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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 35 - Témoignages


VANCOUVER, le jeudi 29 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour discuter de l'état actuel du système financier au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous entamons une deuxième journée d'audience à Vancouver sur le rapport MacKay, le Rapport sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens. Ce sera notre dernier jour d'audience dans l'Ouest, après avoir passé une semaine dans l'est du Canada et une semaine dans l'ouest du Canada, et nous conclurons la semaine prochaine à Toronto et à Ottawa.

Nous entendrons aujourd'hui des témoins importants provenant de l'Ouest du Canada, soit l'Alberta et la Colombie-Britannique. Nous commencerons par des représentants des commissions des valeurs mobilières de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Nous entendrons les témoignages de courtiers en assurance des biens et en assurance risques divers. Nous entendrons aussi des représentants de la Banque Honkong et de l'Alberta Treasury Branch.

Nos premiers témoins ce matin sont le président de l'Alberta Securities Commission, M. Bill Hess, et de la British Columbia Securities Commission, M. Doug Hyndman; ceux-ci sont accompagnés de Mme Joyce Maykut.

Le sénateur Tkachuk: Deux sénateurs de la Colombie-Britannique, qui ne font pas partie du Comité des banques, sont ici ce matin. Ils doivent surveiller les travaux. Les deux sénateurs qui se sont joints à nous, le sénateur Gerry St. Germain et le sénateur Pat Carney, animeront la conversation. Au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue à tous deux.

Le président: Nous sommes ravis de votre présence, monsieur Hyndman et monsieur Hess. Veuillez livrer votre exposé.

M. Douglas Hyndman, président, British Columbia Securities Commission: Nous avons travaillé avec des collègues d'autres provinces pour élaborer une proposition conjointe qui répond en partie au rapport MacKay. Mon collègue, Bill Hess de l'Alberta, présentera l'introduction et, par la suite, nous répondrons ensemble à vos questions.

M. William Hess, président, Alberta Securities Commission: C'est un honneur de témoigner à nouveau devant ce comité. Je me rappelle que la dernière fois que j'ai comparu devant le Comité sénatorial des banques, j'ai été questionné à propos de deux projets qui étaient en cours à ce moment. L'un concernait l'élaboration d'un système de dépôt électronique par les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières, l'autre était une proposition concernant la création d'une commission nationale des valeurs mobilières. Il me fait plaisir de signaler que l'un de ces projets est en place et fonctionne très bien; l'autre semble être mort en raison d'un manque d'intérêt. Quoi qu'il en soit, depuis ce temps, les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières ont eu du pain sur la planche.

Les honorables sénateurs ont peut-être entendu parler de nos efforts soutenus visant à mettre en place un régime de réglementation efficace composé de deux éléments. L'un de ceux-ci est le dépôt électronique, dont nous avons parlé la dernière fois; l'autre est ce que nous appelons le système d'alliance mutuelle. Les deux visent le même objectif, celui de rendre le système plus transparent pour les utilisateurs et plus facilement accessible. Notre nouveau système, qui en est aux premières phases de fonctionnement, a été surnommé par bon nombre de membres de la presse la «commission nationale virtuelle des valeurs mobilières».

Les améliorations énormes en ce qui concerne l'efficacité et l'harmonisation de la réglementation des valeurs mobilières découlent de certaines des recommandations du rapport MacKay, alors qu'un certain nombre d'autres sont liées à des sujets qui sont extrêmement importants pour les consommateurs canadiens de produits financiers. Plusieurs des recommandations du rapport ont trait à la protection du consommateur et à l'amélioration du cadre réglementaire du secteur des services financiers au Canada.

Ce rapport reconnaît également qu'il existe des chevauchements en matière de réglementation et qu'une rationalisation est urgente. Canadian Securities Administrator (CSA), groupe qui chapeaute les organismes de réglementation des valeurs mobilières dans les provinces et les territoires du Canada, croit que le rapport du groupe de travail renforce la nécessité de réévaluer en profondeur la façon dont la réglementation des services financiers se fait au Canada, en regardant non seulement pourquoi des règlements sont élaborés, mais par qui.

Les préoccupations des organismes de réglementation se fondent sur l'ancien système des quatre piliers des services financiers. Les structures institutionnelles des organismes de réglementation ont été élaborées en fonction de ces quatre piliers. La déréglementation, la compétitivité et l'innovation estompent les frontières entre d'un côté les produits et les services et de l'autre les institutions, et c'est pour cette raison que la réglementation doit être revue.

L'objectif du maintien de la stabilité du système financier est rempli par la réglementation prudentielle adoptée par les organismes de réglementation des institutions de dépôt, tant au niveau provincial que fédéral. Cependant, nous reconnaissons qu'il existe des duplications et des chevauchements qui doivent être traités sous l'angle de la prudence. Malheureusement -- et c'est notre principal point -- la réglementation du marché pour ce qui est des produits et des services financiers est plus diversifiée. On y trouve des duplications et des incohérences, et nous croyons qu'il y a des lacunes importantes dans le système réglementaire. Le degré de réglementation du marché des produits et services financiers, réglementation du ressort des organismes de réglementation des institutions de dépôt, est moindre que celui de la réglementation des autres produits financiers.

Nous croyons qu'une structure réglementaire doit valoriser la stabilité du système financier, accroître l'efficacité du marché, tout en assurant aux investisseurs un degré de protection approprié. Un système de réglementation doit être flexible. Il doit s'appliquer de façon uniforme et cohérente. Ceci inclut le principe que, dans la mesure où des institutions exercent des fonctions similaires ou offrent des produits similaires, elles doivent être réglementées de la même façon. La réglementation doit être rentable et elle doit tirer parti de l'expertise et des ressources existantes. Finalement, la duplication qu'il est possible d'éliminer doit être éliminée.

CSA prépare actuellement un document qui expliquera nos points de vue collectifs de même que les grandes lignes qui sont exposées aujourd'hui, à savoir une orientation vers une plus grande efficacité de la structure réglementaire que l'on pourrait obtenir en répartissant les responsabilités selon le récent modèle australien, ainsi qu'en séparant la réglementation prudentielle et la réglementation du marché, tout en assurant leur cohérence générale.

La réglementation du marché pour tous les fournisseurs de services financiers devrait être assumée par les provinces et les territoires. L'organisme de réglementation serait responsable des contacts avec le marché, de l'intégrité des marchés et de la protection du consommateur. On peut réaliser une réglementation efficace des marchés en regroupant les organismes de réglementation au sein de chaque province et de chaque territoire pour ce qui est de l'intégrité des marchés et de la protection du consommateur, principalement les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières et de l'assurance. Les organismes de réglementation provinciaux qui en découleraient verraient à la coordination et à l'harmonisation sur la base du modèle que j'ai proposé plus tôt, à savoir la Commission nationale virtuelle des valeurs mobilières.

Dans la mesure où c'est nécessaire, le transfert des pouvoirs de réglementation devrait avoir lieu entre les différents niveaux de gouvernement. L'organisme de réglementation du marché adopterait une approche fonctionnelle, ce qui amènerait une réglementation cohérente des gammes de produits, tout en faisant preuve de flexibilité pour tenir compte des différences entre les produits et pour faciliter l'intégration financière et l'innovation. Ce serait aussi une façon d'encourager la confiance des participants au marché et de donner une vision claire aux investisseurs.

Les avantages qu'en retireraient les consommateurs canadiens sont évidents. Un seul organisme de réglementation s'occuperait de la protection du consommateur. Il y aurait un régime commun de divulgation pour tous les produits, ce qui permettrait aux clients de comparer plus facilement. Les règles du jeu seraient alors les mêmes pour toutes les institutions, ce qui accroîtrait la concurrence et, incidemment, serait profitable pour les consommateurs.

Le président: Merci, monsieur Hess. Vous ouvrez la porte à bien des questions.

Le sénateur Meighen: Pourriez-vous me dire où en est le dépôt électronique à la grandeur du pays, et en particulier dans vos organismes?

M. Hess: Le système est en place depuis un certain nombre d'années maintenant, système fonctionnant sous Windows et portant le nom de SEDAR. Pour le moment, ce système sert au dépôt électronique des prospectus et de certains documents relatifs à l'obligation d'information continue. Il n'y a donc plus de paquets de documents qui se promènent dans le pays lorsqu'il y a un dépôt de prospectus. Un fournisseur de services, habituellement un cabinet d'avocats, effectue le dépôt par l'entremise du système électronique. Évidemment, c'est un avantage pour ceux qui délivrent des prospectus, mais c'est aussi une forme d'accès à l'information pour le public. Si vous tapez SEDAR sur Internet, vous serez dirigé vers SEDAR et aurez accès à toute la documentation. Il m'arrive de l'utiliser lorsque l'on me pose des questions au téléphone sur des sociétés. On accroît ainsi la transparence, on facilite l'accès à l'information pour le public et on facilite le financement. Le système SEDAR sera étendu à d'autres types de dépôt.

Les organismes de réglementation examinent la possibilité d'utiliser l'électronique pour améliorer d'autres secteurs de la structure réglementaire. Nous considérons cette possibilité au chapitre du dépôt des déclarations d'initié et des systèmes d'inscription des courtiers. Pour ce qui est de la commission nationale virtuelle des valeurs mobilières, nous étudions la possibilité de l'utiliser pour nos propres communications. À bien des égards, le système virtuel est comme un réseau de bureaux locaux du même organisme. La commission de la Colombie-Britannique autorisera les prospectus et, en notre nom, inscrira les gens qui vivent ici qui désirent faire des affaires en Alberta. Ce qui importe c'est que nous utilisions la technologie.

Le sénateur Meighen: Vous dites que vous examinez la possibilité d'inclure les déclarations d'initié. C'est un domaine qui nous intéresse particulièrement. En vertu des règles actuelles, dans certaines provinces, vous n'êtes pas obligé de déposer avant le dixième jour du mois suivant le mois où la transaction a eu lieu. C'est une longue période qui peut nous amener assez loin de la date de la transaction, et faire en sorte que l'opportunité soit passée. Lorsque vous dites que vous examinez cette possibilité, s'agit-il principalement d'un problème technique, financier ou politique, d'un problème de premier niveau?

M. Hess: C'est probablement une question de financement. Nous en sommes présentement à l'étape de demander et de recevoir des propositions. Il s'agit d'une question de financement non seulement en ce qui a trait au développement du système mais aussi relativement à l'établissement du fonctionnement de ce système ainsi qu'à la désignation de ceux qui vont le financer sur une base permanente. SEDAR travaille actuellement sur une politique de frais d'utilisation. Toutefois, ce n'est pas aussi simple lorsque vous traitez d'une question comme celle des initiés, parce que les initiés ne doivent pas faire partie du système. Nous devons garantir que le système est fonctionnel pour tous et que l'information est disponible pour tous.

Le problème dont vous avez parlé, soit des délais différents pour le dépôt, est traité de façon distincte par la législation. Nous espérons obtenir le délai de 10 jours après la transaction. Je sais que certaines personnes considèrent qu'il s'agit d'un long délai, mais il y a aussi des problèmes dont il faut tenir compte. Si vous êtes en voyage, quand le courtier exécute-t-il la transaction? Quand avez-vous été mis au courant? Vous pensez peut-être que c'est instantané, mais n'oubliez pas que nous avons une entente T plus trois. Vous pouvez appeler votre courtier aujourd'hui, mais la transaction peut en réalité être exécutée à un autre moment. Je ne m'attends pas à ce qu'un jour ce puisse être instantané.

Le sénateur Meighen: Il m'est venu à l'esprit que si vous aviez l'obligation -- la personne qui fait la transaction, pas le courtier -- si vous aviez l'obligation d'enregistrer les compagnies dans lesquelles vous êtes un initié. Conséquemment, toutes les transactions qui surviendraient dans ces sociétés déclencheraient automatiquement le dépôt d'une déclaration d'initié. À première vue, cela vous semble-t-il une chose difficile à réaliser?

M. Hess: Je le répète, c'est une question de synchronisation. Quand la transaction a-t-elle lieu? Vous pouvez appeler votre courtier aujourd'hui, mais la transaction peut être effectuée seulement la semaine suivante.

Le sénateur Meighen: S'il s'agit d'une société dans laquelle je suis un initié, cela déclencherait-il le dépôt lorsque la transaction est exécutée.

M. Hess: Oui, j'en conviens.

M. Hyndman: Nous explorons avec la bourse la possibilité d'introduire dans les systèmes de production des rapports sur les transactions le concept de la déclaration en temps réel. Ceux qui détiennent des comptes auprès de sociétés de courtage seraient dans l'obligation d'identifier les sociétés pour lesquelles ils sont des initiés. Lorsqu'une transaction serait entrée dans le système -- et la plupart, sinon toutes les bourses, ont maintenant des systèmes de transactions électroniques -- l'ordre serait identifié comme un ordre d'initié. Au moment de son exécution, l'ordre serait enregistré dans le système et les bourses pourraient produire des rapports quotidiens, ou selon les besoins, aux individus qui effectuent la transaction, au moins le volume de la transaction pour chaque partie concernée par la transaction effectuée par un initié. Ce serait une information très utile pour le marché. La mise sur pied d'un tel système présenterait des difficultés techniques, mais les difficultés les plus importantes viendraient probablement des bourses qui devraient considérer les conséquences qui pourraient découler de ce système par rapport aux bourses américaines, qui n'ont pas une telle exigence pour le moment. Dans les cas où un grand nombre de sociétés sont intercotées aux deux bourses, elles craignent qu'un certain nombre de transactions soient détournées vers les bourses américaines par les initiés, parce que les transactions n'y sont pas déclarées sur une base quotidienne. Je pense que les bourses sont d'accord avec le principe, mais elles aimeraient nous voir négocier avec leurs homologues américaines, en particulier, pour essayer d'obtenir une norme nord-américaine. Cela prendra probablement un certain temps.

Le sénateur Kenny: Vous avez décrit le système pour lequel j'allais vous poser une question. Essentiellement, il s'agirait d'aviser votre courtier que vous êtes un initié. Au moment de la transaction, la divulgation aurait lieu automatiquement. Il me semble que ce serait un plus et un argument en faveur de nos bourses, plutôt qu'à leur détriment. Un grand nombre d'institutions aimeraient disposer de cette information le jour où survient la transaction et soutiendraient nos bourses si elles étaient dotées de cette caractéristique, plutôt que de considérer cela comme un élément négatif et d'entendre les gens dire: «En raison de la divulgation instantanée, je vais exécuter cette transaction à New York ou ailleurs.» Ce que vous nous dites, c'est que les gens veulent vraiment éviter la divulgation ou que les bourses craignent que les gens veuillent éviter la divulgation.

M. Hyndman: C'est ce qui les préoccupe. De façon générale, elles se préoccupent davantage de la concurrence pour le volume de transactions, du flot des ordres entre elles-mêmes et les bourses américaines. Nous leur devons d'au moins explorer la question avant de les engager dans ceci.

Le sénateur Meighen: Vous avez décrit le genre de réglementation du marché fondée sur une approche fonctionnelle vers laquelle vous vous orientez. Est-ce quelque chose qui pourra se faire dans quelques années, quelques mois ou dix ans? Quelle mesure doit prendre le gouvernement avant que nous puissions appliquer un tel régime au niveau provincial?

M. Hess: Ce dont nous aurons besoin nécessitera probablement aussi la participation du niveau fédéral. Dans les faits, ce dont nous parlons c'est de la réglementation de la protection du consommateur en matière de produits financiers. Laissez-moi utiliser un exemple. Nous avons un régime assez perfectionné pour ce qui est de la divulgation, les conflits d'intérêt, les qualifications des vendeurs et les règles de la notoriété du client dans le secteur des fonds communs. Nous avons un produit de placement commun qui est réglementé et qui le sera encore davantage. Nous avons des fonds distincts qui sont vendus par des compagnies d'assurance, moins réglementées. Nous avons des CPG qui ne sont pas des CPG traditionnels, dont le taux de rendement est lié à l'indice boursier. C'est aussi un véhicule de placement commun, et je vous dirais qu'il est totalement déréglementé. Il y a peut-être une certaine forme de divulgation sur la façon dont le taux de rendement est calculé, mais c'est tout. Il y a peu ou pas de normes de compétence, pas de normes relativement à la notoriété du client. C'est une fonction similaire qui doit être réglementée de façon similaire. C'est évident. Vous pouvez y arriver à l'aide de trois organismes de réglementation différents qui ont la même fonction, en les regroupant, ou vous pouvez rationaliser, réduire les duplications, éliminer les duplications et éliminer les failles qui peuvent apparaître entre eux en confiant la réglementation à un seul organisme. Il touche les banques, qui sont réglementées au niveau fédéral; les compagnies d'assurances, qui sont réglementées au niveau provincial; et les courtiers de valeurs mobilières, qui sont réglementés au niveau provincial. Il faut établir une collaboration. Combien de temps cela prendra-t-il?

Le sénateur Meighen: Je suis un optimiste. Je pense que je vivrai pour voir cela, du moins, je l'espère.

M. Hess: Si l'on compare avec une commission des valeurs mobilières, ce dont nous parlons aujourd'hui est une question de fonction, pas de structure. Nous parlons aussi de quelque chose qui a plus de chances d'arriver, et certainement plus de chances de recueillir une pleine participation de toutes les entités concernées que d'autres propositions qui ne touchent que la structure. Personne ne s'est encore penché sur la fonction.

Le sénateur Meighen: Est-ce que le Québec participe aux travaux des CSA?

M. Hess: Oui. C'est un membre actif qui travaille avec nous et qui participera à la rédaction du document.

Le sénateur Meighen: Merci.

Le président: J'ai une question supplémentaire découlant de votre dernière réponse. Je veux bien comprendre ce que vous dites. La solidité et la stabilité financières ou la réglementation prudentielle des institutions financières régies par une charte fédérale continueront de relever d'un organisme de réglementation fédéral; la réglementation du marché ou la réglementation des valeurs mobilières continuera de se faire au niveau provincial. C'est pour le consommateur que je me pose des questions.

Vous semblez suggérer que la protection du consommateur relèvera exclusivement de la compétence provinciale ou sera réglementée au niveau provincial. Est-ce en raison d'un argument constitutionnel juridique -- et il me semble que cela ne fonctionnera peut-être pas -- ou y a-t-il une autre raison pour laquelle la réglementation sur la protection dus consommateur est quelque chose dans lequel le gouvernement fédéral ne doit pas participer?

M. Hess: Cela n'a rien à voir avec la question constitutionnelle.

Le président: C'est un énorme soulagement pour quelqu'un qui a mes antécédents.

M. Hess: C'est une question d'ordre pratique. Nous avons les plus perfectionnés et les mieux financés -- au moins dans quatre provinces -- des organismes de protection du consommateur au chapitre des finances, à savoir les commissions des valeurs mobilières.

