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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 34 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


VANCOUVER, le mercredi 28 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 14 heures pour discuter de la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nos premiers témoins cet après-midi représentent la Credit Union Central of British Columbia. Nous avons avec nous M. Wayne Nygren, président-directeur général de la Credit Union Central, et M. Richard Thomas, vice-président, Relations gouvernementales, et secrétaire général.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, nous avons entendu le témoignage de représentants des coopératives de crédit au début de nos audiences à Ottawa. Le PDG de la Centrale des caisses de crédit a comparu avec celui de la VanCity Credit Union, la plus grosse coopérative de crédit au Canada. Lorsque nous étions à Saskatoon, nous avons entendu le témoignage des Centrales des caisses de crédit de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Le rapport du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur des services financiers canadien renferme un certain nombre de recommandations qui conféreraient des pouvoirs et des possibilités organisationnelles supplémentaires aux coopératives de crédit de manière à leur permettre, en réalité, de se transformer en banques. Elles seraient intéressées à devenir un type particulier de banque, mais elles acquerraient néanmoins un grand nombre des pouvoirs d'une banque. Je tiens à vous rappeler les témoignages que nous avons entendus de même que les recommandations du rapport MacKay.

Monsieur Nygren, monsieur Thomas, je vous remercie infiniment d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Veuillez nous présenter vos déclarations préliminaires, après quoi, comme d'habitude, mes collègues seront ravis de vous poser leurs questions.

M. Wayne Nygren, président et chef de la direction, Credit Union Central of British Columbia: Honorables sénateurs, je siège au conseil d'administration de la Centrale des caisses de crédit du Canada et je suis président du comité législatif national de la Centrale. Je siège aussi au conseil d'administration de l'Association canadienne des paiements. Je suis accompagné de Richard Thomas, vice-président des Relations gouvernementales et secrétaire général, qui fait lui aussi partie du comité législatif national de la Centrale des caisses de crédit du Canada.

J'aimerais tout d'abord vous décrire le mouvement des coopératives de crédit de la Colombie-Britannique. Créé il y a 60 ans, ce mouvement a aujourd'hui des actifs de 21 milliards de dollars. Nous desservons 1,4 million de membres en Colombie-Britannique. Environ un tiers de la population est membre de coopératives de crédit. Nous avons 335 emplacements et des succursales dans 125 collectivités différentes. Ensemble, les coopératives de crédit exploitent 418 GAB. En Colombie-Britannique, il y a 28 collectivités où la seule institution financière est une coopérative de crédit. Le nombre des coopératives a culminé à 328 en 1961. Il a diminué presque chaque année depuis et nous en comptons maintenant 86.

Depuis 1961, le nombre de nos membres a sextuplé et nos actifs se sont multipliés par 80. Aujourd'hui, les coopératives de crédit et leurs filiales comptent plus de 7 000 employés en Colombie-Britannique et représentent probablement l'un des principaux employeurs de la province.

Toutes les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique n'ont peut-être pas la taille qu'il faut pour offrir tous les services financiers dont leurs membres ont besoin, mais elles sont de plus en plus nombreuses à pouvoir le faire. Les coopératives de crédit offrent non seulement une gamme complète de services de dépôts et de prêts, mais aussi des cartes de crédit, des services de fiducie, des fonds communs de placement, des services de courtage et, par l'entremise de leurs filiales à 100 p. 100, des assurances-incendie, accidents, risques divers et de l'assurance-vie. Aujourd'hui, les coopératives de crédit exploitent 36 filiales d'assurance.

La Centrale des caisses de crédit sert de banque centrale et d'association professionnelle aux coopératives de crédit. Nous avons aussi une organisation appelée la Stabilization Central of British Columbia qui s'occupe des coopératives de crédit qui éprouvent des difficultés financières et qui ont un problème quelconque de gouvernement d'entreprise. Cette fonction était auparavant exercée par une organisation du gouvernement. Elle a maintenant été confiée à la Centrale de stabilisation.

À l'échelle nationale, la Credit Union Central de la Colombie-Britannique détient environ 30 p. 100 des actifs. Environ 40 p. 100 des transactions électroniques passent par les coopératives de crédit. Le conseil d'administration de la Centrale du Canada compte 11 membres, dont trois proviennent de la Centrale de la Colombie-Britannique.

Laissez-moi maintenant vous parler du groupe de travail MacKay, parce que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, je pense. Nous avons examiné le rapport du groupe de travail MacKay et nous nous sommes demandé ce qu'il veut dire pour nous. Harold MacKay et son groupe de travail ont dégagé quatre grands thèmes: premièrement, renforcer la concurrence et la compétitivité; deuxièmement, accroître le pouvoir du consommateur; troisièmement, répondre aux attentes des Canadiens; et, quatrièmement, améliorer le cadre réglementaire à l'intérieur duquel les institutions financières évoluent. Nous ne pouvons que féliciter le groupe de travail MacKay de la rigueur de son rapport.

Le gouvernement ne peut pas créer une série d'institutions financières de deuxième rang à coups de lois, mais les coopératives de crédit se sont développées au Canada et sont devenues les principales concurrentes des banques à charte. Si nous examinons le rapport MacKay et les répercussions de l'entrée de banques étrangères, nous constatons que la seule concurrence légitime à l'heure actuelle serait celle des coopératives de crédit, étant donné surtout leur réseau de distribution au Canada.

Je dirais qu'il y a probablement trois questions principales sur lesquelles le secteur des coopératives de crédit doit se pencher. La première est celle du développement et de la prestation de produits et de services. Nous devons trouver des moyens meilleurs et plus rapides de développer et d'offrir des produits. La deuxième question est celle du coût. La troisième concerne l'image. Quel genre d'image projetons-nous aux Canadiens? Chacune de ces questions doit être examinée à la lumière des changements structurels qui sont actuellement envisagés.

Je pense que nous avons bien su décrire les scénarios auxquels nous songeons lors de notre première comparution devant le comité. Nous examinons actuellement trois scénarios: un de gros et deux de détail.

Dans le scénario de gros, nous examinons la possibilité pour les centrales de resserrer leurs liens fonctionnels. Autrement dit, si nous unissions nos forces, y a-t-il des choses que nous pourrions faire d'un point de vue fonctionnel qui font que ce serait plus facile et plus efficace pour les coopératives de crédit qui veulent demeurer indépendantes ou celles qui voudraient avoir une charte communautaire ou fédérale?

Nous ne nous arrêtons pas uniquement aux questions fonctionnelles. Nous nous demandons aussi s'il serait possible d'arriver un jour à réunir les bilans de toutes les centrales provinciales pour former une organisation fonctionnelle, que nous procédions individuellement ou globalement pour l'ensemble du pays.

Il y a le gros, mais il y a aussi le détail. Au niveau du détail, nous envisageons deux scénarios. Une solution consisterait à améliorer notre système actuel. Autrement dit, les coopératives de crédit peuvent-elles demeurer des coopératives de crédit et pourraient-elles être plus efficaces et efficientes pour ce qui est de la prestation des services? Nous essayons de voir en quoi l'organisation de gros pourrait leur être utile.

Le deuxième scénario de détail est la création d'une institution nationale appelée une banque communautaire. Ce sont là les deux scénarios de détail. Un modèle de gros que nous envisageons concerne les centrales qui seraient réunies sur le plan fonctionnel ou à l'aide des bilans. Selon ce scénario, nous offririons des services de gros aux différentes coopératives de crédit ou à la nouvelle banque communautaire qui pourrait être créée.

Nous avons ensuite deux solutions de rechange pour le détail. La première consisterait pour les coopératives de crédit à demeurer indépendantes et à faire mieux et l'autre, à créer une banque communautaire du Canada. Nous essayons d'ajuster les coûts et la prestation des produits et services et nous essayons de régler la question de l'image.

De toute évidence, la plupart des coopératives de crédit attachent beaucoup de prix à leur autonomie, à leur capacité de servir la communauté locale et à leur créneau. C'est très important pour elles. Ces coopératives de crédit ne sont pas des banques et ne tiennent pas à le devenir, mais elles sont prêtes à engager des dépenses administratives supplémentaires si c'est là le prix à payer pour cette autonomie.

Pour régler la question des coûts et de l'image, nous examinons les moyens que les coopératives de crédit pourraient prendre pour avoir une image plus distincte et être plus présentes pour les membres. Ces moyens englobent un examen de notre image de marque et la promotion de produits et services plus homogènes. Ils nécessiteront une plus grande coopération entre les 800 coopératives de crédit de notre pays.

Le deuxième scénario de détail consiste en la création d'une coopérative financière de détail nationale ou banque communautaire. C'est l'approche que préconisent une dizaine de coopératives de crédit qui la considèrent comme le meilleur moyen de mettre les produits et services en marché et de prendre des décisions. Elles reconnaissent que la création d'une institution nationale unique réduirait leur marge de manoeuvre pour le développement de produits et services, ainsi que leur caractère unique et leur autonomie. Il semble que ce soit le prix qu'elles sont prêtes à payer en échange d'une identité plus homogène et d'une structure opérationnelle plus efficiente.

Ce sont là les deux questions que nous examinons. Nous espérons être en mesure d'arriver à un consensus et de faire connaître notre position à ce sujet à Ottawa d'ici la fin de l'année.

Monsieur le président, j'ai remarqué que vous souscriviez à la recommandation du groupe de travail que des modifications soient apportées à la Loi sur les associations coopératives de crédit. Ces modifications permettraient aux coopératives de crédit centrales de mieux servir leurs membres grâce à la révision de la définition du mot «contrôle» aux fins de l'article 390 et à la révision du Règlement sur les placements minoritaires, conformément à cet article de la Loi sur les associations coopératives de crédit.

Généralement parlant, les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique sont de fières partisanes d'une plus grande concurrence dans le secteur des services financiers. Il est vrai qu'il n'y a pas d'institution financière au Canada qui soit plus entrepreneuriale que les coopératives de crédit. C'est pourquoi nous appuyons la recommandation du groupe de travail de trouver de nouveaux moyens de faciliter l'accès des institutions nationales et étrangères au marché des services financiers canadien.

Une plus grande concurrence est dans l'intérêt des Canadiens. Nous croyons que ce devrait être la pierre angulaire de toute décision prise par le gouvernement fédéral au sujet de la modification des lois applicables aux institutions financières ou de la fusion des institutions financières. Nous croyons également que les gouvernements et les organismes de réglementation devraient appliquer rigoureusement les lois qui interdisent les pratiques anticoncurrentielles.

Des lois interdisent les ventes liées aux institutions financières de la Colombie-Britannique, autres que les banques à charte, depuis 1990. Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir récemment inclus des dispositions semblables dans la Loi sur les banques. Cela dit, nous tenons à faire ressortir la différence nette entre l'interdistribution et les ventes liées. La première est une pratique commerciale acceptable et doit le demeurer, une pratique qui peut et devrait profiter aux consommateurs. Quant aux ventes liées, elles devraient être interdites.

Nous souscrivons aux recommandations du groupe de travail selon lesquelles les gouvernements fédéral et provinciaux devraient chercher à éliminer les chevauchements en matière réglementaire tout en veillant à ce qu'un cadre réglementaire prudent suive l'évolution du marché.

Par ailleurs, les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique n'appuient pas l'harmonisation. Celle-ci peut déboucher sur une réglementation en fonction du plus petit dénominateur commun. Les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique jouissent peut-être depuis huit ans de la loi la plus large, la plus habilitante et la plus souple applicable aux institutions financières au Canada.

Si le gouvernement au pouvoir avait simplement choisi d'harmoniser la législation avec celle d'autres gouvernements, les coopératives de crédit ne seraient pas autorisées à vendre de l'assurance au détail par l'entremise de filiales, à s'occuper de crédit-bail automobile ni à offrir un certain nombre d'autres services financiers. Nous croyons que c'est ce qui fait notre force depuis un certain nombre d'années. Nous croyons que cette loi doit favoriser la concurrence et l'innovation, pas les restreindre.

Le président: Au dernier paragraphe de vos observations préliminaires, vous soulevez la question de l'harmonisation. Par «harmonisation», je suppose que vous voulez parler de pouvoirs comparables pour toutes les institutions du secteur des services financiers. Autrement dit, si on ne peut pas vendre d'assurance au détail à un endroit, on ne devrait pas pouvoir en vendre ailleurs. Est-ce exact?

M. Nygren: C'est exact.

Le président: Je présume que vous ne verriez aucun inconvénient à l'harmonisation si elle se faisait dans l'autre sens; s'il y avait harmonisation avec l'institution qui a les plus vastes pouvoirs possibles. En d'autres mots, si certaines activités pouvaient être permises là où elles ne le sont pas actuellement.

M. Nygren: Il faut regarder l'ensemble du tableau et vous avez raison à bien des égards. Nous l'avons passé en revue et nous avons essayé de voir nos réalisations en Colombie-Britannique. Si vous examinez le contexte réglementaire dans lequel des lois habilitantes ont été adoptées -- je pense, par exemple, au Québec et à la Saskatchewan -- vous verrez que les coopératives de crédit y sont très fortes. C'est pourquoi il est important pour nous que la réglementation ne se fasse pas en fonction du plus petit dénominateur commun.

Le président: Ce n'est donc pas l'harmonisation qui pose un problème pour vous -- c'est le plus petit dénominateur commun?

M. Nygren: C'est probablement vrai à bien des points de vue. Nous avons constaté que ce n'est pas ce qui arrive habituellement, toutefois, lorsqu'il y a harmonisation. Elle se fait dans le sens du plus petit dénominateur commun.

Le président: Le comité serait tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il ne faudrait pas interdire l'interdistribution, c'est-à-dire la vente réciproque de différents services à prix réduit. Par contre, les ventes liées avec coercition sont de toute évidence une chose qu'il faudrait interdire. Tout comme les organismes de réglementation et les responsables de l'élaboration des politiques gouvernementales, le comité se demande comment empêcher l'une sans empêcher l'autre.

Un témoin que nous avons entendu ce matin a utilisé une phrase intrigante qui en dit long lorsqu'il a parlé des ventes liées implicites. Ce témoin a fait partie du groupe de travail de la Colombie-Britannique sur les fusions de banques. Il a indiqué que les ventes liées implicites ne se faisaient pas par des moyens coercitifs en ce sens qu'on ne menace pas un client de ne pas lui accorder de prêt s'il n'achète pas de police d'assurance. On lui suggère gentiment que ce serait une bonne idée qu'il achète cette police d'assurance. Il est difficile de parler de coercition dans ce cas-là, mais elle est de toute évidence implicite.

Des milliers de transactions se font chaque jour au Canada. Où fixer la limite? Comment offrir aux gens les avantages de la vente réciproque, ou de ce que vous appelez l'interdistribution, sans les exposer à des ventes liées avec coercition? Quelles mesures prendre sur le marché, à part dire que c'est interdit?

M. Richard Thomas, vice-président, Relations gouvernementales, et secrétaire général, Credit Union Central of British Columbia: Vous avez raison, sénateur, c'est une question très difficile. Il y a plus de 20 ans que nous essayons de la régler en Colombie-Britannique. Que faire dans le cas de la coercition implicite? C'est un peu comme si on demandait à un homme s'il est toujours violent envers sa femme. C'est comme se battre contre des fantômes.

Une personne peut interpréter une suggestion ou une offre d'une manière et quelqu'un d'autre tout à fait différemment. Tout ce que je peux vous dire, c'est que jamais au cours des 20 dernières années l'organisme de réglementation de notre province n'a reçu une plainte selon laquelle les coopératives de crédit se seraient livrées de cette manière à des ventes liées d'assurance. On ne s'est jamais plaint de la façon dont les coopératives de crédit vendaient de l'assurance au détail par l'intermédiaire de leurs filiales sans passer par quelqu'un de l'industrie des assurances. C'est un argument impossible à prouver.

Le président: Vous comprendrez notre frustration lorsque des gens comme vous nous disent qu'ils n'ont pas d'exemple à nous donner. L'ombudsman des banques a comparu devant nous ce matin et nous a dit qu'il y avait eu deux ou trois cas l'année dernière. Pourtant, vous avez toutes sortes d'anecdotes à nous raconter qui nous laissent croire le contraire. C'est frustrant, parce que ça pose un problème et nous ne savons pas comment le régler. C'est pourquoi je vous ai posé la question.

Le sénateur Callbeck: Pour en revenir à la question des ventes liées, vous avez dit dans votre exposé que vous félicitiez le gouvernement fédéral d'avoir modifié la Loi sur les banques, il y a à peu près un mois. Au moins un témoin nous a dit que les dispositions en question ne sont pas assez rigoureuses. Qu'en pensez-vous?

M. Thomas: La nouvelle loi a été promulguée il y a un mois seulement: c'est dont difficile à dire. Le président a parlé d'anecdotes et on en a certainement raconté dans la presse populaire au sujet des banques et de leurs opérations sur valeurs mobilières. Il faudra atteindre de voir ce qui va arriver. Je crois personnellement que le libellé de la Loi sur les banques est suffisant. Bien souvent, ce n'est pas la loi elle-même qui pose un problème -- c'est la façon dont elle est interprétée et administrée. Je vous dirais donc qu'il faudra attendre de voir ce qui va arriver.

Le sénateur Callbeck: Il ne fait aucun doute que le rapport du groupe de travail MacKay contient plusieurs recommandations qui aideront grandement les coopératives de crédit. Y a-t-il des questions qui n'ont pas été abordées ou des recommandations que vous auriez aimé voir dans le rapport du groupe de travail?

M. Nygren: Nous avons travaillé en collaboration très étroite avec le groupe de travail.

Le sénateur Callbeck: Ma dernière question porte sur le mouvement des coopératives de crédit au Canada atlantique. Il n'est certainement pas aussi fort qu'en Colombie-Britannique. Si les recommandations du groupe de travail étaient adoptées, pensez-vous que le mouvement pourrait un jour être aussi populaire au Canada atlantique que dans l'Ouest du Canada?

M. Nygren: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, parce que je ne connais pas la culture ni les valeurs du Canada atlantique. Tout ce que je peux vous dire, c'est que si la loi encourageait le développement des coopératives de crédit et si le gouvernement les appuyait en les autorisant à offrir différents services, je ne vois pas pourquoi elles ne pourraient pas prospérer et s'épanouir au Canada atlantique.

M. Thomas: Ces chiffres sont relatifs, mais je crois que l'an dernier la croissance des coopératives de crédit à l'Île-du-Prince-Édouard a dépassé la croissance nationale dans toutes les autres provinces. Elles ont une clientèle beaucoup plus petite, mais les coopératives de crédit des Maritimes, surtout de l'Île-du-Prince-Édouard, ont eu une année particulièrement bonne.

Le sénateur Kroft: Votre mémoire contient des chiffres intéressants qui montrent la diminution du nombre des coopératives de crédit en Colombie-Britannique depuis 1961. Est-ce qu'elle est attribuable à des fusions ou regroupements des coopératives de crédit existantes?

M. Nygren: Cette diminution est attribuable en grande partie à des fusions, des regroupements et des accords-ventes. Elle est attribuable dans la grande majorité des cas aux décisions prises par les différents conseils d'administration.

Le sénateur Kroft: Dans le climat actuel, je me demande quelles leçons nous pourrions tirer de l'expérience de l'industrie. Quelles ont été les répercussions de ces fusions et regroupements sur les coûts, l'emploi et le service à la clientèle? Y a-t-il quelque chose qui pourrait nous aider à répondre à certaines des questions avec lesquelles nous sommes actuellement aux prises?

M. Nygren: De manière générale, et je dis bien de manière générale parce que chaque cas est différent, les coûts de fonctionnement ont diminué tandis que les niveaux de services ont augmenté dans l'ensemble. Pour ce qui est de l'emploi, je suppose qu'on pourrait probablement s'en tirer avec moins de gens, mais je ne peux pas vraiment dire. Autant que je sache, dans la plupart des cas où il y a eu des fusions, des garanties d'emploi ont été données.

