Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 31 - Témoignages du 21 octobre 1998


HALIFAX, le mercredi 21 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit à 9 h 05 pour examiner l'état actuel du système financier au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous en sommes à notre deuxième journée d'audiences à Halifax. Au cours de nos travaux, nous cherchons à recueillir les réactions au rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nous ne nous penchons pas sur les fusions. Nous discutons des changements fondamentaux qu'il convient d'apporter au secteur des services financiers dans la perspective des pouvoirs conférés aux diverses institutions, ainsi que des questions de propriété et de réglementation.

Le président et chef de la direction de la Maritime Compagnie d'Assurance-Vie, M. William Black, est notre premier témoin ce matin. La Maritime Compagnie d'Assurance-Vie est implantée depuis longtemps dans la région et c'est l'une des plus grandes sociétés d'assurance-vie au pays. Monsieur Black, vous avez déjà comparu devant nous dans le passé, et nous sommes ravis de vous revoir.

M. William A. Black, président et chef de la direction, Maritime Compagnie d'Assurance-Vie: S'il y a un thème qui revient constamment dans le rapport, c'est celui de la nécessité de promouvoir et d'accroître la concurrence. Je voudrais faire ce matin quatre observations qui portent toutes sur le même thème, c'est-à-dire les mesures à prendre pour promouvoir et accroître la concurrence.

À notre avis, la concurrence doit être beaucoup plus vive qu'à l'heure actuelle dans les services bancaires de base. De nombreux concurrents se livrent bataille pour un grand nombre de services, mais la concurrence doit être plus vive pour les services bancaires de base. Les auteurs du rapport signalent, avec raison, que le Canada affiche un degré de concentration des services bancaires parmi les plus élevés des pays industrialisés, ce qui est inopportun.

Le rapport préconise l'élimination d'obstacles de nature réglementaire à l'accès au marché canadien pour accroître la concurrence. Il convient de souligner que la plupart des obstacles à l'accès au marché canadien dans le domaine des services bancaires de base ne sont pas de nature réglementaire. Il s'agit plutôt d'obstacles technologiques et commerciaux. Quiconque voudrait se lancer dans les services bancaires de base devra débourser des sommes astronomiques pour se tailler une place. Conséquemment, peu importe les mesures réglementaires que l'on prendra, elles ne déboucheront pas sur l'émergence d'un grand nombre de nouveaux joueurs nationaux importants dans les services bancaires de base.

Le président: Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez par «services bancaires de base»?

M. Black: J'entends par là les principaux services transactionnels, comme l'encaisse de chèques, la prise de dépôts et les transactions Interac.

Le président: Les services que le consommateur individuel considère fondamentaux?

M. Black: À cela s'ajoutent les prêts au détail et les prêts aux petites entreprises. Voilà ce que j'entends par services bancaires de base.

Dans la plupart des cas, les obstacles à l'ouverture du marché ne sont pas réglementaires, ce qui signifie qu'on ne verra pas l'arrivée de nouveaux poids lourds, peu importe les mesures réglementaires que l'on prendra. Il y a de bonnes raisons de faciliter l'entrée de joueurs étrangers, mais c'est une erreur de supposer que les mesures qu'on prendra en ce sens se traduiront par l'arrivée de nouveaux concurrents de taille dans ces services.

Selon le groupe de travail, il y a beaucoup trop de concentration dans les services bancaires de base et une concurrence accrue serait avantageuse pour les consommateurs. À mon grand étonnement, les auteurs poursuivent en appuyant modérément les fusions de banques. À mon sens, le comité, sans l'annoncer, a invoquer des arguments convaincants à l'encontre des fusions.

Les fusions ne seraient pas une bonne chose pour nous, en tant qu'entreprises consommatrices de services bancaires. Elles seraient aussi désastreuses pour les particuliers et pour l'ensemble de l'économie. Le fait qu'il y ait une saine concurrence dans les milieux bancaires est très important pour l'efficacité des différents secteurs en tant que concurrents.

Je voudrais maintenant parler de la présence des banques dans le secteur de l'assurance. Nous n'avons jamais été opposés à cela. Nous avons toujours affirmé -- et à bien des égards, notre position est analogue à celle énoncée dans le rapport -- que les banques devraient pouvoir vendre de l'assurance pour autant que nous puissions régler les problèmes de confidentialité et de ventes liées ou coercitives et avoir l'assurance qu'elles ont un personnel compétent et bien formé pour le faire. Nous aurions certes du mal à nous élever contre cette pratique.

Cela dit, je tiens à souligner que la prestation des banques dans ces domaines laisse déjà à désirer à l'égard des services qu'elles offrent maintenant, alors pour ce qui est des services qu'elles voudraient offrir à l'avenir... Il y a déjà beaucoup trop de liens. Permettez-moi de vous donner un petit exemple de cela.

L'autre jour, je suis allé à ma banque parce que comme un grand nombre d'entre nous, je voulais dépenser de l'argent que je n'avais pas. J'ai rempli une demande de crédit. Cette banque est située au bout de la rue et je connais bien les employés qui y travaillent. Après avoir rempli toutes les formules, l'employé m'a dit: «À propos, je suppose que vous ne prendrez pas l'assurance.» J'ai répondu: «Non, je n'ai pas besoin d'assurance supplémentaire et, si j'en avais besoin, je ne l'achèterais pas ici.» Il m'a répondu: «D'accord, mais vous devez signer cette formule.» J'ai dit: «Pardon?» Il m'a répété: «Vous devez signer cette formule pour préciser que vous ne voulez pas l'assurance.»

Imaginez-vous entrer chez Eaton pour acheter une paire de mitaines et que le vendeur vous demande si vous voulez acheter en même temps un chapeau, ce qui est tout à fait acceptable. Mais lorsque vous dites que vous ne voulez pas acheter de chapeau, l'employé vous dit: «Vous devez signer cette formule pour préciser que vous ne voulez pas acheter de chapeau également.» J'ai raconté cela à l'employé de la banque qui m'a dit: «Nous avons déjà fait l'objet de poursuites.» J'ai répliqué: «Ce n'est pas mon problème. Vous avez déjà été poursuivi à une occasion, de sorte que 2,5 millions de Canadiens par an doivent se débattre avec la pratique de la facturation par défaut.» Les sociétés de câblodistribution auraient voulu avoir cette chance.

Il était facile pour moi de dire non. Pour bien des clients, cette situation crée un contexte où il est difficile de dire non. Ils ont l'impression que pour obtenir le prêt, ils doivent signer toutes ces formules.

Les banques ont beaucoup de chemin à faire pour adhérer aux conditions énoncées dans le rapport MacKay, ne serait-ce qu'à l'égard des services qu'elles offrent à l'heure actuelle. Malgré tout, j'estime qu'elles devraient être autorisées à vendre de l'assurance mais uniquement si ces conditions peuvent être appliquées de façon satisfaisante.

Il y a une chose qu'il faut comprendre au sujet de la vente d'assurance telle qu'elle se pratique aujourd'hui, soit que la grande majorité des transactions se font par le biais d'un intermédiaire. Nous pensons que c'est une très bonne façon de faire des affaires. C'est d'ailleurs ainsi que nous procédons, et depuis de nombreuses années, cela est très avantageux pour nous.

Toutefois, il faut reconnaître qu'une part considérable du marché n'est pas bien servie par cette pratique. Pour la clientèle à faible et moyen revenu du marché, la prestation personnelle d'un service financier est plutôt coûteuse. Cela n'est pas très économique, ce qui explique qu'on n'y a guère recours. Le rapport MacKay aborde le sujet dans la perspective des banques, mais il n'en fait pas mention pour l'assurance.

Si la politique gouvernementale facilitait un autre moyen d'offrir les services, ce serait très attrayant. Les canaux électroniques -- comme Internet et autres -- constituent une façon d'offrir ces services, mais il y en a d'autres qui pourraient donner des résultats intéressants. La prestation personnelle de services ne sera pas efficace pour de grands pans du marché.

On devrait inciter les sociétés d'assurance à opter pour cette voie, mais il serait répréhensible de limiter cette possibilité aux intervenants existants car ils sont plutôt attachés au système actuel. Ce qui serait intéressant, c'est que d'autres intervenants, avec d'autres talents, soient encouragés à faire le saut dans le domaine et à desservir cette partie du marché.

Pensez aux gens qui gèrent Amazon.com. Si l'on pouvait donner libre cours à cette mentalité dans le domaine de la vente au détail de l'assurance -- encore une fois, dans un cadre réglementaire opportun --, cela serait excellent.

Nous sommes disposés à appuyer toute orientation qui encouragerait le recours à l'électronique et à toute autre innovation sur le plan de la commercialisation, et ce non seulement pour nous-mêmes, mais pour d'autres organismes et entités également. Peut-être serait-ce là une bonne façon pour les banques de pénétrer le marché. Ce serait certainement à l'avantage des consommateurs.

J'aimerais maintenant parler du Bureau du surintendant des institutions financières. Le rapport propose de modifier le mandat du BSIF. À l'heure actuelle, le rôle du bureau est de veiller à l'intégrité du secteur des services financiers, tant sur le plan de la surveillance que des politiques.

Le comité préconise d'ajouter un rôle de promotion de la concurrence au mandat du BSIF. C'est une mauvaise idée pour deux raisons. Cela conférerait au BSIF deux mandats contradictoires, et les organismes de réglementation ne font pas du bon travail lorsqu'ils doivent s'occuper de mandats contradictoires. En outre, sur le plan pratique, le BSIF n'est pas en mesure de s'acquitter de son mandat actuel, et encore moins d'un nouveau mandat.

À une époque, le BSIF était l'un des meilleurs organismes de réglementation des services financiers au monde. Il était composé de professionnels très compétents avec qui il était agréable de transiger.

Le président: Le BSIF est le Bureau du surintendant des institutions financières. Il a été créé il y a une dizaine d'années à la suite de la fusion entre un organisme de réglementation des banques et un organisme de réglementation des sociétés d'assurance.

M. Black: C'est exact, mais je ne pense pas que les problèmes actuels tiennent au fait que ces deux instances ont été réunies. Je tiens à le préciser.

Ce qui s'est passé, c'est que nous avons traversé -- particulièrement depuis cinq ans -- une période de gel de la rémunération d'un grand nombre de fonctionnaires. Il a donc été très difficile d'avoir des échelles de rémunération acceptables. Or, le BSIF a besoin d'employés ayant les compétences d'analystes financiers.

Avec l'explosion des marchés, et ainsi de suite, la valeur des analystes financiers a grimpé. Avec le résultat qu'il est extrêmement difficile pour le BSIF d'embaucher des gens compétents et, lorsqu'il y réussit, de les conserver à son service. Le bureau ne fonctionne plus au niveau très élevé où il fonctionnait auparavant.

Nous payons un droit pour faire l'objet d'un examen de la part du BSIF. Cela tourne autour de 75 000 $ à 80 000 $ par an. Nous serions prêts à payer le double si nous pouvions ainsi avoir l'assurance que le travail est exécuté par des analystes compétents et expérimentés. Le bureau a un problème grave. Comme vous le savez, on lui demande de s'attaquer à des questions très complexes, mais malheureusement il n'a pas le personnel pour le faire.

Mon intention n'est pas de critiquer la direction du BSIF. Les contraintes auxquelles le bureau est assujetti font qu'il est très difficile pour la direction d'embaucher et de conserver les employés qui ont les compétences voulues pour relever les défis. Et même si ce problème était résolu, ce ne serait pas une bonne idée que de charger le BSIF de promouvoir la concurrence. D'ailleurs, le BSIF a besoin d'aide pour mieux s'acquitter de son mandat actuel.

Le président: Vous avez dit que le secteur de l'assurance-vie était beaucoup moins opposé au fait que les banques vendent de l'assurance que le secteur de l'assurance multirisque. Nous avons entendu à l'occasion des témoins de votre secteur qui sont contre la vente au détail d'assurance par les banques, mais vous n'êtes pas le seul à être en faveur de cette pratique.

Le secteur de l'assurance-vie ou le secteur de l'assurance des biens et des risques ont-ils des caractéristiques particulières qui expliqueraient cette différence d'opinion marquée? Les représentants de l'assurance multirisque admettent être des extrémistes dans ce dossier. D'ailleurs, le propos est d'eux, et non de moi.

M. Black: C'est un secteur beaucoup plus axé sur les transactions. Nous nous attachons surtout à fournir des conseils. Nous transigeons par le biais de conseillers indépendants qui généralement se considèrent être les défenseurs du consommateur, et qui envisagent diverses probabilités. Ils prodiguent au consommateur des conseils sur le choix d'une société et tentent de répondre à leurs besoins en termes de planification d'une succession, de planification fiscale, et cetera. Ils ne se sentent pas vraiment menacés par l'arrivée en scène d'une banque ou d'une autre instance sur Internet.

Souvent, les transactions d'assurance multirisque sont très élémentaires. Vous avez une voiture et il s'agit de décider quelle franchise vous voulez. Voulez-vous une couverture de 500 000 $ ou de 1 million de dollars? C'est le genre de chose qui peut être facilement remplacé.

Le président: En d'autres termes, lorsqu'on achète une assurance multirisque comme une assurance-automobile ou une assurance-maison, c'est assez semblable à l'achat d'un produit de base. On précise les paramètres du produit, ensuite on va l'acheter. La transaction peut s'effectuer d'une façon beaucoup moins humaine et interactive que pour l'achat d'une assurance-vie, car on a vraiment besoin de conseils avant d'acheter un produit comme l'assurance-vie. On offre des conseils et ces conseils mènent à la vente. On dit à la personne comment elle doit gérer ses affaires pour assurer sa retraite, la sécurité de sa famille ou son avenir, et c'est ce qui mène à la vente.

M. Black: Dans notre cas, le conseil du vendeur est tout aussi important que le produit que nous offrons. Dans le cas de l'assurance multirisque, je comprendrais pourquoi ces sociétés seraient préoccupées. Je ne pense pas que le principal problème soit de savoir si les banques le font ou non. Si je vendais de l'assurance multirisque, je m'inquiéterais de la concurrence des fournisseurs électroniques, qu'il s'agisse ou non de banques.

Le président: Vous dites que l'on arrivera à faire baisser les frais de mise en marché grâce au télémarketing et au marketing par Internet. En théorie, ce que vous dites, c'est que dans le cas de vos produits, on ne pourrait pas en acheter par Internet en remplissant tout simplement les cases, alors que cela pourrait se faire dans le cas de l'assurance multirisque.

M. Black: C'est exact. C'est une question de déduction des coûts. C'est peut-être encore plus une question de commodité pour le client; si un client veut conclure une transaction à deux heures du matin pendant qu'il regarde la télévision, il peut le faire.

Le sénateur Kenny: Monsieur Black, votre exposé a été des plus provocants et intéressants.

J'aimerais approfondir un peu avec vous la question de l'accès au système de paiements. À votre avis, est-ce que les nouveaux arrivants devraient payer un droit d'accès et, dans l'affirmative, avez-vous un point de vue sur la façon dont ce droit d'accès devrait être établi? Y a-t-il à votre avis des critères qui devraient être établis pour les nouveaux arrivants si on leur permet d'avoir accès au système de paiements? Quels obstacles doivent-ils surmonter pour accéder au système? Quels sont les inconvénients de l'élargissement du système de paiements à de nouveaux intervenants?

M. Black: Le système de paiements est un service public. À mon avis, celui ou celle qui veut y avoir accès ne devrait pas avoir à payer beaucoup plus cher que le prix d'une entrée dans sa rue. Il s'agit d'un service public et en ayant un plus grand nombre d'entreprises qui ont accès au système de paiements, les clients sont ainsi mieux servis car cela permet d'élargir la gamme des services qu'elles fournissent aux clients. On ne devrait pas avoir quoi que ce soit à payer sauf les coûts marginaux pour accéder au système.

Le sénateur Kenny: Si on prend le concept du service public, on dit que l'on va fournir un service monopolistique mais que tout le monde pourra avoir accès au service. Cependant, comme le service existe déjà, à un moment donné quelqu'un a dû payer pour le mettre en place initialement.

M. Black: Oui, initialement ce sont les clients qui ont payé.

Le sénateur Kenny: Les clients paient pour tout au départ.

M. Black: Les compagnies de téléphone ont fait valoir cet argument. Lorsque nous n'avions qu'une compagnie de téléphone, elle faisait valoir que les nouveaux arrivants qui nous offraient les tarifs interurbains devaient encore une fois payer les frais d'installation initiale. Cela n'était pas une bonne chose pour les clients.

Le sénateur Kenny: Elle faisait valoir qu'ils pourraient payer certains des coûts que les autres entreprises avaient déjà payés.

M. Black: C'est exact, mais le fait est que leurs clients les payaient dans le contexte des services publics.

Les clients ont déjà payé pour l'installation, et c'est dans leur intérêt de laisser les nouveaux arrivants avoir accès au système. Naturellement, il faut vérifier leur solvabilité, mais il faut alors s'assurer que ceux qui vérifient la solvabilité ne sont pas déjà des intervenants; cela doit être fait par quelqu'un qui est indépendant. Si nous sommes déjà surveillés et reconnus comme étant solvables, pourquoi aurait-on besoin d'ajouter un autre niveau de surveillance? Si le BSIF a déjà approuvé certaines sociétés au cours de l'inspection annuelle de leurs affaires, pourquoi voudrait-on faire autre chose en plus?

