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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 32 - Témoignages du 22 octobre 1998 (avant-midi)


MONTRÉAL, le jeudi 22 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons ce matin des témoins qui nous sont bien connus. Notre premier témoin sera M. Henri-Paul Rousseau, président de la Banque laurentienne, qui nous a prêté main-forte par le passé quand le comité examinait d'autres questions.

M. Henri-Paul Rousseau, président-directeur général, Banque laurentienne du Canada: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Robert Cardinal, qui est notre directeur financier. Notre position sur bon nombre des questions que vous examinez est déjà connue, mais je voudrais vous présenter un bref résumé de nos principales recommandations. Nous vous avons déjà remis une copie de notre mémoire.

Notre principal thème, c'est qu'il faut restructurer le système financier canadien, en misant sur le renforcement de nos institutions financières et en augmentant la concurrence au sein de ce secteur. À notre avis, cela est possible si le gouvernement incite les institutions financières de différentes branches d'activité -- c'est-à-dire, les banques, les compagnies d'assurances, les sociétés de fonds communs de placement et les courtiers -- à se regrouper. C'est d'ailleurs l'approche préconisée par le groupe de travail MacKay. À notre avis, cette approche présente l'avantage de favoriser rapidement cette consolidation de même qu'une intensification de la concurrence.

Nous conseillons donc au comité de recommander au ministre des Finances d'établir des priorités et de diviser le processus décisionnel en trois étapes.

Premièrement, il conviendrait à mon avis de donner suite dans les plus brefs délais à la recommandation du rapport MacKay concernant les structures organisationnelles, les règles de propriété et les principes comptables. Je suis fermement convaincu que ces nouvelles règles donneraient lieu à de nouvelles transactions, tout en créant de nouveaux concurrents. À mon avis, vous devriez vous fixer comme première priorité de donner suite dans les plus brefs délais à cette recommandation. Ensuite, le gouvernement devrait examiner l'ensemble de ces nouvelles propositions et transactions, de même que le projet de fusion dont il est actuellement question. À mon avis, l'éclairage de bon nombre des plus importantes questions sera alors assez différent.

Une fois que vous aurez changé les règles du jeu et que tous les joueurs seront en place, vous aurez l'occasion de vous pencher sur de nombreuses autres questions qui concernent d'autres aspects du cadre réglementaire.

J'insiste sur le fait que si les auteurs du rapport MacKay avaient eu la garantie que le gouvernement donnerait suite aux premières 45 recommandations, mettons, du rapport, bon nombre des autres recommandations auraient été un peu différentes, et certaines, très différentes.

Dans un sens, le rapport MacKay dit ceci: essayons d'accroître la concurrence qui s'exerce sur le marché. Il y a trois façons d'y arriver: on peut démolir les barrières et ouvrir le marché aux étrangers; on peut réduire les obstacles auxquels sont confrontés ceux qui veulent pénétrer ce marché; ou alors on peut donner des encouragements aux intervenants canadiens de manière à favoriser une consolidation et à créer une masse critique de nouveaux concurrents.

Ma position, et celle de mon entreprise et de mon conseil d'administration, est que nous devrions essayer de concrétiser cette troisième solution pour voir ce qui va se produire.

Je suis convaincu pour ma part que beaucoup de capitaux seraient réunis si nous options pour cette solution-là. Autrement dit, l'approche du groupe de travail MacKay s'appuie sur la flexibilité puisque le rapport encourage le gouvernement à adopter des règles qui vont permettre au secteur des services financiers de devenir plus compétitif. Vous n'êtes certainement pas sans savoir que la loi actuellement en vigueur permet à une banque d'être propriétaire de filiales. En fait, aux termes de la Loi sur les banques, une banque canadienne, comme vous le savez fort bien, est en réalité une société de portefeuille, tout en étant banque, parce que telle est la nature de notre structure organisationnelle.

Par contre, une banque ne peut pas elle-même être filiale d'une autre société de portefeuille car la Loi sur les banques précise qu'une banque doit avoir un grand nombre d'actionnaires.

De plus, toujours aux termes de la loi actuellement en vigueur, les entreprises ne peuvent se regrouper entre elles que par l'entremise de fusions ou d'acquisitions. Le cadre juridique et les règles de comptabilité sont tels que les seuls projets de rapprochement qui soient soumis à votre examen sont les deux grands projets de fusion. Ce n'est pas accidentel; c'est la conséquence directe du cadre juridique et des règles de comptabilité qui régissent l'ensemble des banques au Canada.

Pour que ce soit bien clair, supposons que j'essaie de former une coalition entre ma banque et une compagnie d'assurances ou une société de fonds commun de placement. Si je décidais de faire ça en payant le bon prix, j'aurais automatiquement accès à une clientèle très importante.

Deuxièmement, comme les deux entreprises représentent des branches d'activité différentes, la synergie créée du point de vue des coûts serait minime. Pour cette raison, les avantages économiques, à part ceux associés à cette seule opération seraient minimes. Et s'il n'y a pas énormément de nouveaux concurrents sur le marché, c'est justement à cause de ces deux conséquences de l'interaction du cadre juridique et des règles de comptabilité. Voilà donc ce sur quoi nous voulons insister: vous devez vous intéresser d'abord et avant tout à ces règles.

D'après ce que j'ai lu, vous semblez interroger bon nombre de témoins sur le modèle organisationnel des sociétés de portefeuille. Vos préoccupations découlent des expériences d'autres administrations et organismes de réglementation. À mon avis, vos préoccupations sont peut-être bien fondées, mais nous devons surtout nous en tenir à l'essentiel. Il ne s'agit pas de se demander quelle est la meilleure méthode où le meilleur modèle à adopter en théorie, mais plutôt quel mécanisme va nous permettre d'assurer l'entrée sur le marché canadien de nouveaux concurrents. Voilà ce sur quoi vous devez vous concentrer -- c'est-à-dire la façon d'amener de nouveaux concurrents à pénétrer ce marché, et dans ce contexte, le principe qui vous guide devrait être le même que celui que vous appliquez à l'examen de toute autre question. Nous recommandons en conséquence que le gouvernement donne suite dans les plus brefs délais à la première série de recommandations du rapport MacKay sur la concurrence.

Dans ce contexte, nous désirons apporter des nuances importantes au débat sur la question suivante: en effet, des opinions contradictoires ont été exprimées sur le fait de savoir si les banques devraient avoir le droit de vendre des assurances ou d'offrir un service de location à long terme d'automobiles ou de véhicules semblables et sur la possibilité que les compagnies d'assurances et les sociétés de fonds communs de placement aient accès au système de paiements.

À cet égard, mon opinion est un peu différente de celle non seulement des banques mais des autres intervenants. Si le principe directeur consiste à faire en sorte que tous les autres acteurs à part les quatre grandes banques puissent fusionner, il sera possible de créer une masse critique de nouveaux concurrents. Si c'est ça que vous voulez, assurez-vous de préserver les différences qui permettent de distinguer les deux groupes. Permettez aux compagnies d'assurances et aux sociétés de fonds commun de placement de se retirer du système de paiements pour qu'elles soient vraiment incitées à dialoguer avec les sociétés de fiducie et les autres banques pour former des partenariats. Ce sera un moyen pour elles d'accéder au système de paiements. Si vous ouvrez le système de paiements à tout le monde, les autres seront moins incités à se regrouper. Deuxièmement, on peut avancer le même argument en ce qui concerne le pouvoir de vendre des assurances et de faire de la location d'automobiles à long terme. Vous voulez que les compagnies d'assurances se rapprochent des autres banques et sociétés de fiducie. Mais pour que cela puisse se réaliser, il faut surtout éviter d'accorder aux compagnies d'assurances et de fiducie le pouvoir de vendre les assurances directement aux consommateurs; il faut plutôt leur donner des incitations positives et négatives à se regrouper. L'incitation positive sera le nouveau cadre juridique, la structure organisationnelle de la société de portefeuille et les nouvelles règles comptables. Les incitations négatives seront justement les différences qui continueront de les distinguer les unes des autres.

On peut également faire valoir un autre bon argument. En tant que décideur, vous savez fort bien qu'il n'est pas possible de transformer la législation du jour au lendemain. Il y a tout simplement trop de recommandations. Aussi bonnes soient-elles, il vous est impossible de les mettre en oeuvre du jour au lendemain. On parle nécessairement d'un processus politique et de l'élaboration de politiques nouvelles. Enfin, j'estime que si vous donnez suite à la première série de recommandations, de nouveaux acteurs apparaîtront automatiquement, créant ainsi une nouvelle réalité. Vos choix politiques seront alors facilités.

Le président: Merci infiniment pour cette déclaration très directe et stimulante. J'ai deux questions précises à vous poser: En ce qui concerne les règles de propriété, le groupe de travail MacKay recommande le maintien de la règle des 10 p. 100, avec la possibilité de permettre un maximum de 20 p. 100 ou plus pendant la période de transition. Cependant, par la suite, le maximum redeviendrait 10 p. 100. Qu'en pensez-vous? J'ai d'ailleurs choisi un seuil de 20 p. 100 pour une raison bien particulière -- c'est que celui qui investit 20 p. 100 peut opter pour la comptabilité à la valeur de consolidation, ce qui est préférable, de l'avis de beaucoup de gens, à la possibilité de traiter cet apport financier comme un simple investissement. Pensez-vous qu'un changement de ce genre inciterait d'autres personnes encore à s'intéresser à ce secteur d'activité?

M. Rousseau: À mon avis, le principal effet de ce changement ne se fera pas sentir au premier degré. Le premier degré, ce sont les nouvelles règles comptables, un nouveau cadre juridique et des mesures d'incitation. Une fois que le maximum sera de 20 p. 100, nous tous, c'est-à-dire tous ceux qui sont actuellement actifs dans ce secteur, auront la capacité d'attirer de nouveaux investisseurs, favorisant ainsi la concurrence. C'est justement pour cela que j'approuve ce genre de mesure; par contre, ce n'est pas bien important à mon avis de faire le reste.

Le président: Je suis tout à fait d'accord.

M. Rousseau: Je serais en faveur d'un seuil de 20 p. 100 justement à cause de l'avantage qui découle de la comptabilité à la valeur de consolidation: ces nouveaux acteurs apporteront de nouveaux capitaux. Supposons qu'une compagnie d'assurances, une société de fonds commun de placement et une société de fiducie se regroupent conformément au concept de la société de portefeuille; Il est probable que la première étape consiste à changer de raison sociale -- c'est-à-dire en créer une nouvelle et établir une clientèle fidèle.

L'un des principaux coûts fixes d'entreprises comme la nôtre est celui associé à la création d'un nom commercial qui soit bien connu du public. Par exemple, Fidelity est une entreprise connue, une entreprise qui existe depuis des années, comme chacun le sait, mais cela coûte très cher de faire en sorte que le public associe une bonne réputation à votre raison sociale. Si vous créez une nouvelle entité en regroupant trois entités différentes, le premier défi que vous aurez à relever sera de vous faire connaître. Pour cela, il faut investir des capitaux, et la règle des 20 p. 100 sera peut-être le moyen de favoriser un apport d'argent frais qui vous aidera à le faire.

Il en va de même pour la formation des employés et pour l'investissement dans les nouvelles technologies. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est normal de vouloir faire cela une fois que vous avez fait tout le reste.

Le président: En ce qui concerne la structure organisationnelle des sociétés de portefeuille, quelles sont les différences? Lorsque nous étions aux États-Unis, nous avons justement débattu la question de savoir s'il était préférable d'opter pour une structure chapeautée par une société de portefeuille ou plutôt celle de la société mère/filiale. Du point de vue commercial, y a-t-il vraiment une différence, dans la pratique, entre une structure chapeautée par une société de portefeuille, c'est-à-dire le fait d'avoir une société de portefeuille et toute une série de filiales, la banque ou la compagnie d'assurances étant justement l'une des filiales, et une structure de société mère/filiale où la banque elle-même constitue la société de portefeuille qui chapeaute les filiales?

M. Rousseau: Si le modèle de la société de portefeuille est préférable dans le contexte actuel, c'est justement à cause des procédures particulières qui sont associées à chacune de ces structures. Permettez-moi de vous en donner un exemple. Supposons que notre banque décide d'essayer de créer une entreprise sur le modèle de la société mère/filiale en invitant une compagnie d'assurances et une société de fonds mutuels à fusionner avec notre entreprise. Dans ce cas-là, les actionnaires des deux autres compagnies vont recevoir des actions de la Banque laurentienne.

Pour des raisons de perception et de comptabilité -- et de nombreuses autres raisons, d'ailleurs -- notre tâche au moment de pressentir une autre entreprise serait d'autant plus facile si nous avions la possibilité de proposer à nos actionnaires, et l'autre entreprise, aux siens, qu'ils reçoivent les actions d'une nouvelle société de portefeuille. Cette dernière serait la propriétaire de toutes les entreprises sur une base proportionnelle, ce qui nous faciliterait grandement la tâche du point de vue non seulement du processus en tant que tel mais de la perception.

Pour moi il y a une différence importante entre les deux, notamment du point de vue de la réglementation qu'on impose à l'entreprise qui chapeaute la structure, qu'il s'agisse de la société mère ou de la société de portefeuille. Deuxièmement, la recommandation de l'ABC concernant la possibilité de recourir à la Loi sur les banques plutôt que de créer une nouvelle charte ou d'adopter une nouvelle loi me paraît bien logique comme approche. Il suffirait de faire en sorte que les modalités que prévoit actuellement la Loi sur les banques visent à la fois les banques et les sociétés de portefeuille. Cela faciliterait la vie à tout le monde, notamment d'un point de vue constitutionnel.

Le président: Donc, pour résumer, votre préférence pour le modèle de la société de portefeuille, par rapport à celui de la maison mère/filiale dépend en réalité des avantages que présente ce premier modèle, à votre avis, quand il s'agit de conclure une entente avec un éventuel partenaire. Dans un sens, il donne davantage l'impression d'une fusion que d'une prise de contrôle.