Nous proposons que les deux niveaux de gouvernement engagent les gens les plus compétents et une entité pour voir à la réglementation sur la protection du consommateur dans le domaine financier. Sur le plan prudentiel, nous pensons que la réglementation prudentielle comporte moins de lacunes. Pour ce qui est de la réglementation prudentielle, les provinces et le gouvernement fédéral font du bon travail. S'ils veulent fusionner des entités -- si les provinces veulent suivre l'exemple de certains et transférer la réglementation prudentielle dans le domaine fédéral -- c'est bien. Ce pourrait être une façon de réduire la duplication. Cependant, nous disons que dans le domaine au sein duquel se trouvent les plus graves lacunes, il n'y a actuellement qu'un organisme, à savoir la commission des valeurs mobilières, qui réglemente adéquatement la protection du consommateur en matière de produits financiers. Engagez-les pour faire cela; débarrassez-vous d'eux; ou engagez quelqu'un d'autre pour le faire; ou, comme alternative, créez plusieurs organismes tant au niveau fédéral que provincial, mais ne nous parlez plus de la duplication en matière de réglementation des valeurs mobilières si vous rajoutez à la duplication.

Le président: Je peux vous proposer un exemple concret pour être bien certain de comprendre ce que vous dites. Le rapport MacKay aborde un certain nombre de choses. Il parle de respect de la vie privée, de la vente liée coercitive. D'une certaine façon, ont peut interpréter leur appel à l'usage d'un langage clair comme une réglementation en faveur de la protection du consommateur. Dites-vous que ce genre de problème devrait être réglementé par l'actuelle commission des valeurs mobilières? Il me semble que cela ne fait pas partie de leur champ de compétence normal. Sinon, si j'appuie votre proposition à l'effet qu'il n'y ait qu'un seul organisme de réglementation, est-ce que celui-ci devrait être une forme d'organisation conjointe fédérale-provinciale?

M. Hess: Premièrement, pour ce qui est des questions relatives à la protection du consommateur en matière de vente liée et de respect de la vie privée, dans une certaine mesure nous réglementons déjà ce genre de choses. Les conflits d'intérêts et les règles gouvernant les conflits d'intérêts constituent une partie importante de ce que nous faisons en matière de réglementation du commerce des valeurs mobilières. Nous avons une expertise dans ce domaine.

Le président: Rappelez-vous que nous ne parlons pas ici uniquement du commerce des valeurs mobilières. Nous parlons de la vente des autres produits qui ne font manifestement pas partie du domaine des valeurs mobilières.

M. Hess: C'est exact. Tous les produits financiers doivent être réglementés sur une base similaire. C'est ainsi qu'on procède dans le modèle australien. La réglementation se fait à un niveau de gouvernement parce qu'ils sont tous d'accord pour qu'il en soit ainsi.

Le président: Je veux être bien certain que je comprends.

Le sénateur Austin: Nous étions au Royaume-Uni, discutant avec les FSA, organisme qui en était à son tout début, et le gouvernement Blair venait d'introduire un organisme de réglementation universel. Je sollicite vos commentaires sur la décision sous-jacente du gouvernement Blair, qui doit avoir un organisme de réglementation assorti d'une vue d'ensemble institutionnelle. Il aura aussi ses capacités fonctionnelles, parce que le système de réglementation existant continuera d'exister, mais il y aura un processus d'ensemble qui sera composé des responsables des divers systèmes fonctionnels et de supervision. Dans les affaires, selon un vieux dicton, les fonctions n'échouent pas, mais les institutions échouent. Savez-vous ce qui se passe au Royaume-Uni ou avez-vous un commentaire à savoir si ce genre de système fonctionnerait pour eux ou, d'une façon plus coopérative, pour nous?

M. Hyndman: Il est trop tôt pour dire si les FSA ont de l'avenir. Leur organisation est toute récente. Dans le monde entier, nous étudions deux modèles différents de structuration de la réglementation des services financiers. L'un est le modèle britannique, c'est-à-dire un organisme de réglementation unique qui s'occupe à la fois de l'aspect prudentiel de la réglementation et de l'aspect réglementation du marché; l'autre est le modèle australien, où ces deux aspects sont régis par des organismes distincts.

L'un des arguments militant en faveur de la division en deux organismes est qu'il y a incompatibilité entre les deux fonctions. Historiquement, nous voyons qu'au Canada, les motivations de l'organisme de réglementation de l'aspect prudentiel sont de maintenir l'institution pour s'assurer qu'elle n'échoue pas. Ceci les amène souvent à dissimuler de l'information en vue d'éviter des retraits massifs dans une institution de dépôt, alors que les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières sont, de façon historique, intéressée à divulguer l'information. Ceci s'est produit dans le passé, lorsque des sociétés de fiducie ont connu des difficultés financières et que le BSIF, par exemple, empêchait quiconque de dire quoi que ce soit sur le sujet. Les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières disent: «Que faites-vous des actionnaires?» Il faut donner de l'information pour que la transaction puisse se faire de façon éclairée.

Le fait que le même organisme de réglementation soit responsable des deux aspects soulève des questions intéressantes. Comment pouvons-nous concilier des motivations conflictuelles? Nous verrons avec le temps comment cela fonctionne au Royaume-Uni. Pour un certain nombre de raisons, le modèle australien est probablement mieux adapté au contexte canadien. Il y a des avantages à séparer la réglementation prudentielle et la réglementation du marché. Le contexte fédéral-provincial dans lequel nous évoluons se prête mieux à la distinction entre la réglementation des questions prudentielles au niveau fédéral et celle du marché au niveau des provinces, parce que nous disposons déjà de la structure des commissions des valeurs mobilières. Si nous laissons cette compétence au niveau provincial, on évite toute la question des transferts de compétence et des possibilités de retrait des provinces, comme il en a été question il y a quelques années à la commission fédérale des valeurs mobilières. On table ainsi sur l'expertise existante et sur les avantages qui découlent d'une structure régionale qui est souhaitable pour la réglementation du marché, où l'on veut être près des gens qui sont soumis à cette réglementation et près des consommateurs qui profitent de la réglementation qui a été mise en place. C'est pourquoi nous sommes enclins à penser que le Canada devrait adopter le modèle australien.

M. Hess: C'est une excellente question. Vous avez écarté une autre partie de notre proposition dont je n'ai pas parlé dans mon introduction. J'espère qu'on n'interprète pas ce que j'ai dit comme étant la volonté des commissions provinciales des valeurs mobilières d'essayer d'accaparer plus de territoire. Ce que nous voulons, c'est que la réglementation soit améliorée, que ce soit sur l'aspect prudentiel ou sur celui du marché.

On a fait référence aux échecs des institutions. Vous êtes conscients qu'il s'agit de l'aspect prudentiel. C'est la préoccupation d'un organisme de réglementation prudentielle. À l'autre extrême, on a l'organisme de réglementation du marché, qui ne se soucie pas de l'échec des institutions, mais veut protéger le consommateur des arnaques. C'est sa dynamique.

Je suis d'accord avec vous que les quatre piliers se sont effondrés. Nous lisons fréquemment sur la question des fusions des composantes commerciales de la banque. La Banque Royale l'a fait la semaine dernière. Nous sommes préoccupés par cette question et nous avons des propositions pour améliorer la réglementation prudentielle. Nous devons donner au BSIF l'accès aux courtiers en valeurs mobilières. Cet accès ne lui est pas possible actuellement et c'est nous qui devons lui procurer l'information. Il faudrait aussi une étroite collaboration entre les organismes de réglementation du marché et ceux des valeurs mobilières.

Il continuera d'y avoir une composante chargée de la protection des investisseurs en valeurs mobilières à la réglementation prudentielle des courtiers en valeurs mobilières puisque la protection des investisseurs continuera d'exister et il y aura un fonds de protection pour les nouveaux fonds communs, l'organisme d'autoréglementation. Il y a toujours un intérêt de ce côté. Nous allons laisser le BSIF s'occuper des courtiers en valeurs mobilières des banques parce que cela fait partie de sa préoccupation. C'est l'une des lacunes de la réglementation qui nous préoccupe.

Le sénateur Austin: Les deux réponses me réjouissent, parce que nous faisons tous deux références aux lacunes dans le système de supervision. Je pense depuis longtemps que les tentatives pour mettre tout cela dans une compétence ou une autre serait anti-canadien. Nous avons une seule voie à suivre dans ce pays, c'est celle de la collaboration et de l'intégration entre les divers organismes. Il faut pour y arriver que les gens qui sont concernés trouvent le chemin à suivre. Cela ne viendra pas du sommet, mais plutôt des relations de travail au jour le jour, qui permettront de déterminer quelles sont les lacunes et de les résoudre ensemble.

M. Hess: Comme l'a affirmé M. Hyndman, je crois que le modèle australien est un meilleur modèle parce qu'il tient compte du conflit entre la réglementation du marché et la réglementation prudentielle. Aussi, comme vous l'avez dit, il fournit une solution canadienne.

Le sénateur Oliver: Ma question a trait à la Commission nationale virtuelle des valeurs mobilières. Depuis un certain temps, ce comité examine les différentes avenues relativement à la mise sur pied d'un quelconque organisme national pour réglementer le commerce des valeurs mobilières au Canada. Depuis 1960, il y a plus de quatre commissions royales d'enquête et groupes de travail qui ont essayé de trouver une solution. Vous parlez maintenant d'une commission nationale virtuelle des valeurs mobilières.

Comme on l'a dit au sénateur Meighen aujourd'hui, le problème que nous avons connu dans le passé a trait au conflit entre les compétences fédérales et provinciales. De plus, de façon inhérente, on a constaté une absence de sensibilité envers les provinces, envers les autres besoins et envers les autres systèmes qui ont été mis en place. Lorsque vous parlez de la commission nationale virtuelle des valeurs mobilières, selon vous, cette structure permettra-t-elle de surmonter certains de ces problèmes de sensibilité et disposerons-nous enfin quelque chose pour combler ces lacunes?

M. Hyndman: Nous sommes dans la bonne voie avec les Canadian Securities Administrators. Le terme «Commission nationale virtuelle des valeurs mobilières» émane d'une discussion que nous avons eue avec les médias il y a quelques années. À cette époque, il y avait des discussions concernant la possibilité de créer ce que l'on appelait la Canadian Securities Commission, à laquelle les provinces participeraient avec un droit de retrait. À l'époque, quelques provinces semblaient intéressées et deux ou trois des plus grosses provinces pensaient se prévaloir de leur droit de retrait. Selon moi, cette solution aurait représenté un pas en arrière, parce que nous aurions alors eu besoin d'un système intégrant les Canadian Securities Administrators, organisme qui faisait preuve d'une bonne collaboration, et d'un autre niveau de gouvernement pour réglementer dans certaines provinces, mais pas dans les autres. La collaboration s'en serait probablement trouvée plus compliquée que moins, en partie en raison de ces discussions et des inquiétudes de l'industrie par rapport aux coûts de la réglementation et à un fonctionnement plus difficile entre les provinces.

C'est alors que les Canadian Securities Administrators ont décidé de mettre davantage l'accent sur l'harmonisation des exigences et la rationalisation du fonctionnement entre les diverses commissions des valeurs mobilières. Nous procédons présentement à l'introduction d'un certain nombre de systèmes que l'on englobe sous l'appellation «alliance mutuelle», qui fonctionnent dans le cadre d'un système de réglementation par la province, que ce soit par un courtier ou par un émetteur. Ceux-ci traiteraient principalement avec l'organisme de réglementation de leur province où se trouve le siège social. De façon générale, les autres compétences dépendraient de l'examen de la réglementation effectué par l'organisme de réglementation de l'organisme concerné pour permettre à ce participant au marché de faire des affaires dans les autres provinces.

Par exemple, si un émetteur de la Colombie-Britannique veut déposer un prospectus et vendre dans tout le Canada, il peut le déposer par l'entremise du système de dépôt électronique. Le prospectus est alors transmis à toutes les compétences. La Colombie-Britannique est la première compétence à l'examiner. Notre personnel examine le prospectus. Les autres auraient la possibilité de se retirer si elles pensaient qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans ce dépôt en particulier, mais je crois que ce n'est jamais arrivé depuis que le système existe.

Normalement, notre personnel prend une décision et donne à l'entreprise l'autorisation de distribuer son prospectus. C'est ainsi qu'il est possible d'offrir les valeurs mobilières à la grandeur du pays. Nous avons introduit cela dans un certain nombre de domaines, comme les exemptions d'enregistrement. Grâce à ce système, l'accès à tout le marché canadien est rendu possible, sur le modèle de ce qui se fait en Europe et que l'on appelle le passeport unique. Cependant, nous conservons la réglementation sur place pour les participants locaux qui veulent traiter avec une seule commission des valeurs mobilières et qui en ont une sous la main. Les cas où des investisseurs veulent porter plainte ou ceux où il y a matière à enquête sont normalement très locaux et nécessitent une connaissance locale ainsi qu'une connaissance de la réglementation locale. Notre système permet de faire cela. Il nous procure l'équilibre nécessaire à la réglementation du commerce des valeurs mobilières non seulement en ce qui a trait à la capacité de réglementer au niveau national mais aussi à celle d'être sur place au niveau local et au niveau régional.

Le sénateur Oliver: Votre système exige de la bonne volonté et une confiance mutuelle. Des failles ont-elles commencé à apparaître dans tout cela? Quels problèmes entrevoyez-vous en regard de l'évolution continue de ce nouveau système virtuel dans le futur? Pensez-vous que cela deviendra vraiment une réalité un jour?

M. Hyndman: C'est vraiment une réalité. Lorsque vous demandez si des failles sont apparues, je dirais: «Au contraire!». Depuis les dernières années, tout le mouvement est allé dans la direction opposée puisque nous avons accru l'interaction entre les commissions et entre les membres du personnel des commissions. Les vieilles jalousies et les soupçons sont choses du passé. Un peu plus tard au cours du présent mois, nous aurons une session de formation pour le personnel de certaines des fonctions des diverses commissions des valeurs mobilières de tout le Canada. Nous nous réunissons pour nous assurer que nous appliquons les mêmes normes et de façon à ce que chacun comprenne comment l'autre a réglé divers problèmes. C'est une bonne façon de renforcer la confiance parmi le personnel. En tant que présidents d'une commission des valeurs mobilières, nous pouvons être d'accord pour que les choses fonctionnement, mais il peut y avoir du sabotage au niveau du personnel si on ne fait pas confiance au personnel des autres compétences. Ce degré de confiance s'accroît et nous faisons en sorte de continuer à l'accroître de façon qu'il y ait davantage d'interaction. Comme l'a affirmé M. Hess précédemment, c'est un peu comme si nous avions des succursales d'une même organisation plutôt qu'un ensemble de fiefs.

M. Hess: Vous avez fait référence aux problèmes à surmonter. Ce sur quoi nous travaillons tient compte de ces problèmes.

Je peux peut-être faire état de quelques autres points concernant la commission nationale des valeurs mobilières. D'abord, sans tenir compte des avantages d'une commission nationale des valeurs mobilières, certaines personnes, particulièrement dans les régions, ont l'impression qu'il pourrait y avoir des éléments négatifs, et elles ne veulent pas prendre le risque. Deuxièmement, nous croyons que ce sur quoi nous travaillons peut prendre en compte presque tous, sinon tous, les avantages d'une commission nationale des valeurs mobilières.

Finalement, il n'y a jamais eu de discussion concernant une commission nationale des valeurs mobilières. Le Québec n'a jamais participé aux discussions. Vous pouvez faire des spéculations sur ce qui aurait pu en ressortir. S'il est question d'une commission nationale des valeurs mobilières, bien, mais ne perdons pas notre temps à parler d'une commission partielle des valeurs mobilières.

Le sénateur Oliver: Pour ce qui est ces coûts et de l'efficacité, croyez-vous que l'orientation que vous prenez actuellement sera probablement moins coûteuse et au moins aussi efficace, si nous pouvons concevoir une commission nationale des valeurs mobilières en amenant tout le monde à la table?

M. Hyndman: Je soupçonne que le système actuel, tel que nous envisageons son évolution, sera moins coûteux. Vous évitez ainsi la superstructure qu'il faut inévitablement développer pour un organisme national. Cependant, il faut conserver des bureaux régionaux.

Lorsque nous avons discuté de ce projet il y a quelques années, M. Hess et moi-même avons rédigé un document sur notre conception de la structuration d'une commission nationale des valeurs mobilières. Il faut faire des suppositions quant aux coûts, mais si vous considérez le développement normal des organisations, vous auriez une organisation nationale ainsi qu'un certain nombre de bureaux. Vous pouvez penser à un directeur général, un groupe d'assistants et du personnel pour les assister dans un bureau centralisé et pour superviser les gens qui travaillent dans les régions. De cette façon, nous évitons toute cette structure et obtenons le maximum d'avantages, sinon tous, à moindre coût.

Comme l'a affirmé M. Hess, on contourne ainsi les craintes des participants régionaux -- assurément dans l'Ouest du Canada et au Québec -- qui ne sont pas d'accord avec la mise en place d'une commission nationale des valeurs mobilières parce qu'ils craignent de devoir faire un trajet de quatre heures en avion pour parler au responsable de l'organisme de réglementation s'ils pensent que les décisions sont prises au niveau central plutôt qu'en région.

Le sénateur Oliver: Ce que j'entends au sujet du développement en cours me réjouit. Cela semble très encourageant.

Le sénateur Austin: Selon moi, lorsque les gens veulent qu'un système fonctionne, il fonctionne. Cependant, si le nombre de personnes qui veulent que le système fonctionne n'est pas élevé, il ne fonctionnera pas. Aux États-Unis, la SEC fonctionne et elle est au sommet. C'est la pieuvre qui étend ses tentacules sur tout le système et sur les bureaux régionaux.

Je veux vous poser une question concernant un aspect du rapport MacKay, soit l'introduction d'une idée. Le rapport MacKay met l'accent sur le consommateur. Ce fait se répète sans cesse tout au long du rapport. L'idée est que le BSIF devrait avoir la responsabilité à même son cadre prudentiel d'encourager la concurrence et qu'il devrait tenir compte de la concurrence comme facteur additionnel dans sa fonction.

Considérant votre expérience en tant qu'organismes de réglementation, pouvez-vous nous donner votre point de vue sur la facilité d'intégration d'une telle idée dans le cadre réglementaire prudentiel?

Le président: Les témoins sont en train de décider qui répondra d'abord à cette question.

Le sénateur Austin: Je vous demande votre point de vue personnel, pas le point de vue de votre institution.

M. Hess: Après avoir pris le contrôle de la réglementation du marché, nous allons passer au monde de la concurrence. Il est de la responsabilité d'un organisme de réglementation d'avoir un bon portrait de l'ensemble de la situation. Évidemment, nous avons un bureau de la concurrence et une loi sur la concurrence. Évidemment, c'est là que doit être mis l'accent.

