Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 32 - Témoignages du 22 octobre 1998 (après-midi)
MONTRÉAL, le jeudi 22 octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est réuni aujourd'hui, à 13 h 30, pour examiner la situation actuelle du régime bancaire au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers).
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Honorables sénateurs, nous allons poursuivre notre étude de la situation actuelle du système financier du Canada, et plus particulièrement du rapport du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur canadien des services financiers.
M. William Podmore est avec nous.
M. William Podmore, directeur exécutif, Regroupement des consommateurs d'assurance: Je me présente devant vous accompagné de M. Yves Lauzon, qui est mon conseiller juridique et l'avocat qui m'a représenté dans mon procès en recours collectif contre Sun Life, à propos des régimes d'assurance à primes prélevées sur la valeur de rachat.
J'apprécie avoir l'occasion d'exprimer nos opinions et inquiétudes à l'égard du secteur des services financiers, notamment en ce qui a trait à la protection des consommateurs dans ce secteur et dans celui des assurances.
Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons assisté à un certain nombre de réunions avec les représentants du Cabinet du secrétaire d'État responsable des institutions financières -- et notamment avec l'honorable Jim Peterson -- et nous avons également rencontré des représentants du Bureau du surintendant des institutions financières et du ministère des Finances.
Au mois d'octobre 1997, nous avons fait une présentation devant le comité du groupe de travail chargé d'examiner l'avenir du secteur des services financiers au Canada, et exprimé notre opinion sur l'industrie des assurances, du point de vue des consommateurs. La documentation que nous vous avons remise fait état des nombreuses mesures de protection du consommateur dans le secteur des assurances auxquelles notre groupe a participé, et dont certaines ont très bien réussi.
Avant la publication du rapport du groupe de travail, nous avions préparé un document de discussion à remettre à M. Paul Martin, et à d'autres autorités gouvernementales. Ce document n'a finalement pas été remis à M. Martin, mais il contenait néanmoins certaines opinions qui nous semblaient valables. On y lisait ce qui suit:
Nous vous faisons parvenir ce communiqué pour donner suite aux conversations que nous avons eues au cours des réunions avec les représentants du Cabinet du secrétaire d'État responsable des institutions financières, du ministère des Finances et du Bureau du surintendant des institutions financières.
En attendant le rapport du groupe de travail, l'examen qui suivra et les éventuels résultats, nous prenons cette occasion pour vous exprimer ce que nous considérons comme les principaux points de préoccupation pour tous les consommateurs de services financiers.
D Dans notre examen de l'industrie des services financiers (et du cadre gouvernemental) nous avons gardé à l'esprit les principes prépondérants de la responsabilité et de l'imputabilité.
D Pour les consommateurs des services financiers, nous insistons sur la nécessité d'une information et d'une sensibilisation appropriées.
Premièrement, comme vous l'avez suggéré, nous avons réellement besoin d'une autorité de réglementation internationale. Les risques de troubles financiers à l'échelle mondiale sont injustifiables (prêts à risque au Japon et en Asie, et cetera). Les services financiers, qui sont une industrie en constante évolution, nécessitent un degré de sécurité qui n'existe pas encore dans tous les pays. On ne peut pas continuer à permettre qu'une nation ou région particulière porte préjudice au bien-être financier de milliards de gens dans le monde entier par ses pratiques commerciales douteuses ou dangereusement malsaines.
Les structures d'imputabilité des directions et conseils d'administration actuels se sont maintes et maintes fois avérées inadéquates. Les pénalités qui ont sanctionné le manque d'éthique et de prudence dans la gestion se sont révélées gravement insuffisantes, ce qui a entraîné des effets de ricochet à travers les économies mondiales.
La création de groupes de travail sur les services financiers comme ceux de l'Australie et aujourd'hui du Canada est louable, et témoigne du problème mondial. La réputation internationale que nous ont valu des initiatives et interventions réussies (Protocole de Montréal, et cetera) tend à favoriser et à renforcer la capacité du Canada à appuyer la création du type d'organisme de réglementation que vous suggérez.
Deuxièmement, compte tenu de ce qui précède, il nous semble que le Canada devrait commencer par mettre de l'ordre dans ses propres affaires. Le système financier actuel, en constante évolution, ne dessert manifestement pas tous les Canadiens de façon équitable et adéquate. D'importants problèmes se sont posés récemment dans le secteur des services financiers, notamment:
D la réglementation et la supervision des assurances, les poursuites en recours collectif relatives aux régimes à primes prélevées sur la valeur de rachat, et bien d'autres litiges à venir qui portent sur les produits et ventes.
D la réglementation et la supervision des banques, la bataille des ventes liées pour influencer la législation, et les problèmes concernant les cartes de crédit.
D la réglementation et la supervision des valeurs mobilières, les poursuites intentées contre Bre-X et autres.
Comme le disait l'un de nos conseillers en assurances, si vous cherchez des cas de mauvais traitements répétitifs des consommateurs dans le secteur des assurances, c'est comme tirer dans le tas. Nous, et un nombre croissant de Canadiens irrités, avons bien peur que les assurances ne soient bientôt pas le seul tas sur lequel on va tirer.
Premièrement, en tant que Canadien inquiet, et en tant que simple consommateur de produits du secteur des services financiers soucieux d'assurer un certain degré de justice et d'équité à tous les consommateurs de produits financiers, par ma participation aux poursuites en recours collectif au sujet des régimes à primes prélevées sur la valeur de rachat contre Sun Life, par l'établissement du Regroupement des consommateurs d'assurance et par notre rôle dans la protection des droits et intérêts des titulaires de police qui participent au processus de retrait de la forme mutuelle, soumet ce qui suit:
Les opérations financières des Canadiens seraient-elles mieux protégées si:
1. Les groupes de pression de l'industrie financière avaient moins de poids dans l'élaboration des politiques du gouvernement et des lois qui en résultent? La recherche de profit de plus en plus intense de l'industrie est-elle plus importante que le bien-être économique de tous les Canadiens à court et long terme?
2. L'industrie des services financiers était auto-réglementée, pourvu qu'il existe une organisation de protection du consommateur bien établie et appuyée par la législation (comme c'est le cas en Floride et au Texas)?
3. L'industrie des services financiers continuait à évoluer dans le cadre actuel très peu réglementé et inefficacement supervisé, et faisait régulièrement face à des litiges bien plus dommageables financièrement et publiquement? (Voir les recours collectifs contre les assureurs canadiens à propos des contrats d'assurance à primes prélevées sur la valeur de rachat, un mauvais produit parmi de nombreux autres qui feront bientôt l'objet de litiges.)
Remarque: Sun Life a accepté de régler le recours collectif hors court, sans faire beaucoup de bruit, tout en étant convaincue qu'elle aurait gagné sa cause devant les tribunaux (la chose a été mentionnée dans l'un des jugements rendus à propos du cas en question). La mauvaise publicité joue un rôle important dans la surveillance des joueurs de l'industrie financière, et de toute évidence influe sur leur rentabilité et, en fin de compte, sur leur part de marché.
Il semble évident qu'il serait bon que tous les Canadiens soient traités de façon juste et équitable par le secteur financier, et cette considération primordiale ne saurait être rejetée, vu ce que cela finirait par coûter à l'industrie, au gouvernement et aux consommateurs.
Il est urgent de mettre en place une structure et un processus qui garantiront la protection nécessaire. L'initiative et la responsabilité de ce processus doivent évidemment être prises en charge par le gouvernement fédéral, avec un appui important des gouvernements provinciaux dans les domaines où il y a un chevauchement des responsabilités et imputabilités et que celles-ci diffèrent nettement.
Il importe que le gouvernement assume pleinement et prioritairement la responsabilité qu'il a de protéger la population canadienne de façon juste et adéquate, au lieu, comme ce fut le cas de l'ancien secrétaire d'État chargé des institutions financières, au moment de la publication du livre blanc de 1996, de se dire frustré par l'envergure limitée (des résultats) et, comme ce fut le cas de M. Peters à ce moment-là, de déplorer le fait que le gouvernement soit vulnérable aux lourdes pressions exercées par les groupes d'intérêts financiers, dont les opinions sont peut-être fondées davantage sur leurs intérêts propres plutôt que sur le bien-être économique du Canada et sur les intérêts des entreprises canadiennes et des consommateurs en général.
J'ai d'autres observations à faire à propos de cette lettre, même si je ne l'ai jamais envoyée à M. Martin. J'étais beaucoup trop pris, à ce moment-là par les problèmes du retrait de la forme mutuelle.
Le rapport du groupe de travail publié récemment est en faveur d'un certain type d'organisation de protection des consommateurs de services financiers. Et encourage le maintien du financement de projets de groupes de consommation, par Industrie Canada principalement. Le rapport néglige, en revanche, de revoir comme il faut le rôle des groupes de consommateurs et l'appui qu'ils continuent à recevoir du gouvernement.
Nous doutons sérieusement qu'une organisation de consommateurs du secteur financier, telle qu'elle est décrite dans le rapport, puisse être durable et efficace si sa principale source de financement dépend des contributions des consommateurs.
En l'état actuel des choses, il y a des alliances entre le gouvernement et les joueurs de l'industrie qui de toute évidence leur sont mutuellement profitables, et l'une d'elles comprend l'existence d'un mouvement de protection du consommateur fragmenté et peu organisé. La prolifération de groupes de protection et de pseudo-protection des consommateurs, qui pensent tous pareil et dont les efforts sont souvent dédoublés, ne donne pas de résultats efficaces et ne dessert pas le consommateur de façon juste et adéquate. Il est clair que nous avons besoin d'établir une structure.
Le concept des règles du jeu qui doivent être les mêmes pour tous, auquel les institutions financières font si souvent allusion, et qui incluent les trois joueurs, doit être établi et géré par le gouvernement. Les modèles de représentation des consommateurs régie par la loi récemment mis en place en Floride et au Texas, ainsi que la législation proposée pour la création d'une association des consommateurs dans le secteur des assurances au Massachussetts ont tous leur intérêt et devraient être sérieusement pris en considération pour servir de point de départ à l'élaboration d'un système de protection du consommateur réaliste au Canada.
En ce qui concerne la fusion des banques, nous estimons qu'une remise à plat complète du secteur des services financiers s'impose. Comme le disait récemment M. Peter Godsoe de la Banque de Nouvelle-Écosse, les banque canadiennes réussissent déjà très bien. Elles ont déjà récupéré le marché des fiducies et des valeurs mobilières. Elles pourraient bientôt également vendre des assurances dans leurs succursales, en plus d'offrir des services de location-achat.
Le contrôle monopolistique que les banques exercent sur les produits et services financiers est sur le point d'être renforcé, et la compétitivité en souffrira. Qui plus est, certaines des banques veulent accroître encore leur monopole par le biais de fusions. Leur intention de fusionner a été annoncée, de façon fort suspecte, avant l'achèvement des travaux du groupe de travail et la publication de son rapport. En tant que Canadien soucieux de ce qui est en train de se passer, je vous demande si ce contrôle monopolistique inclura le gouvernement canadien.
Ainsi que le disait M. Godsoe, il n'est pas important de se presser pour établir un cadre stratégique, ce qui importe, c'est de créer un cadre efficace. Nous n'avons pas encore de cadre stratégique clair, et mener de front l'étude des recommandations du groupe de travail et les fusionnements proposés est au mieux une entreprise risquée pour tous les Canadiens.
Comment quatre grandes banques pourraient-elles fusionner pour se transformer en deux géants de l'industrie, sans grandement diminuer -- et au bout du compte éliminer -- la concurrence? Les banques ont une seule raison d'être; faire des profits. Les profits semblent aujourd'hui dépendre de la taille. Or cette taille est rendue nécessaire par les anticipations de croissance des actionnaires.
Il y a un risque pour qu'un cycle autoperpétué entraîne une vague de fusions de services financiers, qui englobera nécessairement les compagnies d'assurance démutualisées. Les prix des actions pourraient alors être poussés par des anticipations de croissance qui iraient au-delà des capacités des compagnies, ce qui ne laisserait pas d'autre choix que de poursuivre le processus de fusionnement pour aboutir à des résultats douteux et potentiellement dangereux pour tous les intéressés.
Si le fusionnement des banques est approuvé, il faudra donner aux consommateurs des assurances claires et applicables légalement, garantissant notamment que les normes relatives au capital seront considérablement renforcées afin que les consommateurs soient protégés si les pertes dépassent les prévisions. Il nous faut une politique claire, qui mette les consommateurs à l'abri des risques. Aux États-Unis, les associations d'épargne et de prêt ont été sauvées au prix de 150 milliards de dollars U.S. pris dans la poche des contribuables.
Plus la nouvelle entreprise sera grande, plus les conséquences seront graves si celle-ci fait faillite. Qui en assumera la responsabilité? Quelles mesures faudra-t-il mettre en place pour protéger les consommateurs, les gouvernements et, en fin de compte, les entreprises elles-mêmes?
Les méga-banques devront assumer des méga-responsabilités et des méga-imputabilités. Nous n'avons pas encore vraiment compris cela. En 1996 encore, il a fallu d'importantes pressions politiques pour créer un poste d'ombudsman du secteur bancaire.
En 1994 le comité de l'industrie de la Chambre des Communes avait recommandé la création d'un ombudsman national indépendant inspiré du modèle britannique, mais le gouvernement a choisi de laisser les banques agir seules. Pourquoi?
Bien que notre groupe s'occupe surtout de questions d'assurances, nous recommandons fortement le modèle britannique pour servir d'exemple à la mise en place d'un ombudsman des services financiers juste et impartial. Il serait financé par l'industrie, et agirait en tant qu'arbitre indépendant ayant le pouvoir de rendre des jugements obligatoires et d'imposer des compensations financières le cas échéant.
Le cabinet du secrétaire d'État responsable des institutions financières a également recommandé de vastes changements à la façon dont les fournisseurs de services financiers sont supervisés. À notre avis, cela ne peut que souligner la gravité et l'urgence de la situation.
Le sénateur Kenny: Il est fort utile d'avoir un nouveau point de vue et de voir les choses sous une perspective différente. Il y a quelques questions qui me sont venues à l'esprit pendant que vous faisiez votre présentation. J'aimerais que vous donniez quelques précisions pour la gouverne du comité.
Dans votre première recommandation, vous dites que l'on a vraiment besoin d'une autorité internationale de réglementation des services financiers. Le rapport MacKay parle d'harmoniser les réglementations de sorte que nous ayons la même approche que nos voisins et partenaires commerciaux. Quel genre de structure et quel type de mécanisme envisageriez-vous pour la mise en place d'un organisme de réglementation international efficace?
M. Podmore: De toute évidence, cela exigerait beaucoup de travail. La création d'un organisme international de réglementation serait une tâche de grande envergure. Mais je suis convaincu que ce ne serait pas trop demander, compte tenu des conséquences de ce qui pourrait arriver sur la scène financière mondiale.
M. Podmore: D'après ce que j'ai pu lire dans les journaux et ailleurs, les prêts à risques ont été l'une des principales causes des graves problèmes qui se sont produits au Japon. Si tel est le cas, nous avons évidemment besoin d'une entité quelconque qui puisse tenir les banques responsables de ce genre de choses.
Le sénateur Kenny: Si nous acceptons effectivement votre prémisse voulant que les graves problèmes économiques du Japon soient dus aux prêts douteux, que pensez-vous qu'une autorité de réglementation internationale devrait faire pour résoudre le problème?
M. Podmore: Une autorité de réglementation internationale devrait établir les normes dans chaque pays. Je pense que la liberté dont l'industrie dispose pour établir ses propres normes est la source de ses problèmes.
Le sénateur Kenny: Au lieu de laisser à quelqu'un à Tokyo le soin de réglementer les institutions financières japonaises, vous pensez qu'il serait plus efficace de demander à quelqu'un à Genève ou à New York de fixer des normes pour les quelque 180 pays du monde?
M. Podmore: L'industrie du transport a créé l'Organisation de l'aviation civile internationale, ou OACI, qui a très bien réussi à réglementer des questions comme la sécurité pour toute l'industrie. Pourquoi une organisation de ce genre ne pourrait-elle pas exister dans le secteur des services financiers?
Le sénateur Kenny: Vous pensez qu'il y a une forte analogie entre les deux?
M. Podmore: Cela prouve simplement que c'est possible.
Le sénateur Kenny: Dans votre mémoire, à la page quatre, vous dites: Les opérations financières des Canadiens seraient-elles mieux protégées si? Et ensuite vous passez aux points 1,2 et 3. Vous faites remarquer que:
Sun Life a accepté de régler le recours collectif hors court, sans faire beaucoup de bruit, tout en étant convaincue qu'elle aurait gagné sa cause devant les tribunaux.
Vous dites que la chose a été mentionnée dans l'un des jugements rendus à propos du cas en question. Vous poursuivez en disant:
La mauvaise publicité joue un rôle important dans la surveillance des joueurs de l'industrie financière, et de toute évidence influe sur leur rentabilité et, en fin de compte, sur leur part de marché.
Préconisez-vous que nous abandonnions le genre de système juridique que nous avons actuellement au Canada? Ceci est mon opinion personnelle, mais il me semble que le fait de traiter avec le législateur ou de modifier les lois en se servant de l'opinion publique a certes ses avantages. Mais si nous nous mettons à régler des cas relevant des tribunaux ou des questions déjà couvertes par les lois en recourant à l'opinion publique, il me semble que nous nous éloignons considérablement du principe de la primauté du droit.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Podmore: Il y a plusieurs choses, en fait. Dans l'affaire de Sun Life -- et il ne s'agit pas simplement de Sun Life, c'est un problème qui concerne toute l'industrie -- on s'est rendu compte que ce produit était mauvais et n'aurait pas dû être mis sur le marché.
Cela étant dit, très tôt dans cette histoire, j'ai fait d'importantes recherches pour voir si une autorité, gouvernementale ou non gouvernementale, avait la responsabilité de la qualité des produits mis sur le marché par les compagnies d'assurance, et je n'ai rien trouvé. Elles peuvent vendre ce qu'elles veulent. Elles peuvent vendre n'importe quoi à n'importe qui.
J'ai été à la fois contrarié et fâché de constater qu'il n'y avait aucune entité responsable de ces produits. J'avais pensé que mon conseil d'administration servait à cela; à me protéger et protéger mes intérêts. Or ce n'était évidemment pas le cas. Encore une fois, cela souligne ce que j'ai dit précédemment: le secteur financier ne cherche qu'à faire des profits et n'a pas beaucoup d'égard pour les intérêts des consommateurs. Je me demande vraiment pourquoi le gouvernement n'a pas mis en place une législation solide pour protéger le consommateur.
Le sénateur Kenny: Vous avez parlé de recherche de profit à plusieurs reprises. Je vais vous poser une question en deux parties. Premièrement, êtes-vous opposé à la notion de profit en soi?
M. Podmore: Pas du tout, mais je mets plutôt l'accent sur l'équité. Je n'ai rien contre les profits, pourvu qu'ils aient été gagnés loyalement. S'ils sont réalisés injustement au détriment des consommateurs, alors oui, je suis contre.
Le sénateur Kenny: La deuxième partie de ma question est la suivante: n'est-il pas concevable qu'une société qui répond aux besoins de ses clients de façon loyale et équitable puisse, en fait, réaliser d'importants profits et les mériter?
M. Podmore: Je ne connais pas de telles entreprises.
Le sénateur Kenny: Dans le monde entier?
M. Podmore: Non.
Le sénateur Kenny: Vous avez parlé, à la fin de votre présentation, de mettre les consommateurs à l'abri des risques. Pensez-vous vraiment que les consommateurs devraient être protégés contre tous les risques?