M. Rousseau: C'est exact. Et du point de vue juridique, même si à notre avis, nous aurions le droit de nous regrouper, si c'était la banque qui prenait l'initiative, c'est la banque achèterait les autres entités, avec tout ce que cela comporte comme conséquences. Vous savez très bien tout ce qui a été dit au sujet des grandes banques, et par conséquent, si vous voulez stimuler ce secteur, vous devez vous assurer que le système peut donner tous les encouragements nécessaires aux intéressés.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous remercie pour vos remarques. Il y a matière à réflexion. Votre approche est quand même très réaliste et devient donc un apport très important. J'ai deux petites questions à vous poser. Une de mes questions ne touche par contre pas votre texte. Les représentants qui s'adressent à nous proviennent généralement de l'industrie plutôt que des organismes de consommateurs.

À Ottawa, un représentant de l'Association des consommateurs nous a demandé d'étudier la possibilité, dans le cadre des recommandations du rapport, de décrire l'équilibre entre le consommateur et les institutions financières et de tenter de renforcer les associations de consommateurs, d'une part, en leur donnant accès à un financement qui viendrait du grand public. Il en résulterait moins de fonds provenant de sources gouvernementales, ce qui leur donnerait la pleine liberté de représenter les intérêts du consommateur en utilisant un mécanisme à leur disposition, à savoir leurs clients, à qui l'on doit envoyer un état de compte chaque mois.

Il demandait que les institutions financières, sans exception, émettent un petit dépliant qui demanderait aux associations une contribution qui leur permettrait de créer des associations de consommateurs sérieuses et bien financées à travers le pays, afin qu'un dialogue se poursuive de façon organisée avec les institutions financières.

Certaines associations de consommateurs sont en partie financées par le public, alors que d'autres sont financées en grande partie par les gouvernements. On ne peut pas dire qu'il y ait un équilibre des forces. Ce sont des associations qui, à mon avis, ont perdu beaucoup de leurs pouvoirs.

Afin de répondre aux voeux du rapport MacKay, et dans un souci de dynamisme et de concurrence, une entreprise comme la vôtre serait-elle prête à émettre, deux fois par année, par exemple, un dépliant préparé par ces associations pour solliciter vos clients à adhérer à une association de consommateurs?

M. Rousseau: Nous avons déjà, dans nos différents secteurs d'activités, des comités consultatifs où nous invitons les clients à partager les orientations de ventes et qui nous donnent des suggestions.

Je crois qu'il serait important que nous ayons une législation qui permettrait que quelqu'un d'autre que nous choisisse les institutions retenues. Nous ne voudrions pas avoir à décider qui est représentatif des consommateurs canadiens. Cela ne doit pas être le rôle de chaque banque ou de chaque institution.

Dans l'hypothèse où quelqu'un d'autre aurait fait ce choix, et qu'il y aurait des décisions consensuelles à prendre sur qui fait quoi et qui représente qui, je n'aurais pas d'objection à ce que cela se fasse sur une base systématique, par exemple deux fois par année.

J'ajoute cependant, sénateur, qu'à mon humble avis, la véritable façon de donner plus de pouvoirs aux consommateurs, c'est de lui donner plus de choix. Je pense que ce qui va faire une différence, c'est le nombre d'institutions, ainsi que la capacité des institutions à se livrer concurrence sur les différents marchés. C'est pourquoi le sens de mon intervention est de vous inciter à faire en sorte que les règles de consolidation soient celles que nous avons énoncées précédemment.

C'est là où le consommateur sera gagnant. Dans les marchés où il y a une grande compétition, comme celui du téléphone cellulaire, vous avez peut-être des plaintes des consommateurs, mais elles ne concernent pas l'absence de compétition. La compétition est extrêmement forte. Pourquoi? Parce que le marché est totalement ouvert et que les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je retiens d'abord qu'il y a déjà des associations nationales, mais qu'elles pourraient être renforcées dans le secteur de la recherche, de la qualité de la recherche et de la formation d'un personnel compétent et de qualité.

Évidemment, cela ne touche pas strictement le secteur bancaire. Il y a déjà une association des consommateurs au Canada. C'est une autre association qui nous a fait cette proposition. Si je venais à cette idée d'avoir deux ou trois associations, ce n'est certainement pas pour en inventer deux ou trois nouvelles.

Je crois que dans le moment, il y a certaines associations déjà sur le marché qui ont fait leurs devoirs. Il y a beaucoup d'information à donner et d'éducation à faire. Malgré l'effort que font les banques en termes d'information aux consommateurs, vous avouerez que plus il y a de produits, plus il y a de choix, et plus c'est compliqué aussi pour le consommateur.

Il serait important d'avoir une organisation totalement indépendante des institutions financières qui puisse, de temps à autre, dans ses relations avec les consommateurs, donner des tableaux d'analyse et expliquer aux gens quel est le meilleur choix, la meilleure offre de telle ou telle compagnie, qu'elle soit d'assurances ou autres.

Le consommateur disposera à tout le moins d'un spécialiste pour vulgariser et lui faire comprendre les données car le consommateur, sans être un expert en finances, se cherche un produit. Il pourra alors faire un choix judicieux.

Il semble que les banques aient investi 20 millions de dollars récemment pour communiquer avec les citoyens. J'aimerais bien entendre demain matin les citoyens nous dire s'ils sont satisfaits de cela.

Une association indépendante nous donnerait peut-être une meilleure réponse. Etes-vous d'accord?

M. Rousseau: Je suis d'accord. Cependant, vous pourriez rencontrer certains problèmes pratiques car on est en présence de plusieurs entreprises, qui ne sont pas toutes sous une juridiction fédérale, provinciale ou étrangère, qui font affaire au pays. Encore là, il faudrait que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais que vous explicitiez votre proposition concernant les compagnies d'assurances et la dernière proposition que vous avez faite. Vous pouvez d'abord élaborer en français et peut-être d'une façon un peu moins technique, de sorte que notre rapport puisse être compréhensible pour un simple électeur.

M. Rousseau: Le point est le suivant: il y a à peu près, selon des estimés que vous pouvez faire, l'équivalent de la moitié du capital de l'industrie bancaire qui se trouve dans les autres secteurs, soit l'assurance, les fonds communs de placements, le courtage, qui n'est pas propriété des banques, et le secteur des fiducies.

Ce capital est assez éparpillé, si vous me permettez l'expression. Il peut être dans les mains de petites institutions financières ou bancaires. Ce capital pourrait être regroupé et devenir une nouvelle force de compétition sur le marché canadien si les règles du jeu étaient modifiées. C'est le sens de notre proposition, et beaucoup de recommandations du rapport MacKay vont aussi dans ce sens.

J'ajoute cependant que si vous voulez que cela arrive, il faut non seulement que les incitatifs positifs, c'est-à-dire les règles comptables et les règles juridiques, soient modifiés, mais également que vous mainteniez des différences entre les institutions.

Je m'explique. Si, d'une part, vous offrez dès aujourd'hui aux compagnies d'assurances la capacité d'offrir des comptes-chèques et donc, de participer pleinement au système de paiement, d'autre part, dans le même souci d'équité ou de «level playing field», vous devez donner le droit aux compagnies bancaires et aux institutions de dépôt de distribuer de l'assurance.

Plusieurs ont proposé cela, et le rapport MacKay le propose aussi. Je dis simplement que c'est très bien en théorie. Mais en pratique, en faisant cela, vous éliminez une des bonnes raisons pour une compagnie d'assurances et une banque, ou pour une compagnie de fonds mutuels et une compagnie d'assurances, de se regrouper.

Si notre objectif premier est de créer de nouveaux compétiteurs, il faut mettre toutes les chances de notre bord pour que cela se produise. Le marché va le faire selon les règles du jeu de la politique publique en place.

C'est dans ce sens que je dis ceci: il faut garder ces différences pour le moment, et dire aux assureurs, qui veulent jouer un plus grand rôle dans le système de paiement, de se rapprocher des banques et des fiducies qui restent et aussi dire aux banques, qui veulent faire de l'assurance, de se rapprocher des assureurs. La même chose pour les compagnies de fonds communs de placements et les compagnies de courtage.

C'est donc le point essentiel. Ce n'est pas une vue permanente. Je suis biaisé par rapport à l'objectif de faire en sorte que ce capital, qui est éparpillé, soit regroupé dans les mains de six ou sept institutions qui vont favoriser une nouvelle compétition.

Le rapport MacKay suit la même logique lorsqu'il mentionne de faire participer de nouveaux joueurs, soit des banques communautaires, des banques coopératives. C'est vrai et cela devrait se faire. Je suis d'accord avec cela, mais c'est peu en termes de taille du capital.

Le gros de la nouvelle compétition doit venir de deux sources: la consolidation des autres, comme je le propose, ou la venue de banques étrangères. Selon l'hypothèse à partir de laquelle les Canadiens préfèrent avoir le contrôle sur leur système pour le moment, ce choix est privilégié, et je base donc mes recommandations sur cet objectif précis de créer de nouvelles forces compétitives.

[Traduction]

Le sénateur Oliver: Le groupe de travail MacKay affirme à plusieurs reprises que le secteur canadien des services financiers en est au point où une restructuration importante s'impose, si on veut éviter que les consommateurs soient lésés. L'argument de MacKay, c'est que des changements de ce genre s'opèrent dans le monde entier, et il discute en long et en large de l'incidence de ces transformations mondiales sur les institutions canadiennes. Je voudrais vous poser quelques questions générales sur le phénomène de la mondialisation, et vous demander de me décrire ses effets sur le Canada.

Par exemple, est-ce avantageux pour les Canadiens de pouvoir participer aux marchés financiers mondiaux par l'entremise d'institutions basées au Canada? Est-ce que cette notion de compétitivité mondiale, qu'on retrouve très souvent dans le rapport de MacKay, vise uniquement les opérations canadiennes à l'étranger, concerne les opérations canadiennes menées à l'étranger seulement ou plutôt la capacité de rivaliser avec des institutions étrangères sur le marché intérieur?

M. Rousseau: La situation mondiale a beaucoup évolué au cours des six derniers mois, comme vous le savez. À mon avis, le ton et bon nombre des conclusions du rapport MacKay seraient un peu différents si on le rédigeait maintenant plutôt qu'il y a six mois. Voilà une première constatation générale. Cela ne veut pas dire que la mondialisation n'agit plus sur la situation, mais plutôt qu'il s'agit là d'un phénomène complexe. Pour répondre à vos deux questions, je dirais que c'est effectivement avantageux pour les Canadiens de pouvoir traiter avec des institutions qui peuvent affronter la concurrence sur la scène mondiale. Tout cela est en rapport avec notre vision de l'avenir et la façon dont nous concevons l'avenir de ce secteur.

Nous traitons tous avec des institutions financières par le biais d'une succursale dans notre localité qui traite nos chèques et nous fournit des services bancaires de base. En entrant dans cette succursale, vous et moi, nous avons commencé à parler à quelqu'un et cette personne nous parlait de nos investissements ou de nos prêts. En réalité, je viens de vous décrire les trois activités de base du secteur des services financiers, activités qui correspondent justement à celles de cette succursale: les services liés aux paiements, les services de crédit, et les services liés aux investissements. L'industrie s'est consolidée non seulement au Canada mais dans le monde entier. Comment se fait-il qu'on assiste actuellement à la fusion de banques européennes et américaines? Eh bien, les entreprises qui constituent actuellement cette industrie, en fusionnant, disparaissent et sont remplacées par un nouveau type d'entreprises. Prenons par exemple des services liés aux paiements et des activités connexes. Grâce aux progrès technologiques, nous assistons actuellement à la convergence des secteurs des télécommunications, de la câblodistribution et d'autres activités semblables. En français, nous employons le terme «domotique» pour décrire le fait de pouvoir accéder à tous les services au domicile -- c'est-à-dire la convergence du câble et du téléphone. Il s'agit, je suppose, d'une activité nouvelle qui correspond un peu à ce que font les banques actuellement. À l'heure actuelle, nous fournissons bon nombre des services liés aux paiements, mais regardez un peu tout ce qui se fait maintenant sur Internet. À l'aide d'une cabine téléphonique, il est maintenant possible de faire des virements de fonds extrêmement rapide. Ce n'était pas possible précédemment. Et dans 10 ou 15 ans, la convergence des télécommunications, de l'informatique et de la domotique sera une réalité. Tous ces éléments seront étroitement liés. Nous envisageons maintenant de permettre à d'autres entreprises financières d'accéder au système des paiements, et à l'avenir, ce système sera effectivement plus ouvert.

Bell Canada constitue déjà un système de paiements, étant donné que ses clients ont des cartes qui leur permettent de virer des fonds d'une localité à l'autre à partir des cabines téléphoniques de Bell. Cette dernière ne recourt pas au système de paiements des banques, mais à son propre système. Voilà donc une nouvelle branche d'activité qui prend de l'importance.

Quant au crédit, on peut maintenant emprunter de l'argent un peu partout. Il n'est plus nécessaire de s'adresser à une succursale. Des services de consultation -- la majeure partie des recherches est faite par le principal courtier en valeurs mobilières aux États-Unis -- sont disponibles sur Internet à très bon marché. Pour 29 $ par mois, vous pouvez d'ores et déjà accéder à tous ces services. Quelle est donc l'utilité des courtiers traditionnels? Il est vrai que les activités sont en train de se transformer, et pour cette raison les Canadiens ont intérêt à pouvoir traiter avec des institutions qui suivent le rythme de ces transformations. Dans le cas de certaines de ces activités, des économies d'échelle sont nécessaires en raison des changements qui s'opèrent, d'où la nécessité de fusions.

Le président: Je vous écoutais attentivement, et j'ai l'impression que ce que vous affirmez en réalité -- et cela rejoint ce que vous disiez dans vos remarques liminaires -- c'est qu'à votre avis, il va y avoir une dizaine d'institutions financières. Mais ces institutions financières seront-elles établies à la suite de fusions intersectorielles, plutôt que de fusions qui s'opèrent à l'intérieur d'un même secteur?

M. Rousseau: Oui.

Le président: À ce moment-là, nous élargissons le champ d'action de tout le secteur plutôt que de permettre aux entreprises d'un secteur donné d'être plus grandes. C'est donc sur cette perception fondamentale des choses que nous devons nous appuyer en décidant de l'orientation de nos politiques dans ce domaine.

