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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 33 - Témoignages du 26 octobre 1998


SASKATOON, le lundi 26 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 12 h 50 pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nous sommes ici pour entamer la première de nos deux journées d'audiences publiques en Saskatchewan portant sur le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.

Nos premiers témoins de cet après-midi sont M. John Ryan, président-directeur général de la Société du crédit agricole, et Mme Louise Neveu, vice-présidente exécutive et chef des opérations à la Société du crédit agricole.

Monsieur Ryan, je constate que vous nous avez remis un mémoire, et j'imagine que vous allez le parcourir avec nous dans le cadre de vos remarques liminaires. Nous nous ferons alors un plaisir de vous poser des questions. Merci beaucoup à tous les deux d'être venus comparaître ici cet après-midi.

M. John Ryan, président-directeur général de la Société du crédit agricole: Monsieur le président, distingués membres du comité. M'accompagne également Larry Hayes, notre gérant de district pour le nord de la Saskatchewan, que je suis très heureux de vous présenter.

J'apprécie l'occasion qui nous est ici donnée de faire, en gros, deux choses: premièrement, réagir à certaines des recommandations du groupe de travail; et, deuxièmement, vous faire une brève mise à jour sur ce qui se passe ces jours-ci à la Société du crédit agricole.

Permettez-moi de commencer par dire que le groupe de travail MacKay décrit véritablement une vision d'un nouveau paysage de services financiers au Canada qui est à la fois concurrentiel et sensible aux demandes du client. Il affirme que les Canadiens ont droit à des services financiers de base, quels que soient leur niveau de revenu et leur lieu de résidence. La vision de MacKay englobe les éléments critiques nécessaires pour que le secteur financier canadien se démarque comme étant l'un des leaders sur le marché mondial: soit la confiance et l'appui des Canadiens.

Monsieur le président, je suis très heureux d'être ici pour discuter de l'avenir du secteur des services financiers du point de vue de la Société du crédit agricole Permettez-moi de dire que la vision du groupe de travail cadre avec celle de la SCA quant à ce qu'il faut au secteur agricole de demain.

Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la Société du crédit agricole. Celle-ci a été créée en 1959 en tant que société d'État fédérale. Nous sommes le plus important prêteur à terme dans le secteur agricole au Canada. Nous servons quelque 70 000 producteurs primaires et entreprises agroalimentaires et comptons près de 900 employés dans une centaine de localités rurales un peu partout au pays. Notre siège se trouve à Regina, berceau de l'agriculture.

La demande à l'égard de nos services continue d'augmenter. L'an dernier, nos nouvelles autorisations se sont chiffrées à environ 1,5 milliard de dollars, soit 600 millions de dollars de plus qu'en 1995. Sur une période de trois ans, donc, nous avons connu une croissance considérable. Nous avons de solides fondations financières. Nous avons enregistré huit années consécutives de profits et notre portefeuille dépasse aujourd'hui les 5,3 milliards de dollars.

Étant donné que nous sommes axés à 100 p. 100 sur l'agriculture au Canada, nous avons, je pense, une perspective tout à fait unique à vous offrir ici aujourd'hui. La SCA a été là pour appuyer ses clients à travers tous les cycles économiques. Nous avons par le passé offert à la communauté agricole une solution de rechange, et je m'attends à ce que cela devienne de plus en plus important à l'avenir, étant donné la consolidation du secteur financier et le cycle économique languissant que nous vivons à l'heure actuelle.

Monsieur le président, les annexes au document qui a été distribué vous fourniront davantage de précisions sur la SCA ainsi que sur les produits et services que nous offrons, alors je ne vais pas les examiner dans le détail ici maintenant. Cependant, j'aimerais, au nom de la société et de nos clients, aborder les recommandations clés du rapport du groupe de travail MacKay touchant les communautés agricoles de tout le pays.

Le groupe de travail MacKay dit que le renforcement de la concurrence est la pièce maîtresse dans la réalisation de la vision énoncée dans le rapport. Nous croyons que le renforcement de la concurrence et que l'amélioration de l'accès au capital sont essentiels si l'on veut voir se réaliser la vision collective de l'industrie agricole canadienne. Du point de vue du client, il y a trois considérations clés dont il faut tenir compte lorsqu'on se penche sur l'avenir de l'industrie des services financiers. Ces trois piliers sont l'accès, la disponibilité et le choix.

Les Canadiens ruraux doivent avoir accès aux institutions financières de différentes façons, que ce soit par voie électronique, par téléphone ou en personne. Ils doivent également être certains de la disponibilité de crédits, quelle que soit leur situation géographique. Enfin, ils doivent avoir le sentiment qu'il leur est possible de choisir avec qui traiter et de quelle façon ils veulent être servis.

Le secteur agricole est en train de vivre des changements radicaux par suite de l'incidence de la mondialisation et de la concurrence. Il y a à peine quelques années, pour la plupart des gens, l'agriculture était toujours définie dans le sens traditionnel, c'est-à-dire se résumait à de la simple production primaire. Aujourd'hui, le paysage agricole englobe toute la chaîne alimentaire, de la production de produits bruts à la transformation et à l'empaquetage et, enfin, à la livraison au destinataire final, soit le consommateur.

Le secteur agricole est un élément vital du tissu économique de notre pays. Il a un défi à relever: augmenter la part des exportations de produits agricoles et agroalimentaires canadiens pour la faire passer de 3 p. 100 à 4 p. 100 d'ici à l'an 2005. Cela correspond à environ 40 milliards de dollars par an, comparativement au chiffre actuel d'environ 23 milliards de dollars. La réalisation de cet objectif exigera un important investissement dans les entreprises agricoles à valeur ajoutée qui transforment les produits ici chez nous avant leur exportation.

Tout comme les entrepreneurs d'autres secteurs de l'économie canadienne, les agriculteurs exploitent des entreprises qui ne fonctionnent pas selon un horaire de neuf à cinq. C'est pourquoi nos clients ont besoin d'horaires d'accès prolongés et d'un accès plus facile à une plus vaste gamme de services.

Nous adhérons à la recommandation 17 selon laquelle il faut miser sur les innovations technologiques dans le domaine bancaire, comme par exemple l'Interac, pour améliorer l'accès et promouvoir la concurrence.

Un récent sondage mené au Canada a fait ressortir que 50 p. 100 de nos agriculteurs comptent utiliser l'Internet d'ici à l'an 2000.

La recommandation 21 affirme que l'intervention du secteur financier dans le crédit-bail de véhicules légers augmenterait l'accès aux services ainsi que la concurrence sur le marché, bénéficiant ainsi aux consommateurs. Le crédit-bail d'automobiles et de camions légers a beaucoup augmenté au cours des dernières années. En 1997, 45 p. 100 des nouveaux véhicules sur le marché de détail étaient offerts en crédit-bail, comparativement à seulement quelque 4 p. 100 en 1989.

Étant donné le coût élevé de la propriété, la popularité du crédit-bail pour le matériel agricole est lui aussi en train d'augmenter. Nous en voyons des preuves aux États-Unis, où la Farm Credit Leasing, créée par une organisation appartenant à des agriculteurs et semblable à la SCA, rapporte que jusqu'à 75 p. 100 du matériel agricole, dans certaines régions, est exploité en régime de crédit-bail.

Dans le cadre de notre travail quotidien d'établissement de relations à long terme avec des Canadiens ruraux, la SCA s'efforce en permanence de faire ce sur quoi porte la recommandation 53, traitant de la divulgation.

En conformité avec la recommandation 79, selon laquelle chaque institution financière devait désigner un ombudsman interne, la SCA a en effet dans chacune des provinces un comité indépendant d'examen des prêts par des pairs. Ces comités sont un mécanisme de premier recours pour les consommateurs désireux d'en appeler d'une décision de refus de consentir un prêt de la SCA.

En 1997, la SCA a demandé au groupe Angus Reid d'organiser une série de groupes de discussion dans le but de cerner les obstacles auxquels se trouvent confrontés les producteurs. Les résultats de cet exercice ont fait ressortir qu'il existe un besoin réel et pressant de nouveaux produits destinés à ceux qui se lancent dans l'agriculture ou qui élargissent une entreprise agricole existante. Les réponses ainsi obtenues et d'autres travaux de recherche ont permis à la SCA de peaufiner ses concepts en matière de produits, et nous avons, au cours des 18 derniers mois, lancé six nouveaux produits. Trois d'entre eux sont destinés aux agriculteurs en développement et trois d'entre eux offrent les mêmes conditions de remboursement que celles accordées aux nouvelles entreprises auxquelles il faut plusieurs années pour réaliser un rendement suffisant.

Dans la veine de la recommandation 98, la SCA a reconnu que la relation qu'elle a établie avec les communautés qu'elle sert est plus étendue que les transactions elles-mêmes. Pour renforcer ces partenariats avec des localités un peu partout au Canada, la SCA a récemment lancé ce que nous appelons notre «Programme de relations communautaires», en vertu duquel la société contribue 1 p. 100 de ses revenus nets à la satisfaction des besoins des activités et programmes communautaires philanthropiques, et sans but lucratif.

La SCA appuie la recommandation 102, qui demande aux institutions financières de trouver des solutions nouvelles et originales au problème du financement des petites entreprises créé par le taux de roulement élevé des gérants de comptes d'entreprises. Je suis heureux de vous rapporter que la SCA a maintenu une présence solide et stable dans le Canada rural. Environ 80 p. 100 de nos employés sont nés et ont grandi à la ferme et je maintiens qu'ils comprennent l'agriculture et l'exploitation agricole, du point de vue et des défis à relever et des possibilités qui existent. Ils vivent dans les localités dans lesquelles ils travaillent et ont une connaissance approfondie de l'agriculture.

La SCA adhère également à la recommandation 104, demandant aux institutions financières d'offrir aux emprunteurs à haut risque des programmes de financement plus novateurs et à un prix approprié. Cette question est également importante pour les producteurs et les entreprises agroalimentaires qui s'intéressent à la transformation et autres processus révolutionnaires de création de valeur ajoutée.

La recommandation 107 exhorte les institutions financières à poursuivre leurs initiatives fondées sur le savoir en misant sur le capital-risque et le financement de démarrage. L'agriculture, comme d'autres industries, est confrontée aux défis de la mondialisation, de l'intensification de la croissance et de la déréglementation. Il nous faut transformer notre industrie à un rythme sans précédent. Cela n'est possible qu'avec l'accélération d'initiatives fondées sur le savoir, surtout en matière de nouvelles technologies -- techniques de production, biotechnologie et génie -- qui exigent toutes de l'argent, de la recherche et de la patience. C'est cela qui crée une augmentation de la demande de capital-risque et de fonds de démarrage.

Pour citer Harold MacKay, «Le changement est le résultat des actions des dirigeants, des entrepreneurs et des innovateurs... On ne peut pas fermer les yeux sur eux ou faire semblant qu'ils n'existent pas». Parlant aujourd'hui du point de vue d'un prêteur agricole, le statu quo n'est pas vraiment une formule à retenir étant donné que le secteur agricole -- et en fait toute l'économie -- continue de changer.

Au fur et à mesure que nous évoluons pour devenir une communauté davantage mondiale, il faudra plus qu'un seul modèle. On a besoin de l'institution financière plus grosse à guichet unique, et je pense également qu'on a besoin de solides intervenants dans les marchés à créneau. Nous croyons que la Société du crédit agricole s'inscrit parfaitement dans ce rôle d'intervenant de créneau, étant donné qu'elle se consacre exclusivement au secteur agricole, avec sa grande diversité de produits et d'entreprises.

En tant que composante essentielle de l'économie, le secteur agricole mérite qu'on s'attarde sur son cas pour veiller à ce que les défis auxquels il est confronté ne soient pas ignorés pendant qu'on s'attache à maximiser ses possibilités.

J'aimerais féliciter le groupe de travail MacKay d'avoir produit un rapport qui est à la fois visionnaire et direct. Nous envisageons avec plaisir de travailler dans un esprit de partenariat avec d'autres institutions financières au fur et à mesure que le secteur agricole change et trouve des possibilités d'expansion.

En conclusion, monsieur le président, je pense que la Société du crédit agricole est idéalement placée pour s'adapter aux changements, du point de vue tant agricole que des services financiers. Nous sommes tout à fait disposés à discuter des façons dont nous pourrions aligner nos activités sur les recommandations qu'adoptera le gouvernement fédéral. Nous sommes pleinement engagés à l'égard de l'industrie, désireux que nous sommes non seulement de suivre le rythme du changement, mais en fait comme l'explique notre nouvelle vision, d'être le chef de file du financement agricole.

Je vais m'arrêter là et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Si vous permettez, j'aimerais vous poser une question d'ordre général. Dans votre mémoire, vous dites que vous appuyez toute une série de recommandations du groupe de travail MacKay, mais vous ne dites pas s'il y en a auxquelles vous êtes opposés. Cela m'étonne un petit peu: j'aurais tout simplement pensé qu'il y en aurait eu au moins deux ou trois sur les 124 qui ne vous conviendraient pas. Si vous vous êtes abstenus par prudence, cela n'est pas nécessaire avec le comité. S'il y a des recommandations auxquelles vous n'adhérez pas, pourriez-vous nous préciser lesquelles et pourquoi?

M. Ryan: Monsieur le président, lorsque j'ai rédigé le texte que je jugeais approprié pour l'occasion, mon objet était d'examiner les 124 recommandations et de décider lesquelles s'appliquaient à l'agriculture et, surtout, lesquelles seraient véritablement bénéfiques pour l'agriculture. C'était là notre préférence car, sachant que nous ne disposions que de dix minutes pour faire passer notre message, nous avons décidé de nous concentrer sur celles qui nous plaisaient vraiment beaucoup.

Si je regarde les 124 recommandations dans leur ensemble, je ne peux cependant pas en détacher une seule, bien franchement, dont je dirais qu'elle va tout à fait dans le mauvais sens et devrait donc être laissée de côté.

Le président: Vous êtes donc satisfaits de l'orientation générale?

M. Ryan: Tout à fait. Je trouve que le groupe de travail MacKay a fait un excellent travail en créant un équilibre qui n'annonce pas qu'il faut ou ceci ou cela. Il a examiné la situation et a dit: «Très bien, l'industrie va changer, qu'on le veuille ou non. Que faudrait-il faire pour que l'e secteur des services financiers soit plus concurrentiel au Canada ainsi qu'à l'échelle mondiale?»

Le sénateur Tkachuk: Monsieur Ryan, pour parler maintenant de façon plus générale de la concurrence au sein du secteur, la Société du crédit agricole est-elle un concurrent des banques ou bien un auxiliaire, ou alors entreprenez-vous des projets conjoints avec les banques?

M. Ryan: La réponse simple à votre question est que c'est une combinaison de tout cela, mais permettez-moi d'expliquer. Dans certaines situations, nous sommes un véritable concurrent des banques; dans d'autres, nous sommes très complémentaires -- complémentaires dans le sens que nous examinons les besoins financiers à long terme du producteur primaire ou de l'entreprise agroalimentaire, mais nous ne nous occupons pas des crédits à l'exploitation. Dans le cas de presque tous les prêts que nous consentons et de presque toutes les relations de travail que nous avons avec des clients, c'est une autre institution financière qui aura la marge de crédit.

Pour ce qui est de travailler avec les autres institutions financières, l'une des choses que nous avons sciemment décidé de faire récemment c'est établir, dans toute la mesure du possible, des alliances. Plus particulièrement dans le cas des plus grosses propositions financières, au lieu d'assumer nous-mêmes ces propositions, nous pensons qu'il est préférable pour nous, et préférable pour l'agriculteur ou pour l'entreprise agroalimentaire, que nous partagions ce risque. Par conséquent, si la proposition a une certaine envergure, nous cherchons un partenaire.

Le sénateur Tkachuk: Laissons de côté les coopératives de crédit car nous savons qu'elles sont très actives sur le marché des prêts agricoles en Saskatchewan. Parmi les cinq grosses banques à charte, dont deux sont en train de discuter de la possibilité de fusionner, lesquelles sont de grosses prêteuses agricoles et lesquelles se retirent progressivement du secteur agricole?

M. Ryan: Je trouve qu'il faut presque examiner la situation par province, ou en tout cas par secteur géographique, pour déterminer quels sont les gros joueurs. Nous surveillons régulièrement la situation pour savoir qui est le plus actif sur le marché. Dans un endroit, ce sera la Banque de commerce, dans d'autres localités, ce sera la Banque Royale, et dans d'autres encore, ce sera la Banque de Montréal.

Si ma mémoire est bonne, je pense que ce sont la Banque Royale et la CIBC qui suivent tout de suite derrière la SCA pour ce qui est de la valeur en dollars des prêts consentis.

Louise Neveu pourra peut-être vous fournir davantage de précisions là-dessus. Peut-être que je n'ai pas les bons chiffres en tête, ou en tout cas pas par province. J'ai utilisé la Banque Royale et la Banque de commerce comme exemples, car je pense que les trois premiers sont la Société du crédit agricole, la Banque Royale et la Banque de commerce.

Le sénateur Tkachuk: Comme vous le savez sans doute, nous avons entendu bon nombre de présentateurs représentant le secteur du crédit-bail et du secteur des assurances, ainsi que des recommandations que ces produits puissent être vendus, de la même façon que tous les autres produits, à la succursale bancaire même. Parlant au nom de votre société, vous semblez être en faveur des dispositions élargies en matière de crédit-bail que recommande le rapport MacKay. La Société du crédit agricole s'occupe-t-elle beaucoup à l'heure actuelle de crédit-bail agricole? Pouvez-vous faire ce genre de chose à l'heure actuelle en l'absence des mécanismes énoncés dans cette recommandation?

M. Ryan: Non. Notre loi habilitante ne nous autorise pas à nous occuper directement de crédit-bail. Cependant, si l'on regarde ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, leurs filiales là-bas disent que le crédit-bail dans le secteur agricole devient de plus en plus populaire; dans certains cas, 75 p. 100 des prêts correspondent à du crédit-bail pour du matériel agricole.

Je trouve intéressant que certains agriculteurs canadiens, surtout parmi les nouveaux et les plus jeunes, sont plus intéressés à se procurer du matériel pour travailler sur la ferme, qu'ils en soient propriétaires ou qu'ils l'achètent en crédit-bail. L'un des avantages du crédit-bail est que cela leur permet de se procurer le matériel et de s'en servir à la ferme sans avoir à faire un gros versement initial, et leur versement mensuel est lui aussi plus petit.

En d'autres termes, ils sont plus intéressés par l'acquisition du bien que par la façon dont ils vont en financer l'achat, que ce soit au moyen d'un prêt ordinaire ou d'un arrangement de crédit-bail. Par conséquent, je vois cela comme étant et une possibilité intéressante pour l'agriculteur et un avantage pour le consommateur, car cela contribuera à augmenter la concurrence, ce qui doit en bout de ligne bénéficier au consommateur.

Le sénateur Tkachuk: Or, à l'heure actuelle, on ne peut pas acheter du matériel lourd au moyen du crédit-bail, n'est-ce pas?

M. Ryan: Non. C'est exact. Pas directement. Cela ne fait pas partie de notre mandat et n'est pas prévu dans notre loi habilitante.

Le sénateur Callbeck: Venant d'une province agricole, je suis bien sûre sensible à l'importance de la Société du crédit agricole. Dans votre présentation, vous avez parlé de la croissance que vous avez connue au cours des trois dernières années, et je pense vous avoir entendu dire qu'entre 1994 et 1995, vous avez consenti de nouveaux prêts d'une valeur de 600 millions de dollars. Est-ce bien cela?

M. Ryan: Oui.

Le sénateur Callbeck: En 1997-1998, cela est passé à 1,5 milliard de dollars, ce qui est une augmentation énorme. Quelles sont les principales raisons de cette augmentation?

M. Ryan: Eh bien, remontons un petit peu en arrière. En 1993, la Société du crédit agricole a reçu un nouveau mandat; à l'époque, il y avait trois ou quatre éléments importants qui allaient nous permettre d'être plus actifs sur le marché. Premièrement, il y a eu l'élimination de la nécessité d'obtenir une autorisation; en effet, à une époque, on ne pouvait autoriser que jusqu'à 600 000 $ en tout; cela a été supprimé. Deuxièmement, ce qui était très positif, notre nouveau mandat nous permettait de venir en aide non seulement aux producteurs primaires mais également aux entreprises agroalimentaires, c'est-à-dire le volet à valeur ajoutée. En plus de cela, nous avons été autorisés à offrir du financement à des personnes qui ne travaillaient pas forcément à temps plein à la ferme mais qui avaient aussi un revenu en provenance d'un emploi à l'extérieur de la ferme.

Ces facteurs ont clairement contribué à la croissance de la Société du crédit agricole. Cependant, en plus de cela, je dois dire, pour être juste, que nous avons eu une bonne économie agricole. Nous connaissons quelques problèmes à l'heure actuelle, mais si l'on remonte à la période allant de 1993 à 1997, la situation était très bonne: le prix des denrées était bon, nous avions un taux d'intérêt stable et le marché agricole était en pleine expansion. La demande et le besoin en matière de services étaient là, et le mandat élargi qu'on nous a donné en 1993 nous a permis d'y réagir.

Le sénateur Callbeck: Le changement apporté à votre mandat en 1993 signifie-t-il que tous les agriculteurs à temps partiel peuvent obtenir du financement auprès de vous?

M. Ryan: Oui.

Le sénateur Callbeck: Ne faut-il pas que leur revenu en provenance d'un emploi hors-ferme corresponde à un certain pourcentage?

M. Ryan: Non. Permettez-moi tout de même de confirmer cela avec ma collègue ici présente.

Le président: Puis-je vous demander une petite explication? Si j'habitais quelque par au nord de Toronto et que j'avais dix acres avec un petit potager et que je vendais une partie des légumes produits, serais-je admissible en tant qu'agriculteur en vertu de la définition de la SCA et pourrais-je obtenir auprès d'elle un prêt?

M. Ryan: Je ne pense pas que nous voudrions aller jusque-là. Nous finançons le producteur primaire; une personne qui aurait une production de très petite échelle ne serait sans doute pas admissible. D'autre part, côté valeur ajoutée, nous avons une exigence: il faut que l'activité soit contrôlée par des agriculteurs. En d'autres termes, si un groupe de personnes s'organise et demande du financement auprès de la Société du crédit agricole côté valeur ajoutée, mettons, pour une usine de nettoyage de semence, il faudrait que l'activité soit contrôlée par des agriculteurs pour que nous puissions assurer un financement.

Le sénateur Meighen: Pourrait-on être un tout petit peu plus précis? Supposons que 60 p. 100 de mes revenus proviennent d'activités non agricoles. Suis-je admissible?

M. Ryan: De revenus non agricoles?

Mme Louise Neveu, vice-présidente exécutive et chef des opérations, Société du crédit agricole: Oui.

Le sénateur Meighen: Je serais donc admissible à un prêt. Le prêt doit-il être lié à des activités agricoles? Dans l'affirmative, jusqu'à quel point? La production de sapins de Noël, par exemple, est-ce une activité agricole? Un bassin d'élevage de truites arc-en-ciel est-cel une activité agricole? La location à des touristes de petites cabanes sur mes terres en bordure du lac est-ce une activité agricole?

M. Ryan: La réponse est oui pour les premières questions. L'élevage de truites arc-en-ciel -- l'aquaculture en général -- est couvert; oui, c'est très clair. En fait, depuis quelques années, il y a une croissance marquée dans ce secteur car il y a vraiment un trou sur ce marché. Nous voyons cela comme une activité agricole, mais plutôt côté pêche. Les cultivateurs de sapins de Noël correspondent à une autre catégorie, qui serait admissible.

Pour ce qui est de l'aspect tourisme, il me faudrait faire appel à Louise pour répondre.

Mme Neveu: Dans tous ces cas, nous demandons de voir les plans d'entreprise. C'est là, bien sûr, la première condition.

Par exemple, si vous êtes dentiste et que vous cherchez surtout un abri fiscal et que c'est une activité secondaire, vous ne faites pas partie des gens à qui on prêterait en règle générale; ce n'est pas prévu pour ce genre d'investissement. Mais si vous avez une exploitation agricole viable et qu'en tant qu'entrepreneur agricole vous exploitez...

Le sénateur Meighen: Je suis dentiste, en passant.

Mme Neveu: ... et vous exploitez cette troisième activité, qui est touristique, vous seriez admissible.

Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne votre croissance, le pourcentage de l'augmentation depuis le changement de votre mandat en 1993 a-t-il été plus élevé dans certaines provinces comparativement à d'autres?

M. Ryan: Nous avons, dans l'ensemble, constaté une augmentation marquée dans toutes les provinces du pays. Pour vous donner une réponse plus précise, il faudrait regarder du côté opérations.

Mme Neveu: C'est très général à l'échelle du pays.

Le sénateur Callbeck: Je voulais vous interroger au sujet de quelque chose qui s'appelle le Rural Enterprise Loan Fund; si j'ai bien compris, vous êtes en partenariat pour cela avec la Banque fédérale de développement et les coopératives de crédit de l'Ontario. Est-ce bien cela?

M. Ryan: Oui.

Le sénateur Callbeck: Si j'ai bien compris, cela vise à aider les habitants des régions rurales à obtenir suffisamment de capitaux et suffisamment d'antécédents en matière de crédit pour se lancer dans la petite entreprise.

M. Ryan: C'est notre première initiative dans ce domaine en Ontario et, vous avez raison, il s'agit d'une initiative conjointe avec la Banque de développement et les coopératives de crédit.

L'objet, en vérité, est d'aider les gens, comme vous l'avez dit, qui n'ont pas d'antécédents en matière de crédit. S'ils n'ont pas pu obtenir du financement auprès des sources habituelles, ils peuvent commencer avec un tout petit prêt consenti par nous -- 1 000 $, par exemple -- et, une fois qu'ils ont remboursé cela, ils ont leur deuxième prêt de 1 000 $. Au bout de trois prêts consécutifs, ils auraient des antécédents suffisants, nous l'espérons, pour pouvoir emprunter auprès de prêteurs classiques.

Le sénateur Callbeck: Envisagez-vous d'élargir cela? Je songe à ma propre province, l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Ryan: Je pense qu'il serait à ce stade-ci prématuré de répondre par un oui catégorique. Il s'agit d'un projet pilote. Nous l'avons lancé il y a tout juste quelques mois en Ontario, et nous aimerions attendre de voir comment cela va fonctionner et quels avantages en découleront. Dans le cas de toutes ces choses, nous essayons toujours de travailler en partenariat avec d'autres; lorsqu'il existe des possibilités et qu'il y a des partenaires, nous sommes bien sûr intéressés à examiner la situation, mais à ce stade-ci, on ne donne pas carte blanche.

Le sénateur Callbeck: Le rapport MacKay recommande qu'en vertu de la Loi sur le crédit agricole les biens personnels meubles puissent servir de garantie. Qu'en pensez-vous?

