Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 32 - Témoignages du 23 octobre 1998 (avant-midi)
MONTRÉAL, le vendredi 23 octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous entamons aujourd'hui notre deuxième journée d'audiences à Montréal. Nous demandons des réactions au groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nos premiers témoins nous viennent ce matin de l'Association canadienne des paiements. Nous accueillons M. Bob Hammond, directeur général, et M. Doug Kreviazuk, directeur de la politique et de la planification. Comme d'habitude, nous demanderons aux témoins de commencer par une brève présentation préliminaire, et ensuite nous leur poserons un certain nombre de questions.
Avant que vous fassiez votre présentation, veuillez nous donner une brève description du système de paiement canadien. La télévision par câble nous filme en direct aujourd'hui et certaines personnes pourraient penser que vous êtes une agence de recouvrement, ou une association du même genre, en raison de votre nom. Avant d'aborder les subtilités de votre mémoire, vous pourriez expliquer, pour le bénéfice de nos téléspectateurs, les rôles du système de paiement et de l'Association canadienne des paiements.
M. Robert M. Hammond, directeur général, Association canadienne des paiements: L'Association canadienne des paiements a été créée en 1980 par une loi du Parlement. Elle a deux mandats principaux; le premier vise à établir et mettre en <#0139>uvre le système national de compensation et de règlement et le deuxième à planifier le développement du système de paiement. Notre mandat principal et primordial consiste à nous assurer que le système de compensation et de règlement est en vigueur et qu'il fonctionne efficacement, sécuritairement et convenablement.
Ce mandat principal fournit le fondement essentiel du système de paiement. Par exemple, les gens qui paient par chèques veulent s'assurer, lors du dépôt d'un chèque, qu'ils obtiendront rapidement la valeur pour ce chèque. S'ils utilisent une carte de débit dans un magasin de détail, ils veulent s'assurer que le paiement sera effectué et que tout sera fait rapidement, efficacement, sécuritairement et confidentiellement. Ils ne veulent pas que cette information soit transmise à d'autres parties et ils veulent s'assurer de pouvoir compter sur le secret de la transaction.
De même, lorsqu'ils utilisent le guichet bancaire d'un autre établissement, ils veulent s'assurer que la transaction sera autorisée et qu'ils obtiendront l'argent. Ils veulent savoir qu'il existe un système en arrière-plan qui s'assurera que l'argent qui est dû entre les différentes institutions financières par suite de ces transactions de paiement sera versé et rapidement.
Monsieur le président, nous avons une présentation préliminaire que nous avons distribuée sur papier aux membres de votre comité. Je vais en passer les points saillants en revue.
Il y a deux semaines, le conseil d'administration de l'ACP s'est réuni pour examiner le document de travail de juillet 1998 publié par le ministère des Finances à la suite de son examen du système de paiement. Le conseil a également examiné les trois recommandations du groupe de travail MacKay -- les recommandations 13 à 15 -- qui ont trait au système de paiement.
Les recommandations portent sur les critères d'adhésion à l'ACP et également sur la régie de l'ACP du point de vue de la surveillance des politiques publiques. Je tiens à souligner que, en règle générale, la réaction du conseil à ces recommandations est très positive.
Le conseil m'a demandé d'insister auprès des membres de votre comité sur le fait que les membres de l'ACP accueillent favorablement l'examen du système de paiement. Comme je l'ai mentionné précédemment, l'ACP a été créée par une loi du Parlement en 1980 et son principal objectif consiste à faire fonctionner le système de compensation et de règlement. Toutefois, notre Loi n'a pas été modifiée considérablement depuis 1980 et il est évident qu'elle a besoin d'être mise à jour pour refléter les circonstances actuelles.
Jusqu'à présent, l'ACP a rédigé cinq documents pour le comité consultatif sur le système de paiement du ministère des Finances et ces mêmes documents ont été envoyés au groupe de travail MacKay. Les documents portent sur un certain nombre d'enjeux qui sont envisagés dans le contexte de l'examen du système de paiement.
Comme document complémentaire, nous vous avons également distribué un sommaire des positions adoptées dans ces documents. Nous avons aussi apporté une Vue d'ensemble qui vous donne plus de renseignements sur l'ACP. Elle comprend une liste de nos membres et mentionne les noms de nos administrateurs. Nous avons pensé que cela vous intéresserait aussi.
L'actuelle Loi sur l'Association canadienne des paiements limite l'adhésion au sein de notre association à la Banque du Canada, aux autres banques, aux sociétés de fiducie et de prêt, aux sociétés coopératives de crédit et aux caisses populaires ainsi qu'aux autres institutions de dépôt. Nous comptons actuellement 132 membres. Fait intéressant, plus de 60 p. 100 d'entre eux ne sont pas des banques, c'est-à-dire qu'il s'agit d'institutions de dépôt autres que des banques. Autre fait intéressant, plus de 30 p. 100 de nos membres sont des institutions constituées et réglementées au niveau provincial, dont des institutions aussi importantes que la Caisse centrale Desjardins, les succursales du Trésor de l'Alberta et les sociétés coopératives de crédit d'un certain nombre des principales provinces.
Étant donné que les vues exprimées dans notre exposé préliminaire représentent un consensus au sein de notre conseil, j'ai pensé que vous aimeriez savoir comment sont choisis nos administrateurs et qui ils sont. Très brièvement, la Loi exige un conseil d'administration de 11 personnes. L'un des administrateurs est un dirigeant de la Banque du Canada, nommé par la Banque, et cet administrateur doit assumer la présidence en vertu des dispositions de la Loi. Les banques choisissent cinq administrateurs et cinq sont choisis par les non-banques -- deux par les sociétés de fiducie et de prêt, deux par les sociétés coopératives de crédit et les caisses populaires et un par les autres institutions de dépôt.
Pour chaque administrateur choisi, les membres concernés choisissent également un administrateur suppléant. Les administrateurs suppléants sont invités à participer; ils assistent aux réunions du conseil et sont invités à contribuer à la discussion. Essentiellement, nous avons au total 22 administrateurs.
Lorsque vous examinerez la liste de nos administrateurs, vous constaterez qu'il s'agit de dirigeants provenant de diverses institutions, grandes et petites, et d'institutions de dépôt réglementées à la fois aux niveaux provincial et fédéral. Par conséquent, les membres de notre conseil représentent un large éventail de points de vue.
Je vais maintenant passer aux recommandations précises formulées par le groupe de travail. La première est la recommandation 13, qui porte sur l'élargissement de l'effectif de l'ACP. Au début du processus d'examen, l'ACP a fait savoir au comité consultatif sur le système de paiements du ministère des Finances et au groupe de travail qu'elle n'avait assurément aucune objection de principe à élargir l'effectif de l'ACP. Toutefois, nous avons suggéré que, lors de l'étude de cette question, les décideurs fassent preuve de prudence pour envisager les répercussions sur l'efficience et l'efficacité du système de compensation et de règlement si fortement appréciées par les Canadiens.
Même si le rapport du groupe de travail précise qu'un accès élargi au système de paiement est vital du point de vue de la concurrence, il reconnaît également qu'une participation accrue exigera un examen minutieux.
Tant le rapport du groupe de travail que le document de travail publié par le ministère des Finances laissent entendre que les critères d'admission des institutions dans le système devraient cibler certains points, à savoir la réglementation et la surveillance, l'accès à une aide en matière de liquidités, un cadre juridique approprié dans le sens que les lois régissant les nouveaux participants devraient être compatibles avec l'activité du système de paiement, et enfin la compétence opérationnelle et technique pour participer. L'ACP est d'accord avec les critères énoncés à la fois dans le rapport du groupe de travail MacKay et dans le document de travail du ministère des Finances.
La recommandation spécifique du groupe de travail mentionne que la Loi sur l'ACP devrait être modifiée pour permettre à des institutions financières autres que des institutions de dépôt de devenir membres de l'ACP, pourvu qu'elles répondent aux critères suggérés et soient désignées par le ministre des Finances. La recommandation mentionne également que le ministère des Finances, en collaboration avec l'ACP, devrait déterminer en priorité les catégories d'institutions financières qui seraient admissibles. L'ACP est assurément favorable à la suggestion de collaborer avec le ministère des Finances à ce sujet et espère pouvoir contribuer à cet exercice.
J'aimerais maintenant passer aux recommandations concernant la régie du système de paiement. Des documents préparés pour le comité consultatif sur le système de paiements du ministère des Finances laissent supposer que certaines personnes pensent que les décisions de l'ACP peuvent favoriser ses membres par opposition aux utilisateurs du système de paiement.
L'inquiétude soulevée concerne le fait que certaines des décisions prises ne sont peut-être pas dans le meilleur intérêt public. Le document de travail décrit plusieurs options pour renforcer la régie de l'ACP et sa surveillance du point de vue des politiques publiques, et le groupe de travail, comme je l'ai mentionné, a formulé deux recommandations concernant la surveillance.
Simplement pour mettre en contexte les recommandations du groupe de travail, j'aimerais décrire très rapidement les mesures qui sont actuellement en vigueur pour garantir la surveillance des politiques publiques à l'ACP. La Loi sur l'ACP autorise le conseil d'administration à établir des règlements concernant les questions de compensation et de règlement, mais ces règlements doivent être approuvés par le gouverneur en conseil. Ensuite, pourvu qu'ils se conforment aux règlements, les administrateurs ont le pouvoir d'approuver, de voter ou d'adopter des règles concernant la compensation et le règlement.
Les règlements approuvés par le gouverneur en conseil présentent les principes généraux; le conseil a le pouvoir d'établir des règles qui exposent les principes détaillés concernant les questions de compensation et de règlement. Toutefois, le président du conseil de l'ACP, qui est un dirigeant de la Banque du Canada, a le pouvoir de déterminer si oui ou non une règle envisagée par le conseil est conforme aux règlements qui ont été approuvés par le gouverneur en conseil. Le président a donc cette responsabilité spéciale de surveillance.
La Loi exige également que le Surintendant des institutions financières se présente devant l'ACP au moins une fois par an pour effectuer un examen et ensuite présenter un rapport au ministre indiquant si oui ou non l'ACP fonctionne en conformité de la Loi et des règlements qui ont été approuvés par le gouverneur en conseil.
Même si la Loi ne l'exige pas, l'ACP a également pris deux mesures supplémentaires pour essayer de renforcer la surveillance des politiques publiques. En 1996, elle a mis sur pied un conseil consultatif des intervenants (CCI) qui comprend environ 20 représentants des utilisateurs des systèmes de paiement et des fournisseurs de services dans le système de paiement. Ce conseil a directement accès au conseil d'administration.
Le président et les membres du CCI sont invités à assister aux réunions du conseil d'administration de temps à autre pour y présenter un rapport sur leurs activités. Leur mandat consiste à fournir au conseil des avis sur les questions touchant les systèmes de paiement et également à formuler des recommandations au conseil sur les processus consultatifs que l'ACP devrait suivre à l'égard des utilisateurs des systèmes de paiement.
En 1991, le conseil d'administration a également mis sur pied un comité consultatif qui est composé d'un sous-ensemble de notre conseil et d'un représentant du ministre des Finances -- le sous-ministre adjoint chargé de la Direction de la politique du secteur financier. L'objectif vise à tenir le ministre au courant des développements qui interviennent dans le système de paiement. Le comité se réunit au moins deux fois par an et plus souvent au besoin. Lors des réunions, nous échangeons des renseignements et des points de vue sur les questions concernant le système de paiement qui ont des répercussions sur les politiques publiques. L'objectif consiste ici à essayer d'éviter des surprises au ministre et au ministère des Finances.
Certaines des options énoncées dans le document de travail du ministère des Finances en vue d'améliorer la structure de régie de l'ACP englobent la clarification du mandat de l'ACP et la fixation d'objectifs de politique publique dans la législation qu'il faudrait observer dans le fonctionnement du système de paiement. La loi actuelle ne contient pas de dispositions de ce genre. Il n'y a pas d'objectifs de politique publique énoncés pour nous en ce qui concerne le fonctionnement du système de compensation et de règlement.
Le document du ministère des Finances recommandait également que le Conseil consultatif des intervenants soit exigé par la loi. Cette disposition serait assurément importante de notre point de vue. Le document recommandait également d'élargir le conseil d'administration pour y inclure des administrateurs indépendants -- autrement dit des administrateurs qui ne seraient pas choisis par nos membres. Le conseil de l'ACP appuie certainement toutes ces options et elles figurent dans notre proposition -- que je vais vous décrire dans une minute -- visant à s'appuyer sur la structure actuelle de régie de l'ACP et à l'améliorer.
Le document de travail sur l'amélioration de la surveillance des politiques publiques aborde la création d'une sorte d'organe de surveillance. Cet organe pourrait être la Banque du Canada, ou le ministère des Finances, ou il pourrait peut-être même être situé ailleurs. En tout cas, cet organe gouvernemental serait tenu d'examiner et d'approuver tous les règlements et règles de l'ACP avant leur entrée en vigueur.
Le rapport du groupe de travail n'a pas été aussi loin. Il a plutôt recommandé que le ministre des Finances, et non le gouverneur en conseil, ait le pouvoir d'approuver les règlements administratifs de l'ACP. Toutefois, il recommande également que le ministre ait le pouvoir de revoir toutes les règles nouvelles ou révisées de l'ACP et de révoquer toute règle nouvelle ou révisée lorsqu'il estime que cela est contraire à l'intérêt public.
À l'ACP, nous avons des centaines de règles et la plupart d'entre elles sont très techniques. Étant donné la nécessité pour l'ACP de réagir rapidement face aux problèmes qui surgissent, l'approche proposée par le groupe de travail serait nettement plus efficiente que d'exiger que toutes les règles soient approuvées à l'avance par un organe gouvernemental de surveillance. Autrement dit, le conseil d'administration approuverait les règles et, si le ministre juge qu'elles ne sont pas dans l'intérêt public, il pourrait les révoquer. Nous avons évidemment déjà le comité consultatif dont j'ai parlé précédemment et, dans le cadre du processus, nous nous assurerions que le ministère des Finances soit au courant des règles que nous envisageons et qui pourraient avoir une incidence sur les politiques publiques.
La deuxième raison pour laquelle nous privilégions l'approche du groupe de travail, c'est parce qu'elle mettrait carrément la responsabilité et l'imputabilité concernant l'adoption de règles conformes à notre mandat législatif -- incluant les objectifs de politique publique -- sur les épaules des membres du conseil d'administration, là où la responsabilité devrait se situer à notre avis.
Examinons la troisième et dernière recommandation du rapport du groupe de travail sur les questions touchant le système de paiement. Elle précise que le ministre des Finances devrait avoir le pouvoir d'ordonner au conseil de l'ACP d'apporter toute modification aux règlements administratifs, aux règles ou aux pratiques d'exploitation de l'ACP s'il l'estime souhaitable pour l'intérêt public. Le conseil de l'ACP n'a aucune objection à cette proposition. Après avoir discuté du document de travail du ministère des Finances et du rapport du groupe de travail, le conseil de l'ACP a approuvé une proposition visant à s'appuyer sur la structure de régie de l'ACP et sa surveillance, dans une perspective de politiques publiques, et à l'améliorer.
Un document renfermant une explication détaillée de la proposition et des motifs sous-jacents sera fourni à votre comité et au ministère des Finances dans un avenir très rapproché. Ce document n'est pas encore prêt mais j'aimerais en résumer les points saillants et en ressortir le fil conducteur. Le document lui-même présente la raison d'être de la proposition.
Premièrement, nous pensons qu'il faudrait une articulation claire du mandat de l'ACP, y compris des objectifs de politique qui n'existent pas à l'heure actuelle dans la Loi. Nous avons suggéré un libellé possible qui est contenu dans l'un des documents.
Deuxièmement, nous pensons qu'il devrait y avoir des administrateurs indépendants au sein du conseil de l'ACP et qu'ils devraient être nommés par un processus que le gouvernement devra établir.
Troisièmement, nous croyons que les membres de l'ACP devraient élire la majorité des administrateurs, pour veiller à ce que le conseil d'administration conserve une bonne connaissance et une expérience technique du système de paiement.
Quatrièmement, le processus d'élection des administrateurs devrait faire en sorte de continuer à assurer la diversité et l'équité de la représentation par type, taille, région et compétence réglementaire de l'institution. Aucun type d'institution ne devrait compter une majorité des administrateurs.
Cinquièmement, l'existence et le mandat du Conseil consultatif des intervenants devraient être enchâssés dans la Loi sur l'ACP, tout comme une clause stipulant que le président du CCI soit membre du conseil d'administration de l'ACP.
Sixièmement, le comité consultatif, qui comprendrait un sous-ensemble du conseil d'administration de l'ACP, incluant à la fois des administrateurs membres et indépendants et évidemment le président du CCI de l'ACP, ainsi que son mandat devraient être enchâssés dans la Loi sur l'ACP afin de garantir un échange précoce et approprié de renseignements et de points de vue sur les répercussions des problèmes du système de paiement sur les politiques publiques.
Enfin, comme l'a recommandé le groupe de travail, le ministre devrait avoir le pouvoir d'approuver les règlements administratifs de l'ACP. Il devrait pouvoir revoir et révoquer les règles de l'ACP qu'il estime contraires à l'intérêt public. Il devrait pouvoir ordonner au conseil de l'ACP d'apporter une modification aux règlements administratifs, aux règles ou aux pratiques d'exploitation de l'APC qu'il estime souhaitable pour l'intérêt public.
En résumé, le conseil de l'ACP est d'avis que la présence au conseil d'administrateurs indépendants et du président du Conseil consultatif des intervenants renforcerait la régie de l'ACP. Nous estimons que les propositions visant à améliorer la surveillance des politiques publiques à l'ACP, ainsi que les nouveaux pouvoirs dévolus au ministre qui ont été recommandés par le groupe de travail, offriraient une surveillance efficace. Par la même occasion, cela garantirait que l'ACP aurait la souplesse et le pouvoir pour réagir rapidement face aux problèmes qui surgiraient.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais dire que l'ACP a déployé beaucoup d'efforts pour mettre sur pied un système de compensation et de règlement très sécuritaire et très efficient. Nous estimons que ce système offre le fondement indispensable pour le système de paiement de qualité mondiale du Canada. Le rapport du groupe de travail révèle que, comparativement aux autres pays, la disponibilité de services de paiement est excellente au Canada.
À notre avis, le système de compensation et de règlement du Canada devrait continuer de fonctionner et d'évoluer, permettant ainsi au Canada de conserver son système de paiement d'envergure mondiale dans un environnement en évolution rapide. Avec un élargissement des membres de l'ACP de la manière prudente recommandée par le groupe de travail et avec l'approche renforcée de régie que nous proposons et que le groupe de travail a recommandée, nous espérons pouvoir continuer à le faire.
En même temps, nous pensons que les dispositions de renforcement de la surveillance donneront au public l'assurance que les objectifs et les perspectives de politique publique sont pris en considération dans les décisions prises par le conseil.
Le sénateur Angus: Étant donné la complexité des questions dont vous êtes responsables, j'estime que votre exposé préliminaire nous a donné un aperçu très clair et qu'il a été très utile pour démystifier certains des enjeux. Je souhaite poursuivre ce processus, si vous le permettez, en commençant par le fait que l'ACP est, sinon le meilleur organisme de son genre, du moins parmi les meilleurs au monde.
Je ne suis pas certain de la façon dont vous mesurez cela. Il y a cependant des façons dont l'homme de la rue le mesure au Canada. Ici, nous pouvons faire compenser en une journée un chèque tiré sur une banque lointaine, tandis que de l'autre côté de la frontière, dans ce vaste complexe industriel appelé les États-Unis, cela prend parfois deux à trois semaines. C'est difficile à comprendre. Pouvez-vous confirmer s'il s'agit d'une des façons de mesurer si votre système est bon ou mauvais et, en supposant que ce soit le cas, pourriez-vous nous dire brièvement comment vous en êtes arrivés là?
