Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 32 - Témoignages du 23 octobre 1998 (après-midi)
MONTRÉAL, le vendredi 23 octobre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est réuni aujourd'hui à 13 h 45 pour étudier l'état actuel du système financier au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nos témoins cet après-midi sont du Mouvement des caisses Desjardins, dirigé par M. Claude Béland, que plusieurs parmi nous connaissent.
M. Béland, avant de vous demander de faire votre déclaration d'ouverture, permettez-moi de vous remercier d'être venu. Je crois que c'est la troisième fois au cours des cinq ou six dernières années que votre organisation se présente devant le comité des banques et du commerce. Nous sommes toujours heureux d'entendre vos opinions puisque vous occupez une place unique parmi les services financiers canadiens; nous trouvons vos points de vue fort utiles dans le processus de formulation d'une politique.
[Français]
M. Claude Béland, président du Mouvement des caisses Desjardins: J'aimerais vous présenter mes collègues. M. Yves Morency, qui est secrétaire aux relations gouvernementales à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.
À ma droite se trouve M. Jean-Guy Langelier, chef de la direction financière et également président et chef de la direction de la Caisse centrale Desjardins et à sa droite, M. Huu Trung Nguyen, vice-président administration et exploitation à la Caisse centrale Desjardins.
D'abord, je voudrais vous dire un grand merci, monsieur le président, et remercier les membres du comité sénatorial permanent des banques et du commerce de donner à notre organisation l'occasion d'échanger avec vous sur les conclusions et les recommandations du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Je pense que vous connaissez assez bien le Mouvement Desjardins. Il est né au début du siècle. C'est la mise en commun de l'épargne populaire. Aujourd'hui, nous comptons plus de 5 millions de membres. Notre structure est une structure démocratique, ce qui nous permet d'être toujours à l'affût des besoins de nos membres.
Nous sommes devenus avec le temps un très important groupe financier intégré. Je pense qu'on peut dire que nous sommes l'une des institutions financières les plus décloisonnées du monde.
L'actif du Mouvement des caisses Desjardins dépasse les 72 milliards de dollars actuellement, ce qui le positionne au sixième rang des institutions financières canadiennes, même si nous faisons principalement affaire au Québec. Nous sommes le principal et le premier employeur privé au Québec; nous occupons le premier rang des institutions de dépôts, tant du côté de l'épargne que de celui du crédit.
Nous détenons la première position sur le marché de l'assurance des personnes et la deuxième position sur celui de l'assurance de dommages. Nous sommes présents sur tout le territoire québécois. Nous disons souvent avec fierté que nous sommes la seule institution financière dans 675 municipalités du Québec. Nous sommes donc un important levier socio-économique pour le milieu.
Nous pouvons compter sur 15 000 dirigeants et dirigeantes bénévoles, et j'insiste sur le terme bénévole, car c'est encore vrai en 1998. Ces gens-là sont élus par les membres de chacune des caisses. Nous regroupons 1 416 caisses, dont 141 se trouvent dans les provinces du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Manitoba.
À notre avis, le rapport MacKay pose un diagnostic exact sur le contexte dans lequel évolue et évoluera le secteur financier canadien, et identifie de façon appropriée les défis et les occasions qui se présenteront. Nous ne pouvons qu'être reconnaissants au groupe de travail d'avoir déposé un tel rapport, qui est complété par des documents d'information qui sont, à notre avis, d'une grande qualité et des études fort pertinentes.
De façon générale, le Mouvement des caisses Desjardins se sent à l'aise avec les positions retenues et défendues par les membres du groupe de travail. Elles rejoignent, pour la plupart, l'essentiel des propositions que nous avions formulées dans notre mémoire au groupe de travail.
Cependant, j'aimerais maintenant vous faire part de quelques commentaires supplémentaires et émettre quelques réserves sur certains éléments du rapport.
D'abord, sur la question des renseignements personnels. La protection des renseignements personnels a toujours été un sujet de préoccupation pour notre organisation. Les consommateurs doivent en effet être protégés contre toute utilisation abusive ou injustifiée par leur institution financière ou par toute autre entreprise des informations les concernant.
À cet égard, les règles relatives au consentement en matière d'échange d'informations devraient bien sûr répondre aux besoins minimums et aux attentes des consommateurs, mais il ne faudrait pas, en revanche, qu'elles occasionnent des dépenses administratives trop élevées aux institutions financières.
En matière de protection de renseignements personnels, nous pensons que les institutions se trouvant sous juridiction fédérale devraient se conformer aux lois applicables sur les territoires où elles font affaire. Au Québec, par exemple, elles devraient se conformer au Code civil du Québec et à la loi 68.
Pour éviter tout problème d'interprétation, il devrait exister un article clair à cet effet dans un éventuel projet de loi, édicté par le gouvernement ou par le parlement fédéral.
De plus, comme ce ne sont pas seulement les institutions financières réglementées qui peuvent vendre des produits financiers, toutes les provinces devraient adopter des règles concernant la protection de la vie privée applicables à toute entreprise, peu importe la nature de ses activités, et ces règles devraient être harmonisées entre les provinces.
Le second sujet est la bancassurance. Tout comme les auteurs du rapport MacKay, nous croyons sincèrement que le mouvement de libéralisation et le fractionnement de la distribution des produits et services financiers sont des phénomènes irréversibles.
À cet effet, et en tenant compte des intérêts des consommateurs, il est important que les institutions financières réglementées, notamment les institutions de dépôt, ne soient pas cloisonnées dans un monde de distribution trop restreint. Une offre de service intégrée, réglementée de façon adéquate, sans trop de lourdeurs, représente un grand bénéfice pour les consommateurs.
Les consommateurs québécois ont pu bénéficier au cours des dernières années d'une plus grande ouverture à l'égard de la distribution des produits et services financiers. À titre d'exemple, et il s'agit là selon nous d'une conséquence positive découlant de cette ouverture, les coûts des primes d'assurance automobile et d'assurance habitation, depuis 1987, ont progressé à un rythme inférieur à l'indice des prix à la consommation pour le Québec de même qu'aux taux des primes en vigueur dans plusieurs autres provinces pour des couvertures comparables.
Si le gouvernement fédéral devait permettre de pousser plus loin le décloisonnement des institutions financières à charte fédérale, ces dernières devraient par contre être tenues de respecter les règles provinciales applicables en matière de distribution de produits et de services financiers.
Quant à l'accès au système de paiement, nous sommes à l'aise avec la proposition du rapport MacKay, mais nous croyons que cette ouverture doit s'effectuer de façon prudente et avec beaucoup de rigueur, car c'est un élément crucial du système financier et de l'économie nationale. Les critères de participation sont actuellement basés sur un cadre rigoureux qu'il importera de maintenir et auxquels les futurs participants au système de paiement national se devront d'adhérer.
En ce qui concerne la banque coopérative, nous sommes très heureux de voir que le Mouvement des caisses Desjardins a réussi à convaincre les membres du groupe de travail de l'importance de permettre au secteur coopératif de constituer une ou des banques coopératives et d'éliminer les obstacles législatifs et réglementaires à la croissance du secteur coopératif des services financiers. Cela s'impose aujourd'hui pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les moyens dont nous disposons pour accompagner nos membres à l'échelle nationale et internationale, et plus particulièrement les PME qui font partie de nos membres, sont plutôt limités actuellement.
Par ailleurs, une pléiade d'intervenants bancaires et non bancaires, opérant avec des coûts d'infrastructure très légers, convoitent nos parts de marché en ciblant presque exclusivement les clientèles de choix et à faible risque.
En outre, la désintermédiation financière et le changement des habitudes de placement des épargnes de la part des consommateurs va exercer une pression additionnelle sur les besoins en approvisionnement de fonds du secteur coopératif. C'est pourquoi nous avons proposé que ce dernier puisse se doter d'une banque coopérative, d'un organisme central qui lui permettrait de minimiser les obstacles opérationnels auxquels il fait face et d'améliorer son efficacité. Avec cette banque de nature coopérative, le milieu coopératif canadien pourrait occuper une meilleure position sur le marché des services financiers, parce que cette institution lui permettrait: premièrement, de regrouper le traitement des opérations bancaires et financières; deuxièmement, d'obtenir des économies d'échelle; troisièmement, de mieux approcher les marchés institutionnels de capitaux nationaux et internationaux; quatrièmement, de diversifier ses portefeuilles tant au niveau régional que sectoriel; et enfin, d'augmenter sa capitalisation. Pour nous, cela constitue un chapitre important.
En matière de concurrence et de compétitivité sur le marché canadien, nous sommes d'avis que la limite de détention de 10 p. 100 devrait continuer à s'appliquer à toutes les banques à charte canadiennes. Dans le contexte canadien, ces institutions sont souvent des banques régionales, quand on se réfère à de plus petites banques. Le rapport parle des entreprises qui ont un capital inférieur à 5 milliards de dollars. Dans le contexte canadien, ces institutions sont souvent des banques régionales d'envergure exerçant un impact très important dans une ou deux provinces.
Permettre une détention démesurée par un actionnaire pourrait entraîner des conséquences négatives pour cette région, dans l'éventualité où les intérêts de cet actionnaire concorderaient pas avec le développement économique de cette région du pays.
Nous sommes par ailleurs favorables à l'idée de faciliter l'entrée d'un plus grand nombre d'intervenants sur le marché canadien. Cela donnera plus de choix aux consommateurs et leur permettra d'être mieux servis, à meilleur coût.
Mais -- et nous insistons là-dessus -- il faudrait, selon nous, privilégier une approche progressive qui tienne compte du degré de préparation atteint par les entreprises extérieures, tant par les entreprises extérieures que par les entreprises canadiennes, vis-à-vis les modes de distribution qui seront autorisés. En somme, les mêmes règles du jeu doivent être les mêmes pour tous.