M. Ryan: Cela nous convient parfaitement. Vous parlez de cela dans le contexte du crédit agricole seulement? Oui, car nous acceptons déjà cela comme garantie à l'heure actuelle.

Le sénateur Callbeck: Vraiment?

M. Ryan: Oui. Si je ne m'abuse, la loi de 1993 a été élargie pour nous permettre de faire cela; cela ne fait cependant que deux ans que nous travaillons de cette façon. Je pense que cela a fourni au secteur agricole une autre possibilité en matière de prêts pour biens meubles.

Le sénateur Meighen: Monsieur Ryan, vous vous portez manifestement très bien, ayant réalisé un profit pendant huit années de suite, et vous satisfaisiez manifestement un besoin, étant donné que vous avez beaucoup de clients et que vous êtes en expansion.

Pour revenir, peut-être par voie de tangente, à la question que je vous ai posée tout à l'heure dans le cadre de ma question supplémentaire originale, si je ne m'abuse, la SCA a été créée pour remplir un vide ou satisfaire un besoin qui n'était apparemment pas satisfait. Avez-vous toujours le sentiment de faire cela ou bien vous voyez-vous différemment maintenant?

M. Ryan: Je pense que nous nous voyons comme étant beaucoup plus que cela. Il existe, certes, un besoin; dans certains cas, comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, nous livrons concurrence aux institutions financières. La communauté agricole a dit qu'elle nous perçoit comme étant une solution de rechange. Les agriculteurs veulent pouvoir venir et parler à des personnes qui comprennent l'agriculture.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, 80 p. 100 de nos employés ont grandi sur des fermes et comprennent donc très bien l'agriculture. Cela ne veut cependant pas dire que nous sommes en train de livrer concurrence aux autres sur le marché sur le plan prix uniquement. Je pense que nos compétences et notre compréhension en matière d'agriculture ont beaucoup bénéficié à nos clients, et nous voulons être présents sur le marché comme solide solution de rechange pour le milieu agricole.

Les gens peuvent certainement obtenir de l'argent, mais on leur offre plus que de l'argent avec les connaissances agricoles que nous apportons à la table dans le contexte des prêts.

Le sénateur Meighen: Tout cela est très élogieux, mais je me demande si, en plus des relations que vous dites avoir établies entre vos employés et leurs clients et de l'approche que vous avez prise et des produits novateurs que vous avez mis au point, il y a autre chose qui vous donne un certain avantage par rapport à, mettons, l'une des banques à charte? Avez-vous, par exemple, accès aux garanties monétaires du gouvernement du Canada ou autre?

M. Ryan: Je pense que les choses ont beaucoup changé en ce qui concerne la Société du crédit agricole. À une époque, nous étions entièrement financés ou appuyés par le Fonds du revenu consolidé; nous n'avons plus accès au Trésor pour les emprunts à long terme dont nous avons besoin. Nous avions accès à un financement à court terme en provenance du Trésor public, mais à la fin de l'exercice financier en cours, cela ne sera plus possible non plus. Nous n'avons donc pas accès à du financement bon marché.

Il nous faut emprunter notre argent sur les marchés ouverts et, bien sûr, nous cherchons à obtenir les conditions les plus compétitives qui soient de façon à pouvoir à notre tour prêter cet argent à la communauté agricole, mais nous ne bénéficions pas de garanties directes du gouvernement fédéral pour les prêts que nous consentons.

Le sénateur Meighen: Ai-je bien compris qu'à la fin de l'année en cours, vous serez sur un pied d'égalité avec toutes les autres «banques»?

M. Ryan: Oui, du point de vue de la perspective d'ensemble. Nous avons cependant reçu du financement du gouvernement fédéral il y a plusieurs années, lorsque nous avons connu de très sérieuses difficultés financières. Cela remonte à la fin des années 80 ou au début des années 90. Il y a alors eu injection de capitaux par le gouvernement fédéral.

L'on pourrait arguer que parce que nous avons eu cette injection de capitaux, le terrain de jeu est maintenant inégal. L'une des choses que j'ai voulu faire ressortir dans mon rapport est que nous avons enregistré huit années de solides profits. Ces huit années de solides profits représentent à peu près la moitié des avoirs actuels de la société elle-même. Nous payons des impôts; nous payons, ou avons les fonds nécessaires pour payer des dividendes -- et pendant quelques années nous avons payé des dividendes, mais il y a une année où nous ne l'avons pas fait. Le terrain de jeu est donc en train de devenir de plus en plus égal.

Le sénateur Meighen: Vos profits, donc, restent à l'intérieur de la société; ils ne sont pas retournés au gouvernement via le Trésor public, n'est-ce pas?

M. Ryan: Cet argent ne retourne pas au Trésor, mais il y a une disposition en vertu de laquelle, chaque année, nous décidons si nous allons ou non déclarer des dividendes qui, eux, retourneraient au gouvernement. La politique approuvée par le conseil d'administration est que 10 p. 100 des profits nets après rajustement pour les bénéfices exceptionnels pourraient être déclarés comme dividendes.

Le sénateur Meighen: Vous aurez remarqué, j'en suis certain, comme nous tous, que le groupe de travail MacKay a décidé de ne pas traiter en profondeur des sociétés d'État comme la SCA. Je dois dire que j'ai trouvé cela quelque peu étonnant, mais vu ce que vous nous avez dit, à moi et aux autres sénateurs, aujourd'hui, et vu que MacKay est clairement en faveur d'une augmentation de la concurrence, de l'ouverture du marché et d'une plus grande souplesse permettant d'offrir une plus vaste gamme de produits aux consommateurs, pourquoi ne couperiez-vous tout simplement ce lien, quel qu'il soit, avec le gouvernement? Allez-y et lancez votre banque de crédit agricole, un point c'est tout. Vous pourrez en être le premier président et on s'organisera pour que le sénateur Tkachuk soit le premier client. Pourquoi continuer de bricoler des choses avec le gouvernement? D'après ce que vous me dites, vous aurez coupé tous les cordons ombilicaux d'ici la fin de l'année.

M. Ryan: Je pense qu'en bout de ligne, ce sera une décision du gouvernement. Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour promouvoir la privatisation ou autre chose du genre. Je pense néanmoins que la Société du crédit agricole, parce qu'elle a une base agricole, avec 100 bureaux et tous ses employés éparpillés dans le Canada rural, joue là un rôle très important.

Le sénateur Meighen: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

M. Ryan: Et j'ose espérer qu'au fur et à mesure qu'on avance et qu'on commence à examiner les solutions de rechange, la Société du crédit agricole reviendra à la table et demandera peut-être ce qu'elle pourrait faire de plus.

Le sénateur Meighen: Eh bien, si j'étais le ministre ou le premier ministre -- ce qui est très peu probable au cours des prochains mois, voire même des prochaines années -- et si je secouais mon stylo ou autre et disais: «D'accord, vous vous débrouillez tout seul maintenant», cela vous ennuierait-il?

M. Ryan: Je pense qu'il nous faudrait examiner les conséquences pour la société elle-même. Je pense qu'il s'agit, certes, d'une possibilité ou d'une option mais, bien franchement, nous autres à la société n'en sommes pas arrivés au point où nous nous demandons s'il s'agit là d'une possibilité que nous devrions poursuivre à ce stade-ci.

Le sénateur Meighen: Vos critiques disent, bien sûr, que vous avez un avantage injuste. Vous venez de nous expliquer que d'après vous ce n'est pas le cas.

M. Ryan: C'est exact.

Le sénateur Meighen: Alors quel est l'avantage d'être à moitié enceinte? Pourquoi ne pas être ou tout l'un ou tout l'autre? Ou vous êtes une création, un enfant et vous dépendez du gouvernement, ou vous êtes autonome.

M. Ryan: Je pense vraiment qu'en bout de ligne ce sera le gouvernement qui devra décider de cela, et pas moi.

Le président: Je pense que ce qu'essaie de dire le témoin est que c'est là un énoncé de politique.

Le sénateur Meighen: Je demandais tout simplement s'il serait en faveur ou si cela l'ennuierait.

Le président: Je comprends cela et je trouve votre logique tout à fait irréfutable.

Le sénateur Oliver: Monsieur Ryan, j'approuve le sens dans lequel allaient les questions du sénateur Meighen, mais laissons cela de côté un instant, et permettez-moi de vous demander dans quelle mesure vous êtes compétitifs? Quel taux imposez-vous comparativement aux banques pour le genre de financement que vous offrez aux agriculteurs? Est-il supérieur, inférieur, ou à peu près le même? Et quel genre de garanties prenez-vous comparativement aux banques?

M. Ryan: De façon générale, nos taux seraient supérieurs d'un quart à un demi-point.

Le sénateur Oliver: C'est tout?

M. Ryan: Oui, par rapport à ce que vous trouveriez dans d'autres institutions financières.

Le sénateur Oliver: Imposez-vous à certains agriculteurs le taux préférentiel plus trois, quatre, cinq ou six?

M. Ryan: Non.

Le sénateur Oliver: Quel est le taux le plus élevé qu'il vous arrive d'imposer?

M. Ryan: Notre taux se situe aux environs du taux préférentiel plus deux et quart. Cela correspond à ce que nous nous sommes fixé comme objectif, à l'interne. Nous trouvons -- et je pense que cela est ressorti dans les travaux du groupe de travail MacKay -- qu'il vous faut examiner le degré de risque que vous prenez véritablement. En tant que société, nous sommes passés à un taux d'intérêt établi un peu plus sur mesure, en fonction du risque lui-même. Je pense que nous avons toujours un peu de place pour manoeuvrer sur ce plan-là.

Au fur et à mesure que nous nous occupons de plus en plus du volet agricole à valeur ajoutée, nous trouvons, par exemple, que le taux applicable devrait être différent de celui qui s'appliquerait au producteur primaire. Je fais ici une déclaration générale, et j'espère que vous la comprendrez ainsi, mais il nous faut examiner le risque individuel qui s'y rattache et établir le prix en conséquence.

Le sénateur Oliver: Mais sur le plan garanties, c'est comme à la banque?

M. Ryan: Les garanties seraient semblables, oui. Vous remarquerez cependant une différence: lorsque vous commencez à regarder le barème de tarifs dans son ensemble, vous trouverez qu'au crédit agricole, ce n'est pas très lourd côté frais.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Les questions de mon collègue le sénateur Meighen sont très intéressantes. J'aimerais vous poser une question sous un autre angle. Vous êtes une banque spécialisée qui relève du gouvernement fédéral.

Est-ce qu'il y a une banque spécialisée commerciale qui vous fait concurrence directement dans ce secteur ou êtes-vous les seuls ayant comme vocation de faire vivre les fermiers ou le domaine de l'agriculture?

[Traduction]

M. Ryan: Nous nous intéressons exclusivement à l'agriculture. Vous ne trouverez pas d'autres institutions financières qui se consacrent exclusivement à l'agriculture. Par ailleurs, notre base est entièrement agricole, alors nous représentons les intérêts du Canada rural.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Si on ouvrait le marché aux banques étrangères, est-ce qu'il y a des banques étrangères qui sont spécialisées dans le domaine agricole?

[Traduction]

M. Ryan: À ma connaissance, non. Je pense que nous voyons des situations où des banques étrangères viennent et ont des créneaux particuliers; certaines ne s'intéressent qu'au financement de très grosses transactions. Je pense que la Global Bank serait un exemple. Si vous regardez Wells Fargo, cette institution-là est très clairement axée sur la petite entreprise et de plus petits montants. Je pense que ce qui fait l'unicité de la Société du crédit agricole est qu'elle se limite à l'agriculture et vise le producteur principal et le volet à valeur ajoutée. Louise, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Neveu: La Global Bank serait l'exemple qui me viendrait tout de suite à l'esprit, car il s'agit, bien sûr, d'une coopérative qui a également ses racines dans l'agriculture. Alors elle parcoure les marchés américains et canadiens en visant tout d'abord ce secteur-là.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je note à la page 12 de votre mémoire que le Québec a 731 millions de dollars dans son portefeuille de prêts et l'Ontario 1 500 millions. Est-ce parce que la société québécoise oeuvre dans le même secteur et consent des prêts à la même clientèle, ou est-ce parce que les caisses populaires sont présentes? Comment expliquez-vous que le Québec n'a que la moitié des prêts par rapport à l'Ontario?

Mme Neveu: Au Québec, la Société du financement agricole est une agence parallèle provinciale qui nous fait concurrence. Ils ont un taux d'intérêt qui est subventionné jusqu'à 250 000 $ par client. Ensuite, ils ont une subvention pour les jeunes agriculteurs, selon leur formation agricole, qui est un excellent programme. Ils encouragent les jeunes à poursuivre une formation postsecondaire dans le domaine agricole et ils les subventionnent. Ce n'est pas énorme, il y a une petite subvention du côté de la formation.

Dans le secteur agricole au Québec, habituellement, nous sommes le deuxième prêteur ou encore nous sommes le prêteur qui vient en aide après le prêt de la Société du financement agricole. Le prêt de la Société du financement agricole est un prêt garanti par l'intermédiaire des banques. Les caisses populaires viennent au premier rang et la Banque Nationale au deuxième.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, les gens qui travaillent au Québec ont des analystes pour les dossiers. Et la transaction financière est faite dans une institution financière établie?

Mme Neveu: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Alors que, dans votre cas, vous agissez comme une banque?

Mme Neveu: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il y a quand même une bonne différence. De toute façon, je remarque que dans plusieurs secteurs au Québec, nous sommes en avance sur le plan de la concurrence. Prenez l'exemple d'une ferme établie qui veut faire de la recherche et qui se qualifie pour le crédit d'impôt à la recherche. Est-ce qu'on peut imaginer un client qui aurait un dossier chez vous et qui réinvesstirait une partie de ses profits dans sa recherche et qui irait chercher un crédit agricole. Vous allez le supporter. Autrement dit, avez-vous l'expertise nécessaire pour aller dans le financement de la recherche d'un nouveau procédé ou d'un nouveau produit?

Mme Neveu: À ce moment-ci, nous n'avons pas de recours. Pour le «Venture capital» dont vous parlez, nous n'avons pas encore le mandat, c'est quelque chose qui pourrait nous intéresser? Mais à ce moment-ci, il faudrait que se soit un prêt, soit hypotécaire ou un prêt personnel, mais non basé sur la recherche.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, les gens qui veulent développer un nouveau procédé ou un nouveau produit amélioré où doivent-ils s'addresser?

Mme Neveu: À la Banque fédérale de développement.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous allez travailler en partenariat avec la BDC?

Mme Neveu: Jusqu'à ce jour, non. Nous n'avons pas ce genre de dossier. Mais on pourrait avoir le même genre de prêt pour un agriculteur. Une partie du financement serait avec la BDC et l'autre partie serait avec nous.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que vous trouvez qu'il y a une double emploi entre votre rôle et celui du Québec, ou êtes-vous complémentaires?

Mme Neveu: Notre mandat est presque le même. Il y a double emploi entre les deux portefeuilles. Nous faisons concurrence sur plusieurs dossiers, mais nous sommes très ouverts aux nouvelles productions. Nous avons, dans la plupart des dossiers, joué un rôle de leader, soit pour les nouveaux produits ou les nouvelles entreprises. Alors, d'une certaine facon, on se trouve complémentaires et on se retrouve à se repousser l'un et l'autre pour mieux servir l'agriculteur.

[Traduction]

Le sénateur Kelleher: Comme nous le savons, le rapport MacKay mentionne la crainte que s'il y a fusion, il y aura manque de concurrence et de services, surtout en région rurale. Les auteurs du rapport recommandent la création d'un deuxième palier de banques. Nous avons vu cela aux États-Unis avec les banques communautaires et, en Grande-Bretagne, avec les sociétés de construction, qui sont devenues des banques.

Ils ont regardé un petit peu autour, ce qui était sage, je pense, et ils ont recommandé que les sociétés coopératives de crédit et que les caisses se lancent dans le domaine bancaire. Je trouve cela très séduisant et je suis personnellement très intéressé par la chose. Mais je suis préoccupé, et ce depuis quelques années, du fait que votre organisation et d'autres oeuvrent dans ce même secteur dans lequel le rapport MacKay recommande que ces coopératives se lancent. Ce que je prévois, lorsque les coopératives de crédit essaieront de s'y établir -- car, après tout, ce sont dans les régions de l'Ouest que le mouvement des coopératives de crédit est le plus fort -- est qu'elles vont tout de suite buter contre une organisation gouvernementale financée par les pouvoirs fédéraux.

Bien franchement, je n'aime pas voir ce genre de concurrence. Je n'ai aucun problème si la Société du crédit agricole fournit des services là où il n'y en avait pas. Ce genre de situation peut bien sûr être interprété comme étant un échec de la part des grosses banques, dans une certaine mesure, alors je n'ai rien à redire là-dessus. Mais si les coopératives de crédit s'installent sur ce marché, où en seront les choses pour vous deux? Allez-vous vraiment leur livrer concurrence? Personnellement, je ne serai pas très favorable à cela.

M. Ryan: Peut-être que je pourrai répondre à votre question à partir de différentes perspectives ou approches. Premièrement, il est vrai que MacKay recommande la création d'un deuxième palier d'institutions financières, et d'après ce que j'ai compris, les sociétés de crédit bénéficieraient à cet égard d'un regard favorable. Elles sont communautaires et je pense que cela est positif.

Ma vision de toute la question, cependant, c'est que M. MacKay et son groupe de travail ont recommandé une concurrence accrue. Bien que le rapport ne parle pas des sociétés d'État, j'ose espérer que c'est là une possibilité. Il y aura des occasions où la Société du crédit agricole et les caisses de crédit se battront pour la même transaction. Je pense que cela est positif du point de vue du consommateur.

Nous avons pris la décision stratégique de rencontrer les caisses de crédit de tout le pays et de demander comment nous pourrions faire pour que la Société du crédit agricole et les caisses de crédit travaillent ensemble, dans l'intérêt du client. Mon avis ou ma position là-dessus est que si nous apportons nos dollars et nos compétences à la table et qu'eux ils apportent à la table leurs dollars et leurs compétences, alors le consommateur, c'est-à-dire notre client, s'en portera mieux.

Nous entretenons de très solides relations de travail avec certaines coopératives de crédit dans le pays. Dans d'autres régions, je dirais que la relation est en train de se bâtir. Je ne pense donc pas qu'il faille que ce soit ou tout l'un ou tout l'autre. Ce que je vois, plutôt, c'est une alliance grâce à laquelle on pourra avancer.

Lors de nos discussions avec et les coopératives de crédit et les grosses banques, nous avons établi très clairement dès le départ qu'il y aura des situations dans lesquelles nous pourrons nous livrer directement concurrence, mais que nous voulons trouver le moyen de travailler ensemble dans l'intérêt de nos clients. Je ne travaille à la SCA que depuis un an et ces discussions ont eu lieu pendant cette période. L'initiative a été très bien reçue et nous voyons déjà quelques résultats positifs, non seulement de notre point de vue, mais également de celui du client.

Le sénateur Oliver: Je suppose que je vais être un petit peu critique ici, mais si je regarde votre passé, la Société du crédit agricole n'a jamais été timide quant à l'obtention de l'élargissement de son mandat. Je ne pense pour ma part pas un seul instant que cela va s'arrêter. Je pense que vous devez continuer d'essayer de faire élargir votre mandat. Par exemple, la prochaine chose que vous pourriez peut-être demander c'est d'être régularisés pour offrir la gamme complète des services bancaires ainsi que la possibilité de proposer du crédit-bail pour des véhicules légers et lourds, et d'autres choses du genre.

M. Ryan: Vous avez raison lorsque vous dites que la Société du crédit agricole a par le passé demandé de nouvelles lois et un nouveau mandat. Mais dans chaque situation, nous examinons cela du point de vue de ce qui se passe sur le marché. Les outils dont nous disposons à la Société du crédit agricole sont-ils suffisants pour que nous fassions ce travail aujourd'hui?

Lorsque j'ai répondu tout à l'heure à une question portant sur la croissance et l'activité, j'ai rattaché cela aux changements apportés au mandat. Si nous étions sur le marché et si, par exemple, nous installions un environnement de taux d'intérêt hautement subventionnés, alors je dirais que ce serait de la concurrence déloyale. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous pratiquons des taux d'intérêt qui sont en général supérieurs d'un quart de point à un demi-point.

Je pense, d'après ce que nous disent nos clients, qu'ils ont besoin de notre aide, qu'il existe des possibilités.

Du point de vue de la Société du crédit agricole, nous avons un rôle à jouer. Lorsque nous disons que nous sommes le chef de file du financement agricole, nous ne disons pas cela dans une optique où nous montrerions la voie avec de nouveaux produits et personne ne nous suivrait. Mais en bout de ligne, si nous montrons la voie et que d'autres institutions financières reconnaissent nos bons produits et notre bon service, il y aura là un avantage. Si elles nous copient, ce sera formidable.

Le sénateur Oliver: Dans cette situation, donc, vous écartez-vous, disant que vous ne devriez pas faire ce genre de chose en tant qu'organisme fédéral et qu'il vaudrait mieux laisser cela au secteur privé?

M. Ryan: Je doute que nous y restions. Nous nous écarterions, pour être franc avec vous.

Le sénateur Oliver: C'est ce qui me préoccupe.

M. Ryan: Nous regarderions ce qu'il y a d'autre sur le marché et quelle devrait être l'étape suivante pour nous, au lieu de tout simplement nous asseoir sur nos lauriers ou être satisfaits de continuer de faire exactement ce que nous faisons maintenant. Nos activités sont vraiment déterminées par les besoins. Nous entreprenons régulièrement de parler individuellement à nos clients, ou alors nous faisons appel à des sociétés de recherche pour nous dire quels sont les besoins de la communauté agricole à ce moment-là. Qui satisfait ces besoins et que pourrions-nous faire de plus?

Le dernier point que j'aimerais souligner est que, peu importe ce que nous ferons, ce sera axé sur l'agriculture. Cela ne nous intéresse pas de devenir une banque à part entière offrant tous les services, tous les produits au grand public, car nos compétences ne sont pas là, mais bien du côté de l'agriculture.

Le président: Je comprends que vous n'êtes pas intéressés à devenir une banque offrant toute la gamme des services au grand public. Cela vous intéresse-t-il de devenir une banque offrant tous les services à votre clientèle naturelle, c'est-à-dire les agriculteurs? En d'autres termes, cela vous intéresserait-il de changer pour ne plus être qu'un simple centre de prêts pour les agriculteurs mais bien pour devenir leur principale institution financière, offrant toute la gamme des services bancaires?

M. Ryan: Je vous demanderais peut-être un éclaircissement. Votre question vise-t-elle à savoir si la Société du crédit agricole serait intéressée à être une institution de dépôts, par exemple?

Le président: Ce serait un bon point de départ.

M. Ryan: Nous avons examiné cela par le passé et avons dit qu'il existe là un besoin. Mais si nous examinons nos compétences du point de vue des gens et des systèmes, je ne pense pas que nous soyons vraiment prêts à relever un tel défi. Je pense que c'est là un défi de taille en soi.

Je nous verrais plutôt examiner les autres possibilités qui seraient alignées sur ce que nous faisons à l'heure actuelle côté financement, et nous demander comment nous pourrions les élargir. S'il existait un besoin réel et si une position logique nous était soumise, par exemple que les agriculteurs ont besoin d'un meilleur accès à des marges de crédit, nous nous demanderions alors si nous serions les mieux placés pour offrir ce genre de chose par opposition à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Angus: Qu'en est-il des cartes de crédit. Envisageriez-vous de vous lancer dans ce domaine?

M. Ryan: Pour être franc, je dirais que nous examinerions cela pour voir s'il y a un besoin. Nous n'avons pas encore fait ce genre d'analyse.

Le sénateur Angus: Avez-vous envisagez cela?

M. Ryan: Pas encore. Nous en avons parlé au sein de la société, mais nous ne sommes pas encore arrivés au point de dire que ce serait logique. Il existe à l'heure actuelle quantité de cartes de crédit, alors je ne pense pas que nous voudrions nous trouver dans une situation du genre «nous aussi». Mais il nous faudra examiner cela au fil de notre analyse des besoins.

Le sénateur Kroft: Ma question est de par sa nature un petit peut amorphe, mais je demande votre indulgence. J'aimerais enchaîner sur la théorique du sénateur Meighen selon laquelle vous n'allez peut-être pas toujours avoir le même régime de propriété. Le sénateur Kelleher pense, dans sa perspective, que c'est déjà décidé d'avance. Quels problèmes découlent de là?

Oublions un instant la question de savoir si vous êtes ou non un bras du gouvernement. Ces questions seraient, je pense, bonnes à poser à la Banque de développement, mais peut-être davantage encore à vous. Simplifions les choses et supposons que vous existez en tant qu'institution.

Quelles sont vos idées à long terme? Quel rôle votre société jouera-t-elle dans l'économie canadienne dans son ensemble? Supposons un instant que vous êtes privatisés et que vous faites exactement ce que vous faites à l'heure actuelle.

Remplissez-vous un espace que les banques conventionnelles telles qu'elles existent dans leur structure actuelle ne voudraient jamais sérieusement occuper? Ou bien, si votre organisation n'y est pas présente, y aura-t-il vraisemblablement un fossé systémique ou structurel à l'intérieur de la structure financière?

M. Ryan: En ce qui concerne la structure, je pense qu'il y a eu, qu'il y a et qu'il y aura toujours des fossés. J'écoute nos clients de partout au pays, et parce que nous avons une base véritablement rurale, les gens s'inquiètent de ce qui se passe dans le secteur des services financiers. Ils se demandent qui va les servir à l'avenir. Il m'apparaît clairement qu'il existe des lacunes. Ce que je veux dire par là c'est que la taille moyenne d'un de nos prêts est inférieure à 100 000 $. Nous ne parlons pas de transactions de plusieurs millions de dollars, de façon générale, alors je pense que le Canada rural continuera d'avoir des besoins particuliers.

Vous avez donc le Canada rural, vous avez les besoins, vous avez le gouvernement, ou le Canada, dans son entier, qui disent que l'agriculture est très importante pour le pays: elle représente 10 p. 100 de notre PNB.

Nous aimerions que nos exportations passent d'environ 22 milliards de dollars à 40 milliards de dollars d'ici l'an 2005. Je pense qu'il va y avoir un besoin énorme de soutien de la part de la communauté financière pour aider les milieux agricoles à atteindre ce chiffre magique de 40 ou 45 milliards de dollars chaque année.

Pour moi, cela présente un potentiel énorme pour le Canada rural. Si nous pouvons faire de la production à valeur ajoutée, nous créerons des emplois. Si nous créons des emplois, il y aura des retombées économiques. Mais le Canada rural a besoin de l'appui financier de joueurs, y compris nous-mêmes, qui pourront faire se réaliser ce projet.