M. Hammond: Il y a un certain nombre de façons. Assurément, le fait que les Canadiens reçoivent généralement un crédit provisoire le jour même où ils déposent un chèque dans une institution de dépôt en est une. Il suffit aux Canadiens de voyager à l'étranger pour réaliser la qualité de notre système de paiement.
Un autre attribut très positif de notre système est le fait que les Canadiens peuvent avoir accès à leurs fonds -- peu importe où ils se trouvent -- d'un océan à l'autre par le biais de notre réseau de guichets automatiques. L'ACP n'exploite pas ce réseau mais elle fournit les services de compensation et de règlement qui constituent le fondement essentiel de ce réseau.
Nous avons un excellent réseau de guichets automatiques et nous avons également un excellent réseau de cartes de débit. Vous pouvez utiliser votre carte de débit d'un océan à l'autre et accéder à vos fonds de cette manière. Ce sont les genres de mesures dont les gens aiment parler pour mesurer le système de paiement. Comme je l'ai dit précédemment, nous croyons que l'efficacité de notre système de compensation et de règlement, alliée à sa sécurité, constitue le fondement qui permet également le fonctionnement de ces services du système de paiement.
Le sénateur Angus: Tout cela est utile, mais pourriez-vous approfondir un peu plus? Autrement dit, pourriez-vous nous dire pourquoi vous êtes capables d'accomplir cela au Canada, alors que nos voisins du Sud, qui semblent assez avancés sur le plan technologique dans la plupart des domaines, en sont incapables? Pourquoi est-ce si lent chez eux?
M. Hammond: Il y a deux ou trois facteurs qui entrent en jeu. Nous avons des institutions nationales ici au Canada, tandis que les États-Unis ont des institutions régionales.
Le système de paiement du Canada a été mis sur pied avant la création de l'ACP. Les grandes banques l'ont mis sur pied et elles ont établi plusieurs bons fondements pour le système. Lorsque l'ACP est née, elle a informatisé le système. Elle s'est également efforcée d'établir des règles qui garantissent le fonctionnement en douceur et l'efficience du système.
Les gens doivent connaître les règles du jeu. Nous avons donc déployé de gros efforts; nous avons une vaste structure de comités et un bon ensemble de règles qui précisent les processus. Lorsque les gens connaissent les règles et savent qu'ils doivent les respecter, les choses ont tendance à se passer en douceur.
Dans le cadre du travail effectué par l'ACP, nous avons de vastes ententes avec des services de messagerie pour nous assurer que les chèques sont envoyés aux centres régionaux de compensation. Là encore, il y a des règles, des processus et des modalités pour régler cela. Nous avons mis sur pied des comités pour représenter nos membres -- les banques, les sociétés de fiducie et de prêt et les sociétés coopératives de crédit. Tout le monde collabore et parvient à un consensus sur ces règles. Tout cela a très bien fonctionné, par le fait que l'ACP est un organisme national et regroupe non seulement les grandes institutions mais également les petites.
Comme vous le savez déjà, le règlement est effectué à la Banque du Canada. Il se déroule généralement le lendemain, comme vous l'avez mentionné, sénateur, mais il est rétroactif, c'est-à-dire qu'il est ajusté du point de vue de la valeur temporelle de l'argent au jour réel de la transaction. Rien n'incite les institutions financières à retenir certains de ces paiements, car il n'y a pas de couverture. C'est également un élément important du système canadien qui n'existe pas dans beaucoup d'autres pays.
Le sénateur Angus: En dehors des questions de régie, le principal enjeu mentionné dans le rapport MacKay, et dans l'étude parallèle effectuée au sujet de l'ACP, semble être toute la question de l'accès.
Dans vos commentaires préliminaires, vous avez mentionné qu'en principe il ne vous semble pas y avoir beaucoup de risques à élargir l'ACP. Par ailleurs, vous avez délimité les enjeux dont il faut se souvenir, notamment les critères ayant trait à la sécurité et à la viabilité.
J'aimerais maintenant obtenir plus de précisions. Vous pourriez peut-être nous dire quels genres d'institutions ne poseraient pas de problème à entrer dans le système et, par ailleurs, lesquelles pourraient poser un problème. Au sein de notre comité, nous entendons des témoignages provenant des deux bords. Par exemple, nous apprenons que les compagnies d'assurance-vie veulent des règles du jeu équitables et ont des motifs personnels de souhaiter un accès. Nous entendons des témoignages de certaines compagnies de cartes de crédit, et cetera.
Pourriez-vous mettre tout cela en perspective afin que nous puissions comprendre où se situera la ligne de démarcation pour savoir qui entrera dans le club et qui n'y entrera pas?
M. Hammond: Le groupe de travail a recommandé que trois catégories d'institutions financières aient accès au système de paiement. Il a également laissé la porte ouverte à d'autres, mais il a précisé que les compagnies d'assurance-vie, les maisons de courtage en valeurs mobilières et les fonds communs de placement en instruments du marché monétaire devraient avoir accès au système de paiement.
De notre point de vue, il s'agit des catégories d'institutions qui ont demandé à y avoir accès. Nous avons principalement concentré notre attention sur elles, parce que ce sont elles qui nous ont posé des questions et dont le rapport du groupe de travail MacKay a parlé.
Dans mes remarques préliminaires, j'ai parlé des critères qui, selon le groupe de travail, permettront d'évaluer chacune de ces catégories d'institutions financières. Nous sommes d'accord avec ces critères et ce sont les mêmes critères qui sont définis dans le document de travail du ministère des Finances. En fait, ce document passe en revue chacune de ces trois catégories d'institutions et donne une évaluation préliminaire -- les compagnies d'assurance-vie, les fonds communs du marché monétaire et les courtiers en valeurs mobilières -- par rapport à ces critères.
Dans son rapport, le ministère des Finances précise que des enjeux importants ont encore besoin d'êtres examinés. Il est intéressant de constater que bon nombre des points mentionnés dans le rapport ont trait au cadre juridique entourant certains de ces organismes.
Nous ne sommes pas des experts en législation sur les valeurs mobilières, ni en répercussions qu'une telle législation aura sur la participation des maisons de courtage en valeurs mobilières ou des fonds mutuels au système de paiement. Toutefois, nous estimons pouvoir être utiles au ministère des Finances dans son étude de ces questions et pouvoir lui expliquer les répercussions sur le système de paiement.
Nos membres ne pensent pas que ces problèmes sont insurmontables. Ce sont des problèmes qu'il faut envisager et il faut y trouver des solutions.
Le sénateur Angus: La liste que vous nous avez remise révèle que vous avez environ 130 membres. On a parfois tendance à dire que l'ACP est un club minuscule ne comptant que quelques membres et qu'il est sévèrement contrôlé. En fait, si je comprends bien, il compte de nombreux membres et vous êtes tout à fait ouverts à l'idée d'accueillir de nouveaux membres.
Lorsque je vous ai demandé pourquoi notre système était plus efficient que le système américain, vous avez parlé d'institutions nationales. Il s'agirait de nos banques nationales, dont le nombre est relativement faible par rapport aux États-Unis. L'un des autres éléments qui ressort du rapport MacKay c'est que nous devons élargir notre base de banques de détail et élaborer un deuxième et un troisième niveau -- les sociétés coopératives de crédit, les caisses populaires, et cetera. L'arrivée de banques locales aurait-elle des répercussions graves sur l'efficience du système?
M. Hammond: Pas du tout. Ce que je voulais dire c'est que les institutions nationales qui existaient lorsque nous avons mis sur pied le système de compensation et de règlement ont été utiles pour le faire démarrer. Notre système est tel que cela ne devrait pas poser de problème. Nous accueillons à l'heure actuelle tous ces membres, et la plupart d'entre eux participeraient à ces réseaux, alors je ne considère pas cela comme un problème.
Le sénateur Kolber: Comment réagit l'Association canadienne des paiements lorsque le rapport du groupe de travail mentionne que l'acceptation de certains risques pourrait entraîner la faillite de certaines institutions financières?
Les économistes sont enclins à faire de tels commentaires, mais comment réagit l'ACP à l'éventualité de tels événements? Pensez-vous qu'il soit possible d'adopter des politiques qui entraîneront seulement une ou deux faillites, mais pas plus? Pouvez-vous faire des commentaires sur le problème de contagion?
M. Hammond: Nous sommes sur le point d'implanter notre système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV) au sein de l'ACP. C'est un nouveau système électronique conçu pour les gros paiements et il y a toujours un risque de contagion dans le système de paiement. Nous utilisons l'expression «risque systémique». Autrement dit, si l'un des principaux intervenants du système de paiement ne peut pas assumer ses obligations, cela peut provoquer la faillite d'un autre intervenant dans le système de paiement et nous aurions alors une réaction en chaîne.
C'est toujours une préoccupation dans le système de paiement. Cette préoccupation a toujours existé dans notre système actuel, dans le sens que nous n'avons pas la certitude du règlement le jour même. Nous sommes en train d'implanter un nouveau système de transfert de paiements de grande valeur. Il s'agira d'un système électronique hautement sécuritaire pour les paiements importants et considérables.
Fait important, nos statistiques révèlent qu'environ 10 p. 100 des paiements qui empruntent notre système de compensation et de règlement représentent près de 95 p. 100 de la valeur. Cela vous montre que nous avons des effets très gros et très importants qui traversent le système. À la fin de la journée, cela aboutit à des soldes de règlement importants qui sont dus entre les intervenants.
Le système de transfert de paiements de grande valeur que nous sommes en train de mettre au point fournira une certitude du règlement le jour même. Il est appuyé par des garanties et il existe un système de vérification des risques. Un règlement interviendra à la Banque du Canada mais la certitude du règlement est garantie lorsqu'une transaction emprunte ce système, et les participants pourront offrir à leurs clients la finalité du paiement.
Une fois que ce système sera en place, nous croyons que la possibilité d'un risque systémique sera considérablement réduite. Le plus gros de la valeur des effets empruntant notre système de compensation et de règlement sera manipulé par ce système, et il offrira une certitude du règlement le jour même ainsi que la finalité du paiement.
Le sénateur Kolber: Quelle est la position de l'ACP à propos de l'utilisation de l'argent électronique? La nouvelle Banque centrale européenne a déjà publié un document de travail sur ces questions. Elle va s'efforcer à la fois d'élaborer des normes et de s'assurer que des droits de propriété ne sont pas établis par inadvertance car il sera difficile de les modifier ou, en fait, de les éliminer à un stade de développement ultérieur. Dans ce contexte, pouvez-vous parler aux membres de notre comité du souci de prudence dont il faudrait tenir compte au moment d'examiner la recommandation du groupe de travail visant à ouvrir le système de paiement afin de faciliter une concurrence accrue dans le secteur des services financiers?
M. Hammond: Précisément, sénateur, l'ACP a créé il y a deux ou trois ans un groupe de travail chargé d'étudier des questions comme les cartes à valeur stockée, et il a publié un document. Ce document a été transmis au ministère des Finances et il abordait les diverses questions ayant trait aux cartes à valeur stockée. De toute évidence, l'une des premières questions consiste à savoir qui devrait pouvoir émettre des cartes à valeur stockée; qui devrait pouvoir accepter de l'argent du public en échange de cartes à valeur stockée.
Le groupe de travail de l'ACP a recommandé au ministère des Finances de commencer peut-être à penser à des règlements de haut niveau sur l'identité des émetteurs de cartes à valeur stockée, en raison des risques qui pourraient surgir. Selon nous, les membres de l'ACP devraient pouvoir émettre des cartes à valeur stockée, mais nous n'en avons pas fait une restriction. Une autre option suggérée était que seuls les membres de l'ACP soient autorisés à émettre des cartes à valeur stockée.
Une autre option encore consisterait à dire que seules les institutions financières réglementées devraient être autorisées à émettre les cartes et une autre que tout organisme financièrement solide et responsable pourrait les émettre, pourvu qu'il y ait une sorte de surveillance. Cependant, le groupe de travail a suggéré que le ministère devrait envisager de faire quelque chose à propos des cartes à valeur stockée.
Jusqu'à présent, le ministère n'a rien fait à ce sujet. Nous avons nous-mêmes modifié certaines de nos règles; par exemple, pour tenir compte des cartes de débit qui utilisent des applications à valeur stockée, les cartes à valeur stockée tireraient sur des comptes émis par nos membres.
Pour répondre à votre question, les membres de l'ACP estiment qu'il existe certains risques avec les applications à valeur stockée et qu'il faudrait instaurer un certain niveau de contrôle. Pour l'instant, nous suggérons cependant que seuls les membres de l'ACP soient autorisés à émettre des cartes à valeur stockée. Il faudrait peut-être qu'un haut niveau de gouvernement s'occupe de fixer certaines lignes directrices ou certaines exigences concernant l'identité des émetteurs de cartes à valeur stockée et leur fonctionnement. Cela ne s'est pas encore fait.
Le sénateur Kolber: Pourriez-vous nous parler des mesures internationales de contrôle des risques qui sont actuellement en place pour protéger les systèmes nationaux de compensation?
M. Hammond: Au Canada, la première mesure que nous prenons dans cette direction consiste à implanter notre système de transfert de paiements de grande valeur. À un moment donné, nous espérons que les systèmes internationaux offriront le même genre de protection que nous avons incorporée dans notre STPGV, mais de tels systèmes n'existent pas encore.
Le mieux que nous puissions faire à l'heure actuelle, c'est de travailler avec les systèmes qui correspondent à notre système de transfert de paiements de grande valeur dans les autres pays. Lorsque vous faites un paiement international, vous en effectuez la première partie par le biais de notre système et il passe ensuite au système équivalent dans l'autre pays. À un moment donné, les systèmes internationaux établiront un meilleur lien entre les systèmes de paiement des principaux pays du monde.
Le sénateur Kenny: J'aimerais poser une question supplémentaire sur les cartes à valeur stockée. J'ai de la difficulté à concevoir pourquoi une personne rationnelle pourrait choisir un jour d'utiliser une carte à valeur stockée. Toutefois, elles ont peut-être un marché ici. Y a-t-il un marché pour de telles cartes ou s'agit-il d'une invention théorique, mais qui ne se concrétisera jamais?
Pourquoi quelqu'un voudrait-il emmagasiner de l'argent dans une carte au lieu que cela lui rapporte des intérêts ailleurs? Pourquoi viendrait-il à l'idée à quelqu'un d'utiliser une carte à valeur stockée?
M. Hammond: Les cartes à valeur stockée seront principalement utilisées pour les transactions de faible valeur. À Guelph, par exemple, les responsables de Mondex mènent un projet pilote. Les gens utilisent les cartes pour payer l'autobus et pour acheter leur journal lorsqu'ils n'ont pas de monnaie.
Il s'agit de transactions de petite valeur. Je ne crois pas que les gens utiliseront les cartes à valeur stockée pour de grosses transactions. Tout semble indiquer que les cartes serviront principalement pour les petites transactions. Elles sont commodes et ne vous obligent pas à transporter une tonne de monnaie dans votre poche ou dans votre porte-monnaie. Vous pouvez effectuer vos transactions rapidement; il vous suffit de donner votre carte, qui est passée dans une machine, et vous pouvez partir rapidement avec votre barre de chocolat ou votre petit achat.
Le président: L'un des résultats de l'étude qui est menée à Guelph à l'heure actuelle, c'est que les gens font exactement cela. Ils utilisent la carte à valeur stockée au lieu de transporter un tas de monnaie. Si l'achat coûte plus de 10 $, les gens n'utilisent pas la carte.
Le sénateur Oliver: Ma première question est une question supplémentaire suite au deuxième point soulevé par le sénateur Kolber. Je constate qu'il y a une note en bas de page dans les documents que vous nous avez distribués aujourd'hui. Vous déclarez que l'ACP n'est pas responsable de la réglementation des réseaux comme Interac. J'espérais que vous pourriez nous expliquer cela et nous assurer que vous obtiendrez cette responsabilité.
Ma deuxième question porte sur la discrétion ministérielle. Vous avez dit que ceux qui sont autour de vous et vous-même étiez d'accord pour accorder cette discrétion supplémentaire au ministre. Lorsque je lis le genre de discrétion que vous êtes disposés à lui accorder, cela m'effraie un peu.
Vous avez parlé d'accorder au ministre des Finances le pouvoir de revoir et révoquer les règles de l'ACP qui sont contraires à l'intérêt public. Quand décidez-vous si un intérêt public est un intérêt politique? Il me semble que le ministre se verrait accorder une très large discrétion s'il pouvait ordonner au conseil d'administration de l'ACP d'apporter des modifications aux règlements administratifs, aux règles ou aux pratiques d'exploitation de l'ACP s'il l'estime souhaitable pour l'intérêt public.
Ma troisième question porte sur la régie à la présidence. Vous avez mentionné que le président est nommé par la Banque du Canada et assume la présidence. Par la suite, vous avez dit que vous souhaiteriez avoir plus d'administrateurs indépendants. La présidence ne devrait-elle pas être assumée par un membre indépendant et cette personne ne devait-elle pas être choisie parmi tous les autres administrateurs, faisant ainsi de l'ACP un organisme plus autonome et plus indépendant? À l'heure actuelle, tout cela est gravé dans la Loi, mais faudrait-il la modifier?
M. Hammond: La responsabilité de la réglementation d'Interac est un sujet qui a été longtemps débattu au sein de notre conseil d'administration. Comme nous l'avons mentionné, nous comptons 130 membres. Il y a une vingtaine de personnes qui siègent autour de la table du conseil. Vous devez comprendre qu'il est parfois difficile d'obtenir un consensus sur ce qu'il faudrait faire ou sur ce qu'il faut faire.
Pour innover et perfectionner, il faut un incitatif. Vous pouvez comprendre que les gens assis autour de la table ont tous un intérêt privatif à être là en premier lieu et à faire des choses en premier lieu. Nos administrateurs en sont arrivés au consensus que nous devrions offrir le fondement essentiel de ces réseaux à utiliser pour compenser et régler leurs instruments de paiement. Toutefois, à des fins d'innovation et pour encourager les gens à investir de l'argent, nous reconnaissons qu'il y a aura différents réseaux et que nous offrirons les services de compensation et de règlement à ces réseaux. Si ces derniers souhaitent faire transiter leurs instruments de paiement par notre service de compensation et de règlement, ils doivent s'assurer que leurs instruments de paiement répondent à certaines normes de sécurité et de viabilité.
Dans le but de créer un incitatif en vue d'investir dans la technologie et dans le but d'encourager les gens à mettre au point ces choses, notre conseil a décidé qu'il valait mieux laisser les réseaux agir de leur côté. Nous ne leur fournissons que le fondement indispensable.
Le Bureau de la concurrence s'intéresse de près à ce que font les réseaux et nous sommes tous parfaitement au courant des décisions concernant des choses comme Interac. Nous nous assurons que tout paiement introduit par Interac dans notre système de compensation et de règlement respecte nos normes, mais nous ne fixons par les conditions d'adhésion à Interac et nous ne nous occupons pas de ces genres de questions.
Notre conseil considère que cela encourage les gens à élaborer de nouveaux réseaux et à y investir.
Le sénateur Oliver: Cependant, cela confère-t-il encore une protection aux Canadiens?
M. Hammond: Oui.
À propos de votre deuxième question concernant la discrétion du ministre, l'une des solutions de rechange proposées est un organe gouvernemental. Tout ce que notre conseil déciderait devrait être soumis à cet organe à l'avance et approuvé par lui. Nos administrateurs ne sont pas enthousiasmés par cette approche, parce qu'elle leur enlève leur responsabilité et leur imputabilité en tant qu'administrateurs pour s'assurer que ce que nous faisons est conforme à la législation.
