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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 34 - Témoignages pour la séance du matin


VANCOUVER, le mercredi 28 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nos premiers témoins ce matin sont Mme Peggy-Anne Brown, présidente du conseil d'administration de l'Ombudsman bancaire canadien, et M. Michael Lauber, l'Ombudsman bancaire canadien.

Vous vous rappellerez, honorables sénateurs, que le rapport du groupe de travail MacKay renferme des recommandations concernant le bureau de l'ombudsman, la plus grande et la plus importante étant la recommandation 80 qui figure à la page 213. Les sénateurs peuvent y jeter un coup d'oeil pendant la présentation.

Madame Brown et monsieur Lauber, nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté de comparaître. Je sais que vous avez préparé une déclaration préliminaire qui figure dans la documentation que vous nous avez remise dans le dossier gris. Au lieu de lire en entier la déclaration qui fait huit pages, ce qui aurait pour effet de réduire la période réservée aux questions, veuillez nous en exposer les grandes lignes. C'est que, si le comité peut lire sans problème, il aime bien poser des questions.

M. Michael Lauber, Ombudsman bancaire canadien: Honorables sénateurs, nous sommes heureux d'être parmi vous ce matin et de vous présenter le point de vue de l'Ombudsman bancaire canadien sur les recommandations du groupe de travail. Nos observations se limiteront aux questions qui ont directement trait au mécanisme d'ombudsman. Je demanderais à Mme Brown de bien vouloir faire quelques observations préliminaires.

Mme Peggy-Anne Brown, présidente du conseil d'administration de l'Ombudsman bancaire canadien: Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à Vancouver. L'Ombudsman bancaire canadien est un organisme indépendant chargé d'étudier les plaintes relatives aux services financiers, provenant de particuliers et de petites entreprises. Je voudrais insister sur le fait que l'OBC ne fait pas partie de l'Association des banquiers canadiens. L'OBC est sous la gouverne d'un conseil d'administration, dont la majorité des membres sont indépendants des institutions financières membres.

Depuis la création de l'OBC il y a deux ans, nous avons apporté une série de modifications à ses règlements pour officialiser ce que nous estimons être les pouvoirs très spéciaux de nos administrateurs indépendants. Ces pouvoirs spéciaux ont essentiellement pour objet de protéger l'indépendance de l'ombudsman. Ainsi, l'accord unanime des administrateurs indépendants est nécessaire pour démettre l'ombudsman de ses fonctions. En tant qu'administrateurs indépendants, nous sommes chargés d'approuver le budget devant assurer l'efficacité du bureau. Nos recherchons des candidats aux postes d'administrateur indépendant, les recevons en entrevue et les nommons. Ils ne sont pas nommés par les services financiers membres. Nous faisons de même en ce qui concerne l'ombudsman, qui ne peut avoir déjà travaillé pour une institution financière. Nous croyons être bien en mesure d'assumer notre principale fonction, soit de rehausser, de garantir et de protéger l'indépendance et la crédibilité du bureau de l'ombudsman.

Ces dernières années, nous nous sommes appliqués à choisir des administrateurs indépendants de telle façon qu'il y ait un équilibre géographique et un équilibre des sexes au sein du bureau. Le mémoire que nous vous avons remis mentionne un certain nombre d'administrateurs indépendants. Moi-même, la présidente, je suis à la tête d'une petite entreprise et j'habite Vancouver. Siège également à notre conseil le président du conseil de l'Institut canadien des comptables agréés. Jim Savary, professeur agrégé à l'Université York de Toronto, est un bénévole oeuvrant depuis longtemps au sein de l'Association des consommateurs du Canada. L'honorable Lincoln Alexander habite à Hamilton. Il y a également le directeur de l'École des hautes études commerciales à Montréal ainsi que le vice-président de la Commission des valeurs mobilières de la Nouvelle-Écosse.

Le groupe de travail MacKay a approuvé la structure et les activités de l'Ombudsman bancaire canadien de même que les mesures visant à protéger l'indépendance de l'ombudsman. En fait, si vous jetez un coup d'oeil à ce qu'il dit au sujet de l'ombudsman, il ne semble pas formuler une seule critique à notre égard. Voici quelques citations tirées du rapport.

[...] un système qui offre un bon exemple à imiter est celui de l'Ombudsman bancaire canadien.

Nous avons été favorablement impressionnés par l'esprit qui inspire l'OBC ainsi que sa structure [...]

[...] il supporte favorablement la comparaison, sur la plupart des points, avec les mécanismes analogues mis en place dans d'autres pays ou secteurs.

Dans le document de recherche étayant le rapport, on trouve l'observation suivante:

Le système canadien respecte désormais assez bien le critère de l'indépendance.

Cependant, le groupe de travail s'est montré préoccupé par ce qu'il a qualifié de «perception d'un manque d'indépendance». Il a recommandé que le ministre des Finances nomme le conseil d'administration et que l'ombudsman réponde de ses activités au Parlement. De l'avis du conseil de l'OBC, dans le but de résoudre un problème perçu -- et non un véritable problème -- on risque, en privilégiant une telle solution, de soulever de nombreuses autres difficultés.

Dans le mémoire présenté au groupe de travail en octobre 1997, nous avons fait remarquer que la mise en place d'un seul ombudsman pour l'ensemble du secteur des services financiers offrirait une protection intégrée aux consommateurs de services financiers. Nous constatons avec satisfaction que le groupe de travail s'est rallié à cette recommandation en déclarant que:

Ce serait faire un pas en arrière que d'établir des bureaux d'ombudsman distincts dans chacun des anciens sous-secteurs des services financiers.

Plus tôt cette année, nous avons apporté des modifications à nos règlements pour ouvrir nos rangs à pratiquement toutes les institutions financières, y compris les sociétés de fiducie, les coopératives de crédit et les prêteurs spécialisés. En outre, nous avons demandé à Michael Lauber de prendre le pouls des autres institutions du secteur financier face à la proposition. De toute évidence, si nous devions accueillir de telles institutions, il nous faudrait modifier notre nom pour en retirer le mot bancaire et le conseil devrait être composé de membres représentant tous les secteurs visés, non seulement des banquiers. J'ajouterais qu'il va de soi que les administrateurs indépendants devraient continuer de former la majorité.

Les banquiers siégeant au conseil appuient fortement l'élargissement du mécanisme d'ombudsman. Ils ont sollicité l'avis des administrateurs indépendants à l'égard de chaque enjeu. Dernièrement, lorsque nous avons débattu du rapport MacKay, il est apparu évident que le transfert d'autorité psychologique est chose faite et que l'organisme est véritablement dirigé par les administrateurs indépendants.

Nous estimons qu'en réunissant des membres provenant des sociétés de fiducie, des compagnies d'assurance et des coopératives de crédit, le conseil répondrait aux inquiétudes à l'égard de la domination des banques, c'est-à-dire la question de la perception. Les groupes de consommateurs et de petites entreprises que Michael Lauber a rencontrés récemment partagent cette opinion. M. Lauber pourrait sans doute vous entretenir maintenant du mécanisme d'ombudsman.

M. Lauber: Honorables sénateurs, à titre d'Ombudsman bancaire canadien, je suis appelé à régler des différends dans tous les secteurs des services financiers. Nous constituons le mécanisme de recours indépendant des services d'ombudsman interne des banques. Notre mandat s'étend aux banques et à toutes leurs filiales. Dès lors, j'examine les plaintes en provenance de clients des banques, des filiales de services fiduciaires, d'assurance et autres assurances des banques, de même que de clients achetant d'autres produits bancaires comme les fonds mutuels. Nous desservons tous les secteurs simultanément. Nous mènerons cette année quelque 200 enquêtes; 1 200 personnes communiqueront avec nous. C'est le double des activités de l'an dernier. Notre création remonte à peine à deux ans et déjà 40 p. 100 de la population -- et non pas 20 p. 100 comme il est dit dans le rapport du groupe de travail -- connaissent nos services. Ce nombre ne comprend pas les personnes qui sont «un peu au courant», mais bien 40 p. 100 de consommateurs qui nous connaissent bien. C'est très important de le souligner.

Il est important de comprendre ce qu'est un ombudsman et ce qu'il n'est pas. La définition du dictionnaire se lit comme suit: «Une personne qui étudie des plaintes, fait état des conclusions et parvient à des règlements équitables, particulièrement entre des parties lésées et des institutions.» L'ombudsman cherche essentiellement à régler des différends, et nous offrons notre service aux clients sur une base individuelle. Autrement dit, nous ne sommes pas un contentieux. Nous avons pour mandat d'évaluer l'équité de la situation et, le cas échéant, de recommander à la banquer de prendre les mesures nécessaires pour donner satisfaction au client. Afin de déterminer l'équité, nous consultons divers codes de conduite de l'industrie et faisons appel aux bonnes pratiques bancaires et commerciales. Il n'en coûte rien au client et les parties ne perdent pas leur droit à un recours juridique. Elles peuvent poursuivre en justice si elles le désirent.

Un ombudsman n'est ni un cerbère ni un organisme de réglementation. Un certain nombre de personnes ayant comparu devant ce comité ont confondu. La fonction de cerbère appartient à l'Association des consommateurs du Canada, au CCRC, à la Fédération canadienne des entreprises canadiennes indépendantes, aux chambres de commerce et aux organismes similaires. Certes, nous avons besoin de cerbères bien financés pour représenter le public, mais nous ne sommes pas un cerbère.

La fonction de réglementation appartient au gouvernement ou à un organisme de réglementation sectoriel comme l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Les organismes de réglementation établissent des normes et des codes de conduite et ils imposent des mesures disciplinaires aux membres qui en dérogent. Les organismes de réglementation ne disposent habituellement pas du pouvoir nécessaire pour offrir un mécanisme de recours au consommateur. C'est là qu'intervient l'ombudsman, qui s'occupe d'un client à la fois et remédie à la situation quand le système a eu des ratés.

Permettez-moi de soulever maintenant certains problèmes d'ordre juridique. Il y a d'abord celui que posent les responsabilités fédérales et provinciales. Au Canada, les autorités fédérales et provinciales se partagent la responsabilité des institutions financières. Par exemple, les banques sont régies par le gouvernement fédéral, tandis que les sociétés de fiducie sont principalement de ressort provincial, sauf Canada Trust qui relève du fédéral. Les compagnies d'assurance-vie et autres compagnies d'assurances sont régies par le BSIF quant à leur solvabilité, mais les provinces sont responsables de l'examen de la conformité des assureurs. Les coopératives de crédit sont régies par les provinces et le secteur des placements est exclusivement de compétence provinciale.

Il y a lieu de s'interroger sur la capacité du gouvernement fédéral d'étendre sa législation à d'autres institutions que les banques et Canada Trust. De plus, toute pression du gouvernement fédéral visant à promouvoir la participation facultative des institutions à charte provinciale pourrait amener les provinces à réagir en établissant leur propre programme d'ombudsman.

Le Québec a récemment nommé le conseil d'administration d'une commission des services financiers qui a la capacité d'élaborer un mécanisme de recours. L'Ontario a émis un document de travail à l'intention de sa commission des services financiers qui autorise également la mise sur pied d'un mécanisme de recours. Ces deux processus visent principalement le secteur des assurances.

Nous risquons de voir surgir une multitude de programmes partout au Canada. Cette situation aurait pour effet de dérouter le consommateur tout en étant très coûteuse pour les institutions qui auraient à se plier aux divers processus et normes. Ce n'était certes pas l'intention du groupe de travail. À notre avis, les chances de réussite sont meilleures dans le cas d'un mécanisme d'ombudsman unique, national et financé par le secteur privé que dans celui de la participation obligatoire à tel mécanisme. Les provinces accepteront vraisemblablement plus volontiers cette mesure dont elles n'auraient probablement pas à s'occuper.

En vertu d'un mécanisme à participation obligatoire, les tribunaux pourraient être appelés à examiner les décisions et les méthodes. C'est un des problèmes qui pourraient se présenter sur le plan juridique. L'examen judiciaire exigerait l'établissement d'un mécanisme plus officiel quant à la collecte de preuves, à la tenue d'audiences et à la publication des décisions. Nous estimons que le programme de notre secteur permet d'établir des résultats plus rapidement et à moindre coût pour le client tout en étant aussi équitable.

Le Royaume-Uni a mis sur pied un mécanisme d'ombudsman. Il a les pouvoirs pour ce faire; c'est un État unitaire; il a été en mesure de l'établir rapidement. Je crois cependant qu'il met en péril l'efficacité de son mécanisme, comme l'a souligné la British and Irish Ombudsman Association.

Je pourrais ajouter qu'ils sont nombreux à vanter les mérites du mécanisme d'ombudsman britannique. Je tiens à préciser que le mécanisme d'ombudsman bancaire canadien est supérieur au mécanisme britannique et l'a toujours été -- on peut prendre connaissance d'études comparatives dans le dossier. Nos chances de succès sont meilleures. Notre mécanisme est bien meilleur. Il a été mieux conçu pour garantir l'indépendance du conseil et protéger le consommateur. Le nouveau mécanisme que propose le gouvernement est bien différent.

La création d'un organisme à participation obligatoire comporte des risques évidents, tant sur le plan juridique que sur le plan des compétences. Je vous le rappelle, je ne suis pas un cerbère -- ce qui est incompatible avec le rôle d'un ombudsman. Le gouvernement a certes un rôle à jouer dans la réglementation du secteur et l'établissement de normes pour assurer la protection du consommateur. Mais le gouvernement a-t-il à intervenir dans un différend commercial entre un client et une institution financière? Pourquoi un organisme d'auto-réglementation ne pourrait-il pas jouer ce rôle?

En résumé, le groupe de travail a approuvé la structure et les activités de l'OBC. Nous sommes fortement convaincus que la mise en place d'un seul ombudsman pour l'ensemble des services financiers, à l'échelle nationale, sert mieux les intérêts des petites entreprises et des consommateurs. Il est possible d'atténuer l'apparence de «manque perçu d'indépendance» en choisissant des membres du conseil représentant tous les secteurs et en faisant participer tous les secteurs au financement de l'organisme. L'approche d'auto-réglementation protège le rôle d'enquêteur et de médiateur d'un ombudsman, alors que l'organisme à participation obligatoire aura vraisemblablement besoin d'un mécanisme plus légaliste. Enfin, les provinces accepteront vraisemblablement plus volontiers un mécanisme auto-réglementé et cette option permettra d'établir un mécanisme à l'échelle nationale.

Mme Brown: Je voudrais clore notre exposé par un message. Nous vous demandons de nous accorder le temps de démontrer que l'OBC peut travailler de concert avec le secteur des services financiers pour mettre sur place un mécanisme d'ombudsman national des services financiers, offrant ainsi à tous les consommateurs une protection intégrée. Avec l'appui du ministre des Finances et des parlementaires, nous croyons être en mesure de réinventer l'OBC pour en faire un mécanisme d'ombudsman pour l'ensemble du secteur des services financiers.

Le président: Au paragraphe a) de la recommandation 80, le groupe de travail énonce les critères garantissant l'indépendance. Ils sont au nombre de cinq: premièrement, votre bureau devrait répondre de ses activités au Parlement; deuxièmement, votre conseil devrait être composé en majorité d'administrateurs indépendants -- j'ai cru comprendre que c'était maintenant le cas; troisièmement, c'est le conseil qui devrait nommer l'ombudsman -- et je crois savoir que c'est désormais le cas; quatrièmement, c'est le conseil qui devrait approuver les dispositions relatives au financement; cinquièmement, le mandat et les politiques devraient être établis par le conseil -- et je crois que, là aussi, c'est le cas.

Par conséquent, en ce qui concerne le paragraphe a) de la recommandation 80, il n'y a que deux critères qui ne sont pas encore satisfaits: les administrateurs ne sont pas nommés par le ministre et vous ne répondez pas de vos activités au Parlement. Toutefois, cela ne semble pas poser de difficulté puisque le Parlement, en l'occurrence, c'est le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, et il suffirait de modifier les règlements, ou bien nous pourrions vous convoquer chaque année. Pour ce qui est de la nomination des administrateurs par le ministre des Finances, si j'ai bien compris, vous nous avez dit que les administrateurs indépendants nomment maintenant les autres administrateurs indépendants. C'est bien cela?

Mme Brown: C'est bien cela.

Le président: Ainsi le secteur des services financiers n'influe aucunement sur la nomination des administrateurs indépendants?

Mme Brown: Tout à fait.

Le président: Donc, à part la légère différence qu'il y a entre la nomination des administrateurs indépendants par le ministre des Finances et la nomination des administrateurs indépendants par leurs pairs, vous avez satisfait toutes les conditions énoncées au paragraphe a). Ai-je raison?

Mme Brown: Tout à fait.

Le sénateur Callbeck: Ma question a trait à la loi que le gouvernement fédéral a proclamée il n'y a pas très longtemps et qui concerne les ventes liées. Si je comprends bien, s'il y a des gens qui croient avoir été soumis à des ventes liées, ils peuvent faire des démarches auprès du BSIF, n'est-ce pas?

M. Lauber: Je crois que telle est le sens de la recommandation.

Le sénateur Callbeck: Vous n'intervenez donc pas actuellement à cet égard?

M. Lauber: C'est une question intéressante. Nous avons reçu des plaintes relatives aux ventes liées quand nous avons commencé à nous occuper de questions touchant les consommateurs. Si vous adoptiez les recommandations du groupe de travail MacKay et que le BSIF était concerné -- et nous avons discuté de cette possibilité --, je ne crois pas que nous changerions quoi que ce soit pour l'instant.

Si, par exemple, un client porte plainte contre une banque, il est d'abord dirigé vers le service des plaintes de la banque; il aboutira probablement au bureau de l'ombudsman, et l'ombudsman va vraisemblablement essayer de résoudre le différend. Sinon, le client se présentera à notre bureau; nous examinerons son cas et, le cas échéant, nous ferons une recommandation; nous dirons au client ceci: «Vous avez le choix. C'est inscrit dans la loi; c'est inscrit dans la Loi sur les banques; vous avez le droit de faire appel au BSIF.»

Mais il n'y a rien de nouveau dans tout cela, selon moi: la banque est disposée à traiter la plainte et, si possible, à régler le différend à la satisfaction du client. Étant donné que nous sommes un organisme indépendant, il paraît tout à fait normal que le client ait le droit de faire appel à nos services puisque nous sommes en mesure de lui donner satisfaction -- et je doute que le BSIF puisse en faire autant. La plupart des gens entendent d'abord défendre leurs intérêts personnels; ils ne cherchent pas à punir l'institution en cause.

Le sénateur Callbeck: Ils empruntent encore le même processus?

M. Lauber: Ils n'y sont pas forcés mais, oui, c'est une possibilité.

Le sénateur Callbeck: Ils pourraient s'y rendre d'eux-mêmes?

M. Lauber: Parfaitement.

Le sénateur Callbeck: Possédez-vous des données sur le nombre de plaintes que vous avez reçues l'an dernier?

M. Lauber: Relativement aux ventes liées?

Le sénateur Callbeck: Oui.

M. Lauber: Quand j'ai comparu devant le comité des finances de la Chambre des communes à la fin de mars, j'ai déclaré que nous avions reçu six plaintes concernant les ventes liées; l'une d'entre elles n'a pas été étudiée et les autres étaient non fondées. Voilà les faits que j'ai signalés à la Chambre au printemps.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit six?

M. Lauber: Six plaintes en bonne et due forme sont parvenues à notre bureau. D'autres personnes ont appelé et ont demandé des renseignements, mais pour ce qui est des plaintes, nous en avons reçu six jusqu'ici. Depuis la fin d'avril, alors que le phénomène des ventes liées ne faisaient pas les manchettes, je ne crois pas que nous ayons reçu d'autres appels que celui de la semaine dernière.

Le sénateur Callbeck: Pourquoi, selon vous, y en a-t-il si peu? C'est sûrement une question qui se pose de temps à autre.

M. Lauber: Je ne peux malheureusement pas me prononcer là-dessus; nous constituons un niveau d'appel et nous ne connaissons que ce qui parvient jusqu'à nous; nous connaissons les gens qui viennent nous voir et rien de plus. Environ 40 p. 100 des Canadiens connaissent notre existence; c'est beaucoup. L'ombudsman bancaire informe les gens qu'ils ont le droit de faire appel à nos services. Je ne sais pas pourquoi.

Le sénateur Callbeck: Il existe donc des façons de rendre l'ombudsman plus convivial pour les consommateurs?

M. Lauber: Je crois que nous sommes très conviviaux.

Le sénateur Callbeck: Le rapport MacKay mentionne que 16 p. 100 des personnes sondées estiment avoir été assujetties à des ventes liées; or, les plaintes ne semblent pas suivre.

M. Lauber: C'est peut-être que les gens n'adressent pas leurs plaintes à l'institution; ou qu'ils ne les adressent pas au niveau voulu, c'est-à-dire au bureau de l'ombudsman. Je ne sais pas. Nous ne voyons que ce que nous voyons.

Le sénateur Callbeck: Si on s'en tient aux plaintes de l'année dernière, j'aimerais savoir combien vous en avez reçu, combien d'entre elles ont fait l'objet de recommandations et combien de recommandations ont été suivies par les banques.

M. Lauber: À l'heure actuelle, notre exercice se termine en octobre. L'année dernière, à la fin de 1997, nous avons traité un peu moins de 100 plaintes. Nous avons réglé environ 40 p. 100 d'entre elles à la satisfaction du client, et l'ensemble de nos recommandations ont été suivies par les banques. Jusqu'ici, toutes les recommandations que nous avons formulées ont été suivies; là n'est pas la question. Cette année, ce nombre a doublé et jusqu'ici nous en avons réglé 25 p. 100 à la satisfaction du client.

Le sénateur Callbeck: Il y en a eu donc 100 l'année dernière, dont 40 ont fait l'objet de recommandations. Qu'est-il advenu des 60 autres; certaines d'entre elles sont-elles en cours de traitement?

M. Lauber: Quand j'ai parlé de celles que nous avons réglées, je voulais dire les cas qui ont débouché sur des décisions. Sur tous les cas sur lesquels nous nous sommes prononcés, 40 p. 100 étaient favorables au client; nous avons recommandé que la banque fasse quelque chose pour le client. C'est un pourcentage très élevé; 40 p. 100 c'est énorme.

Le sénateur Tkachuk: Je m'intéresse à la même question que le sénateur Callbeck. J'aimerais avoir des précisions. Vous avez dit avoir procédé à 200 enquêtes cette année, dont 20 p. 100 avaient trait à des plaintes émanant de petites entreprises. Il devait s'agir de problèmes bancaires d'ordre personnel dans les autres cas?

M. Lauber: Des problèmes bancaires d'ordre personnel.

Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il une tendance qui se dégage? Ou bien 80 p. 100 des cas se ressemblent-ils? Quel type de plaintes recevez-vous?

M. Lauber: Dans le secteur de la petite entreprise, le crédit constitue le grand problème. Environ 60 p. 100 des plaintes émanant des petites entreprises ont trait au crédit. Dans le secteur des particuliers, c'est encore plus répandu. Ces derniers temps, j'ai reçu beaucoup de plaintes concernant le transfert de REER, notamment la lenteur des transactions. Ce qui est plutôt étonnant, c'est le grand nombre de plaintes de gens qui ne savent plus ce qu'il est advenu de l'argent qu'ils ont déposé à la banque il y a 10 ou 20 ans et dont celle-ci n'a conservé aucune trace. C'est très compliqué. Il y a toute sorte de problèmes liés aux transactions. Il y a aussi les problèmes liés aux hypothèques -- tout ce qu'il faut faire auprès d'une banque. Nous traitons certains cas relatifs aux investissements, tant en ce qui concerne les courtiers traditionnels que les courtiers à escompte. Nous avons également pas mal de problèmes en matière de transaction avec les courtiers à escompte.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez du problème concernant le crédit, les gens viennent-ils vous voir parce que leurs demandes ont été rejetées? Renseignez-moi sur la procédure. Est-ce parce que quelqu'un s'est vu refuser un prêt?

M. Lauber: Les cas les plus difficiles sont ceux que l'on trouve dans le secteur de la petite entreprise. Même dans le secteur des particuliers les plaintes ne portent pas tant sur la disponibilité du crédit que sur le retrait d'un crédit. Les plaintes proviennent d'entreprises qui ont des ennuis, de particuliers qui ont des ennuis avec des prêts et des cartes de crédit, de gens à qui on demande de rembourser leurs prêts.

Le sénateur Tkachuk: Une marge de crédit par exemple?

M. Lauber: Une marge de crédit, une hypothèque, un prêt à l'entreprise.

Le sénateur Tkachuk: Si, par exemple, une banque de Saskatoon ou de Vancouver appelle un homme d'affaires et lui dit: «Vous n'avez plus de marge de crédit; vous avez deux semaines pour rembourser», que se passe-t-il? Parfois même on n'accorde que deux jours. Qu'advient-il alors? J'essaie de me faire une idée de la complexité de la chose. Disons que ça vient tout juste d'arriver à un client et que celui-ci n'est pas très heureux de la situation, comment peut-il vous joindre?

M. Lauber: Pour commencer, ça n'arrive jamais aussi brusquement. Est-il question d'une petite entreprise ou d'un consommateur?

Le sénateur Tkachuk: L'enjeu est le même.