Lorsque vous réglementez, ce que vous faites a des incidences sur le comportement du marché. Nous devons toujours prendre en considération ce que nous faisons. L'une des choses sur laquelle nous devons travailler a trait à un autre système pour les opérations. Il y a quelques années, les organismes de réglementation ont pensé que les spéculateurs habituels pourraient transiger à la bourse. Ce n'est peut-être pas une façon équitable de présenter ce qui est arrivé à la CVMO il y a quelques années. En fait, le commerce des valeurs mobilières a contourné ce système et s'est tourné vers le sud. Il faut être conscient de cela. Nous devons maintenant faire quelque chose pour permettre d'autres systèmes de commerce des valeurs mobilières pour éviter l'érosion continue du commerce et des liquidités ici. Ai-je éludé la question juste ce qu'il faut?

Un organisme de réglementation doit être conscient de la façon dont les choses s'intègrent dans son mandat. Je ne suis pas un spécialiste de la réglementation prudentielle, aussi j'arrête ici.

Le sénateur Austin: Dois-je comprendre que vous dites qu'en fait le rapport MacKay rend tout simplement explicite un facteur qui devrait être pris en considération en toute circonstance? Est-ce bien ce que vous dites?

M. Hess: Je crois. Selon notre procédé d'élaboration des règlements, nous faisons des énoncés d'incidence publics sur les incidences que peuvent avoir les règles à notre avis. Tous les organismes de réglementation doivent faire la même chose de façon que le public puisse faire ses commentaires et que les législateurs puissent évaluer si les organismes de réglementation jouent adéquatement leur rôle dans l'ensemble, ce qui est votre responsabilité, pas la nôtre.

Le sénateur Austin: Il est difficile de déterminer à qui incombe la responsabilité d'encourager l'innovation et la concurrence dans le contexte de la réglementation prudentielle. Autour de la table, au BSIF, ils sont peut-être en train de se poser des questions au sujet de cet article de notre liste de vérification, mais lorsque vous examinez le tout de l'extérieur, il est difficile de comprendre comment cette discussion peut évoluer.

Pour ce qui est de la responsabilité prudentielle, allez-vous mettre sur pied un nouveau service ou un nouveau responsable dont la responsabilité est de mettre l'accent sur cette nouvelle responsabilité et de contribuer à ce débat, ou est-ce que chacun détient la même responsabilité horizontalement pour chaque article de la liste de vérification? Ce sont des questions rhétoriques. Nous avons un problème avec les recommandations.

J'ai une question brève dont la réponse devrait être relativement brève. Je l'adresse à vous, M. Hess, mais j'aimerais aussi connaître le point de vue de M. Hyndman. À un moment donné, la réponse à cette question le concernera sans nul doute. Il s'agit de la supervision de la réglementation dans les succursales du Trésor de l'Alberta. Historiquement, comment la fonction de supervision a-t-elle fonctionné en Alberta?

M. Hess: Dans la mesure où elles vendent des valeurs mobilières, nous les réglementons.

Le sénateur Austin: Il n'y a pas d'organisme de réglementation dans le domaine de la responsabilité prudentielle, est-ce exact?

M. Hess: Il y a le Département du Trésor qui a un intérêt important puisqu'il est le répondant.

Le sénateur Austin: Il y a un contrôleur interne?

M. Hess: Je ne connais pas la structure. Je sais que cela fait partie du Département du trésor.

Le sénateur Austin: Il y avait un reportage dans le Edmonton Journal il y a quelques jours concernant la possibilité que les succursales du Trésor de l'Alberta et la Canadian Western Bank deviennent qu'une entité. Je suis très intéressé de savoir quelles peuvent être les conséquences en matière de réglementation. Toutefois, j'aborderai ce sujet une autre fois.

Le président: Je rappelle aux honorables sénateurs que les représentants de l'Alberta Treasury Branch seront ici dans environ trois heures. Il sera alors possible de leur poser ces questions.

Le sénateur Carney: J'aimerais compléter les remarques du sénateur Oliver concernant les failles dans un système en évolution. À part les raclées que lui donnent occasionnellement les médias, la B.C. Securities Commission fonctionne dans un climat généralement favorable pour les investisseurs. Certaines failles du système ne se sont peut-être pas encore manifestées.

Bon nombre des choses dont vous parlez, telles que la déclaration en temps réel, le dépôt électronique, les demandes d'harmonisation et l'alliance mutuelle, reposent sur une certaine harmonisation de la technologie afin que nous puissions réellement communiquer les uns avec les autres. Qui est responsable de la réglementation en matière de comptabilité technique dans des domaines comme celui de la compatibilité des ordinateurs à l'an 2000. Qui est responsable de veiller à ce qu'il soit techniquement possible d'atteindre ces objectifs de confiance mutuelle et d'harmonisation? Est-ce une responsabilité fédérale ou provinciale? L'aspect de la protection du consommateur fait aussi partie de ces préoccupations.

M. Hyndman: Si vous parlez des émetteurs et des courtiers en valeurs mobilières, nous croyons à première vue que c'est le courtier qui est responsable d'assurer la compatibilité à l'an 2000. Les organismes de réglementation des valeurs mobilières collaborent avec l'industrie pour faire prendre conscience du problème de l'an 2000 et s'assurer, dans la mesure du possible, que les courtiers se conformeront. Qu'est ce que cela signifie? Est-ce possible? Voilà des questions dont on pourrait débattre longuement, mais dans la mesure où c'est techniquement réalisable, nous les incitons à se conformer s'ils veulent continuer de participer aux marchés des valeurs mobilières.

Il y a quelques semaines, nous avons adopté une règle à l'échelle nationale exigeant de tous les courtiers agréés en valeurs immobilières qu'ils fassent part de l'état d'avancement de leurs travaux en vue de l'an 2000 une fois par trimestre à leur commission des valeurs mobilières respective. Nous avons indiqué que pour ceux dont les travaux ne seraient pas suffisamment avancés, nous allions déterminer s'ils seraient autorisés à continuer leur travail ou à participer au marché. Nous en avons pris la responsabilité de notre propre chef.

Nulle part dans la Loi sur les valeurs mobilières il n'est mentionné que nous sommes responsables de la compatibilité à l'an 2000, mais nous considérons qu'il en va de l'intégrité du marché. Les commissions des valeurs mobilières se chargent de cette responsabilité pour s'assurer que les courtiers agréés sont eux-mêmes conformes. Nous imposons aussi aux sociétés ouvertes et aux émetteurs, par voie d'interprétation, l'obligation de divulguer à leurs actionnaires leur état de préparation en regard de l'an 2000, parce que cela peut avoir des incidences sur la valeur de leurs investissements, si des problèmes se produisent. Nous avons procédé à des examens concernant la divulgation et nous préparerons un rapport sur le caractère adéquat de la divulgation par les sociétés ouvertes.

Le sénateur Carney: Quelle date a été fixée pour cela? Je suis vraiment rassurée de savoir que vous vous attaquez à ce problème, qui est un problème pratique fondamental, à savoir de s'assurer que le système que l'on élabore actuellement sera bénéfique pour le consommateur. Quand le consommateur connaîtra-t-il le degré de conformité des sociétés qui s'occupent de leurs actifs personnels?

M. Hyndman: Nous parlons des courtiers et des conseillers. Leur déclaration doit être faite en date du 31 octobre. Nous les recevrons donc au cours du prochain mois, lorsqu'elles seront affichées sur les sites Web des commissions.

Le sénateur Carney: Ce comité peut peut-être continuer de surveiller ce qui semble un aspect important du sujet que nous étudions, à savoir la santé du système financier.

Le président: Nous jetterons sûrement un coup d'oeil sur cela. Merci, sénateur Carney.

M. Hess, en réponse à ma question et à celle du sénateur Meighen au sujet de la réglementation en matière de protection du consommateur, a indiqué qu'il serait hautement désirable de ne pas avoir une réglementation fédérale et une réglementation provinciale; idéalement, la réglementation devrait être combinée. Nous sommes tous d'accord avec cela. En réponse au sénateur Meighen, lorsqu'il a demandé combien de temps cela prendrait, reconnaissant la difficulté d'en venir à une entente fédérale-provinciale sur quoi que ce soit au Canada, vous avez indiqué que nous pourrions probablement répondre à cela mieux que vous. Pourquoi un accord du gouvernement est-il nécessaire?

Si la protection du consommateur fait déjà partie de votre mandat et si la législation fédérale prévoit des dispositions qui requièrent certains éléments relatifs à la protection du consommateur -- même s'ils sont délégués, par exemple, au BSIF; ce qui peut aussi bien ne pas se produire, mais nous allons considérer cette possibilité pour le moment -- pourquoi ne serait-il pas possible pour les organismes de réglementation eux-mêmes d'en venir à une entente, évitant ainsi l'élément ralentisseur du processus, à savoir une entente gouvernementale? Si le gouvernement et les cabinets peuvent être tenus à l'écart, la possibilité de pouvoir conclure une entente rapidement et efficacement est beaucoup plus grande que si vous requérez la participation des politiciens.

M. Hess: Le problème concerne les différents produits et services et les institutions concernées. Nous ne sommes pas autorisés à imposer des règles de divulgation sur la vente de fonds distincts par une compagnie d'assurance de compétence fédérale. Nous ne sommes pas autorisés à imposer des règles relatives à l'éducation et à la notoriété du client en matière de vente liée aux employés des banques qui vendent d'autres produits que des valeurs mobilières. C'est pour cela que les institutions sont réglementées à différents niveaux.

Le président: Je comprends le problème. J'essaie de trouver une solution qui évite de devoir passer par une entente intergouvernementale.

Si l'on prend vos deux exemples, n'y aurait-il pas une façon qui pourrait vous permettre d'agir au nom du BSIF pour ce genre de choses? Je comprends l'obligation légale qu'a le BSIF de faire certaines choses. Existe-t-il un moyen quelconque qui permettrait au BSIF de vous déléguer certaines choses sans qu'il soit nécessaire de conclure une entente intergouvernementale ou d'adopter une loi? Je ne suis pas avocat, j'essaie seulement de trouver. Croyez-moi, j'ai l'expérience des ententes intergouvernementales, c'est pourquoi j'aimerais trouver quelque chose qui permette que l'on évite cela.

M. Hess: Nous parlons de choses pour lesquelles le BSIF n'a pas de pouvoirs. Si le BSIF avait le pouvoir de réglementer le marché et le pouvoir de déléguer à quelqu'un d'autre, il n'y aurait alors pas de problème. Nous pourrions considérer cela à toute fin pratique comme de l'intégration proportionnelle.

Le président: En théorie, la façon de se sortir de ce problème serait d'attribuer certaines responsabilités au BSIF assorties du pouvoir de délégation et de laisser votre groupe trouver une solution.

M. Hyndman: C'est certainement une possibilité. On peut la considérer non seulement sous l'angle de la délégation mais aussi sous celui de la confiance mutuelle entre les provinces, où il n'y a pas de délégation officielle, mais où chacun doit comprendre le système de l'autre et s'y fier.

Le président: Il s'agit de collaboration plutôt que de délégation officielle.

M. Hyndman: C'est exact. Je suis heureux que vous m'ayez posé la question. Nous pourrions aller pas mal loin avec certaines règles promulguées par les commissions des valeurs mobilières et quelques modifications législatives relativement simples.

Le président: Modifications fédérales ou provinciales?

M. Hyndman: Provinciales, avec un avertissement que je mentionnerai dans un instant. Une bonne partie de l'activité qui nous préoccupe, qui est l'apanage des institutions financières et qui ne fait pas partie du champ de réglementation des valeurs mobilières, a trait à la vente de produits qui sont similaires aux valeurs mobilières mais qui sont exclus de nos exigences réglementaires générales, parce qu'ils ne sont pas inclus dans la définition des valeurs mobilières. Ceci inclut des produits comme les dépôts et certains genres de contrats d'assurance. Ce sont techniquement des valeurs mobilières, mais ces produits font l'objet d'une exemption particulière. Il y a un grand nombre d'exemptions pour les institutions financières qui se fondent sur le principe que les organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières n'ont pas à réglementer cela parce que ces produits sont réglementés par un autre organisme de réglementation, alors que l'autre organisme de réglementation ne les réglemente pas à partir de la même perspective que les commissions des valeurs mobilières. Ils ne s'occupent pas de la question de la divulgation ou de la compétence des gens qui les vendent.

L'élimination de ces exemptions et des exclusions de la définition du terme «valeurs mobilières» pourrait donner aux commissions des valeurs mobilières le pouvoir de rapatrier une bonne partie de l'activité qui nous préoccupe, à savoir l'établissement de limites relativement à la réglementation des valeurs mobilières afin que l'industrie des valeurs mobilières puisse suppléer pour des produits qui sont vendus par l'industrie des valeurs mobilières mais sont couverts par un régime réglementaire différent. Ceci est particulièrement évident lorsqu'on observe les groupes dans une banque, alors que la banque a une filiale qui est une société de fiducie et maintenant une filiale qui est une compagnie d'assurance; un courtier et la banque prennent des décisions à savoir laquelle des succursales intégrera maintenant cette autre activité. L'un des facteurs pris en considération est le suivant: Où y a-t-il le moins de règlements? Dans quel domaine aurons-nous moins de fouineurs dans nos affaires?

Selon nous, cela n'a aucun sens qu'une banque puisse décider qu'elle placera tel service conseil en investissement dans sa société de fiducie, car alors elle n'aura pas à se soucier des commissions des valeurs mobilières. Toutefois, si elle choisit un courtier, elle aura affaire aux commissions des valeurs mobilières. Se débarrasser des exemptions ou les limiter pourraient constituer un grand pas vers le règlement de ce problème. Ce ne serait qu'une réponse partielle au système dont nous parlons, mais cela aiderait grandement et pourrait être fait relativement vite.

Plus tôt, j'ai mentionné un avertissement. À l'occasion, nous entendons des arguments de la part des banques à l'effet qu'elles relèvent exclusivement de la compétence fédérale et qu'elles n'ont pas à se soucier des lois provinciales. Je ne prétends pas être un constitutionnaliste et je ne sais pas jusqu'où cet argument nous mènerait si on le défendait, mais il s'agit d'un obstacle potentiel si cette objection est soulevée. Les banques peuvent dire: «Si nous le faisons à l'intérieur de la banque, alors nous n'avons pas à vous écouter.» Elles sont soumises aux lois d'application générale dans les provinces, mais j'essaierais autant que possible d'éviter cette bataille. La façon simple d'éviter cela serait l'adoption d'une loi fédérale statuant que les banques doivent se conformer à la législation provinciale en matière de valeurs mobilières et à la législation provinciale en matière de protection des investisseurs.

Le président: C'est une réponse complète, monsieur Hess.

Merci beaucoup de votre présence ici ce matin. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré.

Nos prochains témoins appartiennent à l'Insurance Brokers Association of British Columbia, dirigée par M. Michael Megson, président. Le comité a reçu un mémoire de quatre pages. Je pense que je ne serai pas injuste en disant que nous connaissons l'argument que vous ferez valoir, puisque nous l'avons entendu un peu partout dans le pays. Nous sommes heureux de vous accorder quelques minutes pour résumer votre argument, puis nous vous poserons quelques questions.

Nous avons rencontré votre organisation nationale et nous avons discuté avec diverses organisations régionales au fur et à mesure de notre tournée dans le pays, c'est pourquoi nous en venons au fait qu'il y a un élément important de répétition ici, et nous ne sommes pas aussi sourds que nous en avons parfois l'air. Je pense que certains d'entre nous pourraient livrer votre baratin aussi bien que vous. Néanmoins, nous sommes heureux de vous accorder quelques minutes, mais notre horaire est serré aujourd'hui. Si vous pouvez être succinct dans votre exposé, nous serons succincts dans nos questions.

M. Michael Megson, président, Insurance Brokers Association of British Columbia: Ceci me convient très bien. Aujourd'hui, M. Roger Finnie, directeur de l'Insurance Brokers Association of British Columbia et mandant dans une société de courtage de Vancouver; M. Chuck Byrne, directeur exécutif de l'Insurance Brokers Association of British Columbia; et M. Bruce Pollock, directeur général adjoint de l'Insurance Brokers Association of British Columbia m'accompagnent.

Nous sommes ici au nom des courtiers en assurance des biens et en assurance risques divers de cette province. Je vais présenter certains points, puis je demanderai la participation de mes collègues, au cas où j'aurais oublié quelque chose. Vous devez comprendre que la Insurance Brokers Association of B.C. est l'une des plus importantes associations corporatives de la province. Nous représentons plus de 750 bureaux membres, et 6 000 courtiers d'assurance générale. La majorité de nos membres sont des femmes, et nous employons beaucoup de jeunes Britanno-Colombiens. Nous sommes présents dans 160 municipalités de la province.

Le groupe de travail MacKay et la Insurance Corporation of British Columbia, de même que de nombreuses entreprises médiatiques, ont fait beaucoup d'études au cours des dernières années. Toutes ont démontré que le public tient en très haute estime notre profession et nos professionnels. Il accorde beaucoup de valeur à nos services, à nos connaissances et à la concurrence que nous offrons; il nous fait confiance et respecte notre travail.

Nous estimons que les banques détiennent déjà suffisamment de pouvoir. Nous avons accepté que les recommandations de 1992 et la Loi sur les banques de 1992 permettent aux banques de vendre de l'assurance dans des filiales qu'elles avaient le loisir de former. Cette concurrence ne nous cause aucun souci. Nos prédécesseurs qui ont témoigné devant vous l'ont déjà dit, et nous le répétons: nous ne sommes pas ici pour demander l'amoindrissement de la concurrence dans le marché. Peu nous importe. Nous ne voyons aucun problème à ce que les banques puissent vendre des produits par le biais de leurs filiales. Nous nous offusquons devant les privilèges spéciaux que semble accorder aux banques le groupe de travail MacKay, en leur permettant de vendre elles-mêmes des produits d'assurance.

Au cours des dernières années, les progrès de notre industrie ont semblé passer inaperçus. Il me semble que le gouvernement et, peut-être, ce comité ainsi que le comité de la Chambre des Communes devant qui nous avons témoigner plus tôt, estiment que notre industrie est stagnante. Que le dynamisme et la croissance sont au point mort. Qu'elle n'évolue ni n'avance. Qu'au tournant du millénaire, nous ferons toujours les mêmes vieilles choses, comme avant, sans viser la croissance. Rien n'est plus loin de la réalité.

La concurrence est très forte dans notre industrie. Nous avons vu l'apparition de sociétés d'assurance directe. Nous ferons bientôt de la vente électronique. Les centres téléphoniques font dorénavant partie intégrante de nos activités. Nous évoluons, nous croissons et nous changeons. Toutes ces activités nous permettent d'offrir un excellent service à notre clientèle.

L'industrie compte 230 assureurs généraux environ au pays. La concurrence est très forte. Si on permet aux banques de vendre des produits dans leurs succursales, les règles du jeu deviendront inéquitables. Nous aborderons sûrement les raisons durant la période de questions.