À l'heure actuelle, la législation ne contient rien sur les objectifs de politique publique mais nous estimons qu'ils devraient y figurer. Les administrateurs devraient être responsables et comptables de s'assurer que ce qu'ils font est conforme à la législation et aux objectifs de politique publique qui sont énoncés dans cette législation.
Toutefois, nous nous rendons compte qu'il existe une perception à l'effet que les décisions sont parfois prises dans l'intérêt de nos membres et pas dans l'intérêt public. Nous proposons des mesures -- comme des administrateurs indépendants -- pour essayer d'éviter une telle situation. Nous espérons également enchâsser le Conseil consultatif des intervenants dans la législation et nous assurer que le président de cet organisme siège à notre conseil. Le conseil s'intéresse aux questions de politique publique.
Nous souhaitons également enchâsser le comité consultatif dans la législation. Ce comité exige que notre conseil, incluant, si nos propositions sont acceptées, les administrateurs indépendants et le Conseil consultatif des intervenants, se réunissent régulièrement avec des représentants du ministre. Nous parlerons des nouveaux développements dans le système de paiement et de nos interventions, et nous entendrons les éventuelles préoccupations qu'ils ont au sujet des questions de politique publique. Il y aura de nombreux processus pour faire en sorte que le ministre ne soit jamais préoccupé par le fait que nous faisons quelque chose qui n'est pas dans l'intérêt public.
Notre conseil est persuadé que ces processus seront suffisamment exhaustifs que nos administrateurs n'auront pas à s'inquiéter d'accorder ce pouvoir au ministre. Nous essayons de prendre des décisions dans le meilleur intérêt public. Les gens le savent et ils sont prêts à vivre en accordant ce pouvoir au ministre, car ils pensent que les processus seront tels que le ministre n'aura jamais besoin d'y avoir recours. Ils se sentent déterminés à faire ce travail.
La Banque du Canada détient la présidence de l'ACP. C'est également un membre important, car la Banque du Canada traite les paiements au nom du gouvernement. Elle agit comme un membre adhérent, comme un organe de traitement pour les paiements du gouvernement, et notre conseil n'a pas pris position à ce sujet.
Le sénateur Oliver: La présidence devrait-elle être contrôlée?
M. Hammond: Le conseil ne s'est pas prononcé sur ce sujet, si bien que je ne peux pas exprimer d'opinion. Je ne pense pas que les administrateurs estiment que la présidence devrait être occupée par l'un des membres des autres institutions financières. Je ne crois pas qu'ils seraient opposés à ce que la présidence soit assumée par un administrateur indépendant, mais ils n'ont pas pris position sur ce sujet.
Le sénateur Oliver: En termes de bonne régie, s'agit-il d'un point que vous aimeriez prendre en considération?
M. Hammond: C'est possible, mais assurément rien ne laisse supposer que l'un des administrateurs, en dehors de celui de la Banque du Canada, devrait présider le conseil.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Votre organisation est certainement enviée. Si votre organisme agissait comme consultant auprès des autres pays et si vous vendiez les services de CPA, est-ce que vous agiriez comme conseillers dans d'autres juridictions?
[Traduction]
M. Hammond: Sénateur, nous recevons de nombreux visiteurs de pays en développement. Nous avons reçu des délégations de nombreux pays africains et de nombreux pays asiatiques et sud-américains. Nous essayons de les aider et de leur fournir des renseignements sur nos systèmes. Nous faisons fonctionner le système de compensation et de règlement -- le réseau Interac ne nous appartient pas, mais le système de compensation et de règlement oui -- et nous avons mentionné que si quelqu'un souhaite l'utiliser, nous pouvons le mettre à sa disposition.
J'ai parlé de notre système de transfert de paiements de grande valeur qui est, à notre avis, un excellent système. Il sera implanté intégralement en janvier. D'ailleurs, l'un de nos dirigeants a été invité au Brésil la semaine prochaine pour parler de notre système. Nous espérons pouvoir mettre ce système à la disposition d'autres pays.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Compte tenu de notre expérience et de la qualité de notre système et surtout de la globalisation des marchés, j'ai l'impression que ce que l'on a développé au Canada peut être utile à la communauté internationale d'une part, et nous permet, d'autre part, d'être perçus comme étant des joueurs qui ne sont pas menaçants, contrairement à d'autres juridictions.
Je reviens à la question de la sécurité du système. J'ai déjà été présidente d'un comité sur les crimes commis par ordinateur. J'aimerais que vous nous rassuriez sur les mesures que vous prenez, justement, pour que le monde criminel ne puisse pénétrer votre système. Est-ce que c'est une de vos préoccupations majeures?
[Traduction]
M. Hammond: C'est assurément une préoccupation majeure. Nous sommes très préoccupés par la sécurité de notre système de compensation et de règlement. Notre système de transfert de paiements de grande valeur, que nous espérons avoir implanté en janvier, dispose de la plus grande sécurité possible. Pour y parvenir, nous avons atteint le niveau maximal, en utilisant un mécanisme de chiffrement et un certain nombre d'autres technologies spéciales.
Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Cette question a cependant été hautement prioritaire pour notre conseil et pour l'érection de ce système. C'est assurément un problème que nous prenons toujours en considération au moment d'élaborer nos règles et de modifier notre système de compensation et de règlement.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: On parle de nouveaux membres tels des représentants de l'assurance-vie, des fonds mutuels et des courtiers. Je sais qu'une des questions litigieuses à ce sujet, est le coût d'admission ou le coût d'entrée des nouveaux membres par rapport aux systèmes qui ont été développés. À l'origine, il y avait moins de 160 membres, mais au fur et à mesure que de nouveaux membres se sont ajoutés, est-ce qu'ils ont payé un droit d'entrée? Et dans votre structure de coûts, est-ce que vous chargez par transaction? Est-ce que ce sont les banques qui chargent par transaction? C'est-à-dire, si je fais un retrait, un dépôt, un paiement d'une facture, la structure de coûts se situe de quelle façon entre moi, citoyen et client d'une banque, et votre organisation? Je suppose que vous avez des frais et la banque en a également. Quelle est la distribution des coûts par transaction effectuée sur le système?
[Traduction]
M. Hammond: Les coûts d'admission de l'ACP sont récupérés auprès de nos membres d'après le nombre de transactions qu'ils effectuent dans notre système de compensation et de règlement.
Nos principales institutions paient la plus grande part de nos dépenses. Nous avons des frais minimums annuels de 4 000 $ que nos membres doivent payer. Sur approximativement 130 membres, environ 70 ne versent que les droits de 4 000 $. Ce n'est pas dans nos habitudes de facturer un nouveau joueur. Par exemple, quelques nouvelles institutions de dépôt sont venues au Canada et sont devenues membres de l'ACP. Comme toutes les autres, elles paient uniquement les frais annuels qui sont nécessaires pour couvrir nos dépenses, d'après le nombre de transactions qu'elles font transiger par le système. Il n'y a jamais eu de discussion au conseil concernant des frais spéciaux à facturer aux nouveaux participants pour couvrir les frais d'infrastructure.
En ce qui concerne notre système de transfert de paiements de grande valeur, nos membres ont le droit de participer à ce système s'ils sont disposés à construire l'infrastructure nécessaire pour s'y raccorder. Nous parlons ici de gros montants d'argent, si bien que seulement 16 institutions ont choisi de participer activement au STPGV.
Le coût de construction de la part de l'ACP dans le système a été financé par l'ensemble de nos membres à même leurs cotisations, mais les 16 institutions participantes ont commencé dès cette année à effectuer leur remboursement. Autrement dit, les participants qui utilisent le système remboursent à l'ACP sur une période de cinq ans le coût total d'érection du STPGV, qui s'élève à environ à 15 millions $. Les montants qu'elles remboursent réduiront ensuite les frais d'adhésion que tous nos membres devraient autrement payer.
Si, l'an prochain, de nouveaux membres décidaient de vouloir participer au STPGV, ils devront participer au remboursement du solde restant des 15 millions $ sur cinq ans. Autrement dit, s'ils adhèrent d'ici cinq ans, ils devront aider à rembourser ce coût, mais ils ne participeront qu'en fonction du nombre de paiements effectués par l'intermédiaire du système. Il est difficile de s'imaginer qu'un nouvel intervenant aurait un nombre considérable de paiements.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: En fait, ma question précise est la suivante: est-ce que pour chaque transaction, par exemple, un paiement, un retrait ou un dépôt, vous chargez à l'unité? Est-ce un paiement uniforme pour toutes les transactions?
[Traduction]
M. Hammond: Non. Nous ne facturons pas nécessairement pour chaque transaction, mais nous relevons le nombre de paiements qui transitent dans le système. Nous relevons le nombre de chèques, par exemple. Nous avons un certain nombre de circuits dans notre système de compensation et de règlement. Pour plusieurs systèmes, un montant forfaitaire transige dans certains cas et compte comme une seule transaction. Nous ne comptabilisons pas forcément chaque transaction individuelle qu'effectue une banque ou une autre institution de dépôt. Les membres doivent alors payer nos dépenses en fonction du nombre de transactions qu'ils effectuent. Pour notre système autre que le STPGV, le coût d'un paiement atteint deux centièmes d'un cent.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que la venue du commerce électronique, pour vous, est un changement important? Quand vous parlez de transactions de grande valeur, quel montant considérez-vous comme étant une transaction de très grande valeur? Est-ce 50 000 dollars, 100 000 dollars, un million de dollars? Quel est le montant des transactions que le Club des seize doit effectuer pour aller dans ce système?
[Traduction]
M. Hammond: Il n'y a pas de plafond au montant d'un paiement qui peut être effectué par le système de transfert de paiements de grande valeur. Toutefois, ce système coûte davantage parce qu'il est appuyé par des garanties, et cetera. La plupart des gens ne l'utiliseraient probablement pas, sauf pour un paiement de l'ordre de 50 000 $ ou plus. Vous voudrez peut-être l'utiliser pour une transaction sur l'achat d'une maison parce que vous bénéficiez alors d'une finalité du paiement garantie. Vous savez que le paiement a été effectué. Il n'y a aucun plafond sur le montant versé.
J'aimerais revenir à la question du commerce électronique, qui est un sujet qui nous intéresse. Nous sommes en train de mettre au point ce système de paiements électroniques pour les gros montants, mais nous sommes également très intéressés par le sujet des paiements par Internet. Nous avons mis sur pied un groupe de travail, appelé le Groupe de travail sur la politique des paiements émergents, composé de représentants de nos membres et du personnel. Doug Kreviazuk est le membre du personnel qui collabore avec ce comité, qui se penche sur les problèmes des paiements émergents, en particulier les paiements par Internet. Le groupe collabore avec Industrie Canada et avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour essayer de formuler des recommandations concernant notre rôle à l'égard de ces formes de paiements.
Le sénateur Callbeck: Dans votre présentation et dans vos remarques écrites, vous avez fait mention de la perception qu'ont certaines personnes à l'effet que certaines décisions de l'ACP ont tendance à favoriser ses membres par rapport aux personnes qui sont réellement touchées par les décisions. Vous avez également mentionné que le groupe de travail MacKay recommande de renforcer la surveillance de l'ACP.
L'un de nos témoins précédents a parlé de sa longue association avec votre organisme. Il a conclu qu'il devrait être une commission indépendante composée de gens qui ne sont pas associés à des institutions financières. Il est d'avis que c'est nécessaire pour offrir une certaine équité à toutes les parties concernées. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
M. Hammond: Il est nécessaire que nous élargissions notre conseil d'administration pour y inclure des administrateurs indépendants, et le conseil en est conscient. En même temps, il est très important d'avoir l'expertise technique nécessaire autour de la table. Nous parlons de certains systèmes très complexes et qui sont extrêmement importants pour le milieu des affaires et pour les Canadiens en général. Nous disposons d'un assez bon système qui fonctionne bien mais nous avons besoin d'avoir autour de la table des gens qui comprennent les paiements, qui comprennent les affaires et qui peuvent fournir l'expertise nécessaire pour nous aider à progresser. C'est un mélange des deux.
Je tiens à souligner que la plupart de nos règles sont très techniques. Elles ont trait au domaine de la compensation et du règlement des paiements, de la fixation de normes pour les paiements, et cetera, et elles n'ont pas beaucoup de répercussions sur les politiques publiques. Une règle, H4, a suscité plusieurs problèmes. Elle porte sur les débits préautorisés et sur l'accès à votre compte par des tiers. Ce problème nous préoccupe et nous nous y attelons. Nous prenons des initiatives qui répondront, à notre avis, à certaines des préoccupations qui ont été soulevées et qui garantiront encore la sécurité que les Canadiens souhaitent quant à l'accès à leurs comptes par des tiers.
Le facteur décisif, c'est que nous pensons toujours avoir besoin de l'expertise. Il est important d'aller chercher des administrateurs indépendants et d'enchâsser l'existence du Conseil consultatif des intervenants dans la législation. Il faut que le président de ce conseil soit membre de notre conseil d'administration et il faut s'assurer que ces processus sont en place avec le ministère des Finances; il faut les enchâsser dans la législation. Nous pensons pouvoir nous occuper des questions de politique publique et du problème de perception dans le contexte des recommandations du groupe de travail MacKay.
Le sénateur Callbeck: Le groupe de travail est d'avis que cette expertise pourrait venir d'experts qui conseilleraient ces administrateurs indépendants, mais de toute évidence vous n'êtes pas d'accord avec cette suggestion.
M. Hammond: Notre conseil pense que nous avons besoin d'un mélange des deux.
Le sénateur Kroft: C'est un exposé inhabituel, car nous vivons dans un monde où on nous dit que tout change et que rien ne peut demeurer statique, et pourtant nous n'arrêtons pas d'entendre ici que, en dehors de peaufiner les questions de régie et d'apporter quelques retouches superficielles, nous avons essentiellement un outil merveilleux, le meilleur au monde. Cela me rend immédiatement très suspicieux.
Le sénateur Angus vous a demandé pourquoi les Américains n'ont pas été capables de se regrouper pour faire aussi bien que nous. Cela m'incite à penser que vous n'avez pas automatiquement un système merveilleux; les gens émettent des jugements ou prennent des décisions qui marchent ou ne marchent pas.
Pendant que nous envisageons la structure de notre secteur financier pour le prochain millénaire, je suis préoccupé par les gestes que nous pourrions poser qui pourraient y semer la pagaille. Prévoyez-vous quelque chose? Des gens ont-ils avancé des idées ou des propositions qui pourraient mettre en danger l'efficacité, la force et la sécurité de notre système? Y a-t-il des choses dont nous devrions nous méfier? C'est un outil fantastique à l'heure actuelle et nous sommes tentés de dire: «Réglons quelques petits problèmes et tenons-nous au courant et tout ira bien», mais je ne suis pas enclin à penser que la vie se déroule ainsi. En tant que responsables de l'élaboration des politiques, de quoi devrions-nous nous méfier qui pourrait constituer une menace pour l'efficacité de notre système de paiement?
Le président: En particulier, y a-t-il quelque chose dans vos systèmes informatiques qui devrait nous inquiéter étant donné tous les problèmes dont nous entendons parler à propos de l'an 2000 et de ce qui se passera au tournant du siècle?
M. Hammond: Je pourrais peut-être parler de la situation de l'an 2000. Elle a posé un problème important au conseil de l'ACP et nous avons un plan en vigueur depuis un certain temps pour le projet de l'an 2000. À chaque réunion du conseil, les administrateurs insistent pour que nous leur présentions un rapport d'étape sur notre situation.
Nous avons nos deux principaux systèmes de compensation et de règlement. L'un est le système informatisé de compensation et de règlement (SICR) qui supporte tout, à l'exception des paiements de grande valeur dont nous venons de parler. Il y a également quelques systèmes de soutien. Nous avons en fait déjà effectué les changements nécessaires pour adapter ce système à l'an 2000. Nous en sommes aux dernières étapes de l'expérimentation et le plan du projet prévoit qu'il sera prêt pour l'an 2000 et testé d'ici la fin de l'année.
Même si le STPGV a été érigé au cours des deux dernières années, il n'est pas encore prêt pour l'an 2000. Le code était adapté à l'an 2000 mais nous avons dû acheter du matériel et des logiciels pour le système qui n'étaient pas conformes pour l'an 2000 au moment de leur achat. Le système a commencé vraiment à fonctionner en août, mais sans les garanties, parce que nous avions besoin d'une période d'essai. Le système informatique réel fonctionne mais il n'est pas entièrement adapté à l'an 2000.
Nous avons pu démontrer qu'il fonctionne bien et nos membres en sont très satisfaits. Par conséquent, nous avons maintenant essentiellement débranché le système et nous effectuons les changements dans les logiciels et le matériel. Il sera adapté à l'an 2000 d'ici la fin de l'année et ensuite il sera implanté intégralement. Une fois que nous procéderons à ces essais en 1999, notre principale activité consistera à peaufiner le système et à mettre au point tous nos plans d'urgence.
Certains problèmes pourraient être préoccupants. L'un d'entre eux est la question de savoir qui participera au système de paiement. À la fin de la journée, les diverses parties se doivent mutuellement de l'argent, et si l'une d'entre elles est incapable de payer, il peut y avoir des répercussions non seulement pour les autres intervenants mais également pour vous et moi en tant que clients d'institutions de dépôt.
L'un des enjeux qui nous préoccuperont consiste à nous assurer que l'élargissement des membres -- auxquels nous ne nous sommes pas opposés -- sera effectué d'une façon prudente. Nous sommes heureux de constater que le groupe de travail l'a suggéré. Il a établi les critères qu'il juge appropriés et nous sommes d'accord avec ces critères. Nous sommes donc satisfaits de cette approche prudente.
Cependant, l'avenir du système pourrait être préoccupant si cela n'est pas fait d'une façon prudente.
Quant aux autres problèmes concernant l'avenir, nous ne savons pas où nous allons avec le commerce électronique. Comme je l'ai dit, tout évolue si rapidement. Nous avons mis sur pied un groupe de travail chargé d'examiner toutes ces questions. Nous voulons nous assurer que les paiements par Internet, s'ils se concrétisent, seront sécuritaires, et cetera. Nous ne voulons pas que les activités futures dans ce domaine nuisent à la réputation de notre système de paiement. C'est un problème auquel nous nous attelons maintenant. Nous ne disons pas qu'il ne faudrait pas avoir un commerce électronique; il le faut, mais nous voulons nous assurer que cela se fera de la bonne façon.
Le sénateur Kroft: Une fois encore, il s'agit essentiellement de questions de gestion ou de régie interne. Vous n'êtes pas confrontés à des pressions sur des questions de politique, et j'apprécie l'éventail des institutions financières membres.
M. Hammond: Nous ne savons pas où va le monde du commerce électronique. Les choses bougent si rapidement qu'il y a peut-être là des questions de politique.
Le sénateur Joyal: Tout d'abord, où avez-vous obtenu votre technologie? L'avez-vous mise au point sur place ou l'avez-vous achetée en magasin au Canada ou à l'étranger?
Deuxièmement, pourriez-vous nous dire ce qui est arrivé dans le passé? Je passe en revue la liste de vos membres. Certains de vos anciens membres ont disparu en raison de difficultés financières. Pourriez-vous nous dire, avec des exemples à l'appui, ce qui s'est passé lorsque l'un de vos clients a fait faillite? Quels sont les signaux d'alarme dans le système? Comment fonctionne le système? Si vous pouviez citer quelques exemples avec des chiffres précis, nous vous en serions reconnaissants.
M. Hammond: En ce qui concerne la technologie, nous avons effectivement construit notre propre système SICR.
Le président: Qu'est-ce que c'est?