M. Lauber: En effet. C'est peut-être un peu plus facile, un peu mieux dans le secteur de la petite entreprise. Dans ce cas, il y aura accumulation de faits susceptibles d'entraîner une demande de remboursement du prêt, puis le remboursement du prêt sera demandé. Il y aura un délai d'au moins deux semaines -- c'est inscrit dans leur code de conduite. C'est généralement plus long encore, de façon à accorder suffisamment de temps à l'entreprise pour trouver d'autres solutions et procéder à une restructuration.

Si l'entreprise estime qu'elle n'est pas traitée comme il faut -- après tout, pour bon nombre c'est tout à fait approprié -- et que sa situation n'a pas été évaluée comme il se doit, son propriétaire ira normalement voir l'ombudsman de la banque ou viendra nous voir et nous le dirigerons vers la banque. L'ombudsman de la banque examinera la situation; il déterminera si le traitement accordé a été équitable et si une évaluation approfondie et rigoureuse de la situation du prêt a été effectuée, afin de se former une opinion. Si le client vient nous voir, nous procéderons passablement de la même manière.

Notre intervention aura généralement pour effet immédiat de mettre un terme au processus. Nous demanderons à la banque d'interrompre le processus pendant que nous examinons la situation. Nous nous pencherons sur l'équité de la situation. Le processus fonctionne-t-il bien? Le client est-il traité équitablement? Les communications avec le client ont-elles été bonnes? Lui a-t-on offert une autre forme de financement? Lui a-t-on prodigué des conseils? Tout cela est inscrit dans le code de conduite des banques et nous nous assurerons que la banque a fourni tous ces renseignements. Nous interromprons le processus afin de pouvoir y jeter un coup d'oeil.

Nous l'examinerons, exprimerons un avis et formulerons une recommandation à la banque, si nous estimons qu'il y a autre chose à faire que de la laisser percevoir son dû. Si l'entreprise est tout à fait insolvable et que la banque a agi correctement et a rempli ses obligations avec le client, nous ne bloquerons pas le processus.

Le sénateur Tkachuk: Qu'advient-il si vous estimez que la banque n'a pas bien agi?

M. Lauber: Nous ferons une recommandation, nous proposerons un plan d'action. Il pourrait s'agir d'accorder un délai de six mois, le temps nécessaire pour que l'entreprise puisse procéder à une restructuration. On peut également dire à la banque: «Écoutez, vous avez tort; nous croyons que vous devriez maintenir le crédit.» Mais le plus souvent, ça se termine par ces mots: «Accordez-leur le temps de se restructurer; aidez-les à remettre leur société à flot. »

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit que 40 p. 100 des gens savent ce qu'est l'ombudsman, n'est-ce pas?

M. Lauber: Oui.

Le sénateur Tkachuk: J'ai du mal à le croire. Mais les sondages sont les sondages.

M. Lauber: Les résultats du sondage Ekos que le groupe de travail avait commandé, vous les trouverez dans les documents de recherche fournis. Selon cette étude, 20 p. 100 des personnes interrogées étaient parfaitement au courant de ce qu'est l'ombudsman et 19 p. 100, un peu. Nous estimons que dans un processus comme le nôtre, l'important, c'est de savoir que ça existe au cas où il faudrait y recourir. Si vous êtes un peu au courant et que vous avez un problème, vous savez qu'il y a un processus de prévu, et c'est ce qui importe. J'en ai discuté quand j'en ais pris connaissance dans le rapport. J'ai appelé Fred Gorbet et il a confirmé notre interprétation des données.

Le sénateur Tkachuk: Ne serait-ce pas parce qu'il semble y avoir un ombudsman pour tout ces jours-ci?

M. Lauber: C'est possible. Mais dans la mesure où les gens sont au courant de l'existence d'un ombudsman, s'ils ont un problème, ils sauront quoi faire. Il y a un ombudsman dans l'industrie automobile. Il ne porte pas ce nom-là, mais si j'ai un problème avec ma voiture, je saurai où le trouver.

Le sénateur Kenny: Ce que vous nous avez décrit jusqu'ici semble parfait, mais je voudrais revenir sur les propos du président quant à la comparution de l'ombudsman devant ce comité et celui de l'autre Chambre comme moyen de rendre des comptes au Parlement. Il est tout à fait logique que vous vous présentiez dans cette enceinte chaque année. Le comité devrait y songer sérieusement.

Je vais maintenant approfondir un autre dossier que mes collègues ont abordé. Je vais être franc: 200 enquêtes par an ne me semble pas un nombre raisonnable quand on songe à tout ce que l'on sait sur les problèmes que le public a avec les banques. Et votre réponse selon laquelle 40 p. 100 des Canadiens connaissent votre existence n'est pas la solution au problème. Ce n'est pas à tout le moins une réponse qui me satisfait. Il manque des éléments au tableau et j'aimerais que vous y songiez et nous fournissiez une réponse.

Si les Canadiens sont à ce point préoccupés face au processus bancaire et que vous ne recevez que 200 plaintes par an, qu'est-ce qui cloche dans votre système? Pourquoi les gens ne sont-ils pas au courant de votre existence? Pourquoi ne viennent-ils pas vous voir? Cela a-t-il quelque chose à voir avec votre façon de faire connaître vos services? Est-ce un manque de confiance du public envers votre institution? Aidez-nous à comprendre.

M. Lauber: Reprenons au début. Seize pour cent des gens ont un problème quelconque avec leur institution. Ce peut être un problème de transaction qui peut être réglé facilement. Il existe plusieurs paliers pour régler ce genre de différend: d'abord, la succursale; ensuite, le contentieux chargé d'examiner les plaintes en nombre, enfin l'ombudsman de la banque, dont je décrirai le rôle comme étant de s'occuper des plaintes individuelles à caractère particulier. Les plaintes auxquelles il devrait avoir affaire devraient concerner des problèmes complexes, inhabituels ou très spéciaux qui ne sont pas du ressort du contentieux de la banque. L'ombudsman bancaire ne traite pas les plaintes en nombre.

L'an dernier, environ 3 000 personnes au total ont eu affaire à l'ombudsman de leur banque. C'est beaucoup de plaintes. Soixante à soixante-dix pour cent des plaintes de la clientèle ont été, je crois, entièrement ou en partie réglées par l'ombudsman de la banque. Les personnes -- entre 1 500 et 1 600 -- dont les plaintes n'ont pu être entièrement réglées par l'ombudsman de la banque ont la possibilité de s'adresser à notre organisation. Cette année, 1 200 personnes, dont plusieurs parmi celles qui précèdent, s'adresseront à nous. Certaines personnes qui nous appellent sont renvoyées à leur banque. Nous retenons 200 plaintes, ce qui est beaucoup.

À titre de comparaison, en Grande-Bretagne, l'ombudsman reçoit quelque 10 000 plaintes par an. L'an dernier, il a enquêté sur 600 dossiers. Je suis sûr que la situation n'est pas tellement différente ici. En Grande-Bretagne, ça commence avec 10 000 plaintes. La différence, là-bas, c'est que l'ombudsman commercialise ses services en tant qu'organisme auquel s'adresser en cas de problème. Ce que je commercialise, moi, c'est un processus. Si vous avez un problème, vous vous adressez d'abord à l'ombudsman de votre banque, ensuite vous venez nous voir. C'est pourquoi les gens qui nous appellent ne sont pas tellement nombreux, parce qu'ils s'adressent à la banque, qui est l'endroit approprié.

L'ombudsman de la banque est particulier au Canada, il n'en existe nulle part ailleurs, c'est un très bon trait de notre système. En Australie, l'ombudsman, dont les services sont très recherchés, serait très heureux qu'il y ait un ombudsman dans les banques.

Le sénateur Kenny: Monsieur Lauber, il me semble que le nombre de plaintes dont traite l'ombudsman de la banque est relativement faible par rapport au nombre de clients, et que le nombre de plaintes sur lesquelles vous enquêtez l'est aussi. Si je comprends bien, vous dites que le système marche, qu'il n'y a pas vraiment de problèmes, que les gens n'ont pas de problème de l'ampleur qu'ils semblent avoir.

Vous ne l'avez pas dit, mais il me semble que la conclusion que l'on peut naturellement tirer de ce que vous avez dit, c'est que16 p. 100 de la clientèle est mécontente, peut-être parce que les frais d'administration sont trop élevés, que les queues sont trop longues ou que leur succursale présente des inconvénients, mais ce ne sont pas là des problèmes que vous pouvez régler de toute façon. Est-ce ce que vous voulez nous faire comprendre?

M. Lauber: Ce n'est pas ce genre de problèmes que je visais, mais ça pourrait l'être, si les personnes qui se plaignent de ce genre de problèmes faisaient partie des 16 p. 100. Par exemple, nous ne traitons pas des frais d'administration généraux qui s'appliquent à chaque client. Nous traitons de cas particuliers. Nous recevons beaucoup de lettres. J'ai dit que 1 200 personnes s'adresseront à nous cette année, certaines pour se plaindre de la fermeture d'une banque, d'autres de négligence de la part des caissiers, d'autres d'autres problèmes, et que ces personnes feront probablement partie ce ces 16 p. 100.

Le sénateur Kenny: Peut-être pourriez-vous revenir un peu là-dessus, parce que j'essaie de me faire une idée précise de l'ampleur du mécontentement qui existe à l'égard du système bancaire.

D'un côté, le défenseur du client nous parle de toute une série de problèmes face auxquels les banques ne font rien, de l'autre, les banques disent: «Tout va bien. Ne vous en faites pas. Regardez le petit nombre de plaintes que reçoit l'ombudsman.»

Il y a quelque chose qui cloche dans le tableau qu'on dresse au comité. Qu'est-ce qui ne va pas? Qu'est-ce que je ne saisis pas qui pourrait m'aider à comprendre d'où vient cette perception que les gens sont mécontents des institutions financières? Vous, qui êtes chargé de traiter des problèmes les plus importants, vous nous dites: «Non, tout va bien. Le nombre des plaintes n'est pas tellement élevé. Nous réglons 40 p. 100 des problèmes à la satisfaction du client. C'est une proportion très élevée. Tout va bien. Ne vous en faites pas.»

M. Lauber: Je doute de pouvoir vous rassurer. Nous sommes un petit service et traitons des problèmes qui nous sont soumis. Notre responsabilité, et nous faisons tout pour cela, est de veiller à ce que les gens sachent que nous existons et que nous pouvons les aider en cas de problème.

Je lis les journaux. Je lis les coupures de journaux, j'entends parler de problèmes autour de moi, et des gens m'appellent pour se plaindre. Ce n'est pas de ma faute si peu de gens appellent. Je suis convaincu que les gens savent que nous existons. En général, je suis sûr que beaucoup de gens sont au courant de notre existence.

Pour ce qui est d'être au courant de notre existence, ce qui semble être important ici, je signale qu'au Royaume-Uni, huit secteurs financiers ont un ombudsman depuis 12 ou 14 ans. Selon une enquête, 46 p. 100 des gens sont au courant de leur existence au bout de 12 ans. Ici, la proportion des gens qui sont au courant de notre existence est de 40 p. 100 après deux ans. C'est une très forte proportion pour une chose relativement obscure étant donné que la plupart des gens n'ont aucun problème avec leur banque. Toutefois, ceux qui en ont disposent d'un mécanisme auquel ils peuvent avoir recours.

Le sénateur Angus: Monsieur Lauber, je voudrais vous poser quelques questions afin de déterminer quel genre de personne devient ombudsman. Je me souviens de l'époque où cette institution scandinave a fait pour la première fois son apparition dans ce pays. C'était à la fin de ma carrière à la faculté de droit et cela avait un rapport avec la nomination du premier ombudsman au Québec.

L'ombudsman n'est ni un cerbère ni un organisme de réglementation, mais plutôt une sorte de mécanisme de règlement des différends, je suis d'accord. J'hésite un peu à qualifier ce mécanisme de quasi judiciaire, mais c'est à peu près ça, non?

M. Lauber: Pas vraiment. C'est ce que nous essayons d'éviter. Nous essayons d'être ouverts, accessibles, informels -- entendez cela dans le bon sens, par opposition à légaliste et structuré. Il n'y a pas d'avocats. Soit dit sans les offenser, nous ne voulons pas d'avocats.

Le président: Certains autour de cette table vont fortement vous appuyer là-dessus.

Le sénateur Austin: Il existe sûrement un ombudsman auprès duquel nous, avocats, pouvons porter plainte.

M. Lauber: Si vous êtes un client de la banque, nous serons heureux de traiter avec vous.

Le sénateur Angus: Je comprends pourquoi vous ne voulez pas d'avocats.

M. Lauber: Ce serait trop cher pour le client. L'idée, c'est que le client puisse venir nous exposer le problème sans avoir besoin d'être représenté ou conseillé. Nous enquêterons. Nous enquêterons du côté de la banque. Nous confronterons le client avec la banque s'il le faut. Nous parlerons aux parties et essaierons de démêler le problème. Encore une fois, notre mandat c'est de rechercher l'équité, non pas de préjuger de ce que pourraient décider les tribunaux.

Le sénateur Angus: Je comprends. Il existe au Québec ce que nous appelons la cour des petites créances qui repose pas mal sur les mêmes critères. L'idée est très claire. Toutefois, je suis toujours curieux de savoir quel genre de personne devient ombudsman. Vous dites dans votre mémoire que vous êtes à la tête d'une petite entreprise de Vancouver, que vous n'êtes ni banquier ni avocat.

Mme Brown: C'est juste.

Le sénateur Angus: Madame la présidente, si vous voulez ajouter un commentaire, allez-y, parce, manifestement, comme cet organisme est nouveau, on se demande qui, de la poule ou l'oeuf, vient en premier, mais je voudrais poser une question précise à M. Lauber. Qui a nommé qui et qui a recruté qui? Peut-être pourriez-vous nous le dire vous-même. Vous n'êtes ni avocat ni comptable agréé.

M. Lauber: Je suis comptable agréé.

Le sénateur Oliver: Fellow de l'Ordre des comptables agréés du Québec.

M. Lauber: J'ai été pendant 20 ans associé de la KPMG où j'ai passé encore 10 autres années, ce qui fait un total de 30 ans. Je me suis spécialisé durant toute ma carrière dans plusieurs domaines allant de l'exploitation minière aux valeurs mobilières, des comptes des institutions aux grosses sociétés ouvertes. Cinquante pour cent des personnes avec lesquelles je traitais étaient des petits entrepreneurs, des membres de professions libérales, des médecins, des avocats, des fabricants, des entreprises de camionnage, des compagnies privées dont le chiffre d'affaires oscillait entre 25 et 30 millions de dollars. C'était l'essentiel de ma clientèle.

Mme Brown: C'est moi-même avec Fraser Mustard et Holger Kluge de la CIBC qui avons trouvé...

Le sénateur Angus: C'était vous le comité de recherche?

Mme Brown: Oui. Caldwell s'est chargé de la recherche pour nous. Ils nous ont dit que c'était le plus grand nombre de réponses qu'ils avaient jamais reçues.

Le sénateur Angus: Vous voulez dire le plus grand nombre de candidatures?

Mme Brown: Il y avait un nombre considérable de candidatures.

M. Lauber: Huit cents.

Le sénateur Angus: Le salaire doit être bon. Je sais que ces banques sont assez bonnes pour attribuer à leurs cadres des options sur leurs titres.

M. Lauber: Ça ne paie pas aussi bien que la comptabilité.

Mme Brown: Certainement pas, non. À l'époque, nous avions pour mandat les petites entreprises. Fraser Mustard et moi connaissions bien les petites entreprises. Nous voulions quelqu'un qui comprenait les questions de crédit. C'était très important à nos yeux. Nous voulions quelqu'un qui parlait le même langage que nous, sans qu'il soit besoin d'avocat. Nous voulions quelqu'un avec un sens de l'urgence. Ce qui nous préoccupe, mes collègues et moi qui sommes de petits entrepreneurs, c'est que parfois le processus est trop long, les petits entrepreneurs perdent alors la possibilité de faire une chose ou abandonnent tout simplement et se concentrent sur autre chose. Nous voulions un mécanisme qui ne soit pas coûteux, et il ne coûte rien hormis le temps que nous y consacrons. Nous avons interviewé des candidats. Nous avons passé pas mal de temps à le faire. Nous cherchions quelqu'un avec qui nos collègues ou nous-mêmes nous sentirions à l'aise pour discuter. Nous voulions quelqu'un capable de comprendre ce que nous voulions accomplir. Michael Lauber répondait à toutes ces conditions. Nous ne voulions pas d'une personne qui travaillait ou qui avait travaillé pour une banque. Pour nous, c'était une question de perception, d'optique. Nous ne voulions pas d'une personne qui ait travaillé pour une banque.

Le sénateur Angus: Vous vouliez quelqu'un d'indépendant et d'objectif comme le comité sénatorial des banques.

Mme Brown: C'est juste. Nous ne voulions pas non plus d'un avocat parce que nous ne voulions pas nous poser en adversaires par rapport aux banques. Nous ne voulions nous trouver dans la situation où il ne nous aurait plus été possible de retourner à notre banque. Mike Lauber correspondait à la personne que nous cherchions.

Le sénateur Angus: Ce que vous nous avez dit nous a été très utile, Mme Brown. Peut-être Caldwell ou vous-même pouvez-nous fournir une description du poste pour que nous puissions la faire circuler? Peut-être pourriez-vous en faire parvenir une copie à notre greffier? Ce serait très utile étant donné qu'elle était tellement bonne que 800 personnes ont posé leur candidature.

Le sénateur Kroft: Vous aimeriez vous en servir.

Le sénateur Angus: C'est exact. Je sais que cela se trouve quelque part dans les documents du groupe de travail, mais rien que pour boucler la boucle, d'après ce que je vois ici, cet organisme, qui a été créé au cours des deux dernières années, est une société constituée sans capital-actions, une société à but non lucratif qui regroupe plusieurs membres et qui met l'accent sur le fait qu'elle est indépendante du gouvernement. Vous l'avez très bien décrit.

Mme Brown: Nous avons beaucoup travaillé pour en faire ce qu'il est devenu aujourd'hui.

Le sénateur Angus: Vous êtes très claire quant à la régie interne de l'OBC, les directeurs, la composition du conseil d'administration de l'organisme. En revanche, vous glissez sur la liste des membres. Je lis entre les lignes que les membres sont tous des banques, ai-je raison?

Mme Brown: Vous avez raison.

Le sénateur Angus: Est-ce qu'elles financent?

Mme Brown: Douze banques sont membres de notre organisme.

Le sénateur Angus: Pourquoi 12 et non pas 10 ou 13? Douze banques sont membres de l'organisme à ce stade?

M. Lauber: Pratiquement toutes les banques qui traitent avec la clientèle ou les petits entrepreneurs sont membres.

Mme Brown: Nous avons commencé avec six membres.

Le sénateur Angus: Hier, ont comparu devant nous les représentants de la banque des premières nations. Cette banque est-elle membre de votre organisme?

M. Lauber: Pas encore, mais je vais la contacter. Elle fournit des services d'ombudsman à sa clientèle par l'intermédiaire de la banque Toronto-Dominion avec laquelle elle a une sorte d'arrangement administratif. J'aimerais bien qu'elle devienne directement membre de notre organisme.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: L'Association des consommateurs du Canada nous a recommandé de donner une chance à votre organisme. Je pense qu'au départ, vous pouvez déjà compter sur l'appui d'un organisme qui est crédible auprès de ce comité.

Vous avez parlé du processus de règlement des plaintes. Si j'habitais dans une petite ville en Abitibi et si j'avais un problème avec ma succursale bancaire, comment pourrais-je vous joindre? Puis-je faire une plainte par téléphone ou par facsimilé? Comment un consommateur ordinaire résidant dans une petite ville éloignée du Canada peut-il régler son problème avec son organisation bancaire?

[Traduction]

M. Lauber: Sénateur, je répondrai en anglais.

Nous avons apprécié la réponse de l'Association des consommateurs. Leur appui a été très encourageant et vous constaterez, je pense, que d'autres organismes de protection du consommateur appuient le même principe. Nous avons parlé à certains d'entre eux, y compris des organisations représentant des entreprises.

Notre organisme est assez facile à trouver. Notre numéro pour appel sans frais est affiché. Vous pouvez nous joindre par téléphone, fax ou courrier électronique. Tout ce que les consommateurs ont à faire, c'est aller à leur banque. On leur donnera une brochure expliquant le processus de règlement des différends de la banque, leur indiquant que nous existons et comment nous joindre. C'est normalement ainsi que les consommateurs obtiennent ces renseignements.

Nos brochures sont distribuées un peu partout. Au printemps, nous avons en avons envoyé 25 exemplaires au bureau de circonscription de chaque député et à chacun des membres des assemblées législatives. Nous venons d'envoyer de la documentation à chaque député pour qu'il la joigne à son bulletin. Il y a plusieurs façons de nous joindre. Nous continuons de distribuer la documentation pour qu'un jour tous les Canadiens sachent que nous sommes là pour les aider en cas de problème.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette:Allez-vous refuser une demande d'une entreprise à partir d'un certain chiffre d'affaires? Si le président d'une entreprise considérée petite vous contacte -- disons qu'elle a un chiffre d'affaires de 5 millions de dollars -- allez-vous prendre sa cause ou allez-vous lui donner d'autres moyens? Arrive-t-il un moment où vous dites à quelqu'un: «Nous ne sommes plus l'organisation qui doit s'occuper de votre cas»?

[Traduction]

M. Lauber: À un moment donné, nous dirons que notre mandat consiste à traiter avec les petites entreprises. Nous incluons les moyennes entreprises à titre discrétionnaire. En gros, pour les petites entreprises, nous parlons au maximum de 5 millions de dollars. Nous acceptons normalement sans problème d'enquêter sur les plaintes portant sur 10, 15 ou 20 millions de dollars vu qu'un chiffre d'affaires de 5 millions de dollars pour un fabricant équivaut à un chiffre d'affaires de 20 millions de dollars pour une épicerie. Nous usons de notre jugement. Le conseil d'administration m'a autorisé à le faire.

J'ai refusé d'enquêter sur deux plaintes à cause de la taille des entreprises. L'une était un magasin de vente au détail à points de distribution multiples qui employait 550 personnes. La dette se chiffrait à 8 ou 10 millions de dollars, mais il était clair qu'il ne s'agissait pas d'une petite entreprise. L'autre plainte concernait une hypothèque de 50 millions de dollars. Ce sont les deux seuls cas où, à cause de la taille, nous avons refusé d'enquêter sur la plainte.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous les ressources nécessaires à l'interne pour analyser les plaintes? Les employés qui analysent les plaintes peuvent-ils fonctionner en anglais et en français?

[Traduction]

M. Lauber: J'ai les ressources pour traiter de cela à l'interne. Je suis comptable agréé. Il y a un autre comptable agréé au bureau. Nous avons à Montréal un avocat spécialiste du Code civil. Nous avons les ressources et faisons appel à certaines ressources le cas échéant. Nous dépensons pas mal d'argent pour les conseils de notre avocat sur divers aspects des plaintes.

Vous m'excuserez de ne pas parler français, je ne suis pas bilingue. Nous sommes actuellement six et nous sommes en train de recruter d'autres personnes. Quatre de nous sommes bilingues et trois sont francophones. Nous avons donc toutes les ressources nécessaires pour nous occuper des gens dans l'une ou l'autre langue.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous comprenez que pour les gens qui nous écoutent, il est important de savoir quels sont vos effectifs.

J'ai étudié votre rapport annuel, et on y parle d'indépendance, d'impartialité et de sensibilisation. Je suis d'accord avec les critères mentionnés par le président. Pourquoi vos états financiers ne font-ils pas partie de votre rapport annuel?

Êtes-vous préparés pour recevoir les maisons de fiducies, les compagnies d'assurances et les maisons de courtages et pour agir comme ombudsman pour ces institutions? Pourriez-vous, si notre comité le recommandait, traiter de ces questions dans un avenir rapproché?

[Traduction]

M. Lauber: Pour ce qui est des états financiers, nous ne pensions pas qu'ils étaient particulièrement importants pour les gens. Je peux dire au comité que nous avons un budget très simple. Nos coûts, y compris les salaires, le loyer et les déplacements, sont légèrement supérieurs à 1 million de dollars. Ça ne fait pas bien gros du point de vue des dépenses.

Pour ce qui est des sociétés de fiducie, des sociétés d'assurances et des courtiers en valeurs mobilières, c'est ce que nous voulons faire. Quand nous avons comparu devant le groupe de travail MacKay en octobre dernier, notre recommandation a été que nous devrions couvrir tous les secteurs financiers. Nous sommes ici aujourd'hui pour dire que c'est ce que nous voulons. Nous pensons que la meilleure façon d'y arriver est sur une base privée. C'est sur cette base que nous avons le plus de chances de réussir.

Reste la question des ressources nécessaires pour nous occuper des autres secteurs. Nous aurons l'argent pour nous procurer les ressources nécessaires et les mettre en place. N'oubliez pas toutefois que pour l'instant, nous traitons avec les filiales des banques qui sont des sociétés de fiducie, des sociétés d'assurances et des sociétés de placement.

Je sais que vous avez travaillé pour l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Nous avons eu à traiter de cinq ou six problèmes relatifs à des investissements, nous en avons renvoyé certains à cette association.