Une telle approche permettrait aux institutions canadiennes de poursuivre les stratégies qu'elles ont mises en place pour concurrencer les entités mondiales et laisserait aux différents paliers réglementaires provinciaux, nationaux et internationaux le temps nécessaire pour harmoniser leur réglementation et l'application des accords de surveillance réciproque.
Actuellement, l'absence d'harmonisation prive certaines institutions de moyens qui leur permettraient d'augmenter leur compétitivité. Par exemple -- et ce point n'a pas été soulevé dans le rapport MacKay -- les sociétés d'assurance à charte provinciale ne peuvent pas acquérir de portefeuilles d'assurance de sociétés à charte fédérale alors que cela est permis aux entreprises étrangères.
Voilà un exemple d'iniquité qui pénalise les institutions à charte provinciale lorsque l'on sait que l'acquisition de portefeuilles constitue aujourd'hui l'un des moyens les plus efficaces de réduire les coûts unitaires et de soutenir la croissance des entreprises.
À terme, tous les intervenants dans l'offre de produits et de services financiers devraient être traités également et équitablement, qu'il s'agisse d'entreprises canadiennes ou étrangères, d'entreprises à charte provinciale ou fédérale ou encore d'entreprises réglementées ou non réglementées. L'important, à la fin du processus en cours, sera que les mêmes règles du jeu s'appliquent à tous les intervenants oeuvrant sur un territoire donné et que ces règles soient clairement définies et bien comprises par tous.
Voilà, monsieur le président, brièvement exprimés, les commentaires que nous voulions émettre sur le rapport MacKay. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: M. Béland, nous avons entendu beaucoup de témoignages découlant du rapport du groupe de travail MacKay sur l'idée des ventes liées et sur la confidentialité des rapports médicaux et personnels, et j'aimerais que vous en parliez.
Vous nous avez dit que vous vendez de l'assurance et que vous avez des dépôts et d'autres activités bancaires. Pouvez-vous nous dire comment vous séparez les opérations d'assurance de votre entreprise de la partie bancaire, et comment la confidentialité des dossiers médicaux reliés à l'assurance est protégée?
[Français]
M. Béland: Tout d'abord, il faut bien comprendre qu'au Québec, il y a des lois extrêmement sévères sur la question des ventes croisées coercitives. Je pense que le rapport MacKay fait justement référence à des ventes croisées coercitives.
Autrement dit, il est prohibé par la loi d'offrir des produits financiers et de les rendre conditionnels à l'achat d'autres produits financiers. Si une institution financière contrevenait à cette loi -- et je parle des institutions sous juridiction provinciale --, les pénalités seraient très sévères.
J'ajouterais qu'en ce qui nous concerne, une organisation comme la nôtre ne prendrait évidemment pas le risque de porter atteinte à sa réputation de bon citoyen et d'institution respectueuse des lois en contrevenant à ces prescriptions de la loi.
Il y a donc, en premier lieu, l'aspect de la loi. Quant à la deuxième partie de votre question, quand vous me demandez comment cela se fait exactement dans nos caisses, il me faut faire une distinction entre ce qui se passe maintenant et ce qui se passera dans quelques mois, lorsque nous mettrons en place les nouvelles mesures que nous permet la nouvelle loi des intermédiaires de marché, une loi toute récente.
Jusqu'à présent, nous offrions dans les caisses des produits d'assurance générale. Cela se faisait par l'intermédiaire d'un représentant de la Compagnie d'assurances générales Desjardins, et la compagnie payait un loyer pour s'installer dans les caisses.
À l'avenir, tant pour les assurances générales que pour les assurances-vie, les services pourront être offerts par des employés des caisses, à la condition qu'ils aient obtenu les permis et la formation requis pour offrir ce genre de services. Le cumul des permis sera donc autorisé par la nouvelle loi des intermédiaires de marché.
Quand il s'agit du domaine de l'assurance, par contre, on fait une distinction très nette entre les opérations de crédit; il y a une séparation physique. Autrement dit, l'employé qui fait du crédit ne peut pas offrir des produits d'assurance, d'assurance-vie.
Quant aux dossiers médicaux, les caisses ne peuvent en conserver; cela leur est complètement interdit. Les caisses devront garder les dossiers d'assurance séparés des autres dossiers, sauf si un membre leur donne l'autorisation explicite, donc par écrit, leur permettant de faire le contraire.
La nouvelle loi des intermédiaires de marché, qui nous met sur le même pied que les agents, les courtiers, et caetera, prévoit toutes ces règles pour ceux qui offrent des services financiers.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Mais par rapport aux dossiers médicaux, est-ce qu'un employé qui travaille dans le domaine de l'assurance peut aussi voir aux activités bancaires du même consommateur? Vous avez aussi dit que les dossiers médicaux pour l'assurance ne sont pas conservés dans votre direction; où sont-ils gardés?
M. Béland: À la compagnie d'assurance.
Le sénateur Oliver: Mais le même employé peut-il travailler dans le domaine de l'assurance et à d'autres choses?
M. Béland: Sauf qu'il ne peut pas accorder de crédit à un consommateur ou à un membre de notre caisse.
Le sénateur Oliver: D'autres témoins nous ont dit que si on permet aux banques de se lancer dans l'assurance il y aura un conflit d'intérêt parce qu'elles utiliseront les renseignements obtenus du côté de l'assurance pour des questions bancaires. Comment les dissociez-vous? Sont-ils dans des parties distinctes de votre direction?
M. Béland: Non. À l'avenir ils seront offerts par le même employé, comme c'est le cas dans plusieurs parties du monde. Je viens de revenir d'une réunion en Europe et je peux vous affirmer que les banques coopératives en Europe offrent ces services par le biais de la même institution, qu'elles le font depuis 20 ans et que les consommateurs sont parfaitement heureux.
Le sénateur Oliver: Mais qu'advient-il de la question des ventes liées coercitives? Est-ce un problème dans d'autres pays?
M. Béland: Non, parce que leurs lois à cet égard sont à peu près les mêmes que les nôtres.
[Français]
Je dois ajouter ceci: il ne faut pas oublier que les caisses sont des entités autonomes, des entités indépendantes. Une caisse n'a pas intérêt à refuser un prêt hypothécaire parce qu'un membre ne veut pas acheter de police d'assurance-vie.
Tout ce qu'elle va perdre, c'est une petite commission qu'elle recevrait de l'assureur.Son pain et son beurre, c'est accorder des prêts hypothécaires ou conclure des transactions financières plus importantes.
Dans ce sens-là, il n'y a pas de vraie menace pour le consommateur. J'ajouterais même que dans le cas d'une vente liée, conclue par un employé enthousiaste qui voudrait en faire plus que les autres, la loi, au Québec, donne au consommateur un délai de 10 jours pour se défaire de la transaction et conserver uniquement la partie de la transaction qui le satisfait.
Donc, après avoir subi des pressions, s'il y a lieu, à la caisse, une fois revenu chez lui, dans le calme, le consommateur peut très bien dire: «Non, cette police d'assurance-là, je n'en veux pas», et l'annuler, tout en conservant son prêt hypothécaire ou son fonds de placements.
Il y a donc, dans la loi, des dispositions qui protègent le consommateur. Tout ce que nous demandons, c'est que les règles soient les mêmes pour tous. Dans ces conditions, je pense que le décloisonnement, tel qu'on le connaît chez nous, sera tout à fait utile et profitable pour le consommateur.
[Traduction]
Le président: Étant donné l'opposition extrême, on pourrait même dire l'opposition irrationnelle qui surgit au sujet de la vente au détail de l'assurance risque divers et de l'assurance des biens, et la location d'autos en particulier -- c'est un peu moins sévère du côté de l'assurance-vie -- et étant donné votre explication de la règle de 10 jours et votre explication au sujet de la façon que vous évitez les ventes liées, pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi vous avez apparemment réussi à faire accepter cela au Québec, étant donné le degré d'opposition que nous entendons pendant que nous voyageons partout au pays? Pour en arriver où vous êtes, comment aborde-t-on avec les problèmes?
[Français]
M. Béland: Je pourrais simplement vous répondre qu'ici, au Québec, il y a quand même eu une évolution. En 1987, le gouvernement de l'époque nous a permis d'avoir des représentants de compagnies d'assurances dans les caisses.
Nous avions eu à l'époque le même tollé de protestations, les mêmes prévisions apocalyptiques selons lesquelles les courtiers allaient disparaître et les primes augmenter. Nous en avons fait l'expérience pendant une dizaine d'années. J'ai ici des tableaux, que je pourrais peut-être déposer pour les fins du comité, au sujet de l'évolution des prix en assurance-automobile pour les voitures de tourisme, comparant les taux au Québec avec ceux de l'Alberta et de l'Ontario, de l'évolution des prix en assurance-habitation au Québec par rapport à ceux de l'Ontario et de l'évolution des prix en assurance-habitation locataire au Québec et en Ontario. Ces tableaux nous permettent de constater que le système permettant de rendre plus disponible les produits d'assurance dans tous les coins du Québec a été tout à fait profitable aux consommateurs et, par surcroît, que le nombre des courtiers n'a pas diminué. Par contre, les courtiers se sont mieux organisés pour être capables de nous faire une concurrence solide.
Ils ont aujourd'hui des regroupements. Ils se sont informatisés, ils ont réduit leurs coûts, mais cela n'a pas été mauvais pour le consommateur. Je comprends qu'on aimerait bien éliminer un concurrent, parce que Desjardins est évidemment un bon concurrent, puisque nous sommes la seule institution financière dans 675 municipalités du Québec. On aimerait bien que la clientèle vienne chez les coutiers plutôt que ce soit l'institution financière qui aille vers les gens.