À titre de courtiers d'assurance générale, nous vendons bien entendu des produits d'assurance générale. C'est un produit complexe. C'est beaucoup plus compliqué que d'acheter une paire de chaussures ou d'aller dans une quincaillerie. C'est un produit complexe, et nous lui consacrons toute notre compétence et tout notre professionnalisme, de la même façon que l'avocat ou le CA dévoue toute sa compétence à sa tâche. Nous considérons que notre tâche est de la même essence.

Certaines recommandations du rapport MacKay semblent suggérer que notre industrie souhaite faire des activités bancaires ou de financement. C'est loin d'être vrai pour la grande majorité des courtiers. Ils veulent avoir les moyens d'accomplir leur tâche de façon encore plus professionnelle, parce qu'ils exercent une profession qui se suffit à elle-même.

Il faut aussi souligner que nous agissons à titre de défenseur des intérêts de nos clients. C'est l'un des principaux points que nous voulons faire comprendre au comité: par sa nature et par la nature des produits qu'elle vend, notre industrie est ici pour défendre les intérêts des clients. Si banques deviennent le fournisseur unique, par le truchement de leurs succursales, de produits tels que des hypothèques et des assurances, elles pourraient se trouver en situation de conflit d'intérêt envers le client. Plus personne ne défendra les intérêts des clients si les banques arrivent à leurs fins.

Nous avons toujours joué un rôle de premier plan dans les campagnes de sensibilisation des clients sur des sujets tels que l'alcool au volant, la prévention du crime, la sécurité routière et la préparation aux tremblements de terre. Dans cette province, nous nous sommes engagés à ce que les petits organismes versent au cours des 5 prochaines années un total de 10 millions de dollars après impôt à des programmes de sécurité routière. Nous espérons que cette contribution aura une influence sensible sur la réduction des accidents et des décès. C'est le genre de valeur ajoutée que notre industrie peut offrir.

Je suis sûr que mes collègues aimeraient aborder des éléments que j'ai passés sous silence. Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui. Je sais que votre rôle n'est pas facile et que vous devez tenir compte d'un nombre inimaginable de facteurs. Nous espérons que notre témoignage aura quelque valeur et que nous aurons pu vous éclairer sur notre travail et sur les caractéristiques de notre industrie.

Le sénateur St. Germain: Merci, messieurs, de vous être présentés devant le comité aujourd'hui. Certes, nous avons, à titre de sénateurs et de députés en général, reçu une avalanche de commentaires de la part de votre industrie et de l'industrie de la location de voitures depuis le début des audiences.

En Colombie-Britannique, les coopératives de crédit vendent de l'assurance depuis longtemps; votre industrie a-t-elle recueilli des données prouvant que la venue d'une coopérative de crédit dans une région vous aurait frustrés d'une partie du marché, ou au contraire qu'elle aurait favorisé un essor économique dans la communauté? Existe-t-il des données à cet effet? Une telle comparaison ou analogie serait des plus utiles pour nous actuellement. D'autres pays qui ont permis aux banques d'investir le marché de l'assurance ont sûrement évalué déjà l'incidence sur votre industrie.

M. Megson: Les coopératives de crédit ont bien le droit dans cette province d'agir à titre de courtiers d'assurance et de vendre de l'assurance -- c'est-à-dire des produits d'assurance générale à des particuliers et à des entreprises. En 1989, on a adopté la Financial Institutions Act. Cette loi n'autorise pas les coopératives de crédit à vendre ces produits dans leurs succursales. Elles doivent le faire dans des lieux distincts. Les organismes de réglementation ont prévu de telles mesures à l'époque pour éviter les conséquences dont nous avons discutées et dont vous avez abondamment entendu parler, soit la coercition et l'utilisation indue de renseignements privés. Depuis la promulgation de la loi de 1992, les coopératives peuvent vendre de l'assurance, comme les banques, par le truchement de leurs filiales, conformément à cette mesure de protection.

À Victoria, une grande coopérative de crédit contrôle 25 p. 100 environ du marché régional des assurances de particuliers, soit l'assurance-maison et automobile. M. Pollock pourra peut-être élaborer à ce sujet, mais je peux dire que le Insurance Council de la province, un organe de réglementation de notre industrie, reçoit régulièrement des plaintes du public eu égard à des ventes forcées. De nombreuses plaintes nous parviennent de nos clients, qui ont l'impression qu'ils sont forcés d'acheter un produit parce qu'ils bénéficieront d'une réduction pour un autre produit, et que cela influe sur l'octroi de crédit. Ces cas ne sont pas rares et appellent des solutions. Il reste que les coopératives ne sont pas autorisées à faire de la vente dans leurs succursales, en vertu de la prescription afférente à un lieu physique distinct.

Le sénateur St. Germain: C'est purement symbolique dans de nombreux cas, non? Disposez-vous de données indiquant que des courtiers d'assurance ont été forcés de cesser leurs activités parce qu'ils ont ployé sous la puissance de telles institutions? C'est en gros ce dont nous parlons, à une échelle beaucoup plus réduite, parce que les coopératives de crédit sont des institutions de crédit au même titre que les banques.

M. Megson: Dans la région de Victoria, où je vis, avant que les coopératives de crédit ne soient autorisées à les acheter, on trouvait environ 50 entreprises de courtage indépendantes dans la ville; il y en a encore 50 actuellement. Au cours de cette période, soit beaucoup plus de dix ans, la croissance de la population a été considérable. Il est clair, si on compare les deux données, que les coopératives ont eu une incidence importante dans la région et dans le marché où j'exerce mes activités.

Le sénateur St. Germain: Vous appuyez-vous sur des données ou sur une déduction de votre cru? Je sais que certaines entreprises de courtage importantes engouffrent les plus petites en Colombie-Britannique. Nous aimerions que vous nous fournissiez des données pour étayer votre argumentation. Il ne fait aucun doute que les banques à charte sont des créations des gouvernements. Elles sont sous leur égide, et on leur a à toutes fins utiles garanti des profits annuels de 4 milliards de dollars, parce qu'elles sont des banques à charte. Notre principal souci, cependant, est le consommateur. Je ne souscris pas à toutes les recommandations du rapport MacKay, mais il est clair que le groupe de travail veut avant tout améliorer le sort des consommateurs. N'êtes-vous pas d'avis que le prix des produits d'assurance serait plus raisonnable si les banques pouvaient aussi en vendre aux consommateurs?

M. Chuck Byrne, Directeur exécutif, Insurance Brokers Association of British Columbia: Un autre élément important visé par la loi est la restriction afférente à l'exploration et à l'interdistribution de bases de données. Il n'est pas tout à fait juste de dire qu'il est purement symbolique d'imposer des lieux physiques distincts, car des professionnels de l'assurance certifiés sont à pied d'oeuvre dans le bureau de courtage. On leur interdit d'envoyer des clients à un autre bureau, et de donner des listes pour trouver de nouveaux clients. Ces bureaux agissent à titre d'entreprises de courtage indépendantes. Le client desservi appartient à une autre catégorie en raison de la nature même des coopératives de crédit. Les risques commerciaux sont moins présents parce qu'elles vendent surtout des assurances de particuliers. Il n'en demeure pas moins qu'elles fonctionnent dans une très large mesure de la même manière que des courtiers indépendants. Elles sont responsables de l'obtention de crédits de formation permanente et de certificats, et elles ne sont pas autorisées à faire de l'interdistribution de produits d'une coopérative à l'autre. Nous nous opposons à la vente d'assurances dans les succursales bancaires parce qu'il s'agit d'une structure totalement différente, que les outils de vente et de regroupements de produits sont tout à fait différents. Ces éléments ne sont pas accessibles aux coopératives de crédit; elles ne sont tout simplement pas autorisées à mettre en oeuvre de tels procédés.

M. Megson a parlé des plaintes et des condamnations relatives à la vente liée et à la pression exercée sur les consommateurs depuis l'entrée en vigueur de ces règlements, malgré les dispositions relatives à la distinction des lieux physiques et à l'exploration des bases de données. À l'évidence, ces mesures de protection visaient à maintenir l'équité des règles du jeu; c'est aussi dans ce but que nous témoignons ici.

M. Megson: Sans contredit, nous sommes obligés de compter avec les coopératives de crédit. Il s'agit de fournisseurs de crédit et de tout ce qui s'ensuit. La loi en vigueur dans cette province nous a permis de composer avec ces joueurs, parce que nous sentons que l'obligation de vendre de l'assurance dans un lieu séparé contribue à égaliser les règles du jeu.

Il importe en outre que le comité reconnaisse que les règles de la concurrence sont les mêmes pour notre industrie que pour les coopératives de crédit, parce qu'elles représentent aussi de nombreuses sociétés d'assurance. Leurs marchés sont peut-être plus restreints que ceux des courtiers indépendants, mais elles disposent tout de même de trois ou quatre marchés. La situation sera différente pour les banques. La Banque Royale exploitera la Société d'assurance de la Banque Royale. Il en sera ainsi. Les consommateurs ne disposeront pas des mêmes options avec les banques qu'avec les coopératives de crédit.

Le sénateur St. Germain: Votre industrie n'est-elle pas protégée d'emblée en raison de la complexité des produits qu'elle vend, parce qu'il faut connaître le détail et une tonne d'information, et détenir les compétences particulières à ce créneau de vente?

M. Megson: Cette affirmation recèle une part de vérité. Les courtiers professionnels seront privilégiés quant à la vente d'assurances commerciales. La plupart du temps, il s'agit de produits complexes. Quand une personne s'adresse à une institution de crédit pour contracter une hypothèque de maison, il peut sembler que l'assurance maison devient un produit générique. Ce n'est toutefois pas le cas. Malheureusement, ces assurances seront vendues par les banques en tant que produit lié. Comme le consommateur veut contracter un emprunt afin d'être en mesure d'acheter une maison; pourquoi ne pas régler le cas de l'assurance sur la même lancée? Personne ne lui expliquera exactement de quoi il retourne et l'assurance sera considérée comme étant un produit marginal. Faut-il donner cette capacité aux banques de vendre ces produits dans leurs succursales? Toute la complexité du produit sera perdue dans les dédales des opérations bancaires.

M. Byrne: La société d'assurance appartenant à la Banque Hongkong du Canada est un autre exemple. Elle donne l'illusion du produit unique pour toutes les situations dans le marché. Beaucoup de ceux qui achètent des produits d'assurance auprès d'elle ne sont pas bien conseillés. Dans certains cas portés à notre connaissance, des personnes ont acheté de l'assurance en croyant réaliser des économies, pour se rendre compte par la suite que leur maison n'était pas admissible et que la police risquait d'être inexécutable. Dans un cas, c'était le panneau électrique qui était en cause, dans un autre, c'était une partie de terrain nu, et dans un autre encore, comme la personne allait passer deux semaines de vacances dans le Sud, la politique était nulle. Ces dispositions ne sont pas expliquées clairement au moment où la vente est conclue. La banque se contente de faire des ventes rapides de produits non adaptés aux cas individuels.

M. Roger Finnie, directeur, Insurance Brokers Association of British Columbia: À court terme, le consommateur réalise effectivement des économies sur les frais, parce que les institutions créées par le Parlement, fortes de leurs pratiques oligopolistiques, feront à toutes fins utiles de l'interfinancement. Il en résultera un rétrécissement de la gamme des produits offerts. Que le consommateur s'adresse à la Banque Bleue ou à la Banque Verte, on lui offrira un seul produit, alors que les courtiers indépendants lui offriront une gamme de plusieurs produits.

Prenons comme exemple l'article afférent à l'«hypothèque normalisée». Les sénateurs ne savent probablement pas de quoi je parle: il s'agit d'une entente entre les membres de l'industrie visant l'équilibre entre les intérêts des consommateurs, ceux des assureurs et ceux des institutions de crédit. Cet article énonce les droits et les privilèges de chaque partie en cas de perte, alors qu'un prêteur se retrouve avec une hypothèque sur les bras et le propriétaire de maison avec des pertes immobilières. Si le propriétaire a fait affaire avec la Banque Bleue, ne risque-t-elle pas de dire: «Nous ne sommes pas tenus de nous conformer à aucune norme de l'industrie. Nous allons pourfendre cette disposition et la remplacer par une disposition à notre convenance, qui fera pencher la balance en notre faveur.» Cela va-t-il dans l'intérêt du consommateur?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous parlons de la possibilité d'un ombudsman général qui couvrirait tous les services financiers. L'organisme mis sur pied par les banques aurait la possibilité de s'étendre dans le domaine des assurances. Est-ce que vous seriez favorable à partager les coûts, qu'il y ait une autorité qui tenterait de reconcilier tous les intérêts et qui permettraient aux consommateurs de s'addresser à l'ombudsman général des institutions financières et cela couvrirait vos services.

[Traduction]

M. Byrne: Cela relève principalement du bureau du surintendant des assurances de chaque province, où se trouve en règle générale un service à la clientèle. De plus, c'est le Conseil des assurances qui s'occupe de la réglementation en matière de certification des courtiers, et c'est souvent lui qui reçoit et traite les plaintes. Un ombudsman ne ferait que dupliquer ou répliquer cette tâche. Si l'ombudsman représentait l'ensemble du secteur des services financiers, j'estime que des personnes exercent déjà ce rôle actuellement. Peut-être puis-je me méprendre sur la signification de votre question, ou sur son intention, mais je crois que les surintendants en poste dans chaque province et au fédéral font déjà un travail admirable de réglementation de l'industrie et de traitement des plaintes des consommateurs.

En outre, et cela est particulier à notre association, nous accordons une importance croissante aux modes innovateurs de règlement des différends dans l'industrie. Depuis des années, le nombre de plaintes traitées de la sorte augmente, et nous évitons de plus en plus le mode «litiges et poursuites au tribunal». En règle générale, les plaintes sont traitées de façon rapide et efficace, à la grande satisfaction des consommateurs.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Au Québec, les courtiers d'assurance ont une formation assez poussée et les exigences sont très importantes. Le président des caisses Desjardins nous a dit que tous ses courtiers, qui vendaient de l'assurances générales dans ses succursales, devaient être des courtiers ayant reçus la même formation que les courtiers indépendants.

Est-ce que c'est le cas dans la province de la Colombie Britannique? Est-ce que ces derniers ont reçu une formation adéquate ou s'ils sont des employés de la banque ayant reçu une formation à l'interne?

Est-ce que vous trouvez que le mécanisme de formation des courtiers au Canada se ressemble et qu'il est à peu près équivalent dans toutes les provinces? Est-ce que les gens qui sont dans votre secteur ont tous à peu près le même niveau de compétence?

[Traduction]

M. Finnie: En ce qui a trait à la formation exigée pour obtenir le certificat de courtier en assurance, un tel régime est en place en Colombie-Britannique. C'est le Insurance Council of British Columbia, un organisme provincial, qui octroie les permis. Les candidats doivent subir des examens et suivre des cours pour atteindre le niveau 1. Après un certain délai et d'autres cours, les candidats passent au niveau 2. Plus tard, le candidat atteint le niveau 3 ou le niveau de propriétaire pour compte dans une entreprise de courtage; il doit à ce niveau satisfaire à des exigences très élevées en matière de gestion et dans d'autres domaines.

Quant à la qualité d'un courtier d'assurance ou des services, il doit satisfaire à des normes sur le plan de la formation, mais aussi se conformer à des normes expérientielles. L'intérêt pour le consommateur comporte deux volets. Premièrement, il faut s'assurer que l'assurance et les produits d'assurance offerts couvrent tous les types de risques inimaginables. Deuxièmement, advenant une réclamation, le courtier doit agir à titre d'ombudsman de fait afin que l'on arrive à un règlement qui soit approprié. Ce sont les échelons qui sont en vigueur en Colombie-Britannique, et le standard est très élevé.

Nous devons aussi établir des normes en matière de formation permanente, de sorte que la formation soit constamment adaptée aux progrès de l'industrie. Je ne crois pas que les normes soient tout à fait équivalentes entre les provinces. Mes collègues seront peut-être plus à même de vous renseigner à cet égard.

M. Megson: Tout d'abord, les courtiers des coopératives de crédit sont tenus de se conformer aux mêmes normes que nous en matière de formation, de réglementation et de certification.

Je tiens à souligner que la Colombie-Britannique a été la première à mettre en vigueur des normes relatives à la formation permanente et ce que nous appelons la «certification par étapes», la «certification par étapes progressives», et les normes en matière d'expérience. Ces normes sont dues en grande partie aux efforts des courtiers de la province. Notre industrie n'est pas vraiment autoréglementée, mais nous avons beaucoup d'influence sur l'élévation des normes que nous devons respecter.

Les normes ne sont pas uniformes à l'échelle du pays pour ce qui est de la certification et de la réglementation. Elles varient d'une province à l'autre. Cependant, notre association nationale, l'Association des courtiers d'assurance du Canada, offre des cours de formation de niveau national, que les courtiers ont montés eux-mêmes. Ils sont offerts dans toutes les provinces, et toutes les provinces les utilisent. Il reste qu'il n'y a eu aucune normalisation ni uniformisation entre les organes de réglementation provinciaux.

M. Bruce Pollock, sous-directeur général, Insurance Brokers Association of British Columbia: Sénateur, l'efficacité du bureau de l'ombudsman et de la personne nommée au poste est fonction de la volonté des consommateurs de leur signaler les difficultés qu'ils ont eues avec des institutions financières. Dans nombre de cas, les consommateurs peuvent se montrer réticents à faire part à l'ombudsman, ou à toute autorité compétente, d'un ennui avec une institution financière. Ils ont peur que l'information ou les difficultés ne se retournent contre eux quand ils transigeront avec l'institution.

Nous sommes au fait de difficultés graves liées aux ventes forcées et à la coercition en Colombie-Britannique. Ce sont les consommateurs qui nous en ont parlé. M. Byrne a cité un cas qui s'est soldé par une poursuite. Nous ne voyons pas comment un ombudsman pourrait régler de tels litiges.

Quand un consommateur s'adresse à une institution financière pour des produits bancaires ou de crédit, il peut avoir l'impression que, s'il achète de l'assurance du même fournisseur, il pourra obtenir un meilleur marché, sous la forme par exemple de modalités d'emprunt plus souples. Un ombudsman n'aura aucun pouvoir en ce domaine. C'est un élément crucial du débat, qui mérite un examen attentif.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je veux seulement terminer ma remarque, monsieur le président, en disant que les courtiers en valeurs mobilières ont une formation nationale et un standard national. Je comprends qu'en Colombie Britannique, vous avez un des standards les plus élevé dans l'industrie. Ma suggestion est que, pour la protection du consommateur, surtout à cause de la complexité des produits que vous vendez aux consommateurs, il devrait y avoir une norme nationale

Est-ce qu'il y a une norme nationale dans votre secteur? Vous êtes peut-être les mieux placer pour influencer les courtiers à travers le pays pour qu'ils aient un niveau identique de compétence.