M. Rousseau: Oui. La raison en est la suivante: les tendances qui se manifestent actuellement dans l'industrie sont telles qu'il faut absolument des économies de diversification pour survivre à l'avenir.

Le président: Je vous signale en passant que les responsables de la Banque nationale ont fait valoir le même argument, mais d'autres témoins prétendent au contraire que nous n'avons besoin que d'économies d'échelle; les économies de diversification supposent une série de politiques gouvernementales tout à fait différentes.

Le sénateur Oliver: Ces deux premières questions sont en rapport avec l'importance de la souveraineté canadienne et des activités canadiennes en général dans ce contexte.

M. Rousseau: J'allais justement aborder ce point. À l'avenir, le système des paiements sera ouvert, tout comme celui du crédit. Dans le domaine de la gestion des richesses des particuliers, il y a nécessairement une relation particulière avec le client, et il y a aussi des activités connexes. C'est là que vous voulez bénéficier de la confiance de vos clients et surtout bien les connaître. Vous entretenez des relations intimes avec vos clients. Vous vous occupez de leur avenir financier. Vous vous asseyez avec des gens pour discuter de leur retraite, de leur revenu global, de leurs actif et passif et vous les aidez à planifier leur avenir. Il s'agit de relations des plus personnelles. Pour ma part, je suis convaincu que les Canadiens veulent pouvoir traiter avec une institution canadienne quand il s'agit de discuter de ces choses-là. On peut décider d'opter pour un secteur entièrement ouvert, mais d'après ce que j'ai lu et ce que j'observe à l'heure actuelle, certains opposeront toujours une certaine résistance à l'ouverture complète de ce secteur d'activité.

Le sénateur Oliver: Et certains ne voudront pas non plus accepter de modifier la règle des 10 p. 100.

M. Rousseau: C'est exact.

Le sénateur Oliver: J'étais tout à fait fasciné par vos remarques au sujet de l'influence des technologies de pointe. J'ai aussi trouvé intéressant que vous affirmiez que si MacKay devait rédiger son rapport aujourd'hui, celui-ci serait peut-être un peu différent. Il est tout à fait vrai qu'il y a eu du nouveau dernièrement pour ce qui est des fusions et des télécommunications de pointe, non seulement aux États-Unis mais au Canada. Grâce aux technologies mises au point par des entreprises comme Microsoft, le nombre de services financiers disponibles sur Internet s'est considérablement accru. En fait, Microsoft envisage maintenant de se transformer en banque parce qu'elle a maintenant Quicken et de nouveaux guichets uniques électroniques, comme Money ou On-Line Mortgage Exploring. Ces innovations prouvent très clairement que la définition d'une banque a beaucoup changé, même depuis que MacKay a rédigé son rapport. Le concept des services bancaires est maintenant beaucoup plus difficile à préciser en raison de tout ce qu'on peut faire à l'heure actuelle par l'entremise d'Internet.

M. Rousseau: Nous faisons face à une réalité complexe. D'un côté, vous avez les fournisseurs et les consommateurs des technologies de pointe. De l'autre côté complètement, vous avez les interactions interpersonnelles directes qui ne reposent pas sur la technologie de pointe. À quel rythme les consommateurs et les technologies de pointe doivent-ils évoluer pour que nous puissions passer d'un extrême à l'autre?

Il y a cinq ans, l'écart entre les deux extrêmes était moins important; il s'est creusé depuis. De plus en plus de gens emploient les technologies de pointe, mais il y en a encore beaucoup -- je dirais même qu'il s'agit d'un nombre croissant de personnes -- qui veulent pouvoir parler à quelqu'un dans leur localité.

Le sénateur Oliver: Surtout les personnes âgées.

M. Rousseau: Vous seriez peut-être surpris de connaître leur réaction. Prenons l'exemple des services bancaires téléphoniques. Nous avons un certain nombre de clients qui sont ravis de recourir aux services bancaires téléphoniques et qui ne vont donc plus dans leur succursale. Si vous habitez au troisième étage d'un immeuble situé à Montréal, et qu'il neige en plein mois de février, vous allez sans doute préférer vous servir du téléphone, plutôt que d'aller à votre succursale; donc, en général, les personnes âgées sont très satisfaites des nouvelles technologies. Elles ont grandi avec le téléphone. Elles ne se servent pas d'Internet parce qu'elles n'ont pas grandi avec l'ordinateur. Mes enfants le feront -- voilà justement la différence -- mais la réalité est tout de même assez complexe.

Mes remarques au sujet du rapport MacKay et la situation mondiale concernent davantage les risques à l'étranger et l'importance primordiale des capitaux. À mon avis, si les auteurs du rapport avaient à le rédiger maintenant, ils mettraient en relief la section traitant de l'abolition de l'impôt sur le capital et insisteraient davantage sur la nécessité d'avoir non seulement un marché concurrentiel, mais des institutions qui peuvent affronter la concurrence et rester stables.

Le sénateur Austin: Ma première question concerne le moment auquel nous devrions, à votre avis, donner suite à vos diverses recommandations. Êtes-vous d'avis qu'il faut reporter à plus tard l'examen de l'éventuelle fusion des grandes banques?

M. Rousseau: J'espère que les ministres des Finances pourront déposer un document avant le prochain budget fédéral -- au début mars, disons -- qui puisse nous servir de plan. J'espère que ce document va établir les règles du jeu dans tous les domaines, y compris sur la question de la concurrence.

Je présume que ce sera d'ailleurs l'une des principales recommandations du comité et que le gouvernement y donnera suite. Par rapport à l'ensemble du processus, cela veut donc dire que le gouvernement établira l'orientation qu'il compte prendre dans ce domaine. À ce moment-là, toutes les institutions au Canada sauront dans quelles conditions elles devront mener leurs activités en ce qui concerne le cadre juridique, les règles comptables et les questions abordées dans les 40 premières recommandations. Si tout cela est abordé dans le document, et si ce document est à ce moment-là sur le point d'être adopté sous forme législative, nous aurons une idée très claire de notre orientation. Si cela devait se faire en février, je suis convaincu qu'une série de projets de regroupement ne tarderait pas à venir. Le marché réagira dans les plus brefs délais. Tout cela se fera à mon avis en mars, avril, mai, juin et juillet.

Au cours de cette même période, vous aurez également reçu le document intitulé: «Servir le Bureau de la concurrence» au sujet des deux projets de fusion. Vous ferez alors face à une nouvelle réalité sur le plan de la politique et vous aurez toute une série de nouvelles opérations à comparer à celles des autres banques.

Donc, à mon avis, d'ici l'été 1999, le gouvernement devrait pouvoir examiner non seulement les deux projets de fusion, mais les cinq, six ou sept autres transactions qui pourront être proposées. Cela suppose que nous allons changer les règles du jeu avant de dire oui ou non, ou encore «non, mais...» aux projets de fusion.

Je recommande donc que le gouvernement procède rapidement à l'établissement de nouvelles règles, avant de se pencher sur l'ensemble de la situation. Pour moi, ce sera avantageux pour les entreprises qui veulent fusionner, parce que vous, en tant que décideurs politiques verrez ces entreprises d'un oeil assez différent si le marché sur lequel elles mènent leurs activités est plus concurrentiel. Par contre, si vous avez le choix entre l'acceptation de ces deux fusions et le statu quo, il vous sera assez difficile de les approuver. Cependant, dans le contexte de nouvelles règles et en présence de nouvelles forces concurrentielles, votre perception des fusions serait nécessairement assez différente.

Le sénateur Austin: Vous abordez justement le point essentiel. Il ne fait aucun doute que, par l'entremise des politiques gouvernementales, nous cherchons à favoriser la création d'un marché du crédit et de services financiers ouverts, transparents et concurrentiels. Il s'agit de savoir comment s'y prendre pour créer un tel marché. Vous avez parlé -- à juste titre, à mon avis -- de la nécessité de stimuler ce qu'on appelle, pour employer le terme obscur de la loi -- les institutions financières de deuxième rang. Vous abordez justement la question du chemin critique, et c'est justement là-dessus que je vous invite à préciser encore votre pensée.

La question que je me pose est la suivante: Qu'est-ce qui vous fait croire que les institutions financières de deuxième rang qui offrent différents services financiers seront suffisamment stimulées pour dialoguer entre elles, pour créer des structures d'organisation et de propriété différentes et pour devenir plus concurrentielles? Et si elles le font, s'agira-t-il d'un long processus dont il faudra attendre la fin pour régler les problèmes?

Vous nous avez dit que si le ministre donne une indication dans son budget de février de l'orientation du nouveau cadre politique, en été, il aura déjà devant lui un certain nombre de demandes. Mais pour citer les propos du vieux professeur de philosophie, tout cela repose sur la prémisse selon laquelle les institutions financières de deuxième rang vont effectivement réagir. Et si elles réagissent en fonction du calendrier que vous nous avez décrit, il me semble qu'elles doivent d'ores et déjà être en train de préparer leurs demandes. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Rousseau: Nous parlons en fait de sept ou huit compagnies d'assurances, dont les quatre plus importantes sont en voie de démutualisation, alors que les trois autres se préparent. Nous parlons aussi de six ou sept sociétés indépendantes de fonds mutuels. De même, nous parlons des autres banques qui ne sont pas visées par les fusions, c'est-à-dire nous-mêmes et certaines sociétés de fiducie, ainsi que d'autres éventuels acteurs, c'est-à-dire des réseaux de distribution ou de plus petites compagnies.

Il s'agit donc, non pas de 2 000, mais de 20 à 25 acteurs. Une fois que les mesures d'incitation appropriées sont en place, la situation évolue rapidement sur le marché. Nous sommes tous payés pour nous intéresser à une chose en particulier, c'est-à-dire pour nous assurer que nos actionnaires obtiennent un bon rendement de leur investissement. Nous pouvons justement atteindre cet objectif si les institutions qui sont présentent sur le marché s'investissent beaucoup dans leurs activités.

Et n'oubliez pas une chose. La réalité à laquelle vous êtes maintenant confrontés résulte des règles qui sont actuellement en vigueur. Comment se fait-il que seulement deux grandes banques proposent de fusionner? Eh bien, parce que ce sont les seules banques qui puissent le faire sur les plans à la fois légal, comptable et financier. Les autres n'envisagent pas de le faire parce que cela n'aurait pas de sens dans leur cas. Prenons l'exemple des fusions de compagnies d'assurances -- la Compagnie Great-West a acheté London Life. Pourquoi cette décision s'imposait-elle? Eh bien, parce qu'il s'agissait d'un regroupement d'entreprises à l'intérieur d'une même branche d'activité. Dans ce cas-ci, nous parlons du regroupement d'entreprises dans différentes branches d'activité.

Donc, pour que cela puisse se faire, vous devez absolument changer les règles du jeu. Vous verrez que les principaux intéressés réagiront très rapidement à tout changement; vous en serez même surpris. D'abord, les analystes feront leur travail, ensuite les consommateurs feront le leur et les journaux et les responsables politiques s'occuperont du reste. Mais des pressions vont certainement s'exercer sur les décideurs pour concrétiser de tels changements, parce que vous avez déjà donné l'impulsion en quelque sorte. Deuxièmement, vous n'êtes certainement pas sans savoir que depuis deux ans, les gens discutent entre eux de la situation en se demandant pour quelle raison il n'y a pas eu de transaction. Le fait est que ce n'est pas possible parce que les règles actuelles nous empêchent de le faire. Pour ma part, j'en ai discuté avec beaucoup de gens qui, eux, en ont discuté avec d'autres. Depuis un moment nous essayons de danser un peu avec tout le monde, mais nous n'arrivons pas à bien suivre la musique. Nous n'avons pas les mêmes possibilités que les autres, car les règles actuelles sont telles que ces entreprises-là sont les seules à pouvoir aller sur la piste et danser comme il faut. Cela me semble assez évident. Alors je vous encourage à agir et à vous pencher sur la situation dans son ensemble.

Supposons que je me trompe; quelles en seraient les conséquences? Le fait est qu'il ne peut y avoir de conséquences négatives. Plutôt que des inconvénients, il n'y a que des avantages. Le statu quo se maintiendra. Et vous aurez à ce moment-là la possibilité d'envisager toutes sortes de possibilités. À mon avis, il y a lieu d'intensifier la concurrence, et cela peut se faire à mon avis à partir du Canada. Je vous demande simplement d'essayer. Donnez la chance aux acteurs canadiens de participer au jeu. Donnez-leur une chance pour que les consommateurs et la PME soient mieux servis par une industrie qui aura réussi à exécuter une consolidation intersectorielle. C'est ça qui est essentiel.

Le sénateur Austin: Le P.-D.G. d'une grande banque nous a dit qu'il va falloir répondre rapidement à la demande de fusion, parce que la situation d'une entreprise peut évoluer et que par conséquent les conditions sur lesquelles se sont entendus les deux parties ne seront peut-être plus les mêmes. Si je comprends bien le scénario que vous nous proposez, le chemin critique décisionnel engloberait une étude générale des banques et du secteur bancaire et l'examen simultané des demandes des institutions financières de deuxième rang. À ce moment-là, le ministre des Finances ne pourrait se pencher sur les demandes de fusion des grandes banques avant l'été prochain au plus tôt.

M. Rousseau: D'abord, vous avez tout à fait raison: le facteur temps est très important dans ce contexte. Deuxièmement, si on doit retarder l'examen de leur projet de fusion, c'est parce que les parties intéressées ont mis la charrue devant les boeufs lorsqu'elles ont décidé de conclure une entente commerciale sans connaître les règles du jeu et en voulant à tout prix naviguer à contre-courant. Établissez d'abord les règles du jeu, et ensuite on vous fera une proposition. C'est ainsi que cela devrait être. On parle bel et bien d'un marché, mais d'un marché où les intéressés se conforment aux règles précises qu'impose le gouvernement.