M. Hammond: Le système informatisé de compensation et de règlement. C'est le système que nous avons utilisé pour tous les paiements jusqu'à présent, et il sera maintenu pour les paiements en dehors du STPGV. Nous avons également construit notre système de transfert de paiements de grande valeur. Nous avons réuni nos membres et mis au point les caractéristiques fonctionnelles et tout le reste, et nous avons construit notre propre système.
Le sénateur Joyal: Avez-vous acheté quoi que ce soit aux États-Unis, par exemple?
M. Hammond: Non. Nous pensons que notre système de transfert de paiements de grande valeur est bon parce qu'il offre la protection nécessaire tout en minimisant les garanties comparativement à certains des systèmes en vigueur dans d'autres pays. Cela le rend moins coûteux, ce qui est important parce que, en tant que pays, nous effectuons moins de paiements que les États-Unis, par exemple.
Nous avons eu quelques membres qui ont fait faillite. Je ne pense pas qu'aucune institution d'envergure ait fait faillite depuis le temps que je suis à l'ACP. Nos règlements prévoient un processus pour traiter avec les institutions financières qui éprouvent des difficultés. Nous ne sommes pas forcément au courant des problèmes quotidiens que nos membres peuvent rencontrer. Nous ne sommes pas le BSIF; nous ne sommes pas un organisme de surveillance; alors, nous ne recevons pas les renseignements financiers qu'ils reçoivent.
Nos règlements prévoient les cas où des membres peuvent éprouver des difficultés. En règle générale, en vertu des règlements actuels, nos membres sont divisés en deux catégories, les adhérents et les sous-adhérents. La plupart des institutions qui ont fait faillite devaient être des sous-adhérents. Elles effectuaient leurs opérations de compensation et de règlement par l'intermédiaire d'une des 13 grandes institutions faisant partie des adhérents.
Cet adhérent a évidemment une relation contractuelle avec le sous-adhérent, dont nous ne sommes pas au courant, mais en même temps cet adhérent devrait s'assurer de protéger ses propres intérêts. Les adhérents n'acceptent pas de sous-adhérents comme clients à moins d'être persuadés qu'ils se trouvent dans une situation financière raisonnable. Lorsque leur situation financière se détériore, ils devraient demander de plus en plus de garanties afin de traiter des effets en leur nom.
Si un sous-adhérent fait faillite, disons à midi un jour donné, tous les chèques tirés sur ce sous-adhérent, et qui passent dans notre système de compensation et de règlement pour être réglés le lendemain ou le soir même, seront renvoyés à cette institution.
Il n'est pas toujours possible de retourner les paiements. Si vous avez tiré de l'argent d'un guichet automatique ou utilisé des cartes de débit, ces paiements ne peuvent pas être retournés. Ils doivent passer dans le système et l'adhérent qui parraine cette institution devra absorber la perte. Cela signifie que si la garantie présentée par le sous-adhérent n'est pas suffisante pour assumer ses obligations de compensation et de règlement à la fin de la journée, en sachant que les chèques qui ont été traités seront retournés, alors l'adhérent doit absorber la perte.
Le sénateur Joyal: Dans le passé, comme vous le savez, une compagnie canadienne d'assurance-vie a éprouvé de graves problèmes. Pensez-vous que votre système peut protéger vos clients, en particulier si nous ouvrons le système à un nombre beaucoup plus grand de joueurs au cours des années à venir?
M. Hammond: Ce n'est pas le système de compensation et de règlement en lui-même qui les protégera. C'est la raison pour laquelle nous pensons que si nous devons élargir l'effectif, il faudra le faire avec prudence. Nous devrons être convaincus que, généralement parlant, ces nouveaux organismes membres pourront assumer leurs obligations car le système de compensation et de règlement ne pourra pas les protéger contre la faillite d'un membre, sauf dans la mesure que je viens de mentionner.
Le sénateur Joyal: Avez-vous un lien particulier avec le bureau du surintendant, l'autre organisme impliqué dans la surveillance du système financier?
M. Hammond: Si le surintendant prend des mesures pour fermer une entreprise, il nous avertira immédiatement. Il y a un mécanisme en place pour cela. Toutefois, étant donné que nous sommes un organisme comptant un grand nombre de membres, il ne peut pas nous fournir de renseignements privés concernant ses tractations avec l'entreprise en difficulté tant qu'il n'a pas vraiment pris des mesures publiques.
Ceci étant dit, la plupart des institutions qui ont fini par éprouver des difficultés étaient dans la catégorie des petites. Elles passent par un adhérent, si bien que ce dernier possède beaucoup de renseignements commerciaux sur elles. La plupart des grandes institutions sauraient, ou se douteraient, qu'il pourrait y avoir un problème avec une petite institution et prendraient des mesures pour se protéger à propos de la compensation et du règlement de leurs effets.
Le sénateur Austin: J'aimerais poursuivre mes questions dans la même veine que le sénateur Joyal. Feriez-vous une distinction entre les institutions qui prennent des risques -- celles qui peuvent constater que leurs systèmes de dépôt et de prêt sont dépareillés par nature -- et les fonds communs de placement en instruments du marché monétaire qui ne prêtent pas mais disposent de liquidités? Y a-t-il un risque dans les droits de tirage sur des liquidités?
M. Hammond: Cela dépend des liquidités. Il y a fonds du marché monétaire et fonds du marché monétaire. Assurément, dans le cas des fonds du marché monétaire basés sur des titres d'État, vous pouvez toujours constater quelques fluctuations en fonction des valeurs du marché, mais vous ne penseriez pas qu'elles seraient importantes au point que le système de paiement ne pourrait pas assumer le risque.
Le sénateur Austin: Quels fonds du marché monétaire sont les plus à risque?
M. Hammond: J'ai participé aux opérations de surveillance des transactions concernant Olympia et York. Il y avait des fonds du marché monétaire dans les effets à court terme d'Olympia et York. Il pourrait y avoir des problèmes là, mais ce n'est pas courant.
Le sénateur Austin: Quel est le rôle de la Banque du Canada en termes d'accès à un soutien des liquidités?
M. Hammond: Il y a une clause dans la Loi sur la Banque du Canada qui lui donne le pouvoir de fournir des liquidités d'urgence à tout membre de l'ACP. Il faudrait lui demander quelles sont ses conditions, mais elle possède ce pouvoir. Si l'ACP devait être élargie pour accepter de nouveaux membres, j'imagine qu'en vertu de la clause présente dans la Loi sur la Banque du Canada, elle aurait le pouvoir de leur fournir des liquidités d'urgence sur une base garantie.
Je ne dis pas qu'elle est obligée de le faire. C'est une question qu'il faudrait poser aux responsables de la Banque du Canada.
Le sénateur Austin: Quand la Banque du Canada a-t-elle dû apporter un soutien des liquidités la dernière fois?
M. Hammond: Je ne sais pas. Cette information n'est pas toujours rendue publique. Ce n'est pas une information que la Banque partagerait forcément avec nous. C'est un renseignement confidentiel.
Parfois, vous pouvez déduire, d'après les états financiers de la Banque du Canada, qu'elle a fourni un soutien des liquidités à quelque institution, mais sans identifier forcément l'institution en question.
Le sénateur Austin: Dans le système de paiement, à quelle fréquence la question du prêteur en dernier recours est-elle vraiment une réalité?
M. Hammond: Ce n'est pas un événement fréquent. Nous ne le savons pas toujours.
Le sénateur Austin: Deux banques à charte ont fait faillite dans l'ouest du Canada, Northlands et CCB. Ces faillites ont-elles eu une incidence quelconque sur le système de paiement?
M. Hammond: C'était avant que je sois là.
Le sénateur Austin: Nous ne vous tiendrons pas responsable.
M. Hammond: À l'époque, je travaillais à la BCIC, alors je m'en souviens très bien. D'après moi, un certain nombre des questions litigieuses et délicates émanant de cette faillite concernaient des problèmes avec le système de paiement.
Le sénateur Austin: C'est exactement ce que j'ai cru comprendre. Comment le système actuel a-t-il réglé les problèmes qui ont surgi à cette époque? Comment avez-vous ajusté le système afin d'éliminer le niveau de risque?
M. Hammond: D'après ce que je sais, il ne s'agissait pas de problèmes en rapport avec notre système de compensation et de règlement. C'était des problèmes juridiques.
Le sénateur Austin: D'endettement.
M. Hammond: Oui. Toutefois, je ne suis pas un avocat, alors je peux me tromper.
Le sénateur Austin: Ce qui m'intéresse, c'est le lien entre l'adhérent et le sous-adhérent. De toute évidence, les adhérents, lorsqu'ils exécutent la fonction de compensation en vertu d'un contrat avec les sous-adhérents, exercent un contrôle énorme sur le comportement et donc sur la compétitivité commerciale des sous-adhérents. Vous avez une entité financière privée et concurrentielle qui prend des décisions ayant une incidence commerciale sur les utilisateurs secondaires.
Le sénateur Callbeck vous a posé une question plutôt intéressante lorsqu'elle vous a demandé si les règles du jeu soi-disant équitables au niveau du système de paiement exigeaient une agence de réglementation indépendante des utilisateurs. Dans le système actuel, vous avez un consortium des intervenants qui se regroupent pour faire fonctionner le système. Il y avait des problèmes lorsque l'ABC seule gérait un système de compensation.
Vous avez dit au sénateur Callbeck que le système fonctionne assez bien à votre avis et qu'un système de réglementation indépendant n'est pas nécessaire, ce qui signifie que la plupart des problèmes entre les adhérents du système de compensation et les sous-adhérents sont résolus dans le cadre de l'ACP.
M. Hammond: Je pense que c'est le cas même si, dernièrement, certaines institutions ont soulevé la question de savoir si le concept des adhérents demeure nécessaire dans le monde électronique. Par exemple, avec le STPGV, nous n'avons pas de concept d'adhérents et de sous-adhérents. Vous participez ou vous ne participez pas.
Le sénateur Austin: Il y a un fournisseur quelconque de liquidités, même dans le monde électronique.
M. Hammond: C'est exact. Dans le système électronique de transfert de paiements de grande valeur, ce serait la Banque du Canada. Le concept des adhérents et des sous-adhérents nous a bien servis dans le monde des effets papier, mais à mesure que nous progressons, nous devons déterminer s'il est toujours nécessaire dans le monde électronique. Nos membres admettront qu'il y a certaines formes de paiements pour lesquelles il est nécessaire et d'autres où il ne l'est pas. C'était assurément une façon pratique de faire les choses dans le monde des effets papier au moment où l'ACP a été créée. C'est une question sur laquelle il faudra se pencher au fur et à mesure que nous progresserons.
Le sénateur Austin: J'apprécie le fait que vous ayez mentionné ce domaine particulier en évolution.
Le président: Merci pour votre mémoire très minutieux. Vous savez que j'ai des opinions assez arrêtées sur les questions de régie de l'ACP. Vous avez réalisé des progrès très importants d'après la proposition que vous avez déposée aujourd'hui.
Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Martel et à M. Gagnon devant notre comité.
Le sénateur W. David Angus (président suppléant) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président suppléant: Nos prochains témoins seront les gens de la Commission des valeurs mobilières du Québec, the Quebec Securities Commission, M. Jean Martel et M. Viateur Gagnon, le vice-président. Je crois comprendre, messieurs, que vous avez des commentaires préliminaires. Who will proceed? Monsieur Martel, vous pouvez commencer.
M. Jean Martel, président de la Commission des valeurs mobilières du Québec: Nous sommes très heureux de pouvoir vous livrer un certain nombre de commentaires sur le rapport MacKay dans notre ville, et nous espérons que vous aurez un agréable séjour chez nous. Je suis président de la Commission des valeurs mobilières du Québec, la CVMQ, selon l'acronyme que l'on utilise.
Je veux d'abord vous faire mes plus sincères remerciements pour l'invitation que vous nous avez faite de présenter nos vues aujourd'hui en qualité de représentants de la CVMQ.
Nous sommes très heureux de répondre à cette invitation, ce qui, à ma connaissance, n'est pas tellement courant et si je pouvais braver l'histoire, je pense que c'est la première fois qu'un organisme de contrôle et de surveillance québécois a le plaisir de comparaître devant ce comité.
Le président suppléant: Je puis vous assurer, monsieur Martel, que c'est un grand plaisir pour nous aussi.
M. Martel: Considérant que le plaisir est partagé, il nous fera d'autant plus plaisir de vous faire part de notre réaction à la récente publication du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, auquel nous nous référerons de temps à autre sous l'appellation qui devient de plus en plus usuelle, soit le rapport MacKay.
Cette réaction vous est proposée, monsieur le président, sous le couvert du «caveat», lequel est traditionnellement invoqué par les régulateurs de marchés canadiens dans des circonstances similaires. Il est certain que les points de vue que nous vous exprimerons ici le seront en notre qualité personnelle et ne devront pas être considérés comme liant la commission dans l'exercice futur de ses attributions.
Vous comprendrez, monsieur le président, que cela va de soi, étant donné notre rôle de tribunal administratif et les formes, je dirais juridiques, qui entourent l'exercice de ces attributions.
Le président suppléant: Surtout étant donné que les élections se tiendront bientôt.
M. Martel: Nous, comme autorité de surveillance, sommes toujours à distance de ces choses. Les marchés continuent d'opérer. De plus, je saisis l'occasion que vous proposez. Je pense qu'il est important de dire qu'on ne lie pas le gouvernement du Québec, même si nous en sommes le mandataire.
Cette mise au point faite, laissez-moi vous présenter ceux qui m'accompagnent. Vous avez déjà présenté M. Viateur Gagnon, qui est vice-président de la commission. Le chef du Bureau des commissaires à la commission, M. Daniel Laurion, est également présent.
Nous avons produit un mémoire de ses prétentions, et il nous fera plaisir d'en discuter avec les membres du comité après une courte présentation que nous aimerions faire pour mettre en lumière certains points sur lesquels nous voulons insister. À cette fin, nous procéderons dans l'ordre des sujets abordés dans notre mémoire.
D'abord, quelques mots sur le mandat du groupe de travail, et la compréhension qu'il en a faite, par rapport à la compréhension qu'il aurait dû en faire, selon nous.
Le mandat du groupe de travail, tel que nous le lisons, a recours à une notion du secteur canadien des services financiers qui est essentiellement territoriale dans son approche, plutôt que juridictionnelle. On ne parle pas de secteur fédéral des services financiers, on parle de secteur canadien.
Il importe, contrairement à ce que le groupe de travail a fait, de tracer une meilleure distinction entre les deux concepts de manière à éviter la confusion. Ces deux concepts ne sont pas interchangeables, et le rapport tend souvent à l'oublier. Pour les fins de notre exposé, et à notre avis, le secteur canadien devrait inclure le secteur des valeurs mobilières, alors que le secteur fédéral ne l'inclut pas.
Cette distinction est importante pour la bonne compréhension du rapport et elle est aussi centrale dans le processus de réflexion qui s'est amorcé dans les milieux politiques, administratifs et financiers suite à la publication du rapport MacKay.
En ce qui nous concerne, nous pensons que ce comité, de même que les autres autorités compétentes qui auront à donner un suivi au rapport, devraient se garder d'analyser les recommandations du groupe de travail dans la seule perspective de la réglementation des institutions financières d'incorporation fédérale. Ils devraient analyser ces recommandations et prendre position après avoir considéré l'ensemble de la problématique du secteur canadien, et non simplement celle du secteur fédéral.
Or, cette problématique inclut forcément, qu'on le veuille ou non, ce qui est fait par les provinces et les autorités de réglementation en valeurs mobilières dans leur secteur.
Notre commission a choisi de vous aider à pallier cette lacune du rapport, monsieur le président, et c'est pourquoi nous sommes ici présents aujourd'hui, pour vous fournir un certain éclairage.
Le président suppléant: Et nous apprécions beaucoup votre présence à cette étape, mais est-ce que nous devons comprendre que vous n'avez pas été consultés lors des études du groupe de travail MacKay?
M. Martel: Non, monsieur le président. Ni M. MacKay, ni aucun membre de son groupe, ni les consultants cités dans son rapport ne nous ont consultés sur quoi que ce soit.
Le président suppléant: Alors vous avez bien raison de souligner ces lacunes et nous l'apprécions.
M. Martel: Je pense que c'est important parce que, dans le fond, nous avons appelé cela une vision un peu tronquée des réalités du secteur et je crois que nous sommes là pour tenter d'y remédier, ou à tout le moins de vous donner l'information qui vous permettra de le faire.
Passons maintenant aux recommandations du groupe de travail.
Son rapport propose une vision du secteur des services financiers canadien et recommande certains moyens d'action destinés à en faire une réalité. À cette fin, il formule des recommandations regroupées sous quatre grands thèmes, soit la concurrence et la compétitivité; l'accroissement du pouvoir du consommateur; la confiance du consommateur dans le comportement des institutions financières et l'amélioration du cadre réglementaire.
Pour les fins de la discussion, nous proposons d'aller un peu plus loin et plutôt d'arrimer notre propos sur ce que nous percevons comme les principales lignes de force de la vision qu'a développée le groupe de travail.
Ces lignes de force sont le renforcement de la concurrence, une capacité de distribution élargie des produits et services financiers, une réforme des pratiques de vente par la transparence et l'absence de coercition; et, enfin, l'élimination des dédoublements et incohérences réglementaires.
Le premier sujet que nous voulons aborder est celui de la concurrence.
À cet égard, monsieur le président, je vous dirai que, de façon générale, la CVMQ est très à l'aise avec la vision exprimée par le groupe de travail d'un marché plus concurrentiel qui soit le théâtre d'une distribution plus décloisonnée de la gamme des produits et services financiers et où le consommateur est mieux informé.
Lorsque le rapport MacKay parle d'accroître la capacité des institutions en place à concurrencer les banques, d'éliminer les obstacles à l'entrée de nouveaux concurrents canadiens, d'accroître le pouvoir du consommateur en lui garantissant, par la transparence et des mécanismes de recours plus accessibles et efficaces, le libre choix de ses produits et services financiers, nous sommes foncièrement d'accord.
Dans les postulats du groupe de travail, l'hypothèse de départ est que, sans la discipline inspirée par la présence de consommateurs bien informés et vigilants, il n'y aurait pas de véritable concurrence.
Ce constat nous paraît exact, pour ce qui a trait au fonctionnement des marchés de services financiers en général. Il est vrai que pour permettre à la concurrence de s'exprimer véritablement et favoriser les migrations de clientèles vers le fournisseur le plus efficace, le consommateur doit pouvoir évaluer et comparer les produits et services offerts.
Dans les marchés de valeurs mobilières, l'investisseur ou le prestataire de services de conseil tire confiance du fait que par l'information, il peut se former un jugement éclairé sur sa participation dans le marché. Cette confiance lui permet de jouer plus pleinement son rôle de fournisseur de capitaux aux entreprises et contribue au bon fonctionnement du marché.
Le deuxième élément de la vision offerte par le groupe MacKay est que les institutions financières devraient pouvoir offrir une gamme étendue de produits, de niveaux de services et de prix.
Au Québec, toute institution financière et tout courtier de plein service -- et là, on parle de courtiers autorisés à offrir tous les types de valeurs mobilières et de conseils, et qui sont membres d'un organisme d'autoréglementation reconnu, soit une bourse de valeurs ou l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières -- pourront bientôt offrir, en plus de ce que j'appellerais leurs produits de base, des fonds communs de placements, des produits d'assurance, des services de planification financière et certains autres produits dont la distribution est peu ou parfois pas du tout réglementée, tels les certificats de dépôts et les obligations émises par les gouvernements.
Sur ce plan, le consommateur est tout de même très bien servi, et nous croyons que dans notre marché, au Québec, les recommandations du rapport visant à améliorer les capacités de distribution de produits sont pratiquement déjà mises en oeuvre.