M. Podmore: Il y a plusieurs éléments à prendre en considération dans ce domaine. Voyons par exemple les produits d'assurance et la façon dont ils sont vendus aux consommateurs. Prenons plus précisément le cas des titulaires de polices d'assurance vie au Québec, dont 60 p. 100 gagnent moins de 30 000 $ par an. Ils sont clairement désavantagés lorsqu'un agent très calé va les rencontrer, et leur présente des contrats rédigés dans une langue tellement confuse que 90 p. 100 des assurés ne savent même pas ce qu'ils ont.
Le sénateur Kenny: Je ne nie pas le fait que les consommateurs aient besoin d'une certaine protection. Ce que je vous demande, c'est de préciser ce que vous entendez lorsque vous dites que tous les consommateurs doivent être mis à l'abri des risques. Cela semble un peu vaste...
M. Podmore: Les entreprises ne veulent pas assumer les risques et ces risques sont toujours passés aux consommateurs. La plupart des joueurs dans le secteur des services financiers ne sont soumis à aucune réglementation ou s'auto-réglementent. Ils ont leur propre ombudsman, qui de toute évidence est payé par les firmes pour lesquelles il ou elle travaille. L'ombudsman des banques, par exemple, est payé par le secteur bancaire. Les risques par contre ne sont pas assumés par ce secteur.
Le sénateur Kenny: Quelles responsabilités les consommateurs devraient-ils assumer d'après vous?
M. Podmore: Je pense que les consommateurs, de manière générale, devraient avoir la protection d'un organisme centralisé des services financiers. Pour qu'il puisse protéger les consommateurs, un tel organisme doit être crée par le gouvernement, et largement financé par l'industrie.
Le sénateur Kenny: Excusez-moi, mais ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Ma question était celle-ci: quelles responsabilités les consommateurs devraient-ils assumer, d'après vous?
M. Podmore: Les consommateurs doivent être mieux informés sur les produits qu'ils achètent. Pour cela, on doit leur dire exactement ce que le produit contient et le processus doit être totalement transparent. Autrement, comment peuvent-ils prendre la bonne décision?
Le sénateur Kenny: Quel degré de zèle attendez-vous du consommateur?
M. Podmore: Je ne peux pas dire exactement. Dans mon cas, j'ai eu de la chance. Avant le début de l'affaire des régimes à primes prélevées sur la valeur de rachat, je m'étais posé des questions sur ma situation financière, et j'étais allé voir un conseiller financier indépendant. Je lui ai versé avec plaisir les 350 $ demandés pour me fournir un avis neutre sur ma situation financière. Le seul conseil qu'il m'a donné a été de vérifier cette assurance à primes prélevées sur la valeur de rachat et d'obtenir la garantie que le règlement serait effectué au moment promis.
Vu le manque de connaissances de la plupart des Canadiens en matière de produits financiers, je leur recommanderais de s'adresser à un conseiller financier réellement indépendant, qui se ferait payer des honoraires fixes et ne chercherait pas à leur vendre de produits.
Le sénateur Kolber: Certaines de vos observations me laissent perplexes. Il y a des choses que vous passez sous silence. Vous parlez par exemple du risque que le consommateur assume. Dans le système bancaire, il y a la SADC; le consommateur est assuré.
M. Podmore: Dans une certaine mesure, oui.
Le sénateur Kolber: Le consommateur est assuré à concurrence de 60 000 $. Ce sont ces gens que vous cherchez à protéger.
M. Podmore: Je connais des gens qui avaient beaucoup d'argent à la Confederation Life.
Le sénateur Kolber: Qui a été remboursé depuis.
M. Podmore: Finalement, oui.
Le sénateur Kolber: Ce que vous envisagez, c'est une bureaucratie incroyablement vaste pour superviser tout ce qui se passe. Je m'étonne un peu que vous fassiez fi de tout le concept du «caveat emptor». Je ne pense pas que les Canadiens soient généralement stupides, et les consommateurs doivent assumer une certaine responsabilité pour leur propre bien-être.
Vous mentionnez le cas de Bre-X. Je ne sais vraiment pas par où il faudrait commencer pour réglementer une pareille chose. Vous ne cessez de parler des assurances à primes prélevées sur la valeur de rachat, qui, j'en conviens, ne sont pas une bonne chose. On dirait que pour vous, la meilleure, et peut-être la seule solution, serait que le gouvernement nationalise toutes les compagnies d'assurance et vende directement les assurances lui-même. Et ensuite vous voudriez sans doute que quelqu'un réglemente le gouvernement.
Franchement, je ne sais pas d'où vous sortez. Ce que je dis, c'est que j'ai du mal à suivre votre témoignage.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Au début de votre présentation, vous mentionnez la question de l'impact de ce qui se passe sur le plan international au moment où le comité a remis son rapport. La situation internationale est de plus en plus tumultueuse. La semaine dernière, le Fonds monétaire international mettait pratiquement en demeure les cinq grandes firmes comptables, entre autres Ernst&Young, Arthur Andersen, KPMG, Price Waterhouse. Il leur demandait d'appliquer de façon volontaire des standards internationaux dans tous les pays où ils sont actifs. Ils jouent un rôle très important auprès de tous les consommateurs de produits financiers. Tous les pays ont des standards différents.
Lorsqu'ils font l'analyse et la vérification, ils prennent des échantillonnages pour mesurer, par exemple, les actifs financés par une banque au Japon. Est-ce qu'ils utilisent exactement les mêmes mesures pour une banque canadienne? Pour le consommateur, il est essentiel qu'il sache que les "Big Five" jouent un rôle important.
Le Fonds monétaire international pourrait-il s'assurer que les joueurs en question établissent avec les gouvernements des standards qui existent, par exemple, dans le domaine de l'aviation?
Considérez-vous que cet organisme, qui connaît bien la situation financière internationale, pourrait jouer un rôle valable en établissant certains critères, sachant qu'ils seront appliqués de façon volontaire? Les Canadiens doivent être certains que l'on compare les mêmes choses si ces critères sont appliqués chez nous lors de la vérification des états financiers par ces cinq grandes firmes?
[Traduction]
M. Podmore: Les normes internationales seraient fondées sur des règles et principes fondamentaux de bonne pratique commerciale, et ne stipuleraient pas en détails comment chaque organisme doit gérer ses affaires.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous parle des principes comptables. Je ne parle pas de choses vagues. Des conventions comptables existent et sont utilisées par les Américains et la plupart des pays occidentaux. Est-ce que cette mise en garde récente du Fonds monétaire international aux «Big Five» serait une façon d'examiner la question afin que les gouvernements entérinent la demande du Fonds monétaire international pour que ces principes comptables soient appliqués dans tous les pays?
M. Podmore: Je pense que oui, c'est une question de standardisation des normes.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je reviens à votre proposition. Votre association représente les consommateurs. Vous ne semblez pas croire que les consommateurs, si nous leur donnons les moyens, puissent appuyer quelques associations nationales de consommateurs dans le secteur financier. Là comme ailleurs, il y a peut-être trop de joueurs. Il faudrait peut-être qu'on en ait deux ou trois au pays pour qu'il y ait quand même une certaine concurrence.
J'ai demandé à la plupart des joueurs dans les domaines de l'assurance et des banques, s'ils sont prêts, avec leur état de compte mensuel, à envoyer un formulaire d'adhésion à une association de consommateurs. Comme consommateur, lorsque je recevrai mon état bancaire ou ma prime d'assurances à renouveler, je pourrai ainsi recevoir un document préparé par l'association des consommateurs. Je pourrai y souscrire, en devenir membre et appuyer ces associations de consommateurs qui ont le rôle et le mandat de me représenter dans tous les aspects touchant les questions financières. Ce sont des gens spécialisés dans ce secteur.
Cette formule existe aussi aux Etats-Unis. Cette approche ne vous semble-t-elle pas plus conforme à celle qui impliquerait encore le gouvernement directement dans cette question?
[Traduction]
M. Podmore: Le modèle américain est moyennement réussi. J'estime que le fait de demander aux consommateurs de soutenir une organisation de consommateurs ne suffit pas pour répondre aux responsabilités du gouvernement. A mon avis, le gouvernement a la responsabilité de prendre la protection du consommateur en main. Le gouvernement représente la population; il n'est pas censé être là pour le bénéfice de l'industrie.
À mon avis, il y a deux solutions. Ou le secteur poursuit ses activités sans réglementation ni supervision. Ce qui me va très bien, et il y a bien des avocats qui seront contents. Ou alors il peut se soumettre à un cadre de réglementation et de supervision qui fonctionne pour tout le monde.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Donc vous tenez à ce que l'État soit encore présent pour financer les associations de consommateurs et même encore plus, en étant présent à l'intérieur des associations de consommateurs?
[Traduction]
M. Podmore: Le problème, si l'on demande aux consommateurs de financer des organisations précises, c'est le manque de continuité. Il se peut que vous recrutiez de nombreux membres la première année, parce qu'il s'agit de quelque chose de neuf et d'intéressant. L'année suivante, par contre vous pouvez n'avoir plus que 10 ou 15 p. 100 des membres de la première année. Ce ne sera pas une entité forte et viable, qui profitera à tous les Canadiens et leur offrira les protections dont ils ont besoin.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Au Canada, on ne peut pas compter sur un leader -- tel Ralph Nader aux États Unis -- dans le domaine de la consommation qui va solliciter l'appui des consommateurs pour les protéger, même contre le gouvernement et les entreprises. Autrement dit, on ne peut avoir une position neutre pour établir l'agenda précis des consommateurs, à savoir quels sont les dossiers dont ils veulent faire la recherche.
M. Yves Lauzon, conseiller juridique: Si je peux me permettre une précision, il me semble que vous voulez notre avis sur l'importance de maintenir une certaine tradition de vigilance par l'entremise des associations de consommateurs qui sont indépendantes de l'État. Je pense que c'est très important dans la mesure où les moyens que les associations ont à leur disposition sont proportionnels aux besoins et à la complexité des défis des temps modernes.
Le dossier des «vanishing premium», les polices autofinancées était essentiellement un problème de complexité. Ce n'est pas, comme l'a dit votre collègue tantôt, parce que les Canadiens ne sont pas intelligents ou, à la limite, qu'ils ne sont pas vigilants. Mais nous avons présenté une situation de l'évolution d'un produit financier d'une certaine complexité, très sophistiqué.
Je ne suis pas ici devant un tribunal. Je ne veux pas faire de commentaires péjoratifs. Mon expérience, comme avocat dans le domaine des recours collectifs ou de la consommation, et plus particulièrement de l'assurance, m'a fait voir que des gens instruits, des gens avisés, des gens d'affaires, des avocats et des juges avaient des produits semblables et n'avaient pas vraiment eu l'information ou l'aide technique pour interpréter toutes sortes de tableaux et caetera.
Il est très important qu'il y ait, au Canada, une modernisation de certaines formes de financement de certaines associations dans des secteurs aussi névralgiques que le domaine financier. Vous avez mentionné Ralph Nader. L'État ne peut pas tout faire et il doit encourager la mise sur pied de ressources humaines et d'initiatives qui sont bénéfiques et ce, à peu de coûts.
Comme M. Podmore le souligne, le déséquilibre risque, de toute façon, d'être trop grand. Même si des associations de consommateurs ont des outils minimums et peuvent expliquer à un consommateur d'assurance le fonctionnement, les avantages et les inconvénients d'une police autofinancée, pourquoi cela ne fonctionnera pas comme il croit, il n'en demeure pas moins que d'autres aspects interviennent avant même de consulter le consommateur: à savoir, comment ces produits sont conçus, comment les gens qui les vendent agissent.
Une réflexion reste à faire sur une autre zone d'une certaine réglementation. Je pense avoir compris votre réserve quant à augmenter les effectifs de la bureaucratie. Il s'agit davantage d'adapter ou de compléter la réglementation et sa mise en application, sans nécessairement requérir une grosse structure de l'État.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans le cas d'une émission d'actions, la Commission des valeurs mobilières approuve le prospectus et s'assure au moins qu'elle est conforme à une législation ou à une réglementation. Alors, je trace un parallèle: le produit d'assurance pourrait bénéficier de la création d'un organisme similaire capable d'évaluer ou de mettre en garde lors de la présentation de produits aussi sophistiqués au public. Souvent le prospectus vend -- c'est certainement le cas de Bre-X et d'autres -- des choses qui tiennent plus du rêve que de la réalité.
M. Lauzon: Exact.
Le sénateur Hervieux-Payette: Des mises en garde sont nécessaires et c'est noté au document. Cela relève de la responsabilité du consommateur de prendre des précautions et de lire le texte. On dit tout le temps: allez voir votre conseiller financier avant d'investir dans cette nouvelle émission. De là à dire que je suis d'accord avec votre idée d'un un organisme additionnel dans ce domaine, c'est autre chose.
Je verrais une association de consommateurs qui se doterait d'experts sur n'importe quel produit et ces experts pourraient communiquer, via Internet et autres, les informations sur ce produit et dire si tel produit ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé ou ne vaut pas l'écran sur lequel vous le lisez.
Vous avez l'école de pensée où c'est un organisme de réglementation; l'autre est celle où le fardeau est de s'assurer d'un un financement adéquat des associations de consommateurs. On a deux modèles. On aura à se pencher sur l'option qui semble mieux protéger l'intérêt public.
M. Lauzon: Ce que vous venez de dire correspond à ma pensée. Il faut distinguer ces deux volets et ils sont plus facilement conciliables.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Notre comité est ici pour étudier le rapport du groupe de travail MacKay. Le chapitre 7 du rapport, intitulé «Accroître le pouvoir des consommateurs» consacre beaucoup de temps aux consommateurs. Dans ce chapitre, le groupe de travail parle des divers rapports qu'il a commandés pour étudier les nombreux sujets que vous avez soulevés et discutés aujourd'hui.
À la page 1 de ce chapitre, il dit qu'il a examiné les facteurs suivants:
D le choix, sans coercition, effective ou perçue;
D la transparence, les modalités relatives aux produits, les risques et les conditions de vente devant être divulguées de façon claire, intelligible et opportune;
D des mécanismes de recours accessibles et efficaces;
D et l'accès des consommateurs à leurs renseignements personnels et leur contrôle de ces derniers.
Comme vous le savez, le rapport parle ensuite de la nécessité d'avoir une législation, notamment dans ses recommandations sur les ventes liées, et la nécessité de protéger le caractère confidentiel des informations, dans le domaine médical en particulier.
Après avoir lu et étudié ce chapitre, avez-vous quelque chose à dire au comité pour le mettre en garde? Y a-t-il des oublis? Y a-t-il quoi que ce soit de vraiment faux ou inadéquat, et si oui, pouvez-vous nous donner des précisions?
M. Podmore: Certaines initiatives du rapport sont tout à fait louables. Ma principale critique est qu'il ne semble pas préconiser que le gouvernement donne un appui clair à une organisation des consommateurs du secteur des services financiers, mis à part lorsqu'il suggère qu'Industrie Canada continue à soutenir le mouvement de protection des consommateurs, et que l'industrie elle-même prenne à sa charge une partie des coûts.
Mon groupe a reçu un certain financement par l'entremise d'Industrie Canada pour étudier le processus de retrait de la forme mutuelle, et veiller aux intérêts des droits et intérêts des assurés dans ce processus. Nous avons également réussi à obtenir un financement pour étudier la protection des titulaires d'assurance vie au Canada.
Le sénateur Oliver: Un groupe de consommateurs nous a dit que si vous acceptez de l'argent des gouvernements ou d'entreprises, vous leur serez redevables. Vous dites par contre qu'il n'y a pas de mal à se faire financer par le gouvernement, et que vous pouvez quand même être indépendants.
M. Podmore: Nous acceptons le financement tant qu'on ne nous empêche pas de faire connaître nos opinions à travers les médias. De nos jours, les médias sont à peu près la seule arme dont les consommateurs disposent.
Le sénateur Oliver: Dans le dernier paragraphe de votre mémoire, vous dites que le groupe que vous représentez traite surtout de questions d'assurance et vous parlez du problème des polices d'assurance autofinancées dont vous vous êtes occupés. Vous dites aussi que vous êtes d'accord avec l'idée d'un arbitre indépendant.
Lorsque nous sommes allés en Grande-Bretagne, on nous a parlé d'une autorité responsable des investissements personnels dont la Grande-Bretagne envisage la création. Il s'agirait d'un groupe consultatif qui aurait le mandat de fournir des conseils et commentaires sur l'élaboration des politiques du gouvernement, et de faire rapport sur l'efficacité de ces politiques en ce qui concerne les consommateurs. Est-ce le genre de chose que vous envisageriez également?
M. Podmore: Cela a-t-il été bien accueilli par l'industrie?
Le sénateur Oliver: Il s'agit de la Grande-Bretagne, et c'est le nouveau modèle britannique.
M. Podmore: Ce genre d'entité aiderait bien entendu à résoudre certaines de ces questions.
Le sénateur Oliver: Votre organisation a-t-elle envisagé d'autres moyens -- à part prendre l'argent du gouvernement -- qui permettraient à l'organisation d'être autosuffisante?
M. Podmore: Une possibilité serait de faire connaître notre cause dans les médias par le biais des diverses actions auxquelles nous participons. Encore une fois, l'argent est plutôt rare. Mon groupe distribue un bulletin d'information à ses membres, mais notre financement provient de nos membres, point. Nous ne pouvons pas vraiment nous permettre d'envoyer ne serait-ce qu'un feuillet d'information aux quelque 400 000 titulaires de polices d'assurance autofinancées de Sun Life.
Ce serait merveilleux pour tout le mouvement de protection du consommateur si l'industrie pouvait travailler avec les groupes de consommateurs. On pourrait alors inclure les feuillets d'informations dans leur courrier commercial. Ces publications donneraient aux consommateurs les renseignements sur un groupe de consommateurs donné. Ce groupe pourrait leur donner des réponses claires à leurs problèmes, d'un point de vue de consommateur, plutôt que d'un point de vue commercial, juridique ou actuariel.
Le sénateur Oliver: Êtes-vous d'accord avec la proposition du groupe de travail à propos des ventes liées et de la protection des renseignements personnels, et avec la législation proposée? Auriez-vous quelque chose à y rajouter, ou à enlever, en matière de protection du consommateur?
M. Podmore: Si j'allais dans une banque et que je sentais qu'on essaie de me forcer à acheter un autre produit, je me demande comment je pourrais prouver la chose et quel genre de preuve serait admissible. Je ne vois pas comment je pourrais prouver la chose, à moins d'avoir un magnétophone et un avocat avec moi.
Le sénateur Callbeck: Vous avez indiqué que nous devrions retenir le modèle de l'ombudsman britannique. Je me demande pourquoi. Le rapport MacKay indique que 16 p. 100 des personnes interrogées s'étaient fait forcer la main pour acheter un produit, or le nombre de plaintes déposées auprès de l'ombudsman des banques est très faible, apparemment. Je pense qu'il y en a eu une en 1996. Pas une seule en 1997. Il y en a eu une en 1998, à propos d'une vente liée.
Ma première question est la suivante: pourquoi y a-t-il si peu de plaintes? Deuxièmement, si nous avions le modèle britannique, serait-il plus favorable aux consommateurs? En d'autres termes, y aurait-il davantage de plaintes?
M. Podmore: L'absence de plaintes témoigne probablement d'une faiblesse dans la structure du système de l'ombudsman des banques au Canada. Puisque l'ombudsman est essentiellement financé par les banques, les consommateurs se disent sans doute qu'ils ne peuvent pas vraiment s'attendre à un traitement équitable.
J'ai feuilleté la documentation de l'Association des banquiers canadiens. Si j'avais été au bureau de l'ombudsman des banques pour rapporter un problème que j'aurais estimé très grave et que je leur avais demandé de revoir toute la question avec moi, je n'aurais pas pu me servir de l'information pour argumenter d'un point de vue juridique.
Ce qui importe le plus, et qui est séduisant pour le consommateur, dans le système britannique, c'est que l'ombudsman est totalement indépendant et qu'il est habilité à rendre des décisions séparées, obligatoires, pouvant comporter des dédommagements monétaires ou autres règlements négociés.