Le sénateur Kenny: Si une compagnie accède au système de paiements, se voit-elle imposer un fardeau supplémentaire ou est-ce qu'elle court des risques supplémentaires? Les attentes des gens deviennent plus grandes. Ne devrait-on pas relever le seuil pour ceux qui veulent accéder au système?

M. Black: En fait, les seuils de solvabilité réglementaire pour les compagnies d'assurance-vie sont plus élevés qu'ils ne le sont pour les banques. Je trouve étrange qu'on nous en demande davantage.

Le sénateur Kenny: Donc, vous abaisseriez les normes qui s'appliquent à vous.

M. Black: Non, celles des banques devraient être relevées.

Le sénateur Kenny: Je plaisante, monsieur.

L'autre question que je voudrais aborder concerne ce que vous avez dit à propos du plus grand contrôle que les particuliers doivent pouvoir exercer sur la circulation des renseignements personnels qui les concernent. Vous avez parlé de la situation où il fallait signer des formulaires disant que vous ne vouliez pas acheter un produit.

Vous avez également passé par les formalités pour obtenir une carte de crédit. Lorsque vous avez fait la demande, je suis certain que vous avez lu tout ce qui était écrit en petits caractères au verso du formulaire. Dans ce texte en petits caractères, on accorde à celui qui émet la carte de crédit le pouvoir d'aller chercher à peu près n'importe quel renseignement au sujet de votre situation financière et de communiquer cette information à à peu près n'importe qui. Que pouvez-vous faire à cet égard?

M. Black: Je vais vous répondre à titre personnel plutôt qu'au nom d'une société. De toute évidence, ce n'est pas quelque chose que nous faisons. Je trouve cela étonnant et offensant. Lorsqu'une banque reçoit un rapport à votre sujet, elle devrait vous en donner un exemplaire afin que vous ayez les mêmes données. Cela pourrait ajouter un peu de discipline au système.

Le sénateur Kenny: Dans votre mémoire, au point 3 qui porte sur la vente au détail d'assurance et le crédit-bail automobile, vous parlez d'une série de recommandations fermes permettant aux particuliers d'exercer un meilleur contrôle sur la divulgation et l'utilisation des renseignements personnels qui les concernent.

Pourriez-vous répondre, en tant que société, nous en dire un peu plus long là-dessus?

M. Black: Il est raisonnable qu'un prêteur pose des questions au sujet d'un particulier pour déterminer sa solvabilité. Cependant, une banque ne doit pas prendre ces renseignements et les utiliser dans une banque de données de marketing.

Nous posons des questions aux gens au sujet de leur santé lorsqu'ils achètent de l'assurance, mais nous utilisons ces renseignements uniquement à cette fin. Nous pourrions avoir une filiale paramédicale, prendre ces renseignements que nous obtenons au sujet de la santé de nos clients et les verser dans une base de données de marketing pour notre filiale de services médicaux. Cependant, ce ne serait pas bien, car les gens ne nous ont pas fourni ces renseignements à cette fin.

Le sénateur Kenny: Est-ce que votre compagnie vendrait des listes d'abonnés?

M. Black: Non.

M. Black: Certaines des compagnies qui font du marketing direct achètent des listes, oui.

Le sénateur Kenny: Est-ce que votre recommandation s'étend à la vente de ces listes?

M. Black: Je n'ai rien contre la création d'une liste à partir d'une liste d'abonnés à une revue. Je ne suis pas d'accord cependant lorsqu'une liste est créée à partir de données qui ont été fournies dans le cadre d'une demande de crédit.

Le sénateur Kenny: Que pensez-vous de ceux qui vendent la liste des acheteurs d'assurance-vie?

M. Black: Je ne suis pas sûr que ce serait bien pour une compagnie d'assurance-vie de vendre la liste de gens qui ont acheté de l'assurance. Je n'ai jamais réfléchi à la question auparavant. Nous ne le ferions pas, mais je ne sais pas si en général c'est une bonne idée.

Le sénateur Kenny: J'essaie de déterminer où est la limite.

M. Black: La limite, j'en suis certain, c'est lorsque les renseignements ont été fournis de façon involontaire, c'est-à-dire lorsqu'on doit fournir des renseignements pour montrer qu'on est solvable soit pour un prêt ou pour l'achat d'assurance. Les gens ne devraient pas prendre ce genre de renseignements et les verser dans une base de données de marketing, ça j'en suis certain.

Le sénateur Kenny: Au-delà de cela, voulez-vous y réfléchir davantage?

M. Black: Au-delà de cela, c'est une question à laquelle je n'avais pas réfléchi auparavant.

Le sénateur Kenny: Dans votre exposé, vous avez parlé brièvement de la fusion des banques. Nous n'étudions pas cette question directement aujourd'hui. Cependant, je n'ai pu m'empêcher de remarquer que vous avez dit que la fusion des banques serait une mauvaise chose pour votre société. Pouvez-vous nous en parler davantage pour éclairer le comité?

M. Black: Nous pensons tous au montant de 7 $ ou de 9 $ par mois que nous devons payer pour nos comptes de chèques individuels. En tant que société, nous avons un compte de chèques pour lequel nous payons 100 000 $ par mois en frais de service. Le montant de ces frais dépend de la concurrence qui existe pour ce service.

Il y a cinq grandes banques, mais elles ne se font pas toutes concurrence pour travailler avec nous. Dans cette ville, il y en a seulement trois qui se font concurrence. À notre avis, ce qui fait baisser les prix c'est la concurrence, non pas la technologie.

Le sénateur Kenny: Vous êtes une grande société. Pourquoi est-ce que seulement trois banques se font concurrence pour vous avoir comme client? Pourquoi est-ce que les cinq banques n'essaient pas d'avoir votre compte?

M. Black: Dans cette ville, il n'y a que deux banques qui sont vraiment fortes. Une troisième est assez forte, mais les deux autres ne sont pas vraiment importantes ici, pour ce qui est des affaires qu'elles transigent. Halifax n'est pas une petite ville. C'est la plus grande ville de la région.

La Banque Royale et la Banque de Nouvelle-Écosse sont très concurrentielles. La Banque de Commerce est parfois concurrentielle. La Banque de Montréal et la Banque Toronto-Dominion ne cherchent pas à obtenir notre clientèle dans de nombreux domaines.

Tout le monde pense qu'il y a cinq banques partout, mais ce n'est pas le cas. La région compte de nombreuses petites municipalités. Combien pensez-vous qu'il y a de banques dans bon nombre de ces plus petites villes? Elles ne sont pas nombreuses.

Le sénateur Kelleher: Sous la rubrique «démutualisation» dans votre mémoire, vous dites:

La Maritime Compagnie d'Assurance-Vie signale qu'il ne serait sain ni pour le secteur ni pour les clients s'il y avait fusion des quatre grosses sociétés d'assurance mutuelle en même temps. Les fusions devraient être plutôt échelonnées...

Pouvez-vous nous donner les raisons pour lesquelles vous dites cela?

M. Black: Nous allons peut-être un peu trop vite, mais dans notre secteur, on suppose déjà que peu après les démutualisations et cette période intérimaire de trois ans, il pourrait y avoir des fusions entre ces sociétés. Les questions qui s'appliquent au secteur des banques -- tout au moins les questions de politique gouvernementale -- devrait s'appliquer de la même façon à l'industrie de l'assurance-vie. Il faudrait peut-être plutôt dire que la politique du gouvernement devrait limiter les fusions entre les compagnies d'assurance-vie lorsqu'on a l'impression qu'il y a peut-être un peu trop de concentration dans notre secteur. Voilà vraiment ce que nous voulons dire.

Le sénateur Kelleher: Cela ne concerne pas vraiment la démutualisation, alors?

M. Black: Non. La Great West a déjà pris le contrôle de la London Life. Notre secteur commence à connaître une assez grande concentration. Il y a encore de nombreuses compagnies d'assurance-vie, mais lorsqu'il n'en restera que 10 ou 12 -- ou dès qu'une compagnie détiendra plus de 20 à 25 p. 100 du marché --, la gouvernementale devrait être de décourager d'autres regroupements car encore une fois, il y a trop peu de concurrence pour les clients.

Le sénateur Kelleher: Vous avez dit -- et nous sommes à peu près tous d'accord avec vous -- que vous êtes inquiet du manque de concurrence en ce qui a trait aux services bancaires de base. Cela semble également inquiéter M. MacKay, et il propose ce que nous appelons tous des services bancaires «de deuxième niveau». D'après lui, les caisses populaires et les coopératives de crédit pourraient fournir de tels services.

M. Knight, qui dirige le mouvement des coopératives de crédit au Canada, est très enthousiasme à cette idée, tout comme le sont les représentants de VanCity, qui ont comparu devant nous à Ottawa. Nous étions nombreux à être persuadés que cela serait effectivement une bonne solution et nous en étions très satisfaits jusqu'à ce que nous venions ici.

Les témoins qui ont comparu devant nous hier ont tempéré notre enthousiasme en disant qu'une telle solution pourrait être adaptée au reste du Canada, mais que les choses sont différentes dans les Maritimes pour ce qui est des coopératives de crédit. Ces coopératives ne sont pas aussi nombreuses ici et elles sont beaucoup plus petites. Nos témoins d'hier n'étaient pas certains que les coopératives de crédit puissent se tailler une place suffisante dans le secteur bancaire, et ils croyaient qu'il leur faudrait pour cela de nombreuses années.

Vous n'êtes pas un spécialiste de ce domaine, mais vous êtes un observateur intéressé de la situation dans les Maritimes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de leurs préoccupations. Croyez-vous que le tableau soit aussi sombre qu'ils l'ont dit ou êtes-vous plus optimiste?

M. Black: Je serais porté à partager leur pessimisme. Des coopératives de crédit peuvent être une bonne solution dans certaines parties pays, dont la Colombie-Britannique et le Québec. Il y a des régions où les coopératives de crédit n'offrent toutefois pas une solution de rechange suffisante, et c'est certainement le cas dans les provinces de l'Atlantique. Je ne crois pas que cela puisse changer dans un avenir prévisible.

Le postulat tacite sur lequel vous fondez votre déclaration, c'est qu'il y a aujourd'hui trop peu de concurrence. C'est peut-être vrai dans certaines autres parties du pays. Il faut accroître la concurrence avant même de penser aux fusions, puisqu'au départ la concurrence est insuffisante. À mon avis, il faut éviter tout ce qui réduit la concurrence. Au contraire, il faut trouver des moyens de l'accroître.

Si la politique peut favoriser la promotion des coopératives de crédit dans les provinces de l'Atlantique, tant mieux. Toutefois, je ne suis pas très optimiste quant au résultat.

Le sénateur Kelleher: Les coopératives de crédit et les caisses populaires peuvent augmenter la concurrence dans d'autres parties du pays, mais vous ne croyez pas que ce soit une option valable dans les provinces Maritimes. Comment pourrait-on accroître la concurrence dans les Maritimes, à votre avis?

M. Black: Il est encore plus nécessaire dans les Maritimes qu'ailleurs d'accroître la concurrence, et la meilleure façon d'augmenter la concurrence où que l'on soit, c'est de permettre l'arrivée d'entreprises étrangères. Si je dis cela, c'est que ces entreprises devront faire de très grands efforts de marketing pour s'établir ici, mais un bon nombre d'entre elles amèneront avec elles des technologies pertinentes.

Les nouvelles entreprises qui veulent offrir des services bancaires de base devront surmonter des obstacles énormes. Je veux bien que l'on encourage les coopératives de crédit, mais la meilleure solution, c'est d'encourager la participation d'autres intervenants étrangers.

Le sénateur Kelleher: Vous faites preuve d'une grande ouverture envers vos concurrents du secteur bancaire. Vous ne vous opposez pas à leur arrivée sur le marché. C'est une attitude très agréable et je vous en félicite.

Puisque vous faites partie d'une société d'assurance, seriez-vous intéressé à offrir certains services qui relèvent généralement des banques?

M. Black: Non, et c'est à cause des obstacles qu'il faut surmonter pour pouvoir faire de telles transactions. Il faudrait des sommes d'argent énormes, et je ne pourrais recommander une telle solution à nos actionnaires.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: À Ottawa, une association de consommateurs a demandé, dans le but de protéger les consommateurs, d'inclure avec votre facture ou avec votre renouvellement d'assurance, un formulaire permettant à la personne de souscrire 10, 20 ou 50 dollars pour une association de consommateurs afin d'avoir un réseau national pour appuyer cette protection. Je me demande si votre entreprise s'opposerait à inclure un formulaire qui donnerait un choix. On pourrait reconnaître un certain nombre d'associations nationales qui, comme au États-Unis, disposeraient d'un fonds important pour informer et ainsi protéger le consommateur. Est-ce que votre société serait d'accord pour inclure ce type de formulaire dans les enveloppes qu'elle envoie aux consommateurs?

M. Black: Si le choix de l'association n'est pas obligatoire ou si le consommateur peut appuyer n'importe quelle association, ce n'est pas un problème. Ce n'est pas à nous de promouvoir ces associations. Mais nous n'avons pas de problème à les inclure dans nos factures.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ils offrent de préparer le dépliant. Évidemment, cette association propose le sien. Ils devraient y avoir un dépliant pour un certain nombre d'associations afin de donner un choix aux consommateurs.Votre client serait libre d'envoyer ou non une contribution à l'association.

M. Black: Si ce sont les mêmes règles pour tout le monde, nous n'avons pas de problème avec cette proposition.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le financement des associations de consommateurs est assuré en grande partie par des contributions des gouvernements. Le gouvernement reçoit des demandes d'associations. Si l'on met ce système en place, le gouvernement doit-il rester présent un certain temps pour permettre à ces associations de fonctionner et de mettre sur pied une base nationale? Vous ne vous opposez pas à une contribution gouvernementale pour mettre sur pied ces associations?

M. Black: Je pense qu'il faudrait un soutien par le gouvernement des contributions pour de telles associations de consommateurs.

Le sénateur Hervieux-Payette: Éventuellement?

M. Black: Oui, sénateur.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre mémoire, vous dites que vous vous situez au troisième rang au chapitre des ventes de produits de placement individuel au Canada. Hier, nous avons entendu le professeur Colin Dodds qui nous disait que les épargnes des Canadiens se retrouvaient moins dans les banques que dans les produits de placement et qu'il y avait eu un déplacement énorme du rôle des banques comme institutions d'épargnes des Canadiens. Donc les banques avaient un rôle mineur et ont énormément d'argent maintenant dans ces différents fonds. Il se demandait où étaient investis ces fonds et ce qu'il en était de l'absence de contrôle de quelque nature que ce soit sur ces fonds.

Ce comité a recommandé d'augmenter de 20 à 30 p. 100 la possibilité d'investissement à l'étranger lorsque que ces fonds sont des fonds de retraite enregistrés. Mais lorsque ce ne sont pas des fonds de retraite enregistrés, ils peuvent être investis partout sur la planète et le risque que le consommateur prend n'est pas connu. À votre avis, est-ce que le gouvernement devrait jouer un rôle dans l'avenir pour protéger les citoyens qui mettent leurs épargnes dans ce type de placement et devrait-il s'assurer, lorsque cette personne prend sa retraite, soit du fonds enregistré ou du fonds personnel, que la personne ne se ramasse pas avec une institution qui a investi dans des pays étrangers et que le tout a disparu? Serait-ce un rôle du gouvernement ou d'une institution réglementaire de regarder où vont ces fonds et comment ils sont investis?

M. Black: D'abord, il ne faut pas investir dans un pays étranger pour prendre de grands risques. Les actionnaires de Bre-X connaissent cela. On pourrait avoir des placements sécuritaires dans des pays comme les États-Unis et l'Angleterre et on pourrait prendre des risques au Canada. Il faut que les risques soient bien compris par les consommateurs au début des contrats. Mais ce n'est pas une question de risques des placements étrangers au Canada.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que vous croyez que vos clients comprennent vos stratégies d'investissement? Le client particulier qui va dans une institution, d'après moi, fait confiance à votre institution, mais il n'est pas un spécialiste capable de juger de sa compétence, c'est-à-dire de juger du bien-fondé du placement de ces argents.

M. Black: Nous avons plus de 100 000 clients qui investissent chez nous et je ne connais pas tout ce qu'ils savent. Nous avons pour but de communiquer souvent avec nos clients au sujet des risques du contrat. Des intermédiaires indépendants offrent leurs conseils aux consommateurs.

Les taux d'intérêts, par exemple, pour les contrats garantis, sont de 4 à 5 p. 100, ce n'est pas très intéressant. La plupart des consommateurs ne s'intéressent pas à de tels contrats. Ils veulent avoir des fonds distincts et des fonds mutuels et il y a toujours des risques. Les gouvernements, provinciaux ou fédéral, doivent examiner si les méthodes de communication sont bonnes pour illustrer les risques. C'est pour communiquer et non pas pour réduire les choix des consommateurs.

