Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 31 - Témoignages du 20 octobre 1998 (avant-midi)
HALIFAX, le mardi 20 octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous tenons aujourd'hui à Halifax notre première séance visant à recueillir les réactions au rapport du groupe de travail MacKay, qui a étudié l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Nous voulons surtout savoir quelles répercussions pourraient avoir les forces de la technologie, de la mondialisation et de l'innovation commerciale -- qui sont vraiment les mots clés applicables à cette industrie dans le monde entier -- sur le secteur canadien des services financiers. Nous voulons savoir comment nos témoins, que ce soient des consommateurs ou des entreprises, envisagent l'avenir de ce secteur et ce qu'ils attendent de celui-ci.
Nous allons nous rendre dans plusieurs villes du pays au cours des trois prochaines semaines. Ceci est notre premier arrêt depuis notre départ d'Ottawa. Madame Beale, vous êtes le premier témoin que nous entendons à l'extérieur de la capitale nationale; je vous remercie d'être venue. Mme Beale est présidente et chef de la direction du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, que la plupart d'entre vous connaissent. Nous avons souvent entendu des représentants du conseil, tant ici qu'à Ottawa.
Je vous invite à nous présenter votre déclaration préliminaire, après quoi nous aurons quelques questions à vous poser.
Mme Elizabeth Beale, présidente et chef de la direction, Conseil économique des provinces de l'Atlantique: Je suis extrêmement heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous exposer notre point de vue. C'est la première fois que notre organisme se penche sur la question à l'ordre du jour, et sur le rapport du groupe de travail. Nous n'avons encore fait aucun commentaire public à ce sujet-là, mais nous sommes conscients qu'il s'agit d'une question très importante pour la région de l'Atlantique. C'est pourquoi nous avons jugé utile de vous exposer nos idées sur quelques points.
Je vais d'abord vous dire quelques mots sur notre organisation, ce qui vous aidera à situer mes commentaires dans leur contexte. Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique est actif dans la région depuis 1954. Il s'agit d'un institut de recherche et d'analyse de la politique gouvernementale qui a pour principal mandat de promouvoir le développement économique du Canada atlantique. Nous avons l'appui d'un grand nombre de membres répartis dans toute la région, de même que de nombreuses entreprises nationales implantées ici. Nous comptons parmi nos membres bon nombre de grandes entreprises, dont toutes les banques à charte de l'Annexe I, mais aussi un vaste échantillon d'entreprises plus petites, notamment dans les domaines des finances, des assurances et de l'immobilier, qui sont touchées par le contenu du rapport du groupe de travail.
Les gouvernements provinciaux sont également membres à part entière de notre organisation, tout comme une foule d'organismes communautaires dont des universités et des syndicats. Nos membres viennent de tous les secteurs, et nous avons des appuis partout. C'est pour cette raison que mes commentaires d'aujourd'hui vont porter sur les éléments du rapport qui touchent l'ensemble de la population des provinces de l'Atlantique. Je ne vous parlerai pas des nombreuses questions que je ne me sens pas qualifiée pour commenter, ou qui ne concernent pas notre organisation. Je vais me concentrer sur les répercussions générales qu'auraient les principales recommandations du rapport sur l'économie de notre région. J'espère que ce ne sera pas trop frustrant pour les membres du comité qui voudraient me poser des questions auxquelles je devrai refuser de répondre, tout simplement parce que je ne me sens pas compétente pour le faire.
Nous avons eu le grand plaisir de recevoir la visite de Harold MacKay, ce qui a permis à nos membres de participer au débat sur une question très importante, celle des recommandations contenues dans le rapport.
Dans notre mémoire, nous avons voulu premièrement faire un survol général des principales recommandations du rapport et, deuxièmement, vous faire part de certaines considérations précises au sujet des répercussions de ces recommandations sur les provinces de l'Atlantique. Il y a deux points en particulier que j'ai jugé intéressant d'examiner. J'ai inclus un certain nombre de graphiques sur ces points dans notre mémoire.
J'ai parcouru le rapport, et quelques membres de notre personnel également; de façon générale, nous avons été favorablement impressionnés par l'orientation générale qui s'en dégage. C'est un document tourné résolument vers l'avenir, en ce sens qu'il anticipe à la fois les résultats des changements en cours dans le secteur financier et les besoins de ce secteur. Il souligne la nécessité d'intensifier la concurrence dans le secteur des services financiers par divers moyens, par exemple en éliminant certains obstacles à l'entrée des institutions canadiennes et étrangères sur le marché grâce à la suppression des restrictions applicables aux activités commerciales auxquelles les institutions financières peuvent se livrer et à l'adoption de règles uniformes dans le contexte de la réglementation. Nous estimons que toutes ces choses sont extrêmement importantes pour déterminer comment les services financiers pourront suivre la croissance de l'économie canadienne.
Cela reflète également la restructuration déjà en cours dans le secteur des services financiers, et ailleurs également, comme vous le savez fort bien. Quand on examine la situation des structures commerciales et des organisations industrielles dans le monde entier, on se rend compte que les choses changent dans beaucoup d'autres domaines. C'est très évident ici, dans les provinces de l'Atlantique.
Les auteurs du rapport insistent sur le fait que nous devrons nous adapter à ces changements si nous voulons que notre système financier réponde aux besoins futurs des Canadiens. De façon générale, nous appuyons les conclusions du groupe de travail. J'ajoute qu'il y a de nombreuses questions spécifiques sur lesquelles nous ne voulons pas nous prononcer parce que nous ne nous estimons tout simplement pas compétents pour évaluer les effets éventuels des recommandations qui s'y rapportent. C'est la seule réserve que je souhaite faire au sujet de mes remarques générales.
La question de la concurrence accrue dans le secteur des services financiers est particulièrement pertinente pour la région de l'Atlantique. Historiquement, notre région a toujours compté beaucoup sur les grandes banques, plus encore que les autres régions, pour la majeure partie de ses services financiers. Nous trouvons que le rapport du groupe de travail ne décrit pas ou n'anticipe pas complètement les véritables effets que tous les changements proposés auraient sur notre région.
Il y a deux questions qui me préoccupent particulièrement. La première concerne le rôle que joueraient les institutions financières de deuxième niveau et les caisses de crédit pour améliorer l'accès et accroître la concurrence. Et la deuxième, c'est la question très difficile du financement des petites entreprises. Les graphiques portent sur ces deux points.
Comme le montrent les huit premiers graphiques, les caisses de crédit et les caisses populaires sont moins nombreuses qu'ailleurs dans la région de l'Atlantique; elles sont aussi plus petites, en termes d'actif par membre, et elles sont moins actives dans le domaine des prêts aux petites entreprises, et des prêts en général. Par conséquent, elles doivent actuellement composer avec des coûts plus élevés, des économies d'échelle moins importantes et une moins grande efficience que celles des autres régions du pays, surtout là où le mouvement des caisses de crédit est actuellement très actif. La seule exception notable, ce sont les caisses populaires du Nouveau-Brunswick -- dont il est d'ailleurs question dans le rapport --, qui sont implantées depuis longtemps dans la communauté acadienne et qui ont bénéficié de leur association avec le Mouvement Desjardins au Québec.
Les caisses de crédit des quatre provinces de l'Atlantique pourraient-elles jouer un rôle accru dans le domaine des services financiers, comme le laissent entendre les auteurs du rapport? Autrement dit, pourraient-elles combler un vide et offrir un meilleur accès à des services financiers concurrents? Les auteurs du rapport indiquent que les institutions bancaires coopératives pourraient constituer un mécanisme permettant aux caisses de crédit de renforcer leurs services centralisés et d'offrir une gamme élargie de services aux entreprises. Nous n'avons aucune objection à cette recommandation; nous pensons cependant que, étant donné la petite taille et l'envergure limitée du mouvement des caisses de crédit dans les provinces de l'Atlantique, et en particulier à Terre-Neuve et au Labrador, cette proposition n'apporterait pour le moment que des avantages très limités aux gens de notre région. Même si le contexte réglementaire changeait, il faudrait des années à notre avis avant que les caisses de crédit des provinces de l'Atlantique soient en mesure de réaliser des économies d'échelle et de soutenir efficacement la concurrence des autres institutions financières.
Nous ne nous opposons pas aux recommandations touchant les caisses de crédit. Cependant, les auteurs du rapport semblent croire que ce pourrait être le mécanisme qui permettra une concurrence accrue; or, nous ne sommes pas certains qu'elles soient en mesure de jouer ce rôle pour le moment, étant donné la nature actuelle de ce secteur dans les provinces de l'Atlantique.
Je voudrais maintenant vous parler de la mise en place de services qui se feraient davantage concurrence pour offrir des prêts aux petites entreprises de la région de l'Atlantique. Les auteurs du rapport expliquent très bien à quel point il est difficile de se faire une bonne idée de la situation relative au financement des petites entreprises parce qu'il n'y a pas suffisamment de données pertinentes à ce sujet-là. En tant qu'économiste, j'ai trouvé cette analyse très intéressante. Je suis également membre du Conseil national de la statistique, qui supervise l'activité de Statistique Canada, et j'ai été très heureuse de constater que cela devrait encourager Statistique Canada et Industrie Canada à unir leurs efforts pour fournir de meilleures données dans ce domaine.
Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a effectué un certain nombre d'études, dont une sur le capital de risque, qui ont été très frustrantes à réaliser à cause du manque de données pertinentes. C'est un point qui a son importance parce que, de toute évidence, si nous voulons avoir une bonne politique dans ce domaine-là, nous devons nous assurer que nous disposons de données satisfaisantes. J'ai lu avec grand plaisir les recommandations portant sur la tenue de nouvelles enquêtes au sujet du financement des petites entreprises. Mais j'espère que la taille de l'échantillon retenu pour ces enquêtes sera suffisante pour la collecte de données dans les provinces de l'Atlantique. Beaucoup d'enquêtes sont trop restreintes pour fournir des données utilisables pour notre région, ce qui une source de frustration continuelle.
En général, les petites entreprises des provinces de l'Atlantique ont surtout recours au crédit comme source de financement. Ce n'est pas nouveau; c'est une situation très répandue dans notre région depuis un certain nombre d'années. À l'heure actuelle, les banques de l'Annexe I dominent le marché des prêts aux petites entreprises dans la région, ce qui n'est pas le cas dans le reste du pays.
La Banque de Nouvelle-Écosse a calculé que, s'il y avait une fusion, les deux nouvelles banques se partageraient plus de 67 p. 100 des prêts aux petites entreprises dans la région de l'Atlantique. Je vous signale que c'est un chiffre que nous avons pris de la banque, et non quelque chose qui provient de nos propres données.
L'augmentation de la concurrence apporterait certes de nombreux avantages aux petites entreprises de la région, mais il serait naïf de croire qu'elles profiteraient toutes autant de l'accès à une plus vaste gamme de services électroniques et autres. Il est particulièrement problématique d'offrir des services financiers concurrents aux petites entreprises rurales des provinces de l'Atlantique. Il y a partout dans la région de nombreuses petites localités qui ne sont desservies actuellement que par une seule grande banque. Or, comme vous le savez, l'activité économique est stable ou en déclin dans bon nombre de ces communautés rurales. Et je vous signale que le pourcentage de notre population qui habite en région rurale est toujours beaucoup plus élevé dans l'Atlantique que partout ailleurs au pays.
Nous avons préparé un graphique qui illustre le point suivant. Contrairement à ce que bien des gens croient, le gouvernement fédéral a réduit substantiellement sa contribution au financement des petites entreprises dans les provinces de l'Atlantique. En 1996-1997, par exemple, l'aide fédérale accordée aux PME par des organismes comme la Banque de développement du Canada, les agences régionales, la Société pour l'expansion des exportations et les services de prêts aux petites entreprises a été moins élevée, par entreprise, dans le Canada atlantique que dans toutes les autres régions du Canada. Les auteurs du rapport notent l'importance du rôle du gouvernement fédéral dans le financement de la petite entreprise. Nous tenons à souligner au comité que ce rôle a été considérablement réduit depuis quelques années et qu'il est maintenant bien en deçà de la moyenne nationale pour notre région.
Encore une fois, le rapport contient des recommandations sur l'amélioration de l'accès au financement, l'augmentation de la concurrence et la diversification des services aux petites entreprises. Mais nous ne voyons pas très bien, étant donné la dynamique actuelle de notre économie régionale, comment ces changements pourraient être bénéfiques pour l'ensemble des petites entreprises de la région. Il y a beaucoup d'obstacles qui en atténueraient les effets, notamment le déclin de l'activité économique qui risque d'empêcher de nouveaux joueurs d'entrer sur le marché et de s'implanter dans de nombreuses localités de la région.
Ce sont des questions importantes. Nous ne prétendons pas avoir tout analysé en profondeur, mais nous voulions attirer l'attention du comité sur ces deux aspects dont les retombées sur les provinces de l'Atlantique méritent à notre avis d'être examinées.
Le président: Je voudrais vous poser une question au sujet des caisses de crédit. La Centrale des caisses de crédit du Canada nous a soumis une proposition selon laquelle les centrales de caisses de crédit -- c'est-à-dire les organismes centraux des provinces et la Centrale des caisses de crédit du Canada -- seraient fusionnées, ce qui leur permettrait de fournir de nombreux services aux petites caisses de crédit. En particulier, elles pourraient leur fournir à l'échelle nationale tous les services techniques et administratifs nécessaires, de même que bon nombre de services de commercialisation, précisément pour résoudre le problème que vous avez évoqué au sujet des petites caisses de crédit.
Il est vrai que certaines grandes caisses de crédit ont parlé de fusionner leur actif directement dans une banque, ce qui n'aurait aucun effet -- négatif ou autre -- dans les provinces de l'Atlantique.
Est-ce que les petites caisses de crédit de votre région en profiteraient si les centrales des caisses de crédit se regroupaient pour fournir des services qui coûtent très cher à mettre en place pour les petites caisses, en particulier dans les domaines de la technologie et de la commercialisation?
Mme Beale: La seule centrale de caisses de crédit que je connais un peu est celle de la Nouvelle-Écosse. Je ne suis pas très bien placée pour répondre à cette question.
Il est évident que des mesures visant à partager les risques et à faciliter l'accès à différents services seraient utiles. La petite taille des caisses de crédit, tout comme leur faible capacité de se constituer un actif propre, pose encore des problèmes. À Terre-Neuve et au Labrador, en particulier, les caisses de crédit ne sont tout simplement pas assez visibles. C'est un problème sérieux dans cette province. Je ne sais pas si les provinces ont déjà présenté leurs propres mémoires au comité, mais je sais en tout cas qu'elles nous ont parlé des moyens à prendre pour mettre en place une nouvelle industrie financière là où il n'y a rien actuellement.
Je vous ai dit en commençant ma présentation que je ne m'opposais pas à l'orientation du rapport. J'ai bien apprécié que ses auteurs aient examiné toute une gamme d'options visant à permettre ou à augmenter la concurrence dans le secteur des services financiers. Mais je ne crois pas que ce soit suffisant en soi pour résoudre tous les problèmes que soulève actuellement la question de la concurrence.
Le sénateur Oliver: Bienvenue devant le comité. Je suis heureux moi aussi d'accueillir notre premier témoin à l'extérieur d'Ottawa. Je suis particulièrement content que ce soit en Nouvelle-Écosse, puisque c'est ma province.
Ma première question fait suite à un article de journal qui contenait une des critiques les plus intéressantes qui aient été faites au sujet du rapport MacKay. M. Baillie, qui était le premier président du groupe de travail, mais qui a dû se retirer en raison d'allégations de conflits, a indiqué que le rapport MacKay était excellent et qu'il apportait des réponses à beaucoup de questions. Mais il a ajouté que le groupe de travail était passé à côté d'un aspect tout à fait fondamental de la restructuration du secteur des services financiers au Canada, à savoir que les banques et les institutions financières ont des actionnaires, et qu'elles doivent réaliser des profits. Ce sont des produits de la libre entreprise, et Harold MacKay semble avoir oublié qu'il s'agissait d'organisations à but lucratif.
Si M. Baillie a raison, comment cette omission touchera-t-elle les provinces de l'Atlantique?
Mme Beale: C'est une question importante. Je n'ai pas interprété le rapport exactement de la même façon. Évidemment, je ne connais pas aussi bien le secteur que l'ancien président. Mais j'ai eu l'impression qu'on avait tenté de déterminer, au-delà des questions touchant la restructuration et l'influence des très gros joueurs dominants, où se trouve véritablement l'intérêt de la population canadienne. Il m'a semblé que c'était assez réussi.
Personnellement, je dirais simplement qu'étant donné la conjoncture mondiale, il n'est pas réaliste de croire que les profits ne sont pas la principale motivation des banques de l'Annexe I, ou de n'importe quelle autre institution d'ailleurs. On peut ne pas être d'accord, parce que c'est la réglementation qui a permis à la situation actuelle de s'installer; nous nous retrouvons dans une situation un peu difficile parce que nous avons permis à un environnement protecteur de favoriser certains joueurs du secteur des services financiers.
Il me semble qu'il ne faut pas nous enfouir la tête dans le sable en refusant de voir les changements. C'est vrai pour les provinces de l'Atlantique, mais aussi pour toutes les autres régions du pays.
Je ne me sens pas qualifiée pour vous dire si les changements proposés au sujet des dispositions sur la propriété protègent pleinement, ou suffisamment, le grand public. Je m'excuse de ne pas pouvoir commenter cette question.
Le sénateur Oliver: Vous représentez une organisation régionale de l'Atlantique. Or, en vertu de la Constitution du Canada, le Sénat doit protéger les intérêts régionaux. De ce point de vue-là, j'ai trouvé fort intéressant que vous nous fassiez vos commentaires sur le rapport du groupe de travail dans une optique régionale.
Au cours de nos audiences, nous avons entendu dire qu'au sud de la frontière, en particulier, il y a un certain nombre d'organisations financières spécialisées qui n'ont pas besoin d'assumer des frais généraux importants, par exemple pour administrer des succursales et pour payer de nombreux employés. Ces organisations offrent de nouveaux services dans un créneau précis du marché, sans avoir besoin d'une lourde infrastructure. Je pense en particulier aux sociétés de cartes de crédit, aux sociétés offrant des services bancaires sur Internet, aux sociétés de prêts hypothécaires et à celles qui s'occupent strictement d'un domaine précis dans lequel elles sont extrêmement compétentes et où elles peuvent maintenir leurs coûts au plus bas.
Si ces compagnies continuent de croître et de proliférer, est-ce que cela ne veut pas dire que les institutions financières existantes devront fermer plus de succursales, se spécialiser et réduire leurs frais généraux si elles veulent survivre? Et, si oui, quelles conséquences cela aura-t-il pour les provinces de l'Atlantique?
Mme Beale: Permettez-moi de répondre d'abord à la dernière partie de votre question, au sujet de la fermeture de succursales. Comme vous le savez, cela se fait déjà, bien avant la mise en oeuvre des changements qui résulteraient éventuellement des recommandations du groupe de travail ou d'une nouvelle réglementation. Je sais que les gens de toutes les provinces de l'Atlantique sont très inquiets de la situation, surtout en dehors des grands centres.
Il y a de bonnes raisons de s'inquiéter de ces changements, mais cela ne m'empêchera pas de m'y adapter. Ils sont déjà en cours de toute façon, que les recommandations du groupe de travail soient adoptées ou non. Je sympathise beaucoup avec les nombreuses communautés rurales de la région atlantique qui sont durement touchées par le ralentissement économique, les pertes d'emplois et, au même moment, la disparition de grandes institutions financières. Les banques sont d'importantes institutions prêteuses pour ces communautés, et celles-ci ont beaucoup de mal à s'adapter à leur départ.
Pour ce qui est de votre commentaire sur les services bancaires spécialisés et sur toute la question de la création de nouveaux véhicules financiers dans la région de l'Atlantique, je vous dirais que ces nouveaux véhicules pourraient inclure des services spécialisés ou qu'il pourrait même y avoir de grandes industries de la région qui voudraient se lancer dans ce domaine et mettre en place leurs propres services bancaires. Il faudrait voir d'où vient la croissance. Il faudrait que quelque chose attire ces industries dans la région, ou les encourage à s'y tailler une place dominante et à y offrir des services financiers.
De toutes les industries qui vont contribuer d'ici quelques années à la croissance dans la région de l'Atlantique, celle qui est la plus visible pour le moment est celle de l'énergie -- pétrole, gaz et hydroélectricité. C'est ce secteur qui fait que la croissance en Nouvelle-Écosse est aujourd'hui supérieure à la moyenne nationale. Il faut espérer que ce sera la même chose à Terre-Neuve et au Labrador.
Ce sont surtout les grandes entreprises, les grandes multinationales qui mènent le bal, et le financement ne se fait pas ici. Les décisions financières se prennent toutes à l'extérieur de la région. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'implantera pas graduellement ici certaines activités spécialisées qui créeront leur propre demande de services financiers; mais, pour le moment, il est peu probable que ce soit un catalyseur pour la croissance de nouveaux services financiers ou de services bancaires spécialisés dans la région.
Les auteurs du rapport expliquent également comment les services financiers répondent aux besoins d'entreprises comme celles de l'économie du savoir, qui ont connu une croissance très rapide. Encore là, ce sont généralement des industries très spécifiques, qui desservent des créneaux très précis et qui sont souvent financées par des services spécialisés, dont la situation géographique importe peu. Autrement dit, les entreprises qui s'occupent d'un domaine précis de l'économie du savoir vont se tourner vers les services financiers qui leur offriront le soutien particulier dont elles ont besoin, où qu'ils se trouvent dans le monde.
Ce serait très bien si les changements proposés pouvaient inciter une grande entreprise de la région de l'Atlantique à ouvrir une petite banque ici. Mais il faut être réaliste en qui concerne les clients potentiels de cette banque. Je ne suis pas certaine qu'il y aurait une croissance suffisante, dans certains types d'industries, pour favoriser ce genre de chose en ce moment.
Le sénateur Oliver: J'ai parlé tout à l'heure de cartes de crédit et d'hypothèques, deux choses dont les gens de la région ont besoin et dont ils se servent. Il y a une compagnie appelée MBNA qui offre une carte de crédit à 6,9 p. 100 de moins que nos institutions financières canadiennes, et aussi des marges de crédit de 100 000 $ et plus. Que se passerait-il si les gens de la région choisissaient cette option-là? Est-ce que cela ne mettrait pas de la pression sur les institutions établies? Si une société hypothécaire offrait de meilleurs taux, plus flexibles, est-ce que cela ne mettrait pas une énorme pression sur les institutions financières établies? Est-ce qu'elles ne devraient pas envisager de fermer une foule de succursales? Est-ce que cela n'aurait pas un effet sur la région de l'Atlantique?
Mme Beale: Oui, il se produit déjà des changements comme ceux-là dans de nombreux domaines. Bien sûr, ce serait une perte pour nous. Il est évident que, si les grandes banques ne réussissent pas à relever le défi, elles vont perdre des clients et, graduellement, devoir supprimer des emplois.
À mon avis, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose pour les provinces de l'Atlantique. Si les entreprises peuvent réduire leurs coûts d'exploitation en payant moins cher pour leurs services financiers, elles pourront peut-être abaisser les prix qu'elles demandent aux consommateurs et augmenter leur efficacité sur d'autres plans.