Le sénateur Kroft: Si quelqu'un est en train d'élaborer un plan d'entreprise à soumettre au ministre responsable de la privatisation, pensez-vous que ce besoin et que cette possibilité d'affaires suffisent pour être autosuffisants financièrement et, en fait, rentables, à long terme?

M. Ryan: Je pense, sénateur Kroft, qu'avant que vous n'arriviez, j'ai abordé certaines de ces questions...

Le sénateur Kroft: Je m'excuse de mon retard.

M. Ryan: Nous avons enregistré huit années de profits. Cependant, la société n'est pas gérée sur la base de la maximisation des profits. Nous avons un actionnaire différent. Oui, il nous faut assurer un rendement. Au cours des dernières années, notre rendement sur les avoirs a été de 8 p. 100 à 9 p. 100. Dans un contexte propre au secteur privé, j'imagine que ce ne serait pas acceptable. Dans le privé, les taux de rendement se situent entre 17 et 20 p. 100.

Nous nous voyons comme n'appartenant ni au secteur privé ni au secteur public. En tant que société d'État, nous nous situons quelque part entre les deux, et nous devons obtenir un rendement. Nos profits se sont en moyenne chiffrés à environ 40 millions de dollars par an. Nous multiplions nos avoirs par 10 ou 12, grâce à l'effet de levier, ce qui correspond à 400 millions ou 500 millions de dollars en nouveau financement net chaque année. Alors, oui, cela pourrait être rentable, mais un taux d'intérêt de 8 ou 10 p. 100 suffirait-il pour attirer le secteur privé? C'est la grosse question.

Le sénateur Kroft: Mais vous avez bien dit que si vous ne le faisiez pas, vous ne pouviez pas être certain qu'un quelconque des autres joueurs à l'intérieur de la structure financière remplirait le trou, n'est-ce pas?

M. Ryan: Au cours des dernières années, nous avons connu une croissance considérable, allant de quelque 600 millions de dollars à 1,5 milliard de dollars. Dans ce contexte, il me faudrait arriver à cette conclusion.

Par ailleurs, lorsque nous allons parler à nos clients, ils nous disent qu'il leur faut de nouveaux produits, surtout en ce qui concerne le transfert des fermes d'une génération à l'autre. Nous devons être en mesure d'aider les nouveaux agriculteurs qui achètent la ferme pour poursuivre son activité, et il nous faut aider les agriculteurs en développement à s'élargir. Ils ont des avoirs limités et ils n'ont pas beaucoup d'antécédents en matière de crédit. Il faut donc des programmes spéciaux pour aider et encourager la poursuite de l'activité agricole par la nouvelle génération.

Mme Neveu: Il m'est très difficile de garder le silence. Cela devient un tout petit peu trop écrasant. Sénateur Kroft, votre question est peut-être bien amorphe, mais le sujet est beaucoup plus une question de philosophie.

Vous regardez une approche différente. Croyez-vous vraiment que l'agriculture est différente de n'importe quelle autre industrie? Si vous regardez un tout petit peu dans le monde, la plupart des pays ont vu ce que nous avons fait et considèrent la Société du crédit agricole comme quelque chose de très spécial. La plupart des pays du monde qui ont une agriculture développée ont leurs propres systèmes agricoles. Les Américains ont un système de crédit agricole qui est très, très semblable à notre organisation. C'est une coopérative, ce qui est une possibilité pour nous dans notre développement. Quoi qu'il en soit, cette organisation a ciblé de façon très spécifique l'agriculture.

Nous croyons que si nous n'étions pas dans ce marché, il n'y a aucune autre institution qui interviendrait avec le même degré d'attention et de spécialisation que nous. Oui, tout le monde veut les meilleurs clients «A» -- c'est vraiment là que nous serons confrontés à de la concurrence. Mais les nouveaux marchés plus jeunes et en développement, les nouveaux intrants, les nouvelles entreprises sont vraiment les catégories auprès desquelles nous pensons avoir un très important rôle à jouer.

Le président: Pour utiliser la terminologie du rapport MacKay, pourrais-je décrire la SCA comme étant essentiellement une banque communautaire, la «communauté» n'étant pas définie dans un sens géographique étroit, mais comme l'ensemble des agriculteurs et des résidents du Canada rural? Ou bien une autre description serait-elle que vous faites essentiellement de la commercialisation auprès d'un créneau très clairement défini, dans le sens entendu par les auteurs du rapport MacKay lorsqu'ils parlent d'institutions de second palier qui se lancent et qui réussissent dans ces créneaux. Ces deux descriptions correspondent-elles assez bien à ce que vous faites?

M. Ryan: Premièrement, du point de vue commercialisation axée sur un créneau, il est clair que nous nous positionnons ou nous efforçons de nous positionner dans cette optique.

Nous pouvons occuper un créneau parce que nous sommes très étroitement liés à la localité. Nos gens y vivent et comprennent l'agriculture. En conséquence, nous pouvons aider les gens à maximiser les possibilités qui se présenteront.

Le président: La dernière partie de votre réponse m'apprend tout simplement quelle est votre stratégie de commercialisation. J'essaie de vérifier si ma compréhension de ce que vous êtes, selon la terminologie de MacKay, est juste.

Le sénateur Angus: D'après moi, elle ne l'est pas.

Le président: Êtes-vous de cet avis?

M. Ryan: Si vous me demandez de choisir une description par rapport à l'autre...

Le président: Non, je pense qu'elles sont toutes les deux justes.

M. Ryan: Nous ne nous percevons pas comme étant une banque. En fait, si nous parcourions tout notre réseau et faisions un sondage auprès de nos 900 employés, si nous leur demandions: «Vous considérez-vous comme faisant partie d'une banque?» la grande majorité des gens diraient que non.

Le président: Très bien. J'accepte cela. Qu'arrive-t-il si je remplace les mots «institution financière» par «banque». Vous ciblez un ensemble de clients très clairement définis du point de vue situation géographique et vous le faites avec un ensemble de services très précis. Dans cette mesure, vous êtes une institution de commercialisation de créneau classique type, n'est-ce pas?

M. Ryan: Une institution financière, oui.

Le président: Très bien. Cela est dans le contexte du rapport MacKay. Pourrais-je vous poser encore une autre question: quel est l'avoir de vos actionnaires?

M. Ryan: Nous avons en tout des avoirs d'à peu près 550 millions de dollars.

Le président: Donc, dans le contexte du rapport MacKay, vous êtes dans la catégorie des moins de 1 milliard de dollars?

M. Ryan: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il des institutions qui ont dit que vous faites de la concurrence déloyale? Vous dites que vous avez réalisé un profit au cours des huit dernières années. Je sais que vous ne payez pas d'impôt sur le capital -- en fait, vous ne payez pas d'impôt du tout. Qu'advient-il des profits à la fin de l'année?

M. Ryan: Nous sommes un petit peu différents des autres sociétés d'État. En fait, nous payons un impôt, et nous payons également un dividende. Si je prends les huit dernières années -- je n'ai pas les chiffres précis devant moi -- environ 38 millions de dollars ont été payés sous forme d'impôts et de dividendes.

Le sénateur Tkachuk: Quels impôts payez-vous?

M. Ryan: Nous payons une taxe sur le capital. Nous payons un dividende. Nous ne payons pas pour l'instant d'impôt sur les bénéfices, ce à cause des pertes que nous avons enregistrées à la fin des années 80 et au début des années 90. Il y a une disposition de report d'une perte sur une année ultérieure. Cependant, dès que cela aura été effacé, nous paierons des impôts sur le revenu et sur le capital ainsi que des dividendes.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Je voulais tout simplement tirer cela au clair.

Le président: J'aurai deux dernières questions. L'une porte sur votre déclaration et l'autre sur une réponse que vous avez donnée, je pense, au sénateur Oliver. Vous avez dit une ou deux fois qu'en règle générale vous imposez un taux qui est supérieur d'un quart à un demi pour cent au taux pratiqué par les banques à charte. Pourquoi tout le monde emprunte-t-il auprès de vous?

M. Ryan: Tout d'abord, nous sommes là et en année de vaches grasses et en année de vaches maigres. Nous sommes là pendant tous les cycles économiques. Nous sommes implantés dans le Canada rural. Nous comprenons vraiment l'agriculture. Nous avons fait des sondages et les gens disent qu'ils veulent traiter avec une institution qui comprend leur activité, qui les aidera à surmonter leurs problèmes, qui les aidera à maximiser les possibilités qui se présentent, et qui est juste, honnête et digne de confiance.

Le président: Avez-vous une idée du pourcentage de personnes qui viennent vous voir et qui se sont déjà fait refuser par une banque à charte?

M. Ryan: Je ne connais pas ce chiffre. L'auriez-vous, Louise?

Mme Neveu: Nous gardions ces chiffres autrefois. La vieille philosophie du «prêteur de dernier recours» ne tient plus. Je pense qu'il vous faut regarder l'ensemble. Notre taux d'intérêt est peut-être un quart ou un demi pour cent de plus, mais si vous tenez compte des frais qu'aurait à payer l'agriculteur ailleurs, ce n'est peut-être pas si différent que cela.

Le président: Puis-je vous poser quelques questions au sujet de ce que vous avez dit relativement à vos comités d'examen de prêts? Vous dites à la page 4 de votre exposé qu'une personne qui s'est vu refuser un prêt a le droit d'en appeler de la décision. Quel est le pourcentage des décisions qui sont suivies d'un appel? Comment fonctionne le processus d'appel? Arrive-t-il jamais que le demandeur gagne son appel, ou bien le processus d'appel existe-t-il tout simplement pour la forme? Parlez-moi un peu de cela.

M. Ryan: Premièrement, il y a des comités d'appel pour les prêts dans toutes les provinces. Nous les créons et le comité d'appel peut regrouper de quatre à 14 personnes, mais il est en règle générale composé de six ou sept. Ce sont leurs pairs, dans le milieu agricole. Ce sont des agriculteurs; ils ne travaillent pas pour la Société du crédit agricole. Ils se réunissent lorsque nous refusons d'accorder un prêt donné et que le demandeur estime ne pas avoir eu droit à une audition impartiale. Celui-ci comparaîtra devant le comité d'appel et aura la possibilité de lui soumettre sa version des choses par opposition à celle de la Société du crédit agricole.

La décision n'est pas exécutoire. J'ignore combien d'appels sont rejetés et combien sont appuyés -- vous avez peut-être les chiffres, Louise -- mais dans certains cas, surtout s'il y a de nouveaux renseignements, nous renversons la décision. Dans d'autres cas, nous ne le faisons pas.

La façon la plus simple de décrire cela est peut-être de dire que nous prenons très au sérieux les recommandations du comité d'appel.

Connaissez-vous les chiffres, madame Neveu?

Le président: J'aimerais les avoir. Je vais donc vous soumettre une liste de questions bien précises. J'aimerais savoir quel pourcentage des prêts qui sont refusés font l'objet d'un appel devant le comité d'appel? Et pour quel pourcentage le comité d'appel recommande-t-il que vous changiez d'avis et pour quel pourcentage de ces cas-là changez-vous en fait d'avis? Cela me semble être une approche assez originale pour ce qui est des difficultés des petites entreprises dont on entend beaucoup parler.

Cela m'a étonné de vous entendre dire que les comités d'appel sont composés de pairs. Cela veut dire que les gens doivent exposer leur situation financière. J'aurais pensé que ce serait assez difficile pour les gens de faire cela.

M. Ryan: D'un côté, oui, mais, de l'autre, c'est leur occasion de présenter leur cas à des personnes qui sont très près de leur industrie ou de leur entreprise et qui leur accorderont une audition impartiale. En bout de ligne, ils en sortiront peut-être gagnants. Alors ils fournissent ces renseignements.

Mme Neveu: Il y a dans l'agriculture une longue tradition de ce genre de structure. À l'époque des difficultés des années 80 et 90, le Bureau d'examen de l'endettement agricole avait eu une structure semblable. La structure du comité d'appel de la Société du crédit agricole remonte à l'année 1959.

Le président: Je sais, monsieur Ryan, que vous avez passé de nombreuses années à la Banque fédérale de développement, maintenant appelée la Banque de développement du Canada. Un processus semblable existe-t-il là-bas?

M. Ryan: Non.

Le président: Existe-t-il dans une quelconque autre institution de prêts que vous connaissez?

M. Ryan: Pas que je sache. Mais je n'ai vraiment pas fait de recherches là-dessus. Je sais qu'il y a des ombudsmans dans nombre des institutions financières, mais je ne connais pas de comité d'examen de prêts.

Le sénateur Oliver: Notre président vous a demandé si vous êtes comme une petite banque communautaire qui s'occupe d'agriculture, et vous avez donné votre réponse. Mais plus tôt dans la réunion, vous avez dit que vous ne prenez pas de dépôts comme une banque et que vous ne consentez pas de crédit à l'exploitation. L'une des raisons pour lesquelles les petites entreprises sont si nombreuses à échouer est qu'elles épuisent leurs capitaux d'exploitation ou de roulement.

Jusqu'à quel point travaillez-vous étroitement avec les banques? Si vous financez un tracteur et une grange et d'autres choses pour un agriculteur, jusqu'où allez-vous dans votre relation avec l'intéressé et avec la banque pour essayer d'obtenir des capitaux d'exploitation pour le premier?

M. Ryan: En gros, nous prenons le plan d'entreprise -- lorsqu'il y en a un -- et nous examinons non seulement les besoins à court terme mais également les besoins à long terme et le fonds de roulement. Tout dépend de ce que vise l'agriculteur.

Le sénateur Oliver: Vous n'allez pas fournir de capitaux sous forme de prêts à moins qu'il y ait en place des fonds de roulement, sans quoi l'affaire va péricliter.

M. Ryan: Précisément. Il faut regarder le tableau dans son ensemble. Dans certains cas, nous sommes assis à côté de l'agriculteur dans l'immeuble de l'institution financière, dans la banque, pour parler de ses besoins.

Il n'est pas rare que nous appelions la banque pour lui dire que nous avons un client qui aimerait traiter avec nous pour du long terme mais qui a également besoin d'un financement à court terme, et lui demander si elle serait intéressée.

Le sénateur Oliver: J'aurais tendance à penser que le fait que vous ne preniez pas et que vous ne puissiez pas prendre de dépôts et que le fait que vous ne puissiez pas consentir de crédits d'exploitation sont tels que vous êtes très très différents de toutes les autres institutions financières qui font les genres de choses que vous faites.

M. Ryan: Il est certain que nous ne sommes pas une menace, et nous ne le voudrions pas l'être, pour ce qui est des crédits d'exploitation et des dépôts.

Le président: Le témoin suivant est M. Harvey, de la Credit Union Central of Saskatchewan.

Allez-y, je vous prie, monsieur Harvey.

M. Elwood Harvey, président, Credit Union Central of Saskatchewan: J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités ici aujourd'hui pour discuter du rapport MacKay, et tout particulièrement de l'accroissement de la concurrence nationale telle que nous le comprenons.

Vous avez eu l'occasion de rencontrer la Centrale des caisses de crédit du Canada et aujourd'hui nous aimerions concentrer nos remarques sur le réseau de caisses de crédit de la Saskatchewan.

Le président: Monsieur Harvey, veuillez, je vous prie, nous présenter vos collègues afin que nous sachions, pour la caméra et pour le hansard, qui est ici.

M. Harvey: Merci, sénateur. J'allais justement le faire, mais allons-y, je vais vous présenter mes collègues. Tout à fait à gauche se trouve Keith Nixon, directeur des Affaires gouvernementales pour la Credit Union Central of Saskatchewan. À ma gauche est John Vinek, gérant de la Lloydminster Credit Union. À ma droite se trouve Sid Bildfell, chef de direction de la Credit Union Central of Saskatchewan, et, assis à sa droite, est Jim Scopick, chef de la direction de la Credit Union Central of Alberta.

Aujourd'hui, nous aimerions nous concentrer sur le système tel qu'il existe en Saskatchewan et en Alberta. Nous avons également parmi nous ici aujourd'hui un représentant de la Lloydminster Credit Union, qui vous parlera du vrai monde au niveau du détail.

Dans mes remarques liminaires, j'aimerais parler de la vision des caisses de crédit de la Saskatchewan, travaillant ensemble pour construire de meilleures collectivités et pour fournir les meilleurs systèmes financiers, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment. Je tiens à souligner cela car je trouve que c'est très important. C'est là notre vision.

Dans notre exposé, nous donnons un profil du réseau de caisses de crédit de la Saskatchewan et je pense que vous le trouverez assez impressionnant. Nous comptons environ 548 000 membres, soit à peu près la moitié de la population de la province. Nos chiffres indiquent la contribution que nous faisons au système provincial saskatchewanais.

Le sénateur Angus: Ce chiffre comprend-il Lloydminster?

M. Harvey: Cela englobe Lloydminster. Nous avons dans la province 340 caisses, dont 130 sont la seule institution financière de la localité concernée. Nous avons à l'échelle de la province 2 800 employés et des avoirs se chiffrant à 6,3 milliards de dollars.

En Alberta, les statistiques sont semblables: 560 000 membres, 178 caisses de crédit, dont 24 sont la seule institution financière dans la localité concernée. Elles ont 1 900 employés et des avoirs de 5 milliards de dollars.

Outre ces statistiques, nous aimerions que vous conveniez et que vous notiez que les caisses de crédit fournissent la pleine gamme de services financiers, au-delà des activités traditionnelles de dépôt et de prêt des sociétés coopératives de crédit. Par pleine gamme de services financiers nous entendons planification financière, conseils financiers, produits d'investissement tels que fonds mutuels et titres, services de fiducie, assurances, systèmes de paiement et accès électronique 24 heures sur 24.

Nous tenons à souligner que le système des caisses de crédit en Saskatchewan a, à notre avis, une véritable histoire d'innovation dans le service rendu à nos membres. Nous tenons à souligner que nous envisageons avec enthousiasme l'avenir; nous accueillons le changement; et nous sommes vraiment encouragés par les recommandations du groupe de travail MacKay qui reconnaissent que les caisses de crédit ont un rôle important à jouer en tant que solution de rechange nationale à l'intérieur d'un marché concurrentiel.

L'invitation que vous nous avez faite faisait état d'un dialogue ouvert, mais j'aimerais néanmoins faire appel à un représentant de la gestion pour quelques commentaires et observations supplémentaires.

J'aimerais préciser ici que M. Jim Scopick m'a fait savoir qu'il ne va pas faire de présentation ou de commentaire à ce stade-ci, mais qu'il sera là plus pour participer à la discussion. Allez-y, donc, Sid, je vous prie.

M. Sid Bildfell, chef de la direction, Credit Union Central of Saskatchewan: Merci, Elwood.

Le président: En passant, monsieur Bildfell, en parcourant votre texte, j'ai remarqué que vous faites état de CUCORP et de CULEASE, pour lesquels les descriptions fournies sont très brèves. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu mieux cela afin que nous puissions comprendre de façon précise de quoi il s'agit.

M. Bildfell: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Le chapitre cinq du document de discussion du groupe de travail MacKay convient, certes, que les caisses de crédit sont une solution de rechange. Cela nous a fait très plaisir de constater cela.

D'autre part, les recommandations du groupe de travail conviennent que nous participons au moyen de notre propre organisation nationale, la Centrale des caisses de crédit du Canada, par le biais de notre examen des propositions visant à modifier la Loi sur les associations coopératives de crédit et, bien franchement, de notre capacité d'envisager la création d'une banque coopérative.

Au fil des ans, nous avons été les maîtres, si je puis m'exprimer ainsi, de l'établissement de réseaux de relations, de partenariats et d'alliances. Nous avons dû procéder ainsi étant donné la nature et la structure des caisses de crédit, bien franchement. Nous réagissons aux exigences de nos membres.

J'espère que certaines des activités illustrées dans le livret que nous vous avons remis vous donnent une idée de la façon dont nous nous organisons pour offrir une vaste gamme de produits et services à nos membres, dans leurs collectivités.

Par exemple, les centrales de la Saskatchewan et de l'Alberta -- et je suis vraiment très heureux que Jim soit parmi nous aujourd'hui pour parler en notre nom collectif -- se sont consacrées à de nombreuses initiatives conjointes. J'ai ici quelques exemples. Un exemple est ce que nous appelons les services de paiement des caisses de crédit, en vertu desquels nous essayons de nous organiser pour être plus rentables pour les caisses de crédit de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Nous sommes conjointement propriétaires depuis plusieurs années d'une organisation appelée Credit Union Electronic Transaction Services. Il s'agit d'une organisation et d'une carte de service de produits pour les comptes personnels et commerciaux de la famille MasterCard. Nous sommes heureux d'avoir quelque 95 p. 100 du marché des caisses de crédit du Canada. Nous offrons ces services à l'échelle nationale à partir de cette organisation.

Dans ma propre province, la Saskatchewan, nous sommes très occupés à combler les lacunes en matière de services. Vous avez mentionné, monsieur le président, CUCORP et CULEASE et mes observations en la matière figurent dans ce premier paragraphe.

Pour ce qui est de CUCORP, il s'agit d'une filiale à part entière de ma propre centrale. Cette filiale offre des services très exhaustifs dans la catégorie services financiers gouvernementaux et d'entreprises de taille moyenne. Il s'agit donc de systèmes de gestion de trésor et de paiement, de services axés sur l'actif et le passif et de systèmes de paye. Elles fournissent ce genre de produits et de services à ce marché de services financiers gouvernementaux et d'entreprises de taille moyenne.

Par exemple, il y a eu dans cette province création de districts de soins de santé qui exigent des produits beaucoup plus sophistiqués que ceux qui seraient disponibles auprès d'une seule et même caisse de crédit. Nous avons pu venir en aide aux caisses et les appuyer dans leur marché à l'échelle provinciale.

Il s'agit d'un concept semblable à CULEASE, organisation que nous avons créée. Cela a démarré il y a tout juste un mois, monsieur le président, et cette organisation va offrir une vaste gamme de services de crédit-bail et de crédit. Les caisses de crédit pourront commercialiser ces services partout dans la province à leurs membres ainsi qu'aux organisations agricoles et industrielles qui y adhèrent. Cette organisation va s'étendre dans d'autres marchés du Canada, afin que nous puissions réaliser des économies d'échelle, etc. Nous offrons déjà des services de crédit-bail, par exemple, au Manitoba et en Alberta.

Voilà juste quelques exemples de ce que nous avons dû essayer de faire pour contourner, bien franchement, certains obstacles législatifs et structuraux qui créent des difficultés pour nous lorsque nous essayons de livrer concurrence sur le marché.

Par conséquent, lorsqu'on regarde certains aspects du cadre législatif envisagés par le groupe de travail MacKay, celui-ci tient certainement compte de notre unicité en matière de structure et de la nécessité pour nous d'être créatifs pour répondre aux besoins du marché, comme je l'ai dit tout à l'heure.

Vous savez peut-être, monsieur le président, qu'en Saskatchewan, le gouvernement provincial a récemment adopté la Credit Union Act. Nous sommes confiants que cette loi fournira le cadre législatif et réglementaire pour les caisses de crédit -- qui, nous le savons tous, sont réglementées par les provinces -- nécessaire pour que nous puissions concurrencer de façon plus agressive nos compétiteurs. Nous voulons offrir dans cette province de vraies solutions de rechange. Nous voulons un cadre tel que nous puissions concurrencer de façon agressive nombre des grosses institutions financières qui existent à l'heure actuelle et d'autres qui vont certainement surgir dans le marché, par suite du dépôt du rapport du groupe de travail MacKay, quelles que soient les réactions que ce rapport provoquera.

Nous avons esquissé certaines des principales recommandations que nous jugions importantes de vous soumettre pour examen. Vous les trouverez annexées au rapport et vous aurez peut-être des commentaires ou des observations précises à faire à leur sujet, auquel cas nous nous ferons un plaisir d'y réagir.

Je demanderais maintenant à John Vinek, chef de la direction de la Lloydminster Credit Union, d'ajouter quelques observations.

M. John Vinek, chef de la direction, Lloydminster Credit Union: Merci, Sid, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Lloydminster est une ville frontalière et nous avons la Border Credit Union du côté albertain et la Lloydminster Credit Union du côté saskatchewanais. Il y a donc deux caisses de crédit dans une petite ville de 20 000 habitants.

Très tôt dans la vie du groupe de travail, j'ai eu l'occasion, lors d'une réunion du réseau, de discuter avec M. Michael Andrews, directeur adjoint de la recherche pour le groupe de travail. Après avoir entendu ses observations -- et il venait tout juste d'être nommé -- j'ai rédigé une lettre et je la lui ai envoyée, et c'est ainsi que j'ai été amené à intervenir auprès du groupe de travail.

La lettre traitait surtout de la question de la concurrence étrangère. Je peux vous dire que dans notre partie du monde, la concurrence se porte très bien. Cela m'a intéressé d'entendre la présentation faite plus tôt par la Société du crédit agricole.

La tendance depuis quelques temps maintenant est de rétrécir les marges d'intérêt et de miser sur des revenus en provenance de frais pour financer les coûts opérationnels. En fait, la concurrence sur les marges au niveau des institutions financières a été si intense que la plupart d'entre elles ont opté pour des formules de paiement par le client ou par l'utilisateur pour l'assurance-invalidité pour le créancier, l'assurance-vie pour le créancier et même les frais de rendez-vous avec les prêteurs ou les gérants.

Le rapport MacKay encourage fortement l'habilitation du consommateur. Nous avons également vu les constructeurs automobiles créer des divisions financières et prendre en main d'importants volumes de crédit-bail et de crédit-bail automobile. Nous avons vu des arrangements de vente en amont, y compris des ajouts pour les garanties et l'assurance avec des arrangements de partage de commission qui sont très généreux pour les concessionnaires, avec leurs fournisseurs.

Les compagnies étrangères de carte de crédit viennent au Canada avec des offres de lancement pour du financement à faible taux. Elles ont de faibles taux de financement et vous lisez ensuite les explications en petits caractères et vous voyez que ces taux plus bas sont convertis en des taux supérieurs. Elles disent que cela se fera à long terme, mais cela arrive en règle générale dans les six mois.

Nous demandons depuis quelque temps la vérité dans les lois en matière de prêts et de divulgation dans le but de veiller à ce que les consommateurs aient la protection d'une pleine et entière divulgation en des termes compréhensifs afin qu'ils puissent faire des choix éclairés en matière de financement et, surtout, de coûts du crédit-bail. D'après ce que nous avons compris, il se fait du travail dans ce domaine, mais nous ne pensons pas qu'il y ait vraiment de vérité en matière de crédit-bail dans les lois en vigueur à l'heure actuelle.