Le sénateur Hervieux-Payette: Des experts de votre secteur disent que les coûts de service dans le domaine des placements des fonds sont souvent très compliqués à comprendre et qu'ils ne sont pas réglementés. On sait qu'il y a beaucoup de critiques sur les frais de services bancaires. J'ai l'impression que les gens ne sont pas conscients des frais d'administration des fonds de placement. Souvent, il y a des pénalités pour quitter le fonds et il y a des frais cachés.

Est-ce que vous êtes d'accord? Ce secteur est en croissance fulgurante. Devrait-on s'assurer que les consommateurs connaissent les frais d'administration comme les frais de transaction?

M. Black: En anglais, le «Management Expense Ratio» est bien connu de tous les fonds dans les journaux comme le Globe and Mail, The Financial Post. Ils utilisent souvent les «Management Expense Ratio». Cela inclut tous les frais des contrats et ils sont dans les journaux à toutes les semaines. À mon avis, les consommateurs qui s'intéressent aux frais peuvent bien comprendre les taux.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais bien avoir l'opinion du citoyen moyen. Je trouve qu'il est plus facile pour moi de recevoir mon état de compte de ma banque et de voir les frais mensuels. C'est une critique constante. Ce n'est pas toujours facile. Vous dites que c'est publié dans le journal. Mais il faut savoir qu'il y a des fonds qui viennent de l'étrange,r et je ne suis pas certaine que se soit aussi transparent pour toutes les administrations de fonds et que les rapports des journaux nous renseignent sur les frais de tous les fonds.

M. Black: Il est possible que les compagnies de fonds mutuels ou d'assurance-vie, quand elles fournissent leurs factures, ne donnent pas la bonne information. Les journaux offrent un bon service de comparaison que le consommateur peut consulter.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk: Depuis que nous avons entrepris ces audiences, j'ai acquis un vif intérêt pour les questions d'assurance dans les banques, de ventes liées et de protection des consommateurs. Lorsqu'un de vos agents ou de vos vendeurs discutent d'assurance-vie avec un client, qu'est-il supposé dire à ce client? Quel degré de professionnalisme exigez-vous?

M. Black: Je tiens à souligner que les gens qui vendent nos produits sont sans lien avec nous. Ils ont toute discrétion de choisir le produit qui, à leur avis, convient le mieux à leurs clients; je me dis qu'ils choisissent le produit adéquat au départ. Deuxièmement, je m'attends à ce qu'ils puissent déterminer ce qu'ils sont capables ou incapables de faire. Même s'ils possèdent beaucoup de connaissances dans certains domaines, il y aura toujours des domaines qu'ils connaissent moins bien et qu'ils devraient éviter. Par exemple, les spécialistes de l'assurance-vie ne savent pas grand-chose, pour la plupart, de l'assurance multirisque; ils devraient éviter ce domaine.

Ils devraient essayer de comprendre la situation financière du client ainsi que ses objectifs financiers à long terme. Ensuite, ils devraient sans doute proposer diverses solutions pour atteindre ces objectifs.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous avez présenté cette demande pour dépenser de l'argent que vous avez déclaré ne pas avoir, vous dites qu'on vous a offert de l'assurance-vie. Qui vous a offert cette assurance-vie?

M. Black: Le directeur de la succursale.

Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous qu'il s'y connaisse en assurance-vie?

M. Black: Non.

Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous qu'il soit qualifié pour discuter d'assurance-vie avec un client?

M. Black: Non.

Le sénateur Tkachuk: D'après ce que j'ai vu, lorsqu'on a essayé de me vendre de l'assurance-vie, il n'en avait pas la moindre idée.

M. Black: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: S'il décidait de vendre de l'assurance multirisque, serait-il plus compétent dans ce domaine?

M. Black: Des problèmes que j'ai mentionnés au sujet de l'assurance-vie s'appliqueraient également à l'assurance multirisque. Pour pouvoir offrir ces services, le personnel des banques devrait d'abord être bien formé et qualifié.

Le sénateur Tkachuk: Les consommateurs souhaitent une plus grande concurrence. Les banques offrent maintenant des services d'assurance-vie.

C'est un peu comme si on me donnait le droit de vendre des médicaments dans le bureau d'un médecin. Des gens pourraient croire que le médecin m'a donné la permission de vendre des médicaments et de guérir des cancers. Peu importe que je sache si mes médicaments peuvent oui ou non guérir un cancer, les clients pourraient croire que le médecin approuve les médicaments que je vends. Je ne crois pas que ce serait une façon loyale de faire concurrence aux autres fabricants de médicaments.

On parle d'interdire la vente coercitive liée, mais on peut adopter toutes les lois du monde, il est impossible d'empêcher les gens de faire ce qu'ils veulent chez eux. Tout ce que l'on peut faire, c'est indiquer quel comportement tous devraient adopter.

Ceux qui vendent de l'assurance-vie et de l'assurance multirisque ont un avantage marqué. Celui qui vous vend votre hypothèque peut voir dans son ordinateur la valeur du mobilier qu'il y a chez vous. Lorsque quelqu'un achète une propriété, les banquiers en sont vite informés. Ils ont ces renseignements dans leurs ordinateurs.

C'est ce même banquier qui vous vend votre hypothèque. Puisqu'il remplit les formulaires pour vous, il connaît la valeur de votre maison et bien d'autres choses. Croyez-vous que ce soit une concurrence loyale?

M. Black: Nous partageons vous et moi des opinions semblables.

Le sénateur Tkachuk: Comment mettre fin à cela? Comment pouvez-vous dire à cette personne qu'elle enfreint la loi, comme je le crois?

M. Black: Je ne connais pas nécessairement la bonne solution. Je vais me limiter à l'assurance-vie, puisque c'est le domaine que je connais. Ce serait un tort de refuser aux banques de vendre de l'assurance-vie, car il y a peut-être tout un groupe de consommateurs que nos moyens de distribution traditionnels n'atteignent pas suffisamment. La politique gouvernementale devrait avoir pour but d'augmenter les options que peuvent avoir ces consommateurs.

Je partage votre inquiétude. Vous dites, comme M. MacKay, que les banques peuvent offrir ces services si elles respectent ces trois conditions. Toutefois, je ne vois pas comment ces conditions peuvent être respectées. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question et mon témoignage visait à souligner que les banques ne satisfont pas aux critères à l'heure actuelle. Ce serait un tort que de leur opposer un non absolu, puisqu'en principe c'est une bonne chose qu'il y ait davantage de concurrence et de choix différents pour le consommateur.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez bien dit que les sociétés d'assurance-vie ne seraient pas intéressées à offrir des services bancaires de base, n'est-ce pas?

M. Black: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Ne croyez-vous pas que le marché des services bancaires sera envahi par une horde de nouveaux participants?

M. Black: Pas du secteur de l'assurance-vie, non. Nous n'envisageons pas de participer au système de paiements pour pouvoir offrir des comptes chèques à tous les coins de rue. Si nous voulons participer au système de paiements, c'est pour pouvoir offrir nos produits aux consommateurs sans avoir à passer par un de nos concurrents.

Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous que ce soit également vrai de la plupart des autres sociétés d'assurance?

M. Black: Oui, absolument.

Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, votre secteur du monde financier ne fera pas grand concurrence à celui des banques?

M. Black: C'est exact. Ce n'est pas parce que nous sommes des gens ennuyeux, c'est parce que les obstacles sont trop grands pour que nous puissions pénétrer ce secteur.

Le sénateur Tkachuk: Dans votre mémoire, à la rubrique portant sur la «Vente d'assurance au détail et le crédit-bail automobile», vous dites:

Enfin, nous estimons que les mécanismes d'entrée des banques dans le secteur de l'assurance devraient être établis par un organisme ne faisant pas partie du système bancaire afin d'en garantir l'équité et l'objectivité.

Qu'entendez-vous par cela?

M. Black: Nous essayons d'en arriver au même point que vous, sénateur. Les banques parlent beaucoup de leur régime d'autoréglementation. Nous croyons que quelqu'un ne faisant pas partie des banques devrait examiner cela. Nous devrions avoir un organisme semblable à celui que propose le sénateur Hervieux-Payette. Un tel organisme examinerait de façon indépendante si les clients font leur choix librement ou si certaines des questions qui vous inquiètent influent sur leur décision.

Le sénateur Tkachuk: Si les banques font de la commercialisation directe, comment pourrons-nous vérifier si elles se servent de la liste du Financial Post ou de leur propre liste de prêt?

M. Black: Ce n'est pas un renseignement que le client a besoin de savoir. Le gouvernement, dans la supervision qu'il fait, doit pouvoir le vérifier et établir, à sa satisfaction, que les banques utilisent des renseignements obtenus par des moyens raisonnables.

Le président: Le sénateur Tkachuk a demandé s'il serait souhaitable d'avoir un observateur de l'extérieur puisse voir si les règles sont bien observées. En réponse à sa question, vous n'avez pas commenté la recommandation du rapport MacKay sur la création d'un ombudsman pour tout le secteur des services financiers. On dit dans cette recommandation que l'ombudsman ne serait pas payé par l'industrie, qu'il serait en fait autonome par rapport à l'industrie. D'après votre réponse au sénateur Tkachuk, puis-je croire que vous êtes en faveur de cette recommandation?

M. Black: Ce mot d'ombudsman est plein d'ambiguïté. Certains croient qu'un ombudsman est un défendeur des droits, d'autres estiment qu'il s'agit d'un poste quasi judiciaire. Je ne sais pas très bien comment le poste d'ombudsman est défini dans le rapport MacKay, ni les pouvoirs qui seraient conférés à son titulaire. J'évite toujours d'utiliser ce terme, car il n'est pas suffisamment clair.

Nous sommes sur la même longueur d'onde. Un organisme de réglementation devrait pouvoir inspecter les banques et le secteur pour voir à ce que les consommateurs puissent choisir librement. En outre, pour aller dans le même sens que la question du sénateur Hervieux-Payette, cet organisme devrait également voir à ce que les consommateurs soient bien informés de l'évolution des produits qu'ils achètent.

Le président: Compte tenu des observations que vous avez faites au sujet du BSIF et de l'incohérence qu'il y a à réglementer la sécurité de ce marché tout en garantissant suffisamment de risques pour qu'il y ait de la concurrence, croyez-vous que le rôle de ce vérificateur serait différent de celui du surintendant des institutions financières, car cette fonction porterait davantage sur la protection des consommateurs plutôt que sur la sécurité des marchés?

M. Black: Il ne faudrait pas confier cette tâche au BSIF pour toutes sortes de raisons. Je ne suis pas certain si cet organisme devrait être un organisme fédéral, mais en tout cas, il ne faudrait pas que ce soit le BSIF.

Le président: Dites-vous cela parce que les règles qui régissent les pratiques commerciales pourraient en fait être de compétence provinciale?

M. Black: Je ne suis pas venu pour discuter de cela.

Le président: De toute évidence, ce ne devrait pas être le même organisme de réglementation qui voit à la sécurité du marché.

M. Black: Absolument pas.

Le sénateur Callbeck: Permettez-moi de vous poser quelques questions au sujet des rapports sur les responsabilités envers la collectivité, que vous mentionnez dans votre mémoire. Vous êtes satisfait de la recommandation et vous estimez que c'est une façon responsable de participer à la collectivité. Vous décrivez ensuite ce que Maritime Compagnie d'Assurance-Vie a fait dans la collectivité. Sous quelle forme ces rapports devraient-ils être présentés? Quels renseignements devraient-ils contenir? Vous ne parlez que de la collectivité. Mais si, par exemple, les banques remplissent ces rapports, ne devraient-elles pas y inclure des renseignements décrivant, entre autres, la façon dont elles investissent dans les petites entreprises locales?

M. Black: Nous avons appuyé cette recommandation. Je ferai toutefois une mise en garde. Ce sont des activités qui visent à appuyer la collectivité, pas une campagne de relations publiques. Même si nous approuvons l'orientation, nous nous inquiétons de ce que les rapports sur les responsabilités envers la collectivité risquent de devenir une occasion de se vanter. Les gens pourraient perdre de vue la raison d'être de ces activités, c'est-à-dire renforcer les collectivités dans lesquelles nous vivons et travaillons.

Le président: L'un de nos collègues, le sénateur Stewart, qui n'est pas parmi nous aujourd'hui, appelle ces rapports «le pétage de bretelles annuel». Vous dites qu'il existe un risque réel que ces rapports, conçus au départ pour énoncer des faits, pourraient tourner en outil de relations publiques?

M. Black: Un tel rapport peut être très utile dans le cas des dons de charité reconnus par le fisc. Les prêts aux petites entreprises donnent lieu à de nombreux débats et je ne crois pas que ces rapports puissent être un bon outil de communication. Je ne sais pas toujours d'où les banques tirent les chiffrent qu'elles fournissent au sujet de leurs prêts aux petites entreprises. Bon nombre de ces prêts ne sont pas consentis à de petites entreprises. Les données qui seront fournies ne seront pas utiles.

Le sénateur Hervieux-Payette: Pourriez-vous m'expliquer le programme que vous avez mis en oeuvre? Certaines sociétés le connaissent peut-être bien, mais ce n'est pas nécessairement le cas de tous. Ce programme comporte sans doute des critères et il est important que vous nous les expliquiez.

M. Black: L'objectif de base, c'est d'en arriver à des contributions annuelles, en dons de charité, de 1 p. 100 de nos profits avant impôt. Nous avons atteint cet objectif. En outre, nous voulons promouvoir cette idée auprès d'autres organismes, et c'est pourquoi nous l'avons inclus dans notre mémoire. C'est une bonne idée.

Aider les collectivités, c'est bien plus que verser de l'argent. Par exemple, il est tout aussi important d'encourager les employés à participer.

Le sénateur Callbeck: Faudrait-il en faire une formule normalisée? Dans ce cas, qui devrait le faire -- le BSIF, le ministère des Finances? Quand je parle de normalisation, je veux dire que quelqu'un de l'Île-du-Prince-Édouard pourrait comparer les contributions des différents établissements financiers.

M. Black: Ce dont il s'agit, ce sont de contributions à des organismes de charité qui renforcent les collectivités. Le BSIF, ou un autre organisme, pourrait facilement préparer un formulaire que nous pourrions tous remplir et qui permettrait d'avoir des chiffres comparables que nous aurions à inclure dans nos états financiers.

Le sénateur Callbeck: Selon vous, qu'est-ce que cela donnerait? Cela encouragerait-il les institutions financières à être plus généreuses?

M. Black: Oui.

Le président: Pourquoi la politique gouvernementale devrait-elle imposer à lui seul, le secteur des services financiers, la préparation d'un rapport sur les responsabilités envers la collectivité? Il existe dans toutes les régions du pays des localités qui sont dominées par un secteur de l'économie, qui sont essentiellement des localités mono-industries, surtout les collectivités exploitant des matières premières. Nous n'exigeons pas des entreprises d'exploitation minière, de pêche ou de foresterie de produire des documents de ce type. Pourquoi imposerions-nous des documents de ce type. Pourquoi imposerions-nous ce niveau de réglementation aux entreprises du secteur des services financiers? Si c'est si bon pour les entreprises, ne peuvent-elles pas le faire sans y être forcées?

M. Black: Je ne disais pas que seules les entreprises de services financiers devraient y être contraintes. Si elles le sont, les autres devraient l'être également.

Le président: La question véritable est de savoir si l'on est prêt à imposer cette politique à toutes les entreprises au Canada plutôt que de choisir les institutions financières en particulier.

M. Black: C'est exact.

Le président: Les institutions financières devraient-elles être traitées exactement comme les autres entreprises?

M. Black: Absolument.

Le sénateur Austin: La régie et les capacités du BSIF m'intriguent. Lorsque M. MacKay a comparu devant nous le 28 septembre, j'ai discuté avec lui de la recommandation du rapport selon lequel le BSIF devrait s'occuper de la concurrence.

Je reconnais avec vous qu'il existe de nombreuses contradictions, certaines inévitables, dans les objectifs du rapport MacKay. Créer un système plus concurrentiel en ce qui a trait au coût de l'argent et au coût des services financiers est un objectif louable de politique gouvernementale. Toutefois, la méthode choisie peut donner lieu à des conflits. Vous en avez signalé quelques-uns ce matin.

Où M. MacKay voulait-il en venir en ajoutant cet élément de concurrence? Dans sa réponse, il a dit:

En formulant ces recommandations, nous avons essayé d'expliquer clairement que le BSIF resterait, d'abord et avant tout, un responsable prudent de la réglementation, avant son action sur la sécurité et la solvabilité.

Puis il a ajouté:

Nous avons essayé d'expliquer qu'on devrait permettre à de nouveaux joueurs, à de nouveaux produits, d'entrer dans l'équation. Cela ne dispenserait pas de passer un test de qualifications et de compétences, il faudrait tout de même prouver sa sécurité et sa solvabilité, mais par exemple, dans un secteur où les besoins en capitaux sont restreints, parfois même négligeables, le BSIF devrait pouvoir examiner chaque proposition individuellement et ne pas être forcé de respecter un chiffre fixe de 10 millions de dollars.