Je ne suis pas contre l'orientation générale des recommandations du rapport, en ce sens que nous devons nous adapter à ces changements puisqu'ils se produisent déjà de toute façon. Notre région, comme toutes les autres régions du Canada, a réussi à s'y adapter. Le seul problème, c'est quand ces changements se produisent dans les régions rurales. C'est bien dommage pour ces gens-là. Il n'est pas réaliste de croire que ces communautés connaîtront une croissance suffisante pour que de nouveaux joueurs viennent s'y établir et offrir de nouveaux types de services. Je pense que c'est peu probable.
Le sénateur Meighen: Dans quelle mesure espérez-vous que l'établissement de services bancaires de base dans les magasins d'alimentation, les bureaux de poste et les autres endroits du même genre permettra de résoudre le problème du manque de services dans les communautés rurales? Vous vous souviendrez sûrement que la Société des postes elle-même a subi une restructuration comparable, non sans susciter toute une controverse. Je ne sais pas si les gens sont satisfaits du service qu'ils reçoivent maintenant dans les régions rurales.
Avez-vous des commentaires à faire sur la possibilité d'offrir des services bancaires de base en complément d'autres activités?
Mme Beale: Je sais qu'il y a un certain nombre de propositions innovatrices en circulation au sujet des services mobiles, des services électroniques, de la rationalisation des services de base et des services de courtage. Toutes ces choses sont très utiles, et il y en a beaucoup qui sont déjà en place, même sans les changements proposés dans le rapport. Je pense que cela pourrait être une bonne chose.
Mais il y a beaucoup de communautés rurales qui perdent une de leurs institutions financières. Dans les petites localités, les banques jouent toutes sortes de rôles qui vont au-delà de la simple fourniture de services financiers; elles font par exemple office de mentors pour de petites entreprises. Elles ne sont peut-être pas obligées de soutenir les communautés dans lesquelles elles sont implantées, mais leur départ est un problème de plus auquel ces communautés doivent s'ajuster, et la situation est encore compliquée par beaucoup d'autres aspects de ces changements structurels.
Le sénateur Kenny: Je voudrais vous demander de mettre le rapport MacKay de côté quelques instants et de nous décrire comment vous envisagez l'avenir du secteur des services financiers dans votre région. En particulier, pourriez-vous nous dire quelles sont les caractéristiques qui sont propres à la région et qui vous préoccupent? Si les choses ne changent pas, qu'adviendra-t-il des services financiers dans la région?
Mme Beale: C'est une question très vaste. Je vais essayer de ne pas me répéter. L'économie des provinces de l'Atlantique a très bien relevé les défis de la transformation des marchés mondiaux, des changements technologiques et de tous les autres facteurs qui, comme le mentionnent les auteurs du rapport, entraînent des bouleversements non seulement dans le secteur des services financiers, mais aussi dans l'ensemble de l'économie canadienne.
De nombreux secteurs de notre économie ont très bien réagi à la diminution massive des dépenses fédérales dans la région. La situation n'est pas mauvaise partout. De façon générale, l'avenir de notre économie régionale est plus prometteur maintenant qu'il l'était depuis au moins 20 ans.
Le secteur des services financiers a lui aussi réagi à ces changements. Beaucoup de gens disent, comme d'autres leaders vous l'ont fait remarquer dans leurs mémoires, que la région est tout simplement trop petite, trop marginalisée, trop éloignée pour pouvoir attirer des services bancaires concurrents. Je ne suis pas d'accord. Il y a bien des obstacles, mais le fait que les banques et les autres institutions financières soient motivées par le besoin de réaliser des profits, comme l'a souligné le sénateur Oliver, n'est pas un facteur négatif à mes yeux. Les institutions financières, qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs, qu'elles soient étrangères, canadiennes ou strictement régionales, vont répondre aux signes positifs de croissance que nous constatons dans l'économie de la région et vont chercher des moyens d'égaler cette croissance.
Il y aura évidemment des difficultés. Notre région compte pour une part assez faible -- et actuellement en déclin -- de l'économie canadienne, ce qui pose un problème évident. Nous avons du mal à bâtir des créneaux spécialisés, mais en même temps, il y en a qui se développent déjà. Si les politiques fédérales et provinciales nous sont favorables, les projets de mise en valeur dans le domaine de l'énergie donneront à la région de très bonnes chances de progresser rapidement.
J'en reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet des secteurs de notre économie régionale qui trouvent la transition plus difficile. Il n'est pas approprié de dire que la situation est très différente dans les villes et dans les campagnes, parce que ce n'est pas vrai. Dans certaines parties de la région, il y a des communautés rurales qui ont connu une croissance exceptionnelle. En fait, entre 1991 et 1996, notre population s'est accrue surtout dans les secteurs ruraux de l'ouest du Nouveau-Brunswick, au nord de l'Interstate 95.
Beaucoup de secteurs de notre région ont été touchés par les changements dans la nature des industries d'exploitation des ressources. Bon nombre de ces industries, et pas seulement celle des pêches, ont subi une baisse des paiements de transfert du gouvernement; et l'appui du gouvernement et l'accès aux programmes de soutien du revenu ont eux aussi diminué. Tous ces facteurs s'additionnent et font que ces secteurs de l'économie ont beaucoup de mal à s'ajuster efficacement. C'est là que doit intervenir votre comité, ou qui que ce soit d'autre qui s'occupe du secteur des services financiers: il faut maintenir la concurrence dans ce secteur.
Je vous renvoie la balle. C'est une question que votre comité et le ministère des Finances doivent examiner. Il ne faut pas l'oublier. C'est encore une part trop importante de l'économie de notre région.
Le sénateur Kenny: Au deuxième paragraphe de votre déclaration préliminaire, vous faites allusion à un système financier contrôlé au niveau canadien. Vous n'avez pas parlé de système contrôlé au niveau régional. Est-ce une question importante à vos yeux? Est-il important qu'il y ait un contrôle régional sur certaines des institutions financières?
Mme Beale: Si je pensais qu'un contrôle régional était réaliste, je le recommanderais sans hésiter. Il ne fait aucun doute qu'il y a de nouveaux sièges sociaux dans la région, qui font fonction de catalyseurs; leur présence a des retombées importantes, et encourage la venue de nouveaux fournisseurs et de nouvelles industries. Les sièges sociaux sont très importants. Nous le constatons dans le cas de nombreuses entreprises de la région. Dans le secteur financier, songez par exemple aux entreprises dont le siège social est surtout actif à Toronto et voyez le genre d'industries dérivées qu'elles y ont amenées.
Dans une industrie où la taille compte de plus en plus et qui se caractérise par le développement de marchés spécialisés, il n'est pas réaliste de croire que cela fonctionnerait nécessairement pour la région de l'Atlantique. Cela pourrait avoir des applications limitées si une entreprise ou un groupe d'entreprises jugeait possible d'établir une petite banque ici. Mais il ne serait pas réaliste, dans les circonstances actuelles, d'en faire un objectif.
Le sénateur Kenny: Au quatrième paragraphe de votre déclaration préliminaire, vous parlez des caisses de crédit et des caisses populaires. Elles desservent un marché spécialisé, même s'il ne s'agit pas d'un marché sectoriel comme dans le cas de l'industrie énergétique.
Vous évoquez la possibilité d'un regroupement de ces caisses, et vous parlez de leur croissance. Une fois que ce serait fait, est-ce que ces organisations ne perdraient pas ce qui fait justement leur force, à savoir leur capacité de servir un créneau particulier et de répondre directement à la communauté où elles se trouvent? Est-ce que cela ne reviendrait pas au même que de traiter avec les cinq grandes banques?
Mme Beale: Les auteurs du rapport ont soulevé cette question-là, mais sans y répondre vraiment.
Le sénateur Kenny: Et quelle est votre réponse?
Mme Beale: Je ne suis pas sûre d'en avoir une. Les liens avec la communauté locale sont une des forces des caisses de crédit, mais ce sera perdu si elles prennent de l'expansion. Les auteurs du rapport ont soulevé la question à la toute fin d'un chapitre, et ils l'ont laissée en suspens.
Le sénateur Kenny: Madame Beale, vous dites que les gens de la région de l'Atlantique dépendent beaucoup du financement par emprunts. Est-ce que vous trouvez le rapport MacKay réconfortant à certains égards? Est-ce qu'il changerait la situation de manière à ce que les gens de la région puissent avoir accès à d'autres formes de financement?
Mme Beale: Je ne me tournerais pas nécessairement vers le rapport MacKay pour obtenir du réconfort à ce sujet-là. J'ai dit que la contribution du gouvernement fédéral au financement des petites entreprises diminuait très rapidement. Ce n'est pas l'image que donnent les journaux nationaux, mais c'est ce que montrent les données portant sur l'ensemble du pays.
Il est très important, et très difficile, d'obtenir du nouveau financement par actions, surtout pour les petites entreprises de la région. Nous avons réalisé une étude sur la question il y a quelques années. Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral se sont associés à des particuliers pour créer un nouveau fonds de capital de risque pour les petites entreprises des provinces de l'Atlantique.
Quand on regarde les secteurs de notre économie régionale qui connaissent la croissance la plus rapide, on se rend compte qu'il y a très peu de différence entre les petites entreprises d'ici et les PME du reste du pays. Nos sociétés de technologie de l'information et certains de nos nouveaux fournisseurs dans le secteur du pétrole et du gaz connaissent une croissance aussi rapide et sont aussi rentables que n'importe quelle autre petite entreprise ailleurs au Canada, et ils ont les mêmes problèmes et les mêmes préoccupations. Mais, dans la région de l'Atlantique, notre structure économique est différente. Certains des problèmes des industries à croissance plus lente se font sentir, et dominent les statistiques provinciales et régionales.
Le sénateur Tkachuk: Madame Beale, j'ai l'impression que vous ne croyez pas que les caisses de crédit et les autres institutions financières puissent vraiment faire concurrence aux grandes banques sur le marché financier, du moins dans un avenir prévisible.
Mme Beale: En effet, et cette conviction vient à la fois de notre compréhension du rôle dominant qu'ont joué les grandes banques et de la petite taille des caisses de crédit qui sont présentes actuellement dans la région de l'Atlantique. C'est imputable aux deux termes de l'équation.
Le sénateur Tkachuk: Mais dans dix ou quinze ans?
Mme Beale: Je ne connais pas assez bien la question pour faire un commentaire éclairé. Vous pourriez examiner les moyens à prendre pour renforcer le mouvement régional des caisses de crédit dans les provinces de l'Atlantique, et peut-être pour fournir des services centralisés. Nous avons évoqué la possibilité de le faire au niveau national. Il faut envisager des mesures visant à favoriser le développement des caisses de crédit dans toute la région de l'Atlantique, dans le cadre d'une initiative régionale visant les quatre provinces. Ce serait peut-être une façon de stimuler la croissance, particulièrement s'il est possible de démontrer que la présence des caisses de crédit dans les petites communautés pourrait être aussi positive dans les autres parties de la région que dans celle où ces caisses sont déjà implantées.
La porte n'est pas fermée. Mais je ne pense pas que les propositions présentées dans le rapport suffiraient à elles seules à permettre l'expansion des caisses de crédit dans notre région.
Le sénateur Tkachuk: Le rapport ne parle pas des services financiers dans les petites localités, ce qui est pourtant une question importante. Nous ne nous rendons pas compte à quel point il est difficile de faire un dépôt dans une petite ville. Nous comprenons mal ce que la présence d'une banque représente réellement pour une communauté. Qu'est-ce que les commerçants font de leur dépôt à la fin de la journée? Les gens des villes n'ont pas ce problème-là. Ce n'est pas une question d'électronique.
C'est une question de concurrence, et pourtant les deux fusions déjà annoncées sont imminentes. Pensez-vous que ces fusions seraient bonnes pour les affaires dans les provinces de l'Atlantique? Je sais qu'il y a des banques représentées au Conseil économique.
Mme Beale: Il y en a, mais il y a aussi beaucoup d'autres organisations. Je l'ai souligné au début de ma présentation. Je me sens tout à fait à l'aise pour parler de cette question de façon indépendante.
Je ne peux pas répondre à votre question sur les fusions sans tenir compte de ce que dit le rapport. Même s'ils n'en parlent pas directement, les auteurs du rapport proposent un environnement qui faciliterait les changements dans la structure des entreprises, à condition qu'ils visent à accroître la concurrence. La question que je me pose est donc la suivante: Est-ce que ces propositions vont effectivement permettre d'augmenter la concurrence dans notre région? Je n'en suis pas convaincue, et je pense que le rapport est loin de régler la question. Il a une portée limitée, et on ne peut pas tout faire; mais c'est une question importante pour la région.
Je ne peux pas répondre à votre question en tenant compte uniquement des fusions. Si nous adoptons des changements qui permettront de modifier plus facilement la structure des entreprises, ces changements -- d'après ce que dit le rapport -- devront être précédés, suivis ou accompagnés de mesures visant à accroître la concurrence. C'est la grande question qui se pose pour la région de l'Atlantique. Dans la perspective de ce qui est proposé, il n'y a tout simplement pas de garantie suffisante que cela se produirait.
Le sénateur Tkachuk: C'est probablement la même chose pour l'ensemble du pays.
Mme Beale: Probablement. Bien sûr, je parle pour la région de l'Atlantique -- c'est mon mandat --, mais je sais que la situation est très similaire dans beaucoup d'autres régions du pays.
Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que les gens des provinces de l'Atlantique étaient particulièrement dépendants des grandes banques pour obtenir du financement et que les caisses de crédit étaient plus petites ici qu'ailleurs, en termes d'actif par membre. Vous ne semblez pas avoir l'impression que les banques coopératives recommandées dans le rapport MacKay seraient vraiment une solution pour la région.
Quand les gens de la Centrale des caisses de crédit du Canada ont comparu devant nous, je leur ai demandé pourquoi les caisses de crédit n'étaient pas plus présentes dans les provinces de l'Atlantique, contrairement au Québec, à la Saskatchewan et à la Colombie-Britannique. Ils m'ont répondu que cela avait beaucoup à voir avec les lois provinciales.
Vous avez mentionné tout à l'heure que vous connaissiez surtout la centrale des caisses de Nouvelle-Écosse. Savez-vous si elle fait des pressions sur le gouvernement de la province pour qu'il modifie ses lois?
Mme Beale: Je suis contente que vous me le demandiez parce que je ne connais pas très bien la question. C'est pourtant un aspect évident, que nous devrions toujours examiner quand nous envisageons des modifications à la réglementation fédérale. Il faut voir aussi ce que les provinces font en même temps.
Je suis désolée de ne pas pouvoir vous répondre vraiment, sauf pour dire que c'est un point intéressant. Je vais devoir approfondir la question, pas seulement pour la Nouvelle-Écosse, mais pour les autres provinces également.
Le sénateur Callbeck: Vous avez aussi parlé du financement des petites entreprises. Vous avez mentionné qu'il était difficile d'offrir des services financiers concurrents aux petites entreprises des régions rurales. Vous avez dit, je pense, qu'il fallait aider non seulement les régions rurales, mais l'ensemble des provinces de l'Atlantique.
C'est ce qu'on nous a dit bien des fois cet été, à l'occasion de nos audiences au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Vous avez évoqué le rôle du gouvernement fédéral, mais à part cela, qu'est-ce qu'il faudrait faire dans la région de l'Atlantique pour aider les petites entreprises à se procurer du financement?
Mme Beale: C'est la grande question. Nous pourrions dresser une longue liste de choses à faire, mais la vérité, c'est que beaucoup de ces outils ont déjà été essayés. À une certaine époque, le gouvernement fédéral dépensait énormément d'argent pour subventionner les entreprises de la région, pas surtout pour aider les petites entreprises comme telles, mais plutôt pour essayer de corriger certains déséquilibres traditionnels. Ces dépenses ont atteint un sommet à la fin des années 70 et au début des années 80. Mais il n'y a pas seulement le gouvernement fédéral.
Il est intéressant de noter que le niveau moyen du financement fédéral accordé aux petites entreprises des provinces de l'Atlantique est aujourd'hui nettement inférieur à la moyenne nationale. Le gouvernement fédéral devrait se demander si les fonds qu'il verse dans le cadre de ses divers programmes sont répartis équitablement, y compris dans le domaine des prêts aux petites entreprises.
Il n'y a pas de réponse facile. Je sais que je ne réponds pas vraiment à votre question, mais ce qu'il faut vraiment se demander, c'est ce que nous devrions essayer d'éviter dans nos efforts pour nous adapter aux changements proposés par le groupe de travail MacKay. Les propositions contenues dans le rapport entraîneraient une perte en raison de la rationalisation et de la domination de certains intérêts dans le domaine des prêts aux petites entreprises, sans que la concurrence des services financiers augmente dans d'autres secteurs. Ce que je crains surtout, pour la région de l'Atlantique, c'est que cela immobilise les petites entreprises en les empêchant de prendre de l'expansion plus rapidement.
Le sénateur Angus: Madame Beale, vos réponses et vos commentaires soigneusement pesés nous sont très utiles.
Vous avez indiqué que, selon la Banque de Nouvelle-Écosse, les deux nouvelles institutions qui résulteraient d'une éventuelle fusion se partageraient plus de 67 p. 100 du marché des prêts aux petites entreprises dans la région de l'Atlantique. Vous avez souligné que cette statistique ne venait pas de vous et que vous n'aviez pas les mêmes données. C'est un chiffre étonnant, mais est-ce que vous l'acceptez? Avez-vous d'autres informations, provenant peut-être de vos propres recherches, qui vous permettraient de le confirmer ou de l'infirmer?
Mme Beale: Il ne s'agit pas de l'accepter ou de le rejeter, parce que je n'ai pas accès à d'autres données. Nous avons cité ce chiffre parce que nous voulions dire quelque chose au sujet des questions de concentration. C'est un chiffre qui a été rendu public, et qui nous semblait révélateur de certains des problèmes posés par le financement des petites entreprises et la concentration des activités dans notre région.
Le sénateur Angus: Le Bureau de la concurrence est en train d'étudier ces questions-là. Il est toujours difficile d'examiner des projets de fusion dans le vide parce que, si les fusions étaient autorisées, il se passerait aussi autre chose en même temps. Il y aurait quelque chose qui viendrait combler le vide, peut-être de nouvelles sources. Ne pensez-vous pas que toutes les statistiques de ce genre peuvent être très trompeuses?
Mme Beale: Oh, oui! C'est un chiffre statique, qui ne tient pas compte de ce qui se passerait si les changements proposés étaient adoptés ni de la façon dont il pourrait y avoir, avec le temps, de nouvelles institutions financières qui grugeraient cette part de marché.
Il est important que le comité examine cette question parce que cela montre les difficultés que nous aurions à résoudre dans notre région si ce changement se produisait. La question est de savoir si, oui ou non, nous avons le climat et la réglementation qui permettraient à ces autres institutions concurrentes de s'implanter ici et d'atténuer un peu ces pressions.
Le sénateur Angus: Les auteurs du rapport MacKay affirment à maintes reprises que le statu quo n'est pas une option; pourtant, vous avez dit qu'il se produisait déjà des changements. Il y a un élément dynamique dans notre économie, dans ce secteur-là. Il y a les effets mondiaux. Les choses évoluent tout naturellement à l'intérieur des structures existantes. Étant donné la réglementation en place, et le système très particulier qui existe au Canada, pensez-vous que le statu quo soit une option acceptable?
Mme Beale: Vous avez fait remarquer que je n'étais pas toujours logique ni cohérente, et vous avez probablement raison. Merci de me le signaler.
Quant à savoir s'il est possible de maintenir le statu quo, c'est une question intéressante. Dans les débats sur la politique économique, nous avons développé au Canada ce que je qualifierais presque de vision tubulaire dans notre désir de nous adapter au changement. Nous ne pensons pas vraiment...
Le sénateur Angus: Nous ne pensons pas vraiment aux immenses avantages dont nous jouissons déjà?
Mme Beale: Non. Nous avons bondi vers l'avant tellement vite que nous allons bientôt nous retrouver en tête.
D'un autre côté, d'après les discussions que j'ai eues avec les gens de l'industrie, je comprends qu'il n'est pas vraiment possible de maintenir le statu quo. Il faut une réglementation commune pour les institutions financières. Il est important de supprimer les lois qui accordent un traitement préférentiel ou une certaine protection dans certains secteurs, parce que ces lois compliquent l'arrivée de nouveaux joueurs et qu'elles ont permis à la situation actuelle de s'installer. Il est important de s'adapter au changement et de permettre une concurrence accrue dans le secteur des services financiers. Dans l'ensemble, l'orientation du rapport à cet égard est la bonne.
Le sénateur Angus: Au cours des séances que nous avons tenues avant l'Action de grâce, nous avons entendu des opinions diamétralement opposées au sujet de la nécessité de faire vite. D'un côté, on nous a dit qu'il était urgent de faire quelque chose et d'autoriser la déréglementation, ainsi que les fusions envisagées, sans quoi nous allions nous retrouver en difficulté et nos grandes banques allaient passer aux mains d'intérêts étrangers. M. Godsoe nous a avertis que, si nous prenions notre temps et si nous nous montrions trop prudents, cela pourrait avoir des répercussions profondes qui feraient plus de tort que de bien. Mais d'un autre côté, le lendemain même, M. Barrett nous a dit exactement le contraire, en affirmant qu'il n'y avait absolument aucune preuve pour étayer la position de M. Godsoe. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Beale: L'économie mondiale connaît d'énormes changements depuis un an. Notre organisation compte un noyau de membres bienfaiteurs, une vingtaine de compagnies qui nous fournissent un soutien important. En parcourant la liste de ces compagnies -- dans tous les domaines, que ce soient les télécommunications, l'énergie ou les services financiers --, je constate que chacune d'elles est en plein bouleversement, à cause soit d'une fusion, soit d'une réorientation de l'entreprise. Le monde n'est plus aussi stable qu'il l'était.
Je dirais donc que ces bouleversements existent déjà, et que d'autres vont suivre. Ils résultent de nombreux facteurs différents, ce qui devrait nous inciter à mon avis à faire preuve d'une certaine prudence et à réfléchir longuement à l'orientation que nous choisirons, plutôt que de nous précipiter sur le facteur de changement le plus récent. Les implications de cette situation sont importantes pour l'économie canadienne, et c'est pourquoi j'ai dit au ministère des Finances du Canada et aux divers comités que c'était votre responsabilité de prévoir les effets de ces changements -- que ce soit pour notre région du Canada ou pour d'autres -- avant d'accepter les recommandations du rapport.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Au paragraphe cinq de votre document, vous faites référence au rôle du gouvernement fédéral dans la région de l'Atlantique ainsi qu'à la diminution de son rôle. Est-ce que le secteur privé a pris la relève en raison de la diminution du rôle des institutions fédérales ou si, selon vous, nous n'avons pas donné l'appui nécessaire aux PME dans votre région? J'aimerais avoir une interprétation de cette diminution.
[Traduction]
Mme Beale: C'est un sujet très vaste, qui se rattache au financement et à l'appui fédéral aux activités de développement régional pour les petites et moyennes entreprises de la région. Quand on examine le profil actuel des bailleurs de fonds des PME, on se rend compte que, dans la région de l'Atlantique, c'est l'Agence de promotion économique du Canada atlantique qui vient en première place, puisque c'est elle qui fournit la part la plus importante du financement des PME de la région.