[Traduction]

Le sénateur Kroft: Votre organisation représente-t-elle tous les courtiers d'assurance de la province?

M. Byrne: Elle représente de 75 à 80 p. 100 de la totalité des courtiers. Une organisation parente, la Credit Union Insurance Services Association, représente les coopératives de crédit, bien que notre association compte beaucoup de coopératives de crédit parmi ses membres. De plus, certains courtiers ne sont membres d'aucune association.

Le sénateur Kroft: Lors des audiences que nous avons tenues partout au pays, j'ai été surprise de constater que la grande majorité de représentants de votre industrie qui ont témoigné devant nous étaient, si je me souviens bien, des bureaux de courtage indépendants ou locaux, si je peux dire, et non des représentants d'associations nationales de courtiers. Je ne me souviens d'aucun témoin représentant une organisation de courtiers nationale ou internationale d'envergure.

Seriez-vous prêt à dire que vous ne parlez pas au nom de ces personnes, ou que leurs points de vue et leurs préoccupations sont différents? Pourquoi n'entendons-nous jamais les organisations nationales?

M. Byrne: Les grandes firmes de courtage du Canada qui sont aussi présentes à l'échelle internationale exercent souvent leurs activités dans un domaine commercial qui leur est propre. Elles comptent des membres dans notre association, tout comme dans les autres associations provinciales. Elles jouent un rôle actif dans l'engagement et la direction de l'association. Des employés et des cadres des principales firmes de courtage siègent au conseil d'administration de l'association de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Kroft: J'aimerais savoir pourquoi ces gens ne se présentent jamais devant notre comité. Cela me donne l'impression qu'ils ne souscrivent pas aux mêmes préoccupations que vous, ni à vos méthodes. Sinon, ils se joindraient à vous pour défendre une cause qui vous touche évidemment de la même façon. J'essaie de comprendre un peu mieux ce qui se passe.

M. Finnie: Il serait peut-être utile que je trace le portrait du monde du courtage. Il y a d'abord les maisons de courtage qui agissent à la base, qui vendent des assurances de maisons, de responsabilité locative et automobiles. À l'autre bout du spectre se trouvent les grandes multinationales, qui assurent les mégasociétés multinationales, en grande partie pour leurs activités commerciales. Entre les deux se nichent les courtiers des marchés intermédiaires.

Certes, les intérêts d'un courtier qui vend de l'assurance directement aux propriétaires de maisons et de voitures diffèrent passablement de ceux d'un assureur qui vend des polices à de grandes sociétés.

Le sénateur Kroft: Ainsi, je pourrais en déduire -- je combinerai mes propres connaissances avec les éléments de votre réponse -- que les entreprises qui vendent surtout de l'assurance commerciale n'ont pas les mêmes craintes que vous que les banques se mettent à vendre des services d'assurance dans leurs succursales? Elles ne ressentent pas la même urgence à faire entendre leur point de vue.

M. Finnie: C'est un constat assez juste. Souvent, les courtiers plus importants ouvriront seulement des comptes assez élevés, sans quoi ce ne serait pas rentable pour eux. À la base, les primes doivent atteindre 10 000 $ ou 25 000 $, et plus.

Le sénateur Kroft: J'aimerais maintenant aborder la diversification des options par opposition à un gabarit de police: est-il réaliste de penser qu'un important vendeur d'un produit d'assurance -- je ne parle pas de l'assurance automobile -- pourrait parvenir à créer un gabarit suffisamment englobant pour qu'il puisse l'appliquer aux assurances maison, bateau ou à toute autre assurance contre les risques courants normalisés, et qu'il commercialiserait dans Internet? Ou pensez-vous qu'on aura toujours besoin de courtiers? Ou au contraire, pensez-vous que l'entrée dans l'arène des banques nous mènera inéluctablement à ce scénario, au détriment du consommateur?

M. Byrne: Je crois en effet que la menace pèse au-dessus des consommateurs, c'est-à-dire l'édulcoration des produits et l'aplanissement des particularités des produits. Anciennement, j'étais lié à un assureur qui avait entrepris la vente électronique. Quand nous avons élaboré les gabarits liés aux assurances habitation et automobile, il ne faisait aucun doute que la myriade de questions à poser et qui méritaient réponse nécessitaient l'intervention d'un courtier.

Notre programme fonctionnait ainsi alors et c'est encore le cas maintenant: dès qu'une personne faisait une demande de renseignements sur un produit, on lui demandait de remplir un formulaire en ligne. Le formulaire était assez détaillé, malheureusement, et il fallait beaucoup de temps pour le remplir. Cependant, la vitesse de traitement est maintenant telle dans Internet que la tâche n'est plus aussi ardue. Si le client décidait d'accepter la proposition de prix, on lui donnait une liste de courtiers dans la zone de son code postal. Le client pouvait choisir un courtier dans la liste, pour une entrevue de suivi visant à s'assurer que la société n'avait pas été choisie illégalement. Mais plus important encore, cette entrevue permettait de traiter adéquatement la situation du client et de répondre à ses questions.

Le courtier sait-il que le client possède un vélo de montagne d'une valeur de 4 000 $? Qu'il détient un instrument de musique valant 6 000 $, ou des bijoux ou des objets d'art? Ce sont des points qui méritent un traitement détaillé.

À l'évidence, il est beaucoup trop facile d'amalgamer le prix d'un produit avec celui d'une hypothèque, avec un compte d'épargne, des cotisations à un régime d'épargne-retraite ou les coûts de location d'une voiture. Un produit servira d'attraction, et un autre sera assorti d'une plus grande marge de profit.

J'ai constaté au cours des dernières années un fait intéressant dans l'industrie de l'électronique: les marges de profit sur les ordinateurs, les magnétoscopes et les téléviseurs n'existent plus. Par contre, les détaillants de produits électroniques vendent des garanties prolongées qui sont très rentables. Le consommateur est pris dans un cul-de-sac; c'est e type de technique de marketing, que les banques ne se gêneront pas pour utiliser, qui n'est ni juste ni bénéfique pour le consommateur.

M. Finnie: Dans le cas des gabarits, il est certain qu'il faut recueillir de l'information pour évaluer les risques. Les données sont traitées et sont évaluées par une formule de tarification, et cetera. Il ne faut pas oublier que les courtiers contribuent à la mise au point constante des produits d'assurances ou de couvertures d'éléments nouveaux.

Depuis la venue de la société d'assurance de la Banque de Hongkong du Canada en Colombie-Britannique, nous avons adopté ses contrats. Il s'agit d'un contrat parmi une douzaine d'autres que notre bureau pourrait utiliser, dont les conditions et les prix varieraient. Il est intéressant de constater à quel point l'utilisation de inoccupation plutôt que vacance peut changer la formulation des conditions d'une police et la couverture qu'elle assure. Ainsi, la période de vacances d'une personne peut être traitée de façon bien différente selon la police choisie. Des dommages causés par l'eau ou un débordement d'égout seront traités très différemment. Qui se préoccupe des intérêts du consommateur en ces matières? La réglementation touche très peu aux mots utilisés. Au téléphone, on proposera au consommateur des primes moins élevées parce que, bien entendu, les produits offerts dans ces domaines sont, dans une large mesure, inférieurs. Le consommateur peut-il vraiment faire la différence?

Notre rôle est de présenter les différents produits, en indiquant qu'un tel est moins cher mais qu'il comporte des lacunes. Peut-être ne va-t-il pas dans l'intérêt du consommateur de se le procurer, ou peut-être n'est-il pas adapté à ses besoins, au contraire d'un autre qui est plus cher mais qui comporte des caractéristiques supplémentaires de grande valeur.

Le président: M. Megson, merci à vous et à vos collègues de vous être présentés ici ce matin.

Nos prochains témoins représentent la Federation of Canadian Independent Deposit Brokers. M. Brad Minton, le président, et M. Jack Rothenberg, membre fondateur, ont fait une allocution devant le comité voilà trois ou quatre ans, alors que nous examinions les derniers amendements à la loi sur les institutions financières.

M. Jack Rothenberg, membre fondateur, Federation of Canadian Independent Deposit Brokers: Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier le groupe de travail MacKay, qui a consacré beaucoup de temps et d'énergie à la rédaction d'un rapport fort étoffé. J'aimerais aussi vous remercier de cette occasion donnée à la Federation of Canadian Independent Deposit Brokers de commenter, et éventuellement de faire des ajouts, au rapport.

La fédération regroupe des entrepreneurs qui se sont intéressés aux besoins des consommateurs à la fin des années 70 et au début des années 80. Bientôt, nous avons été reconnus à titre de courtiers en dépôt. Au début, nous passions en revue le marché des taux d'intérêt et nous identifions les institutions financières offrant les meilleurs taux. Au cours des années, nous en sommes venus à vendre des produits d'assurance et des fonds mutuels. Aujourd'hui, certains de nos membres sont des planificateurs financiers ou des courtiers en valeurs mobilières chevronnés, certifiés par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.

À titre d'intermédiaires financiers indépendants, notre rôle a été de trouver les meilleurs produits et les meilleurs prix, de même que les meilleurs services qu'offre le marché aux consommateurs. En bref, les courtiers en dépôt fournissent des modalités de dépôt rentables aux institutions financières et, aux consommateurs canadiens, sans égard à leur lieu de résidence, une gamme complète de produits financiers.

Actuellement, nous gérons plus de 13 milliards de dollars. La Federation of Canadian Deposit Brokers s'est fait un devoir de respecter la limite de protection de 60 000 $ pour les dépôts de nos investisseurs, selon les règlements de la Société d'assurance-dépôts du Canada, auxquels sont assujetties toutes les institutions financières. C'est une règle qui nous fait vivre beaucoup de difficultés et d'appréhension.

Nos difficultés et notre appréhension ont deux sources. Premièrement, dans le sillage des baby-boomers, nous avons connu une hausse fulgurante des liquidités détenues par le consommateur moyen. Ces sommes, plusieurs générations les ont accumulées à la sueur de leur front. Dans le passé, il était possible de distribuer équitablement ces sommes entre un certain nombre d'institutions financières, ce qui assurait par conséquent la protection de la SADC. Ce n'est plus le cas. L'effondrement de nombreuses sociétés de fiducie et la fusion d'autres sociétés avec les banques ont obligé le consommateur moyen à placer de plus en plus de fonds dans de moins nombreuses institutions, des banques en grande partie.

Deuxièmement, comme vous le savez, les stratégies d'investissement de ces institutions ont changé du tout au tout au cours des dernières années. Les gains ne proviennent plus massivement de l'écart entre les intérêts versés sur les dollars engrangés et les intérêts imputés sur les dollars prêtés. Ces institutions ont engagé des gestionnaires financiers dont la responsabilité unique est de générer un rendement au-dessus de la moyenne sur le capital qu'elles détiennent. Des véhicules de placement qui étaient tabous voilà quelques années seulement sont devenus monnaie courante. Certaines des grandes sociétés de placement ont été prises à la gorge du fait de l'irresponsabilité de leurs gestionnaires financiers, qui ne se sont pas gênés pour capitaliser sur les dérivés, les options ou les opérations à terme pour augmenter le rendement. À mesure que la pression augmente parce qu'il faut sans cesse dépasser les résultats des années précédentes, le consommateur risque de perdre, éventuellement, des économies accumulées durant toute une année.

La fédération est d'avis qu'il faudrait, avant de permettre les fusions, analyser les répercussions autant sur la sécurité des dépôts des consommateurs que sur le maintien de la concurrence dans les marchés de dépôts. Des institutions qui ont fusionné et qui ne parviennent pas à maintenir un nombre égal de pertes assurées par la SADC après la fusion ne feront que réduire le nombre de véhicules de dépôts assurés qu'elles offrent. Par conséquent, les consommateurs devront peut-être constater douloureusement qu'une partie de leurs économies n'est plus assurée au sein de l'institution fusionnée. Ils devront alors décider soit d'accepter de prendre le risque, soit de transférer la partie non assurée dans une autre institution, où ils n'ont pas atteint leur plafond de dépôt -- si un tel choix existe encore, bien entendu. Par ailleurs, si le nombre d'entités assurées par la SADC demeure le même après la fusion, les institutions fusionnées contrôleront vraisemblablement une partie beaucoup trop importante du marché et, partant, elles auront un avantage concurrentiel démesuré.

En vertu de ces constats, la fédération propose que l'on étudie la possibilité d'augmenter les limites de protection de la SADC, non seulement en vue de protéger les dépôts existants d'une institution fusionnée, mais aussi pour améliorer la concurrentialité des institutions non fusionnées. En effet, celles-ci pourront ainsi gérer plus de dépôts. La fédération estime qu'une augmentation des plafonds imposés par la SADC amoindrira les disparités dans le marché pour les institutions financières fédérales et provinciales.

Vous le savez sans doute, l'Ontario et l'Alberta autorisent toutes deux la couverture illimitée des dépôts des consommateurs dans les succursales d'épargne et dans le Trésor, qui offrent essentiellement les mêmes services que les banques et les sociétés de fiducie. Dans le même esprit, la Federation of Canadian Independent Deposit Brokers recommande que l'on envisage sérieusement d'abolir toute limite aux dépôts protégés par la SADC, ou du moins d'établir le plafond à 150 000 $ pour les fonds enregistrés, de même que pour les fonds non enregistrés d'un particulier dans chacune des institutions financières.

Par ailleurs, les consommateurs ont souvent fait part à nos membres de leurs préoccupations quant à la vente liée. On a rapporté que des directeurs de succursales de diverses institutions financières offraient des prêts pour immobilisations et des marges de crédit à des entreprises moyennant le transfert de fonds de REER à leur succursale. En outre, il n'est pas rare qu'un consommateur se fasse dire que son prêt doit être garanti par une assurance-vie, qu'il doit acheter auprès de l'institution financière octroyant le prêt.

Nous nous réjouissons de la position progressiste adoptée par le Comité des finances de la Chambre des Communes, qui a ajouté des dispositions interdisant la vente liée dans la Loi sur les banques. Cependant, la fédération recommande que l'on définisse plus clairement la notion de «vente liée». J'aimerais attirer votre attention sur l'article 459.1 de la Loi sur les banques, qui porte sur les restrictions afférentes à la vente liée. L'article stipule, entre autres, que le gouverneur en conseil peut promulguer des règlements précisant le type de pratique ou de transaction pouvant être reconnue comme un acte de pression indue ou de coercition.

Il nous semble souhaitable de donner des définitions plus éloquentes. Nous recommandons aussi au groupe de travail de mettre en place des modalités qui permettraient aux consommateurs de trouver des solutions et de régler leurs difficultés indépendamment des institutions financières.

Tous les consommateurs ont droit à la confidentialité. Malgré cela, les institutions financières ne cessent d'utiliser de l'information reçue indirectement. Pour prouver ce point, je citerai le cas particulier d'une société de fiducie qui s'est servie de courtiers en dépôt comme intermédiaires pour convaincre leurs clients d'investir dans les certificats de placement garantis de cette même fiducie. Conformément aux normes de la fédération, les comptes de virement automatique étaient constitués de telle sorte que les chèques étaient déposés directement dans le compte bancaire de cette société de fiducie. La banque gérant les comptes de virement automatique a photocopié les chèques personnels de ces clients, ce qui lui a permis d'obtenir leur adresse à domicile ainsi que leur numéro de téléphone. La banque appelait ensuite les clients pour leur offrir directement leurs certificats de placement garanti. Ces actes outrepassent carrément les limites et constituent un bris de confidentialité.

Le modèle de code en matière de confidentialité élaboré par l'Association des banquiers canadiens doit aider les banques à charte du Canada à élaborer, à adapter et à mettre en oeuvre un code de pratiques en matière de confidentialité, qui serait particulier à chaque institution. Nous sommes très dubitatifs quant au sens réel donné au terme «confidentialité» dans ces codes de pratiques.

À cet égard, la fédération propose deux recommandations. Premièrement, nous recommandons que le modèle de code en matière de confidentialité soit adopté et mis en oeuvre par chaque banque, et de confier à un organisme le mandat de contrôler la conformité au code. Deuxièmement, nous recommandons que l'on mette de l'avant un code en matière de confidentialité auquel toutes les institutions financières seraient tenues de se conformer.

À l'aube du nouveau millénaire, nous estimons qu'il est grand temps que toutes les parties visées prennent leurs responsabilités. Bien entendu, les résultats seront toujours importants. Cependant, il faudra accorder une importance égale à la protection de l'employé qui a contribué à la prospérité de son employeur. La fusion de géants selon le principe du «plus c'est gros, mieux c'est» ne constitue pas une raison suffisante pour que l'on fasse subir à des milliers d'employés la menace du chômage et le chômage réel. Par exemple, on nous a rapporté que certaines sociétés offraient à des employés un poste de réinstallation à l'autre bout de la planète afin de les inciter à prendre une retraite précoce.

La Federation of Canadian Independent Deposit Brokers estime que, étant donné le degré élevé de concurrentialité et de rentabilité de ces sociétés, la diminution du personnel découlant de fusions est un acte amoral et inconscient. Il reste à espérer que toutes les personnes présentes aujourd'hui contribueront à la mise en oeuvre de mesures visant la protection des dépôts des consommateurs, d'interdiction de la vente liée, la protection de la confidentialité et de la vie privée des consommateurs, ainsi que la mise en oeuvre de fusions selon des prémisses sensées et n'allant pas à l'encontre des principes moraux.

Le président: Le fondement des politiques gouvernementales en matière d'assurance-dépôts, un sujet que ce comité a examiné en profondeur, est de protéger les investisseurs moins chevronnés. Dans cette optique, si un investisseur novice dispose de 60 000 $ et moins, il est injuste de s'attendre à qu'il trouve lui-même le meilleur endroit où placer son argent. C'est pourquoi le gouvernement a décidé, voilà bien des années, de protéger les investissements de moins de 60 000 $.

Dans votre allocution, vous avez dénoncé le fait que, si une personne vous donne 300 000 $, vous devez les diviser en cinq lots de 60 000 $ et les placer dans cinq institutions financières différentes. Le particulier est traité comme s'il regroupait cinq investisseurs novices en un. Le marché étant consolidé, cet investisseur se trouve en difficulté parce qu'il ne peut trouver suffisamment d'institutions assurées par la SADC pour placer son argent. Donnez-moi une raison qui justifierait que l'on promulgue une politique gouvernementale s'adressant particulièrement à ce type d'investisseur. Je ne prétends pas que ce que nous faisons est illégal, mais votre recommandation va totalement à l'encontre du fondement de l'assurance-dépôts. Vous proposez comme solution que l'on crée plus d'institutions assurées où déposer l'argent, ou que l'on augmente le plafond.