Troisièmement, les transactions intéressant les institutions de deuxième rang ne soulèvent pas les mêmes difficultés de concurrence pour le Bureau de la concurrence que celles qui touchent les autres grandes banques. Si nous voulions fusionner avec une compagnie d'assurances ou société de fonds communs de placement, je ne sais même pas si nous serions obligés de nous présenter devant un comité. Nous le ferions s'il le fallait, mais à mon sens, cela ne devrait poser aucun problème, car dans notre cas, il ne serait pas question de faire entrer sur le marché de nouveaux concurrents, ni de fermer des succursales ou de proposer une consolidation.

Enfin, quelle que soit votre décision, je serais très surpris, pour toutes sortes de raisons, qu'on puisse obtenir une réponse avant l'été prochain.

Le sénateur Austin: Il convient à mon avis d'examiner plus en profondeur la consolidation du secteur bancaire américain, de même que les conséquences de cette consolidation du point de vue de la diversification et de l'échelle des activités. Peut-être pourrions-nous y revenir un peu plus tard, ou encore un autre sénateur voudra peut-être vous interroger à ce sujet parce que ces questions ont une grande pertinence pour la compétitivité du marché canadien.

Le sénateur Tkachuk: Notre dilemme à nous tous est de voir comment nous pouvons préserver le caractère concurrentiel de notre marché tout en offrant un bon éventail de choix aux consommateurs dans le contexte d'éventuelles fusions, avec tout ce que cela comporte comme conséquences. Vous nous avez proposé, dans vos remarques liminaires, un processus bien ordonné qui prévoit plusieurs étapes, mais je me demande néanmoins comment le fait de permettre à une banque de fusionner avec une compagnie d'assurances va aider un agriculteur d'Estevan, en Saskatchewan, qui a maintenant quatre ou cinq choix mais finira peut-être par n'en avoir plus que trois? En quoi la fusion de votre banque et d'une compagnie d'assurances ou d'une banque dans l'Ouest du Canada changera-t-elle la situation de cet agriculteur?

M. Rousseau: Dans notre mémoire, nous abordons un point que je n'ai pas repris dans mes remarques liminaires de ce matin. Disons que la fusion d'une banque et d'une compagnie d'assurances intensifiera la concurrence au point de garantir aux consommateurs, à la PME et aux agriculteurs un plus vaste éventail de choix.

Qu'est-ce qu'on regroupe au juste dans le contexte d'une fusion de ce genre? Eh bien, nous regroupons les capitaux de nos investisseurs et de nos actionnaires au sein d'une société de portefeuille, et ces capitaux servent ensuite à assurer la bonne utilisation de nos ressources dans quatre secteurs précis. Il s'agit des quatre secteurs où il y a une part de coûts fixes, d'où la nécessité d'économies d'échelle. Premièrement, il y a le coût fixe associé à la formation des employés. Il y a la R-D, le matériel et tout ce qui s'y rattache. Il y a également le coût de la formation des employés dans le domaine du financement par le crédit, de la gestion des richesses, et d'autres secteurs clés. Ce genre de formation est tout à fait essentiel si vous voulez être concurrentiel. Vous n'êtes efficace que si vous avez des employés efficaces; autrement dit, vous ne valez rien. La formation revêt donc une importance critique et est largement facilitée si vous disposez d'un important capital primaire.

Deuxièmement, les nouvelles technologies sont disponibles, mais certaines d'entre elles coûtent plus cher, et pour cette raison, vous avez besoin d'un capital plus important.

Troisièmement, les activités liées à la notoriété du nom commercial constituent un élément clé des coûts fixes. L'agriculteur dont vous parlez ne me connaît pas pour le moment, mais il aura peut-être l'occasion de me connaître si je fais de la publicité pour mes produits ou services, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Quatrièmement, le capital est un autre coût fixe. Si vous disposez d'un capital primaire plus important, il vous est plus facile de réunir des capitaux.

Ces quatre éléments réunis créent par conséquent une masse critique dans les nouvelles institutions qui s'implantent. Certains institutions voudront donc se spécialiser dans les branches d'activité qui offrent la marge la plus intéressante, et en réalité, il y a de bonnes marges dans bon nombre de branches du secteur des services financiers. Par exemple, il y a deux ans, nous avons commencé à financer les petites et moyennes entreprises. D'ailleurs, une compagnie torontoise, Art and Associates, nous classe au premier rang. La compagnie en question dessert l'ensemble du secteur de la PME au Canada. Elle est payée par la banque pour faire une évaluation indépendante, et d'après elle, nous sommes au premier rang en raison de l'importance que nous attachons à la qualité de nos produits et services. Pourquoi sommes-nous au premier rang? Eh bien, parce que nous avons décidé de trouver un créneau intéressant et de nous y lancer. De même, les forces de la concurrence sont plus vigoureuses à Kitchener, par exemple, depuis que nous y avons inauguré un centre de prêt. C'est ainsi que va évoluer le marché. Et ce n'est pas une théorie; c'est la réalité. Si la concurrence s'intensifie grâce au regroupement d'institutions qui oeuvrent pour le moment dans des branches d'activité différentes et à l'arrivée sur le marché de nouveaux concurrents, les Canadiens seront sans aucun doute mieux servis qu'ils ne le sont maintenant.

Le capital que vous possédez peut être déployé dans des secteurs différents. Vous allez peut-être décider de vous lancer sur le marché des valeurs mobilières ou encore de vous spécialiser dans d'autres formes de prêts. Tout dépend des stratégies que vous aurez jugé bon d'adopter. Mais dans un contexte de concurrence soutenue, les institutions voudront obligatoirement être présentes là où il est possible de faire de l'argent tout en desservant une clientèle donnée, et le marché va forcément réagir en ce sens.

Mais si cette possibilité n'existe pas, si vous n'avez que quatre grandes banques qui servent leurs clients, vous êtes obligé de leur imposer beaucoup de règlements pour vous assurer qu'elles font ce qu'elles sont censées faire. La concurrence ne s'exerce donc pas, et la concurrence dans le secteur des services financiers pour ce qui est d'offrir certains produits et services n'est guère différente que dans le secteur du service téléphonique cellulaire. L'approche est la même.

M. Robert Cardinal, directeur financier, Banque laurentienne du Canada: Je voudrais soulever un autre point important. Est-ce qu'une nouvelle organisation, c'est-à-dire le produit de la fusion d'une banque, comme la Banque laurentienne, et d'une compagnie d'assurances, mettons, pourrait recourir à d'autres circuits de distribution que les banques n'utilisent pas à l'heure actuelle? Il pourrait s'agir, entre autres, de courtiers d'assurances indépendants par l'entremise desquels nous pouvons distribuer un ensemble de services bancaires, et ces circuits de distribution sont uniques. Ils n'ont pas encore été exploités par les banques, mais c'est justement un bon exemple de la synergie importante que pourrait créer la fusion d'une petite banque et d'une compagnie d'assurance-vie.

Le sénateur Kroft: Je voudrais poursuivre la discussion qu'a lancée le sénateur Austin. Je comprends très bien ce que vous nous dites: Nous devrions établir des règles qui favorisent la concurrence et clarifier la situation pour que les intéressés sachent où ils en sont. Les choses évolueront alors beaucoup plus rapidement qu'on le croit. Il reste que cette vision ne cadre pas avec les vues de bon nombre de nos témoins.

La prémisse du rapport MacKay, c'est qu'il ne faut pas écarter ou interdire les fusions si ces dernières permettent de renouveler ou de réorganiser les forces de la concurrence. C'est surtout le plan d'exécution qui pause problème à mon avis. Nous avons entendu dire à maintes reprises que les grandes banques, à cause de leur franchise et de leur position sur le marché, sont tellement puissantes qu'il est irréaliste de croire que les nouveaux venus ou les entreprises créées à la suite d'un rapprochement -- par exemple, si les coopératives de crédit décidaient d'élargir leur champ d'action -- réussiraient dans ce nouveau contexte. Les compagnies Great West et London Life nous ont fait savoir, par exemple, qu'elles se désintéressent complètement de tout ce processus, y compris le système des paiements. Elles nous ont dit qu'elles existent pour vendre des assurances et que c'est dans ce secteur-là qu'elles comptent prendre de l'expansion.

Vous nous avez donné une description très lucide et séduisante de la façon dont ce processus pourrait se dérouler en théorie. Mais cela ne semble pas répondre à la préoccupation exprimée à maintes reprises selon laquelle les grandes institutions financières, notamment à la suite d'une fusion, auraient un avantage tellement accablant que l'équilibre qui devrait à votre avis s'établir dans les mois qui suivent ne se concrétiserait pas. Disons que j'ai du mal à concilier ces deux visions.

M. Rousseau: Vos remarques et vos questions concernent de nombreux aspects différents de la question. J'ai lu des articles dans les journaux qui présentaient les arguments d'autres intéressés. Je crois savoir que vous avez entendu des opinions contradictoires sur certaines des questions les plus importantes, y compris, par exemple, sur la concurrence qui s'exerce sur le marché de détail. Certains prétendent que le marché de détail est concurrentiel, alors que d'autres sont de l'avis contraire.

Votre question suppose que si le gouvernement adopte la ligne de conduite que nous lui conseillons, la fusion des deux banques se fera automatiquement. C'est d'ailleurs implicite dans vos commentaires. Mais la nouvelle force concurrentielle servira de contrepoids à cette éventualité. En fait, il s'agit de deux questions bien distinctes. Je n'ai d'ailleurs pas beaucoup parlé de la fusion dans mon mémoire.

Nous, les Canadiens, nous trouvons devant un dilemme. Le marché en question est réparti dans toutes les régions du pays. Étant donné le nombre de transactions, le nombre de consommateurs, et l'importance des richesses gérées, on peut dire que, par rapport au reste du monde, ce n'est pas un gros marché. Vous voulez évidemment favoriser la concurrence sur ce marché et en même temps, étant donné les préférences exprimées par les Canadiens, vous aimeriez que ces entreprises restent dans la mesure du possible entre les mains d'entrepreneurs canadiens. Voilà donc notre dilemme à nous tous.

Mais il n'y a pas tellement de façons de sortir de ce dilemme. Je ne peux pas prédire l'avenir et je ne sais pas trop ce qui va finir par se produire, mais il y a de fortes chances pour que la concurrence s'intensifie, surtout que ma proposition ne comporte pas de véritables conséquences négatives et qu'elle va probablement entraîner au contraire de nouvelles transactions si les mesures d'incitation appropriées sont créées. Ces nouvelles transactions vont nécessairement amener une intensification de la concurrence. Ce n'est pas la fin du monde. Cela ne va sans doute pas influer sur la grande décision que vous devez prendre concernant la fusion des banques, et elle n'empêchera pas non plus ces banques fusionnées d'être forcées de vendre certains éléments d'actif pour rehausser l'attrait de ce projet s'il finit par être approuvé. C'est une question connexe mais distincte en même temps.

Nous aimerions qu'une plus forte concurrence s'exerce sur ce marché. Cette concurrence accrue peut venir des nouveaux venus, soit canadiens, soit étrangers. Pas mal de gens et d'institutions, et surtout beaucoup de capital, seraient disponibles si on créait les encouragements appropriés. Vous auriez au moins ça.

Vous seriez certainement surpris de voir la rapidité avec laquelle la situation peut évoluer. Tout le monde connaît l'histoire de Great West et de London Life et la vitesse à laquelle cette fusion a été exécutée. La plupart des marchés de ce genre se concluent très rapidement. Il ne s'agit pas toujours de bonnes affaires, mais votre question concerne le délai d'exécution. Normalement, les gens qui sont en affaires n'hésitent pas à tenter leur chance si on les encourage à le faire. À mon avis, cela ne devrait pas vous inquiéter. C'est sans doute l'inverse qui sera vrai -- c'est-à-dire un regain important d'activité.

Donc, allons-y. Cela présente de vrais avantages, pas d'inconvénients -- du moins pas de gros inconvénients. Cela pourrait influer jusqu'à un certain point sur la fusion, mais uniquement si vous faites l'inverse, c'est-à-dire d'abord établir les règles et examiner ensuite le projet de fusion; autrement, ça n'a pas de sens. Je ne vous dis pas de ne faire que cela; je vous dis simplement que c'est ça que vous devez faire d'abord. Vous avez toujours la possibilité de faire autre chose par la suite, mais ce que je propose n'a pas été fait jusqu'à présent.

Je suis d'accord pour dire que s'il y a des chances pour que certaines sociétés se regroupent et créent une nouvelle banque, elles devraient le faire. Là je ne parle pas des banques de deuxième rang. Je parle des institutions financières de deuxième rang qui pourraient être créées si l'ensemble des entreprises de deuxième rang concluaient un marché.

Comment peut-on éliminer l'avantage des grandes institutions? Eh bien, nous sommes en activité depuis 150 ans. Nous sommes l'une des plus anciennes institutions canadiennes. Notre entreprise existe donc depuis fort longtemps. Nous sommes au neuvième rang au Canada. Nous payons des dividendes à nos actionnaires. Nous sommes depuis toujours une entreprise publique. Nous sommes plus petits que bon nombre de nos concurrents. La Banque royale produit plus que la Banque laurentienne chaque année. D'ailleurs, j'aime bien me le rappeler en me levant le matin pour avoir un projet bien précis pour la journée. Cependant, même si la taille d'une entreprise est sans importance dans certains contextes, elle compte pour beaucoup quand on veut mener à bien un projet très ambitieux. Nous devons par conséquent nous concentrer sur notre grande priorité. Nous devons nous trouver des créneaux.

Par exemple, nous nous plaçons au premier rang dans plusieurs lignes de produits: les services dispensés aux intermédiaires financiers et aux courtiers indépendants au Canada, les dépôts et les prêts pour l'acquisition de fonds mutuels, et d'autres services. Comme se fait-il que nous soyons au premier rang pour certaines gammes de produits? C'est parce que nous sommes si petits. Nous ne détenons que 2 p. 100 du secteur bancaire canadien, ce qui veut dire que la probabilité que nous desservions un courtier indépendant de Kelowna qui compte un de mes clients parmi les siens est de seulement 2 p. 100. La possibilité que les capitaux qui financent ma principale activité commerciale servent à financer mes activités dans ce secteur est à peu près nulle. Par conséquent, je peux offrir de nouveaux services aux consommateurs par la porte arrière en quelque sorte. C'est-à-dire que je peux offrir ces services dans les succursales et profiter des prix de gros par l'entremise de ces courtiers indépendants.