Un troisième volet de la vision MacKay est l'adoption, au sein du secteur canadien des services financiers, de pratiques de vente qui excluent la coercition, c'est-à-dire interdisent ce que l'on appelle les ventes liées, et favorisent la transparence et une divulgation claire, intelligible et en temps utile des modalités du produit, des risques afférents et des conditions de sa vente.
Cette divulgation améliorée des renseignements et de la transparence au profit du consommateur des produits et services financiers lui permettra de disposer d'une meilleure information et, par conséquent, de se protéger, en étant en mesure d'apprécier l'importance des transactions auxquelles il se livre lorsqu'il fait affaire avec son institution financière.
C'est une logique qui s'inspire en tous points de ce que les ACVM font pour l'investisseur depuis des décennies. Nous sommes donc tout à fait en faveur de cela.
Il ne sera sans doute pas inutile, monsieur le président, de vous référer à nouveau aux développements législatifs survenus récemment au Québec, plus particulièrement à la nouvelle Loi sur la distribution de produits et services financiers, à l'élaboration de laquelle M. Gagnon a été étroitement associé avant sa nomination comme vice-président de notre commission. Notre mémoire écrit expose certaines des mesures préconisées par cette législation, lesquelles s'inscrivent très harmonieusement dans la logique défendue par le groupe de travail. M. Gagnon sera évidemment disponible pour répondre à vos questions.
Par ailleurs, les autorités canadiennes en valeurs mobilières ont réalisé, au cours de la dernière année, des progrès considérables en vue d'améliorer l'accessibilité, par l'investisseur, à une information claire et complète sur les valeurs mobilières qui lui sont offertes. Nous avons mis l'accent sur le domaine des organismes de placements collectifs en proposant des mesures visant à améliorer la présentation des documents d'information établis à l'égard des titres émis par ces organismes.
Notre crainte, c'est que, face à ce que nous considérons être un cadre réglementaire très avant-gardiste en matière de pratiques de vente de valeurs mobilières, et qui va le demeurer, on impose aux participants ou aux institutions qui leur sont reliées des normes supplémentaires dont l'application concurrente viendrait ajouter au fardeau réglementaire des distributeurs sans rien apporter de plus au consommateur.
On peut évidemment faire une prémisse qui s'infère assez naturellement: nous voulons protéger le consommateur et devons prévoir des normes en conséquence, sauf que si nous ne créons que des inconvénients, nous ne serons pas gagnants au bout du compte. C'est notre position.
En ce qui a trait au nouveau rôle de protection du consommateur que nous voudrions que joue le Bureau du surintendant des institutions financières, nous nous interrogeons sur le réalisme des propositions avancées par le groupe de travail.
Le BSIF est un organisme prudentiel -- je pense que le rapport MacKay le reconnaît -- dont la culture et l'expertise se sont développées en conséquence de cette réalité. Ses priorités, ses réflexes, ses instincts sont naturellement orientés vers la sécurité, le respect des engagements des réglementés et leur solvabilité. C'est également un organisme dont la structure est fortement centralisée, et qui le sera peut-être encore davantage si l'on modifie sa structure de gouvernance dans le sens des recommandations du rapport. Quant à sa présence géographique, sa proximité avec le consommateur et sa connaissance des particularités de chaque marché régional au pays, elles devront être grandement améliorées pour lui permettre de relever tous les défis que le groupe de travail lui a lancés.
Les ACVM sont formées quant à elles de douze autorités en valeurs mobilières qui couvrent tout le territoire du pays, à partir de ports d'attache établis dans chaque région, et leur expérience collective permet d'apprécier toute l'ampleur d'une opération qui voudrait, rapidement et efficacement, convertir le BSIF en autorité de surveillance des pratiques de commerce, ou ce que le rapport appelle la «conduite des affaires», le «market conduct».
Cette expérience nous porte à croire qu'il y aurait avantage à considérer d'autres avenues que celle qui est envisagée par le rapport MacKay avant de s'engager dans une opération de réforme du BSIF dont le succès nous paraît, à tout le moins au départ, aléatoire.
Le rapport MacKay propose d'assainir le cadre réglementaire en y éliminant autant que possible les dédoublements, incohérences ou disparités normatifs qui résultent d'une activité réglementaire multilatérale qui n'est pas centralisée ou coordonnée.
Dans le secteur canadien des valeurs mobilières, nous avons fait des progrès remarquables au cours des deux dernières années, que j'appellerais les années post-commission nationale, et nous sommes en voie de mettre sur pied un modèle unique de concertation qui fait d'une pierre trois coups en ce qu'il systématise l'harmonisation sans condamner à l'uniformisation, qu'il structure la collaboration et qu'il intègre les processus comme si nous étions en présence d'une seule grande organisation pancanadienne.
Tout cela, les ACVM l'ont réalisé sans avoir à tourner le dos à leur marché, à leur bourse, à leur communauté financière respective, à leur population d'investisseurs et à leurs besoins spécifiques, et surtout, en gardant une indépendance d'action qui inspire une discipline créatrice à chaque partie du tout.
Il s'agit là d'une réalisation que le groupe de travail aurait eu avantage à examiner. Ce pourrait être un modèle intéressant à suivre afin de réduire les disparités et les couches successives de réglementation déplorées par le groupe MacKay. J'ouvrirai une parenthèse ici, monsieur le président, pour vous dire que dans le cadre des échanges internationaux très suivis que nous avons avec mes collègues un peu partout dans le monde, le modèle de collaboration, de concertation canadien est en train de faire époque. Je me souviens aujourd'hui que dans le secteur financier, au cours années 80 et 90, on parlait de l'Europe de 1992, que c'était merveilleux, que cela fonctionnerait bien; maintenant, pourtant, les Européens regardent ce que nous faisons parce qu'ils se trouveront très bientôt, surtout après l'intégration monétaire, dans une situation qui rappelle beaucoup celle dans laquelle nous évoluions il y a quelques années. Je pense que, même à ce niveau, les modèles que nous avons mis en place au Canada peuvent certainement inspirer beaucoup d'autres initiatives dans la communauté européenne ou dans d'autres régions du monde qui ont intérêt à intégrer les initiatives, les efforts et les ressources de plusieurs pays.
Nous croyons que nos recommandations en ce sens, c'est-à-dire l'élimination des disparités et des dédoublements, entrent en conflit avec d'autres mesures préconisées par le rapport MacKay, et que ces dernières ne pourront justement se réaliser sans que soient augmentées ces disparités ou sans ajouter d'autres autorités de surveillance ayant compétence sur le même intervenant.
Par exemple, l'accès direct des organismes de placements collectifs et des courtiers en valeurs mobilières au système des paiements, même s'il est proposé par le rapport afin de donner suite à des préoccupations qui paraissent valables a priori, et qui sont même exigées par les gens de l'industrie des valeurs mobilières, peut quand même être le germe de conflits importants si le gouvernement fédéral se trouve à réglementer indirectement la poursuite du commerce des valeurs mobilières. Il est certain que mon collègue, Robert Hammond, qui a témoigné précédemment et qui est également un ancien éminent surintendant des assurances du Canada, n'a certainement pas ces visées-là mais je crois que, dans la logique clairement établie par le groupe, il faut éviter les dédoublements de réglementation, qu'il faudra être très vigilant quant à ce que les autorités fédérales pourraient imposer comme règles à ces deux types d'intervenants, vu leur souci de prévenir les risques systémiques.
Il est certain que si on ajoute des participants et des membres à l'Association canadienne des paiements, il faudra surveiller leur situation financière et, évidemment, les possibilités de mettre en péril le bon fonctionnement de ce système. De plus, il est loin d'être clair pour nous que cet accès direct des fonds mutuels et des courtiers au système des paiements ne présentera pas d'autres types de riques qu'il nous faudra prévenir du point de vue de la réglementation des valeurs mobilières. Ce sera un élément à évaluer.
Sur ces aspects, que je qualifierais de délicats, parce que sources potentielles de conflits de règles, le rapport devrait quant à nous être revu, sous réserve du fait qu'on puisse compter sur un dialogue interjuridictionnel qui soit d'une qualité inédite par rapport à l'expérience vécue au cours des 20 dernières années. Nous ne sommes pas trop optimistes. On pourra y revenir tout à l'heure.
J'aimerais conclure en parlant brièvement de la question qui revient régulièrement hanter ce comité, parmi d'autres. Il s'agit de la question de la voix canadienne, «The Canadian Voice», dans les forums internationaux intéressés à la réglementation du secteur financier.
Cette question est spécifique au secteur des valeurs mobilières puisque c'est le seul secteur qui a connu un développement important en ce qui concerne les échanges internationaux organisés, et où les porte-parole canadiens ne sont pas des fonctionnaires fédéraux ou des personnes nommées par le gouvernement fédéral.
Monsieur le président, le rapport dit explicitement qu'il est malheureux de voir que dans le secteur des valeurs mobilières, le Canada et ses intérêts ne sont pas convenablement représentés, contrairement aux domaines des banques et de l'assurance, où le BSIF fait un travail important, dont il s'acquitte avec beaucoup de leadership.
Nous souhaitons voir ces remarques rectifiées ou, à tout le moins, complétées, pour les raisons exposées dans notre mémoire, lesquelles démontrent assez péremptoirement que l'évaluation faite par le groupe MacKay ne pêche pas par équité ni par justesse.
C'est là-dessus que je voudrais conclure cette présentation préliminaire, monsieur le président. Je suis à la disposition de ce comité pour répondre aux questions.
Le sénateur Hervieux-Payette: Sans vouloir «m'enfarger» sur la question juridictionnelle, j'ai bien aimé vos commentaires sur les mots «canadien versus fédéral». Il est vrai que le rapport MacKay, très souvent, ne fait pas ces distinctions. Le milieu des affaires ne se voit pas comme étant du domaine d'une juridiction ou de l'autre et songe plutôt à son avenir économique. En ce sens, votre contribution est encore plus importante.
Étant donné que la voix des consommateurs ne sera pas entendue aussi souvent que celle des joueurs du milieu financier -- vous faites des recommandations précises aux pages 4 et 6 de votre présentation sur le rôle qu'a joué le Bureau du surintendant des institutions financières dans ce domaine --, pourriez-vous nous donner vos recommandations quant à savoir comment ces consommateurs ou groupes de consommateurs, dans un domaine aussi complexe que les produits financiers, pourraient avoir une meilleure protection?
On a vu se multiplier les fonds mutuels et tous les outils financiers dans le domaine de l'assurance et le vôtre également. Votre priorité est-elle de protéger le consommateur? Les associations de consommateurs ne devraient-elles pas être consolidées de façon à jouer le rôle très important de s'assurer que tous les joueurs, y compris les organismes réglementaires, aillent dans la bonne direction afin de protéger les consommateurs dans un secteur aussi important que le secteur économique?
M. Martel: Certainement, cela est une préoccupation centrale, autant dans la théorie du mandat que dans la mission des différentes autorités en valeurs mobilières, dont la Commission des valeurs mobilières du Québec en particulier, que dans celle de la protection du consommateur par le biais de l'information.
Malheureusement, c'est un des secteurs où on a vraiment des progrès importants à réaliser. Curieusement, dans le secteur financier, on retrouve trop souvent des autorités de surveillance ou de contrôle éloignées du consommateur, un peu élitistes, interagissant plutôt avec les premiers représentants s'offrant à eux, à savoir les gens de l'industrie, les institutions, les participants du marché et ceux qui en administrent les infrastructures.
Il y a un équilibre très important à maintenir et il faut absolument se distancer des intérêts des participants et des structures, parce que, finalement, on a le mandat d'assurer le bon fonctionnement du marché. Il faut également maintenir un équilibre qui fasse en sorte que le citoyen, l'individu, le consommateur ou l'investisseur ne soit pas oublié dans tout cela. Je me plais à croire qu'on a acquis quand même une bonne expérience dans ce domaine. Cette recherche d'équilibre se traduit dans les opérations quotidiennes.
Les associations de consommateurs sont un peu dépendantes de cet élitisme que l'on retrouve au niveau des organismes. À l'heure actuelle, au Québec, on a mis sur pied plusieurs programmes de communication et d'éducation de l'investisseur qui nous rapprocheront énormément des associations de consommateurs parce qu'ils amélioreront leur niveau de conscience des enjeux présentés et leur connaissance du fonctionnement des institutions du secteur financier.
Incidemment, on est sur le point de recevoir des pouvoirs assez originaux au Canada. En effet, notre commission sera en mesure, dans le cadre d'audiences publiques ou de débats qui lui seront soumis, d'exiger, aux requérants ou aux institutions venus plaider leur dossier devant vous, à leurs frais, la présence d'un porte-parole des investisseurs. De cette manière, on aura des associations de consommateurs qui se rapprocheront des différents enjeux de notre secteur, qui voudront faire valoir leur point de vue et qui en auront les moyens également.
Il existe des cas où la commission, en tant que tribunal administratif, se retrouve déchirée devant différents dilemmes. La commission est là pour protéger en quelque sorte un investisseur qui n'est pas là pour se faire entendre. C'est à ce niveau que nous pourrons faire des progrès.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans le rapport, le rôle de l'ombudsman est contesté en ce qui concerne les banques. Son rôle se joue en deux étapes, c'est-à-dire un ombudsman à l'intérieur des banques et un autre à l'extérieur chargé de régler les conflits entre le client et l'institution financière.
Ce mécanisme, à ma connaissance, n'existe pas dans le domaine des valeurs mobilières. Par contre, si on regarde les cinq ou dix dernières années, on voit un changement majeur chez les consommateurs. Ils déplacent leurs avoirs, leurs actifs ou leurs épargnes vers les sociétés en valeurs mobilières.
Quelles sont les protections mises en place pour aider un consommateur, initié ou non, qui se plaindrait d'avoir été mal informé, mal conseillé, maltraité ou, pire, d'avoir reçu une information tronquée ou incomplète sur laquelle il se serait fondé pour acheter des titres entraînant des pertes considérables? Je me souviens d'une certaine émission de titres que des gens ont achetés d'une société de portefeuille tout en croyant les avoir achetés d'une compagnie très reconnue, perdant ainsi une bonne partie de leurs épargnes.
Quels sont les mécanismes mis en place dans votre secteur pour réconcilier les différends entre le consommateur et les institutions sous votre gouverne?
M. Martel: Nous sommes sous l'autorité du Protecteur du citoyen du Québec en ce qui a trait au travail de réglementation et de supervision des marchés de valeurs mobilières.
Le président suppléant: Avec un mandat général?
M. Martel: Oui. Le Protecteur du citoyen a le mandat général de s'assurer de l'efficacité et du bon fonctionnement des institutions publiques et parapubliques, un peu comme nous qui sommes devenus une personne juridique indépendante du Gouvernement. Toutefois, nous demeurons quand même dans son champ d'action.
Chaque année, le Protecteur du citoyen, dans son rapport, fait état des différentes plaintes et des différentes demandes d'informations qu'il a pu recevoir concernant le fonctionnement de la Commission et des marchés. C'est un organisme de discipline.
L'ombudsman identifie les défaillances d'un système, puis sert d'entremetteur ou de catalyseur afin de les résoudre. On a besoin des autorités de surveillance capables de prendre des mesures coercitives pour provoquer la conformité.
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que le Protecteur du citoyen du Québec a le pouvoir de régler un conflit entre un consommateur et une maison de valeurs mobilières?
M. Martel: Non. Le Protecteur du citoyen examine comment la commission s'acquitte de sa vocation puis recommande une intervention, ou alors il fait le bilan des situations qui lui ont été soumises, tire ses conclusions après analyse et propose des recommandations au gouvernement qui les rend publiques afin d'amener des amendements législatifs ou des correctifs de sorte que de telles situations ne se reproduisent pas.
Le sénateur Joyal: Un ombudsman, dans toutes les législations, au Québec ou dans les autres provinces, n'a pas un pouvoir d'exécution, il n'a qu'un pouvoir de recommandation. Il n'a pas la capacité d'intervenir directement et d'imposer une modification.
Je ne veux pas que l'on entre nécessairement dans l'appréciation du rôle du Protecteur du citoyen au Québec, mais on a tous à l'esprit les commentaires que monsieur Jacoby a faits il y a quelque temps au sujet de certaines de ses recommandations qui n'ont pas eu de suite de la part de l'administration publique.
Est-ce que l'existence de ce poste est suffisante pour assurer la protection du consommateur, compte tenu qu'il n'a pas de pouvoir d'exécution des recommandations?
M. Martel: Dans le domaine des valeurs mobilières, je dois dire que la culture veut plutôt qu'on s'en remette à ceux qui sont les plus près du fonctionnement du marché pour assurer une certaine autodiscipline, ce qu'on appelle une autoréglementation.
La commission reconnaît les organisations qui sont plus en mesure de s'acquitter de ce genre d'attribution. Une fois ces pouvoirs délégués, on s'en remet alors à l'industrie elle-même ou à l'Association ou à la Bourse, par exemple, pour prendre les moyens nécessaires afin de s'assurer que le client ou l'utilisateur final du système ne soit pas lésé et qu'il soit traité de la façon qu'il désire.
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce qu'il existe un organisme national d'ombudsman supervisant et chapeautant les transactions à caractère financier, que ce soit avec une banque, une compagnie d'assurances ou une maison de courtage? Ce serait un organisme indépendant des gouvernements au sein duquel les consommateurs sont représentés officiellement sur le conseil d'administration, et cetera.
Dans l'optique canadienne, un organisme semblable pourrait agir justement comme catalyseur pour le consommateur auquel on ne peut pas donner accès à 12 portes d'entrée -- je parle ici d'une transaction précise avec un produit financier qui peut être vendu quelquefois à plus d'une place. Une seule porte d'entrée pour s'assurer que ce consommateur, s'il croit avoir été lésé, ait au moins un mécanisme d'appel après avoir porté plainte de façon officielle auprès de l'organisme avec lequel il est entré en conflit.
M. Viateur Gagnon, vice-président de la Commission des valeurs mobilières: Peut-être que le rôle de guichet unique qu'aurait l'ombudsman canadien sera déjà passablement accompli par le futur bureau des services financiers que va créer le Québec en vertu de la Loi 188. Ce bureau a le mandat de jouer le rôle d'un centre de références en matière de plaintes relatives à la distribution des services financiers. C'est déjà là.
Un ombudsman pour la protection du consommateur est un élément dans un ensemble. Il faut d'abord qu'il existe des règles à suivre. En valeurs mobilières, tout intermédiaire qui vend des produits financiers doit tenir compte des besoins de ses clients. La Loi 188 a étendu cette règle à tout intermédiaire, même en assurances, en planification financière ou en fonds mutuels.
Vous n'avez pas ces règles quand les banques vendent des dépôts ou même quand ils conseillent leurs clients d'investir dans tel type de dépôts. Ils sont considérés légalement comme des vendeurs, pas des conseillers. Ils ne sont pas tenus de vendre un produit qui sied à leurs clients.
Peut-être qu'avant de créer un ombudsman, on devrait commencer par établir des règles, parce que l'ombudsman, s'il n'a pas de règles, il ne peut pas improviser. Il vous recommandera donc d'établir des règles.
Le premier pas à faire ne serait pas seulement d'avoir des règles en matière de transparence, mais d'en avoir aussi en matière de vente de produits qui sied aux besoins de leurs clients.
Au Québec, il y a tout un système disciplinaire aussi. Non seulement il y a des règles, mais pour un courtier en valeurs mobilières, il y a tout un mécanisme disciplinaire qui peut être la Commission ou la Bourse. Il s'en crée ailleurs aussi en Ontario pour la vente de fonds mutuels. Il y a un mécanisme disciplinaire là également.