M. MacKay parle de la concurrence et du BSIF comme responsable de la réglementation lorsqu'il est peu probable qu'il y ait un risque systémique. Et le rapport MacKay et le comité sénatorial des banques ont proposé que le BSIF ait également un conseil d'administration indépendant qui, essentiellement, servirait de comité consultatif à la haute direction du BSIF. Supposons pour l'instant que cela soit réalisable. La recommandation MacKay est-elle pour autant souhaitable?

M. Black: Si le conseil se compose de gens dont l'adhésion au comité se justifie par la compétence pour le travail à faire, ce serait une bonne idée. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas des organismes dont les membres sont nommés par le gouvernement. J'ai un conseil d'administration et je trouve très utile de discuter de certaines idées avec ses membres.

Tous les rôles que M. MacKay envisage pour le conseil du BSIF pourraient être utiles, y compris celui de servir de structure de régie pour le BSIF même. Je vois là un potentiel positif, mais j'y vois également un potentiel d'embrouilles. Les gens qui veulent quelque chose du BSIF pourraient se mettre à démarcher certains membres du conseil. C'est un vaste problème.

Le sénateur Austin: L'actuel gouvernement britannique essaie de prévoir, dans son administration des services financiers, une structure de ce type. Il établit un conseil indépendant composé de gens qui ont travaillé dans le secteur des services financiers, qui agiront comme conseillers. Bien sûr, ces gens doivent avoir rompu tous leurs liens avec leur employeur antérieur. Le gouvernement estime que les divers intervenants du secteur des services financiers méritent de jouer un rôle à la table où l'on débat des principes. C'est ce que le groupe de travail MacKay a tâché de reproduire.

M. Black: Comme vous avez parlé à M. MacKay, vous savez probablement mieux que moi ce que sont ses idées sur cette question. Je pense qu'il s'intéressait aux questions de régie normale et pas nécessairement à ce que des intervenants ou des ex-intervenants du secteur des services financiers servent de surveillants pour les responsables de la réglementation. Évidemment, on aime avoir des gens qui sont compétents. Je le répète, j'y vois un potentiel positif, mais aussi un potentiel d'embrouilles. Je tiens à être prudent.

Le sénateur Austin: Vous avez déjà exprimé des doutes au sujet de la subjectivité de responsables de la réglementation qui encouragent également à l'élaboration de nouveaux produits et de nouvelles pratiques de concurrence. J'aimerais bien que vous vous expliquiez. Pour l'essentiel, un responsable de la réglementation établit des critères objectifs de comportement. Or, le rapport MacKay propose toute une série de critères subjectifs.

M. Black: Je trouve inquiétant de mettre le BSIF au défi de s'acquitter de mandats conflictuels. Ce n'est pas une bonne idée. Accroître la concurrence est une bonne chose et nous devrions toujours essayer de le faire. Mais je ne pense pas que le BSIF soit l'organisme idoine pour y parvenir. Je peux voir qu'il soit bon d'avoir un organisme distinct dont le rôle serait de favoriser et de promouvoir la concurrence. Cet organisme pourrait amener le BSIF à régir avec moins de rigueur, en soutenant que le système n'est pas à risque et en montrant qu'il va en profiter. Toutefois, laissons le BSIF se préoccuper uniquement de sécurité.

Le sénateur Austin: Le BSIF pourrait-il prévoir dans sa structure de fonctionnement une personne ou un groupe ayant rang de membre du conseil d'administration et dont le rôle serait de passer au crible les activités du BSIF relatives à la concurrence?

M. Black: Cela pourrait se faire.

Le sénateur Austin: Cela pourrait fonctionner ou non.

M. Black: Abstraction faite des autres questions que j'ai soulevées, je me préoccupe des difficultés de dotation.

Le sénateur Austin: Il y a également la question de l'appartenance à des intérêts étrangers. Nous avons toujours eu certains propriétaires étrangers dans le secteur de l'assurance-vie. Je sais que votre entreprise appartient entièrement à un très grand groupe américain. Avez-vous des préoccupations au sujet de l'appartenance de grandes banques à des entreprises étrangères?

Le groupe de travail MacKay, par exemple, propose que le niveau de participation unique passe de 10 à 20 p. 100 et, pour les participations multiples, que le niveau passe à 45 p. 100. Avez-vous quelque chose à dire au sujet de cette recommandation?

M. Black: Je n'ai aucune préoccupation à l'endroit de cette recommandation.

Le sénateur Austin: L'association d'une grande société étrangère et d'une des grandes banques canadiennes ne vous causerait aucune inquiétude, du point de vue de la politique gouvernementale?

M. Black: Ce n'est pas la question que vous m'avez posée. Vous m'avez posé une question au sujet du passage à 20 p. 100 du droit de participation pour un actionnaire unique et à 45 p. 100 pour plusieurs actionnaires. Je n'y vois aucune difficulté. Pour ce qui est de l'autre question, celle que vous venez de me poser, j'ignore ce qu'est ma position. Je n'ai pas de réponse très réfléchie, mais cela me préoccuperait.

Le sénateur Austin: Est-il important pour les Canadiens de continuer d'être propriétaires de leurs grandes banques ou cela n'a-t-il d'importance qu'à condition que le prix de l'argent et des services soit concurrentiel relativement aux services bancaires de la planète?

M. Black: Logiquement, le plus important serait d'avoir des services concurrentiels et rentables. Toutefois, je vois un feu jaune s'allumer dans ma tête pour ce qui est de la question que vous m'avez posée.

Le sénateur Austin: La question que nous sommes si nombreux à vouloir résoudre est de savoir si le fait d'appartenir à des intérêts canadiens a une importance quelconque relativement au contrôle de l'environnement financier et de la souveraineté du Canada. Je me demande où tracer la ligne de démarcation.

M. Black: Si les Canadiens sont propriétaires majoritaires, je veux bien que les propriétaires étrangers aient une participation plus grande que celle que nous permettons maintenant. J'ignore toutefois où se trouve le seuil à ne pas dépasser. Il est bien loin de la possibilité d'une mainmise par Citibank ou quelque chose de semblable.

Le président: Au cours des deux ou trois premières semaines d'audiences, nous avons constaté un profond changement dans le secteur des services financiers. Le dernier examen de la Loi sur les banques remonte à 1992. À cette époque, le secteur bancaire avait des vues unanimes et monolithiques sur les grands dossiers. Pareillement, le secteur de l'assurance-vie présentait un visage très conséquent et uni. Cela a changé. Par exemple, maintenant, dans le secteur bancaire, la question est de savoir quelle taille avoir pour être concurrentiel. Les grandes banques ont des opinions nettement différentes. Dans le secteur de l'assurance-vie, il y a également des vues conflictuelles, par exemple sur la possibilité de permettre ou non aux banques de vendre de l'assurance-vie.

Depuis 1992, qu'est-ce qui a entraîné cette fragmentation de la solidarité des divers intervenants?

M. Black: Je ne veux même pas essayer de répondre à cela.

Le président: Je me sers de l'exemple des banques uniquement pour montrer que la fragmentation ne se produit pas uniquement dans votre milieu, mais qu'elle est caractéristique de l'ensemble du secteur.

M. Black: Nos produits ne sont pas livrés aussi bien qu'ils devraient l'être pour répondre aux besoins des consommateurs. Peut-être que d'autres gens perçoivent cela et peuvent donc avoir une plus grande ouverture d'esprit sur des façons nouvelles de régler ce problème.

Le président: Cette perception n'était peut-être pas aussi marquée en 1992.

M. Black: Elle n'était certainement pas aussi marquée. Il y a une tendance latente des entreprises à se préoccuper plus de ce qui est bon pour les clients. Si l'on a l'oeil sur cette extrémité de la lorgnette, on a tendance à appuyer ces mesures un peu plus.

Le président: C'était généralement vrai de toutes sortes d'industries dans les années 90 parce que les entreprises se préoccupent beaucoup plus des clients et un peu moins de l'entreprise même.

Le sénateur Austin: Si le secteur bancaire a le droit de vendre directement de l'assurance-vie, continuerez-vous de vendre par l'entremise de courtiers indépendants? Dans quelle mesure le système de courtiers indépendants survivra-t-il si l'on permet la vente directe, par les banques, d'assurance-vie?

M. Black: Ce n'est absolument pas un problème pour le professionnel compétent qui maintient son autoformation et se concentre sur des produits de haut de gamme auprès de clients de niveau élevé. Ce sont là les gens avec lesquels nous traitons. Ils ont un excellent avenir, que les banques interviennent ou non sur le marché.

Le président: Merci, monsieur Black. Monsieur Lipsett, à vous la parole.

M. Bruce Lipsett, président, Insurance Brokers' Association of Nova Scotia: Je suis accompagné de M. Thompson, M. Stevens et M. Hyndman.

Le sénateur Tkachuk: Votre mémoire critique assez ouvertement certaines des analyses qui se trouvent dans le rapport du groupe de travail MacKay. C'est une perspective qui ne nous a pas été souvent présentée.

M. Lipsett: Nous estimons que le rapport MacKay a négligé certaines choses. Notre principale préoccupation tient au fait que le groupe de travail n'a pas pleinement évalué la qualité de la concurrence au sein du secteur des services financiers.

On a eu tendance à mettre dans le même panier l'assurance multirisque et l'assurance-vie. Le fait que notre produit soit unique et que la concurrence soit féroce pour trouver des souscripteurs nous amène à croire que les perspectives de M. MacKay sur la concurrence n'étaient pas tout à fait équilibrées. Nous avons tenu à vous communiquer ce point de vue aujourd'hui, pour être bien certains que vous compreniez notre caractère unique et que vous ayez l'occasion de nous demander en quoi nous nous sentons différents d'autres intervenants dans le secteur des services financiers.

Nous estimons que les membres du groupe de travail MacKay n'ont pas vu l'importance de ces questions parce qu'ils n'ont pas bien compris ce qui distingue l'assurance multirisque des autres secteurs. Contrairement aux hypothèques, aux prêts aux personnes ou aux entreprises, aux REER ou même aux polices d'assurance-vie, qui permettent aux souscripteurs d'emprunter de l'argent, l'assurance multirisque n'est pas un produit d'investissement. C'est un produit différent. L'assurance multirisque sert à payer dans le cas aléatoire d'une catastrophe ou d'un sinistre. C'est un produit à terme et c'est un secteur extrêmement concurrentiel.

Pour ce qui est de la concurrence, le groupe de travail n'a pas tenu compte du nombre de courtiers offrant des produits de services financiers dans le secteur de l'assurance multirisque dans diverses localités. Il y a un bon nombre de personnes qui travaillent auprès des gens dans diverses localités.

Dans mon mémoire, je fais état de la ville de Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, où je travaille et vis. C'est une petite ville, de moins de 10 000 habitants. Il y a huit bureaux, exception faite de la coopérative, avec 39 courtiers agréés. Nous sommes à quinze minutes de Mahone Bay et de Lunenberg et à 25 minutes de New Germany où il y a probablement 20 autres courtiers qui nous livrent concurrence auprès des souscripteurs. La situation n'est pas différente à St. John's, à Terre-Neuve ou à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a beaucoup de concurrence et les consommateurs ont désormais beaucoup d'options.

Le rapport MacKay ne traite pas de la question de concurrence pour ce qui est de l'assurance multirisque. Cela ne nous surprend pas. Le surintendant des institutions financières avait prédit en 1995 que cette erreur pouvait être faite parce que beaucoup de gens ne reconnaissent pas notre caractère particulier.

Il existe une vive concurrence dans le domaine de l'assurance multirisque. En 1992, les banques ont été autorisées à oeuvrer dans notre secteur et y jouent un rôle depuis. Il ne faut pas se leurrer; elles sont autorisées à être propriétaires de compagnies d'assurance. En fait, certaines le sont. C'était une bonne décision puisque cela a permis d'accroître la concurrence au sein de l'industrie.

La CIBC, par exemple, a bien réussi en Ontario et est devenue le plus important assureur de biens et risques divers au Canada. Son chiffre d'affaires s'élevait à 260 millions de dollars l'année dernière. Elle nous livre une concurrence loyale. Cependant, les banques semblent en vouloir encore plus. Elles veulent vendre des contrats d'assurance par l'entremise de leurs succursales, ce qui m'amène à vous parler de la question qui nous inquiète le plus, moi et mes collègues.

Si les succursales sont autorisées à vendre de l'assurance multirisque, elles auront un avantage injuste. Aucun règlement régissant les ventes liées, ou tout autre règlement gouvernemental, n'empêchera cela. Le consommateur se trouvera dans une situation de désavantage lorsqu'il rencontre son agent de prêts et se dit: «peut-être que je devrais prendre cette police d'assurance», parce que l'agent en sait beaucoup sur lui. Cet avantage concurrentiel injuste pourrait me forcer à fermer mes portes. Nous n'avons pas peur de la concurrence, mais nous voulons que les règles du jeu soient uniformes pour tous les intervenants.

Si les banques sont autorisées à vendre de l'assurance multirisque par l'entremise de leurs succursales, nombre d'emplois disparaîtront dans nombre de petites collectivités. Notre groupe représente quelque 400 courtiers et autres intervenants du secteur de l'assurance qui travaillent dans 600 bureaux dans la région de Atlantique. Nous craignons que des emplois ne disparaissent dans notre secteur. D'autres groupes que je ne suis pas prêt à citer ce matin m'ont dit qu'un nombre important d'emplois disparaîtront. Nous savons qu'il y aura perte d'emplois si les banques sont autorisées à prendre le contrôle d'une industrie qui connaît un bon succès.

Je ne veux pas trop insister sur ce point. Vous avez entendu ce message auparavant et j'espère que vous comprenez notre point de vue ou que tout au moins vous comprenez la différence entre l'assurance multirisque et l'assurance-vie.

Le président: Quand j'écoute ce que vous et d'autres membres de votre secteur disent, j'ai l'impression que vous ne jugez pas faire partie du secteur des services au même titre que les autres intervenants, parce que vous n'acceptez pas d'argent pour un engagement sur une période donnée, par là j'entends 12 mois, ce qui n'est pas une longue période. Vous vendez dans l'ensemble un produit. Il s'agit d'un produit clairement défini pour une période donnée, une brève période. Ai-je raison de conclure que c'est là une des raisons pour laquelle vous présentez ces arguments?

À bien des égards, les assurances multirisques sont différentes des autres produits du secteur des services financiers. Ai-je raison? Est-ce ce qui explique dans une large mesure votre position?

M. Lipsett: Oui. Ce secteur est bien différent des autres instruments financiers offerts.

M. Fred Hyndman, président, Insurance Brokers' Association of Prince Edward Island: Vous avez vraiment visé juste. On nous met dans la catégorie des institutions financières. Le secteur de l'assurance multirisque est décrit de cette façon, mais il y a une différence énorme. On peut appeler les assurances multirisques des produits, car en fait c'est ce qu'elles sont. Comme vous le savez, dans l'ensemble, les produits sont assujettis à des règlements au chapitre de leur sécurité financière par le gouvernement fédéral par l'entremise du BSIF. Ainsi, la réglementation du secteur incombe clairement au gouvernement fédéral.

La distribution par contre a toujours relevé des provinces. Il y a de nombreux règlements qui régissent la délivrance de permis aux vendeurs de polices d'assurance et dans toutes les provinces, il faut être détenteur de permis pour vendre ce produit.

Le président: Il s'agit là de règlements provinciaux?

M. Hyndman: Oui. Ce qui m'amène à dire quelques mots sur une des omissions du rapport MacKay. Dans l'ordre de renvoi du groupe MacKay, le gouvernement fédéral lui a demandé d'étudier les secteurs où il pourrait y avoir conflit, au niveau de la compétence, entre le palier fédéral et le palier provincial. Malheureusement, le groupe de travail MacKay n'a pas du tout abordé cette question en ce qui a trait à notre secteur, celui de l'assurance multirisque.

Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que la Insurance Act de l'Île-du-Prince-Édouard, province où je vis, stipule que quiconque qui sert de liens professionnels ou commerciaux pour contraindre ou persuader quelqu'un à acheter une police d'assurance est coupable d'une infraction.

La loi provinciale à l'Île-du-Prince-Édouard dit que commet une infraction quiconque cherche à influencer ou contraindre. La loi ne demande pas qu'on prouve qu'il y a eu préjudice. Il est plutôt intéressant de constater que l'assemblée législative de ma province a décidé de légiférer pour protéger le consommateur. Cette modification a été adoptée en 1951.

Pour revenir à votre question, nous ne sommes pas comme les autres institutions financières qui ont des contrats à long terme assortis de dépôts et de retraits; nous offrons un bien intangible au public. Il s'agit là d'un produit fort complexe. Les contrats d'assurance comptent quatre à huit pages de détails. Au fil des ans, les législateurs provinciaux ont jugé nécessaire, par l'entremise de lois et de règlements, de prendre des mesures pour s'assurer que le public ne soit pas trompé et qu'il reçoive des services de personnes compétentes dans ce secteur fort complexe.