Par contre, si nous étions une grande banque qui détenait, mettons, 12 p. 100 du marché, les directeurs et les employés des succursales m'appelleraient tous les jours pour me dire: «Ce type-là empiète sur mon territoire». La concurrence est un jeu assez délicat. Faisons donc confiance au marché. Faites en sorte que cela puisse se produire. Vous serez assez surpris de voir que les grandes banques stimuleront la concurrence sur les marchés locaux.

Ce serait différent s'il était question que Bell Canada desserve les Bombardier de ce monde. Ce n'est pas notre marché, et il est possible que ce ne soit pas non plus le marché de la banque fusionnée, car les Bombardier de ce monde ont accès aux meilleures institutions du monde et pourront y obtenir des services très concurrentiels. Donc, ce qui doit vous préoccuper, c'est le degré de concurrence qui existe sur les marchés locaux, et vos préoccupations disparaîtront si de nouveaux concurrents intègrent ce marché à la suite du regroupement de plusieurs institutions.

La notoriété du nom commercial, les coûts fixes, la formation -- c'est-à-dire les quatre secteurs dont j'ai parlé tout à l'heure sont tous des secteurs clés du point de vue de la compétitivité. Tous ces éléments-là accompagneront les nouveaux marchés qui sont conclus.

Dans votre dernière question, vous me demandiez si cela pouvait se concrétiser. Honnêtement, je ne le sais pas. Mais je pense qu'il faut essayer, et le plus tôt sera le mieux.

Le sénateur Austin: Comme vous semblez être sûr que les diverses institutions financières de deuxième rang ont intérêt à se regrouper, pourquoi estimez-vous qu'il faut aussi établir des règles pour les encourager? Par exemple, tout à l'heure, vous parliez de la possibilité qu'on refuse l'accès du système de paiements à certaines institutions pour qu'elles soient plus motivées à se regrouper avec celles qui y ont accès.

C'est un peu artificiel d'élaborer une politique de ce genre alors que les conditions de l'économie et du marché en général inciteront normalement les intéressés à se regrouper de toute façon pour rester concurrentiels et pour accroître leur productivité.

M. Rousseau: À mon avis, vous vous trompez. D'abord, en vertu du cadre juridique actuel, si nous voulons nous regrouper avec une compagnie d'assurances, nos deux entreprises doivent fusionner. Autrement dit, nous devons acheter l'autre compagnie et procéder ensuite à une fusion des deux entités.

Deuxièmement, si nous voulons que ce soit avantageux pour nous sur le plan financier, nous devons opter pour une transaction qui va créer un écart d'acquisition important, étant donné qu'il s'agit d'une transaction transfrontière qui autrement n'est pas économique en ce qui nous concerne.

Le sénateur Austin: Entendons-nous sur la nécessité de changer les règles comptables, et ensuite, nous examinerons vos autres propositions.

M. Rousseau: La question de la propriété est fort simple. La Loi canadienne sur les banques englobe implicitement le concept d'un holding bancaire. C'est d'ailleurs ce qui existe déjà dans notre cas. Nous sommes un holding bancaire, même si nous sommes considérés comme une banque. Il suffirait de modifier un paragraphe de la Loi sur les banques pour prévoir que soit une banque ayant une filiale, ou un holding ayant une filiale, qui pourrait être une banque, soit assujetti aux règlements d'accompagnement de la loi.

C'est important, car à ce moment-là, les règles juridiques et comptables seront les mêmes pour tout le monde, et vous pourrez effectivement affirmer que tout le monde est sur un pied d'égalité.

Le sénateur Austin: Cela me semble acceptable. Par contre, le scénario suivant l'est beaucoup moins: une société de fiducie de taille moyenne qui a accès au système des paiements entame des négociations avec une société de fonds mutuels. Cette dernière n'a pas accès au système de paiements parce que nous avons décidé qu'elle ne devrait pas y avoir accès. Ainsi nous aurons rattaché une valeur économique à l'accès au système des paiements, ce qui influe également sur les négociations entre les deux organisations.

M. Rousseau: Mais vous y avez également rattaché une valeur économique dans le cas des entreprises qui vendent des assurances. Examinons donc la règle inverse. Vous acceptez volontiers les aspects juridiques et économiques. Par contre, le fait que je propose le statu quo pour ce qui est de la capacité légale de faire ce que font les autres vous préoccupe beaucoup moins.

Le sénateur Austin: Je crains simplement qu'on établisse des valeurs économiques qui soient tout à fait artificielles.

M. Rousseau: Prenons la possibilité inverse. Supposons qu'on ouvre l'accès au système de paiements et qu'on permette aux banques en même temps de vendre des assurances, de telle sorte que nous ayons tous les mêmes pouvoirs. Nous savons tous que du moment qu'on nous attribue le pouvoir de vendre des assurances, d'autres problèmes surgissent, y compris celui de la protection des renseignements personnels et la mise en application de tous ces règlements.

De plus, si je propose le maintien du statu quo dans ce cas-là -- et j'en parle dans mon mémoire -- c'est uniquement en raison des avantages que cela comporte pour vous sur le plan politique. Pour le moment, il n'y a pas de concensus au Canada sur la question de la vente des assurances, du crédit-bail automobile et du système de paiements. Cela ressort clairement des témoignages que vous avez reçus et des questions que vous avez posées. Je présente mes opinions personnelles à ce sujet et vous devrez examiner plus en profondeur toutes ces questions par la suite, mais ce qui compte dans tout cela ce n'est pas le pouvoir individuel, mais plutôt la possibilité de faire enclencher ce processus. Ce n'est pas bien important. Et je ne suis pas contre. Si vous voulez le faire, faites-le. Si vous le faites en plus de tout le reste, il y aura sans doute des retards.

M. Cardinal: Je connais les arguments financiers. La règle des économies d'échelle veut que si l'on maintient le statu quo -- c'est-à-dire si on ne permet pas aux compagnies d'assurances d'accéder au système de paiements et si vous ne permettez pas non plus aux banques de vendre les assurances dans les succursales, vous forcez les institutions à s'en tenir à leur domaine d'expertise et à leur positionnement. À cause des coûts élevés, notamment des technologies de pointe, qu'exige l'intégration au système de paiements ou la vente de produits d'assurance dans les succursales, dans l'immédiat, il vous sera impossible de bénéficier d'économies d'échelle. Par contre, vous finirez par créer des économies d'échelle, en raison des coûts d'intégration que doivent supporter ces institutions.

Si votre objectif ultime est d'accroître l'efficacité du secteur des services financiers en général, il serait plus utile de donner des encouragements, de fixer des règles, et de permettre aux institutions dont les forces se complètent de continuer d'oeuvrer dans les branches d'activité qu'elles connaissent le mieux tout en leur permettant de fusionner.

Le sénateur Austin: Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le plan conceptuel. Ce qui m'intéresse, ce sont les transactions individuelles, et ce que vous dites ne change aucunement mon opinion, que nous gardions les obstacles actuels ou que nous permettions à d'autres acteurs d'accéder au système de paiements, de vendre des assurances, et cetera. Vous avez dit qu'une banque ne comprend pas nécessairement le secteur des assurances. En tant que banque, vous ne devriez pas dénigrer les talents des personnes avec lesquelles vous voulez négocier en prétendant que si les banques vendent les assurances, cela ne changera rien. Vous ne le faites pas pour le moment, justement parce que c'est un projet de grande envergure qui vous amène dans une branche d'activité très différente. Il y a toute une différence entre gérer des actifs et gérer des risques.

M. Rousseau: Je suis content de voir que nous sommes d'accord sur les deux premiers points, c'est-à-dire les questions juridiques et comptables.

Le sénateur Austin: Disons que pour les fins de la discussion, nous sommes d'accord.

M. Rousseau: Notre objectif est le même. Pour ce qui est du troisième point, sur lequel nous ne sommes peut-être pas d'accord, tôt ou tard soit le système de paiements, soit le secteur des assurances devra s'ouvrir. En réalité, c'est le processus qui me préoccupe le plus. Si vous trouvez le moyen d'y parvenir sans nuire de quelque façon que ce soit à l'intégrité du processus, je voterai pour vous.

Le sénateur Austin: Dans le même ordre d'idées, je vous invite à commenter l'importance du facteur temps dans un contexte un peu différent. Un certain nombre d'institutions financières non réglementées, comme GE, Blackstone et Microsoft, sont actuellement en train de mettre d'autres systèmes en place. Toutes ces entreprises se bousculent pour être les premières à trouver différentes façons d'assurer ces services. De combien de temps disposons-nous avant que nos concurrents externes rendent tous ces débats parfaitement futiles?

M. Rousseau: Si je ne me trompe pas, l'annonce du projet de fusion remonte à environ un an. Le facteur temps est très important dans le contexte de marchés de ce genre pour des raisons bien évidentes, ce qui peut aggraver les inquiétudes de certains. Mais à mon avis, la situation au Canada du point de vue de la concurrence ne vas pas beaucoup changer au cours des six prochains mois. La situation mondiale a évolué, et tout le monde est en pleine période de repli, ce qui nous donne un peu plus de temps que nous n'aurions eu autrement, étant donné que les gens seront plus prudents quand il s'agit de participer à des projets à droite et à gauche. Il suffit d'examiner les résultats du dernier trimestre pour le croire. En conséquence, le Canada devrait prendre tout le temps qu'il faut pour élaborer un cadre stratégique qui répond aux besoins des Canadiens.

Ces marchés-là ont déjà été annoncés. Les intéressés ont bien voulu prendre ce risque. Mais ce sont eux qui prennent ce risque -- pas vous, ni moi. C'est triste, mais c'est vrai. Nous devrions donc consacrer toutes nos énergies à l'élaboration et la mise en application de nouvelles règles, pour ensuite examiner en profondeur tous ces divers éléments.

Le sénateur Austin: Votre objectif consiste à rehausser la concurrence sur le marché financier canadien, par l'entremise notamment du développement du système financier de deuxième rang. Les projets de grande fusion visent-ils à votre avis à rehausser la concurrence sur le marché canadien ou plutôt à créer un modèle d'intégration dans tout le système financier nord-américain?

M. Rousseau: Les grandes fusions n'amèneront pas de nouveaux concurrents sur le marché canadien; elles vont plutôt donner lieu à une concentration des activités d'investissement. Ça, c'est certain. Le résultat sera la création d'institutions canadiennes plus concurrentielles sur la scène nord-américaine, parce que si vous voulez vraiment être acteur, sans nécessairement vous substituer aux États-Unis, vous devez être plus grand que moi. Si je n'y suis pas présent, c'est parce que cette possibilité m'est exclue. Tout dépend de l'importance de votre capital de base.

Le sénateur Austin: Et en quoi l'intérêt public est-il servi par l'existence de grandes entreprises nord-américaines qui sont basées au Canada ou appartiennent à des Canadiens?

M. Rousseau: L'une des grandes difficultés qu'elles connaissent -- et je dois dire que je compatis à leur situation -- est celle de la fuite des cerveaux. Nous avons ce même problème à Montréal où j'ai beaucoup de mal à recruter trois agents agréés du marché monétaire. La seule solution consiste à convaincre quelqu'un qui travaille pour une autre institution à Montréal de travailler pour vous en lui faisant une offre intéressante. Le même problème existe à Toronto. S'il n'y a pas de décideurs locaux, vous ne serez pas en mesure de recycler vos employés ou de garder les meilleurs éléments. C'est là que le système fait défaut, et le risque, c'est qu'un jour il n'y ait plus guère d'experts canadiens dans le secteur des services financiers.

S'il y a un secteur qui devrait rester canadien, c'est sans doute le secteur financier. Les Canadiens n'adorent peut-être pas les banques, mais ils tiennent à ce que leurs banques soient canadiennes.

Le sénateur Kelleher: Je voudrais vous parler plus particulièrement du système bancaire de deuxième rang. Les membres du groupe de travail MacKay, qui s'inquiétaient beaucoup de la possibilité que la concurrence soit insuffisante si les quatre fusions étaient autorisées, se sont efforcés de déterminer les éventuelles sources de concurrence.

Les États-Unis ont des banques communautaires de deuxième rang. En Angleterre, à cause de toutes les fusions, la société d'épargne immobilière est intervenue et est devenue une sorte de banque. Ici au Canada, le rapport MacKay propose que les règles soient modifiées pour faciliter l'entrée dans une sorte de système bancaire de deuxième rang, auquel participeraient les coopératives de crédit et les caisses. C'est une idée qui plaît beaucoup à certains d'entre nous qui ont vu ce qui s'est produit en Angleterre et aux États-Unis.

À votre avis, s'agit-il d'une proposition réaliste et viable?

M. Knight, président du conseil d'administration de la Centrale des caisses de crédit du Canada, a comparu devant le comité à Ottawa. Il était assez enthousiaste et nous a dit qu'ils sont certainement prêts à «réinventer» le mouvement des coopératives de crédit. Il a longuement discuté du mode de fonctionnement de VanCity et de son importante part de marché dans la région.

M. Rousseau: L'idée est bonne. Il faudrait examiner l'ensemble des sources canadiennes de concurrence, et ce secteur-là en fait partie. Pour moi, la question la plus importante n'est pas de savoir si c'est une bonne idée ou non, mais dans quelle mesure elle entraînera une intensification de la concurrence.

Le mouvement des coopératives de crédit est certainement suffisamment fort pour survivre en présence d'une, de deux ou même de trois banques d'une certaine importance dans des marchés différents. En fait, VanCity est l'une de nos principales concurrentes en Colombie-Britannique. Elle fait un excellent travail. Je serais tout à fait d'accord pour qu'on lui confère les privilèges d'une banque, à condition qu'elle soit tenue de se conformer aux mêmes règles que nous.