Le sénateur Callbeck: Vous pensez donc que si l'ombudsman était indépendant, plus de gens porteraient plainte; il serait davantage à l'écoute des consommateurs.
M. Podmore: Absolument.
Le sénateur Callbeck: Concernant les ventes liées, vous demandez comment prouver la chose? Que pensez-vous qu'il faudrait faire? Le gouvernement a proposé une loi qui a été votée il y a quelques semaines, mais le groupe de travail MacKay recommande en plus de la renforcer pour d'autres raisons.
M. Podmore: Il y aurait probablement lieu de concevoir une sorte de document juridique portant sur la vente, qui serait signé par l'employé de banque et le client. Il pourrait renseigner sur ce que le client achète, ce qu'il refuse d'acheter, le genre de proposition de services multiples qu'il accepte d'examiner et ce qu'il rejette dans cette offre globale. Je ne pense pas que les clients devraient être forcés à transférer tous leurs services financiers à une banque particulière tout simplement pour acheter un produit particulier.
Le sénateur Callbeck: À quoi bon signer une entente?
M. Podmore: Ça ne suffirait peut-être pas, mais au moins on aurait un document légal à produire devant les tribunaux.
Le sénateur Callbeck: L'autre question que je voulais vous poser concerne l'organisation de protection du consommateur de Floride. Est-elle financée par le gouvernement?
M. Podmore: Oui, et elle est financée par le ministère de l'Assurance.
Le vice-président: J'aimerais maintenant inviter M. Normand Lafrenière à nous présenter son mémoire.
M. Normand Lafrenière, président, Association canadienne des sociétés mutuelles d'assurance: L'Association canadienne des sociétés mutuelles d'assurance est une association de petites compagnies d'assurance appartenant entièrement à des intérêts canadiens et aux titulaires de police. Ce sont des compagnies d'assurance des biens et accidents, qui la plupart du temps sont sous juridiction provinciale. La seule chose qui nous intéresse au niveau fédéral, c'est que les règlements en place soient dans l'intérêt des consommateurs et que nous fonctionnions donc dans un système compétitif dont les règles sont les mêmes pour tous.
Le secteur canadien des sociétés mutuelles et fiduciaires favorise l'existence d'un marché des assurances fort, sain et compétitif. Il est en faveur d'une réglementation efficace et de changements législatifs qui sont dans l'intérêt des assurés.
Dans le communiqué de presse invitant les intéressés à participer aux audiences de votre comité, vous indiquiez que, dans l'intérêt des consommateurs, les audiences ont pour objectif de déterminer au mieux comment assurer la stabilité, la solidité et la compétitivité futures du secteur des services financiers du Canada. Nous sommes d'accord avec ce que vous affirmez indirectement, à savoir que la meilleure façon de protéger le consommateur est de lui fournir un secteur des services financiers stable, solide et compétitif.
Nous estimons que la stabilité du secteur financier dépend à la fois de la réglementation du gouvernement et de l'auto-réglementation du secteur privé. L'efficacité du secteur dépend de la technologie, mais nous ne sommes pas d'accord avec le rapport MacKay en ce qui concerne le nombre de compétiteurs nécessaire pour garantir ce milieu compétitif. Nous estimons que plus il y a de concurrents, plus nous avons des chances d'avoir un marché compétitif.
Lors des révisions de la législation du secteur financier de 1992 et 1997, nous avons demandé au gouvernement de se pencher sur l'avenir du secteur canadien des services financiers à long terme, de voir quelle serait sa situation dans 5, 10 ou 15 ans. Nous avons apprécié la création du groupe de travail MacKay, et nous approuvons la majeure partie du rapport; nous pensons qu'il est très bon, à l'exception de la recommandation numéro 18, qui traite de la possibilité pour les banques de vendre des assurances dans leurs succursales et de se servir des informations qu'elles détiennent sur leur clientèle pour cibler la commercialisation de leurs produits d'assurance.
Ainsi qu'en témoigne le rapport MacKay, le secteur bancaire a réussi à convaincre le groupe de travail que si on lui permettait d'étendre ses pouvoirs dans le domaine des assurances, cela favoriserait l'émergence d'un secteur des assurances plus compétitif. Malheureusement le rapport MacKay n'a pas réussi à fournir la preuve que la bancassurance accroîtrait la concurrence dans le secteur des assurances et donc serait dans l'intérêt du consommateur.
Le groupe de travail a par ailleurs négligé de fournir une appréciation complète, par produit, du niveau actuel de concentration dans le secteur bancaire. Il n'a pas non plus évalué le degré de concentration auquel il faudrait s'attendre si l'on permettait aux banques de vendre des assurances dans leurs succursales et de se servir des renseignements personnels qu'ils possèdent sur leurs déposants.
La réforme de 1992 et la révision de la législation sur les services financiers de 1997 a accru la concurrence dans le secteur des assurances et le nombre de produits d'assurance offerts, tout en maintenant la possibilité pour le consommateur de choisir librement parmi un grand nombre de fournisseurs. On a atteint ces deux objectifs en autorisant les banques et autres institutions de dépôt à se lancer sur le marché des assurances par le biais de filiales et en exigeant que ces activités soient distinctes des activités de base des institutions de dépôt. Notre association estime que ces réglementations ont atteint leurs objectifs par le passé et devraient continuer à le faire à l'avenir.
Les banques prétendent qu'elles pourraient réaliser de plus grandes économies d'échelle et pénétrer les marchés étrangers si on leur donnait les pouvoirs étendus qu'elles demandent dans le domaine des assurances. Par contre, les banques n'ont pas démontré comment, ni dans quelle mesure, elles pourraient réaliser de plus grandes économies d'échelle sur le marché intérieur, ni comment ces économies d'échelle pourraient les aider à s'approprier une plus grande part du marché international des services financiers.
La taille n'est pas toujours une condition préalable suffisante pour augmenter sa part de marché et pénétrer les marchés étrangers. Les sociétés mutuelles que je représente sont petites par rapport aux compagnies d'assurance des biens et accidents moyennes sous juridiction fédérale. Mais malgré leur taille restreinte, elles réussissent à occuper une part croissante du marché des assurances dans les régions rurales du Canada. Les sociétés mutuelles d'assurance ont une grande expertise dans l'évaluation des risques. Lorsqu'elles détectent un problème de sécurité, elles le portent à l'attention des assurés. Ceci permet de diminuer les sinistres et de réduire nos coûts par rapport à ceux des grandes compagnies.
Une institution de dépôt possède beaucoup d'informations sur la situation financière et les relations d'affaires de ses clients. Les transactions effectuées par un client et les raisons invoquées pour emprunter de l'argent donnent une bonne idée de ses affaires. Les institutions de dépôt sont en train de se doter d'une technologie de traitement de l'information de plus en plus sophistiquée afin de faciliter leur accès à une grande quantité de renseignements personnels en leur possession. Cette technologie permettra aux banques de déterminer qui sur le marché pourrait être intéressé par un produit ou un service donné, à un moment donné, et ainsi de cibler directement leur clientèle.
Il importe de mettre en place une réglementation et une infrastructure qui empêcheront effectivement les institutions de dépôt d'exploiter injustement un avantage compétitif qui pourrait finir par réduire la concurrence et le choix des consommateurs.
Lorsqu'elles vendent leur produit, les compagnies d'assurances traditionnelles doivent, tout comme nos compagnies, viser une clientèle très large en espérant que suffisamment de consommateurs seront intéressés. Les banques, de leur côté, aimeraient pouvoir utiliser les renseignements personnels qu'elles ont obtenus sur les individus et les petites entreprises, au cours de leurs transactions bancaires, pour proposer leur produit d'assurance uniquement à ceux qui sont le plus susceptibles de l'acheter. Il va sans dire que cela leur donnerait un avantage compétitif important par rapport aux compagnies d'assurance traditionnelles, qui n'ont pas accès aux informations personnelles sur les particuliers et entreprises susceptibles d'acheter leur produit. La règle du 10 p. 100 de propriété et l'ancienne règle du 25 p. 100 de propriété étrangère ont permis aux banques canadiennes de réaliser d'importants profits et d'accumuler des actifs considérables sans avoir à affronter la concurrence étrangère.
La garantie de la solvabilité des banques a peut-être été une bonne raison de mettre en oeuvre la politique des 10 et 25 p. 100 de propriété, mais les effets négatifs de cette politique, en terme de concurrence perdue, ont été considérables. Le degré actuel de concentration dans le secteur bancaire et le degré de concentration qui sera atteint si l'on permet aux banques de fusionner nous inquiètent.
Cette concentration est telle que les institutions de dépôt canadiennes forment de réels oligopoles dans plusieurs provinces. Ces oligopoles pourraient avoir la capacité d'influer sur le prix des services offerts par les banques.
L'Association canadienne des sociétés mutuelles d'assurance avait exprimé ses craintes face aux possibilités de ventes coercitives et d'exercice d'influence indue dans le contexte des révisions de la législation sur le services financiers de 1992 et 1997. Nous ne doutons pas que les politiques qui seraient mises en place au niveau de la haute direction de ces institutions de dépôts pour empêcher ce genre de situation seraient adéquates, mais nous craignons qu'elles ne soient pas bien appliquées au niveau de la succursale, par le personnel qui est au contact de la clientèle.
Car quel que soit le mérite des politiques adoptées par la haute direction d'une banque, les risques de pratiques coercitives augmentent à mesure qu'augmente le nombre des succursales qui fonctionnent comme des centres de profits distincts.
Même si le prêteur ne demande pas ouvertement à l'emprunteur de s'assurer auprès de la compagnie d'assurance de la banque afin de pouvoir obtenir son prêt, l'emprunteur pourrait bien se sentir mal à l'aise de décliner la proposition de souscrire son assurance dans les locaux de l'institution financière.
Le sénateur Austin: D'autres membres de votre industrie nous ont déjà présenté les arguments que vous avancez. Ce que j'essaie de bien comprendre est ceci: à quel moment les banques auraient-elles accès à leurs clients? Imaginez-vous que les banques pourraient appeler leurs clients comme ça, à l'improviste, ou pensez-vous qu'elles saisiraient l'occasion de vendre des assurances des biens et accident au moment où le client viendrait les voir pour un autre produit? Comment voyez-vous cela?
M. Lafrenière: Il y a plusieurs possibilités. Si un client sollicite une hypothèque, la banque peut lui offrir un an d'assurance gratuite pour sa maison, ce qui est difficile à battre pour la concurrence. Par le biais de la transaction hypothécaire, la banque a des renseignements privilégiés sur les besoins d'assurance de ce client. Le reste du secteur des assurances n'a pas accès à ces renseignements, et c'est à cela que nous nous opposons.
Le sénateur Austin: Votre prochain argument sera que les banques pourraient interfinancer ces activités en proposant le tout ensemble.
M. Lafrenière: Absolument. Non seulement elles pourraient interfinancer ces activités avec les services de la succursale dépôts, mais elles se serviraient des renseignements personnels, que personne d'autre ne possède pour viser la bonne personne au bon moment. En d'autres termes, même si le client n'entre pas dans la banque, avec la technologie actuelle il est possible d'afficher un message au guichet automatisé, de sorte que le client -- la bonne personne, au bon moment -- puisse être contacté et invité à se présenter dans la banque. Cette possibilité n'est évidemment pas à la portée de l'industrie des assurances. Dans notre cas, nous devons nous présenter à l'improviste chez le client potentiel, et les banques, elles, ne veulent pas faire cela.
Pour le moment nous sommes en concurrence avec elles sur la base de règles du jeu qui sont les mêmes pour tous, car dans leurs filiales, elles n'ont pas accès aux informations personnelles non plus, et elles doivent donc faire le même genre d'appel à l'improviste si elles veulent trouver des clients. Si elles demandent à changer, c'est pour avoir un avantage par rapport à nous. Elles ont déjà un avantage sur nous en vertu de la règle des 10 p. 100-25 p. 100 de propriété qui leur a permis d'être subventionnées depuis 30 ans, mais elles veulent plus encore maintenant: elles veulent utiliser cet avantage, cette richesse, pour mieux pénétrer le reste du marché du secteur financier.
Le sénateur Austin: Dans le cas où les banques offriraient directement des assurances, pouvez-vous comparer l'expertise de votre industrie avec le genre d'expertise et d'information que le gérant de banque ou l'employé affecté à cette tâche aurait? Quel genre de compétence faut-il pour bien conseiller un client?
M. Lafrenière: La seule exigence est que ces gens soient titulaires d'une licence, et c'est effectivement ce que propose le rapport MacKay: les gens qui vendent des assurances devraient détenir une licence. Nous ne pouvons pas demander plus, car c'est tout ce que l'on exige de nos agents d'assurances. Ils ont peut-être une plus grande compétence du fait de leur expérience, mais la réglementation qui s'applique à nos gens serait la même pour les banques; c'est pourquoi nous ne pouvons pas nous opposer à la proposition.
Le sénateur Austin: Avez-vous un exemple de situation où une personne dans une banque, qui aurait sa licence et s'occuperait du dossier des assurances des biens et accidents, serait confrontée à un conflit d'intérêt entre sa responsabilité envers la banque et sa responsabilité envers le client?
M. Lafrenière: Non, je ne vois pas. Je peux vous dire par contre que ceux qui nous posent des problèmes, ce sont plutôt les autres personnels de la banque -- les préposés aux prêts et ceux qui sont aux guichets. Ils ont accès au client; ils ont accès aux discussions aussi et ils ont des informations sur le client. Lorsqu'une personne vient de contracter un prêt et a besoin de garanties, et a besoin d'une assurance pour ses garanties, ils peuvent facilement présenter cette personne à l'agent d'assurance qui se trouve dans l'institution financière, dans le même bâtiment. C'est nettement plus facile que de laisser partir cette personne pour la faire revenir ensuite à la filiale de la banque.
Le sénateur Austin: Je pensais au cas où il y aurait une déclaration de sinistre; disons que la maison a passé au feu. Il y a de nombreux facteurs à prendre en considération pour le remboursement de l'assuré. Dans la situation actuelle, êtes-vous en mesure de conseiller l'assuré de façon objective? Et pensez-vous que les banques seraient dans la même position, ou pensez-vous qu'elles seraient dans une position plus gênante?
M. Lafrenière: Je pense qu'il n'y aurait pas de différence. Je ne vois pas de problème. Je crois que les banques auraient le même problème que nous pour garder leur clientèle. Il nous faut payer exactement ce que nous devons. Je suppose que les banques, pour garder leur clientèle, seraient dans la même position que nous exactement.
Le sénateur Oliver: À la page 135 du rapport du groupe de travail MacKay, on parle en fait de la question des ventes liées et on en fait une description qui correspond très bien à celle que vous nous avez donnée aujourd'hui. Le groupe de travail était tellement préoccupé par cette question qu'il a formulé quatre recommandations pour protéger le consommateur contre les abus dont vous venez de parler. Pour commencer, il a recommandé que l'article 459.1 de la Loi sur les banques soit mis en vigueur après avoir été modifié à deux égards. Comme vous le savez, elle a été mise en vigueur il y a trois ou quatre semaines. J'aimerais vous rafraîchir la mémoire au sujet de ces modifications et je vous demanderais si vous pensez qu'elles vont suffisamment loin. Sinon, que pourrions-nous ajouter?
Le rapport dit ce qui suit:
L'interdiction de vente liée avec coercition, qui, à l'heure actuelle, s'applique uniquement aux prêts devrait être étendue à tous les produits de crédit et d'assurance. De même, étant donné le rythme auquel évolue le marché et l'opportunité d'avoir une réglementation souple, les autorités réglementaires devraient être autorisées par la loi à interdire les ventes liées de toute autre catégorie de produits. Le cadre réglementaire offrirait ainsi la marge de manoeuvre nécessaire pour réagir à toute pratique commerciale inacceptable.
Les pratiques que vous avez si éloquemment décrites ici aujourd'hui, je dois dire. Le rapport poursuit ainsi:
En troisième lieu, nous recommandons que, à titre de saine pratique commerciale, quand un fournisseur offre des produits liés de même que les différents éléments de l'ensemble, il détaille les différentes composantes et en indique le prix afin que le consommateur puissent comparer les produits distincts et en combinaison.
D'ailleurs, il ne s'agit pas des recommandations véritables. Il s'agit du document de travail. Les recommandations sont beaucoup plus précises, mais la question demeure: ces recommandations vont-elles assez loin? Sinon, qu'est-ce que le comité devrait envisager selon vous?
M. Lafrenière: Le groupe de travail n'est pas allé assez loin. Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas l'aspect coercition. Nous savons que les employés des banques ne feraient probablement pas de la coercition; ils connaissent leurs limites. Ce que nous craignons, c'est l'influence indue. Il n'y a pas d'influence indue lorsque la section assurance est exploitée à la filiale. Ils ne se parlent pas entre eux; ils n'ont pas accès à l'information et par conséquent, nous n'avons pas besoin de réglementer cet aspect. Nous savons que cela ne pose pas de problème du fait qu'ils fonctionnent à partir d'une filiale.
Mais s'ils commencent à exercer leurs activités au sein d'une même succursale, il sera facile d'exercer une influence indue. L'influence indue, contrairement à la coercition et à la vente liée, est beaucoup plus difficile à prouver, et c'est tout ce dont ils ont besoin pour accroître leur part de marché. On peut voir les résultats dans l'amélioration de la part du marché des caisses populaires au Québec. Je crois qu'elles détiennent actuellement 11 p. 100 du marché, et ce n'est pas parce que leurs prix sont meilleurs. En fait, ils sont moyens. Nous pensons que c'est parce qu'une influence indue est exercée par les employés des caisses populaires.
Le sénateur Oliver: Mais un témoin nous a dit que même si cette activité était exercée dans la même succursale, il y aurait une véritable barrière. Je pense qu'il a parlé de la Muraille de Chine -- entre la composante assurance et les composantes prêts et hypothèques.
M. Lafrenière: Il est tout simplement impossible de le vérifier. La comparaison qui me vient à l'esprit est la façon dont les gens font de l'excès de vitesse. Ils le font parce que les risques d'être pris sont tellement faibles que cela en vaut la peine. C'est exactement ce qui se passerait dans les banques. Il serait tellement difficile de les prendre sur le fait, car il n'y aurait pas de surveillance, qu'il vaudrait la peine de prendre le risque. Laissez-moi répéter qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait coercition ou vente liée, il suffit qu'il y ait influence indue.
Le sénateur Oliver: Je me demande si nous devrions ajouter les mots «influence indue».
M. Lafrenière: Je pense que oui, mais c'est extrêmement difficile à prouver. La seule façon de maintenir des règles du jeu équitables est de séparer ces filiales. Actuellement, il n'y a pas de plainte, ou très peu, mais il pourrait y en avoir bien davantage si on utilisait la même succursale.
Le sénateur Kroft: J'aimerais reprendre le point du sénateur Oliver et aller un peu plus loin, car cette question est revenue souvent dans nos discussions avec les divers témoins sur plusieurs sujets.
Étant donné les diverses fonctions financières, et nous parlons ici des banques et de l'assurance, il est probable que si vous exerciez une autre activité, l'opinion subjective serait la même -- à savoir que nous avons affaire à quelque chose qui va au-delà de l'efficacité de la réglementation.
Bien entendu, il y a d'autres endroits dans le rapport MacKay où l'on dit pour des secteurs où il pourrait être difficile d'agir: «Oui, c'est difficile, mais nous imposerons des pénalités sévères». J'essaie de me rassurer là-dessus, mais à votre avis, pénalité sévère ou pas, lorsque ces diverses fonctions commencent à être exercées dans le même bâtiment, au même endroit, quoi que vous fassiez, la nature humaine étant ce qu'elle est, ou la réalité étant ce qu'elle est, on ne peut pas les séparer, parce que les murs ou les règlements ne sont pas adéquats et que la seule réponse pratique, en dehors de mesures de contrôle excessives, ce que nous ne souhaitons pas, je ne crois pas, serait une séparation physique et légale de ces rôles.