M. Thomas: Je ne suis pas certain qu'on puisse établir un parallèle entre les fusions de coopératives de crédit au cours des 30 dernières années et les fusions proposées des banques.

Le sénateur Kroft: Je n'allais pas pousser la comparaison aussi loin.

M. Thomas: Dans la plupart des cas, ces coopératives de crédit ne se faisaient probablement pas concurrence. Dans bien des cas, la seule institution d'une ville a fusionné avec une plus grosse. Ce n'est pas comme si deux ou trois institutions d'une même collectivité fusionnaient et que des emplois étaient supprimés dans cette collectivité.

Le sénateur Kroft: Les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique peuvent vendre de l'assurance-vie et des assurances multirisques. Pouvez-vous nous donner une idée de la part du marché qu'elles détiennent dans chacun de ces secteurs?

M. Thomas: Non, je ne connais pas assez bien le marché pour pouvoir répondre à cette question. Tout dépend des cas évidemment. Pacific Savings à Victoria a une filiale d'assurance très forte, très rentable et très florissante et je pense que c'est l'un des plus gros détaillants d'assurance de l'ICBC dans la ville de Victoria. La situation est très différente d'une région à l'autre de la province.

M. Nygren: Je dirais que nous sommes probablement l'un des plus grands détaillants d'assurance dans la province, un des principaux joueurs.

Le sénateur Kroft: D'assurance-vie et d'assurances multirisques?

M. Nygren: Je ne suis pas certain dans le cas de l'assurance-vie.

M. Thomas: Nous vendons surtout des assurances multirisques.

Le président: Pourriez-vous avoir un réseau? Autrement dit, pourriez-vous utiliser l'information obtenue de clients qui viennent vous voir pour ce que j'appellerais des services bancaires de base, y compris un prêt, pour essayer de leur vendre de l'assurance?

M. Thomas: Pourrions-nous le faire? Oui. Sommes-nous autorisés à le faire? Non. La loi nous interdit d'utiliser cette information. Même avec le consentement écrit du client, nous ne pouvons pas l'utiliser pour passer d'une transaction à une autre, si l'une de ces transactions a trait à des assurances incendie, accidents, risques divers.

Le président: Vous pouvez cependant vendre de l'assurance dans vos succursales?

M. Thomas: Les coopératives de crédit qui étaient propriétaires de compagnies d'assurance avant 1988 jouissent de droits acquis.

Le président: C'est un problème de droits acquis. Depuis 1988, les établissements autres que les sociétés d'assurance ne peuvent pas en vendre. Est-ce exact?

M. Thomas: Non. Tous ceux qui vendaient de l'assurance avant 1988 peuvent en vendre dans un endroit différent de la succursale.

M. Nygren: Des locaux séparés.

M. Thomas: Depuis 1988, nous sommes autorisés à vendre de l'assurance, mais la compagnie doit occuper des locaux distincts de ceux des services «bancaires» de la coopérative de crédit.

Le président: Cette condition est en fait la même que celle qui s'appliquerait à une banque en vertu de la législation fédérale?

M. Thomas: Oui. La question que vous devez vous poser est la suivante: si c'est un crime si horrible, pourquoi avons-nous des droits acquis? Ça ne semble pas poser de problème.

Le président: Autrement dit, les institutions qui jouissent de droits acquis n'ont pas réussi à écraser les courtiers en assurances multirisques de leur région, comme on nous l'a dit maintes et maintes fois?

M. Thomas: Non.

Le président: Je suis désolé, sénateur Kroft. Je voulais être sûr de bien comprendre où les limites ont été fixées.

Le sénateur Kroft: J'ai trouvé votre intervention très utile, monsieur le président. Vous avez très clairement défini deux scénarios pour lesquels les coopératives de crédit pourraient opter et c'est la décision avec laquelle chaque conseil d'administration sera aux prises dans les mois à venir.

Une solution, comme vous l'avez dit, consisterait pour les coopératives de crédit à conserver leur indépendance. L'autre serait d'aller dans le sens d'une institution nationale plus grosse.

M. Nygren: C'est exact et la discussion va bon train quant à l'orientation que nous allons nous donner. Il y a un certain nombre de coopératives de crédit qui veulent demeurer des coopératives de crédit; elles croient pouvoir survivre et prospérer si elles apportent des améliorations, travaillent en plus étroite collaboration, coopèrent davantage entre elles et développent plus de produits ensemble. L'autonomie compte beaucoup pour elles, tout comme leur collectivité.

L'autre école de pensée -- et il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse -- voudrait qu'il y ait une organisation financière nationale. Ces coopératives croient pouvoir unir leurs forces, continuer à travailler comme des coopératives à l'échelle communautaire et pourtant devenir plus efficaces. Il y a deux écoles de pensée.

Le sénateur Kroft: D'après les témoignages que nous avons entendus ce matin, il semblerait que chaque école de pensée soit assez grande pour pouvoir faire ce qu'elle souhaite. Ce que je veux dire, c'est que les coopératives de crédit qui souhaitent former une association nationale devraient pouvoir le faire sans l'aide de tout le monde. Celles qui préféreraient conserver un caractère local pourraient probablement le faire aussi.

M. Nygren: Nous procédons actuellement à des analyses de rentabilisation. Il semblerait que chacune des options soit rentable et réalisable, à la condition de régler tous les détails et de définir les liens qui existeraient entre les deux de même que les liens avec l'organisation de gros. De toute évidence, ça n'a pas encore été fait. Le contexte réglementaire dans lequel les coopératives évolueront toutes n'a pas été précisé. Nous avons l'impression que ces deux options pourraient être couronnées de succès, sinon nous abandonnerions la partie.

Le sénateur Kroft: Le rapport du groupe de travail renferme-t-il des propositions et des incitatifs qui sont de nature à encourager la création d'une organisation nationale, ou d'autres solutions s'imposent-elles selon vous?

M. Nygren: Il faut revoir la loi. En principe, il pourrait y avoir création d'une coopérative nationale, mais reste à savoir comment la loi va s'appliquer.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis de la province de Québec, et le Mouvement Desjardins est l'institution qui a probablement la plus large part du marché au Québec.

L'an dernier, le Mouvement Desjardins a fait quelque 2 000 mises à pieds. L'une des raisons que le Mouvement Desjardins a invoquées était l'implantation des nouvelles technologies, et je suppose que parmi ces technologies, il y a les guichets automatiques et divers services qui peuvent être offerts par les services de télémarketing.

Ce matin, le ministre Waddell nous a parlé de sa grande préoccupation quant à la fusion des grandes banques, qui pourrait entraîner la fermeture de succursales et de nombreuses mises à pied. Vos membres s'inquiètent-ils de la possibilité de ces fermetures et est-ce que votre organisation, en procédant à la modernisation de ces installations, a effectué des mises à pied dans l'année qui a précédé cette rencontre?

[Traduction]

M. Nygren: Nous avons pu moderniser nos installations en Colombie-Britannique. Grâce aux fusions, nous avons pu élargir la gamme de nos activités. Par exemple, nous offrons maintenant des services de courtage et des fonds communs de placement en plus de vendre de l'assurance. Nous comptons des centaines d'employés de plus et nous n'avons pas été obligés de faire des mises à pied. Nous avons pu nous restructurer de manière à réduire nos coûts.

Il se peut que des emplois aient disparu dans un secteur en particulier, mais le nombre des employés des coopératives de crédit a augmenté au cours des dernières années. C'est en raison des services supplémentaires que nous avons pu commencer à offrir grâce à notre restructuration. La technologie a éliminé des emplois dans certains secteurs, mais elle nous a permis de nous diversifier de sorte que nous avons créé plus d'emplois que nous avons dû en éliminer.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Vos clients sont-ils inquiets au niveau local? Avez-vous reçu des remarques de la part de vos membres vous disant qu'ils vont devenir vos prisonniers puisqu'il peut arriver que vous soyiez, dans certaines régions, la seule institution financière? Si les banques décidaient de fermer des succursales à la suite de ces fusions, vos gens se sentiraient-ils prisonniers et n'auraient-ils qu'une porte d'entrée pour obtenir du financement?

Avez-vous entendu, à travers la province où vous effectuez des opérations, des inquiétudes de la part de vos clients?

[Traduction]

M. Nygren: Nos clients n'ont pas l'air de s'inquiéter, surtout parce que nous sommes la seule institution financière dans 28 localités. Dans bien des cas, nous nous y sommes implantés après le départ des banques.

À dire vrai, un certain nombre de coopératives de crédit ont exprimé leurs inquiétudes au sujet d'éventuelles mises à pied. Cela nous préoccupe nous aussi parce que les coopératives de crédit font partie intégrante de leurs collectivités. Ce sont les collectivités qui font leur force -- elles en ont besoin pour survivre -- de sorte qu'il n'est pas dans leur intérêt de faire des mises à pied et de se restructurer pour finir par offrir une piètre qualité de service. Notre défi a toujours été de maintenir nos niveaux d'emplois. Si nos employés ne peuvent pas conserver les emplois qu'ils occupaient auparavant, nous pouvons au moins leur confier de nouvelles fonctions.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: L'une des suggestions, et je ne sais pas si vous avez déjà entamé ce processus, c'est un partenariat que vous pourriez établir avec la Société canadienne des postes, c'est-à-dire que vous pourriez partager un espace de travail avec des bureaux de postes locaux pour offrir vos services. Si cette ouverture se faisait sur une base générale dans la province, votre mouvement serait-il intéressé à préparer une soumission pour opérer dans des bureaux de postes, afin de ne pas avoir à défrayer des coûts importants pour l'ouverture d'une nouvelle succursale?

[Traduction]

M. Nygren: Nous avons certes examiné toutes les options. Il en a été question -- qu'il s'agisse de la Société canadienne des postes ou d'une banque de développement. Il y a toutes sortes de solutions et nous sommes ouverts à toutes les suggestions de partenariat qui nous permettraient d'offrir nos services plus efficacement et de réduire les coûts pour nos membres.

Il semblerait logique de partager des locaux pour différentes raisons. Nous ne trouvons rien à redire à cette idée et nous travaillons en collaboration étroite avec les diverses parties dans un certain nombre de ces secteurs.

Le sénateur Kelleher: Si les coopératives de crédit étaient officiellement autorisées à offrir des services bancaires, il faudrait une nouvelle loi. Connaissant le gouvernement -- n'importe quel gouvernement -- cela pourrait prendre un certain temps. Je ne veux pas faire de politique ici, mais ça me préoccupe.

Si le gouvernement fédéral autorisait les fusions, pensez-vous qu'il faudrait attendre l'adoption d'une nouvelle loi avant que les banques fusionnées puissent démarrer? Quelle serait votre préférence?

M. Nygren: Monsieur le sénateur, voulez-vous parler d'une loi qui porterait création d'une banque communautaire nationale?

Le sénateur Kelleher: Oui.

M. Nygren: Nous examinons actuellement la loi, ainsi que les analyses de rentabilisation qui ont été faites, pour voir si la loi fonctionne. Nous essayons de voir quels sont les problèmes et nous vous demandons s'il y aurait certaines contraintes. Lorsque nous aurons terminé notre analyse -- à laquelle participeront, nous l'espérons, nos délégués des coopératives de crédit -- nous saurons mieux ce que la loi comporte, quels sont les obstacles et ce que nous pouvons faire.

Le sénateur Kelleher: Ma question n'était peut-être pas assez claire. Ce qui m'inquiète, c'est que le Parlement ne peut pas adopter une loi du jour au lendemain, comme vous le savez bien. Il pourrait falloir un an ou deux pour adopter une loi autorisant les coopératives de crédit à offrir des services bancaires.

Le gouvernement doit aussi, et c'est une question distincte, s'occuper de la proposition de fusion des banques. Si les fusions étaient approuvées, les quatre banques visées devraient-elles pouvoir mettre leurs plans de fusion à exécution avant l'adoption d'une loi autorisant les coopératives de crédit à offrir des services bancaires?

M. Nygren: Ce serait difficile à accepter pour nous.

Le sénateur Kelleher: Que préféreriez-vous?

M. Nygren: C'est une question assez vaste, parce que tout dépendrait des conditions des fusions. Ce serait difficile pour nous si les banques fusionnaient et devenaient un supermarché financier tandis que nous tomberions dans l'oubli. Ce serait difficile pour nous à accepter et ce serait probablement insatisfaisant.

Le sénateur Kelleher: C'est ce que je voulais entendre.

J'ai remarqué que vous faites partie du conseil d'administration de l'Association canadienne des paiements. Il en est beaucoup question dans le rapport MacKay et nous en avons également beaucoup entendu parler. Comme vous le savez, différentes organisations veulent avoir accès à l'ACP. Le comité aimerait beaucoup savoir ce que vous pensez des recommandations MacKay à ce sujet et avoir vos vues sur l'élargissement de l'accès à l'Association canadienne des paiements.

M. Nygren: Je suis d'accord avec la commission MacKay. Le conseil de l'Association canadienne des paiements n'a jamais rien eu contre un plus grand accès. La question est de savoir à quelles conditions cet accès sera autorisé: pas à des conditions égales, mais à des conditions équitables. Nous avons la responsabilité à titre de conseil d'appliquer des règles de prudence.

Je vous parle à titre de membre individuel du conseil pour le moment, parce que vous m'avez demandé mon avis personnel. Je considère que les organisations qui ont accès au système de paiement devraient être réglementées. Elles doivent avoir les liquidités voulues pour accepter les paiements.

Le conseil se penche actuellement sur deux questions. Le comité a-t-il entendu le témoignage de Bob Hammond à ce sujet?

Le président: Oui. Le président et le président du conseil d'administration de l'Association canadienne des paiements ont comparu devant nous.

M. Nygren: Les deux questions que nous examinons sont celles de l'accès et du gouvernement d'entreprise -- comment il faut gouverner. À l'heure actuelle, le conseil d'administration se compose de 11 membres, et ce depuis 1979. Nous avons des administrateurs de cinq grandes banques et cinq administrateurs indépendants qui représentent notamment les coopératives de crédit, les succursales du Trésor de l'Alberta et les sociétés de fiducie. Les banques sont en train d'acheter les sociétés de fiducie de sorte qu'il ne reste plus que les coopératives de crédit. Il y a cinq administrateurs des banques et cinq d'institutions autres que les banques, et la Banque du Canada fait fonction de président. Autrement dit, c'est la Banque du Canada qui chapeaute cet organisme.

Ce sont les changements dans le secteur des services financiers, la dissolution des sociétés de fiducie et les diverses façons dont les affaires ont évolué qui nous ont amenés à nous pencher sur toute la question du gouvernement d'entreprise. Pour nous, il est essentiel de savoir si nous aurons ou non des administrateurs indépendants, combien nous en aurons et où dans tout ça se situent les associations de consommateurs, les associations de marchands ou les maisons de courtage et les sociétés de fonds mutuels.

Ils veulent tous avoir accès à l'Association canadienne des paiements. Je n'y vois pas d'inconvénient, dans la mesure où nous pouvons établir certaines règles et certains règlements et faire preuve de prudence pour qu'ils puissent respecter leurs engagements. Il doit y avoir des règlements ou exister un organisme de réglementation du moins pour ce qui est de la compensation.

Le sénateur Kelleher: Je crois savoir que certaines personnes qui cherchent à avoir accès au système se trouvent pour le moment en dehors du régime de réglementation. Est-ce exact?

M. Nygren: Je ne sais pas au juste quel type de régime réglementaire nous aimerions avoir. Nous parlons de finances pour le moment. Tout ce que nous disons, c'est qu'il faut qu'il y ait des mesures de sécurité en place pour la protection de ceux qui assument la responsabilité des paiements. Je suis cependant d'accord avec le groupe de travail MacKay et je suis en faveur de l'ouverture du système.

Le président: Je me demandais si nous pouvions revenir à l'assurance. Combien de compagnies d'assurances multirisques se sont vu accorder des droits acquis -- c'est-à-dire qui vendaient des assurances multirisques dans les succursales avant 1988 -- cinq ou six ou une dizaine?

M. Thomas: Je dirais que le chiffre se rapproche davantage de 24 ou 26 parmi les 36 institutions qui sont maintenant propriétaires de compagnies d'assurance.

Le président: Quel pourcentage du marché les cinq ou six plus grosses détiennent-elles dans leurs collectivités locales?

Je vous pose la question parce qu'on n'arrête pas de nous dire que si les institutions de dépôts étaient autorisées à vendre de l'assurance, elles domineraient immédiatement le marché. Nous avons la preuve que les caisses populaires du Québec ne détiennent que 11 p. 100 du marché après dix années d'efforts. J'aimerais que vous me disiez si vous êtes d'accord ou si les sombres prédictions des courtiers d'assurances multirisques sont exactes. J'aimerais jeter un coup d'oeil sur vos données.

M. Thomas: Si nous en avons, nous vous les fournirons. Le territoire de VanCity, notre plus grosse coopérative de crédit, va d'ici à Chilliwack et je ne sais pas au juste comment nous pourrions mesurer sa part du marché.

M. Nygren: Nous pouvons procéder par institution.

Le président: Vendez-vous de l'assurance-vie?

M. Thomas: Oui, certaines coopératives de crédit en vendent par l'entremise de leurs compagnies d'assurance.

Le président: Elles font fonction de courtiers pour des compagnies d'assurance-vie?

M. Nygren: Oui. Elles ne sont pas elles-mêmes assureurs. Ce sont des courtiers.

Le président: Et la Compagnie d'assurance Co-operators, à qui les coopératives de crédit en général sont affiliées, ne vend que de l'assurance de choses et de l'assurance-risques divers. Est-ce exact?

M. Nygren: Non, elle vend de l'assurance-vie.

Le président: Elle ne vend pas ses produits par l'entremise de vos coopératives de crédit?

M. Nygren: Oui.

Le président: Lorsque vous dites que seulement certaines coopératives de crédit vendent de l'assurance-vie, est-ce que parce que les autres ont choisi de ne pas en vendre ou parce que la loi le leur interdit?

M. Thomas: C'est par choix.

Le président: Donc, elles pourraient vendre de l'assurance-vie?

M. Nygren: Oui.

Le président: Je suis désolé de vous demander autant de détails, mais c'est important pour nous pour avoir une meilleure idée du tableau d'ensemble. Les institutions qui vendent de l'assurance-vie peuvent-elles en vendre dans leurs succursales ou est-ce comme les assurances multirisques qui doivent être vendues dans des locaux différents?

M. Thomas: Toute l'assurance est vendue par l'intermédiaire de la filiale de la compagnie d'assurance. S'il y a des droits acquis, l'assurance peut être vendue sur les lieux, autrement elle doit l'être dans les locaux de la filiale de la compagnie d'assurance. La coopérative de crédit elle-même ne peut pas selon la loi vendre des assurances multirisques ni de l'assurance-vie.

Le président: Est-ce que j'ai raison de penser que la coopérative de crédit n'a pas le droit de divulguer de l'information aux clients qui achètent soit de l'assurance-vie soit des assurances multirisques. Est-ce exact?

M. Thomas: Avec le consentement écrit d'un client, l'information peut être transmise entre la coopérative de crédit et la compagnie en ce qui concerne l'assurance-vie.

Le président: Mais pas les assurances multirisques?

M. Thomas: Non, vous avez raison.

Le président: Avez-vous déjà entendu l'argument selon lequel un client s'était senti implicitement obligé, par opposition à ouvertement contraint, à donner son approbation?

M. Thomas: Comme je l'ai dit tout à l'heure, autant que je sache, les seules plaintes à l'organisme de réglementation de la province au cours des 20 dernières années provenaient de quelqu'un qui avait en quelque sorte des liens avec le milieu des courtiers d'assurances. Il y a cinq ans, j'aurais pu compter les plaintes sur les doigts de la main. Je ne sais pas quel en serait le nombre exact aujourd'hui.