Beaucoup d'autres programmes, par exemple ceux qu'administre la Société pour l'expansion des exportations, jouent aussi un petit rôle dans ce financement. En général, nous ne mettons plus tellement l'accent sur le développement régional; nous insistons plutôt aujourd'hui sur une stratégie industrielle axée sur des objectifs nationaux. C'est ainsi que nous avons perdu accès à ce financement et qu'il n'y a plus la même volonté d'assurer la répartition de l'activité sur une base régionale dans l'ensemble du Canada atlantique. Ce n'est pas le cas seulement pour les petites et moyennes entreprises. C'est maintenant une source constante de préoccupation et de plaintes dans les provinces de l'Atlantique, tout comme dans beaucoup d'autres régions du Canada en dehors des grands centres.
Il est difficile de déterminer si ce financement a été remplacé par des fonds venant du secteur privé. Malgré la baisse marquée des dépenses fédérales dans la région, il y a beaucoup de secteurs de notre économie qui ont connu une croissance rapide depuis quelques années. Cela en dit long sur la souplesse et le dynamisme du secteur privé, et en particulier des PME de notre région.
Notre économie s'est ajustée à cette diminution considérable de l'aide fédérale. L'adaptation a été très difficile dans certaines parties de la région et elle a entraîné une perte nette en termes d'activité économique, mais dans beaucoup de secteurs, les gens ont été assez souples et assez ingénieux pour compenser cette perte.
Je pense quand même que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle important dans le soutien aux petites entreprises. C'est une autre piste que je vous suggère; c'est une question qu'il faut examiner.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce la nouvelle vocation de la BDC de favoriser l'équité et de permettre un meilleur équilibre dans la capitalisation des PME a été utilisée? Sont-ce les banques qui, au lieu d'endetter davantage les PME, ont investi dans votre région? Quand le secteur privé peut faire mieux et à meilleur coût, je ne vois pas pourquoi le gouvernement interviendrait. On vient souvent en deuxième lieu et cela a toujours été la vocation des institutions fédérales.
Par contre, la nouvelle économie se base sur le savoir. Il me semble que le capital de risque est peut-être plus facilement accessible maintenant dans les entreprises privées, donc l'intervention du gouvernement est moins nécessaire. Par contre, les crédits d'impôts sont disponibles au Canada, il suffit d'en faire la demande, il n'y a pas de discrimination à ce sujet. Est-ce que les entreprises de cette région sont mal servies dans l'économie nouvelle? Est-ce qu'elles se sont adaptées à la nouvelle situation et ont une capitalisation suffisante?
[Traduction]
Le sénateur Angus: C'est la façon montréalaise d'envisager la question.
Mme Beale: Je dois peser soigneusement ma réponse. Je ne voudrais pas me prendre à mon propre piège et tenir des propos contradictoires en parlant, d'un côté, de croissance et de dépendance moins grande envers le gouvernement tout en soutenant, de l'autre, que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans certains secteurs, en fournissant par exemple des capitaux d'amorçage, une aide supplémentaire ou de nouvelles mesures d'encouragement.
Il est certain qu'il serait impossible de progresser dans bien des secteurs sans avoir le gouvernement fédéral comme partenaire. La situation est positive dans bien des cas. Il est difficile de parler d'un secteur en particulier.
Il y a de nombreux secteurs où le gouvernement fédéral a joué un rôle essentiel en fournissant des capitaux de démarrage, notamment à un certain nombre d'entreprises exploitées par des femmes. Les entreprises de ce genre auraient dû faire face à toutes sortes d'obstacles pour avoir accès aux modes de financement habituels, et le gouvernement fédéral a fait oeuvre utile dans certains créneaux en fournissant des capitaux de démarrage. C'est encore très valable, et pas seulement pour la région de l'Atlantique; c'est la même chose dans tout le pays.
Je suis d'accord avec vous. Pour ce qui est de l'uniformisation des règles du jeu, nous aimerions qu'une bonne partie des facteurs de distorsion de l'activité économique soient supprimés et qu'il y ait des mesures d'encouragement prévues dans le régime fiscal. Je ne m'oppose pas au principe, mais les petites entreprises ont encore besoin d'aide -- surtout à l'étape du démarrage -- pour pouvoir progresser.
Le sénateur Kelleher: J'ai écouté vos réserves au sujet du rapport MacKay. Vous semblez croire -- et j'ai plutôt tendance à être d'accord -- que cela n'aidera pas beaucoup à résoudre les problèmes propres à la région de l'Atlantique. Je viens du nord de l'Ontario et je comprends votre point de vue. Nous avons à peu près les mêmes problèmes que vous.
Vous semblez espérer que le comité trouvera d'autres suggestions ou d'autres réponses pour vous aider. Mais les gens qui sont les mieux placés pour nous dire ce que nous devrions faire ou ce que nous devrions recommander sont ceux de la région.
Je ne veux pas critiquer votre mémoire, mais nous aimerions savoir quelles sont non seulement vos préoccupations, mais aussi vos recommandations. Il serait utile que vous nous fassiez parvenir des suggestions et des recommandations concrètes sur ce que nous devrions faire pour votre région. Nous vous prêterions sûrement une oreille attentive. Pourriez-vous nous revenir avec des recommandations précises que nous pourrions peut-être incorporer à notre rapport? Vous êtes mieux placée que nous pour faire ce genre de chose.
Mme Beale: Merci de le souligner. Je ne suis pas surprise que vous l'ayez remarqué. Si nous n'avons pas présenté de recommandations, c'est parce qu'on nous demande souvent nos commentaires sur de nombreux aspects de la politique fédérale et provinciale, mais que nous sommes une très petite organisation, qui choisit soigneusement ses dossiers. En fait, nous n'aurions pas comparu normalement devant un comité comme le vôtre sans avoir effectué une étude ou préparé un document d'information. Si nous avons accepté de comparaître aujourd'hui, c'est uniquement parce que nous voulions soulever ces questions. Je suis tout à fait à l'aise de dire que je n'ai pas toutes les réponses.
Je voudrais renvoyer la balle au groupe de travail et aux autres groupes qui étudient actuellement divers aspects de la politique fédérale. Je trouve frustrant que le groupe de travail ne soit pas tenu d'examiner ces questions et de réfléchir aux conséquences de ses recommandations sur les diverses régions. Le gouvernement se contente de répondre en recueillant les commentaires des gens des régions, et s'ils ont des réactions négatives au sujet des recommandations du rapport, vous leur demandez de proposer des solutions.
Je vous répondrai qu'il faut renvoyer la balle au groupe de travail, au personnel de recherche et aux fonctionnaires du ministère des Finances. Quand on propose des changements, il faut se demander quelles en seront les conséquences, et où. Cela fait partie de votre mandat. Cela ne m'empêchera pas de vous répondre. Je vais essayer de voir si nous ne pourrions pas mettre un peu de chair sur certaines des recommandations. Mais je trouve frustrant que ni le groupe de travail, ni aucun autre groupe du genre ne soit tenu d'évaluer les conséquences possibles de ses recommandations.
Le sénateur Kelleher: Il est évident que cela vous tient à coeur. Pourquoi ne pas incorporer ce commentaire dans la réponse que vous allez nous fournir? Vous pouvez très bien ajouter cela à vos recommandations. Je n'ai aucune objection. Si vous ne le dites pas, personne d'autre ne le dira.
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président: Nos prochains témoins représentent la Chambre de commerce de Halifax. M. Terry Norman en est le président et Mme Nancy Conrad est adjointe au directeur général. Allez-y, s'il vous plaît.
M. Terry Norman, Chambre de commerce de Halifax, président du groupe de travail sur la fusion des banques: Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. La Chambre de commerce de Halifax est reconnaissante au comité de l'appui qu'elle a reçu de lui par le passé. Nous nous souvenons très bien des réunions que nous avons tenues à Halifax au sujet de la taxe de vente harmonisée et nous apprécions le travail que le comité a fait à ce moment-là. Plus récemment, nous avons rencontré le comité des banques à propos de la Loi sur les prêts aux petites entreprises et nous sommes heureux de comparaître aujourd'hui pour vous faire part de nos vues sur le rapport MacKay.
J'ai une formation en finances. J'ai travaillé pour une des grandes banques à charte pendant un certain nombre d'années et j'ai été directeur de la sixième plus grande succursale de cette banque. Après, je me suis lancé dans le financement du capital de risque et je suis actuellement président d'une nouvelle entreprise de technologie de l'information ici à Halifax. Ma compagnie a été classée parmi les 25 entreprises de technologie de l'information les plus prometteuses au Canada cette année par The Financial Post. J'enseigne aussi à l'école de commerce de l'Université Dalhousie.
En raison de mon expérience, la Chambre de commerce m'a demandé d'être président du groupe de travail. Nous avons formé un groupe qui est assez représentatif de nos membres et qui englobe à la fois des banquiers et des petits entrepreneurs. Heureusement, les volontaires ont été nombreux et nous avons pu demander à chacun d'eux de passer en revue deux chapitres du rapport.
En plus du rapport, nous avons dû examiner les cinq documents d'information et 18 rapports de recherche. Nous les avons téléchargés à partir d'Internet parce que nous n'en avions pas encore de copie papier à Halifax. Nous avons rencontré Harold MacKay lorsqu'il est venu à Halifax pour assister à des réunions au sujet du rapport de sorte que notre comité a aussi eu l'occasion d'en discuter personnellement avec lui. Nous avons ainsi cerné cinq grandes questions importantes pour les nombreuses petites entreprises qui sont membres de la Chambre de commerce de Halifax. Nous comptons environ 1 500 membres au total.
Il y a bien des manières de définir une PME. La plupart de nos membres sont de très petites entreprises qui comptent moins de 25 employés, 78 p. 100 d'entre eux en fait. La définition utilisée dans le rapport MacKay est beaucoup plus vaste. La définition que le groupe de travail a utilisée englobe les compagnies. Si nous utilisions celle de M. MacKay, environ 95 p. 100 de nos membres seraient probablement considérés comme des petites et moyennes entreprises.
Nous avons examiné le rapport MacKay à la lumière surtout de l'impact sur les petites et moyennes entreprises de la Nouvelle-Écosse. La première question que nous avons cernée est la difficulté d'accès au capital d'emprunt. À peu près 67 p. 100 de nos membres sont de petites entreprises qui comptent dix employés ou moins. Habituellement, leurs encours de crédit s'élèvent à moins de 200 000 $ et les banques sont leur principale source de capital d'emprunt.
D'après le rapport MacKay, durant la récession de 1989 à 1992, les entreprises canadiennes ayant des autorisations de prêt de moins de 200 000 $ ont vu leurs crédits bancaires en cours diminuer de près de 25 p. 100 tandis que dans l'ensemble les encours de crédit ont augmenté de 3,2 p. 100.
D'après l'examen de la Banque du Canada, les prêts des banques canadiennes aux petites entreprises ayant une limite d'autorisation de prêt de moins de 200 000 $ ne sont revenus au niveau de 1989 que huit ans plus tard. Les petites entreprises du Canada atlantique sont particulièrement vulnérables aux changements de la politique de crédit des six grandes banques à charte parce que celles-ci détiennent 87 p. 100 de ce marché. Les coopératives de crédit viennent au deuxième rang avec 9 p. 100 et les sociétés de fiducie loin derrière au troisième rang avec 3 p. 100.
Il semblerait qu'en Nouvelle-Écosse la part du marché détenue par les banques serait encore plus grande. D'après la Banque du Canada, les coopératives de crédit ne détenaient que 5 p. 100 des actifs des institutions de dépôt de la Nouvelle-Écosse en 1987. Si les deux fusions sont approuvées, les petites entreprises de la Nouvelle-Écosse n'auront plus que trois importantes banques à charte concurrentes à qui s'adresser.
Pour pouvoir offrir des solutions concurrentielles aux petites entreprises de la Nouvelle-Écosse, il faudra favoriser la croissance des banques de l'Annexe B, des banques étrangères, des sociétés de fiducie et des coopératives de crédit. Il sera nécessaire également d'assurer au personnel de ces fournisseurs de services financiers la formation voulue pour répondre aux besoins spéciaux des petites entreprises en matière de financement.
Entre-temps, tant qu'il n'y aura pas d'autres concurrents, il faudra que les six grandes banques à charte maintiennent leur engagement à répondre aux besoins financiers des petites entreprises du Canada atlantique. Nous proposons que chacune d'elles s'engage à ce que les facilités de crédit offertes aux petites entreprises du Canada atlantique qui ont des autorisations de crédit en cours de moins de 200 000 $ demeurent proportionnelles aux facilités de crédit totales mises à la disposition de toute la clientèle d'affaires des banques au Canada atlantique.
Cela veut dire que si le crédit doit être réduit à la demande de la banque, il devrait être réduit d'un pourcentage égal pour les grandes et les petites entreprises de la région où la banque est située. En général, les facilités de crédit devraient augmenter lorsque l'économie d'une région est en croissance. Par contre, si une région traverse une période de récession, il y a de grandes chances que les facilités de crédit diminuent. Nous proposons que cette obligation soit revue annuellement dans le cadre de l'énoncé des responsabilités envers la collectivité que le groupe de travail MacKay a proposé pour les banques.
La deuxième question est la nécessité d'une plus grande concurrence des services financiers. La forte concentration des services bancaires au sein des six grandes banques à charte au Canada atlantique exige qu'on prenne des mesures pour trouver de nouveaux concurrents. On pourrait par exemple réduire les entraves à l'entrée des banques étrangères sur le marché, encourager les compagnies d'assurance à s'y implanter, favoriser la croissance de nouvelles banques régionales ou communautaires et encourager les coopératives de crédit à prendre de l'expansion.
Un élément clé de ce nouvel environnement concurrentiel pour les services financiers est l'adhésion de toutes les institutions financières au système de paiements canadiens à la condition d'avoir le capital réglementaire, la satisfaction de critères opérationnels et techniques et l'accès à des services comme Interac.
Tout aussi importante qu'une concurrence accrue est la nécessité d'offrir aux préposés aux services financiers la formation qu'il faut pour répondre aux besoins spéciaux des petites entreprises, surtout celles qui sont axées sur le savoir. Une bonne partie de la croissance du marché des petites entreprises est attribuable aux entreprises axées sur le savoir et elles ont des besoins financiers non traditionnels. La matière grise représente un pourcentage élevé des actifs, ce qui veut dire qu'il faut passer du financement reposant sur l'actif aux prêts destinés à fournir des ressources de trésorerie et avoir une bonne connaissance du marché. Dans certains cas, il faudra également établir le prix des prêts en fonction des risques, ce qui est contraire à la façon de faire habituelle des six grandes banques. Normalement, la marge d'intérêt qui s'ajoute au taux préférentiel va jusqu'à 3 p. 100 pour les prêts commerciaux au Canada. Si la banque juge que le prêt comporte des risques plus élevés, elle refusera de l'autoriser au lieu de l'approuver à une marge plus élevée, ce qui est pratique courante aux États-Unis.
Les banques devraient aussi revoir chaque année le degré de concurrence sur le marché régional dans le cadre de l'énoncé des responsabilités envers la collectivité.
La troisième question que nous avons cernée est l'insuffisance des recherches sur les besoins financiers des petites entreprises. Le groupe de travail MacKay a été surpris d'apprendre qu'il existe très peu d'information sur les besoins financiers des petites entreprises au Canada. Il a recommandé que Statistique Canada et Industrie Canada se voient confier la responsabilité de faire régulièrement des sondages dans l'industrie afin de recueillir des données repères pour l'analyse des besoins financiers des petites entreprises.
Nous n'avons rien contre la nomination de ces ministères gouvernementaux, mais nous croyons que la collaboration de représentants des petites entreprises des différentes régions du Canada -- comme les chambres de commerce locales et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante -- aurait pour avantage d'assurer que les données recueillies sont véritablement représentatives du marché.
La Chambre de commerce de Halifax est heureuse d'offrir son aide au gouvernement fédéral pour trouver le meilleur moyen d'effectuer ces importantes recherches avec le moins d'ingérence possible et le taux de participation le plus élevé possible de la part des petites entreprises.
La quatrième question qui a retenu notre attention est la nécessité de réduire l'impôt sur le capital des institutions financières. À l'heure actuelle, les gouvernements fédéral et provinciaux exigent un impôt sur le capital des institutions financières. Nous trouvons que c'est une mesure régressive. L'impôt sur le capital nuit à la croissance des institutions financières. Nous croyons que l'impôt sur le capital des institutions financières devrait être éliminé complètement, ce qui permettrait d'uniformiser les règles du jeu et encouragerait de nouveaux concurrents à faire leur entrée dans le secteur des services financiers.
La cinquième question est la nécessité d'améliorer la gestion des comptes commerciaux par les banques. Un grand nombre de nos membres nous ont signalé un taux de roulement élevé des directeurs des comptes commerciaux dans les six grandes banques. Une petite entreprise doit ainsi tout apprendre au sujet de ses affaires à un nouveau directeur des comptes tous les ans ou tous les deux ans. C'est inefficace pour la banque et pour la petite entreprise.
Nous recommandons que les banques adoptent une politique selon laquelle un directeur et un directeur adjoint seraient chargés de chaque compte commercial. Un directeur des comptes ne pourrait être muté que si son adjoint était en fonction depuis un an au moins et vice-versa dans le cas de la mutation d'un directeur adjoint. Une telle politique éliminerait la plupart des problèmes au sujet de la familiarisation avec le compte et réglerait la question des vacances et des congés de maladie. Le fardeau actuellement lourd d'un grand nombre de directeurs des comptes commerciaux s'en trouverait également allégé et la transition serait plus facile lorsqu'un directeur des comptes commerciaux quitterait la banque pour un autre emploi. Résultat, il y aurait toujours quelqu'un pour s'occuper des comptes et la situation serait moins frustrante pour la clientèle d'affaires de la banque.
Un autre facteur est la nécessité pour les directeurs des comptes commerciaux de recevoir une formation professionnelle. Les six grandes banques à charte peuvent offrir une formation en milieu de travail sur les services bancaires commerciaux alors que la formation de nouveaux directeurs des comptes commerciaux pourrait s'avérer plus difficile pour de plus petites institutions financières, les coopératives de crédit ou les compagnies d'assurance qui n'ont pas encore l'expertise voulue. Des cours de formation devraient être offerts en collaboration avec les universités, les collèges et les écoles de formation privées pour répondre au besoin de directeurs des comptes commerciaux compétents.
En conclusion, la MHCC croit que le rapport MacKay est un ensemble complet de documents qui oriente l'avenir des services financiers au Canada et nous souscrivons à la majorité des 124 recommandations qu'il renferme.
Nous croyons cependant qu'il faut prêter une attention beaucoup plus grande aux besoins de financement des petites et moyennes entreprises du Canada. Il faudrait s'attarder plus particulièrement aux besoins financiers spéciaux des petites entreprises du Canada atlantique pour qui les grandes banques à charte sont à peu près le seul recours.
La Chambre de commerce de Halifax serait heureuse de participer à tous les travaux futurs sur les besoins de financement des petites entreprises du Canada atlantique. Nous croyons qu'un grand nombre des membres de notre Chambre accepteraient volontiers de vous aider.
Le gouvernement fédéral doit prendre de nouvelles mesures pour promouvoir l'essor de la concurrence et des services financiers au Canada atlantique. Les petites entreprises ont toujours souffert plus que d'autres du resserrement du crédit en période de récession. Le Canada atlantique compte un plus grand nombre de petites entreprises et moins de grosses sociétés par habitant que le reste du Canada. Il est donc essentiel à notre niveau de vie que leur crédit soit maintenu ou augmente au même rythme que la moyenne régionale pour tous les prêts commerciaux au gré des cycles économiques. Ces conditions devraient faire partie de l'énoncé annuel des responsabilités des banques à l'égard de la collectivité.
L'impôt sur le capital des institutions financières devrait être éliminé parce qu'il va à l'encontre du but recherché. Nous voulons des institutions financières fortes qui disposent d'une bonne base de capitaux. L'impôt sur le capital entrave la croissance de ces institutions.
La prise de décision à l'échelle locale quant à l'octroi de prêts par les institutions financières est aussi très importante pour les petites entreprises du Canada atlantique. Les banques doivent régler les problèmes que posent la charge excessive de travail, les taux de roulement élevés et la formation des directeurs des comptes commerciaux.
Nous vous remercions de l'occasion qui nous a été offerte de vous présenter les vues des 1 500 membres de la Chambre de commerce de Halifax.
Le sénateur Kelleher: Vous avez bien su nous faire part de votre crainte que les fusions de banques entraînent une diminution de la concurrence.
Lorsque M. Knight, de la Centrale des caisses de crédit du Canada, a témoigné devant notre comité il y a deux semaines, il a applaudi aux recommandations du rapport MacKay au sujet de l'élargissement du rôle des coopératives de crédit dans l'économie de notre pays. En réponse à une de mes questions, M. Knight a dit que les coopératives de crédit pourraient offrir des services qui s'apparenteraient à ceux des banques d'ici deux ans. Cela nous a tous fait plaisir à entendre parce que nous cherchions des banques de deuxième rang, comme les banques communautaires aux États-Unis.
Ce matin, toutefois, Mme Beale nous a indiqué qu'à son avis le mouvement des coopératives de crédit ne serait pas très utile dans les Maritimes à cause de la taille des coopératives de crédit et de l'absence d'une économie florissante dans les régions rurales. Elle estime que les coopératives de crédit ne sont pas vraiment une solution aux problèmes qui se posent dans les Maritimes.
Êtes-vous d'accord avec elle ou pensez-vous qu'il serait possible de galvaniser le mouvement des coopératives de crédit pour constituer un deuxième rang de banques?
M. Norman: Oui, je pense que ce serait possible. Un des problèmes auxquels nous nous heurtons en particulier en Nouvelle-Écosse tient à ce que les coopératives de crédit ne détiennent qu'un petit pourcentage des actifs totaux. Comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, elles détiennent environ 5 p. 100 des actifs des institutions de dépôt de la Nouvelle-Écosse.
Au Québec, le pourcentage est beaucoup plus élevé; les caisses populaires détiennent environ 35 p. 100 du marché. Le pourcentage est également plus élevé dans l'Ouest. Donc, c'est un problème particulier à la Nouvelle-Écosse et au Canada atlantique en général; les coopératives de crédit sont loin d'être aussi fortes ici qu'elles le sont dans d'autres régions du Canada.
Il se pourrait que les coopératives de crédit prennent de l'expansion si elles arrivaient à constituer un réseau national et à trouver du renfort de manière à pouvoir compter sur l'appui d'une organisation nationale. Je pense cependant qu'il leur faudra un certain temps avant de devenir des acteurs importants sur le marché des services aux petites entreprises.
Le sénateur Kelleher: Pourriez-vous regarder dans votre boule de cristal, comme M. Knight l'a fait pour nous, et nous donner une idée des délais qu'il faudrait? Je me rends bien compte que ce sera plus long que dans d'autres régions du pays. Avez-vous une idée du temps que cela pourrait prendre ici?
M. Norman: Si on arrivait à implanter une coopérative de crédit nationale qui fonctionnerait comme une banque d'ici deux ans, selon moi, elle aurait beaucoup de clients parmi les petites entreprises du Canada atlantique d'ici dix ans. Bien sûr, il faudrait que les coopératives de crédit prennent des mesures énergiques et forment leurs employés. À l'heure actuelle, elles n'ont pas le personnel qu'il faut pour s'occuper des petites entreprises.