Ce comité s'est prononcé à maintes reprises en faveur d'une diminution de la limite et non d'une augmentation. Vous devriez être déjà au courant. Vous soulignez qu'en Ontario et en Alberta, les institutions provinciales offrent une couverture illimitée. Où se trouve la difficulté? Vous pouvez placer 150 000 $ ou 200 000 $ dans ces institutions provinciales, et ces sommes se trouvent du fait même assurées. Je ne vois pas où est le problème.

Mais plus important encore, expliquez-moi pourquoi nous devrions accorder quelque attention à cette question.

M. Rothenberg: Monsieur le président, je reconnais que vos propos sembleront très logiques à tous ceux qui se trouvent autour de la table.

Le président: Ce comité a une opinion très homogène à cet effet. Je ne vous livre pas une argumentation sans fondement qui n'aurait pas été discutée en détail.

M. Rothenberg: À la lumière de mon expérience auprès des consommateurs, depuis plus de 30 ans maintenant, je peux vous assurer que les investisseurs chevronnés sont très rares, qu'ils détiennent 500 000 $ ou 2 millions de dollars. Si vous croyez que l'investisseur qui possède 100 000 $ est plus ignorant que celui qui possède 1 million de dollars, vous vous trompez.

Le président: Le gouvernement n'a pas la responsabilité de protéger qui que ce soit contre sa propre ignorance. L'ignorance ne constitue en aucun cas une prémisse à la promulgation d'une politique gouvernementale. Pourquoi devrait-on instaurer une politique d'État pour protéger votre millionnaire? Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait être investi de cette responsabilité. Vous pouvez en déduire que c'est une question qui m'intéresse moins que très peu.

M. Rothenberg: Je m'intéresse passionnément à cette même question. Je m'insurge contre le fait que le gouvernement est supposé avoir mis en place un organe de réglementation qui surveille les banques et les sociétés importantes. Au début des années 80, les six grandes banques ont évité la faillite de justesse parce qu'elles s'étaient prises au jeu de prêter de l'argent à des pays du Tiers monde. Elles jouaient à qui prêterait de l'argent le plus vite. En raison de l'indulgence du gouvernement, qui a permis à cette mauvaise dette de s'étendre sur toute une décennie, nous avons sauvé nos banques. D'une part, le gouvernement affirme qu'il surveille ces institutions financières. Si vous les surveillez en notre nom, vous avez aussi des responsabilités envers les personnes qui vous ont investis de ce pouvoir. Un individu qui a trimé dur, dans le sillon de son père, un menuisier, qui lui aussi a trimé dur, hérite maintenant de son père. Peut-être cet individu ne connaît-il rien des actions dérivées, des fonds mutuels ou des investissements dans des obligations. Il est tout simplement arrivé que, en raison des taux d'intérêt élevés dans les années 80, son quart de million est passé à un demi-million ou même à 1 million de dollars, après le décès d'un parent de l'un des conjoints. Les conjoints se retrouvent maintenant avec 1 million de dollars, qu'ils donnent à une banque, réputée pour sa solidité et sa sécurité. Ils se réveillent un matin pour s'apercevoir que tout leur avoir s'est dissolu.

Je suis très capitaliste. Tout comme vous. Et je dis que cela n'est pas du capitalisme. Nous nous trouvons dans un régime semblable à celui de la Russie, un régime socialiste, qui protège tous les individus. On ne peut tout avoir. C'est une chose de dénoncer la non-réglementation des banques; que le gouvernement ne surveille pas toutes les institutions financières. Et vous vous interrogez sur le meilleur endroit où placer votre propre argent, parce qu'on ne s'en préoccupe plus. Si le gouvernement légifère et croit vraiment avoir le contrôle sur ce qu'il peut surveiller, détrompez-vous. Ceux que l'on charge de faire la vérification ne comprennent même pas ce qu'ils sont supposés surveiller.

Ces faits m'obligent à remettre en question votre pouvoir et le sentimentalisme que vous démontrez quant à l'abolition de la SADC. Nous devons protéger tous les consommateurs.

Le président: Le seul élément sur lequel nous ne sommes pas d'accord, vous et moi, concerne votre conviction quant à l'obligation de couvrir tous les consommateurs.

Le sénateur Carney: J'aimerais vous poser une question qui touche en partie l'élaboration d'une politique gouvernementale en cette matière. J'aimerais vous demander votre point de vue sur l'accès. Si vous disposez de 120 000 $ d'économies, vous aimeriez avoir la possibilité de les placer dans 2 institutions. Si vous avez 300 000 $ ou 450 000 $, vous vous adresserez plutôt à des institutions d'où vous pourrez retirer votre argent si vous en avez besoin. En Colombie-Britannique, le nombre d'institutions financières est beaucoup trop restreint dans quantité de communautés. Hier, Ian Waddell a abordé cette question durant son allocution sur le rapport du groupe de travail.

Armstrong, en Colombie-Britannique, compte 4 000 habitants et une seule banque. Hope, où la population atteint 6 200 âmes, compte seulement 2 banques. Invermere, avec ses 2 600 citoyens, compte 2 banques. Gold River, qui devra éventuellement fermer, a une population de 2 000 personnes, et une seule banque. Quelque 1 700 personnes habitent à Nakusp, et 1 seule banque s'y trouve. Hudson Hope compte plus de 1 000 têtes, mais aucune banque. À Fort Nelson, les 4 400 habitants peuvent fréquenter la banque unique qui y fait affaire.

Vos préoccupations relatives à la SADC concernent-elles aussi l'accès des investisseurs à un nombre suffisant de banques, où ils sentiront que leur argent est en sécurité, tout en étant accessible s'ils en ont besoin?

M. Rothenberg: C'est exactement ce que nous disons. En fait, c'est ainsi que nous sommes nés. Nous nous installions dans une petite municipalité comme celles que vous avez nommées, et notre petit bureau représentait la Banque canadienne de l'Ouest, la Banque Royale, la Banque TD, et toutes les autres banques et sociétés de fiducie. Petit à petit, le nombre rétrécissait et, à mesure que l'argent des clients augmentait, il fallait sonder beaucoup de régions pour trouver ou l'investir, qu'il s'agisse de 500 000 $ ou moins.

Le sénateur Carney: Vous inférez dans certaines de vos réponses qu'il faut examiner la question de l'accès. L'accès aux institutions financières au centre-ville de Toronto n'a pas le même sens que l'accès à Lillooet.

Le président: Sénateur Carney, je suis tout à fait d'accord qu'il faut examiner la question de l'accès. Si vous viviez dans une municipalité où il se trouve une seule banque et que vous aviez 300 000 $ à investir, vous pourriez les confier à M. Rothenberg. Il les déposerait dans cinq institutions différentes, même si elles n'ont pas de succursale dans votre municipalité.

Le sénateur Carney: En théorie, je suis d'accord avec vous. Dans la pratique, tous les gens ne sont pas prêts à faire cela.

Le président: Ils voudraient agir de leur propre chef.

Le sénateur Carney: Ils veulent y avoir accès eux-mêmes.

M. Rothenberg: Il n'y a pas de courtier en dépôt dans tous les petits villages et toutes les petites villes du pays.

Le sénateur Oliver: Le rapport MacKay aborde entre autres le thème de la concurrence. La difficulté et la préoccupation dont vous faites état pourraient être réglés en partie si les autres institutions étaient plus concurrentielles devant les banques qui pourraient fusionner, ce que vous craignez parce qu'il y aurait moins d'endroits où placer 60 000 $. Depuis que je suis en Colombie-Britannique, je me suis rendu dans l'une des petites succursales ING et j'ai lu les affiches.

Placez-vous parfois des sommes de 600 000 $ que l'on vous confie dans une Banque ING? S'agit-il d'une institution nouvelle au Canada? S'il y en avait plus, votre problème ne serait-il pas résolu, et cela ne nous éviterait-il pas l'exercice de réflexion relatif à la hausse de la limite de protection de 60 000 $ à 150 000 $?

M. Rothenberg: Notre bureau ne transige pas avec ING. Peut-être M. Minton sait-il quelque chose.

Le sénateur Oliver: Pouvez-vous me dire pourquoi vous ne faites pas affaire avec cette banque?

M. Rothenberg: Je ne la connaissais pas. Notre siège social se trouve au Québec. Peut-être ne sont-ils pas de permis d'opération au Québec. En règle générale, ces institutions viennent à nous. Nous sommes la plus importante firme de courtage en dépôt au Québec actuellement. Nous transigeons avec toutes les institutions du pays, mais certaines ne veulent pas se joindre à notre organisation par peur de difficultés sur le plan politique.

Le sénateur Oliver: Avez-vous entendu parler d'ING?

M. Rothenberg: Non, jamais.

M. Brad Minton, président, Federation of Canadian Independent Deposit Brokers: Si je ne m'abuse, notre firme est affiliée au Wrights Financial Group au Manitoba. Nous entretenons des liens avec un grand nombre de sociétés. Je ne sais pas toutefois si ING fait partie de celles-là. Je n'ai jamais vu leurs taux sur nos listes. Il n'est pas exclu que l'ING fasse partie de notre liste, mais je n'en suis pas sûr.

Je transige avec six à huit clients par jour. J'ai déjà vécu certains fiascos. Nous nous sommes réveillés un matin en apprenant que la Standard Trust s'était effondrée. Un autre jour, ce fut le tour de la Confederation Trust puis de la Confédération Assurance-vie. Les temps étaient à la peur, pour nous et pour nos clients. Je suis heureux maintenant que l'assurance-dépôts existait à ce moment.

Un de mes clients est déménagé à Comox, en Colombie-Britannique, mon lieu de résidence. Il a travaillé toute sa vie pour Bell Canada et il avait placé beaucoup d'argent dans un REER collectif. En toute sagesse, Bell Canada avait décrété que La Confédération était une société solide. Il a réalisé un jour qu'il avait investi 110 000 $ dans cette société. Il a paniqué. Il ne savait plus que faire. Il m'a appelé à l'aide et, après un certain temps, nous avons pu trouver des solutions.

La différence entre la SADC et la SIAP est énorme. Avec la première, on peut récupérer son argent en moins de cinq ou six semaines. Dans le cas de La Confédération Assurance-vie, le client en question n'a pas encore récupéré tout son argent. C'est très inquiétant, surtout pour un homme âgé de 72 ans.

Le sénateur Oliver: À titre de courtiers et de membres actifs de la communauté des affaires, et à la lumière de certaines dispositions énoncées dans le rapport du groupe de travail MacKay, pouvez-vous nous donner des pistes qui nous permettraient d'élaborer des politiques qui favoriseraient l'établissement de banques de la première catégorie au Canada, de sorte à diversifier les lieux où déposer de l'argent?

M. Rothenberg: Vous devez faciliter l'ouverture de nouvelles banques.

Le sénateur Oliver: De quelle façon? Par des mesures fiscales ou réglementaires?

M. Rothenberg: D'abord et avant tout par des mesures fiscales. Une nouvelle banque ne peut s'en sortir avec le niveau de l'impôt sur le capital qu'elle doit débourser. La Saskatchewan a trouvé le moyen d'imposer les dettes. C'est tout à fait inadéquat si l'on veut revitaliser le milieu bancaire. Il faut absolument rehausser leur force concurrentielle.

Nous vendons de l'assurance-vie. J'ai écouté la discussion qui a précédé au sujet de l'assurance générale. Ma perspective capitaliste reprend le dessus. C'est très bien que des banques vendent de l'assurance aux automobilistes, aux propriétaires de maison et aux bureaux dans leurs succursales, car cette pratique augmente l'accessibilité à ces services pour le consommateur moyen. Ce qui m'inquiète, c'est que les banques sont tellement riches que, plutôt que de demander à des courtiers de placer les risques dans une société d'assurance, les banques les placeront dans leurs propres services. Elles pourront couvrir leurs propres pertes. Qu'adviendra-t-il de tout ça -- en espérant que ces sociétés ne flancheront pas --? Les banques deviendront les fournisseurs uniques. Rien ne les empêchera d'augmenter les primes autant qu'elles voudront, parce qu'elles n'auront pas de concurrence. Je n'ai rien contre le fait que les banques vendent de l'assurance, si elles agissent au même titre que des courtiers et qu'elles transfèrent les primes reçues aux sociétés d'assurance, qui pourront ainsi imputer une commission. Faisons en sorte que la concurrence soit équitable. Ce ne serait pas le cas si on permet aux banques de devenir leur propre fournisseur.

Le sénateur Oliver: Ma dernière question dans cette série porte sur certains de vos commentaires à l'égard de la vente forcée. MacKay règle cette question. Il donne plusieurs recommandations précises sur la vente forcée. À la page 135 du rapport principal, il énonce que:

[...] nous recommandons que l'article 459.1 de la Loi sur les banques soit mis en vigueur après avoir été modifié à deux égards.

Non seulement parle-t-il de statu quo, mais il indique qu'il faut aller plus loin. Voilà ce qu'il dit:

L'interdiction des ventes liées avec coercition, qui à l'heure actuelle s'applique uniquement aux prêts, devrait être étendue à tous les produits de crédit et d'assurance. De même, étant donné le rythme auquel évolue le marché et l'opportunité d'avoir une réglementation souple, les autorités réglementaires devraient être autorisées par la loi à interdire les ventes liées de toute autre catégorie de produits et de services.

N'est-ce pas suffisant? Connaissiez-vous cette recommandation au moment de faire votre présentation?

M. Rothenberg: Quand je l'ai lue, j'en ai tiré la conclusion que tous les organismes seraient autoréglementés. N'est-ce pas ce qu'elle dit?

Le sénateur Oliver: Elle dit qu'il faudra légiférer.

M. Rothenberg: Des lois indiquent déjà que telle et telle chose sont interdites, mais le surveillant est engagé par les banques et travaille dans les banques. C'est l'impression que j'en ai. La fédération suggère que la surveillance soit effectuée par une source externe.

Le sénateur Oliver: Par un ombudsman, par exemple?

M. Rothenberg: Peut-être. J'ai entendu parler de l'ombudsman, que je ne connaissais pas du tout. Je ne savais même pas qu'il y avait un ombudsman.

Puis-je parler à titre individuel maintenant, sans engager la fédération que je représente?

Le sénateur Oliver: Allez-y.

M. Rothenberg: Je dirige un bureau de courtage en dépôt, qui fait aussi du courtage en valeurs mobilières. Nous sommes certifiés par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Ma marge de crédit à la banque est considérable. En tant que courtier en dépôt, je possède des placements et des dépôts à terme personnels. Ils sont placés dans diverses sociétés de fiducie ou dans des banques où j'obtiens le meilleur taux d'intérêt. J'ai aussi la chance d'empocher la commission de toute entité à qui je confie mon propre argent. La banque m'a signalé qu'elle voulait que je mette mes dépôts à terme en garantie. Cela ne me dérangeait pas; je leur ai donné 200 000 $ en dépôts à terme. Quand ils sont parvenus à échéance, on m'a dit que je ne pouvais pas les laisser entre les mains de la Banque canadienne de l'Ouest ou de la TD parce qu'il serait trop compliqué de les récupérer si je faisais faillite et que la banque aurait à récupérer l'argent de mes dépôts à terme. Cette banque a insisté pour que je les transfère chez elle.

Le sénateur Oliver: Était-elle prête à vous donner le même taux?

M. Rothenberg: Non. Ils ont refusé de m'accorder le meilleur taux que je pouvais obtenir. Ils ont également refusé de me donner la commission sur mon propre dépôt à terme.

Le sénateur Oliver: Cependant, vous pouviez partir et aller investir votre argent à un endroit où vous pouviez avoir les meilleures conditions. C'est ce qu'on peut faire au Canada.

M. Rothenberg: Je ne peux pas faire cela si la banque est pour me retirer ma marge de crédit.

Une autre chose très intéressante s'est produite la semaine dernière. Un directeur est entré et a dit, «Vous êtes dans le domaine du courtage en valeurs mobilières et les marchés boursiers sont en train de s'écrouler. Nous comprenons parce que nous possédons une maison de courtage, et en l'espace de quelques semaines seulement les recettes se sont mises à entrer au compte-gouttes. Nous n'aimons pas que votre marge de crédit soit si élevée. M. Rothenberg, nous voulons que vous encaissiez ces dépôts à terme de 200 000 $ et que vous diminuiez votre marge de crédit». J'ai dit que je faisais confiance à ma compagnie et que je prendrais les 200 000 $ de dépôts, les encaisserais et les mettrais sur ma marge de crédit. C'est ce que j'ai fait.

Étant donné que ma marge de crédit n'est pas aussi élevée qu'auparavant, la banque m'a envoyé de nouveaux formulaires par la poste. Dans une lettre d'accompagnement, on me demandait de payer des honoraires de 1 000 $ ainsi que des frais mensuels de 100 $ en raison du fait que la banque doit surveiller ma marge de crédit chaque mois. Je n'ai pas signé ces formulaires. Mon directeur de banque m'a appelé et m'a demandé quand je retournerais les formulaires. Il m'a dit qu'il devait les avoir car ses supérieurs se plaignaient. Je lui ai répondu que je ne les enverrais pas. Je lui ai demandé pour quelle raison je devais payer des honoraires de 1 000 $ après avoir versé 200 000 $ pour réduire ma marge de crédit. Il a répondu, «M. Rothenberg, nous vous consacrons beaucoup de temps. Nous nous sommes rendus à votre bureau, nous vous avons expliqué les difficultés qu'éprouvait le milieu des marchés boursiers actuellement, que vous deviez réduire vos marges de crédit et que vous deviez encaisser ces dépôts à terme».

Était-ce tellement de travail? Je me suis emporté. J'ai rayé les frais et après avoir crié après lui et avoir utilisé des termes anglais que je ne peux pas répéter ici, nous avons convenu de discuter des frais à une date ultérieure.

Le sénateur Oliver: Vous n'avez pas payé?

M. Rothenberg: Je n'ai pas encore payé. Mes affaires sont cycliques et les meilleurs mois sont octobre, novembre et décembre parce que nous nous occupons des fonds enregistrés de revenu de retraite, les FEER, et de leur conversion. Les gens remettent à plus tard. Ceux qui doivent le faire ne le font qu'à la dernière minute, c'est-à-dire le 31 décembre. Les mois d'octobre, de novembre et de décembre sont nos mois les plus occupés. Nous pouvons perdre de l'argent en juin, juillet et août. Notre directeur de banque finit par nous connaître et compose avec cette situation. Il comprend que nous sommes dans le rouge un peu, mais qu'à la fin de l'année tout rentre dans l'ordre.

Les directeurs de banque changent environ tous les huit mois, et un jeune blanc-bec de 25 ans va décider si je reste en affaires ou non. Je ne peux pas vous dire à quel point cela est frustrant. Je dirige une entreprise qui a un chiffre d'affaires de plusieurs millions de dollars, dont les transactions dépassent les 600 millions de dollars. Ce jeune entre et me dit que je devrais mettre à pied six de mes employés parce que c'est une période tranquille, et ce sans même savoir quelle formation il faut donner pour que des gens puissent être en mesure de bien servir les consommateurs. C'est vraiment très frustrant.