Le seul point commun c'est que le produit est intangible et complexe. Parce qu'à tous les autres égards, notre industrie, dans le secteur des services financiers, est très différente de ce qui se voit chez les autres intervenants, qui acceptent des dépôts et des investissements dont les résultats varient, et dont les résultats parfois ne sont connus que bien des années plus tard.

Le sénateur Callbeck: Pratiquement partout dans le monde, les banques vendent de l'assurance. Certaines statistiques indiquent qu'en Europe, les banques ont eu beaucoup de difficulté à se créer un créneau dans le secteur de l'assurance multirisque. Les choses sont-elles différentes ici au Canada? Serait-il plus facile pour les banques de se trouver une place sur le marché au Canada qu'en Europe?

M. John Thompson, président, Insurance Brokers' Association of Newfoundland: La majorité des pays d'Europe n'ont pas connu le regroupement des banques qu'on a connu au Canada. Nous avons cinq grandes banques qui se livrent concurrence d'un océan à l'autre. Dans la majorité des pays d'Europe, il y a des milliers de petites banques qui se livrent concurrence. Les courtiers d'assurance dans les autres pays peuvent faire concurrence sur un pied d'égalité. Ça ne se produira pas au Canada.

Au Canada, tous les renseignements nécessaires pour préparer un contrat d'assurance sont connus des banques. Il y a une copie de la police d'assurance dans le dossier. Aux États-Unis, par exemple, les banques vendent des contrats d'assurance dans des dizaines de milliers de succursales.

Le sénateur Callbeck: En Hollande, 86 p. 100 des activités bancaires sont faites par trois grandes banques.

Vous dites que les Canadiens ont accès à un des secteurs d'assurance multirisque les plus rentables au monde. Quels sont les taux au Canada? Comment se comparent-ils à ceux qu'on retrouve aux États-Unis ou dans d'autres pays? Les primes d'assurance sont-elles plus élevées ou moins élevées?

M. Lipsett: Les primes aux États-Unis sont probablement plus élevées en raison des procédures judiciaires. Cependant je ne crois pas que le secteur de l'assurance multirisque aux États-Unis soit assujetti aux mêmes règlements qu'ici ou qu'il soit aussi bon que le nôtre.

Par exemple, l'année dernière, je me suis occupé d'un dossier où un automobiliste américain de la Floride, qui avait une assurance-responsabilité de 10 000 $, a frappé et blessé un de mes clients. Aux États-Unis, il suffit pour être autorisé à conduire d'avoir une assurance de 10 000 $ US. J'offre au consommateur une couverture d'un million de dollars au niveau de l'assurance-responsabilité; il se pourrait donc que mon prix soit plus élevé. Je ne peux pas comparer les prix entre les États-Unis et Canada parce que par les limites dans ce pays ne sont pas les mêmes qu'ici et qu'il n'existe aucun règlement dans ce domaine là-bas.

Le sénateur Callbeck: Vous signalez dans votre mémoire que vous n'avez jamais entendu des consommateurs dire qu'ils aimeraient acheter leurs polices d'assurance d'une banque. Un des documents d'information indique que les personnes à faible revenu éprouvent certains problèmes en ce qui a trait aux assurances, et que lorsque le secteur sera ouvert et que les institutions de dépôts pourront vendre des polices d'assurance, le marché de l'assurance prendra de l'expansion et un plus grand nombre de personnes achèteront de l'assurance. Qu'en pensez-vous?

M. Hyndman: Je comprends très bien ce qu'on dit dans le rapport MacKay. On y signale qu'il y aurait expansion du marché parce que certains services seraient dorénavant offerts là où ils ne le sont pas. J'espère que c'est ce qui se produirait. Probablement que dans une certaine mesure, c'est ce qui se produira, mais il ne faut pas pour autant oublier la question fondamentale, soit: dans ce pays, le pouvoir et le privilège appartiennent aux banques à charte qui ont été créées par la politique gouvernementale. Nous disons que cette politique gouvernementale qui accorde ces privilèges doit également les limiter.

Il est peut-être vrai qu'il y aura expansion du marché, et je le reconnais. Cependant, il faut convenir que c'est une bonne chose qu'un plus grand nombre de gens soient protégés par des polices d'assurance. Néanmoins, c'est beaucoup moins important que la question fondamentale que j'ai fait ressortir.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque des modifications ont été apportées au système bancaire et à celui des assurances en 1992, les courtiers et les compagnies d'assurance se sont-ils opposés à cette mesure législative?

M. Lipsett: Je n'étais pas membre du conseil d'administration à l'époque, mais je crois qu'on s'y serait opposé. Nous cherchions des règles du jeu uniformes et nous convenions que c'était là une conclusion logique, parce que cela offrait une meilleure concurrence pour les consommateurs. Cependant, il y avait une mise en garde nous signalant que nous devions utiliser les techniques de pointe et être plus futés si nous voulions continuer à faire affaires dans ce secteur. Il a fallu réduire les coûts transmis aux consommateurs. Nous nous y sommes donc probablement opposés à l'époque, mais nous savons que ces modifications ont été efficaces et utiles.

M. Thompson: Nous nous préoccupions à l'époque, et cela n'a pas changé, de règles du jeu uniformes. C'est justement l'argument que nous présentons aujourd'hui. Nous nous opposons à ce que les banques puissent disposer de renseignements qui leur permettent de livrer une concurrence déloyale. Je crois que nous reconnaissons que la loi de 1992 était juste. Elle autorisait les banques à oeuvrer dans notre secteur, mais elles n'étaient pas pour autant autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales où l'on détient tous les renseignements pertinents.

M. Hyndman: J'étais là en 1992. Nous ne nous sommes pas opposés aux modifications, mais nous craignions que cela ne mène à la question dont nous discutons en fait actuellement, soit la vente de produits d'assurance par les succursales des banques à charte. L'apport par les banques à charte de leur capital dans le domaine de l'assurance multirisque a été à l'avantage des Canadiens parce qu'il y avait des capitaux plus importants à risquer dans un climat concurrentiel. Lorsque des nouveaux capitaux sont injectés dans le secteur, cela accroît la concurrence, qui est une bonne chose. Le problème à nos yeux c'est la distribution, pas la souscription.

Pour ce qui est de la souscription, il faudrait tenir compte des considérations de prudence en ce qui a trait aux capitaux des banques qui peuvent être affectés à la souscription. Ce n'est pas notre cas. Nous ne sommes pas des souscripteurs ou des distributeurs.

Nous parlons ici des questions de distribution. Dans ses succursales, une banque à qui le Parlement a accordé une charte détient certains privilèges que n'ont pas d'autres sociétés. C'est ce sur quoi j'aimerais que le comité se concentre. La présence d'assureurs relevant de banques est une chose à laquelle nous ne saurions nous opposer.

Il suffit de voir le succès remporté par la CIBC. Dans un secteur où les règles du jeu étaient uniformes, elle a su se trouver un créneau important sur le marché grâce à des techniques de distribution innovatrices. Les autres intervenants qui ne sont pas des banques et qui nous livrent concurrence ont fait de même, se servant d'autres méthodes de distribution. C'est un milieu fort concurrentiel.

Nous sommes pour la libéralisation du marché. Cependant, nous voulons également qu'on empêche les banques de capitaliser sur leur privilège inhérent. Ce n'est pas une position qui est facile à adopter. Je dois appuyer la concurrence libre et ouverte.

Les banques ne sont pas comme les autres sociétés. Ce n'est pas comme ce qui s'est passé avec Wal-Mart. Lorsque Wal-Mart arrive dans une ville, les gens craignent que les entreprises déjà sur place n'éprouvent des difficultés. Dans ma ville, on doit construire un Wal-Mart le printemps prochain et certains de mes voisins s'inquiètent énormément de l'impact qu'aura ce nouvel intervenant. Il ne devrait pas exister de loi qui empêche Wal-Mart de faire affaire dans une collectivité. Wal-Mart n'est pas une banque. Wal-Mart n'a pas obtenu une charte du Parlement, une charte assortie de certains privilèges. Wal-Mart peut livrer concurrence en fonction de règles du jeu uniformes en se servant de talents et d'expérience sans pour autant avoir des privilèges accordés par le Parlement. C'est sur cet aspect de la politique gouvernementale que nous devons examiner.

Le Parlement a créé les banques en leur accordant certains privilèges pour qu'elles puissent s'acquitter de leurs fonctions de façon efficace dans toutes les régions de ce vaste pays. Il est donc parfaitement normal que le Parlement limite également les privilèges et pouvoirs qu'il a accordés.

Même M. MacKay ne recommande pas qu'on laisse les banques faire comme bon leur semble. Il y a de nombreux domaines où il imposerait des paramètres très stricts, par exemple, la question de la propriété dont on a parlé un peu plus tôt. Je ne crois pas qu'on devrait se garder de parler de restrictions à imposer aux banques à l'égard de la vente d'assurance dans leurs succursales, parce que les banques sont bien différentes de Wal-Mart.

Pour protéger la vie privée, la liberté des consommateurs et la concurrence, il est opportun que le comité sénatorial des banques étudie de très près dans quelle mesure on pourrait autoriser les banques à élargir leurs domaines d'activité. Même l'analyse de M. MacKay laisse entendre que cette nouvelle concurrence n'offrirait d'avantages aux consommateurs qu'à court terme. C'est la question qu'il ne faut absolument pas oublier.

Les banques à charte peuvent offrir un avantage aux consommateurs sur le plan des coûts à court terme parce qu'elles disposent d'actifs importants. Elles pourraient donc en offrant des prix plus avantageux se créer un créneau sur le marché. Nos parlementaires doivent songer à l'impact d'une concentration possible.

Le sénateur Tkachuk: J'ai beaucoup de respect pour les arguments présentés par les courtiers. Je n'aurais pas pu mieux expliquer la situation. Je n'ai rien à ajouter.

Le sénateur Austin: J'ai occupé le poste de président non administratif d'une société d'assurance multirisque de la Colombie-Britannique qui s'appelle Elite. Je connais un peu le secteur des assurances, mais pas très bien.

À la page 107, avant d'élaborer une série de restrictions, les auteurs du rapport MacKay soutiennent:

Nous estimons dans l'ensemble que les consommateurs bénéficieront d'un plus grand choix et qu'il serait contraire à l'intérêt public de les priver de ce choix.

Cependant, les auteurs du rapport ne signalent pas que deux de leurs recommandations pourraient tout compte fait accorder un contrôle exclusif aux banques en ce qui a trait à la vente d'assurance multirisque. L'autre recommandation donnerait aux banques un accès général et non réglementé au crédit-bail automobile, ce qui leur permettrait de regrouper les deux produits. Le secteur traditionnel de l'assurance multirisque, par contre, n'aurait pas cette possibilité, à moins que le marché ne change.

En 1992, vous avez réagi face à l'évolution des conditions du marché. Il vous a fallu trouver des institutions financières qui ne sont pas des banques qui vous permettaient de vendre des produits équivalents. Ça n'a pas été facile puisque certaines d'entre elles n'avaient pas cette capacité.

Est-ce que j'ai bien exposé une des préoccupations du secteur de l'assurance multirisque à l'égard de la concurrence? C'est une autre question qui vient s'ajouter aux ventes liées ou aux pressions indues. Si le consommateur veut louer une voiture et a besoin d'assurance, il y a le principe du guichet unique -- les banques peuvent offrir ce service mais aucun autre intervenant ne peut le faire. Qu'en pensez-vous?

M. Lipsett: Nous nous trouvons dans une position de désavantage marqué. Il faut reconnaître que notre secteur est formé de plusieurs petites entreprises qui se retrouvent dans toutes les régions du pays. Il est difficile de s'opposer à ce que toutes ces choses soient rassemblées et à ce qu'on rende ces services plus attrayants et plus économiques pour le consommateur. Ce que je dis c'est que cela sera sans doute possible à court terme.

Un député nous a dit il y a deux ou trois semaines que dans peu de temps les banques prendront le contrôle de notre secteur et que nous disparaîtront si on permet aux banques d'oeuvrer dans cette industrie. Mais comment peut-on dire qu'éliminer certains choix est à l'avantage du consommateur? En fait, les petits entrepreneurs, les intervenants d'un secteur très concurrentiel devront fermer leurs portes.

M. Thompson: Par exemple, dans le cas d'un titre de créance qui doit être protégé d'un détenteur de privilège, si la banque ou autre bailleur de fonds qui fournit la somme nécessaire pour l'achat d'un produit comme une voiture ou une maison peut regrouper ce service avec un service d'assurance visant ce bien, cet intervenant aura un avantage extraordinaire face aux autres moyens de distribution.

Même s'ils étaient autorisés à accorder du crédit-bail ou à devenir créanciers pour une hypothèque résidentielle ou commerciale, je ne pense pas que les courtiers d'assurance trouveraient cela avantageux. Nous ne pouvons pas affronter la concurrence dans ce secteur. Si, vous rendant à votre banque demain pour obtenir du crédit-bail automobile, on vous offrait une police d'assurance, vous ne songeriez pas un instant à votre courtier. Vous n'hésiteriez pas à signer le formulaire et à la sortie, votre voiture serait assurée.

Le sénateur Austin: Ne serait-on pas tenté de chercher un tarif concurrentiel? La banque dit: «Signez ici, marché conclu». Le tarif de la banque pourrait être supérieur au vôtre, mais parce que cela est pratique et pour d'autres raisons sans doute, on serait moins tenté de chercher un tarif concurrentiel.

M. Thompson: Le sénateur Callbeck a parlé tout à l'heure des Canadiens à faible revenu. S'ils s'adressent à une banque pour obtenir du crédit-bail, ils n'ergoteront pas sur les primes d'assurance. Si le crédit-bail est approuvé, ils accepteront la prime d'assurance proposée.

Le consommateur a l'impression qu'il sera protégé par des règles concernant les ventes liées. Une fois à la banque, le consommateur achète le produit qu'on lui propose.

M. Stevens: Peut-on compter sur un bon service au client de la part de la personne qui va consentir le prêt et vendre le produit d'assurance à un guichet unique? Pourra-t-elle vendre ce produit en connaissance de cause avec compétence professionnelle ou les choses se passeront-elles comme actuellement -- la signature d'un formulaire et marché conclu? Il y a des risques variés. Les gens voyagent beaucoup plus qu'auparavant. Tous ces facteurs doivent intervenir quand un produit est vendu. Chacun doit être pris individuellement.

M. Hyndman: Comme le rapport MacKay le signale, il risque fort d'y avoir de l'interfinancement, c'est-à-dire qu'un secteur de l'entreprise subventionnerait un autre secteur dans le but express de s'approprier une part du marché, qu'il s'agisse de crédit-bail, d'assurance automobile, d'hypothèque ou d'assurance résidentielle. Plus une entreprise est diversifiée, plus il y a risque d'interfinancement. Le citoyen que je suis s'en inquiète, mais en tant que courtier, je ne me prononce pas.

Les exigences de la politique publique sont telles qu'il est essentiel que la solvabilité des banques soit aussi transparente que possible. Au cours des 20 dernières années, nous avons connu des faillites bancaires ou des quasi-faillites, car les banquiers s'étaient détournés de leur principale mission, c'est-à-dire la protection des déposants. C'est là un aspect plus général dont le Parlement devrait se préoccuper.

Je suis impatient de faire valoir un autre argument, et il n'est pas frivole. Si les banques pouvaient accorder du crédit-bail, elles seraient à la fois propriétaires et assureurs de la voiture. Le gros de notre discussion porte sur la vente d'assurance de biens ou multirisque. On devrait s'inquiéter bien davantage des conséquences advenant un sinistre car c'est à ce moment-là que la finalité de l'assurance intervient. C'est également à ce moment-là que l'ayant droit est forcément vulnérable. L'ayant droit a subi une perte et, par conséquent, il est blessé, faible et vulnérable.

Dans toute discussion, il faut qu'intervienne la position du consommateur. Si le consommateur est débiteur envers la banque et que c'est elle qui l'assure, c'est la banque, créancier hypothécaire ou bien prêteur pour l'achat de la voiture qui, en fait, essentiellement, est la personne assurée. On peut imaginer facilement que le consommateur se retrouve démuni face à une banque qui s'occuperait de la vente d'autres types de produits et qui tiendrait le haut du pavé.

Qui détermine ce qu'est en fait un règlement satisfaisant? Je suis convaincu qu'un consommateur qui pourrait se trouver en grande difficulté financière -- et c'est le cas de la plupart -- sera acculé quand il s'agira de décider de reconstruire sa maison ou d'accepter un règlement pécuniaire. Qui va prendre cette décision? Ce sont là des conflits d'intérêts inhérents qui sont dommageables pour le consommateur. En qualité de parlementaires, il vous incombe de protéger les consommateurs pour que la loi n'autorise pas des situations qui les mettent en position de vulnérabilité.

Le sénateur Austin: Dans votre vie professionnelle, quel rôle jouez-vous -- dans une situation où les polices d'assurance ne sont pas vendues par les banques? Est-ce qu'il surgit des conflits d'intérêts à cause de votre position entre la compagnie d'assurances et l'ayant droit que vous conseillez?

M. Hyndman: Je ne crois pas car je travaille pour mon client. Il se peut que le client ait à choisir entre deux solutions et qu'il y ait un écart important entre les deux.