Le sénateur Kenny: Prenons les points trois et cinq qui ont trait à l'absence de recherches dont les résultats pourraient être utilisés à l'échelle régionale. On nous a à maintes et maintes reprises répété que l'échantillon utilisé est insuffisant pour pouvoir faire des ventilations par région et je suppose qu'il faudra se pencher sur la question. Malheureusement, la taille de l'échantillon qu'il faut pour le Canada atlantique est probablement la même que pour tout le Canada. Néanmoins, si nous avons des données qui pourraient être utilisées sur une base régionale, nous devrions le souligner pour le rapport.
Ces points ont trait aux recommandations 102 et 105 du rapport MacKay et à la formation des directeurs de comptes. D'autres témoins nous ont dit eux aussi qu'il faudrait avoir l'appui des établissements de crédit. D'après ces témoins, les petites entreprises passent pas mal de temps à former les banquiers alors que ce devrait être aux banques de le faire. Ce n'est pas la première fois qu'on nous le dit et il faudrait que nous le mentionnions dans notre rapport.
Ma question concerne la période de transition dont vous avez parlé. Vous avez dit que les six grandes banques devraient garantir des facilités de crédit proportionnelles à celles qui sont offertes à leurs autres clients. Ça me semble être une proposition raisonnable, mais je me demande si des mesures aussi coercitives s'imposent.
J'ai l'impression que les banques sont surveillées de très près pour le moment. Pour toutes sortes de raisons -- dont certaines sont politiques -- elles essaient d'être très réceptives et elles n'ont surtout pas besoin des critiques d'organisations comme la vôtre. Elles se cherchent des alliés. Elles doivent tenir compte du climat politique et ce sont de toute façon des institutions fondamentalement concurrentielles. Cela dit, pensez-vous qu'elles vont vous offrir le genre de facilités de crédit dont vous avez besoin?
M. Norman: Je suis persuadé qu'il ne sera pas nécessaire de leur forcer la main. Si vous regardez les chiffres du rapport MacKay pour les années 1989 à 1992, vous verrez qu'il est très clair que les petites entreprises ont eu la vie dure durant la dernière récession, que les facilités de crédit ont rapidement diminué pour elles alors qu'elles n'ont pas diminué pour les grandes entreprises. C'est chose normale dans une banque; lorsqu'il y a resserrement du crédit, les directeurs de comptes resserrent les cordons de la bourse.
Il est beaucoup plus facile de tenir tête à une petite entreprise qui n'a pas beaucoup d'autres banques vers qui se tourner que de tenir tête à une grande entreprise qui, même en pleine récession, pourrait probablement s'adresser à une autre banque. J'ai été directeur de banque et je sais par expérience qu'il est beaucoup plus facile de réduire le crédit des petites entreprises durant une récession que de réduire le crédit des grandes entreprises.
Le sénateur Kenny: Je suis d'accord. Votre recommandation portait sur la période intermédiaire. Durant cette période, avez-vous remarqué une plus grande réceptivité de la part des banques aux besoins des organisations que vous représentez?
M. Norman: Absolument. Les vice-présidents de nombreuses banques à charte nous ont parlé de leurs plans et nous sommes y très favorables. Ce sera bon pour les petites entreprises. Il faudrait qu'il y ait plus de mesures en ce sens. Mieux vaut avoir un objectif mesurable concret que de devoir compter uniquement sur la bonne volonté.
Le sénateur Kenny: Votre deuxième point avait trait à la nécessité accrue d'une concurrence des services financiers et vous avez fait allusion précisément au système canadien de paiements et à l'accès à Interac. Nous avons soulevé cette question avec différents témoins et, chaque fois, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il est beaucoup plus compliqué qu'on l'aurait cru d'accroître la concurrence et de trouver des nouveaux participants.
Vous avez parlé de deux choses qui, selon vous, favoriseraient une plus grande concurrence. Y a-t-il d'autres questions -- régionales surtout -- qui font obstacle à la concurrence et qu'il faudrait régler, à part Interac et le système de paiements canadiens?
M. Norman: Le rapport MacKay donne aussi à entendre qu'il devrait être plus facile de créer de nouvelles banques. Par exemple, seulement deux nouvelles banques ont vu le jour au Canada au cours des dernières années comparativement à 243 aux États-Unis l'année dernière. Ce n'est pas tellement reluisant.
Nous avons découragé la concurrence sur les marchés canadiens au cours des dernières décennies et il est réconfortant de voir les banques à charte canadiennes encourager aujourd'hui la concurrence pour être plus compétitives sur les marchés étrangers. Nous sommes tout à fait en faveur. Il devrait y avoir libre concurrence sur les marchés financiers canadiens.
Des changements de taille sont sur le point de se produire. Le rapport MacKay tombe à point à cause de tout ce qui se passe. La mondialisation est un facteur important et nous y réagissons de bien des manières différentes, mais nous pensons qu'elle va finir par favoriser la concurrence des services financiers.
Le sénateur Kenny: Le comité est très conscient de la disparité dans le nombre des nouvelles banques au Canada et aux États-Unis. Ma question était la suivante: y a-t-il des caractéristiques propres à la région de l'Atlantique qui, selon vous, pourraient influer sur la concurrence?
M. Norman: La capacité de créer de nouvelles banques serait un facteur important. Il devrait être plus facile de fonder une nouvelle banque -- quitte au départ à ce que certains groupes détiennent un pourcentage plus élevé des actions et à ce que la propriété devienne plus dispersée à plus long terme.
Nous constatons une tendance à une plus grande spécialisation des services financiers. Une société ayant une expertise dans un secteur particulier des services financiers pourrait vouloir créer une banque spécialisée. Il serait utile que cette société puisse, par exemple, détenir 50 p. 100 des actions de cette institution financière spécialisée au départ et ensuite ramener sa participation à 25 p. 100 ou même à 10 p. 100. Il est difficile de lancer une banque aujourd'hui sans un bailleur de fonds important.
Le sénateur Meighen: Auriez-vous d'autres mesures à recommander que celles du rapport MacKay pour accroître la concurrence? J'ai l'impression que c'est là où nous en sommes. Si on est prêt à accepter le phénomène de la mondialisation et qu'on penche en faveur d'une économie de libre marché tout en étant conscient des exigences de la politique gouvernementale, il me semble que le défi est de faire en sorte qu'il y ait une concurrence adéquate, comme vous l'avez signalé dans votre exposé.
Vous avez dit quelque chose qui m'a intrigué au sujet de l'établissement du prix en fonction du risque. Des représentants des banques nous ont indiqué qu'ils n'établissaient pas les prix en fonction des risques parce qu'ils s'exposeraient à des critiques acerbes s'ils exigeaient le remboursement d'un prêt qui a été accordé à un taux d'intérêt que certaines personnes considéreraient comme exorbitant. Qu'en pensez-vous?
Je crois qu'une banque américaine se propose d'offrir par des moyens électroniques des prêts aux Canadiens à des taux d'intérêt plus élevés et n'a pas l'intention d'ouvrir de succursales au Canada. Est-ce que ça réglerait le problème, et à quel coût?
M. Norman: Nous avons abordé la question de l'établissement du prix en fonction du risque et il est intéressant de voir ce que les petites entreprises pensent de leurs banques aux États-Unis par comparaison au Canada. Les petites entreprises américaines ont généralement plus d'estime pour leur banquier que leurs homologues canadiennes et elles paient pourtant un taux d'intérêt plus élevé aux États-Unis -- jusqu'à 8 p. 100 de plus que le taux préférentiel. Les entreprises américaines trouvent qu'il est plus important d'obtenir des capitaux lorsqu'elles en ont besoin. Leurs prêts leur coûtent peut-être plus cher, mais elles savent que les risques sont plus élevés au départ et qu'ils diminueront tout comme les taux à mesure qu'elles prendront de l'expansion. C'est pourquoi elles arrivent à prendre de l'expansion.
La situation est différente au Canada. Les petites entreprises se font refuser des prêts au lieu de s'en voir accorder à un taux supérieur à 3 p. 100 de plus que le taux préférentiel et elles doivent chercher d'autres sources de financement.
Il n'est pas aussi facile de trouver des capitaux propres dans les provinces de l'Atlantique que dans d'autres régions du Canada. Le marché de l'argent ne répond pas aux besoins des petites entreprises en expansion et ne leur fournit pas les capitaux dont elles ont besoin. Elles sont donc beaucoup plus dépendantes des banques à charte. Le problème, c'est que les petites entreprises ne peuvent pas prendre de l'expansion si elles ne peuvent pas obtenir de prêts.
Il y a une leçon à tirer, et c'est que les banques compteraient probablement plus de clients satisfaits parmi les petites entreprises si elles commençaient à tenir davantage compte des risques dans l'établissement des prix. La disponibilité de capitaux compte plus que le prix.
Le sénateur Meighen: On nous a déjà fait valoir cet argument. Je l'accepte; je ne connais pas la réponse à ce problème. Le public ne se montrerait pas tendre à l'endroit d'une banque qui fait des milliards de dollars de profits si elle faisait la vie dure à la petite entreprise de M. Norman parce qu'il n'arrive pas à faire ses paiements pour un prêt à un taux d'intérêt de 9, 10 ou 11 p. 100. Il y aurait des pleurs et des grincements de dents.
M. Norman: Cela s'est déjà vu ici à Halifax. La Banque Toronto-Dominion a offert des prêts à redevances à un taux de 17 p. 100 à un moment donné sans provoquer de réaction. Ce programme n'existe plus.
Le sénateur Meighen: Les Canadiens de l'Atlantique sont peut-être plus compréhensifs.
M. Norman: Vous avez parlé d'une banque américaine qui offre des prêts électroniques à des taux d'intérêt plus élevés. Wells Fargo offre des lignes de crédit de 50 000 $ aux petites entreprises à des taux d'intérêt plus élevés sans presque aucune garantie. Ses bureaux sont en Californie et s'il lui fallait intenter des poursuites en vertu de l'accord intervenu pour recouvrer son argent, elle le ferait en Californie. Comme Canadien, je vois cette concurrence d'un bon oeil. C'est très différent d'une institution de dépôt au Canada et nous devrions encourager les prêteurs étrangers qui aimeraient offrir ce genre de crédit aux entreprises canadiennes.
Le sénateur Meighen: Ça ne vous ferait rien d'être poursuivi en Californie plutôt qu'au Canada?
Le sénateur Kelleher: Il n'est pas avocat.
Le sénateur Meighen: Vous avez dit que le pourcentage des capitaux empruntés est plus élevé dans les provinces de l'Atlantique que celui des capitaux propres. C'est une question de disponibilité. Ça n'a peut-être pas grand-chose à voir avec le rapport MacKay, mais dans quelle mesure, selon vous, nos lois sur les gains en capital nuisent-elles au financement par capitaux propres et encouragent-elles le financement par emprunt? Serait-il utile d'avoir un système qui ressemble à celui des Américains -- ou encore un système qui s'appliquerait précisément aux PME ou aux régions si c'est possible en vertu de nos lois sur les gains en capital?
M. Norman: Les petites entreprises auraient peut-être plus de facilité à obtenir un financement par capitaux propres, notamment des «bienfaiteurs» des petites entreprises, des gens d'affaires prospères qui réinvestissent une partie de leurs profits dans les petites entreprises de leur région. Les gens seraient encouragés à le faire.
Nous avons actuellement l'exemption de 500 000 $. Ces bienfaiteurs ont des avoirs d'une valeur nette de 1,3 million de dollars dans la région de sorte qu'un relèvement de cette limite aiderait sûrement.
Le sénateur Meighen: Que pensez-vous du taux d'imposition des gains en capital?
M. Norman: Ce serait aussi une mesure positive.
Le sénateur Meighen: Serait-il préférable d'y aller par secteur ou par région géographique?
M. Norman: Il serait difficile de procéder par région. Il faudrait qu'il s'agisse d'un programme national.
Le sénateur Meighen: En 1996, le comité a examiné le rôle des intermédiaires financiers gouvernementaux. Nous avons fini par dire qu'ils devraient être tenus de justifier leurs services au moyen de rapports et d'autres mécanismes du même genre. À votre avis, ces institutions financières du secteur public concurrencent-elles celles du secteur privé dans la région de l'Atlantique ou les complètent-elles? Je suis positif quand je dis cela.
M. Norman: Voulez-vous parler d'institutions comme la Banque de développement du Canada?
Le sénateur Meighen: Oui.
M. Norman: Elles sont complémentaires dans bien des cas. Elles travaillent en collaboration avec les banques à charte pour offrir du financement aux petites entreprises. Elles ont modifié leur approche du financement reposant sur l'actif pour s'orienter plutôt vers le financement reposant sur les ressources de trésorerie et elles offrent de nouveaux types de programmes. Il faudrait faire plus encore.
Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire qu'elles ont évolué plus rapidement que les banques à charte?
M. Norman: Non, je pense qu'elles ont évolué à peu près au même rythme. Les banques à charte offrent des programmes différents. De manière générale, cependant, les organisations comme la Banque de développement du Canada ont eu tendance à mettre davantage l'accent sur les petites entreprises tandis que les banques à charte font de plus gros placements, des investissements de un million de dollars, avec leur capital de risque, ce qui ne s'applique pas vraiment ici. Les petites entreprises ont besoin de capitaux propres de l'ordre de 200 000 $.
Le sénateur Austin: Vous nous avez parlé tout d'abord de la nécessité de garantir des facilités de crédit et des soldes proportionnels, après quoi vous avez recommandé que le prix des prêts soit établi en fonction du risque. Dois-je en déduire que si la deuxième recommandation était adoptée, une formule aussi rigide que celle que vous recommandez dans un premier temps ne serait pas nécessaire?
M. Norman: Pas nécessairement. Les deux vont de paire, mais le fait que la banque établisse le prix en fonction du risque ne garantit pas que les prêts aux petites entreprises -- par opposition aux plus grosses -- ne seront pas appelés au remboursement en période de récession.
Le sénateur Austin: Je me demandais si vous ne pouviez pas nous préciser un peu votre idée d'utiliser les banques comme instruments de la politique sociale. La formule d'emprunt et de proportionnalité que vous proposez pour les PME n'est pas axée sur le marché. Elle relève plutôt de la politique sociale.
M. Norman: Je ne suis pas d'accord. Si le prix est établi en fonction du risque, c'est dans l'idée de faire des profits. Si une région traverse une période de récession, le crédit y sera réduit. Tout ce que nous voulons, c'est que les grandes et les petites entreprises soient traitées de la même manière, que les plus petites ne soient pas plus durement frappées.
Le sénateur Austin: Cela va à l'encontre du modèle de gestion des risques que les banques utilisent pour établir le prix de leurs propres opérations. Le fait de garantir aux PME des facilités de crédit en ne tenant pas compte du modèle de gestion des risques des banques ne fait-il pas intervenir la politique sociale?
M. Norman: Pas du tout. Nous parlons ici de l'établissement du prix en fonction du risque pour les grandes entreprises et de l'établissement en fonction du risque pour les petites entreprises. Les mêmes principes devraient s'appliquer dans les deux cas. Pour augmenter le rendement, il faut relever le prix, mais la concurrence va s'exercer.
Les statistiques sur le rendement du capital investi pour les petites entreprises donnent à entendre que c'est un marché viable. S'il est bien géré, il sera rentable pour les banques -- tout aussi rentable que celui des grandes entreprises.
Le sénateur Austin: Que penser alors des pratiques des banques? Comment expliquer le fait qu'elles ont adopté un modèle différent de l'évaluation des risques? Pourquoi n'ont-elles pas suivi le même raisonnement que vous au sujet de la proportionnalité des prêts?
M. Norman: Cela nous amène à parler de la gestion de crédit des banques, c'est-à-dire de la façon dont le crédit fonctionne. Il me faudrait plusieurs heures pour vous expliquer la situation. Des changements sont en train de se produire. Les banques se demandent si elles n'ont pas eu tort, si elles ne devraient pas envisager de tenir davantage compte des risques dans l'établissement du prix des prêts.
Le sénateur Austin: Si votre suggestion doit être prise au sérieux, il faudra que j'arrive à mieux comprendre ce que vous voulez dire au juste. Tout à l'heure, vous avez parlé de votre rôle et de votre expérience de directeur de banque et vous avez indiqué qu'il était plus facile pour des banques d'ordonner à leurs directeurs de demander le remboursement des plus petits prêts que de leur demander d'appeler les plus gros au remboursement. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi? Est-ce parce que la plus grande entreprise est un client plus durable et plus désirable ou y a-t-il une autre raison?
M. Norman: C'est probablement parce qu'il y a plus de chances qu'une grande entreprise se tourne vers une autre banque tandis qu'une petite entreprise a très peu de chances de se trouver une autre banque en période de récession.
Le sénateur Austin: Si, pendant un cycle économique, les banques devaient se renflouer, la formule que vous proposez s'appliquerait à ces liquidités. Qui plus est, si toutes les banques étaient tenues d'utiliser cette formule, elle n'aurait aucune incidence sur la concurrence. Est-ce bien ce que vous voulez dire?
M. Norman: Oui. Par exemple, si la banque devait faire face à des restrictions de crédit et décidait de le réduire de 10 p. 100, elle procéderait systématiquement au lieu de le réduire de 20 p. 100 pour les petites entreprises sans toucher aux plus grandes. Ce serait facile.
Le sénateur Austin: Donc, il n'y aurait pas de concurrence parce que chaque banque serait tenue d'appliquer la même formule?
M. Norman: C'est exact.
Le sénateur Austin: Je voudrais aussi que nous parlions des «entraves à l'entrée». Quelles mesures la Chambre de commerce de Halifax ou d'autres organisations chargées de la politique de l'entreprise ont-elles prises pour inviter les banques étrangères à venir livrer concurrence aux banques sur ce marché? Savez-vous si des organisations de ce genre ont demandé à des banques étrangères qui ne font pas d'affaires sur le marché de Halifax d'y entrer? Elles auraient pu leur dire par exemple: «Tentez votre chance. Voici les types de prêts que vous pourriez offrir aux petites et moyennes entreprises.» Savez-vous si ça c'est fait?
M. Norman: Non, pas à ma connaissance. Nous représentons nos membres et nous écoutons donc ce qu'ils ont à dire; c'est la raison pour laquelle nous vous avons présenté cet exposé, pour que vous sachiez qu'ils sont préoccupés par le manque de capitaux et par la concurrence. Ce sont les deux principales questions sur lesquelles ils ont attiré notre attention. Nous ne sommes pas intervenus auprès des banques étrangères. Je ne suis pas certains que ce soit notre rôle de les encourager à s'implanter à Halifax, mais c'est certainement une chose dont nous pourrions discuter avec notre conseil d'administration.
Le sénateur Austin: Est-ce que c'est le rôle de quelqu'un?
M. Norman: Ce qu'il faut, c'est susciter un climat dans lequel les institutions étrangères voudront offrir leurs services ici; si les conditions sont assez attrayantes et si le marché est bon, elles le feront. Je pense sérieusement que ce serait une chose possible à Halifax, mais pas dans les régions rurales; et cela risque moins de se produire à Halifax qu'à Toronto.
Le sénateur Austin: Prenons les projets de fusion des banques. À votre avis, la fusion des quatre banques qui ne seraient plus que deux réduirait-elle la concurrence sur le marché de Halifax, ou en Nouvelle-Écosse en général? Est-ce que le niveau de service baisserait; les PME auraient-elles encore moins de service qu'aujourd'hui ou est-ce que ces fusions n'auraient en réalité aucune incidence sur le marché?
M. Norman: Tout dépend de la façon dont on s'y prendrait. Par exemple, la Banque Royale et la Banque de Montréal proposent de créer une banque pour les petites entreprises et elles ont des idées très intéressantes à ce sujet. La Banque de Montréal, notamment, nous a fait part de ses vues à ce sujet. Si le projet se concrétise, ce serait bon pour la concurrence. Des directeurs de comptes ayant reçu une formation professionnelle seraient capables d'offrir à leurs clients les services dont ils ont besoin.
À cette étape-ci, je ne pense pas que nous puissions dire si la fusion sera une bonne ou une mauvaise chose. Il faut voir ce que les banques se proposent de faire pour savoir si la concurrence pourra s'exercer. Nous allons suivre la situation de très près.
Le sénateur Austin: Pour ce qui est de l'emploi sur le marché de l'Atlantique, le marché de Halifax, selon vous, une fusion entraînerait-elle une diminution des effectifs dans le secteur des services financiers, ou est-ce une question qui ne vous préoccupe pas ni vous ni vos membres?
M. Norman: Cette question ne préoccupe pas vraiment nos membres pour le moment. Tout dépend de la façon dont les choses se feront et quels sont les plans pour l'avenir. Nous n'avons pas pris position à ce sujet pour le moment.
Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé dans votre exposé de l'énoncé des responsabilités à l'égard de la collectivité et du genre d'information qui selon vous devrait y figurer. Premièrement, quelle forme pourrait prendre l'énoncé? Quelle information contiendrait-il? Par exemple, en Nouvelle-Écosse, demanderiez-vous à chaque institution de vous indiquer combien d'argent elle a prêté aux petites entreprises et quel a été le montant des dons à la collectivité? Qu'est-ce qui devrait figurer dans cet énoncé? Deuxièmement, à quoi servirait-il?
M. Norman: Ce que j'aimerais voir dans cet énoncé, bien sûr, ce sont des chiffres au sujet de la région métropolitaine de Halifax parce que c'est là que nos membres se trouvent. Il serait logique aussi d'avoir des chiffres pour les régions rurales. Il pourrait s'agir d'une ventilation. Nous aimerions avoir des chiffres au sujet des prêts aux petites entreprises surtout. À l'heure actuelle, nous obtenons de vagues statistiques de la Banque du Canada qui ont trait aux prêts autorisés de moins de 200 000 $; nous trouvons que c'est important. Cette information existe actuellement et nous aimerions qu'elle soit maintenue et élargie.
Nous croyons qu'il faudrait faire beaucoup plus de recherches avec les petites entreprises et nous sommes prêts à offrir notre aide pour que ce souhait se concrétise. Il serait important d'effectuer régulièrement des sondages auprès des petites entreprises à Halifax et en Nouvelle-Écosse. Cette information ferait aussi partie de l'énoncé des responsabilités à l'égard de la collectivité parce qu'elle donne une idée de ce qui se fait du côté des prêts et des frais d'administration pour les petites entreprises et ainsi de suite et de ce que les petites entreprises en pensent. Ainsi, nous aurions non seulement le point de vue des banques mais les résultats de recherches indépendantes qui feraient connaître la réaction sur le marché.
Le sénateur Callbeck: Qui fera ces recherches?
M. Norman: Elles devraient être faites en collaboration avec les universités, les collèges et des organisations comme les chambres de commerce de sorte qu'une tierce partie qui ne prêcherait pas pour sa paroisse pourrait s'assurer qu'elles sont exactes et vraiment représentatives de la collectivité.
Le sénateur Callbeck: Qui en serait responsable? Le gouvernement en assurerait-il la coordination?
M. Norman: Le gouvernement pourrait s'en charger. Il pourrait s'agir de Statistique Canada ou d'Industrie Canada. Ils pourraient former une espèce d'organisation-cadre et s'assurer que l'information est recueillie à l'échelle régionale par des tierces parties de bonne réputation.
Le sénateur Callbeck: Que feriez-vous de toute cette information?
M. Norman: Elle nous donnerait une bien meilleure idée de ce qui se passe. Nous pourrions voir les tendances qui se dessinent et prendre les mesures nécessaires, par l'entremise du gouvernement ou d'autres moyens, pour apporter les changements qui nous garantiront que nous sommes sur la bonne voie et que nous ne régressons pas.