Il est étonnant de constater que c'est seulement au Canada qu'on entend ces prévisions tout à fait désastreuses, alors que partout en Europe, le décloisonnement est acquis, et la bancassurance est reconnue presque universellement.
Quand je me rends sur des tribunes internationales, je constate que l'on ne parle même plus de cela, c'est quelque chose d'accompli. On s'étonne de voir qu'ici, au Canada, on subit encore des lobbies incroyables, qui font qu'on hésite à enclencher le décloisonnement des institutions financières. Nous avons donc des législations extrêmement compliquées, comme on a dans les cas des pharmacies ou dans d'autres commerces, avec des cloisons, des corridors, des yeux bandés et des dossiers secrets.
C'est assez étonnant dans un monde global, un monde où l'on a décloisonné depuis longtemps les services financiers.
[Traduction]
Le président: Nous aimerions beaucoup avoir ces données lorsque vous aurez terminé.
Le sénateur Oliver: Si les banques qui vous font concurrence au Québec obtiennent le droit, comme le recommande le rapport du groupe de travail MacKay, de vendre de l'assurance dans leurs succursales, êtes-vous prêts et êtes-vous capables de leur faire concurrence?
M. Béland: Oui. La concurrence a toujours été bonne pour le consommateur. Nous ne voulons pas l'exclusivité. Je l'ai dit bien avant aujourd'hui, bien avant la nouvelle loi. Nous croyons sincèrement que la concurrence est bonne pour le consommateur.
Le sénateur Oliver: Un certain nombre de courtiers au Québec ont perdu leur emploi au fur et à mesure de la croissance de vos opérations d'assurance; est-ce exact?
M. Béland: Non, ce n'est pas exact -- certainement pas ceux qui savaient s'organiser et être compétitifs.
Le sénateur Oliver: La Credit Union Central of Canada a proposé la création d'une coopérative de crédit nationale qui laisserait les dépôts et les passifs aux coopératives de crédit locales et ainsi de suite; pouvez-vous commenter là-dessus? Lorsque les représentants de VanCity ont comparu devant nous ils nous ont dit qu'ils aimeraient voir une banque nationale. Que pensez-vous de cela?
M. Béland: Nous avons des discussions présentement avec les coopératives de crédit, mais pas pour discuter de leur façon de voir leur avenir. Nous voulons voir ce que nous pouvons faire ensemble, mais on ne sait pas comment cela se terminera. Elles doivent faire quelque chose. Il n'y a pas de doute là-dessus. Le mouvement des coopératives de crédit au Canada est très important si nous voulons continuer de bien servir le marché local. Le marché global est inévitable, mais en même temps les gens veulent vivre où ils sont et ils veulent recevoir les services. Eh bien, la mission des coopératives de crédit est d'offrir ce genre de service. Alors je pense qu'elles doivent faire quelque chose ensemble; elles doivent être plus unies et travailler ensemble davantage. C'est la tendance qu'elles veulent encourager, et c'est une bonne chose.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai l'avantage aujourd'hui, comparativement à mes collègues, de pouvoir échanger dans ma langue. Cela me fait donc d'autant plus plaisir de vous poser des questions sur votre mémoire.
Tout d'abord, vous dites que vous avez 5 millions de membres. Au dernier recensement, nous étions presque 7 millions. Alors pourquoi 5 millions? Est-ce que ce chiffre comprend les gens en dehors du Québec?
M. Béland: Non. Ce chiffre comprend une partie des gens vivant à l'extérieur du Québec, mais ils ne sont pas tous fidèles, ils ne sont pas tous des clients exclusifs à Desjardins. Il ne faut pas penser que nous avons 5 millions de membres et que les autres institutions financières en ont 2 millions, mais on sait que nous avons 5 millions de comptes ouverts pour des individus et des personnes qui font affaire avec nous.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous pose la question parce que dans une pyramide d'âges, on inclut normalement les gens de moins de 18 ans, ce qui signifie qu'il faudrait que presque tout le monde ouvre un compte chez vous à partir de l'âge de 6 ans.
M. Béland: Mais nous avons aussi les caisses scolaires.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ah! vous incluez ces dernières. C'est que la notion de membre est évidemment un peu moins connue que la notion de client. Est-ce qu'un non-membre a accès à vos services?
M. Béland: Non.
Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, si je veux obtenir un prêt pour ma PME, je dois devenir membre?
M. Béland: Exactement.
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce le même prix qu'avant?
M. Béland: 5,00 $, oui. Il faut acheter une part sociale.
Le sénateur Hervieux-Payette: Il n'y a pas eu beaucoup d'inflation.
M. Béland: Non, heureusement. Nous appelons cela une part de qualification.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je pose la question parce qu'elle revient souvent: est-ce que tous ceux qui font affaire avec Desjardins en sont membres? Au départ, donc, oui.
Évidemment, les mêmes questions vont revenir parce que vous êtes peut-être unique à cet effet-là. Il y a la question du crédit-bail pour les automobiles. Vous avez donné des statistiques concernant les primes. Dans un régime d'assurance-automobile régi par le gouvernement, une bonne partie du coût des risques est presque connue d'avance. On n'a plus de poursuites de 100 millions de dollars ou de 5 millions de dollars, on a des montants assez définis, mais ce n'est pas le cas dans tout le Canada. En fait, toutes les provinces n'ont pas ce même genre de régime.
À ce niveau-là, la question qui revient souvent est la suivante: en cas d'un sinistre ou d'un différend, si vous louez la voiture dans un crédit-bail, si la voiture est démolie et qu'elle vous appartient, où le client insatisfait de son règlement peut-il faire appel?
On vous dira que vous êtes en conflit d'intérêts, que, d'une part, vous êtes propriétaire et que, d'autre part, on vous payait pour la location de la voiture. Cependant, on était assuré chez vous.
Avec une institution qui joue sur les deux tableaux de l'assurance et de la location, comment s'assurer que le client reçoive un traitement équitable?
M. Béland: Je vais demander à M. Langelier de répondre à la question, si vous me le permettez.
M. Jean-Guy Langelier, chef de la direction financière et président et chef de la direction de la Caisse centrale Desjardins: D'abord, sur l'aspect de la location, et si vous faites référence aux interventions qui ont été faites par les concessionnaires automobiles, Desjardins effectue ce type de locations en partenariat avec les concessionnaires.
On ne loue pas directement de véhicules. C'est en fait une option offerte aux consommateurs, donc aux membres de Desjardins, de pouvoir prendre une location en utilisant les services de notre compagnie de location ou du manufacturier, dans bien des endroits.
Mais on sait que du côté des manufacturiers, que ce soit GMAC ou Ford Acceptance, il y a souvent des promotions pour certains types de véhicules, mais pas pour d'autres. Je crois que sur cet aspect-là, les concessionnaires automobiles ne considèrent pas que nous sommes en conflit avec eux. Au contraire, je pense qu'ils acceptent très bien ce type de partenariat.
Pour ce qui est de l'assurance, comme M. Béland l'a déjà mentionné, nous ne faisons pas de ventes coercitives, en ce sens qu'un individu qui loue un véhicule auprès de notre compagnie n'est absolument pas obligé de prendre une assurance-risques avec notre compagnie.
D'ailleurs, étant donné que le contrat de crédit-bail est conclu avec le concessionnaire automobile, celui-ci n'offre pas notre assurance. Donc, si la personne s'assure avec nous, c'est qu'elle est membre de Desjardins et qu'elle a décidé de prendre une assurance. Ce ne sont même pas nos employés qui effectuent la location, mais les concessionnaires. Il n'y a donc pas de ventes croisées ou coercitives.
Quant aux réclamations, on sait comment elles s'effectuent chez les compagnies d'assurances. Cependant, même sur la partie automobile, donc comme locataire automobile, nous offrons aussi des couvertures d'assurance. Parfois, compte tenu de la taille, nous effectuons certaines assurances en coassurance, donc avec des tiers et non seulement avec nos compagnies internes. Jusqu'à présent, nous n'avons jamais rencontré de problème
Le sénateur Hervieux-Payette: Si un consommateur, un client ou un membre était insatisfait du règlement -- parce que lorsque l'automobile a quelques années, il y a une différence entre la valeur résiduelle et fournir une autre voiture... Parfois, la personne va recevoir un certain montant pour faire réparer la voiture, garder la vieille voiture ou penser à une voiture neuve. Si je loue une voiture, je vais évidemment opter pour une voiture neuve, et vous, comme propriétaire de cette même voiture, vous choisirez probablement de la faire réparer. Si nous sommes en désaccord, qui réglera la question?
M. Langelier: Il y a toujours plusieurs possibilités. Par exemple, les gens ont toujours le droit de se présenter et de faire certaines réclamations, après discussion, auprès du Regroupement des assureurs. Si le client pense toujours qu'il y a eu un traitement injuste, nous sommes l'une des premières institutions à avoir institué le commissaire aux plaintes, qui existe chez Desjardins et qui touche les différents produits. On peut donc s'y adresser et exiger une révision de son cas.
Il doit être fréquent que quelqu'un préfère avoir une automobile neuve plutôt qu'une automobile réparée. On sait cependant qu'au niveau du Regroupement des assureurs automobiles, il y a des centres d'estimation qui sont, je crois, des intervenants neutres, et décrétés à ce moment-là.
Dans bien des cas, quand on regarde du côté de l'assurance, peut-être qu'offrir un véhicule neuf est plus économique que de faire effectuer des réparations.
M. Béland: Si cela peut vous intéresser, la nouvelle loi que le Québec vient d'adopter va également permettre aux concessionnaires d'agir comme distributeurs d'assurances. Je crois donc que l'équilibre sera rétabli. La loi vient de donner aux concessionnaires d'automobiles le droit de vendre de l'assurance, de remplir des formulaires et d'être le représentant d'une compagnie d'assurance générale.