Un autre domaine qui est critique pour nous est celui de la politique fiscale. Celle-ci a contribué à la popularité des fonds mutuels et à la participation au marché de capitaux à des niveaux sans précédent. Cela a largement contribué à la recherche permanente d'efficience opérationnelle et a, dans de nombreux cas, résulté en des fermetures de succursales bancaires dans notre région du pays et à l'échelle de toute la Saskatchewan.

Il faut veiller à ce que nos fournisseurs nationaux se voient accorder le cadre et les possibilités nécessaires pour être les meilleurs concurrents possibles. Ouvrir la porte à la concurrence étrangère et nationale avec des terrains de jeu inégaux pourrait se solder par des pertes d'emplois au lieu de contribuer à notre économie nationale.

Encore une fois, donc, merci, au nom du groupe ici représenté, de l'occasion qui nous a été donnée de discuter avec vous de notre secteur d'activité. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions que vous souhaitez, j'en suis sûr, nous poser.

Le président: Sénateurs, je pense que vous devriez savoir que l'Annexe A, qui suit la déclaration liminaire, contient des observations détaillées des témoins appuyant certaines recommandations précises du rapport MacKay.

J'aimerais également préciser, afin que cela figure au procès-verbal, que nos collègues, les sénateurs Kroft et Tkachuk, seront bientôt de retour. Ils sont partis rencontrer le comité de rédaction de The Star Phoenix. Au fur et à mesure que nous parcourons le pays, nous essayons de faire en sorte que quelques membres du comité rencontrent les comités de rédaction des quotidiens locaux pour expliquer ce que nous faisons et certaines des questions entourant le rapport MacKay.

Le sénateur Kelleher: Je constate, d'après vos mémoires, que vous êtes très au courant des recommandations du groupe de travail MacKay relativement à son énergique suggestion que soit créé au Canada un deuxième palier bancaire. Le groupe de travail recommande en effet que les caisses et les coopératives de crédit profitent de cette occasion et s'installent sur ce marché dès que la loi nécessaire aura été créée.

Lorsque M. Knight a comparu devant nous, à Ottawa, je pense, il y a une semaine environ, il s'est dit très favorable à cela et nous a fait savoir qu'il serait très désireux de se lancer là-dedans. En réponse à une question posée par moi, il a dit qu'il pensait que cela demanderait un ou deux ans pour monter la chose et démarrer.

Vous ne nous avez pas dit clairement que vous voulez vous lancer dans ce domaine, mais c'est l'impression que j'ai. Ai-je raison?

M. Bildfell: Nous avons certainement appuyé les initiatives nationales en faveur de la Centrale des caisses de crédit du Canada dans toutes ses interventions. Alors lorsque nous disons que nous appuyons leur vision, cela en fait certainement partie. En ce qui concerne la prestation de toute la gamme de services financiers aux petites et moyennes entreprises du Canada, nous sommes bien sûrs très intéressés à positionner les caisses de crédit, à l'échelle nationale, comme étant l'une des plus solides solutions de rechange nationales.

Le sénateur Kelleher: J'avais bien pensé que ce serait là votre réponse. Je suis en tout cas pour ma part très heureux de vous l'entendre dire. Vous avez entendu le comité interroger les représentants de la Société du crédit agricole avant votre présentation, et je pense que vous aurez senti, en tout cas chez certains d'entre nous, une inquiétude quant à leur mandat toujours grandissant et à la question de savoir si cela va créer un terrain de jeu égal ou inégal.

C'est une donnée que vous voulez vous établir dans ce secteur à l'échelle du pays, étant donné surtout que vous venez des régions rurales du Canada. Pensez-vous que si vous vous établissez et devez concurrencer la Société du crédit agricole, vous jouerez sur un terrain de jeu égal ou inégal? Pensez-vous que la concurrence sera juste? J'aimerais connaître votre opinion là-dessus, je vous prie.

M. Jim Scopick, chef de la direction, Credit Union Central of Alberta: Je dirais, en fait, que nous livrons déjà concurrence directement à la Société du crédit agricole et à la Banque de développement du Canada. Je pense, et cela vous étonnera peut-être de l'entendre, que ces deux organisations peuvent jouer un rôle dans le secteur financier canadien en fonctionnant à la marge, en servant de prêteur complémentaire et en se lançant dans des domaines dans lesquels les institutions financières, les banques et les caisses de crédit éprouvent de la difficulté à être compétitifs. Je songe aux industries fondées sur la connaissance. Le financement serait davantage du genre capital-risque.

D'un autre côté, je pense que ces organisations poussent toujours leur mandat à la limite, essayant de s'établir dans des domaines où leur présence n'offrirait aucun avantage supplémentaire aux Canadiens. Un cadre évident serait le marché des dépôts. Ce marché est extrêmement concurrentiel; on n'a besoin de personne d'autre là-dedans.

Je dirais également que ces organisations pourraient jouer un rôle en alimentant le deuxième palier d'institutions financières que vous avez décrit tout à l'heure.

En fait, dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, nous sommes très forts sur le plan prêts commerciaux et agricoles. Cela représente un gros morceau de nos portefeuilles là-bas. Ce n'est cependant pas le cas, par exemple, en Ontario et en Colombie-Britannique. Je ne parle pas de très petites entreprises, mais d'entreprises petites et moyennes. Nous sommes très concurrentiels dans ces domaines, mais il y a beaucoup de régions du Canada où ce n'est pas le cas.

Le sénateur Kelleher: Vous avez mentionné tout à l'heure qu'ils livrent concurrence à la limite, mais vous avez dit craindre que ces limites soient repoussées plus loin encore.

M. Scopick: Bien sûr.

Le sénateur Kelleher: Si vous recevez l'autorisation législative de vous lancer dans le domaine bancaire, vous faudra-t-il alors, en tant qu'organisation privée à but lucratif concurrencer les organisations qui appartiennent au gouvernement et sont gérées par lui, comme par exemple la Banque de développement du Canada et la SCA? Comment contrôler cela? Je parle en mon nom, et non pas en celui du comité, mais j'ai quelques craintes quant à la façon de contrôler cela.

M. Scopick: Je pense que le mandat de ces organisations doit être décrit de telle sorte qu'elles jouent un rôle complémentaire, par opposition à un rôle concurrentiel. Il y aura toujours de la friction ou de la tension entre ces types d'organisations et d'autres institutions financières, mais je ne pense pas que cela doive être notre principale préoccupation.

Je pense que notre préoccupation devrait être les clients et quoi faire pour veiller à ce que, partout au pays, ils aient un accès clair au genre de services dont ils ont besoin. Je pense, donc, qu'il y a un rôle pour ces organisations de coopérer avec ces institutions de deuxième palier, si vous voulez les appeler ainsi, dans la prestation de certains de ces services.

Étant donné la façon dont nous avons évolué dans différentes parties du pays, nous ne sommes pas, bien franchement, en train d'exécuter le mandat que les gens aimeraient nous voir exécuter. Nous pouvons cependant bouger dans cette direction et nous pourrions le faire beaucoup plus rapidement si ces organisations alimentaient le développement de notre deuxième palier, au lieu de lui livrer concurrence.

Si nous devons avoir des institutions de deuxième palier, je ne pense pas qu'il soit jamais possible de faire en sorte qu'elles ne se frottent plus à cette question de mandat. J'ai été des deux côtés de la clôture dans le cadre de ma carrière professionnelle, et je pense que là où vous vous tenez debout dépend largement de là où vous vous assoyez.

M. Vinek: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à cela. Vous avez parlé de concurrence, et au niveau local nous voyons en effet les banques comme étant un très farouche concurrent. Tout récemment, certains de ces fonds ont été envoyés à la Société du crédit agricole, et le CSRN a dû obtenir les plus petits fonds, alors à l'heure actuelle ils sont tous en train d'être transférés, ou pour retourner à la Banque Toronto-Dominion ou pour aller à une autre institution choisie par l'agriculteur membre. La SCA est vraiment en train de se retirer du programme fédéral de compte de stabilisation du revenu net pour les agriculteurs.

En région rurale, si les plus petites caisses de crédit ne disposent plus de suffisamment de fonds pour les prêts plus importants, il leur faudra céder ces clients à quelqu'un d'autre. Si elles ne peuvent pas les céder à une organisation centrale, alors la Société du crédit agricole serait une solution de rechange viable.

Lorsque vous êtes obligé de traiter avec des concurrents, il est néanmoins très difficile de s'asseoir et de négocier une entente qui satisfasse les besoins de l'agriculteur sans céder plus que ce que vous gagnez. Cependant, si les deux parties savaient quels étaient leurs mandats, j'imagine que nous pourrions travailler en ce sens, et cela pourrait être complémentaire et bénéficier à tous les intervenants.

Au fur et à mesure que l'on tend vers un système dans lequel les caisses de crédit rempliraient ce rôle, on aura peut-être accès à davantage de capitaux grâce à la création d'une banque communautaire. Si l'on avait un meilleur accès à des capitaux, l'on pourrait satisfaire davantage de ces besoins, alors ce serait là un gros avantage.

Y a-t-il donc de la place pour un autre concurrent? Le fait est que les banques quittent la Saskatchewan rurale et d'autres régions rurales également parce qu'il n'y a pas assez d'activité pour les trois groupes -- les caisses de crédit, les banques et la Société du crédit agricole. Y a-t-il de la place en région rurale pour ces trois groupes, ou bien quelqu'un va-t-il en partir?

Le président: J'ai une question pour M. Scopick. En réponse à une question du sénateur Kelleher, vous avez utilisé le mot «favoriser». Vous avez dit que la Banque de développement du Canada et que la Société du crédit agricole pourraient aider le mouvement des caisses de crédit et favoriser son développement en ce sens.

Pourrais-je vous demander d'être plus précis sur ce que vous entendez par «favoriser»? Comment vous y prendriez-vous vraiment? Quels changements dans le mandat de la SCA ou de la BDC nous faudrait-il recommander pour que cela soit une réalité au lieu d'une simple option pour les sociétés d'État?

M. Scopick: Dans bien des régions du pays, les caisses de crédit ne sont pas dans une large mesure engagées dans les prêts commerciaux ni dans les prêts agricoles. Pour que nous puissions offrir un service exhaustif à tous les Canadiens, donc, y compris les petites et moyennes entreprises, il nous faudrait acquérir un ensemble de compétences qui n'existent à l'heure actuelle pas au sein de nos organisations. Je pense qu'en travaillant étroitement avec, par exemple, la Société de développement, nous pourrions partager le fardeau et les avantages correspondant à l'activité dans ce domaine. Je pense qu'ils ont une façon très solide et très disciplinée de traiter avec les emprunteurs commerciaux, et nous bénéficierions d'une relation de travail étroite avec une organisation comme celle-là.

Bien sûr, la forme que pourrait prendre un tel arrangement pourrait varier. Je favoriserais quelque chose qui nous permettrait de posséder quelque chose conjointement. Je ne suis pas certain que quelque chose de moins que cela nous obligerait à faire affaire ensemble de façon positive.

Je pense que la Société de développement et la Société du crédit agricole se décrivent comme étant complémentaires à la communauté financière, en ce sens qu'elles offrent des prêts à des petites et moyennes entreprises ainsi qu'à l'agriculture. Je pense qu'il faudrait sans doute envisager de modifier le mandat. Un tel changement les rendrait concurrentielles, à condition qu'elles travaillent de concert avec quelqu'un du deuxième palier.

Le président: Maintenant que je comprends exactement ce que vous voulez dire par «favoriser», il serait peut-être utile que vous nous donniez vos idées sur le changement qui pourrait être apporté à leurs mandats. Nous espérons déposer notre rapport d'ici le début du mois de décembre, alors il serait bon que nous connaissions vos idées là-dessus.

J'aimerais enchaîner sur ce qu'a dit M. Vinek. J'aurais tendance à convenir que, tant et aussi longtemps qu'il s'agit d'un arrangement purement volontaire, vous avez le même problème que celui qu'a décrit M. Vinek. Comment cela aidera-t-il si nous faisons en sorte que ce soit non volontaire?

Le sénateur Angus: J'aimerais être certain d'avoir compris la nature du «mouvement» des caisses de crédit, pour utiliser le terme que j'ai toujours entendu employé, ou du «système», comme vous vous l'appelez.

Monsieur Bildfell, vous avez évoqué les obstacles historiques législatifs et structurels liés à votre secteur d'activité. Je vois un mouvement qui accueille très favorablement le rapport MacKay. Auparavant, vous vous sentiez comme si l'on vous avait passé les menottes, car vous étiez obligé de fonctionner dans un environnement très limité. Maintenant, vous avez espoir que les entraves vous seront enlevées, qu'il y aura une libéralisation à grande échelle et que cela marquera l'avènement d'une toute nouvelle ère. Nous avons relevé ce même sentiment chez d'autres témoins représentant votre mouvement.

Pourriez-vous nous préciser quels étaient ces obstacles et restrictions? J'aurais ensuite quelques questions de suivi.

Il y a également cette question de «système». J'imagine que le mot «système» renvoie au fait que c'était une chose très complexe et très réglementée. Je ne sais pas.

M. Bildfell: Tout d'abord, notre description de «système» est très semblable au «Mouvement» Desjardins. C'est pourquoi vous avez peut-être vu les deux termes.

De notre point de vue, le mot «système» décrit tout simplement les trois paliers, à savoir les caisses de crédit locales, les caisses de crédit provinciales et, enfin, notre association nationale. Le système est l'amalgame des trois niveaux.

La caisse de crédit provinciale, donc, relève des lois et des régimes de réglementation provinciaux. Les centrales provinciales sont dans l'ensemble fédérales et les lois provinciales reconnaissent que nous relevons de lois fédérales, comme c'est également le cas de notre association nationale.

Les défis que nous devrons relever découlent en vérité du fait que nous sommes organisés de bas en haut. Nous avons des membres individuels qui sont propriétaires de caisses de crédit locales, qui possèdent à leur tour des centrales provinciales et des associations nationales.

Notre cadre législatif actuel ne tient pas compte du nouvel environnement ni de notre besoin de concurrencer les très grosses organisations financières, tant canadiennes qu'étrangères. Nous faisons de notre mieux pour amasser des capitaux et pour bâtir de nouvelles entreprises de type filial. L'actuel cadre législatif interdit presque cela.

Lorsque nous essayons de mettre en commun nos capitaux, ou lorsque M. Scopick et moi-même essayons de faire affaire ensemble du fait que le bon sens financier indique que ce serait bénéfique pour les membres dans nos deux provinces, nous nous trouvons confrontés à des barrières législatives. Ces barrières sont même précisées dans le rapport du groupe de travail MacKay. Le rapport parle en effet de l'utilisation de capitaux et suggère le lancement d'initiatives en copropriété comme moyen pour les caisses de crédit d'offrir des produits et services qu'elles ne peuvent pas assurer à l'heure actuelle étant donné leur taille et leur envergure. Nous sommes à l'heure actuelle limités dans ces domaines.

Oui, donc, c'est de là que c'est parti. Le fait est que l'on ne se préoccupe pas du vrai contexte actuel, ni, ce qui est plus important, de celui de demain.

Le sénateur Angus: Je pense qu'il y a un esprit de changement inhérent dans le rapport MacKay, surtout en ce qui concerne votre système. Je pense cependant qu'il faudra, pour satisfaire vos besoins, harmoniser les initiatives fédérales et provinciales en matière de politique publique.

Beaucoup d'idées originales sont en train de naître de votre propre organisation nationale et de certaines organisations locales. J'aimerais vous citer un exemple, après quoi certains d'entre vous ou vous tous pourrez réagir.

D'après ce que j'ai compris, la Centrale des caisses de crédit a proposé la création d'une caisse de crédit nationale. Les dépôts et les prêts continueraient de relever des caisses de crédit locales. Celles-ci auraient le choix entre s'affilier à la caisse nationale, ce qui leur donnerait plein accès à tout un réseau de services, ou demeurer plus indépendantes et ne participer qu'à certains programmes seulement. Cela a été suggéré par M. Knight.

D'un autre côté, le monsieur de VanCity a parlé du concept d'une banque coopérative nationale à réglementation fédérale. Dans ce scénario, les différentes caisses de crédit deviendraient en quelque sorte des succursales en versant leurs éléments d'actif et de passif à l'entité nationale. En même temps, cependant, chaque caisse de crédit conserverait sa propre identité et son propre nom.

Laquelle de ces propositions vous paraît la plus pratique, ou bien sont-elles toutes les deux intéressantes?

M. Bildfell: Si vous le voulez bien, sénateur, je vais parler de la situation de la Saskatchewan. M. Scopick aura peut-être des observations à faire en ce qui concerne l'Alberta.

Le sénateur Angus: Ce serait formidable.

M. Bildfell: L'entité de services nationaux proposée par M. Knight est celle qu'appuie mon conseil d'administration et mon organisation provinciale, et c'est dans ce sens que nous travaillons. Ce concept tient compte de la façon dont nous fournissons nos services d'un océan à l'autre et est tout particulièrement adapté aux petites et moyennes entreprises et aux consommateurs de partout au Canada. Il crée un réseau, donnant aux caisses de crédit la capacité d'offrir un noyau de services et de produits financiers. Peu importe où vous vivez au Canada, votre carte de membre vous donne accès à ces genres de services.

Le sénateur Angus: Les membres seraient toujours membres. Ce serait une coopérative, et les membres seraient les actionnaires. Les profits resteraient sur place.

M. Bildfell: Ce serait une organisation nationale qui offrirait des services au niveau de la vente en gros ou en tout cas sur une très large assiette. Cela permettrait aux caisses de crédit de concurrencer ces très gros concurrents sur les marchés locaux.

Le concept de cette organisation maintient la reconnaissance de l'autonomie des différentes caisses de crédit. Les caisses de crédit peuvent dire: «oui, ce serait logique que mes membres aient accès à ces produits et services, et je vais participer en fournissant ces services aux membres à l'échelle du pays». C'est là le genre de concept, et cela reconnaît la nature de notre système. Les caisses de crédit peuvent faire des choix quant à savoir si elles veulent ou non participer à ce genre d'entité.

Il nous faut appuyer les caisses de crédit dans un système où le rapport coûts-avantages est favorable et obtenir la technologie nécessaire pour relier tous les membres dans tout le Canada. C'est là le concept que nous visons en Saskatchewan, et c'est à cette initiative que nous participons.

Je sais que VanCity présente une autre solution, mais j'ignore quel schéma on vous a fourni. Dans les deux systèmes, les choses qui sont logiques du point de vue volume sont liées les unes aux autres: par exemple, l'Association canadienne des paiements, la gestion des liquidités, les transactions à haut volume, la modification de l'accès aux guichets automatiques, et autres choses du genre. De ce point de vue là, nous maintenons le volume en un seul et même endroit dans l'intérêt de la rentabilité et de l'efficience.

Le sénateur Angus: Avez-vous accès au système de paiements en vertu du mode opérationnel actuel?

M. Bildfell: Oui.

Le sénateur Angus: En attendant la sortie du rapport MacKay, le comité a fait une étude comparative du secteur des services financiers et des systèmes en place dans différents pays. Nous nous sommes penchés tout particulièrement sur les institutions de dépôts, mais nous avons examiné d'autres types d'institutions également. Il nous est devenu apparent que les banques à charte n'étaient pas appuyées par un autre palier au Canada, en tout cas pas à l'échelle nationale, en dehors des caisses de crédit et des caisses populaires au Québec. C'est une période très intéressante pour vous, et cela donne naissance à des idées très originales.

J'ai bien entendu votre réaction positive aux concepts contenus dans le rapport MacKay. Vous semblez être optimiste quant aux grandes choses que cette libéralisation et cette déréglementation recommandées vous permettront de faire. Dans ce genre d'environnement, la possibilité de fusions ne vous ferait pas du tout peur. Est-ce là une conclusion fondée? En d'autres termes, vous ne seriez pas contre les fusions?

M. Scopick: La réponse à votre question est oui et non. Les banques livrent déjà une concurrence formidable. Dans un environnement post-fusion, leur concurrence sera encore plus féroce.

Premièrement, permettez-moi de dire que le système albertain s'entend avec le système saskatchewanais sur la structure qui devrait être adoptée.

Le sénateur Angus: Une caisse de crédit centrale nationale?

M. Scopick: C'est exact. Partout et dans tous les cas où le modèle de la caisse de crédit est mis en oeuvre de façon efficace -- et par là je veux dire orientation locale, autonomie locale et contrôle exercé sur des choses comme les prix, la présentation et les services -- nous reprenons une part de marché aux grosses banques. C'est le cas.

Le sénateur Angus: La situation est la même avec les banques communautaires aux États-Unis, il y a là une analogie, n'est-ce pas?

M. Scopick: Précisément, et c'est à cela que je veux en venir. Le modèle dont nous parlons nous réunit à l'intérieur d'un réseau national mais conserve les meilleurs éléments qui font que nous sommes concurrentiels au niveau local.

Le sénateur Angus: Soyons clairs sur une chose. Nombre des choses que ces grosses banques de l'Annexe «A» veulent proposer -- les types de produits mondialisés -- ne vous intéressent pas particulièrement. Est-ce exact? Je ne voudrais pas avoir la mauvaise impression.

M. Scopick: Vous avez raison de dire que notre vision s'étend à la collectivité et au pays.

Le sénateur Angus: Avec une mise en commun des ressources et des capitaux?

M. Scopick: Oui.

Le sénateur Angus: Je commence à y voir un peu plus clair, à vous écouter.

Les caisses de crédit ne sont pas uniformément réparties à travers le Canada. Je crois que vous avez un réseau très étoffé dans cette province. L'Ontario, comme vous le savez, est plus densément peuplé, mais il a quand même des parties rurales et un gros secteur agricole. Toutefois, proportionnellement, il a très peu de caisses de crédit. Je trouve cela très curieux, mais je suis sûr qu'il y a une réponse toute simple. Pourriez-vous nous expliquer le développement inégal de votre mouvement à travers le pays?

M. Bildfell: Encore une fois, je répondrai pour la Saskatchewan. M. Scopick voudra peut-être répondre pour l'Alberta.

Les caisses de crédit dans cette province sont réellement issues de la collectivité. Elles ne sont pas issues d'une base industrielle, ni n'ont jamais été liées à un secteur d'activité particulier. Dès le départ, en 1936, il s'agissait d'offrir des services financiers à tous les membres d'une collectivité. S'il y a une différence fondamentale, à mon sens, elle tient à notre nature communautaire.

Le sénateur Angus: Mais votre mouvement est-il de nature politique? Si nous allons avoir un rôle dans ce processus d'élaboration d'une politique, nous avons besoin de savoir ce qu'il en est.

Si je vous suis bien, vous dites que les employés d'une usine GM dans l'Est pourraient se regrouper et fonder une caisse de crédit, en ayant pour point commun leur emploi, alors que chez vous, ici, toute la collectivité est de la partie?

M. Bildfell: Exact.

Le sénateur Angus: Mais y a-t-il une dimension politique? Je songe à William Aberhart et au CCF, et vous avez cité une date précise. Tout cela était-il lié?

M. Bildfell: De fait, les caisses de crédit ne sont apparues dans cette province ni sous un gouvernement CCF ni sous un gouvernement NPD. C'est intéressant, mais il n'y avait pas du tout de dimension politique.

Le sénateur Angus: J'aime vous l'entendre dire. Il y a pas mal d'idées fausses dans le pays. On tend à penser que le mouvement des caisses de crédit est une émanation du NPD et tout ce genre de choses.

M. Bildfell: Oh, non. Il est un élément de la collectivité.

Le sénateur Angus: Évidemment, M. Knight est maintenant un bon conservateur, n'est-ce pas, depuis qu'il est dans le secteur privé?

M. Bildfell: Je lui laisse le soin de répondre.

M. Scopick: Nous avons fait des recherches à ce sujet et nos membres en Alberta sont représentatifs de l'ensemble de la population provinciale. En ce sens, nous sommes certainement apolitiques.

Le sénateur Angus: Avez-vous des idées brillantes sur la manière d'harmoniser la déréglementation entre les gouvernements fédéral et provinciaux?

M. Bildfell: J'ai fait état dans ma déclaration liminaire de la Credit Union Act.

Le sénateur Angus: Est-ce une nouvelle loi?

M. Bildfell: Oui. Elle est tout à fait en phase avec les recommandations du groupe de travail, et nous avons donc beaucoup de chance. Nous serons en mesure d'évoluer en parallèle avec les recommandations du groupe de travail MacKay, quoi qu'il advienne. Nous nous positionnons pour assurer que l'harmonisation ait lieu. Cette loi est de portée assez large et nous permettra de livrer concurrence très rapidement, suite à tout changement fédéral.

Nous avons également procédé à une refonte de notre réglementation provinciale afin d'assurer qu'elle soit en phase avec toute harmonisation fédérale. C'est indispensable car les caisses de crédit relèvent de la réglementation provinciale.

M. Scopick: À ce stade, les principales initiatives qu'implique le type de changement organisationnel dont nous parlons n'exigeraient qu'une modification législative fédérale. Ces changements pourraient être apportés pratiquement sans devoir modifier les lois ou règlements provinciaux.

Certains des pouvoirs que le rapport préconise de donner aux institutions financières -- des choses telles que le crédit-bail et l'assurance -- exigent des changements dans les législations provinciales, certainement en Alberta et en Saskatchewan. Nous comptons donc sur une entrée en vigueur graduelle. Nous espérons que le gouvernement fédéral prendra les initiatives. Si c'est le cas, nous pourrons faire une partie de ce que nous espérons. Mais s'agissant des pouvoirs, nous devrons traiter avec les gouvernements provinciaux.

Le sénateur Angus: Vos réponses nous sont utiles, monsieur.

Le sénateur Oliver: Comme le sénateur Angus vous l'a dit, notre comité a mené une étude en Europe. Nos entretiens dans les milieux financiers du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Suisse nous ont amenés à conclure que le système financier du Canada n'est pas si mauvais. Le groupe de travail MacKay a également conclu que, de prime abord, le système financier canadien est très bon. Cependant, le statu quo est intenable.

Lorsque Matthew Barrett, le patron de la Banque de Montréal, a comparu devant nous, il nous a dit que ni sa banque ni la Banque Royale ne pourraient continuer comme banques nationales universelles sans la fusion, qu'elles seraient obligées de se cantonner dans certains créneaux. Il n'a pas ajouté qu'elles devraient fermer des agences. Son message était que, à l'ère où nous vivons, il faut choisir ce que l'on fait de mieux, réduire ses coûts et devenir très compétitif et très compétent dans ces domaines-là.

Vous dites que vous prenez des dépôts et offrez du crédit, que vous offrez des conseils de planification financière, des produits de placement, des fonds mutuels éthiques, des services de fiducie, le système de paiement des assurances et l'accès électronique. Mon souci est la réglementation. N'allez-vous pas trop vite? Vous êtes partiellement des institutions provinciales, mais vous existez également dans les autres provinces.