Le président: Vous occupez-vous de crédit-bail automobile?

M. Thomas: Oui.

Le président: Les coopératives de crédit en général offrent-elles du crédit-bail?

M. Thomas: Pas en général. Non. Un certain nombre d'entre elles s'occupent de crédit-bail, mais ce n'est pas un service qu'elles offrent généralement.

Le président: À votre connaissance, cela a-t-il eu une incidence négative sur le marché du crédit-bail automobile dans les collectivités où les coopératives de crédit s'occupent de crédit-bail automobile?

M. Thomas: Pas à ma connaissance.

M. Nygren: Pas autant que nous sachions.

Le président: Il n'y a donc pas eu de plainte de concessionnaires automobiles dans ces régions?

M. Thomas: Pas à ma connaissance.

Le président: Quel pourcentage des dépôts les coopératives de crédit détiennent-elles en Colombie-Britannique?

M. Nygren: Il est difficile de répondre à cette question avec précision, mais je peux vous donner certains exemples. Commençons par les actifs -- les hypothèques résidentielles, par exemple. Environ une hypothèque sur quatre est accordée par une coopérative de crédit.

Le président: Autrement dit, 25 p. 100.

M. Nygren: À peu près 31 p. 100 des REER sont achetés auprès de coopératives de crédit. Elles détiennent environ 22 p. 100 des dépôts généraux et d'autres dépôts à vue. Les pourcentages varient en fonction des produits.

Le président: J'essaie de voir si je peux tirer une conclusion de toutes vos réponses. Si vous n'êtes pas d'accord avec moi, veuillez le dire. C'est important. Vous êtes de toute évidence un joueur important.

M. Nygren: Nous représentons le plus gros réseau financier de la province.

Le président: Vous êtes le joueur le plus important parce que personne d'autre ne s'approche de 25 p. 100. Donc, le plus gros joueur peut vendre de l'assurance-vie, s'occuper de crédit-bail automobile et vendre des assurances multirisques. Cela n'a pas entraîné l'effondrement du marché du crédit-bail automobile, du marché du courtage d'assurances multirisques ni du marché du courtage d'assurance-vie. Il n'y a pas grand monde non plus qui s'est plaint de ce que vous ne devriez pas pouvoir le faire. Est-ce un résumé juste?

M. Nygren: Oui.

Le président: Vous pouvez comprendre pourquoi je vous pose ces questions. Votre témoignage contredit en tous points celui de l'industrie automobile et de l'industrie du courtage. Vous avez dix années d'expérience de ce marché et je dois en conclure que votre témoignage doit bien valoir quelque chose.

M. Thomas: C'est une question d'échelle. Nos avoirs en Colombie-Britannique s'élèvent au total à 21 milliards de dollars tandis que ceux des cinq plus grandes banques sont supérieurs à 200 milliards de dollars. Si elles pouvaient accaparer une part de ce marché, j'imagine qu'elles feraient probablement un plus gros plouf que nous dans l'eau. Votre résumé est exact.

Le président: Nous entendrons maintenant des témoins de l'Institut Fraser.

M. Jason Clemens, analyste des politiques: Honorables sénateurs, notre présentation comportera deux volets. Nous allons d'une part vous résumer notre étude, qui porte tout particulièrement sur les fusions bancaires proposées, et d'autre part, commenter le rapport du groupe de travail MacKay.

Notre étude est consacrée à la nécessité d'examiner les fusions proposées dans le contexte de leur «disputabilité». Pour définir le cadre d'examen des effets de ces fusions sur la concurrence, nous estimons qu'il faut d'abord se demander si, oui ou non, nous nous trouvons dans un marché pouvant être disputé. Nous avons recueilli de nombreuses données sur les diverses études réalisées au sujet du système financier au Canada et nous en avons conclu que le marché était relativement disputable, ce qui est conforme aux recommandations contenues dans le rapport MacKay.

Le président: Pourriez-vous nous définir exactement ce que vous entendez par «disputabilité»?

M. Clemens: La disputabilité peut se définir en fonction des obstacles à l'entrée. S'il n'y a aucun obstacle qui empêche une entreprise de s'implanter sur un marché, on dit qu'il s'agit d'un marché disputable. Les travaux de Baumol, et d'autres, reposent sur le principe selon lequel, quand on parle de concurrence, il s'agit en réalité de savoir si le marché est disputable. Nous parlons de disputabilité, par opposition à la notion selon laquelle il faut 1 000 ou 2 000 entreprises offrant le même produit.

D'après les conclusions de la grande majorité de ces chercheurs, la concurrence résulte en réalité de l'absence d'obstacles à l'entrée sur le marché. Lorsqu'un segment du marché, ou l'ensemble du marché, présente un haut niveau de rentabilité, les nouvelles entreprises peuvent s'y implanter et essayer d'y réussir. C'est dans ce cadre général que nous avons situé notre étude. Nous nous sommes intéressés tout particulièrement au rôle de la technologie. Nous pourrons vous fournir un exemplaire de l'étude.

En ce qui concerne les cinq grandes banques, il faut bien comprendre que le nombre de banques canadiennes est déjà à la baisse. Quand on tient compte du nombre de succursales internationales, de même que de succursales de sociétés de fiducie qui ont été intégrées au système bancaire sous la houlette des cinq grandes banques, on se rend compte que le nombre de succursales est à la baisse.

Le président: De succursales canadiennes?

M. Clemens: Oui, de succursales canadiennes. Leur nombre est passé, depuis dix ans, de 6 192 à 5 664. En même temps, le nombre de guichets automatiques des cinq grandes banques est passé de 4 373 à 13 291, ce qui représente une augmentation de 204 p. 100 sur cette période de dix ans.

Mais ce qui est plus important encore, pour ce qui est des raisons pour lesquelles nous sommes d'avis que la fusion est une façon efficace de rationaliser le système bancaire, c'est que le processus actuel de rationalisation est fonction de la population. Pendant que la population augmentait, ces dix dernières années, le réseau bancaire rétrécissait.

Il y a deux choses en cause. La population augmente, et le nombre de succursales diminue. Il est clair que c'est tout simplement le résultat d'une substitution technologique. Les cinq grandes banques comptent, ensemble, 5,8 millions de clients inscrits qui font leurs transactions bancaires par téléphone, et 1,6 million qui les font sur Internet. Et je parle seulement des cinq grandes.

Nous avons examiné dans le cadre de notre étude certains joueurs plus petits qui offrent également des services bancaires par téléphone ou par Internet. Il est important de comprendre l'effet de ces services sur la population. En dix ans, le nombre de clients par succursale a augmenté de 12,5 p. 100. En même temps, le nombre de clients par guichet automatique a diminué de 63 p. 100. Il y a clairement eu substitution. Le nombre de clients par succursale augmente parce que le réseau ne s'étend pas en même temps que la population s'accroît, tandis que le nombre de guichets automatiques, lui, augmente plus vite que la population. Il en résulte un meilleur service et une souplesse accrue quant à l'endroit où chacun décide d'aller pour obtenir des services bancaires.

Nous insistons dans notre étude sur le fait que cela va au-delà des simples transactions bancaires, qui consistent par exemple à encaisser un chèque ou à faire un retrait. Les transactions de ce genre peuvent se faire par téléphone ou par Internet, tout comme les transactions orientées vers la vente. Le temps de réponse est comparable, que cela se fasse à une succursale, par téléphone ou par Internet.

Nous insistons clairement, dans une partie de notre document, sur les effets de la technologie sur les pratiques bancaires traditionnelles. La façon la plus efficace de rationaliser le réseau de succursales, étant donné que le secteur des services bancaires s'oriente de plus en plus vers la technologie, c'est de réaliser une fusion.

Les chiffres qui ont été cités au sujet de l'emploi dans diverses études ne tiennent pas toujours compte de tout. Dans notre étude, nous avons tenu compte des équivalents temps plein. Ce que notre étude a démontré, c'est que les cinq grandes banques ont enregistré depuis dix ans un gain net en termes d'emplois, malgré la grave récession de 1992, et malgré l'intégration de maisons de courtage et de sociétés de fiducie. De plus, les salaires réels ont diminué. Nous constatons qu'il y a eu substitution technologique en même temps qu'une hausse des salaires et du niveau d'emploi.

Soit dit en passant, d'après mon expérience personnelle dans le secteur bancaire, cette situation a permis une plus grande mobilité ascendante. Dans la succursale où j'ai débuté il y a dix ans, il y avait huit caissiers et deux préposés aux ventes. Maintenant, c'est presque l'opposé. Il y a trois ou quatre caissiers, et cinq ou six préposés aux ventes qui s'occupent de toutes sortes de choses, depuis les REER jusqu'aux hypothèques, en passant par les marges de crédit.

Nous constatons également la même chose qu'en Nouvelle-Zélande, à savoir que le secteur bancaire devient de plus en plus mobile. Les gens qui travaillent pour une institution donnée ne sont plus confinés à une succursale, mais plutôt à une région. C'est un phénomène récent, que nous ne voyions pas auparavant. Tout passait par la succursale. Nous soutenons dans notre étude que c'est une conséquence directe de la substitution technologique.

Pour ce qui est des données importantes sur les économies que les fusions permettraient de réaliser, je vous renvoie à l'étude approfondie de Mathewson et Quigley, qui ont examiné la situation en Australie, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. Ils affirment que la rationalisation peut permettre d'économiser entre 20 et 30 p. 100 des coûts autres que les frais d'intérêt.

Par Canadien, ces chiffres se traduisent par des économies impressionnantes, soit entre 1 000 $ et 3 000 $ sur les dix prochaines années. Et globalement, ces gains d'efficience permettraient d'économiser entre 29,5 et 88,5 milliards de dollars, selon les chiffres retenus. Ces chiffres sont expliqués dans notre étude et dans celle de Mathewson et Quigley.

Les fusions pourraient donc entraîner des économies substantielles. Ce que nous n'avons pas mentionné dans notre document, mais que je voudrais inclure dans ma présentation, c'est que le processus de rationalisation et la fermeture de succursales permettent à certaines institutions spécialisées de s'implanter sur les marchés qui sont ainsi libérés. En supposant que chacune des cinq grandes banques ait eu une succursale sur un marché donné, et que deux de ces succursales soient fermées, cela permet de toute évidence à d'autres joueurs d'entrer sur ce marché et de le disputer aux autres banques, à condition que les obstacles à l'entrée soient supprimés. Ce qui m'amène à nos commentaires sur le rapport MacKay.

Nous avons assez bien accueilli le rapport MacKay et les recommandations qu'il contient, surtout au sujet de la disputabilité et de la concurrence. La suppression des obstacles, sur les plans intérieur et international, augmenterait la disputabilité du marché et la concurrence dans le secteur des services financiers au Canada.

Nous avons toutefois certaines réserves, dont la plupart portent sur ce que je qualifierais de questions périphériques dans le contexte du rapport MacKay. M. Mihlar va vous en parler.

Il faudra tenir compte de certaines de ces réserves dans l'application des recommandations du rapport MacKay. Il y a d'abord l'accès à l'Association canadienne des paiements et les indemnités à verser pour ses services. Il est clair qu'il faudra déterminer si les nouveaux membres de l'ACP devront indemniser les institutions qui ont développé cet organisme depuis ses débuts.

En outre, les recommandations sur la fusion des services d'assurance nécessiteront beaucoup de discussions, tant au niveau théorique que sur le plan de leur mise en oeuvre. Nous devons examiner les conséquences de la création d'un monopole pour l'assurance-dépôts. La recommandation portant sur l'imposition d'amendes et de pénalités serait coûteuse pour les directeurs et les administrateurs, parce qu'elle ne leur permettrait pas de répondre à l'évolution rapide du secteur des services financiers.

Dans l'ensemble, nous sommes extrêmement satisfaits des recommandations contenues dans le rapport MacKay parce qu'elles créeraient clairement une assise qui encouragerait le secteur des services financiers à aller de l'avant. Nous devrons prendre bientôt une décision cruciale sur le rôle futur de la technologie dans le secteur des services financiers. Les recommandations comme celles que contient le rapport MacKay sont donc importantes à cet égard.

Les auteurs du rapport MacKay se penchent brièvement sur la question accessoire du processus de réglementation. À l'heure actuelle, nous sommes désavantagés par rapport à nos concurrents américains. La fusion la plus importante et la plus lourde de conséquences dans le secteur des services financiers, entre la Citibank et la Traveler's, a été approuvée en cinq mois et demi. Elle a eu d'énormes conséquences tant aux États-Unis qu'au niveau international.

Il est certain qu'il faut redéfinir le système canadien et élargir la discussion au processus de réglementation, parce que l'examen du projet de fusion entre la Banque de Montréal et la Banque Royale en est maintenant à son neuvième mois. Nous croyons qu'il durera encore de six mois à un an, au moins. Nous tenons à insister sur le rôle de la technologie, sur la redondance de la conception traditionnelle des services bancaires et sur la nécessité d'examiner la question dans le contexte de la disputabilité, en se fondant sur les données rationnelles et empiriques disponibles au sujet du système.

M. Fazil Mihlar, directeur des études de réglementation: Le rapport MacKay recommande des pénalités, des amendes, des peines de prison ou d'autres sanctions pénales très lourdes pour les conseils d'administration et les sociétés elles-mêmes si elles n'atteignent pas certains objectifs.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que, comme tous les autres, le marché des services financiers est un marché dynamique. Par conséquent, les banques et les entreprises de services financiers devront réagir de manière à gérer leurs fonds avec prudence, compte tenu de l'évolution des conditions du marché. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'application de peines et d'amendes de ce genre serait problématique, de même que les restrictions relatives aux mouvements de fonds, à la fermeture de certaines opérations et à la mise à pied d'employés.

Les institutions bancaires ne pourront pas appliquer la règle de prudence si les conseils d'administration et les sociétés elles-mêmes sont passibles de peines et d'amendes de ce genre. C'est un aspect sur lequel votre comité devrait se pencher attentivement.

Le président: En gros, vous avez dit ceci: premièrement, le nombre de succursales est à la baisse. C'est vrai. Deuxièmement, le nombre de guichets automatiques augmente plus vite que le nombre de succursales diminue. Les gens changent leurs habitudes à cause de la technologie. Vous avez ensuite fait deux affirmations au sujet des fusions. Vous avez dit d'abord que, s'il y avait cinq succursales dans une région et que trois d'entre elles fermaient, il y aurait alors de la place pour d'autres institutions, par exemple pour une caisse de crédit locale.

Or, tous les témoins que nous avons entendus nous ont laissé entendre que l'obligation d'ouvrir une succursale est en soi un important obstacle à l'entrée, en ce sens que c'est extrêmement coûteux. Par conséquent, il est peu probable que le marché, pour employer votre propre terme, soit «disputable». Il ne risque guère d'y avoir un nouveau venu qui s'installe dans une région pour combler le vide laissé par la fermeture de deux ou trois succursales. D'après vous, est-ce que cela résume assez bien la situation?

Vous avez également parlé des centaines de millions de dollars qu'il serait possible d'économiser grâce aux gains d'efficience. Vous n'avez pas dit à qui profiteraient ces économies. Plusieurs personnes ont soulevé une question liée au mandat du Bureau de la concurrence. Ce qu'il faut se demander, c'est si ces économies seraient refilées aux consommateurs, en bout de ligne, ou si elles s'accumuleraient au profit des actionnaires des institutions qui les auraient réalisées.

En tant qu'économiste, vous pourriez fort bien me dire que la répartition de ces économies ne vous intéresse pas. Un des grands avantages de l'économie, c'est qu'elle laisse de côté la question la plus primordiale en politique, ce qui explique pourquoi il y a très peu d'économistes en politique. Il est clair que les effets distributifs de la politique gouvernementale sont aussi importants, pour ceux d'entre nous qui font de la politique, que les économies empiriques le sont pour les économistes.

Vous pourriez peut-être répondre à ces deux questions.

M. Mihlar: Une des façons de s'assurer que ces économies seront redistribuées à l'ensemble des consommateurs, c'est de faire en sorte que le marché soit disputable. Il faut supprimer les obstacles à l'entrée des institutions étrangères spécialisées, comme ING et Wells Fargo, pour que la simple éventualité de leur arrivée sur le marché constitue une menace.

La simple possibilité que de nouvelles institutions s'implantent ici obligera les banques à remettre une partie de ces économies aux consommateurs. Si vous ne laissez pas la concurrence s'exercer, qu'il s'agisse de banques canadiennes ou étrangères, les banques ne se comporteront certainement pas en enfants modèles. La seule façon de les y forcer, c'est de permettre à des institutions concurrentes de s'installer; cette menace les incitera certainement à redistribuer leurs économies.

Le président: Cela nous ramène à ma première question parce que ce n'est pas tout de permettre la concurrence; il faut aussi la favoriser. Le comité a entendu des témoignages d'institutions américaines et étrangères. Il ne faut pas se le cacher: les institutions étrangères ne semblent absolument pas intéressées à mettre en place un important réseau de succursales au Canada. Nous aurons beau assouplir les règles, cela n'y changera rien. Il arrive qu'on monte un spectacle et que personne ne vienne. C'est la vie.

Le sénateur Meighen: C'est un phénomène mondial.

Le président: En effet. Comme l'a fait remarquer le sénateur Meighen, les PDG de diverses grandes banques mondiales ont déclaré catégoriquement qu'il n'y a jamais eu, dans aucun pays au monde, un réseau de succursales de détail de quelque importance exploité par des intérêts étrangers.

Ce n'est pas que nous soyons contre une plus grande ouverture du marché. Nous sommes plutôt pour. Mais ce n'est pas cela qui va résoudre le problème que j'ai soulevé. Pouvez-me donner une autre réponse?

M. Clemens: Je suis d'accord avec vous pour ce qui est des probabilités qu'une institution étrangère vienne s'installer ici et qu'elle y mette en place des succursales traditionnelles. C'est exactement la raison pour laquelle nous avons dit que les fusions étaient une façon efficiente de rationaliser le secteur. Nous n'avons plus besoin de ces succursales traditionnelles pour les transactions courantes.

Je n'ai peut-être pas dit assez clairement que la possibilité que des entreprises viennent disputer ces marchés n'est pas fondée uniquement sur ces méthodes traditionnelles. Voyez ce que fait Wells Fargo dans le sud de l'Ontario. Elle règle tous ses prêts par téléphone. Elle a un service téléphonique au Colorado et n'est absolument pas présente physiquement dans le Sud de l'Ontario, ce qui lui donne un avantage, en termes de coûts, sur les banques canadiennes et sur ses autres concurrents.

Je répète que la concurrence est uniquement une question de disputabilité. Les institutions financières et non financières peuvent-elles s'implanter sans obstacles sur ces marchés spécialisés, sur ces marchés régionaux ou nationaux, et réussir à soutenir la concurrence aux mêmes niveaux que les banques canadiennes?

Une des banques britanniques qui connaît la croissance la plus rapide n'a pas une seule succursale. Tout se fait par voie électronique. Je dirais que l'élément moteur du dynamisme que nous constatons, c'est la technologie. Est-ce que les recommandations du groupe MacKay faciliteraient ce genre de concurrence?

Une de ces recommandations consiste à permettre aux institutions étrangères d'ouvrir des succursales ici, plutôt que des filiales. Il est clair que la suppression de cet obstacle augmenterait le niveau de concurrence ou de disputabilité. Les probabilités qu'une institution étrangère arrive ici et prenne le contrôle de toutes les succursales sont à peu près nulles à mon avis, étant donné que la plupart de ces succursales seraient fermées de toute façon parce qu'elles deviendraient redondantes.

Le sénateur Meighen: Je suis assez d'accord avec vous. Est-ce que les auteurs du rapport MacKay ont oublié quelque chose au sujet de la disputabilité, ou est-ce qu'on peut dire qu'ils sont sur la bonne voie?