Je pense que la relation est alors encore plus intime entre le vendeur et l'assureur que lorsqu'une caisse fait du crédit pour permettre à quelqu'un de louer ou d'acheter une automobile.
Le sénateur Hervieux-Payette: En tout cas, je vous remercie de me le souligner. Je ne suis pas sûre que cela me rassure, mais enfin... Parce que, justement, notre rôle est de nous assurer que le cadre réglementaire protégera la personne qui, à toutes fins utiles, est souvent mise dans une situation où elle n'a pas tous les moyens pour se protéger. Dans votre mémoire, il y a, à la page 3, une phrase qu'il faut que vous m'expliquiez vous-même, monsieur Béland, dans laquelle vous dites:
Les règles relatives au consentement en matière d'échange d'information devraient, bien sûr, répondre aux besoins minimums et aux attentes des consommateurs, mais il ne faudrait pas, en revanche, qu'elles occasionnent des dépenses administratives trop élevées aux institutions financières.
Qu'est-ce que c'est, des dépenses trop élevées?
M. Béland: C'est qu'actuellement, pour satisfaire toutes les exigences de la loi, nous dépensons quelques millions par année; les formulaires, c'est extrêmement coûteux. On dit qu'il faut jouer les règles du jeu, mais il ne faudrait pas que cela vienne continuellement s'ajouter, surtout si nous sommes les seuls à être soumis à des règles de ce genre-là. C'est dans ce sens-là que nous disons qu'il faut avoir les mêmes règles pour tout le monde et faire en sorte que les coûts de l'opération de toutes ces protections soient tout de même raisonnables, pour que nous demeurions des institutions financières concurrentielles.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans cette optique, ne croyez-vous pas que justement, les consommateurs pourraient se protéger en ayant des associations plus fortes, mieux financées? Si une association de consommateurs bien organisée, existante, professionnelle, demandait au Mouvement Desjardins d'inclure avec un relevé mensuel, deux fois par année, un formulaire de sollicitation pour devenir membre d'une association de consommateurs, de façon à diminuer les dépenses réglementaires trop élevées, vous opposeriez-vous, par exemple, à appuyer une adhésion volontaire de vos clients, de vos membres à une, deux ou trois associations, c'est-à-dire laissant un certain choix aux consommateurs d'adhérer au groupe qui répond le plus à sa...? Parce que les associations nous disent que cela coûte énormément cher de contacter chacun de ces consommateurs. Elles seraient satisfaites si elles pouvaient rejoindre les consommateurs et leur dire qu'elles vont représenter leurs intérêts, faire les recherches et donner l'information nécessaires, et si elles pouvaient faire leur petite publicité de façon générale. Pourrait-on me permettre d'adhérer à une de ces associations, que ce soit ma banque ou la caisse, pourrais-je recevoir un document qui me permettrait de signer, de souscrire et d'envoyer le formulaire à la compagnie ou à l'association de mon choix?
M. Béland: Il faudrait que je soumette le dossier au conseil, mais je pense qu'il n'y aurait pas d'objection. Il existe des associations de consommateurs -- il y en a qui sont plus militantes et plus actives que d'autres -- et nous, chez Desjardins, depuis déjà une dizaine d'années, faisons en sorte de les rencontrer régulièrement. C'est statutaire, ce n'est pas une fois de temps en temps. On les rencontre régulièrement, on leur soumet nos projets, on leur explique nos nouveaux produits pour connaître leur opinion et je trouve qu'en fin de compte, les plaintes des consommateurs viennent souvent d'une certaine désinformation ou d'une absence d'information. Nous avons donc des réactions que, finalement, nous sommes obligés de corriger en fournissant les informations après coup. Nous préférons les offrir au préalable et, s'il y avait des associations qui, objectivement -- évidemment, ce serait différent dans le cas de groupes de pression -- avaient pour but de faire comprendre aux consommateurs les règles du jeu, de faire comprendre aux consommateurs les avantages et les désavantages de certains produits financiers, je serais personnellement tout à fait d'accord.
Le sénateur Hervieux-Payette: Suite à la dernière tempête de verglas, vous avez dû certainement avoir énormément de réclamations. Je me demandais si vous aviez maintenant terminé le règlement de ces sinistres-là et si, à toutes fins utiles, cela avait été un cauchemar pour votre entreprise? Comment s'est vécue cette avalanche de réclamations, et des mécanismes spéciaux ont-ils été mis en place pour que les consommateurs puissent procéder aux réparations et faire tout ce qu'ils devaient faire pour réparer les dégâts qu'ils avaient subis?
M. Béland: J'aurais aimé que le président de notre société d'assurance soit ici pour vous donner des renseignements plus précis. Ce que je peux vous dire c'est que je pense que cela a été une opération tout à fait remarquable. Nous avons évidemment l'avantage de la décentralisation, d'avoir un grand réseau, ce qui permet aux gens d'avoir accès rapidement à certaines informations. Les règlements se sont faits et même, dans certains cas, on a fait des avances de fonds sans trop poser de questions, car on savait que les besoins étaient réels. Les règlements ont été faits à la vitesse, comme nos assurés le réclamaient. Çela a été une opération remarquable; d'ailleurs, on en a eu des témoignages nombreux. Ce n'est pas complètement terminé parce qu'il y a des gens qui discutent encore des montants, c'est normal. Quelques cas demeurent litigieux, mais ce que je sais que nos réassureurs ont payé beaucoup d'argent.
Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, selon vous, quand on va dans l'assurance générale, sachant qu'à un moment donné, vous avez vendu de l'assurance, et que vous pouvez souvent être aussi détenteur de l'hypothèque de la maison dans laquelle les gens vivent, au moment du règlement récent, le fait que vous ayez été, d'une part, partiellement propriétaire de la maison, tout en n'étant pas propriétaire, mais en ayant un lien sur la maison et, d'autre part, devant régler le sinistre, ne vous êtes-vous pas senti dans une situation de conflit d'intérêts?
M. Béland: Pas du tout. D'abord, il y a l'intérêt de la caisse, puis il y a l'intérêt de la compagnie d'assurance. Ce n'est pas la même personne, ce sont des entités autonomes différentes, qui sont soumises à des règles de gestion précises et qui ont à rendre compte à leurs actionnaires. Il ne faut pas oublier que la Société financière Desjardins Laurentienne n'appartient pas à 100 p.100 à Desjardins, que nous avons des actionnaires minoritaires. Nous sommes donc obligés de suivre les règles du jeu, nous ne pouvons pas nous faire de cadeaux parce que les actionnaires minoritaires s'en plaindraient. Nous jouons les règles du jeu et cela se passe fort bien.
[Traduction]
Le sénateur Kolber: D'abord, pouvez-vous partager votre vision de l'avenir de l'industrie des services financiers au Canada et au Québec avec le comité? Diffère-t-elle de la vision esquissée dans le rapport du groupe de travail MacKay?
M. Béland: Je ne peux pas dire qu'elle est très différente de la vision esquissée dans le rapport. Nous sommes d'accord avec cette vision.
Le sénateur Kolber: Deuxièmement, dans un discours plus tôt cette année vous avez suggéré que le mouvement ne pouvait pas se fusionner à la banque et ne le ferait pas. Étant donné que les recommandations dans le rapport MacKay faciliteraient la création de banques coopératives, prévoyez-vous la possibilité que la personnalité juridique du mouvement change? Croyez-vous que votre position concurrentielle s'améliorerait si le mouvement devenait une banque coopérative, comme l'envisage le groupe de travail? À votre avis, le mouvement serait-il intéressé à former des alliances juridiques avec le mouvement des coopératives de crédit ailleurs au Canada si la loi le permettait?
[Français]
M. Béland: Je pense qu'il n'y a aucun avantage, au contraire, il n'y aurait que des inconvénients à ce que le réseau des caisses se dénature et change sa formule coopérative pour la formule d'une entreprise à capital-actions. Je pense qu'avec le Mouvement Desjardins au Québec et le Credit Union pour le Canada, nous avons une formule qui crée ce que les Français, ou d'autres, appellent des noyaux durs, c'est-à-dire des entreprises qui sont inaliénables. Il n'y a pas d'OPA possible sur le Mouvement Desjardins comme il n'y en a pas sur les Credit Union, étant donné que c'est un contrôle démocratique. Vous auriez beau acheter toutes les parts sociales ou toutes les parts de qualification des Caisses populaires du Québec, vous n'auriez toujours qu'un vote, et vous n'auriez pas fait une très bonne transaction si vous pensiez en obtenir le contrôle.
Je pense que c'est fort important pour certaines institutions financières québécoises et canadiennes. Il n'est donc pas question, selon notre vision, de transformer les caisses en entreprises à capital-actions. Cependant, ce que nous disions dans notre mémoire, c'est qu'étant donné la globalisation, il pourrait être très utile pour les caisses -- parce que nous sommes à leur service, à la Confédération et à la Caisse centrale, nous sommes là pour les aider à mieux progresser -- que le Mouvement Desjardins, qui a actuellement une Caisse centrale, dont M. Langelier est le président, créée en vertu d'une loi provinciale... Lorsqu'une loi n'est pas créée en vertu de la Loi sur les banques, une institution ne peut prendre le nom de banque, donc nous sommes une Caisse centrale, il est difficile de faire des fusions, des alliances, des regroupements dans une structure comme celle-là. L'une des raisons pour lesquelles on pense à la banque coopérative, c'est que les réseaux coopératifs, comme celui des Credit Union et de certaines grandes banques coopératives européennes, pourraient s'unir en une structure un jour pour faire en sorte que le réseau coopératif des différents pays ou des différentes provinces du Canada puisse mieux progresser ensemble, tout en gardant leur spécificité. Dans ce sens-là, nous avons demandé au groupe de travail MacKay d'ouvrir cette possibilité-là, pas parce qu'il y a des projets sur la table, mais parce qu'on dit qu'un jour, cette avenue sera possible. Il y a des raisons très pratiques, très financières, et peut-être, monsieur Langelier, pourriez-vous en donner quelques-unes. Il y a même des avantages financiers importants pour un réseau comme le nôtre.