M. Lafrenière: Oui, comme maintenant. La meilleure forme de contrôle que nous puissions demander serait de séparer ces fonctions de marketing actuelles par le biais des filiales.
Le sénateur Kroft: C'est une question fondamentale.
M. Lafrenière: De la même façon, nous ne voyons pas les raisons valables qui poussent les banques à demander de vendre de l'assurance dans leurs succursales. Elles savent que cela leur donnera un avantage sur le reste du secteur de l'assurance, parce qu'elles auront accès à l'information sur les déposants et pourront mieux cibler leur marketing. C'est un incroyable avantage concurrentiel par rapport au reste de l'industrie. C'est ce qu'elles demandent et, incroyablement, le groupe de travail a pris parti pour les banques à ce sujet, et nous ne pouvons pas l'accepter. C'est pourquoi je ne suis pas surpris que bon nombre de vos témoins en aient parlé.
Le sénateur Kroft: Chaque fois qu'il y a plus d'une fonction, lorsque la fonction de quelqu'un d'autre est exercée dans un même endroit, la même question surgit.
Le vice-président: Honorables sénateurs, nos prochains témoins nous viennent de la Capital One Financial Corporation.
Pouvez-vous commencer, s'il vous plaît, monsieur Cooper.
M. Matthew Cooper, vice-président principal, Capital One Financial Corporation: Honorables sénateurs, mon collègue est Chris Curtis, codirecteur du contentieux.
C'est notre première comparution devant vous. Nous avons parlé au comité il y a deux ans en réponse à une proposition du gouvernement de 1996 visant à réduire l'autorisation légale qui nous avait été accordée, ce qui nous aurait obligés à l'époque à établir une banque de l'annexe II.
Il est étonnant de voir la différence qu'ont fait ces deux années. Il y a deux ans, nous parlions de notre souhait de faire affaires au Canada. En fait, nous ne faisions probablement pas affaires ici du tout. Mais aujourd'hui, nous avons plusieurs centaines de clients de cartes de crédit au Canada et nous venons de nous lancer dans notre deuxième secteur d'activité ici, c'est-à-dire le prêt à tempérament.
À la suite des rapports publiés par le comité de la Chambre des communes et par ce comité, critiquant la proposition du livre blanc, à laquelle nous nous étions opposés à l'époque, la proposition a été retirée, ce dont nous sommes très satisfaits. À la place, des propositions plus nouvelles et plus constructives ont été présentées. Encouragé par ce comité et le comité des finances de la Chambre des communes, le gouvernement a proposé l'adoption d'un régime bancaire étranger pour la première fois, et le Canada s'est engagé lui-même, dans le processus de l'OMC, à mettre en oeuvre ce régime l'an prochain, ce qui nous réjouit énormément.
J'aimerais continuer en vous donnant des renseignements sur Capital One et nos activités à l'extérieur du Canada. Capital One Financial Corporation est une compagnie de services financiers. Notre principale filiale, Capital One Bank, émet des cartes de crédit aux États-Unis et au Royaume-Uni. Au 30 septembre, nous avions environ pour 25 milliards de dollars canadiens de comptes à recevoir en souffrance et nous venions de dépasser les 15 millions de clients. Nous sommes l'un des dix principaux émetteurs de MasterCard et de Visa aux États-Unis et en fait dans le monde. C'est notre principal secteur d'activité.
Nous participons également au secteur des prêts à tempérament aux États-Unis et au Royaume-Uni. De plus, nous ne sommes pas seulement un émetteur de Visa et de MasterCard -- il y a beaucoup d'émetteurs de ce genre; nous exerçons nos activités un peu différemment. À la fin des années 80, nous avons constaté que les produits étaient largement standards aux États-Unis, avec des taux d'intérêt d'environ 19,8 p. 100 et des frais annuels de 20 $. Nous avons vu là l'occasion d'apporter une perspective différente. Nous avons commencé à diversifier les produits et à appliquer des techniques de modélisation statistiques prédictives à ce secteur, ce qui a créé une différente sorte de marketing et de politique de crédit. Cela nous a permis d'offrir des produits qui ciblaient les consommateurs individuels, d'offrir des taux plus bas à de nombreux clients et, en fait, de donner accès aux marchés du crédit à bien des gens qui n'auraient pas été admissibles selon les critères traditionnels, mais qui étaient en réalité tout à fait solvables.
Aux États-Unis, les consommateurs ont largement bénéficié de cette situation. Nous avons amené une concurrence accrue sur le marché ainsi qu'avec certains de nos concurrents, en abaissant les prix, en diversifiant et en augmentant les caractéristiques des produits disponibles sur cartes de crédit et en augmentant la disponibilité du crédit pour de nombreux foyers solvables qui ne pouvaient pas accéder aux produits auparavant.
Nous ne sommes pas le principal émetteur aux États-Unis. Nous sommes plus petits que Citibank et MBNA, mais nous avons joué un rôle de chef de file dans la modification du paysage concurrentiel du marché des cartes de crédit aux États-Unis et c'est ce que reconnaît le rapport du groupe de travail, le sujet de cette audience. Il en est fait mention à la page 75 du document d'information no 1.
Nous avons commencé à émettre des cartes de crédit au Canada à la fin de 1996, peu après que nous ayons comparu ici pour la première fois. Depuis lors, nous avons mis sur pied une entreprise de cartes de crédit importante et à croissance rapide, ce dont nous sommes très heureux. Nous nous sommes lancés récemment dans le secteur des prêts à tempérament également. Mais contrairement aux bonnes nouvelles des deux dernières années sur le plan des politiques, je dois noter que le gouvernement, bien qu'il nous ait permis d'exercer notre activité dans le domaine des cartes de crédit, a imposé un plafond de 200 millions de dollars sur le secteur des prêts à tempérament, ce qui nous limite quelque peu.
En partie, j'espère, à la suite de notre entrée et de l'entrée d'autres concurrents, le marché canadien a considérablement changé depuis 1996. À l'époque, tout comme le marché américain dont j'ai parlé, il n'y avait pas une grande variété de produits. Il y avait beaucoup de cartes de crédit à taux élevé qui n'étaient pas accompagnées de nombreux éléments et services. Les banques canadiennes imposaient normalement des taux d'intérêt approchant les 20 p. 100 et parfois plus. Il n'y avait pas beaucoup de cartes à faible taux et celles-ci n'étaient pas commercialisées de façon vigoureuse.
Mais depuis deux ans, le changement a été considérable. Les produits se sont largement diversifiés. Nous avons été les premiers à introduire une carte de crédit platine avec une ligne de crédit plus élevée et, maintenant, chaque émetteur l'offre avec ses autres produits. Bon nombre de ces émetteurs offrent non seulement des cartes à faible taux, mais ils les commercialisent de façon active. On a pu constater une prolifération de nouveaux services et options rattachés à la carte de crédit, et je pense que c'est un résultat direct de la concurrence accrue.
Nous avons vu les taux des cartes standard diminuer également. Bon nombre d'entre elles offrent maintenant des taux de lancement de 6 ou 7 p. 100 et même des taux à long terme qui sont de plusieurs points de pourcentage inférieurs à ce qu'ils étaient il y a deux ans.
Il est important de reconnaître également que ces produits ne sont pas seulement offerts par les nouveaux entrants. Ce n'est pas seulement Capital One ou MBNA en provenance des États-Unis. Il y a eu un changement considérable de l'offre parmi les intervenants existants en réponse à la concurrence. Encore une fois, c'est ce qui arrive, tout comme sur le marché américain, lorsque la concurrence commence à s'intensifier. Les produits et les services s'améliorent, les produits se diversifient davantage, les consommateurs bénéficient d'un plus grand accès, de taux plus bas et de produits plus avantageux.
Par conséquent, à bien des égards, nous appuyons les propositions de libéralisation énoncées par le groupe de travail MacKay.
Il est important pour nous d'avoir un régime libéral d'entrée des banques étrangères. Pour commencer, cela nous a permis, à nous petite compagnie -- plus petite que les grands émetteurs de notre industrie et également plus petite que les banques canadiennes -- de pénétrer le marché de façon expérimentale et d'offrir une variété de produits, d'essayer d'apprendre ce que les consommateurs recherchent et d'accroître la concurrence de cette façon. La libéralisation nous permettra de faire de même dans le secteur des cartes de crédit et, comme je l'ai dit, éventuellement dans le secteur des prêts à tempérament et autres services financiers.
J'aimerais m'attarder sur trois recommandations que nous appuyons.
Premièrement, le groupe de travail appuie la proposition du gouvernement visant à établir un régime bancaire étranger. Nous sommes tout à fait en faveur de cette recommandation. L'activité bancaire au Canada accroît considérablement notre accès à des véhicules d'entrée souples. En particulier s'ils sont accessibles aux banques commerciales et aux banques d'épargne. Il s'agit des véhicules financiers qui sont réglementés aux États-Unis de la même façon. En fait, nous possédons une banque d'épargne aux États-Unis et une succursale de cette banque serait probablement le véhicule privilégié pour faire affaires au Canada, en fonction évidemment des détails du régime d'ouverture des succursales. Nous avons présenté nos commentaires à ce sujet au ministère des Finances l'an dernier et nous pouvons vous fournir une copie de ce rapport.
Deuxièmement, nous appuyons la forte recommandation du groupe de travail visant à ne pas imposer une réglementation prudentielle là où elle n'est pas nécessaire, autrement dit aux entreprises non financières -- par exemple, les préoccupations au sujet des règles du jeu équitables ou d'autres raisons qui sont parfois citées. Les règlements inutiles gênent les entreprises et privent le consommateur d'une concurrence totale. J'ai déjà parlé de certains de ces avantages.
Plus particulièrement, le groupe de travail estime qu'une lourde réglementation prudentielle n'est pas vraiment nécessaire pour une entité qui n'accepte pas des dépôts de détail, et nous n'acceptons pas de dépôts de détail au Canada.
La recommandation du ministère des Finances voulant qu'une banque étrangère ne soit pas autorisée à établir une présence à la fois réglementée et non réglementée au Canada illustre la façon dont ce précepte pourrait s'appliquer. Cette interdiction, par exemple, nous empêche d'entrer au Royaume-Uni, et nous ne pensons pas que cela soit justifié par des préoccupations prudentielles.
Finalement, nous appuyons la recommandation du groupe de travail visant à éliminer les retenues d'impôt sur les emprunts transfrontaliers. Encore une fois, nous n'acceptons pas de dépôts de détail au Canada. Nous craignons que cette réforme limite considérablement notre accès au financement pour les activités que nous exerçons au Canada, qu'elle augmente probablement considérablement notre coût de financement et ce, pour bon nombre de nos activités.
En bref, nous nous réjouissons vivement des changements apportés au contexte réglementaire. Nous sommes heureux des recommandations du groupe de travail et nous espérons que le comité encouragera fortement le gouvernement a aller de l'avant dans la mise en oeuvre de bon nombre de ces recommandations.
Nous vous remercions beaucoup de l'occasion de parler de cette question avec vous aujourd'hui.
Le sénateur Callbeck: Au sujet des cartes de crédit, il est certain que vous réussissez très bien au Canada. Quelle part de marché détenez-vous?
M. Cooper: Pour le moment, c'est une petite part. Elle est inférieure à 2 p. 100, mais il y a beaucoup de possibilités. Nous n'en sommes qu'au début, mais nous sommes très heureux des résultats jusqu'à présent. Nous nous félicitons de la réaction des consommateurs canadiens à certains de nos produits, mais à bien des égards, nous pensons que ce n'est qu'un début.
Le sénateur Callbeck: Quels produits avez-vous offerts qui ont été bien reçus?
M. Cooper: Nous offrons une grande variété, c'est notre marque de commerce. Nous constatons que la carte platine intéresse les consommateurs. Cela s'accompagne de plus grands avantages, d'une meilleure assurance-accident pour les voyages et ce genre de choses. La ligne de crédit est également plus élevée, ce qui permet de faire des achats qui ne seraient pas possible autrement. Nous avons constaté également que des cartes qui ciblent les passions et les modes de vie des gens leur permettent de réfléchir à ce qui est important pour eux. Par exemple, les produits qui ont des photos des parcs nationaux canadiens et qui sont consacrés à la division des services des parcs, sont populaires et, fondamentalement, c'est ce qui différencie notre compagnie.
Nous voulons offrir une série de produits qui offre aux gens ce dont ils ont besoin dans un produit financier, mais leur permette également de contribuer à des causes qui leur importent, à afficher des passions qui les intéressent et ainsi de suite. Nous avons donc constaté que les gens sont attirés par la grande variété.
Le sénateur Callbeck: Lorsque vous demandez des intérêts à la fin du mois, est-ce sur le solde en souffrance?
M. Cooper: C'est sur le solde moyen au cours du mois et cela ne s'applique qu'au mois précédent qui n'a pas été payé au total. Autrement dit, si un client paie sa facture au complet chaque mois, nous accordons une période de grâce de sorte que tant qu'il continue à payer au complet, nous ne demandons pas d'intérêts.
Le sénateur Callbeck: Si vous devez 2 000 $ et que vous payez la somme au complet sauf 5 $, le mois suivant, va-t-on vous demander des intérêts sur ces 5 $ qui sont impayés ou est-ce, comme vous dites, sur la moyenne?
M. Cooper: Si vous n'avez pas payé au complet le mois précédent, on vous demanderait les intérêts sur la moyenne de ce mois-là. On vous demanderait des intérêts pour le temps moyen pendant lequel vous avez détenu chaque élément du solde.
Mais, en général, nous constatons que les consommateurs soit paient la totalité et utilisent habituellement la carte comme un instrument de transaction plutôt que comme un instrument de dette renouvelable, soit paient seulement un petit montant -- les minimums sont normalement de 2 à 3 p. 100 du solde -- et l'utilisent comme une ligne de crédit. Mais peu de gens l'utilisent de cette façon.
Le sénateur Callbeck: Lorsque vous avez expliqué votre succès, vous avez dit que certains consommateurs ne seraient pas admissibles selon les normes de prêts traditionnelles. Pourriez-vous donner des exemples?
M. Cooper: Oui, mais je peux vous donner des exemples plutôt américains puisque nous commençons tout juste à nous renseigner là-dessus au Canada. Traditionnellement, aux États-Unis, les gens dont l'adresse était une boîte postale ou ceux qui avaient une adresse militaire auraient été refusés. C'est que les émetteurs utilisaient des critères de jugement simples. Par exemple, si vous preniez la population utilisant des boîtes postales en général, vous constatiez que le risque de crédit était trop élevé pour leur offrir une carte de crédit. Mais si vous intégrez d'autres renseignements, vous découvrez qu'il y a de nombreux consommateurs utilisant des boîtes postales pour qui les autres renseignements vous disent qu'ils sont solvables. Pour nous, cela signifie que nous n'acceptons pas des clients à risque, mais seulement que nous faisons une évaluation plus approfondie du risque et que nous essayons d'éviter de nous fonder sur une seule variable pour refuser le crédit.
Laissez-moi vous donner un autre exemple. Traditionnellement, il est difficile d'obtenir du crédit pour la première fois parce que l'émetteur veut avoir de bons antécédents de crédit afin de vous en accorder un autre. C'est très bien lorsque vous avez commencé, mais normalement aux États-Unis, et je pense que c'est la même chose au Canada dans une certaine mesure, si vous n'établissez pas votre crédit rapidement, par exemple au moment où vous êtes étudiant ou peu après, il est très difficile d'entrer dans le système. Mais nous avons découvert que selon le revenu gagné ou l'emploi détenu au moment de la demande, il est possible de découvrir les gens qui sont solvables.
Le sénateur Callbeck: Vous faites donc une meilleure analyse. Vous n'êtes pas au Canada? Vous n'avez aucune présence ici?
M. Cooper: Une petite présence pour le moment. Nous avons un bureau à Toronto et nous avons engagé un certain nombre de Canadiens qui partagent leur temps entre Washington et Toronto. Mais nous n'avons pas une présence opérationnelle. Il y a à cela deux raisons. La plus importante est que nous continuons d'apprendre et que nous nous concentrons sur l'aspect marketing et que nous ne sommes pas prêts encore à nous engager dans les dépenses de l'apprentissage.
Je peux vous donner un exemple au Royaume-Uni où nous sommes installés depuis trois ans environ. Pendant les deux premières années, nous avons sous-traité toutes ces fonctions et, récemment, nous avons acheté un immeuble et commencé à engager des gens. Nous estimons qu'une fois que nous comprenons bien le système, une fois que nous en savons suffisamment sur le marché, nous pouvons commencer à être opérationnels et à nous concentrer sur la partie concrète des activités. Mais cela peut nous distraire de ce que nous essayons d'apprendre à court terme.
Le sénateur Austin: J'aimerais que vous nous précisiez comment vous obtenez votre capital. Est-ce un capital de déposants, comme aux États-Unis, ou un capital de gros? Quelle est votre base financière?
M. Christopher Curtis, codirecteur du contentieux, Capital One Financial Corporation: Nous avons plusieurs sources de financement aux États-Unis. La principale source, c'est-à-dire environ 70 p. 100 de nos activités, est la titralisation de nos comptes en souffrance sur les cartes de crédit. Pour le reste, il y a un mélange de sources de financement en gros. Il y a les billets de banque, qui sont des valeurs à moyen terme. Il y a les dépôts en gros, les certificats de dépôt. C'est un autre programme que nous avons. Il y a la ligne de crédit de 1,7 milliard de dollars que nous avons avec un certain nombre de banques et avec notre institution d'épargne, que M. Cooper a mentionnée, nous avons des activités de détail en expansion, un secteur que nous avons lancé il y a un an ou deux.
Le sénateur Austin: Tout cela est-il réglementé aux États-Unis? Quel est votre organisme de réglementation?
M. Curtis: Presque toutes nos activités sont réglementées directement et tout ce que nous faisons est au moins indirectement réglementé par les organismes de réglementation des institutions financières. Le gros des actifs sont dans Capital One Bank, une banque réglementée.
Le sénateur Austin: S'agit-il du bureau du contrôleur des devises?
M. Curtis: Il y a en fait trois organismes de réglementation, sans compter le bureau du contrôleur des devises, car ce n'est pas une banque nationale. Aux États-Unis, c'est ce qu'on appelle une banque d'État membre. Ces organismes de réglementation sont le Virginia Banking Commissioner, la Federal Reserve Board et la Federal Deposit Insurance Corporation.
Nous avons un établissement d'épargne, c'est-à-dire une banque d'épargne réglementée par le Office of Thrift Supervision et par le Federal Deposit Insurance Corporation. Pris ensemble, c'est là où se trouve le gros de la compagnie. Nous avons également des activités non bancaires dans les secteurs du téléphone cellulaire et un peu du téléphone interurbain. Ce n'est pas une entreprise financière réglementée, mais comme c'est une activité de notre banque et de notre institution d'épargne, tous les organismes de réglementation bancaire que j'ai mentionnés ont un pouvoir d'examen et de contrôle au cas où ils estiment que quelque chose représente un risque pour les institutions réglementées.
Le sénateur Kenny: Vous avez dit que lorsque vous êtes entrés au Canada, les taux du marché des cartes de crédit canadien étaient de l'ordre de 19 à 20 p. 100. Lorsque j'ai fait une enquête auprès des émetteurs de cartes de crédit au Canada, on m'a dit que le taux était élevé parce qu'il y avait des pertes très importantes. Êtes-vous en train de nettoyer le marché ou avez-vous trouvé un meilleur moyen de déterminer les risques de crédit? Comment réussissez-vous à ne pas demander les 19 à 20 p. 100 que bien d'autres jugent approprié?