Une question en particulier qu'il convient d'explorer est celle de la similitude des règles relatives à la réglementation, à la fiscalité, et cetera, dans des marchés différents. Si VanCity paie autant d'impôts que nous et a les mêmes obligations et les privilèges, cela me semble tout à fait acceptable. Elle possède déjà les connaissances, les systèmes et les ressources humaines qu'il faut pour y assurer une présence, et il est donc tout à fait normal qu'elle soit active sur ce marché.

Combien de capital frais pourrons-nous attirer vers cette nouvelle activité? Voilà justement l'un des éléments abordés dans le rapport MacKay. Aux États-Unis, qui possèdent un marché très dynamique, une banque nouvelle est créée chaque semaine. Pourquoi les gens décident-ils de créer de nouvelles banques qu'ils vont ensuite vendre à une autre banque cinq ou 10 ans plus tard? Est-ce normal que les choses en soit ainsi dans le monde entier? Ce même dynamisme n'existe pas au même degré au Canada.

Quoi qu'il en soit, je suis parfaitement d'accord avec les 42 premières recommandations du rapport MacKay. Elles représentent la première étape du travail à accomplir, étape qui englobe la création des institutions de deuxième rang. Il reste que tout cela n'aura que très peu d'effets dans l'immédiat.

Pourquoi y a-t-il une telle concentration dans le secteur bancaire canadien? Par le passé, le nombre de banques était bien supérieur, mais nous avons eu quelques mauvaises expériences. Depuis, les fusions ont réduit le nombre de banques aux six, sept ou huit qui sont actuellement actives.

Au fur et à mesure que nous avons progressé, la concentration qui caractérise le secteur bancaire canadien s'est accrue, et ce pour diverses raisons. Premièrement, ce n'est pas un très gros marché. Disons que le secteur bancaire au Canada est comparable à celui de la Californie. Il ne faut d'ailleurs pas l'oublier. Nous pouvons toujours établir des règles semblables à celles qui existent aux États-Unis, mais le marché canadien est différent, et le nombre de nouvelles banques qui vont s'établir sera moindre.

Il reste que les coopératives de crédit seront fort probablement des participantes. Mais il s'agit de savoir combien de capitaux nouveaux seront créés grâce à leur participation? J'estime que ma proposition est plus susceptible de créer de nouvelles forces sur le marché qui favoriseront la concurrence.

Le sénateur Kelleher: Si je me base sur vos discussions avec les sénateurs Kroft et Austin, dois-je conclure que si les coopératives de crédit et les caisses populaires devenaient des institutions de deuxième rang, ce que vous proposez, c'est que nous fixions les règles de leur participation, et que nous leur donnions le temps de s'implanter et de s'organiser avant d'approuver les fusions?

M. Rousseau: Non. Ce sont deux questions bien distinctes. Vous pouvez élaborer une politique qui définit les règles du jeu, et une fois que c'est fait, vous examinez l'opportunité des fusions proposées. Pour moi, l'ordre n'est pas important. Vous avez déjà changé les règles. Par contre, vous ne devriez pas attendre que les coopératives de crédit établissent leurs banques pour approuver les fusions, si telle est votre décision.

Le sénateur Kelleher: À votre avis, ce ne serait pas une bonne idée. Craignez-vous que cela entrave la création d'autres institutions de deuxième rang?

M. Rousseau: Non. C'est certainement dans leur intérêt. Quelle que soit la décision concernant les fusions, le principal obstacle à l'entrée des coopératives de crédit dans ce secteur, c'est qu'elles n'ont pas la capacité légale de le faire. Par contre, si vous leur accordiez cette capacité, elles le feraient, comme vous l'a déjà affirmé le président du groupe en question.

Le sénateur Kolber: Le rapport MacKay précise que le maintien du statu quo est tout à fait exclu. Par contre, quiconque examine les progrès accomplis au fil des ans doit conclure que le secteur financier canadien est très sain et très solide. Tout le monde semble faire de gros profits et le rendement des investissements est excellent. Donc, y a-t-il vraiment lieu d'agir?

M. Rousseau: C'est une bonne question. Au cours des 35 dernières années, la valeur des entreprises du secteur bancaire a toujours été très proche de la valeur comptable. Il y a eu de bonnes années, comme dernièrement lorsque le rendement des investissements était de 18 p. 100, mais il y a également eu de mauvaises années. Dans l'ensemble, le secteur bancaire a constitué jusqu'à présent un bon investissement, offrant de bons dividendes, un bon rendement et, surtout depuis deux ou trois ans, une excellente performance. Ce n'est pas le cas d'autres secteurs.

Le sénateur Kolber: Toutes les entreprises n'ont pas eu autant de succès que Microsoft; nous le savons bien, d'ailleurs. Je suppose que ceux qui ont fait d'autres investissements ont pu être perdants aussi dans certains cas.

M. Rousseau: Je suis d'accord avec vous. Même si nous avons eu du succès, nous en avons eu moins que d'autres. De plus, nous entamons une période pendant laquelle le secteur bancaire à mon avis ne pourra maintenir son niveau de bénéfices.

Pourquoi ne peut-on pas garder le statu quo? Eh bien, le problème, selon moi, c'est que nous voulons tout avoir -- la règle des 10 p. 100, par exemple. Nous voulons conserver le système canadien, et en même temps permettre au marché extérieur d'évoluer, de façon à bénéficier aussi de la présence d'entités comme GE Capital et MBNA. Comme moi, vous avez dû recevoir chez vous hier soir une publicité pour MBNA.

Maintenir le statu quo suppose nécessairement le maintien des règles actuelles et le rejet des projets de fusion. Ce faisant, nous excluons néanmoins la possibilité de réagir à l'évolution du marché -- non pas à l'extérieur du Canada, mais à l'intérieur du pays -- évolution que suscite l'arrivée de nouveaux concurrents, les changements technologiques et d'autres faits nouveaux quotidiens.

Le rôle du gouvernement est d'adopter de nouvelles règles au fur et à mesure qu'évolue le marché. On peut cependant se demander quelle proportion du secteur bancaire canadien restera entre les mains d'entrepreneurs canadiens si la réglementation actuelle continue de s'appliquer.

Le sénateur Kolber: Serait-il juste de conclure à partir de vos affirmations que si le gouvernement acceptait les modifications et les nouvelles règles que vous proposez, afin de pouvoir vous regrouper avec d'autres compagnies de même taille ou un peu plus grandes pour favoriser la concurrence, vous seriez généralement en faveur des deux fusions qui sont proposées?

M. Rousseau: Comme l'indique le rapport MacKay, l'opportunité des deux fusions mérite d'être examinée de façon distincte. Ma réponse serait: «Oui, mais...», et ce «mais» concerne entre autres certains des investissements que pourraient faire les banques fusionnées. Les deux éléments à examiner dans ce contexte sont, d'une part, les succursales locales dans certaines régions de l'Ontario où il en résultera une concentration des services bancaires d'investissement. Par exemple, à Montréal, RDS et Nesbitt Burns constitueront une maison bancaire d'investissement d'une puissance formidable, étant donné que ce marché compte peu d'acteurs. Le Bureau de la concurrence devra sans doute en tenir compte. Il faut demander à ces deux banques d'indiquer très clairement ce que prévoit leur plan d'entreprise pour répondre à cette éventuelle difficulté.

Le sénateur Kolber: Pourquoi ne procédez-vous pas immédiatement à l'acquisition d'une compagnie d'assurances?

M. Rousseau: Cela coûterait trop cher, vu les règles qui s'appliquent actuellement.

Le sénateur Kolber: Par contre, si on modifiait les règles comptables, ressentiriez-vous le besoin de le faire?

M. Rousseau: C'est impossible. Ce serait contraire au bon sens.

Le sénateur Kolber: Ce projet aurait-il plus de sens si on modifiait les règles comptables?

M. Rousseau: Je déposerais mon plan d'entreprise devant mon conseil d'administration et devant le comité.

M. Cardinal: Les acteurs canadiens et américains ne sont pas sur un pied d'égalité pour plusieurs raisons: le fait qu'on maintient le statu quo ici au Canada, le libre-échange, l'ouverture des marchés américains et canadiens, et le fait que les règles relatives à une fusion d'intérêts communs sont plus libérales aux États-Unis qu'au Canada. Le statu quo, du moins pour ce qui est de la méthode de la fusion d'intérêts communs, n'est tout simplement pas acceptable.

Le sénateur Kroft: Vous me rappelez d'autres points qui ont été abordés par nos témoins ces dernières semaines.

Par exemple, les avis sont partagés sur l'efficacité future d'un réseau de succursales bancaires axé sur les contacts personnels avec les clients. Nous avons noté une grande divergence d'opinions à cet égard. Certains prétendent que, vu l'état d'avancement des technologies, les gens ne voudront pas sortir quand il fait mauvais pour se rendre à leur succursale bancaire. On nous a également dit que, malgré les problèmes de double emploi que créent les fusions, le réseau de succursales bancaires, avec les possibilités d'expansion de la clientèle qu'il offre, continue d'être un outil fort puissant. Canada Trust nous a même dit que son réseau de succursales bancaires est à l'origine de la plus forte proportion de son chiffre d'affaires et que son principal atout est au contraire les rapports personnels qu'entretient son personnel avec les clients.

D'autres études semblent indiquer une corrélation entre l'âge des clients et les services bancaires sollicités. En fait, les personnes qui recourent le plus aux services des succursales bancaires sont également celles qui utilisent le plus les services technologiques.

Quelles observations pouvez-vous nous faire sur les questions de principe qui doivent intéresser le gouvernement en ce qui concerne les éventuelles conséquences pour les collectivités individuelles?

M. Rousseau: C'est un élément important à prendre en compte dans la décision sur les fusions proposées. C'est également une considération importante pour le gouvernement dans le contexte des politiques qu'il aura à élaborer à ce sujet. La capacité des succursales bancaires d'entretenir des relations étroites avec leur clientèle locale continue d'être leur plus important atout. Cependant, le mépris de certains pour la transformation des succursales bancaires actuellement en cours n'existait pas il y a cinq ans, et les attitudes continueront certainement à évoluer. Disons qu'il existe beaucoup de malentendus et d'idées fausses.

Bon nombre d'agents et de courtiers d'assurances de la Great West rencontrent leurs clients, soit chez ces derniers, soit à leur succursale bancaire.

Dans le bon vieux temps, nous faisions tout dans les succursales: les retraits d'espèces, les dépôts, le paiement des factures, le crédit garanti, les prêts, et les investissements. À l'heure actuelle, près de 90 p. 100, comparativement à 55 p. 100 il y a cinq ans, des opérations bancaires de base, comme les dépôts et les retraits, se font par l'entremise du service bancaire téléphonique, des guichets automatiques et des banques électroniques. Voilà la tendance qui se dessine à l'heure actuelle. Cela ne veut pas dire que nous n'offrons plus de services liés aux paiements dans les succursales, mais les heures des succursales bancaires ont été réduites.

Il y a cinq ans, peu de transactions de crédit s'effectuaient au point de vente. Maintenant nous nous servons couramment des cartes de crédit.

Pour vous donner un autre exemple de la façon dont les choses ont changé, un client peut aller voir un distributeur de piscines un dimanche après-midi et ce distributeur, à l'aide d'un télécopieur et d'autres machines, peut s'entendre avec le client pour que ce dernier passe par notre banque pour financer l'achat de sa piscine. Lundi l'acheteur reçoit l'appel de notre employé qui lui souhaite la bienvenue à la Banque laurentienne. Autrement dit, la banque a inscrit le prêt de ce nouveau client pendant le week-end. Cela ne passe pas par la succursale bancaire. Cependant, ce nouveau client sera invité à visiter la succursale bancaire qui se trouve le plus près de chez lui ou de son lieu de travail, et ainsi notre banque se retrouve avec un nouveau client.

Les succursales vont jouer un rôle de plus en plus important dans la gestion des richesses, surtout que nous avons une population vieillissante. La planification de la retraite et les consultations en matière d'investissement font partie intégrante de la gestion des richesses. Les banques, les compagnies d'assurances, les sociétés de fiducie et les courtiers en valeurs mobilières se chargent tous de servir et de conseiller leurs clients dans ce domaine précis.

Si vous demandiez à vos témoins quelle serait l'incidence de la gestion des richesses sur l'avenir du réseau bancaire, ils vous diraient que son impact sera considérable. Cependant, les succursales offrant ce genre de services seront peut-être conçues différemment. Il est possible qu'elles soient situées au deuxième étage d'un immeuble, de sorte que sa porte d'entrée ne soit pas sur la rue. Surtout elle sera située près des clients afin qu'ils puissent facilement organiser des entretiens personnels avec leur conseiller.

Le sénateur Kroft: Puisqu'on nous a dit à maintes reprises qu'il est peu probable que des banques américaines ou étrangères établissent une infrastructure bancaire au Canada -- sans doute en raison de la nécessité de connaître le marché local -- devrions-nous également envisager, en élaborant des politiques dans ce domaine, d'y inclure certains éléments qui favoriseraient le maintien du réseau de succursales bancaires? Peut-on déduire de ce que vous nous avez dit que ce facteur comptera pour beaucoup dans la préservation des intérêts canadiens sur le marché des services bancaires?

M. Rousseau: Le facteur important sera le maintien de la capacité et du réseau de distribution. Ce sont les succursales bancaires traditionnelles, d'une part, et les courtiers, d'autre part, qui s'en chargeront.

C'est d'ailleurs exactement ce qui est arrivé entre Merrill Lynch et Midland Walwyn. Cela s'est soldé par l'achat d'un réseau de distribution qui n'est pas le réseau de succursales bancaires.

Ce qui est important dans mes succursales, ce n'est pas la couleur du plancher ni le type de briques qu'on y trouve, mais plutôt la qualité du personnel, la gamme de produits, les prix de ces produits et la réputation qu'on associe à notre nom commercial. À l'avenir, deux éléments en particulier revêtiront une grande importance -- la gestion des richesses et la présence dans les succursales bancaires de possibilités de distribution. Nous devons absolument nous adapter aux besoins et aux préférences des clients, sinon nous cesserons d'exister.