Le sénateur Callbeck: Pensez-vous que ce pourrait être un moyen de rendre les institutions financières plus concurrentielles et plus sensibles aux besoins des petites entreprises dans les régions rurales?
M. Norman: Oui, je pense que la mesure aurait une incidence positive.
Le vice-président: Nous allons maintenant passer à notre témoin suivant, M. Ross McCurdy, directeur général d'Innovacorp.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Monsieur McCurdy, je vous souhaite la bienvenue. Veuillez commencer par nous présenter votre entreprise et donnez-nous ensuite vos commentaires au sujet du rapport MacKay.
M. Ross McCurdy, président-directeur général, Innovacorp: Permettez-moi de présenter mon collègue Lorne Ferguson de Innovacorp.
Innovacorp est une société d'État établie en Nouvelle-Écosse. Elle a été créée il y a trois ans dans le but d'encourager la croissance dans le secteur de l'économie du savoir en Nouvelle-Écosse. Pour ce faire, nous avons recours à la commercialisation de la technologie.
Je vais souligner plusieurs aspects de l'économie de la Nouvelle-Écosse que vous connaissez probablement déjà. C'est, parmi toutes les provinces du pays, en Nouvelle-Écosse que l'on trouve les meilleurs travailleurs du savoir. Notre main-d'oeuvre comprend le nombre le plus élevé de travailleurs ayant reçu une éducation postsecondaire. Notre main-d'oeuvre se situe au deuxième rang en Amérique du Nord pour ce qui est de la proportion de travailleurs détenant un doctorat, mais notre taux de commercialisation de la technologie est le plus bas au pays.
Prenons un exemple qui existe en Nouvelle-Écosse depuis de nombreuses années. Le gypse que nous produisons, nous l'expédions par train ou par bateau au sud de la frontière où il est transformé. Ce produit fini revient immédiatement en Nouvelle-Écosse où son fabricant le revend avec un profit. C'est malheureux, mais la même chose continue à se produire de nos jours. Nous ne tirons pas profit des ressources naturelles qui existent en Nouvelle-Écosse.
Le président: Je ne peux que renforcer ce que vous venez de dire en ajoutant qu'il y a une quinzaine d'années, lorsque j'avais le plaisir de présider le groupe de travail sur la pêche dans la région de l'Atlantique, nous avions remarqué que la même chose exactement se produisait dans le secteur des pêches. Le produit brut est rassemblé en blocs de poisson, vendu à Boston où il est conditionné dans de jolis petits paquets avant d'être renvoyé en Nouvelle-Écosse où il se vend avec un profit énorme. Nous avions noté que, dans l'industrie des pêches, le profit réel provenait du conditionnement du poisson plutôt que de la pêche et de la production elles-mêmes.
M. McCurdy: C'est tout à fait exact et cela étaie ma démonstration. On pourrait probablement trouver beaucoup d'autres exemples de ce type, mais nous essayons de changer tout cela en Nouvelle-Écosse aujourd'hui et ma société en particulier tente de le faire par la commercialisation de la technologie. Notre but est d'aider des chercheurs universitaires et des entrepreneurs en puissance à développer leurs concepts et leurs idées, les produits de leur recherche et à les exploiter eux-mêmes. Nous leur donnons la possibilité d'exploiter leurs idées en Nouvelle-Écosse -- en d'autres termes, nous leur donnons la possibilité d'augmenter la plus-value de leurs produits en Nouvelle-Écosse.
La mission de mon organisation est tout simplement de fournir le cadre et les outils appropriés pour que cette transformation ait lieu en Nouvelle-Écosse. Et nous obtenons quelques bons résultats. Mais nous estimons que nous avons réussi dans notre mission lorsque ces entreprises sont capables de distribuer avec succès leurs produits sur le marché -- sur le marché mondial, bien entendu. Je souligne cet aspect, car ce n'est absolument pas utile pour nous d'augmenter notre commerce à l'intérieur de la province ou même à l'intérieur de la région. C'est l'économie mondiale que nous devons viser, car c'est elle qui nous permettra d'évoluer dans la direction que nous souhaitons.
Voilà qui m'amène à expliquer pourquoi j'ai demandé à comparaître devant le comité aujourd'hui. Nous avons mis sur pied un fonds de capital-risque dont notre organisation se sert pour aider beaucoup de ces entreprises. Le fonds nous sert à acheter dans ces entreprises des avoirs propres qui sont une des ressources dont disposent ces sociétés pour procéder au développement de leurs produits et services.
En décembre dernier, Innovacorp a signé avec la Banque Royale du Canada une entente par laquelle la banque s'engage à verser deux dollars pour chaque dollar que nous investissons nous-mêmes dans chaque projet qu'Innovacorp soutient dans le domaine des sciences de la vie ou des matériaux nouveaux. Nous prenons entièrement en charge la collecte des idées et nous faisons une investigation technique complète selon le principe de la «diligence raisonnable».
Un seul membre de la Banque Royale siège dans notre comité des investissements; par conséquent, la banque n'a pas la majorité des voix; lorsque nous concluons un marché, l'affaire est faite et Innovacorp surveille l'entreprise tandis que la Banque Royale paie notre société pour sa participation. Si nos projets donnent de très bons résultats dans quelques années, la banque recevra la même proportion de bénéfices qu'Innovacorp. Autrement dit, les règles du jeu sont équitables.
Voilà un bon exemple de la façon dont les banques peuvent s'engager et intervenir dans la collectivité, mais cette entente est unique au pays. Si la Banque Royale n'avait pas décidé de jouer le jeu, je ne suis pas certain que nous aurions pu faire quelque chose. C'est important et je vous demande de tenir compte de cela dans vos délibérations.
Cette entente nous permet de réaliser notre rêve d'encourager la création d'entreprises en Nouvelle-Écosse et de les inciter à se développer en vue de prendre leur place sur le marché mondial. Puisque c'est le marché mondial que nous visons, il est important que ces entreprises soient suffisamment solides pour affronter la concurrence sur la scène mondiale. Au cours de vos délibérations, vous devrez également vous souvenir qu'il est tout aussi important de permettre aux institutions telles que les banques de demeurer concurrentielles afin de pouvoir également subsister sur le marché mondial.
Il y a trois semaines, le premier ministre Chrétien a prononcé une allocution devant une délégation internationale d'environ 800 personnes réunies à Softworld, à St. John's (Terre-Neuve). Il a déclaré à l'auditoire que d'ici l'an 2000, le Canada serait le numéro 1 mondial de la technologie de l'information. L'idée, c'est que l'entreprise qui parviendra la première à atteindre un tel niveau, permettra au pays de capitaliser sur sa réussite. Pour que cela devienne réalité, nous devons faire ce que nous prêchons et permettre à nos entreprises d'être aussi concurrentielles que notre pays veut l'être. À mesure que nous progressons, nous devons toujours garder à l'esprit l'objectif du marché mondial.
Le président: Est-ce que vous offrez une prise de participation ou un financement sous forme de prêt? À moins que vous n'offriez ni l'un ni l'autre, dans le sens que ce que vous proposez est pratiquement un service consultatif de gestion.
M. McCurdy: C'est la participation au vrai sens du terme.
Le président: Par conséquent, vous et sans doute la banque, êtes également des investisseurs?
M. McCurdy: C'est exact.
Le président: Bien entendu, vous ne prenez pas le contrôle des entreprises. Quelle que soit la nouvelle idée, la banque et vous investissez à parts égales. Est-ce bien exact?
M. McCurdy: Les conditions varient selon chaque affaire, mais d'après l'entente, pour chaque dollar que nous investissons, la Banque Royale en investit deux. Nous gérons l'ensemble du portefeuille, mais la proportion est de deux pour un.
Le président: Dans les faits, vous détenez la moitié des actions de la banque?
M. McCurdy: C'est exact.
Le président: Vous êtes en activité depuis trois ans. Il faut souvent du temps pour lancer de tels programmes embryonnaires et il est évident que l'investissement dans le transfert de technologie comporte sa part d'échecs.
M. McCurdy: En effet.
Le président: Quel est votre taux de réussite?
Je me souviens que dans les années 70, lorsque Industrial Estates, IEL, jouait dans cette province le rôle de l'investisseur, cette société soulevait l'ire de la population parce que certains de ses investissements avaient abouti à des échecs, même si la véritable raison d'être d'Industrial Estates était d'investir dans des projets trop risqués pour le secteur privé qui, par conséquent, comportaient certains risques d'échec.
Quel a été votre taux de succès et deuxièmement, avez-vous souffert d'un certain discrédit politique à la suite de certains investissements qui n'ont pas donné les résultats escomptés, qui ont tourné court et qui vous ont occasionné des pertes?
M. McCurdy: Pour répondre à votre première question concernant notre taux de succès, nous n'existons pas depuis suffisamment longtemps pour pouvoir le dire de manière précise. Nous ne voulons pas d'échec, mais en même temps, nous savons que nous en sommes à nos débuts et qu'il y a nécessairement des échecs, même si nous faisons correctement notre travail.
Le président: Par conséquent, vous auriez approuvé le comité lorsqu'il avait déclaré au moment de l'effondrement de la Confederation Life, que lorsqu'un système de réglementation est si strict qu'il empêche les échecs, on peut dire que ce système est trop strict?
M. McCurdy: En effet.
Le président: En fait, il est impossible d'éviter totalement les échecs. Quelle a été la réaction aux échecs?
M. McCurdy: Au sein de la collectivité, la réaction a été extrêmement positive. En fait, la Banque Royale, en devenant partenaire d'Innovacorp a joué un rôle important, puisqu'elle a apporté de la crédibilité à tout le processus. De fait, nous pouvons dire que nous sommes dans la bonne direction puisque le secteur privé accepte d'investir au même titre qu'une société de la Couronne. Nous espérons par ailleurs que les initiatives de ce genre seront plus nombreuses que par le passé. Malheureusement, le système n'a pas été mis à l'épreuve par un véritable échec, mais je pense que notre association avec la Banque Royale a contribué à augmenter énormément notre crédibilité.
Le président: Dans le sens que cela prouve que ce n'est pas seulement une affaire d'investissements «politiques» et, deuxièmement, du fait que vous semblez adopter une approche semblable à celle du secteur privé?
M. McCurdy: C'est exact.
Le sénateur Oliver: Dans combien de compagnies avez-vous investi jusqu'à présent?
M. McCurdy: Dans une quinzaine.
Le sénateur Oliver: Quel est votre capital?
M. McCurdy: Notre fonds est de 12 millions de dollars et nous en avons utilisé environ la moitié.
Le sénateur Oliver: J'ai été intéressé par les activités de votre société, mais j'aimerais si possible revenir un peu plus sur le rapport du groupe de travail MacKay afin de connaître votre opinion. Ce que le comité doit rechercher, au cours de son périple à travers le Canada, c'est l'opinion des témoins quant à l'impact que le rapport du groupe de travail aura sur les entreprises de la région; nous voulons savoir quels sont les points qu'ils souhaitent nous voir souligner dans notre rapport.
Comme vous l'avez mentionné, le rapport du groupe de travail souligne la nécessité de la concurrence, parce que la concurrence stimule l'économie et protège les consommateurs. Si vous acceptez comme prémisse qu'il est impossible de maintenir le statu quo au Canada si nous voulons que nos services financiers soient concurrentiels, quels sont les changements précis dont vous souhaitez la mise en place relativement à la concurrence, afin de faciliter votre travail et de soutenir l'économie du Canada atlantique?
M. McCurdy: Ce que nous voulons véritablement, c'est que les entreprises mettent l'accent sur le marché mondial; que ce soit de petites entreprises comme celles avec lesquelles nous collaborons ou de grosses sociétés telles que la Banque Royale avec lesquelles nous concluons des partenariats, les entreprises doivent viser le marché mondial, se préparer à la concurrence mondiale et essayer de demeurer à l'avant-scène.
J'ai mentionné que le premier ministre a déclaré, il y a trois semaines, au cours d'une conférence, que le Canada serait le numéro 1 de l'informatique en l'an 2000. À mon avis, si le Canada veut occuper la première place, il faut que les entreprises canadiennes se trouvent elles aussi au premier rang. Le seul moyen d'y parvenir, c'est de faire converger les efforts et les investissements vers l'informatique. À mon avis, la Banque Royale doit, pour être en mesure de commercer sur la scène internationale, effectuer ce type d'investissements et ces investissements devront être supérieurs à ceux qu'elle effectue de nos jours.
Le sénateur Oliver: Mais, il s'agit là essentiellement de décisions purement commerciales. Il revient au conseil d'administration de la Banque Royale de décider où et combien investir. Ce qui nous intéresse est légèrement différent. Il s'agit de politiques gouvernementales. Nous devons décider ce qui sera bon pour l'ensemble du Canada. Quels sont les changements que vous souhaiteriez voir appliquer à la politique gouvernementale, après avoir lu le rapport du groupe de travail MacKay, pour nous aider à relever le défi de la concurrence sur le marché mondial?
M. McCurdy: Je pense que les décisions sont d'un type qui dépasse de loin celles que peuvent prendre les membres du conseil d'administration de la Banque Royale. C'est un rajustement majeur qui ne pourra se faire que par l'intégration.
Le sénateur Oliver: Qu'entendez-vous par intégration?
M. McCurdy: L'intégration par la fusion telle qu'elle a été proposée. Je souhaite que les entreprises soient fortes sur le marché mondial et j'estime que cela est indispensable si elles veulent être efficaces sur la scène internationale.
Le sénateur Oliver: Est-ce que des banques autres que la Banque Royale sont associées avec vous et avec les 15 entreprises dans lesquelles vous investissez?
M. McCurdy: Non.
Le sénateur Oliver: Est-ce que vous seriez en situation de conflit d'intérêts si une autre banque ou institution financière souhaitait conclure un partenariat avec vous?
M. McCurdy: Non, je ne le pense pas.
Le sénateur Oliver: Est-ce qu'il y a d'autres parties du rapport du groupe de travail MacKay sur lesquelles vous aimeriez formuler des commentaires ou donner des conseils?
M. McCurdy: C'est vraiment le domaine dans lequel je me sens à l'aise.
Le président: Il y a un point que j'aimerais préciser. Vous avez une entente exclusive avec la Banque Royale. Cela étant dit, si la Banque Royale décidait par exemple de refuser une de vos propositions car, je suppose qu'elle n'est pas automatiquement obligée d'accepter ce que vous lui proposez, est-ce que vous pourriez vous tourner vers une autre institution financière?
M. McCurdy: Tout à fait. D'ailleurs, l'entente que nous avons avec la Banque Royale se rapporte à des domaines précis et cela ne nous empêche pas de conclure une autre entente avec une autre institution financière. Si nous envisageons un projet qui ne correspond pas aux paramètres de notre entente, nous pouvons très bien nous adresser à une autre institution.
Le président: Avez-vous l'impression que d'autres institutions financières réagiraient de manière aussi positive ou est-ce que l'entente que vous avez conclue avec la Banque Royale a vraiment quelque chose de particulier?
M. McCurdy: Nous avons également eu l'occasion de communiquer avec d'autres banques et notre proposition a suscité d'autres marques d'intérêt; cependant, la Banque Royale a été la plus rapide à aboutir aux conclusions et c'est avec elle que nous avons signé l'entente.
Le sénateur Callbeck: Vous nous avez dit que vous avez des intérêts financiers dans une quinzaine d'entreprises. Est-ce qu'il y a beaucoup d'entreprises qui viennent frapper à votre porte?
M. McCurdy: Oui.
Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'il y a une demande réelle?
M. McCurdy: Oui.
Le sénateur Callbeck: Quelle est la proportion d'actions que vous prenez généralement? Est-ce que ce chiffre varie?
M. McCurdy: Tout dépend de la situation de l'entreprise. Dans notre première intervention, nous avons pris une participation majoritaire dans la compagnie, mais par la suite, nous avons conclu qu'il n'est probablement pas souhaitable d'agir de la sorte. De fait, nous voulons que l'entrepreneur prenne la direction des opérations et si vous devenons actionnaires majoritaires, ce n'est pas sain pour l'entreprise. Par conséquent, nous essayons de demeurer un actionnaire minoritaire, mais tout dépend de la situation.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que vous ne collaborez qu'avec des entreprises qui font affaire sur le marché mondial?
M. McCurdy: Nous sommes convaincus que notre avenir est dans l'exportation; aussi, le fait pour nous de créer une entreprise qui n'est pas intéressée par l'exportation mais qui souhaite uniquement diluer le marché provincial, ne peut probablement pas encourager notre expansion. Notre intervention pourra probablement favoriser la croissance de l'entreprise, mais elle ne nous aidera pas à nous imposer sur un marché plus vaste. À notre avis, notre avenir se trouve dans les exportations.
Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'il faut absolument qu'une entreprise soit orientée vers le marché mondial pour que vous vous intéressiez à elle?
M. Lorne Ferguson, directeur général de la planification d'entreprise, Innovacorp: La réponse à cette question est que les entreprises avec lesquelles nous collaborons sont toutes des sociétés à base de technologie. Par définition, les marchés de la technologie débordent les frontières de la province et se prolongent sur les marchés internationaux. Il est important pour nos petites entreprises, même celles qui sont au départ des entreprises à propriétaire unique, de viser les possibilités que leur offre le marché global.
Il nous apparaît qu'un des ingrédients indispensable pour favoriser la croissance des entreprises avec lesquelles nous travaillons dans notre province est une forte infrastructure internationale qui leur permette d'intervenir sur les marchés mondiaux en Asie, en Europe ou ailleurs.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parlez du marché mondial et vous avez utilisé l'expression «walking the talk», et j'utilise l'expression «you better walk before you run». Je me demande si suite à la création de ces nouvelles entreprises orientées sur une nouvelle technologie, celles-ci ne doivent pas faire leur preuve au Canada avant d'aller à l'extérieur chez notre voisin américain et sur les autres continents. Il est extrêmement difficile de développer une entreprise de savoir avec une clientèle à l'étranger sans avoir la structure financière pour appuyer l'entreprise à l'étranger. J'essaie de voir l'équilibre entre le financement de vos nouvelles entreprises et la possibilité d'investir les marchés étrangers dans l'avenir. Combien de temps une entreprise prend-elle pour développer un logiciel, le mettre sur le marché canadien et le vendre sur les marchés étrangers?
[Traduction]
M. McCurdy: Pour illustrer ce point, je vais vous citer en exemple une des entreprises avec lesquelles nous travaillons.
Il y a environ une dizaine d'années, l'industrie de la pêche de Nouvelle-Écosse a traversé une crise terrible et les pêcheurs ont commencé à se tourner vers des espèces de poissons auxquelles ils ne s'étaient jamais intéressés auparavant. Le chien de mer est un poisson qui fréquente les eaux du large de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas si vous connaissez ce type de poisson, mais si vous aviez demandé aux pêcheurs autrefois ce qu'ils en pensaient, ils vous auraient répondu que c'était plutôt une espèce nuisible puisque les chiens de mer abîmaient leurs filets et mangeaient les appâts. En fait, ils ne vous auraient pas donné 50 cents par prise.
Cependant, la crise des pêches a remis pas mal de choses en question, y compris le cas du chien de mer. Puisque l'espèce était très abondante, quelqu'un a pensé que ça valait peut-être la peine de la pêcher. Alors, les pêcheurs ont pêché le chien de mer dont la chair blanche uniquement était propre à la consommation. Sur le bateau, ils prélevaient la chair blanche et rejetaient le reste à la mer. La chair blanche du poisson leur rapportait trois dollars. Tout à coup, le poisson est passé de 50 cents à trois dollars, uniquement grâce à ce changement logique.
Permettez-moi de vous donner maintenant un autre exemple. À la même période en Nouvelle-Écosse, la fille d'un employé d'entretien d'une usine de pâtes et papiers de Port Hawkesbury avait un cheval qui souffrait d'eczéma. Quelqu'un lui suggéra de lui donner de l'huile de foie de poisson pour le guérir de cet eczéma. L'employé d'entretien prit contact avec quelqu'un à l'université qui pouvait lui fournir de l'huile de foie de poisson. Cette huile, ajoutée dans l'alimentation du cheval le guérit totalement de l'eczéma.
L'employé d'entretien pensa alors que c'était merveilleux et qu'il pourrait commercialiser ce produit. De fait, il installa une usine à Mullgrave, en Nouvelle-Écosse; c'était une très petite entreprise qui ne disposait pas d'une grande base financière, mais où l'esprit d'entreprise ne manquait pas. L'entrepreneur se rendait dans les usines de poisson de Nouvelle-Écosse pour récupérer les foies de poisson afin d'en extraire l'huile.
Lorsque j'étais jeune et qu'on me faisait avaler de l'huile de foie de morue, je trouvais que le goût était horrible. C'était tout simplement parce que l'huile n'était pas fraîche. L'huile de foie de morue fraîche a très peu de goût et d'odeur. Par contre, c'est une huile qui rancit très vite et une fois qu'elle est rance, elle a un goût affreux. L'entreprise est parvenue à pallier cet inconvénient en conditionnant l'huile dans des capsules et en la vendant sous cette forme. Depuis, l'employé d'entretien de Port Hawkesbury a vendu son entreprise à une autre société de Nouvelle-Écosse qui l'a portée à un niveau supérieur -- le tout en dix ans.
Cette deuxième entreprise s'est tournée vers le chien de mer, utilisant son foie pour en extraire l'huile. Par conséquent, le foie d'un chien de mer dont l'huile a été purifiée, conditionnée, empaquetée et étiquetée, rapporte neuf dollars. Ainsi, la valeur d'un chien de mer est passée à 12 $.
Cependant, les choses n'en sont pas restées là. Les responsables de l'entreprise sont allés encore plus loin après avoir appris de la bouche de chercheurs de l'Université Dalhousie que le cartilage de requin avait des propriétés anticancérigènes. L'entreprise vend actuellement des éléments pharmaconutritifs sous forme de cachets, fabriqués à partir de cartilage, ce qui lui permet de retirer l'équivalent de huit dollars supplémentaires de chaque chien de mer. Par conséquent, la nouvelle économie basée sur le savoir a permis d'augmenter la valeur à la consommation du chien de mer de 50 cents à 20 $.
Quelqu'un a demandé si les pêcheurs peuvent vendre ce poisson plus cher. Probablement pas, mais cela signifie que la Nouvelle-Écosse emploie de nos jours un plus grand nombre de travailleurs du savoir. Le chiffre d'affaires annuel de cette entreprise atteindra rapidement les 50 millions de dollars et c'est le marché asiatique qui est son principal débouché. Elle ne s'est même pas intéressée au marché canadien, à cause de la réglementation, et cetera. Mais cela viendra.
Dans une économie basée sur la connaissance, la rapidité est absolument essentielle et je pense qu'il faut aller là où il y a un marché pour les produits ou services, y compris sur Internet. Il fut un temps, nous pensions que notre marché c'était le centre-ville de Halifax ou le Cap-Breton. Ensuite, nous avons commencé à élargir ses limites à la région et même au pays; actuellement, nous visons le monde entier.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que le cadre des institutions financières tel que nous le connaissons a été un empêchement à l'innovation ou est-ce que les institutions financières, incluant votre fonds, ont suffi à la croissance d'une entreprise comme celle-là? Faut-il changer quelque chose dans nos institutions?