M. Cooper: Il y a plusieurs éléments de réponse. Premièrement, ces taux ont diminué parmi les grands émetteurs. Même si je ne pense pas que les taux de perte aient diminué, on pourrait avancer que les taux se justifient. Il semble certainement y avoir une marge de profit possible. Par exemple, si l'on regarde les chiffres de Visa et de MasterCard au Canada, on constate un taux de perte d'environ 2 p. 100. Cela laisse encore beaucoup de marge pour un établissement qui demande 19 p. 100. Il est encore possible de faire baisser les taux même sans amélioration du côté du risque.
Je crois que le consommateur n'obtenait pas le taux le plus bas possible parce qu'il n'y avait pas assez de concurrence. Je pense que c'était la même chose au Royaume-Uni jusqu'à il y a deux ans et c'était le cas aussi aux États-Unis dans les années 80.
Ceci dit, nous insistons aussi beaucoup sur l'aspect du risque, comme je l'ai mentionné Nous avons besoin de renseignements supplémentaires pour prendre des décisions en matière de crédit afin de ne pas juger avec une seule variable. Nous faisons notre possible pour que l'évaluation de crédit soit la meilleure possible, en utilisant tous les renseignements dont nous disposons.
Nous croyons que notre compagnie est devenue une experte dans l'utilisation de cette information de sorte que, lorsque le client fait une demande, nous pouvons prendre tous les renseignements qu'il nous fournit. Il arrive que sur une demande, nous demandions certaines choses que d'autres ne demandent pas. À ce moment là, nous pouvons également utiliser l'information de l'agence d'évaluation de crédit et prendre une décision plus intégrée, plus réfléchie.
Nous trouvons également qu'en offrant de meilleurs produits, nous sommes plus à même d'attirer les meilleurs clients. Il est une tendance bien connue, que l'on voit certainement dans tous les marchés de prêt, qui veut qu'à mesure que le marché évolue et que la concurrence s'intensifie, si l'on continue d'offrir les mêmes produits pas très intéressants, on tend à attirer les clients pas très solvables du marché, car les autres ont déjà ce dont ils ont besoin ou ne sont pas intéressés par ces produits. Par conséquent, nous constatons que nous pouvons trouver un meilleur segment de clients en utilisant une meilleure information à l'étape décisionnelle afin de choisir les meilleurs clients parmi ceux qui font une demande et en offrant des produits intéressants qui les attirent réellement.
Le sénateur Kenny: D'autres émetteurs de cartes de crédit m'ont semblé impliqué qu'ils offraient les cartes de crédit comme un service à un large éventail de gens et que leur taux doit donc être plus élevé.
Et offrez-vous de meilleurs tarifs du fait que vous avez décidé de ne pas offrir votre produit à une plus grande diversité de gens et du fait que, de façon tout à fait légitime, vous avez décidé de ne pas rechercher un certain segment du marché?
M. Cooper: Non, ce n'est pas la principale raison. Il est certain que nous refuserions à certaines personnes un crédit que d'autres accorderaient. Nous pensons que nous apportons une certaine connaissance supplémentaire. Nous croyons que nous offrons du crédit à un éventail plus large de gens. C'est une des choses dont nous sommes fiers au Royaume-Uni et aux États-Unis et je pense que nous en serons fiers ici aussi. Nous pouvons trouver les bonnes personnes à qui l'on refuse normalement un crédit.
Selon moi, les taux sont plus élevés non pas parce que le crédit est offert à une plus grande diversité de gens, mais en grande partie du moins, du fait que le marché n'est pas compétitif. Vous remarquerez que ces gens baissent leurs taux sans pour autant resserrer tellement les critères de crédit. Vous remarquerez que nous pouvons offrir des taux plus bas tout en trouvant un plus large éventail de clients. Cela s'explique en partie du fait que nous apportons une plus grande connaissance et plus d'information et en partie parce que nous croyons que nous refusons des marges peut-être déraisonnables dans ce secteur.
Le sénateur Kenny: Lorsqu'on fait une demande de carte de crédit, on remplit un formulaire. Dans le texte en petits caractères, on dit que le demandeur autorise l'émetteur à rechercher une information presque illimitée sur lui. On y lit également que l'émetteur peut faire part de cette information presque sans restriction. Ma question est la suivante: comment utilisez-vous cette information? Vous arrive-t-il de la vendre? Vous en servez-vous pour commercialiser d'autres produits? Dites-nous ce que vous faites de l'information qui vous est donnée pratiquement chaque fois que quelqu'un signe une demande d'une de vos cartes de crédit.
M. Cooper: C'est une question importante. Notre compagnie s'efforce d'assurer un équilibre entre les besoins de confidentialité et notre souhait de pouvoir offrir de meilleurs produits et services en connaissant nos clients. C'est une tension constante.
Premièrement, nous ne vendons jamais l'information. Cela ne nous intéresse pas. Nous offrons les produits et les services d'autres compagnies à nos clients; nous sommes des intermédiaires. Nous n'allons jamais vendre l'information sur Chris Curtis à quelqu'un d'autre pour en faire ce qu'il veut.
Le sénateur Kenny: Si vous voyez le profil d'un client donné et vous dites par exemple à L.L. Bean, «Nous pensons avoir un profil qui correspond à votre type de clientèle, nous allons donc vendre certains de vos produits avec les nôtres. Nous enverrons un petit dépliant tous les mois avec le relevé» Est-ce là ce que vous voulez dire?
M. Cooper: Il peut nous arriver de faire ce genre de chose. Nous réunissions cette information, encore une fois, non seulement pour choisir de bons clients, mais pour leur offrir finalement des produits et des services qu'ils ne peuvent pas obtenir ou ne peuvent obtenir qu'à un prix plus élevé ailleurs.
Par exemple, en disposant d'une large clientèle et d'un fort pouvoir d'achat, nous entreprendrons de fournir à nos clients des produits de L.L. Bean, par exemple, à un meilleur prix. Mais nous ne le ferions pas sans l'autorisation du client. Vous avez parlé des petits caractères. Nous nous efforçons de faire en sorte qu'il n'y en ait pas ou que cela ne soit pas ressenti ainsi car nous ne voulons pas prendre nos clients par surprise. Nous voulons leur donner le choix. Nous voulons pouvoir leur dire: «Nous allons vous expliquer pourquoi nous demandons des renseignements. Nous les demandons pour pouvoir vous offrir des biens et des services. Si vous n'êtes pas d'accord, nous ne le ferons pas».
Nous envoyons des lettres chaque année pour demander à nos clients s'ils veulent ou non faire l'objet d'un marketing croisé. Notre objectif est de mieux les servir, mais sans empiéter sur leur vie privée.
Le sénateur Kenny: Les clients doivent-ils vous écrire pour vous dire qu'ils ne sont pas d'accord ou le marketing croisé est-il supprimé automatiquement?
M. Cooper: Aux États-Unis, nous déterminons dès la demande initiale si un client est d'accord ou non. Nous leur donnons ensuite l'occasion plusieurs fois par an de nous dire ce qu'il en est. Nous faisons également du télémarketing externe sur ce même sujet. Mais vous devez bien comprendre que cette question est à l'étude au Canada et que nous ne pratiquons pas le marketing croisé ici. Nous ne comprenons pas encore complètement toutes les questions liées au consommateur canadien.
Le sénateur Kenny: Ceci est une question ouverte. À quoi sert encore l'information que vous recevez quand quelqu'un fait une demande de carte de crédit?
M. Cooper: Nous l'utilisons tout d'abord pour prendre une décision sur le crédit; allons-nous approuver ce client ou non? Nous l'utilisons à nouveau pour déterminer la ligne de crédit, le cas échéant, que nous sommes prêts à accorder à cette personne. Nous l'utilisons pour évaluer le risque du crédit.
Comme je l'ai dit, une partie de cette information peut servir pour le marketing croisé. Nous disposons à ce moment-là de renseignements détaillés et personnels. Par exemple, nous savons si la personne paye ses factures. Nous nous servons de ce genre d'information sur les antécédents pour prendre continuellement des décisions sur le crédit. Allons-nous percevoir l'argent de façon agressive ou non? Allons-nous élargir la ligne de crédit du client? Normalement, l'intérêt des renseignements contenus sur la demande diminue à mesure que nous recevons des renseignements plus précis sur le client.
Le sénateur Kenny: Que penseriez-vous d'une loi ou d'un règlement qui exige que vous informiez vos clients chaque fois que vous fournissez aux compagnies de crédit des renseignements qui les concernent?
M. Cooper: Excusez-moi, mais quand vous parlez de compagnie de crédit, voulez-vous dire les agences d'évaluation de crédit?
Le sénateur Kenny: Oui.
M. Cooper: Je pense que ce serait difficile de leur dire à chaque fois. Nous ne voulons pas le cacher, mais, par exemple, nous disons chaque mois aux agences d'évaluation de crédit si les clients paient leurs factures à temps et quel est leur solde impayé. Je pense que ce sont des choses importantes à savoir pour que d'autres prêteurs ou nous-mêmes prenions des décisions de prêt judicieuses. Cette information permet à ceux qui sont solvables d'obtenir un crédit et de refuser l'accès au crédit à ceux qui ne le sont pas. Je pense qu'il est très important que les clients le sachent.
En fait, je pense qu'il est essentiel qu'ils le sachent. Je pense qu'il est bon que les gens comprennent qu'ils doivent se montrer responsable en matière de crédit. Mais il ne serait pas nécessairement vital d'informer le client tous les mois de ce que nous disons à une agence d'évaluation de crédit.
Il est absolument crucial qu'ils comprennent ce que sont les agences d'évaluation de crédit et quel genre d'information elles détiennent. Ont-ils compris qu'ils doivent avoir accès à cette information? Nous prenons nos obligations très au sérieux afin que cette information soit exacte et nous faisons des efforts considérables en ce sens. Nous sommes en faveur de tout cela, mais je pense que nous n'irions pas jusqu'à informer le client de sa situation de crédit chaque mois. Par contre, on peut lui dire que l'on vient d'envoyer des renseignements sur sa situation courante.
Le sénateur Kenny: Serait-ce dénaturer votre pensée, monsieur, que de dire que vous semblez en faveur de lui faire parvenir l'information la première fois. Et s'il y avait un changement de sa position ou dans la façon dont vous rendez compte de sa situation, vous lui enverriez à nouveau et peut-être même une fois par an par la suite.
M. Cooper: J'aurais plutôt tendance à lui faire savoir périodiquement le genre d'information que nous donnons plutôt que de dire «Mon client est maintenant en défaut. Je vais lui dire que j'ai dit à l'agence d'évaluation de crédit qu'il est en défaut.» J'aimerais que le client assume la responsibilité de comprendre ce qu'est une agence de crédit et de savoir quelles sont ses responsabilités à l'égard du crédit.
Je ne pense pas que ce soit trop difficile. Ma réaction n'est pas très négative. Je suis habitué à ce processus car mon objectif est de faire en sorte que le client comprenne bien la nécessité d'être responsable en matière de crédit, qu'il comprenne ce que sont les agences de crédit et l'information qu'elles détiennent. Je suis en faveur de faire ce qu'il faut pour cela, mais sans que cela entraîne des dépenses excessives ou que la démarche soit trop pesante. Il y a toute sorte de moyens de le faire.
M. Curtis: Il ne serait pas difficile de divulguer régulièrement l'information dont vous parlez si elle était envoyée tous les mois, mais cela deviendrait la norme et les consommateurs ne s'y intéresseraient pas de toute façon.
Aux États-Unis, il n'existe pas de mandat de ce genre. Le secteur des cartes de crédit y est suffisamment évolué pour que chacun sache que les transactions sont confiées à l'agence de crédit. La question n'est donc pas de savoir s'ils sont suffisamment informés. Aux États-Unis, la question tourne autour plutôt de l'accès des consommateurs à l'information confiée à l'agence de crédit afin qu'ils puissent vérifier si elle est exacte et corriger les erreurs.
Une loi a été adoptée à ce sujet. Il y a deux ans, des modifications importantes ont été apportées. C'est ce que je recommanderais comme modèle, sauf pour le fait que la loi est devenue si compliquée qu'elle est difficile à comprendre.
Le sénateur Kenny: A-t-on la même chose au Canada?
M. Curtis: Il n'y a pas de loi comparable au Canada. Il y a des exigences provinciales, différentes d'une province à l'autre, mais pas au même niveau de détail qu'aux États-Unis.
M. Cooper: Même si aux États-Unis la loi insiste fortement pour que le consommateur ait accès à l'information, les comptes rendus des agences de crédit sont difficiles à lire. Si je devais vous montrer une vérification d'une agence de crédit américaine et canadienne sur vous-même ou quelqu'un d'autre, vous auriez beaucoup de mal à l'interpréter.
Bon nombre d'émetteurs aux États-Unis ont décidé de vendre, souvent moyennant des frais considérables, une version traduite en anglais ordinaire de la vérification de l'agence de crédit. Nous ne pensons pas que cela soit approprié. Nous voulons que les consommateurs sachent que l'on transmet des renseignements sur eux. Nous sommes parmi les quelques émetteurs qui offrent aux consommateurs la possibilité, sans frais, de s'assurer que cette information est exacte. Nous leur rappelons fréquemment qu'ils disposent de cette option. Nous ne pensons pas qu'il soit logique de leur dire qu'ils ont accès à l'information et de leur envoyer un texte qu'ils ne peuvent pas lire.
Le sénateur Kolber: Quel genre de présence avez-vous au Canada?
M. Cooper: Notre présence n'est pas très importante pour le moment.
Le sénateur Kolber: Combien d'argent avez-vous investi au Canada ou dans l'économie canadienne?
M. Cooper: Tous les fournisseurs que nous utilisons pour l'impression et ainsi de suite sont Canadiens. Cela est important pour nous. J'aurais aimé avoir des chiffres. C'est certainement dans les millions de dollars.
Le sénateur Kolber: Combien de gens employez-vous au Canada?
M. Cooper: Actuellement, nous n'avons qu'une seule personne et une autre bientôt.
Le sénateur Kolber: Pensez-vous que les Canadiens devraient s'inquiéter, car en raison de l'énorme capacité qu'ont des compagnies comme les vôtres aux États-Unis, je suppose que l'ajout du Canada à votre liste n'est qu'un simple ajout à votre gros ordinateur? Certains de nos témoins croient que le secteur des cartes de crédit au Canada est menacé d'anéantissement. Cela devrait-il nous préoccuper?
M. Cooper: Non. Premièrement, quand nous sommes entrés dans d'autres pays et que nous avons provoqué une plus grande concurrence, par exemple au Royaume-Uni, le taux de croissance des émetteurs a en fait augmenté plus rapidement car ils ont été obligés d'offrir des produits plus attirants.
Le sénateur Kolber: Comment peuvent-ils accélérer leur taux de croissance lorsque des gens comme vous arrivent et accaparent des montants énormes d'activité? D'où vient la croissance? Est-ce que les gens empruntent davantage?
M. Cooper: Cela vient principalement de l'accès donné aux gens lorsque cet accès n'était pas possible avant. Cela vient de l'offre de produits qui sont suffisamment attirants pour que les gens les achètent alors qu'ils n'étaient pas prêts à signer pour les produits moins intéressants qui existaient avant.
Le sénateur Kolber: Est-ce que vous nous dites que les émetteurs de cartes de crédit canadiens étaient en train de dormir?
M. Cooper: Ils n'étaient pas aussi concurrentiels qu'ils auraient pu l'être. Dans plusieurs marchés, l'expérience montre que c'est le cas. Les produits ne sont pas diversifiés et la concurrence n'augmente pas jusqu'à ce qu'un choc se produise.
Le sénateur Kolber: Estimez-vous avoir ajouté quelque chose au Canada?
M. Cooper: En effet. Nous avons ajouté plusieurs choses. Nous avons accru la compétitivité du marché. Les répercussions sont évidentes dans la prolifération des produits.
Le sénateur Kolber: Vous ne pensez pas que le secteur des cartes de crédit canadien est en difficulté?
M. Cooper: Je ne peux pas dire qu'ils n'ont pas de difficulté. Il n'y a pas de problème qui ne puisse être complètement réglé en recherchant des clients, en offrant des produits que les gens veulent acheter à un prix qu'ils sont prêts à payer.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vendez-vous des biens par marketing direct à l'aide de votre facture de carte de crédit chaque mois?
M. Cooper: En effet. Et j'aimerais parler de cela une minute car pour le moment, nous avons un seul employé au Canada, ce qui peut laisser penser que nous n'avons pas l'intention d'engager des employés au Canada, mais ce n'est pas le cas du tout.
Nous sommes essentiellement une compagnie de marketing de cartes de crédit. Lorsque nous examinons un marché et pensons qu'il peut être intéressant pour nous, la première chose à faire est de vérifier si c'est le cas. Nous passons beaucoup de temps à examiner l'aspect marketing, à essayer de trouver quels produits les gens veulent acheter et par quel moyen. Est-ce par publipostage, par la publicité télévisée ou dans la presse?
À court terme, il faut du temps et de l'argent pour établir la capacité d'exploitation. La situation est différente dans chaque pays. Cela prend beaucoup de temps, d'efforts et de dévouement. Cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas établir cette capacité. Cela veut dire qu'à court terme, nous essayons de nous assurer qu'il y a de la place pour nous.
Lorsque nous avons commencé à regarder au Canada, tous les émetteurs se sont empressés de nous dire que nos idées, notre approche et notre façon de faire ne fonctionneraient pas. Nous pensions qu'ils avaient tort, mais il n'y a qu'une façon de le savoir, c'est d'essayer. Pendant cette période d'essai, il est dangereux d'établir une capacité opérationnelle et d'engager des centaines de gens dont l'emploi dépend de notre conviction que notre façon de faire est la bonne.
Nous avons examiné notre expérience au Royaume-Uni où nous avons consacré les deux premières années non pas à établir notre capacité opérationnelle mais à la sous-traiter. Nous ne voulions pas faire d'erreur et nous retrouver avec un immeuble plein d'employés appartenant à Capital One et pas d'activité, et aucun moyen de les garder, aucun moyen de maintenir des activités dynamiques pour nous-mêmes.
Au Canada, nous n'avons pas établi de ressources supplémentaires car nous pouvions utiliser nos opérations américaines pendant cette période d'apprentissage. Mais ce n'est pas la même chose que de dire que nous avons l'intention à long terme d'exercer nos activités aux États-Unis. Cela n'a pas de sens. Nous ne pouvons pas par exemple accéder au Québec. Il n'y a pas beaucoup de francophones à Richmond en Virginie. Finalement, si nous cherchons à faire des affaires ici, si le régime de réglementation rend la chose facile et possible, il est inévitable que nous aurons une importante présence opérationnelle au Canada.
Le sénateur Hervieux-Payette: Lorsque vous envoyez votre facture chaque mois, insérez-vous un dépliant m'offrant une caméra, un aspirateur, des nylons, des piles en acier et ainsi de suite?
M. Cooper: Nous ne le faisons pas actuellement. Nous ne faisons pas d'interdistribution avec nos clients canadiens. Mais cela nous intéresse. Nous ne vendons pas de batteries ni de nylons. De nombreux émetteurs aux États-Unis vendent de l'espace dans leur relevé de carte de crédit à tout fournisseur qui leur donnera un cent par élément pour avoir cet espace. Ce n'est pas ce que nous faisons.
Ce que nous voulons, c'est desservir nos clients afin d'offrir des produits intéressants et uniques auxquels les consommateurs n'auraient pas accès autrement ou qui ne leur sont pas accessibles au même prix parce qu'ils n'ont pas le pouvoir d'achat en gros que nous avons. Premièrement, nous ne vendons pas d'espace et, par conséquent, nous ne laissons pas les gens dire ce qu'ils veulent dans ce format. Nous essayons d'offrir des produits qui correspondent aux besoins du consommateur.