Le sénateur Kroft: Un autre témoin a proposé d'utiliser une technique dans le cadre des fusions proposées qui consisterait à exiger une cession pour que les actifs soient répartis parmi les autres acteurs du marché. C'est justement ce qui s'est produit dans d'autres secteurs aux États-Unis où cela s'imposait pour des raisons de rationalisation des secteurs concernés. Ce serait tout de même un concept nouveau dans le secteur canadien des services financiers. Qu'en pensez-vous? Avez-vous l'impression que cela vous intéresserait de participer si cette possibilité existait?

M. Rousseau: À notre avis, nous allons continuer d'exister à l'avenir car, par le passé, non seulement nous avons fait certaines acquisitions, mais nous avons suivi une progression naturelle qui nous a permis de prendre progressivement de l'expansion. Nous avons d'ailleurs l'intention de maintenir cette approche à l'avenir.

Il conviendrait sans doute de faire davantage de recherche là-dessus car nous n'avons par encore fait cette expérience au Canada. Jusqu'ici toute fusion proposée a toujours été soit approuvée, soit rejetée sans qu'on y rattache quelque condition que ce soit. Mais l'élément le plus important de tout projet de fusion est justement la ou les conditions qu'on décide d'y rattacher.

Il faut cependant faire preuve de prudence quand il s'agit de faire des investissements. Par exemple, dans certaines localités du sud-ouest de l'Ontario, quatre des cinq acteurs pourraient être visés par la fusion proposée. S'il n'y a plus que deux acteurs après la fusion, et que la banque fusionnée décide de vendre une succursale tout en continuant d'être active dans cette localité-là, le cours vendeur sera contesté. Il serait peut-être préférable de vendre des succursales dans des zones avoisinantes, et de prévoir un appel d'offres pour qu'une autre entité puisse devenir un nouveau concurrent.

Si vous n'avez pas de lignes directrices rigoureuses en place, le vendeur pourrait finir par n'obtenir qu'un prix très faible ou alors le processus pourrait se solder par la fermeture d'une succursale. En fin de compte, vous n'aurez peut-être pas plus de concurrence sur le marché.

Nous devons faire plus de recherches à ce sujet. Il faut absolument étudier des approches non traditionnelles. Par exemple, dans des régions précises, on pourrait envisager de leur demander de vendre, un point c'est tout. L'acheteur aurait alors la possibilité de se constituer une clientèle.

Le sénateur Austin: La question que je vous ai posée en dernier concernait l'orientation commerciale du projet de fusion des grandes banques, et notamment l'éventuel désir de ces banques de s'intégrer dans le marché financier nord-américain. Que se passe-t-il à l'heure actuelle dans le secteur bancaire et financier aux États-Unis? Qu'est-ce qui pousse les banques -- les grandes et les petites -- à se regrouper? À votre avis, le marché américain est-il en train de se transformer? Et cette éventuelle transformation va-t-elle influencer l'orientation future des marchés financiers canadiens?

M. Rousseau: La consolidation qui est en train de se faire aux États-Unis dans le secteur bancaire, comme dans d'autres secteurs d'ailleurs, tient en grande partie à la nécessité d'avoir des économies d'échelle et de diversification. Si vous examinez les règles américaines, vous constaterez que par rapport aux autres pays du monde, c'est aux États-Unis que les entreprises semblent toujours préférer acheter les compagnies de leurs concurrents. La raison en est que les règles actuellement en vigueur les incitent à le faire.

Par conséquent, nous ne sommes pas surpris de constater la présence simultanée de deux phénomènes -- c'est-à-dire beaucoup de nouveaux venus et beaucoup de consolidation. On incite vraiment les entreprises à créer de la valeur pour leurs actionnaires.

Il y a une dizaine d'années, 14 000 ou 15 000 banques constituaient le marché américain. Il y avait les compagnies d'épargne et de prêt. Il y a eu entre-temps de nombreux changements liés notamment à la déréglementation du marché sur une base géographique -- c'est-à-dire le concept original du bloc compact. Ils ont également réduit le nombre d'obstacles à la concurrence entre les États.

Il existe actuellement environ 10 000 banques qui veulent se regrouper parce qu'elles estiment qu'il y a trop de banques ayant de trop petites succursales. La situation n'est pas la même au Canada.

Le sénateur Austin: Existe-t-il des preuves que les plus grandes banques américaines sont plus productives et ont un meilleur rendement des investissements que de plus petites banques?

M. Rousseau: C'est-à-dire qu'elles ont de meilleurs coefficients de rendement, c'est-à-dire que le rapport des dépenses aux revenus est d'environ 50 à 60. Certaines petites banques s'en tirent très bien tout comme certaines grandes banques s'en tirent très bien. Cependant, le marché américain est plus important et comporte un plus grand nombre d'acteurs. On assiste actuellement à la consolidation d'une importante branche d'activité et ce parce que les règles ont subi des modifications très importantes.

Certaines des petites banques s'en tirent très bien parce que les marchés locaux sont différents aux États-Unis, comparativement au Canada.

Le sénateur Austin: Vous nous avez dit que certains acteurs canadiens devraient être présents sur le marché continental pour protéger les intérêts du public canadien. Est-ce que nos plus grandes banques canadiennes sont en mesure de concurrencer les meilleures banques américaines? Récemment le P.-D.G. d'une grande banque a fait des remarques très intéressantes concernant la comparaison des coefficients de rendement des banques. Il en est question dans les tableaux du rapport MacKay, mais selon les statistiques que j'ai en main, les grandes banques canadiennes évaluent leur efficacité en calculant le rapport des frais autres que d'intérêt aux recettes. Leurs coefficients sont toujours plus faibles que ceux des banques américaines et des institutions financières internationales.

M. Rousseau: C'est justement de cela que je parlais tout à l'heure quand j'ai mentionné un rapport de 50 à 60.

Le sénateur Austin: Les banques canadiennes consacrent entre 60 cents et 65 cents de chaque dollar qu'elles gagnent à des frais autres que d'intérêt. Aux États-Unis, il s'agit en moyenne de 53 cents à 55 ccents. Y a-t-il une relation de cause à effet et dans l'affirmative, quelle est la cause, et quel est l'effet? Les banques canadiennes seraient-elles plus performantes si elles devaient rivaliser avec des concurrents américains, ou vont-elles continuer d'accuser un certain retard pendant encore un bon moment?

M. Rousseau: Le marché américain est fort différent du marché canadien. L'écart entre le taux préférentiel et les coûts de financement pour les banques américaines est de 100 ou 125 points. De nombreux facteurs expliquent cet écart. C'est bien connu qu'aux États-Unis, la marge est généralement plus importante. Du moment que vous avez une marge plus importante, si vous avez le même nombre de prêts représentant la même somme en espèce, vous aurez automatiquement un meilleur coefficient de rendement.

Les politiques fédérales ont toujours visé à assurer la solidité du système bancaire. De plus, aux États-Unis, on peut consentir un prêt à un client en lui faisant payer le taux préférentiel plus 5 p. 100, et on ne vous traitera pas de fou. Au Canada, si vous proposez cela à un homme d'affaires, il va vous traiter d'usurier.

Aux États-Unis, il est tout à fait normal de rajuster les taux en fonction du risque. Au Canada, cela n'existe pas. C'est justement pour ça que les pratiques des banques pour ce qui est des prêts à la PME sont tellement critiquées. Dans notre culture, les prêts ne se consentent pas en fonction du niveau de risque.

Les banques américaines ont un meilleur coefficient de rendement pour deux raisons précises: premièrement, l'écart entre le taux préférentiel et les coûts de financement, et deuxièmement, la prime de risque, ce qui n'existe pas au Canada. Par conséquent, si vous voulez être actif sur le marché américain, vous aurez forcément de meilleures marges. Certains de nos concurrents sont très actifs dans le secteur de la PME aux États-Unis, et ils s'en tirent très bien.

Sur le marché québécois où les banques se disputent les PME, l'écart profite aux entreprises en question. La concurrence est tellement vive qu'il n'est tout simplement pas possible d'établir le taux du prêt en fonction du risque.

Donc, la réponse est oui; le marché américain présente sans doute certains avantages qui n'existent pas pour nous au Canada.

Certains acteurs canadiens sont déjà présents aux États-Unis et y mènent leurs activités. Il ne s'agit pas de grandes entreprises, ce qui soulève une autre question importante: faut-il être grand pour être rentable? C'est une question qu'il convient d'examiner.

Le sénateur Austin: Oui, je comprends. J'ai une dernière question à vous poser.

Le rapport MacKay recommande une forme de propriété progressive qui serait fonction de l'avoir propre. Si je ne m'abuse, votre avoir propre est actuellement inférieur à 1 milliard de dollars. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il est préférable pour les petites organisations qui veulent prendre de l'expansion qu'elles aient peu d'actionnaires, et que par conséquent on ne doit viser un grand nombre d'actionnaires qu'à la fin du processus?

M. Rousseau: Si la concurrence n'est pas aussi vive que nous le souhaiterions peut-être au Canada, c'est en partie parce que nous avons tous insisté sur l'uniformité à l'échelle mondiale. Tout le monde doit faire la même chose. L'un des aspects positifs du rapport MacKay est justement la flexibilité qu'il recommande. Les membres du groupe de travail ont un seul grand objectif -- favoriser la concurrence -- et ils se rendent très bien compte que dans certains cas, il faut recourir à des moyens inhabituels pour y arriver. C'est un argument que je trouve assez convaincant. On ne peut pas tout avoir.

Nous avons un petit marché. Si nous voulons qu'il reste entre des mains canadiennes, et en même temps nous voulons créer un marché plus concurrentiel, certains compromis s'imposent. Si tout le monde est pareil, cela ne se produira pas. C'est justement l'un des inconvénients majeurs de la Loi sur les banques; tout le monde est pareil.

MacKay prétend cependant qu'on peut faire preuve de plus de souplesse du côté des règles de propriété des petites institutions -- c'est-à-dire le deuxième rang. C'est une approche qui semble bien logique, et elle a également l'avantage de dynamiser le système. À mon avis, il serait également intéressant de faire l'autre chose que j'ai proposée. Je ne serais pas tellement d'accord pour que vous ne fassiez que cela. Ce qui me plaît dans le rapport MacKay, c'est que si vous voulez avoir un petit marché plus dynamique, encore une fois, vous ne pouvez pas tout avoir. Il faut faire des compromis, et la souplesse qu'il propose est certainement positive.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question complémentaire à vous poser au sujet du prix qu'on associe aux risques. Vous avez dit que nous n'avons pas cette culture au Canada. Pourquoi?

M. Rousseau: Je ne suis pas expert en la matière, mais c'est bien connu que lorsqu'une banque canadienne propose de rajuster les taux en fonction du risque, la plupart des hommes d'affaires vont tout de suite dire non. À mon avis, nous devrions tenir compte d'autres facteurs, comme la possibilité pour une petite entreprise d'obtenir du financement gouvernemental -- au palier tant provincial que fédéral de sorte que du côté de la demande, les clients aient une porte de sortie s'ils veulent dire non; ils pourraient toujours s'adresser à cette autre source.

Par contre, il y a certains inconvénients, en ce sens que si vous demandez le prix approprié, il n'est pas accepté. Je ne sais pas pourquoi au juste, mais c'est quelque chose que j'ai déjà observé par le passé. Pour un banquier canadien, il est beaucoup plus facile de dire à un client: «Votre projet présente trop de risques» que de lui dire: «Si je vous prête de l'argent, je vais vous demander de payer le taux préférentiel plus 6 p. 100.»

Je dirige une institution financière, et si je donnais cette directive à mes employés, ils me diraient que nos clients s'adresseraient automatiquement à une autre banque. Par conséquent, les gens vont essayer de trouver des capitaux ailleurs pour réduire les risques. Et à cet égard, je suis fermement convaincu que les programmes gouvernementaux sont assez efficaces. La Banque canadienne de développement est une importante concurrente sur ce marché, et elle fait bien son travail.

De plus, il existe de nombreuses autres subventions au niveau provincial. Pour moi, la fiscalité, les subventions et interventions gouvernementales et la réglementation ont certainement toutes des effets, même si je ne peux pas vraiment répondre avec précision à votre question. Je sais seulement qu'au Canada, le secteur des prêts n'est pas dynamique. C'est pour cette raison que les gens s'en plaignent tant. Ils ont l'impression de ne pas pouvoir accéder aux capitaux, mais en même temps, ils ne veulent pas participer à un projet risqué.

Le sénateur Callbeck: Dans votre propre banque, avez-vous déjà essayé de fixer les taux en fonction du risque?

M. Rousseau: Oui, et dans la plupart des cas, j'ai perdu ce client au profit d'une banque concurrente. Il faut donc examiner la situation. Je ne connais pas la réponse, mais je suis sûr que si nous parlons à des banquiers qui sont actifs dans différentes régions -- mettons le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Ouest des États-Unis, nous allons constater une différence. Un homme ou une femme d'affaires aux États-Unis acceptera beaucoup plus volontiers qu'on lui impose le taux préférentiel plus autre chose si c'est justifié.

Au fil des ans, nous avons dit aux emprunteurs: «Nous savons que vous n'êtes pas prêts à payer le taux préférentiel plus 5, mais que diriez-vous si on vous demandait le taux préférentiel plus 2, à la condition que vous nous donniez une petite prime si votre entreprise prend de l'expansion.» Cette stratégie porte d'ores et déjà des fruits. Dans certains cas, les gens d'affaires vont accepter de partager avec nous leurs bénéfices grandissants si nous acceptons de partager les risques. Mais c'est plutôt rare.

Le sénateur Callbeck: Vous faites ça dans votre propre banque?

M. Rousseau: Oui, nous essayons de le faire, mais il n'est pas facile de changer les attitudes ni des emprunteurs, ni des prêteurs. Les gens ont appris à faire les choses différemment. Les banques sont en général des institutions assez conservatrices, et c'est justement pour cela qu'elles ne prennent pas de risques. Mais il n'est jamais facile d'introduire des changements.

Le sénateur Callbeck: Et les petites entreprises sont-elles prêtes à envisager cette possibilité?