M. Clemens: Je suis chercheur, et j'étudie ces questions depuis un certain temps, mais j'ai quand même été étonné de l'envergure du rapport MacKay.

Le sénateur Meighen: Alors, êtes-vous satisfait du rapport? Êtes-vous prêt à l'appuyer?

M. Clemens: J'approuve sans réserve les recommandations à caractère structurel contenues dans le rapport MacKay, en ce qui concerne leurs effets sur l'augmentation de la disputabilité et de la concurrence.

Le sénateur Meighen: Est-ce que nous devrions nous inquiéter à votre avis de la situation que vous avez évoquée, à savoir qu'une institution financière pourrait vendre un produit au Canada tout en demeurant complètement en dehors de nos frontières? Est-ce que cette institution serait soumise aux mêmes règles que les autres? Est-ce que cela augmenterait la disputabilité du marché?

M. Clemens: Vous voulez parler de Wells Fargo et de certaines autres entreprises?

Le sénateur Meighen: Oui.

M. Clemens: Les recommandations du rapport MacKay favoriseraient l'arrivée d'institutions spécialisées comme celles-là, ce qui est important. Dans le domaine des prêts aux petites entreprises, Wells Fargo s'est lancée tout particulièrement sur le marché des marges de crédit sans garantie de 75 000 $ ou moins. Nous ne demandons pas aux banques de faire la même chose, à cause du risque associé à ce genre de prêts.

Le sénateur Meighen: Qu'y a-t-il de mal à cela? Si le risque est élevé, pourquoi est-ce que le taux d'intérêt ne devrait pas l'être aussi?

M. Clemens: Je n'ai aucune objection à ce que Wells Fargo impose ce genre de taux, étant donné le marché. Ce que je dis, c'est que Wells Fargo s'est attaquée à un marché particulier, dans le domaine des prêts aux petites et moyennes entreprises, et que la technologie lui a facilité la chose. Les recommandations de nature structurelle contenues dans le rapport MacKay augmenteraient ce genre de disputabilité. Si Wells Fargo pouvait ouvrir une succursale au centre-ville de Toronto plutôt que d'avoir à créer une véritable filiale pour pouvoir faire des affaires au Canada, cela lui donnerait clairement une présence physique sur le marché torontois si elle le jugeait utile.

Le sénateur Meighen: Pourquoi est-ce que ce serait nécessaire?

M. Clemens: Certaines personnes soutiennent que cette présence physique facilite les ventes et les contacts personnels. C'est peut-être un créneau que la compagnie recherche. La société Finova s'est installée sur le marché immobilier de Toronto avec un portefeuille de 300 millions de dollars. Elle a déclaré qu'étant donné la nature de ce créneau, elle avait besoin d'être présente physiquement.

Les recommandations du rapport MacKay laissent suffisamment de souplesse et fixent les mêmes règles pour tout le monde, afin que chaque compagnie puisse déterminer quelle est la meilleure façon d'assurer sa mise en marché, que ce soit par une présence physique ou par des moyens plus technologiques.

Le sénateur Meighen: D'après ce que je peux voir, le créneau qu'exploite Wells Fargo s'est constitué à cause de la présence physique envahissante des banques canadiennes. Si elles fixent leurs taux en fonction du risque et qu'elles doivent un jour effectuer une saisie pour récupérer leur mise de fonds, il y aura des gens à la porte qui vont brandir des pancartes et leur crier des insultes. Peut-être que Wells Fargo fait bien mieux de continuer à exiger des taux d'intérêt très élevés sur les prêts très risqués et de rester au Colorado. Elle n'aura pas à répondre alors à ceux qui disent qu'elle exploite les gens. C'est un commentaire personnel; vous n'avez pas à y répondre.

J'ai une question à vous poser au sujet de l'entrée sur le marché d'un plus grand nombre de «joueurs», si vous me passez ce terme un peu ancien. Nous avons entendu M. Bond avant le dîner. À son avis, la façon de résoudre ce problème, c'est de permettre aux nouveaux concurrents étrangers d'avoir accès aux guichets automatiques. Il a dit, je pense, qu'il fallait maximiser l'utilisation de ces guichets. De cette façon, quel que soit l'établissement bancaire avec lequel je fais affaire, je pourrais me rendre à n'importe quel guichet automatique non seulement pour y retirer des fonds, mais également pour en déposer et pour effectuer les autres transactions que les guichets de ma propre banque me permettent de faire.

Premièrement, qu'est-ce que vous pensez de l'idée de supprimer cet obstacle? Deuxièmement, je ne comprends pas très bien comment les banques qui ont dépensé de l'argent pour mettre le réseau de guichets sur pied pourraient être indemnisées si n'importe qui pouvait arriver à la dernière minute et profiter de ce réseau.

M. Clemens: Nous n'avons pas examiné cette question, mais ce qui se passerait, c'est que les guichets n'appartiendraient plus à une banque en particulier. Il n'y aurait plus de guichets de la CIBC ou de la Banque TD, mais des guichets fournis par une entreprise indépendante, ce qui est à peu près ce qui se passe aux États-Unis. Il n'y a pas de réseau de ce genre au Canada. Autrement dit, quand vous allez au supermarché, le guichet que vous trouvez là-bas est fourni par une institution financière.

Je dirais qu'il faudrait examiner la structure de tarification. Il est clair que le fournisseur des guichets automatiques exigerait des frais des institutions financières, et ensuite des consommateurs. C'est exactement ce qui se passe aux États-Unis. Il y a à la fois des frais pour les transactions et des frais pour l'utilisation des guichets.

Le sénateur Meighen: Est-ce que ces frais d'utilisation visent à couvrir au moins en partie le coût de mise en place de ces guichets?

M. Clemens: Exactement. Je ne sais vraiment pas si cela faciliterait ou favoriserait les services bancaires électroniques. À l'heure actuelle, plus de la moitié des paiements de factures et des transactions par chèque traités par l'ACP se font par voie électronique. Nous nous éloignons de plus en plus du genre de transactions auxquelles M. Bond semble avoir fait allusion.

J'ignore à quel point un système de guichets communs serait efficace. Nous devons nous concentrer sur les technologies comme les systèmes de paiement direct, les systèmes de guichets automatiques plus perfectionnés, et certainement les services bancaires par téléphone et par Internet. La décision sur les fusions aura d'énormes conséquences sur le développement des services bancaires par Internet, ainsi que sur la prolifération de cartes intelligentes. Mais je ne sais pas quelles seraient exactement les répercussions de l'installation de guichets automatiques communs.

Le sénateur Meighen: Cela ne nous laisserait aucun moyen concret pour encourager plus de joueurs à offrir des services de détail dans tout le pays.

M. Clemens: Vous voulez parler de services bancaires de détail?

Le sénateur Meighen: Oui. On peut supposer que les nouveaux concurrents étrangers s'intéresseront seulement aux segments du marché les plus profitables, en limitant le plus possible leur présence ici.

M. Clemens: Dans les créneaux spécialisés, n'importe quel nouveau venu, qu'il soit canadien ou étranger, recherchera évidemment la rentabilité. Si la rentabilité était plus élevée, ou si un segment du marché était délaissé ou n'était pas desservi à la satisfaction des consommateurs qui le composent, il est évident que ces entreprises s'y intéresseraient.

J'ai parlé du développement des services bancaires électroniques. Je ne sais pas quelle pourrait être l'envergure d'un réseau de guichets communs, étant donné que le réseau actuel est déjà très bien implanté.

Le sénateur Oliver: Je voudrais vous féliciter pour l'excellent document que vous nous avez soumis. Avant de vous poser ma principale question, je voudrais poursuivre la discussion quelques instants sur les questions qu'a évoquées le sénateur Meighen au sujet de la technologie et de la pleine utilisation des guichets automatiques. Ni vous ni les gens qui nous ont fait cette présentation sur la pleine utilisation de ces appareils et sur la possibilité d'y effectuer des transactions bancaires ne nous ont parlé du facteur humain.

Il y au Canada un certain nombre de personnes âgées qui ne se servent pas de ce genre d'équipement pour leurs transactions bancaires courantes; ces gens-là n'aiment pas les guichets automatiques et refusent de s'en servir. J'aimerais avoir votre avis là-dessus. Si nous élaborons une politique au sujet d'une nouvelle structure financière pour le prochain millénaire, nous devons tenir compte de tous les Canadiens. Or, les données démographiques montrent que, d'ici 2005, il y aura quelques millions de personnes âgées de plus au Canada. Je ne sais pas si ces gens-là seront alors plus habitués à cette technologie, mais il me semble que nous devons en tenir compte. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Clemens: Je vous répondrai par deux brefs commentaires. Il y a d'abord le phénomène des services bancaires mobiles. J'ai déjà travaillé dans le Sud de l'Ontario, et nous avions là-bas des spécialistes qui se rendaient dans les foyers pour personnes âgées pour leur permettre de faire leurs transactions bancaires. Une bonne partie de ces efforts sont motivés par le fait que nous espérons assister à un niveau record de transferts de richesse entre les personnes âgées et les baby-boomers. Il s'agit d'un marché que le secteur des services financiers est clairement intéressé à desservir.

La prolifération des services bancaires mobiles répond aux besoins des personnes âgées. À bien des endroits, nous commençons aussi à voir des succursales spécialisées. La ville où je travaillais ne comptait que 200 000 habitants, mais nous avions deux succursales réservées exclusivement aux personnes âgées. Il n'y avait pas de files d'attente, et les clients n'avaient pas à rester debout. Les bureaux étaient accessibles aux gens qui se déplaçaient en fauteuil roulant ou qui avaient besoin d'autres aides à la mobilité. Ces succursales étaient parfaitement adaptées aux besoins des personnes âgées et aux services qu'elles exigent.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il certaines choses que nous devrions garder à l'esprit dans notre examen du rapport du groupe de travail, en ce qui concerne la protection des personnes âgées? Y a-t-il certaines choses que nous devrions recommander?

M. Clemens: Je répète que nous appuyons les conclusions du rapport MacKay. M. Mihlar a fait un commentaire intéressant devant la Chambre des communes, à savoir que beaucoup de clients veulent des services personnels. Ils ne veulent pas aller au guichet automatique ou se servir du téléphone.

Il est intéressant de souligner que la société Canada Trust occupe déjà ce créneau. Elle a de plus longues heures d'affaires que les autres et met l'accent sur le service à la clientèle. Il y a des exemples d'institutions financières et non financières qui détectent des possibilités de profits sur un marché donné et qui s'y installent.

Les recommandations touchant les changements structurels, dans le rapport MacKay, permettraient d'intensifier la concurrence. Mais je ne sais pas s'il faudrait des recommandations spécifiques pour faire la même chose en ce qui concerne les services aux personnes âgées.

M. Mihlar: Le marché répond déjà à certains des besoins des personnes âgées. À Victoria, par exemple, la banque est aménagée différemment des autres. Il y a des divans, des sièges confortables, du thé et des biscuits.

Le marché répond certainement aux besoins de certains groupes de consommateurs, et en particulier des personnes âgées. Chez Canada Trust, si vous voulez faire des transactions dans une succursale, vous pouvez le faire. Le marché va devoir s'adapter aux besoins de ce genre, parce que les personnes âgées ont de l'argent pour soutenir leurs exigences. Elles ont de l'argent en main, et c'est pourquoi le secteur bancaire va répondre à ces exigences.

Le sénateur Oliver: Ce qui m'a vraiment frappé quand j'ai lu le rapport du groupe de travail, c'est qu'il y a une foule de nouveaux domaines que les auteurs du rapport suggèrent de réglementer pour régler certains problèmes. Et ils ne proposent pas seulement de réglementer, mais aussi de légiférer dans certains cas pour imposer des amendes aux fautifs.

Il me semble que cela créerait un énorme fardeau réglementaire. Il y a deux paragraphes de votre rapport qui m'ont frappé tout particulièrement; je voudrais vous en lire trois phrases, que je vous demanderais de commenter. Vous avez dit à la page 5:

Une des plus importantes conclusions du rapport, c'est que la politique gouvernementale ne doit pas -- et ne peut pas -- présumer des stratégies commerciales. Cette affirmation reconnaît implicitement que, même si le secteur des services financiers a une importance capitale dans l'économie en raison de son rôle de facilitateur dans la répartition du capital, les institutions qui le composent n'en sont pas moins des sociétés privées dont le comportement est dicté par la maximisation des profits plutôt que par tout autre type d'objectif social.

Quelqu'un a dit ce matin que les banques devraient être considérées comme des sociétés d'utilité publique et que la politique gouvernementale devrait exiger la présence d'une succursale dans chaque petite région du Canada, que ce soit rentable ou non. Qu'en pensez-vous?

M. Clemens: Cela implique que les succursales qui ne sont pas rentables devraient demeurer ouvertes pour répondre à un impératif social. Mathewson et Quigley ont expliqué, plus clairement que je ne pourrais le faire, pourquoi ce serait bien la pire chose à faire pour le secteur des services financiers.

Je vous renvoie à l'étude que ces deux auteurs ont réalisée pour l'Institut C.D. Howe et dans laquelle ils affirment que, si nous voulons socialiser ou soutenir certains services, les transferts de fonds sont la façon la plus efficace de s'y prendre. La moins efficace, c'est d'adopter des lois obligeant les sociétés de services financiers à avoir des succursales dans certaines régions.

C'est une analyse très statique. Les choses changent -- l'économie change, les districts changent, les populations changent. Plus nous avons de souplesse dans le régime de réglementation, plus ces institutions financières et ces entreprises seront prêtes à réagir et à fournir les services qu'exigent les consommateurs.

Je ne vois pas ce que nous gagnerions en appliquant notre politique sociale par l'intermédiaire d'entreprises à but lucratif. Ce qu'il faut reconnaître, c'est que notre système financier est un des éléments forts de l'économie canadienne. Nous devrions être très fiers de ce que fait l'ACP. C'est probablement un des meilleurs systèmes de transfert au monde, sinon le meilleur.

Ce que nous disons, et ce sur quoi j'insiste tout particulièrement, c'est que les recommandations d'ordre structurel contenues dans le rapport MacKay favoriseraient dans le secteur un type de développement propice à la création d'emplois et à la hausse des salaires.

M. Mihlar: Le système bancaire est le dépositaire de l'argent que les Canadiens gagnent à la sueur de leur front, et il doit gérer cet argent avec prudence. Nous ne voulons pas lui imposer toutes sortes de responsabilités qui n'ont rien à voir avec la gestion prudente des fonds qui lui sont confiés, et la réalisation de bénéfices pour les actionnaires et les régimes de retraite. Les banques ne sont pas des organismes de services sociaux.

Évidemment, mon domaine, c'est l'économie. Je ne suis pas un homme politique et je n'ai pas d'électeurs à satisfaire. Mais nous devons nous assurer que nous n'alourdissons pas le fonctionnement des banques avec toute cette réglementation. Les banques ont versé l'an dernier 6,9 milliards de dollars en impôts, et 66 millions en dons de charité. C'est une façon de s'assurer qu'elles remettent de l'argent dans la communauté. Il faut le faire par voie monétaire, comme l'indiquent Quigley et Mathewson dans l'étude qu'ils ont réalisée pour l'Institut C.D. Howe, plutôt que d'intervenir sur le marché et d'étrangler les banques au point de nuire à leurs affaires.

Le sénateur Oliver: J'ai déjà dit à quatre de nos témoins que je ne voudrais surtout pas politiser une fonction commerciale. Un témoin nous a dit qu'il ne devrait pas être possible d'aller en appel devant le Cabinet, comme c'est le cas pour les décisions du CRTC. Dans votre étude, vous parlez des extraordinaires pouvoirs discrétionnaires dont dispose le ministre, qui aura à prendre la décision ultime au sujet des fusions. Vous dites:

Les auteurs du rapport n'expliquent pas non plus pourquoi le ministre des Finances doit avoir le pouvoir ultime d'approuver les fusions bancaires.

Avez-vous trouvé d'autres recommandations, dans le rapport MacKay, qui semblent accorder au ministre des pouvoirs discrétionnaires exceptionnellement étendus, peut-être même trop? En donnant ainsi le dernier mot au ministre, est-ce que nous politiserions cette fonction?

M. Clemens: Non. Ce paragraphe porte sur les contraintes de temps, et aussi sur le fait qu'il y a certains parallèles entre notre système et le système américain. Il y a environ 165 succursales sur le point d'être vendues dans le cadre de la fusion entre la Nations Bank et la First America. Il est clair que la nature de cette fusion justifiait des désinvestissements, mais il reste que la fusion a été approuvée en l'espace de quatre mois et demi et qu'elle va donner naissance à la plus grande banque commerciale aux États-Unis. Or, nous en sommes au neuvième mois de notre examen des fusions proposées ici, et il n'y a pas encore eu d'audiences sur la question.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous blâmez le ministre des Finances? Il ne peut rien faire avant d'avoir obtenu le point de vue du BSIF, du Bureau de la concurrence et des autres, et leurs rapports ne sont pas encore prêts. Pourquoi en blâmer le ministre?

M. Clemens: Le groupe MacKay suggère de modifier le régime de réglementation pour le simplifier et lui permettre de mieux répondre aux contraintes de temps. Mais, comme nous l'avons fait remarquer, il ne définit pas le rôle du ministre.

Aux États-Unis, c'est un rôle d'arbitre. Ce que nous avons voulu mettre en relief, c'est que la raison d'être de l'intervention du ministre n'est pas expliquée clairement, étant donné qu'il existe déjà deux organismes compétents qui sont en mesure de produire des rapports à la fois sur les effets des fusions quant à l'application de la règle de prudence par les banques et sur l'efficacité de la concurrence. Nous sommes d'avis qu'il faut en discuter. Il ne suffit pas de décrire ou d'expliquer le rôle du ministre; il faut en discuter, et se demander quelle est l'utilité de lui accorder un rôle aussi prépondérant.

Le sénateur Kroft: Je voudrais revenir quelques instants à la question de la disputabilité. Vous nous avez appris un mot nouveau, mais c'est un concept sur lequel nous nous penchons régulièrement, sous un angle ou sous un autre, depuis le début de nos travaux. Pouvez-vous me citer des chiffres précis sur les gains que des sociétés d'avant-garde comme Wells Fargo ou ING, ou n'importe quelle autre, ont réalisés? Nous sommes impressionnés par leurs méthodes et par les choses extraordinaires qu'elles réussissent à faire à partir d'un petit local de 10 pieds carrés ou d'une banque-mère à Denver. Mais que savons-nous vraiment des gains substantiels et permanents qu'elles ont réalisés?

M. Clemens: Baumol et Demsetz, dans leur importante étude sur la disputabilité, ne mettent pas l'accent sur les sociétés qui sont arrivées sur le marché, mais plutôt sur l'absence d'obstacles à leur entrée. Demsetz a examiné le secteur des entreprises de services publics et s'est rendu compte que le véritable obstacle à la concurrence, ce n'est pas qu'il n'y a pas dix fournisseurs différents de services publics, mais plutôt que le régime de réglementation empêche d'offrir des services de remplacement. La compagnie qui a le monopole peut faire tout ce qu'elle veut parce qu'elle ne risque pas d'avoir de la concurrence. La disputabilité doit être envisagée en termes d'absence ou de présence d'obstacles à l'entrée.

Chacune des banques de l'Annexe II occupe un créneau spécialisé. La Banque Hongkong du Canada est de loin la plus grosse banque de l'Annexe II, et elle n'est véritablement présente qu'en Colombie-Britannique et en Ontario. Environ 99 p. 100 de ses succursales se trouvent dans ces deux provinces. Il est important que n'importe quelle institution financière puisse disputer aux autres un marché donné.

Le sénateur Kroft: La notion de disputabilité repose donc sur l'absence d'obstacles. Permettez-moi de passer en revue certains des éléments dont nous avons entendu parler au cours de nos audiences. Il y a notamment la question de la technologie.