Le sénateur Callbeck: Vous dites que vous détenez 2 p. 100 du marché canadien. Comment attirez-vous vos clients? Vous avez parlé des journaux, de la télévision, du téléphone.
M. Cooper: Pour le moment, nous ne faisons pas de télémarketing. Nous le ferons sans doute à un moment donné. Actuellement, nous obtenons nos clients par publipostage, par les médias, les journaux surtout, les inserts dans les magazines et ainsi de suite.
Le sénateur Kirby: Vous avez insisté sur le fait que vous avez apporté au pays un grand nombre de nouveaux produits. Vous avez insisté sur le fait que votre carte de crédit a un taux d'intérêt plus bas sur les soldes impayés que les autres. Pouvez-vous me donner des exemples de ce que constitue un nouveau produit de carte de crédit? Pour moi, une carte de crédit est une carte de crédit.
M. Cooper: Je peux vous donner des exemples au Canada et aux États-Unis. J'ai parlé des cartes or et des cartes platine. Elles ont la même fonction. Vous achetez des choses. Vous payez immédiatement ou vous empruntez. Mais en réalité, elles ont la même fonction de base. Elles font toutes la même chose.
Mais au-delà de cette fonction de base, un certain nombre de choses commencent à intéresser des gens différents. Le prestige de la carte platine peut attirer une personne. Ce n'est pas seulement le prestige. Cela s'accompagne d'avantages souvent intéressants qui vont d'un meilleur service au consommateur à des remises sur des achats de voyage et autres.
Les cartes qui offrent du kilométrage sont nombreuses au Canada. L'accumulation de points de voyage peut intéresser certaines personnes. Nous n'avons pas introduit ce produit sur le marché.
Le sénateur Kirby: Les cartes d'affinité peuvent être également intéressantes.
M. Cooper: Là encore, il y a des cartes des parcs canadiens, des cartes du patrimoine ethnique. Si vous vous intéressez à votre patrimoine ethnique, non seulement vous l'annoncez sur un auto-collant ou un t-shirt, mais vous donnez peut-être aussi à des organismes de charité ou des groupes ethniques.
D'autres produits et services sont rattachés à la carte de crédit. La carte de crédit est le véhicule qui porte ces choses, dans bien des cas.
Le sénateur Kirby: À la page 3 de votre mémoire, vous parlez de votre intérêt pour l'ouverture de succursales bancaires étrangères, en avançant que cela vous donnerait plus de souplesse. Parlez-vous de succursales de détail étrangères ou de succursales en gros?
M. Curtis: Nous ne parlons pas de succursales de détail au sens où les banques canadiennes ont des succursales dans tout le pays. Nous parlons d'une succursale comme véhicule juridique, un moyen de s'établir au Canada.
Le sénateur Kirby: C'est ce que nous appelons une succursale en gros. Expliquez-moi, compte tenu de la nature de vos activités, pourquoi vous voulez avoir une succursale? Vous dites que cela vous donne plus de souplesse, quel genre de souplesse?
M. Curtis: Il y a deux aspects importants qui pourraient être intéressants pour nous. Le premier est qu'une succursale nous donnerait la capacité d'accepter des dépôts en gros et d'augmenter notre base de financement, nos options de financement. Le deuxième est que cela nous permettrait d'être un membre en principe des associations Visa ou MasterCard au Canada et de ne pas dépendre d'une institution locale pour la commandite comme c'est le cas actuellement.
Le sénateur Kirby: Cela vous intégrerait, si l'on veut. Êtes-vous membre de Visa ou MasterCard aux États-Unis?
M. Curtis: Nous sommes membres des deux aux États-Unis.
Le sénateur Kirby: Votre adhésion américaine ne vous donne pas droit aux mêmes privilèges dans d'autres pays? Vous devez adhérer dans chaque pays?
M. Curtis: Nous devons adhérer pays par pays ou région par région, selon les statuts de l'association. Le Canada a sa propre série de statuts et de critères d'adhésion.
Le sénateur Kirby: La proposition de succursale étrangère que le comité a recommandée il y a deux ans et qui va faire l'objet d'une loi va-t-elle résoudre le problème?
M. Curtis: Oui.
Le sénateur Kirby: Pouvons-nous conclure que si la loi est adoptée, vous ouvririez une succursale?
M. Curtis: Nous l'envisagerions sérieusement. J'hésite à dire oui absolument car les propositions que nous avons vues jusqu'à présent ne vont pas très loin et qu'il reste beaucoup de détails à ajouter sur la taxation et les investissements admissibles, ce genre de chose.
Le sénateur Kirby: Vous parlez d'avoir présenté vos commentaires au ministère des Finances. Nous aimerions beaucoup les voir si vous les avez avec vous.
M. Curtis: J'en ai quelques exemplaires. Dans ces commentaires qui sont un peu moins importants pour nous qu'à l'époque, un des aspects de la proposition sur l'ouverture de succursales était une assiette consolidée minimum des immobilisations de 25 millions de dollars canadiens. Le groupe de travail MacKay recommande que cela ne soit pas pris comme règle, ce qui nous semble raisonnable; mais cela n'est plus aussi important pour nous car nous avons maintenant atteint ce niveau.
Le sénateur Kirby: Dans un autre paragraphe de cette page, vous parlez du fait que vous n'aimez pas la proposition actuelle du ministère des Finances, c'est-à-dire qu'une banque étrangère doit choisir entre une présence réglementée ou non réglementée au Canada. Si vous ouvrez une succursale en gros, vous êtes déréglementé. Pourquoi voudriez-vous faire les deux? Compte tenu de la nature de vos activités, pourquoi est-ce une contrainte?
M. Curtis: Simplement pour préciser ma compréhension de la proposition du ministère des Finances, il me semble qu'il considère la succursale en gros, c'est-à-dire une succursale au Canada de Capital One Bank ou Capital One FSB, notre institution d'épargne, comme un établissement réglementé. C'est ce que j'ai compris de la proposition. Si ce n'est pas le cas, cela simplifie considérablement notre situation.
Le sénateur Kirby: Je pense que vous avez raison. À supposer qu'il s'agit d'un établissement réglementé, pourquoi cela est-il un problème? Vous êtes toujours une succursale en gros, vous êtes donc débarrassé de toutes sortes d'autres règlements.
M. Curtis: Notre problème réside dans la nature de notre exploitation et de notre statut juridique aux États-Unis. Dans ce pays, notre banque est ce qui est connu dans le droit américain comme une banque de carte de crédit à objet limité, ce qui signifie que les cartes de crédit sont sa seule activité. Cela nous mène à une structure au Royaume-Uni, par exemple, où Capital One Bank a une succursale qui émet des cartes de crédit, mais qui ne peut pas faire d'autres types de prêt, comme des prêts à tempérament, ce que nous faisons également au Royaume-Uni. Nous devons utiliser une entité différente pour ce faire. Nous utilisons une filiale non bancaire et c'est ce que nous aimerions faire également au Canada.
En fait, ce n'est pas la structure idéale pour nous. La structure idéale serait d'ouvrir au Canada une succursale de nos autres institutions financières aux États-Unis, Capital One FSB, la banque d'épargne. Capital One FSB peut émettre des cartes de crédit et accorder des prêts à tempérament et une succursale de cet établissement au Canada résoudrait ce problème.
Cela nous amène à ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'avant l'adoption du régime de l'ouverture des succursales et avant de pouvoir étudier tous les détails et les ramifications, il est difficile de savoir comment nous serions intégrés.
Le sénateur Kirby: En supposant une succursale en gros, vous ne souhaitez pas entrer dans le secteur des dépôts de détail. Vous êtes tout à fait prêts à reste au niveau de gros n'est-ce- pas?
M. Curtis: Ce n'est pas ce qui nous intéresse vraiment au Canada. Nous étudions sérieusement cette possibilité aux États-Unis. Nous n'avons pas poursuivi cet aspect au Canada car jusqu'à présent, toutes les propositions d'ouverture de succursales ont bien montré qu'il ne serait pas possible de recevoir des dépôts de détail.
Le sénateur Kirby: Vous n'êtes pas intéressés par un «sub», qui vous permettrait de recevoir des dépôts de détail.
M. Curtis: Notre intérêt dans ce domaine n'est pas suffisant pour justifier une annexe.
Le sénateur Kirby: Lorsque vous obtiendrez les détails sur l'ouverture des succursales, veuillez nous en avertir. Je comprends les raisons de votre discours. Vous pourriez nous laisser savoir si vous avez encore des problèmes à ce sujet car cela dépendra des détails exacts.
M. Curtis: Ce sera avec plaisir.
Le sénateur Kenny: Je n'ai pas compris la différence entre banques commerciales et banques d'épargne. Dans le contexte des succursales de détail, je supposais, lorsque vous avez parlé de «banque d'épargne», que vous parliez d'une succursale de détail. En écoutant la conversation, il m'a semblé que ce n'était peut-être pas le cas. Quelle est la différence entre une banque commerciale et une banque d'épargne aux fins de cette lettre?
M. Curtis: Je vais essayer de condenser environ 100 ou 200 ans d'histoire des banques aux États-Unis. Traditionnellement, aux États-Unis, une banque commerciale reçoit des dépôts et accorde des prêts commerciaux. Les banques d'épargne, ou d'épargne et de crédit autrefois, ont connu traditionnellement des appellations diverses. Elles se sont concentrées sur les prêts hypothécaires résidentiels. Je dis «traditionnellement» car avec le temps et surtout depuis 20 ou 30 ans, les fonctions de ces deux types d'institutions se sont confondues considérablement. Nous avons ainsi Capital One Bank, qui est dotée d'une charte qui ressemble en tous points à celle d'une banque à charte dans l'État de Virginie, bien qu'en fait elle n'accepte pas de dépôts à vue et ne consent pas de prêts commerciaux. En fait, dans la mesure où il s'agit d'une banque émettrice de cartes de crédit à services limités, elle ne peut pas consentir de prêts commerciaux. C'est un élément de complication.
L'autre vient du fait que même si une caisse d'épargne (thrift bank) est une banque de crédit dans les faits, elle ne consent pas de prêts hypothécaires résidentiels, bien qu'elle possède un important portefeuille de titres hypothécaires. C'est une façon de dire que bien qu'il existe une distinction traditionnelle entre les types d'institutions, elle est de plus en plus ténue. Dans une perspective de réglementation, le régime réglementaire applicable à ces institutions est presque le même. Elles sont toutes deux assujetties aux normes de capital de Bâle, par exemple. Elles sont assujetties aux mêmes restrictions sur les transactions avec les affiliées et d'autres types de règlements sur la sécurité et la solvabilité.
La principale distinction entre les régimes réglementaires, c'est que les banques d'épargne continuent surtout à se concentrer non seulement sur les prêts et les prêts hypothécaires résidentiels, mais également sur les prêts à la consommation en général, ce qui comprendrait les hypothèques résidentielles, mais aussi les cartes de crédit et les prêts à tempérament, ce qui est l'essentiel des activités de nos caisses d'épargne.
Le sénateur Kenny: Par souci de précision, devrions-nous simplement lire banque en gros, aux fins de notre étude?
M. Curtis: Pour ce qui est des succursales au Canada, je pense que oui. Dans les deux cas, nous supposerions qu'une succursale de chaque institution n'accepterait pas de dépôts de détail au Canada, bien qu'elle exercerait certainement des activités de détail dans le secteur des créances, c'est-à-dire les cartes de crédit et le crédit à tempérament.
Le sénateur Kroft: J'aimerais comprendre un peu mieux comment fonctionne votre entreprise. J'aimerais en savoir un peu plus sur les éléments de concurrence car nous savons que les institutions financières canadiennes semblent préoccupées par l'entrée des compagnies émettrices de cartes de crédit étrangères et des répercussions que cela peut avoir sur le marché. Vous vous êtes décrit comme une compagnie de commercialisation de cartes de crédit. Avez-vous en fait une franchise? Est-ce une franchise que vous louez ou avez-vous des intérêts financiers qui vous donnent le droit d'utiliser ces diverses cartes? Comment obtenez-vous le droit d'émettre Visa ou MasterCard?
M. Curtis: Nous en obtenons le droit en devenant membre des associations de Visa et MasterCard.
Le sénateur Kroft: Et cela vous coûte de l'argent?
M. Curtis: Il faut payer des frais minimes de traitement de la demande. Leur principale préoccupation n'est pas notre paiement, mais le fait que nous soyons le bon genre de membre.
Le sénateur Kroft: J'essaie de comprendre les avantages, coûts ou autre, qu'une compagnie de carte de crédit peut détenir sur une autre. Et laissons de côté les économies d'échelles pour le moment.
M. Cooper: Toutes ces compagnies sont membres de Visa ou MasterCard dans le pays où elles se trouvent. Par conséquent, elles obtiennent le droit de commercialiser Visa et MasterCard pour des produits «clos» et d'utiliser l'infrastructure de paiement qui permet au commerçant qui accepte la carte qui achemine la transaction de manière à être payé.
Le sénateur Kroft: Certaines doivent-elles payer des montants plus élevés?
M. Cooper: Le coût est le même. Le coût principal, en plus d'un droit minime pour faire la demande, est un pourcentage des frais, qui est en fait payé par le commerçant.
Le sénateur Kroft: Ce n'est pas un élément de concurrence?
M. Cooper: Non. En fait, pour ce qui est de la plupart des éléments de concurrence concrets, nous serions désavantagés. Comme nous sommes plus petits que la plupart des autres intervenants, nous n'avons donc pas le même montant d'argent à consacrer à la commercialisation. Comme nous n'avons pas l'infrastructure des succursales, nous n'avons pas de clients qui peuvent entrer et acheter une carte ou prendre un formulaire de demande à l'une des centaines ou milliers de succursales. Nous n'avons pas une clientèle qui détient d'autres produits chez nous.
Mais nous avons un ensemble de compétences que nous avons acquises au cours des 10 dernières années. Nous réussissons bien dans le marketing. Nous sommes compétents dans le marketing direct. Nous sommes compétents dans la différenciation des produits.
Le sénateur Kroft: Vous nous avez décrit vos diverses sources de capitaux. Je ne sais pas ce qu'une banque canadienne, en tant qu'émettrice d'une carte, aurait comme coût d'investissement par rapport au vôtre, mais ce serait un autre élément compétitif. Qu'en est-il du commerçant? S'agit-il d'un marché libre dans la façon dont vous faites la distinction?
M. Cooper: Premièrement, notre coût de financement est normalement plus élevé car nous n'avons pas une large base de dépôt de détail. Nous sommes désavantagés tant aux États-Unis qu'au Canada, ce que nous compensons seulement par notre savoir faire en matière de marketing.
Du point de vue du commerçant, il y a d'autres compagnies dans ce secteur d'acquisition des commerçants. Nous n'appartenons pas à ce secteur. Normalement, mais pas toujours, les banques fournissent au commerçant un terminal et lui demandent des frais pour qu'il ait le droit d'être en affaires. Ce n'est pas un avantage concurrentiel entre les différents émetteurs car ils sont tous obligés d'accepter toutes les cartes Visa et MasterCard de façon interchangeable. Cela fait partie du système qui a été créé et c'est une des exigences de Visa et MasterCard. Cela est offert essentiellement à n'importe quel membre des institutions Visa et MasterCard au même prix.
Le sénateur Kroft: Selon vous, par rapport à ce que nous ont dit les banques canadiennes, quels sont les avantages au niveau des économies d'échelle? À quel moment l'avantage concurrentiel commence-t-il à apparaître grâce aux économies d'échelle? Choisissez le point de référence que vous voulez.
M. Cooper: Je ne pense pas que les économies d'échelle soient une source d'avantage concurrentiel important. Nous sommes, au mieux, de taille moyenne aux États-Unis, pour ce qui est de l'échelle de l'infrastructure et des employés. Nous n'apportons pas d'économies d'échelles énormes.
Il est vrai que si vous ou moi lancions notre propre petite compagnie de carte de crédit, nous devrions engager des coûts considérables, l'investissement dans la technologie et ainsi de suite.
Le sénateur Kroft: Supposons que vous êtes déjà lancé.
M. Cooper: Si vous atteignez une taille suffisante, ce n'est pas tant la taille que le temps et l'investissement dans l'apprentissage. Il faut du temps pour apprendre comment offrir des produits différents. Il faut du temps pour apprendre comment utiliser de nouveaux canaux de marketing, et nous avons pris de l'avance dans ces domaines.
Le sénateur Kroft: Les Canadiens pensent qu'il existe de monstrueuses compagnies de cartes de crédit aux États-Unis ou ailleurs qui vont pénétrer dans notre marché et placer nos institutions dans une position très désavantageuse. Vous semblez mettre un point d'interrogation là-dessus.
M. Cooper: Je mettrais un gros point d'interrogation. Nous voyons les banques américaines, canadiennes et britanniques comme des monstres. Si elles abordaient ce genre d'activités comme nous le faisons, si elles étaient prêtes à consacrer le temps et l'énergie et si elles attiraient le genre de personnes dont elles ont besoin, elles disposeraient de bien plus de ressources que nous. Lorsque des concurrents come AT&T et Citibank aux États-Unis ou Barclay Card ou la Banque de Montréal commenceront à faire ce que nous faisons, elles deviendront les monstres, par la taille et la capacité, pas nous. Notre avantage concurrentiel tient au fait que nous abordons ce secteur différemment. Nous essayons d'offrir au consommateur de meilleurs produits, mais nous n'avons pas un avantage d'échelle.
Le sénateur Kroft: À quel point votre capacité à agir plus intelligemment découle-t-elle de votre position particulière sur le marché, la particularité de vos produits?
M. Cooper: Une partie vient du fait que nous choisissons un endroit de prédilection. Nous choisissons cet endroit en raison des compétences. Autrement dit, nous avons cru qu'il était possible de différencier les produits et d'utiliser l'information pour décider d'approuver tel ou tel client. C'est ainsi que nous avons trouvé le secteur des cartes de crédit. La plupart des gens qui travaillent dans notre compagnie n'ont pas d'antécédents dans ce domaine.
Aux États-Unis, nous nous sommes lancés dans les télécommunications pour les mêmes raisons. Nous nous concentrons sur la façon de faire des affaires plutôt que sur une ligne de produits. Nous pensons que nos compétences sont largement applicables. Aux États-Unis, nous consacrons beaucoup de temps et d'énergie à chercher d'autres secteurs d'activité.
Le sénateur Kirby: Ce que vous dites en fait, c'est qu'en devenant essentiellement des spécialistes, vous avez trouvé le moyen définitif et le plus efficace de faire quelque chose. Cela veut-il dire qu'une compagnie diversifiée qui vend de nombreux produits ne cible pas ce niveau d'expertise sur une seule chose en raison de sa plus large base?
M. Cooper: Non, nous croyons que nous deviendrons une société polyvalente, qui offrira une multitude de produits. C'est ce à quoi nous aspirons. Nous nous concentrons sur une chose, qui est de fournir des produits et des services diversifiés sur une base strictement commerciale à notre clientèle par le biais de canaux de distribution. Ainsi, si ce dont nous parlons a trait au fait d'avoir une préoccupation essentielle, je suis entièrement d'accord pour dire que nous avons réussi à le faire.
Toutefois, les banques et autres institutions financières ont certainement la capacité de se concentrer semblablement. Il suffit d'élaborer une technologie adéquate et d'engager des personnes différentes. Aux États-Unis, au cours des dernières années, dans les banques on a réalisé des progrès fantastiques pour mettre au point ces types de technologies et d'approches commerciales. N'ayant pas de système particulier sur lequel nous appuyer, nous ne pouvons nous permettre d'être négligents et de nous endormir sur nos lauriers. Mais il existe un mouvement impressionnant dans cette direction, même par une entreprise polyvalente, même par des institutions beaucoup plus importantes.