Le sénateur Austin: L'assureur fait-il appel à un expert en sinistres?

M. Hyndman: Effectivement.

Le sénateur Austin: Pouvez-vous nous expliquer quels sont les rapports entre l'expert en sinistres et vous-même dans la situation où le sinistre ne serait pas réglé par une banque?

M. Hyndman: Supposez qu'une maison soit incendiée. L'assuré, le consommateur, signale le fait d'ordinaire à la personne à qui il a acheté la police d'assurance. En ce qui me concerne, il aurait en l'occurrence fait appel à un courtier mais il aurait pu faire appel à une société d'assurance directe -- par exemple, les Co-operators, qui sont très présents dans ce secteur du marché. En d'autres termes, normalement, l'assuré s'adresse à la personne à qui il a versé de l'argent. De toute façon, il signale que sa maison a été incendiée et demande de l'aide pour faire sa réclamation. La compagnie d'assurance retient les services d'un expert en sinistres pour établir le degré de perte et pour procéder au règlement par l'assureur.

L'assuré, le consommateur, négocie ensuite avec la compagnie d'assurance par l'intermédiaire de l'expert en sinistres, sur un plan bilatéral. Il se peut qu'il y ait des choix à faire. Il est courant que le consommateur s'adresse à la personne à qui il a acheté la police, avec laquelle il a discuté diverses options un an ou deux auparavant, pour obtenir des conseils. Un courtier indépendant, agissant avec professionnalisme, ce que j'essaie de faire, le conseillera sur les mérites des choix qui s'offrent à lui.

Les choix sont très importants. Par exemple, dans le cas d'une résidence, les polices d'assurance courantes offrent deux types de règlement: le remboursement du coût de remplacement si la maison est reconstruite ou la valeur amortie, si l'assuré choisit un règlement pécuniaire. J'ai rencontré bien des cas où le choix à faire n'est pas évident. On rencontre parfois des assurés un peu plus âgés pour qui il n'est pas intéressant de reconstruire une maison, surtout si la valeur de remplacement est supérieure à la valeur du marché, en raison de l'endroit où la propriété est située. Par conséquent, il est peut-être souhaitable dans ces cas-là d'accepter un règlement pécuniaire inférieur et de mettre cette somme à profit pour l'avenir.

Le sénateur Austin: Je vais vous arrêter ici. Puisque nous avons décrit le cas de figure, si vous voulez, mettez-vous un instant dans la peau d'un banquier d'une banque à charte qui a procédé à la commercialisation de cette prime d'assurance générale et dites-moi si sa situation est très différente.

Le sénateur Tkachuk: Avant d'écouter la réponse, étant donné que cette discussion est très utile, j'aimerais qu'on me dise à qui le chèque est libellé? Le chèque est-il libellé au nom de la banque ou au nom de la personne qui a subi un sinistre qui par la suite doit régler la banque?

M. Hyndman: Le chèque est libellé au nom du consommateur assuré, mais il se peut que la banque soit cobénéficiaire si elle détient une créance hypothécaire ou si elle a un intérêt dans la propriété.

Comme dans le cas des voitures louées, la voiture est propriété de la banque, qui l'a aussi assurée, ce qui constitue un énorme conflit. Dans le cas d'une propriété, la banque peut détenir un intérêt à cause de la créance hypothécaire.

Le sénateur Tkachuk: Il y a deux intérêts en jeu: la banque doit payer la somme la moins élevée possible et couvrir uniquement la créance hypothécaire, n'est-ce pas?

M. Hyndman: Il se peut que le banquier, qui s'occupe des affaires de ce client-là, se dise qu'étant donné qu'il y a défaut de paiements de façon chronique et constante pendant des années -- comme on dit un cas-problème selon lui -- l'idée de toucher un chèque qui va liquider cette hypothèque et le débarrasser de ce client peut être alléchante. Si le client choisit de reconstruire la maison, la banque ne touche rien, l'argent étant versé à l'entrepreneur. À ce moment-là, la créance hypothécaire est maintenue et le banquier a toujours ce client-problème sur les bras.

Là encore, il y a un conflit inhérent au règlement d'un sinistre, ce qui est la finalité même d'une police d'assurance. Il faudrait que cela soit reconnu dans toute politique publique. On ne trouve rien là-dessus dans le rapport MacKay alors que je pense que c'est fondamental.

Le sénateur Kenny: Monsieur Hyndman, vous avez éveillé mon intérêt quand vous avez parlé de l'interfinancement. Pour la gouverne du comité, pouvez-vous nous donner des précisions? L'interfinancement est possible grâce à diverses méthodes de répartition des frais généraux ou encore quand on accepte des marges bénéficiaires différentes suivant les produits. Est-ce que vous rejetez le principe de l'interfinancement comme tel ou êtes-vous contre l'utilisation de l'interfinancement par les institutions munies d'une charte fédérale?

M. Hyndman: Je voudrais expliquer deux choses. Tout d'abord, la Loi sur les banques contient des dispositions sur la responsabilité de faire tout ce qui est possible pour maintenir la solvabilité de nos banques à charte. Toute la question de la garantie pour les déposants et de la solvabilité des banques doit à mon avis être la première préoccupation des dispositions législatives régissant une institution de dépôt. Si l'interfinancement devait constituer une menace ou être considéré comme une entorse à ce principe des plus fondamentaux, on pourrait évidemment le considérer comme de mauvais aloi sur le plan de la politique publique. Si, par exemple, l'interfinancement dans le capital d'une banque, du fait de la disposition ou de la souscription d'assurance, venait à saper en quelque sorte les exigences en capital de cette banque, cela serait très néfaste pour le pays.

Il y a donc cet élément et je suis sûr que les responsables de la réglementation veillent à ce que cela ne se produise jamais. Néanmoins, il faut à tout prix reconnaître que c'est fondamental, que c'est la chose la plus fondamentale.

Deuxièmement, l'interfinancement est pratiqué dans bien des secteurs, quand les gens utilisent le mot «investir» pour mettre au point un nouveau produit ou percer sur un nouveau marché ou un nouveau territoire. Il est courant qu'une entreprise commerciale s'attende à des pertes quand elle se lance sur une nouvelle piste, quand elle aborde un nouveau territoire, un nouveau canal de distribution. Doit-on parler d'interfinancement ou d'investissement dans un tel cas? Il faut savoir de quoi nous parlons.

Dans le cas des banques à charte, en l'occurrence dans le cas de la distribution de produits d'assurance dans les succursales bancaires où il sera difficile d'isoler les coûts, il est possible de pratiquer l'interfinancement, par exemple en adoptant une certaine méthode de répartition des frais généraux et de formation des employés. Quand on y songe, c'est inouï de penser que ce genre de chose pourrait être enfouie dans des bénéfices déductibles d'impôt de l'ordre de milliards de dollars.

Le niveau de capital que les banques possèdent et les revenus de nos banques à charte se prêtent bien à l'interfinancement -- ou de façon plus juste, à l'investissement. Nous craignons beaucoup le pouvoir que confèrent des bénéfices aussi énormes.

Le sénateur Kenny: Est-ce que je vous rends justice, monsieur, quand je dis que vous reconnaissez que l'interfinancement est une pratique courante en affaires, mais que vous êtes mal à l'aise à l'idée de son utilisation éventuelle par les banques à cause de leur taille et du fait qu'elles sont assujetties à une charte fédérale?

M. Hyndman: Oui.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: La question que je me pose est la suivante: quelle pertinence y a-t-il de protéger un mode de distribution qui est celui du courtier, et je comprends bien son rôle? On nous dit que dans les banques, une grande partie des services se fait par les guichets automatiques, par téléphone ou par Internet. Je parle pour les dix prochaines années puisque c'est notre rôle d'évaluer la législation pour une certaine période de temps. Est-ce que le domaine du courtage utilise ces moyens modernes pour la souscription de police d'assurances ou si vous suivez la méthode bien connue de cogner à la porte de chaque client et d'offrir les services que vous avez? Il reste toute la question de la modernisation, des nouveaux outils de vente. On peut acheter de l'assurance générale autrement que par un courtier. On peut l'acheter directement d'une compagnie, ou par Internet. Quel pourcentage représente votre mode de distribution dans tous l'industrie de l'assurance générale?

[Traduction]

M. Stevens: Au Canada, actuellement, les courtiers vendent environ 75 p. 100 des assurances générales. Depuis que les règles ont changé sur le plan de la technologie en 1992, tous les courtiers canadiens, les gros comme les petits, ont fait de gros efforts sur le plan de la technologie. Très peu de courtiers à l'heure actuelle ne disposent pas d'ordinateurs et n'ont pas la possibilité de câbler des renseignements plutôt que les transmettre sur support papier. Il y a même des courtiers qui vendent de l'assurance sur Internet.

Nous avons pu maintenir notre part du marché de la distribution à 75 p. 100 tout simplement à cause de notre professionnalisme, de notre connaissance des produits et du fait que, à cause des changements survenus en 1992, nous avons pu intensifier les moyens technologiques qui nous ont permis de répondre à ces changements. Ainsi, grâce à ces règles équitables, nous avons pu maintenir notre part du marché.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Il est important pour le consommateur de comprendre votre position basée sur le mode de distribution. Vous ne voulez pas que dans chaque filiale ou dans chaque banque, un bureau soit occupé par une personne responsable de l'assurance générale. Mais si les banques veulent entrer dans ce secteur, elles devront avoir un réseau et un produit indépendants, et vous pourrez avoir accès à ce produit pour vos clients. Autrement dit, c'est dans la distribution que vos associations s'opposent à ce que les banques soient dans le domaine de l'assurance générale. Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

M. Stevens: À vrai dire, puisque nous parlons de la distribution de ces produits par les banques, vous vous rappellerez sans doute qu'on a vu plus tôt que chacune des banques n'était pas présente dans toutes les localités. Tout d'abord, à Bridgewater, il y a un assez grand nombre de concurrents à l'échelle locale. Au Nouveau-Brunswick, 260 assureurs se font concurrence. Nous prévoyons que les banques vendraient ces produits dans leurs succursales. Elles ne sont pas situées dans toutes les localités de sorte que pour remédier à cela, on se servira de centrales téléphoniques, ce qui signifie que les emplois ne bénéficieront pas directement à nos localités.

Au Nouveau-Brunswick, comme dans le reste de la région de l'Atlantique, il y a un grand nombre de sans-emploi et le nombre de postes de ce genre est moins élevé. Depuis quelques années, le secteur des forêts et des pêches est en difficulté. Pour réagir contre cela, le gouvernement offre des programmes de recyclage dans le secteur tertiaire, dont notre industrie fait partie. Ainsi, si le nombre de ces emplois devait diminuer, le taux de chômage serait encore plus élevé. En outre, je ne pense pas que les banques vont procéder à la distribution des produits d'assurance de la même façon que le font actuellement les courtiers.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: On a tendance à dresser un parallèle avec les courtiers en valeur mobilière qui, d'une part, sont une institution séparée des banques et ne font pas affaires sur les lieux physiques des succursales. D'autre part, ils concurrencent les courtiers indépendants qui ne sont pas intégrés aux banques. On a eu cette expérience. Je me demande quelle était la grande différence après avoir entendu M. Hyndman. Si on a un sinistre, il faut avoir un règlement, est-ce la différence? La subjectivité entre en ligne de compte et la personne peut avoir les conseils d'un professionnel pour obtenir un règlement. Un courtier en valeurs mobilières opère indépendamment de la banque. Il n'y a aucune relation entre eux. Les banques nous proposent un genre de «holding» qui vendrait des valeurs mobilières, des services bancaires et d'assurance. Ce sont trois entités différentes et indépendantes les unes des autres sur le plan financier. Il y aurait alors intégrité totale du système. Est-ce que ce modèle est aussi rejeté par l'Association des courtiers?

[Traduction]

M. Stevens: Rappelons-nous, et c'est assez important, que l'intervention des banques dans le secteur de l'assurance actuellement nous convient. Du point de vue des banques, cela constitue une entité distincte et pour ma part, je pense qu'elles pourront donner un bon service dans ce secteur-là, en toute équité. À mon avis, si cela devait aller plus loin, ce ne serait pas dans l'intérêt du consommateur. Si les produits d'assurance étaient incorporés à tous les autres services bancaires, s'il ne s'agissait plus d'une entité distincte, ce serait désastreux pour le consommateur.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Si je me faisais l'avocat du diable, je vous dirais que s'ils vendent le produit dans leurs succursales, ils n'auront pas à payer des frais d'administration additionnels. Ils vont utiliser les mêmes bureaux, le même téléphone et ils n'auront pas de frais administratifs additionnels. Le client n'aura pas à payer puisqu'il a déjà payé pour ces frais. Nous avons à décider si l'épargne des frais d'administration -- puisque c'est le même établissement -- est compensée par l'indépendance du courtier, sa capacité de représenter le client et une absence de conflit d'intérêt du banquier au moment des règlements en cas de sinistre?

[Traduction]

M. Stevens: Rappelons-nous que bien des gens ne distribuent pas des produits d'assurance par l'intermédiaire de courtiers. Leurs dépenses sont très semblables à celles des compagnies qui le font. On a parlé tout à l'heure de la CIBC. Les dépenses de cette banque, comparativement à la majorité des compagnies, se situent dans la moyenne.

Jusqu'à présent, on n'a pas fait allusion au fait que la CIBC, même si elle possède des succursales dans diverses localités, trouve profitable d'impartir la gestion de ses produits d'assurance à une compagnie américaine. Il est important de tenir compte d'éléments comme celui-là. Pour ce qui est des dépenses de distribution de produits d'assurance, personne n'échappe à la nécessité de lancer des offensives de ce côté-là -- et récemment la banque en a donné la preuve.

La CIBC, en faisant appel à une compagnie de gestion américaine, a recours à une méthode originale à cet égard. Il y en a d'autres. Les courtiers d'assurance, à mon avis, ont pu se maintenir assez bien.

M. Thompson: Je voudrais ajouter un complément d'information. La CIBC, qui se maintient dans la moyenne, ne fait pas intervenir dans le calcul de ses dépenses l'utilisation des ordinateurs de la banque. Ainsi, ses dépenses seraient beaucoup plus élevées que les autres assureurs d'assurance générale si on faisait intervenir ce facteur dans les calculs et si on ajoutait le fait que les services de gestion sont impartis à une compagnie américaine.

Notre organisme national regroupe 60 000 courtiers d'assurance d'un océan à l'autre et aucun aspect de nos transactions n'est imparti à l'étranger. Quand la Banque de la Nouvelle-Écosse, qui accorde du crédit-bail, appelle notre bureau pour confirmer que nous assurerons leurs clients, l'appel vient de Dallas au Texas. Cette banque impartit donc cet aspect-là à une entreprise américaine dans le but de réduire ses dépenses.

Nous avons présenté nos arguments, mais nous souhaitons parler également des emplois. Notre secteur représente 60 000 emplois d'un océan à l'autre. Si on permet aux banques de vendre ces produits au détail, qu'adviendra-t-il de ces 60 000 emplois?

Le sénateur Oliver: Le groupe de travail MacKay parle notamment d'un phénomène dans le secteur des services financiers, soit les sociétés monoproduit. Il s'agit d'intervenants qui ne visent qu'un créneau comme celui des cartes de crédit ou du crédit-bail pour véhicules légers ou d'autres aspects des services financiers. Dans le domaine des assurances générales, je me demande si vous avez commencé à distinguer entre les produits typiques d'assurance générale et des produits complexes qui pourraient vous donner un avantage distinct sur quiconque voudrait s'installer dans vos plates-bandes? Autrement dit, vous êtes-vous demandé ce qui vous était particulier et ce à quoi vous voulez vous accrocher, ce que vous voulez développer afin que vous aussi puissiez devenir un intervenant monoproduit ou que vous puissiez viser un seul créneau, ce qui semble être la nouvelle tendance dans le secteur des services financiers?

M. Lipsett: Je crois que nous sommes déjà un assez bon fournisseur monoproduit. Chaque entreprise exige divers niveaux de professionnalisme afin de bien conseiller ses clients et afin de rester en affaires. Le secteur des assurances générales est très complexe. Comme nous essayons de vous en convaincre ce matin, c'est un secteur bien différent de ceux des autres outils financiers sur le marché. Pour être en affaires, nous devons nous conformer à des normes de formation et de professionnalisme. Nous sommes un fournisseur monoproduit très concurrentiel depuis déjà quelque temps et nous estimons faire très bien notre travail.

Si nous voulions aller plus loin et ouvrir d'autres créneaux, si c'était notre intention, tout ce que je peux dire, c'est que personnellement, je n'y arriverais pas. Je vais vous donner mon exemple, si vous le voulez bien. À mes yeux, le secteur de l'assurance générale est si complexe que je dois y consacrer toute mon attention si je veux travailler de manière professionnelle. Je ne veux pas en faire trop. Je pourrais peut-être embaucher quelqu'un pour en faire plus, mais ce que nous vendons est certainement distinct de tout ce qu'il y a d'autre sur le marché et j'estime que nous faisons du bon travail parce que nous nous sommes concentrés sur ce secteur. Nous n'avons pas songé à nous lancer dans à d'autres secteurs.