[Traduction]
M. McCurdy: Je crois que tout se passe deux fois plus vite qu'il y a deux ans et à l'avenir, ça ira encore plus vite. Si nous ne pouvons pas encourager les entreprises à s'activer afin de proposer plus rapidement leurs produits et services sur le marché, nous allons nous faire dépasser. Le temps est important. Pour que tout cela soit possible, nous avons besoin de capitaux de lancement au Canada. C'est une chose qui nous fait défaut et qui nous serait certainement très utile.
Le président: Je ne peux pas résister à l'envie de vous raconter une histoire que m'a rappelée votre anecdote au sujet du chien de mer, un poisson jugé autrefois sans valeur. Je peux vous raconter une histoire analogue concernant mon père qui a grandi dans un port de Terre-Neuve. Mon grand-père était pêcheur côtier à une époque où les homards étaient considérés comme une espèce totalement nuisible dans le sens qu'ils abîmaient les filets des pêcheurs qui avaient le malheur d'en prendre avec le poisson. Seuls les pauvres mangeaient du homard, parce qu'ils n'avaient pas autre chose. Mon père racontait que lorsqu'il devait aller à l'école avec des sandwichs au homard, il faisait tout ce qu'il pouvait pour que personne ne s'en rende compte, car c'eût été avouer que mon grand-père faisait une mauvaise saison de pêche. Par la suite, les gens ont compris que les homards aussi pouvaient rapporter de l'argent.
Est-ce qu'il y a d'autres changements dans le secteur des services financiers tels que des incitatifs pour encourager les prêts aux industries fondées sur les connaissances, par exemple? Est-ce qu'il y a également d'autres changements apportés aux lois ou aux règlements applicables aux industries basées sur la connaissance ou aux services financiers concernant l'industrie basée sur la connaissance que nous pourrions recommander afin de vous faciliter la tâche? Est-ce que vous vous heurtez parfois à des obstacles et que vous souhaiteriez l'élimination ou la modification de certaines règles pour favoriser votre activité?
M. McCurdy: On m'a demandé de déposer un exemplaire de mon mémoire et si vous me donnez un peu de temps, je serai en mesure de vous proposer une réponse en même temps que mon mémoire.
Le président: Ce serait une bonne chose.
J'ai une dernière question. Je crois que vous pratiquez le financement par actions, par opposition aux prêts.
M. McCurdy: C'est exact.
Le président: Quand il est question de la petite entreprise, on ne parle la plupart du temps que des prêts. Dans les médias, on n'entend presque jamais parler du manque d'avoirs propres dans les petites entreprises. Étant donné que vous travaillez avec les petites entreprises, pouvez-vous nous dire s'il faudrait modifier la politique gouvernementale afin de privilégier soit des mécanismes de prêts supplémentaires pour les petites entreprises, soit un financement supplémentaire par actions? Tout le débat rapporté par les médias et toutes les analyses concernant le traitement des petites entreprises sont centrés sur les prêts. Un peu plus tôt cet été, lors de nos audiences concernant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, vous et un certain nombre d'entrepreneurs sont venus nous dire que ce ne sont pas les prêts qui posent problème, mais les capitaux propres. Quelle est votre réponse à ces deux questions?
M. McCurdy: L'important, c'est qu'il est bon de comprendre toute la gamme des innovations qui entrent en jeu depuis le moment où l'entrepreneur conçoit une idée jusqu'à sa concrétisation sur le marché. Une entreprise doit franchir de nombreuses étapes pour accomplir ce processus. La partie de l'innovation qui m'intéresse le plus concerne les premières étapes du développement et c'est pourquoi je suis totalement axé sur le capital propre. C'est à cette étape que le capital propre joue le plus grand rôle. À mesure que l'entreprise s'établit, elle s'intéressera à des prêts; aussi, je pense qu'il est important d'avoir une vue globale du processus. Mes remarques concernent plutôt les premières étapes de développement, parce que je m'intéresse surtout au financement par actions.
Le président: Si vous n'existiez pas, à qui pourrait s'adresser un entrepreneur comme celui dont vous nous avez parlé, pour trouver des capitaux propres?
M. McCurdy: Cela nous ramène à l'anecdote du gypse ou à celle que vous nous avez racontée: on pourrait l'envoyer à Boston, dans le Midwest américain ou peut-être en Ontario ou au Québec, mais la technologie serait exploitée ailleurs. Nous savons qu'il existe une certaine quantité de fonds de capital-risque au Canada, mais qu'il y en a très peu dans les régions. Je suppose qu'il faut un intervenant comme nous pour lancer le processus.
Le président: Par conséquent, si vous n'existiez pas, cela n'empêcherait pas les idées d'être mises en application et les entreprises de se créer, mais probablement ailleurs.
M. McCurdy: C'est exact. La valeur ajoutée se ferait ailleurs et le produit nous serait revendu par la suite.
Le président: Dans quelle mesure le secteur public n'est pas en train d'occuper un créneau du marché que le secteur privé laisse tout simplement vacant?
M. McCurdy: Exception faite du type de partenariat dont j'ai parlé qui est, à mon avis, un cas tout à fait unique.
Le président: C'est vrai, mais si vous n'existiez pas, si vous n'étiez pas le catalyseur, ce partenariat n'existerait pas? C'est ce que je veux dire.
M. McCurdy: Vous avez raison.
Le sénateur Meighen: Vous pourrez ajouter un commentaire à ce sujet dans votre mémoire. Quel est dans votre région l'impact que peut avoir le cas échéant la politique fiscale concernant les gains en capital sur les capitaux propres?
M. McCurdy: Je pense que l'impact est très grave; on s'aperçoit aujourd'hui que les anges ne sont plus aussi nombreux qu'autrefois.
Le président: Pouvez-vous préciser, aux fins du compte rendu, ce que vous entendez pas un «ange»?
M. McCurdy: Les anges sont des bailleurs de fonds de la collectivité qui investissent discrètement dans une entreprise pour l'aider à poursuivre ses activités. La fiscalité n'incite plus autant les bailleurs de fonds à se lancer dans de tels investissements. Je crois que la plupart des gens reconnaissent que les anges se font rares.
Le sénateur Oliver: Lorsque vous nous ferez parvenir votre mémoire, pourriez-vous y joindre un profil de votre société?
M. McCurdy: Absolument.
Le président: Notre prochain témoin est le professeur Colin Dodds, qui est actuellement vice-président de la recherche universitaire à l'Université Saint Mary's. Quant à sa formation universitaire et autre, précisons que M. Dodds a été doyen de l'école de commerce de Saint Mary's et qu'il est professeur de gestion financière. C'est ce qu'il faisait avant d'être malencontreusement attiré dans les rouages de l'administration universitaire.
Je dis cela pour avoir moi-même servi dans l'administration universitaire il y a de nombreuses années. Je parle d'administration plutôt que de gestion, parce que je suis convaincu que les établissements universitaires ne sont pas nécessairement tous gérables.
Vous pouvez présenter vos remarques préliminaires.
M. Colin Dodds, vice-président, Recherche universitaire, Université Saint Mary's: Comme l'a dit le président, j'ai une formation en finances et je continue à enseigner et faire de la recherche dans ce domaine, en particulier sur les nouveaux marchés financiers de la région Asie-Pacifique. C'est ce qui m'intéresse en particulier. On peut dire également que je suis une sorte d'observateur du paysage financier au Canada. Par ailleurs, étant Canadien, je suis aussi un client des services financiers offerts au pays. Je suis un administrateur de l'Institut des banquiers canadiens qui est, comme vous le savez, la branche éducative de l'ABC, mais je ne pense pas que cela m'empêche d'avoir un intérêt professionnel dans ces questions et de vous présenter mon point de vue ce matin.
J'ai applaudi à la décision du gouvernement du Canada de mettre sur pied un groupe de travail et j'aimerais préciser combien j'ai trouvé intéressantes et utiles les données et les conclusions, unanimes, je crois, du groupe de travail. Comme vous le savez, le rapport s'intitule: Changement, défis et possibilités et je crois que ce titre décrit bien où nous en sommes et où nous nous rendons. La couverture du rapport MacKay est plutôt symbolique dans le sens qu'elle montre une route. Cette route est à double sens, mais elle est séparée par deux lignes continues et elle se dirige vers une forêt ou plutôt une zone boisée. Il y a également une feuille d'érable sur la couverture. Rien que la couverture du rapport MacKay mériterait une thèse de doctorat.
Vous avez tous lu le rapport et vous avez entendu de nombreux témoignages. Je suis certain que bon nombre de ces témoignages, ou même leur totalité, portait sur la controverse entourant les fusions bancaires. J'aborderai cette question, mais mon exposé restera un peu plus général.
Je crois que le groupe de travail nous a tracé la voie et que c'est au gouvernement du Canada et aux provinces -- j'insiste sur les provinces et j'y reviendrai plus tard -- de fournir le cadre offrant aux consommateurs et aux gens d'affaires canadiens, comme l'indique le rapport, un secteur des services financiers ouvert et compétitif offrant une vaste gamme de choix de produits et services, de points d'accès pour les consommateurs et de prix.
Quand on parle des points d'accès des consommateurs, il ne s'agit pas uniquement des succursales, même si l'on note que les banques et autres institutions s'installent de plus en plus dans les magasins, ici en Nouvelle-Écosse comme ailleurs. Il ne faut pas oublier les services bancaires par téléphone. Beaucoup d'entre nous utilisons ces services. Il y a l'Internet, les guichets automatiques, et cetera. La plupart d'entre nous avons désormais accès, que nous le voulions ou non, 24 heures sur 24, à la plupart des services financiers que nous utilisons. Je ne vais pas très souvent à ma succursale bancaire, parce que je n'en ai pas l'utilité.
Le rapport souligne également la sécurité en réclamant un plus grand degré d'information et de divulgation aux consommateurs. D'autre part, le drapeau canadien -- ou tout au moins la feuille d'érable rouge -- figure sur la couverture. À mon avis, la feuille d'érable signifie qu'il est important également de conserver si possible le contrôle canadien sur l'industrie des services financiers.
Il est encourageant de constater, selon moi, que le groupe de travail a souligné ce qui était bon et solide dans notre système. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de rappeler au comité la faillite des deux banques de l'ouest du Canada dans les années 80 ni celle de nombreuses sociétés de fiducie dont le rapport fait état en détail, pas plus que la récente faillite de la Confederation Life. Nous avons pu constater à quel point la faillite de nombreuses institutions bancaires du monde peut être contagieuse. Par conséquent, cet aspect de contrôle réglementaire et de sécurité est très important pour nous et très important aussi pour le gouvernement.
Je précise que les contrôles réglementaires doivent se pratiquer ex ante, c'est-à-dire avant les faits pour permettre la prévention et la surveillance, comme le précise si bien le rapport, ainsi que ex post -- comment régler un problème ou une crise au moment où elle se présente? Nous avons assisté, et le groupe de travail en fait la démonstration, à la déréglementation progressive à laquelle je suis bien entendu favorable, et nous connaissons en particulier la Loi sur les banques de 1991-1992 qui reflète bon nombre des tendances que l'on peut observer sur la scène mondiale -- tendances qui sont bien entendu le fruit de l'évolution technologique rapide dans le secteur des services financiers. Nous connaissons bien sûr les pressions de la concurrence, auxquelles je pourrai revenir plus tard, mais il y a aussi la convergence mondiale des systèmes financiers vers une norme globale plus axée sur le marché. Cette norme contribue actuellement à associer les banques avec d'autres fournisseurs de services financiers qui sont liés de manière inextricable aux marchés financiers.
Le rapport MacKay nous fournit une analyse utile de certaines tendances mondiales des milieux bancaires et parabancaires. Par exemple, la diminution de la marge nette sur les intérêts, la diminution du nombre de succursales bancaires dans de nombreux pays, la croissance du revenu autre que d'intérêt et la fusion de certaines composantes du milieu financier entre elles et avec des éléments de l'extérieur. Autrement dit, le changement est là et le paysage financier change rapidement. Le rapport aborde également d'autres questions que j'aurais aimé voir approfondies. Une d'entre elles est la titrisation. Je crois cependant que le groupe de travail aurait pu pousser son analyse afin d'exposer les tendances sous-jacentes, le plus grand recours aux marchés financiers et quelques-uns des risques qui en découlent.
Cela m'amène à encourager le comité à consacrer peut-être plus d'attention à l'harmonisation des mécanismes de contrôle réglementaire provinciaux et fédéraux dans les cas où ils s'appliquent, en particulier en ce qui a trait aux marchés financiers. Ces moyens de contrôle pourraient être reliés, compte tenu de ce qui s'est passé récemment avec les fonds de couverture, aux contrôles mondiaux, ou encore à ceux du G-7 et peut-être ceux de l'OCDE. Je suis bien entendu favorable à l'assouplissement de la règle de 10 p. 100 de propriété individuelle. J'estime que la réciprocité l'exigera. Je me souviens d'avoir longuement débattu cette question il y a quelques mois avec le président du groupe de travail du caucus libéral.
Le rapport réclame une plus grande transparence et une meilleure protection des consommateurs et je crois que ce sont des points importants, mais j'aimerais que l'on ne se contente pas d'examiner les banques, que l'on se penche également sur la vente, les risques et les frais de gestion de tous les services et produits financiers. Je ne pense pas que les Canadiens saisissent pleinement les risques inhérents à ces produits et services, qu'ils comprennent totalement les risques que comportent les fonds communs de placement, bien que les turbulences qu'ont connues les marchés financiers ces derniers mois les ont peut-être éclairés. Ils se rendront peut-être compte que leurs placements ont diminué depuis les trois derniers mois lorsqu'ils recevront leurs états mensuels.
Mes remarques s'appliquent également aux fonds de pension. C'est un domaine sur lequel le comité pourrait se pencher. Le rapport Stromberg, publié il y a quelques années, nous a donné certaines lignes directrices. C'est une question importante, tout comme celle des règles de jeu équitables sur le plan des contrôles réglementaires et de la propriété. On peut se demander s'il faut considérer une société de fiducie comme telle ou comme une banque, puisque dans de nombreux cas, elle peut offrir les mêmes services qu'une banque tout en étant soumise à un régime de propriété différent.
Le commerce de détail a changé et il suffit, pour s'en rendre compte, de constater l'expansion des magasins de gros, qu'il s'agisse de Wal-Mart ou de Costco. Il y a quelques années, les municipalités de la région de Halifax-Dartmouth ont rivalisé pour attirer ces grossistes américains sur le marché canadien. De la même manière, le secteur des services financiers de détail évolue lui aussi. Ce sont les banques, les compagnies d'assurance ou les fonds communs de placement avec lesquels la plupart d'entre nous faisons affaire. De fait, la planification financière prend en compte l'ensemble des composantes des services financiers.
C'est, en soi, un secteur qui intéresse le gouvernement fédéral et les organismes de réglementation qui établissent des normes de contrôle et des normes de bonne gestion des planificateurs financiers. C'est un secteur sur lequel il serait important de se pencher à l'avenir.
Les services bancaires ne regroupent pas uniquement les services au détail que beaucoup d'entre nous utilisons quotidiennement. Nous nous intéressons également aux services bancaires offerts aux entreprises et sur la scène mondiale où la concurrence est vive. J'ai évoqué les problèmes suscités par les fonds de couverture et l'intervention de banques américaines et d'autres banques sur certains de ces marchés. Nos banques et nos autres institutions financières sont actives sur les marchés des produits dérivés. Elles offrent leurs services outre-mer. Ces marchés sont importants, mais je crois qu'on ne leur accorde pas toujours toute l'attention qu'ils méritent en raison des risques que nos institutions peuvent courir lorsqu'elles deviennent des fournisseurs de services sur ces marchés.
Au sujet des fusions, le rapport nous fournit le contexte nécessaire pour les examiner par l'intermédiaire du Bureau de la concurrence ou de tout autre organisme équivalent agissant en faveur de l'intérêt public. À mon avis, il faut être extrêmement prudent au moment de tirer la ligne sur le plan des marchés et les industries. Autrement dit, j'éviterais de circonscrire uniquement les services de caisse et les opérations bancaires de détail. En effet, il faut se pencher sur l'ensemble du marché et l'ensemble de l'industrie des services financiers.
À la question de savoir si les banques seront concurrentielles après leur fusion, je crois que la réponse est affirmative. En ce qui a trait à beaucoup de services offerts par les banques, c'est la loi du prix unique qui l'emporte. Que l'on soit à la recherche d'une hypothèque ou d'un CPG, on peut facilement vérifier les prix et comparer les services offerts par diverses institutions pour obtenir le meilleur prix. Ce n'est pas le cas pour beaucoup d'autres services financiers qui nous intéressent.
Prenons par exemple le cas de l'assurance. Je sais que le groupe de pression des assurances a été très actif et qu'il n'a pas hésité à se faire entendre. Mais hormis l'assurance temporaire, il est parfois très difficile de distinguer les divers risques couverts par une police d'assurance et de comparer les prix. En revanche, la règle du prix unique s'applique à beaucoup de services financiers offerts par les banques, car il est possible de se faire une idée claire du service offert. Après tout, l'argent c'est de l'argent. Que l'on emprunte ou que l'on prête de l'argent, le prix peut être le principal facteur déterminant et on peut facilement le vérifier.
Le rapport accorde beaucoup d'attention à la concurrence, mais j'aimerais également ajouter l'expression «marchés qui sont disputables». Ce n'est pas parce qu'un marché est oligopolistique qu'il est nécessairement fermé à la concurrence. Les économistes ont généralement beaucoup de talents pour définir de nouveaux mots et il s'agit ici du caractère disputable du marché. Les marchés peuvent être presque parfaitement compétitifs avec peu d'intervenants, pourvu que l'on puisse y pénétrer et que l'entrée soit libre. Il incombe au gouvernement d'imposer ces conditions par sa réglementation. Après leur fusion, les banques pourront être très compétitives si l'on établit des règles du jeu équitables.
La concurrence peut-elle augmenter? La réponse est affirmative. Nous devons déjà faire face à la concurrence étrangère. Beaucoup d'entre nous avons des cartes de crédit de la MBNA. Récemment, cette institution n'a pas ménagé ses efforts de marketing au Canada. J'ai une de ses cartes. C'est un fournisseur de crédit très dévoué et déterminé. Nous savons tous que ING, un énorme conglomérat européen, est présent sur notre marché. Il n'occupe pas pour le moment une place énorme, mais il a le potentiel d'augmenter sa part du marché.
Il est possible que se présentent des intervenants entièrement nouveaux au sud et au nord de la frontière américaine. D'après certaines rumeurs, Microsoft serait intéressé à se lancer dans les services financiers. Il a la capacité technique de le faire. Les services bancaires ordinaires ne sont pas très compliqués. Ce n'est pas très sorcier d'emprunter et de prêter de l'argent et d'en retirer un profit au passage. Actuellement, tout l'art réside dans la technologie et dans la création de points d'accès pour la clientèle.
Nos institutions existantes peuvent elles aussi augmenter la concurrence. Le mouvement des coopératives de crédit a beaucoup de potentiel dans ce domaine et les modifications apportées à la Loi sur les banques en 1990-1991 ont ouvert de nombreuses possibilités pour les compagnies d'assurance. Elles peuvent certainement se lancer sur ce marché si elles le désirent. La tendance au retrait de la forme mutuelle peut être utile dans ce cas. Le gouvernement peut contribuer à accroître la concurrence en ouvrant les marchés.
Est-ce que les choix seront plus nombreux? Je pense que oui. Cette augmentation découlera naturellement des pressions de la concurrence. Nous disposons d'une vaste gamme de produits et services. Il y a eu d'énormes innovations. Il est possible actuellement de souscrire une hypothèque à la carte dont on peut choisir les composantes. Il n'y a pas nécessairement de standardisation. Nos fournisseurs de services financiers peuvent en fait nous proposer des hypothèques et beaucoup d'autres services adaptés à nos besoins.
Je pense que notre industrie des services financiers doit nous fournir plus d'informations. Elle peut inciter à le faire par la réglementation ou l'autoréglementation. Cela permettrait aux Canadiens de mieux comprendre les risques qu'ils prennent et d'améliorer la divulgation des informations. Permettez-moi de rappeler qu'à mon avis beaucoup de gens ne comprennent pas vraiment tous les risques qu'ils prennent avec les énormes placements qu'ils détiennent dans les fonds communs de placement.
Peut-on envisager que tout cela se fasse de manière sûre et intègre? Je l'espère. Cependant, il incombe au gouvernement d'harmoniser ces règlements, pas uniquement avec les provinces, mais avec nos partenaires internationaux sur les marchés financiers. Il ne suffit pas de réglementer les institutions financières. On s'est beaucoup penché par exemple sur les banques, les assurances ou les autres fournisseurs de services. Comme je l'ai déjà dit, je crois qu'il faut mettre l'accent sur les marchés et sur le lien entre les institutions et les industries ainsi qu'entre les marchés eux-mêmes.
Sur le plan international, nous nous dirigeons pratiquement vers des normes universelles. Vous vous souvenez que, dans l'industrie de la vidéo, la norme VHS et la norme Beta se faisaient concurrence, mais qu'une d'entre elles a fini par l'emporter. Nous commençons à voir des normes internationales s'instaurer dans les marchés mondiaux et les institutions s'adaptent à ces normes. Depuis une dizaine d'années, des règlements de portée internationale s'imposent, soit par la Banque des règlements internationaux, soit pour assurer l'adéquation du capital.
Quelle que soit l'analyse qu'on fasse et quelle que soit la décision qui sera prise, on constate que le thème principal du groupe de travail, c'est le changement. Il faudra s'adapter au changement, qu'on le veuille ou non, car aucune option ne prévoit le statu quo. L'évolution qui se produit prendra bien soin d'écarter cette option. J'espère que la situation ne suscitera pas une aimable indifférence ni des mesures artificielles de protection; j'espère que les critiques qui se sont élevées cesseront, sinon notre industrie des services financiers ne pourra exprimer les orientations stratégiques qu'elle doit prendre pour faire face aux défis qui l'attendent. Et cela l'empêchera de tirer pleinement parti des possibilités qui s'offrent à elle.
Les services financiers sont d'une importance cruciale dans tous les pays. En raison de l'ouverture de l'économie canadienne au commerce, nous prenons pleinement conscience des pressions qu'exerce la concurrence à mesure que nous ouvrons notre secteur des services financiers. Je souhaiterais quant à moi une plus grande ouverture.
Ainsi que je l'ai indiqué dans mes remarques précédentes, nous devons nous concentrer sur les marchés et sur l'harmonisation. À mon sens, le groupe de travail nous montre la voie à suivre pour l'avenir. Il examine attentivement les questions générales plutôt que de se pencher simplement sur la fusion des banques. Nous avons tous à relever le défi. Le gouvernement fédéral peut faire preuve d'un grand leadership sur cette question, plutôt que de se contenter de quelques expédients politiques.
Je me souviens des débats qui faisaient rage au Canada au moment de l'adoption de l'ALENA. J'ai vécu la même chose au Royaume-Uni au moment où il envisageait l'adhésion au marché commun. Cette question n'est plus véritablement d'actualité là-bas. La grande question est de savoir si la Grande-Bretagne doit adopter l'euro. Je suis convaincu également, même si cette opinion ne semble pas généralisée au Canada, que c'était tout à fait dans notre intérêt d'adhérer à l'ALENA et que l'accord aura encore de nombreuses incidences positives. Je félicite le gouvernement actuel pour ses diverses initiatives, notamment celle d'étendre l'ALENA au Chili. On peut envisager une zone de libre-échange dans les Amériques, une zone qui pourrait avoir des liens avec l'Europe et d'autres marchés.