M. Rousseau: Seulement celles qui sont actives aux États-Unis et au Canada, auquel cas il ne s'agit plus de petites entreprises. Dans la plupart des cas, elles vont voir si des subventions gouvernementales sont disponibles et essayer d'obtenir leurs prêts d'autres façons.

Le président: Sénateurs, nous accueillons maintenant notre prochain témoin, soit M. André Lizotte.

Monsieur Lizotte, je vous invite à présenter votre mémoire et ensuite mes collègues et moi vous poserons des questions.

[Français]

M. André Lizotte: Monsieur le président, permettez-moi d'abord de vous remercier de me donner l'occasion de faire connaître mes vues et opinions concernant les recommandations du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

Lorsque j'ai pris connaissance du rapport du groupe de travail, j'étais particulièrement intéressé de savoir comment on assurerait la concurrence, la compétitivité, la rentabilité et la stabilité du secteur des services financiers au pays. J'étais aussi curieux de savoir ce qu'on aurait à dire concernant les deux projets de fusion de grandes banques. Je n'ai certes pas été déçu. Il y a tout lieu de féliciter les membres du groupe de travail pour la qualité exceptionnelle du boulot qu'ils ont accompli. Aussi, j'endosse sans aucune réserve ses recommandations visant: premièrement, à permettre aux compagnie d'assurance-vie, aux fonds communs de placements et aux courtiers en valeurs mobilières d'avoir directement accès au système de paiements; deuxièmement, à assurer une démutualisation rapide des grandes compagnies d'assurance-vie pour qu'elles soient ainsi en mesure de faire concurrence aux grandes banques; troisièmement, à autoriser le plus rapidement possible les banques étrangères à opérer au Canada en y ouvrant tout simplement un aussi grand nombre de succursales qu'elles le désirent; quatrièmement, à établir un cadre prévoyant des règles claires pour les sociétés financières étrangères qui veulent accorder des prêts aux Canadiens sans avoir de présence physique au pays; cinquièmement, à accroître le pouvoir des consommateurs de services financiers; et sixièmement, à améliorer le cadre réglementaire, y incluant renforcer le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières pour assurer la protection du consommateur et lui permettre de réaliser un équilibre entre les impératifs de concurrence et d'innovation et ses obligations actuelles en matière de solidité et de fiabilité du système financier.

Je ne fus aucunement surpris de lire que le groupe de travail avait été en mesure de constater qu'en ce moment, les grandes institutions financières du pays ne bénéficient pas de la confiance et de l'appui des Canadiens. Je me réjouis que le groupe de travail reconnaisse que les attentes élevées du public à l'endroit de leurs grandes banques sont tout à fait légitimes. Le public est à juste titre d'avis qu'en raison du privilège qui leur est accordé en leur permettant d'oeuvrer dans l'industrie des services financiers, les grandes banques doivent absolument se conformer à des règles, c'est-à-dire à des normes de conduite plus élevées que celles qui s'appliquent généralement aux autres institutions financières ou aux autres types d'entreprises au pays. Les Canadiens ne sont pas sans savoir que ces normes de conduite ne sont pas toujours respectées par leurs grandes banques et ils le déplorent au plus haut point.

Aussi n'est-il pas surprenant que face aux deux projets de fusion de grandes banques mis de l'avant par la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal, ainsi que la Banque Canadienne Impériale de Commerce et la Toronto Dominion, les Canadiens soient des plus réticents. Ils craignent, entre autres, que le pouvoir économique ne se concentre davantage entre les mains d'un nombre relativement restreint de très puissantes institutions financières et d'individus exerçant une influence désordonnée sur la capacité des gens de gérer leur vie et de réaliser leurs projets.

[Traduction]

J'ai été moi-même victime d'un traitement carrément inacceptable de la part d'une grande banque vers la fin de 1991 et au début de 1992. Plutôt que de céder devant son attaque, j'ai répliqué en lui intentant une poursuite de plusieurs millions de dollars pour rupture de contrat. L'affaire sera enfin entendue ici à Montréal cet automne. Par conséquent, je n'ai pas de mal du tout à accepter l'opinion de Canadiens qui se méfient des grandes banques et des personnes qui les dirigent.

Monsieur le président, peut-être le comité est-il intéressé à en savoir plus long sur cette affaire. En résumé, cela concerne la décision d'une grande banque -- représentée par sa haute direction -- de ne pas honorer une convention de partenariat conclue en bonne et due forme, et de trouver des prétextes afin de camoufler sa responsabilité et d'éviter de me verser l'indemnisation à laquelle j'avais droit. Nous parlons ici de la valeur d'un engagement et du caractère sacré des contrats; une question de confiance, en réalité. Au coeur de ce débat, il n'y a rien de moins que la bonne foi et l'intégrité en affaires -- des questions qui sont effectivement très importantes.

[Français]

J'ai pris bonne note du fait que le groupe de travail recommande que chacun des projets de fusion de grandes banques soit étudié au mérite. Il ajoute que ces fusions ne devraient être autorisées que si, après l'application de mesures de redressement ou d'atténuation qui pourraient être nécessaires, le ministre des Finances est d'avis que: premièrement, le niveau de concurrence demeure toujours élevé; deuxièmement, la fusion ne soulève aucune préoccupation significative en matière de solidité financière, et troisièmement, la fusion est conforme à l'intérêt public.

Pour ma part, à titre de Canadien ordinaire et de petit homme d'affaires, permettez-moi de dire, monsieur le président, que je suis tout à fait contre ces deux projets de fusion de grandes banques. Je suis persuadé que ces fusions ne serviraient en rien les véritables intérêts des clients de ces banques et du public canadien en général. Les seuls qui en bénéficieraient seraient les dirigeants et les actionnaires de ces mêmes grandes banques.

Aussi le ministre des Finances devra-t-il veiller à ne pas confondre, d'une part, les intérêts des dirigeants et des actionnaires de ces grandes banques et, d'autre part, les meilleurs intérêts des consommateurs de services financiers et du public canadien en général. Il se doit aussi d'être conscient que donner le feu vert à ces projets de fusion bancaire constitue une décision irréversible qui, d'un seul coup, aura pour effet d'éliminer un tiers du système bancaire canadien.Voilà qui est lourd de conséquences pour le pays.

De façon générale, les Canadiens sont d'avis que leurs grandes banques sont déjà suffisamment grosses et, à mon sens, ils ont tout à fait raison. J'ai beau écouter les arguments mis de l'avant par MM. Cleghorn, Barrett, Flood et Baillie pour justifier ces fusions, je dois admettre que je n'ai toujours pas entendu d'argument irrésistible de leur part ou de la part de qui que ce soit.

[Traduction]

En résumé, monsieur le président, je crois que le rapport MacKay a fort bien traité des questions touchant la compétitivité, la rentabilité et la stabilité du secteur canadien des services financiers. Il revient donc au gouvernement du Canada d'y répondre promptement, et de passer dès maintenant à la mise en oeuvre des recommandations qui ne nécessitent pas de modifications législatives, comme il l'a déjà fait en interdisant la pratique des ventes liées par les banques.

Pour ce qui est des projets de fusion des grandes banques, je n'ai pas encore entendu d'argument convaincant à l'appui de la thèse selon laquelle ces banques doivent fusionner afin d'être suffisamment puissantes pour concurrencer les grandes banques étrangères. Qui plus est, ces projets de fusion ne sont aucunement dans l'intérêt des consommateurs et du public. Le gouvernement du Canada devrait les rejeter. Nous n'avons pas besoin de plus grandes banques; nous avons besoin de meilleures banques. En ce qui nous concerne, après avoir réussi à résister à une grande institution financière qui me tient à la gorge depuis bientôt sept ans, je serais bien mécontent de constater que le gouvernement du Canada accepte de doubler sa taille d'un seul trait de plume.

Le sénateur W. David Angus (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président suppléant: Je vous remercie, monsieur Lizotte. Quel genre d'entreprise ou commerce avez-vous?

M. Lizotte: Je suis un petit homme d'affaires à mon compte, demeurant ici, à Montréal. Je dois vous dire qu'au cours des sept dernières années, je n'ai pas fait beaucoup d'affaires puisque j'ai été essentiellement occupé par cette poursuite qui est maintenant devant les tribunaux et qui, heureusement, sera entendue cet automne.

J'étais actif dans l'industrie des immigrants investisseurs. J'étais associé avec une firme de placements en valeurs mobilières qui avait la responsabilité de placer les fonds que nous récoltions des immigrants investisseurs de l'étranger, de telle sorte qu'ils puissent obtenir leur statut de résident canadien.

Or, cette entreprise, ce courtier en valeurs mobilières a été l'objet d'une prise de contrôle par une plus grande firme nationale.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck: Vous semblez assez satisfait des recommandations du groupe de travail MacKay, et vous indiquez qu'elles permettront à votre avis d'améliorer notre système bancaire au Canada.

Si on donne suite à toutes ces recommandations, où en sera le secteur bancaire dans 10 ans? Prévoyez-vous la mise en place d'une série d'institutions fortes de deuxième rang, comme on le disait ce matin? À votre avis, y a-t-il beaucoup de banques étrangères qui voudront s'implanter au Canada? Et que pensez-vous des prédictions de certains témoins, qui estiment que l'infrastructure matérielle va aller en diminuant mais que davantage d'institutions s'intéresseront à des créneaux précis où elles feront la promotion d'un ou deux produits? Qu'en est-il de la possibilité que des services bancaires soient disponibles dans les magasins de Canadian Tire, et cetera? Où en sera le secteur bancaire dans 10 ans?

M. Lizotte: À mon avis, la concurrence va être beaucoup plus vive qu'elle ne l'est actuellement, et si l'on donne effectivement suite à la grande majorité de ces recommandations, les institutions financières seront davantage sur un pied d'égalité. À mon sens, ce sera sans doute beaucoup plus intéressant pour le consommateur de services financiers.

Il est également fort probable que plus d'institutions se concentrent sur un créneau précis, car j'ai l'impression que certaines grandes institutions financières se rendront compte qu'elles ne peuvent pas satisfaire tout le monde en même temps. Elles vont sans doute abandonner certaines activités, alors que d'autres institutions constateront qu'elles peuvent être concurrentielles dans cette branche-là.

Dans une dizaine d'années -- à condition encore une fois qu'on mette en oeuvre la plupart de ces recommandations -- le secteur canadien des services financiers sera probablement plus à même de répondre aux besoins de la PME, des Canadiens ordinaires et des grandes sociétés.

Le sénateur Callbeck: Vous dites à un moment donné dans votre mémoire que les Canadiens savent fort bien que les grandes banques ne se conforment pas toujours à des normes de conduite élevées, et qu'ils le déplorent au plus haut point. Si c'est vrai, le groupe de travail MacKay propose-t-il quelque chose pour corriger ce problème, et à votre avis, ces recommandations permettront-elles d'améliorer les choses?

M. Lizotte: À mon avis, le rapport MacKay ne peut être considéré comme une panacée. Il aborde néanmoins cette question en essayant de proposer une solution. Une chose est certaine, c'est qu'il met le gouvernement du Canada au courant du problème. À mon avis, le fait qu'on aborde la question représente déjà un progrès, surtout dans le contexte des projets de fusion. Il ne fait aucun doute que les critiques formulées par le public à l'endroit des banques constituent un obstacle à l'acceptation des deux projets de fusion.

Mais quelle qu'en soit l'issue, l'expérience aura été utile à mon avis. Peut-être que les banques seront plus humbles et plus conscientes des besoins du public, de telle sorte que nous finirons, je l'espère, par avoir un meilleur système bancaire.

Le sénateur Kroft: Je pose cette question sans vouloir explorer le moindrement les difficultés personnelles que vous avez connues, car à mon sens, il ne convient pas d'en parler ici. Je voudrais simplement que vous me donniez une réponse générale concernant la procédure que doit suivre un client qui veut porter plainte contre une institution. Avez-vous recouru à cette procédure? Était-elle adéquate, à votre avis, ou pensez-vous que la possibilité de vous adresser à un ombudsman, comme le recommande le rapport MacKay, vous aurait permis de mieux vous défendre?

M. Lizotte: Malheureusement, je n'ai rien trouvé dans le rapport MacKay à ce sujet. Je n'y ai rien vu qui pourrait s'appliquer à ma situation personnelle, car j'étais essentiellement un partenaire ou, en l'occurrence, une filiale de la banque. Le rapport MacKay s'intéresse surtout à la situation du consommateur -- c'est-à-dire du Canadien ordinaire. Donc, si les recommandations du rapport MacKay étaient mises en oeuvre, ma situation ne serait ni améliorée, ni aggravée. À mon avis, c'est au tribunal de porter un jugement là-dessus. Je sais qu'il n'y a pas vraiment lieu de parler de mes expériences ici, mais s'il faut attendre sept ans pour se trouver devant un tribunal, il y a quelque chose qui ne va pas.

Le président suppléant: Étiez-vous présent ce matin quand nous avons reçu M. Henri-Paul Rousseau?

M. Lizotte: La plupart du temps, oui.

Le président suppléant: Il semblait penser que la structure bancaire actuelle, est un carcan en quelque sorte qui milite contre la diversification, les fusions, la libre concurrence, et certains des défauts que vous attribuez aux banques. Êtes-vous en désaccord avec certaines des affirmations de M. Rousseau?

M. Lizotte: Si je ne m'abuse, il a parlé pendant environ deux heures. Bon nombre de ses affirmations m'ont semblé tout à fait sensées mais je serais incapable de vous dire, par rapport à l'une quelconque des questions qu'il a soulevées, si je suis d'accord ou non avec lui. Je ne veux surtout pas critiquer ses témoignages de quelque façon que ce soit. En fait, dans l'ensemble, ses remarques m'ont paru très sensées.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis en faveur d'un meilleur système bancaire qui serve bien les Canadiens et dans le cadre duquel les plus grandes institutions -- même si elles sont toutes grandes quand elles se dressent face à des Canadiens individuels -- s'efforceraient de mieux répondre aux besoins des Canadiens ordinaires. Malgré ce qu'elles vous affirment, de nombreuses améliorations s'imposent. C'est du moins ce que je conclus de mes propres expériences.

La séance est levée.


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