M. Hyndman: J'aimerais vous donner une réponse plus approfondie, si vous le permettez. La question n'est pas là. Il y a divers canaux de distribution pour tous les types de produits d'assurance, de nos jours; il y en aura encore plus à l'avenir. Le secteur évolue constamment. Toute l'assurance n'est pas nécessairement fournie par des courtiers d'assurance indépendants et ça ne serait d'ailleurs pas la façon la plus efficace de le faire. Il est clair que pour certains, il serait très difficile de fournir des produits et des services pour certaines parties du marché, ainsi que d'offrir des conseils à leur sujet. Je pense particulièrement au secteur des petites entreprises et, surtout, des moyennes entreprises, où les besoins sont extrêmement complexes.

Prenons l'exemple d'un bon courtier d'assurance qui compte parmi ses clients une société de construction. Ce dossier ne quitte jamais son bureau, parce que quelque chose se produit chaque jour, puisque c'est une industrie à risque élevé où surviennent des problèmes complexes. Dans cet exemple, le courtier servira ce client pendant très, très longtemps.

Le mode de distribution -- que ce soit par Internet, par centre d'appel, par courrier direct ou par bureau de courtage local -- n'est pas en cause. Ce qui compte, c'est de savoir si ce service pourrait être offert dans une succursale bancaire. C'est la question fondamentale et c'est la seule que nous voulons présenter aux honorables sénateurs, parce que c'est une question de politique publique. À notre avis, les banques qui ont le privilège d'offrir leurs services bancaires doivent avoir des privilèges limités. C'est le devoir du Parlement de limiter ces privilèges. C'est votre devoir. À cause du pouvoir et de l'influence potentiels, nous pensons que cela va à l'encontre de nos intérêts et de ceux des consommateurs.

Pour revenir à l'argument présenté plus tôt dans la question du sénateur Hervieux-Payette, il y aurait en effet moins de frais généraux, puisqu'il n'y a pas de coût associé aux ventes quand on n'a qu'à tenir le prêt en main et dire: «Signez ici». Tout est dans l'intimidation.

Le sénateur Oliver: Ce sont des ventes liées.

M. Hyndman: Évidemment! C'est contraire à la politique publique et ce devrait être illégal.

Le sénateur Oliver: Ce que propose le rapport MacKay est encore plus strict que la modification actuelle à la Loi sur les banques.

M. Hyndman: Oui, mais il le fait trop tard, une fois le péché commis. C'est comme arrivé devant saint Pierre.

Le président: Personne ne voudra ajouter quoi que ce soit maintenant.

Je viens des Maritimes et je prêche toujours pour ma paroisse mais je dois dire que vous et, particulièrement M. Hyndman, avez été bien plus éloquents que votre association nationale, à Ottawa.

Nos derniers témoins ce matin représentent la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique. Nous accueillons M. Steve MacMackin, son président, et Sean Cooper, directeur exécutif. Je présume que M. MacMackin va d'abord nous présenter un exposé, puis nous lui poserons des questions.

M. Stephen MacMackin, président, Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique: La Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique est un organisme régional représentant environ 125 Chambres de commerce de tout le Canada atlantique et environ 17 000 entreprises. Le dialogue que vous venez d'entendre met certainement en lumière tout le travail que nous avons à faire au sein de notre regroupement, qui représente toutes sortes de secteurs industriels où sont exprimées des opinions de toutes sortes, très variées.

Il y a une chose que je peux vous dire au sujet de nos membres: nous avons une relation d'amour mêlée de haine avec le secteur des services financiers. Certains jours, tout est au beau fixe, et certains autres, tout va mal. Je pense que cela s'applique à toute la gamme des services financiers, que ce soit l'assurance, les fiducies, les coopératives de crédit, les banques, et cetera. En tant qu'exploitant d'entreprise de Saint John, au Nouveau-Brunswick, c'est ce que j'ai moi-même constaté.

Il faut bien reconnaître que le secteur financier est très sain et qu'il s'y trouve des participants très professionnels. Je ne veux pas remettre en question la qualité du service que nous recevons au sein de ces institutions et je crois qu'elles s'efforcent toutes, en tout temps, de servir de leur mieux tant les consommateurs que les clients commerciaux. Il vaut la peine d'insister là-dessus. Notre ressentiment nous porte quelquefois à nous en prendre aveuglément aux institutions financières mais si nous regardons les sondages de l'opinion publique, nous constatons, je le répète, que nos relations sont souvent assez bonnes.

Nous estimons que le rapport du groupe de travail va certainement dans le bon sens, pour ce qui est de ce à quoi l'on doit s'attendre du secteur des services financiers. Nous pensons qu'un accroissement de la concurrence a toujours été une bonne chose. Ce qui s'est produit dans le secteur des télécommunications au Canada est un bon exemple de l'effet d'une concurrence accrue; les consommateurs et les entreprises ont profité de cette concurrence. Nous pensons qu'une concurrence accrue au sein des services financiers ne peut que contribuer à l'amélioration de ce secteur. La protection des consommateurs et des entreprises doit toutefois primer et c'est évidemment là qu'entrent en jeu le Parlement et le Sénat.

Dans son rapport, M. MacKay a assez bien réussi à donner des pouvoirs aux consommateurs et à les protéger; je crois qu'il a porté l'attention qu'il fallait à ces détails et il ne faut pas l'oublier. En tant qu'entreprises, tous les jours nous sommes bombardés par la concurrence. Hier matin, à la radio de CBC, Gordon Pape me disait que je pourrais confier mes épargnes à la Banque ING par l'intermédiaire d'Internet et récolter des intérêts de 4,85 p. 100. Il est assez ironique d'entendre ce genre de conseil à 7 h 20 le matin.

Il y a du choix et le secteur évolue, même si les politiques publiques n'arrivent pas toujours à suivre. C'est de cette question qu'il s'agit. Les politiques publiques doivent traiter de la question de la concurrence. Jusqu'ici, cette industrie a été saine et a été avantageuse pour ce qui est de l'emploi et de l'investissement dans nos collectivités. Nos collectivités continueront-elles d'en profiter? En nous assoyant sur nos lauriers, nous compromettons cela.

Les institutions financières changent de jour en jour, sous nos yeux; nous le savons. Nous savons en outre qu'elles auront un tout autre visage demain, et nous l'acceptons. Nous souhaitons toutefois pouvoir espérer que les investissements se feront dans de nouvelles régions, particulièrement le Canada atlantique.

Voilà qui résume mes pensées pour l'instant.

Le président: Je vais poser une question assez vaste. Y a-t-il des éléments du rapport MacKay, dont vous appuyez les grandes orientations, qui pourraient nuire particulièrement au Canada atlantique? Autrement dit, ce qui peut être difficile pour l'élaboration des politiques publiques nationales, c'est qu'elles peuvent avoir des incidences régionales très différentes, de même que des incidences différentes dans les secteurs urbains et ruraux, par exemple. Y a-t-il des parties du rapport MacKay qui sont soit particulièrement utiles, soit particulièrement nuisibles à la région de l'Atlantique?

M. MacMackin: L'accès au capital pour les petites entreprises a toujours été notre problème. C'est ainsi depuis un siècle, quel que soit le nombre de participants en concurrence. Le rapport MacKay a traité du financement des PME. Le micro-secteur et tous ces autres types d'entreprises que nous avons ont toujours eu maille à partir avec les politiques publiques. Où trouver l'argent? Comment lancer une entreprise, assurer son succès et sa croissance?

M. MacKay a fait des suggestions et l'industrie a répondu en décrivant ce qu'elle ferait, à mesure qu'elle évoluera. Je crois que pour nous, c'est la priorité: est-ce que la concurrence nous offre des choix suffisants pour que nous obtenions ce dont nous avons besoin? Nous avons besoin d'argent et d'assurance. Les fonds et l'assurance sont interdépendants, quand vous vous présentez à la banque: je ne peux pas assurer mon actif et la banque ne peut pas faire de prêt pour des actifs non assurés. Par conséquent, en tant qu'entrepreneurs -- nous ne sommes ni courtiers, ni banquiers, nous avons besoin de ces deux types de services.

Le rapport MacKay est utile puisqu'il traite de ce problème: peu importe le nombre de concurrents et d'options offertes, il est encore difficile d'obtenir du financement pour les PME afin qu'elles puissent croître et s'épanouir, puisque ce sont elles qui créent de l'emploi au Canada, soit les PME.

Le président: Cet été, le comité a tenu des audiences un peu partout au pays au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, qui doit être réexaminée cette année, puisqu'elle vient à échéance à la fin mars. Vous dites que les petites entreprises ont besoin d'argent; nous avons entendu divers points de vue sur la provenance de cet argent: le financement par emprunt ou le financement par actions. Autrement dit, que faut-il vraiment aux petites entreprises: des investissements ou des prêts?

En fait, il faut aller au-delà de ces audiences. Outre le fait que les banques et les institutions de dépôt, et les compagnies d'assurance, d'ailleurs, n'offrent que des prêts, elles ne sont pas vraiment des sources de capital-actions, jusqu'ici. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. MacMackin: Tout d'abord, il faut former les entrepreneurs pour qu'ils sachent comment préparer un plan d'entreprise à présenter aux institutions financières. C'est un rôle que peuvent et doivent jouer les chambres de commerce locales.

Le président: Est-ce le point faible du secteur des petites entreprises?

M. MacMackin: C'est son talon d'Achille: les gens vont à la banque et ne peuvent présenter une vision claire, ni un plan d'entreprise viable. Que ce soit un financement par emprunt ou par actions, c'est la plainte que j'ai entendue au sujet du secteur des capitaux à risque pour l'Atlantique. Les fonds de capitaux à risque cherchent une occasion en or -- des entreprises du secteur de l'information, par exemple. Quand on considère les PME typiques, comme une entreprise de service ou un détaillant en vêtements, le financement par emprunt est monnaie courante. Le financement par actions, pour ce genre d'entreprise, ne semble pas une voie raisonnable, ou pouvant offrir des capitaux suffisants. Si on ne peut choisir le financement par actions, il faut investir beaucoup d'argent dans son entreprise pour que ça ait une incidence marquée.

Traditionnellement, au Canada, on pense d'abord au financement par emprunt lorsqu'il s'agit de faire croître nos entreprises. Le financement par actions ne semble pas aussi populaire, particulièrement les fonds de capitaux à risque. Or comme nous nous tournons vers une économie axée sur les connaissances, comme nous voulons faire croître ce genre d'entreprise, cette option deviendra plus importante parce que ce genre d'entreprise n'a pas d'actif, en général. Lorsqu'on parle d'idées que l'on veut essayer d'exploiter pour croître et pour lancer une entreprise, que peut-on offrir en garantie pour un prêt? En pareil cas, le financement par actions semble être la solution.

Autrement dit, quand on considère le mode de financement auquel on a traditionnellement eu recours pour faire croître les entreprises, le financement par emprunt semble être le plus populaire.

Le président: J'ai une dernière question au sujet des emprunts. Est-ce que le secteur de l'assurance-vie, dont les goussets sont bien garnis de capital à investir, est disposé à offrir des prêts aux petites entreprises, ou ne fait-il que de l'investissement sur le marché des actions?

M. MacMackin: Je vais prendre une minute pour vous présenter ma propre entreprise. Ma dette à long terme n'est pas envers une banque. Ma dette à long terme est financée par des régimes de retraite et des compagnies d'assurance-vie, sur le marché ontarien. Pour moi, je dirais que oui, les compagnies d'assurance-vie investissent dans mon entreprise. Elles détiennent 50 p. 100 de ma dette, pour l'une de mes compagnies. C'est ainsi que j'ai financé mon entreprise, mais je dois dire que ce n'est pas chose courante.

Le président: Dans les données qu'on nous a fournies et dans les discussions qui ont lieu au comité, de manière implicite ou explicite, il semblerait que la seule source de financement par emprunt soit les institutions de dépôt en général et les banques, en particulier. C'est ce qui a suscité ma curiosité. J'entends souvent dire que le secteur de l'assurance commence à prendre de plus en plus de place sur ce marché. Votre cas est-il unique?

M. MacMackin: Il est unique dans la région Atlantique. La société avec laquelle nous travaillons, qui a réuni les participants pour préparer notre prêt, essaie de le faire de plus en plus dans la région. Pour vous en parler, il n'y a que moi et quelques autres entreprises, dans la région Atlantique. C'est toutefois certainement une option qui existe, entre le financement par emprunt auprès des banques et les fonds de capitaux à risque, qui encourage l'emprunt.

Le sénateur Oliver: J'aimerais poser une question sur le rôle du gouvernement dans le secteur des services financiers. Tout d'abord, vous avez dit avoir entendu Gordon Pape parler à la radio d'investissements chez ING. A-t-il précisé si, dans le cas où vous investissiez, disons, 60 000 $ chez ING, votre argent serait assuré et protégé?

M. MacMackin: Oui, les fonds sont assurés et protégés et il n'y a pas de restrictions quant au moment où vous pouvez vous retirer. Vous pourriez partir demain, si vous le souhaitiez. Par ailleurs, le taux d'intérêt n'est pas fixe non plus. C'est donnant donnant.

Le sénateur Oliver: L'argent est assuré par qui?

M. MacMackin: La SADC.

Le sénateur Oliver: En 1996, comme vous le savez probablement, notre comité a étudié le rôle des intermédiaires financiers gouvernementaux, comme la Banque de développement du Canada, le Crédit agricole, la Société pour l'expansion des exportations, la Corporation commerciale canadienne, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, le Bureau fédéral de développement régional, et cetera. Pendant nos audiences, des préoccupations ont été soulevées quant au changement de mandat des sociétés et agences financières de l'État, qui étaient des organisations complémentaires et qui doivent devenir autonomes. Nous avons fait bon nombre de recommandations, mais essentiellement rien ne s'est produit.

Je ne pense pas que le groupe de travail MacKay se soit penché sur le rôle que joue le gouvernement grâce à ce genre d'institution financière. Aurait-il dû le faire? Est-ce une grave omission? Le rôle des sociétés d'État gênait-il la participation ou l'expansion des institutions financières privées qui ne sont pas parmi les plus importantes?

M. MacMackin: Plus tôt ce matin, nous disions qu'il fallait que les prêteurs aient accès aux petites entreprises, pour leur offrir du financement. J'ai parlé du rôle des sociétés d'État, de la BDC, et il semble que ce soit une omission. Elles existent. La BDC joue un rôle important dans l'économie de l'Atlantique pour les petites entreprises, en plus de transmettre des compétences importantes, dont nous avons parlé: la production de plans d'entreprise et les compétences de base pour faire croître une entreprise. Elles ont certainement aidé au lancement et à la croissance de nombreuses petites entreprises.

Ce n'est pas mentionné dans le rapport et c'est peut-être un oubli, mais je pense bien que le gouvernement fédéral ne renoncera pas à utiliser ce genre d'instruments. Nous serions extrêmement surpris s'il le faisait, car ce serait tout à fait étonnant. Certains jours, la surprise pourrait être agréable, mais pas toujours. Il s'agit peut-être d'une omission, mais je suppose que M. MacKay est satisfait du rôle que ces institutions ont joué et c'est peut-être pourquoi il n'en parle pas.

Le sénateur Oliver: Prenons l'APECA, ici dans l'Atlantique, comme premier exemple, et nous pourrons ensuite parler du Crédit agricole et des autres organismes.

L'APECA distribuait de l'argent, mais elle n'est pas censée être autosuffisante. Lorsqu'elle est à court d'argent, le gouvernement semble lui en donner davantage. Comme dans le cas des banques et des autres institutions financières, ne pensez-vous pas que c'est une chose que le groupe de travail aurait dû examiner?

M. MacMackin: Les membres de la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique ont bien dit qu'ils voulaient des perspectives de développement économique dans la région. Il faut entamer un nouveau débat. Plusieurs questions se posent: Comment avons-nous procédé par le passé? Les mêmes méthodes nous seront-elles utiles à l'avenir? Nous avons consacré beaucoup d'argent à ces instruments; ont-ils donné de bons résultats? Était-ce la bonne façon de stimuler notre économie?

Il y a certaines questions difficiles pour lesquelles nous voudrions une réponse, mais ce n'est pas le moment de le faire. Nous nous demandons en tout cas si la façon dont nous procédons depuis 20 ans était la bonne. Cela a-t-il amélioré les choses? Dans la négative, il faudrait songer à prendre une direction différente. Peut-être faudrait-il échanger un dollar d'APECA contre un dollar d'impôt en moins pour les entreprises.

Le sénateur Oliver: Je soulève la question dans le contexte du secteur des services financiers car nous devrions tenir compte du financement gouvernemental lorsque nous examinons les compagnies d'assurance-vie, les sociétés de fiducie, les banques et autres institutions. Cela devrait s'inscrire dans le tableau global.

M. MacMackin: L'argent que l'APECA a investi dans les entreprises est certainement un investissement que d'autres prêteurs institutionnels ne croyaient pas pouvoir risquer. M. MacKay aborde cet aspect dans son rapport en faisant valoir qu'il faudrait investir dans ces entreprises plus risquées, mais que cela devrait se refléter dans les taux d'intérêt auxquels l'argent sera prêté. Cela me paraît une solution plus équitable. Ce n'est pas ce que prévoit le système actuel.