J'ai passé toute ma vie dans les affaires. Nous devons tous faire des transactions bancaires dans notre vie personnelle, et nous le faisons de plus en plus grâce aux moyens technologiques. Mais quand il faut prendre d'importantes décisions d'affaires, à quelque niveau que ce soit, il me semble que les rapports avec la banque prennent encore en grande partie la forme de rencontres individuelles. C'est grâce à ces rencontres que mon banquier peut comprendre ce que je veux faire et que je peux avoir une idée des options qu'il m'offre.

Les moyens électroniques ne peuvent pas remplacer ce contact personnel, et je n'ai rien entendu au cours du dernier mois qui me laisse croire le contraire. Pour moi, c'est encore -- et de loin -- le véritable terrain de rencontre entre les banques et le commerce dans notre pays. Cela se fait entre les deux personnes assises de part et d'autre d'un bureau, dans une entreprise ou dans une banque. Il peut s'agir d'une grande succursale comptant quatre préposés aux ventes et deux caissiers, ou quelque chose du genre, mais cela se fait essentiellement à l'intérieur d'une structure comme celle-là.

J'ai l'impression, personnellement, que nous nous leurrons complètement en pensant que tout cela peut être remplacé par l'électronique ou par d'autres moyens technologiques. Il me semble que la prémisse fondamentale de vos affirmations sur la disputabilité est complètement fausse. Je ne vois pas comment des banques qui n'ont pas l'infrastructure des énormes institutions financières canadiennes peuvent avoir le plus infime espoir de disputer le marché, pour reprendre votre expression, aux grandes banques qui soutiennent le commerce dans notre pays.

J'aimerais avoir votre réponse à ce commentaire parce qu'aucun expert, aussi savant soit-il, ne réussira à me convaincre que c'est de cette façon-là qu'une entreprise peut obtenir une marge de crédit de 2 ou 2,5 millions de dollars, et tout le reste qui fait qu'une entreprise fonctionne. Je dois vous dire que je n'accepte pas vos arguments, mais je suis prêt à me laisser convaincre si vous connaissez un truc de magie pour le faire.

M. Clemens: Je vous répondrai par une recommandation du groupe MacKay. Il dit clairement dans son rapport qu'un des problèmes, dans le domaine des prêts aux petites et moyennes entreprises, c'est le taux de roulement élevé des directeurs des comptes commerciaux. S'il y avait effectivement des relations suivies entre la banque et ses clients d'affaires, il n'y aurait pas un tel roulement.

Le groupe MacKay recommande spécifiquement qu'il se fasse plus d'efforts au niveau de la sensibilisation et du cheminement de carrière pour que le taux de roulement parmi les directeurs des comptes commerciaux, sur le marché des PME...

Le sénateur Kroft: Les banques ont toutes été saisies de ce problème il y a des années, et elles ont fait d'importants progrès.

M. Clemens: Ce que je dis, c'est que si les relations entre les banques et leurs clients d'affaires étaient plus durables, si les consommateurs pouvaient garder le même directeur des comptes commerciaux, il n'y aurait pas de plaintes au sujet du haut taux de roulement. Dans le centre commercial où je travaillais, nous avons eu 13 directeurs des comptes en l'espace de neuf mois. Aucun d'entre eux n'est resté plus de neuf mois; ils sont tous partis ailleurs. Je ne suis donc pas tout à fait d'accord avec vous au sujet de la technologie.

Le sénateur Kroft: Qu'il y ait ou non un problème de gestion, est-ce que ce n'est pas infiniment mieux que les banques étrangères, où il n'y a aucun directeur?

M. Clemens: Sur place, vous voulez dire?

Le sénateur Kroft: Oui. Je veux parler de la personne qui est sur place pour m'offrir des services bancaires.

M. Clemens: Je voulais parler du fait que, dans le domaine des prêts aux petites entreprises et des comptes commerciaux, il n'y a pas beaucoup de directeurs des comptes qui restent à la même place pendant 15 ou 20 ans. Il y a un fort taux de roulement. Il est certain qu'il y a d'autres méthodes pour offrir les services.

Le sénateur Kroft: Je ne suis pas d'accord. Si elle a un problème de gestion, la banque doit essayer de le corriger. Ce n'est pas parce qu'il y a trop de roulement chez les directeurs qu'il faut s'en débarrasser pour autant.

M. Clemens: Je ne suis peut-être pas assez clair. Si les relations étaient plus durables entre les directeurs des comptes et les gens d'affaires, si les clients gardaient toujours le même directeur des comptes commerciaux, et si c'était le fondement du marché des prêts aux PME, le groupe MacKay n'aurait pas mentionné expressément dans son rapport que le haut taux de roulement, parmi le personnel de ce niveau-là, pose un problème.

Le sénateur Kroft: Il a fait cette recommandation parce que nous avons entendu dire à maintes reprises que les banques devraient entretenir des relations à plus long terme avec leurs clients si elles veulent faire un meilleur travail. Je ne suis pas certain que cela se rattache directement aux questions que je vous ai posées. Ce que je dis, c'est que, quel que soit le problème des banques, leur part du marché est encore loin d'être menacée par des entreprises qui n'ont aucune structure en place. Votre théorie sur la disputabilité me semble contestable. Je ne pense pas que le système bancaire canadien, dans le domaine des services commerciaux de base, soit vraiment aussi vulnérable que vous le laissez entendre.

M. Clemens: J'aimerais bien que ce soit ma théorie.

Le sénateur Kroft: C'est la théorie que vous défendez, que vous faites vôtre.

M. Clemens: Je vous renvoie à deux études différentes, celle de Nathan et Neave et celle de Shaffer, qui portent spécifiquement sur le secteur des services financiers au Canada; tous ces auteurs ont jugé que ce secteur était relativement disputable. Il est important que les nouveaux venus, qu'ils soient étrangers ou canadiens, puissent s'installer dans ces créneaux. Les progrès technologiques auxquels nous assistons ont permis ce genre de chose. Vous ne verriez pas de compagnies comme Wells Fargo tenter de s'implanter sur des marchés spécifiques si elles ne pensaient pas que c'était rentable.

Le sénateur Kroft: Jusqu'ici, je n'ai aucune idée de leur degré de réussite. Si vous nous aviez dit il y a dix ans que la Citibank viendrait prendre le contrôle d'un secteur de l'industrie bancaire à Toronto, nous aurions été pris de panique. Mais essayez de retrouver les entreprises de ce genre cinq ans plus tard. Je ne dis pas qu'elles n'essaient pas de durer, mais ce que je me demande, c'est si elles ont véritablement du succès. Nous n'avons pas beaucoup de données qui nous prouvent qu'elles réussissent vraiment.

Je dirais à M. Godsoe, même s'il ne vient plus dîner avec ses anciens collègues, qu'il faut les laisser venir. Elles essaient depuis des années, mais elles n'avancent à rien, et de son côté, il brasse plus d'affaires à New York qu'elles n'en brassent dans tout le Canada.

M. Mihlar: Il est certain que toutes les entreprises -- y compris les institutions financières -- prennent leurs décisions en fonction des coûts marginaux liés à leur implantation sur un marché, et en fonction des profits qu'elles peuvent y réaliser. Nous appliquons des obstacles à l'entrée des entreprises canadiennes et étrangères sur le marché. Au cours des dix dernières années, il y en a qui ont essayé de s'établir ici, mais en définitive, c'est plutôt coûteux de venir faire concurrence à nos gros canons.

Les véritables gains se produisent quand une entreprise comme Wells Fargo, à partir du Colorado, consent pour 50 millions de dollars de prêts non garantis à des petites entreprises parce que certaines personnes étaient insatisfaites des services de prêts offerts aux PME dans notre pays. Si nous supprimons ces obstacles à la marge, les coûts d'entrée seront plus bas. Par conséquent, nous verrons plus d'entreprises comme Wells Fargo s'installer ici une fois que nous aurons supprimé tous ces obstacles, et il y aura de la concurrence pour les institutions financières établies.

M. Clemens: La technologie en est encore à ses premiers balbutiements. Les services bancaires par téléphone ne datent que de quelques années. Je reconnais que les données sur la question sont limitées, étant donné que la prolifération de ces moyens technologiques est limitée. Il y a un an à peine, aucun des systèmes de gestion de caisse n'était intégré ou capable d'être intégré directement aux systèmes des entreprises. Autrement dit, les soldes de caisse, dans les comptes des compagnies à la banque, n'étaient pas directement reliés à leur propre système. Si les progrès technologiques de ce genre peuvent permettre de relier ces systèmes de communications ou de créer ces moyens technologiques, les marchés vont certainement devenir plus disputables parce que les compagnies comme Wells Fargo ou la Citibank pourront pénétrer ces marchés plus facilement. Nous insistons dans notre étude sur le rôle de la technologie pour l'avenir.

Le sénateur Kroft: Pour les transactions bancaires de base entre le banquier et son client, aucune technologie ne remplacera cet aspect-là. Je suppose que c'est sur cela que je me fonde pour réfuter la théorie de la «disputabilité».

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, cette étude est intéressante et utile. Dans vos remarques à M. Clemens, vous avez parlé des changements considérables qui se produisent dans l'industrie; vous avez dit qu'il se faisait plus de transactions par téléphone et que les services bancaires traditionnels étaient en déclin.

Je me suis rendu dans une des succursales locales de ma banque préférée il y a quelques semaines. Il n'y avait là que deux caisses ouvertes, sur les six ou sept de la succursale. Mais il y avait un petit coin agréable où les personnes âgées pouvaient obtenir des conseils sur la planification de leur retraite, ce qui est très utile pour elles.

Comment entrevoyez-vous l'avenir du secteur bancaire? Nous traversons apparemment une révolution technologique. Quelle sera la prochaine étape?

M. Clemens: J'aimerais bien le savoir; je pourrais offrir des services de consultation aux banques. Il est certain que la technologie va jouer un plus grand rôle. Les institutions non financières créent des logiciels. Nous n'en parlons pas dans notre document, mais je dirais qu'une des menaces les plus sérieuses va venir des institutions non financières comme les développeurs de logiciels, qui mettent au point des systèmes qui vont enlever toute utilité aux intermédiaires. C'est ce genre de concurrents que nous pourrions voir entrer sur le marché.

Le sénateur Perrault: Vous voulez dire qu'il pourrait y avoir du chômage et de nouvelles compressions d'effectif dans les banques si ce genre de chose se produisait?

M. Clemens: Je dirais que nous allons assister au même genre de phénomène que maintenant. Par exemple, les caissiers qui ne sont plus là ne sont pas partis de la banque, en réalité; ils sont montés en grade. Il y a une certaine mobilité ascendante.

Le sénateur Perrault: C'est possible. Quand vous parlez du développement de cette tendance dans l'industrie, et quand vous dites qu'il se fait de plus en plus de transactions bancaires par téléphone, c'est un processus que les banques elles-mêmes ont souvent encouragé et accéléré elles-mêmes, en un sens, simplement en laissant aller les choses. Autrement dit, si vous réduisez suffisamment les services et que vous mettez à pied un certain nombre d'employés, il y aura inévitablement d'autres formes de services bancaires qui prendront le relais. Je ne suis pas contre ces autres formes; je pense qu'elles sont excellentes.

M. Clemens: Je ne dirais pas nécessairement le contraire. Les institutions spécialisées, comme Canada Trust, sont le fondement du secteur des services financiers. Canada Trust ne va pas vous inciter à aller au guichet automatique ou sur Internet parce que le véritable avantage qu'elle a sur ses concurrents, c'est que ses bureaux sont ouverts six jours par semaine, de 8 heures à 20 heures. S'il y a un assez grand marché pour ce genre de services, les autres institutions, tant financières que non financières, vont réagir.

Le sénateur Perrault: Certaines personnes sont un peu intimidées par l'idée de se servir du téléphone ou d'un clavier d'ordinateur pour faire leurs transactions bancaires. Je me rappelle le récit de Stephen Leacock sur ses tentatives pour ouvrir un compte dans une banque de l'est du Canada; c'est un des meilleurs textes que j'aie jamais lus. Il n'était pas à la banque depuis cinq minutes qu'il a commencé à se sentir intimidé par l'édifice et tous les autres aspects de la situation.

Il y a des gens qui ont du mal à s'adapter. Savez-vous quel est le pourcentage de gens, dans les différents groupes d'âge, qui ont recours aux nouvelles technologies pour traiter avec leur banque? Savez-vous à partir de quel âge ils le font?

M. Clemens: La plupart de ces données sont protégées. Les banques ne les rendent pas publiques. J'ai travaillé dans le secteur bancaire tout au long de mes études, et ensuite neuf ans à plein temps. D'après mon expérience, si vous réussissez à convaincre les personnes âgées de se servir des guichets automatiques -- et je reconnais que ce n'est vraiment pas facile --, elles en font usage au moins autant que les autres. Le pourcentage des usagers des guichets est plus faible parmi les personnes âgées que parmi les jeunes, mais il demeure élevé. Ma grand-mère ne va probablement plus jamais à sa succursale -- je suis sûr que c'est sur moi que les caissiers jettent le blâme --, parce que c'est plus commode pour elle de faire ses affaires ailleurs.

Le sénateur Perrault: Elle n'a pas peur d'essayer la nouvelle technologie?

M. Clemens: Elle fait toutes ses transactions bancaires par téléphone et va chercher son argent au guichet automatique.

Le sénateur Perrault: Quelles mesures précises faudrait-il prendre pour augmenter la disputabilité du marché? Nous avons eu toute une discussion aujourd'hui. Pouvez-vous nous suggérer une ou deux initiatives? Ou alors, devons-nous seulement libérer les banques et leur permettre de s'implanter ici avec un minimum de réglementation?

M. Clemens: À la première page de notre document, nous passons en revue les recommandations du groupe de travail. J'ai été plutôt surpris, par exemple, par la portée que pourrait avoir la recommandation permettant l'implantation de services bancaires communautaires grâce à la réduction des exigences réglementaires de capitalisation. Encore une fois, j'appuie sans réserve toutes les recommandations d'ordre structurel contenues dans le rapport MacKay.

Le sénateur Callbeck: Un des éléments préoccupants que vous mentionnez dans votre mémoire concerne les recommandations du groupe MacKay au sujet des petites entreprises et de leur accès au capital. Il y a d'abord la question du fort taux de roulement des directeurs des comptes, ensuite celle du prix exigé pour le risque, et enfin la remarque des auteurs du rapport au sujet du fait que les problèmes sont surtout liés aux capitaux propres et que les institutions devraient être encouragées à s'intéresser à cet aspect.

Vous dites ensuite que vous avez des réserves au sujet de toutes ces recommandations et que, d'après vous, la solution consiste à modifier le régime fiscal en ce qui concerne les gains en capital et les dividendes. Est-ce que cette proposition permettrait de résoudre entièrement le problème ou si vous avez d'autres recommandations à nous faire à ce sujet-là?

M. Mihlar: Nous avons fait une présentation au comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Les prêts aux petites entreprises, et les lacunes à cet égard, soulèvent beaucoup d'inquiétude. La plupart des sondages réalisés par l'ABC, notamment, semblent indiquer que le taux d'approbation des demandes de prêts dès la première fois se situait autour de 92 p. 100 en 1997. C'est très élevé. La plupart du temps, les PME réussissent à gérer leurs problèmes de liquidités en ce qui concerne les comptes clients, les comptes fournisseurs et les stocks. Pour ce qui est du financement des immobilisations de ces PME, ce que nous disons, c'est que la plupart des entreprises appartiennent à un propriétaire unique ou sont des sociétés de personnes.

Les enquêtes de Statistique Canada montrent également que la plupart des petites et moyennes entreprises se financent grâce à leurs services et aux bénéfices non répartis. Si c'est le cas, nous voulons être certains que les impôts sur le revenu des particuliers seront réduits pour que ces gens aient des économies à réinvestir dans leur entreprise.

M. Clemens: Je m'empresse de répéter ce qu'a dit M. Mihlar au sujet du fait qu'une enquête réalisée par Statistique Canada en 1996 a révélé que les problèmes de gestion étaient la principale cause de faillite, et en particulier les problèmes de gestion financière. Parmi ces problèmes, le rapport mentionnait plus spécifiquement la structure du capital et le fonds de roulement. Donc, si nous voulons vraiment encourager la capitalisation et le financement par actions, la façon la plus facile d'y arriver -- la façon la plus nette, qui n'entraîne à peu près pas d'effets de distorsion --, c'est tout simplement de réduire les impôts des entreprises et des particuliers. Les entreprises constituées en société sont imposées aux taux des entreprises, alors que les sociétés de personnes et les entreprises appartenant à un propriétaire unique sont imposées au taux des particuliers.

De plus, en ce qui concerne les taux applicables aux gains en capital, nous constatons qu'il y a un lien très étroit entre les investissements en capital de risque et les taux d'imposition des gains en capital. Aux États-Unis, on a enregistré une hausse de 1 400 p. 100 dans le niveau des investissements en capital de risque par suite des réductions d'impôt décrétées par le président Reagan au début des années 80.

Quand on parle de l'expansion sur un nouveau marché ou du développement d'un nouveau produit, on pense en réalité à du capital de haut risque.

En faisant des recherches en vue de la présentation que M. Mihlar et moi vous avons faite, j'ai trouvé sur Internet, en 30 minutes, 60 entreprises offrant du capital de risque au Canada. J'ai aussi trouvé une autre association regroupant 108 compagnies. L'an dernier, les investissements en capital de risque ont atteint 1,8 milliard de dollars au total. Ce qu'il faut se demander, c'est ce qu'il faut faire pour faciliter ce genre d'investissements. Il est clair que nous devons réduire les taux d'imposition applicables aux gains en capital, de même que les taux de l'impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers.

Je répète que les prêts en cours consentis par les banques aux PME représentent des sommes importantes.

Le sénateur Callbeck: Je voudrais vous poser une question au sujet des rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Je n'ai rien vu dans votre mémoire à ce sujet-là. Est-ce que vous approuvez cette recommandation, oui ou non?

M. Clemens: Je suis d'accord avec les auteurs du rapport quand ils disent que nous n'avons pas de «zones rouges». Aux États-Unis, nous avons constaté que les institutions financières ont tendance à encercler de rouge certains secteurs, généralement dans les centres-villes, et à décréter que, quelle soit la valeur du placement envisagé, il ne devrait y avoir absolument aucun investissement dans ces zones. Les auteurs du rapport ont tout à fait raison de dire que ce phénomène n'existe pas au Canada. En lisant le rapport MacKay, j'ai eu l'impression que cette recommandation portait plutôt sur le réinvestissement dans la collectivité.

Le sénateur Callbeck: C'est là qu'intervient la recommandation au sujet des rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Êtes-vous d'accord? C'est différent du réinvestissement.

M. Mihlar: Les banques participent actuellement à la vie communautaire par le biais des activités de bienfaisance et du bénévolat. En même temps, elles paient énormément d'impôts. Comme je l'ai déjà dit, elles en ont payé pour 6,9 milliards l'an dernier. Dans la grande majorité des cas, les banques rendent volontairement des comptes aux collectivités où elles sont implantées. Ce n'est pas une bonne idée de les y obliger par voie réglementaire ou législative. Il est certain qu'il y a déjà des choses qui les incitent à assumer leurs responsabilités sociales, et en ce sens, je pense que nous devrions les laisser le faire d'elles-mêmes sans réglementation ni législation.

Le président: Notre prochain témoin cet après-midi est M. Larry Pollack.

M. Larry M. Pollack, président et chef de la direction, Banque canadienne de l'Ouest: Monsieur le président, honorables sénateurs je pense qu'il serait bon que j'explique qui nous sommes et ce que nous faisons. Notre établissement est sans précédent au Canada. Nous sommes en fait une banque de l'annexe I, une des huit banques de ce type, mais nous ne sommes absolument pas implantés dans l'Est du Canada. Notre siège social se trouve à Edmonton. Notre établissement a été constitué en 1984 pour offrir une formule différente de celle des six grandes banques. Nous sommes entièrement tournés vers l'Ouest, à partir du Manitoba.