Je vous demande donc de recommander l'adoption du rapport MacKay. C'est je crois, comme je l'ai mentionné précédemment, un rapport unanime qui est le résultat d'une consultation approfondie. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner devant vous. Je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Le président: Comme je pouvais m'y attendre de la part d'un économiste, vous êtes nettement en faveur des forces vives du marché. Vous habitez dans cette région depuis longtemps. Selon une opinion assez répandue -- mais pas générale, loin s'en faut -- les forces pures du marché auront inévitablement un impact négatif sur la région de l'Atlantique et il faut, en conséquence, atténuer cet impact afin de garantir des niveaux de services suffisants dans toute la région.
Si l'on se place du point de vue de la région -- pas seulement du centre de Halifax, mais de l'ensemble de la région qui est surtout de type rural -- est-ce que le rapport MacKay contient, selon vous, des éléments préoccupants? Vous pensez sans doute que les recommandations du rapport MacKay sont bonnes pour le pays en général, mais est-ce que vous croyez qu'elles auraient une incidence négative sur la région en particulier?
M. Dodds: Cela soulève plusieurs questions. Pour le moment, nous en sommes à nous demander si nous voulons aller de l'avant avec certaines recommandations. Une des questions qui a été évoquée devant le caucus libéral et qui se rapporte à la région de l'Atlantique, concerne l'accessibilité des services financiers dans toutes les régions rurales du Canada. Il faut trouver réponse à cette question.
La solution consiste actuellement à faire appel à la technologie, aux guichets automatiques, et cetera. Quoi qu'il arrive, la question de l'accessibilité dans une région comme celle de l'Atlantique dont la population est restreinte et de nature rurale, continuera de se poser.
Il est clair que nous avons besoin de beaucoup d'autres innovations dans le domaine de la petite entreprise. Comme vous le savez, sénateur Kirby et messieurs et mesdames les autres membres du comité, la petite entreprise joue un rôle vital dans la région atlantique du Canada. C'est également le cas dans beaucoup d'autres régions du Canada. On reproche souvent aux banques et aux autres institutions de ne pas offrir de prêts aux petites entreprises.
Le rapport du groupe de travail évoque un certain nombre d'initiatives nouvelles qui ne consistent pas uniquement pour le gouvernement à multiplier les établissements bancaires. Nous l'avons fait par le passé. Il y a la Banque fédérale de développement et d'autres organismes analogues. Je pense plutôt à des possibilités plus innovatrices. Permettez-moi de vous décrire ce que nous proposons à notre Centre de développement de la petite entreprise à l'Université Saint Mary's. Nous proposons des microprêts, c'est-à-dire des prêts de très petits montants. Les fonds nous proviennent des banques et du gouvernement provincial. Nous avons un comité composé de membres du milieu des affaires. Ce comité qui ressemble un peu à une équipe de Centraide évalue le bien-fondé des demandes de prêts, pas seulement pour le démarrage d'entreprises, mais dans certains cas pour le maintien de certaines entreprises existantes.
Cela signifie au bout du compte que les petites entreprises ont besoin d'être encouragées. Nous prenons beaucoup de risques, parce qu'elles ne réussiront pas toutes. Il existe d'autres moyens que les banques et les autres bailleurs de fonds pourraient utiliser. Nos fonds de pension en seraient un exemple. Au Royaume-Uni par exemple, les municipalités et certains services publics ont décidé de conserver une partie des fonds de pension dans la ville ou dans la région d'où ils proviennent. En faisant preuve d'un peu d'imagination, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de possibilités qui pourraient s'appliquer dans le secteur de la petite entreprise.
Le sénateur Kenny: Monsieur Dodds, votre exposé a été très intéressant et très stimulant.
Vous avez parlé à plusieurs reprises de contrôle canadien. Pouvez-vous préciser, pour le bénéfice des membres du comité, s'il est question de propriété ou de réglementation?
M. Dodds: La propriété est une question capitale, car il s'agit bien de propriété. Nous ne pouvons pas échapper à notre devoir d'imposer un contrôle réglementaire que j'approuve totalement. Nos mécanismes de contrôle réglementaire devront, dans une certaine mesure s'adapter aux nouvelles normes mondiales, tout comme nous avons adopté les normes de la BRI en matière d'adéquation du capital.
Le sénateur Kenny: Pourquoi la propriété est-elle importante si nous avons le pouvoir de réglementer?
M. Dodds: Il est possible de réglementer à outrance, mais je pense que ni vous ni moi ne serions en faveur d'une telle réglementation.
Si nous ne permettons pas à l'industrie de croître en autorisant des développements tels que ces fusions, nous risquons d'être envahis subrepticement par des institutions de l'étranger. Nos banques ne pourront pas y échapper. Ce qui me plaît en particulier dans la fusion des banques, c'est qu'elle nous permettra de maintenir une présence canadienne forte dans ce segment de l'industrie des services financiers, une présence que nous espérons suffisante pour nous protéger de la concurrence étrangère.
Le sénateur Kenny: Je m'écarte de mes questions, mais vos réponses m'interpellent. Nous avons consacré un même débat à l'industrie du pétrole, par exemple, il y a une dizaine d'années. Nous étions tous convaincus que la propriété canadienne était assez importante.
Le sénateur Kelleher: Vous étiez le seul.
Le sénateur Oliver: Parlez pour vous.
Le sénateur Kenny: Quelques-uns des membres les plus éclairés du comité estimaient que la propriété canadienne était souhaitable. Aujourd'hui, certains d'entre nous voient les choses différemment et ne pensent plus que nous devons conserver le même degré de propriété canadienne dans ce segment particulier.
Est-ce que les services financiers sont différents au point que nous devons vraiment conserver la propriété de ce secteur, alors que l'on n'a peut-être rien à craindre des gens qui viendront d'ailleurs, dans la mesure où ils se comporteront comme de bons citoyens?
M. Dodds: En tout respect, je ne suis pas certain que nous pouvons avoir une telle certitude, en particulier en ce qui a trait aux opérations que certaines de nos institutions financières effectuent à l'étranger.
On a pu constater, au moment de la faillite de la Confederation Life, que les organismes de réglementation n'étaient peut-être pas au courant de bon nombre des activités et des relations de cet établissement. Compte tenu des problèmes observés avec les fonds de couverture, on peut être surpris d'apprendre le volume des fonds qui ont été prêtés par des banques américaines et d'autres banques à certains de ces fonds.
Il faut examiner attentivement les questions de réglementation et accepter de ne pas pouvoir tout contrôler. On peut se demander en particulier qui réglemente dans le cas des institutions qui traitent sur les marchés financiers à l'échelon mondial? C'est une question importante qui se pose actuellement. Le FMI a clairement failli à sa tâche d'organisme de surveillance au Mexique. Je répète que je souhaiterais l'application de contrôles réglementaires universels applicables en particulier aux flux frontaliers de capitaux et aux mouvements contraires à nos intérêts commerciaux.
Le Canadien moyen n'a pas conscience des risques ni du volume de capitaux qui entrent et sortent du Canada et d'autres pays, volume qui est de loin supérieur à notre balance commerciale des biens et services.
Le sénateur Kenny: Au risque de provoquer un débat -- et je sais que le président interviendra pour l'arrêter -- j'aimerais souligner que vous avez prôné la réglementation. J'aimerais vous entendre justifier la propriété. Est-ce que la situation aurait été différente si les parts canadiennes avaient été plus importantes? Est-ce que les fonds de couverture seraient en meilleur état? Pouvez-vous nous prouver qu'il n'y aurait pas de problème sur le plan des fonds de couverture si la part de la propriété canadienne avait été plus élevée? Je n'ai rien entendu de tel dans votre bouche.
M. Dodds: Revenons à la question de la propriété. Tous les pays du monde, à l'exception d'un seul, ont eu tendance à renforcer la propriété de leur système financier. Le secteur financier a été, dans la plupart des économies, le dernier à être déréglementé et à abaisser ses barrières.
Étant partisan du libre-échange, je ne m'inquiéterais pas trop, dans un monde idéal, du fait qu'une grande partie de nos services financiers soient détenus partiellement par d'autres ou en copropriété avec d'autres. Les règlements suffisent à régler bon nombre des problèmes et je pense que vous partagez cet avis. Cependant, je ne pense pas que nous soyons encore prêts à une telle situation. En tant que Canadien, la question de la propriété me paraît importante. Si nous perdons le contrôle d'une grande partie de notre capital et que la propriété de notre capital de base passe aux mains de pays étrangers, nous risquons de perdre quelque chose. Nous perdrions une partie de notre identité et de notre bien-être économique.
C'est exactement ce qui se passe en ce moment avec le débat sur le contenu canadien des magazines, par exemple. Si nous nous démenons pour conserver un certain contenu canadien dans ce domaine, pourquoi ne pas faire la même chose dans le domaine des services financiers?
Le sénateur Kenny: Le président a évoqué, comme vous, les forces déterminées par le marché. De nos jours, il semble être de mise de réclamer une plus grande concurrence. Pourtant, si l'on regarde le pendule, est-ce qu'il ne se dirige pas vers une concurrence légèrement accrue? Dans trois ou cinq ans, le pendule ira dans la direction opposée.
M. Dodds: Je ne pense pas. Le contexte est en train de changer partout dans le monde et en particulier en Europe. Il n'est pas possible de revenir en arrière. Les conditions sont différentes. Il faudrait ramener les contrôles et imposer à nouveau la réglementation dans les domaines de la divulgation publique et de la diffusion d'informations au niveau des services de détail. Les entreprises peuvent se débrouiller elles-mêmes car, dans ce secteur, la prudence est indispensable de la part des acheteurs. Au niveau du détail, il faut plus d'informations et la divulgation des coûts et des commissions. C'est relativement simple.
Le pendule doit revenir vers une certaine harmonisation des mécanismes de contrôle et des règlements fédéraux et provinciaux, en particulier dans le secteur des valeurs mobilières. Je serais tout à fait en faveur d'une rerégulation dans ce secteur. Cette rerégulation devrait se présenter sous la forme d'une réglementation universelle relevant de l'OCDE ou du G-7 ou de toute autre tribune. Il y va de notre intérêt.
Je crois en effet que le pendule bouge, mais pas en direction de la situation antérieure.
Le sénateur Kenny: Voilà qui mène à ma dernière question. Vous avez décrit un secteur des services financiers très complexe offrant une variété de choix au consommateur. À qui devrait incomber le fardeau de l'éducation: au consommateur, à l'industrie ou au gouvernement?
M. Dodds: Le gouvernement peut définir les règles de pratique de l'industrie. L'éducation incombe à l'industrie des services financiers et je peux affirmer, en tant qu'administrateur de l'Institut des banquiers canadiens, que nous essayons de nous acquitter de cette tâche par l'éducation des professionnels de la finance. J'avoue que je ne suis pas terriblement impressionné par le niveau de connaissances qui existe actuellement dans notre industrie. Je crois qu'il faut nettement intensifier les efforts à ce niveau de manière à ce que le client d'une banque ou d'une caisse de crédit puisse obtenir des informations très claires et pertinentes en s'adressant à un planificateur financier. Il ne s'agit pas uniquement d'informations sur les produits. Cela pourrait être des informations sur les risques, les risques qui menacent la monnaie et les questions générales qui touchent l'économie, telles qu'on en parle dans les journaux nationaux.
Pour le moment, je ne vois rien de tout cela. Le défi pour l'industrie dans son ensemble est de mettre en place un personnel bien informé et bien documenté. C'est une simple règle de bonne pratique.
Quant à l'éducation des consommateurs, c'est une question qui relève en bonne partie de nous, mais l'industrie peut nous en donner les moyens en organisant des ateliers, des colloques, et cetera. Tout cela est lié en grande partie aux différents produits qui sont proposés aux consommateurs. Cette tâche incombe aux médias financiers. Les magazines et les journaux spécialisés font du bon travail. Si l'on en juge par le nombre de pages que nos journaux nationaux et même nos journaux locaux consacrent aux finances par rapport à ce qui se faisait il y a 10 ou 15 ans, on constate que les médias contribuent à cette éducation du public. Ils doivent accentuer leurs efforts, mais au bout du compte, c'est l'industrie des services financiers elle-même qui doit disposer de personnes compétentes pour guider les consommateurs.
Le sénateur Kenny: Alors, le gouvernement n'a rien à faire?
M. Dodds: Le gouvernement peut éventuellement proposer un cadre législatif ou réglementaire précisant les règles de pratique des planificateurs financiers et autres intervenants. Un consommateur qui consulte un planificateur financier ou une banque doit pouvoir être assuré d'un certain niveau de service. À par cela, je n'envisage aucun rôle pour le gouvernement.
Le sénateur Angus: Je vous remercie pour vos commentaires très pertinents. Nous sommes intéressés par votre insistance à mettre plus l'accent sur les forces du marché que sur les institutions elles-mêmes et je suppose, sur la réglementation.
D'après les autres commentaires que vous avez faits, je suppose que vous reconnaissez qu'il faut freiner de temps à autre les forces du marché, surtout pour des raisons dictées par la politique gouvernementale. Bien entendu, nous nous posons la question évidente: quand une institution est-elle trop grosse pour faire faillite? En raison de votre grande expérience et de votre intérêt pour l'ensemble de ce domaine, j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, dans le contexte canadien, avant que l'on décide, si vous voulez, de le libéraliser. À votre avis, à quel moment une institution est-elle trop grande pour ne pas faire faillite?
Je mets un peu l'accent sur les institutions, mais c'est une question de politique gouvernementale. Les banques sont-elles déjà trop grosses pour faire faillite?
M. Dodds: Tout à fait. Il est inconcevable que les grandes banques canadiennes fassent faillite. J'espère qu'elles appliquent suffisamment de contrôles de gestion et suffisamment de contrôles réglementaires pour empêcher une telle chose. Il serait dangereux pour nous de croire que le système pourrait survivre si une de nos institutions faisait faillite. Je pense qu'il ne résisterait pas.
Le sénateur Angus: La confiance est le facteur clé sur un marché financier et dans une institution financière. Cela étant dit, il faudrait, à votre avis, que le gouvernement renfloue une banque qui serait sur le point de faire faillite.
M. Dodds: J'ai dit qu'il faut implanter une réglementation ex ante, afin de jouer un rôle de prévention et de surveillance. Puisqu'on parle des banques et sans vouloir offenser personne, est-ce que les banques elles-mêmes et les organismes de réglementation connaissent vraiment la nature des risques que représente le commerce des produits dérivés? Les fonds de couverture nous ont montré que beaucoup de gens n'avaient vraiment pas saisi le levier que procurent ces instruments, ni les implications qu'ils peuvent avoir sur le secteur bancaire et le secteur financier en général.
En réponse à votre question, un organisme de réglementation ne se contente pas de contrôler un prêt et un portefeuille d'hypothèques. Il n'examine pas seulement le volume des prêts au secteur immobilier et certaines autres opérations. Il s'étend désormais au commerce des devises étrangères, aux opérations de crédit réciproque, aux options et aux divers autres produits dérivés.
Le sénateur Meighen: Est-il possible qu'une institution en péril soit trop grosse pour pouvoir être renflouée? Est-ce que c'est un risque que nous courons avec la mondialisation et les fusions?
M. Dodds: Si nous ne sauvons pas une institution comme une grande banque ou peut-être même une grande compagnie d'assurance-vie -- même si nous avons abandonné la Confederation Life -- nous devons reconnaître que le secteur bancaire joue actuellement un rôle clé dans notre économie des changes, dans la gestion du système de paiement, et cetera. Ce n'est pas tout à fait la même chose que dans le secteur des assurances. De fait, le secteur bancaire est au centre même de l'économie, qu'il s'agisse des opérations quotidiennes et commerciales, des lettres de crédit ou des effets de crédit commercial.
L'institution est peut-Être un peu différente, mais on en arrive au point où, si on laisse disparaître un élément du système, il risque d'entraîner tout le reste avec lui par contagion. Il s'agit donc d'appliquer une réglementation ex poste -- j'ai déjà parlé de la réglementation ex ante -- et de se demander de quelle manière nous pouvons réagir à une crise et à quel point nous décidons de ne plus rien tenter.
C'est ce qui s'est passé en Grande-Bretagne avec la Barings Bank. Fallait-il laisser la banque Barings faire les frais de sa stupidité? C'est ce qui a fini par lui arriver. Par la suite, elle a été reprise par ING. Les répercussions ont été minimes. C'est à l'industrie de décider et nous avons vu comment l'industrie a été amenée par les organismes de réglementation à sauver le fonds de couverture aux États-Unis. Le gouvernement n'était pas le seul à intervenir. Il a agi en partenariat. Il a compris qu'en cas de disparition, il y aurait eu une spirale à la baisse.
Il est très dangereux de penser qu'une institution est trop grosse pour être renflouée, car on touche finalement à la confiance. Il suffit d'une seconde pour détruire la confiance, mais il faut longtemps pour la regagner.
Le sénateur Angus: Cela soulève d'autres questions de structure. Le rapport MacKay a consacré pas mal de pages à la structure. Nous avons noté qu'aux États-Unis, certains organismes de réglementation, contrairement à d'autres, sont en faveur du modèle de la société de portefeuille. Nous nous sommes demandés s'il y avait une différence entre le modèle de la société de portefeuille et le modèle de la filiale et de la société mère, abstraction faite des particularités administratives. Je suppose que cela dépend de la réglementation qui s'applique à la société de portefeuille elle-même.
Dans ce débat au sujet des institutions «trop grosses pour faire faillite» ou «trop grosses pour être renflouées», vous avez montré comment tout l'actif d'une banque peut être investi en quelques secondes dans ces nouveaux produits, alors qu'on garde encore l'image traditionnelle de la banque comme une institution de dépôt. Est-il possible de préserver la structure traditionnelle des banques de ces opérations plus volatiles auxquelles certaines grosses banques veulent se livrer sur les marchés mondiaux? Dans l'affirmative, qu'est-ce que vous nous proposez d'adopter pour notre système?
M. Dodds: Les services bancaires traditionnels sont, comme les dinosaures, condamnés à disparaître, parce qu'ils sont combinés avec beaucoup d'autres activités. Comme je l'ai dit, ce n'est pas très difficile de devenir banquier. C'était le rêve de beaucoup d'entre nous lorsque nous jouions au Monopoly. Je me souviens que je me disputais avec ma soeur pour tenir la banque, parce qu'il nous semblait que cela nous donnait du pouvoir, ne serait-ce que parce que nous avions le privilège de distribuer les billets.
Les services bancaires traditionnels sont très simples. Ils rapportent de moins en moins à nos banques canadiennes et à beaucoup d'autres banques étrangères. Ce sont les autres activités sur les marchés des valeurs mobilières qui sont à la hausse. Dans une certaine mesure, la question que vous posez me fait penser un peu à la déréglementation des services téléphoniques. Est-ce possible de déréglementer les services téléphoniques de manière à laisser les appels locaux aux compagnies locales tandis que les autres sociétés s'occuperont des appels interurbains qui représentent les opérations rentables? Est-il possible de séparer ces deux secteurs et comment réagiront les fournisseurs? D'autres intervenants s'installeront sur le marché pour prêter de l'argent. Ils sont d'ailleurs déjà là.
La grosse tendance actuellement dans le secteur de la titrisation ne se limite pas aux opérations financières hors bilan ni au dégagement des prêts dans le secteur des titres hypothécaires. Beaucoup de consommateurs cessent de placer leurs économies à la banque. Le fait que les Canadiens détiennent plusieurs centaines de milliards de dollars -- 300 milliards, voire plus -- dans les fonds communs de placement, révèle qu'ils se tournent vers d'autres choses pour placer leurs économies. Je me demande parfois quelles sont les mesures que le Canada et les organismes de réglementation prennent pour protéger ces énormes sommes d'argent. Cela m'inquiète. Nous plaçons dans ces fonds des centaines de milliards de dollars en espérant que nos économies et nos pensions sont protégées, alors qu'en fait nos placements ne rapportent pas beaucoup d'intérêts.
On a pu le constater en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. Les fournisseurs de fonds communs de placement fusionnent. Certains d'entre eux sont des banques, mais il y a également beaucoup d'institutions indépendantes. Je ne comprends pas pourquoi nous attachons tant d'importance aux services bancaires de détail. Pourquoi en faire tout un débat alors que c'est un service appelé à disparaître? Pourquoi ne pas porter toute notre attention sur les risques qui existent? Mis à part les risques traditionnels tels que l'immobilier et ce genre de choses, nous savons tous que les banques ont une assez mauvaise fiche de route pour ce qui est des prêts aux pays du tiers monde. Il semble qu'elles n'ont pas appris la leçon de la mondialisation.
À mon sens, il faudrait plutôt se pencher sur le commerce des produits dérivés, les opérations de crédit réciproques, et cetera, sur nos marchés financiers, ainsi que sur la volatilité et les activités de change qui en découlent. Il faudrait se pencher sur ces autres activités qui sont en croissance rapide, parce que les consommateurs n'utilisent plus les banques de la même façon qu'autrefois et le secteur privé non plus. Le secteur privé émet de plus en plus de billets de trésorerie.
Plutôt que d'emprunter de l'argent à la banque par l'intermédiaire de leur ligne de crédit, beaucoup d'entreprises émettent maintenant leurs propres billets de trésorerie. Ces billets sont achetés par nous, par nos fonds communs de placement, par nos fonds de pension, et cetera. Voilà quelles sont les tendances. Le rapport MacKay se penche sur beaucoup d'entre elles, mais pas sur toutes. À mon sens, il aurait dû en examiner d'autres. Mais non, nous en restons aux heures d'ouverture des banques. Cela peut paraître important pour certaines personnes de souhaiter que leur banque soit ouverte de 9 heures à 15 heures ou de 10 heures à 16 heures. Il faudrait pourtant s'adapter puisqu'on peut faire des opérations bancaires sur Internet ou par téléphone. Il y a aussi les guichets automatiques. Le Canada est un des plus grands, sinon le plus grand utilisateur de guichets automatiques du monde. Nous disposons donc de toutes sortes de points d'accès bancaire.
C'est un manque de vision que de se préoccuper de choses qui sont vouées à disparaître.
Le sénateur Angus: C'est une très importante déclaration que vous venez de faire.
Vous nous avez mis en garde contre les expédients politiques. Vous nous avez parlé de votre expérience en Grande-Bretagne au moment de son adhésion au marché commun, à la CEE, et vous avez évoqué sa préoccupation actuelle avec l'euro. La semaine dernière, j'étais à Londres et il était question des dernières déclarations de gens comme Conrad Black qui sont contre l'euro et qui préconisent même que la Grande-Bretagne quitte le marché commun et adhère à l'ALENA.
M. Dodds: Sans commentaire. C'est incroyable.
Le sénateur Oliver: J'ai deux questions. J'aimerais avoir votre avis sur certaines questions de politique officielle. Ma première question porte sur la titrisation puisque vous en avez parlé à deux reprises aujourd'hui. La deuxième concerne le rôle de la réglementation applicable aux intervenants de ces nouveaux créneaux.
Je vais peut-être commencer par la deuxième question. Vous nous avez dit dans votre exposé que vous aviez une carte de crédit de la MBNA, une société américaine. Vous avez également parlé de ING, de Wells Fargo et vous nous avez dit que Microsoft s'intéresse au secteur bancaire. Ce sont là des sociétés étrangères qui n'ont pas pignon sur rue au Canada et qui ne sont pas soumises à notre réglementation.