Pour vous donner un exemple de la façon dont nous travaillons dans le cas d'une plainte portant sur une partie technique de la réglementation, nous demandons au client de soumettre sa plainte à Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières afin qu'elle l'examine. Une fois que la plainte a été examinée, le client revient nous voir, car l'association peut prendre des sanctions contre le membre ou le courtier, mais ne peut rien pour le consommateur. Si c'est la faute du courtier, celui-ci proposera vraisemblablement de réparer les torts causés. Toutefois, cela peut ne pas être suffisant. Le client peut venir nous voir et nous veillerons à ce que les torts soient réparés. Nous ne voulons pas être un organisme de réglementation ou préjuger des conclusions d'un organisme de réglementation, pas plus que nous ne voulons préjuger des conclusions d'un tribunal. En revanche, nous examinons la décision de l'organisme de réglementation pour veiller à ce que le client soit justement indemnisé des torts qui lui ont été causés.

Le sénateur Meighen: Il me semble que tout ce processus repose sur trois éléments dont vous. En dépit du témoignage fort intéressant que vous avez donné à ma collègue, le sénateur Hervieux-Payette, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un problème de perception et je me demande si le problème ne vient pas d'un manque de coordination entre les trois éléments.

Si je me souviens bien du témoignage que nous avons entendu, les pouvoirs de réglementation des services financiers au Royaume-Uni financent, à tort ou à raison, un groupe de consommateurs. Le groupe est très bien financé et l'industrie semble s'en réjouir.

Vous avez dit très clairement que votre rôle n'était pas de défendre le consommateur, car c'est le rôle de l'Association des consommateurs, et qu'il n'était pas de réglementer, car c'est le rôle des organisations gouvernementales. Vous êtes l'ombudsman. Cependant, vous dites que nous avons besoin de puissants cerbères bien financés pour représenter le public. Vous sous-entendez là, à mon avis, et je suis d'accord, que nous n'avons pas à l'heure actuelle de cerbères puissants, bien financés et donc très compétents pour représenter le public.

Ne soyez pas timide. Je me rends compte que ce n'est pas votre responsabilité. Mais pourriez-vous nous dire comment, à votre avis, nous pouvons faire pour en avoir? En faisant appel à l'industrie? En faisant appel au gouvernement? Cela vous aiderait-il dans votre travail d'avoir des cerbères puissants et bien rémunérés?

M. Lauber: Je commencerai par mon attitude à l'égard de la défense des consommateurs. L'une des principales choses que j'ai faites en dehors de ma vie professionnelle a été de faire partie du Board of Trade de Toronto. En fait, j'allais en devenir le président, lorsque j'ai accepté ce poste. Comme je ne pouvais pas faire les deux, je me suis désisté.

Mme Brown: Nous avons dit non.

M. Lauber: Je n'ai même pas posé la question.

Je crois dans la défense. Dans ce cas, nous défendions les intérêts des gens d'affaires, et le premier ministre a été quelque peu éprouvé lorsque nous avons abordé la question de la fusion des taxes et ce genre de problèmes. Je crois vraiment que le gouvernement et tous ces gens-là ont besoin qu'on les mette au défi. À ce point de vue, je dirai que nous avons besoin de groupes d'intervention qui soient forts. Les groupes d'intervention qui sont forts et responsables ne sont pas un problème. Ce qui en est un, c'est la façon dont ils sont financés. Je ne sais pas. L'idée que le gouvernement finance un groupe d'intervention afin que celui fasse pression contre lui ne me plaît pas beaucoup. J'ai toujours été porté à faire davantage confiance à un groupe d'intervention composé d'un grand nombre de membres cotisants. En tous cas, l'important, c'est d'avoir un groupe d'intervention.

Mme Brown: Nous sommes en train d'envisager la possibilité d'avoir deux comités consultatifs pour nous aider. Le premier serait composé de représentants de groupes de consommateurs. Le deuxième serait composé de représentants de petites entreprises.

Le sénateur Meighen: Ça me paraît être une excellente idée qui mérite d'être étudiée.

M. Lauber, vous avez dit que vous cherchiez à jouer un rôle plus vaste, à vous occuper d'un plus grand nombre de questions, à étendre vos activités. Pensez-vous que vous aurez le budget nécessaire pour cela? Vous avez actuellement un budget d'un million de dollars. Aurez-vous du mal à trouver les ressources -- financières et autres -- nécessaires pour vous permettre de vous acquitter d'un rôle plus vaste?

M. Lauber: Non, ça représente une bagatelle. Le budget ne sera pas un problème. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que dans notre organisation, c'est le conseil d'administration qui approuve le budget et des administrateurs indépendants qui approuvent le conseil. Le budget n'est jamais soumis à l'approbation des membres. C'est une particularité intéressante.

Mme Brown: Nous leur facturons simplement des frais.

M. Lauber: Le conseil approuve le budget. Je facture le conseil tous les trimestres et les chèques rentrent. Je ne vois pas pourquoi ça changerait. Je ne suis pas un bâtisseur d'empires. Ce que nous voulons, c'est faire notre travail, ce n'est pas bâtir un empire.

Le sénateur Meighen: C'est vous faire un chèque en blanc; c'est un arrangement assez inhabituel.

M. Lauber: Je suis sûr qu'il y a certaine limite à respecter, mais le montant est certes raisonnable.

Le sénateur Meighen: Je voudrais revenir au problème que je crois être de perception. Il y a peu de temps que vous êtes en activité. Je suppose que si vous continuez ainsi, ce problème va s'arranger. Avez-vous suggéré aux institutions financières de joindre un envoi à leur correspondance? Y verriez-vous une objection? C'est très bien d'envoyer un courrier aux députés, mais peut-être que ce serait une bonne idée que ma banque m'envoie chaque mois, avec mon relevé de compte et mes chèques, une petite brochure pour m'indiquer qui contacter au cas où j'aurais des plaintes à formuler contre les services de la banque, à savoir, d'abord l'ombudsman de ma banque, ensuite, si je n'obtiens pas satisfaction, votre organisation.

M. Lauber: Les banques ont envoyé tout un tas de documentation à ce sujet. Elles ont fait imprimer et distribuer des millions et des millions de prospectus.

Le sénateur Meighen: Je trouve qu'en politique, il faut pratiquer l'art de se répéter.

M. Lauber: Je suis sûr que c'est le cas. Au début, les banques ont envoyé de la documentation sur les services de l'ombudsman. Au printemps dernier, toutes les banques ont envoyé à leurs clients une brochure sur la protection des renseignements personnels. Il était question dans cette brochure du processus interne de règlement des différends des banques, de l'ombudsman et de notre organisation. La documentation est envoyée aux clients, mais peu de gens la lisent. J'en fais partie. J'ouvre le courrier et jette tout ce qui est papier glacé.

Le sénateur Meighen: Peut-être que ces renseignements devraient être inscrits au bas du chèque, à l'endroit où la banque fait de la publicité pour les REER.

M. Lauber: Je m'occupe aussi de ça, de veiller à ce que les banques placent des brochures sur la satisfaction de la clientèle et sur l'ombudsman dans des endroits bien en vue dans leurs succursales.

Le sénateur Meighen: Si je puis vous donner un conseil, pourquoi ne pas publier une liste des cas que vous avez réglés à la satisfaction du client, comme dans les tribunes-choc où il n'est jamais question d'échecs mais seulement de réussites.

M. Lauber: Nous devons faire attention à la confidentialité.

Le sénateur Meighen: Je comprends que vous devez parler aux banques et aux consommateurs, mais vous pourriez-peut être, comme le Sénat, user des relations publiques.

M. Lauber: Je retiens votre conseil.

Le sénateur Meighen: Je n'ai pas vraiment de solution.

Le président: Le témoin suivant est l'honorable Ian Waddell. Puis-je dire que c'est un plaisir d'avoir M. Waddell parmi nous comme autrefois. Pour certains sénateurs, dont le sénateur Austin et moi-même, pour n'en nommer que deux, c'est un retour de 25 à presque 30 ans en arrière. Nous sommes ravis de vous avoir devant nous. Vous voilà maintenant ministre, félicitations. C'est un long chemin que vous avez parcouru depuis que nous vous avons vu la dernière fois à Ottawa.

Je sais que vous êtes accompagné de deux fonctionnaires. Peut-être pourriez-vous commencer par nous les présenter, puis passer à vos remarques d'ouverture. C'est fantastique pour nous de pouvoir vous poser des questions et non le contraire.

L'honorable Ian Waddell, ministre des Petites entreprises, du Tourisme et de la Culture: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité. Je suis très heureux d'être ici. Je dois dire que c'est un peu différent par rapport à la fois où j'ai fait ma première apparition devant le Sénat, il y a presque 20 ans de cela, lorsque l'honorable député de Skeena et moi-même, alors député de Vancouver--Kingsway, nous sommes vus physiquement éjectés du Sénat. Enfin, nous nous sommes réconciliés et c'est bon de se retrouver ici dans un rôle différent.

Marjorie Griffin Cohen était l'une des trois membres du groupe de travail sur la fusion des banques de la Colombie-Britannique. Elle est professeur de sciences économiques et dirige les Études féminines à l'Université Simon Fraser, dans le lower mainland. Ardath Paxton Mann, de mon ministère, était directrice administrative du groupe de travail.

Je voudrais tout d'abord faire un petit rappel au sujet du groupe de travail. J'ai nommé un groupe de travail en juin dernier, parce que, après avoir rencontré les parties intéressées, les consommateurs, les petits entrepreneurs, les travailleurs, les associations ethniques de gens d'affaires et autres, je me suis rendu compte que le projet de fusion des banques était une question grave qui aurait des conséquences très importantes en Colombie-Britannique.

Le groupe de travail était présidé par un avocat, David Rosenberg. Il s'excuse de n'avoir pu venir aujourd'hui, ses affaires requérant sa présence à la cour. Peut-être en est-il mieux ainsi. J'ai entendu les blagues que vous avez faites sur les avocats tout à l'heure. Comme je vous l'ai dit, Mme Griffin Cohen était membre de ce comité, dont faisait également partie Blair Lekstrom, le maire de Dawson Creek, en Colombie-Britannique.

Les membres du groupe de travail étaient indépendants. Leur mandat consistait à aller parler aux gens dans les petites localités de la Colombie-Britannique et à leur demander ce qu'ils pensaient du projet de fusion des banques. Je voudrais déposer une copie du rapport du groupe de travail, monsieur le président.

Je voudrais aussi déposer un résumé, préparé par mon ministère, du témoignage de Suromitra Saatani, qui est présidente en Colombie-Britannique de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, et qui parle au nom de 89 000 membres représentant les différents secteurs de l'économie. J'ai aussi un résumé du témoignage d'Angela Shira, qui est secrétaire-trésorière de la fédération des travailleurs de la Colombie-Britannique. Voir les entrepreneurs et les travailleurs exprimer un point de vue similaire était un fait unique en Colombie-Britannique.

Le président: Ces rapports seront très utiles. Merci.

M. Waddell: Je me reporterai à mes notes et à un rapport que mes collègues fédéraux responsables de la Diversification de l'économie de l'Ouest et moi-même avons rendu public lundi. Nous avons travaillé ensemble à ce rapport sur le profil de la croissance des petites entreprises et de l'emploi en Colombie-Britannique. Je voudrais relier ce rapport à ma présentation.

Avant de commencer, je veux faire une mise au point. La semaine dernière, le Vancouver Sun rapportait les paroles de Matthew Barrett, président de la Banque de Montréal. Il disait ceci:

Ce qui m'a surpris, c'est que le gouvernement s'attarde à cette question, alors que je croyais qu'il avait des questions beaucoup plus prioritaires à régler.

Il a ensuite dénigré notre groupe de travail. Je tiens à dire à M. Barrett que c'est un coup bas. Les petites entreprises canadiennes ont besoin des banques à charte pour survivre, et vice versa. Je suggère respectueusement à M. Barrett de lire le rapport du groupe de travail, car ses membres ont parlé aux gens ordinaires. Ils ont tenu 11 audiences publiques dans huit localités sur une période de trois mois durant l'été. La participation à ses audiences a été élevée. Le groupe de travail a également commandé et préparé un certain nombre de rapports de recherche indépendants sur cette question. J'invite M. Barrett à écouter ce qu'ils ont dit parce que c'est un message important.

Le groupe de travail reflète ce que diverses personnes, y compris des dirigeants de petites entreprises, ont dit sur cette importante question. C'est une question cruciale pour les petites entreprises en Colombie-Britannique. C'est leur point de vue, non pas mon point de vue ni celui du gouvernement de la Colombie-Britannique. Je défends leur point de vue. Je vais citer certains passages du rapport.

Tout d'abord, nous avons demandé aux gens d'Informetrica Limited de préparer une étude. Nous leur avons demandé d'examiner ce qui se faisait dans d'autres pays. L'étude a révélé que l'Australie ne permet pas les fusions bancaires, qu'il y a eu des fusions bancaires aux États-Unis, et que le Royaume-Uni fait certaines choses spéciales relativement aux petites entreprises et à l'activité bancaire, comme la mise sur pied de groupes spéciaux qui interviennent en situation de crise. L'étude a conclu que les banques à charte canadiennes étaient déjà les plus concentrées dans le monde entier et a exprimé certaines inquiétudes à l'égard de la concurrence. Nous avons mis toute cette information sur notre site Internet et l'avons diffusée au plus grand nombre de gens possible en Colombie-Britannique. Puis, comme je l'ai mentionné, nous avons tenu des audiences dans diverses localités. Nous avons essayé de tâter le pouls des petites villes de notre province.

En même temps, nous avons commandé trois autres rapports, et les conclusions de ces rapports se trouvent à la page 2 du résumé de notre rapport. Je vais citer quatre de ces conclusions. Premièrement:

L'impact le plus probable des fusions proposées serait une réduction des emplois directs en Colombie-Britannique, dont le nombre pourrait diminuer de 2 600 à 3 400.

Autrement dit, nous perdrions 3 000 emplois directs en Colombie-Britannique. On craint donc des pertes d'emplois.

Deuxièmement:

De façon globale, 75 p. 100 des localités de la Colombie-Britannique sont vulnérables aux fermetures de succursales par suite des fusions proposées. De ces localités, 119 sont servies par trois institutions financières ou moins. C'est ce groupe qui a le plus à perdre, et plus de la moitié de ces localités risquent de subir une fermeture de succursale à cause des fusions proposées.

Nous avons essayé d'étudier et de documenter les effets potentiels des fermetures de succursales sur les petites localités de la Colombie-Britannique.

Nous nous préoccupons aussi de la question du financement des petites entreprises, ce qui m'amène à la troisième conclusion:

Les fusions proposées auraient un impact négatif sur le financement des petites entreprises à quatre égards: diminution de la participation locale à la prise de décisions concernant les demandes de prêts; difficultés d'obtention d'une approbation à cause d'une aversion accrue pour le risque de la part des banques fusionnées; augmentation des frais de services; plus grand roulement des directeurs de comptes.

Les petites entreprises aiment traiter avec les gens; elles aiment connaître les gens avec qui elles font affaire. C'est un point qui les inquiète.

La dernière conclusion est la suivante:

La recherche n'appuie pas l'hypothèse selon laquelle les fusions bancaires (ou la taille accrue des banques) favorisent l'efficience.

Les chercheurs nous ont dit de ne pas confondre la réduction des coûts et l'efficience. Mme Griffin Cohen parlera de ce point un peu plus tard si vous avez des questions à poser à cet égard. J'ai lu le rapport, j'ai parlé au groupe de travail et je veux vous donner une idée du ton des audiences. Je crois que le fait d'aller dans les collectivités nous a donné un avantage.

À Peachland, en Colombie-Britannique, dans la vallée de l'Okanagan, une succursale bancaire a fermé ses portes. Il ne restait plus aucune banque en ville, et les habitants devaient se rendre jusqu'à Westbank, à 12 kilomètres, pour faire leurs affaires bancaires. Ils ont dit au groupe de travail que cette localité avait perdu quelque chose. Cela leur a nui directement. Cette fermeture a réduit l'activité commerciale dans cette localité parce que les gens vont maintenant faire des achats dans l'autre localité. C'est là un exemple de la façon dont une fermeture de banque dans une petite localité, aux fins d'efficience, peut nuire à cette localité.

Un homme de Dawson Creek a dit au groupe de travail qu'il avait essayé d'obtenir un prêt dans une banque, mais que sa demande avait été refusée. Il s'est alors adressé à la banque voisine. Il est allé dans trois banques et a finalement pu obtenir un prêt pour mettre sur pied une petite entreprise. S'il n'y a qu'une succursale dans une localité, on ne peut pas faire cela.

Ce sont là des histoires simples, mais ce sont des histoires vraies qui illustrent bien les préoccupations des gens.

J'ai mentionné, monsieur le président, une nouvelle étude qui a été rendue publique lundi, et cela montre l'importance des petites entreprises pour l'économie de la Colombie-Britannique. Entre 1990 et 1997, le secteur des petites entreprises dans cette province s'est accru de 7 p. 100, ce qui est supérieur au taux enregistré dans toutes les autres provinces du pays. À un moment où nous sommes inondés de nouvelles sombres, c'est là une très bonne nouvelle. L'Ontario et l'Alberta ont affiché un taux de croissance de 5 p. 100. Cela veut dire 17 500 nouvelles petites entreprises chaque année, une petite entreprise étant définie comme une entreprise comptant moins de 50 employés. L'étude révèle aussi que 98 p. 100 de l'ensemble des entreprises en Colombie-Britannique sont des petites entreprises; 82 p. 100 sont des micro-entreprises, c'est-à-dire qui comptent moins de cinq employés. Toutes ces entreprises créent 26 500 emplois par année.

Je vous dis, monsieur le président, et je le dis aussi à Matthew Barrett par votre intermédiaire, que ce sont là des questions cruciales. Je sais que M. Barrett fait environ 30 fois votre salaire, mais ce sont là des questions cruciales, non seulement pour moi, mais aussi pour les petites entreprises de la Colombie-Britannique, parce que c'est le secteur de l'économie qui croît le plus rapidement. Les dirigeants de petites entreprises ne veulent pas perdre les succursales bancaires locales. Ils ne veulent pas perdre des emplois, pas plus qu'ils ne veulent perdre l'accès au capital. En fait, ils ont besoin d'un accès accru au capital. Alors, M. Barrett, que faites-vous pour ces gens? Ils veulent savoir, et c'est pourquoi votre projet de fusion bancaire ne va nulle part.

Je veux signaler au comité certaines des recommandations du groupe de travail. Elles se trouvent à la page 17 du mémoire que je vous ai donné. Le groupe de travail recommande que le gouvernement provincial s'oppose activement aux fusions afin d'empêcher les pertes d'emplois, les fermetures de succursales et les autres impacts négatifs que ces fusions pourraient avoir en Colombie-Britannique. Il recommande que la règle interdisant à un actionnaire unique de posséder plus de 10 p. 100 des actions soit maintenue pour empêcher la prise de contrôle des banques à charte canadiennes par des banques étrangères. Il recommande qu'une loi du Parlement soit adoptée avant qu'un projet de fusion de banques de l'annexe 1 puisse aller de l'avant. Enfin, il recommande que le Parlement tienne des audiences publiques d'un bout à l'autre du Canada relativement à toute demande de fusion de banques de l'annexe 1 et que le gouvernement fédéral consulte les gouvernements provinciaux au sujet de tout projet de fusion.

Le rapport contient aussi un certain nombre de recommandations concernant l'amélioration du service à la clientèle dans les banques, dont la nomination d'un organisme indépendant qui serait chargé d'examiner les plaintes des consommateurs et l'obligation pour les banques de réinvestir dans les localités où elles font affaire.

Je vais m'arrêter ici. Vous avez les rapports et les résumés. Permettez-moi de vous dire ce que le rapport me dit, en tant que ministre de la Petite entreprise, et ce que les intervenants de mon secteur me disent. Je dois les rencontrer après cette réunion et nous déciderons quelle direction nous allons prendre à partir de maintenant dans ce très important débat. Je crois que, de l'avis des petites entreprises de la Colombie-Britannique, les fusions bancaires proposées sont avantageuses pour les banques, mais ces dernières n'ont pas réussi à convaincre les autres intervenants, en particulier les dirigeants de petites entreprises, que cela sera avantageux pour eux. C'est ce qui s'est dégagé des audiences et c'est ce que nos rapports de recherche révèlent. Je crois que c'est là un des éléments clés de ce débat public.

Je suis fier du groupe de travail. J'ai présenté le rapport au ministre des Finances, Paul Martin, il y a environ trois ou quatre semaines, à Ottawa, et il m'a dit que nous étions la seule province au Canada à avoir tenu des consultations populaires sur cette question.

Je ne veux pas insister sur ce point outre mesure, mais j'aimerais dire encore une fois à M. Barrett d'écouter les gens. Je sais qu'il fera tout pour essayer de mener à bien ce projet de fusion bancaire, du moins c'est ce qu'on pouvait lire aujourd'hui dans le Globe and Mail. Qu'il écoute les gens et qu'il tienne compte de leurs besoins. Les petites entreprises ont besoin des banques; les banques ont besoin des petites entreprises. C'est le message que je veux transmettre aujourd'hui à M. Barrett, par votre intermédiaire.

Je suis heureux de présenter le rapport de notre groupe de travail et nous répondrons avec plaisir à toutes les questions que vous pourriez avoir. Je dis cela avec une certaine inquiétude, sachant que vous-même et certaines des personnes ici présentes connaissent beaucoup mieux ce domaine que moi. C'est pourquoi je me suis fait accompagner par Mme Griffin Cohen et Mme Paxton Mann.

Le président: Je dois signaler que les sénateurs Tkachuk et Austin devront nous quitter sous peu pour participer à une tribune téléphonique, une tradition de longue date en Colombie-Britannique. Vous comprendrez alors que ceci est leur période de réchauffement, puisqu'ils pourront poser des questions pendant les quelques prochaines minutes au lieu de répondre à des questions, comme ils le feront après 11 heures.

Le sénateur Tkachuk: Tout ce qui nous préoccupe, c'est la survie. Je viens de la Saskatchewan et je partage beaucoup des préoccupations que vous avez exprimées concernant l'accès aux services bancaires pour les petites entreprises et concernant la concurrence dans les régions rurales.

Le groupe de travail recommande que les fusions proposées de banques de l'annexe 1 n'aient pas lieu - recommandation no 1 -- et qu'une loi du Parlement soit adoptée avant qu'un projet de fusion de banques de l'annexe 1 puisse aller de l'avant -- recommandation no 14. Êtes-vous d'avis que les fusions ne devraient pas se faire maintenant ou qu'elles ne devraient jamais se faire?

M. Waddell: C'est une question de politique, alors je vais répondre. Le gouvernement de la Colombie-Britannique accepte la recommandation du groupe de travail, qui dit que les fusions bancaires proposées ne devraient pas se faire. Il y aura peut-être une autre proposition; je ne sais pas. Les habitants de la Colombie-Britannique ont été consultés au sujet de cette proposition et ils ont dit au groupe de travail, qui a dit au gouvernement, que cette fusion bancaire ne devrait pas se faire. Toutefois, nous n'avons aucun pouvoir constitutionnel à cet égard. Cela relève du gouvernement fédéral et du ministre des Finances. Auparavant, les banquiers n'avaient qu'à aller voir le ministre des Finances pour conclure une entente. Dans la nouvelle société, dans la nouvelle démocratie, on doit avoir l'appui de la population, et c'est pourquoi nous avons mis sur pied ce groupe de travail. Nous avons accepté les recommandations du groupe de travail, et c'est la politique de notre gouvernement. Toutefois, c'est au Parlement qu'il revient de prendre cette décision, et non à moi. Le groupe de travail a recommandé qu'une loi du Parlement soit adoptée afin qu'il y ait un débat public et que les sénateurs puissent voter.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit que vous n'aviez jamais laissé entendre que les fusions étaient complètement mauvaises en soi. Quand seraient-elles bonnes?

M. Waddell: Elles seraient bonnes si elles étaient avantageuses pour les gens que je représente, spécialement en tant que ministre de la Petite entreprise. Que M. Barrett et les autres nous montrent en quoi elles aideront les petites entreprises. Alors peut-être les petites entreprises verront-elles les choses différemment. Je ne fais qu'exprimer ce que les intervenants de mon secteur m'ont dit.

Le sénateur Tkachuk: Que pensez-vous personnellement? Je sais ce que les intervenants de votre secteur vous ont dit et, en tant que politicien, vous devez répondre à leurs préoccupations, mais, en tant que ministre, vous devez aussi faire preuve de leadership. Est-ce là aussi votre opinion personnelle?

M. Waddell: Oui, c'est mon opinion personnelle. Je dois maintenant parler en ma qualité de ministre. Je ne suis pas contre les banques. Je ne crois pas qu'on doive s'en prendre aux banques. Nous avons besoin des banques. En fait, ces audiences nous montrent que les gens aiment les banques. Je sais que c'est étonnant. On dirait cela aux banques et elles seraient des plus surprises. Je crois que les gens aiment les banques parce qu'ils ont besoin d'elles, et je crois qu'ils voient la fusion comme une menace à cause des changements dans leur mode de vie. Je crois qu'ils voudraient avoir un meilleur service des banques.

Après avoir présenté le rapport, j'ai rencontré les vice-présidents de banque en Colombie-Britannique. J'étais heureux qu'ils viennent à cette réunion. Ce fut une bonne réunion, et nous avons essayé de trouver une façon de travailler ensemble pour aider les petites entreprises, par exemple sur le plan de l'accès au capital. Les petites entreprises ont besoin de cet accès au capital et elles ont besoin de services locaux. Si je proposais une fusion, je voudrais convaincre la collectivité qu'elles n'auraient pas à s'inquiéter de ce genre de choses. Je ne suis pas certain que mon opinion personnelle ait de l'importance. Je ne fais que répéter ce que le groupe de travail a dit.