M. Langelier: Je pense que l'élément principal, parce que cela faisait partie de la présentation d'introduction, lorsqu'on parle d'approvisionnement institutionnel, est qu'on disait que de plus en plus, le Mouvement Desjardins, après toutes les institutions, va avoir recours de façon plus marquée à l'épargne institutionnelle. Donc, au niveau de la Loi sur les banques et des lois qui gouvernent plusieurs institutions financières, lorsqu'on parle de liquidités primaires, par exemple les acceptations bancaires, il est admissible des papiers de banque, mais pas des papiers d'institutions provinciales. Conséquemment, étant donné que les liquidités, aux niveaux canadien et international, se font beaucoup globalement plus restreintes, seules les institutions qui sont réellement en surplus devraient désormais avoir accès à l'épargne institutionnelle, puisque nos titres ne sont pas admissibles du côté normatif. Ceci a, bien sûr, une incidence très importante sur les coûts d'emprunts de ces fonds-là, et surtout de leurs liquidités et de leur transférabilité. Il y a également tout ce qui y est associé, comme par exemple, sur la question des règles de l'entente nord-américaine, la possibilité d'ouvrir des succursales à l'étranger. Étant donné que nous ne sommes pas reconnus par l'OSFI, la législation provinciale ne nous donne pas le pouvoir d'exercer des activités ailleurs que dans la province de législation. C'est vrai aussi pour les Credit Union, cela devient énormément difficile d'effectuer des opérations avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Voici déjà trois aspects pour lesquels il y a une incidence financière importante. C'est la raison pour laquelle, comme le disait M. Béland, et sans qu'il y ait de projet concret, nos interventions au niveau du groupe MacKay et les discussions que nous avons eues avec les Credit Union sur la balance du pays touchent à comment on pourrait constituer une entité commune qui pourrait desservir les différentes Credit Union provinciales tout en ayant toute la facture ou l'accessibilité aux différents marchés.
[Traduction]
Le sénateur Kolber: Ma dernière question est un peu plus micro. J'essaie vraiment de savoir si le mouvement a une niche que les banques à charte n'occupent pas. Il y a une perception que le financement des petites et moyennes entreprises a été un échec important sur le marché. De plus, les banques à charte ont été critiquées parce qu'elles n'offrent pas des services financiers de base aux pauvres. C'est une question en deux parties. Pouvez-vous dire au comité comment le mouvement transige présentement avec les personnes qui tombent dans la catégorie «pauvre»
Pour ce qui est des petites et moyennes entreprises, croyez-vous que la mise en oeuvre des recommandations du rapport changera quelque chose, ou avons-nous besoin d'une politique plus agressive sous forme d'initiatives de l'état pour améliorer cet échec du marché, ou ce qui est perçu comme un échec du marché?
[Français]
M. Béland: Le Mouvement Desjardins, étant donné qu'il appartient à ses membres, dessert toutes les catégories de membres. Par exemple, nous savons que nous échangeons les chèques pour les bénéficiaires de l'assistance sociale dans une proportion de 70 p. 100. Nous ne refusons pas cette clientèle-là, nous leur ouvrons des comptes, nous leur donnons même des cartes de guichet automatique pour qu'ils puissent utiliser le guichet s'ils le désirent. Je pense que, sur ce plan-là, le Mouvement Desjardins respecte le principe coopératif de la porte ouverte. À cet égard-là, je trouve que le rapport MacKay ne va pas assez loin. Il est certain qu'un mouvement coopératif comme le nôtre et comme les Credit Union canadiennes ont à coeur de servir toutes les couches de la société et de le faire à des coûts abordables, comme çela existe aux États-Unis. Nous avons ouvert une banque à Allendale, en Floride, pas parce que nous voulions servir les Américains, mais pour servir les Québécois et les Québécoises qui passent une partie de l'hiver dans ce coin-là, même si nous ne connaissions pas tout à fait la législation américaine, ou plutôt celle de l'État de la Floride, qui oblige les institutions bancaires à consacrer une partie de leurs actifs pour des prêts à des personnes moins riches ou plus démunies.
Nous le faisons, et je ne veux pas nous vanter, mais c'est la réalité, ce n'est pas moi qui ai inventé cela. Le Mouvement Desjardins est assez ouvert vis-à-vis ces classes de la société, alors que d'autres les refusent systématiquement. On a eu souvent la démonstration, pour ne pas dire la preuve que, lorsque des bénéficiaires de l'assistance sociale se présentent dans certaines banques, on leur dit tout simplement: «Nous, on ne fait pas cela ici, allez dans les caisses populaires, ce sont les caisses populaires qui font cela.» Notre réputation est faite par les grandes banques dans ce domaine-là. D'ailleurs, le gouvernement fédéral, récemment, et je l'en félicite, en envoyant les chèques du gouvernement du Canada, disait: «Maintenant, vous pouvez vous adresser...», et il donnait les noms des grandes banques. Évidemment, j'espère qu'il ne nous les référera pas tous, parce que nous ne serons pas capables de répondre à cette grande demande, mais vous voyez que même le gouvernement fait des efforts pour inciter les grandes banques à desservir les gens qui ont de moins grands moyens que les autres. Cela pourrait être inclus dans la législation ou dans une réglementation. Je serais tout à fait d'accord avec cela.
[Traduction]
Le président: La question du sénateur Kolber avait une deuxième partie portant sur les petites et moyennes entreprises. Comment traitez-vous les petites entreprises?
[Français]
M. Béland: Nous sommes, au Québec, le premier prêteur, si je prends les prêts qui se font en vertu de la Loi fédérale aux petites entreprises. Cela démontre que nous sommes très près de la petite entreprise. Je pense que l'une des niches que nous avons, c'est certainement de desservir la petite et la moyenne entreprise, et surtout la petite.
[Traduction]
Le sénateur Kolber: M. Béland, je dois vous dire que jusqu'à tout récemment j'ai siégé au conseil d'administration d'une grande banque canadienne pendant 26 années consécutives et j'ai toujours entendu la même chose -- que nous ne pouvions pas pénétrer sur le marché québécois parce que vous y étiez.
M. Béland: Et nous y serons pour longtemps.
Le président: Faites-vous aussi ce que les principales banques à charte appelleraient habituellement des prêts aux petites entreprises? Mettez-vous l'accent sur les prêts aux petites et moyennes entreprises ou desservez-vous toute la gamme, de Bombardier en descendant?
[Français]
M. Langelier: Il y a effectivement certaines de nos opérations, principalement au niveau de la Caisse centrale, au niveau des plus grandes entreprises, mais je peux affirmer que cela constitue une partie infime de notre portefeuille. Il y a peut-être une dizaine d'années, la Caisse centrale était peut-être orientée davantage vers la grande entreprise, mais depuis le début des années 90, ce que nous faisons, c'est strictement en collaboration avec les caisses, et cela s'adresse presque exclusivement aux petites et moyennes entreprises. Naturellement, la Caisse centrale finance davantage les moyennes entreprises, mais le réseau des caisses finance des petites entreprises à un niveau de 99.9 p.100.
Le sénateur Joyal: Il m'apparaît extrêmement important de tenter de resituer le débat dans le contexte des objectifs du rapport MacKay. Je fais particulièrement référence aux pages 5 et 6 de votre mémoire. Si nous nous reportons aux objectifs généraux du rapport MacKay, ce dernier insiste continuellement, dans ses recommandations, pour qu'on augmenter la concurrence dans le secteur des services financiers, et plus particulièrement dans le secteur des banques, si les projets de fusion qui doivent être étudiés devaient le cas échéant se concrétiser. L'une des recommandations majeures que fait le rapport est de solidifier, pour ne pas dire créer, un deuxième niveau de banque qui viendrait ajouter une certaine forme d'équilibre dans le système surtout, comme je le soulignais plus tôt, si les projets de fusion considérés devaient se concrétiser. Votre présentation aujourd'hui, au-delà du texte, me donne à conclure, mais c'est peut-être une mauvaise impression de ma part, que l'on ne peut pas s'attendre, à court terme, à ce que le Mouvement Desjardins soit prêt, dans un avenir immédiat, à procéder à l'établissement d'une banque coopérative, comme vous l'avez souhaité vous-même, selon vos propres propos, auprès du groupe de travail MacKay. Ce qui me préoccupe, dans cette conclusion-là, c'est que si nous devions recommander la mise en opération des recommandations en vue de faciliter la création de banques coopératives, et en pratique, nous pourrions le faire, cela ne serait pas suivi, selon vous, le Mouvement Desjardins, par l'apparition d'une Banque coopérative Desjardins, si on l'appelait comme cela, dans un laps de temps relativement court. C'est-à-dire que, si nous sommes devons permettre la concentration additionnelle du secteur bancaire, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que, à court terme, il y ait apparition d'une Banque Desjardins pour permettre de maintenir les choix recommandés par le groupe de travail pour assurer la concurrence. Est-ce que j'interprète mal vos propos ou est-ce ce que je dois conclure?
M. Béland: Non. Nous demandions cela dans notre mémoire, donc cela fait partie de notre vision. Cependant, il y a beaucoup de choses dans le rapport MacKay, et il m'apparaît très important de ne pas le mettre en application par bribes, en disant que ce qui est le plus important, c'est la fusion des grandes banques ou autre chose. Je crois qu'il faut d'abord connaître les règles du jeu. Quelles seront les règles du jeu au Canada relativement aux institutions financières, et dans des caps piliers? Comment va-t-on traiter les institutions financières réglementées et celles qui sont non réglementées? Quelles seront les règles du jeu quant à la concurrence étrangère? Il y a beaucoup de choses à décider, et je ne pourrais pas vous annoncer aujourd'hui que oui, nous allons à court terme et que nous ne pensons qu'à cela, créer une banque coopérative, car je n'en connais pas. Quelles sont les règles du jeu qui s'appliqueront?