Les banques ont une autorité de tutelle fédérale, et s'il est une chose que les Canadiens apprécient dans notre système bancaire, c'est sa solidité. Vous dites que la nouvelle Credit Union Act protège le consommateur et établit une autoréglementation responsable. Cependant, l'autoréglementation ne garantit normalement pas la solidité et la solvabilité qui font la qualité de notre système bancaire.

De quelle sorte de réglementation provinciale avez-vous besoin pour vous lancer dans les produits financiers que vous voulez offrir à l'échelle nationale?

M. Bildfell: C'est moi qui ai parlé de cette législation et je vais donc répondre d'abord, et les autres voudront peut-être intervenir aussi.

L'autoréglementation est la pierre angulaire du cadre législatif de la Saskatchewan depuis que je travaille dans le milieu des caisses de crédit, et cela ne date pas d'hier.

Nous travaillons main dans la main avec les autorités réglementaires provinciales s'agissant d'édifier le cadre et d'arrêter les règles de responsabilité et de reddition de comptes sur le plan de la gestion financière. Nous faisons la même chose à l'égard de chaque produit ou service que nous voulons introduire sur le marché. Nous sommes fiers de ce que nous avons construit au cours des 30 ou 40 dernières années dans ce cadre et nous nous targuons de notre sens des responsabilités.

Chaque fois que les caisses de crédit de cette province ajoutent un nouveau produit ou service à leur gamme, nous devons suivre un processus pas mal rigoureux. Ce processus est destiné à garantir que le produit ou le plan est financièrement sain, commercialement rentable et ne va pas grever indûment le capital des caisses de crédit. Celles-ci, après tout, sont la propriété de leurs membres. Nous avons donc une longue tradition de cela dans notre système, et nous allons continuer ainsi.

Si vous regardez toute la gamme des produits et services que nous offrons, ils se ramènent en fait à trois types. Nous sommes très intéressés à développer les relations avec nos membres et très intéressés à leur ouvrir davantage l'accès. C'est ce qu'entendait notre président lorsqu'il a dit: «N'importe où, n'importe quand, de toutes les façons».

Nous sommes très intéressés à explorer comment nous pouvons collaborer avec d'autres organisations au niveau national pour mettre des produits et services à la disposition de nos caisses de crédit de manière économique. Nous ne le ferons pas nécessairement en édifiant et exploitant nos propres réseaux. C'est pourquoi nous concluons quantités d'alliances et de partenariats stratégiques avec d'autres organisations qui possèdent un capital important et peuvent nous fournir des produits et services à un coût intéressant.

Nous n'allons pas nécessairement fournir nous-mêmes les produits et services, nous serons les intermédiaires. Nous connaissons nos limites et nous ne faisons pas courir des risques inutiles à notre capital.

C'est pourquoi nous avons des alliances stratégiques avec des entités telles que Citicorp Travelers Group, l'une des plus grosses organisations financières américaines. C'est pour pouvoir offrir des produits à nos membres.

M. Scopick: J'ajouterais juste une chose, à savoir que nous sommes assujettis aux mêmes règles prudent en matière de capital que le reste du secteur financier. Nous appliquons les mêmes règles. Autrement dit, nous devons avoir certaines réserves de capital avant d'élargir notre activité.

Le sénateur Oliver: S'il doit y avoir un deuxième palier, le législateur doit veiller à ce que les Canadiens soient bien servis par le secteur financier.

Un certain nombre de personnes ont préconisé que vous, les caisses de crédit, deveniez ce deuxième palier et de modifier la loi pour vous permettre de faire davantage de choses. Ce faisant, nous, en tant que législateur, devons préserver l'intégrité et la solvabilité qui sont les attributs du système financier canadien, et c'est là l'une de mes préoccupations. Si l'on avance trop vite, des fissures pourraient se produire. Les Canadiens en souffriraient, et c'est un souci majeur.

Cela dit, je peux vous dire quelle est ma plus grande réserve à l'égard du rapport du groupe de travail. Ma plus grande réserve est que Harold MacKay, à mon sens, recommande trop de réglementation gouvernementale. Je suis donc partagé.

J'aimerais vous demander de réfléchir à cela. Vous pourriez peut-être rédiger un paragraphe là-dessus lorsque vous enverrez votre rapport à notre président. Cela pourrait soulager quelque peu mes craintes et me rassurer quant à la protection des Canadiens et au maintien de la solidité et de la solvabilité de notre système financier face à cette expansion des caisses de crédit.

Pensez-vous que le groupe de travail recommande une réglementation trop étroite? Met-il trop l'accent sur des éléments tels que les rapports sur votre travail dans la collectivité que vous devez déposer, et sur les règles en matière de protection des renseignements personnels et de la vente liée?

M. Vinek: Dans certains domaines, tels que la vérité dans les contrats de crédit-bail et de prêt, je pense qu'une réglementation plus serrée pourrait être nécessaire. Les conditions doivent être communiquées aux clients en termes simples et compréhensibles.

En revanche, s'agissant d'éléments tels que les règles de propriété, je trouve que ces dispositions sont très complexes et difficiles à interpréter. Je ne suis pas en mesure de dire si une réglementation serait une bonne ou mauvaise chose à cet égard.

Le sénateur Oliver: Qu'en est-il de la vente liée -- la vente d'assurance et l'octroi de crédit en même temps?

M. Vinek: C'est un sujet difficile, car les établissements pourront exercer pas mal de pressions sur les clients. La vente liée ne devrait pas être autorisée. C'est ce que dit MacKay et pour éviter qu'elle soit pratiquée subrepticement, il faudrait des règles pas mal strictes.

Le sénateur Oliver: Les recommandations du groupe de travail vous semblent-elles suffisamment fermes, ou bien préconiseriez-vous d'autres changements?

M. Vinek: Dans ce domaine, elles sont probablement assez fermes.

M. Scopick: Ce sont les lignes directrices que nous appliquons déjà aujourd'hui. Nous sommes tenus de procéder à une divulgation complète et d'établir un cadre de gestion et des pratiques opérationnelles adéquats pour prévenir des choses comme la vente liée. Je pense que nous sommes à l'avant-garde, s'agissant d'honorer nos responsabilités envers les consommateurs. Les caisses de crédit ont toujours été à l'avant-garde dans tous ces domaines.

Pour ce qui est du rapport sur le rôle dans la communauté dont parle MacKay, il suffit de lire le rapport annuel de toute caisse de crédit -- Lloydminster compris -- pour voir que cet aspect y est traité de manière très complète.

Le sénateur Callbeck: Vous avez cité dans votre déclaration liminaire des chiffres sur le nombre de caisses de crédit en Saskatchewan et en Alberta. Vous dites que vous êtes la seule institution financière dans 130 localités de la Saskatchewan et dans 24 en Alberta. Quel est le chiffre de population de la plus petite?

M. Bildfell: Vous pourriez probablement jeter une pierre d'un bout à l'autre de la Saskatchewan un jour de grand vent, et cette localité est probablement très petite. Elle pourrait n'avoir que 400 ou 500 habitants.

M. Vinek: La caisse de crédit de Lloydminster a huit agences rurales et une sous-agence. Dans cette sous-agence, il n'y a qu'un poste, que deux personnes se partagent. C'est une localité satellite d'une brigade de 1 000 habitants distante de huit milles. Notre plus petite agence n'a qu'une population de 219 personnes, mais elle a pour 13 millions de prêts et environ 10 millions de dépôts.

C'est encore une fois un cas où la caisse locale a fusionné avec nous parce qu'elle n'avait pas un capital suffisant pour financer de gros emprunts. Nous avions un capital plus important et nous avons pu accorder des crédits plus gros. Pour nous, un gros prêt est de plus de 100 000 $. Nous constatons que, dès que nous pouvons accorder ces gros prêts aux agriculteurs, les dépôts commencent à affluer. Il faut cette capacité.

Ce ne sont pas là des localités typiques, mais il en est qui sont peut-être même encore plus petites. Dans ces cas-là, nous sommes la seule institution financière de la place, mais nous fournissons quand même les mêmes services que ceux offerts dans un centre plus grand comme Lloydminster. Ces agences sont éloignées de 10 à 50 milles.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous des agences dans les supermarchés ou des magasins comme Canadian Tire?

M. Vinek: Non. Cependant, ailleurs dans la province, vous trouverez des agences dans des centres d'achat.

M. Bildfell: Dans les petites localités, vous verrez souvent la caisse de crédit occuper le même local qu'un autre commerce. Nous le faisons assez souvent dans le Nord de la Saskatchewan. Ainsi, nous pouvons fournir les services à partir de Prince Albert, par exemple, et utilisons le magasin Co-op ou quelqu'autre commerce comme agent. Nous veillons à offrir un minimum de services là où il ne serait tout simplement pas rentable d'avoir une agence universelle. Nous travaillons en partenariat avec des commerces dans ces localités.

Le sénateur Callbeck: Vous vendez de l'assurance. Je suppose que vous vendez de l'assurance multirisque, et aussi de l'assurance-vie. Depuis combien d'années pouvez-vous le faire, et quel pourcentage du marché occupez-vous?

M. Bildfell: En Saskatchewan, nous sommes limités à la vente directe de produits mutuels dans nos caisses de crédit, qu'il s'agisse de prêts mutuels ou d'assurances mutuelles.

Nous avons des compagnies d'assurances, telles que Co-operators Group ou Cumis Insurance -- qui nous fournissent les produits d'assurance. Nos ventes passent par leurs agents, car la loi nous interdit de fournir ces produits.

M. Vinek: Au niveau des caisses de crédit locales, nous ne pouvons pas non plus vendre au détail de l'assurance automobile. Nous ne vendons pas d'assurance automobile, ni d'assurance sur les bâtiments résidentiels ou commerciaux.

Cependant, nous assurons les prêts ou les dépôts. Lorsqu'un membre emprunte, nous pouvons lui vendre une assurance-crédit. De fait, la loi exige que le membre ait un emprunt pour que nous puissions lui vendre une assurance liée à ce crédit. Mais ce n'est pas de la vente liée.

Le sénateur Oliver: C'est de la vente institutionnalisée.

M. Vinek: Nous ne pouvons pas vendre une assurance à terme à quelqu'un qui passe dans la rue. Avant de lui vendre une police, la personne doit contracter un emprunt chez nous.

Le sénateur Meighen: Au cas où vous vous poseriez la question, le terme politiquement correct est «groupage». Vous groupez les services.

Le sénateur Callbeck: Le rapport MacKay dit que, sauf dans deux provinces, les caisses de crédit peuvent offrir du crédit-bail automobile. Je suppose donc que vous faites du crédit-bail automobile?

M. Bildfell: Le crédit-bail est assorti d'une restriction de poids. Comme je l'ai indiqué, nous sommes limités à des véhicules dont le poids brut est supérieur à celui d'une voiture particulière. En Saskatchewan, nous sommes astreints aux mêmes restrictions que tous nos concurrents.

M. Scopick: En Alberta -- et au Manitoba aussi, je crois -- nous avons une certaine possibilité d'offrir du crédit-bail, mais elle est tellement restreinte que nous ne sommes pas compétitifs.

Le sénateur Callbeck: Est-ce un marché que vous aimeriez pénétrer?

M. Scopick: Évidemment. C'est un gros changement dans la façon dont les voitures sont vendues et nous sommes exclus de ce marché.

Le sénateur Callbeck: Dans les deux dernières pages de votre mémoire, vous avez une liste de certaines des recommandations de MacKay. Je suppose que ce sont celles que vous approuvez. La dernière que vous mentionnez concerne la déclaration de reddition de comptes à la collectivité. Quelle forme devrait prendre cette déclaration et qu'accomplirait-on si on obligeait les institutions financières à en faire une chaque année? Quels renseignements devraient y figurer et à quoi cela servirait-il?

M. Bildfell: Dans le cas des caisses de crédit, comme M. Scopick l'a dit, le rapport donne des renseignements très détaillés sur l'activité dans la localité. Il indique le montant des dépôts, quelles ont été les activités financières de l'organisation, en particulier les types et classifications des prêts.

En outre, la plupart des caisses de crédit y font état également de leur participation à la vie de la collectivité. Il peut s'agir de développement économique, de contributions financières aux activités communautaires ou encore de participation indirecte, par le biais du bénévolat, ce genre de choses.

Je sais que dans d'autres provinces on y parle des services à des groupes d'intérêts particuliers qui sont plus ou moins bien servis par les institutions financières. Je suis enclin à penser qu'avec les garde-fous voulus, cela pourrait également être englobé dans les déclarations de reddition de comptes à la collectivité.

Ainsi, les membres de cette collectivité pourraient déterminer dans quelle mesure la communauté est bien servie par une organisation financière. Par exemple, investit-elle dans les éléments de cette collectivité qui comptent aux yeux des membres?

M. Vinek: Les caisses de crédit sont des entités locales et nous faisons déjà bon nombre de ces choses. Je suppose que votre question était plutôt de savoir à quoi il servirait que les institutions financières plus grosses fassent de même. Était-ce votre question?

Le sénateur Callbeck: Oui.

M. Vinek: Il est difficile pour nous d'en parler. Comme le disait M. Bildfell, nous faisons déjà tout cela, mais pas nos concurrents. Les gens n'ont pas idée de ce qui se passe dans les bureaux des banques, par exemple, car il n'y a que le rapport annuel. Avec cette déclaration, les banques seraient obligées de divulguer ce genre de renseignements. La collectivité saurait ainsi si le montant des prêts accordés dépasse celui des dépôts ou bien s'il y a un siphonnage des dépôts de cette collectivité. Ce serait intéressant pour les élus de le savoir, car ils pourraient voir comment leur localité s'en tire comparée à une autre un peu plus loin ou à la ville voisine.

Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question, qui concerne la fiscalité. Certains témoins ont dit que les caisses de crédit sont imposées différemment, et que cela les avantages par rapport aux banques. Êtes-vous d'accord?

M. Bildfell: Je vais répondre en premier et M. Scopick voudra peut-être intervenir aussi. Tout d'abord, le régime fiscal applicable aux caisses de crédit tient compte de leur structure. Le fait est que la plupart des caisses de crédit sont de petites entreprises, et elles sont traitées de cette manière pour l'impôt.

En outre, il faut voir que nos concurrents ont des méthodes différentes de capitalisation et d'accès au marché des capitaux. Les caisses de crédit n'ont généralement pas ces options, parce que nous finançons nos activités et nos investissements à l'intérieur de chaque caisse de crédit individuelle par le biais des profits réinvestis.

Pour parler franchement, je n'apprécie pas beaucoup lorsque j'entends l'une des plus grosses banques du pays se dire inquiétée par la caisse de crédit de John Vinek à Lloydminster, en Saskatchewan.

Je signale d'ailleurs que nous avons des caisses de crédit dans cette province qui payent jusqu'à 50 p. 100 d'impôt, à cause de leur structure particulière. Une fois qu'elles sortent du régime de la petite entreprise, elles doivent payer l'impôt comme tout le monde.

M. Scopick: Je crois savoir que le régime fiscal des caisses de crédit remonte aux années 70 et à la commission Carter. À l'époque, cette dernière avait considéré que nous étions à toutes fins pratiques des petites entreprises, et donc que nous avions droit au taux des petites entreprises.

Le deuxième aspect est la façon dont nous produisons le capital sans aller le chercher sur le marché public. Notre accumulation de capital est facilitée par le fait que nos dividendes sont une dépense déductible d'impôt. Cependant, ces dividendes sont taxés aux mains du consommateur au taux plein, et non pas au taux des dividendes. Nous sommes traités différemment, mais je pense que cela reflète la nature réelle et les besoins du réseau d'institutions financières de deuxième palier que nous sommes. Nous sommes assujettis -- et il faut le souligner -- à l'impôt sur le capital et aux taxes municipales, de même qu'à la TPS. Tout cela représente des coûts importants pour nos caisses.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si le feu vert était donné aux fusions, et qu'il en résultait des fermetures d'agences et des pertes de services dans les petites localités, souhaiteriez-vous que le gouvernement vous offre des partenariats -- avec Postes Canada, par exemple? Cela vous permettrait d'étaler les coûts fixes et d'offrir des services au niveau local.

M. Scopick: Oui, absolument. Je pense qu'il serait possible d'avoir des centres de service éloignés, peut-être dans les bureaux de poste. Cela exigerait une certaine formation du personnel postal, mais ce pourrait être très efficace.

Le président: Merci beaucoup d'être venus, messieurs. Nos prochains témoins représentent l'Association des fondations du droit canadiennes.

Le sénateur W. David Angus (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Bon après-midi, mesdames et messieurs. Vous voudrez peut-être faire un exposé, monsieur Friend.

M. Anthony Friend, président, Alberta Law Foundation: Nous sommes reconnaissants de votre invitation à comparaître devant le comité aujourd'hui pour présenter notre mémoire, dont vous avez reçu le texte, je crois. Je commencerai par présenter M. Owen Snider, directeur exécutif de l'Alberta Law Foundation; Mme Pat Pitsula, directrice exécutive de la British Columbia Law Foundation; et M. Robert Arscott, directeur exécutif de la Saskatchewan Law Foundation. Je suis avocat à Calgary et président de la Law Foundation of Alberta.

Pour vous aider à comprendre notre organisation, je vais brièvement indiquer ce que sont les fondations juridiques. À l'annexe I de notre mémoire, vous trouverez une liste de toutes les fondations dans les provinces et territoires du Canada. Toutes sont membres de l'Association of Canadian Law Foundations.

À l'annexe II figure une liste des membres d'un sous-comité qui a été mis sur pied pour rédiger ce mémoire et comparaître devant vous aujourd'hui.

Sans vouloir lire le mémoire, que je vous laisse le soin de parcourir à loisir, j'aimerais mettre en lumière un certain nombre de points et décrire brièvement les fondations juridiques. Notre mémoire en donne un historique détaillé.

En résumé, l'idée d'une fondation juridique a pris naissance dans l'État de New South Wales, en Australie, en 1967. Initialement, les objectifs de la fondation étaient de promouvoir l'éducation et la recherche juridiques et la réforme du droit, ainsi que la création de bibliothèques juridiques.

Au fil du temps, les objectifs des fondations australiennes et ailleurs dans le monde ont été étendus à une série d'autres aspects d'intérêt public.

Une fondation juridique procède d'une loi. Sa mission est de distribuer des fonds sous forme de subventions. Les fonds proviennent des intérêts accumulés dans des fonds fiduciaires généraux auxquels les avocats sont tenus de contribuer.

Après 1967, la notion de fondation juridique a rapidement gagné le Canada, avec la création d'une fondation juridique en Colombie-Britannique en 1969, la première de l'Amérique du Nord. Dès 1986, des fondations juridiques avaient été créées par des lois provinciales dans tout le pays. Leurs objectifs étaient similaires à ceux du prototype australien.

Au Québec, un fonds d'études juridiques et un fonds d'études notariales, de nature similaire, ont été créés aux fins de la distribution des revenus d'intérêt des comptes fiduciaires. En Colombie-Britannique, les notaires ont également mis sur pied leur propre fondation. En outre, il existe en Alberta et en Colombie-Britannique des fondations immobilières qui utilisent les fonds prélevés sur les commissions immobilières et accumulées dans des comptes de dépôts.

En 1981, le concept a également été introduit dans l'État de la Floride. Des comptes fiduciaires juridiques existent maintenant dans tous les États américains, dont les intérêts sont utilisés principalement pour des services juridiques de droit civil à l'intention des citoyens défavorisés.

Comme je l'ai mentionné, toutes les fondations individuelles figurant dans la liste de l'annexe I sont membres de l'Association des fondations de droit canadiennes. La mission de notre association est de faciliter la communication et le débat sur les questions d'intérêt commun. Lors de son assemblée annuelle au mois d'août de cette année à St. John's, Terre-Neuve, l'association a décidé par voie de résolution de demander à comparaître devant votre comité.

Monsieur le président, je vous renvoie à la première page de notre mémoire pour un résumé des points que nous voulons aborder.

Premièrement, nous sommes venus dire que l'association ne prend pas position pour ou contre les fusions d'institutions financières proposées. Notre objectif est le traitement équitable des fondations dans l'éventualité où une ou plusieurs des fusions projetées se fassent.

Deuxièmement, toutes les fondations partagent la crainte qu'une ou plusieurs fusions entraînent l'adoption par la nouvelle entité de celui des deux arrangements en matière de taux d'intérêt le moins favorable et aboutissent de ce fait à une perte de revenus d'intérêts pour nous.

Troisièmement, le message que nous voulons faire comprendre est que les fondations juridiques ne doivent pas souffrir du fait des fusions. Leur revenu devrait être maintenu et, si possible, accru après une fusion.

Quatrièmement, le versement d'intérêts aux fondations juridiques par les institutions financières est dans l'intérêt général de la collectivité. Nous pensons que cela peut être avantageux pour les institutions elles-mêmes dans la mesure où elles pourraient contribuer de cette manière à l'intérêt public.

Les fondations juridiques sont des organisations sans but lucratif administrées par des bénévoles. Elles perçoivent les intérêts s'accumulant sur les comptes fiduciaires généraux. Comme les avocats le savent, dans le cas des fonds de comptes fiduciaires généraux, il est difficile, pour des raisons pratiques, d'accumuler les intérêts sur des fonds de client individuels de relativement petit montant et séjournant pendant de courtes périodes de temps. Les intérêts ne peuvent être calculés et reversés à ce client individuel. De ce fait, des montants d'intérêt importants, globalement, ne sont pas échus ou comptabilisés. Pendant de nombreuses années, les intérêts échéant sur ces fonds -- qui au total pouvaient représenter des montants substantiels -- étaient conservés par les institutions financières pour leur propre bénéfice.

Cela a changé avec l'introduction d'une législation, d'abord en Australie et maintenant dans toute l'Amérique du Nord. Ces lois ont créé les fondations juridiques et stipulé que ces intérêts, qui étaient précédemment perdus, devaient être considérés comme des fonds publics à distribuer aux fondations pour la réalisation de leurs objectifs.

Je précise à l'intention de ceux qui ne sont pas membres de fondations juridiques que, dans la plupart des cas, les fonds des clients sont d'un montant et sont détenus pour une durée suffisante pour qu'ils soient placés dans des comptes fiduciaires propres et les intérêts échéants comptabilisés individuellement. Dans la majorité des cas où les avocats détiennent des fonds en fiducie, ces fonds rapportent des intérêts versés au client. Outre ces cas, il en existe de nombreux où cela ne peut pas être fait pour des raisons pratiques. Dans ces cas, depuis quelques décennies, les fondations juridiques utilisent ces montants dans l'intérêt général.

À la page 3 de notre mémoire, nous faisons l'historique des tentatives menées au cours des 10 ou 20 dernières années par les fondations juridiques du Canada en vue de négocier des arrangements portant sur le versement de ces intérêts par les institutions qui les détiennent. Pour résumer, cela n'a jamais été chose facile. De fait, les négociations ont toujours été difficiles en raison du poids inégal des parties, à savoir respectivement les fondations et les institutions financières. Dans leurs tractations avec les institutions financières, les fondations ont dû s'en remettre aux pressions concurrentielles qu'elles pouvaient exercer et à la bonne volonté des institutions et à leur désir d'agir dans l'intérêt public.

Cela nous amène aux deux grandes préoccupations dont nous voulons faire part au comité. Premièrement, quel sera l'effet d'une fusion d'institutions financières sur la concurrence et la capacité des fondations juridiques à négocier des taux d'intérêt compétitifs sur leurs comptes fiduciaires généraux de façon à préserver leurs revenus et réaliser leurs objectifs? Deuxièmement -- et cela n'est pas réellement une préoccupation mais un argument à prendre en considération lorsqu'il s'agit de juger de l'opportunité des fusions -- le maintien et le renforcement de ces relations, ainsi que l'accumulation d'intérêts au profit des fondations remplit un objectif d'intérêt public.

Aux pages 4 et 5 de notre mémoire nous traitons du premier point, l'effet potentiel des fusions sur notre capacité à négocier et sur la concurrence. Aux pages 6 et 7, nous traitons du rôle d'intérêt public que les fondations pourraient jouer de concert avec les institutions financières, dans le contexte d'une fusion.

Pour ce qui est du premier point, la concurrence et l'effet sur la concurrence, il est vrai que si ces fonds fiduciaires généraux n'étaient pas dispersés entre les comptes de nombreux clients mais plutôt regroupés dans le compte d'un seul client, le montant en serait considérable. Les institutions financières seraient contraintes pour des raisons de concurrence à payer un taux d'intérêt compétitif sur ces fonds afin de ne pas perdre ces dépôts au profit d'un concurrent.

S'agissant de ces petits comptes fiduciaires, les fondations n'ont pas cet avantage. Elles n'ont pas le pouvoir de négociation qui serait le leur si la même somme d'argent était détenue par une seule personne ou un petit nombre de clients.

La prémisse qui sous-tend toute négociation est que l'institution financière devrait payer un taux d'intérêt compétitif. C'est certainement l'approche que les fondations ne cessent de défendre. Le désaccord intervient lorsqu'il s'agit de savoir ce qu'est un taux d'intérêt compétitif?

La toile de fond sur laquelle s'inscrivent ces négociations est le fait que le banques précédemment se mettaient ces fonds dans la poche. Il est normal qu'elles se soucient de leurs résultats financiers. Il y a ainsi une tension entre le fait que les fondations cherchent à négocier dans l'intérêt public et le fait que les banques sont soucieuses d'être rémunérées pour l'administration de ces fonds sous forme de frais d'administration de ces comptes et autres redevances.

Nous concluons que, du fait de cette inégalité des forces, une fondation juridique n'a guère de recours lorsqu'une institution financière impose ses conditions après une négociation.

À notre sens, dans un marché comptant moins de banques qu'aujourd'hui, la baisse de concurrence pourrait facilement amener des frais supérieurs ou des taux d'intérêt moindres. Soixante-quinze pour cent du revenu des fondations juridiques canadiennes proviennent des cinq grandes banques à charte. Il y a un risque, un risque réel, que les fusions d'institutions financières entraînent une baisse de ces revenus.

L'association est d'avis que toute fusion ne doit pas avoir l'effet néfaste de réduire l'impératif pour certaines des institutions financières de continuer à offrir des conditions compétitives aux fondations juridiques pour les comptes fiduciaires généraux qu'elles possèdent.

Une collaboration positive entre les institutions, fusionnées ou non, et les fondations juridiques est dans l'intérêt public. Les fondations juridiques offrent toute une gamme de programmes et d'initiatives en rapport avec le droit, dans tout le Canada. Certaines des organisations financées par les fondations ont des objectifs sociaux multiples. Bon nombre des subventions vont à des programmes destinés à mettre le droit et le système judiciaire à la portée de membres du public qui n'auraient pas accès au système sans l'aide des organisations que nous finançons.