En 1984, nous avons fait une émission initiale d'actions de 40 millions de dollars et nous avons réuni l'ensemble des fonds propres de première catégorie. À l'époque, nous n'avons pu recueillir aucun fonds propre de deuxième catégorie. Nous visons essentiellement la clientèle de la petite et moyenne entreprise et nous réalisons 85 p. 100 de notre chiffre d'affaires dans le secteur des prêts aux petites et moyennes entreprises. Nos clients oeuvrent dans la construction immobilière, le pétrole et le gaz, le financement industriel et le crédit-bail, les opérations commerciales générales et les prêts et hypothèques personnels. Nous visons surtout les quatre premières catégories qui appartiennent au marché commercial. La valeur de nos prêts varie de un dollar à 20 millions de dollars, ce qui représente un éventail assez large, mais la plupart d'entre eux appartiennent à la catégorie de 500 000 $ et moins, ce qui nous place dans la catégorie des prêts de petite et moyenne valeur.

Nous avons 23 succursales réparties entre Winnipeg et Courtenay, en Colombie-Britannique. Nous avons deux filiales, Canadian Western Trust et Canadian Western Capital, toutes deux situées à Vancouver. Notre effectif est d'environ 500 employés. Nos fonds sont constitués essentiellement de dépôts de détail qui proviennent de deux sources: premièrement de nos intermédiaires qui récoltent des dépôts pour nous. Nous en avons environ 200. La deuxième source, ce sont nos succursales. Nous sommes cotés officiellement à la Bourse de Toronto, à la Bourse de l'Alberta et à la Bourse de Vancouver. Actuellement, nous disposons d'un capital réglementaire de 230 millions de dollars et nous avons des actifs de 2,4 milliards de dollars. Nous desservons 9 036 emprunteurs, dont 4 327 petites et moyennes entreprises. Nous avons toujours réalisé des profits.

Monsieur le président, étant donné que nous sommes une des seules petites banques à avoir été créées au Canada, je pense qu'il serait utile que je dresse à l'intention du comité la liste des obstacles que nous avons rencontrés depuis notre création, il y a 14 ans.

Le premier de ces obstacles est sans doute l'impôt sur le capital qui nuit à la croissance et au développement d'une banque. Un établissement qui constitue un capital doit immédiatement payer de l'impôt sur ce capital. La plupart de cet impôt est provincial et c'est un gros handicap. Il gruge les fonds propres de première catégorie et diminue également le potentiel de constitution de fonds propres de deuxième catégorie, étant donné que ces derniers sont limités à la moitié des fonds propres de première catégorie. L'obligation de payer immédiatement l'impôt sur le capital est un énorme obstacle à la création des petites institutions financières.

Nous faisons des prévisions et je peux vous donner une idée de ce que cela représente pour nous. En 2002, 20 p. 100 de notre revenu net servira au paiement de l'impôt sur le capital. C'est une somme énorme. Cela est dû principalement au fait que nous exerçons au Manitoba où l'impôt sur le capital est de 3,25 p. 100; en Saskatchewan il se chiffre à 3,25 p. 100 dans le cas des fonds propres de première catégorie et la même chose pour les fonds propres de deuxième catégorie; en Alberta, le taux est de 2 p. 100 et en Colombie-Britannique 1 p. 100. C'est énorme et cela nous oblige à prendre une très grande marge.

Pour vous donner d'autres points de comparaison, nous avons recueilli une partie de nos avoirs propres de deuxième catégorie en Saskatchewan. Nous payons 6,75 p. 100 d'impôt sur le capital et par la suite, nous sommes imposés à 3,25 p. 100. Notre coût total s'élève à 10 p. 100.

L'accès au capital est un problème pour les petites institutions financières. Elles ont beau vouloir se développer, comment peuvent-elles avoir accès au marché des capitaux? Voilà une question sur laquelle il faudra se pencher. Quand on crée une nouvelle institution financière et que l'on veut contribuer à son développement, il faut disposer de réserves. Ces réserves correspondent à l'impôt que l'on doit payer sur les fonds propres de première catégorie. On prend des fonds dans les bénéfices non répartis ou les fonds propres de première catégorie sous la forme de frais directs et on les réunit dans des réserves. Au départ, ces fonds ne sont pas déductibles d'impôt tant qu'on ne les utilise pas, par conséquent, ils sont immobilisés. C'est un grand problème.

Pour ce qui est de la composition du capital, il est possible, lorsqu'on crée une nouvelle institution financière, de récolter des fonds propres de première catégorie sur le marché en réalisant une émission initiale d'actions, mais ce n'est pas le cas pour les fonds propres de deuxième catégorie. L'institution doit être cotée et c'est impossible lorsqu'on débute. C'est un gros problème.

Il faut pouvoir disposer d'un solide système d'assurance-dépôts. Au Canada, le plafond de l'assurance-dépôts fixé à 60 000 $ est trop bas. Il faudrait se pencher sur cette question. Aux États-Unis, le plafond est fixé à 100 000 $, ce qui correspond à 150 000 $ canadiens. Ce n'est peut-être pas important pour les grosses banques, mais pour une banque qui démarre, il est important que les clients soient bien assurés, sinon les gens hésitent à vous confier leur argent.

Il faut disposer d'un système de réglementation favorable et économique. Voilà un autre obstacle que nous avons noté relativement aux petites banques. C'est vrai qu'on parle toujours des faillites de la Canadian Commercial Bank et de la Northland Bank. On est en train de finir de liquider la Northland qui a fait faillite en 1985.

Par ailleurs, je suis tout à fait conscient de la concurrence, surtout celle des coopératives de crédit dans le cas des dépôts d'épargne. Dans des provinces comme l'Alberta, les coopératives de crédit bénéficient d'une assurance illimitée. Elles ont également des taux d'imposition sur le revenu favorables et certaines provinces leur offrent des exemptions de taxe sur le capital. Nous devons faire concurrence à ces institutions pour obtenir les dépôts des particuliers et ensuite convertir ces dépôts en prêts de petite et moyenne valeur. La concurrence est grande. Il n'est pas concurrentiel pour nous de nous appuyer sur le secteur des prêts commerciaux. Nous estimons qu'ils ne sont pas compétitifs dans ce domaine.

Où fixer la limite? À mon avis, si vous voulez soutenir les petites institutions financières, il ne faut pas classer les institutions en fonction de la catégorie à laquelle elles appartiennent, par exemple une coopérative de crédit ou une fiducie. Il est préférable d'établir des catégories en fonction de la taille des institutions et de regrouper à l'intérieur de chaque catégorie les coopératives de crédit, les fiducies et les banques.

Le sénateur Oliver: Par conséquent, ce serait en fonction de l'actif?

M. Pollack: Oui, et non pas en fonction du type d'institution. De cette manière, les coopératives de crédit ne sont pas favorisées par les conditions d'imposition et les fiducies par le règlement. Le contexte devient plus équitable.

On a proposé de soutenir les nouvelles institutions en leur offrant un taux d'imposition favorable pendant dix ans. Je pense que dix ans ce n'est pas beaucoup. Qu'est-ce qui se passe dans le cas d'une institution qui ne commence à récolter des profits qu'au bout de sept, huit ou neuf ans? Sachant qu'elle sera imposée à plein régime la dixième année, elle ne sera pas en mesure de constituer un capital. Si elle est cotée, sa cote serait réduite. Il faudrait appliquer d'autres critères tels que la rentabilité ou un autre critère de succès, plutôt qu'un critère de temps. Je ne pense pas que le temps soit pertinent.

Monsieur le président, avant de répondre aux questions, je vais aborder quelques aspects du rapport MacKay. J'ai tempêté contre l'imposition. Le rapport MacKay a également très bien analysé cette question. L'impôt sur le capital est tout à fait improductif lorsqu'il s'agit de trouver des moyens et des méthodes de financement des petites et moyennes entreprises et que le gouvernement impose le capital dont on a besoin. Pour financer les entreprises, il faut disposer d'un capital plus élevé. Dix pour cent est la limite réglementaire minimale. Par contre, pour les hypothèques ordinaires et les hypothèques garanties par la SCHL, il faut très peu de capital. Si l'on veut financer les entreprises au Canada, il faut éviter d'imposer le capital dont on a besoin pour le faire. Cette façon de faire est très décourageante. Elle va également à l'encontre des principes de sécurité et de prudence. En effet, en abaissant les impôts sur le capital, les institutions disposeront de plus de capital. Par conséquent, elles auront de plus grandes réserves et seront des institutions plus sûres pour les déposants.

Un des problèmes avec l'imposition, c'est que toutes les provinces ont un taux différent. Il faudrait harmoniser les taux d'imposition. Cela dissuade certainement les institutions financières de se lancer dans les régions où les prêts sont hautement taxés. Pourquoi se donner la peine de consentir des prêts dans une région qui prélève 4 p. 100 en impôt sur le capital? Il est préférable de prêter dans un marché qui ne prélève que 1 p. 100. Si l'on changeait ces conditions, les banques modifieraient leur orientation.

On a parlé tout à l'heure d'orientation communautaire. Pourquoi une banque s'intéresserait-elle à faire des prêts commerciaux à Moose Jaw, alors que la Saskatchewan prélève 4,25 p. 100 d'impôt sur l'ensemble du capital de base, y compris les fonds propres de deuxième catégorie?

Le président: Alors qu'en Colombie-Britannique, c'est 1 p. 100.

M. Pollack: Exactement. Il faut peut-être instaurer un taux général d'imposition des institutions financières ou peut-être restructurer le contexte fiscal.

L'adéquation du capital est une autre question que j'aimerais soulever. Elle est liée aux réserves et une fois de plus à l'impôt sur le capital. Étant donné qu'il faut disposer d'un capital important pour consentir des prêts aux petites et moyennes entreprises, il faudrait prévoir d'autres incitatifs pour les institutions financières, étant donné que les coopératives de crédit et autres institutions de ce type s'intéressent principalement aux hypothèques qui nécessitent la moitié moins de capital. Les hypothèques ordinaires nécessitent la moitié moins de capital que les prêts ordinaires. Pour les hypothèques garanties par la SCHL, une institution n'a besoin d'aucun capital. Dans une petite ville, il n'est pas nécessaire de disposer de capital pour 90 p. 100 ou 95 p. 100 des hypothèques de la SCHL, même si elles présentent un risque élevé. Par contre, si je consens un prêt à une petite entreprise sûre de Vancouver dont la moitié du prêt est garantie par des liquidités et de l'or, j'aurais toujours besoin de 10 p. 100 du capital. Voilà des points qu'il faudrait examiner.

Je suggère également qu'il faudrait se mettre à la tâche sans tarder, étant donné que les exercices financiers des banques et ceux des autres entreprises s'achèvent soit en octobre, soit en décembre. Les plans d'entreprise sont actuellement en cours d'élaboration. Or, comment composer un plan d'entreprise quand on ne sait pas exactement quelles seront les conditions imposées par la Loi sur les banques? Personne n'ose rien faire. C'est pourquoi il faudrait agir le plus rapidement possible.

J'ai parlé tout à l'heure de l'assurance de la SADC. Il faudrait pouvoir disposer d'un bon système SADC. Je ne pense pas que la coassurance donnerait de bons résultats. On en a déjà parlé. Il faudrait envisager de hausser les limites. En ce qui a trait aux primes basées sur les risques, je n'ai qu'une seule chose à dire: ne pénalisez pas les petites institutions. Elles sont déjà pénalisées par les systèmes d'évaluation du crédit de la DBRS et de la CBRS. Les institutions orientées vers les régions sont pénalisées et en plus, la SADC les pénalise au niveau des primes et parce qu'elles sont petites et axées sur les régions. Voilà également une question sur laquelle il faudrait se pencher.

Je sais que vous n'avez pas pour mandat d'étudier les fusions. Permettez-moi cependant de vous dire que notre banque est en faveur des fusions. Nous estimons que les fusions libéreront une part du marché, qu'elles permettront aux petites institutions d'être viables. Je vous demande de ne pas affaiblir ni de tenter d'affaiblir les grosses banques, car plus les banques sont grosses, plus elles libèrent de l'espace permettant la création de nouvelles banques ou institutions financières. Je suis contre tout ce qui est susceptible d'affaiblir notre système bancaire. Nous avons un des meilleurs systèmes bancaires du monde.

Sur le plan de la comptabilité, il serait peut-être bon de se pencher sur l'unification. Pour ce qui est des règles de propriété, la concentration de la part majoritaire dans une petite institution financière présenterait beaucoup d'avantages, étant donné que la petite institution relèverait d'une institution mère très forte qui pourrait lui fournir du capital et lui valoir une meilleure cote. Cette institution pourrait être une maison mère ou un actionnaire principal et une importante entité commerciale de la région qui serait convaincue que cette région peut et doit disposer d'une institution financière. Il faudrait que le processus soit surveillé de très près.

Au moment de leur démarrage, les petites institutions se heurtent à des risques de gestion, des risques relatifs aux capitaux et toutes sortes d'autres risques qui ne sont pas toujours apparents au départ. La concentration de la part majoritaire pourrait ainsi renforcer certaines petites banques parce qu'elles bénéficieraient du capital, des orientations et de la structure de soutien de la grande institution perçue comme telle -- peut-être une compagnie d'assurance-vie -- qui serait actionnaire de la banque. L'accès au capital en serait grandement amélioré. Il suffit de prendre l'exemple de la Banque Hongkong du Canada. Elle peut diriger son capital avec grande précision aux niveaux appropriés, parce que sa maison mère lui prête les capitaux nécessaires pour maintenir le rendement des actions ordinaires au niveau maximum et parce qu'elle peut faire un mélange approprié de capitaux de première catégorie et de capitaux de deuxième catégorie. Le fait d'être soutenue par une maison mère forte lui permet d'agir de manière très efficiente.

La concurrence des institutions étrangères ne nous inquiète absolument pas. Nous ne pensons pas que les banques américaines vont se précipiter pour ouvrir des succursales au Canada. Cela ne se produira pas. Par contre, il est possible que certaines institutions concurrentes offrent un produit unique dans certains secteurs et choisissent de se concentrer dans un ou deux secteurs du marché.

Nous avons un bon système de réglementation au Canada. Nous sommes propriétaires de trois différentes institutions: une banque, une fiducie et une maison de courtage. Elles sont toutes réglementées par des organes différents, mais nous ne formons qu'une seule entité. Ne devrions-nous pas être réglementés par un seul organe? C'est une question que je vous soumets.

L'autre question que j'aimerais poser au comité est la suivante. Avons-nous besoin des sociétés de fiducie? Les banques sont propriétaires de la plupart des grandes sociétés de fiducie du Canada. Nous sommes nous-mêmes propriétaires de notre propre société de fiducie. Elle ne fait rien de vraiment différent d'une banque, mais elle a un capital séparé. Son capital est imposé en plus de celui de la banque; l'imposition est double. Nous payons un impôt sur le capital de notre société de fiducie et nous en payons un également sur le capital de la banque qui comprend la société de fiducie. Par conséquent, nous payons deux fois l'impôt sur le capital. Cela se passe ici, en Colombie-Britannique.

Pour ce qui est de la réglementation, il faudrait un moyen de lier l'adéquation du capital, les réserves générales et la qualité du capital. Dès lors qu'on impose à une institution des exigences de 15 p. 100 en matière de suffisance du capital, et que cette institution doit disposer des mêmes réserves qu'une banque pour laquelle les exigences ne sont que de 10 p. 100, il faudrait que cette institution obtienne quelques privilèges du fait de disposer d'un capital plus élevé, car ce capital en fait une institution plus sûre.

Les institutions canadiennes devraient avoir le droit de proposer le crédit-bail pour les automobiles. En effet, le crédit-bail automobile est, par ordre d'importance, le deuxième achat ou crédit à la consommation et il est contrôlé par des étrangers. GE Capital, une société qui est plus grande que la Banque Royale, peut louer des automobiles au Canada, alors que la Banque Royale ne peut pas le faire. Cette situation est tout simplement incroyable et il faudrait y remédier. Cela ne me paraît absolument pas normal, car le Canada empêche ainsi ses propres institutions financières de faire des affaires. D'autre part, les consommateurs en bénéficieraient, car si la Banque Royale peut offrir de meilleures conditions que GE, pourquoi ne pas l'autoriser à le faire?

Quant à la vente d'assurance, il y aurait certains avantages à ouvrir ce marché aux banques. En effet, en vendant plus de produits, les banques pourraient mieux entretenir leur structure et garderaient ouvertes un plus grand nombre de succursales. Lorsque les succursales sont limitées dans la quantité de produits qu'elles peuvent offrir, elles sont également limitées dans leur utilité.

Cela donnerait également plus de potentiel à une petite banque. Pour une petite banque nouvellement créée, ce serait un produit supplémentaire à offrir; cela représente un revenu qui pourrait être lucratif. La vente d'assurance par les banques ferait pendant aux demandes des compagnies d'assurance qui souhaitent avoir accès au système de paiements et bénéficier du système de la SADC.

Le dernier point soulevé par le rapport MacKay concerne la structure des sociétés de portefeuille. Cette structure est très utilisée aux États-Unis, mais je ne suis pas sûr qu'elle serait utile au Canada.

Le sénateur Oliver: Merci pour votre excellent exposé. Je suis très heureux d'entendre parler de la Banque canadienne de l'Ouest et je suis content que vous nous donniez des renseignements à ce sujet. L'étude que nous faisons en ce moment se penchera entre autres choses sur les mesures qu'il faut prendre pour multiplier les banques de première et de deuxième catégorie. Les renseignements que vous nous avez donnés au sujet de votre petite banque de première catégorie nous seront extrêmement utiles.

Si je résume ce que vous nous avez dit, les deux plus gros problèmes auxquels font face les nouvelles banques de la première catégorie sont le fardeau de la réglementation et l'imposition.

M. Pollack: L'imposition est certainement un obstacle. Quant à la réglementation, elle est nécessaire. Elle n'empêche pas une banque de réussir et elle peut être utile dans certaines circonstances. Cependant, elle entraîne des dépenses.

Le sénateur Oliver: Quel conseil pouvez-vous nous donner? Que pourrions-nous faire pour encourager la création d'un plus grand nombre de banques de première catégorie au Canada?

M. Pollack: Il faut surtout s'attaquer à l'imposition si l'on veut aider les nouvelles banques à s'insérer dans certains secteurs du marché. Une banque pourra peut-être commencer sous la forme d'une institution spécialisée dans le crédit-bail ou pratiquement spécialisée dans un seul produit comme Newcourt Credit qui s'occupe uniquement de financement d'équipement.

Le sénateur Oliver: Quel avantage aurait Newcourt à devenir une banque?

M. Pollack: Absolument aucun. Newcourt ne serait probablement pas rentable en tant que banque.

Le sénateur Oliver: Exactement, parce que, pour le moment, elle n'est pas réglementée.

M. Pollack: Tout à fait. En cas de faillite, cela ferait beaucoup de dégâts, car beaucoup d'investisseurs ont acheté des actions. Par contre une banque réglementée évolue dans un environnement plus contrôlé. Pourquoi une banque serait-elle désavantagée si elle veut faire concurrence à Newcourt? Nous subissons constamment la concurrence de Newcourt, GE Capital et autres sociétés de crédit-bail. Ces sociétés ne sont soumises à aucune réglementation et elles ne doivent pas respecter les mêmes exigences que nous en matière de capital. Elles ont accès au marché des billets de trésorerie, mais elles n'acceptent pas les dépôts.