Le sénateur Tkachuk: Je crois qu'elle a beaucoup d'importance. Si je ne m'abuse, le ministre Waddell est le seul ministre d'un gouvernement provincial à avoir témoigné devant nous jusqu'à maintenant.

Le président: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Nous apprécions vraiment le fait que vous soyez venu témoigner et nous aimerions bien que les autres provinces prennent la même initiative. J'ai quelques questions à poser sur le rapport MacKay lui-même. Nous avons eu toute une discussion sur la question des ventes liées et sur la question de la vente d'assurances, notamment d'assurances multirisques, et de la location d'automobiles par les banques. Quelle est la position de votre gouvernement sur la question de la vente de ces produits par les succursales bancaires?

M. Waddell: Notre gouvernement n'a pas de position officielle à ce sujet. Des discussions sont en cours sur certaines de ces questions. Nous avons cependant une position sur les fusions en général. Je demanderai à Mme Griffin Cohen de faire quelques remarques, pas vraiment sur notre position comme telle, mais plutôt sur ce que les gens ont dit au groupe de travail à ce sujet.

Mme Marjorie Griffin Cohen, professeur de sciences politiques et de sociologie de la condition féminine, Université Simon Fraser: Nous avons beaucoup entendu parlé des ventes liées, et les gens semblaient faire une distinction entre ce qu'ils avaient vécu comme expérience et ce dont parle le groupe de travail MacKay. Le groupe de travail MacKay parle des ventes liées coercitives. Ce que les gens avaient l'impression d'avoir vécu, c'était le phénomène des ventes liées implicites, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de coercition au point où cela pourrait être prouvé devant un tribunal ou un ombudsman, mais les gens sentaient quand même de la pression, même si cela ne se faisait pas de façon explicite.

Nous avons fait une recommandation au sujet des ventes liées implicites. Même si nous n'avons pas de recommandations détaillées à cet égard, parce que cela ne faisait pas partie de notre mandat, nous avons conclu qu'il fallait accorder beaucoup plus d'attention aux ventes liées et que ce phénomène devait être réglementé de façon beaucoup plus stricte. Ce que nous avons dit dans notre étude, c'est que, selon nous, les fusions bancaires proposées ne présentaient aucun avantage pour les habitants de la Colombie-Britannique. Nous avons vu, en visitant les diverses localités et en faisant notre recherche, que certaines choses avaient besoin d'être améliorées. Il est certain que la question des ventes liées et le problème que cela pose en Colombie-Britannique, particulièrement en ce qui concerne les valeurs mobilières et les assurances, revêtait une grande importance pour tous les gens avec qui nous avons discuté dans les localités que nous avons visitées.

Le sénateur Austin: Monsieur le ministre Waddell, je suis heureux de vous revoir. Nous avons été des collègues au Parlement, et j'ai toujours aimé travailler avec vous. L'aspect que je veux examiner est celui de la concurrence pour ce qui est de favoriser la croissance des institutions financières dites de deuxième niveau.

Je me demande comment vous voyez la croissance du mouvement des coopératives de crédit en Colombie-Britannique, des sociétés de fiducie à charte provinciale et des autres institutions de dépôt? Deuxièmement, si une forme quelconque de fusion bancaire était permise, cela créerait-il des débouchés pour les institutions de deuxième niveau pour servir les petites et moyennes entreprises et les consommateurs? Avez-vous entendu, durant vos audiences, des témoignages, d'experts ou d'autres personnes, au sujet de ce secteur? Si les fusions n'étaient pas permises, qu'arriverait-il dans ce secteur? Voyons-nous, dans l'un ou l'autre de ces scénarios, un avenir où les institutions de deuxième niveau auraient une capacité de service plus grande qu'aujourd'hui?

M. Waddell: Je vais répondre d'abord et je vais ensuite demander à Mme Griffin Cohen de faire quelques remarques.

Ce sont des institutions de deuxième niveau. Contrairement aux banques à charte, qui sont des institutions de premier niveau, elles n'ont pas le pouvoir ni la capacité d'aller au-delà des frontières provinciales. Je crois que c'est là un bon point de départ; c'est quelque chose qu'il ne faut pas oublier. C'est un peu comme un éléphant et une souris. Le gouvernement de la Colombie-Britannique est déterminé à aider les coopératives de crédit du mieux qu'il peut. Nous voyons le mouvement coopératif comme quelque chose de bien.

Avez-vous vu la publicité montrant les deux boeufs musqués qui se frappent? Les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique utilisent cette image pour essayer d'arracher des clients aux banques à charte par suite du projet de fusion bancaire.

Fait intéressant, M. Martin m'a posé la même question. Je suppose que ma réponse est la même: nous examinons la situation. Je sais que ce n'est pas là une réponse satisfaisante, mais nous allons essayer de déterminer à quel point les coopératives de crédit peuvent faire concurrence aux banques. J'ai entendu les coopératives de crédit dire qu'il y a certains obstacles, qu'elles peuvent accorder des prêts seulement jusqu'à un certain point, qu'il leur faudrait, pour pouvoir en faire davantage, mettre en commun leurs ressources, mais qu'on les empêche de le faire, et ainsi de suite.

Nous pourrions peut-être alléger cette réglementation pour les aider à faire concurrence aux banques parce qu'un des messages clairs des intervenants que je représente, les petites entreprises, c'est que celles-ci veulent de la concurrence. Elles estiment que, s'il y a concurrence, elles seront mieux servies, tout comme l'homme de Dawson Creek qui est allé d'une banque à l'autre jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il voulait.

En résumé, ce sont des institutions différentes. Ce ne sont pas des banques de l'annexe I; elles n'ont pas autant de pouvoirs. Nous examinons la situation.

Je vais maintenant demander à Mme Griffin Cohen de vous faire part de ce qui s'est dit au comité à ce sujet.

Le sénateur Tkachuk: Je veux simplement faire une remarque avant que Mme Griffin Cohen ne réponde. De Halifax à Vancouver, nous avons entendu un certain nombre d'institutions financières de plus petite taille nous dire qu'elles ne s'opposaient pas à la fusion sur un plan, soit celui de la concurrence. Elles croient qu'un plus un font probablement 1,6 ou 1,7, mais que des débouchés s'ouvriront aux institutions financières de deuxième niveau. Évidemment, le rapport renferme des suggestions sur l'accroissement des pouvoirs en matière de prestation de services financiers, et je crois que nous partageons tous l'objectif qui consiste à accroître la concurrence et à donner plus de choix au consommateur.

Madame Griffin Cohen, je voulais simplement que vous entendiez cela avant de répondre.

Mme Griffin Cohen: Les coopératives de crédit en Colombie-Britannique sont quelque peu différentes de celles des autres provinces en ce sens qu'elles sont beaucoup plus fortes ici. Nous avons constaté que la fusion des deux plus grandes banques inquiétait considérablement les coopératives de crédit qui ont témoigné devant nous et les gens que nous avons entendus en général. Les coopératives de crédit étaient d'avis que cela n'accroîtrait pas leur capacité de faire des affaires, que cela les pousserait plus ou moins vers les marchés plus petits et moins lucratifs. Elles prévoyaient cependant que cela créerait des débouchés pour elles dans des secteurs où elles ne feraient probablement pas beaucoup d'argent. Elles nous ont encouragés à faire des recommandations visant à renforcer la capacité des coopératives de crédit de fonctionner en Colombie-Britannique. Toutefois, de façon générale, nous n'avons pas vu cela comme un moyen de remplacer les banques de l'annexe I s'il arrivait que celles-ci quittent les petites villes et les localités rurales.

Donc, les coopératives de crédit ici sont différentes et ont une position différente des autres coopératives de crédit ailleurs, si c'est dernières sont en faveur des fusions bancaires, car celles d'ici ne sont décidément pas de cet avis. Elles ne croient pas que cela améliorerait leur position; elles croient plutôt que les banques leur enlèveraient des marchés simplement parce qu'elles seraient plus grosses et plus fortes et que leur monopole serait encore plus grand qu'il ne l'est déjà.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous n'avons pas parlé de la quatrième recommandation de votre mémoire, à la page 63, concernant les banques étrangères. Vous ne semblez pas être en faveur de cette recommandation, car vous pensez qu'elles vont servir une clientèle très étroite.

Par contre, certains témoins de la Wells Fargo nous ont dits être prêts, dès demain, à s'établir dans n'importe laquelle des communautés de la Colombie-Britannique et à accorder des prêts aux petites et moyennes entreprises. Il y a aussi l'expérience de la Banque de Hongkong, une banque étrangère qui a aidé les petites et moyennes entreprises, plus particulièrement en Colombie-Britannique.

Comment expliquer votre position face aux banques étrangères, alors que le rapport MacKay nous dit que les banques étrangères peuvent contribuer à augmenter la concurrence et donner de meilleurs services aux petites et moyennes entreprises?

M. Waddell: Nous avons déjà des banques étrangères en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada. J'ai discuté de cela avec M. Martin et avec les fonctionnaires de son ministère à Ottawa. Nous sommes d'accord avec le fait que les banques étrangères ne peuvent pas combler le vide. Nous anticipons que les banques étrangères ne deviendront pas comme des banques canadiennes.

[Traduction]

Le sénateur Austin: J'allais dire que les témoignages que nous avons reçus des Caisses Desjardins, qui ont une forte présence rurale, ont montré qu'elles ne s'opposaient pas au concept de la fusion, qu'elles croyaient même que cela leur donnerait encore plus de possibilités de servir leurs membres.

M. Waddell: J'aimerais ajouter que, à mon avis, ce que les banques canadiennes veulent, c'est gérer des fortunes, faire des affaires à l'étranger et faire beaucoup d'argent. Les Canadiens, comme l'ont dit les habitants de la Colombie-Britannique, veulent que les banques les aident chez eux, dans leur localité. Elles les voient assumer tant un rôle social et communautaire qu'un rôle sur le plan des affaires, alors que, selon moi, les banques voient maintenant leur avenir différemment. C'est une divergence assez fondamentale.

Le sénateur Austin: Il est difficile, dans une période de questions et de réponses comme celle-ci, de discuter de la nature de la franchise spéciale accordée par le gouvernement fédéral aux banques de l'annexe 1 et des privilèges dont elles jouissent et, par conséquent, des responsabilités qu'elles ont envers le public. Je veux vous demander d'examiner la question de la compétitivité internationale, de la compétitivité technologique et de la compétitivité sur le plan de la profitabilité, ce qui est essentiellement l'argument avancé par les grandes banques, au niveau de la politique publique, pour justifier les fusions.

Que répondez-vous à l'argument selon lequel, si les fusions ne se concrétisent pas, les grandes banques de l'annexe I prendront du recul sur le plan de la profitabilité parce qu'elles seront en retard sur le plan de la technologie et de la capacité de service et que, par conséquent, le secteur banquier canadien finira par devenir moins compétitif et aura à assumer des coûts plus élevés, que le consommateur devra payer en bout de ligne?

Vous êtes-vous penchés sur cet argument précis, qui nous a été présenté de diverses façons par le groupe de travail MacKay et par les grandes banques?

Mme Griffin Cohen: Nous nous sommes effectivement penchés sur cette question durant notre étude. C'était plus difficile pour les gens des localités rurales d'y répondre, mais nous avons essayé de déterminer si les marchés locaux étaient vraiment contestables et s'il était essentiel pour les banques de fusionner pour avoir accès aux marchés internationaux. Essentiellement, notre étude nous a permis de découvrir que la taille de la banque n'était pas essentielle à sa profitabilité sur les marchés internationaux. La Banque de Nouvelle-Écosse a d'ailleurs fait valoir ce point, affirmant qu'elle a très bien fait sur les marchés internationaux sans être la plus grande. Cela ne semblait donc pas être un argument essentiel, et ce n'était certainement pas un argument très convaincant pour justifier une fusion.

Habituellement, ce que nous avons tendance à voir à la suite de fusions bancaires dans d'autres pays, c'est qu'il y a confusion entre l'efficience et la réduction des coûts. Généralement, ce que les banques appelaient de l'efficience n'était qu'une simple réduction des coûts, qui entraînait une détérioration du service à la clientèle. Habituellement, cela voulait dire fermer des banques, mettre des gens à pied, augmenter les frais de service et réduire les services offerts aux clients. Ce qu'on croyait être de l'efficience n'était souvent en réalité qu'une réduction des coûts, et non un comportement plus efficient de la part des banques.

La Banque royale nous a dit qu'elle comptait avoir 40 p. 100 de son actif sur les marchés internationaux après la fusion. C'était là son objectif, avoir une plus grande proportion de son actif sur les marchés étrangers. Nous avons entendu beaucoup de gens nous dire qu'ils trouvaient cela très dangereux, que le Canada se trouverait dans une position précaire si sa plus grande banque était si étroitement liée aux marchés internationaux dans ce sens.

M. Waddell: Honorables sénateurs, c'est la Semaine de la petite entreprise en Colombie-Britannique, ainsi que dans le reste du Canada, je crois. Hier et avant-hier, j'ai descendu à pied jusqu'à Gastown pour visiter des petites entreprises. Leurs affaires vont bien; elles ne cessent de se moderniser du point de vue technologique. Nous avons même une nouvelle compagnie de téléphone qui vient de s'installer ici. Nous avons de nouvelles technologies, nous avons des innovations, nous avons des entreprises conjointes. Notre groupe de travail n'a trouvé aucune preuve montrant que les banques ne pourraient pas améliorer leur technologie et ne pourraient pas s'engager dans des entreprises conjointes ou faire d'autres choses sans fusionner.

Vous venez essentiellement de présenter l'argument des banques. À mon avis, rien ne montre que c'est ce qui arrivera nécessairement, et les banques ne l'ont certainement pas prouvé. Par ailleurs, les banques sont ouvertes à toutes sortes d'innovations, tout comme les autres entreprises modernes, mais ces dernières ne pensent pas qu'elles doivent devenir de plus en plus grandes. J'ai pu constater cette semaine dans le cadre de la Semaine de la petite entreprise que, de l'avis des gens, le fait qu'on soit plus gros ne veut pas nécessairement dire qu'on est meilleur.

Le sénateur Austin: J'ai présenté l'argument des banques simplement pour voir comment vous y répondriez. Je ne défends pas cet argument.

M. Waddell: Non, je comprends cela, et vous êtes très clair à cet égard.

Le sénateur Austin: En fait, mes collègues ne savent pas du tout ce que je pense ou si j'ai même une opinion sur le sujet.

Le sénateur Angus: Sauf ceux qui ont dîné avec lui hier soir.

Le sénateur Austin: Ce que je veux dire, en conclusion, c'est que c'est évidemment le rôle de chacun ici de se faire l'avocat du diable, mais il n'y a aucune preuve -- et je dis cela avec certitude -- montrant que le marché est incapable de combler toute lacune au niveau des services. Autrement dit, nous avons vu croître les institutions financières pour répondre à des besoins, et nous avons vu des institutions financières régionales qui essayaient de prendre de l'expansion. Il y a une très grande banque de l'annexe I qui a son siège à Vancouver, la Banque de Hong Kong, qui est un fournisseur de services très actif en Colombie-Britannique. D'ailleurs, nous entendrons les témoignages de ses représentants. Je voudrais bien qu'on prouve que les besoins en capitaux en Colombie-Britannique nécessitent la présence des grandes banques existantes.

Mme Griffin Cohen: Ce que nous avons remarqué durant nos audiences, c'est que les services bancaires de détail et les services bancaires aux petites entreprises sont des services locaux. Les banques peuvent bien prétendre que les marchés sont contestables à cause de l'Internet, du télétraitement des opérations bancaires et des fournisseurs de services étrangers à l'extérieur du pays, cela n'est pas le cas pour les services bancaires de détail et les prêts aux petits entreprises dans les petites localités. Ce sont des services locaux, et c'est ce que les gens veulent. Lorsqu'une banque locale ferme ses portes, ses clients doivent aller dans une autre localité parce que cette banque n'est pas remplacée par les éléments qui sont censées faire partie du marché contestable selon ce que les banques essaient de nous faire croire.

Le sénateur Austin: Je comprends très bien cela. J'espère que certains de mes collègues traiteront de la notion du financement du risque dans les petites localités, qui est un aspect intéressant.

Le sénateur Oliver: Je voudrais poursuivre dans le même sens que le sénateur Austin. Je n'ai pas lu le rapport de votre groupe de travail -- qui a un pouce d'épaisseur -- parce que je viens de le recevoir il y a environ 30 minutes. Ainsi, comme je n'en connais pas le contenu, j'espère que je ne me contredirai pas en posant certaines questions.

Votre rapport est fondé sur des données empiriques. Vous êtes allés voir les gens et vous leur avez dit: «Quatre banques veulent fusionner. Que pensez-vous de cela et quel impact cela aura-t-il sur vous?» Ils ont répondu: «Si les banques fusionnent, j'ai peur d'avoir de la difficulté à obtenir du crédit», ou encore «j'ai peur de perdre mon emploi.» Vous avez recueilli ce genre de témoignages.

Ce qu'il manque, c'est que nous n'avons jamais eu de fusion de grandes banques au Canada, et nous n'avons donc pas de données à ce sujet. Si nous regardons la situation aux États-Unis, où ce genre de fusion s'est déjà faite, il y a une leçon à tirer de cela. Je voudrais lire deux énoncés de fait venant des États-Unis et je vous demanderai d'y répondre, parce que ces énoncés vont à l'encontre de ce que dit votre rapport.

En examinant l'impact des fusions sur les prêts aux petites entreprises, le US Federal Reserve Board a déterminé que, après une période de transition, les petites entreprises n'avaient subi aucun préjudice important. Par exemple, une étude qui a examiné les réactions des autres banques dans les marchés où les fusions s'étaient produites a révélé que l'augmentation des prêts aux petites entreprises par ces autres banques avait tendance à neutraliser une bonne partie, sinon la totalité, des effets négatifs initiaux des fusions sur les prêts aux petites entreprises.

Lorsque nous étions à Halifax, par exemple, un dirigeant de petite entreprise nous a dit qu'il était impatient que les grandes banques fusionnent parce que les retombées d'une telle fusion favoriserait la croissance de sa petite entreprise. Nous avons entendu la même chose à Montréal et en Saskatchewan.

D'après l'expérience américaine, où il y a eu d'importantes fusions, il a été déterminé que ces fusions n'avaient eu aucune incidence néfaste sur les collectivités. Que dites-vous de cela?

M. Waddell: Je vais laisser répondre Mme Griffin Cohen. Ce n'est pas là une évaluation exacte de l'expérience américaine. Les résultats de leur expérience sont partagés. Il y a des études qui vont dans l'autre sens.

Si vous regardez notre rapport, il y a une étude de Scott Sinclair intitulée «Bank Mergers and Consumer Protection in British Columbia». Dans cette étude, l'auteur cite Stephen Rhoades, qui a écrit le document intitulé «Consolidation of the Banking Industry and the Merger Guidelines», et certaines autres études américaines qui vont également dans l'autre sens. Il faut donc être prudent lorsqu'on fait une telle déclaration. Les fusions bancaires ont été refusées en Australie. Vous voudrez peut-être examiner certaines des études qui ont été faites là-bas. En fait, notre rapport n'est pas fondé uniquement sur les témoignages de gens locaux; on a fait aussi des recherches qui ont révélé une diminution importante des prêts aux petites et moyennes entreprises, sauf dans le cas de la Banque royale en Colombie-Britannique. Donc, notre étude renferme aussi certaines données statistiques.

Le sénateur Oliver: Mais y a-t-il eu une augmentation des prêts par VanCity, par exemple?

M. Waddell: Je ne le sais pas. Je parle des banques du point de vue de certaines de leurs plaintes légitimes.

Le sénateur Oliver: Si VanCity a pris la relève, cela veut dire qu'il n'y a pas eu de changement au niveau de l'accessibilité des services.

M. Waddell: Je vais demander à Mme Griffin Cohen de répondre à vos questions pénétrantes.

Le sénateur Oliver: Avant que vous ne répondiez, je pourrais peut-être donner un deuxième exemple et lire une deuxième citation:

Le US Federal Reserve Board a approuvé la mégafusion entre Citicorp et Travellers Group. La nouvelle société offrirait aux consommateurs américains une gamme complète de services, allant des cartes de crédit et des comptes de chèques aux produits d'assurance et aux services d'investissement. Selon le Fed, «les arrangements de marketing croisé et de partage de données sur les consommateurs proposés dans ce cas ne sont pas susceptibles d'avoir des effets néfastes importants.»

Mme Griffin Cohen: Comme vous le savez, le système bancaire américain est fort différent du nôtre. Jusqu'à très récemment, il ne pouvait y avoir qu'une seule banque dans un État. Il y a eu de très petites fusions bancaires, qui ont permis d'accroître l'efficience et d'améliorer la position des banques à l'intérieur d'un État, mais les grandes fusions bancaires qui se sont produites ont eu des effets plutôt néfastes. Nos recherches nous ont permis de découvrir que les fusions bancaires où l'actif est inférieur à 500 millions de dollars, ce qui est considéré comme une petite fusion bancaire, permettent effectivement d'accroître l'efficience et de mieux servir les clients. Dans les cas où l'actif est supérieur à ce montant, il a été prouvé qu'il n'y a pas eu de gains sur le plan de l'efficience et que, en fait, le service aux clients et l'accès au capital ont diminué.

Le sénateur Oliver: De quelle étude s'agit-il?

Mme Griffin Cohen: Il s'agit de l'étude qui a été faite pour nous par Scott Sinclair. Il a examiné diverses études américaines, et son étude est la plus récente. Il a examiné ce qui s'est fait aux États-Unis récemment. Il a fait un travail considérable pour examiner la situation non seulement aux États-Unis, mais aussi dans d'autres pays où il y a eu des fusions bancaires. Il semble effectivement que l'accroissement de l'efficience et l'amélioration du service à la clientèle dépendent beaucoup de la taille des fusions. Si les fusions sont importantes, ce qui serait le cas de la nôtre, elles risquent d'avoir des effets néfastes. Une chose qui est utile aux États-Unis dans le cas d'une fusion comme celle de Citicorp, c'est qu'elle permet aux gens de faire des opérations bancaires partout dans le pays. Au Canada, nous avons déjà un système national. Les banques américaines essaient de faire des gains sur le plan de l'efficience dont nous n'avons pas besoin. Nous n'obtiendrions pas ce genre d'avantage au Canada parce que nous l'avons déjà.

Pour ce qui est de savoir si VanCity prend la relève, c'est essentiellement une banque de la ville. Depuis sa création, VanCity est une banque virtuelle qui n'a aucune présence dans les localités rurales. Il y a un certain degré d'accès pour les gens dans d'autres régions, mais, essentiellement, elle n'offre pas de services dans les localités rurales. Par conséquent, à Peachland, par exemple, lorsqu'une banque se retire, elle n'est plus là, et VanCity ne prend pas la relève autant qu'elle le voudrait. Elle n'a pas ce genre de capacité.

Le sénateur Oliver: Un des témoins de Canada Trust nous a dit que, si les grandes banques fusionnaient, elles devraient renoncer à certains de leurs secteurs d'activité et à certaines de leurs succursales. Canada Trust a signalé qu'elle-même et d'autres institutions financières canadiennes aimeraient beaucoup acheter ces succursales et les exploiter pour devenir plus fortes. Cela nous donnerait la force nécessaire au deuxième niveau ou au premier niveau pour assurer la protection des banques canadiennes.

Quelle est votre opinion à cet égard?

Mme Griffin Cohen: Nous avons examiné cette question parce que les banques sont en faveur de la fermeture de certaines de leurs succursales, ce qui serait plus avantageux pour les banques que pour leurs clients. Les sociétés de fiducie ne prendraient pas la relève à bien des endroits où le besoin de services bancaires est le plus criant parce que cela ne serait pas avantageux pour elles du point de vue financier. Les banques veulent se départir de certains de leurs éléments d'actif. Elles fermeront des succursales si elles fusionnent. Elles le feront tout simplement. Elles nous l'ont dit; ce n'est pas de la spéculation. Le Bureau de la concurrence peut bien exiger qu'elles se départissent de certaines de leurs succursales, car c'est exactement ce qu'elles veulent.

Le sénateur Oliver: Monsieur le ministre, j'aimerais beaucoup entendre vos commentaires.

M. Waddell: Je crois que Mme Griffin Cohen a répondu à la question. Je veux répéter que je ne crois pas que notre rapport était strictement à caractère local. Nous avons examiné les fusions bancaires dans toutes les parties du monde, et l'étude de Scott Sinclair, que j'ai mentionnée, est fondée sur les études les plus récentes. J'attire votre attention sur la page 7 de notre rapport, où nous citons Stephen A. Rhoades, un Américain, dans un article qu'il a publié dans le Journal of Banking and Finance (1998). Dans cet article, il résume les expériences vécues aux États-Unis relativement aux fusions bancaires.

Le sénateur Kroft: Je veux ajouter ma voix à ceux qui se sont dits heureux que nous ayons un ministre avec nous pour nous donner son opinion du point de vue de la politique et pour nous expliquer la recherche qui a servi de base au rapport. C'est très utile. Nous avons fait une merveilleuse tournée d'un bout à l'autre du Canada, mais, au cours des jours qui viennent, nous devrons nous asseoir et décider ce que nous pensons vraiment. Je vais profiter de votre présence ici pour que vous m'aidiez à me concentrer sur certaines des décisions que j'aurai à prendre personnellement. Je voudrais d'abord me pencher sur une question de fait, et j'espère que vous pourrez m'éclairer à cet égard en vous fondant sur votre recherche. Puis, monsieur le ministre, si c'est possible, nous nous pencherons sur une question plutôt philosophique.