On reste quand même avec un grand point d'interrogation. Quels sont les choix que le gouvernement central fera? Nous ne les connaissons pas. Vous me demandez si on va régler... Nous espérons que le gouvernement autorise les fusions, car c'est une toute autre histoire que si on établit une nouvelle façon à long terme de voir comment vont se développer les services financiers pour l'ensemble des Canadiens à travers tout le Canada. C'est autre chose et notre stratégie pourrait, à ce moment-là, s'avérer très différente.
Vous devinez qu'aujourd'hui, alors qu'on n'en est qu'à étudier les conclusions d'un rapport, je peux difficilement annoncer: «Oui, notre projet à court terme, c'est de créer une banque coopérative».
Le sénateur Joyal: C'est bizarre, mais comme votre publicité nous le dit, vous êtes un organisme comptant cinq millions de membres, de déposants ou de comptes ouverts, peu importe la qualification qu'on leur donne. Vous avez un actif énorme. Je dirais même, presque un peu naïvement, que le citoyen qui regarde tout cela espère sans doute que le Mouvement Desjardins pourra, un jour, lui offrir la gamme complète des services de la même manière qu'il peut les obtenir de la part d'une institution bancaire.
Le raisonnement simple que fait le citoyen, et que je peux faire d'une certaine façon, c'est de se demander ceci: qu'est-ce qui vous manque de plus? De quelle certitude avez-vous besoin pour vous transformer en banque si ce que vous espérez est disponible? Ce que je ne m'explique pas, malgré votre première réponse, c'est ce qui vous empêche de dire tout de suite: «Si le rapport MacKay est mis en opération, nous sommes prêts. Nous avons les capitaux nécessaires et le «know-how», enfin, l'expérience professionnelle institutionnelle nécessaire pour nous transformer en banque», puisque vous êtes très près d'être une banque. Il ne vous manque pas grand-chose.
Ce n'est pas comme si vous étiez une société d'assurances générales qui, tout à coup, décidait de former une banque avec d'autres institutions financières. Vous êtes dans les opérations financières de dépôts quotidiens.
M. Béland: Absolument. Nous faisons des activités bancaires.
Le sénateur Joyal: Donc, vous êtes membre des associations de paiements. Vous avez une très longue tradition de fiabilité, vous satisfaites à presque tous les critères essentiels pour vous constituer en banque. Alors, qu'est-ce qui vous manque de plus? Cela m'étonne, de votre part, cette réticence qui, comme je le soulignais plus tôt, est selon moi un élément essentiel du maintien de la concurrence au pays, si nous devrons procéder à la reconnaissance ou à l'acceptation des demandes de fusion puisque l'émergence d'un niveau bancaire de deuxième niveau, si on peut le qualifier ainsi, est essentielle, à mon avis, pour maintenir le choix des consommateurs.
Comme vous le dites vous-même au bas de la page 5, cette capacité de fournir services bancaires vous permettrait d'accompagner vos entreprises à l'échelle nationale et internationale d'une manière plus large parce que vous reconnaissez vous-même qu'elles sont limitées. Voilà donc l'un des services additionnels que vous pourriez fournir.
Il y en a d'autres également, que vous mentionnez à la page 6, qui sont des éléments qui nous permettraient de conclure des alliances, comme vous le dites vous-même, avec d'autres banques coopératives à l'étranger. Donc, décloisonner territorialement vous permettrait, d'une certaine façon -- du moins au Québec, puisque c'est là où se concentre l'essentiel de vos activités -- d'occuper le deuxième niveau de choix qui devrait exister, dans l'optique du rapport MacKay, si l'on permettait une certaine forme de concentration dans les banques, dans les institutions financières de premier niveau.
M. Béland: Oui. Au début, en haut de la page 8, nous disons que nous constituons une des banques coopératives et nous recommandons d'éliminer les obstacles législatifs et réglementaires à la croissance du secteur coopératif des services financiers. Il y a d'abord la question de la propriété. Si le Mouvement Desjardins n'est autorisé à détenir que 10 p. 100 des parts d'une banque qu'il voudrait créer, il n'y a pas d'intérêt.
Le sénateur Joyal: Non, je ne crois pas.
M. Béland: Il y a quand même des choses à régler sur ce plan-là, soit reconnaître qu'une banque coopérative appartient à cinq millions de membres, que c'est déjà une propriété largement répartie, car on ne retrouve pas cela dans les lois actuelles.
Le sénateur Joyal: Je n'essaie pas de vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire, monsieur Béland, comprenez-moi bien. J'essaie simplement d'obtenir de vous quels seraient les éléments essentiels qui devraient être mis en place pour que vous puissiez passer rapidement à l'étape de la constitution d'une banque coopérative. Je ne veux pas vous suggérer comment cela devrait être fait; je n'aurais jamais cette prétention-là.
Lorsque les Credit Unions ont comparu devant nous, à Ottawa, il y a deux semaines, elles ont mentionné que toutes les unités composantes de leur mouvement ne deviendraient peut-être pas actionnaires de la banque, que le choix serait laissé à chacune en fonction de leurs intérêts.
Peut-être la Caisse centrale Desjardins voudra-t-elle imaginer une structure souple pour respecter l'autonomie locale, qui est un élément essentiel dans le fonctionnement de votre institution. Mais il n'en demeure pas moins qu'il nous serait utile, à mon avis, comme comité, de savoir exactement quelles sont les conditions sur lesquelles vous estimez que la base pourrait vous permettre d'entamer immédiatement le processus.
Encore une fois, je m'excuse d'interpréter votre attitude et vos propos, mais j'ai l'impression que vous êtes plutôt réticent à procéder.
M. Béland: Je suis plutôt réticent à le dire.
Le sénateur Joyal: Ou à le dire de procéder... Je m'excuse, monsieur Béland, mais c'est extrêmement important pour nous.
M. Béland: Il y a beaucoup de points techniques; je vais demander à M. Langelier de... Il faut bien comprendre que nous l'avons demandé dans notre mémoire. Nous le répétons aujourd'hui. Notre intention est d'être capables d'en arriver là; cela nous paraît important, mais il y a des étapes à franchir.
Le sénateur Joyal: Bien sûr.
M. Langelier: En fait, s'il n'y a pas encore de projet prévu pour la constitution d'une banque coopérative, nous sommes définitivement en paix, et nous avons entamé dans le passé certaines discussions avec le gouvernement fédéral pour voir comment il voyait et interprétait une banque coopérative.
Je pense que comme premier élément, pour pouvoir étudier plus en profondeur un dossier de création d'une banque coopérative à l'échelle fédérale, il faut avoir l'assurance que les principes coopératifs seront reconnus parce qu'en fait, selon l'actuelle Loi sur les banques, conclure une opération avec un actionnaire est considéré comme une transaction liée.
Donc, la Caisse centrale, dans son état actuel, est le trésorier pour l'ensemble du groupe et la loi nous permet de transiger avec chacune des entités. Nous voulons être certains qu'une Caisse centrale pourrait continuer de faire ce que lui permet actuellement la Loi de la Caisse centrale, notamment en ce qui concerne la question de versements de ristourne aux actionnaires.
Ce sont tous des principes coopératifs, notamment la constitution du conseil d'administration, qui peut y siéger, la question du partage, surtout si on parle de la venue... Que ce soit des partenaires des Credit Union ou des partenaires coopératifs internationaux, la question du partage de détention, d'avoir des distinctions dans la distribution des bénéfices selon les contributions, qui sont en fait des principes coopératifs de base selon lesquels on doit répartir non pas en fonction de la détention du capital, mais en fonction des activités... C'est au sujet de ces éléments que nous voulons discuter avec le gouvernement fédéral; nous voulons voir s'il va reconnaître ces éléments-là dans ses principes de création de banques coopératives.
Nous sommes intéressés, quand on parle d'activités de type bancaire, aux activités de type bancaire qui sont permises aux banques. Quand on parle de banque de deuxième catégorie, on veut savoir ce qu'on entend par cela. Est-ce que c'est deuxième catégorie en fonction de la taille ou en fonction de la capacité d'exercer?
C'est pour ces raisons que M. Béland disait que nous voulons connaître les règles du jeu pour savoir exactement si on peut y retrouver ce que sont les principes coopératifs reconnus actuellement au niveau provincial et partout ailleurs dans le monde, appliqués à la scène canadienne; alors, nous pourrons penser plus sérieusement à la création de l'entité.
Bien sûr, à l'interne, nous en discutons avec les coops, que ce soit de l'Ouest ou de l'Ontario, mais personne ne sait encore comment l'animal va être dessiné, si ce n'est que dire que le principe pourrait être reconnu.
Le sénateur Joyal: Si ces principes que vous jugez essentiels et que vous avez énumérés étaient garantis dans la loi, combien de temps, d'après vous, mettriez-vous pour que la banque coopérative opère réellement? On a posé la même question aux Credit Union, je tiens à vous le dire, je n'essaie pas de vous mettre en opposition; je vous donnerai leur réponse. Ils nous ont dit entre trois et cinq ans. De combien de temps auriez-vous besoin, de façon réaliste, compte tenu de tout ce qui devrait être mis en place pour que vous puissiez ouvrir la Banque Desjardins, et que M. Béland devienne le nouveau président de la Banque Desjardins?