Nos banques canadiennes établies -- c'est-à-dire la Banque Royale, la Banque de Montréal, et cetera -- qui essaient de concurrencer ces sociétés sont assujetties à une réglementation. Par contre, ces concurrents étrangers ne sont pas réglementés et tentent d'échapper à la réglementation canadienne. Cela a pour effet d'exercer des pressions énormes sur le résultat net des banques. Ne devrions-nous pas adopter une politique officielle envisageant une déréglementation sélective des cartes de crédit ou des hypothèques par exemple? Et comment tenir compte des questions de politique sociale et de politique gouvernementale qui résultent de l'intervention de ces nouveaux intervenants qui accaparent déjà une partie de notre marché? Ne devrions-nous pas, en tant que responsables de l'action gouvernementale, nous intéresser à ces aspects?
M. Dodds: Vous avez soulevé une question extrêmement importante qui est dans l'air depuis longtemps. Lorsque les banques ont commencé à s'implanter sur les marchés internationaux, elles l'ont fait par l'intermédiaire de filiales hautement réglementées. Dans les années 70, les autorités ont décidé qu'une succursale bancaire installée à l'étranger serait assujettie à la réglementation du pays d'origine plutôt qu'à celle du pays hôte. De fait, nous n'avons pas opté pour les succursales bancaires comme telles, mais plutôt pour les filiales.
Le sénateur Oliver: La Banque de Hongkong fonctionne sur le modèle des filiales dans le monde entier.
M. Dodds: C'est exact. Pour revenir aux filiales, il était prescrit qu'elles seraient assujetties à la réglementation du pays hôte. C'était accepté alors, selon la distinction établie dans les années 70. Cela c'était fait secrètement avant d'être finalement officialisé au début des années 80.
Si l'on prend le cas de la banque américaine MBNA, on peut dire que ses activités sont réglementées par un organisme situé au sud de la frontière. De leur côté, les Américains ont l'assurance que la Banque de Montréal, propriétaire de la Harris Bank, est assujettie à une certaine réglementation chez nous.
Le sénateur Oliver: Êtes-vous en train de nous dire que l'organisme de réglementation américain dont relève la MBNA régit les activités de cette institution au Canada et si c'est le cas, comment s'y prend-il?
M. Dodds: Non. Cependant, les organismes de réglementation du pays d'origine ont une certaine responsabilité, tout comme nos propres organismes de réglementation sont responsables des activités de nos banques de l'autre côté de la frontière ou au Mexique, au Venezuela ou dans les autres pays où sont implantées des banques canadiennes. J'espère que nos organismes de réglementation ne cèdent pas cette tâche à leurs homologues des pays étrangers. J'espère qu'il y a un certain contrôle au Canada.
Le sénateur Oliver: Comment rendre équitables les règles du jeu pour les banques de chez nous qui doivent faire face à cette concurrence?
M. Dodds: On rend les règles du jeu équitables en appliquant une réglementation qui tout d'abord ouvre le marché en offrant les mêmes conditions de fonctionnement à la concurrence étrangère, en accordant une liberté de manoeuvre à nos institutions pour qu'elles puissent affronter la concurrence et en harmonisant la réglementation de manière à éviter les écarts, par exemple entre les États-Unis qui sont un marché important et nous-mêmes. Au moment de l'effondrement de la Confederation Life -- j'y reviens toujours -- il y avait, semble-t-il, un écart entre la réglementation canadienne et la réglementation américaine. Les organismes de réglementation peuvent combler cet écart en communiquant et en harmonisant leurs réglementations respectives concernant le capital, ou par d'autres moyens. Par conséquent, les organismes de réglementation doivent communiquer entre eux.
Le sénateur Meighen: Êtes-vous en train de nous dire que le pays d'origine peut réglementer la sécurité et l'intégrité et que le pays hôte prend en charge les questions relatives aux activités du marché?
M. Dodds: Ces deux aspects peuvent être réglés de part et d'autre, à condition qu'il n'y ait pas d'écart dans les réglementations respectives. Cette distinction se faisait déjà par le passé. Les pays d'origine réglementaient les succursales qui n'étaient pas des entités légales dans le pays hôte. Cela paraissait logique, mais la situation est différente dans le cas d'une filiale qui est une entité légale tenue de présenter ses états financiers. Dans ce cas, elle devrait relever de la responsabilité du pays hôte.
Aujourd'hui, nous en sommes plus loin, puisque les pays hôtes doivent communiquer avec les pays d'origine pour harmoniser leurs réglementations respectives. Dans les années 80, le système canadien était différent de celui des autres pays, puisque nous avions un organisme de réglementation des banques, le Bureau de l'inspecteur général des banques et d'autres organismes de réglementation. Depuis qu'a été créé le Bureau du surintendant des institutions financières -- organisme que j'approuve tout à fait -- nous avons une vue plus générale. De nos jours, la réglementation doit avoir une base universelle.
Le sénateur Oliver: Ma deuxième question porte sur la titrisation. Dans les remarques que vous avez présentées aujourd'hui, vous avez parlé de la titrisation de deux manières différentes. Il y a 25 ans, les banques offraient moins de cinq produits différents; de nos jours, elles en proposent des dizaines et des dizaines. Un de ces produits est la titrisation. Il est possible maintenant de titriser les créances des cartes de crédit, les hypothèques, les prêts aux petites entreprises, les prêts automobiles, et cetera, ce qui consiste à les placer dans une fiducie sans lien de dépendance dans laquelle les investisseurs peuvent placer leur argent et en obtenir un rendement sûr.
La notion de titrisation vous paraît poser des problèmes graves. Pouvez-vous nous en parler?
M. Dodds: Les marchés financiers créent de nouveaux produits qui me préoccupent quelque peu. Ces nouveaux produits se rapportent aux titres hypothécaires, aux créances de cartes de crédit, et cetera. Ces produits sont transigés sur les marchés monétaires ou sur le marché des valeurs mobilières.
Mais qui contrôle ou réglemente ces marchés?
Le sénateur Oliver: Comme on peut en acheter à la bourse, je suppose que ce sont les règlements boursiers qui s'appliquent.
M. Dodds: En effet, mais est-ce suffisant? Et est-il acceptable que certains aspects des services financiers relèvent de la réglementation fédérale et d'autres de la réglementation provinciale? C'est une question que nous devons examiner sans délai.
Désormais, les marchés sont nationaux et de plus en plus internationaux et notre structure de réglementation est inadaptée. Les marchés financiers attirent de plus en plus d'activités, ce qui est très bien, mais comment réglementer toutes ces activités?
La titrisation consiste d'une part pour les banques à écouler certains produits hors bilan. Mais ce n'est là qu'un aspect de la titrisation. L'autre aspect consiste à s'écarter des banques pour oeuvrer sur les marchés des valeurs mobilières. Par exemple, vous ne commencez pas par aller à la banque pour obtenir une hypothèque ou un autre prêt. Vous vous adressez à une autre institution financière. Vous ne vous adressez pas à la banque pour obtenir un prêt qui sera ensuite titrisé. Vous vous adressez à un courtier. La firme du courtage peut appartenir à la banque, mais vous vous adressez au courtier pour votre billet de trésorerie.
Il y a donc deux côtés à la titrisation. Le premier représente les activités hors bilan qui consistent à commercialiser les actifs auparavant non commercialisables du bilan. L'autre aspect est la tendance générale à la disparition des banques dans le sens traditionnel. Lorsque je parle de titrisation, je pense à ces deux tendances, la macro tendance et l'autre tendance.
Dans le secteur de la titrisation, les plus grands intervenants ne sont pas uniquement les banques. Il y a aussi les fabricants d'automobile...
Le sénateur Oliver: Newcourt Credit.
M. Dodds: Oui, Newcourt Credit, General Motors, Acceptance ou Ford. Ce sont essentiellement des banques d'un type différent. Par exemple, lorsque vous achetez une nouvelle voiture à crédit chez un concessionnaire qui vous propose des conditions d'achat attrayantes, il y a de grandes chances que le crédit est assuré par un important fabricant automobile avant d'être titrisé par la suite sous la forme d'instruments du marché monétaire.
Le sénateur Oliver: Au cours de vos études et de vos travaux sur la titrisation, avez-vous eu connaissance d'articles évoquant les pièges de réglementation dont nous devrions nous méfier? Si c'est le cas, est-ce que pourriez nous les communiquer?
M. Dodds: Avec plaisir. J'ai lu plusieurs articles dans des magazines comme Canadian Treasurer et dans diverses autres revues qui examinent cet aspect. La titrisation qui consiste à créer des titres hypothécaires existe depuis longtemps et a véritablement refait surface aux États-Unis dans les années 80. Nous avons adopté cette notion, mais assez lentement.
Je crois qu'il faut insister sur la prudence. Je ne suis pas certain que l'acheteur soit suffisamment conscient des risques que présentent certains de ces instruments et peut-être même que les institutions financières qui achètent en son nom -- les gestionnaires de nos fonds de pension et de nos fonds communs de placement -- ne connaissent pas vraiment tous les risques que présentent ces instruments.
Le sénateur Tkachuk: Vous affirmez que la banque se meurt. Je ne partage pas votre point de vue, mais je le trouve intéressant, parce qu'il est au coeur même des questions qui nous préoccupent.
Les services bancaires traditionnels qui consistent à déposer et à emprunter de l'argent sont extrêmement profitables. C'est ce que nous ont dit des témoins représentant Canada Trust et les caisses populaires et c'est ce qui explique la croissance des coopératives de crédit aux États-Unis. Est-il possible que nos cinq banques rêvent en couleurs lorsqu'elles décident d'abandonner les services bancaires traditionnels? Les frères Bronfman se sont retirés du commerce du whisky pour se lancer dans l'industrie du spectacle. Autrement dit, ils abandonnent le produit qui a fait leur fortune et prennent le risque d'investir leurs avoirs dans un secteur plus excitant. Les banques se dirigent vers les fonds de couverture et les produits dérivés et achètent des compagnies de valeurs mobilières, parce que c'est là que se trouvent les plus grosses firmes. Après cela, elles peuvent se permettre de faire ce qu'elles veulent sur le marché de New York. Les banques ont décidé de sacrifier les services bancaires.
Pourtant, ce n'est pas vraiment la fin des services bancaires. Les banques cessent d'offrir les services bancaires et ne remplissent pas la responsabilité que nous leur avons confiée de gérer les dépôts, ce qui est une activité fiduciaire nationale. Voilà mon point de vue. Je suppose que vous ne le partagez pas, mais j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Dodds: Je vais essayer de répondre. Pour moi, les services bancaires traditionnels concernent les dépôts et les prêts. Autrement dit, c'est un rôle intermédiaire.
Personnellement, et je suis sûr de ne pas être le seul, les taux d'intérêt étant ce qu'ils sont, j'ai tendance à ne pas garder trop d'argent dans mon compte chèque ordinaire, en raison du coût d'opportunité que cela représente. Mais que faire de cet argent? Le placer régulièrement dans des fonds communs de placement? Acheter d'autres instruments offerts sur le marché? Investir directement à la bourse?
D'après les documents produits par la Banque des règlements internationaux, cette activité bancaire représente un pourcentage moindre par rapport à la totalité des profits réalisés par les banques. Dans le cas de certaines banques, les activités bancaires régulières ne représentent qu'environ 50 p. 100 de l'ensemble de leurs profits. Je crois qu'il faut faire preuve de prudence, car tout dépend de la façon dont l'évaluation est faite. Est-ce que les profits des banques proviennent uniquement de l'écart entre le taux d'intérêt débiteur et le taux d'intérêt créditeur -- sans compter que la marge nette sur les intérêts s'est réduite -- ou est-ce que les profits des banques proviennent des autres frais de service qu'elles appliquent pour l'administration des comptes? Il faut être très prudent à ce sujet, car les banques peuvent retirer certains profits également de cette activité. Il faut définir avec soin la source des profits.
J'ai constaté ce déclin un peu partout dans le monde. Je ne sais pas si toutes les banques ont voulu courir le monde, comme elles le faisaient à la fin des années 70 pour prêter à tout vent dans une sorte d'orgie bancaire, comme j'ai qualifié cette tendance dans certains de mes exposés. Nous en avons payé les conséquences. Bien entendu, certains aspects bancaires sont plus excitants.
Cependant, j'aimerais revenir au fait que les consommateurs canadiens et ceux de beaucoup d'autres pays n'utilisent pas les services bancaires comme auparavant. Ils disposent d'autres sources de financement et, dans beaucoup de cas, d'autres sources de placement. Au lieu de placer nos économies à la banque, nous les plaçons dans des fonds communs dont certains sont il est vrai contrôlés par les banques, mais pas tous. Ces opérations ne correspondent pas à notre définition des activités bancaires traditionnelles. Nous allons vers les produits et services qui nous sont offerts. Par conséquent, j'ai raison de dire que les services bancaires traditionnels font figure de dinosaures, car si les banques canadiennes et les banques des autres pays du monde avaient misé sur ces activités, elles ne seraient pas aussi rentables qu'elles le sont maintenant.
Les temps changent et les attentes des consommateurs aussi. Aujourd'hui, les attentes sont très élevées dans le commerce de détail. Les consommateurs veulent des produits et des services et sont prêts à passer à la concurrence pour les obtenir.
Nous sommes prêts à nous procurer un produit dans une banque et un autre dans un établissement concurrent ou une société de fiducie. Il n'est pas rare qu'un client détienne une hypothèque dans une banque, un CPG dans une autre et un compte dans une troisième. La fidélité à une banque n'existe plus parce que le choix des différents produits se fait en fonction de leur prix. Dans le cas des autres services financiers, les prix sont parfois dissimulés par toutes sortes de termes et d'aspects techniques et le consommateur a de la difficulté à savoir quel est le meilleur produit. C'est là que la concurrence intervient. C'est pourquoi le prix est important et c'est pourquoi la marge nette sur les intérêts -- ce qui reste quand on a déduit tous les coûts -- a diminué.
Le sénateur Tkachuk: De nos jours, les banques sont-elles trop grosses pour faire faillite?
M. Dodds: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Il faut augmenter la concurrence et non pas la réduire. Ce que je crains, en cas de fusion, c'est que les banques utilisent nos dépôts pour effectuer des investissements risqués au Nigeria ou ailleurs, comme elles parlent de le faire. Les banques ne cessent d'affirmer qu'elles veulent jouer un rôle important sur la scène mondiale; et pourtant ici, nous les protégeons contre les prises de contrôle et nous leur accordons le monopole des services bancaires.
Il y a deux problèmes réels. Le premier, c'est qu'il faut augmenter la concurrence entre les banques pour faciliter l'accès aux capitaux pour les petites entreprises. Les représentants des petites entreprises ne cessent de se plaindre des banques. Deuxièmement, nous avons besoin de plus de fonds d'actions pour les entreprises canadiennes. Aux États-Unis, l'industrie de la haute technologie est financée par des émissions d'actions. Au Canada, nous avons un problème, parce que ce sont les gouvernements et une société d'État qui investissent dans ce domaine.
Que pouvons-nous faire au Canada pour régler ces deux problèmes graves? Que pouvons-nous faire en tant que pays pour augmenter le financement d'actions pour les entreprises?
M. Dodds: Je vais d'abord parler du problème des petites entreprises. Il existe des façons innovatrices d'obtenir le résultat voulu sans une trop grande participation du gouvernement. Il faut stimuler et encourager, pas seulement les banques, mais également nos fonds de pension. Nous avons toujours déploré ici de voir tout cet argent quitter la région pour s'en aller, non pas au Nigeria, mais à Toronto.
Plusieurs défis nous attendent. Par exemple, il faudrait peut-être exiger, comme condition à toute fusion, que les banques consacrent un certain pourcentage de leurs fonds aux microprêts et aux prêts aux petites entreprises. Les banques pourraient se présenter comme les gros bailleurs de fonds des petites entreprises.
Il faut se pencher sur diverses questions telles que la création d'entreprises, les petites et micro-entreprises et le soutien des entreprises. Ce sont des opérations extrêmement risquées, mais elles sont possibles si l'on met des fonds de côté, comme cela s'est fait par le passé. Les provinces ont également un rôle à jouer. Les provinces de l'Atlantique pourraient par exemple offrir une déduction aux fins de l'impôt semblable à la déduction des REER, quand bien même l'argent est investi dans un fonds de capital-risque. Ce fonds ne serait pas nécessairement géré par les institutions financières, mais plutôt par les entreprises elles-mêmes avec l'aide de mentors qui prodigueraient des conseils au sujet des prêts mais également sur d'autres questions. Il serait également possible de conclure des partenariats analogues avec les universités. Cela s'est déjà fait.
Il faut plus d'innovation, car il ne suffit pas de dire aux banques qu'elles doivent prêter plus d'argent aux petites entreprises.
Vous avez mentionné que les banques peuvent utiliser l'argent des épargnants pour consentir un prêt au Nigeria. Les banques peuvent utiliser de l'argent provenant du monde entier -- des États-Unis, de Singapour, de Hong Kong; et ce n'est pas un gros problème. La véritable décision que doivent prendre les banques est la suivante: si elles consentent un prêt en devises américaines, où vont-elles trouver cet argent? Est-ce qu'elles vont le recueillir en monnaie canadienne ou en devises américaines ou le convertir? Voilà quelles sont les décisions importantes qu'elles devraient, en bout de ligne, pouvoir justifier.
J'aime à croire que les banques cherchent à se renouveler, parce que c'est ce que doit faire l'ensemble de l'industrie et des commerces de détail. Le changement est là et on ne peut pas y échapper. On ne peut plus se dire que l'on travaille dans tel domaine et que l'on ne changera jamais, car on risque d'être complètement submergé.
Je suis pour la concurrence. Je suis pour la concurrence de l'intérieur, des caisses de crédit. Les caisses de crédit ont été extrêmement innovatrices. Elles ont été à l'avant-garde, mais elles doivent se pencher sur la structure et trouver des moyens d'offrir un plus grand nombre de services que proposent de leur côté les banques et les autres fournisseurs de services financiers. Nous avons besoin d'une plus grande concurrence étrangère. Si une des plus grandes banques suisses s'installait au Canada, je suis certain que cela ne gênerait pas la croissance de nos propres banques. Elles auraient à faire face à un opposant qu'elles pourraient je crois neutraliser dans la mesure où elles n'auraient pas les mains liées.
Et tant pis si notre secteur bancaire est dominé par des banques étrangères. Nous avons déjà des compagnies d'assurance qui appartiennent totalement à des sociétés américaines. L'argent confère du pouvoir et en tant que Canadien, je souhaite certainement qu'à l'avenir, le Canada conserve une partie de ce pouvoir.
Le sénateur Tkachuk: Considérez-vous que les fusions sont la planche de salut des banques canadiennes? Est-ce la condition indispensable pour que nous puissions conserver nos propres institutions financières?
M. Dodds: C'est une des possibilités. Certains spécialistes estiment que les alliances stratégiques représentent une autre possibilité. Les banques pourraient conclure des alliances stratégiques entre elles ou avec des sociétés étrangères.
Le président: Comme l'ont fait les compagnies aériennes.
M. Dodds: C'est une possibilité. Les banques pourraient imiter cette formule de fusion et de coprésidence. Je ne suis pas convaincu que cette formule donnerait d'aussi bons résultats dans le secteur bancaire que dans les compagnies aériennes. On assiste actuellement à une concentration des compagnies aériennes. Cela ne signifie pas que la prochaine étape sera la propriété unique et je ne pense pas que cela se produira. C'est un modèle intéressant, mais il ne fonctionne pas depuis suffisamment longtemps pour que je puisse en présumer les résultats. Il offre une possibilité autre que celle d'une fusion complète.
Si l'on optait pour un tel modèle, il faudrait autoriser une proportion étrangère égale à 25 p. 100 dans une ou plusieurs des banques. D'après ce que j'ai pu constater en Grande-Bretagne dans les années 80, lorsque les banques étrangères ont tenté de s'implanter là-bas, elles ont fait face à une forte résistance. Si ma mémoire est exacte, je crois même que ces tentatives avaient soulevé l'opposition de Mme Thatcher qui était pourtant le promoteur par excellence de l'économie de marché. Par la suite, la Hong Kong Shanghai Bank a acheté 25 p. 100 des actions de la Midland avant d'en devenir plus tard propriétaire. C'est donc une possibilité autre que la fusion totale. Ce sont des alliances croisées, mais des alliances cimentées par un pourcentage de propriété. Ce modèle produirait un contexte tout à fait différent de ce qui est proposé actuellement. C'est une autre possibilité intéressante et si l'on décide de s'y aventurer, et bien tant mieux.
On retrouve le même modèle dans l'industrie de l'automobile. Par exemple, Ford achète des actions minoritaires ou dans certains cas des actions majoritaires dans des firmes étrangères. L'industrie de l'automobile connaît actuellement beaucoup de changements de ce type. Jaguar et beaucoup d'autres fabricants connus disparaissent, soit à la suite d'une fusion croisée complète ou d'une fusion fondée sur une structure de propriété partielle. C'est donc une possibilité.
Par contre, je pense que nous ne pouvons pas nous contenter d'une aimable différence et de nous dire que nous voulons conserver le statu quo. Si ce sont des alliances stratégiques que nous voulons, nous devons assouplir la règle de 10 p. 100, étant donné que le Canada a déjà été contraint d'assouplir la règle de 25 p. 100.
Le président: L'ancienne règle de 25 p. 100 applicable au plafond des investissements étrangers.
Le sénateur Austin: Au sujet de la Hong Kong Bank et de la Midland, la question de la propriété et la notion de contrôle sont deux choses différentes. La Hong Kong Bank était en fait une banque britannique. Elle faisait affaire à l'étranger et pour être précis, c'était une banque écossaise. Il n'était donc pas question de céder une banque de compensation à des intérêts étrangers. Je sais que vous connaissez tous ces détails.
On nous a dit clairement lorsque nous étions en Grande-Bretagne, que tout était à prendre là-bas, sauf les quatre banques de compensation. Les Britanniques ne se sentaient pas menacés, mais ils ont fait savoir clairement que si aucune règle n'empêchait la cession d'une banque de compensation à des intérêts étrangers, ils ne tarderaient pas à en édicter rapidement si la situation se présentait.
Si je vous ai bien compris, vous estimez que la propriété canadienne est un aspect fondamental et essentiel pour conserver le contrôle de notre système financier. Est-ce que cela résume vos commentaires sur la question?
M. Dodds: Comme cela s'est passé en Angleterre, je préfère que les grandes banques telles que nous les connaissons actuellement, demeurent canadiennes. Vers le milieu des années 80, tout était à prendre. C'est la raison pour laquelle je suis en faveur du projet actuel de fusion. Ce n'est pas la seule possibilité qui emporterait mon adhésion, mais c'est la seule qui est envisagée pour le moment. Cependant, il importe de ne pas perdre de vue les autres aspects que j'ai mentionnés et d'examiner également les marchés financiers.
Le sénateur Austin: Par conséquent, vous accepteriez la recommandation du rapport d'autoriser une propriété étrangère pouvant aller jusqu'à 20 p. 100 des actifs des banques canadiennes. Je suppose que cela ne vous dérangerait pas?
M. Dodds: Non.
Le président: Monsieur Dodds, merci beaucoup pour vos commentaires stimulants.
La séance est levée.