Cela ne représente pas le même risque pour les consommateurs, mais les fonds communs de placement et les fonds de pension, qui sont constitués également de l'argent des consommateurs, dirigent beaucoup d'investissements dans ces sociétés. Les virements directs sont assujettis à la réglementation de la SADC, mais, par contre, les fonds de pension et les fonds communs de placement n'ont pas de règlement à respecter au sujet de l'utilisation qu'ils font des sommes qui leur sont confiées et pourtant, ces placements présentent également un risque.

Le sénateur Oliver: Quels sont les autres aspects dont le comité devrait tenir compte pour tenter d'attirer un plus grand nombre de banques de première catégorie au Canada afin d'augmenter la concurrence?

M. Pollack: Pour commencer, il faudrait se pencher sur l'accès au capital. Dans la mesure où le contexte fiscal est favorable, les investisseurs sont peut-être plus facilement incités à profiter d'une émission initiale d'actions et à placer leur argent dans une nouvelle banque. C'est ce que nous avons fait à Washington.

Le sénateur Oliver: Pour le capital de première et de deuxième catégorie?

M. Pollack: Oui. Au départ, il a été très difficile de réunir le capital de deuxième catégorie. Pour les grosses banques, c'est facile, mais pour nous, cela représentait un obstacle terrible. Depuis 14 ans que nous fréquentons les agences de cotation, nous avons remarqué qu'elles ne sont absolument pas intéressées à évaluer les petites banques à vocation régionale. C'est une situation que nous avons acceptée et nous nous sommes tournés vers les débentures convertibles qui, en plus d'avoir l'avantage de pouvoir être converties en actions ordinaires, se sont avérées être un instrument utile pour nous. En ce moment, nous offrons deux titres à la Bourse de Toronto qui ont donné de très bons résultats.

Nous avons dû nous tourner vers des placements privés pour émettre nos dettes subordonnées de première catégorie. Nous en avons un avec une compagnie d'assurance, un avec la province de la Saskatchewan et un avec la province de l'Alberta, parce qu'elles ont fait diligence raisonnable et qu'elles n'ont pas exigé une cotation.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous offrez votre propre carte de crédit?

M. Pollack: Non. Il y en a tellement. Une enquête auprès de nos clients a révélé que chacun d'entre eux en possède au moins trois. Nous leur avons demandé s'ils en souhaitaient plus et la réponse a été négative. Alors, à quoi bon se lancer dans cette direction?

Par contre, la plupart des hommes d'affaires moyens souhaiteraient avoir d'autres choix que de traiter avec la Banque Royale ou la CIBC. Ils seraient ravis qu'un représentant de notre banque vienne chez eux, discute de leurs affaires et leur propose une solution. Hier, un nouveau client a téléphoné à toutes nos succursales après avoir vu une publicité dans la revue Westjet. Nos représentants sont allés le rencontrer et ont traité avec lui. C'est un ancien client de la Banque Royale.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous vous rendez à domicile?

M. Pollack: Nous passons beaucoup de temps à rencontrer nos clients. Cela fait partie du processus de crédit. Nous pensons qu'il n'est pas possible d'évaluer vraiment la santé d'une entreprise sans bouger de notre bureau. Il faut vraiment aller sur place.

Le sénateur Oliver: Vous nous avez dit ne pas craindre la concurrence étrangère. Cependant, vous avez parlé de la venue éventuelle de certaines banques qui se spécialisent dans un, deux ou trois produits. Vous ne nous avez pas dit si vous craignez l'intervention de ces banques se spécialisant dans un domaine particulier tel que les hypothèques résidentielles -- comme vous, ou dans les cartes de crédit. Est-ce que vous craignez ce genre de banques qui coupent vraiment leurs prix?

M. Pollack: Absolument.

Le sénateur Oliver: Ces établissements n'ont pas à absorber les frais généraux et les impôts des banques canadiennes.

M. Pollack: Nous ne les craignons pas dans la mesure où elles sont assujetties aux mêmes conditions que nous. Si Bank America s'installe à Vancouver et offre des prêts commerciaux sans avoir aucun capital au Canada, alors que nous devons en avoir au moins 10 p. 100, notre rendement ne sera pas le même. Toutes ses activités lui rapporteront, alors que nous devrons, avant de pouvoir récolter des bénéfices, avoir recueilli 10 p. 100 du capital, payé les impôts sur le capital et sur le revenu aux taux très élevés qui s'appliquent au Canada.

Dans la mesure où les règles du jeu seront les mêmes pour elles que pour nous, nous ne craignons pas trop la concurrence des institutions étrangères, en particulier dans le domaine des prêts où l'écart moyen aux États-Unis se situe à 400 points de base et plus, alors qu'au Canada il se situe à 200. Pourquoi voudraient-elles utiliser leur capital au Canada? Les 200 points de base que nous avons ici donnent une bonne idée du degré de concurrence.

Le sénateur Oliver: Pour ce qui est des dépôts, est-ce que la Banque ING vous fait concurrence?

M. Pollack: Probablement, mais c'est difficile à dire.

Le sénateur Oliver: Est-ce que certains de vos clients retirent de chez vous leurs certificats de placement parce qu'ils peuvent obtenir ailleurs un demi-point de pourcentage de plus?

M. Pollack: Nous recueillons des dépôts par l'entremise d'environ 200 intermédiaires répartis partout au Canada. Nous en récoltons beaucoup en Ontario, une région où nous ne faisons pas de prêts. Il est difficile pour nous de savoir si certains de ces déposants vont finir par traiter avec ING, mais j'en doute. Nos taux sont généralement légèrement plus élevés qu'ailleurs. Nous les surveillons quotidiennement et nous affichons nos taux sur le marché intermédiaire. Nous recueillons ces dépôts dans le cadre de nos opérations dans l'Ouest. À Vancouver, notre bureau récolte environ 800 millions ou 900 millions de dollars sur ce marché, toujours pour des instruments de 60 000 $ ou moins. Ensuite, nous répartissons cet argent entre les prêts aux petites et moyennes entreprises.

Le marché des hypothèques est intouchable pour nous. ING propose des hypothèques à 6,5 p. 100 ou 6,25 p. 100. Cela ne nous offre pas une marge suffisante pour que le rendement soit convenable. Par ailleurs, le marché des hypothèques est actuellement bien desservi et très compétitif au Canada. Je ne pense pas qu'un nouvel intervenant serait utile.

Nous avons essayé de nous trouver des créneaux, tels que le secteur des prêts commerciaux qui n'est pas intéressant pour les grosses sociétés. Il n'est pas assez profitable pour les concurrents étrangers et, quand vous prêtez de l'argent, vous êtes bien vus par tout le monde. Nous avons trouvé un créneau à exploiter et nous avons connu un taux de croissance de 18 p. 100 à 20 p. 100 par an depuis neuf ans.

Le sénateur Oliver: Ma dernière question portera sur le mot créneau. Est-ce que vous estimez que vous êtes une banque spécialisée dans un créneau? Si j'ai bien compris, vous vous intéressez surtout au secteur du pétrole et du gaz. Vous êtes un peu présent dans le secteur de l'immobilier, mais votre créneau, c'est essentiellement le pétrole et le gaz. Est-ce que c'est exact?

M. Pollack: Nous sommes installés en Alberta et c'est là que se déroulent environ 40 p. 100 de nos activités. Par conséquent, beaucoup d'entre elles sont liées au secteur du pétrole et du gaz. Nous sommes une banque spécialisée dans un créneau, c'est vrai. Nous nous spécialisons dans certains secteurs du marché. Nous refuserions par exemple de prêter à une compagnie de téléphone ou à une grande société telle que Molson, parce qu'elles sont trop grosses pour nous.

Le sénateur Oliver: Étant donné que votre banque se spécialise dans les besoins des industries pétrolières et gazières, est-ce que vous vous intéressez à Hibernia à Terre-Neuve?

M. Pollack: Non. Nous nous imposons également des limites géographiques et nous concentrons nos activités à l'ouest de Winnipeg. Le Canada est un pays extrêmement vaste, comme vous le savez et l'entretien d'un réseau pancanadien représente beaucoup trop de déplacements. En plaçant notre siège central et notre département du crédit à Edmonton, qui se trouve au centre de l'Ouest canadien, nous sommes en mesure de desservir tout notre réseau. Winnipeg est la ville la plus éloignée de notre siège central et elle se trouve à moins de deux heures de vol d'Edmonton.

Le sénateur Oliver: J'ai été très heureux et très intéressé de vous entendre dire que la fusion des banques, si elle se réalise, serait positive pour votre banque, en raison des retombées qui en résulteraient.

M. Pollack: Absolument. Si la Banque de Montréal et la Banque Royale fusionnent, je ne pense pas qu'elles garderont chacune la même taille qu'avant la fusion. Elles perdront certains éléments au passage. Elles ne pourront pas conserver certains secteurs du marché.

Le sénateur Oliver: Vous pourrez donc accaparer certains de ces secteurs du marché et poursuivre votre croissance.

M. Pollack: Absolument. D'après leur stratégie, c'est ce qu'elles envisagent.

Le sénateur Kenny: Merci monsieur Pollack pour ce cours 101 sur la création de banques. Votre exposé a été très intéressant. J'ai plusieurs questions variées. Vous nous avez dit que le coût de vos prêts était de 10 p. 100. Que faites-vous de ces 10 p. 100?

M. Pollack: Nous cherchons à obtenir un rendement de 12 à 13 fois supérieur. Cela ne nous rapporte pas vraiment. Si nous nous contentions de prêter des fonds, nous ne ferions aucun bénéfice. Je voulais vous faire remarquer que le coût du capital est si élevé qu'une banque qui réunirait 100 millions de dollars pour les prêter ferait faillite avant longtemps en raison du taux extrêmement élevé de l'impôt sur le capital.

Le sénateur Kenny: Vous avez signalé des difficultés avec le capital de deuxième catégorie. Vous n'avez pas proposé de solution. Est-ce qu'il y a des solutions?

M. Pollack: J'ai tout simplement refusé de baisser les bras et c'est la réaction que devraient avoir les institutions financières. En disposant de bonnes conditions réglementaires et d'une structure appropriée, il serait possible d'attirer du capital de deuxième catégorie. Pour le moment, une banque qui tenterait de constituer un capital de deuxième catégorie en Saskatchewan n'y parviendrait pas. Qui accepterait en effet de lui confier des fonds qui seraient absorbés par les impôts? L'impôt est un obstacle important.

Jusqu'à tout récemment, les marchés du capital de deuxième catégorie ou de la dette n'ont pas été bien développés au Canada. Cela commence actuellement et beaucoup d'institutions financières ayant la cote BB ou B sont désormais en mesure de récolter des fonds sur le marché. Avec le temps, ce marché va de toute façon se développer naturellement.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé du plafond de 60 000 $ de l'assurance-dépôt. Pouvez-vous présenter votre argument au comité?

M. Pollack: Compte tenu de notre situation et de notre rythme de croissance, nous n'aurions pu réussir sans l'assurance de la SADC. Vous ne connaissez sans doute pas le réseau des intermédiaires, mais il est énorme. Nous avons un intermédiaire à Winnipeg qui gère plus de 500 millions de dollars. Par exemple, il peut accepter des montants de 300 000 $ provenant par exemple de remboursements d'assurance. Cet intermédiaire travaille avec dix institutions financières qui sont toutes assurées par la SADC, ce qui lui permet de placer 60 000 $ dans chacune d'entre elles, subdivisant ainsi l'avoir de son client pour lui éviter les risques.

Ce n'est pas le client qui paie la commission de cet intermédiaire, c'est nous. Nous payons généralement 25 points de base par an pour ces dépôts. Mais nous n'avons pas d'infrastructures. La seule chose que nous avons à faire, c'est de nous occuper des formalités administratives et de collecter l'argent. En fait, ce client n'est pas vraiment notre client. L'intermédiaire accepte le chèque en notre nom, si bien que nous ne courons pas de risque de cette manière et nous avons une entente avec l'intermédiaire. C'est un système très efficace. Les grandes banques commencent tout juste à s'intéresser à ce système que nous utilisons depuis le début. Nous sommes un des plus grands intervenants dans ce domaine.

Le sénateur Oliver: On peut vous voir à la télé.

M. Pollack: Je veux faire bonne impression pour nos intermédiaires.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé du fardeau que constituent les réserves. Avez-vous une autre solution? Est-ce qu'il y a moyen de contourner cette obligation?

M. Pollack: Au bout du compte, la réserve constitue la base de capital, en particulier le capital de première catégorie ou les actions ordinaires et les bénéfices non répartis. Le BSIF se laisse libre de déterminer le niveau des réserves dont chaque institution a besoin. Si la base de capital est suffisamment élevée, il est possible de réduire le volume des réserves requises. Il y a aussi le profil d'octroi de prêts et la composition de l'actif des prêts. Quels sont les risques qu'ils représentent? Quels sont les résultats obtenus par l'institution au fil des années?

On tient compte de tous ces aspects, mais j'ajouterais moi-même la taille et la qualité du capital. Si une institution semblable à la nôtre -- par exemple la Banque nationale -- dispose d'un capital de première catégorie très élevé et que sa limite inférieure est de sept alors que nous sommes à huit ou neuf, on ne devrait pas exiger de nous d'avoir des réserves aussi élevées qu'une institution qui se trouve à sept, qui se contente du strict minimum.

Le sénateur Kenny: Vous décrivez un BSIF très complexe et imposant.

M. Pollack: Oui, mais il est souple. Il y a quelques jours, nous avons reçu des lettres sur cette question et le BSIF souhaite que les banques elles-mêmes mettent au point leurs propres méthodes afin de fixer le niveau de leurs réserves. Il se garde le dernier mot, mais je ne pense pas qu'il faudrait relâcher les règles dans ce domaine. Je pense que nous avons besoin de ce système car au bout du compte, si l'on autorise des petites institutions à se lancer sur le marché sans réserves ou avec un capital réduit, elles risquent de faire du tort aux autres si elles font faillite. Personne ne voudra plus leur prêter de capital. La nervosité sera plus grande parmi les organismes de réglementation et les primes d'assurance de la SADC augmenteront. Par conséquent, il est préférable d'être prudent, pour éviter les effets négatifs à long terme.

Le sénateur Kenny: Vous avez dit que le système de cotation est défavorable aux petites institutions. Je pense quant à moi que les agences de cotation ne devraient pas se sentir plus rassurées par la grande taille de certaines banques. Mais d'un autre côté, les dimensions d'une institution comptent. Si elle est trop petite, l'agence de cotation va certainement en tenir compte dans son analyse.

M. Pollack: Absolument. Tant qu'à imposer des lignes directrices pour la création de banques au Canada, il faudrait fixer un minimum concernant le capital et imposer un test d'évaluation de l'effet de levier financier. Il faudrait peut-être que le capital ne soit pas inférieur à 25 millions de dollars et que le levier financier ne soit pas plus de dix fois plus, par exemple. En autorisant une banque à se lancer en affaires avec seulement 4 millions de dollars en capital, comme cela se fait aux États-Unis, on court énormément de risques dans la phase initiale de démarrage. Nous en avons créé une à Washington. Bien sûr, nous avons beaucoup de soutien. Là-bas, ils pensent que nous sommes un géant du Nord. Nous avons démarré avec un capital de 4 millions de dollars.

Le sénateur Kenny: Est-ce que j'ai mal compris votre critique du système de cotation?

M. Pollack: En parlant de cotation, je faisais allusion au DBRS et à la CBRS, mais je ne les critiquais pas. Ils font tout simplement leur travail.

Le sénateur Kenny: Si vous étiez à leur place, est-ce que vous auriez une certaine réticence à l'égard des petites institutions?

M. Pollack: Oui, probablement.

Le sénateur Kenny: Vous n'êtes pas critique à leur égard, vous vous contentez de les accepter comme une donnée que vous n'aimez pas.

M. Pollack: C'est un état de fait et je ne peux rien y changer. C'est un handicap pour la création d'une petite banque. Les autres petites banques qui tentent de se lancer en affaires éprouvent le même problème.

Le sénateur Angus: Je partage l'enthousiasme de mes collègues au sujet de la clarté de votre exposé, même sans mémoire. J'aimerais, comme le sénateur Oliver, revenir à votre prise de position en faveur des fusions. Vous avez noté que notre étude ne porte pas précisément sur ce sujet, mais vous êtes convaincu que les fusions vont multiplier les possibilités pour les petites banques telles que la Banque nationale, la Banque Laurentienne et la Banque canadienne de l'Ouest, pour les institutions de crédit et peut-être pour d'autres institutions telles que les compagnies d'assurance-vie. Cela nous ramène à certains arguments avancés dans le débat par les grandes banques, puisque vous avez précisé vous-même qu'il s'agit là du raisonnement de M. Barrett et de ses semblables. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce raisonnement?

Je me demande si vous pourriez prendre le point de vue contraire afin de nous parler des conséquences négatives qu'aurait une interdiction des fusions.

M. Pollack: Si les fusions ne sont pas autorisées, je pense que nous perdrons le contrôle du processus. Au lieu d'interdire les fusions, il faudrait plutôt les autoriser avec certaines réserves. On pourrait autoriser les fusions mais imposer un certain nombre de contrôles en interdisant par exemple aux banques de fermer plus d'un certain nombre de succursales chaque année. Si les fusions ne sont pas autorisées, on assistera malgré tout à la fermeture et au regroupement de certaines succursales. Il est impossible de faire marche arrière. C'est un phénomène mondial. Nous avons parlé de la taille des banques. Notre banque n'est qu'un grain de sable et, par rapport aux grandes banques du monde, la Banque Royale n'est elle aussi qu'un grain de sable. Même après une fusion, la Banque de Montréal et la Banque Royale seraient une petite banque, mais elles seraient en mesure de s'associer à de plus grands syndicats de prêts et de conclure des opérations plus payantes. Généralement, les grandes banques prennent la part du lion et laissent le reste aux autres banques. C'est ce qui se passe dans les grosses transactions et nous le constatons quotidiennement au Canada.

Je ne pense pas que le maintien du statu quo et du vieux système serait favorable aux nouvelles institutions financières. Elles prennent actuellement la part du lion sur le marché et elles continueront à le faire. Si leur fusion est autorisée, elles se tourneront peut-être plus vers la dimension mondiale de la gestion des affaires et de la richesse ainsi que vers d'autres secteurs et laisseront à d'autres le secteur intermédiaire traditionnel.

Le sénateur Angus: Si vous aviez à définir la politique officielle dans ce domaine, et que vous aviez le pouvoir de décider si les grandes banques devaient poursuivre une croissance verticale ou une croissance horizontale, laquelle choisiriez-vous?

M. Pollack: Si je n'avais qu'un seul choix?

Le sénateur Angus: Nous pouvons autoriser les grandes banques à poursuivre leur développement mais en leur permettant uniquement de se développer verticalement, autrement dit en autorisant les fusions proposées. D'un autre côté, on pourrait n'autoriser qu'un développement horizontal en leur permettant de se lancer dans toutes sortes de nouveaux secteurs plutôt que dans le même domaine.

M. Pollack: J'opterais pour le développement vertical.

Le sénateur Angus: Pourquoi?

M. Pollack: La croissance verticale leur permettrait d'être plus compétitives sur le marché international. Elles pourraient ensuite se spécialiser ou faire comme nous et décider que la nouvelle institution résultant de la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal se spécialiserait dans certains secteurs de l'industrie bancaire mondiale et se désintéresserait des autres. Si elles sont forcées de se développer horizontalement, les banques toucheront à tout et se marcheront sur les pieds.

Le président: Est-ce que cette réponse ne contredit pas ce que vous avez dit un peu plus tôt au sénateur Oliver lorsque vous avez affirmé que pour accroître l'efficience des succursales, il faut élargir la gamme des services qu'on y offre? Autrement dit, si vous devez choisir entre une croissance verticale et une croissance horizontale, pour reprendre les termes du sénateur Angus, vous obtiendrez deux types de résultats différents. Dans un cas, vous obtenez le résultat que vous avez mentionné au sénateur Oliver, c'est-à-dire que l'infrastructure permet d'offrir un plus grand nombre de services et que les fermetures de succursales sont moins nombreuses. Dans l'autre cas, vous perdez ces avantages que vous avez décrits au sénateur Angus. Compte tenu de cela, si vous ne pouvez choisir qu'une seule solution, pour laquelle des deux opteriez-vous?