Nous estimons que les activités des organisations financées par les fondations juridiques produisent un avantage public substantiel. Il importe de signaler que souvent la subvention de la fondation juridique constitue la principale ressource de ces organisations.

L'Annexe IV donne quelques exemples. Cette liste des organisations financées par les fondations juridiques n'est certainement pas complète mais elle donne une idée de l'action d'intérêt public entreprise par les fondations.

Par exemple, la Colombie-Britannique finance la B.C. Coalition of People with Disabilities. L'Alberta finance le Native Counselling Services of Alberta. De fait, l'un des objectifs spécifiques de l'Alberta Law Foundation est d'appuyer les programmes juridiques pour les autochtones. La Saskatchewan finance la Elizabeth Fry Society. Il y a beaucoup d'autres exemples en sus de ceux donnés à l'Annexe IV qui démontrent, à notre sens, les importants avantages d'intérêt public qui dérivent des subventions des fondations à travers le pays.

Vers la fin du mémoire, nous citons deux des recommandations du rapport MacKay. La recommandation 98, à la page 6, est que:

Les institutions financières devraient mettre au point, avec le secteur bénévole, des formules nouvelles et innovatrices de partenariat qui aideraient à bâtir une société plus forte, plus saine et plus compatissante. Les dirigeants des institutions financières et du secteur bénévole devraient collaborer à cette fin en commençant par des projets pilotes innovateurs.

En l'occurrence, nous n'avons pas besoin de projets pilotes. Nous avons déjà un arrangement qui peut servir de point de départ à un renforcement des relations entre les institutions financières et les collectivités que nous servons. Ce que nous faisons valoir à votre comité, et aussi aux institutions financières, est que les fondations juridiques représentent un moyen par lequel les institutions peuvent et devraient oeuvrer vers l'objectif d'intérêt public dont il est question dans la recommandation 98. Nous pensons que cette dernière s'applique tout particulièrement à nos tractations avec les institutions.

Je me réfère à la recommandation 99, à la page 7 de notre mémoire, qui dit:

Toutes les institutions de dépôts et sociétés d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de rendre public et de déposer auprès du ministre des Finances un ou plusieurs rapports annuels sur les responsabilités envers la collectivité afin de décrire leur contribution à la collectivité et de définir les nouveaux besoins locaux auxquels elles se proposent de répondre. Le ministre devrait déposer tous ces rapports devant le comité permanent des finances de la Chambre des communes. Les rapports sur les responsabilités envers la collectivité serviraient de base à un dialogue permanent entre les dirigeants des institutions financières et la collectivité.

Les activités des organisations communautaires sont financées par les fondations juridiques au moyen de fonds publics -- des fonds qui ne devraient pas aller dans la poche des institutions financières mais dans la caisse des fondations juridiques pour distribution à ces organisations. Nous pensons que les institutions financières, par ce même mécanisme, pourraient faire état dans leur déclaration de reddition de comptes à la collectivité de la bonne volonté dont elles ont fait preuve dans les négociations avec les fondations juridiques et les sommes qu'elles leur ont versées.

Au milieu de la page 7, nous faisons valoir que le versement d'intérêt sur ces comptes fiduciaires ne représente pas un don de charité des banques, mais plutôt la reconnaissance que ces intérêts échoient, même si ce n'est pas à une personne donnée. Cet argent devrait servir au bien public. C'est précisément là la politique qui sous-tend la création des fondations juridiques et les lois qui les érigent dans les différentes provinces.

En conclusion, nous mentionnons à la page 7 que le rapport MacKay souligne les grandes attentes des Canadiens à l'égard du comportement des institutions financières réglementées, et particulièrement des banques, et qualifie ces attentes de légitimes.

Notre association fait valoir que les institutions financières sont tenues, de par ces attentes, de traiter équitablement les fondations juridiques suite à toute fusion, ou même en l'absence de fusion. Nous estimons que les institutions ne peuvent que reconnaître le bien-fondé de cet argument.

Nous exhortons le comité de prendre en considération ce mémoire et notre recommandation spécifique, qui figure dans la conclusion du rapport, au bas de la page 7, à savoir que le comité appuie le point de vue de l'association voulant que le taux de rendement net actuellement payé sur les comptes fiduciaires généraux des avocats ne doit pas diminuer par suite de toute fusion d'institutions financières.

Nous sommes très reconnaissants de cette occasion de faire connaître ces points de vue au comité. Nous espérons que vous aurez l'occasion de lire le mémoire. Nous serons ravis de vous fournir tout renseignement supplémentaire dont vous pourriez avoir besoin.

Les directeurs exécutifs et moi-même sommes maintenant à votre disposition pour répondre à toute question sur notre exposé.

Le président suppléant: Il semble que votre exposé ne porte pas sur les recommandations du rapport MacKay, mais plutôt sur le spectre, selon vous, de fusions ultérieures mettant en jeu quatre des grandes banques. Ai-je raison?

Ceci est une intervention spécifique sur un pont particulier. N'importe qui d'autres possède des fonds et traite avec les institutions financières pourrait faire la même.

M. Friend: C'est vrai. L'environnement difficile dans lequel nous nous trouvons pourrait devenir beaucoup plus difficile, à notre grand détriment et à celui de nos organisations, si une fusion intervient. Le rapport MacKay semble envisager la relation coopérative que nous essayons de promouvoir, une relation qui existe déjà mais qui pourrait être développée encore plus dans l'éventualité d'une fusion.

Avec la fusion de deux grandes institutions financières, le bassin de fonds de la nouvelle banque deviendrait encore plus important. Il s'ensuivrait naturellement que l'intérêt servi pourrait être plus élevé, ce qui dégagerait encore davantage d'argent pour l'intérêt public.

Le président suppléant: Je vois que vous avez trouvé quelques passages dans le rapport MacKay auxquels vous essayez de vous raccrocher. Cependant, je dois répéter pour notre auditoire de téléspectateurs, ce que notre président, le sénateur Kirby, a pris soin de préciser partout où nous siégeons: notre comité étudie les 124 recommandations du rapport du groupe de travail MacKay et nous ne tenons pas, je répète «pas», des audiences sur les projets de fusions bancaires, à savoir entre la Banque Royale et la Banque de Montréal ou la Toronto-Dominion et la CIBC. De fait, nous n'avons pas mandat de nous prononcer directement ou indirectement sur ce sujet bien que, tout naturellement, il surgisse dans les discussions avec nos témoins. L'éventualité de fusions donne manifestement lieu à certains débats sur les propositions de MacKay, car ces dernières sont fondamentales pour le secteur des services financiers tels que nous le connaissons aujourd'hui.

Je dis cela uniquement à titre de mise en garde car votre intervention semble porter sur des intérêts si particuliers. Elle ne semble rien avoir à faire avec le rapport MacKay, et je le dis avec tout le respect que je vous dois.

Sans plus tarder, je donne la parole au sénateur Oliver.

Le sénateur Oliver: Notre président suppléant m'a enlevé les mots de la bouche. Ce qui est en jeu ici, c'est le taux d'intérêt payé sur les comptes fiduciaires à court terme des avocats, intérêt versé aux fondations juridiques dans les diverses provinces canadiennes.

Vous avez cité la recommandation 98 du groupe de travail MacKay. Cependant, selon ma lecture de cette dernière, cela peut se faire sans que les fondations juridiques au Canada soient mises en jeu.

Lorsque je lis votre dernière et principale recommandation, à la page 7, j'ai l'impression que vous nous ne demandez pas d'inscrire cela dans une loi. La seule raison pour laquelle les banques acceptent actuellement de verser les intérêts échéant sur ces comptes aux avocats, et par répercussion aux fondations, est l'existence d'un arrangement privé ou d'un contrat négocié entre vous et elles. Vous ne demandez tout de même pas que ce type d'arrangement soit inscrit dans la loi.

M. Friend: Je suis d'avis différent. Comme votre président l'a dit, nous craignons ce qu'il adviendra si les fusions se font. Il s'agit d'un élément très spécifique. Même si les fusions n'avaient pas lieu, et si la recommandation 98 préconisait que les institutions financières collaborent avec le secteur bénévole, les arrangements actuels des banques avec les fondations ne me paraissent pas conformes à cette recommandation.

Pour ce qui est d'inscrire dans la loi un arrangement volontaire, nous voulions attirer l'attention des institutions financières qui suivent vos travaux et celle du comité qui étudie les recommandations du rapport MacKay, dans l'espoir que les institutions financières entendraient le message que ceci fait partie de leur travail de service à la collectivité tel qu'envisagé dans la recommandation 98.

M. Snider, le directeur exécutif de l'Alberta va également intervenir à ce sujet.

M. Owen Snider, directeur exécutif, Alberta Law Foundation: De fait, le versement des intérêts à la fondation juridique est habituellement inscrit dans la législation provinciale qui régit la relation entre les barreaux, le gouvernement et le public. Ce qui ne figure pas dans la législation est le montant des intérêts que les institutions financières doivent payer. C'est cela qui est négocié. Elles sont tenues de verser des intérêts aux fondations juridiques sur ces comptes. Cela est déjà inscrit dans la loi.

Le sénateur Oliver: Vous ne nous demandez tout de même pas d'imposer dans la loi les taux d'intérêt -- des taux qui peuvent fluctuer.

M. Snider: Non. Vous avez tout à fait raison. Nous ne le demandons pas.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous que ce soit de bonne politique que notre comité fasse le genre de recommandation que vous demandez?

M. Snider: Je pense qu'il incombe au comité de recommander que les institutions financières, pas seulement les banques et pas seulement celles qui fusionnent ou envisagent de fusionner, prennent conscience de l'intérêt communautaire associé à une relation comme celle qui existe.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous qu'elles n'en ont pas conscience ou qu'elles ont besoin que nous le leur rappelions?

M. Snider: Cela ne ferait pas de mal qu'elles l'entendent d'une autre source.

Le président suppléant: La meilleure instance devant laquelle plaider cette cause est sûrement l'Association des banquiers canadiens, banquiers qui ont découvert à leur grande surprise qu'ils sont à peu près aussi populaires que les politiciens ou les sénateurs. Le fait d'accepter votre recommandation pourrait améliorer leur image sur le marché. Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux demander que les institutions financières paient un taux d'intérêt compétitif plutôt que de demander qu'elles ne le diminuent pas? Si les banques acceptaient de payer un taux d'intérêt compétitif, cela ne réglerait-il pas votre problème?

Mme Pat Pitsula, directrice exécutive, British Columbia Law Foundation: Je pense que vous avez raison. Peut-être ce mémoire devrait-il plutôt être présenté au Bureau de la concurrence.

Nous ne cherchons pas à nous servir de vous. Cette comparution représente pour nous une occasion unique, la première à l'échelle nationale, de faire reconnaître le travail des fondations juridiques. Ce travail est dans l'intérêt public. Or, le rapport MacKay traite de la restructuration des services financiers et l'intérêt public est un facteur.

Oui, je conviens que notre meilleure tribune seraient les banques individuelles, mais cela fait justement partie du problème que nous avons essayé de décrire ici. Il y a une inégalité inhérente dans cette relation de négociation. De fait, j'ai rencontre la semaine dernière encore les vice-présidents des quatre grandes banques de la Colombie-Britannique. Chacun m'a dit que je ne devais pas me faire de souci, que notre taux de rendement resterait inchangé. Ils m'ont même dit qu'il y avait une possibilité réelle qu'il augmente. C'était juste au moment où nous avons lu dans la presse que Matthew Barrett se disposait à donner des engagements écrits sur divers aspects de la restructuration après fusion, sur le plan des suppressions d'emplois, etc. Nous sommes venus ici dans l'espoir d'obtenir l'appui d'un organe comme le vôtre qui a son mot à dire sur toute cette énorme question de la reconnaissance du type de relation que nous avons avec les banques lorsque nous essayons de négocier avec elles dans l'intérêt public. Nous pensons qu'il est tout à fait raisonnable de compter que nous ne serons pas pénalisés par suite d'une restructuration sanctionnée par un organe comme le vôtre.

M. Friend: Sénateur Meighen, votre qualificatif de «taux compétitif» est effectivement préférable. Cela nous ramène au fait que si ces fonds étaient détenus par un, deux ou trois clients individuels, ces derniers obtiendraient des taux compétitifs. Nous n'exigeons pas un plancher en dessous duquel le taux ne tomberait jamais. Nous devons évidemment négocier sur le marché, mais nous aimerions simplement être traités par les banques de manière compétitive, pas mieux mais certainement pas moins bien, et nous avons pensé que le rapport MacKay et cette recommandation relative à l'intérêt public ouvraient la porte à cette intervention ici.

Le président suppléant: Je répète qu'à mon avis, c'est à l'ABC que vous devriez présenter vos arguments, lesquels je trouve fort convaincants. Vous avez raison en ce sens que nous sommes nombreux autour de cette table à être membres des divers barreaux et nous tenons un peu pour acquis l'excellent travail que font les fondations juridiques. Mais le public n'est peut-être pas aussi informé que nous de ce que vous faites.

Nombre de vos arguments sont fondés sur l'idée que si les fusions ont lieu, il y aura moins d'institutions. Cependant, le rapport MacKay met beaucoup l'accent sur l'ouverture du marché des services financiers au Canada et, si je ne m'abuse, une très grande banque étrangère paie déjà un taux d'intérêt sur les dépôts à un jour largement supérieur à ce que vous touchez probablement. Je ne sais pas si vous l'avez contactée.

Le sénateur Oliver: Vous parlez d'ING.

Le président suppléant: Je veux simplement dire par là que si une ou plusieurs fusions ont lieu, il n'en résultera pas nécessairement qu'il y aura moins d'institutions au Canada dans lesquelles vous pourrez placer ces fonds fiduciaires en touchant des taux d'intérêt compétitifs, à moins que la législation provinciale vous oblige à traiter avec les banques à charte.

Mme Pitsula: Ce n'est simplement pas la réalité. L'argument s'applique tant aux grandes banques qu'aux caisses de crédit, lesquelles ont comparu avant nous.

Le président suppléant: Désolé, qu'est-ce qui n'est pas la réalité?

Mme Pitsula: Je parle du pouvoir de négociation que nous aurions et qui ferait que les banques nous donneraient automatiquement un taux de rendement compétitif.

Le président suppléant: Je ne prétends pas un instant que ce serait automatique. Je conteste votre affirmation qu'il y aurait moins d'institutions dans lesquelles vous pourriez placer ces fonds, autrement dit moins de concurrence, si les fusions avaient lieu. Pourquoi dites-vous que ce sera nécessairement le cas?

Mme Pitsula: Ce ne sera pas nécessairement le cas. Cependant, si les quatre grandes banques fusionnent en deux, en Colombie-Britannique elles détiendront 70 p. 100 de nos revenus. Étant donné cette vulnérabilité dans les négociations, nous craignons ce qui pourrait arriver dans l'avenir immédiat et cherchons donc à nous positionner.

S'il y avait davantage de concurrents sur le marché, qu'il s'agisse de banques étrangères ou d'autres institutions, nous finirions évidemment par en bénéficier, mais la crainte d'un avenir incertain n'est-elle pas ce qui motive toutes ces audiences? Serons-nous protégés? Serons-nous pénalisés?

Le président suppléant: Êtes-vous intervenu auprès du groupe de travail MacKay?

M. Friend: Non. Si, dans dix ans, les avocats pouvaient se tourner vers un nombre plus important de grandes institutions, par opposition aux cinq grandes ou trois grandes -- quel que soit le chiffre restant -- alors nous pourrions faire jouer la concurrence.

Le problème surgit si cela n'arrive que dans six ou sept ans et que dans l'intervalle, par suite d'une fusion entre la Banque de Montréal et la Banque Royale, le taux d'intérêt baisse, même seulement d'un point. Comme nous le disons dans le mémoire, ce taux d'intérêt est déterminant. Certaines organisations pourraient perdre entièrement leur financement, du moins dans l'intervalle avant qu'il y ait davantage d'institutions et de concurrence dans ce marché, si tel va effectivement être le cas.

Le sénateur Oliver: Mais ne seriez-vous pas tout aussi vulnérables si les taux d'intérêt au Canada étaient de 12 p. 100 et 13 p. 100 et tombaient soudainement à 5 p. 100? Vous seriez tout aussi vulnérables dans cette situation que dans l'éventualité de fusions bancaires, n'est-ce pas?

M. Snider: Il y a une annexe dans le rapport qui décrit exactement cette situation. En quatre ans, nous sommes tombés en Alberta d'un revenu de 13 millions de dollars à 1,4 million de dollars, pour exactement cette raison.

Mettons les choses ainsi, en traitant de ces questions avec vous aujourd'hui, car j'ai au moins un espoir ténu, si je puis le qualifier ainsi, d'exercer une influence. Le taux directeur va évidemment fluctuer, et tout ce que nous pouvons faire est d'essayer de minimiser la différence, l'écart entre le taux directeur et le taux que nous touchons et d'essuyer nos plaies et bosses selon la montée et la baisse du taux directeur.

Pour ce qui est de la compétitivité, j'ai négocié le compte opérationnel de notre fondation juridique avec une banque donnée. Elle me verse le taux directeur moins 1,75 p. 100, sans frais de service, alors que sur des montants beaucoup plus élevés dans les comptes fiduciaires généraux, elle paie le taux directeur moins 3,75 p. 100 avec frais de service.

C'est une énigme. Il y a là un écart de deux points.

M. Friend: Sénateur, cela revient finalement à ce que vous pouvez négocier par rapport au taux directeur, que celui-ci soit de 12 p. 100 ou 5 p. 100. C'est là où intervient votre pouvoir de négociation.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis certaine que vous êtes des administrateurs prudents. Si vous êtes dans cette situation de faiblesse lors des négociations, est-ce que la loi provinciale vous force à utiliser ce mécanisme de placement de fonds? Est-ce que la formule ne pourrait pas être plus attrayante? Avec d'autres institutions financières, que ce soit les Credit Union ou les firmes de courtage, n'avez-vous pas d'autres possibilités de négociation pour obtenir un meilleur rendement? Est-ce la loi provinciale de chaque province qui vous force à utiliser les banques?

[Traduction]

M. Snider: Nous ne pouvons jouer les institutions l'une contre l'autre car ce n'est pas la fondation juridique qui décide où vont les dépôts. C'est la décision de l'avocat ou du cabinet juridique individuel de placer ses fonds en fiducie dans telle ou telle banque. Les sociétés juridiques ont quelque contrôle sur la situation d'ensemble. Par exemple, ce n'est qu'en 1991 que les caisses de crédit pouvaient détenir des fonds en fiducie en Alberta, mais aujourd'hui ils peuvent être placés dans des caisses de crédit, des sociétés fiduciaires, des banques à charte et auprès du Trésor, qui est lui-même une sorte d'institution financière.

Mais nous ne pouvons utiliser d'autres leviers que la conscience sociale du cabinet juridique -- en lui faisant savoir que s'il a le choix, nous préférerions qu'il place les fonds dans une institution qui reverse un taux d'intérêt plus élevé à la fondation juridique. Nous avons informé de ce choix les avocats de nombreuses provinces.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous remercie, cela nous éclaire. J'avais l'impression que vous étiez prisonniers de quelques grandes banques et que vous n'aviez pas accès à d'autres sources. Je comprends le mécanisme. Je suppose que cela permet aux gens qui nous écoutent de comprendre que vous faites un bon travail et que ce n'est pas facile de diriger tous les avocats vers la même institution ou vers le même mécanisme qui serait plus rentable pour la fondation.

J'ai jeté un coup d'<#0139>il à votre liste des projets que vous avez financés. Il y a des associations qui se rapprochent des consommateurs, et qui ne s'appellent pas association des consommateurs. Le «Tenant's Right to Action Coalition» pourrait être relié à un consommateur face à un propriétaire. Des associations nationales nous demandent d'insister auprès des institutions financières pour inclure, avec leurs états de compte, un dépliant qui constituerait des fonds donnés volontairement par les clients de ces banques ou de ces institutions financières, pour constituer un fonds qui permettrait, sur le plan juridique, d'aider et rétablir le rapport de force entre un client consommateur et une institution financière.

Je vous demande cela parce que je regarde les montants que vous générez pour financer ces organisations et les montants que cette formule pourrait présenter. Apparemment, aux États-Unis, on recueille des sommes considérables. Est-ce que votre organisation s'est penchée sur cet aspect? Il y a beaucoup de contrats, de documents légaux où le consommateur n'est pas toujours sur un pied d'égalité en termes des connaissances juridiques face aux compagnies d'assurances comme aux banques.

Si on ajoute une autre formule de récolte de fonds pour renforcer le secteur des associations de consommateurs, étant donné que vous appartenez tous à la profession juridique, croyez-vous que c'est une méthode qui pourrait être utile pour établir le rapport de force et donner de l'information juridique simplifiée aux consommateurs?

[Traduction]

M. Friend: Je pense être le seul avocat ici et les autres sont des gens normaux.

Le travail actuellement effectué à travers le pays par les organisations financées par les fondations consiste à donner accès à ceux qui ne l'auraient pas autrement à la fois au système juridique directement et à certains droits, tels que les droits des locataires.

Par exemple, en Alberta, nous finançons la Central Alberta Women's Outreach Society qui aide les femmes vivant en dehors des centres urbains et qui se trouvent en situation, par exemple, de maltraitance. Elles obtiennent ainsi l'accès à la protection et aux droits juridiques.

L'idée d'un financement venant de sources autres que les comptes fiduciaires pour aider les groupes de défense similaires est certainement louable, de manière générale. Cependant, cela serait en dehors du mandat de nos fondations qui ont pour mission, de par les lois provinciales, de négocier les meilleurs taux possibles et de distribuer conformément aux objectifs. Je ne pense pas que les fondations pourraient recommander cela directement, sans outrepasser leur mandat, mais mes collègues sont peut-être d'un autre avis.

Mme Pitsula: En Colombie-Britannique, nous faisons les choses différemment. La fondation juridique a incité les groupes à trouver d'autres sources de financement en raison de la baisse de nos revenus. De fait, l'association de locataires travaille avec le gouvernement sur un mécanisme de perception d'intérêts sur les cautions des locataires en vue de financer l'aide juridique aux locataires.

J'apprécie que vous ayez parcouru cette liste car, pour en revenir au rapport MacKay, nous avons souvent mené des négociations où la banque lit notre rapport annuel et décide simplement de nous faire un don de charité.

Mais s'agissant des rapports sur la responsabilité envers la collectivité, nous tenons à ne pas être marginalisés et à être traités comme un don de charité. C'est une relation d'affaires dans laquelle nous visons un taux d'intérêt compétitif.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Pour assurer, dans un monde idéal, un revenu qui ne fluctuerait pas de façon considérable, que recommanderiez-vous pour vous mettre dans une position de négociation et d'égalité, au moins dans l'avenir, dans vos négociations avec les banques? Il est bien beau de dire: «Allez voir la Canadian Bankers' Association, ils viennent de mettre 20 millions dans un programme de publicité». Je suis certaine que cet argent serait le bienvenu chez vous. Comment vous donner cette assurance dans l'avenir d'avoir au moins un rapport de force qui serait plus équilibré avec les institutions financières?

[Traduction]

M. Friend: Il s'agit simplement d'être compétitifs et d'être traités sur un pied d'égalité. À ce stade, nous ne visons rien d'autre qu'une déclaration à l'intention des banques, à l'effet qu'elles doivent traiter les fondations comme tout autre particulier ou client ayant ce genre de dépôt à vue et qu'elles doivent nous offrir un taux compétitif.

Si les institutions ne le font pas, en dépit de cet encouragement, alors d'autres mesures plus vigoureuses pourraient devenir nécessaires. Tout ce que nous voulons dire est que, conformément à la recommandation 98 de MacKay, nous devrions être traités comme tout un chacun et non pas comme une fondation caritative. Traitez-nous de manière compétitive et nous conduirons nos affaires sur cette base.

Mme Pitsula: Comment pouvons-nous établir un terrain de jeu plus égal? Nous espérions faire un pas dans cette direction aujourd'hui car, dans la pratique, nous n'avons guère de recours. Sauf votre respect, une rencontre avec l'Association des banquiers canadiens ne servira pas à grand-chose. Je ne suis même pas sûre que l'on nous accorde un entretien. Nous négocions tous province par province, institution par institution.

Rien qu'en Colombie-Britannique, nous menons 42 négociations avec les caisses de crédit tous les deux ou trois ans, et cette idée n'est donc guère pratique.

Nous espérions qu'un organe comme le vôtre reconnaîtrait, à l'occasion de la restructuration du secteur financier, qu'une façon de créer un terrain de jeu plus égal est de reconnaître cette relation particulière parmi celles des autres groupes de consommateurs, et qu'elle mérite d'être protégée au milieu de tous ces changements.

Le sénateur Tkachuk: À la page 4 de votre mémoire vous dites que si les fonds des comptes fiduciaires généraux étaient détenus dans le compte d'un seul client, les institutions financières serviraient un excellent taux d'intérêt pour ne pas perdre ce client. Le problème est qu'en tant que fonds fiduciaire légal, vous ne pouvez spéculer et placer l'argent sur d'autres marchés. Vous devez le laisser en dépôt dans une banque. Rectifiez si je me trompe, mais votre position est donc que les banques mettent à profit le fait que vous ne pouvez pas placer l'argent ailleurs, autrement dit que vous ne pouvez être compétitifs avec votre argent au même titre que si vous étiez un particulier disposant de la même somme.

M. Snider: C'est sans doute proche de la vérité. À l'heure où nous parlons, il y a 2,5 milliards de dollars en dépôt dans des comptes fiduciaires généraux au Canada. Ce n'est pas une petite somme. Le montant en dépôt du Canadien moyen est probablement de 4 000 $ ou 5 000 $. Si vous allez à la banque avec 4 000 $ ou 5 000 $, on vous donne le taux affiché. En revanche, si vous allez à la banque avec un million de dollars, on vous accorde un taux nettement meilleur.

Mais ce n'est pas ainsi que l'on traite les comptes fiduciaires, même si leur solde flottant général est supérieur à un demi-million ou même un million de dollars. Ce n'est pas ainsi que les banques voient les choses. Elles nous disent que ces comptes comportent un coût administratif élevé à cause des opérations effectuées, etc., en dépit du fait qu'elles perçoivent en sus des frais de service.

Votre interprétation du paragraphe est parfaitement exacte. Nous considérons que l'on ne nous sert pas le même taux d'intérêt que l'on offrirait à un particulier ayant en dépôt le même montant.

Le sénateur Tkachuk: Les avocats sont des gens importants dans la société. On ne peut vous comparer avec les petites gens d'affaires. Les avocats sont malins et organisés, et pourtant vous vous estimez maltraités.

M. Snider: Permettez-moi de rectifier une petite chose. Ce n'est pas l'argent des avocats. C'est l'argent des clients.

Nous, à la fondation juridique, ne faisons pas partie du barreau et n'oeuvrons pas dans l'intérêt des avocats. Nous travaillons pour le grand public, ceux à qui appartient l'argent dans ces comptes fiduciaires.