Il y a un peu de confusion dans mon esprit, et je crois que je ne suis peut-être pas le seul dans ce cas, au sujet de la question des succursales et de ce qui risque d'arriver à ces dernières à l'avenir. Mme Griffin Cohen, je crois que vous y étiez presque à la fin de votre intervention, mais nous semblons aborder cette question de l'avenir des succursales d'une façon qui n'est pas du tout claire pour moi. Permettez-moi de vous demander comment vous percevez la situation. D'une part, si nous examinons la question des fusions, comme nous l'avons entendu de façon générale, il y aurait des fermetures dans les cas où les entités fusionnées se retrouveraient avec deux succursales parce que chacune d'elles avait une succursale dans la même ville, le même district ou le même quartier. Ce serait en quelque sorte un processus d'élimination des redondances créées par la fusion.

D'autre part, il y a le genre de fermeture de succursale qui découle de cette recherche apparemment inexorable d'efficience, ce qui nous fait nous demander si les contacts électroniques avec les institutions financières finiront par remplacer les contacts personnels. Cette question a été soulevée par Canada Trust, qui nous a dit que sa première ligne de service était encore et resterait la succursale et les contacts personnels et qu'elle espérait pouvoir ouvrir encore plus de succursales.

Des idées contradictoires ont été exprimées à ce sujet. Je voudrais que vous me donniez une idée très claire de ce qui arrivera, à votre avis, aux succursales dans la collectivité s'il n'y a pas de fusion. Je ne sais pas ce qui est arrivé à Peachland. Cette situation concerne-t-elle une succursale d'une banque ou plusieurs succursales?

Mme Griffin Cohen: Une seule banque, une succursale.

Le sénateur Kroft: Une banque, une succursale. Je ne comprends pas exactement pourquoi la question de la fusion est pertinente dans le cas de Peachland. Cette banque prendra une décision au sujet de son efficience et déterminera si cette succursale est viable ou non. Vous devrez m'expliquer pourquoi la question de la fusion est pertinente dans le cas que vous, ou le ministre, avez cité en exemple.

Mme Griffin Cohen: C'est important parce que, deux semaines après l'annonce des fusions bancaires, la succursale de Peachland a annoncé qu'elle fermait ses portes, même si la banque avait dit qu'il n'y aurait aucune fermeture de succursale. Par conséquent, l'exemple est important parce qu'il montre que la fusion a eu un impact dans cette localité.

Le sénateur Kroft: Qu'est-ce qui vous fait dire que cette fermeture était directement liée à la fusion?

Mme Griffin Cohen: La Banque de Montréal, en prévision de la fusion...

Le sénateur Kroft: Pourquoi en prévision de la fusion? Si la succursale de Peachland n'est pas viable, qu'est-ce que la fusion changera à cela?

Mme Griffin Cohen: La viabilité est un concept intéressant. Ce qu'il signifie pour les gens d'une localité en particulier peut être fort différent de ce qu'il signifie pour la banque. Comme on l'a dit plus tôt, les banques ont une responsabilité différente à cause des privilèges extraordinaires dont elles jouissent dans ce secteur. Elles ont un effet profond sur l'économie locale. Le fait de ne pas avoir accès à une banque peut causer des problèmes énormes à une économie locale. En fait, cela peut détruire une économie locale. Une ville peut facilement devenir une ville fantôme sans la présence d'institutions financières.

Deuxièmement, nous avons parlé aux maires et aux conseillers dans les petites villes, et ils étaient absolument horrifiés par cette notion de trous béants au milieu de leurs petites localités, telle qu'ils l'ont décrite. Ils ont dit que, si une succursale ferme ses portes, cela fait mal paraître la localité; c'est un signe que la localité est en déclin. Dans une province aussi non urbaine que la Colombie-Britannique, cela revêt une importance incroyable, non seulement pour l'apparence de bien-être économique, mais pour le véritable bien-être économique de la localité. L'impact est donc beaucoup plus grand.

Le sénateur Kroft: Je comprends cela. Je viens du Manitoba, et je comprends les petites villes et la nécessité d'assurer leur viabilité.

M. Waddell: Le Manitoba est un peu plus plat, sénateur.

Le sénateur Kroft: Un peu plus plat. Vous me dites donc que les règles du jeu sont plus équitables chez nous. J'accepterai ce commentaire.

Outre le fait que les annonces ont été faites à environ deux semaines d'intervalle, je ne comprends pas le lien entre la fusion proposée et la fermeture possible d'une succursale dans une localité.

M. Waddell: Je vais répondre en disant, premièrement, qu'une personne qui a témoigné devant le groupe de travail a utilisé cet exemple pour montrer ce qui, selon elle, risquerait d'arriver aux localités vulnérables en Colombie-Britannique. L'institution financière s'en va; les gens vont faire leurs achats ailleurs; le centre-ville meurt. La Colombie-Britannique compte 119 localités qui sont servies par trois institutions financières ou moins. Dans notre étude, le professeur a établi un indice de vulnérabilité pour notre province. Il a conclu que 75 p. 100 des localités étaient vulnérables aux fermetures de succursales. Les gens sont inquiets.

Le sénateur Kroft: Je comprends cela parfaitement. Vous ne m'avez toujours pas expliqué pourquoi, dans une situation où il y a plusieurs succursales -- et je ne parle pas d'une localité des Prairies où il y a des silos-élévateurs ou d'une localité où il y a une activité économique critique, par exemple une mine. Toutefois, dans le cas dont nous parlons ici, vous ne m'avez pas encore convaincu. Je pars de ma prémisse, et je veux comprendre pour pouvoir prendre mes propres décisions. Je peux comprendre dans les cas où il y a redondance et où une fusion éliminera la redondance, mais dans les cas où il y a une seule succursale, je voudrais savoir pourquoi vos études vous disent que cette succursale est plus susceptible de fermer ses portes s'il y a fusion.

Mme Griffin Cohen: Je n'ai pas compris la question.

Le président: Je vais poser la question différemment. Il y a eu environ 120 fermetures de succursales bancaires en 1997, lorsqu'il n'était même pas question de fusion. Par conséquent, la question des fermetures de succursales est une réalité de la vie, qu'il y ait ou non des fusions bancaires dans notre pays. L'impression que j'ai d'après vos réponses au sénateur Kroft, c'est que, dans un certain sens, il devrait y avoir une politique publique interdisant les fermetures de succursales bancaires dans les petites localités. Le problème est essentiellement le même que celui de l'abandon des lignes ferroviaires, que celui des silos-élévateurs et que celui des services téléphoniques dans les secteurs ruraux. J'essaie de comprendre si c'est là votre position ou si vous pensez que seules les succursales touchées par une fusion ne devraient pas fermer.

Mme Griffin Cohen: Nous avons deux positions distinctes à cet égard. Premièrement, nous reconnaissons qu'il y a des fermetures dans des localités où il n'y a qu'une succursale. Nous pensons que les banques devraient trouver une façon d'atténuer le problème et que les organismes de réglementation devraient exercer certaines pressions pour que cela se fasse. Nous avons fait une recommandation à cet effet.

La deuxième question est la suivante: y aura-t-il des fermetures qu'il y ait ou non des fusions? Bien sûr que oui. Toutefois, nous pensons que les fusions entraîneront un nombre plus grand de fermetures, et c'est ce qui nous inquiète. Si nous pensons cela, c'est essentiellement à cause de ce que les banques nous ont dit. Quand il y a eu des fusions entre les sociétés de fiducie et les banques, il y a eu des fermetures. C'était très clair. Prenons la situation de la Banque royale et du Trust royal; rien n'était plus évident que cela.

L'autre question est que la Banque royale nous a dit qu'elle voulait gérer des fortunes. Elle veut s'éloigner du genre de services bancaires de détail qu'elle offre maintenant. Nous savons qu'elle fermera diverses succursales si elle peut avoir un accès accru aux marchés internationaux et augmenter ses activités à ce niveau. C'est là son intention.

Cela explique notre inquiétude, et plusieurs de nos recommandations portent sur ce point.

Le sénateur Meighen: Voulez-vous dire que les banques sont un service public? Je ne nie pas que toutes les entreprises ont un certain degré de responsabilité sociale dans la société d'aujourd'hui, mais dans quelle mesure sont-elles un «service public»? Les banques devraient-elles assumer la totalité du coût de fermeture d'une de leurs succursales ou est-ce que quelqu'un d'autre devrait partager cette responsabilité?

Mme Griffin Cohen: Notre groupe de travail a examiné les privilèges extraordinaires dont les banques jouissent depuis très longtemps. Les banques ont été établies et ont fonctionné dans un cadre extrêmement privilégié. Elles ont connu la déréglementation, ce qui leur a donné une position monopolistique encore plus forte dans notre économie. Elles ne sont pas comme les autres entreprises. Les services bancaires sont essentiels dans notre société. Les gens ne peuvent pas s'en passer.

En plus des recommandations concernant les petites entreprises, nous avons également fait des recommandations concernant l'accès aux services bancaires pour les particuliers. D'autres pays ont établi des modèles concernant l'accès à des services bancaires de base comme les comptes de chèques et les comptes d'épargne. En Grande-Bretagne et en France, les banques sont tenues d'offrir à leurs clients des comptes de chèques et des comptes d'épargne. Ce n'est pas obligatoire ici. Nous faisons ces recommandations. Les banques sont très différentes des autres types d'entreprises.

Le sénateur Meighen: Est-ce que c'est au problème d'accès que vous devez trouver une solution?

Mme Griffin Cohen: Oui.

Le sénateur Meighen: Le bureau de poste peut-être.

Le sénateur Kroft: Je voudrais que vous me donniez une réponse claire à une question très précise. Votre groupe de travail a-t-il conclu qu'il y aura plus de fermetures de succursales, sauf dans les situations de redondance, si les fusions sont autorisées que si elles ne le sont pas?

Mme Griffin Cohen: Oui.

Le sénateur Kroft: Je vais vous demander une brève explication parce que cela n'est vraiment pas clair pour moi.

M. Waddell: Sénateur, elle a répété trois fois que c'est ce que les banques ont dit.

Le sénateur Kroft: Les banques nous ont également dit, monsieur le ministre, «si vous ne nous permettez pas de fusionner, vous verrez ce qui arrivera.» Il y a d'autres choses qu'elles devront faire pour répondre aux demandes du marché. Ce serait une première pour notre comité que de conclure que les banques seront plus passives dans leur démarche de réduction des coûts si les fusions sont refusées que si elles sont acceptées. Vous semblez penser que, si les fusions sont refusées, toute cette démarche de réduction des coûts et de rationalisation de l'infrastructure s'arrêtera. Ce n'est tout simplement pas une conclusion logique.

Mme Griffin Cohen: Ce n'est pas une conclusion logique, et ce n'est pas notre conclusion. C'est pourquoi nous avons fait une autre série de recommandations. Pendant que nous examinions la question des fusions bancaires, nous avons découvert d'autres choses qui devaient être faites. Nous faisons de très fortes recommandations à d'autres égards.

Le sénateur Kroft: Et si nous revenions à la question de l'obligation soulevée par le sénateur Meighen?

Mme Griffin Cohen: L'obligation de la banque, oui.

Le sénateur Oliver: Matthew Barrett a dit à notre comité, lorsqu'il a témoigné il y a environ deux semaines, que, si le projet de fusion de sa banque n'est pas accepté, celle-ci ne pourra plus offrir une gamme complète de services d'un bout à l'autre du Canada. Il sera obligé de faire beaucoup de changements.

M. Waddell: J'espère qu'on lui a rappelé que les Canadiens lui ont fait faire beaucoup d'argent, même un montant record. Il est privilégié, et sa banque est protégée en tant que banque de l'annexe I. Beaucoup de dirigeants de petites entreprises sont inquiets. Au lieu de faire des menaces au comité, il devrait peut-être essayer de travailler avec les petites entreprises et de répondre aux préoccupations des Canadiens. C'est ce qu'il faut faire, et j'espère que vous le lui direz.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous vous souvenez de l'histoire. Durant les années 80, les États-Unis ont déréglementé le secteur des télécommunications, et cela a pris 10 ans avant que le Canada ne réalise qu'il avait une avance sur les Américains. Cependant, nous avons pris un retard incroyable dans les années 90.

En 1990, nous avons ouvert le marché à la concurrence. Certaines associations ont conclu des alliances avec des compagnies américaines. Cependant, il reste que les petites et moyennes entreprises, chez vous comme ailleurs, bénéficient de services beaucoup larges et de sept à dix fois moins chers qu'en 1990. Les banques étrangères sont à notre porte, elles veulent offrir un service plus étroit, non pas un service direct aux consommateurs, mais un service aux entreprises. On parle strictement des entreprises à ce moment-ci. Comme ministre responsible des petites entreprises, ne voyez-vous pas combien ces sociétés peuvent jouer un rôle dynamique au Canada?

M. Waddell: Si les banques étrangères veulent venir, elles peuvent offrir des services aux petites entreprises, et je leur souhaite la bienvenue. Je ne pense pas que cela va se produire dans les petites villes de la Colombie- Britannique. Les petites entreprises me disent qu'elles ne le croient pas non plus.

[Traduction]

Je ne suis pas certain de toutes les raisons, mais, au meilleur de ma connaissance, ces institutions ne peuvent pas combler le vide. Cette soudaine concurrence étrangère ressemble plutôt à une tactique de diversion de la part des banques canadiennes. Les banques étrangères ne feront pas ce que les banques canadiennes peuvent faire, et cela ne les intéresse pas vraiment. Elles n'offriront pas de services bancaires complets dans les localités rurales de la Colombie-Britannique.

[Français]

Demain, je dois me rendre à une réunion de la Banque de Hongkong pour discuter d'initiatives pour le secteur chinois-canadien. Je dois les aider à préparer un dépliant pour les petites entreprises. C'est la même chose que les...

[Traduction]

Je ne pense pas que les petites entreprises soient convaincues que les banques étrangères viendront combler le vide dans ces petites localités. Il y a certaines exceptions.

En conclusion, monsieur le président, je comprends que ce sont là des questions très pénétrantes. J'aurais aimé avoir plus de temps; je sais ce qui vous pose des problèmes. Je suis ministre de la Petite entreprise, du Tourisme et de la Culture de la Colombie-Britannique. Mon rôle est de défendre les intérêts de la petite entreprise. Je suis dans la situation extraordinaire où des dirigeants de petites entreprises et des travailleurs sont venus témoigner devant un groupe de travail que j'ai formé, un groupe de travail indépendant, pour dire qu'ils s'opposaient aux fusions bancaires. Je transmets ces préoccupations, et les rapports pertinents, au comité.

Je veux déposer le rapport du groupe de travail. Je vous donnerai le résumé des témoignages de Mme Sanatani et de Mme Schira devant le groupe de travail. Je vous donnerai aussi mon nouveau rapport sur la petite entreprise et sur l'importance de ce secteur pour la Colombie-Britannique.

Je répète que les banques n'ont pas su montrer que ce projet de fusion sera avantageux pour la petite entreprise. Ce secteur pense que cela lui nuira. C'est le défi que les banques doivent relever. J'exprime ici ce que le secteur de la petite entreprise m'a dit, et j'espère que le comité en tiendra compte dans son rapport.

Le sénateur W. David Angus (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président: Monsieur Tarr, veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent à la table et expliquer comment vous prévoyez procéder.

M. Mike Tarr, président et chef de la direction, Northern Savings Credit Union: Honorables sénateurs, je suis accompagné aujourd'hui de George Scott, premier vice-président, Marketing et Stratégie d'entreprise, Vancouver City Savings Credit Union; Linda Crompton, présidente et chef de la direction de la Citizen's Bank of Canada, la première banque nationale entièrement électronique au Canada. C'est une société qui appartient à VanCity. Il y a aussi Cathy Manson, directrice de la Grand Forks District Savings Credit Union, située dans la région de Kootenay, en Colombie-Britannique.

Le vice-président: Vous allez nous donner des explications sur le document qui a été distribué, monsieur Tarr, au nom de vos collègues?

M. Tarr: On nous a demandé de ne pas lire le document. Il est relativement court. Nous ne faisons que répéter les principaux points contenus dans notre proposition, que le comité a reçue à la réunion du 8 octobre, à Ottawa. Je vais nommer les autres coopératives de crédit qui font partie de notre groupe. Douze coopératives de crédit d'un bout à l'autre du Canada proposent l'établissement d'une banque communautaire nationale. J'ai écouté l'échange entre les sénateurs et le ministre Waddell. Un bon nombre des questions soulevées étaient liées à certains des points clés examinés durant nos discussions.

Le groupe des coopératives de crédit est formé des sociétés suivantes: Astra Credit Union, qui a son siège à Winnipeg; Capital City Savings & Credit Union, d'Edmonton; Credit Union Atlantic, qui a son siège à Halifax; Delta Credit Union, qui est située ici, dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique; Grand Forks, que nous avons déjà présentée; Gulf & Fraser Fishermen's Credit Union, qui est aussi située dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique; Metro Credit Union, de Toronto; ma coopérative de crédit, qui sert la région côtière nord de la Colombie-Britannique; Richmond Savings Credit Union, de la vallée du bas Fraser; Sherwood Credit Union, de Regina; La Coopérative de crédit du service civil, Limitée, qui a son siège à Ottawa, mais qui a des membres dans tout le pays; Vancouver City Savings; Citizens Bank. Ce groupe représente environ 25 p. 100 de l'actif total des coopératives de crédit du Canada anglais, exclusion faite du mouvement Desjardins. Il représente environ 800 000 membres et entre 140 et 150 succursales d'un bout à l'autre du Canada. Les petites et les grandes coopératives de crédit sont représentées au sein de ce groupe, y compris la plus grande coopérative de crédit au Canada. Nous sommes présents autant dans les marchés ruraux que dans les marchés urbains.

Le groupe est représentatif des sociétés de services financiers de ce niveau au Canada. On a beaucoup parlé des institutions financières de deuxième niveau. Il est important de reconnaître qu'il existe déjà, en Colombie-Britannique, au Québec et en Saskatchewan, un système financier de deuxième niveau très actif et très prospère, soit le système des coopératives de crédit. L'adoption de mesures législatives habilitantes a été le facteur clé qui a permis à ces organisations de deuxième niveau d'exister dans ces provinces. Des gouvernements successifs de toutes les affiliations politiques ont constamment donné à ces organisations la possibilité d'offrir aux consommateurs une gamme complète de services.

Une grande partie des interventions que nous avons entendues aujourd'hui, et tout au long des audiences, portait sur le manque de concurrence. Les gens craignent une diminution de la concurrence, particulièrement à la lumière des fusions proposées et d'autres questions. Notre position à cet égard est que les coopératives de crédit en général, et notre groupe en particulier, représentent une option valable qui permettra au gouvernement fédéral d'assurer, assez rapidement, la présence d'une organisation financière de deuxième niveau. Cette organisation existera d'un bout à l'autre du pays et servira les habitants des localités de tous genres.

Je ne ferai pas un exposé complet ici afin de laisser plus de temps pour les questions et réponses. Le dernier exposé était fort excitant et mettait l'accent sur certaines questions clés. Notre proposition pour l'établissement d'une banque communautaire nationale est bien documentée. Vous avez ces documents, et j'espère que vous avez eu l'occasion de les lire.

Nous croyons que, en conjuguant nos efforts, nous serons en mesure de faire deux choses: premièrement, nous serons capables de créer un réseau national d'institutions financières axées sur le consommateur ayant des liens étroits avec la collectivité; deuxièmement, nous serons capables d'assurer l'existence d'un système bancaire à deux niveaux qui non seulement a des liens étroits avec la collectivité, mais qui a aussi des comptes à rendre à la collectivité. La banque communautaire nationale proposée appartiendra aux coopératives de crédit. Ces dernières resteront assujetties à la structure de contrôle démocratique habituelle des coopératives de crédit au Canada.

À la suite de cette introduction, nous espérons pouvoir répondre à toutes vos questions.

Le vice-président: Vos collègues ont-ils des remarques préliminaires à faire?

M. Tarr: Ils peuvent certainement en faire. Toutefois, je devais faire quelques brèves observations pour commencer et laisser ensuite mes collègues répondre à certaines des questions.

Le vice-président: Entendrons-nous Mme Crompton, de la Citizens Bank, la première banque électronique nationale? Nous voulons en savoir plus long sur cette banque. Comme vous l'avez certainement constaté, M. Tarr, ayant vu le dernier échange, nous avons acquis une assez bonne compréhension des enjeux et de certains des points de vue divergents durant nos voyages au Canada et à l'étranger. Nous aurons des questions à poser. Il y a des points de vue divergents même au sein du système des coopératives de crédit. À Ottawa, nous avons entendu M. Knight, de la centrale des coopératives de crédit, exprimer un point de vue légèrement différent. À Saskatoon, les représentants des centrales de coopératives de crédit de l'Alberta et de la Saskatchewan et de la coopérative de crédit locale de Lloydminster ont exprimé un tout autre point de vue. Nous serons fascinés d'entendre vos opinions sur la façon de concilier les différentes approches.

M. Tarr: En écoutant l'échange entre le comité et M. Waddell, cela m'a fait penser à un autre groupe de sénateurs d'Ottawa, mais je suis impatient d'entendre vos questions.

Le vice-président: Pendant un instant, il a eu l'impression qu'il était à Ottawa.

Mme Linda Crompton, présidente-directrice générale, Citizens Bank of Canada: Je n'ai rien préparé parce que nous nous étions entendus pour que M. Tarr examine avec vous la proposition que vous avez reçue aujourd'hui.

La Citizens Bank est une filiale en propriété exclusive de la VanCity Credit Union. Nous sommes en affaires depuis deux ans, ayant reçu notre charte en janvier 1997. Je travaille pour VanCity depuis 11 ans. En 1991, nous avons fait l'acquisition de la Citizens Trust, une société de fiducie sous réglementation fédérale. C'est à ce moment que VanCity, en faisant sa recherche et sa planification, a commencé à prévoir les changements futurs sur le plan de la concurrence. Nous avons vu la nécessité de commencer à élargir nos activités au delà de la charte existante.

Je ne sais pas si vous connaissez la réglementation fédérale régissant les coopératives de crédit. Il y a une perception des coopératives de crédit qui émane principalement de l'Ontario. La distinction importante ici est que, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, les coopératives de crédit ne sont pas des institutions fermées. Elles font concurrence aux banques et aux autres institutions financières dans un marché ouvert. Nous avons vu la nécessité d'aller au delà des contraintes géographiques existantes de VanCity et de diversifier notre actif, ce qui a mené à l'acquisition de la Citizens Trust en 1991. En 1994 et au début de 1995, nous avons commencé à travailler à la composante électronique de nos activités et à la conversion de notre charte en charte bancaire afin de pouvoir devenir l'aile électronique nationale de la VanCity Credit Union. Nous avons présenté une demande à cet égard à la fin de 1996.

Nous avons reçu notre charte en 1997 et sommes en affaires depuis deux ans. C'est encore très nouveau. Nous sommes assujettis à la même réglementation que n'importe quelle autre banque. Nous fonctionnons de la même façon qu'une autre banque sous réglementation fédérale. Nous sommes encore en mode d'édification et d'acquisition. Je n'ai pas d'autres remarques à faire pour l'instant, mais je répondrai volontiers à toutes vos questions.

Le vice-président: Vous avez parlé d'un mode d'acquisition. Comme vous êtes une banque électronique, je suppose que la question est réglée.

Mme Crompton: Nous continuons de prendre de l'expansion, d'acquérir de nouveaux membres et de nouveaux clients. Nous prenons de l'expansion grâce à des accords de partenariat avec les organismes bénévoles et les ONG. Je faisais particulièrement référence à l'acquisition de nouveaux membres et à la croissance.

Le sénateur Meighen: Qu'ont en commun les 12 ou 13 coopératives de crédit faisant partie de ce groupe? Qu'est-ce qui vous a amenés à vous mettre ensemble et est-ce un groupe statique?

M. Tarr: C'est une association inhabituelle de divers membres. Nous avons été amenés à nous mettre ensemble en tant qu'institutions financières locales assujetties à la réglementation provinciale et du fait de nos activités, qui consistent principalement en l'épargne, les prêts et les transactions. Nous pensons que l'avenir qui nous attend dans ce pays n'est guère brillant, si l'on considère que non seulement les services financiers sont nationalisés, mais qu'ils tendent en plus à être mondialisés.

Nous faisons face à des restrictions parce que nous sommes des banques à charte provinciale. Nous nous sommes mis ensemble car nous croyons que pour passer à l'étape suivante de notre développement, nous devons être capables d'assurer des services uniformes à tous nos membres à travers le pays. Ça ne peut pas se faire en changeant la réglementation provinciale. Et même si c'était possible, ce serait une grande perte de temps.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral a bien fait comprendre que cela ne l'intéressait pas de promouvoir ou d'élaborer une mesure législative nationale sur les coopératives de crédit. Il a l'impression que cela créerait d'importants conflits avec les provinces. C'est pourquoi nous envisageons de créer ce que nous appelons une «banque communautaire nationale». Nous sommes 12 organisations qui fonctionnons depuis longtemps comme des coopératives de crédit, et il est bien stipulé dans notre plan d'entreprise que nos activités continueront de reposer sur les principes à la base des coopératives de crédit.

