

J'ai l'impression que nous avons encore du chemin à faire avant que les efforts que nous devrions déployer n'aboutissent.

M. Rutledge: Nous avons fait énormément de progrès quant aux renseignements qui sont fournis dans les états financiers et dans les notes explicatives les accompagnant. Ces renseignements correspondent d'assez près à ce que vous souhaiteriez. Peut-être que les choses ne progressent pas assez rapidement -- peut-être que ce n'est pas aussi détaillé que vous aimeriez -- mais ce qui est certain, c'est que l'on avance dans la direction que vous souhaitez.

L'un des cas que je mentionnerai et qui intéresse, je pense, de très près le comité est toute cette question des instruments dérivés. Nous avons présenté une norme comptable initiale qui exige la divulgation de renseignements sur les dérivés. D'aucuns ont dit qu'il est difficile de comprendre le processus. Il s'agit au départ d'un domaine très difficile. Il est difficile de le simplifier.

Nous ne nous sommes pas encore entendus sur des normes de mesure en ce qui concerne les dérivés. Nous nous sommes néanmoins rangés du côté de la divulgation du processus et de renseignements établissant le risque. Cela s'inscrit dans ce que vous envisagez. Lorsque vous parlez de mondialisation, il faut voir plus de renseignements géographiques, une matrice, et un secteur d'activité géographique. Nous verrons cela.

Mme Smith: Nous avons pour les rapports sectoriels une nouvelle norme comptable qui favorise une meilleure divulgation selon le secteur d'activité et la zone géographique. Cela commence à bouger.

Le sénateur Joyal: Ces éléments-là sont-ils mentionnés dans le rapport du comité de Bâle?

M. Rutledge: Ils cadrent avec certains des objectifs du comité de Bâle. Celui-ci va plus loin que cela. Il parle de mesures de rendement internes par la direction et qui portent sur autre chose que le simple aspect financier.

Mme Smith: J'ajouterai par ailleurs que cela ne relève pas proprement du Conseil des normes comptables. Un autre comité a été établi par l'ICCA, car il ne s'agit pas vraiment là d'une question de comptabilité. Il y a cependant un comité appelé comité des critères de contrôle, qui oeuvre au concept du risque: ce que c'est, comment le gérer et comment les administrateurs doivent intervenir dans le processus. Ce comité se penche également sur la question des rapports externes de risques qui sont clés pour les entreprises -- pas forcément limités aux institutions financières, mais englobant toutes les entités. Il fait des recherches dans ce domaine. Le travail de ce comité vous rapprochera des préoccupations que vous avez soulevées.

Le sénateur Stewart: Permettez-moi de commencer par vous lire une phrase tirée de la page 2 de votre mémoire:

Il existe un consensus sur le fait que les différences actuelles entre les PCGR canadiens et américains dans le domaine de la comptabilisation des regroupements d'entreprises constituent un problème, mais il n'existe par contre aucun consensus sur la façon de résoudre ce problème.

Je suppose que ce que vous êtes en train de dire est que les Américains semblent ne pas vouloir bouger. De votre côté, vous ne voulez pas reculer, ramener vos normes au niveau des leurs.

Les Américains se contentent-ils tout simplement de la situation du fait de l'importance de leur économie? Ils se sentent assez sûrs d'eux au sein de leur propre système. Ou bien ont-ils des raisons qu'ils jugent bonnes de ne pas se rapprocher davantage de vos normes?

M. Rutledge: Les Américains ont dit vouloir réviser leur norme. Ils veulent la changer. Le FASB a dit qu'elle comporte des lacunes et qu'elle doit être remaniée. Ils y travaillent. Ils n'en sont pas encore arrivés au point où ils seraient prêts à déclarer publiquement leur nouvelle orientation, mais ils ont dit que d'ici le mois de mai 1999 ils auront émis ce qu'ils appellent un exposé-sondage, qui sera en gros l'ébauche de la nouvelle norme comptable.

Lorsque nous disons que nous croyons qu'il n'y a aucun consensus quant à la façon de résoudre le problème, nous faisons référence, dans notre mémoire, à la préoccupation qui existe au sein des milieux d'affaires canadiens qui disent que, primo, le terrain de jeu devrait être nivelé. Il n'existe aucun consensus quant à la façon de niveler le terrain de jeu à l'heure actuelle, que ce soit adopter la norme américaine ou faire quelque chose de différent tout de suite.

Le sénateur Stewart: Vous dites qu'ils sont en train d'aller de l'avant avec leur plan de révision de la norme. Dans la dernière phrase de votre réponse, vous laissez entendre que vous ne pensez pas que les changements qu'ils semblent avoir en tête aillent suffisamment loin pour satisfaire les normes, que vous jugez plus élevées, de votre organisation.

M. Rutledge: Non, je pense que les changements pourraient satisfaire nos attentes. Ce que moi-même et le Conseil des normes comptables de l'ICCA demandons est s'ils seront en mesure de faire cela dans le cadre de l'échéancier qu'ils se sont fixé.

Le sénateur Stewart: Les autorités à Ottawa vous disent que quoi que fassent les Américains d'ici une date donnée, d'ici environ un an, ils vous obligeront en fait à adopter les normes américaines actuelles, quelles qu'elles soient à ce moment-là. Est-ce qu'ils disent en gros cela? Je suppose que nous ne connaîtrons la réponse qu'en mai au plus tôt.