M. Langelier: Il faudrait que je craigne de perdre mon emploi. Nous ne voulons pas changer, nous l'avons dit précédemment, ce qui est le réseau des caisses qui demeurerait, dans son épellation, provincial. Cependant, à partir du moment où ces assurances seraient obtenues, sans dire que cela pourrait être instantané, cela pourrait être assez rapide parce que la Caisse centrale, à toutes fins utile, est en opération. Elle a 11 milliards de dollars d'actif, elle fait ces activités-là. On parle donc beaucoup plus d'un changement de statut que de créer une nouvelle entité, à laquelle pourraient venir se joindre d'autres partenaires.
Le sénateur Joyal: Monsieur Béland, il y a une chose à laquelle je songe -- et vous allez croire que c'est de la politique bancaire de fiction. Dans mon esprit, s'il doit émerger des entités bancaires capables de concurrencer les deux grandes banques qui naîtraient de la fusion, il me semble essentiel de considérer l'hypothèse selon laquelle Desjardins devienne une banque et conclue une alliance stratégique avec la Banque Nationale, puisque le rapport MacKay permettrait à la Banque Nationale de partager avec vous un marché qui est, en pratique, tout à fait naturel puisque la Banque Nationale occupe, M. Courville nous l'a déjà mentionné, une part importante du marché de la PME qui est un secteur dans lequel Desjardins veut évidemment prendre de l'expansion.
Est-ce qu'il n'y a pas là, en pratique, un scénario qui permettrait d'atteindre précisément l'équilibre des institutions qu'on veut voir apparaître sur le marché? Vous savez, cela vous fait rire, mais lorsque, il y a cinq ans, on parlait de la fusion de la Toronto Dominion et de la CIBC, les gens auraient probablement ri autant que nous rions aujourd'hui par rapport à cette approche. En pratique, n'est-ce pas là, mises à part toutes les implications légalistes qu'il pourrait y avoir, dans l'apparition des grandes banques, des institutions financières puissantes, une des options qu'on devrait envisager?
M. Béland: Je crois que c'est difficilement envisageable à cause de deux philosophies complètement différentes qui ne sont pas complémentaires. Je pense plutôt que -- et j'ai le privilège d'être le président de l'Association internationale des banques coopératives -- que les coopératives à travers le monde réalisent aujourd'hui, dans un monde où les distances n'ont plus d'importance, qu'il est possible de créer des alliances, mais de la faire avec des gens qui partagent la même philosophie, les mêmes valeurs et qui ont les mêmes façons, les mêmes structures quant à leur façon de faire des affaires. Je vois mal comment on pourrait prendre la structure d'une entreprise à capital-actions, où il y a des actionnaires qui espèrent bien que leurs avoirs vont progresser, acquérir une plus-value, et la fusionner avec une structure où il n'y a pas de capital-actions, où les réserves sont des réserves générales qui appartiennent à la collectivité.
Comment regrouper tout cela? Vous allez me dire que c'est possible de démutualiser ou de décoopérativer, mais alors, nous perdons notre caractère inaliénable. Le risque n'est-il pas encore plus grand que, d'ici cinq, six ou sept ans, les grandes mégabanques fassent un OPA et que des banques canadiennes de cette taille, qu'on représenterait, passent à des mains étrangères si, à un moment donné, la législation le permet ? Il est important de connaître les règles du jeu. Nous existons depuis cent ans. Ce qui nous a permis de progresser, c'est d'être la propriété de la collectivité. Nous ne sommes pas vendables. Il n'y a pas de danger que nous disparaissions. On est pris avec le Mouvement Desjardins et on n'a pas le choix; il faut le développer.
Pour le Québec et pour les Credit Unions, le Canada a ce grand avantage de pouvoir compter sur un réseau permanent et qu'on peut développer. Dénaturer Desjardins pour en faire une compagnie à capital-actions le rendrait plus fragile et plus sujet à passer à d'autres mains. Jamais les caisses populaires ou les Caisses Desjardins n'accepteraient cela, j'en suis certain.
On a là une force qui est très importante, mais cette force-là, on peut quand même se la donner en concluant des alliances, avec les Credit Unions, ou peut-être avec les Credit unions américains, ou avec de grandes banques coopératives comme il en existe en France.
En Hollande, la plus grande banque coopérative européenne est l'Arabobank (ph); il y a la DG Bank en Allemagne; il y en a partout. Aujourd'hui, dans un marché global, il n'est pas défendu de penser qu'un jour -- pas demain -- tous ceux qui croient à cette formule de la coopération, à ces valeurs, se réuniront pour se donner une plus grande force. C'est le grand avantage du marché global, et c'est aussi le grand avantage de la parce qu'on peut en même temps penser globalement et agir très fortement localement, comme on l'entend souvent dire.
Le sénateur Joyal: Vous confirmez, en définitive, l'approche selon laquelle la croissance du Mouvement Desjardins passe par l'établissement d'une Banque Desjardins?
M. Béland: Oui, mais qui serait une banque coopérative, comme M. Langelier l'expliquait fort bien, une banque coopérative où on regrouperait... S'il y a des coopératives d'autres pays qui sont intéressées par l'Amérique du Nord... Il y en a déjà. J'ai vu dernièrement que l'Arabobank (ph) vient de former Arabobank Canada Limited.
J'ai évidemment invité les Hollandais en leur disant: «Si l'Amérique vous intéresse, si le Canada vous intéresse, faites-le avec nous, ne le faites pas seul». Je pense que dans un marché global, on pourra voir ces partenariats s'établir avec le temps.
[Traduction]
Le sénateur Austin: Merci beaucoup de vos réponses intéressantes à des questions théoriques. Ce que j'aimerais rendre public, M. Béland, c'est un peu d'information au sujet du mouvement pour que nous puissions y référer facilement. Vous disiez que les actifs bancaires sont de 11 milliards de dollars?
M. Jean-Guy Langelier, président et chef de la direction, Caisse centrale Desjardins: C'est seulement pour la caisse centrale. Pour l'ensemble du mouvement, ils sont de 72 milliards de dollars.
Le sénateur Austin: Est-ce possible d'obtenir un chiffre de l'avoir?
M. Langelier: L'avoir des propriétaires est de près de 5 milliards de dollars, dont 3,4 milliards viennent des surplus qui sont un avantage venant des années antérieures. Nous avons environ 800 millions de dollars venant d'un instrument que nous avons mis au point et que nous appelons des «actions permanentes». Nous avons 800 millions en actions permanentes détenues par différents membres des caisses. Il est également important de souligner que nous émettons environ 400 millions de dollars en billets du même genre que ceux émis par le secteur bancaire.
Le sénateur Austin: Participez-vous aux prêts interbancaires?
M. Langelier: Nous ne prenons pas part à quelque prêt interbancaire que ce soit mais nous émettons certainement des effets de commerce dont une partie est achetée par le secteur bancaire. Toutefois, il n'en achètera que s'il est vraiment en position excédentaire et a un excès de liquidité.
Le sénateur Austin: Vous dites dans votre déclaration d'ouverture que vous êtes généralement d'accord avec les recommandations du rapport MacKay, mais il y a une exception au haut de la page 7. Je me demande si vous pourriez expliquer cette position, où vous parlez d'une limite de 10 p. 100 sur la propriété et vous croyez qu'elle devrait être maintenue en deçà du seuil de 5 milliards de dollars. Quelle raison motive cet énoncé de politique?
[Français]
M. Béland: Parce qu'on ne voit pas quel est l'avantage de permettre à un groupe de détenir jusqu'à 65 p. 100 de la propriété d'une banque de moindre taille, d'autant plus que souvent, ces banques font affaire soit au niveau d'une province ou de deux provinces. Nous trouvons donc un peu risqué de permettre à un groupe, qui pourrait souvent être un groupe commercial ou un groupe industriel, de devenir propriétaire, à toutes fins utiles, d'une banque même si elle n'a que 5 milliards de dollars de capital, c'est quand même... C'est 100 milliards de dollars d'actif qui permettent de s'approprier cette richesse et de s'en servir à ses fins propres, sans nécessairement être intéressé par le développement du milieu de cette province-là, mais plutôt au développement de son industrie ou des intérêts de son groupe commercial.
On peut imaginer aujourd'hui qu'il y a des groupes qui seraient très intéressés à opérer en parallèle une banque qu'on peut retrouver dans un commerce semblable. Dans ce sens-là, on ne comprend pas cette nuance que le rapport MacKay fait en disant que pour les banques qui ont entre un milliard et cinq milliards de dollars d'actif, on pourrait permettre d'aller jusqu'à 65 p. 100 de la propriété. C'est une proposition que nous avons de la difficulté à comprendre.
[Traduction]
Le sénateur Austin: Croyez-vous qu'il y a une différence culturelle entre votre façon de penser en tant que membre d'un mouvement coopératif et celle d'une culture entrepreneuriale? Je pose la question parce que dans le rapport MacKay le concept de bâtir des institutions financières plus petites semble suggérer ou renfermer l'idée d'une culture de droit de propriété plus fermé ou plus resserré; il y en a donc qui seraient prêts à risquer leur capital s'ils en retireraient plus à des niveaux d'apport moindres. Nous voyons aussi cela comme une philosophie importante aux États-Unis, où on crée des centaines de banques et toutes sortes de banques locales sont des banques entrepreneuriales ayant peu d'actionnaires. Cela est également vrai en Europe.
Je ne mets pas la culture du système coopératif au défi parce que je crois que c'est une culture valable et souhaitable, mais n'y a-t-il pas place pour d'autres cultures? Et pourquoi devriez-vous vous préoccuper de la culture entrepreneuriale?
[Français]
M. Béland: Peut-être que je comprends mal la question, mais nous nous considérons aussi des entrepreneurs parce que les propriétaires des 1 250 caisses du Québec sont des gens qui ont décidé de créer ensemble une institution financière. Nous en avons dans toutes les localités du Québec, sauf que ce n'est pas pour leur profit à eux puisqu'il n'y a pas de capital-actions ou de plus-value; c'est au profit de la collectivité.