Le sénateur St. Germain: Ce qui est le plus effrayant, c'est que c'est vrai.

M. Rothenberg: C'est vrai. Lorsque je me rends chez mon comptable, une des plus importantes firmes de comptables au pays, et que je lui demande si je devrais changer de banque, le comptable me répond de ne pas me donner cette peine. Cette banque me connaît depuis 28 ans. Si je vais dans une autre banque, je serai confronté au même dilemme.

Le sénateur Kelleher: Comme vous, monsieur le président, je veux me prononcer. Je partage tout à fait l'opinion du président. Il s'agit d'une chose sur laquelle notre comité se penche depuis quelques années. Nous avons même recommandé qu'il y ait une autoassurance ou une franchise en ce qui concerne la protection de la SADC. Ne croyez-vous pas qu'il incombe un peu à la personne qui dépose ses fonds de s'assurer qu'elle les dépose dans une institution qui jouit d'une excellente réputation en matière d'investissement?

M. Rothenberg: Bien franchement, monsieur le sénateur, je crois que ça n'a aucun sens. Avec tout le respect que je vous dois, je ne veux pas vous insulter.

Le sénateur Kelleher: Ne vous en faites pas, ça m'en prend plus que ça.

M. Rothenberg: Le consommateur n'est au courant de rien. Vous ne savez pas, monsieur le sénateur, si la Banque Royale sera en faillite dans neuf mois. Si vous recevez leurs rapports trimestriels, je vous mets au défi de me les interpréter. Voulez-vous dire que le consommateur devrait assumer une certaine forme de responsabilité? C'est un non-sens. Comment? Mon père est décédé et a laissé à ma mère de 85 ans la somme de 500 000 $. Sait-elle si oui ou non la situation de la Banque Royale est bonne?

Le sénateur Kelleher: Certaines de ces mères de 85 ans en savent beaucoup plus que vous et moi.

M. Rothenberg: Elles possèdent une expérience extraordinaire, je l'avoue. Mais lorsqu'il s'agit de planification financière ou de connaissances dans ce domaine, comment pouvez-vous savoir? Vous avez ce géant en Angleterre qui récemment a fait faillite parce qu'un jeune type investissait des milliards de dollars en dérivés et personne n'était au courant. Un bon matin, ils se sont réveillés et se sont rendu compte qu'ils devaient 6 milliards de dollars. S'ils ne sont pas au courant, comment pouvons-nous l'être?

Le sénateur Kelleher: Si chaque dépôt effectué est garanti -- et vous proposez même que la garantie s'applique à un montant illimité -- n'encourageons-nous pas l'imprudence chez les institutions où ces dépôts sont faits car elles peuvent dire qu'elles offriront un taux plus élevé? Elles attireront ainsi la clientèle et ça n'aura pas vraiment d'importance si les risques sont trop grands étant donné que les dépôts seraient tous assurés par le gouvernement de toute façon et qu'il les paiera.

M. Rothenberg: Elles ne gèrent pas leur entreprise en fonction de ce qui est protégé. Elles ne se soucient pas de savoir si vous protégez tout ou rien. Elles gèrent leur entreprise en fonction des profits qu'elles auront réalisés à la fin de la journée. Qu'est-ce qui importe? Si elles offrent un taux de 11 p. 100 juste pour avoir l'argent, elles ne peuvent cependant pas le prêter à 13 p. 100, car elles subiront une perte. Que cet argent soit assuré ou non, elles doivent surveiller leur rentabilité ou elles devront se retirer des affaires. Qu'elles soient retirées des affaires et que les dépôts soient assurés ou qu'elles soient retirées des affaires et que les dépôts ne soient pas assurés, elles s'en fichent. Elles n'ont pas de comptes à rendre aux consommateurs. Je ne crois pas que l'assurance-dépôts détermine de quelle façon l'institution doit se comporter en ce qui concerne ses investissements.

Le sénateur Kelleher: Vous n'avez pas beaucoup de connaissances sur ce qui s'est passé en Ontario il y a environ 10 ans si vous dites cela. Je terminerai avec ce commentaire.

Le sénateur Kroft: J'estime être un jeune de Winnipeg qui vient tout juste d'entrer au sein de ce comité. Je ne sais pas, en termes parlementaires, dans quelle mesure je suis lié par les décisions que le présent comité a prises. Je suis assis ici, au moins pour le moment, et j'ai l'impression d'être un agent libre.

Placez-vous exclusivement vos fonds dans des produits assurés?

M. Rothenberg: Pas du tout. Nous sommes également des courtiers en valeurs mobilières. Nous investissons dans des fonds communs de placement, des actions et des obligations, et aucun de ces placements n'est garanti.

Le sénateur Kelleher: En plaçant vos fonds à titre de particulier, et en examinant la situation sous cet angle ou au nom de votre client dont la gestion du patrimoine ou la gestion d'actifs vous préoccupe, vous pouvez envisager un éventail de possibilités d'investissement lors du placement de ces fonds, n'est-ce pas?

M. Rothenberg: Oui.

Le sénateur Kroft: Le fait qu'un certain fonds soit assuré ou non constitue un facteur auquel vous accorderiez de l'attention, de même qu'aux taux et aux autres questions. Il y a peut-être des clients particuliers pour lesquels vous ne faites que des placements dans des fonds assurés.

M. Rothenberg: Oui.

Le sénateur Kroft: Je me considère comme un capitaliste. Permettez-moi d'exprimer cette opinion. Comme je le dis, je cours le risque de ne pas connaître mon statut ici. Ne serait-il pas raisonnable de prétendre que le fait qu'un compte soit assuré ou non n'est qu'un autre facteur du marché dont un investisseur tient compte lorsqu'il décide à quel endroit placer son argent? Du fait que je viens de Winnipeg, et non pas de Toronto où les institutions financières sont établies et puissantes et hors de danger, ce qui est le cas, je m'identifie davantage à M. Pollock qui était assis ici hier et qui nous a demandé d'augmenter la limite de la SADC. Il est terriblement désavantagé face aux grandes institutions financières parce qu'elles sont la principale source réunissant les capitaux nécessaires pour lui permettre de monter son entreprise.

Je suis en partie d'accord avec l'argument que vous présentez. En réponse au rapport MacKay, vous donneriez plus de poids à l'argument économique, renforceriez votre crédibilité et calmeriez peut-être les émotions de notre président si vous faisiez également valoir l'argument que ce que vous faites c'est de participer de façon avertie à une évaluation des risques pour diriger les fonds vers des institutions en expansion qui doivent être assujetties aux mêmes règles du jeu, si les aspirations du comité MacKay, en fait, si les aspirations de ce comité contribuaient à élargir et à renforcer nos institutions financières et à en augmenter le nombre.

M. Rothenberg: Je remercie le sénateur de Winnipeg. Je suis ravi que vous soyez ici.

Si vous avez l'intention de permettre une plus grande concurrence, et si M. Minton et moi décidions de créer une petite banque, il nous serait impossible de concurrencer s'il n'y avait pas la SADC ou s'il y avait un semblant de coassurance.

Le sénateur Callbeck: Je veux revenir à la question des ventes liées. Vous n'êtes pas le premier témoin à manifester son inquiétude à ce sujet. Nous avons posé des questions aux institutions financières à ce propos. Elles ont mentionné qu'il ne s'agit pas d'une source de préoccupation. Elles citent des statistiques indiquant que les gens ne se sont pas vraiment plaints. La Banque Royale a mentionné qu'en 1996 elle avait reçu une plainte, qu'en 1997 aucune plainte n'avait été portée et qu'en 1998 elle avait reçu une seule plainte. Pourquoi pensez-vous que les gens ne se plaignent pas?

M. Rothenberg: Je n'ai entendu que le mot «ombudsman» lorsque j'étais à Saskatoon et que je prenais la parole lors d'une audience semblable à celle d'aujourd'hui. Vous ne savez pas à qui vous devez porter plainte. Vous vous plaignez à votre femme, à votre comptable et à votre avocat. À qui vous plaignez-vous? C'est incroyable lorsque la banque dit qu'elle n'a reçu que quelques plaintes. Vous ne savez pas à qui vous adresser. Vous êtes perdu. Vous devez vous rendre compte qu'il y a ceux qui ne possèdent pas d'expérience. Au moins, j'ai la capacité de rétorquer. Un grand nombre de mes amis qui dirigent des petites organisations de vente au détail et qui placent leurs REER chez moi depuis des années vienne me voir et me disent qu'ils ne veulent pas me faire de peine, mais qu'ils retirent leurs REER. Lorsque je leur demande pourquoi, ils me répondent que le directeur de la banque a mentionné que s'ils voulaient augmenter leur marge de crédit, elle devait gérer toutes leurs affaires. Ils me disent qu'ils leur ont promis de placer leurs REER dans leur établissement, mais qu'il ne faut pas que je prenne ça sur un plan personnel car ils sont obligés d'agir ainsi. Ils ne se plaignent à personne. Ils sont dociles et font ce qu'on leur demande. Ils ne sont pas assez forts pour s'objecter. Voilà pourquoi vous n'entendez parler de rien.

Le sénateur Callbeck: Hier, l'Ombudsman bancaire canadien a signalé que son sondage révèle que 40 p. 100 des Canadiens sont au courant de l'existence de l'ombudsman.

M. Rothenberg: Quand avez-vous découvert son existence, monsieur le sénateur?

Le sénateur Callbeck: Je savais qu'il y en avait un. Croyez-vous que cela devrait être facultatif ou que chaque institution financière devrait être obligée d'y appartenir?

M. Rothenberg: Je ne sais pas si la présence d'un ombudsman est la réponse. C'est peut-être vraiment efficace. Je ne sais rien au sujet de l'histoire de l'ombudsman. En fait, je ne suis pas à l'aise avec le terme «ombudsman». J'aimerais avoir l'impression qu'il existe un organisme de réglementation puissant qui surveille vraiment ce qui se passe. C'est peut-être impossible sur le plan économique, mais je connais l'ACCOVAM. Je ne sais pas si vous avez entendu parler des courtiers en valeurs mobilières qui sont chapeautés par l'ACCOVAM, mais il s'agit d'une organisation rigoureuse. Je ne peux pas vous dire à quel point cette organisation nous surveille de près. Elle assure vraiment et réellement un suivi. Il devrait peut-être exister une organisation de ce genre pour surveiller les directeurs de succursales de diverses banques. D'énormes pressions sont exercées sur le directeur de la succursale pour qu'il augmente les dépôts faits à la banque. Ce jeune qui a été embauché par la banque a pour objectif d'augmenter les fonds au sein de la succursale, de les faire passer de 50 millions à 60 millions de dollars l'an prochain. Son évaluation de rendement sera faite à la fin de six ou douze mois de service. Cela permettra de déterminer comment il se débrouille. Il est soumis à tellement de pression qu'il doit demander aux clients de lui confier leurs REER. Personne ne l'empêchera de le faire à moins qu'il y ait un vrai chien de garde qui puisse.

Le sénateur Callbeck: Rendriez-vous les recommandations de l'ombudsman exécutoires?

M. Rothenberg: Bien entendu qu'elles devraient être exécutoires si l'ombudsman n'est pas un employé de la banque, s'il est vraiment un ombudsman et s'il peut réellement prendre du recul et être le juge. Il existe de très bons juges. Dans l'ensemble, le système juridique fonctionne merveilleusement bien. S'il y a une personne indépendante qui est vraiment indépendante, ça doit être exécutoire. Comment cela pourrait-il fonctionner autrement?

Le sénateur St. Germain: Monsieur Rothenberg, c'est exactement la même chose que lorsque j'ai quitté les affaires il y a quinze ans et que je me suis lancé en politique. Ce que vous nous avez expliqué ici ne faisait pas partie des exposés que nous ont présentés les associations de banquiers, mais vous frappez juste. Elles font du chantage. Je me souviens lorsque j'essayais d'obtenir des prêts et qu'on me disait de commencer par payer des frais d'administration, des versements libératoires et j'en passe, quelque chose qu'elles avaient l'habitude de nous dire qui était si contraire à l'éthique auparavant. Tout à coup, ce sont des mécanismes de nos banques à charte.

Il y a de quoi s'inquiéter en raison du nombre de banques. Je ne suis pas certain si tout ce processus améliorera la concurrence. Elles sont protégées. Je me souviens de Mulholland qui disait qu'il ne plaçait son argent qu'au Brésil et en dehors du pays et que vous n'aviez qu'à vous rendre à la caisse populaire ou à la société de crédit, à donner votre vie en garantie et à essayer d'obtenir 50 000 $ ou 100 000 $ pour une subdivision.

Le président: Messieurs, je vous remercie de votre présence ici ce matin. Monsieur Rothenberg, c'est la seconde fois que nous débattons ce sujet, et je suis convaincu que ce ne sera pas la dernière.

Notre prochain témoin est M. Youssef Nasr, président de la Banque Honkong du Canada qui, malgré son nom, est une banque à charte canadienne de l'annexe II.

M. Youssef A. Nasr, président et chef de la direction, Banque Hongkong du Canada: Monsieur le président, la Banque Hongkong exploite 117 succursales dans 71 villes différentes et neuf provinces au Canada ainsi que deux succursales dans l'Ouest des États-Unis. La Banque Hongkong du Canada est une filiale en propriété exclusive de la société HSBC Holdings plc, l'un des établissements financiers les plus importants au monde, dont le siège social est situé à Londres, en Angleterre. Elle est la septième banque en importance au pays.

Depuis sa fondation en 1981, la Banque Hongkong du Canada a enregistré une croissance rapide grâce à des acquisitions et à une expansion vigoureuse stimulée par la progression constante de l'économie canadienne. Notre réputation au chapitre de la qualité du service que nous offrons, l'éventail de plus en plus vaste de nos services, qui comprennent entre autres des services de courtage, des services de gestion d'actifs, de fiducie et de gestion du patrimoine, des fonds communs de placement et l'assurance automobile et habitation, et nos efforts soutenus nous ont permis d'afficher un rendement du capital satisfaisant. Nous sommes optimistes quant à l'avenir de notre entreprise au Canada et nous avons l'intention d'y demeurer pendant très longtemps.

J'estime que le Groupe de travail mérite nos félicitations pour l'excellent travail qu'il a accompli dans un délai aussi court. Nous avons été heureux de constater que les membres du Groupe souscrivent à notre recommandation d'exploiter au maximum les réseaux de guichets automatiques. Si cette recommandation est mise en application, cela signifiera que tous les clients pourront retirer et déposer des fonds à partir de la plupart des guichets automatiques et non seulement à partir de ceux de leur propre établissement financier.

Nous, de la Banque Hongkong, croyons que cette initiative est l'une des plus importantes qui pourraient être mises de l'avant pour accroître la concurrence dans le secteur des services financiers en offrant un choix aux consommateurs et en facilitant l'accès à de nouvelles entreprises. En outre, cette initiative serait fidèle au thème du rapport du groupe de travail selon lequel le secteur des services financiers a pour mission de servir les consommateurs et de satisfaire leurs besoins.

Depuis le début du siècle, le plus important obstacle à l'entrée dans le domaine des services de dépôt et, par conséquent, des services bancaires aux particuliers, est certainement lié à l'établissement de succursales. Les coûts associés à la mise en place d'un réseau de succursales sont énormes et les bénéfices longs à venir. Grâce aux guichets automatiques, les établissements auraient plus de 19 000 nouveaux endroits à partir desquels ils pourraient offrir leurs services, et les autres intervenants, peu importe leur importance, continueraient à faire face à une vive concurrence dans toutes les régions du pays.

Dans son rapport, le groupe de travail conclut qu'il y a des forces extérieures sur lesquelles nous n'avons que très peu d'influence. Reconnaissant l'existence de ces forces, le groupe de travail s'est demandé ce que la Canada pouvait faire pour s'assurer que les Canadiens puissent profiter d'un secteur de services financiers approprié à leurs besoins. Le groupe préconise un système concurrentiel, novateur, souple, ouvert et fiable.

Le message au coeur du rapport touche la compréhension de ce que les divers paliers de gouvernement ont le pouvoir de modifier ou de ne pas modifier.

En raison de l'avènement de communications instantanées et fiables, les marchés financiers et internationaux sont maintenant en étroite relation. Il n'est plus possible d'isoler un marché sans compromettre ses possibilités de croissance et sans nuire à la compétitivité des secteurs industriels et des services. Pour un pays dont plus de 40 p. 100 du PIB repose sur le commerce, une telle mesure est à la fois inefficace et inacceptable.

Nos établissements financiers, qu'il s'agisse de banques, de compagnies d'assurance ou de fonds communs de placement, doivent composer avec la concurrence internationale en matière de capitalisation, de clientèle et de possibilités d'investissement. Si on examine les secteurs des services financiers en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada, et qu'on tient compte des variations des taux de change ainsi que des différences en matière d'inflation et de fiscalité, le fait demeure que les établissements bancaires canadiens enregistrent un plus faible rendement que la plupart de leurs concurrents situés dans ces deux pays. Compte tenu de cet état de fait, les banques canadiennes sont désavantagées lorsqu'elles veulent profiter des occasions qui se présentent en matière de capitalisation et d'investissement.

Par le passé, le problème n'était pas aussi important. En effet, les restrictions relatives à la participation étrangère quant aux capitaux propres ainsi que les restrictions en matière de contenu étranger s'appliquant aux régimes de retraite des particuliers, de même que le cloisonnement du secteur des services financiers reflétant la structure des quatre fameux piliers, ont fait en sorte que les capitaux propres demeurent au Canada. En outre, le place prédominante occupée par les banques dans l'ensemble des établissements financiers a permis à celles-ci d'obtenir les capitaux dont elles avaient besoin. À mon avis, et à celui du groupe de travail, cette option n'est plus viable. Avec la plus grande liberté de choix dont disposeront les particuliers en ce qui concerne les placements, les banques ne pourront plus compter sur des contraintes artificielles pour obtenir les capitaux nécessaires à leur exploitation.

Il n'est pas du ressort des chefs de direction et des conseils d'administration de s'attarder au quotidien. Ils doivent en effet voir à long terme, se posant des questions telles que: à quoi ressembleront les marchés dans cinq à dix ans? À quel endroit la firme pourra-t-elle se procurer les capitaux? Où pourra-t-elle les utiliser et comment pourra-t-elle espérer demeurer concurrentielle? C'est pourquoi d'ailleurs plusieurs des plus importants établissements ont déjà commencé à inscrire leurs titres aux principales bourses à l'échelle internationale. Le processus de mondialisation est désormais amorcé.

Cependant, s'ils veulent attirer des investisseurs étrangers, ils devront parvenir à harmoniser leur rentabilité à celle des établissements américains et britanniques sans quoi les capitaux se feront attendre, la croissance sera plus lente et l'un des secteurs les plus importants et les plus vitaux du Canada se retrouvera en perte de vitesse dans une économie nord-américaine par ailleurs en expansion.