Mme Cathy Manson, directeur général, Grand Forks District Savings Credit Union: Étant la plus petite coopérative de crédit du groupe, nous sommes particulièrement désireux d'essayer d'influencer les décisions se rapportant aux services dans les petites collectivités. Nous avons assez vite suivi le mouvement, et nous avons réussi en partie à démontrer à nos collègues à quoi ressemblent les services dans les petites collectivités.

Le sénateur Meighen: Je remarque qu'aucune coopérative de crédit de l'Ontario -- par exemple la Niagara Credit Union, qui est une coopérative de crédit importante dans certaines parties de la province -- ne fait partie de votre groupe. Est-il possible de faire une demande pour en faire partie?

M. Tarr: Nous nous en sommes tenus au nombre de membres actuels car nous sommes encore au premier stade de la création. Amener de nouveaux partenaires à ce stade compliquerait terriblement les choses et nous ralentirait. Un point sur lequel nous avons été très clairs, c'est que nous sommes une organisation d'inclusion. Une fois que nous serons certains que cette mesure législative nous permettant d'aller de l'avant sera adoptée, nous avons l'intention d'ouvrir nos portes à toutes les coopératives de crédit qui remplissent les conditions minimales requises pour adhérer à notre groupe. Nous espérons accroître considérablement le nombre de nos membres.

Partout où je me déplace dans ce pays, je me rends compte qu'un certain nombre de coopératives de crédit qui ne figurent pas sur cette liste suivent ce qui se passe, sont extrêmement attentives et n'ont certainement pas rejeté cette option à ce stade.

Le sénateur Meighen: Vous avez dit que vous vouliez que ce soit une option fiable, une option viable. Personne ici ne s'oppose à cela. Vous constaterez que ce comité est unanimement en faveur de renforcer une institution financière de deuxième niveau dans ce pays. Quels effets, s'il en est, le projet de fusions des banques va-t-il avoir sur votre avenir? Donnez-nous les deux scénarios, que ces fusions aient lieu ou non.

Le vice-président: Votre projet de créer une banque communautaire nationale date-t-il d'avant l'annonce de ces deux projets de fusion de banques?

Le sénateur Meighen: Pouvez-vous commenter les propos du ministre Waddell qui a dit, en termes familiers, que vous n'alliez pas combler le vide. Le ministre Waddell ne pense pas que la coopérative de crédit va combler le vide à Peachland ou ailleurs.

M. George Scott, premier vice-président, Marketing et stratégie d'entreprise, Vancouver City Savings Credit Union: Si les projets de fusion des banques se réalisent, ce sera pour nous à la fois un plus et un moins. Ce sera un plus en ce sens que l'une des intentions déclarées des banques, en particulier dans les petites collectivités, est de fusionner les succursales. Cela ouvrira toutes sortes de possibilités sur le marché. Étant donné que, comme nous, elles se concentrent sur les opérations de détail, si notre projet aboutit, nous pourrons en temps utile, sinon immédiatement, assurer de meilleurs services aux habitants de la Colombie-Britannique et -- espérons-le, à tous les Canadiens.

Par ailleurs, nous savons que certaines banques, en particulier la Banque Canadienne Impériale de Commerce, n'ont pas caché ce qu'elles avaient l'intention de faire avec les économies que cela leur permettra de réaliser. Une grande partie de l'argent ainsi épargné servira à réduire les coûts pour faire la concurrence aux maisons d'investissement. Étant donné notre taille, nous ne pouvons pas faire grand-chose à ce niveau. C'est ce qui explique notre projet.

Néanmoins, nous avons entrepris de nous lancer dans ce projet avant qu'il ne soit question des fusions des banques. D'après les commentaires qu'ont fait le ministre Waddell et Matthew Barrett, j'en conclus que, si les banques ne sont pas autorisées à fusionner, les choses ne vont pas se passer comme avant. Elles vont cibler certains créneaux où elles entrevoient des possibilités. Dans une certaine mesure, c'est un plus pour nous. Ce qui risque d'arriver, et en fait, c'est ce qui arrive aujourd'hui, c'est qu'elles arrêteront de fournir des services aux Canadiens ordinaires. Elles ne considèrent pas ce secteur comme une source de profits importants.

M. Tarr: Je crois que le ministre Waddell faisait référence au système provincial de coopératives de crédit. Dans le secteur qui l'intéresse, la petite entreprise, il a tout à fait raison. Les coopératives de crédit assujetties à la réglementation et aux contraintes provinciales, ne sont certainement pas la solution de choix pour remplacer les banques à charte. C'est une chose dont nous tenons compte et qui alimente notre désir de pouvoir fournir des services à ce segment du marché à l'échelle nationale.

La coopérative de crédit que je représente est un parfait exemple de ce qui se passe actuellement. Nous avons -- proportionnellement par rapport aux autres coopératives de crédit en Colombie-Britannique -- l'un des plus gros portefeuilles de prêts commerciaux. Or, on est au point où les entreprises clientes doivent s'adresser à une banque à charte parce que nous n'avons pas les moyens de les financer, ou parce qu'elles font du commerce interprovincial et, donc, nous ne pouvons plus leur accorder de prêts.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Tarr, vous avez dit que vous vouliez créer une banque communautaire qui fournirait des services aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays dans un délai relativement court. Qu'entendez-vous par délai relativement court? Divers témoins nous ont dit combien de temps il faudrait pour arriver à établir au Canada un système bancaire de deuxième niveau qui soit solide.

M. Tarr: Les coopératives de crédit qui font partie de notre groupe sont déjà fonctionnelles. Avec la mesure législative appropriée, nous pouvons commencer la mise en oeuvre du projet demain. Comme toute organisation qui démarre, nous voulons attendre jusqu'à l'an 2000 pour mettre toutes nos données sur un support technologique commun, ceci pour des raisons techniques évidentes. Nous sommes des coopératives de crédit fonctionnelles et rentables. Nous pouvons mettre notre projet à exécution dès demain si le projet de loi est adopté, mais tout ne se fera pas du jour au lendemain. Nous commencerons par faire les choses d'une façon non officielle, qui nous permettra de les faire rapidement, puis petit à petit d'une façon plus officielle. Dans cinq ans, le groupe devrait être nationalement reconnu. Il faudra compter de trois à cinq ans pour que le groupe soit bien implanté.

Le sénateur Callbeck: Pour passer à un autre sujet, les coopératives de crédit en Colombie-Britannique vendent-elles des asurances multirisques?

M. Tarr: Oui, nous en vendons.

Le sénateur Callbeck: Quelle part du marché cela représente-t-il pour les coopératives de crédit?

M. Tarr: Sur 89 coopératives de crédit, environ 36 ont des agences de vente d'assurances. Elles ont toutes une part de marché différente, bien sûr. Dans le secteur de l'assurance-automobile, la part de marché se situe probablement entre 20 et 25 p. 100. Dans celui de l'assurance multirisques, elle doit probablement être légèrement inférieure à20 p. 100, encore qu'elle augmente très rapidement. Certaines coopératives de crédit, comme Pacific Coast et Thompson Valley, se concentrent sur la vente d'assurances et réussissent extrêmement bien.

Le sénateur Callbeck: Depuis combien d'années les coopératives de crédit en Colombie-Britannique sont-elles autorisées à vendre des assurances?

M. Tarr: La loi provinciale a été adoptée à la fin des années 60 et nous avons ouvert dans notre succursale de Prince Rupert un bureau pour la vente d'assurances. La coopérative de crédit que je représente, qui s'appelait alors Prince Rupert Fishermen's Credit Union, a été la première en Colombie-Britannique et peut-être dans tout le Canada à avoir un tel bureau. Je crois que nous étions en avance d'un an sur la loi, parce que les responsables de la réglementation se déplacent rarement jusqu'à Prince Rupert. Plusieurs coopératives de crédit vendent des assurances depuis 25 ou 30 ans.

Le vice-président: Quand vous dites «dans les affaires», cela comprend l'assurance automobile, l'assurance contre l'incendie, l'assurance sur les biens et l'assurance sur la maison, en un mot tous les besoins en assurance de tout propriétaire?

M. Tarr: Oui. Cela a été le pilier de nos opérations d'assurance. Nous avons été témoins ces dernières années d'une croissance notable dans ce que nous appelons «la planification financière ou la gestion de l'actif», qui comprend l'assurance-vie, les rentes et les autres produits de l'assurance-vie. C'est là une composante à croissance très rapide de nos opérations d'assurance, et nous croyons qu'elle tiendra toujours une grande place dans nos activités.

Le sénateur Callbeck: Quel pourcentage de l'assurance-vie auriez-vous?

M. Tarr: Il serait très modeste pour l'instant.

Le sénateur Callbeck: Faites-vous dans la location-bail de voitures?

M. Tarr: Certaines coopératives de crédit, si. Nous l'avons déjà fait. Ce n'est pas un secteur d'activité qui nous intéresse particulièrement pour le moment. Notre politique en matière d'investissement et de prêt nous y autorise et nous avons déjà été actifs dans le secteur de la location-bail de voitures. Nous faisons également de la location-bail pour le matériel dont a besoin la petite entreprise. Le fait est que le nombre de coopératives de crédits oeuvrant dans ce secteur va augmentant. Notre coopérative de crédit détient également une licence fiduciaire provinciale, de sorte que nous oeuvrons quelque peu dans le secteur fiduciaire, notamment en ce qui concerne la planification et l'administration des successions.

Le sénateur Callbeck: Pourquoi n'êtes-vous pas intéressés par la location-bail de voitures?

M. Tarr: Pour le faire efficacement, il aurait fallu le faire sur une très vaste échelle. Comme dans les autres domaines, pour être efficace, il faut trouver des partenaires oeuvrant dans les grands secteurs d'activités commerciales au Canada. Cela fait cinq ou six ans que notre plan stratégique porte sur la recherche de partenaires de ce type. Nous espérons les trouver grâce à cette proposition. Notre coopérative de crédit gère 250 millions de dollars dans une région qui compte 27 000 habitants. Notre organisme est énorme à l'échelle de notre région, mais en fait nous sommes une institution financière très modeste. Il nous faut créer un partenariat avec d'autres organismes qui partagent nos objectifs, et cette proposition ne vise pas autre chose.

Le sénateur Kelleher: Le sénateur Meighen a bien exprimé l'opinion des membres du comité, quand il a dit que nous étions très favorables à votre projet de constituer une forme de banque. Nous avons prêté une oreille attentive à ce qui a été dit au sujet de la situation des banques communautaires aux États-Unis et de la transformation des sociétés de construction en Grande-Bretagne. Il y a ici un troisième élément. Je suis sûr que le gouvernement, notamment le ministère des Finances, est au courant de votre proposition. Savez-vous si ces gens-là aussi y sont favorables?

M. Scott: Je n'ai pas moi-même participé aux discussions, mais la rétroaction a jusqu'ici été extrêmement positive. Toutefois, il reste encore quelques questions à régler, dont la limite applicable à l'assurance-dépôts. En vertu des règlements fédéraux, nous relèverions de la SADC. La limite est actuellement fixée à 60 000 $. Les limites auxquelles sont assujetties les coopératives de crédit dans la plupart des régions du pays sont passablement supérieures. Ainsi, elle est de 100 000 $ en Colombie-Britannique et il n'y a pas de limite au Manitoba. Notre proposition ferait passer cette limite de 60 000 $ à 100 000 $, de façon que nos membres n'auraient pas à subir des pertes à cet égard.

L'autre question concerne le BSIF et la formule uniforme du calcul du capital. Son approche est double. Premièrement, il est favorable à l'application des normes généralement admises de la BRI, que nous observons en Colombie-Britannique et dont nous proposons le maintien. Deuxièmement, le BSIF privilégie un multiple fondé sur le levier opérationnel. À l'heure actuelle, l'actif des coopératives de crédit de cette province peut être 35 fois supérieur à leur ratio de capital. L'exigence minimale établie par le BSIF est actuellement de 20 fois supérieur. Nous proposons l'adoption de la norme de la BRI, qui équivaut en gros à l'actif à risques pondérés. Ces deux points exceptés, notre idée a reçu un accueil très favorable.

Le sénateur Kelleher: Je suis sûr que vous avez tous lu le rapport MacKay, particulièrement les passages qui concernent vos activités et vos propositions. Étant donné que ce comité peut être d'une certaine utilité à cet égard, j'aimerais savoir si, d'après vous, les recommandations du rapport MacKay ne passent pas sous silence des aspects que vous auriez aimé que l'on aborde. Je suis convaincu que le rapport MacKay ne couvre pas tout l'éventail de vos intérêts. S'il y a des points importants qui n'ont pas été soulevés, nous espérons que vous nous en ferez part. Vous pouvez répondre brièvement maintenant ou encore nous envoyer quelque chose par écrit. Si vous avez de la documentation pertinente à cet égard, nous serions très heureux d'en prendre connaissance. Quoi qu'il en soit, s'il était ici, je suis sûr que notre président vous dirait qu'il serait bon que vous nous envoyiez quelque chose par écrit, mais je dois préciser que nous commencerons la rédaction de notre rapport au milieu du mois de novembre, puisque nous devons le remettre d'ici le 1er décembre.

M. Scott: Je pense que le groupe de travail MacKay a accompli un travail énorme et qu'il mérite toutes nos félicitations. Selon moi, toutes nos demandes sont prises en considération. Le rapport MacKay mentionne le micro-prêt, une composante importante de notre société et d'un certain nombre d'autres coopératives de crédit et tout à fait essentiel à notre travail au sein de la collectivité. Il est question de le favoriser, peut-être au moyen d'une loi. Notre travail de réflexion là-dessus n'est pas encore terminé, mais c'est effectivement un aspect qui nous intéresse beaucoup. Nous n'avons pas de proposition en bonne et due forme à présenter aujourd'hui, mais voilà une avenue que nous aimerions explorer. Nous sommes très fiers à VanCity de tout ce que nous avons pu faire jusqu'à maintenant en ce sens. Les perspectives de croissance sont excellentes au pays.

Le sénateur Kelleher: C'est une question de choix du bon moment. En supposant que le gouvernement approuve les projets de fusion bancaire, préféreriez-vous que cela se fasse après la mise en oeuvre de la loi vous concernant, histoire d'avoir le temps de vous y préparer? Ou bien estimez-vous qu'il vaudrait mieux que l'on procède d'abord aux fusions et que la loi ne soit adoptée que dans un an ou deux?

M. Scott: Nous aimerions bien sûr que la chose se fasse le plus rapidement possible. Pour ce qui est du choix du moment, nous sommes prêts à commencer dès aujourd'hui, et nous avons déjà commencé d'ailleurs, puisque nous avons songé à la création d'un organisme de plate-forme technologique commun et élaboré un plan de transition. Nous préférerions de beaucoup que la chose se fasse aussitôt que possible.

Le sénateur Kelleher: Ce n'est pas tout à fait le sens de ma question.

Mme Crompton: Votre question a trait à la décision concernant les banques. M. Scott a dit que, compte tenu de la rapidité avec laquelle les choses évoluent sur le marché concurrentiel, dès que nous aurons les approbations nécessaires, nous passerons à l'action. C'est absolument nécessaire. Nous serions vraiment en position de faiblesse si les fusions bancaires étaient approuvées avant notre proposition.

Le sénateur Kelleher: C'est ce que je voulais savoir.

Le vice-président: M. Tarr, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Tarr: Au risque d'en dire trop, ce qui est toujours risqué.

Le sénateur Kelleher: Vous n'êtes pas le premier ministre.

M. Tarr: Et M. Scott n'est pas Andy Scott non plus. Je trouve que le facteur temps est un aspect intéressant. Je pense que l'important n'est pas tant la décision concernant les projets de fusion bancaire que l'obtention des pouvoirs commerciaux que nous réclamons. Ils différeraient sensiblement des pouvoirs que les banques à charte possèdent actuellement, encore qu'elles envisagent de les exercer dans un proche avenir. Il va de soi que nous sommes d'accord avec le groupe de travail MacKay quant à la nécessité d'adopter une approche qui tienne compte des nouveaux venus. Autrement dit, les nouveaux venus, qui créent une structure à deux paliers, doivent être avantagés au départ afin d'être en mesure un jour de soutenir efficacement la concurrence.

À cet égard, nous demandons d'être quelque peu avantagés avant que les banques à charte ne puissent exercer des pouvoirs semblables dans tous les secteurs. D'ici trois à cinq ans nous prévoyons que les chances seront égales et que nous serons en mesure de soutenir la concurrence des autres institutions financières du pays.

Le vice-président: Demandez-vous également une trêve fiscale ou une dispense spéciale comme c'est le cas, je crois, dans les plans de mise en route de certaines banques communautaires?

M. Tarr: Non, nous ne demandons pas de trêve fiscale. Nous demandons le maintien du traitement fiscal dont les coopératives de crédit font actuellement l'objet, traitement qui est fondé sur des arguments bien établis qui ont été évoqués à la commission Carter il y a plusieurs années de cela. Nous demandons le statu quo. En vertu de ce régime, nous restons assujettis au taux applicable aux petites entreprises tant que notre capital n'a pas atteint un certain niveau. Il y a actuellement au Canada un certain nombre de coopératives de crédit qui paient le taux d'imposition des sociétés.

Le vice-président: Les coopératives de crédit sont-elles assujetties aux mêmes taxes sur le capital dont les banques se plaignent tant?

M. Tarr: Je ne suis pas spécialiste en la matière et je vais donc demander à M. Scott d'intervenir. Nous sommes assujettis à la taxe sur le capital, mais je crois qu'il s'agit d'un taux préférentiel par rapport à celui imposé aux banques à charte.

M. Scott: Effectivement.

Le sénateur Oliver: La concurrence est la pierre angulaire du rapport du groupe de travail MacKay: si l'on veut que les services financiers du Canada soutiennent la concurrence à l'échelle internationale et prennent de l'ampleur tout en s'améliorant, il faut avant tout faire en sorte que la concurrence existe bel et bien. La concurrence protège les consommateurs, aide notre économie ainsi que l'entreprise en général.

Les quatre ou cinq questions que le sénateur Austin et moi-même avons posées au ministre portaient sur cette question: «Si ces banques fusionnent et deviennent énormes, qu'est-ce qui permettra de garantir qu'il existe toujours des endroits où le public peut aller pour obtenir des services financiers?» Le ministre a semblé dire: «Eh bien, il y a les banques de catégorie 1, les grandes qui veulent prendre encore plus d'ampleur et il y a aussi les banques de catégorie 2.» Il a sous-entendu que les coopératives de crédit ne seront jamais assez grandes, ne seront jamais assez fortes et n'auront jamais les moyens suffisants pour véritablement soutenir la concurrence face à ces superbanques fusionnées. Si c'est le cas, qui d'autre pourra assurer la concurrence dont nous avons besoin, selon le groupe de travail MacKay, pour que le système des services financiers du Canada soit valable et viable? C'est ma première question.

M. Tarr: C'est le fondement de notre proposition. Nous pensons également que les coopératives de crédit limitées et réglementées par les provinces n'offriront pas le niveau de concurrence envisagé par MacKay. Nous avons remis au comité un document de politique générale rédigé par John Evans pour notre propre compte et qui traite clairement de cette question. Notre proposition garantit que nous ne serons pas les seuls participants au secteur bancaire de catégorie 2. Nous ne croyons pas à un tel scénario. Notre proposition, et d'autres comme la nôtre, permettront une concurrence étroite si les institutions sont de portée nationale; si elles sont enfermées dans des régions ou des provinces, elles auront tendance à se marginaliser. Il serait certainement très difficile d'offrir le genre de services concurrentiels qu'exigent de plus en plus de Canadiens.

Le sénateur Oliver: Est-ce que la banque communautaire nationale sera en mesure de soutenir la concurrence, sur un pied d'égalité, avec la superbanque découlant de la fusion proposée de la Banque Royale du Canada et de la Banque de Montréal?

M. Tarr: Dans le secteur opérationnel que nous avons choisi, oui. Ma coopérative de crédit située sur la côte nord détient de 50 à 60 p. 100 du marché dans nos collectivités. Cinq banques nationales s'y trouvent également. La coopérative de crédit de Mme Manson détient près de 80 p. 100 du marché dans sa collectivité. Oui, la façon dont les coopératives de crédit offrent des services fonctionne bien et permet de gagner la confiance du consommateur, mais il faut disposer des capacités et des pouvoirs voulus pour transférer le capital et étaler le risque. Étant donné que nous fonctionnons dans une petite région, ce qui nous préoccupe le plus, c'est la concentration du risque que nous prenons. Nous devons pouvoir déplacer ce risque à l'échelle du pays, comme nous le jugeons nécessaire.

Le sénateur Oliver: Ma deuxième question porte sur un autre phénomène, celui des soi-disant «banques monoproduit» ou des banques qui «dominent leur marché». Il s'agit d'institutions dont les coûts sont très bas et qui ont beaucoup d'expertise en matière de cartes de crédit, d'hypothèques résidentielles à faible taux, de certaines formes de fonds mutuels, de crédit-bail automobile et de certificats de dépôt. Ces produits ne sont pas assortis de frais fixes importants, sont très peu coûteux et sont directement commercialisés.

Credit One, société qui a comparu devant nous, commercialise une carte de crédit et n'a que deux employés au Canada. Elle n'a pas de frais généraux, pas de coûts et ne paie pas d'impôts. Comment allez-vous soutenir la concurrence avec certaines des institutions monoproduit qui arrivent au Canada en grand nombre?

M. Scott: Nous avons certainement des idées arrêtées au sujet de Credit One ainsi que de Wells Fargo, qui n'emploient aucun Canadien, mais qui percent notre marché. Bien sûr, nous sommes contre. Il sera très difficile de soutenir la concurrence contre des fournisseurs monoproduit. Pour l'instant, ils n'ont pas fait une trop grosse percée sur le marché, mais ils disposent d'incroyables budgets de marketing. Dans l'esprit des recommandations de la commission MacKay au sujet de l'augmentation de la concurrence, je crois qu'il faut se demander si ces activités restent au Canada et si des Canadiens sont employés dans ces entreprises. Il ne fait aucun doute que cela va se produire et c'est déjà chose faite pour ce qui est de nombreuses autres industries. La concurrence va être redoutable.

Le sénateur Oliver: Je sais que la concurrence est déjà redoutable, mais quel effet cela aura-t-il sur vous alors que vous essayez de soutenir la concurrence simultanément avec les banques? Comment pouvez-vous soutenir la concurrence avec elles?

M. Scott: Je peux vous donner un exemple. Nous émettons la carte Visa, ainsi qu'une série de cartes de crédit à nos membres. L'année dernière, nous avons conclu un partenariat avec Desjardins afin d'offrir nos cartes aux coopératives de crédit dans tout le pays. Cela se traduit par des économies d'échelle que nous n'aurions pas pu réaliser seuls. Il va falloir procéder de plus en plus de la sorte. De nombreuses possibilités de partenariat sont offertes au sein du secteur du mouvement coopératif et à l'extérieur pour soutenir ce genre de concurrence.

M. Tarr: Il ne s'agit certainement pas pour nous de créer une concurrence entièrement nouvelle avec ce genre d'opération. Nous serions probablement incapables de le faire pour plusieurs années. Ce que nous pouvons faire par contre, c'est trouver des partenaires. Nous avons quelque chose de très précieux à offrir, soit l'un des meilleurs systèmes de distribution du pays qui nous permet de livrer une vaste gamme de produits aux consommateurs. C'est le genre de compromis qu'il faut faire dans ce secteur.

Nous savons fort bien que dans beaucoup de secteurs commerciaux, nous n'allons pas être concurrentiels au démarrage. Il nous faudra trouver des partenaires. Par exemple, dans le cas du prêt commercial et du prêt à la petite entreprise, nous envisageons un partenariat avec la BDC, laquelle a des points forts et des points faibles, comme n'importe quelle organisation. Un de ses points forts, c'est qu'elle est experte en conseil commercial et en placement de capital de risque. Les coopératives de crédit n'ont pas beaucoup d'expérience dans ce domaine et il est tout à fait logique pour nous de trouver des partenaires qui en ont.

Le sénateur Oliver: Le sénateur Kelleher vous a posé une question très importante au sujet de l'échéance. Vous avez parlé des progrès technologiques. J'aimerais savoir si vous avez envisagé l'effet du problème de l'an 2000 sur votre technologie. Si vous commencez à faire beaucoup de changements maintenant, pouvez-vous influer sur le regroupement et cette banque communautaire nationale avant que le problème de l'an 2000 ne se soit complètement manifesté?

M. Scott: Nous ne voulons rien changer avant l'an 2000; nous verrons alors quels sont les problèmes qui se posent. Évidemment, opter pour un système unique présente un gros avantage pour nous. Ce travail a déjà commencé. Nous voulons reporter l'installation et la mise en oeuvre à l'an 2000. Beaucoup d'autres possibilités prometteuses s'offrent à nous et nous pourrions agir plus rapidement; je veux parler des fonctions de trésorerie, des ressources humaines et du marketing.

Le sénateur Oliver: Nous sommes en 1998 et vous voulez laisser passer l'échéance de l'an 2000 avant d'effectuer certains des changements technologiques?

M. Scott: Nous aurons préparé notre solution technologique et aurons pris ces décisions. C'est un créneau très subtil. Si nous essayons de faire des changements et manquons le bateau, nous risquons d'avoir les problèmes de l'an 2000.