Le sénateur Kirby: Étant donné la recherche et le développement que vous consacrez à mettre au point de nouveaux produits et de nouveaux services, ne serait-il pas exact que cela puisse permettre de manière significative de baisser les frais? La recherche et le développement représentent des frais fixes qui doivent être récupérés par la vente de vos produits, du moins si l'on prend en considération que votre chiffre d'affaires est beaucoup plus élevé que celui des autres. Le montant de recherche et de développement que vous devez consacrer aux particuliers étant par conséquent plus petit, cela vous permet-il dans ce sens de réaliser une économie d'échelle? Les frais fixes étant répartis parmi un plus grand nombre de personnes, cela vous permet-il, par conséquent, d'offrir des tarifs beaucoup plus bas?
M. Cooper: C'est vrai, et c'est pourquoi j'ai utilisé l'exemple cocasse de l'un de nous qui se mettrait en tête de fonder une banque. Pour <#0139>uvrer dans ce champ d'activités, on n'a pas besoin de dizaines de millions de clients, seulement quelques centaines de milliers. Au Royaume-Uni, par exemple, nous sommes beaucoup plus petits que nos concurrents et nous n'exerçons aucune pression sur notre infrastructure américaine. Nous avons toujours cet avantage. On ne peut pas être minuscule, mais il n'est pas nécessaire d'être gigantesque.
Le sénateur Angus: Vous nous expliqué vos activités et vous vous êtes étendu sur le sujet au fil des questions. Vous ne nous avez pas dit qui vous êtes. Avez-vous sous la main un schéma de votre structure ou un organigramme de vos différentes entreprises, telles que vous les avez décrites ou serait-il difficile de s'en procurer un?
M. Curtis: Nous n'en avons pas avec nous. Nous pouvons en fournir un. Je peux l'expliquer oralement selon la manière dont vous désirez aborder la question.
Le sénateur Angus: Pouvez-vous nous fournir un schéma plus tard? Ce serait utile. Comme vous le dites dans votre document, vous faites partie de Capital One Financial Corporation. Si je comprends bien les termes de votre témoignage, j'en déduis que cette entité est une compagnie d'exploitation, ou est-ce un holding?
M. Curtis: Il s'agit d'une compagnie non exploitante, d'un holding.
Le sénateur Angus: Lequel, à son tour, est propriétaire de plusieurs entités qui traitent des affaires séparément comme celles que vous avez décrites, la banque de prêt Capital One FSB. Est-ce exact?
M. Curtis: Oui.
Le sénateur Angus: Il y a donc ce seul holding?
M. Curtis: Oui.
Le sénateur Angus: Concernant le holding, qui en est le propriétaire?
M. Curtis: Il s'agit d'une entreprise par actions, qui se transigent à la Bourse de New York.
Le sénateur Angus: Y a-t-il un actionnaire majoritaire, un actionnaire principal?
M. Curtis: Non.
Le sénateur Angus: C'est donc le public qui est propriétaire?
M. Curtis: Oui.
Le sénateur Angus: Savez-vous combien vous avez d'actionnaires?
M. Curtis: Non, mais nous en avons beaucoup.
Le sénateur Angus: Personne ne détient, mettons, 10 p. 100 du capital-actions?
M. Curtis: Je pense que tout le monde en possède moins de 10 p. 100, ce qui, d'ailleurs, n'est pas un seuil magique. Il existe un seuil magique à 15 p. 100. Il a été établi soit pour le SEC, soit pour les conséquences de la réglementation bancaire aux termes de la Change in the Bank Control Act. Nous avons eu un cas dans lequel un de nos investisseurs institutionnels risquait de franchir cette limite; lorsqu'ils s'en sont aperçus, ils sont immédiatement revenus sur leur décision. C'est ainsi que nous avons quelques investisseurs institutionnels. Il s'agit essentiellement de groupes de fonds mutuels; lorsqu'on additionne ensemble tous les fonds du groupe cela peut donner des sommes assez importantes, de l'ordre de 10 p. 100. Il s'agit toutefois d'investisseurs passifs. Aucun d'entre eux n'essaie d'influencer ou de contrôler la gestion de la société.
Le sénateur Angus: Si je comprends bien, il y aurait un conseil d'administration dans ce holding et c'est la société principale qui vous emploie. On y trouve donc les habituels administrateurs honoraires nommés conformément aux statuts et autres. Combien de ces administrateurs viennent de l'extérieur et n'exercent pas d'activité de direction?
M. Curtis: Peut-être trois ou quatre sur six. Personnellement, je n'assiste pas aux réunions du conseil d'administration ou n'y occupe de fonctions, mais je crois que c'est de cet ordre.
M. Cooper: Je pense qu'il y en a cinq sur huit. La majorité vient de l'extérieur. J'ai bien peur d'oublier quelqu'un.
Le sénateur Angus: Ici, au Canada, nous accordons beaucoup d'importance aux questions concernant la haute direction des sociétés. Nous insistons sur l'indépendance des conseils d'administration par rapport aux directions. Au conseil, existe-t-il des groupes qui ont le droit d'élire des administrateurs? Comment nommez-vous les membres de votre conseil ou existe-t-il des groupes d'actionnaires qui peuvent nommer un de ces membres venant de l'extérieur?
M. Curtis: Les membres de notre conseil n'ont pas changé depuis deux ans; aussi n'ai-je pas eu la possibilité de me familiarier avec les subtilités juridiques applicables en tel cas. Notre conseil est régi par la loi américaine des compagnies qui, dans le cas de Capital One Financial Corporation comme dans celui des autres corporations est la loi du Delaware. Ainsi, les administrateurs se réunissent pour voter à la réunion annuelle des actionnaires. Comme dans plusieurs entreprises, il s'agit de mandats échelonnés et ils siègent au conseil un certain nombre d'années. La liste n'est pas réélue dans son intégralité à chaque fois.
Le conseil a également la possibilité de combler les postes vacants entre chacune des réunions. En fait, la composition du conseil n'a pas changé récemment. Sur le plan pratique, nous trouvons nos administrateurs par recrutement. Un comité de recrutement est mis sur pied pour ratisser l'ensemble des sociétés ou du moins les sociétés voisines de notre siège social et ses membres vont à la recherche de candidats qui leur semblent prometteurs. La règle générale que la compagnie applique est qu'il faut proposer les administrateurs aux actionnaires, qui sont eux-mêmes des dirigeants d'entreprises à la fois importantes et innovatrices. Lorsque nous trouvons ces administrateurs, nous les proposons aux actionnaires qui décident de leur engagement par vote.
Le sénateur Angus: La liste est donc votée par les actionnaires selon la manière habituelle. Aucun groupe, par exemple Fidelity, ne peut nommer un administrateur.
M. Curtis: Il n'y a rien de tel. L'un des aspects de notre entreprise est d'appartenir à un grand nombre de propriétaires.
Le sénateur Angus: À propos du holding, combien chapeaute-t-il d'entreprises?
M. Curtis: De mémoire je ne pourrais dire combien on trouve de cases dans notre organigramme. Les organigrammes tendent à être élaborés en fonction de considérations juridiques ou fiscales autant que des enjeux commerciaux. Je suis chez Capital One depuis trois ans. Étant donné le nombre de facteurs juridiques et fiscaux dont il a fallu tenir compte, le nombre de cases s'est trouvé multiplié plusieurs fois. Les cases principales sont Capital One Bank, qui s'occupe de notre secteur des cartes de crédit et qui a une succursale au Royaume-Uni, à Londres, où l'on administre également un secteur de cartes de crédit, et puis il y a Capital One FSB, qui est une banque d'épargne. Son objectif principal est de traiter des affaires dont la banque, à cause de son statut limité d'établissement spécialisé dans les cartes de crédit, n'est pas en mesure de s'occuper; cela inclut actuellement les prêts à tempérament ainsi que la prise de certains dépôts de détail.
L'autre case la plus importante de l'organigramme -- oublions la manière dont on peut définir important -- serait Capital One Services Inc., une société de services affiliée qui, en fait, emploie actuellement la plus grande partie du personnel de Capital One et se trouve aussi propriétaire de certaines installations. Elle met ces ressources à la disposition des entités réglementées au moyen de contrats de service.
À la lumière de notre discussion de cet après-midi, je devrais également mentionner une autre case qui s'appelle America One Communications, qui est celle qui s'occupe de l'aspect télécommunication de nos affaires.
Le sénateur Angus: Vous avez anticipé mon autre question lorsque vous avez mentionné les entités réglementées. Le holding n'est pas réglementé, n'est-ce pas?
M. Curtis: La question revient à définir ce qui est réglementé et ce qui ne l'est pas. Il n'est pas réglementé dans le sens où il est soumis à toute la panoplie des mesures de sécurité, de réglementations appropriées, d'exigences de capitalisation, et cetera, qui sont applicables à Capital One et à Capital One FSB. Il est assujetti à des mesures de réglementation parce qu'il est propriétaire de ces sociétés. Par conséquent, du point de vue des bureaux de surveillance de l'épargne, il s'agit d'un holding spécialisé dans l'épargne et les prêts. Dans l'optique du Commissaire aux banques de la Virginie, il s'agit d'un holding d'institutions financières. Dans l'optique de ces deux bureaux ainsi que dans celle de la Federal Deposit Insurance Corporation et dans celle du Federal Reserve Board, il s'agit d'une filiale de sociétés de dépôts assurés et, par conséquent, en cette qualité, est assujettie à examen par les autorités chargées de l'application des lois.
Le sénateur Angus: Il nous a été donné d'apprécier l'environnement dans lequel vous évoluez lorsque nous sommes allés à Washington et à New York faire une étude comparée des mécanismes régulateurs. Au cours de nos pérégrinations, nous avons appris qu'il existait certains différends entre les autorités de réglementation sur la question de savoir si le modèle de holding que vous venez de décrire ou le modèle de société affiliée, auquel nous sommes plus accoutumés au Canada, est plus sûr, plus solide, plus rationnel. Je comprends que vous ayez choisi la formule du holding pour une raison particulière. Nous essayons simplement d'obtenir des indices qui nous permettraient de juger de la meilleure structure.
M. Curtis: À l'heure actuelle, au Canada, il semble qu'il s'agisse d'une question de premier plan. J'ai des opinions personnelles sur la question, mais je crains que Capital One Financial Corporation ne représente pas un exemple de l'un ou l'autre des modèles évoqués par ces organismes de réglementation.
Cela est dû à la nature limitée des affaires traitées par nos institutions assurées. Bien que le holding jouisse des différents statuts que je viens de décrire, vous ne m'avez pas entendu dire qu'il s'agit d'un holding bancaire aux fins de la Bank Holding Company Act américaine administrée par la Réserve fédérale. Vous en auriez entendu parler lorsque vous êtes passés à Washington.
Cette controverse se poursuit entre le Bureau de la Réserve fédérale, qui administre la Bank Holding Company Act et l'OCC, qui administre la National Bank Act, et nous ne sommes pas régis par leur réglementation.
Le sénateur Angus: Votre concurrent, une autre importante société de cartes de crédit -- vous mentionnez MBNA dans votre document -- est bien établie. Personnellement, j'ai reçu cette semaine 11 lettres en publipostage sous les noms de David Angus, Willy Angus et C.R. Angus. Une vraie avalanche, et je me demande qui ils sont.
M. Curtis: Ces lettres viennent-elles de chez nous?
Le sénateur Angus: C'est la même lettre et elle est en français.
Le vice-président: Vérifiez tous vos abonnements aux revues.
Le sénateur Angus: Savez-vous qui ils sont?
M. Curtis: Nous en avons entendu parler.
M. Cooper: Savons-nous qui est MBNA?
Le sénateur Angus: Oui. Vous avez dit que vous étiez une corporation détenue par le public, dont les actions se transigeaient à la Bourse de New York. Est-ce la même chose pour eux?
M. Curtis: À ce que je sache, oui, c'est la même chose.
Le sénateur Angus: Ce n'est pas une entité réglementée, détenue par quelqu'autre organisation bien connue?
M. Curtis: Non. MBNA n'est pas comme notre autre concurrent, First U.S.A., dont le propriétaire est actuellement Bank One. MBNA n'est détenue par personne d'autre. Il est indubitable que MBNA possède son propre organigramme, qui est au moins aussi compliqué que le nôtre, parce qu'il s'agit d'une entreprise beaucoup plus grande et qu'elle est depuis plus longtemps sur le marché. Il existe une autre différence entre MBNA et nous: contrairement au nôtre, leur holding n'est pas de type bancaire assujetti à la Bank Holding Company Act.
Le sénateur Angus: Pouvez-vous nous dire d'où vient le sigle MBNA?
M. Cooper: À une époque, ils faisaient partie de la Maryland National Bank et, plus tard, ils sont devenus une entité autonome. J'hésiterais à avancer une date, il y a peut-être six ou huit ans.
M. Curtis: Je crois que c'était en 1990.
M. Cooper: Je crois que les lettres viennent de cette banque du Maryland.
Le sénateur Angus: Est-ce qu'elles viennent de l'État du Maryland?
M. Curtis: À l'origine, elles venaient du Maryland, mais je ne crois pas qu'ils se trouvent encore là.
M. Cooper: Leur siège social se trouve à Wilmington, au Delaware. Je crois que les lettres viennent de là.
Le vice-président: Merci, messieurs. Le prochain témoin, veuillez commencer.
Le sénateur Michael Kirby: (président) occupe le fauteuil.
[Français]
M. Robert Ballard, président de l'Association canadienne des courtiers d'assurance du Canada:Monsieur le président, nous aimerions traiter d'un aspect soulevé par l'Association des courtiers d'assurance du Canada et de l'approche politique préconisée par le rapport du groupe de travail MacKay.
À l'instar de l'Association canadienne, nous sommes d'avis que les banques exercent une concurrence injuste face aux courtiers d'assurances de dommage, en raison principalement de leur statut privilégié qui nous oblige à transiger avec elles pour la plupart de nos opérations financières et de crédit.
Quelles sont mes chances, en tant qu'exploitant de petite entreprise, d'obtenir l'appui dont j'ai besoin pour soutenir mon entreprise ou lui donner de l'expansion lorsque l'institution sur laquelle je compte cherche à prendre mes clients? Pouvez-vous imaginer ce que l'avenir réserve aux courtiers indépendants dont la survie dépend d'un concurrent direct?
Les institutions de dépôt font de l'intimidation et elles exploitent leur position dominante pour nous mettre dans la rue. Elles seront encore mieux placées pour le faire si elles obtiennent davantage de privilèges spéciaux. Cet enjeu sérieux menace notre capacité de soutenir leur concurrence sur un pied d'égalité.
Il ne fait aucun doute que les banques ont la capacité de concurrencer les courtiers indépendants sans forcément que ce soit dans l'intérêt du public. On me racontait récemment qu'un courtier indépendant s'est vu refuser du crédit pour développer ses opérations commerciales sous prétexte que sa banque s'apprêtait à tenter de lui prendre ses clients. La banque affirmait que le chiffre d'affaires de ce cabinet risquait de subir des conséquences négatives suite à leur concurrence. Voilà un bel exemple d'équité concurrentielle, n'est-ce pas?
Malgré tout cela, le groupe de travail favorise nettement le secteur bancaire sans toutefois expliquer en quoi cela pourra profiter aux consommateurs et à l'ensemble des services financiers ou économiques. Ultimement, nous aimerions que le secteur bancaire soit soumis aux mêmes forces concurrentielles que le sont les cabinets de courtage d'assurances de dommage. C'est le point sur lequel doivent porter les efforts de la politique fédérale au moment où l'on se parle.
Nous incitons les membres de votre comité et le gouvernement fédéral à s'arrêter pour réfléchir et à examiner ce point important avant d'adopter les mesures contenues dans le rapport MacKay. Rien ne presse. De fait, notre plus gros concurrent sur la scène mondiale, les banques américaines, nous ont dit que le Canada se trouve à des années-lumière devant tout le monde. Ne prenons pas des décisions à la hâte. Une fois la décision prise, il n'y a pas moyen de revenir en arrière; c'est le danger. Nous sommes conscients que l'ensemble des Canadiens n'est pas sensibilisé aux problématiques soulevées par le rapport MacKay.
Par ailleurs, le rapport préconise des changements majeurs, non seulement pour les banques mais pour l'ensemble des sociétés canadiennes. Il faut en être conscient. À cet égard, nous vous demandons de prendre les décisions qui s'imposent.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parlez de la concurrence déloyale des banques si elles entrent dans ce marché par la distribution dans les succursales. Ce concurrent aura toutes les informations sur votre entreprise et vice versa. Je comprends cela.
Le dilemme qui se pose est celui des compagnies d'assurance; vous ne les considérez pas comme vos concurrents lorsqu'elles vendent directement aux consommateurs. Quelle est la différence entre une banque qui vendrait un produit d'assurance et une compagnie d'assurance qui, en fin de compte, ne passe pas par un bureau de courtier?
M. Ballard: On considère les assureurs qui font affaire directement avec le public comme nos concurrents et ils compétitionnent sur une base équitable. L'Association des courtiers d'assurance du Canada et le Regroupement ne sont pas contre le fait que les banques vendent de l'assurance. Les banques ont le droit maintenant d'en vendre par l'entremise de filiales depuis 1992.
On aimerait que cela continue, que les banques obtiennent ou achètent des compagnies d'assurances et aient leurs filiales. On ne veut pas que le client qui fait un emprunt hypothécaire ou autre à la banque se voit forcé de prendre l'assurance en même temps que son emprunt.
Au moment où on sollicite une hypothèque, on n'est pas en position de négociation, on est en position de faiblesse. Il est facile pour la banque d'exiger que l'on souscrive à son assurance.
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que le Québec est en avant du reste du pays ou si le Québec va prendre du recul avec les Caisses populaires qui vendent tous les produits?
M. Louis Proulx, Association canadienne des courtiers d'assurance du Canada: Une chose est certaine. Si vous faites référence à la Loi 188 qui vient d'être adoptée au Québec en étudiant les modifications de l'ancienne Loi 134 et en scrutant les intentions du gouvernement actuel, cette une décision n'a pas été prise dans l'intérêt du consommateur. À mon avis, cette décision a été prise pour promouvoir une idéologie politique, pour permettre à une institution de dépôt québécoise d'avoir des avantages avant d'autres organismes pour lui permettre d'être encore plus solide.
À partir de ce moment, on a créé une loi faite sur mesure pour une institution de dépôt très spécifique. On lui a permis toutes sortes d'avantages que le gouvernement fédéral, dans sa sagesse, n'a pas permis aux banques. On lui a donné des avantages qui vont, à court terme et à moyen terme, réduire beaucoup de petites entreprises qui se spécialisent dans l'offre de services d'assurances au Québec.
Ce processus a été amorcé, en 1987, dans des zones grises pour cette institution de dépôt. La Loi 188 a passé l'éponge et on a dit: on oublie cela, maintenant vous avez le droit d'en faire, on va vous donner en plus le droit légal de le faire et on va vous donner d'autres avantages. C'est ce qui se passe actuellement. Il est ironique que Robert Ballard arrive du congrès des regroupements des cabinets de courtage qui a lieu à Québec actuellement. Le Parti libéral du Québec a reconnu l'injustice qui avait été créée. Dans sa plate-forme électorale, M. Charest s'est engagé auprès des courtiers d'assurance et de l'industrie de l'assurance à corriger ces injustices.
Les courtiers d'assurance -- aussi bien nos compétiteurs, les Bélair, les Wawanesa, les Allstate de ce monde -- veulent des règles du jeu justes et équitables pour tous. Nous pensons que de vendre de l'assurance à l'intérieur d'une succursale bancaire n'est pas une manière juste et équitable. On utilise les informations des dossiers bancaires. On peut facilement influencer quelqu'un et promouvoir un produit accessoire lors d'une opération financière de prêt. Ces choses sont inconfortables pour le consommateur.