Cela dit, nous avons des gens assez en vue qui mènent ces négociations, particulièrement en Colombie-Britannique où même le gouvernement provincial s'en est mêlé. C'est le cas aussi en Ontario.

Il me semble que nous devons travailler sur l'écart des taux. Si nous pouvons arracher un demi-point de plus dans les cinq prochaines années, ce sera bien, même si nous sommes encore loin du taux compétitif du marché.

Le sénateur Tkachuk: Votre témoignage est très révélateur car on nous demande de formuler des recommandations sur les banques en tenant compte de la manière dont elles se comportent lorsqu'elles tiennent le consommateur en leur pouvoir. Bien entendu, elles nous disent toutes qu'elles ne feraient jamais cela, qu'elles n'abuseraient jamais, mais les petits entrepreneurs n'arrêtent pas de nous dire qu'elles le font.

Maintenant, vous aussi, vous nous dites que, dès lors qu'elles vous tiennent en leur pouvoir, elles ne vous traitent pas équitablement. Les banques, qui veulent multiplier leurs activités, nous assurent constamment qu'elles n'abuseraient pas de la situation si elles pouvaient vendre des produits personnels, c'est-à-dire vendre de l'assurance, du crédit-bail automobile ou autre, et nous les écoutons.

Vous avez cité les recommandations 98 et 99. Votre témoignage est important car le rapport MacKay traite de la manière dont les banques se comportent dans la collectivité. Il prône des rapports de reddition de comptes. Les banques contribuent peut-être aux bonnes oeuvres de leur propre chef, mais la manière dont elles traitent les autres institutions qui n'ont pas autant de poids est tout aussi importante pour une collectivité que les dons de charité éventuels qu'elles peuvent faire.

Nous devrions prendre vos recommandations au sérieux. Lorsque les petites entreprises se sont plaintes de la difficulté à obtenir du crédit, elles nous ont dit qu'une solution pour elles serait d'ouvrir une nouvelle banque traitant exclusivement avec les petites entreprises. Les groupements d'intérêt particuliers réclament un traitement particulier. Peut-être la manière dont les banques traitent les clients captifs est-elle un sujet sur lequel nous devrions nous pencher.

Mme Pitsula: J'aimerais peut-être préciser une chose pour le procès-verbal. Je ne voudrais surtout pas donner l'impression que nous nous en prenons aux banques ou n'apprécions pas les taux dont nous bénéficions actuellement. Comme M. Friend l'a mentionné, il y a là une tension fondamentale, mais honnête.

Les banques font leur travail, qui est de faire un profit, d'obtenir le taux le plus favorable pour elles pour réaliser leurs investissements. Pour notre part, nous cherchons à obtenir le meilleur taux de rendement dans l'intérêt public. Jusqu'au rapport MacKay, nulle force externe ne s'est exercée. Je fais allusion là à des instruments tels qu'un rapport sur les responsabilités envers la collectivité qui introduirait un élément de pression dans ce qui me paraît être une tension honnête dans la relation de négociation.

Le sénateur Tkachuk: Je ne voulais nullement vous faire dire autre chose.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: M. Robert Rosen est notre prochain témoin.

M. Robert Rosen, président, City Lumber Corporation: J'apprécie votre invitation à comparaître devant le comité.

Notre objectif est de mettre en lumière les principaux problèmes qui existent dans les relations entre les consommateurs et les banques, un système qui n'a pas évolué, à mon avis, dans le meilleur intérêt des consommateurs ou des Canadiens.

Si vous passez à la page 2 de mon texte, nous voyons que les banques jouissent d'un pouvoir et d'une influence indue face aux petites entreprises ou aux consommateurs. Dans le monde d'aujourd'hui, la petite entreprise ou le petit débiteur est vulnérable face à une banque. Vu la rapidité du changement technologique aujourd'hui, il devient encore plus difficile qu'il y a quelques années pour un petit prêteur d'obtenir l'accès.

Si nous passons à la page 3 -- et je pense que c'est une bonne description de la situation au Canada -- nous voyons des localités dont l'économie connaît des fluctuations très fortes, qu'il s'agisse de Prince Rupert ou de St. John's, et durant les creux, les entreprises de ces villes sont très vulnérables aux décisions des banques et à la manière dont celles-ci les prennent.

Je décris à la page 4 avec quelle rapidité une banque peut réagir à une situation. Le consommateur et la petite entreprise sont très vulnérables, car si la banque décide d'agir vite, les avoirs d'une petite entreprise peuvent être immédiatement gelés par la banque. La petite entreprise n'a guère de moyens de se défendre dans une telle situation. En effet, les contrats qu'on leur fait signer actuellement au Canada mettent les débiteurs à la merci de la banque.

Si vous passez à la page 5, encore une fois les banques peuvent réagir très vite. Du fait qu'elles sont peu nombreuses, chacune influence les décisions des autres. Par conséquent, même si l'on dit que le marché est concurrentiel, le débiteur n'a pas la possibilité de changer de banque. Les banques s'accordent entre elles et les entreprises se retrouvent en situation très vulnérable; cela rend les choses très difficiles.

Il n'y a qu'une seule institution qui ne se livre pas à ce genre de chose, et c'est la BDC, la Banque de développement du Canada. La BDC est indépendante, ce qui fait son utilité.

La page 6 traite de la vulnérabilité des entreprises face au système bancaire, et ce qu'elles existent depuis 10 ans ou depuis 50 ans et en dépit de relations que les banques qualifient de fidèles. Une situation est en train de se profiler en Colombie-Britannique où ce problème va se poser de façon très immédiate.

Les actions que les banques peuvent entreprendre contre une société -- et ce très rapidement en vertu de la loi actuelle -- font que les employés perdent leur travail et les fournisseurs ne peuvent se faire payer. Ces actions contre une société ont un effet boule de neige, depuis le client jusqu'aux familles et toute l'économie. L'entreprise elle-même se retrouve prise dans une situation très stressante et terrifiante.

Le diagramme montre la complexité de l'engrenage dans lequel un consommateur ou une entreprise se trouve pris dans l'éventualité d'un conflit avec la banque.

À la page 9, nous parlons de la confrérie juridique. L'un des problèmes très graves est la relation entre les banques et la confrérie juridique. Maints cabinets juridiques considèrent les banques comme leur plus gros client, si bien que les banques ont une influence indue sur les cabinets juridiques dans les tractations avec le client. Les honoraires d'avocat ne sont pas négociables, faisant habituellement l'objet d'une convention. La profession est autoréglementée. Si un consommateur a un litige avec une banque au sujet des frais et des coûts, le processus est long et difficile. C'est un processus ardu, et le consommateur se retrouve dans une position presque indéfendable.

La même chose vaut pour les administrateurs judiciaires et les syndics -- qui, ajouterais-je, ne sont même pas astreints à des règles rigoureuses. Si un débiteur d'une banque est traité injustement, la procédure de recours est très longue, ardue et coûteuse. Une petite entreprise n'y survit pas.

J'aimerais dire un mot des magistrats. Lorsque nous nommons les juges au Canada, qui tous sont très compétents, nous ne les encourageons pas, comme aux États-Unis, s'ils vont juger des affaires financières, à apprendre à mieux déchiffrer un bilan et des flux de trésorerie. C'est un problème très grave. Aux États-Unis, les choses sont différentes.

En outre, du fait de la jurisprudence, les banques sont avantagées devant les tribunaux, si bien que le consommateur se retrouve dans une position tout à fait intenable.

Pour ce qui est de l'ombudsman bancaire, à mon avis, c'est juste de la poudre aux yeux. Si vous regardez les attributions de ce poste, il n'y a aucun pouvoir de contrainte. Malheureusement, l'ombudsman ne sert pas à grand-chose.

À la page 14, je recommande un autre mécanisme de règlement des différends, propre à permettre aux créanciers ou aux petites entreprises de se défendre contre les grandes banques. La confidentialité est à cet égard un facteur clé.

J'espère que le comité passera en revue les aspects que j'ai soulevés et que ses recherches établiront que, en raison de la taille et de l'influence des banques, les consommateurs sont en situation de faiblesse par rapport à elles.

Le président: Lorsque le comité a examiné les modifications apportées à la Loi sur les faillites il y a 18 mois environ, nous étions du même avis que vous, à savoir que les administrateurs judiciaires ne devraient pas être autorisés à être syndics. Le comité avait lancé une mise en garde à ce sujet. Cependant, nous n'avons pas amendé la loi car on nous avait donné des exemples de cas où il pourrait être souhaitable que l'administrateur soit également le syndic.

Néanmoins, notre point de vue coïncide avec le vôtre, à savoir que ce devrait être deux mandats distincts. Dans la plupart des cas, il y a un élément de conflit, en ce sens que l'administrateur n'a guère intérêt à sauver l'entreprise s'il est également le liquidateur. J'indique cela uniquement en guise de contexte.

Ma question concerne le mécanisme de règlement des différends. Étiez-vous là lorsque la Société du crédit agricole a décrit son processus?

M. Rosen: Je pense qu'il comporte d'excellents éléments et qu'il mérite d'être pris en considération.

J'aimerais revenir sur la question de l'administrateur judiciaire. Le consommateur se trouve réellement désavantagé. L'administrateur n'a aucune raison d'être sensible aux besoins du consommateur car il est là pour le compte de la banque. Il est partial, et il reproduit cette partialité dans le processus de la liquidation, ce qui désavantage grandement le consommateur.

Le président: Exact. Le point de vue de notre comité était que, si l'administrateur savait d'avance qu'il ne pourrait être le liquidateur, il s'efforcerait de faire durer le processus de l'administration judiciaire et d'éviter la liquidation et la faillite. Alors que si l'administrateur sait d'avance qu'il ou elle aura le travail, que la société soit liquidée ou non, l'incitation à jouer le rôle d'administrateur s'en trouve réduite.

M. Rosen: L'administrateur a été placé là par la banque. La banque lui donne instruction de ne rien faire, ou presque rien, pour aider l'entreprise à survivre et, par conséquent, l'intervention de l'administrateur représente un investissement négatif.

Le président: Au lieu d'être positif.

M. Rosen: Absolument.

Le président: Avez-vous des observations particulières sur le processus de révision de la Société du crédit agricole?

M. Rosen: Je pense que le principal problème est que le consommateur n'a pas la capacité de dire: «Stop. Je demande qu'un groupe indépendant et impartial regarde ce qui se passe, détermine si ces actions sont raisonnables». Le consommateur canadien n'a pas ce pouvoir.

Manifestement, le problème est que le consommateur n'a pas le pouvoir de déterminer si la réaction de la banque est excessive. Habituellement, la banque lui fait signer une décharge, ce qui exclut toute contestation. Ainsi, nous avons un consommateur totalement vulnérable et un processus qui fonctionne au profit de la banque, à moins que le consommateur soit financièrement assez fort pour résister, mais cela peut prendre deux ans et très peu de consommateurs peuvent survivre jusque-là.

Le président: Exact, alors que le modèle de la Société du crédit agricole constitue à toutes fins pratiques un mécanisme d'appel.

M. Rosen: Je pense que l'essentiel ici est un examen du dossier pour voir s'il n'y a pas un terrain d'entente possible. C'est ce que les ombudsmans sont censés faire, mais ils sont tout à fait dans l'incapacité de l'accomplir.

Le sénateur Tkachuk: Je remarque que vous êtes le président de City Lumber Corporation. Est-ce une entreprise d'Edmonton?

M. Rosen: C'est une entreprise d'Edmonton âgée de 50 ans; c'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Ce que vous nous avez dit aujourd'hui est-il le fruit de votre expérience personnelle, ou bien celle de nombreux de vos confrères avec qui vous en auriez parlé?

M. Rosen: C'est une combinaison des deux. L'une de nos sociétés a eu cette expérience, et c'est pourquoi j'ai choisi de venir ici aujourd'hui. Nous étions financièrement assez solides pour résister, mais le coût était extraordinairement élevé. Je tenais à ce que d'autres Canadiens soient informés de mon expérience. Je ne pense pas que beaucoup d'autres consommateurs auraient pu survivre à ce processus. À l'aube du XXIe siècle, il faut revoir ces choses.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé des juges américains et de leurs connaissances des affaires financières des entreprises. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

M. Rosen: Il y a un tribunal des faillites aux États-Unis doté de juges spécialisés dans la finance. Je recommande que les juges canadiens puissent se familiariser avec les bilans et les flux de trésorerie, tout comme nous avons des juges spécialisés en droit familial ou dans d'autres domaines du droit. Sauf tout le respect que je dois aux juristes, qui sont généralement très compétents mais pas nécessairement en matière financière, je trouve que c'est là un élément très important.

Le sénateur Tkachuk: Êtes-vous d'accord avec l'idée d'un ombudsman national? Est-ce là une solution à ce problème?

M. Rosen: Je ne crois pas. La situation exige un organe impartial et indépendant, et pas un ancien employé de banque, comme c'est habituellement le cas. Je respecte le savoir de M. MacKay, mais dans la mesure où l'ombudsman était anciennement employé d'une association de banquiers ou d'une banque, il sera forcément partial et je trouve cela dangereux.

Le sénateur Oliver: Le groupe de travail MacKay dit que le statu quo est tout simplement exclu. Il dit qu'il faut trouver les moyens d'introduire davantage de concurrence dans le secteur des services financiers, que la concurrence favoriserait les consommateurs et les petites entreprises.

À la page 5, vous dite que les fraternités bancaires canadiennes refuseront le crédit aux sociétés chancelantes. Le groupe de travail MacKay recommande que l'on ouvre les portes aux banques étrangères pour concurrencer les grandes banques et que l'on permette aux caisses de crédit de se développer davantage. Ma question est celle-ci: si cela advenait, est-ce que ce serait une solution aux problèmes que vous décrivez dans votre mémoire?

M. Rosen: Je trouve qu'il est tout à fait opportun et positif d'introduire d'autres établissements bancaires ou de permettre aux caisses de crédit d'être plus actives.

Finalement, les banques d'aujourd'hui ne sont plus celles d'il y a 25 ans, où le client faisait partie de la famille et où le banquier venait chez vous s'il y avait une difficulté. Aujourd'hui, les banques sont des institutions internationales entièrement tournées vers le profit. Les banques aujourd'hui ont une vision nouvelle, leur destinée a changé, et je pense que les caisses de crédit et les autres institutions sont beaucoup plus sensibles aux besoins des petites localités.

Les Toronto, Vancouver et Edmonton auront toujours des banques. Les Moose Jaw, les Prince Albert et les petites localités des Maritimes auront besoin de ces relations plus étroites. Il faut un mécanisme spécial qui permette au consommateur de se faire entendre face aux banques -- tel que celui de la Société du crédit agricole. C'est vital.

Le sénateur Oliver: Vous étiez là lorsque le sénateur Meighen a posé un certain nombre de questions très acérées sur la Société du crédit agricole, qui est une banque gouvernementale ou un établissement de crédit public, par opposition à une entreprise privée. Quelles modifications aimeriez-vous voir dans cette organisation, qui est spécialisée dans les prêts à l'agriculture?

M. Rosen: Je suis de l'Alberta -- et fervent partisan de Ralph Klein, ajouterais-je. Ces organismes sont importants parce qu'ils apportent un équilibre entre la libre entreprise, à laquelle je tiens, et les industries qui passent par divers cycles. L'élément agricole est fondamental et il importe qu'il soit accessible.

Le sénateur Oliver: En tant qu'organisme gouvernemental?

M. Rosen: En tant qu'organisme gouvernemental, mais contrôlé et évalué dans une optique commerciale.

Le sénateur Kroft: Pour renforcer la concurrence sur le marché financier, le rapport MacKay recommande d'élargir les pouvoirs des institutions financières au niveau de leurs succursales. Il préconise de les laisser entreprendre d'autres activités, telles que la vente d'assurance multirisque et vie, et davantage de crédit-bail qu'aujourd'hui.

Puisque vous me semblez très vigilant à l'égard des excès de pouvoirs, que pensez-vous de cette idée? Serait-ce un progrès sur le plan de la concurrence, ou bien y a-t-il des inconvénients?

M. Rosen: Je n'y suis pas très favorable et je vais vous faire part de l'expérience que j'ai vécue. Lorsque ma société construisait un centre d'achat, la banque avec laquelle nous traitions à l'époque -- et je ne citerai pas son nom -- voulait que, pour conserver notre ligne de crédit, nous souscrivions notre hypothèque sur ce centre d'achat chez elle. La vente liée freine la concurrence plutôt qu'elle n'y contribue. C'est mon sentiment.

Le sénateur Kroft: C'est donc ce que la banque vous disait au sujet de ce développement?

M. Rosen: Absolument. C'était carrément de la vente liée, et j'ai trouvé cela complètement répréhensible.

Le sénateur Kroft: Je suppose, vu qu'il s'agissait d'un centre d'achat, qu'il y avait davantage de zéros en jeu que dans le cas d'un REER ou d'un crédit-bail automobile?

M. Rosen: On nous offrait un meilleur taux ailleurs, mais la banque voulait que nous passions par elle pour l'hypothèque.

Le sénateur Kroft: Vous avez très bien décrit le problème que vous percevez dans le fonctionnement des banques à l'égard des entreprises. Que pensez-vous de la perspective d'une fusion dans ce contexte? Est-ce que cela ne changerait pas grand-chose ou bien cela amplifierait-il le problème?

M. Rosen: Je suis sensible aux commentaires du sénateur Oliver car je pense qu'il faut davantage de concurrence. Mais nous vivons aussi dans un marché mondial, et il ne faut pas empêcher une grande banque de faire des profits dans l'intérêt de ses actionnaires. Mais, parallèlement, il faut évaluer ce qu'il en résulte pour l'intérêt général. Le client, finalement, c'est la collectivité. Y aura-t-il réellement un avantage sensible pour le client? Est-il établi que les fusions bancaires intervenues à l'étranger ont été bénéfiques pour les actionnaires? Ce sont des questions difficiles.

Comme beaucoup d'autres, j'essaie de me montrer aussi constructif et ouvert que je le puis.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question concernant votre mécanisme de règlement des différends. Serait-il destiné surtout aux crédits commerciaux ou bien les particuliers y auraient-ils aussi accès?

M. Rosen: Il servirait plutôt aux petites entreprises. Mais je crois que les consommateurs qui empruntent à une banque ou à un autre établissement financier ont parfaitement le droit à un service correct. Comme je l'ai dit, nos banques actuelles sont très intimidantes dès lors que vous avez un désaccord avec elles.

Le sénateur Callbeck: C'est bien ce que d'autres témoins nous ont dit aussi. Beaucoup de détracteurs des banques disent que la vente liée est en soi un gros problème. De fait, le rapport MacKay fait état d'un sondage où 16 p. 100 des répondants disaient avoir faire l'objet de vente liée, mais très peu de plaintes sont déposées. En 1996, il y en a eu une; en 1990, aucune; et en 1998, une.

Il me semble que ce que vous proposez ici vise surtout les entreprises. Qu'en est-il des consommateurs? Comment pourrait-on rendre le mécanisme de l'ombudsman plus convivial pour le consommateur?

M. Rosen: Je pense que les demandeurs de crédit aujourd'hui sont effrayés à l'idée d'aliéner leur banque, de crainte de voir leur prêt rejeté, ce qui les mettrait dans de grosses difficultés financières. Cette situation est beaucoup plus grave qu'on ne le pense, à mon avis. Je suis sûr qu'il y a bien plus d'une personne qui a vécu ces difficultés et une liquidation judiciaire; les cas sont nombreux.

C'est un grave problème et je crois que même les banques, en raison de leur impopularité dans les sondages, commencent à s'en rendre compte. Votre comité et le groupe de travail MacKay ont un rôle essentiel dans l'établissement d'un partenariat entre les Canadiens et leurs institutions financières, la situation actuelle étant déplorable et insatisfaisante pour tout le monde.

Selon mon expérience, les grands cabinets comptables de ce pays n'ont même jamais entendu parler d'un recours à l'ombudsman. Je vous le dis très franchement. Le mécanisme est très peu connu. Si vous parlez à un banquier ordinaire d'une ville moyenne, il ne vous le recommandera même pas. Mais ce mécanisme a du potentiel, et je pense que le rapport MacKay a mis le doigt dessus.

On en revient à ceci: il faut construire une nouvelle relation entre nos institutions bancaires et les Canadiens. Je pense que votre comité et le comité MacKay joueront un rôle majeur à cet égard.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que le mécanisme est mal connu et que même ceux qui le connaissent ne le recommandent même pas. Pourquoi?

M. Rosen: Sauf tout le respect que je porte aux hommes et aux femmes occupant ces postes, ils n'ont pas de pouvoir de contrainte. Leurs jugements peuvent être ignorés. Sauf tout le respect que je dois à M. Michael Lauber, avec qui me je suis entretenu à l'époque, il semblait tellement dépassé par ce qu'il faisait qu'il était incapable d'aborder d'autres questions.

Encore une fois, je ne veux pas médire de ces personnes car je les respecte. Ce sont des gens honorables et intelligents mais, comme je l'ai dit, ce mécanisme n'est qu'un paravent pour les banques. Je le pense très sincèrement.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous des suggestions en vue d'un meilleur processus?

M. Rosen: Je pense que celui de la Société du crédit agricole est probablement un début. Un autre est celui employé pour juger des normes professionnelles des comptables, et celui de l'Institut des comptables agréés de l'Alberta. Il est complexe, mais au moins on peut l'évaluer efficacement.

Le président: Sénateurs, notre dernier groupe de témoins aujourd'hui représente les associations de courtiers d'assurance de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta.

Je donne la parole à M. Gaschler.

M. Ernie Gaschler, directeur exécutif, Insurance Brokers' Association of Saskatchewan: Je suis accompagné de Mike Saunders, qui remplace le président de l'association albertaine, qui est malade; de Harold Baker, qui est le directeur exécutif de l'Independent Insurance Brokers' Association of Alberta; de ma présidente, Barbara Ricard, présidente de l'association de la Saskatchewan; et de Brian Gilbert, qui est le président de l'association manitobaine.

J'espère que notre mémoire a été distribué à tous les membres du comité. Nous n'avons pas l'intention d'en faire lecture. Nous savons, évidemment, que votre comité a déjà entendu un certain nombre de nos confrères d'autres régions. Notre mémoire reprend bon nombre des thèmes que vous avez probablement entendus.

Nous aimerions dire quelques mots d'introduction avant de répondre à vos questions.

Si vous le permettez, j'aimerais signaler qu'un nombre assez important de nos collègues qui sont intéressés par les délibérations d'aujourd'hui sont assis derrière nous dans la salle.

Notre association nationale, l'Association des courtiers d'assurances du Canada, vous a exposé les insuffisances du rapport MacKay concernant le secteur de l'assurance multirisque, de l'avis des courtiers. Nos collègues de la région atlantique vous ont posé une question importante: lorsqu'une institution financière détient à la fois le portefeuille d'assurance et le portefeuille de crédit d'un consommateur, les intérêts de qui représente-t-elle dans l'éventualité d'un désastre?

Nos collègues du Québec vous ont dit que, en tant que petites entreprises, nous devons communiquer avec notre banque, qui est également notre concurrent, toute l'information sur notre situation financière, y compris nos plans d'affaires, pour obtenir du crédit. Existe-t-il une autre industrie où cette pratique existe? Au nom des courtiers de l'Ouest du Canada, nous voulons simplement souligner que le secteur de l'assurance multirisque canadien est hautement concurrentiel et qu'il offre aux consommateurs un choix énorme de produits, de prix et de services.

Selon la perspective des courtiers, nous pensons que certaines questions fondamentales restent sans réponse. Est-ce que le secteur de l'assurance multirisque est défectueux? Faut-il le réparer? Quelque chose ne va-t-il pas dans les systèmes de distribution actuels? Le consommateur est-il mal servi? Comment le gouvernement peut-il réprimer la coercition, surtout lorsqu'elle est subtile ou implicite? Les banques vont-elles remplacer les emplois perdus et créer de petites entreprises sur le marché de l'assurance? Nous pensons que l'acheteur d'assurance est bien servi et qu'il n'est pas nécessaire d'élargir les pouvoirs commerciaux des banques au-delà de ce qui leur a été accordé en 1992.

Voilà pour nos remarques liminaires, monsieur le président, et nous sommes tout disposés à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Gaschler. À Montréal, vendredi, nous avons entendu le Mouvement Desjardins, qui est à toutes fins pratiques la société de holding du mouvement des caisses populaires. Ils vendent de l'assurance multirisque depuis une dizaine d'années. Ces données montrent qu'au cours de cette période il a conquis une part d'environ 11 p. 100 du marché. Franchement, j'ai été surpris que le chiffre soit si faible; il est beaucoup moindre que ne l'annoncent les sombres prédictions sur ce qui arriverait si les banques entraient sur le marché multirisque.

Je vous demande d'en parler parce que nous avons été surpris par la faiblesse de ce pourcentage. Je reconnais que cela ne règle pas du tout la question du conflit d'intérêts, qui est tout à fait distincte. Mais je m'interroge, car c'est là un exemple d'une institution de dépôts vendant de l'assurance multirisque sur le marché canadien. Le mouvement des caisses populaires dans son ensemble est de loin la plus grosse institution de dépôts au Québec. Il détient près de 40 p. 100 du marché, ce qui n'est pas rien. Cet exemple semble contredire bon nombre des prophéties lancées par vos collègues à travers le pays. Vous êtes le premier groupe auquel nous puissions poser cette question depuis que nous avons ces chiffres. Je suis curieux de voir ce que vous pouvez répondre à cela.

M. Gaschler: Certains de mes collègues voudront peut-être intervenir aussi. Je n'ai aucune façon de vérifier ce chiffre de 11 p. 100.

Le président: Nous pensons pouvoir dire qu'il est exact. Les autres chiffres qu'ils nous ont donnés ont toujours été exacts, et je pense que c'est un chiffre raisonnablement fiable.

M. Gaschler: Nos collègues à l'échelon national nous ont fait part de certaines observations. La caisse est arrivée sur le marché en promettant des taux très bas. Cela a manifestement attiré une partie de la clientèle. Nous croyons savoir que certains clients retournent maintenant chez les courtiers parce que les caisses ont dû augmenter leurs prix, pour des raisons de souscription et autres.

Cela a tout de même eu un impact sur les courtiers du Québec. Je crois que nos collègues du Québec vous ont indiqué que l'impact a été sensible. Si ma mémoire est bonne, 1 000 maisons de courtage ont disparu.

Je ne me prononcerais pas sur la question de savoir si 11 p. 100, c'est trop ou pas assez.