Chez nous, dans l'assurance, cela sera modifié. Il y a aussi un mécanisme disciplinaire, ce qui n'existe pas pour les banques et les grands distributeurs. C'est un ensemble. Je ne suis pas convaincu que la création d'un ombudsman canadien ne serait pas en duplication par rapport à ce qu'on a déjà au Québec, surtout depuis l'adoption de la Loi 188 et sa mise en vigueur future.
M. Martel: J'ajouterais que la nouvelle indépendance financière dont nous a dotés la loi, faisant en sorte que nous soyons autofinancés, nous permet de développer des programmes ou des plans d'action qui seront un élément plus moteur des activités d'information des investisseurs et des consommateurs.
Ceux-ci deviendront beaucoup mieux informés de la présence et des caractéristiques de ces différents réseaux disciplinaires et connaîtront davantage son régulateur. En effet, nous sommes à nous doter de toute la capacité technique pour aiguiller les gens vers l'endroit où ils trouveront un remède aux problèmes qu'ils nous expriment. Cela, nous pouvons le faire.
L'autre élément est qu'en vertu de la Loi 188, on a également un mécanisme disciplinaire dans le sens où il existe également un syndic nommé par la commission pour s'assurer que, finalement, des poursuites et des mesures disciplinaires soient prises, parce que l'autoréglementation est un système qui a ses limites.
La justice par les pairs, c'est très bien lorsque ceux-ci veulent vraiment s'attaquer à cette tâche. Je ne suis pas contre le fait d'avoir un ombudsman, puisque c'est un élément additionnel de discipline qui assure que tout le monde va faire son travail, mais cela prend des gens, comme des syndics. Le syndic va prendre des plaintes et engager des poursuites. Il va s'assurer aussi de l'application forcée des règles si les gens ne les respectent pas.
Ensuite, il serait mieux d'informer le consommateur de la disponibilité des recours à prendre. Les recours sont là, mais c'est un dédale à l'heure actuelle. Comme «regulator», nous sommes capables de jouer un rôle très bénéfique et efficace à cet égard.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ce matin, vous avez une publicité gratuite au moins sur le mécanisme en place. Dans votre présentation, vous nous dites que le Bureau du surintendant des institutions financières, un organisme réglementaire comme le vôtre, ne peut pas jouer le même rôle et qu'il ne doit pas s'immiscer dans le secteur de la protection des consommateurs. Vous dites que vous pouvez jouer ce rôle dans les services et le secteur de votre compétence.
Si vous pouvez jouer ce rôle, pourquoi le Bureau du surintendant des institutions financières, au fédéral, dans les organismes sous son autorité, ne pourrait-il pas avoir un rôle semblable à celui que vous jouez?
M. Martel: La composante solvabilité et la composante prudentielle de notre mandat, en ce qui a trait aux courtiers en valeurs mobilières, sont différentes de la composante prudentielle dans le domaine des dépôts, dans le domaine bancaire, dans le domaine de la fiducie ou même celui de l'assurance.
Le respect des engagements est là, mais c'est beaucoup plus une question pour nous de s'assurer que les placements et les ordres soient donnés aux courtiers, que les transactions qu'ils sont autorisés à réaliser le soient et qu'on puisse les attribuer à un investisseur en particulier.
Si jamais le courtier disparaît, nous devons être capables de retracer les actifs des différents clients. Il y a des mécanismes qui sont mis en place pour cela, mais ce n'est pas un mandat absolument envahissant par rapport aux autres volets de notre mission.
Au niveau du Bureau du surintendant fédéral des institutions financières, il a le poids de son volet prudentiel qui, justement, si vous voulez lui faire atteindre un point d'équilibre pour y faire contrepoids, prendra des efforts autrement plus importants que ceux que nous sommes appelés à déployer, premièrement.
Deuxièmement, nous sommes en opération depuis 40 ans. On n'a pas vécu des situations idéales tout le temps au point d'en arriver à un amalgame, un aloi qui soit idéal sur le plan de la protection du consommateur et la protection du marché ou du bon fonctionnement du marché, mais l'expérience, c'est l'expérience.
On a réussi à développer un certain nombre de mécanismes qui nous permettent de ménager un peu les deux côtés du mandat qui nous est imparti. C'est sûr que le BSIF pourrait, si le mandat lui en est donné, le faire. Mais ce qu'on vous dit dans notre mandat, c'est qu'il va y avoir très loin de la coupe aux lèvres. C'est ce que nous vous disons.
Le sénateur Hervieux-Payette: En tout cas, on est au moins certain que le surintendant pourra aller vous consulter avec vos quarante ans d'expérience pour mettre sur pied un tel bureau si jamais notre consultation générale nous amenait à penser que c'est là où doit se situer ce genre de protection.
Si justement on donne la permission au secteur bancaire de vendre de l'assurance, avec la problématique justement des ventes liées, vu que cette question, dans la Loi 188, a été discutée, où serait la meilleure place pour le consommateur qui voudrait se plaindre maintenant qu'une banque l'a forcé à prendre telle police d'assurance?
Est-ce que cela serait chez l'ombudsman ou chez le surintendant, qui lui pourra avoir justement un syndic ou un autre mécanisme de protection du consommateur qui doit avoir un arbitre, si après ses discussions avec la banque, il n'obtient pas satisfaction?
M. Gagnon: Avant de répondre à cette question, j'aimerais revenir à la précédente. L'équivalent du BSIF au Québec, c'est l'Inspecteur général des institutions financières. Celui-ci est tourné vers les règles prudentielles et il s'intéresse aux questions de solvabilité des institutions.
La Commission des valeurs mobilières, c'est pour les émetteurs. Elle se situe entre le consommateur et les émetteurs de valeurs mobilières, puis elle réglemente les courtiers.
Au Québec la même question se pose. Face à la mondialisation de la concurrence avec le phénomène des produits qui se ressemblent un peu partout, face au besoin d'amélioration en matière d'assurance, toutes les questions de protection du consommateur sont posées et le ministre n'y a pas répondu. Il avait annoncé qu'il allait nommer un comité de travail, à savoir: est-ce qu'on ne devrait pas faire de la Commission un organisme qui devrait s'occuper de ce qu'on appelle le «market conduct» de tout, y compris en assurance?
Est-ce qu'on devrait faire cela ou est-ce qu'on devrait fusionner l'Inspecteur et la Commission pour faire une espèce de BSIF qui s'occuperait de la solvabilité en même temps que le «market conduct»? Notre réponse était plutôt d'élargir, un peu comme en Australie -- le rapport MacKay y fait allusion --, la vocation de la Commission, pour en faire un organisme qui s'occupe plutôt de «market conduct» en matière d'assurance et en matière de valeurs mobilières.
C'était un peu ce vers quoi le Québec allait. La même question se pose au niveau canadien.
Le sénateur Joyal: Vous nous avez mentionné que vous n'aviez pas été sollicité de la part du groupe MacKay, ni directement ni indirectement. Est-ce que vous savez si vos collègues des autres provinces l'ont été d'une manière ou d'une autre?
M. Martel: Je suis informé par mon collègue de l'OSI, l'Ontario Securities Commission, qu'il y a un certain nombre d'échanges ou de rencontres avec monsieur MacKay. Je ne pourrais pas dire si le personnel de soutien du groupe de travail et le personnel de l'OSI ont travaillé ensemble là-dessus. Je ne le pense pas.
Le sénateur Joyal: Vous ne savez pas s'ils ont présenté un mémoire que manifestement vous n'auriez pas lu ou dont vous n'avez pas eu connaissance par la suite?
M. Martel: Je pense que l'information circule quand même assez bien à l'intérieur des autorités canadiennes en valeurs mobilières et s'il y avait eu un tel mémoire ou un tel exercice, c'est l'ensemble des commissions canadiennes qui auraient été associées à cela. Comme je ne l'ai pas été et que je n'en fais partie, je ne crois pas qu'il y ait eu de mémoire.
Le sénateur Joyal: Est-ce qu'il y a une sorte de chapeau canadien sur l'ensemble du marché vous permettant de partager avec vos collègues des autres provinces? J'imagine que la réponse est oui, mais je veux vous entendre élaborer là-dessus pour que nous puissions établir le cadre à l'intérieur duquel ma prochaine question s'insérera.
M. Martel: Absolument. Les autorités canadiennes en valeurs mobilières -- en anglais, le Canadian Securities Administrators, le CSA comme on dit toujours -- sont un forum informel qui existe depuis longtemps. Il est bien concret, mais il n'est pas corporatif.
Le premier CSA tire ses origines d'une décision qui a été prise autour des années 1930. C'est une organisation qui a énormément évolué au fil des ans. On est en train de se répartir la tâche de relever un certain nombre de défis sur un plan pancanadien. On se réunit quatre fois par année et on a des appels conférences de plusieurs heures pour discuter des questions communes qui intéressent l'ensemble des marchés canadiens.
Les marchés canadiens de valeurs mobilières sont bien intégrés, ce sont plusieurs firmes nationales contrôlant des volumes extrêmement importants d'opérations sur le marché. Nous devons répondre à cela.
C'est la même chose pour les émetteurs: les émetteurs d'envergure tentent toujours de s'adresser la plupart du temps au marché canadien lorsqu'ils veulent faire des émissions sur un plan national.
Nous devons absolument faire face à ces situations et c'est pourquoi on se répartit les tâches et qu'on s'organise pour libérer tout le potentiel des ressources que nous avons ensemble.
Je vais vous donner un exemple qui peut être pertinent à cette discussion: On a eu notre dernier CSA, à Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, il y a deux ou trois semaines. Le Québec a été mandaté par le groupe d'autorités canadiennes en valeurs mobilières pour développer un projet qui nous amènerait à donner tout le service de l'application de la réglementation pour les rapports d'initiés, pour l'ensemble du Canada.
Nous serions les maîtres d'oeuvre de ce système ou de ce régime et nous nous assurerions finalement que les différentes législations et réglementations qui sont en vigueur dans les juridictions du Canada soient respectées. Nous rendrions disponible au public l'information déposée par ceux qui ont des participations importantes dans les compagnies.
Le Québec s'occupe ou s'occupera de cela avec l'aval des autres autorités canadiennes en valeurs mobilières. Une des retombées bénéfiques de l'autofinancement est qu'on s'assure de remplir notre mandat sur une base beaucoup plus efficace qu'avant.
Le sénateur Joyal: Cette association ou regroupement, est-ce qu'il a été consulté par le groupe MacKay?
M. Martel: Pas à ma connaissance.
Le sénateur Joyal: À la page 7 de votre mémoire, vous exprimez la réalité d'un modèle unique de concertation. Vous avez parlé d'une association non corporative mais quand même professionnelle. Est-ce à l'intérieur de cette association que vous avez développé ce modèle? Selon le terme de notre mandat qui est l'avenir, est-ce que c'est avec cette association que dorénavant le Service canadien devrait traiter afin de mettre en place les suggestions du rapport Mackay touchant les valeurs mobilières?
Il serait utile de vous indiquer qu'on a mis une annexe à notre mémoire formel. Il y a eu mes notes de présentation, mais il y a également un mémoire préparé par la commission. À la page 23 de notre mémoire, vous allez retrouver le régime de concertation ou le modèle auquel vous faites référence. On appelle cela le régime d'examen concerté. Vous allez retrouver un état et une description des principales caractéristiques.
Cela permet à un émetteur de s'adresser à la Commission de la juridiction où il a son siège social. Il s'adresse à cette commission et la commission concernée fait le travail pour l'ensemble des commissions. Elle se charge d'aller chercher les commentaires des autres juridictions. Elle se charge également d'interagir avec l'émetteur, mais ce dernier ne fait affaires qu'avec sa commission.
Le sénateur Joyal: Avec sa commission territoriale?
M. Martel: La commission de prédilection. Nous avons retenu le critère du siège social parce que c'est celui qui nous apparaissait rendre le plus justice aux décisions corporatives qui sont prises, mais c'est un guichet unique qui donne accès à l'ensemble du marché canadien et à l'ensemble du cadre réglementaire que nous appliquons collectivement. Ceci est pour les émetteurs eux-mêmes.
Pour les représentants et les courtiers, c'est exactement le même principe. Ils peuvent aller voir la commission qui les réglemente ou l'endroit où ils ont leur siège social ou l'endroit où ils sont établis. Alors un représentant du Québec va venir voir la Commission des valeurs mobilières du Québec et c'est elle qui va lui donner le service. S'il veut faire affaires dans plus d'une province ou dans l'ensemble des provinces et des deux territoires, c'est au Québec qu'il va avoir le service.
Finalement, nous sommes allés plus loin encore parce que nous avons un statut hybride, c'est-à-dire que notre organisme s'occupe d'opérations; nous révisons les prospectus, nous émettons des visas et nous émettons des inscriptions pour les intermédiaires. Nous sommes également une tribunal administratif.
Il est possible de s'adresser au tribunal de chacune des commissions pour avoir des exemptions. On a le pouvoir d'accorder des exemptions relativement à l'application de certaines règles et ce, si on nous convainc que c'est dans l'intérêt public ou que ce n'est pas contraire aux intérêts de l'investisseur. Ces demandes de dispense sont très fréquentes en considérant l'envergure pancanadienne des opérations de nos clientèles. Donc cela donne juridiction à plus d'un régulateur ou à plus d'une commission. Les demandes de dispense les plus courantes sont également couvertes par le régime d'examen concerté, de telle manière que si vous voulez avoir une dispense pour une opération qui vise l'ensemble des juridictions canadiennes, vous pouvez vous adresser à la province ou à la commission où vous avez des liens. Si c'est un émetteur canadien, c'est la commission du siège social. Si c'est un émetteur étranger, il faut qu'il y ait certains éléments qui relient le requérant étranger à la juridiction à laquelle il va s'adresser, mais il reste que c'est encore un guichet unique.
Autrement dit, chaque commission de valeur exerce sa juridiction en vertu de ses compétences. C'est ce qui nous permet, si vous voulez, de faire d'une pierre deux coups, de ménager la chèvre et le chou parce qu'on connaît notre marché. En tout cas, les principales commissions ont leur propre bourse à surveiller. On connaît notre milieu mieux que quiconque.
Je dirais qu'il y a des avantages administratifs, des avantages d'efficacité qui sont afférents à cela. Donc on ne le perd pas parce qu'on a un système où on réglemente de façon assez identique sur les dénominateurs communs réglementaires qu'on se détermine. On a une action intégrée à l'échelle canadienne, mais on a quand même juridiction. On est capables de faire un certain nombre de choses dans notre juridiction, des choses dont les autres commissions ailleurs au Canada s'inspirent très régulièrement.
On a des bassins d'expérimentation un peu partout. Dans l'Ouest, vous avez une certaine approche, un certain type de consommateur, d'investisseur. Au Québec, c'est un autre type, en Ontario c'est un autre type et dans les Maritimes, c'est aussi un autre type de consommateur. On est capable d'accommoder cela tout en gardant l'efficacité d'un système bien intégré où les règles sont connues. Vous avez, en annexe, les règles du jeu qui s'appliquent à tout le monde. Les gens peuvent se fier à cela.
Le sénateur Joyal: Est-ce qu'au cours des prochaines années, cet organisme de partage d'objectifs qui vise une certaine forme d'harmonisation des obligations et du suivi des marchés de protection serait formalisé d'une façon institutionnelle pour assurer une plus grande souplesse et une plus grande fiabilité du marché? Parce que finalement, ce sont les deux objectifs qu'on essayait de viser par le projet de commission nationale.
M. Martel: C'est une question qui est dans le paysage depuis un certain nombre d'années et peut-être avec plus d'acuité et de pertinence depuis deux ans. Selon moi, il y aurait tout avantage.
À l'heure actuelle, nous sommes appelés à financer des exercices communs. Si, par exemple, on veut intégrer nos différents systèmes de traitement de données et nos différents systèmes informatiques pour agir comme une grande firme, établir des ponts entre les banques de données, et caetera, il faut engager des consultants. Il faut vraiment prévoir des plans directeurs informatiques pour favoriser cette intégration et il faut financer tout cela. À l'heure actuelle, il y a quatre commissions au Canada qui sont autofinancées: nous, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. C'est nous qui mettons nos ressources à profit pour réaliser des exercices qui redéploient et génèrent des bénéfices pour l'ensemble des différentes commissions au Canada.
À un certain moment, il va falloir être capable de répartir la charge -- les coûts que la réglementation implique pour nous -- de façon équitable à l'échelle du pays. Probablement que la création d'une organisation plus formalisée serait une solution. Quand on parle d'une organisation plus formalisée, on entend une société à but non lucratif encadrée par un certain nombre de statuts qui accommoderaient les réalités de marché canadiennes. Les seules qui ne sont pas autofinancées, les commissions, ont des budgets votés par leur législature respective.
Donc il s'agit d'avoir une association qui serait pratiquement incontournable, à laquelle on n'aurait pas le choix d'appartenir si on veut être efficace comme régulateur dans sa juridiction. Cela amènerait probablement tout le monde à contribuer au financement sous forme de cotisations.
[Traduction]
Le sénateur Kirby: J'ai deux questions à poser portant sur les pages 14 à 17 de votre rapport. L'une concerne les sociétés financières de portefeuille et l'autre l'admission des organismes de placement collectif du marché monétaire et les firmes de courtage en valeurs mobilières dans l'Association canadienne des paiements.
Comme vous l'avez mentionné correctement dans votre rapport, lorsque notre comité a, en 1990 recommandé d'autoriser la création de sociétés financières de portefeuille comme un moyen d'offrir une souplesse organisationnelle supplémentaire aux entreprises, nous avons également mentionné qu'elles devraient être soigneusement structurées pour éviter des conflits potentiels de juridiction entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Vous y faites référence et ensuite, à la page 15, vous proposez votre solution:
Il suffirait donc, selon nous, de prévoir un pouvoir équivalent si, comme le propose le Rapport, une telle prise de participation par une même personne dans les actions votantes d'une banque devenait chose possible.
Je ne sais pas ce que vous voulez dire par «pouvoir équivalent», mais la question plus large qui se pose est la suivante: étant donné qu'il est souhaitable de maximiser la souplesse pour les entreprises dans le secteur des services financiers -- et c'est nettement ce que fait une société de portefeuille quelconque -- que devons-nous faire sur le plan fédéral pour nous assurer que la société de portefeuille devienne une option disponible pour le secteur privé, tout en évitant en même temps un conflit de juridiction entre le gouvernement fédéral et les provinces? Est-ce qu'une structure particulière pour une société de portefeuille résoudrait ce problème?
[Français]
M. Gagnon: Non, je ne dirais pas qu'il y a une structure particulière de la société de portefeuille qui doit être souhaitée quelle que soit l'autorité. À l'heure actuelle, il y a deux banques au Québec qui ont des filiales: des sociétés de fiducie et des assureurs qui sont d'incorporation provinciale. Elles ont aussi des courtiers en valeurs mobilières et des conseillers en valeurs mobilières qui sont de juridiction provinciale. Si la possibilité d'une restructuration leur est offerte pour obtenir plus de souplesse, on va avoir une société de portefeuille et une banque de compétence fédérale et les autres institutions seront de compétence provinciale. Si vous adoptez une loi qui oblige l'incorporation fédérale et qui réglemente la société de portefeuille, vous venez dire aux autorités provinciales de surveillance qu'elles n'ont plus le droit d'inspecter parce que habituellement, c'est le gouvernement fédéral qui inspecte les institutions financières ou des organismes réglementés par le fédéral. Donc vous subordonnez un peu les autorités provinciales de réglementation à une autorité fédérale pour obtenir des informations.