Les règles du jeu permettent que les épargnes du milieu servent au développement du milieu et non au développement d'un secteur commercial ou industriel. Je pense que nous sommes tous les deux des entrepreneurs, sauf nous n'avons peut-être pas la vision ultime du but poursuivi. Je crois que la formule coopérative que je viens de vous expliquer favorise l'intérêt du consommateur. L'autre approche favorise ce que vous appelez les entrepreneurs, des gens qui cherchent, par des activités bancaires, à faire de bons rendements sur le capital qu'ils ont risqué. Ce sont deux approches totalement différentes.
[Traduction]
Le sénateur Austin: Pouvons-nous nous mettre d'accord sur le fait que le système de réglementation au Canada interdirait les activités d'une banque qui seraient un abus eu égard à l'appui d'activités commerciales qui ne seraient pas des activités bancaires appropriées? Si nous pouvons être d'accord là-dessus, je crois que la question est de savoir si l'on veut favoriser ce que d'aucuns appellent les institutions financières de deuxième rang, la croissance de la concurrence, surtout aux niveaux régional et communautaire.
Si on ne permet pas à ces niveaux de croître -- ils vous feront sûrement concurrence à un moment -- mais si on ne leur permet pas de croître, la préoccupation ultime en termes de politique gouvernementale est que nous pourrions nous retrouver avec deux ou trois banques universelles à grand nombre d'actionnaires qui seraient presque les seules institutions admissibles à acheter d'autres avoirs financiers importants au pays. Si tel était le cas, comment transigerions-nous avec ce problème sans créer beaucoup d'activité au deuxième rang?
[Français]
M. Béland: C'est pour cela que nous disions, dans notre mémoire, que ces changements doivent se faire à condition qu'on ouvre la porte à la concurrence, une concurrence qui serait réglementée et surveillée parce qu'il n'y aurait rien de pire que de créer de petites entités qui viennent prendre les meilleures parts du marché, en laissant aux institutions créées depuis fort longtemps s'occuper du petit épargnant, de la petite entreprise, des petits déposants et en permettant à d'autres institutions, qui ont des contraintes moins larges, moins difficiles, simplement en prenant le contrôle d'une petite banque, de dire: «Nous venons écrémer le marché» -- si je peux utiliser ce terme-là -- et nous enrichir. Je pense qu'il n'y aurait pas d'équité. C'est important de faire en sorte que surtout celles qui sont déjà en place ne voient pas apparaître de nouvelles concurrences injustes ou privilégiées. Je pense qu'il faut mettre tout le monde sur le même pied.
[Traduction]
Le sénateur Austin: Ce que nous voyons présentement, c'est que les banques étrangères, sans nécessairement avoir une présence d'établissement au pays, raflent certains des meilleurs centres de profit de l'industrie des services financiers. Vous ne préconisez pas que nous refusions de permettre aux émetteurs de cartes de crédit importants, dont le commerce est essentiellement dans les marges des cartes de crédit, d'offrir leurs cartes au Canada. La question est de savoir comment leur faire concurrence. Comment garder les affaires ici? Le système s'ouvre tout simplement au monde entier.
[Français]
M. Yves Morency, secrétaire aux relations gouvernementales à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec: Je pense que l'une des préoccupations du rapport MacKay, c'est que tous les Canadiens puissent être bien servis, et non que l'on assiste à la venue de certaines concurrences qui s'adressent seulement à une clientèle mieux nantie et qui déjà, au départ, était sollicitée par plusieurs et qui va tout simplement en obtenir davantage.
On dit, dans ce même rapport, qu'il ne faudrait pas implanter un CRA comme aux États-Unis -- on en a discuté plus tôt. Il faut trouver des moyens pour desservir ces gens. Lorsqu'on parle de jouer sur le même champ, avec la même réglementation vis-à-vis ces intervenants monoproduit, on se demande: «Qu'est-ce qu'on va exiger d'eux? Comment on va-t-on leur demander de participer, pour justement desservir l'ensemble des Canadiens?» Dit-on aux étrangers: «Vous avez le droit de prendre les mieux nantis et -- comme disait M. Béland -- ou des institutions canadiennes... Nous exigeons que vous soyez présents partout et que vous desserviez toutes les communautés, et peut-être allons-nous vous imposer une législation similaire aux CRA pour que vous puissiez le faire.»
Aux États-Unis, quand nous avons ouvert notre institution en Floride, ils n'ont pas dit: «Vous êtes une banque étrangère, ou une société étrangère, vous êtes astreints à cela». Au contraire, je pense qu'on a exigé, dès la première journée, alors que nous ne recueillons absolument pas ou presque pas de dépôts qui proviennent de citoyens américains, mais plutôt les dépôts de citoyens canadiens qui sont en séjour plus ou moins prolongé là-bas, que l'on réinvestisse dans la communauté.
Et c'est ce qu'on dit vis-à-vis la réglementation. Bienvenue à la concurrence, mais par contre, tous doivent participer à l'effort collectif qui est demandé sinon on ne pourra jamais conserver des institutions canadiennes en bonne santé. On va leur demander de s'occuper simplement des petites opérations et de celles que les autres ne veulent pas faire.
Le sénateur Joyal: Précisément sur la nature de vos activités en Floride, est-ce que vous faites opération sous... j'allais dire une loi qui établit une banque ou une loi qui établit...
M. Béland: Une banque. C'est la Desjardins Federal Savings Bank.
Le sénateur Joyal: Donc, c'est une banque? Vous avez une banque?
M. Béland: Un capital-actions dont toutes les actions sont détenues par le Mouvement Desjardins. Federal Bank.
Le sénateur Joyal: Federal Bank, donc toutes les actions sont détenues par le Mouvement Desjardins. Et cette banque-là, comme vous le soulignez, si j'interprète bien vos propos, est accessible à tous les citoyens. Ce n'est pas une banque qui dit: «Vous devez détenir un compte Desjardins au Canada dans l'une ou l'autre des succursales.» Un citoyen américain qui n'aurait pas de compte chez Desjardins peut se présenter chez vous?
M. Béland: Nous avons des clients.
Le sénateur Joyal: Ce sont des essentiellement clients et si vous procédez de cette façon aux États-Unis, qu'est-ce qui vous empêcherait de détenir une autre banque, un autre type de banque? Vous pourriez acheter une autre banque américaine, en pratique?
M. Béland: Nous étions propriétaires de la Banque Laurentienne, il n'y a pas si longtemps.
Le sénateur Joyal: Exactement, c'est cela. C'est là où je veux arriver à la comparaison. En pratique, vous pourriez détenir 100 p. 100 des actifs d'une autre banque. Vous pourriez acheter une autre banque; il n'y a rien à ce moment-ci qui vous en empêche.
M. Béland: Cela dépend de la législation de chacun des pays.
Le sénateur Joyal: Oui, bien sûr.
M. Béland: On ne peut pas acheter une banque canadienne parce que la limite est à 10 p. 100.
Le sénateur Joyal: Oui, bien sûr. Mais si ces limites étaient éliminées, vous pourriez, en pratique, acquérir une banque compte tenu du capital-actions dont vous disposez. La question que j'ai à l'esprit est la suivante. C'est que nous avons eu... Le président du Canada Trust, lorsqu'il a témoigné devant nous il y a deux semaines, nous a fait part de son intention, si jamais le Bureau de la concurrence, qui doit se prononcer sur les fusions, concluait que certaines des quatre banques en cause devaient se délester d'un pourcentage de leurs activités, a annoncé son intention d'acquérir ces comptes. Ma préoccupation, c'est que si cela devait se produire, compte tenu que vous semblez exprimer une certaine forme de réserve immédiate à procéder avec une banque -- j'ai bien noté vos propos, il n'y a pas de projet sur la table, c'est ce que vous nous avez dit plus tôt -- vous ne seriez pas prêts à vous porter acquéreurs de ces comptes-là. Une autre banque devrait le faire.
M. Béland: On l'avait fait, pourtant, dans le cas du Groupe La Laurentienne. Nous avons quand même actuellement des outils qui nous permettent d'agir. Il y a la Société financière Desjardins-Laurentienne, qui est une entreprise à capital-actions qui détient la propriété d'Assurance-Vie Desjardins, du Groupe Desjardins Assurances générales, de la Fiducie Desjardins, de Valeurs mobilières Desjardins et, il n'y a si tellement longtemps, de la Banque Laurentienne Desjardins.
Donc, ce n'est pas impossible, et la Société financière Desjardins-Laurentienne pourrait certainement encore faire des transactions de ce genre, mais cela serait pour faire l'acquisition d'une institution financière.
Le projet dont nous parlons dans notre mémoire va un peu plus loin et tente de trouver certains avantages que les lois provinciales actuelles ne nous accordent pas. C'est pour faire un pas de plus, mais sur la question de faire des acquisitions, il n'y a pas d'obstacles actuellement, puisque nous l'avons déjà fait et que nous le faisons encore.
Le sénateur Joyal: D'accord. Merci, monsieur Béland.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Je dois dire que j'étais très heureux non seulement heureux d'entendre votre vision de l'avenir, mais aussi et surtout d'entendre vos commentaires sur la nature apocalyptique de toutes les choses que les gens prédisent si l'assurance et la location d'automobiles sont permises. Vous avez 10 années d'expérience et vous n'avez pas trouvé cela apocalyptique.
Deuxièmement, j'ai beaucoup apprécié vos commentaires au sujet des avantages d'une banque coopérative. Bien que le présent comité a, je crois, toujours été enclin à faire tout ce qui est possible pour encourager le mouvement des coopératives de crédit, vous avez donné une justification d'affaires pour une banque coopérative qui n'avait jamais été présentée au comité auparavant, et cela est très utile. Nous vous remercions d'être venu ici.
La séance est levée.