Le sénateur Oliver: C'est ainsi qu'on procède aux États-Unis.

M. MacMackin: Si vous êtes prêt à assumer un risque et à payer un taux supplémentaire, nous serons prêts à vous prêter de l'argent.

Le sénateur Oliver: Quelle serait, selon vous, la réaction des petites entreprises de la région de l'Atlantique si les banques étaient disposées à leur prêter de l'argent pour des projets risqués au taux de base plus 8 p. 100, par exemple? Quelle serait leur réaction?

M. Sean Cooper, directeur général, Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique: Je dirais qu'elles réagiraient de façon très positive étant donné qu'à l'heure actuelle les banques ne sont pas leur seule source de financement. Si vous avez une idée commerciale et si vous voulez lancer une entreprise, vous trouverez l'argent ailleurs et c'est ce qu'elles font. Il y a bien des façons de financer une entreprise et c'est ce qui se passe ici, dans la région de l'Atlantique.

Si cette possibilité existait, le chef d'entreprise ou la personne désireuse de lancer une entreprise pourrait l'explorer. Encore une fois, il s'agit d'avoir divers choix. Comme c'est une possibilité supplémentaire, c'est une bonne chose.

Le président: Je voudrais faire une parenthèse, monsieur MacMackin, à propos de ce que vous venez de dire.

Un grand nombre de membres du comité se demandent depuis un certain temps quelle est la politique de développement régional qui convient pour les années 90 plutôt que les années 60. Si votre organisme décide d'explorer ce sujet et d'examiner quelles devraient être les diverses options, je vous demande de nous le faire savoir. Nous serions ravis de vous aider dans la mesure du possible, mais surtout, nous voudrions participer au processus d'élaboration de la politique. Nous croyons également important de réviser totalement la politique de développement économique régional qui devrait être celle du prochain siècle, étant donné le succès remporté par des organismes comme l'ARDA et le MEIR. Si nous pouvons vous aider, faites-le-nous savoir.

M. MacMackin: Cela fait certainement partie de nos ordres de mission.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi les banques n'ajusteraient pas les taux d'intérêts selon le risque? Pourquoi une banque n'aurait-elle pas l'audace de le faire, si les grandes banques ne le font pas toutes? Pourquoi ces gens ne seraient-ils pas prêts à prendre des risques plus élevés en demandant des frais additionnels?

[Traduction]

M. MacMackin: Curieusement, lors de toutes mes discussions avec les banques, je ne leur ai jamais posé cette question. C'est peut-être parce qu'elles prêtent de l'argent provenant des comptes d'épargne, des REER et qu'elles tiennent peut-être compte du risque qu'elles sont prêtes à courir compte tenu de l'origine des fonds, mais je ne sais pas exactement ce qu'il en est.

M. Cooper: J'ai posé la question à certains banquiers à qui j'ai parlé et ils m'ont répondu que c'est un secteur qu'ils n'avaient pas bien desservi par le passé et qu'ils commençaient maintenant à s'intéresser davantage aux PME et à la gestion de ce genre de risques. Des projets ont été réalisés dernièrement en ce qui concerne le financement par capitaux propres qu'elles sont disposées à accorder, car elles ne voulaient même pas en entendre parler il n'y a pas si longtemps. C'est en train de changer.

Je crois qu'elles voient là un nouveau créneau et un besoin étant donné que les entreprises ont trouvé ces capitaux ailleurs. Les banques constatent qu'elles peuvent également se lancer dans ce domaine et elles explorent donc cette possibilité.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Surtout quand on a un taux préférentiel de 6 p. 100! Même s'il y a une prime de 6 p. 100, c'est encore moins que le taux d'intérêt d'il y a dix ans, qui était de 15 p. 100. On peut intégrer cela à la structure de prix d'une entreprise.

C'est le rôle d'une chambre de commerce de faire valoir ces suggestions aux banques. Cela fera certainement partie de notre rapport. Des produits n'étaient pas offerts parce que les gens ne répondaient pas à la demande. J'ai l'impression que vous avez eu beaucoup de visiteurs au cours de l'été dans le domaine du tourisme. Mes collègues, en particulier le sénateur Callbeck, sont intéressés à cette question.

Est-ce que dans ce secteur du tourisme -- puisque votre région est très belle -- le domaine bancaire répond aux attentes? Est-ce que vous avez le financement nécessaire pour développer cette industrie qui, à mon avis, pourrait être plus développée dans les provinces de l'Atlantique?

[Traduction]

M. MacMackin: Dans la région de l'Atlantique, le tourisme est l'un de nos secteurs en pleine croissance. C'est un domaine dans lequel de très petites entreprises se lancent, qu'il s'agisse d'une petite entreprise de St. George, au Nouveau-Brunswick, qui offre des randonnées en canoe-kayak ou de gîtes touristiques. Voilà le genre de personnes qui se lancent dans ce secteur et qui cherchent à réussir.

La Banque de développement du Canada s'est penchée sérieusement sur la question de même que l'APECA. Néanmoins, lorsque nous examinons la stratégie d'ensemble établie pour la région de l'Atlantique, nous craignons qu'on n'ait pas établi les priorités, les objectifs et les budgets. Nous venons de dépenser un peu d'argent pour attirer des bateaux de croisière dans la région, par l'entremise de l'APECA, et il a d'abord fallu décider où le bureau serait situé. Grâce à l'excellent travail des sociétés portuaires ces bateaux de croisière sont venus accoster dans la région. Je n'en suis pas certain, mais ces fonds supplémentaires devraient produire d'importants résultats. Nous nous posons toutefois des questions. Nous faisons déjà un bon travail et nous espérons réussir encore mieux -- ou du moins ne plus gaspiller d'argent.

On met de plus en plus l'accent sur ce secteur que toute l'industrie voit comme un secteur en croissance. Ce qu'il y a de remarquable c'est que l'industrie touristique de la région de l'Atlantique, qui se limitait à une saison, s'étale maintenant sur trois bonnes saisons. Nous avons beaucoup insisté sur le développement du tourisme d'un bout à l'autre de l'année et je crois que c'est une question dont on s'est assez bien occupé.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous mettez l'accent sur la BDC et l'ACOA et vous n'en mettez pas beaucoup sur les institutions financières que nous examinons en ce moment, soit les banques et les autres entreprises dans les secteurs financiers. Vous avez dit tout à l'heure que les entreprises du savoir, les «venture funds», vont pencher de ce côté et moins vers le tourisme. C'est la même chose pour les institutions financières. Vous êtes assurés que vous avez les argents nécessaires pour continuer à développer ce secteur qui, à mon avis, peut être un de ceux qui se développera le mieux dans les provinces de l'Atlantique. Est-ce que les institutions financières sont dynamiques dans ce secteur? Devez-vous compter seulement sur les fonds du fédéral?

[Traduction]

M. Cooper: Si vous me permettez d'en parler, si nous faisons allusion au fait que l'APECA et la Banque de développement du Canada ont servi à développer le secteur touristique, c'est parce que tel était leur objectif. Si l'on met l'accent sur le tourisme, les Canadiens de l'Atlantique s'efforcent d'en tirer l'argent voulu. Telle est la réalité.

Si vous lancez une entreprise dans l'industrie touristique, vous savez que l'APECA est là et s'y intéresse et vous allez donc la voir pour obtenir votre financement; si vous l'obtenez, vous tenterez d'obtenir des fonds supplémentaires auprès des institutions de prêts commerciales.

Je suis d'accord avec vous pour dire que la chambre de commerce est une organisation proactive qui attire constamment l'attention des banques sur leurs lacunes. Comme M. MacMackin l'a déclaré tout à l'heure, nous entretenons avec les banques une relation amour-haine et nous leur disons notre pensée.

Ce secteur a gagné de la vigueur dans la région de l'Atlantique. Il a suscité l'intérêt des quatre gouvernements provinciaux qui ont conclu récemment une entente de coopération avec les quatre associations touristiques provinciales pour promouvoir la région de l'Atlantique comme destination pour l'ensemble de l'Amérique du Nord. Les choses se passent bien et prennent de l'expansion.

Grâce à une bonne formation, les personnes qui désirent ouvrir un gîte touristique, par exemple, peuvent établir un bon plan d'affaires et obtenir le financement nécessaire des institutions appropriées. C'est là que des organismes comme l'APECA et la BDC interviennent et c'est pourquoi il est important que le gouvernement fédéral attribue de l'argent aux agences de développement économique comme les sociétés de développement communautaire ainsi qu'au secteur privé, par l'entremise des chambres de commerce. Cela permettra d'aider les gens à établir de bons plans d'affaires afin que, lorsqu'ils vont voir leur banquier, ils puissent obtenir l'argent dont ils ont besoin pour lancer leur entreprise.

M. MacMackin: Il serait intéressant de voir les chiffres réels, mais lorsqu'une banque dit qu'elle a prêté tant de millions aux PME, elle ne précise pas quel a été le montant attribué à chaque secteur. En tous les cas, je ne connais pas ces chiffres et je ne peux pas dire ce qu'ils sont vraiment.

Le sénateur Callbeck: Je veux être sûre d'avoir bien compris. Dites-vous que les petites entreprises de l'industrie touristique n'ont eu aucune difficulté à emprunter de l'argent aux banques à charte?

M. MacMackin: Je n'ai pas dit cela. Je dis que les banques ne précisent pas comment l'argent a été réparti. Si vous prenez la croissance du secteur touristique dans nos collectivités, les petites entreprises qui se lancent et l'infrastructure touristique, nous n'avons pas de données détaillées. Je n'entends toutefois pas les gens se plaindre de ne pas avoir obtenu de prêt même si, j'en suis sûr, il y a des gens qui ont présenté un bon plan d'affaires à la banque, mais qui se sont vu opposer un refus. Cela arrive quotidiennement. Bien entendu, il arrive aussi qu'un mauvais plan d'affaires soit présenté à la banque et qu'il soit rejeté.

Nous semblons avoir une excellente saison touristique chaque année et nos gouvernements provinciaux sont très conscients des avantages du tourisme et investissent dans ce domaine pour améliorer l'infrastructure. C'est maintenant au tour des entreprises de créer des emplois.

Par exemple, le gouvernement aménage la piste Fundy qui conduit au parc Fundy dans le sud du Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas à lui, que ce soit le gouvernement fédéral ou provincial, d'établir deux ou plusieurs gîtes touristiques ou un restaurant; c'est aux entreprises qu'il revient de dire: «Voici une possibilité. Je crois avoir une bonne idée. Je crois pouvoir convaincre quelqu'un de me prêter l'argent voulu». Les banques et les entreprises doivent alors s'entendre pour que le projet se concrétise.

Le sénateur Callbeck: Si je soulève la question c'est que, l'été dernier, nous avons tenu des audiences au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises et, dans la région de l'Atlantique, de nombreuses entreprises du secteur du tourisme et de l'hôtellerie nous ont parlé des difficultés à obtenir des prêts. Si je me souviens bien, l'Association du tourisme de la Nouvelle-Écosse a dit que tout ce secteur connaîtrait une crise d'ici l'an 2000 si les banques à charte ne changeaient pas de mentalité.

M. MacMackin: À en juger par la façon dont les banques prêtent de l'argent et financent les entreprises saisonnières, je crois qu'elles ont le droit de se demander comment elles seront remboursées. Le caractère saisonnier de ces entreprises représente des risques. Vous devez faire preuve d'une grande prudence. Comme il est important d'investir dans ce secteur, l'APECA et la BDC ont cherché à accorder une aide financière aux entreprises pour qu'elles puissent démarrer, mais vous devez veiller à ne pas mettre en place des politiques obligeant les banques à prêter de l'argent simplement parce que c'est une bonne idée, et non pas parce que c'est rentable.

Il y a un tas de bonnes idées pour développer le tourisme, mais il reste difficile de les rendre payantes et réalistes, comme la plupart des exploitants touristiques vous le diront. Ils ne vont pas tous mourir riches.

Le sénateur Kelleher: Les membres du groupe de travail MacKay craignent, de toute évidence, que si les banques fusionnent, la concurrence diminuera. Ils ont cherché à établir de quelle autre source la concurrence pourrait provenir en pareil cas. Ils ont exploré ce qu'ils appellent les institutions bancaires de la deuxième catégorie. Ils ont examiné, par exemple, les caisses populaires et les coopératives de crédit comme source possible de concurrence. Les représentants des coopératives de crédit qui ont comparu devant nous jusqu'ici sont certainement d'accord. Ils sont prêts à entrer sur le marché et pensent pouvoir apporter une assez bonne concurrence. On nous a dit jusqu'ici que, dans la région des Maritimes, le mouvement des coopératives de crédit était limité et fragmenté et qu'il était douteux qu'il puisse offrir une autre forme de concurrence.

Croyez-vous que ce soit exact? Si c'est le cas, quelle autre solution suggérez-vous pour accroître la concurrence dans la région?

M. MacMackin: Vous avez raison de dire que le mouvement des coopératives de crédit est limité et fragmenté. Selon moi, ces institutions livrent une vive concurrence dans les collectivités locales et le défi qu'elles devront relever consiste à renforcer leur réseau. Je crois qu'elles pourront s'en tirer. Elles vont courir leur chance. Il y a là de bonnes possibilités pour elles.

Chacun de nous choisit sa stratégie pour élargir son entreprise. Même si la Banque de Montréal et la Banque Royale veulent suivre cette voie, ce n'est pas sans risque, tout comme la croissance présente des risques pour les coopératives de crédit. C'est toutefois le consommateur qui sera juge et je crois que les coopératives de crédit jouissent d'une bonne réputation auprès de leur clientèle. Si elles peuvent faire preuve de cohésion sur le marché de l'Atlantique, elles vont pouvoir prendre leur expansion. Les divers éléments de ce réseau sont assez forts. Je sais qu'il y en a un ou deux, dans le milieu des affaires de Saint John, qui sont très solides. C'est pour eux une excellente occasion qui s'offre; ou bien ils en profiteront ou bien ils la laisseront passer. S'ils décident de la laisser passer, c'est leur droit, mais d'autres prêteurs sont prêts à prendre leur place. Wells Fargo n'est pas loin et la ING Bank non plus. Les entreprises ont de nombreux choix et cette deuxième catégorie d'institutions s'infiltrera ici avec ou sans changement. Les gens d'affaires auront d'autres possibilités. J'ai souvent entendu dire que le monde évolue plus rapidement que le gouvernement et c'est ce que nous constatons actuellement selon moi.

Les coopératives de crédit ont de bonnes possibilités ici et j'espère les voir s'établir dans les provinces de l'Atlantique, puisque bon nombre de localités n'ont qu'une seule banque, une succursale d'une des cinq grandes banques. Vive la concurrence.

Le sénateur Kelleher: Je peux vous dire ce que les représentants de la Centrale des caisses de crédit du Canada nous ont dit à Ottawa. Ils savent que les services administratifs coûtent très cher. Ils sont prêts à fournir ce service aux coopératives de crédit à travers le Canada, pour que chaque coopérative n'ait pas à créer de bureau local ou même régional. Certains d'entre nous croient que cela devrait leur enlever tout un fardeau.

Si ce projet se concrétisait, croyez-vous que cela faciliterait et favoriserait la croissance et l'expansion des coopératives de crédit dans les Maritimes?

M. Cooper: Sans doute, mais les responsables des coopératives pourraient mieux répondre à cette question.

À Terre-Neuve, il existe un mouvement relativement fort de coopératives de crédit dans la plupart des localités. Les caisses populaires sont bien présentes au Nouveau-Brunswick. Les coopératives sont nombreuses dans ces deux provinces, mais moins nombreuses ici en Nouvelle-Écosse.

L'autre partie du rapport qui semblait présenter des occasions lors des discussions de notre conseil -- car les gens d'affaires cherchent toujours des occasions -- a trait à l'établissement de nouvelles banques très spécifiques. Nous envisageons qu'il y aura des possibilités dans ce domaine plus tard dans les provinces de l'Atlantique. S'il existe un créneau pour la création d'une nouvelle banque -- que ce soit dans les Maritimes ou ailleurs au Canada -- cela va se produire. D'autre part, les gens d'affaires vont chercher toutes les occasions de promouvoir leurs entreprises.

Le président: Monsieur MacMackin, je voudrais vous remercier de nous avoir présenté une évaluation bien franche du rôle du gouvernement à l'égard des entreprises. Les témoins viennent souvent en quête de quelque chose. Certains, par exemple, se sont plaints de ne pas avoir obtenu de prêt. J'ai trouvé intéressant votre commentaire selon lequel la mauvaise qualité des plans d'affaires constitue un des motifs de refus. Votre analyse de la question est beaucoup plus équilibrée que la plupart des témoignages.

Je voudrais vous dire à nouveau que nous sommes prêts à vous aider de quelque façon que ce soit pour ce qui est du processus d'élaboration de politiques.

M. Cooper: Nous allons en reparler.

La séance est levée.


Haut de page