M. Rutledge: Le BSIF parle de la norme américaine actuelle, soit l'APP-16.

Le sénateur Stewart: Mais ce ne sera peut-être plus la norme une fois venu le jour de l'ultimatum.

Mme Smith: Je ne pense pas que le BSIF soit en train de suggérer que nous adoptions l'actuelle norme américaine. Il suggère que nous apportions un changement pour niveler le terrain de jeu; en d'autres termes, que nous fassions quelque chose pour faire disparaître la différence. Cela n'est pas forcément synonyme d'adopter la norme américaine actuelle. Cela peut être fait d'autres façons.

Le sénateur Stewart: Vous êtes certainement en train d'avancer dans ce sens, n'est-ce pas?

Mme Smith: Régler la question de la cote d'estime d'une façon peut supprimer l'incidence sur les gains. C'est une autre façon de s'y prendre. Vous ne devez pas forcément adopter la norme américaine, mais vous pouvez changer la comptabilité en ce qui concerne la clientèle de façon à ce que l'incidence sur les gains soit la même.

Le président: Je ne voudrais pas ouvrir la discussion sur une toute nouvelle question, mais vous voudrez peut-être nous envoyer des renseignements là-dessus. Dans la partie de votre mémoire traitant de la régie d'entreprise, vous soulignez que MacKay ne s'est pas préoccupé de cela car ce sera couvert par les amendements prévus à la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Lorsque le comité ici réuni a déposé un rapport là-dessus il y a environ un an et demi, on nous a dit que toutes les recommandations que celui-ci contenait seraient intégrées au projet de loi. Vous avez fait dans votre partie sur la régie d'entreprise une déclaration qui m'a intrigué et si vous avez des renseignements là-dessus, j'aimerais bien que vous nous les fournissiez.

Dans le cadre de nos discussions sur la régie d'entreprise, nous ne nous sommes pas intéressés exclusivement aux institutions financières. Nous faisions un examen des entreprises canadiennes en général.

Vous avez laissé entendre qu'il y a peut-être des questions de régie d'entreprise particulières aux déposants, aux institutions de dépôt et aux détenteurs de polices de compagnie d'assurance-vie non participantes. Je ne voudrais pas ouvrir la discussion là-dessus maintenant car il s'agit là d'une question très vaste et qui ne relève pas de notre mandat actuel. Cependant, nous aimerions bien disposer de tous les renseignements que vous avez sur ce que vous percevez comme étant une question de régie d'entreprise entourant ces deux catégories. Il se pourrait fort bien que dans le cadre d'une autre tribune à l'avenir nous vous réinvitions devant nous pour que vous en parliez. Je pense que nombre d'entre nous trouveraient cela intéressant.

Le sénateur Di Nino: L'une des questions qui devraient être soulevées, surtout lorsque vous parlez de déposants, es celle de la régie d'entreprise, c'est-à-dire la responsabilité envers un actionnaire versus la responsabilité envers le déposant. Si vous couvriez ce point-là, cela me serait utile à moi, en tout cas.

Le président: J'ai écouté votre réponse sur la question de savoir ce qui a amené le retard dans la résolution de la différence entre les méthodes comptables. L'on a le sentiment qu'il s'agit d'un conflit entre ce que la profession comptable considérerait comme étant «la bonne façon de traiter de la question de la clientèle», entre autres choses, et une plus vaste question d'intérêt public, soit l'importance de la comparabilité avec les États-Unis.

Peut-être qu'une question ici est celle de savoir si les règles en matière de régie d'entreprise de l'ICCA veillent à ce que l'on tienne compte de l'élément intérêt public et pas seulement des intérêts de la profession. Il me semble que c'est cela qui a amené l'impasse que l'on constate à l'heure actuelle. J'observe l'ouverture d'autres professions à la notion de la désignation d'administrateurs indépendants, et je songe ici, par exemple, aux gestionnaires de fonds mutuels, et l'on peut se demander si ce n'est pas là un aspect de la régie d'entreprise que votre institut voudrait peut-être examiner à l'avenir.

Mme Smith: Lorsque je regarde la situation, je dirais que notre préoccupation relativement à la comptabilité ne se limite pas à un simple intérêt pour la profession. Nous recherchons des normes qui accroissent l'imputabilité et la transparence. Je dirais que le but est de servir l'intérêt public.

Le président: Je ne voulais pas me disputer avec vous là-dessus, mais permettez-moi d'exprimer les choses un peu différemment. Les gens à l'extérieur de la profession de comptable pourraient avoir une vision différente de ce qu'est l'intérêt public que ceux et celles qui sont membres de la profession. Toutes les autres institutions du pays ont ouvert leurs structures de régie à des avis contradictoires et à des avis extérieurs. Peut-être que si vous aviez fait cela, nous ne nous trouverions pas aujourd'hui enfermés dans cette boîte.

Vous avez dit qu'il est prévu que l'ébauche sorte en mai. Nous reviendrons et reprendrons le point soulevé par le sénateur Di Nino. Nous continuerons d'exercer des pressions sur vous pour obtenir que cette question soit réglée d'ici à la fin octobre.

La séance est levée.


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