M. Mike Saunders, ancien président, Independent Insurance Brokers' Association of Alberta: Mon seul commentaire au sujet de cette part de marché de 11 p. 100 est qu'elle a fait disparaître plus que 11 p. 100 des maisons de courtage du Québec. Je pense qu'à l'époque il y avait 2 700 maisons de courtage. Nos chiffres sont qu'environ 1 000 ont maintenant disparu. Tous ces emplois ont disparu ou se sont déplacés.

Dans les petites villes où la présence bancaire est forte, cela peut avoir un effet très perturbateur.

Le président: Peut-on dire que ce nombre de courtiers a disparu uniquement à cause de l'entrée des caisses populaires sur le marché de l'assurance multirisque? Dans toutes les autres branches du secteur des services financiers, et même dans tout le secteur de la vente au détail, d'énormes regroupements ont eu lieu. Dans la distribution de détail, vous avez les Home Depots et les Wal-Marts. Le nombre de succursales des caisses de crédit a diminué. Il a dû y avoir des regroupements dans votre domaine, mais peut-être pas autant que l'indiquent les chiffres pour le Québec. Mais n'est-ce pas une tendance que l'on constate, certaines firmes devenant plus efficientes que d'autres?

M. Gaschler: Je ne puis parler pour le Québec, mais je peux parler pour la Saskatchewan. J'ai regardé les chiffres, et il y a eu une légère baisse du nombre de maisons de courtage dans la province au cours des cinq dernières années, de l'ordre de 5 p. 100. Cependant, parallèlement, il y a eu une augmentation d'environ 20 p. 100 du nombre des licences.

Ainsi, du point de vue de l'emploi, davantage de gens travaillent dans le secteur du courtage, mais oui, vous avez raison, il y a eu une petite baisse du nombre des maisons de courtage.

Le président: Donc, l'effectif a augmenté, mais le nombre de sociétés a diminué?

M. Gaschler: C'est le cas en Saskatchewan.

Le président: Est-ce également vrai au Manitoba et en Alberta? Le savez-vous?

M. Saunders: Je pense qu'il y a eu des regroupements dans toutes les provinces, mais dans le cas du Québec la baisse a été abrupte. Ce n'est pas simplement cette consolidation naturelle du secteur. Mille maisons de courtage ont disparu. C'est une baisse de 20 à 25 p. 100. C'est gros.

Le président: Pouvez-vous nous parler du Manitoba?

M. Brian Gilbert, président, Insurance Brokers' Association of Manitoba: Je peux confirmer que nos chiffres sont similaires à ceux de la Saskatchewan. Nous avons enregistré une très légère baisse du nombre de maisons de courtage et une augmentation du nombre de courtiers dans l'ensemble du secteur.

Le sénateur Tkachuk: Pour avoir une idée de la concurrence qui règne sur le marché, pourriez-vous me dire combien de courtiers ou de maisons de courtage existent dans les provinces des Prairies? Ou si vous ne pouvez pas, pouvez-vous me dire au moins combien il y en a dans les provinces représentées ici?

M. Gaschler: Je peux vous donner une estimation très grossière, car nous avons essayé de rassembler quelques données. Dans les trois provinces des Prairies, nous pensons qu'il y a environ 1 300 firmes de courtage comptant un effectif de 12 000 à 13 000 personnes.

Le sénateur Tkachuk: Dans une petite ville de la Saskatchewan, vous n'en aurez peut-être qu'un. Prenons des localités comme Rosthern ou Yorkton ou Melville, combien y trouve-t-on de courtiers, un, deux, trois?

Mme Barbara Ricard, présidente, Insurance Brokers' Association of Saskatchewan: Je suis de Kindersley. À Kindersley, nous avons deux courtiers ainsi qu'un agent de Co-operators. Les deux courtiers emploient chacun quatre personnes.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez donc trois firmes. Combien y a-t-il de banques à Kindersley?

Mme Ricard: Il y a quatre banques et la caisse de crédit.

Le sénateur Tkachuk: Donc, trois maisons de courtage affronteraient quatre banques et une caisse de crédit, est-ce bien cela?

Mme Ricard: Oui, c'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Si ces dernières se mettaient à vendre aussi de l'assurance, elles sauraient tout de vos affaires, à tous les trois?

Mme Ricard: Oui, bien entendu.

Le sénateur Tkachuk: Les banques ne cessent de nous dire que si elles vendaient de l'assurance, il y aurait davantage de concurrence et que les consommateurs en bénéficieraient. Je peux vous dire que je ne suis pas convaincu par cet argument, mais j'aimerais que vous me disiez comment le contrer. Comment peut-on répondre à cet argument sans entrer dans toute la question de l'accès à vos dossiers et tout le reste?

M. Saunders: Lorsqu'elles vendront de l'assurance, il y aura certainement davantage de concurrents. Mais est-ce que le secteur sera plus concurrentiel, c'est une autre question. Je pense que les caisses de crédit ont dit qu'il y a déjà suffisamment de concurrence dans le secteur bancaire, avec seulement une quarantaine de banques actives au Canada. Je ne suis pas sûr du chiffre. Il y a plus de 230 assureurs en lice aujourd'hui au Canada, ce qui donne une concurrence féroce et un grand choix au consommateur.

L'ajout de quatre ou cinq de plus au mélange ne signifie pas nécessairement qu'il y aura plus de concurrence. Il y aura initialement quelques guerres de prix, mais qui ne pourront durer à cause des pertes d'exploitation, et il en résultera que vous aurez probablement moins de courtiers parce que vous ne pouvez afficher des pertes -- moi, je ne peux pas -- pendant cinq années consécutives et survivre.

Une banque pourrait vendre ses produits d'assurance à des prix suffisamment bas pendant suffisamment longtemps pour que je ne puisse pas survivre. À ce stade, elle aura capturé ma part de marché et la concurrence s'arrêtera.

Le sénateur Tkachuk: Si nous prenons l'exemple de Kindersley, si les banques et les caisses de crédit se mettent à vendre de l'assurance, pensez-vous que vous pourrez tous rester en activité? Autrement dit, il y aurait cinq banques et trois courtiers survivants, c'est-à-dire huit concurrents.

Mme Ricard: Non, je ne pense certainement pas que les maisons de courtage continueront d'exister. Comme Mike l'a dit, je ne suis pas financièrement en mesure d'essuyer une perte pendant plus de trois ans. Comme Mike l'a fait remarquer également, si les banques coupent les prix, je suis moi-même liée par les tarifs des assureurs et je ne serai pas compétitive.

M. Harold Baker, directeur exécutif, Independent Insurance Brokers' Association of Alberta: À ce sujet, nous avons effectué récemment une enquête en Alberta montrant que les banques ont déjà fait disparaître en Alberta 3 p. 100 des maisons de courtage, en l'espace d'un an. Trois pour cent ont dû fermer leurs portes, principalement à Edmonton et Calgary. Il n'y a pas encore eu d'effet dans les régions rurales, mais les banques n'y sont pas actives. Notre secteur a déjà été amputé de 3 p. 100.

Le sénateur Tkachuk: Vous parlez du fait que les banques possèdent elles-mêmes des compagnies qui vendent de l'assurance, et non pas du fait qu'elles en vendent dans leurs succursales. Quel est le problème?

M. Baker: Elles sont déjà sur le marché. Elles vendent déjà de l'assurance. C'est un fait. Elles ne la vendent pas au détail. Elles emploient des centres de démarchage téléphonique et aussi Internet. Trois pour cent de nos maisons de courtage ont déjà sombré, principalement à Edmonton et Calgary, comme je l'ai dit.

Le sénateur Meighen: Juste pour me situer, les sociétés d'assurance-vie ont la SIAP pour garantir les paiements en cas de difficultés financières. Et vous, qu'avez-vous? Le fonds d'assurances multirisques, est-ce là son nom?

M. Saunders: C'est le SIAM. Je dois vous indiquer que nous sommes les détaillants d'un produit qui nous est fourni par les assureurs, et qu'il nous serait très difficile de parler du SIAM et de son fonctionnement. Nous ne sommes que les distributeurs au détail.

Le sénateur Meighen: Oui, je comprends cela. Je ne veux pas tirer sur le messager. Face à des calamités telles que la tempête de verglas au Québec, pouvez-vous nous dire, vous qui avez un intérêt au moins indirect sinon financier, si le SIAM protège suffisamment la solvabilité de l'industrie.

M. Saunders: Sénateur Kelleher, je crois que nous avons eu cette discussion il y a quelques années au sujet d'un fonds de garantie pour l'assurance-tremblement de terre en Colombie-Britannique. Notre industrie est très préoccupée par la capacité à faire face aux dégâts catastrophiques, et la plus grosse que nous puissions imaginer à l'horizon serait un tremblement de terre en Colombie-Britannique.

En gros, nous recherchons une méthode pour mettre sur pied un tel fonds et d'y verser des sommes suffisantes pour faire face à de tels problèmes.

Je crois que la facture totale de la tempête de verglas au Québec se situait entre un demi-milliard et un milliard de dollars. Je pense que l'industrie y a fait face de manière tout à fait adéquate et a protégé le consommateur aussi bien qu'il était humainement possible dans des conditions aussi atroces.

Le sénateur Meighen: Est-ce qu'en pratique, sinon en droit, l'assurance multirisque est un service financier? J'essaie de voir s'il y a une distinction entre l'assurance multirisque et l'assurance-vie. Je me trompe peut-être. L'assurance-vie me semble davantage une opération de gestion de patrimoine. L'assurance multirisque est une protection financière en cas de catastrophe.

M. Saunders: C'est une bonne remarque. Un service financier, non, je ne pense pas. Nous faisons plutôt partie de la gestion de patrimoine. Nous protégeons le patrimoine, et nous ne le faisons pas grossir. Nous protégeons les avoirs dans l'éventualité d'un événement improbable et imprévisible.

Vous avez raison de dire que c'est légèrement différent. De fait, c'est très différent de l'assurance-vie, particulièrement parce que nous ne pouvons prédire les tempêtes de verglas, les tremblements de terre, les tornades et les chutes de grêle à 500 millions de dollars.

Le sénateur Meighen: Ou même que quelqu'un défonce ma voiture. Quelle serait votre réaction à vous, et celle de l'industrie en général, si j'agitais une baguette magique et décrétais qu'à partir de demain l'assurance-vie peut être vendue dans le succursale bancaire mais non l'assurance multirisque?

M. Saunders: Vous n'avez pas besoin d'agiter de baguette magique. Elles le font déjà lorsque vous prenez une hypothèque. Je suis allé renouveler la mienne il y a quelques années et nous sommes arrivés à la petite case qu'ils cochent pour dire que vous voulez assurer l'hypothèque, et j'ai dû leur dire d'effacer le X parce que je n'en voulais pas.

Le sénateur Meighen: Vous n'en vouliez pas parce que vous pensiez obtenir un meilleur taux ailleurs?

M. Saunders: Non, j'ai choisi de ne pas traiter avec une institution financière pour mes produits d'assurance-vie. Mais le fait est qu'elles en vendent déjà. Elles le font. Le danger si on leur ouvre la porte de l'assurance multirisque réside dans l'effet que cela aura sur notre secteur.

Le sénateur Meighen: Je comprends votre position. Mais c'est différent dans le cas de l'assurance-vie.

M. Saunders: Il est difficile pour nous d'en parler car nous sommes courtiers d'assurance multirisque. Il ne serait pas opportun que nous prétendions parler au nom du secteur de l'assurance-vie.

Le sénateur Meighen: Je me demandais simplement si cela aurait un effet néfaste pour vous. Si j'ai bien suivi, votre réponse est «pas particulièrement».

M. Saunders: Exactement.

Le sénateur Kroft: J'aimerais poser deux questions. Vous parlez de prix déloyaux et de guerres des prix. J'essaie simplement de mieux comprendre la fourchette possible des tarifs. L'assurance est quelque chose d'assez simple. Il y a des antécédents de pertes et des risques. Après un certain temps, l'assureur fait un profit ou perd de l'argent. Ensuite, soit il continue soit il ajuste le taux.

Quiconque vend le produit est dans la même situation. J'essaie de voir quelle marge de manoeuvre il peut exister sur le plan des frais de distribution. De la manière dont vous décrivez votre exploitation, il me semble que vos coûts sont assez simples. Vous ne dépensez évidemment pas d'argent inutilement.

Si l'une des banques décidait de vendre de l'assurance multirisque, il lui faudrait former son personnel, j'imagine. Vous parlez de vos normes de professionnalisme exceptionnellement élevées, supérieures à celles que l'on rencontre à l'étranger.

Si le banquier au bout de la rue faisait toutes les choses que vous faites, formait son personnel selon les normes professionnelles, démarchait les clients et leur donnait le service, qu'est-ce qui, dans la structure de la banque, lui permettrait forcément d'offrir le produit à moindre prix à long terme? Laissons de côté les questions du genre vente liée. Y a-t-il quelque chose d'inhérent à la structure de la banque qui lui permettrait de distribuer le produit pour moins cher? Il me semble que vous avez pas mal d'atouts en main.

M. Saunders: Sénateur, à long terme elles n'ont réellement rien dans leur système de succursale qui leur donne un avantage concurrentiel. Mais elles ont, à court terme, la capacité de couper les prix jusqu'à ce que nous disparaissions. Les banques peuvent également mettre à profit les renseignements que nous sommes obligés de leur fournir pour nous anéantir. Voilà nos préoccupations.

À long terme, à condition que le terrain de jeu soit égal, nous pouvons soutenir la concurrence de quiconque. Les banques distribuent actuellement des produits d'assurance par le biais de leurs filiales d'assurance. Les règles mises en place en 1992 semblent bien fonctionner. Du moment que nous avons un terrain de jeu égal sur lequel nous pouvons livrer concurrence avec les mêmes atouts ou les mêmes règles, nous sommes compétitifs. C'est lorsque le terrain est en pente et que vous leur donnez un avantage déloyal que nous risquons de disparaître avant la fin de la partie.

Le sénateur Kroft: Est-ce sur le plan de la formation professionnelle qu'elles pourraient s'en tirer à meilleur compte, parce qu'elles utiliseraient les effectifs qu'elles ont déjà?

Mme Ricard: Elles pourraient s'en tirer avec moins de formation professionnelle et en ayant moins de personnel agréé, et notre problème est qu'il sera très difficile de contrôler le respect des normes. Voilà notre crainte.

Vous pouvez avoir des gens qui remplissent certaines tâches et qui, de ce fait, échapperaient aux contraintes d'accréditation. Mais la nature humaine étant ce qu'elle est, ces employés risquent toujours de s'égarer en dehors de leur domaine et nous pensons qu'il sera difficile de vérifier si ce personnel est bien accrédité et formé.

Le sénateur Kroft: Est-ce que l'accréditation est accordée sur examen?

M. Saunders: Exactement, et les examens relèvent de la compétence provinciale.

Le sénateur Oliver: J'ai deux questions précises et elles découlent toutes deux de mon impression que cette épouvante à l'idée que les banques vendent des produits d'assurance dans leurs succursales est excessive. J'ai déjà posé la question à un autre témoin et je suis curieux de savoir ce que vous répondrez. D'aucuns disent qu'il est très improbable que les banques canadiennes veuillent s'attaquer aux compagnies d'assurance multirisque étant donné que les plus grosses d'entre elles sont des compagnies étrangères et non canadiennes et ont les poches profondes. Elles ont meilleur accès au capital que les banques canadiennes. Je songe à des sociétés comme ING des Pays-Bas ou AXA de France, et au fait que les banques sont plus susceptibles de former des alliances stratégiques, mettons la Banque Royale avec Co-operators.

Pensez-vous que les recommandations du groupe de travail faciliteraient la conclusion de telles alliances stratégiques entre les banques et les compagnies d'assurance multirisque?

M. Saunders: Je pense qu'elles ont déjà créé leurs propres réseaux d'assurance multirisque. Elles n'ont besoin de conclure d'alliances avec personne maintenant. Elles ont formé leurs propres compagnies. Il y a Scotia Insurance, CDI et CIBC Direct.

Le sénateur Oliver: Mais elles ne peuvent rivaliser avec les compagnies néerlandaises et françaises quant aux moyens financiers.

M. Saunders: Elles se débrouillent pas mal. En Alberta, en l'espace de six mois, elles ont capturé 3 p. 100 du marché. Elles vont survivre. Nous avons entre 70 et 80 compagnies entièrement canadiennes. Elles rivalisent très bien avec ces grandes compagnies étrangères.

L'assurance multirisque est différente de l'assurance-vie et de tout le reste. C'est un produit périssable qu'il faut racheter chaque année.

Je ne vois pas en quoi la taille ferait une grande différence sur le plan de l'accès aux capitaux nécessaires pour financer les risques d'assurance au Canada. Cela ne fait pas une grosse différence.

M. Baker: Il faut bien voir que dans le domaine de l'assurance multirisque, nos concurrents sont très bien des gens aux poches profondes. Les banques semblent avoir peur de relever le défi de la concurrence. Elles aiment bien s'abriter derrière des règles.

Quantité d'assureurs multirisques de l'Alberta détiennent une bonne part de marché et rivalisent avec des compagnies étrangères aux poches profondes. C'est une réalité dans notre industrie.

Je pense que le défi pour les banques est de trouver un moyen de le faire elles-mêmes dans leur secteur, sans être protégées par des règles.

Le sénateur Oliver: J'aimerais vous soumettre un autre scénario. D'aucuns disent que votre argumentation ne tourne pas tant autour des compagnies, des banques et compagnies d'assurance, etc., qu'autour du consommateur, le consommateur final, et n'est-il pas vrai que les Canadiens sont actuellement sous-assurés? Quelqu'un a parlé plus tôt d'assurance contre les tremblements de terre. Combien de gens dans cette salle sont assurés contre les tremblements de terre, pensez-vous?

Les banques vont offrir des produits de masse et ainsi élargir le marché, et les compagnies resteront avec des produits spécialisés à forte valeur ajoutée. Le prix de l'assurance multirisque baissera. Le secteur de l'assurance multirisque a été lent à s'adapter aux nouvelles technologies de distribution des produits, et pourquoi les banques ne choisiraient-elles pas de vendre leurs produits par l'intermédiaire de courtiers, de faire appel à vous pour la distribution?

M. Gaschler: Je ne sais pas. Elles ont pris la décision de commercialiser leurs produits au moyen de leur propre système de distribution, qu'il s'agisse d'un agent exclusif ou de télémarketing ou de l'Internet ou de tout ce que vous voulez.

On peut dire que l'assurance est une industrie suffisamment mûre. Les compagnies connaissent et comprennent l'évaluation et la gestion des risques. Elles savent ce que sont leurs coûts. Rien n'indique que le coût de la distribution directe du produit diffère sensiblement du recours à des courtiers. Je ne vois donc pas où, dans ce coût de distribution, un concurrent pourrait dériver un avantage réel.

Le sénateur Oliver: Si les coûts ne sont guère différents, alors les courtiers font le suivi et accordent une attention personnelle aux clients en cas de sinistre.

M. Gaschler: Absolument. Je pense que la différence entre le courtier et quelqu'un qui travaille directement pour l'un des fabricants du produit, une compagnie, est que les courtiers sont le défenseur du consommateur. Ils aident le consommateur à identifier ses risques et ses besoins et à trouver la bonne assurance sur le marché.

M. Saunders: Sénateur, vous avez dit que les banques fourniraient des produits de masse, en quelque sorte. Comme nous l'avons vu jusqu'à présent, elles s'intéressent uniquement à la cheville ronde qui entre dans le trou rond. Tout ce qui dépasse devra être ramassé par le reste de l'industrie. La nôtre n'a pas été négligente s'agissant des tremblements de terre et de l'accumulation de réserves suffisantes. C'est une tâche énorme, car il faut accumuler des réserves énormes pour financer cette perte prévisible, en quelque sorte.

Je ne pense pas que notre industrie ait été lente à faire ce qui est nécessaire dans ce pays. Simplement, parfois, nous avons des contraintes fiscales et différents facteurs rendent les choses difficiles. Mais lorsque vous dites qu'elles vendront les produits de masse et que nous nous occuperons des produits spécialisés, cela revient à dire que nous ne pouvons pas nous occuper de ce qui rapporte, mais uniquement de ce qui ne rapporte rien. Je pense que ce serait une mauvaise chose pour le consommateur car, en fin de compte, tous ces risques inhabituels, ces choses qui ne sont pas rondes et n'entrent pas dans le joli petit trou rond, celles qui tombent à l'extérieur, coûteront plus cher au consommateur. Très franchement, les produits qu'elles proposent sont plutôt élémentaires. Elles veulent écrémer toute la partie qui rapporte et laisser tomber le reste. Je ne vois pas en quoi cela serait bon pour le consommateur.

Le sénateur Oliver: J'essayais simplement de dire que les banques pourraient amener une dimension nouvelle dans la commercialisation du produit, c'est tout. Mais vous semblez dire non, non, non.

M. Saunders: Je n'ai encore rien vu en ce sens. La CIBC vend de l'assurance en Ontario depuis trois ans. Je n'ai rien vu de particulièrement nouveau, ni sur le plan des produits, ni sur celui de la télécommercialisation.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous-même télécommercialisez vos produits?

M. Saunders: Oui. Je vis dans une petite ville d'environ 7 000 habitants et, curieusement, même là, nous le faisons. Cependant, contrairement à quelques autres compagnies, nous ne confions pas le travail à une société de télémarketing américaine. Nous le faisons nous-mêmes, au Canada.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je reviens à la question de l'expérience québécoise et des caisses populaires. L'engagement des gens du Mouvement Desjardins, nous montre que les courtiers sont formés, qu'ils sont des professionnels et ont un code d'éthique. Donc, s'ils commettent des brèches en faisant de l'interférence avec le crédit, ils seront soumis à une discipline. Ils n'ont pas intérêt à le faire. Est-ce que les courtiers sont soumis à la même formation dans le reste du Canada? Est-ce qu'un courtier, qui ferait une faute professionnelle, doit faire face à un mécanisme de redressement pour le consommateur et même pour le professionnel, c'est-à dire, est-ce qu'il peut perdre sa licence? Quel est le mécanisme de contrôle sur la profession de courtier dans les provinces de l'Ouest?

M. Saunders: Je crois que dans les autres provinces, nous avons des comités pour traiter ces problèmes. C'est exactement la même chose qu'au Québec, je crois.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, si vous faites une erreur et qu'un client veut se plaindre de son courtier, il s'adresse à ce comité?

M. Saunders: Oui, sénateur.

Le sénateur Hervieux-Payette: Et la garantie qu'on nous donne est celle que le gérant du crédit ne sera jamais en lien direct avec le courtier qui vendrait de l'assurance dans la banque. Vous ne croyez pas que ce conseil pourrait discipliner cette personne, à l'intérieur de la banque, qui commettrait une faute en liant les deux produits?

M. Saunders: Seulement s'il est licencié dans la province même. Mais je crois qu'il n'est pas nécessaire pour des employés d'une banque d'avoir des licences actuellement. Donc, le conseil n'aura pas l'autorité.

Le sénateur Hervieux-Payette: M. Béland, le président du Mouvement Desjardins nous disait que les gens autorisés à vendre de l'assurance sont reconnus comme courtier. Donc, ce ne sont pas des employés ordinaires qui n'ont aucune formation, mais quelqu'un ayant la même formation que vous pouvez avoir comme courtier. Et même cette assurance ne vous rassure pas?

[Traduction]

M. Saunders: Si nous devions effectivement remplir tous les mêmes critères d'accréditation et avoir la même instruction et être assujettis aux mêmes règles de formation continue et règles de comportement commercial, nous n'aurions évidemment aucune inquiétude. Ce qui préoccupe les courtiers, c'est davantage la possibilité que les employés d'une institution puissent exercer une influence indue ou une coercition sur le consommateur. Ce serait un avantage déloyal par rapport aux autres agents accrédités.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Si notre comité recommandait que, pour vendre de l'assurance générale dans une banque, les gens doivent avoir la même formation que vous, est-ce que vos associations seraient rassurées?

[Traduction]

M. Gaschler: Pour ma part, je réponds non. Ce n'est pas tant une question de formation ni rien du genre. S'ils travaillaient en dehors de la banque dans des filiales d'assurance ou une société appartenant à une banque, alors le terrain de jeu serait égal. Mais aussi longtemps qu'ils sont employés d'un prêteur traitant avec le client, nous pensons que ce serait un avantage déloyal et inquiétant.

Mme Ricard: La banque a la possibilité à contraindre les clients à acheter de l'assurance chez elles parce que le client a besoin des services financiers de cette banque, si bien que le terrain de jeu n'est pas égal.

[Français]

M. Saunders: Il est impossible de régler la perception. Si le consommateur croît qu'il doit acheter de l'assurance de la banque pour avoir son prêt, il le fera. Nous ne pouvons pas réglementer cela.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, cela ne le met pas dans la même situation que lorsqu'il est avec vous, cela ne dépend pas du prêt?

M. Saundres: Oui, sénateur.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce qu'il existe des régions où vous avez plus de risques, par exemple, les tempêtes de verglas, où les compagnies d'assurances traditionnelles refusent d'offrir des couvertures, et vous, comme courtier, vous ne pouvez pas offrir une couverture? Je parle de toutes celles qui sont sur le marché dans le moment, et les banques pourraient-elles offrir cette couverture?

[Traduction]

M. Saunders: J'aimerais répondre à cette question en anglais parce que cela se fait dans le Canada anglais. On voit cela à Calgary sans arrêt. Notre industrie a toujours réagi aux sinistres catastrophiques. Je ne connais pas de compagnies qui aient refusé des polices d'assurance à Calgary, mais notre industrie a injecté plusieurs millions de dollars dans un programme de prévention de la grêle pour minimiser les dégâts causés par la grêle. Je ne vois pas qui d'autre prendrait une telle initiative.

Nous y avons vu une façon de prévenir les dégâts, de garder le coût de l'assurance à un niveau raisonnable tout en faisant un profit. Injecter plusieurs millions de dollars dans un programme de prévention de la grêle était opportun, et nous l'avons fait.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je pourrais vous citer en exemple ce que Desjardins a fait pendant une tempête de neige dans la région de Québec. Ils sont allés jusqu'à envoyer des gens déblayer la neige sur les poteaux électriques qui risquaient de s'effondrer, pour prévenir les dégâts. À Québec, vous pouvez avoir jusqu'à 10 pieds de neige, assez pour endommager les poteaux extérieurs. Je pense qu'il importe pour nous de savoir que vous offrez une couverture pour à peu près n'importe quoi.

Avec combien de compagnies un courtier moyen fait-il affaires? Êtes-vous lié à une compagnie ou bien vendez-vous tous les produits sur le marché?

M. Saunders: Nos dernières statistiques indiquent que le courtier moyen travaille avec de sept à dix assureurs.

Le président: Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à nos travaux d'aujourd'hui.

La séance se poursuit à huis clos.


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