Il s'agit donc d'abandonner toute idée d'incorporation obligatoirement fédérale. Il faut les laisser libres de s'incorporer partout où elles veulent, même à l'étranger. Nous pensons qu'on peut imposer des conditions, soit des normes de propriété, des conditions de capital ou toute autre condition. Ce sont des règles qui visent l'actionnaire, la société de portefeuille et non la banque ou les institutions.
Dans la Loi sur les banques, il y a des règles qui visent les actionnaires. L'actionnaire, qui est la société de portefeuille, devra obtenir une permission du ministre pour passer le cap de 10 p. cent. Il s'agit que la loi prévoie que le ministre puisse imposer des conditions en matière de propriété. La loi peut prévoir que la société de portefeuille, pour détenir plus de 10 p. cent, doit respecter les mêmes règles de propriété qu'une banque et les normes de capital. Il y a des moyens de faire cela dans la Loi sur les banques pour qu'administrativement, le gouvernement fédéral puisse faire en sorte que la société de portefeuille respecte les règles. L'autorité provinciale pourrait aussi, dans les dispositions concernant les actionnaires, imposer ses règles et ce, sans obligation d'incorporation. C'est seulement une question technique, mais c'est pour s'assurer que les organismes de réglementation, et fédérale et provinciale, aient accès. Je pense qu'il existe un modèle aux Etats-Unis où la société de portefeuille n'est pas réglementée, où chaque autorité en valeurs mobilières, en assurances, a accès à toute l'information dont elle a besoin. Par ces règles, au niveau des actionnaires, nous pourrions obtenir exactement le même effet.
M. Martel: Je me permets d'ajouter que le conflit fédéral-provincial potentiel auquel se référait ce comité en 1990, puis auquel votre question fait allusion, répond à la préoccupation des autorités de surveillance de s'assurer que dans la structure de contrôle de l'institution financière qui les réglemente, il n'y a pas de risques qui pourraient venir contourner ou mettre en péril l'application des règles des institutions financières réglementées. C'est un débat qui a existé, qui s'est tenu aux États-Unis et ailleurs. C'est le régulateur de l'institution qui est contrôlé par la société de portefeuille. Il veut avoir accès à l'information, il veut être capable d'aller vérifier si au niveau de la structure de propriété, il n'y a pas des risques dont il n'avait pas connaissance.
De plus, il peut y avoir d'autres préoccupations plus positives. Par exemple, la capacité de capitalisation de la société de portefeuille dans le but de favoriser la capitalisation de l'institution financière qui est contrôlée. Cependant, ce sont des préoccupations, des problèmes de surveillance et cela peut se régler entre les différentes autorités de réglementation.
Sur certains aspects, on a des préoccupations similaires à celles d'autres autorités de surveillance. Il est certain que si on avait le pouvoir d'imposer un certain nombre d'exigences à la société de portefeuille, cela provoquerait une discussion. Il faudrait régler dans la mesure où tout le monde est d'accord pour avaliser une telle structure de propriété, mais c'est au législateur, finalement, de décider.
[Traduction]
Le sénateur Kirby: C'est une bonne synthèse. Je comprends la démarche américaine à ce sujet, alors je vois ce qui peut être fait. À la toute fin de vos commentaires, vous avez soulevé la question de l'admission des organismes de placement collectif du marché monétaire et des firmes de courtage en valeurs mobilières dans l'Association canadienne des paiements. Toutes les autres personnes auxquelles nous avons parlé pensent que c'est une idée merveilleuse, mais une chose pique ma curiosité. Vous dites qu'il est loin d'être clair que cet accès direct des organismes de placement collectif et des courtiers au système des paiements ne puisse pas présenter d'autres types de risques qu'il nous faudra prévenir du point de vue de la réglementation des valeurs mobilières. Quels autres types de risques pourraient découler de l'admission des organismes de placement collectif et des firmes de courtage dans le système bancaire canadien?
[Français]
M. Martel: On se pose probablement la même question. Rappelez-vous du projet de loi C-100 sur la compensation et le règlement. À l'époque, on avait chaudement discuté de l'opportunité de prévoir une responsabilité de la Banque du Canada quant à l'encadrement des risques systémiques à l'intérieur du système de compensation et de règlement des valeurs mobilières. Vous vous souviendrez de certaines préoccupations qui avaient été exprimées, par exemple: «Si vous prenez une définition de risques systémiques qui est large comme cela, est-ce que cela veut dire que la Banque du Canada va creuser dans le système de compensation pour aller voir ce qui se passe chez les courtiers?»
Pour un gros courtier, je dirais que la préoccupation peut émerger dans la mesure où le débat sur les fusions se trouve à le favoriser. On se posait ces questions et je pense que les faits parlent pour moi. Les discussions ont démontré que ce n'était pas évident qu'il ne pouvait pas y avoir un certain nombre de duplications dans la mesure où les gens n'auraient pas été conscients qu'il ne fallait pas qu'il y en ait. Alors dans le cas de l'adhésion éventuelle des courtiers en valeurs mobilières dans l'Association canadienne des paiements, on ne souhaite pas qu'une situation semblable à celle qui s'est passée lors des discussions sur la compensation et le règlement des opérations de valeurs se reproduise.
C'est sûr que tout le monde est de bonne volonté là-dedans et que personne ne veut avoir un système déréglé par des mauvaises opérations de ses membres. Si c'est bon pour la compensation des opérations de valeurs, c'est bon pour le système de paiement. On ne nie pas, au départ, qu'il puisse y avoir des bénéfices importants pour les courtiers ou les compagnies de fonds. On dit qu'il va falloir se parler parce qu'il faut que cela fonctionne aussi pour nous.
[Traduction]
Le sénateur Kirby: Nous sommes dans la même situation, par le fait que nous pensons tous les deux que c'est une bonne idée. Essentiellement, vous avez mentionné que ce n'est peut-être pas aussi pur, facile et simple qu'on le décrit généralement.
[Français]
M. Martel: Cela peut être un accouchement douloureux.
Le président suppléant: Le prochain témoin sera le professeur Jean Roy de l'École des Hautes Études Commerciales de l'Université de Montréal. Le sénateur Kirby reprendra la présidence.
Le sénateur Michael Kirby (le président) reprend le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup de votre visite, professeur Roy. En raison du temps qui passe, au lieu de lire vos huit pages, vous pourriez en dégager les points saillants et ensuite nous pourrons vous poser quelques questions. Faites comme si la durée de votre conférence venait soudain d'être écourtée.
[Français]
M. Jean Roy, professeur, École des Hautes études commerciales: Premièrement, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion d'exprimer mon opinion sur le rapport MacKay. Mon rapport est en deux parties. En première partie, je vais identifier les forces et les faiblesses globales du rapport telles que je les vois et en deuxième partie, je vais donner des opinions concernant certaines propositions spécifiques du groupe de travail.
À mon avis, la principale force du rapport MacKay est l'équilibre dont il fait preuve. J'identifie quatre grands types d'équilibre qui ont été respectés. Premièrement, il y a un équilibre entre le changement et la stabilité. Ce qui frappe le plus, ce sont les changements, mais beaucoup d'éléments ont été conservés et vont assurer la solvabilité et la stabilité du système financier canadien. Deuxièmement, il y a un nouvel équilibre qui va être créé entre les fournisseurs et les consommateurs de services financiers. Certaines mesures pourraient créer des fournisseurs plus forts et le rapport a été très prudent pour tenter de renforcer la position des consommateurs.Troisièmement, il y a un équilibre entre les futurs fournisseurs des services financiers, que ce soit les grands, les moyens ou les petits, qu'ils soient de capital-actions, des mutuelles ou des coopératives. Je trouve cela très bien. Finalement, je crois qu'il y a un équilibre entre les intérêts nationaux. Il faut bien le dire, certaines mesures restent un peu protectionnistes et le rapport explique pourquoi on a raison, dans le cas du système financier, d'avoir cette attitude et pourquoi on a une plus grande ouverture vis-à-vis l'international.
La seconde grande force, quant à moi, c'est son envergure. Il est clair que plusieurs questions sont touchées et le rapport est très bien supporté par 18 études de recherche. Après avoir identifié toutes ces grandes qualités, il reste certaines faiblesses dans ce rapport. Selon moi, il n'est pas tout à fait exhaustif étant donné le défi d'analyser tout le système financier.
Il y a certains points comme les régimes d'indemnisation où il ne réussit pas à faire des recommandations univoques. Il y a aussi certaines questions qui ne sont pas traitées d'une manière suffisante et j'identifie ici l'approche fonctionnelle à la réglementation, les implications nationales, les risques internationaux pris par les institutions financières canadiennes et l'encadrement du secteur des valeurs mobilières. Donc au total, je crois qu'il s'agit d'un excellent rapport. Je supporte la très grande majorité des propositions, mais dans ce qui va suivre, je mettrai plutôt l'accent sur les points avec lesquels je diverge d'opinion ou les points qui n'ont pas été suffisamment élaborés par le groupe de travail.
[Traduction]
Les propositions du rapport sont susceptibles d'affecter la structure du secteur financier, soit parce qu'elles modifient les activités permises aux institutions et les règles touchant la propriété des institutions. Je suis en faveur de toutes les propositions élargissant les activités permises aux institutions financières -- ventes d'assurances dans les succursales bancaires, crédit-bail automobile et libéralisation de l'accès au système de paiement.
Dans l'ensemble, je suis aussi d'accord avec la plupart des dispositions touchant la propriété: priorité à la propriété canadienne, maintien du principe de la propriété largement répartie pour les grandes institutions et ouverture vis-à-vis des regroupements et des sociétés de portefeuille. J'ai cependant quelques réserves, en particulier concernant l'évolution de la règle du 10 p. 100.
Je crains que tous les assouplissements introduits érodent tellement cette règle qu'ils ne la fassent disparaître à terme. Je supporte l'idée de permettre la propriété à 100 p. 100 pour les institutions de moins d'un milliard $ de capital. J'appuie aussi l'idée d'une classe de transition pour celles entre 1 et 5 milliards $ de capital. Cependant, je proposerais de briser cette classe elle-même en deux: la propriété à 65 p. 100 ne serait permise que jusqu'à un capital de 2,5 milliards $ et, pour la tranche 2,5 à 5 milliards $, la limite de propriété serait réduite à 35 p. 100.
Selon le document d'information no2 du groupe de travail, il y aurait actuellement quatre institutions financières à charte fédérale dans l'intervalle de 1 à 5 milliards $ de capitalisation. Si l'on se réfère à la pièce 2.6 à la page 39, il s'agit de la Banque Nationale, de CT Financial, de Canada-Vie et de La Mutuelle du Canada. Je suis défavorable à l'idée qu'un seul actionnaire puisse prendre le contrôle légal de ces institutions. Une position de 35 p. 100 serait largement suffisante pour que l'actionnaire principal puisse exercer un contrôle important sur ces entreprises.
J'adopte cette position parce qu'il est très difficile d'analyser l'incidence de la concentration au Canada. J'attends avec beaucoup d'impatience le rapport du Bureau de la concurrence, mais je soupçonne qu'ils éprouvent actuellement beaucoup de difficultés à en arriver à une conclusion globale parce que, dans certains secteurs, c'est réellement un milieu très concurrentiel et, dans d'autres, probablement beaucoup moins.
La grande vertu de la règle de 10 p. 100, c'est qu'elle assure que si, et je souligne «si», il y a des profits oligopoles ou des profits provenant de la concentration, ils sont redistribués. Si nous supprimons cette règle, alors nous permettons de concentrer ces profits excessifs entre les mains d'un seul actionnaire.
Aussi, je suis plutôt défavorable aux assouplissements suggérés par le groupe de travail pour la classe des institutions au-delà de 5 milliards $ de capital. Selon moi, la règle du 10 p. 100 a des avantages très intéressants et il est important de la maintenir avec une certaine rigueur. D'autre part, il est également vrai qu'elle comporte des inconvénients comme celui de conférer plus de pouvoir aux gestionnaires face à un actionnariat fractionné. Je suis donc un peu déçu que le groupe de travail ne se soit pas penché davantage sur ce problème et n'ait pas examiné plus en détail l'antidote que constitue le vote cumulatif, qui devrait peut-être être imposé aux grandes institutions.
Concernant le processus d'examen des fusions, je suis tout à fait d'accord avec la position du groupe de travail. Je n'ai qu'un regret, c'est que le groupe de travail n'ait pas davantage précisé les exigences à fixer aux grandes institutions voulant fusionner quant au contenu du document d'impact social attendu d'elles.
Enfin, McKinsey and Company, dans son document de recherche intitulé «L'évolution du secteur des services financiers au Canada», identifie trois stratégies que le gouvernement pourrait suivre face au secteur financier. La première est celle des États-Unis et du Royaume-Uni, qui consiste à adopter une attitude de non-intervention en matière de concurrence. La seconde, celle de la Suisse et de la Hollande, favorise l'émergence de champions nationaux et internationaux. La troisième, celle de l'Australie, vise à adopter une approche modérée qui met en balance la promotion de la concurrence et les avantages d'avoir des intervenants majeurs sur la scène internationale.
Je déplore le fait que le groupe de travail n'ait pas jugé bon d'examiner davantage, dans son rapport final, les avantages et les inconvénients de chacune des stratégies pour le Canada. Quant à moi, je pencherais pour la seconde option. Étant donné la taille du Canada à l'échelle mondiale, l'émergence de champions nationaux pourrait avoir de nombreux avantages. Le premier serait de pouvoir créer au Canada des emplois de haut niveau grâce à l'exportation de nos services financiers. Le second serait d'avoir un fort réseau bancaire pouvant appuyer les entreprises canadiennes à l'étranger.
Enfin, tel que votre comité le note dans son «Étude comparative spéciale sur la réglementation des services financiers», la présence d'entreprises financières majeures à l'échelle internationale donnerait plus de poids au gouvernement canadien dans ses interventions auprès des organismes internationaux de réglementation. D'autre part, l'exportation de services financiers, en particulier ceux liés au crédit, implique des risques très importants, notamment la possibilité d'importer des problèmes économiques étrangers. Il faut donc se prémunir contre cette éventualité. Dans ce sens, le nouveau mécanisme de société de portefeuille offre des possibilités intéressantes. L'exemple de la banque ING de Hollande ne devrait-il pas servir de modèle aux banques canadiennes? Au sommet, une société de portefeuille possède une filiale chargée des opérations nationales et, parallèlement, une autre filiale s'occupe des activités internationales. Elle sépare les risques en mettant jusqu'à un certain point la filiale nationale à l'abri des risques pris à l'étranger. Le gouvernement pourrait même envisager d'imposer cette structure.
Le rapport MacKay souligne l'importance de la mission sociale des institutions financières. Il demande l'accès aux services financiers pour tous les Canadiens et recommande que «toutes les institutions de dépôt et sociétés d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral» fassent périodiquement rapport quant aux activités qu'elles entreprennent pour assumer leurs responsabilités envers la collectivité. En clair, le groupe de travail suggère une version canadienne assouplie de la «Community Reinvestment Act» américaine.
Ces recommandations sont très louables et on peut difficilement s'y opposer. Cependant, il faut réaliser qu'il y a un potentiel de mettre les grandes institutions canadiennes dans une situation difficile puisque, d'une part, on leur demande de jouer un rôle social et, d'autre part, le nouvel environnement financier risque de les mettre en compétition avec divers types de sociétés de financement qui n'auront pas à remplir de telles obligations. Il faudrait à mon avis examiner plus en détail cette problématique pour assurer que les conditions de concurrence seront vraiment les mêmes pour tous les participants.
Le rapport suggère d'élargir le rôle de l'Ombudsman bancaire canadien pour qu'il puisse agir sur l'ensemble des services financiers. J'appuie pleinement cette recommandation. Depuis, je crois que le rôle de l'Ombudsman devrait aussi être étendu à tout le champ de la protection des consommateurs et non pas seulement à la médiation lors de problèmes individuels. Il m'apparaît clair que la protection des consommateurs au niveau collectif et au niveau individuel se complète. L'accumulation de problèmes individuels d'un même type amène à proposer des mesures d'ordre collectif et les mesures d'ordre collectif réduiront le fardeau de cas individuels à traiter. Ainsi, je suggère que l'Ombudsman s'occupe des questions de transparence des contrats, de protection face aux ventes liées et de normes d'accès aux services financiers.
[Français]
L'évolution des institutions publiques: le rapport MacKay suggère d'étendre la responsabilité du Bureau du surintendant des institutions financières pour qu'il comporte un volet sur la protection des consommateurs. Je suis en désaccord avec cette recommandation parce qu'elle placera le BSIF en situation de conflit. La mission première du BSIF est d'assurer la stabilité et la solvabilité du système financier canadien. Or, la rentabilité des institutions est un facteur très important pour favoriser leur solvabilité. D'autre part, plusieurs des mesures de protection du consommateur sont susceptibles d'affecter négativement la rentabilité des institutions financières et donc, par voie de conséquence, leur solvabilité. Si le BSIF se voyait confier un mandat supplémentaire de veiller à la protection des consommateurs, il se trouverait régulièrement dans des situations mettant en conflit sa responsabilité face à la solvabilité des institutions et celle face à la protection des consommateurs. D'ailleurs, l'enquête internationale des professeurs Kryzanowski et Roberts auprès des organismes de réglementation et de supervision, présentée à l'appendice 2 du mémoire du BSIF au groupe de travail, met bien en lumière les problèmes liés à une double mission. En conséquence, il me semble plus cohérent de confier le mandat de protection des consommateurs à un ombudsman aux fonctions élargies, tel que mentionné ci-dessus.
En ce qui a trait aux régimes d'assurances pour les consommateurs, le groupe de travail recommande de fusionner progressivement la Société d'assurance-dépôts du Canada et la Société d'indemnisation pour les assurances de personnes soit en société publique ou soit en une société privée. D'une part, je trouve malheureux que le groupe de travail n'ait pu en venir à une recommandation plus claire. D'autre part, je ne comprends pas pourquoi le groupe de travail n'a pas endossé la proposition décrite dans le mémoire de février 1998 de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Dans cette proposition, l'ACCAP proposait de privatiser l'actuel SADC pour la mettre sur le même pied que la SIAP et les deux autres régimes privés d'indemnisation, soit la Société d'indemnisation pour les assurances générales et le Fonds canadien de protection des épargnants. Puis l'ACCAP suggérait de créer un organisme public de supervision des régimes d'indemnisation qui pourrait intervenir en cas de difficultés financières de l'un d'eux. Quant à moi, cette proposition plus intéressante puisqu'elle uniformiserait les conditions de protection des consommateurs pour tout le secteur des services financiers. Je suggère que le gouvernement reconsidère cette proposition de l'ACCAP.
Dans son document de discussion de juin 1997, le groupe de travail soulevait la question de la réglementation en matière de valeurs mobilières (point 4.10 à la page 42). Spécifiquement, il posait la question suivante:
Si le projet de commission nationale des valeurs mobilières ne se concrétise pas ou que la Commission s'avère peu efficace, y a-t-il d'autres mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre à l'égard de toute cette question?
Cette question est très importante. On ne peut analyser un système financier moderne sans considérer le secteur des valeurs mobilières. Malheureusement, selon toute probabilité, pour des raisons constitutionnelles et politiques, le groupe MacKay n'a pas traité de cette question dans son rapport final. Je crois qu'il serait bénéfique pour le pays d'avoir un organisme central de réglementation des valeurs mobilières. Il faudrait accepter que cohabitent des institutions provinciales et nationales. Il faudrait laisser aux citoyens le droit de sélectionner l'organisme de réglementation auquel ils souhaitent se subordonner, de la même manière qu'il est possible de choisir une charte provinciale ou fédérale pour opérer une compagnie de fiducie ou une compagnie d'assurance. Alors, on crée un contexte où peut s'installer une compétition entre les régulateurs, ce qui est souhaitable pour rendre le marché plus efficient et dynamique. À la limite, le gouvernement fédéral pourrait considérer un troc de pouvoirs avec les provinces par lequel les gouvernements provinciaux accepteraient l'intervention du gouvernement fédéral dans le secteur des valeurs mobilières en contrepartie du droit d'accorder des chartes de banques régionales.