Le sénateur Kenny: Monsieur Tarr, je comprends ce que vous voulez dire au sujet du risque géographique lorsque vous-même et certains de vos collègues disposez de 50 à 80 p. 100 du marché. A l'autre bout du pays, il arrive qu'il y ait seulement une ou deux des cinq grandes banques dans une collectivité donnée. La petite et la moyenne entreprise n'ont pas beaucoup de choix. Que proposez-vous aux consommateurs dans votre région? Vous avez traité de la question sous l'angle du risque géographique. Pourriez-vous l'envisager sous l'angle des consommateurs qui, pour une raison ou une autre, considèrent qu'ils ne peuvent pas se tourner vers les cinq grandes banques, car elles ne fournissent pas les services voulus. Si quelqu'un dispose de 80 p. 100 du marché, il est évident que ceux qui disposent des 20 p. 100 restants n'offrent pas le même produit.

Mme Manson: Nous prenons notre responsabilité très au sérieux et ne nous emparons pas de 80 p. 100 du marché à la légère. Nous travaillons fort pour rester à jour et continuer à offrir aux entreprises les produits et services dont elles ont besoin.

Le problème, comme l'a expliqué M. Tarr, c'est que lorsqu'elles commencent à réussir, elles ont besoin de plus de crédit; nous ne pouvons le leur offrir si bien qu'elles doivent trouver un autre fournisseur. Nous vivons dans une petite ville; nous rencontrons nos clients dans la rue et leur parlons constamment. Ils nous disent ce dont ils ont besoin et nous essayons de le leur fournir.

Le sénateur Kenny: Les cinq grandes banques nous diraient que si l'une d'entre elles détenait 80 p. 100 du marché dans une collectivité, les gens protesteraient.

M. Tarr: Ma coopérative de crédit exploite deux succursales dans les îles de la Reine-Charlotte, pour les 6 000 ou 7 000 habitants. Il n'y a pas d'autre institution financière sur les îles Charlotte et nous fournissons les services à 100 p. 100 de la population. Cela ne veut pas dire que les banques à charte n'ont pas de clients sur les îles Charlotte. Elles en ont, mais les choisissent avec beaucoup de soin, pour des raisons de rentabilité; elles n'ont toutefois pas de succursale à cet endroit-là, ni non plus d'employés, et ne paient donc pas de taxe foncière sur les îles Charlotte.

Lorsque je suis devenu PDG, le conseil d'administration m'a expliqué très clairement qu'il s'attendait à ce que chaque genre de service offert dans nos plus grands centres à Prince Rupert et à Terrace le serait également sur les îles de la Reine-Charlotte; c'est un engagement auquel il tient fermement.

Le sénateur Oliver: Avec les mêmes frais?

M. Tarr: Oui. La structure des frais est la même sur les îles Charlotte, à Prince Rupert et à Terrace, à quelques exceptions près qui sont de nature technique. En général, c'est exactement la même structure de frais. C'est une réussite et nous faisons de l'argent. Nous avons d'ailleurs pu doubler les services que nous offrons sur les îles au fil des ans. Bien sûr, ce n'est pas le marché boursier et nous devons accepter un rendement moindre que les banques. Cela fait partie des règles du jeu d'une coopérative de crédit.

Le président: Honorables sénateurs, M. David Bond et M. Maurice Levi, de la Faculté du commerce et de l'administration de l'Université de la Colombie-Britannique, sont nos deux prochains témoins. Beaucoup d'entre nous savons que David Bond a été SMA du ministère de la Consommation et des Corporations à Ottawa; par la suite, il est devenu sous-ministre des Consumer Affairs en Colombie-Britannique et, comme je viens de le dire, il est actuellement professeur à l'Université de la Colombie-Britannique. Je sais que M. Bond doit partir avant 13 heures.

Monsieur Bond, vous nous avez remis un exposé de deux pages; pourrais-je vous demander de le lire; après quoi, nous aimerions vous poser quelques questions. Je ne sais pas exactement quand M. Levi doit partir, mais nous aimerions profiter de l'occasion pour vous poser des questions à vous-même ainsi qu'à M. Levi.

M. David E. Bond, professeur auxiliaire des Finances, Faculté du commerce et de l'administration, Université de la Colombie-Britannique: Monsieur le président, je n'ai pas été sous-ministre de la Consommation et des Corporations en Colombie-Britannique. Je suis toutefois coauteur du manuel qui se vend le mieux ici et qui traite de l'argent et des banques au Canada; pendant 10 ans, j'ai été économiste en chef d'une banque minuscule, la Banque de Hongkong, et j'en suis maintenant l'économiste-conseil en chef.

Le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien énonce clairement -- de l'avis de ses auteurs -- ce que veulent tous les consommateurs de services financiers.

Le secteur des services financiers devrait être concurrentiel, les marchés étant desservis par des institutions nationales et étrangères offrant un grand choix de produits, services et prix.

Le Groupe de travail poursuit en déclarant que la facilité d'accès des institutions financières, qu'il s'agisse d'institutions étrangères ou d'institutions nationales en démarrage, doit être l'une des principales caractéristiques structurales.

Cette caractéristique est absolument essentielle si nous voulons susciter une plus grande concurrence au sein du secteur. Le problème, c'est que le principal obstacle à l'accès -- la distribution -- ne date pas d'hier.

En 1923 déjà, au cours de son témoignage devant le comité permanent des finances de la Chambre, la Weyburn Security Bank de Weyburn, en Saskatchewan, qui était alors la plus récente institution du secteur bancaire, se plaignait du fait qu'il lui était extrêmement difficile d'étendre son réseau de succursales. De l'avis du directeur général de la banque, il n'y avait que très peu d'emplacements qui n'étaient pas encore desservis. Même dans les plus grands centres capables de supporter plus d'une succursale, le marché était saturé.

Ce qui s'appliquait aux années 20 s'applique encore aujourd'hui. Par habitant, le Canada compte plus de succursales d'institutions financières qui acceptent des dépôts que n'importe quel autre pays du monde. Il n'existe dont pas de région qui soit mal desservie ou pas desservie du tout par une banque et où une nouvelle institution pourrait espérer réussir.

La réalité économique des succursales est très rigide. Une nouvelle succursale de taille modeste coûte habituellement 750 000 $ au départ. Empiriquement, il faut environ trois années avant de pouvoir s'attendre à réaliser un bénéfice. Par conséquent, une nouvelle institution qui aimerait débuter avec 10 succursales seulement devrait investir, au moins 7,5 millions de dollars, sans espérer réaliser de bénéfices pendant trois ans. Le rendement ne serait d'ailleurs même pas spectaculaire. Il n'est donc pas étonnant qu'il n'y ait pas foule au portillon.

Lorsque la Loi sur les banques a été modifiée en 1980 pour permettre l'accès des banques étrangères, certains s'attendaient à ce que les grandes banques américaines s'emparent de la part du lion. Ces éternels inquiets avaient oublié la réalité du réseau étendu des succursales--l'existence de systèmes nationaux qui vous permet de retirer des fonds en C.-B. alors que votre succursale d'appartenance se trouve à Terre-Neuve. Ils avaient oublié que même si une succursale est de petite taille, elle peut offrir tous les services bancaires voulus, même si elle doit faire intervenir des spécialistes.

Les banques étrangères se sont vite aperçues de l'obstacle à l'accès que représentait le réseau des succursales et ont pratiquement concentré tous leurs efforts sur les grands centres urbains. La seule banque étrangère qui dispose d'un réseau de succursales à l'échelle du pays -- et qui n'en a que 117 -- a acquis la plus grande partie de son réseau grâce à des fusions. Les quelques succursales qu'elle a ouvert seule visaient un créneau particulier. Par conséquent, même si le Groupe de travail et le public en général souhaitent davantage de nouvelles institutions, cela ne se produira pas tant que cet obstacle à l'accès ne sera tombé. Sans cela, il n'y aura pas de concurrence.

Heureusement, comme le Groupe de travail s'en est rendu compte--le coauteur de mon livre était le directeur de la recherche--la technologie apporte une solution à ce problème. Il est facile d'équiper le réseau exclusif de guichets automatiques bancaires pour qu'il offre ce que l'on appelle le «service complet».

Si vous allez à un guichet automatique bancaire exploité par votre propre banque, vous pouvez transférer des fonds, faire des dépôts, payer des factures et obtenir le solde de chacun de vos comptes. Dans le secteur bancaire, c'est ce que l'on appelle le service complet. Toutefois, si vous utilisez un guichet automatique bancaire qui n'est pas exploité par votre propre succursale, vous ne pouvez que retirer de l'argent, un point c'est tout; ces guichets automatiques n'offrent pas le service complet.

Imaginez que tous les guichets automatiques bancaires offrent le service complet. Toute nouvelle institution dans le secteur des services financiers qui serait prête à accepter des dépôts et à participer au système des paiements disposerait tout à coup de 14 000 points de vente où elle pourrait recueillir des dépôts et distribuer de l'argent comptant. Instantanément, elle disposerait de 14 000 succursales. Le tout est joué, l'obstacle à l'accès tombe et le choix devient véritablement illimité.

Il y aurait sans aucun doute des nouveaux venus, mais ils n'offriraient peut-être pas tous la gamme complète des services. Le groupe de témoins qui m'a précédé a exprimé le même point de vue. Ils offriraient cependant une bonne partie des nombreux services que nous attendons habituellement des grandes banques. Par ailleurs, il y aura certainement de nouveaux venus qui choisiront les meilleurs clients ou qui tenteront de s'approprier un segment donné du marché. En définitive, ils livreraient très rapidement une véritable concurrence sur à peu près tous les marchés.

Il n'est pas étonnant que le groupe de travail ait recommandé la pleine fonctionnalité des réseaux; il s'agit de sa deuxième recommandation. Le problème, c'est que les réseaux appartiennent aux banques; or, pourquoi voudraient-elles accroître la concurrence? Nous n'avons pas affaire à de parfaits idiots.

Un politique rationnelle qui permettrait aux banques de fusionner, ce que j'appuie fermement, exigerait qu'elles réduisent leur effectif par attrition et départs à la retraite anticipée plutôt que par des mises a pied et qu'elles acceptent de rendre leurs machines bancaires pleinement fonctionnelles.

Cette solution nous permettrait de vivre dans le meilleur des mondes possible, puisque nous pourrions compter sur une concurrence vive et sur des institutions fortes capables d'agir énergiquement dans l'économie nord-américaine.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Merci, monsieur Bond, de votre exposé ambigu; c'est un genre qui a fait votre réputation.

Le sénateur Angus: C'était effectivement un exposé très ambigu et ésotérique, difficile à comprendre. J'ai cependant trouvé vos propos très rafraîchissants et j'aimerais revenir avec vous sur la question de la pleine fonctionnalité, car cela m'apparaît comme une chose merveilleuse. Je me demande par ailleurs si c'est vraiment réalisable du point de vue de la sécurité?

M. Bond: Oui. La Banque pour laquelle je travaille, la Banque Hongkong du Canada, fait partie du système d'échange, le réseau d'échange, qui est pleinement fonctionnel. En fait, un des avantages qu'offre la Banque Hongkong, pour la banque de Linda Crompton en Ontario, c'est que tous les dépôts passent par nous parce que cette institution fait partie du réseau. Notre groupe est le seul, en Ontario, à posséder des succursales d'échange; il s'agit d'un réseau pleinement fonctionnel. Ce n'est pas difficile à réaliser et la chose existe déjà.

Le sénateur Angus: Il n'y a pas de problème de sécurité? La propriété est protégée?

M. Bond: Je ne crois pas qu'il y ait plus de risques que dans le cas de la carte bancaire ordinaire.

Le sénateur Angus: Je crois que vous disiez, à la fin de votre exposé, que vous êtes en faveur de la fusion des banques, ou d'une politique rationnelle qui le permettrait. Dois-je comprendre que vous êtes d'accord avec l'industrie bancaire lorsqu'elle affirme que si les banques ne peuvent pas fusionner, elles ne pourront plus offrir toute la gamme des services?

M. Bond: Je suis d'accord avec les banques, monsieur le sénateur. Je crois que cela tient au capital dont elles auront besoin au cours des quinze ou vingt prochaines années. Elles devront investir des sommes considérables pour assurer le fonctionnement des systèmes, beaucoup plus que ce qu'elles ont dépensé dans le passé. Le groupe de travail signalait que les banques américaines de grosseur comparable dépensent trois à quatre fois plus. Les banques doivent, pour être en mesure de réunir des capitaux, offrir un taux de rendement comparable à celui de leurs pairs, soit les banques britanniques et américaines, mais elles sont malheureusement loin dernière ces dernières. Nos banques devront accroître le taux de rendement de l'actif et il y a deux façons d'y arriver. Elles pourraient accroître sensiblement leur chiffre d'affaire, ce qui est à peu près impossible. Même si les banques avaient le droit de vendre de l'assurance et de pratiquer le crédit-bail automobile, ce ne serait pas suffisant. L'autre solution serait de réduire considérablement leurs coûts. Si les banques ne le font pas, je crois que M. Barrett devra, comme il l'a déclaré devant le comité, réduire considérablement les investissements au Canada. La place que Toronto occupe dans le firmament du monde financier de l'Amérique du Nord, une place enviable, retomberait à l'équivalent de celle qu'occupe Des Moines, aux États-Unis.

Le sénateur Angus: C'est le minimuM. Ma question suivante allait être: Et puis après? Nous avons entendu beaucoup de personnes qui ont eu la même réaction face à la possibilité que M. Barrett réduise les investissements. S'il le fait, d'autres combleront le vide. La démographie canadienne est assez particulière. Nous avons un système bancaire unique qui est modelé sur notre géographie et notre démographie et si nous commençons à jouer avec et à faire ce que feraient les fusions, nous allons tout gâcher.

M. Bond: Je ne crois pas, à la différence du ministre Waddell, que les banques soient des services publics. Ce sont des institutions à but lucratif. Si les banques offrent à leurs actionnaires un taux de rendement insuffisant, ils iront ailleurs. Si les banques ne parviennent pas à réunir les fonds dont elles ont besoin, elles verront leur importance et leur taille relatives diminuer. Pensez au poids qu'exercent les sièges sociaux des cinq grandes banques à Toronto. Ces institutions sont présentes dans tous les secteurs d'activité, de l'impression jusqu'aux honoraires versés aux avocats. Certains de mes meilleurs amis sont des avocats, n'est-ce pas, sénateur Austin?

M. Bond: En définitive, les banques subiraient un déclin et elles constituent un centre de croissance majeur, tout comme les institutions bancaires le sont à New York, pour les mêmes raisons.

Le sénateur Angus: En ce qui a trait à la propriété, puisque nous voyons votre point de vue, êtes-vous d'accord avec la recommandation MacKay au sujet de la propriété?

M. Bond: La propriété ne m'apparaît pas comme un problème particulièrement grave. Si les deux projets de fusion se concrétisent, le cas de la Banque de Nouvelle-Écosse soulève une question et une des possibilités mentionnées à la page 101 du rapport, ce que j'appelle de façon un peu facétieuse l'échappatoire Godsoe, est l'acquisition par une banque étrangère.

Je travaille pour l'une de ces institutions. La Banque Hongkong du Canada fait partie de la plus grande organisation de services financiers au monde. Cette dernière est également la plus rentable au monde et elle affiche le taux de rendement des capitaux propres le plus élevé parmi toutes les banques du monde. C'est dire que la taille a son importance.

Le sénateur Kenny: Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez affirmé que les banques ne sont pas des services publics, contrairement à ce que pense le ministre. Il me semble pourtant que ce que vous proposez relativement à la pleine fonctionnalité exige une approche semblable à celle qui repose sur l'existence d'un transporteur commun. Envisageriez-vous une nouvelle entité réglementée qui dispenserait ce service commun à la grandeur du pays, de manière que toutes les banques jouissent de l'égalité d'accès?

M. Bond: Non, monsieur, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Après tout, l'Association canadienne des paiements est l'autorité suprême en ce qui concerne les modalités de transfert des montants au sein des institutions. Je crois que la recommandation, selon les normes actuelles, mais surtout la recommandation du groupe de travail concernant l'accroissement du nombre d'adhérents et la responsabilité de l'Association canadienne des paiements, seraient plus que suffisantes. Les quatre grandes institutions visées par le projet de fusion doivent atteindre une pleine fonctionnalité; ce serait suffisant pour éliminer l'obstacle à l'adhésion. C'est très important; c'est la solution qui permettra d'éliminer l'obstacle à l'adhésion. Autrement, pourquoi une banque ouvrirait-elle une nouvelle succursale?

Le sénateur Kenny: J'accepte votre prémisse. J'essaie de voir comment faire pour mettre tout cela en place, mais jusqu'à maintenant vous m'avez seulement répondu qu'il fallait amener les quatre grandes banques à coopérer.

M. Bond: J'en ferais une condition de la fusion, monsieur le sénateur.

Le sénateur Kenny: Et si le projet de fusion ne se réalise pas?

M. Bond: Il n'y aura pas pleine fonctionnalité. C'est une question distincte. Puisque les institutions elles-mêmes en sont propriétaires; elles y ont investi et, en un sens, il ne s'agit pas d'un service public. Je ne crois pas que ce soit comparable à la façon dont l'industrie des services téléphoniques a été décloisonnée. Je crois que cela pose une sérieuse question juridique et je consulterais un juriste à ce sujet.

Le sénateur Kenny: Franchement, je pensais plutôt aux pipelines.

M. Bond: C'est une question effectivement très ardue.

Le sénateur Kenny: Je puis comprendre s'il s'agit d'une condition préalable à la fusion, mais si les projets de fusion ne vont pas de l'avant?

M. Bond: La question est de savoir quelle disposition de la Constitution s'appliquerait.

Le sénateur Kenny: Et quelle est la réponse?

M. Bond: Je ne crois qu'il y en ait une, monsieur le sénateur, car les banques sont un champ de compétence fédérale. Rien n'a été dit au sujet du système de paiement et cela constitue une sous-partie du système de paiement. Je présume qu'il serait possible de le faire par le truchement de l'Association canadienne des paiements. Je constate que je m'éloigne beaucoup de mon champ de compétence en ce qui a trait à la question juridique.

Le sénateur Kenny: Est-ce qu'il y a des questions de coûts d'entrée et des obstacles à l'adhésion?

M. Bond: À l'heure actuelle, on peut adhérer à Interac. La décision du Tribunal de la concurrence au sujet d'Interac en a facilité l'accès. Il n'est cependant pas obligatoire d'avoir un système pleinement fonctionnel. On peut adhérer à Interac, de sorte qu'une personne qui a un compte dans une banque X, Y ou Z pourrait aller à une succursale de la Banque Canadienne Impériale de Commerce de Yellowknife et retirer de l'argent. La pleine fonctionnalité fait intervenir la question de la propriété et ce sera une chose très difficile à appliquer du point de vue juridique. Quoi qu'il en soit, je m'en remettrais à un juriste à ce sujet.

Le président: Si nous laissons de côté la question constitutionnelle et supposons que le gouvernement fédéral puisse légiférer ou faire de la pleine fonctionnalité une condition du système de paiement ou de l'obtention d'un permis bancaire visé à l'annexe I, et qu'on écarte complètement la question de la fusion, exigeriez-vous que tous les guichets automatiques bancaires, ou GAB, qui se trouvent au Canada soient pleinement fonctionnels?

M. Bond: Certainement.

Le sénateur Austin: Je me demande, professeur Bond, qui paierait pour rendre le système pleinement fonctionnel?

M. Bond: Sénateur, les coûts devraient être répartis entre les banques proportionnellement à la taille des réseaux de chaque banque, sinon l'État devrait indemniser les banques pour les dépenses qu'elles auraient engagées. Les coûts concernent principalement la programmation. Cela ne comporte aucune dépense de nature matérielle. Vous ne faites qu'ajouter des fonctions au système de commutation qui est déjà en place. À bien des égards, c'est comme une carte de débit à laquelle on ajouterait des suppléments. Les coûts de programmation n'interviennent qu'une seule fois et, ensuite, le système absorbe tout.

Le sénateur Oliver: Il y aura aussi des coûts liés à l'éducation des personnes âgées.

M. Bond: Oui, monsieur. Les personnes âgées, où qu'elles soient, n'aiment pas utiliser les guichets automatiques.

Le sénateur Meighen: Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait clair. Ce pourrait très bien être un compromis: on ne permettrait aux banques de fusionner que si elles rendaient les guichets automatiques pleinement fonctionnels. Vous dites qu'elles accepteraient. Cela doit certainement comporter des coûts de lancement énormes.

M. Bond: Ce sont des coûts irrécupérables, sénateur Meighen. En économie, on enseigne que des coûts irrécupérables sont irrécupérables. Les mesures supplémentaires de programmation pour rendre le système pleinement fonctionnel comportent des coûts. Les réseaux de succursales, les réseaux de guichets automatiques existent déjà, sénateur. En fait, les coûts de programmation n'interviennent qu'une fois.

Le sénateur Meighen: Je comprends. Est-ce qu'il s'agit de coûts que les nouveaux venus, par exemple, seraient obligés de payer?

M. Bond: Pas seulement les nouveaux venus, puisque les frais de service en couvriraient une partie. La Banque Hongkong accepte les dépôts de Citizen Trust et cette dernière perçoit des frais de services auprès de ses déposants.

Le sénateur Meighen: Est-ce là un exemple qui montre l'autre réalité liée à la venue des banques étrangères, c'est-à-dire le fait qu'elles auront la partie belle? Certains ont fait valoir que les banques étrangères qui viendront s'établir au Canada n'investiront pas beaucoup chez nous. Elles franchiront nos frontières par la voie électronique et sélectionneront les clients les plus rentables. Ceux qui ont installé des succursales à Peachland et dans d'autres centres au Canada supporteront les coûts.

M. Bond: Les avantages résultant de la fusion suffiront à en compenser les coûts. Chacun des quatre participants devra prendre sa propre décision.

Permettez-moi d'ajouter quelque chose, sénateur. Sans fusion, il ne faut pas s'attendre à un accroissement marqué de la concurrence. Je travaille pour une banque qui a de très bonnes références et d'excellents contacts un peu partout dans le monde. Or, si vous parlez de la Banque Hongkong du Canada à des résidents de Barrie, par exemple, beaucoup vous diront qu'ils ne veulent pas travailler pour une banque chinoise. Elle est dirigée par des Écossais et appartient à des veuves et orphelins d'Angleterre, mais cela ne change rien. Les résidents de Chicoutimi, eux, diront: «Pas encore la Banque Hongkong du Canada, il n'y a pas personne ou presque pas personne qui veut cette banque.»

Les banques étrangères ne se bousculeront pas pour venir au Canada. Cette possibilité tourmentait le regretté ministre des Finances, Walter Gordon, mais elle ne s'est pas concrétisée. Tout d'abord, le taux de rendement du capital offert par les banques canadiennes est inférieur à celui que peuvent obtenir les banques aux États-Unis. Quelle banque sensée voudrait acheter une banque au Canada?

Le sénateur Meighen: Je ne crois pas que vous ayez besoin de nous convaincre. Vous n'avez pas à me convaincre, moi. De nombreux témoins ont dit au comité qu'il est peu probable que des banques étrangères viennent s'établir à Peachland ou à Barrie, et cela pour de multiples raisons. Les raisons les plus déterminantes sont le coût et le fait que les banques à charte canadiennes sont là depuis longtemps et qu'elle ne font pas un mauvais travail.

M. Bond: Je crois qu'elles font du bon travail.

Le sénateur Meighen: Je crois, comme vous, que les banques étrangères ne viendront pas s'installer ici, mais elles vont cependant s'accaparer ce qu'il y a de plus rentable.

M. Bond: Certainement. Les banques canadiennes qui veulent fusionner veulent précisément le faire pour être concurrentielles à la grandeur du marché nord-américain et pas seulement au Canada. Elles feront à leurs homologues américaines ce que ces dernières leur font. C'est ce qu'on appelle la concurrence, et c'est une bonne chose. Je ne m'attends pas vraiment à ce que les banques canadiennes souffrent beaucoup de l'intensification de la concurrence. Je crois que ce sera plutôt bénéfique pour elles, pour notre économie et pour les consommateurs canadiens. Je croyais que c'est ce que souhaitait le groupe de travail.

Le sénateur Meighen: Vous disiez dans votre exposé que l'une des conditions que vous poseriez à la fusion serait que les banques réduisent leur effectif par l'attrition et les retraites anticipées, plutôt que par des mises à pied. Est-ce que les banques n'ont pas accepté de le faire?

M. Bond: Je dis simplement qu'il faut continuer d'exercer des pressions en ce sens pour être sûr qu'elles le feront.

Le sénateur Meighen: Les banques disent vouloir fusionner afin de réduire leurs coûts; nous en avons déjà discuté. Quels autres avantages la fusion comportera-t-elle pour notre système bancaire? Nous aurons deux banques issues de fusions qui seront en mesure de livrer concurrence sur le marché nord-américain, où elles sont peut-être désavantagées à l'heure actuelle. Ces banques auraient les moyens d'investir davantage dans la technologie. Dans quelle mesure est-il important qu'elles le fassent en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde? Aurons-nous un système bancaire entièrement nouveau, en supposant que les institutions de deuxième niveau comblent la partie du bas?