M. Pollack: Lorsque j'en ai parlé, je pensais à notre propre situation et j'imaginais que nous pourrions probablement ouvrir plus de succursales si nous avions plus de produits à offrir. Je ne sais pas si les banques pourront éviter les fermetures au Canada, quel que soit le nombre de produits qu'elles peuvent offrir.

Le sénateur Oliver: Elles peuvent le faire dès maintenant.

M. Pollack: Elles peuvent offrir leurs services par électronique de manière plus efficace qu'en ouvrant de nouvelles succursales. Il y aura toujours des succursales dans les petites villes et dans les différents quartiers des grandes villes. Il y en aura moins, mais elles seront peut-être plus grandes et offriront plus de services.

Le sénateur Angus: J'aimerais poursuivre un peu dans cette direction en particulier sur cet aspect de la question. Beaucoup de gens se demandent s'il est vraiment important de brandir la feuille d'érable alors que nous ne sommes qu'un grain de sable. C'est comme si on se disait que ce n'est pas important de gagner 20 médailles d'or aux Jeux olympiques. À votre avis, est-ce qu'il est important de disposer d'une, deux ou trois banques qui auront véritablement pignon sur rue dans les grands centres financiers internationaux tels que Londres pour se mesurer aux autres grosses banques?

M. Pollack: Oui, je pense que c'est important. Les capitaux franchissent les frontières à la vitesse de l'éclair. On recherche toujours le meilleur rendement. Un système contraignant et un niveau d'imposition élevé n'attirent pas le capital. La croissance et le développement ne se feront pas aussi rapidement de cette manière.

Le sénateur Angus: En répondant, vous êtes allé directement au coeur même de ma prochaine question. Vous avez parlé en termes généraux du capital et vous nous avez dit que les critères actuels concernant les réserves de capital, l'adéquation du capital et la qualité du capital garantissent la sécurité, la viabilité et l'intégrité du système. Mais quand vous dites qu'il suffit d'un millième de seconde pour transférer ce capital à l'autre bout du monde, on peut se demander si ce système n'est pas désuet? Je crois qu'au moins un groupe se penche déjà sur différentes façons de gérer les comptes commerciaux.

M. Pollack: Il y aura certainement des changements, mais je ne sais pas comment ils se présenteront.

Le système canadien exige le minimum, soit un ratio de levier financier de 8 p. 100 et se dirige vers les 20 p. 100. Au Canada, le minimum est actuellement de 10. Je reconnais que tout le monde doit respecter ce critère, dans la mesure où nous bénéficions tous de règles du jeu équitables et que nous exerçons au Canada.

Le sénateur Angus: Est-ce que ce critère est le bon? Actuellement, le BSIF vous impose des critères en matière de capital et de réserves.

M. Pollack: Rien ne peut remplacer le capital comme mesure de sécurité. C'est la dernière garantie. Il n'y a rien de mieux pour une institution que d'avoir beaucoup de capitaux et des capitaux de bonne qualité.

Le sénateur Angus: Vous avez soulevé la question de l'utilité des sociétés de fiducie. La seule véritablement grande société existante est Canada Trust qui est venue nous présenter un exposé intéressant et éclairé. Que feriez-vous des sociétés de fiducie si l'on décidait d'un commun accord que ce sont des dinosaures?

M. Pollack: Je ne suis pas certain que ce soit des dinosaures. Elles obtiennent d'extrêmement bons résultats. Je pense tout d'abord que c'est un excellent exemple de concentration de la part majoritaire. Elles relèvent d'une maison mère très forte et ont accès au capital. Elles disposent de beaucoup de capitaux et d'une très grande flexibilité. Les sociétés de fiducie se contentent d'être ce qu'elles sont. Si elles voulaient devenir des banques, je suis sûr qu'on les autoriserait. Je crois qu'elles se tiennent en réserve en attendant de voir de quel côté va tourner le vent. Elles vont renaître sous une forme ou sous une autre. Certaines recommandations du rapport MacKay demandent la réduction progressive de cette concentration de la part majoritaire.

Le sénateur Oliver: C'est un droit acquis.

M. Pollack: Oui.

Le sénateur Angus: Il me semble que les fiducies seraient dans une catégorie à part et qu'il faudrait se pencher sur la question de la concentration de la part majoritaire avec Imasco et BAT. Mais à par ça, les sociétés de fiducie ne sont-elles pas un peu le même genre d'institution financière que vous? Elles aussi acceptent les dépôts.

M. Pollack: Je donnerais n'importe quoi pour avoir le même taux de capitalisation des bénéfices que les sociétés de fiducie. Elles ont le taux le plus élevé de tout le milieu. Cela donne une idée de l'orientation qu'elles vont prendre. Actuellement, leur taux de capitalisation des bénéfices est beaucoup plus élevé que celui des banques, ce qui signifie que leur valeur boursière va augmenter et qu'elles risquent d'être la cible d'une acquisition de la part d'autres institutions. Elles ont un bilan excellent et un marché ciblé. Elles sont axées principalement sur la consommation et les consommateurs. Dans le monde, il y a une seule banque, la Lloyds Bank, en Grande-Bretagne, qui a presque exactement la même orientation que Canada Trust et, elle aussi, elle est très prospère. Je ne pense pas que le fait d'être une fiducie ait constitué un obstacle pour elle.

En parlant de concentration de la part majoritaire, les petites sociétés de fiducie éveillaient autrefois les soupçons. En effet, des promoteurs immobiliers pouvaient créer une société de fiducie pour recueillir des fonds, y verser le fruit de leurs transactions immobilières, sortir les liquidités et laisser le reste pour les contribuables. Il y a eu trop d'affaires de ce type. C'est de cela que je voulais parler. Une société de fiducie a-t-elle des activités différentes de celles d'une banque? Certainement pas dans le cas de Canada Trust. Alors, pourquoi ne pas réunir sur un pied d'égalité toutes les institutions, y compris les grandes coopératives de crédit telles que VanCity et Surrey Metro?

Le sénateur Tkachuk: Nous avons entendu des témoignages contradictoires au sujet de la concurrence qu'exerceraient les petites institutions et les banques étrangères si nous autorisons les fusions. Il me paraît intéressant de noter que les petites institutions bancaires et les coopératives de crédit ne se prononcent pas contre les fusions, contrairement au président-directeur général de Scotiabank. Comment expliquer cela? Comment expliquer qu'il soit si complètement en désaccord avec les autres représentants des institutions financières que nous avons entendus?

M. Pollack: Je ne sais pas exactement, mais peut-être qu'il se sent laissé-pour-compte. Peut-être qu'il avait déjà loué la limousine, qu'il s'était mis sur son trente et un, mais qu'il s'est retrouvé tout seul. Je ne sais vraiment pas.

Le sénateur Angus: Vous n'êtes pas en train de nous décrire M. Godsoe, n'est-ce pas?

Le sénateur Tkachuk: Je pensais peut-être que c'était la réponse, mais je ne m'attendais pas qu'elle soit aussi colorée.

M. Pollack: Vous savez, je viens de Saskatchewan!

Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous avez évoqué la difficulté que rencontrent les banques au moment de leur création, vous avez mentionné la nécessité de règles du jeu équitables, précisant que les coopératives de crédit bénéficiaient d'avantages fiscaux particuliers. Nous avons déjà soulevé cet aspect, mais quand on en parle, c'est toujours très confus. De votre côté, vous avez été très clair à ce sujet et peut-être que vous pourriez nous parler des avantages dont bénéficient les coopératives de crédit. Expliquez-nous comment elles sont imposées par rapport à vous et pourquoi les différentes provinces -- surtout dans l'Ouest du Canada -- leur réserve un traitement différent de celui auquel est soumise votre banque?

M. Pollack: Puisque nous en avons débattu avec le ministre des Finances de la Saskatchewan, je vais prendre l'exemple de cette province.

Comme moi, vous êtes né en Saskatchewan. Chez nous, les coopératives de crédit ont environ 250 millions de dollars en circulation dans le secteur des prêts commerciaux, après un ou deux ans d'activités. Elles ont également mis sur pied une société de crédit-bail. Elles ne sont pas soumises au même test d'adéquation du capital que les banques. Les provinces les ont exemptées de l'impôt sur le capital, ce qui leur confère un énorme avantage.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que les autres provinces les dispensent aussi de l'impôt sur le capital?

M. Pollack: Oui, c'est le cas en Alberta qui assure les dépôts. Les déposants confient environ 500 millions de dollars aux coopératives de crédit qui prélèvent un pourcentage probablement minuscule pour le verser au fonds d'assurance-dépôts. Je ne sais pas exactement ce qu'il représente, mais je pourrais probablement le savoir. La coopérative de crédit peut ensuite prêter 500 millions de dollars en prêts commerciaux et les banques les laissent faire. Hier à Regina, une coopérative de crédit nous a repris un prêt que nous avions jugé non rentable et a même augmenté le montant prêté à l'emprunteur.

J'avais fait remarquer au ministre qu'en cas de faillite, c'est le contribuable qui en ferait les frais. Le fonds d'assurance n'est pas assez solide et c'est en fin de compte la province qui assure les dépôts. Ce faisant, elle prend un risque énorme.

Par ailleurs, la province est en train de tuer la poule aux oeufs d'or. Ces prêts d'une valeur de 500 millions de dollars qui étaient gérés par le système bancaire sont maintenant repris par les coopératives de crédit. Dans le système bancaire, ils étaient assujettis à l'impôt sur le capital; dans les coopératives de crédit, ils ne sont frappés d'aucun impôt. Le gouvernement qui perd 1,6 million de dollars par année en impôt, se trouve à subventionner les coopératives de crédit.

Le sénateur Tkachuk: Et que vous a répondu le ministre des Finances?

M. Pollack: Il m'a dit qu'il allait se pencher sur la question. Je ne pense pas qu'il avait vu la situation sous cet angle. Le gouvernement subventionne une entreprise en éliminant l'impôt.

Le sénateur Tkachuk: Je crois que vous avez parlé d'assurance illimitée. Est-ce que vous pensez vraiment que l'assurance devrait être illimitée? En ce moment, je crois que le plafond est de 60 000 $.

M. Pollack: Nous allons passer d'une province à l'autre. En Alberta, les coopératives de crédit bénéficient d'une assurance-dépôts de 100 p. 100. Si vous placez 12 millions de dollars en dépôts à terme au Capital City Credit Union d'Edmonton, votre placement est entièrement garanti par la province. De son côté, la coopérative de crédit peut prêter cet argent sans être imposée sur le capital. Les coopératives de crédit ne paient pas d'impôt sur le capital.

Passons maintenant en Colombie-Britannique. Dans cette province, les taux d'impôt sur le revenu sont spéciaux. Il y a une formule qui permet de calculer le montant des dépôts et de réduire l'impôt sur le revenu. Dans chaque province, les règles qui s'appliquent aux coopératives de crédit sont différentes. Il n'y a pas d'uniformité dans ce domaine au Canada.

Le sénateur Tkachuk: Et qu'en est-il de la Treasury Branch de l'Alberta? Est-ce qu'elle bénéficie elle aussi d'une assurance illimitée?

M. Pollack: La Treasury Branch fonctionne à peu près exactement comme une banque, sans en être une. Elle ne fait pas partie du secteur bancaire. Elle n'a pas de permis bancaire; elle n'a pas de permis de fiducie; elle n'a aucun permis.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que c'est une société d'État?

M. Pollack: C'est une société d'État. Elle n'a pas de capital. Elle reçoit les dépôts d'épargne en montants illimités, pleinement assurés par la province. Cette institution n'a jamais fait de bénéfice et elle fait directement concurrence à ma banque. Elle ne paie aucun impôt et elle est actuellement la plus grande banque de l'Alberta. Son actif atteint 9,3 milliards de dollars. Les dirigeants de l'Alberta reconnaissent sans doute qu'il est temps de se retirer du secteur bancaire, parce que la Treasury Branch est une bombe à retardement. Je suis certain que les activités de la Treasury Branch ont une incidence sur les cotes que S & P accorde à la province.

On peut se demander ce que peut faire une province dans le secteur bancaire. Je n'en ai aucune idée. Comment une banque peut-elle tirer son épingle du jeu en Alberta lorsqu'elle doit affronter la concurrence de la province? Si l'on transpose ce modèle dans l'industrie du pétrole, on comprendra aisément qu'un détaillant d'essence ne parviendrait pas à rester en activité s'il devait affronter la concurrence de stations-service appartenant à la province qui ne seraient absolument pas tenues de faire des profits et qui pourraient offrir leurs produits à moindre prix. Le gouvernement arrive à la conclusion qu'il est temps de sortir de ce secteur. Tout cela a commencé dans les années 30.

Le sénateur Tkachuk: Une dernière question concernant la concurrence. Vous nous avez dit que vous n'avez pas peur des banques américaines. Vous ne pensez pas qu'elles vont vouloir jouer un rôle important au Canada et qu'elles risquent de vous faire concurrence? Nous nous sommes demandés s'il était possible que cela se produise. Est-ce qu'elles risquent de vous faire concurrence à l'échelle des succursales si on les autorise à ouvrir des banques qui ne sont pas tenues de respecter toutes les exigences qui s'appliquent aux banques canadiennes?

M. Pollack: Plutôt qu'une succursale, je pense qu'elles pourraient ouvrir un bureau où elles pourraient consentir des prêts ou recevoir les dépôts électroniquement.

Le sénateur Tkachuk: Comme vous le faites en Ontario?

M. Pollack: Exactement.

Les banques s'installent là où l'imposition est la plus faible. ING est installée en Ontario où elle est imposée au taux de 0,6 p. 100 sur le capital. Elle accepte les dépôts et les prêts de Saskatchewan, mais elle ne paie aucun impôt dans cette province et elle n'y a aucun employé.

Il faut trouver un moyen de contrôler ce processus.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cette banque fait des prêts en Saskatchewan?

M. Pollack: Peut-être qu'elle consent des hypothèques.

Le sénateur Kroft: Depuis quelques semaines, nous connaissons bien les activités de la Banque canadienne de développement, de la BFD, je ne sais trop comment on l'appelle.

M. Pollack: Je crois qu'elle se désigne sous le sigle anglais de BDC.

Le sénateur Kroft: La BDC et la Société du crédit agricole qui a une approche dynamique et expansive. Étant donné le profil du marché que vous ciblez, vous devez souvent vous trouver nez à nez avec elles. Quelle est la nature de cette concurrence et qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que la concurrence renforce leur partenariat ou est-ce qu'elle provoque une confrontation et quel est, d'après vous, le rôle que jouent ces sociétés?

M. Pollack: Si nous avions vraiment un bon système bancaire concurrentiel au Canada, est-ce que le gouvernement fédéral aurait besoin de s'en mêler? C'est une question que je vous pose. Je ne pense pas que dans beaucoup d'autres pays, les gouvernements s'immiscent de cette manière dans le système bancaire.

Je ne sais pas pourquoi, mais nous ne nous retrouvons pas souvent nez à nez avec ces sociétés. Une fois cependant, nous étions en concurrence pour louer les mêmes locaux. Nous nous sommes fait dire que nous ne faisions pas le poids et que ces locaux ne seraient jamais à nous. Alors, nous avons cherché ailleurs. Je me demande bien pourquoi il leur faut avoir pignon sur rue alors que ces sociétés ne s'adressent pas directement aux consommateurs. Elles consentent essentiellement des prêts commerciaux.

Du côté agricole, le marché est intéressant. Il peut même s'avérer excellent. Il n'est d'ailleurs probablement pas desservi par suffisamment d'institutions. Il faut être un spécialiste pour naviguer entre toutes les dispositions protectionnistes que nous avons héritées du passé et qui interdisent de saisir un tracteur agricole ou un camion d'une demi-tonne appartenant à un agriculteur. Ce genre de dispositions empêche les banques et les autres institutions de consentir des prêts aux autres agriculteurs. Mais nous serions prêts à jouer un rôle plus actif dans le secteur agricole. Nous aimerions trouver un moyen de le faire à condition qu'on nous autorise, en cas de cessation de paiement, à réaliser leurs biens. Pour le moment, cela est impossible dans le secteur agricole. Ces dispositions ont encouragé l'émergence d'autres institutions. L'Alberta Treasury Branch joue un rôle très important dans les prêts agricoles, parce que si les agriculteurs sont en défaut de paiement, l'Alberta cesse également de les payer. La province peut sans problème attendre le prochain millénaire pour se faire rembourser!

Le sénateur Kroft: Vos opinions sont très claires. Puisque vous êtes si clair et que vous jouissez d'une telle crédibilité, j'aimerais vous présenter une question sous un angle particulier. Malgré les points de vue nettement favorables que vous et d'autres nous ont présentés, les sondages révèlent qu'un nombre important de Canadiens restent très sceptiques à l'idée de fusionner deux énormes institutions.

Beaucoup pensent -- et dans une certaine mesure, c'est le cas de beaucoup de membres du comité -- que cela représenterait une concentration de pouvoirs peu appropriée, étant donné les dimensions du marché et la taille relative de ces institutions. Beaucoup de gens hésitent à autoriser la concentration de pouvoirs entre les mains de deux PDG ou deux conseils d'administration.

Si vous disposiez de deux minutes à la télévision nationale pour présenter un argument convaincant à ce sujet aux Canadiens et Canadiennes, qu'est-ce que vous souhaiteriez leur dire?

M. Pollack: Je leur dirais que la réponse réside peut-être dans un «oui, mais». Si l'on interdit aux banques d'occuper une part du marché supérieure à un certain montant, cela les forcerait à opter pour une expansion horizontale plutôt que verticale. Une fois que les banques auraient accaparé 30 p. 100 du marché de la carte de crédit, elles se rendraient compte qu'elles ne peuvent plus se développer dans ce secteur, mais qu'il leur reste encore le secteur du crédit-bail où elles peuvent se développer jusqu'à la limite de 20 p. 100. Il est possible d'empêcher une institution de prendre le monopole d'un secteur du milieu bancaire en imposant un plafond aux produits qu'elle propose.

Plutôt que de permettre à une banque d'accaparer la totalité du marché des hypothèques au Canada, on peut limiter ses activités à 25 p. 100, par exemple. Une fois que la banque a atteint son quota, elle pourra se diriger vers d'autres secteurs tels que le crédit-bail. Cette façon de faire encouragerait les banques à se développer plus horizontalement, puisque la croissance verticale serait limitée. Voilà une solution qui me vient à l'esprit.

De manière générale, les banques n'ont pas su, au fil des années, vanter leurs services. Dans toutes les réceptions, on raconte des blagues sur le dos des banques. Les coopératives de crédit font de la publicité qui présente les banques sous un mauvais jour. Pourtant, la société VanCity pose sa candidature pour devenir membre de l'Association des banquiers canadiens alors qu'elle diffuse à la télévision des publicités dans lesquelles les banques sont présentées comme des dinosaures. C'est une contradiction pure et simple.

Au Canada, nous devrions vraiment éviter de dénigrer les banques. À tous ceux qui dénigrent les banques, on devrait présenter quelques images de Russie où les banques refusent de rendre leur argent aux déposants. Évitons de dénigrer les banques. Traitons-les au contraire avec respect, car nous avons besoin d'un bon système bancaire.

Le président: Merci, monsieur Pollack. Comme vous pouvez en juger d'après les questions de mes collègues, cette séance a été extraordinaire. Merci beaucoup d'être venu. Votre témoignage est très apprécié. Après nous avoir présenté un témoignage si excellent, vous risquez d'être appelé à comparaître de nouveau lorsque nous aborderons encore la question des institutions financières.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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