Je vous dirais même plus. Avant l'adoption de la Loi 188, un front commun a été créé et les associations de consommateurs du Québec étaient contre le projet de loi 188 tel qu'il est. En plus, la «Canadian Federation of Independant Business» était contre. Ce ne sont pas des courtiers d'assurance; ce sont des messieurs et des madames Tout-le-monde. Le gouvernement du Québec a toujours affirmé que sa politique devait répondre aux besoins des consommateurs. Pourquoi va-t-il à l'encontre de ces associations?
On parle d'une réglementation qui n'est pas au point. Est-ce que le gouvernement du Québec a pris la bonne décision dans l'intérêt des consommateurs? Comme courtiers, je suis un courtier d'assurances de Laval, nous pensons qu'ils ont agi en fonction d'une idéologie politique. C'est un tout autre débat.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vos collègues des Maritimes nous ont parlé du conflit d'intérêts au moment du règlement d'un sinistre. Ce n'est pas nécessairement au moment de la vente que le conflit existe; c'est plutôt au moment du règlement d'un sinistre d'un consommateur. Lors de l'achat d'une voiture financée par la banque, s'il y a un accident, elle doit régler le sinistre. Vos collègues nous disaient que le consommateur avait peu de chance de gagner sa cause puisque la personne qui défendait sa cause était la même qui était partie à toutes les étapes de la transaction.
Comment cet argument n'a-t-il pas pu prévaloir au Québec puisque, de toute façon, on est seul à avoir le pas?C'est un peu la question qui se pose dans la seule province au Canada où cette situation se retrouve. Dans notre rapport, on va un peu plus loin. On dit que l'on souhaiterait même que les Caisses populaires deviennent des banques. Cela veut dire qu'ils commenceraient la transaction avec des droits acquis dans le domaine de l'automobile, dans le domaine de l'assurance, si elles acquièrent le statut de banque. On va nous demander, comme législateurs, de leur conférer les droits acquis antérieurement.
Cette équation est difficile: si on dit non à ceux qui sont gouvernés par la Loi sur les banques et à ceux qui y seront assujettis en vertu des nouvelles règles, les premiers nous diront: écoutez, il faut conserver nos droits acquis parce qu'on a une tradition dans notre droit. Quand une entreprise est soumise à une autre juridiction, qu'elle a bénéficié de certains privilèges, elle continue à garder ces privilèges. Cela veut dire qu'on aurait deux sortes d'institutions au Québec.
Nous faisons face à un dilemme. Vous préférez ces recommandations du rapport MacKay d'avoir ces conglomérats avec des structures indépendantes et des mécanismes de livraison des services indépendants.
M. Ballard: Comme M. Proulx l'a mentionné, le Parti libéral s'est engagé à amender le projet de loi 188.
Le sénateur Angus: C'est à cause de l'arrivée des bons conservateurs au Québec.
M. Ballard: Celui qui l'a présenté ce matin est un conservateur. Il m'a dit: je suis rouge de la tête en montant, mais mon corps est encore bleu.
M. Proulx: C'est un bon fédéraliste, on va s'entendre là-dessus.
M. Ballard: Avant que les caisses aient le droit de vendre de l'assurance dans leurs succursales, le gouvernement doit adopter un nouveau projet de loi 167 où il va modifier leur constitution. Si le projet de loi est adopté, le Regroupement des cabinets de courtage d'assurances va probablement mettre en doute la constitutionnalité des Caisses populaires parce qu'on ne veut justement pas d'un précédent, d'une clause grand-père et d'une obligation de garder l'assurance.
Le sénateur Hervieux-Payette: Si la Loi 188 ne s'applique pas demain matin dans son entier, vous n'aurez pas un bureau de courtage ou un courtier qui vendra de l'assurance dans les caisses populaires. Ce n'est pas possible au moment où on se parle. Il y a une autre étape à franchir.
M. Ballard: Seulement 60 des 583 articles de la Loi 188 ont été acceptés. D'ailleurs, si on parle de la Loi 188, je pense que dans les annales politiques canadiennes, il n'est jamais arrivé qu'un projet de loi contienne 583 articles, plus de 300 amendements et 250 articles non discutés. Soudainement on impose le bâillon et le projet de loi est adopté. Donc 250 articles n'ont même pas été discutés. Cela va prendre un minimum de deux ans avant que ces articles soient mis en application. On espère des changements qui vont nous aider.
En assurance, la vente se matérialise vraiment lorsqu'il y a un sinistre. C'est à ce moment que le contrat se matérialise. Quand on a rencontré les législateurs québécois, on a parlé, par exemple, d'une situation où quelqu'un a des difficultés financières et que sa maison est assurée avec la Caisse populaire. Si cette maison passait au feu, immédiatement la caisse ou la banque saurait que le propriétaire a des difficultés financières. Elles prolongeraient le délai de paiement juste pour lui faire accepter à un moment donné un règlement. On en a parlé amplement au ministre Landry.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous reconnaissez qu'il y a ce risque de conflit d'intérêts?
M. Ballard: Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette: La structure proposée dans le rapport MacKay permettra à un conglomérat financier de vendre différents services de façon indépendante.En partageant une certaine technologie, une entreprise de services peut aider sur le plan technologique les différentes succursales à donner des services de qualité tout en réduisant les coûts et tout en gardant de façon indépendante l'intégrité de chaque structure. Est-ce que cette proposition du rapport correspond à la philosophie de votre organisation?
M. Proulx: L' important pour nous est que les règles du jeu soient équitables. C'est la première des choses pour tout le monde parce qu'on ne parle pas de piliers financiers. Je suis un entrepreneur avec une trentaine d'employés. Je me pense beau et fin à Laval, mais dans la région métropolitaine, je suis un tout petit. Quand je me compare à une Caisse populaire, je suis encore très petit. Quand la caisse se compare à une banque, elle est encore très, très petite.
Si les règles ne sont pas équitables, des petits entrepreneurs vont disparaître. La première chose à faire est de donner des moyens à des méga-organismes financiers pour distribuer des produits que l'on distribue bien. La deuxième chose très importante est l'aspect des qualifications professionnelles. On a un problème si les gens qui vous conseillent dans des multi-conglomérats ne sont pas compétents s'ils ne peuvent pas être, sur le plan déontologique, réprimandés pour de mauvais conseils qu'ils donneraient aux clients.
Il faut faire attention à la machine. La machine remplace l'Homme mais quand on rentre dans le conseil aux clients, comme les courtiers d'assurance font, sur le meilleur produit disponible en fonction de leurs besoins, il est bien évident qu'il faut être prudent. Le troisième point concerne les renseignements personnels.
Je n'ai pas encore découvert ce qu'était une «NBNA credit card». J'aimerais bien le savoir. Je ne voudrais pas que dans l'assurance, des choses pareilles se produisent pour mes clients, c'est-à-dire s'assurer avec des compagnies qu'ils ne connaissent pas et qu'ils se demandent où elles sont quand cela va mal.
Ces méga-machines permettent l'échange d'information et si on ne la contrôle pas, on a un problème. Dans votre sagesse, vous avez étudié ce problème dans le passé. Vous avez dit: vous pouvez vendre de l'assurance, allez-y avec les succursales, choses que CIBC fait actuellement. Elle vend, elle a une société d'assurance qui s'appelle CIBC. À ma connaissance, elle n'est pas très présente au Québec. Elle se débrouille bien comme partie d'affaires. Cela m'amène à Desjardins.
On a donné le pouvoir à Desjardins de faire des ventes. Ils ont accaparé jusqu'à 11 p. 100 des parts de marché depuis 1997. Je viens d'un milieu hautement compétitif avant d'avoir fait de l'assurance, c'est-à-dire de l'alimentation. Prendre un point de part du marché coûte drôlement cher. Ils ont fait cela en pratiquement 11 ans. Ils sont allés chercher 11 points du marché et leurs parts continuent toujours à grandir. Ils semblent vouloir plafonner actuellement parce que l'industrie s'est adaptée et a corrigé son tir. Plusieurs courtiers et assureurs sont pro-actifs et démontrent au client le bien-fondé de ce qu'ils font. Il y avait un problème de mise en marché. Ils oublient de dire ce qu'ils font de bien.
On commence à le faire et à se réveiller. Quand on compare la publicité entre les courtiers d'assurance, les assureurs et les Caisses populaires, je peux vous dire qu'on dépense en publicité pour promouvoir ce qu'on fait. Par rapport à eux, je tiendrais une semaine. Ils peuvent faire une campagne à l'année avec leur argent; c'est incroyable de voir l'argent qui se dépense en publicité.
Il est important pour nous, quand vous donnez des droits additionnels à des banques pour vendre de l'assurance, que les règles du jeu que vous allez émettre soient celles dans lesquelles on peut jouer comme entrepreneurs parce que nous sommes là depuis un bon bout de temps.
Le sénateur Angus: J'aimerais savoir si vous êtes tous les deux des courtiers d'assurances pour de petits bureaux. Monsieur Proulx, vous êtes dans le courtage à Laval.
M. Proulx: Je suis courtier d'assurances. Mon père était courtier d'assurances. Quand j'ai commencé il y a 15 ans, mon père travaillait au sous-sol de notre entreprise et il avait trois employés. Mon frère et moi avons pris l'entreprise. Je suis fier de dire que nous avons 35 employés, nous sommes à 100 p. 100 indépendants. On a pris la relève de notre père puis on a profité de l'éducation que notre père nous a donnée pour former notre entreprise et faire travailler une trentaine d'employés.
M. Ballard: Il fait partie des plus gros bureaux. Nous sommes plus modestes. Nous avons une douzaine d'employés dans la région de Montréal.
Le sénateur Angus: Vous dites que vous représentez 850 bureaux de courtage. J'aimerais simplement savoir si des gros bureaux comme Marsh & Mack, Johnson & Higgins et les petits comme les vôtres perçoivent différemment le rapport MacKay et ses conclusions.
M. Proulx: Oui, quand vous parlez de Marsh & Mack, Johnson & Higgins, après avoir vu ce qui s'est passé depuis un an, on parle de multinationales américaines. On ne parle plus de courtiers canadiens. Je veux être prudent parce que je ne suis pas un spécialiste des chiffres, mais selon mon interprétation, il n'y a plus de méga-courtiers canadiens. Dale et Parizeau, le fleuron québécois du courtage a été vendu à une multinationale américaine. Vous devriez voir les assurances que ces gens vendent. Cela ressemble à NBNA; on se demande d'où cela vient, mais ils font de merveilleuses polices. C'est extraordinaire; ils donnent tout aux consommateurs. On se demande où l'argent va? Aon et Marsh & Mack ont un credo hautement orienté vers la très grosse entreprise. Ces assureurs se spécialisent dans l'assurance des entreprises.
Le sénateur Angus: Des grosses compagnies.
M. Proulx: Des grosses compagnies.
Le sénateur Angus: Des usines, des industries globales.
M. Proulx: Justement, nous on assure monsieur et madame Tout-le-monde, les PME, des entreprises qui rayonnent très bien dans leur province. Dans certains cas, quand tu es autorisée et que ta qualité professionnelle corresponde à des équivalents au niveau provincial, tu peux assurer des entreprises qui font affaire en Ontario, au Québec, dans les Maritimes.
Les grandes bureaux n'emploient pas le même nombre de personnes que les petits et les moyens courtiers d'assurance. Vous savez, on est de Laval, on est petit, on est complètement différent.
Le sénateur Angus: C'est une autre paire de manches. Ces gros bureaux n'ont pas peur des banques.
M. Proulx: Non, Aon, Reed, Stenhouse sont aussi gros que certaines petites banques chez nous. On ne parle pas de la même chose. Si on fait une loi en fonction d'eux, ils vont être encore plus gros et on va disparaître tranquillement. On ne peut pas se battre à armes égales avec Aon, Reed, Stenhouse et des entreprises de taille moyenne. Quand on parle d'Aon, on parle de jumbo.
Le sénateur Angus: Cela étant dit, à Halifax hier, un courtier dans les «Securities», possède une petite compagnie. Contrairement à vous, il adore l'idée d'une fusion des banques, où plus de services seront vendus par les banques. Étant donné les mentalités canadiennes, plus de petites compagnies s'établiront sans aucun problème parce que le marché aimerait avoir des nouveaux joueurs.
M. Ballard: Vous parlez de fusion de banques. Nous parlons d'assurances. Je ne sais pas ce que la fusion peut donner.
Le sénateur Angus: Non, mais par analogie, vous aviez des fusions entre Aon, Reed, Stenhouse et Parizeau, puis Marsh, Willis et Sedwick. Cela vous donne, si j'ai bien compris la situation, amplement d'occasions de faire des affaires. Vous avez augmenté votre chiffre d'affaires. Il y en a d'autres. Votre association a grandi. Je me demande si de telles fusions sont ce qui pourrait vous arriver de mieux.
M. Ballard: Des fusions permettent dans la région de Montréal à des gros bureaux de devenir gros. Mais en Gaspésie, au Lac Saint-Jean, sur la Côte Nord, des Aon, des Marsh & Mack n'existent pas. Depuis que les Caisses populaires Desjardins vendent de l'assurance au Québec, 42 p. 100 des bureaux ont disparu. Dans le reste du Canada, cela a augmenté.
Je vais revenir en 1987. Il y avait 2 700 bureaux de courtiers. En ce moment, il en reste entre 1 500 et 1 700; on n'a pas les chiffres exacts. On pense qu'avec le rapport MacKay, adopté tel qu'il est, il en restera entre 600 et 800.
Le sénateur Angus: Savez-vous qu'en Angleterre, il n'y avait aucun problème pour vendre de l'assurance dans les succursales des banques. On a toutes sortes de courtiers, toutes sortes de petites entreprises en courtage et cela marche très bien. Vous avez présenté vos mémoires à la commission MacKay et les points que vous avez soulevés n'ont pas été acceptés. Je me demande pourquoi.
M. Ballard: Je n'ai pas les chiffres exacts pour l'Angleterre. En France, il y a au-dessus de 600 banques, aux États-Unis, au-dessus de 10 000. En France, en Angleterre, les banques sont obligées de se fusionner pour faire ce qu'elles font de mieux: du financement, du crédit, du placement. Elles sont obligées de s'occuper de leur clientèle.Au Canada, il y a six banques; elles veulent tomber à deux, trois banques. Elles ne s'occupent pas d'aider leurs clients.
Le sénateur Angus: Beaucoup d'autres banques vont venir avant qu'on permette la fusion des banques.
M. Ballard: Oui, mais je ne sais pas si les banques ne viendront pas faire des pressions pour ne pas qu'il y en ait d'autres. Je peux vous dire que dans les autres pays, les banques sont tellement occupées à concurrencer, à donner du service à leurs clients qu'elles n'ont pas le temps de faire de l'assurance. C'est pour cela qu'en France, elles n'ont pas à aller chercher 5 p. 100 du marché. Mais ici, elles n'ont pas à se concurrencer, à offrir du service. Les Caisses populaires exigent un montant, dans certaines régions, quand on veut faire des transactions au guichet. Elles veulent que les gens aillent devant les machines. Elles ne veulent plus que les gens aillent les voir.
Le sénateur Angus: J'aimerais être sûr, monsieur Ballard, que vous ne pleurez pas des larmes de crocodile.On a une expression anglaise: «Me thinks ye protests too much». Vos collègues de «Insurance Brokers Association» ont témoigné et ils ont plaidé que l'affaire sera terrible, qu'ils perdront leurs affaires, que cela serait un maudit désastre.
Vous dites dans votre mémoire -- et je ne saisis pas cela -- à la page 6:
Les institutions de dépôt font de l'intimidation et elles exploitent leur position dominante pour nous mettre dans la rue.
Avec tout le respect que j'ai pour les affaires de courtage d'assurances, «I think you're overstating the case.»
M. Ballard: On a eu un cas en Alberta où la banque a refusé de prêter de l'argent à un courtier d'assurances en lui disant -- le courtier a témoigné en Alberta -- qu'elle ne lui prêtait pas d'argent parce qu'il était pour lui prendre sa clientèle.
M. Proulx:Au Québec -- je déteste utiliser cet argument -- on est distinct des autres. Depuis 1987, on a donné aux Caisses populaires le droit de vendre de l'assurance. Elles ont pris le droit de les vendre à l'intérieur de leur succursale.
Je faisais référence à cette zone grise. Ils ont pris 11 p. 100 du marché. On était 2 500 cabinets de courtage à quelques centaines près, aujourd'hui, on est près de 1 500; 1 000 ont disparu. Les Caisses populaires à côté des six grandes banques canadiennes, ce n'est rien. Elles dépensent des fortunes pour remonter leur image, mais si on les compare à la Banque Royale ou à la Banque de Montréal, elles sont très petites, elles pèsent très peu dans la balance et elles ont réussi à fermer les entreprises de 1 000 de mes confrères. Alors, imaginez-vous les six grandes banques! C'est bien beau de dire qu'on va se battre, qu'on va dire dans la rue : on est bon, on est fin, puis on va vous prêter de l'argent.
Au Québec, on a demandé à Desjardins de se former une Société de Caisses populaires. Elles ont refusé et on s'est battu avec notre ministre des Finances pour pouvoir avoir le droit de se battre sur le même champ de bataille, d'offrir des prêts de dépôt.
Vous auriez dû voir les Caisses populaires se débattre dans l'eau bénite pour reprendre leur slogan qu'elles utilisent actuellement pour nous empêcher de démarrer cela parce qu'elles nous voyaient comme une menace. On aurait pu vendre des hypothèques à leurs clients puis aller chercher leur part de marché. Si vous appelez cela de la juste concurrence, ce n'est pas de la juste concurrence. Elles veulent venir chercher ce qu'on vend bien et ce qu'on donne bien, mais en échange, elles ne veulent rien nous donner.
Si vous permettez aux banques de vendre de l'assurance avec leur banque de données à l'intérieur de leurs succursales, en utilisant tout leur pouvoir financier pour faire la publicité attirant le client et si moi, je ne peux aller chercher de nouveaux produits pour mes clients, je suis voué tôt ou tard à la disparition.
Si c'est ce que vous voulez, vous aurez le même résultat que lorsque j'étais président des courtiers du Canada. On se promenait dans chaque petit village pour aller rencontrer des gens avec des rues vides, des commerces fermés. En appuyant de telles positions, en donnant des droits aux plus forts avec des moyens additionnels, vous fermerez nos petites régions. Je ne sais pas de quelle région vous venez, j'en ai visitées à peu près dans toutes les provinces du Canada, mais des rues vides et des commerces fermés, des guichets automatiques, j'en ai vus beaucoup. Des banques ouvertes, j'en vois de moins en moins. Alors, si c'est cela qu'on veut faire dans l'assurance, allez-y, donnez leur tous les pouvoirs.
Le sénateur Angus: Je pensais que les banques pêchaient des plus gros poissons et qu'elles n'ont aucun intérêt à vendre de l'assurance dans leurs succursales.
M. Proulx: Non, mais ce n'est pas cela qu'elles voulaient vendre.
Le sénateur Angus: La commission MacKay a fait des études. Cela me surprend, étant donné la nature de leurs recommandations pour l'intérêt public au Canada, qu'elle ait laissé de côté vos arguments.
M. Ballard: Le rapport a 1 000 pages. L'assurance, au Canada, représente plus de 100 000 employés. Dans le rapport de 1 000 pages, trois pages traitent de l'assurance générale.
Si vous dites qu'elle a fait une grosse étude et qu'elle n'a consacré que trois pages à une industrie de 100 000 employés, qu'il y aura peut-être quelques pertes d'emplois. Je pense qu'elle a oublié d'étudier un petit bout.
Le sénateur Angus: C'est pourquoi j'ai posé la question.
M. Proulx: C'est très vrai, regardez les capitaux des six grandes banques, puis regardez ceux de toute l'industrie de l'assurance: trois pages sur un rapport de 2 000 pages. On ne parle pas du même poids économique. Ces gens veulent avoir plus de pouvoirs pour venir chercher les trois dernières pages qu'il nous reste.
La séance est levée.