M. Bond: L'avantage le plus important des fusions est qu'elles permettront à Toronto de demeurer un centre financier important en Amérique du Nord. Autrement, ce ne sera pas le cas. Je crois savoir que lorsque les membres du comité sont allés à Chicago, le représentant de Harris Trust leur a dit qu'on ne pouvait pas ouvrir de succursale de l'autre côté de la rue. Continental Illinois Trust a dû, littéralement, creuser un tunnel sous la rue pour accéder à son autre immeuble. Il était impossible de sortir de cet immeuble, sauf par les sorties de secours. L'Illinois et Chicago auraient dû devenir un important centre financier. Si Los Angeles et San Francisco sont devenus de grands centres financiers, c'est parce que la Californie a autorisé l'ouverture de succursales en nombre illimité. La principale source de fonds, située à l'extérieur de New York, était la Bank of America, dont le siège social se trouvait à Los Angeles, et Wells Fargo, qui s'appelait à l'époque Crocker. Voilà pourquoi ces deux villes sont devenues de grands centres financiers, et non pas Chicago, ce qui a toujours été étonnant. C'est également la raison pour laquelle la Caroline du Nord est devenue tellement puissante.

Il est essentiel de comprendre que si nous donnons le feu fort aux projets de fusion, ces banques seront capables de livrer concurrence à la grandeur du marché nord-américain et que, par voie de conséquence, elles attireront de nombreux emplois dans le Grand Toronto. Ces institutions doivent y rester si nous ne voulons pas voir la capitale financière du Canada déménager, comme elle l'a fait, de Halifax à Montréal lorsque le sénateur Kirby était enfant, et de Montréal à Toronto par la suite.

Le sénateur Meighen: Le sénateur Oliver n'était même pas encore né.

Vous pouvez ajouter que ce sont des emplois très bien rémunérés.

M. Bond: Des emplois très bien rémunérés et hautement spécialisés, qui se situeront à la fine pointe de nombreuses innovations technologiques dans ce secteur.

Le sénateur Austin: Je voudrais maintenant examiner les raisons pour lesquelles les grandes banques canadiennes veulent entrer sur le marché américain. Qu'est-ce qui vous permet de croire que le marché américain leur permettra de livrer concurrence pour jouir des taux de rendement plus élevés de l'économie américaine?

M. Bond: Deux choses se produisent. Nous assistons à de nombreuses fusions aux États-Unis, et cela en dépit de la législation fédérale surannée. Les États modifient leur législation pour permettre les opérations bancaires entre États. À mesure que ces banques grossiront, les banques canadiennes seront en mesure de participer à une économie de plus en plus intégrée; ce processus est déjà entamé. Ainsi, l'Ontario vend 60 p. 100 de son PIB sur le marché nord-américain. Il est impératif que les banques canadiennes puissent répondre aux besoins financiers de leurs clients de la même manière que le feront les grandes banques américaines.

Deuxièmement, il y a aux États-Unis des marchés où les banques canadiennes se tirent très bien d'affaire face à la concurrence. L'importance démographique et le fait que nous desservons en même temps un territoire qui couvre six fuseaux horaires nous ont permis d'acquérir une bonne maîtrise des systèmes. Cela vous permet, par exemple, d'aller à votre succursale bancaire à Terre-Neuve ou ici-même et d'obtenir instantanément le solde de votre compte bancaire. Nous devrions être en mesure de vendre, sur le marché américain, ces installations qui permettent un accès instantané et une économie de temps réel. Nous sommes également en train d'acquérir des compétences dans des secteurs financiers particuliers. Ainsi, la Banque Royale s'est dotée d'un groupe responsable des services financiers agricoles, basé à Winnipeg. Je crois que nous avons de bonnes possibilités de livrer concurrence dans un vaste éventail de services financiers aux États-Unis.

Si les banques n'ont pas les moyens de le faire parce qu'elles ne seraient pas autorisées à fusionner, il se produira de deux choses l'une: ou les banques réduiront leurs opérations au Canada, ou elles accroîtront leurs placements à l'étranger. L'augmentation des placements à l'étranger entraînerait un déplacement des opérations vers l'étranger. Nous verrions Harris Trust grossir avec la Banque de Montréal aux dépens de la Banque de Montréal au Canada.

Le sénateur Austin: Qu'est-ce que la compétitivité des banques canadiennes sur les marchés américains apportera de bon aux consommateurs canadiens?

M. Bond: Elle assurera un taux de rendement sur l'actif plus élevé en raison de la diversification des activités bancaires. En retour, cette diversification permettra aux banques de réunir des fonds, qui serviront à améliorer les systèmes et à les rendre accessibles à tous leurs clients, y compris les consommateurs. Les banques seraient plus fortes et plus fiables face aux risques. Les consommateurs devraient en bénéficier, dans la mesure où la SADC pourra réduire le coût de l'assurance contre les risques, puisque les risques seront moindres. Cette situation devrait également entraîner une diminution des frais de services bancaires.

Le sénateur Austin: Vous affirmez plus ou moins que les banques demeureront extrêmement concurrentielles sur le marché canadien.

M. Bond: Ce sera le cas. En fin de compte, le fait d'ouvrir le réseau de guichets automatiques bancaires à la concurrence oblige les banques canadiennes à affronter la concurrence au Canada.

Le sénateur Austin: Le rapport MacKay parle d'une croissance à deux vitesses dans le secteur des services, mais je ne trouve pas ce point de vue chez vous.

M. Bond: Je crois que cela se produira parce qu'il y aura de nombreux nouveaux venus qui offriront un ou deux produits. Ils sélectionneront leurs clients. La Banque Nationale, dont nous venons de parler, ou la banque de Mme Crompton, en feraient partie. Les services bancaires ING et d'autres services virtuels vont prendre de l'importance. Vous et moi sommes peut-être différents. Mon beau-fils a 32 ans et il n'a pas mis les pieds dans une succursale bancaire depuis peut-être quatre ou cinq ans. Il fait toutes ses transactions au moyen de sa carte bancaire ou par ordinateur. Il ne se rend plus dans les succursales bancaires, et ce n'est pas parce qu'il n'a pas accès aux services. Les gens obtiennent maintenant des services auprès d'une vaste gamme d'entreprises, ils magasinent et recherchent les meilleurs prix.

Le sénateur Austin: En quoi la pleine fonctionnalité et la programmation qui la sous-tend influeront-elles sur la viabilité du système de banques à succursales au Canada et en particulier les services bancaires communautaires?

M. Bond: Les banques communautaires offriraient certainement la possibilité de concurrencer sur un marché plus étendu que la seule localité où elles sont établies. Je ne crois pas que le nombre de succursales du système changera de façon radicale à court terme. Je crois que le ministre Waddell et son groupe de travail se sont trompés sur ce point. À long terme cependant, nous assisterons probablement à des regroupements de succursales. Les principaux regroupements consécutifs à des fusions se produiront cependant dans les centres urbains et non pas dans les petites villes. Près de chez nous, il y a la Banque de Montréal, la Banque Toronto Dominion, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, et puis il y a nous, mais nous n'allons pas fusionner. L'autre se situe un peu plus loin sur la même rue. Je crois que deux de ces banques vont fusionner. Les fusions vont se produire dans les centres urbains, et non pas dans des endroits comme Peachland.

Le sénateur Austin: Dans un tout autre domaine, le rapport traite des sociétés de portefeuille et des institutions financières de moyenne importance, comme celle pour laquelle vous travaillez et du transfert de contrôle de ces dernières à des sociétés de portefeuille, lesquelles seraient alors en mesure de dispenser des services financiers non réglementés ou faisant l'objet d'une réglementation différente. Est-ce une solution pratique, selon vous?

M. Bond: Je crois que oui. La société mère est HSBC Holdings PLC, et elle est propriétaire de HSBC Security Manager. M. James Capel était le propriétaire de toutes les Banques Hongkong Shangai et des Banques HSBC partout dans le monde. Il possédait également des compagnies d'assurance, des sociétés de fiducie et des sociétés de souscription. Je crois que ce serait une bonne chose. J'approuve les recommandations de fond du groupe de travail.

Le sénateur Austin: Vous ne craignez donc pas de voir le Canada s'engager dans des services bancaires mondiaux?

M. Bond: Non, aucunement.

Le sénateur Kroft: Votre pouvoir de persuasion au sujet de la pleine fonctionnalité m'intéresse et m'impressionne. Certains témoins nous ont fait part de leurs craintes au sujet d'une possible concentration des services bancaires aux mains d'un nombre limité d'institutions au Canada. Cela ne concerne pas la pleine fonctionnalité. Les fonctions relatives aux transactions des consommateurs se trouveraient là, mais je ne vois pas comment on réglera la question qui se manifestera davantage durant la négociation de la marge de crédit des entreprises ou des services bancaires d'investissement. On a omis plusieurs choses qui entraîneraient cette concentration considérable de pouvoirs que craignent tellement de nombreuses personnes.

M. Bond: Si une banque veut s'approprier un certain type de compte commercial, la pleine fonctionnalité lui permettra de le faire très efficacement. Wells Fargo effectue ses prêts maintenant. Je sais que certains ont dédaigné la chose. La Banque Hongkong effectue les opérations de compensation pour Wells Fargo, en vertu d'une alliance stratégique mondiale conclue avec cette société. Wells Fargo doit faire quelque chose car elle a fait passer des chèques par le système de compensation. Je ne vois pas pourquoi ces entreprises ne tenteraient pas de conquérir certains types de marchés, du côté des petites et moyennes entreprises. Si elles sont capables d'offrir la pleine fonctionnalité, cela signifie qu'elles ont un moyen d'injecter l'argent dans le système et de l'en retirer. La négociation ne serait pas très différente de ce que nous avions durant les années 60, ce qu'on appelait les services bancaires portatifs. Un de mes camarades d'école est venu au Canada après avoir obtenu son diplôme. Il s'est rendu dans le nord de l'Ontario, en Saskatchewan et au Manitoba. Tout au long de ses déplacements, il communiquait avec les gens pour leur dire qu'il représentait Morgan Guarantee et souhaitait devenir leur banquier. Les gens en étaient renversés. Un banquier de New York voulait s'occuper de leur entreprise et en tirer quelque chose.

Je ne crois pas qu'il y ait de problème, monsieur. Je ne vois pas quel autre moyen il y a pour accéder. Nous voulons un système viable et compétitif. Lorsqu'il n'y avait aucune crainte que les banques étrangères viennent s'installer chez nous et supplantent les cinq grandes banques, ces dernières se sont très bien débrouillées. C'est pourquoi la Banque Hongkong a très bien réussi. Ce fut une période difficile.

Le sénateur Kroft: Je saisis la force de l'argument concernant la viabilité du système, mais je ne suis pas sûr qu'il tienne aucunement compte du fait qu'il y aura un nombre accru de transactions importantes liées aux services bancaires aux grandes entreprises. De toute évidence, la concentration accrue à cet égard ne vous pose pas d'inquiétude.

M. Bond: Je n'ai effectivement pas d'inquiétude à ce sujet.

Le sénateur Kroft: Enfin, que devient la règle des 10 p. 100 de participation? Quel est votre point de vue à ce sujet?

M. Bond: Le désavantage engendré par cette règle me préoccupe. Je ne vois pas de moyen de passer outre. Mais la situation actuelle n'est pas très différente de la quasi mutualisation des banques. Rappelez-vous le début des années 60, lorsque plusieurs banques ont accordé des prêts sur la dette garantis par l'État à des pays d'Amérique Latine et ont dû ensuite les radier. Les contribuables ont supporté la moitié du coût des pertes subies. Si une entreprise avait perdu de l'argent de cette façon, les actionnaires auraient sans doute mis le directeur à la porte. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans ce cas, en bonne partie en raison de la règle des 10 p. 100. Si deux personnes possèdent 10 p. 100 d'une entreprise, qu'elles se trouvent dans la même ville et regardent dans la même direction, on les accuse aussitôt de collusion. Dans certains cas, la collusion est de rigueur et je crois que les actionnaires auraient effectivement dû s'associer pour se débarrasser de la direction. Voilà ce qui me préoccupe, monsieur le sénateur.

Par ailleurs, je ne veux pas qu'une banque qui serait contrôlée par un groupe puisse abuser de ce pouvoir. C'est un dilemme. Les actionnaires devraient pouvoir, d'une façon ou l'autre, se débarrasser de dirigeants incompétents sans pour autant enfreindre la règle anti-collusion. Autrement dit, si trois ou quatre fonds de pension jugent leurs dirigeants incompétents, ils devraient pouvoir voter ensemble pour les démettre de leurs fonctions.

Le président: Vous auriez pu simplement prendre des exemples de cas qui se sont produits ici même au Canada. Je me souviens que des prêts accordés à des entreprises au Canada, durant les années 70, correspondaient parfaitement à ce genre de prêts.

M. Bond: Y a-t-il eu des prêts de ce genre dans les années 70?

Le président: Professeur Levi, je me rends compte que nous avons posé toutes les questions au professeur Bond. Désirez-vous dire quelque chose avant que nous ne terminions?

M. Maurice Levi, Faculté du commerce et de l'administration, Université de la Colombie-Britannique: Honorables sénateurs, je me présenterai en vous disant que je suis, comme le professeur Bond, l'auteur d'un manuel sur les services financiers internationaux. Cet ouvrage, publié par McGraw-Hill, fait autorité dans les collèges et universités.

Je m'attarderai aux services financiers internationaux et, plus particulièrement, aux activités hors-bilan des banques de compensation. À mon avis, il s'agit d'un domaine exclusif à nos grandes banques de compensation. Nous ne pouvons pas compter sur la concurrence des quasi-banques et institutions d'autres niveaux. Je traiterai plus précisément du change des monnaies, des lettres de créance, de l'acceptation de traites, de leur transformation en effets acceptés par les banques et des recouvrements des comptes clients étrangers. Ces activités comportent des coûts énormes qui représentent des fractions considérables de la marge bénéficiaire brute des petites et moyennes entreprises lorsqu'elles font des affaires sur les marchés internationaux. Je crois que nous devrions nous attarder à ce domaine car il affiche une croissance importante de l'emploi.

Je parlerai d'abord du change des monnaies. Le marché interbancaire a des caractéristiques qui lui sont propres. Je le définis comme un processus décentralisé et continu d'adjudication publique. Les mots à retenir sont «adjudication publique». Il s'agit de marchés de banque à banque, où le soumissionnaire doit accepter de proposer un prix, après quoi chacun est appelé à en faire autant. Cette activité comporte un risque élevé de tenue de marché aux fins des opérations de change, de sorte que nous n'avons aucune autre participation à quelqu'autre niveau que ce soit dans ce secteur d'activité au Canada, si ce n'est celle des banques de compensation. Même la principale coopérative de crédit de cette ville pratique le commerce par l'intermédiaire de courtiers au lieu d'assurer elle-même la tenue de marché.

La chose est importante car il s'agit d'un niveau très concurrentiel et les coûts sont extrêmement faibles. Si vous examinez les écarts entre l'achat et la vente des taux de change, ils sont parfois de l'ordre d'un dixième de un p. 100. Je vous dirai tout à l'heure ce qui s'est produit dans le cas d'un chèque pour droits d'auteur que j'ai touché pour ce manuel et que j'ai présenté à deux banques. Il s'agissait d'un chèque de 7 000 $ et j'ai vérifié les deux taux de change. J'avais alors le document sous les yeux. Le taux moyen était de 1,54 p. 100. Le taux à l'achat était de 1,52 p. 100 et le taux de vente sur le dollar américain se situait à 1,56 p. 100. J'ai dit que je trouvais l'écart plutôt important, mais on m'a répondu que c'était le taux en vigueur. J'ai vérifié dans une seconde banque et j'ai constaté que c'était la même chose. Cet écart représentait un montant de 280 $ sur un chèque de 7 000 $. Si ce montant correspond au coût d'achat et de vente, puisqu'il s'agissait d'achat et de vente, l'achat d'un chèque coûtait un peu plus de 200 $ canadiens. Je lierai plus tard cette question aux coûts et profits des petites entreprises qui n'ont d'autre choix que la banque de compensation pour vendre et acheter des devises.

En principe, les fusions de banques devraient engendrer des économies de coûts considérables dans les opérations de change. Un coût fixe très élevé fait obstacle à la venue d'autres participants aux autres niveaux. Ce coût fixe nécessite l'existence d'une salle de marché et la présence de personnes qui font des marchés et tiennent une comptabilité. Je ne vois pas la nécessité, pour des banques fusionnées, de conserver leurs effectifs à leur niveau actuel puisqu'elles auront une seule salle de marché pour leurs opérations de change. Elles exploiteront une salle qui sera l'équivalent de celle qui sera exploitée pour la paire la plus importante. Il en résultera une économie de coûts majeure. Les consommateurs bénéficieront-ils de cette économie de coûts?

Dans le cas de mon chèque de 7 000 $, il s'agissait simplement d'envoyer un message électronique ordonnant le transfert de ce montant du compte de McGraw-Hill, qui m'avait fait le chèque, dans le compte de la banque qui avait acheté mes fonds. Ces fonds n'ont pas été vendus; ils ne se sont pas retrouvés sur le marché des changes. Les institutions ont recours à cette pratique pour la vente de gros, tout en suivant les fluctuations de leurs réserves de devises. Cette simple transaction électronique m'a coûté 200 $.

La marge bénéficiaire brute doit être considérable. J'invite les membres du comité à réfléchir à ces frais. Les écarts font depuis longtemps partie des opérations de change. Ils remontent à l'époque biblique. Rappelez-vous lorsque Jésus a renversé les tables des changeurs de monnaie. Si vous examinez les coûts de chaque transaction, comme je le fais avec mes étudiants, vous constaterez que les montants en cause sont très peu élevés. Ils correspondent simplement au coût de compensation, aux États-Unis, de sommes échangées entre deux déposants. À mes yeux, ça ne vaut pas 200 $.

Le sénateur Oliver: S'agit-il d'un écart courant dans l'industrie?

M. Levi: C'était l'écart qui correspondait à un montant de 7 000 $. Un de mes amis voulait encaisser un chèque en dollars américains. Je lui ai proposé de le déposer dans mon compte. Je vous donnerai un exemple d'un montant plus élevé, 15 000 $, et nous verrons quel était l'écart dans ce cas. L'écart était exactement le même; la conversion de ce chèque aurait donc coûté environ 400 $. Nous avons vérifié auprès de deux banques.

Si votre entreprise comporte uniquement des entrées et des sorties de capitaux, vous pouvez choisir de maintenir un compte en devises étrangères, mais si vous faites dans les exportations et que vous avez des salaires à payer au Canada en monnaie canadienne, vous devez vendre vos fonds.

Des frais de conversion de 2 p. 100 peuvent sembler relativement faibles et, effectivement, le pourcentage va en diminuant. Le niveau suivant se situe à 25 000 $ et le pourcentage applicable baisse sensiblement. On m'a dit qu'à partir de ce montant, je pouvais négocier avec la banque. Elle n'a cependant pas négocié dans le cas de mon chèque. Si vous exploitez une entreprise qui a une marge de 8 p. 100, comme la concurrence est la règle vous pouvez fabriquer un produit et le vendre 8 p. 100 plus cher; deux p. 100 représentent 25 p. 100 de votre marge. Cela n'incite guère les entreprises à faire des affaires sur le marché international.

Le problème se pose également dans le cas des autres devises, y compris le dollar américain, mais cela représente 80 p. 100 de nos activités. Cela nous pose un obstacle important. C'est un domaine où nous n'avons guère le choix et où la création de succursales impose des limites. Une petite entreprise à Peachland, par exemple, n'aura guère de choix que de s'adresse à la succursale bancaire de sa localité pour vendre ou acheter des devises. Je passerai rapidement à cette question et parlerai de l'autre aspect du commerce, celui des importations, qui repose sur le crédit. Le crédit remonte loin dans l'histoire du commerce d'importation. J'ai l'habitude de dire à mes étudiants que l'histoire du Marchand de Venise porte en fait sur la difficulté d'obtenir du crédit commercial. De nos jours, il est possible d'obtenir du crédit au moyen d'une lettre de crédit émise par une banque.

Cette institution doit cependant avoir une excellente réputation. Une lettre de crédit présentée à une entreprise étrangère indique que la banque garantit le crédit de l'entreprise qui y est désignée. La lettre doit avoir été délivrée par une banque reconnue, sinon elle devra également être confirmée dans l'autre endroit. Cela peut entraîner des coûts élevés aux petites entreprises. Je ne peux pas m'adresser à VanCity ou à Richmond Savings pour obtenir la lettre de crédit dont j'ai besoin pour faire des exportations. Il s'agit d'une activité hors du bilan de la banque, comme les opérations de change. Je suppose qu'il s'agit d'une activité hors-bilan très lucrative, qui pose cependant un obstacle aux sociétés de négoce et aux particuliers qui pratiquent cette activité au Canada, à moins, bien sûr, de disposer d'autres solutions viables.

Les grandes entreprises peuvent s'adresser à l'étranger pour obtenir ces deux services. Elles peuvent avoir recours à des banques étrangères. Une très grande entreprise peut évidemment magasiner sur le marché du change et s'adresser à une banque de Chicago, avoir recours à la Banque Harris et utiliser ses relations avec la Banque de Montréal et elle obtiendra probablement un meilleur prix. Un de mes voisins fabrique des arbres de transmission pour navire. Son entreprise est installée dans l'État de Washington. Il empoche des revenus en dollars américains, sans avoir à supporter les coûts de conversion en dollars américains. Il a cependant des coûts à supporter pour faire des affaires de l'autre côté de la frontière.

Je parlerai maintenant d'une autre activité, pour laquelle on ne peut pas compter sur la concurrence des quasi-banques pour assurer sa compétitivité; il s'agit d'un domaine où un nombre moindre de banques donne lieu, selon moi, à une plus concentration plus poussée. Cette activité est l'acceptation de traites commerciales. Une acceptation bancaire s'applique à une lettre de commerce qui constitue un chèque de paiement destiné à l'exportateur. L'exportateur doit financer la production des biens et souhaite vendre la lettre de commerce à rabais sur le marché. Bien entendu, comme il s'agit simplement d'une lettre de commerce émise par une société commerciale, l'importateur, il ne s'agit pas d'une traite très sure. L'importateur va donc demander à une banque d'accepter cette lettre, mais il devra débourser un certain montant pour cela. Quatre-vingt-quinze p. 100 des acceptations bancaires concernent des lettres de commerce. Il ne s'agit pas seulement d'un billet de trésorerie de société émis faisant l'objet d'une acceptation bancaire. Le fait d'accepter le document en vue de le vendre n'offre pas de grandes possibilités.

Comme dans le cas des autres activités dont j'ai parlé, les entreprises n'ont guère d'autre choix que de s'adresser à leur banque de compensation pour faire accepter des traites destinées à être vendues. Cela constitue un très important moyen de financement des sociétés d'exportation, un financement fondé sur l'offre. Supposons qu'une société vend un bien; ce bien doit être livré. L'entreprise obtient sa traite; elle dispose d'un crédit commercial. Cette façon de procéder est normale pour un exportateur. L'entreprise recevra une traite à terme. L'entreprise accorde trois mois à l'acheteur pour payer, afin que ce dernier ait le temps de vendre le produit fourni par l'entreprise et d'en tirer un revenu. L'entreprise a cependant besoin de l'argent immédiatement pour produire des biens; elle doit donc vendre la traite à terme, laquelle doit être acceptée. Les frais d'acceptation peuvent poser un obstacle si la marge de choix n'est pas très étendue. Là encore, les grandes entreprises peuvent probablement se tirer d'affaire assez facilement.

La situation est la même pour les services de recouvrement dans le cas d'une petite entreprise qui veut encaisser des fonds. La banque destinataire et la banque d'encaissement doivent effectuer des transactions internationales. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je suppose que le comité a tenté de comprendre comment les banques font leurs profits. Je ne me suis pas attardé aux activités de dépôt et de prêt des banques car je présume que j'ai une possibilité de choix à cet égard. Je peux m'adresser à l'institution de mon choix pour obtenir un prêt hypothécaire ou effecteur des dépôts. Je ne crois pas qu'il y ait de possibilités de choix pour les transactions de ce genre dans le cas des petites et moyennes entreprises.

Le président: Je vous remercie de votre exposé. La question n'a jamais été soulevée devant le comité. Vos propos nous sont très utiles. La question qui vient logiquement à l'esprit est la suivante: quelle politique gouvernementale offre la solution à ce problème. Je ne vois pas le gouvernement en train de réglementer les écarts; ce serait intervenir dans la microgestion de premier niveau. Nous aimerions que vous y réfléchissiez et en parliez à notre attaché de recherches, M. Glodstein, afin de savoir s'il est possible de résoudre ce problème par une politique gouvernementale. Vous avez assurément mis le doit sur ce qui constitue un obstacle majeur à l'accès des petites entreprises canadiennes au marché des exportations. Vous avez également dit, à juste titre, que ces entreprises se heurtent à des difficultés d'accès considérables. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour y remédier. Vos idées pourraient nous être utiles.

M. Levi: Je crois surtout que nous avons besoin de concurrence. Si ces services faisaient l'objet d'un libre accès, le prix que je paierais me paraîtrait équitable.

Le président: Vous reconnaîtrez sans doute qu'il ne nous appartient pas de faire de la microgestion en tentant de réglementer les écarts par un quelconque système de contrôle des prix.

M. Levi: J'ai obtenu mon doctorat à l'Université de Chicago, une institution qui prône le libre marché.

La séance est levée.


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