Enfin, il est décevant de constater que le groupe de travail a décidé de ne pas analyser la question de l'approche fonctionnelle à la réglementation. Il est clair que les considérations de solvabilité feront qu'il sera toujours nécessaire d'avoir une certaine part de réglementation institutionnelle. La réglementation par activité ou fonctionnelle comporte des avantages importants. Elle peut assurer un cadre réglementaire plus stable et plus équitable. Le groupe de travail aurait pu procéder à un examen des caractéristiques des deux approches à la réglementation et considérer les possibilités de les combiner pour tirer profit des avantages de chacune.
En conclusion, dans l'ensemble, le rapport du groupe de travail répond adéquatement aux besoins qu'ont les institutions financières de s'adapter au nouvel environnement. Sa grande qualité est l'équilibre dont il fait preuve. Sa principale lacune est d'avoir mis de côté certains thèmes pertinents pour la réforme actuelle. Au total, il apporte néanmoins une contribution très significative à l'évolution de l'encadrement du secteur financier canadien.
Dans ce commentaire, j'ai souligné certains points où je divergeais quelque peu d'opinion. En particulier, je souhaiterais que les règles de propriété ne soient pas autant relâchées en ce qui concerne la concentration de la propriété. Je préférerais que le BSIF ne reçoive pas de mandat de protection des consommateurs et que ses tâches soient plutôt confiées à un ombudsman aux fonctions élargies. Enfin, je serais en faveur de la privatisation de la SADC et de la mise en place d'un système qui traite tous les régimes d'indemnisation du secteur financier de manière uniforme.
Malgré la qualité indéniable du rapport MacKay, il est heureux que le gouvernement se donne l'occasion de réviser ses recommandations avant de les mettre en application. Mes quelques remarques ont voulu contribuer de façon constructive à cet exercice collectif.
[Traduction]
Le président: J'aimerais vous poser une question portant sur vos commentaires formulés à la page 5, qui portent sur la proposition du rapport pour des déclarations de responsabilité envers la collectivité. J'ai été assez surpris de constater qu'un économiste d'une école de commerce qualifiait les déclarations de responsabilité envers la collectivité de «très louables». Il me semble qu'elles ont un caractère interventionniste de premier ordre, qu'elles imaginent clairement un volet d'un système de réglementation, par opposition aux forces du marché, que l'on utilise comme la discipline sur le marché.
Tout d'abord, j'ai été surpris que votre point de vue soit celui-là. Ensuite vous avez déclaré -- et maintenant vous avez vraiment semé la confusion dans mon esprit -- que l'on demande d'une part aux grandes institutions financières de jouer un rôle social. C'est vrai, mais j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi elles devraient le faire. D'autre part, vous dites que le nouvel environnement financier risque de les mettre en compétition avec divers types de sociétés de financement qui n'auront pas à remplir de telles obligations. On peut présumer que cela crée des règles du jeu qui ne sont absolument pas équitables. Puisque vous comprenez la nature des règles du jeu non équitables qui en découleraient, je suis curieux de savoir pourquoi vous pensez que nous devrions demander aux institutions financières de remplir une obligation sociale en dehors des sortes d'obligations sociales que nous imposons à toutes sortes d'entreprises, comme la réglementation environnementale. Pourquoi nous sommes-nous écartés du marché pour aller vers des règlements sociaux?
M. Roy: Il me semble que la première obligation sociale des institutions financières consiste à garantir l'accès au système pour tout le monde. En clair, cela signifie qu'elles doivent accepter des clients qui ne seront probablement pas rentables. Le système de paiement comporte une dimension de service public et de plus en plus de groupes de consommateurs exercent des pressions sur les institutions pour donner à tout le monde l'accès à ce système. Nous savons qu'en France et en Belgique, il existe déjà des chartes écrites qui garantissent que tous les résidants ont le droit d'ouvrir un compte à leur gré. C'est la première dimension.
J'ai dit que c'est louable, parce que j'estime que c'est une situation de compromis. Nous devons faire preuve de beaucoup de prudence dans la conception de ce compromis. Ce que le rapport MacKay propose, c'est une «approche en douceur» -- pas encore une réglementation, mais juste une divulgation, en précisant simplement aux institutions qu'elles doivent remplir ce rôle. Nous espérons qu'elles répondront à cette pression sociale et feront rapport, et nous espérons que ces rapports volontaires, ou dans une certaine mesure non réglementés, seront suffisants et que nous n'aurons pas besoin d'adopter une ligne de conduite plus stricte.
Le président: Je suis d'accord avec la première partie de votre déclaration, dans laquelle vous dites que, dans un sens, les services financiers comportent un volet de service public, et que l'on veut donc un volet d'universalité. Toutefois, je ne comprends pas le lien entre cet aspect et la déclaration des responsabilités envers la collectivité.
Permettez-moi de sortir cela du domaine des services financiers. Bell Canada, qui est un service public, n'est pas tenue, et je n'ai jamais entendu dire qu'elle devrait être tenue de le faire, de fournir une forme quelconque de déclaration de responsabilité envers la collectivité. D'importantes industries axées sur les ressources naturelles, comme la foresterie, qui représentent le principal employeur dans de nombreuses collectivités, ne sont pas tenues de publier annuellement une déclaration concernant leurs actions dans ces collectivités.
En supposant que nous abordions votre volet de service public, qui est une question d'accès universel, pourquoi devrions-nous assujettir les institutions financières à une norme de responsabilité publique différente de celle que nous exigeons même des monopoles?
M. Roy: C'est une question de contexte. Il est clair que nous sommes influencés par ce qui se passe aux États-Unis. Il est également clair que le rapport MacKay est une réaction, en particulier à la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire, qui a mené une guerre de mémoires sur ce sujet. J'estime que ces éléments sociaux ont pu exercer une pression sur les auteurs du rapport MacKay pour proposer cela. Je suppose que certaines personnes espéreront qu'il s'agit seulement d'un premier pas, que nous pouvons exiger cela de nos grandes banques parce qu'elles peuvent se le permettre, et qu'en fin de compte nous pourrons imposer des exigences semblables à d'autres entreprises. Une pression politique et sociale s'exerce sur les entreprises pour qu'elles soient socialement responsables. Ce pourrait bien n'être qu'un premier pas.
Le président: Mon objection ne porte pas sur la notion de responsabilité sociale, mais je suis préoccupé par le fait d'imposer à un secteur de l'économie des conditions que nous n'imposons pas à quiconque d'autre. J'ai entendu votre commentaire à propos de la situation aux États-Unis, par exemple, mais bon nombre de choses s'appliquent aux services financiers des États-Unis et pas à ceux du Canada, et la majorité d'entre nous n'aimeraient pas que ces éléments s'appliquent au Canada. Je ne sais pas pourquoi nous pourrions cibler ce secteur particulier. Je ne prétends pas qu'une telle mesure n'obtiendrait pas une immense popularité politique, mais nous essayons ici d'examiner les politiques publiques par opposition à une politique étroite, et je n'ai encore trouvé personne qui peut m'expliquer pourquoi c'est une bonne politique publique.
[Français]
Le sénateur Joyal: Je voudrais revenir à la partie de votre mémoire où vous soulignez les lacunes du rapport MacKay. Les représentants de la Commission des valeurs mobilières du Québec que nous avons rencontrés ce matin ont fait état d'un certain nombre de ces lacunes et vous les avez confirmées dans votre mémoire. Je voudrais m'attarder sur un aspect qui est extrêmement important et qui a été très peu soulevé dans les témoignages antérieurs, et je cite votre mémoire à la page 3:
Les implications nationales des risques internationaux pris par les institutions canadiennes.
Vous faites état de ces éléments de discussion qui sont un élément essentiel de politique, de gestion des services financiers à l'avenir, puisque, avec la mondialisation des marchés des capitaux, c'est une activité qui deviendra de plus en plus importante. Nous avons rencontré les représentants des grandes banques qui ont fait état de leurs activités à l'étranger. Cela représente, pour plusieurs des grandes institutions financières, des éléments très importants de leurs profits. Par conséquent, si ce secteur doit se maintenir et, éventuellement, même se développer à l'avenir, c'est un aspect essentiel de nos préoccupations. Comment expliquez-vous que la commission MacKay n'ait pas consacré davantage d'attention et de suggestions d'ajustements des structures à cet égard?
M. Roy: Je n'ai aucune explication. C'est également une énigme pour moi.
Le sénateur Joyal: Au deuxième paragraphe de la page 5 de votre mémoire, vous donnez des suggestions qui ont été mises en place en Hollande, chez ING, en séparant les activités nationales des activités internationales, de façon à arriver à mieux distinguer les risques que les banques ou les institutions financières canadiennes pourraient prendre à l'étranger et la façon dont on pourrait mettre en place un système de protection à la fois des déposants canadiens et du public canadien. Parce que, à la limite, si une banque ou une institution financière allait connaître des difficultés importantes à l'étranger, elles pourraient se répercuter sur le statut des actionnaires, mais aussi sur les consommateurs, sur les clients de cette banque et sur l'ensemble des contribuables canadiens. Comment percevez-vous un système par lequel on arriverait à une meilleure protection des consommateurs et une meilleure protection des contribuables canadiens à cet égard?
M. Roy: Je crois que l'exemple de la banque ING est très intéressant. Il est clair que lorsque l'on force la séparation, on peut imposer des coûts supplémentaires aux entreprises en question. Je dirais que d'un point de vue canadien, au point de vue réglementation, ces coûts en valent peut-être la peine. Justement afin d'obtenir la séparation du risque et d'être plus certain qu'un organisme comme la Société d'assurance-dépôts du Canada n'aura pas à intervenir dans le fonds pour compenser des dépôts qui ne pourraient l'être, dû à des pertes ou des prêts internationaux. Il faut être clair que l'on obtient ce bénéfice simplement en compliquant un peu la vie aux institutions et aux banques.
Le sénateur Joyal: Par ailleurs, on ne peut pas obtenir la protection recherchée sans avoir accès à une meilleure information sur la façon dont les capitaux sont gérés à l'étranger et de quelle façon on évalue le risque que ces capitaux représentent. Aujourd'hui, lorsque l'on considère les rapports financiers des banques, on a un chiffre global de ce que représentent leurs activités à l'étranger et du pourcentage de profits qui est généré par ces activités. Au-delà de cela, il n'y a aucune information vraiment précise et, dans l'évaluation du comportement financier global d'une institution financière, on ne distingue pas l'évaluation du risque pris dans le marché domestique versus l'évaluation du risque pris à l'étranger. Il faudrait nécessairement arriver à développer un cadre réglementaire qui nous donne les outils nécessaires pour évaluer l'impact que représentent les institutions financières à l'étranger dans leurs opérations globales maintenant?
M. Roy: Oui. Il est clair qu'en finance moderne, la notion de diversification est une considération importante, en particulier la notion de diversification internationale. Certaines grandes banques prétendront qu'en fait, elles ont un portefeuille international, quand cela va bien dans un pays, cela peut aller mal dans l'autre, et que ces effets vont s'annuler. Le problème est qu'il y a des effets de diversification comme cela, mais on sait très bien aussi qu'il peut y avoir des effets de risques systématiques --de plus en plus l'économie est globale-- et que les effets de diversification ne sont peut-être pas si grands que cela.
Le sénateur Joyal: Est-ce que la situation internationale que nous connaissons présentement n'est pas justement une illustration de cela où, sur des continents aussi éloignés que l'Asie et l'Amérique du Sud, on se retrouve dans une situation qui est globale? Est-ce que la situation que nous vivons actuellement --qui n'est pas hypothétique mais réelle-- ne devrait pas nous amener, en pratique, à réfléchir davantage sur le cadre réglementaire qui devrait être mis en place si nous devons libéraliser davantage la capacité des institutions financières à se regrouper et à faire affaires sur les marchés internationaux?
M. Roy: Je ne sais pas. Le groupe MacKay a terminé son mandat, mais il serait très concevable que d'autres groupes de travail s'attaquent directement à cette question, à savoir l'optimisation du cadre réglementaire dans l'optique de l'internationalisation encore plus grande de nos institutions, surtout si les fusions bancaires devaient se produire.
Le sénateur Joyal: Au haut de la page 4 de votre mémoire, vous exprimez des réserves concernant l'évolution de la règle de 10 p. 100. Il n'y a pas eu beaucoup de témoins qui ont soulevé ce point. On a tous pris pour acquis, moi le premier, que la règle de 10 p. 100 était une règle très étanche et que nous étions vraiment protégés. Je constate, d'après les affirmations que vous faites, que ce que le rapport recommande au sujet de la propriété pourrait nous amener à un relâchement de l'étanchéité de la règle de 10 p. 100. Pourriez-vous élaborer davantage sur cette question?
M. Roy: Il est clair qu'elle est assouplie de plusieurs manières, par exemple en créant trois catégories. Ensuite, dans les deux catégories inférieures il y a la règle du 10 p. 100. Elle disparaît complètement pour la première catégorie, les banques ou les institutions d'un capital de moins de un milliard. Dans la catégorie de un à cinq milliards, on permet 65 p. 100 de capital, donc essentiellement, un actionnaire majoritaire. Je fais ici une parenthèse parce qu'on sait très bien que la Banque Nationale est dans cette catégorie.
Cela veut dire qu'un actionnaire majoritaire pourrait s'emparer de la Banque Nationale et, compte tenu de sa position sur le marché québécois, je suis inconfortable avec cette pensée. Évidemment, pour les banques de plus de cinq milliards, il y a un 10 p. 100 que j'appellerais nominal; 20 p. 100 qui peut être autorisé dans des conditions normales. Le ministre pourrait autoriser plus de 20 p. 100 dans des circonstances exceptionnelles. Donc, si on interprète la dernière partie de cet élément du rapport, cela voudrait dire que, exceptionnellement, le ministre pourrait permettre 100 p. 100. Théoriquement, on conserve la règle du 10 p. 100, mais en langage clair, elle est minée. Il y a plusieurs dispositions du rapport qui changent la nouvelle règle du 10 p. 100.
Le sénateur Joyal: Est-ce que la règle n'est pas assouplie pour permettre une présence plus importante des banques étrangères ou d'institutions financières étrangères qu'elles ne l'étaient depuis les 10 dernières années? On nous a souvent fait part que malgré l'ouverture aux banques étrangères du marché canadien, le résultat, pour employer une expression de location, le net net après 10 années ou plus est en régression plutôt qu'en augmentation. Est-ce que ce serait une façon de permettre à une banque étrangère d'entrer vraiment sur le marché canadien et, par conséquent, de stimuler la concurrence?
M. Roy: Je ne crois pas que ce soit le but principal. La composante étrangère dans le système canadien est encore faible parce que l'on a imposé la règle d'avoir une filiale canadienne. Cette règle n'existera plus. C'est-à-dire que les banques qui voudront venir faire des opérations de gros, pourront le faire à partir de succursales. On ne met pas de conditions sur la propriété de ces banques étrangères qui viendront opérer des succursales au Canada.
Pour les banques qui voudront faire des opérations de détail, on leur demande encore une filiale canadienne pour protéger les déposants par la Société de l'assurance-dépôts. À ce moment, selon toute vraisemblance, des filiales étrangères qui opéreraient dans le marché de détail, auraient une capitalisation canadienne inférieure à un milliard.
Le sénateur Joyal: Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'un élément devrait être précisé, celui de l'évaluation de l'impact social, selon la recommandation 49 du rapport. Pouvez-vous élaborer davantage sur cela?
M. Roy: Pour l'instant, le rapport énumère sept points, essentiellement, sept thèmes qui constituent l'intérêt public. Et honnêtement, il est clair que le groupe MacKay a voulu énoncer la politique publique, mais n'a pas voulu s'impliquer dans le dédale opérationnel de cette recommandation.
Alors, évidemment, je ne sais pas qu'est-ce qui se passe au ministère des Finances. Je souhaite qu'on n'ait pas tout simplement transmis cette préoccupation du groupe MacKay aux banques en leur demandant de faire un rapport avec ces préoccupations en tête.
À mon avis, on doit idéalement avoir une comptabilité économique. Donc, il y a des retombées économiques de la décision de la fusion et nous devons développer un cadre intégré pour mesurer en dollars les impacts économiques de la fusion.
Le ministère des Finances devrait -- j'espère qu'il est en train de le faire -- donner des directives précises sur les chiffres et les calculs qu'il veut obtenir des banques.
Le sénateur Joyal: Au bas de la page 4, lorsque vous parlez des différents modèles que le rapport MacKay a évalués, vous parlez évidemment des modèles américain et britannique, des modèles suisse et hollandais et du modèle australien. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage sur votre préférence pour les modèles suisse et hollandais plutôt que le modèle australien?
M. Roy: C'est une bonne question. Probablement que j'opte pour le modèle hollandais pour véhiculer une position claire et provoquer la discussion. Il est clair que pour nous le modèle australien pourrait aussi être acceptable.
Le sénateur Joyal: C'est la raison pour laquelle je vous pose la question.
M. Roy: Mais en pratique, ce n'est qu'une question de degrés et de nuances; n'est-ce pas? Le modèle australien valorise quand même, peut-être moins fortement, la présence de champions nationaux sur la scène internationale.
Les raisons que j'invoque pour favoriser l'éclosion de champions nationaux, soit sous une forme dite forte hollandaise ou celle plus douce selon le modèle australien, c'est essentiellement pour la création d'emplois dans le secteur lui-même, le support aux entreprises exportatrices ainsi le fait que cela puisse servir de point d'appui pour les organismes réglementaires canadiens sur la scène internationale.
Le sénateur Joyal: Selon le scénario, les recommandations ou les commentaires que vous faites, de permettre aux institutions financières canadiennes de regrouper, autant que faire se peut, leurs activités internationales, en maintenant au sein du marché domestique les éléments de concurrence que nous avons actuellement pour conserver le choix des consommateurs et des emprunteurs; mais compte tenu de l'importance de la capacité d'accès aux marchés internationaux, de pouvoir regrouper ou fusionner leurs activités internationales selon une réglementation correspondante, destinée à protéger les consommateurs canadiens ou domestiques, puisse être mise en place, nous atteindrions en définitive les deux objectifs que nous visons selon l'un ou l'autre des modèles que nous avons là.
Est-ce que vous croyez que c'est une aberration mentale économique ou si vous pensez qu'il y aurait une possibilité d'une approche semblable, si nous prenons pour base les arguments qui ont été mis de l'avant jusqu'à présent?
M. Roy: Cela est théoriquement possible. Il est clair que les dirigeants des grandes banques n'aimeront pas cette solution, parce que, évidemment, cela peut les mettre dans des situations difficiles, où d'une part, sur le marché national, ils devront compétitionner; et d'autre part, sur le marché international, collaborer.
Ce n'est donc pas infaisable, mais clairement pour eux ce sera plus difficile dans le quotidien de vivre cette relation de collaboration et compétition. Ils n'auraient pas le même tremplin en opérant d'une telle façon.
Donc, c'est une option qu'on peut leur donner, mais il n'est pas du tout certain qu'ils veulent l'exercer. Si la fusion sur le marché national n'est pas autorisée et qu'on leur donne l'option de créer un consortium d'exportation, à mon avis, ce serait assez équitablement partagé. Il auraient le choix d'utiliser l'option ou de préférer continuer à faire cavalier seul.
Le sénateur Joyal: Est-ce que vous n'avez pas étudié vous-même les implications que cela pourrait avoir dans un cadre réglementaire?
M. Roy: Non, malheureusement.
La séance est levée.