Les banques canadiennes ne peuvent augmenter leurs profits que de deux façons, soit en augmentant leurs revenus ou en diminuant leurs dépenses. Il n'y a pas de formule magique. S'il en existait une, nous l'utiliserions tous déjà. Selon moi, et j'ai eu l'occasion de travailler au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, les possibilités d'augmentation des revenus sont minces, bien que les recommandations du rapport visant à permettre aux banques de vendre de l'assurance et de conclure des opérations de crédit-bail par l'entremise de leur réseau de succursales devraient se révéler utiles. Il ne faudrait pas négliger non plus le fait que cette décision aura pour effet de diminuer le coût de ces produits pour les consommateurs.

Le seul espoir réside donc dans la réduction des coûts. Je crois d'ailleurs que c'est ce qui a motivé les grandes banques à envisager les fusions annoncées récemment. Je suis bien placé pour vous dire que le meilleur moyen de diminuer les dépenses consiste à continuer à mettre l'accent sur le développement des systèmes.

Pour visualiser l'importance du traitement informatique des données, il suffit de s'imaginer qu'il n'y a pas d'ordinateurs, de guichets automatiques, de cartes de crédit et de cartes de débit au Canada et de penser que les centaines de millions de chèques envoyés à la compensation chaque jour doivent être triés à la main. Les préposés à la compensation seraient littéralement ensevelis sous des montagnes de papier. Sans l'aide des ordinateurs, chaque homme, chaque femme et chaque enfant devraient participer à la tâche et les possibilités d'erreurs, de délais et de confusion seraient immenses. Inutile de penser vous rendre à une succursale de votre banque pour connaître le solde de votre compte ou pour effectuer un retrait sans devoir assumer des coûts considérables. Notre économie régresserait au niveau des années 50. Je serais étonné que qui que ce soit souhaite ce retour en arrière.

La Banque que je dirige est en mesure d'imposer sa présence et de prospérer dans un marché canadien hautement concurrentiel. Grâce à son appartenance au Groupe HSBC, elle peut offrir toute la gamme des services bancaires. Les systèmes que nous utilisons dans nos salles des échanges sont à la fine pointe de la technologie. Ils sont conçus à notre intention par notre société mère. De même, les systèmes d'exploitation que nous utilisons du côté des services aux particuliers nous sont fournis par cette dernière. Malgré cette aide, nous investissons des sommes importantes afin d'adapter ces systèmes aux besoins particuliers de l'économie canadienne. Sans le soutien de notre société mère, nos coûts seraient tellement élevés que notre présence même au Canada serait compromise.

Comparativement à la Banque Hongkong du Canada, dont le portefeuille de dépôt s'établit à 25 milliards de dollars, la société HSBC Holdings jouit d'une latitude beaucoup plus grande lorsqu'il est question de répartir les coûts associés au développement de ces systèmes. Je suis convaincu que nous pouvons améliorer le service à la clientèle et réaliser d'importantes économies d'échelle grâce à la conception de logiciels.

Au début du siècle, le Canada connaissait une vague de fusions dans le secteur bancaire, ce qui avait suscité des craintes et soulevé les mêmes arguments. Il y avait alors des économies d'échelle à réaliser en matière de supervision et de gestion des risques et des moyens plus efficaces d'obtenir des capitaux et d'offrir du financement aux clients. Au chapitre de la capitalisation en particulier, les banques régionales de moindre envergure n'avaient pas la rentabilité nécessaire pour attirer les investisseurs. La simple croissance des dépôts ne suffisait pas. Les banques régionales comme la Bank of New Brunswick, la Eastern Townships Bank, la Bank of Ottawa et la Metropolitan Bank n'ont pas réussi à suivre le rythme et, éventuellement, elles ont été acquises par les banques aujourd'hui connues sous le nom des six grandes banques canadiennes.

La plupart d'entre vous conviendront que le Canada n'a pas souffert de cette situation. À l'époque, alors que le Canada passait d'une société agraire à une puissance industrielle, les banques ont pu offrir le financement nécessaire au secteur industriel en croissance. Le système bancaire a été remarquablement stable même durant les périodes difficiles, particulièrement au cours des années 30 et au début des années 90, alors que d'autres systèmes, notamment celui des États-Unis, ont subi des pertes considérables.

À cette époque, comme à l'heure actuelle, des lois visant à maintenir la concurrence et à maximiser la liberté de choix ont été adoptées. En faisant état de ces facteurs, le rapport du Groupe de travail rend service à tous. Il existe des mesures visant à maintenir la confidentialité, à faciliter la concurrence, à rendre les établissements plus responsables et à maximiser les choix offerts aux consommateurs ainsi que des façons de s'assurer que le système est sécuritaire et stable. Ces questions devraient être au premier rang des préoccupations de ce comité.

L'envergure des entreprises n'a pas de conséquence si le secteur des services financiers sert la population de façon efficace et en fonction des besoins en offrant des choix à des taux concurrentiels. Le fait d'essayer de limiter les efforts des établissements financiers qui veulent réduire leurs coûts afin d'assurer leur survie et leur croissance démontre un manque flagrant de vision. À long terme, de telles mesures se traduiraient par un secteur de services financiers anémique, incapable de satisfaire les besoins de la population au cours des décennies à venir.

Au Canada, l'industrie bancaire est un employeur important et pourra le demeurer pour autant qu'elle sera en mesure de s'adapter aux réalités du marché. Qui sait ce qui pourrait survenir si, à l'aube du XXIe siècle, elle était contrainte de se conformer à des exigences fondées sur une vision démodée de l'économie mondiale.

Il est possible d'influer sur les facteurs qui touchent la concurrence, la liberté de choix, la souplesse et l'innovation. Cependant, concevoir les structures d'un système efficace n'est pas mince tâche. Heureusement, le groupe de travail a établi les fondements d'un tel système. À vous maintenant, et vous conviendrez que la tâche est stimulante et importante, d'en préciser les différents éléments.

Le sénateur Austin: Je suis heureux de vos commentaires parce qu'ils sont vraiment axés sur le système que notre comité examine. Au début du processus, nous nous demandions, comme vous le faites dans vos commentaires, quelle devrait être notre vision des institutions financières, du milieu bancaire, au sens large, dans cinq à dix ans? Si nous continuons dans la même voie, à quoi ressemblera ce milieu? Si nous apportons des changements, comment sera-t-il? La population exprime son inquiétude s'il y a une trop grande concentration dans le milieu bancaire, car cela débouche sur des services réduits et, peut-être même, sur une tentative d'obtenir une certaine partie de ces revenus dans un milieu moins concurrentiel. Votre document ne me semble pas trop préoccupé par ce genre de concentration bancaire. Est-ce une conclusion juste?

M. Nasr: Oui, mais à condition que les 124 recommandations formulées dans le rapport du groupe de travail, dont un grand nombre portent sur le fait qu'il faut offrir des choix aux consommateurs, soient mises en application. Nous sommes en présence d'un ensemble de recommandations qui ont été très soigneusement réunies, faisant état de ce qui se passe au chapitre de la mondialisation, mais précisant également que le consommateur doit être protégé. Le groupe de travail a accompli un travail extraordinaire en réussissant à équilibrer toutes ces questions dans un cadre de travail qui, je l'espère, permettra d'atteindre deux objectifs, soit un secteur des services financiers rentable et concurrentiel, et un secteur où toutes les mesures de protection sont en place pour assurer la liberté de choix au consommateur et la qualité des services.

Le sénateur Austin: Concernant votre argument relatif à la rentabilité des institutions financières de ce pays, j'aimerais vous faire remarquer que notre économie n'est pas aussi productive que d'autres, notamment celle des États-Unis, qui est le principal point de mire pour un système bancaire, ce qui signifie que le coût unitaire associé à la compétitivité des banques canadiennes, dans un contexte continental et international, constitue un fardeau plus important pour les services bancaires offerts aux consommateurs canadiens. Si vous partagez cet avis, la question qu'il faut alors se poser est la suivante: en quoi le fait de permettre ce rendement concurrentiel est-il profitable pour le consommateur canadien?

M. Nasr: C'est au chapitre du développement de systèmes. Je suis convaincu que de plus en plus le fardeau au niveau des coûts dans les banques sera associé au développement de systèmes. En réussissant à répartir le coût du développement des systèmes sur de plus vastes opérations, le coût unitaire sera inférieur et, par conséquent, la compétitivité de l'industrie augmentera.

Le sénateur Austin: Une des préoccupations soulevées dans les discussions relatives aux fusions de grandes banques est qu'au chapitre des dépenses et des économies, l'efficience sur l'équilibre des revenus découlera des réductions de personnel et d'autres économies de coûts dont le consommateur canadien fera les frais. À votre avis, y a-t-il des mesures que nous pourrions recommander pour que ces gains en efficience se réalisent davantage sur le marché international plutôt qu'aux dépens du consommateur canadien?

M. Nasr: Premièrement, certaines banques qui ont manifesté le désir de fusionner ont pris des engagements relativement à la sécurité d'emploi.

Deuxièmement, si vous observez ce qui se passe dans d'autres pays, vous constaterez que la demande de services financiers augmente au fur et à mesure que l'économie se développe. Le Canada n'est pas le premier pays où on fait ce genre de fusion. Je suis presque certain que nous continuerons de voir augmenter le nombre total de personnes qui travaillent dans le domaine des services financiers. Cependant, leurs tâches changeront. Les opérations bancaires courantes seront de moins en moins effectuées par des personnes. Elles seront effectuées par voie électronique ou d'autres moyens. De plus en plus, je vois les employés de services financiers s'orienter vers les conseils financiers, la planification financière, la planification de la retraite et autres aspects de ce genre. Si vous jetez un coup d'oeil à ce qui se passe dans des pays où la concentration est encore plus grande que ce qu'on propose de faire au Canada, je fais allusion aux Pays-Bas et à la Suisse en particulier, le nombre total d'employés dans les services financiers a même augmenté. Cependant, ils accomplissent des tâches différentes de celles que leurs prédécesseurs exécutaient il y a 10, 15 ou 20 ans.

Les banques, de même que toutes les autres institutions financières, sont motivées par la croissance. C'est en traitant plus d'affaires que vous développez votre entreprise, qu'elle prend de l'expansion. Cette situation entraînera un redéploiement, par rapport à la réduction actuelle, du nombre de travailleurs.

Le sénateur Austin: Il y a une section des recommandations du rapport MacKay sur laquelle nous ne nous sommes pas vraiment penchés. Le titre à la page 215 est «Attentes en matière sociale». Les recommandations numéros 88 à 90 consistent en une série de mesures proposées dans le rapport en vue d'assurer l'accès aux services bancaires de base.

L'une des préoccupations dont nous avons entendu parler découle d'une déclaration faite par le chef de la direction de l'une des principales banques selon laquelle la pression dont vous venez de parler, et qu'il a mentionnée aussi, en vue de produire des taux de rendement acceptables forcerait les banques à abandonner leur rôle actuel de fournisseurs de services complets, à l'échelle nationale, et à se spécialiser dans le domaine de la gestion de la richesse domaine dans lequel elles pourraient finalement le taux de rendement visé. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ces recommandations particulières.

M. Nasr: Oui.

Le sénateur Austin: Je me demande si vous ne pourriez pas faire des commentaires concernant la préoccupation que je viens juste d'exprimer et les recommandations du rapport MacKay. La recommandation 90(c) se lit comme suit:

Les institutions de dépôts devraient offrir les comptes de base standard moyennant des frais raisonnables.

Cela signifie que l'on devrait disposer d'une structure de coûts de base pour le consommateur, sans toutes ces fanfreluches. La question sous-jacente est la suivante: est-ce que les banques, à titre d'organisations entrepreneuriales, ont une plus grande responsabilité à l'égard du public que Safeway ou la Compagnie de la Baie d'Hudson?

M. Nasr: Avec les développements technologiques que nous connaissons, il est possible d'offrir des services différenciés, toute la gamme de la gestion des fortunes jusqu'aux opérations bancaires de base. Je suis particulièrement enthousiaste à l'idée que certaines expériences se déroulent autour du monde afin de déterminer quels seraient les meilleurs moyens d'offrir des services bancaires de base. Au Royaume-Uni, par exemple, on offre des services par l'entremise de chaînes de supermarchés. Il y a certains exemples de cela au Canada, mais ce n'est pas aussi répandu qu'au Royaume-Uni.

Certains entrepreneurs ont décidé aussi que d'offrir des services bancaires de base est une bonne façon de faire de l'argent, si vous vous positionnez en conséquence. J'ai mentionné Richard Branson, au Royaume-Uni, qui a décidé d'exploiter ce segment.

Du moment que l'on a accès aux fonctions qui sont nécessaires pour offrir des services bancaires -- et je reviens à mon idée concernant la nécessité de mettre en place un réseau de guichets automatiques pleinement opérationnel et la structure nécessaire -- il y a la possibilité d'offrir les deux aspects du service.

Le sénateur Austin: Donc, vous êtes en faveur de l'accès de base aux services?

M. Nasr: Non seulement sommes-nous en faveur, mais nous offrons un compte de ce type. Nous avons pris l'engagement auprès du gouvernement, il y a quelques années, d'offrir un compte de base, sans fanfreluches, très compétitif, qui fournirait ces services.

Le sénateur Austin: Êtes-vous d'accord avec le fait que les banques ont une «responsabilité sociale» au même titre qu'une responsabilité d'entrepreneur auprès du public?

M. Nasr: Oui, monsieur. Jongler avec toutes ces responsabilités c'est justement en quoi consiste la gestion d'une banque.

Le sénateur Tkachuk: À titre de banque non nationale, vous vous êtes prévalu de la possibilité de mettre en place un réseau de succursales dans l'Ouest canadien. Je sais que dans ma ville natale de Saskatoon, il y a une Banque de Hongkong. Et je pense qu'il y en a une aussi à Regina. Pourquoi est-ce que les autres banques n'ont pas suivi votre exemple et n'ont pas au moins essayé d'établir un réseau de succursales bancaires et d'offrir aux consommateurs du grand public des options concurrentielles aux banques traditionnelles? Dans ma ville natale, vous semblez être les seuls à le faire.

M. Nasr: C'est que la mise en place d'un tel réseau à partir de zéro est très coûteuse. Aujourd'hui, il en coûte 1 million de dollars pour construire une succursale à partir de rien et pour l'équiper convenablement. Il faut des années et des années avant de récupérer l'investissement initial. Si une succursale atteint son seuil de rentabilité après cinq ans, vous pouvez vous compter chanceux. Certaines prennent encore plus longtemps.

Nous avons eu la chance qu'au cours des années un certain nombre d'institutions ont cessé leurs activités et sont devenues disponibles ce qui nous a permis de jeter les bases d'un réseau national. La Bank of B.C. nous a permis de mettre en place notre réseau dans la partie occidentale du pays. Plus récemment, l'ancienne Banque Continentale du Canada, qui est bientôt devenue la Banque Lloyd's du Canada, est devenue disponible. Cette banque avait ses activités principalement au Québec, en Ontario et dans les provinces Atlantiques et nous avons pris la relève. Cela nous a permis d'établir un noyau de succursales.

Ces succursales étaient ouvertes dans les collectivités depuis très longtemps et les consommateurs les connaissaient bien. La plupart des clients n'ont pas un rapport particulier avec la banque elle-même mais plutôt avec les employés qui travaillent à la banque. En tirant parti de cet avantage, il est devenu facile pour nous d'ajouter des lignes de produits et d'ouvrir de nouvelles succursales afin de compléter le réseau. Si nous étions partis de zéro, et que nous avions ouvert 117 succursales, nous n'aurions probablement pas atteint le seuil de rentabilité avant le XXIe siècle.

Le sénateur Tkachuk: Bon, alors, s'il en est ainsi, est-ce que c'est la règle du 10 p. 100 qui empêche le développement d'une saine concurrence étrangère au Canada par rapport aux nouvelles banques fusionnées? Autrement dit, est-ce que les gens de l'extérieur ne viendront pas d'eux-mêmes? Ils chercheront une occasion d'acheter la Banque de Nouvelle-Écosse ou la Banque Canadienne de l'Ouest, par exemple, et ensuite ils construiront à partir de là. Est-ce la voie à suivre?

M. Nasr: Actuellement, nous nous trouvons dans une phase de transition entre le système des succursales offrant la plupart des services bancaires et davantage de mécanismes de prestation de services électroniques. Il faudrait, donc dans une large mesure, utiliser les succursales proprement dites. Tant qu'il ne sera pas possible d'avoir accès à ces succursales, je ne pense pas qu'il se passe grand-chose.

Toutefois, nous évoluons rapidement vers la prestation de services électroniques. J'écoutais un peu plus tôt la discussion au sujet de la banque ING. Cette banque a décidé de passer à la phase suivante, qui consiste à offrir ses services électroniquement. Avec la disponibilité de la technologie et maintenant que les consommateurs sont de plus en plus à l'aise avec cette technologie qui ne cesse de s'améliorer, nous pouvons nous attendre à une évolution certaine. Il y a aussi la venue des cartes à puce. Les retraits et les dépôts constituent toujours les principales fonctions du système bancaire. Si nous passons aux cartes à puce comme la carte Mondex qui est actuellement à l'essai à Guelph en Ontario, il sera peut-être inutile d'utiliser les succursales. Chaque téléphone dans ce pays, équipé d'un petit accessoire, pourra devenir une succursale donc, nous passerons de 6 000 succursales à 20 millions de succursales.

Le sénateur Tkachuk: Peu importe les cartes à puce et toutes les autres technologies, les gens utiliseront toujours de l'argent. Les gens aiment payer en argent. Bien entendu, lorsque toute cette technologie sera en place, il y aura un nouvel impôt sur le capital. Lorsque vous utiliserez votre carte à puce, vous devrez acquitter des frais pour sortir l'argent de la banque de cette façon plutôt que de vous y rendre vous-mêmes pour obtenir de l'argent.

Parlons maintenant de cette fonctionnalité. Si nous disposons de la pleine fonctionnalité des services bancaires automatisés, quels seront les frais pour faire un dépôt dans une succursale de la Banque de Hongkong en vue de transférer cet argent à une succursale de la Banque Royale dans une autre ville?

M. Nasr: Nous sommes d'avis que le réseau Interac doit être administré comme un service public, ce qui signifie que le prix devrait être le même pour tout le monde. J'utilise l'analogie de l'industrie du téléphone. Il était difficile de permettre la concurrence au niveau du ménage, parce que les lignes téléphoniques étaient déjà installées dans une maison, et qu'il était très difficile pour une deuxième et une troisième compagnies de venir elles aussi installer ces lignes dans votre maison. Toutefois, il y avait quand même de la place pour obtenir des réductions importantes dans le prix des appels interurbains. Toute la philosophie de l'industrie du téléphone a changé. La concurrence au niveau des appels interurbains a commencé, et les consommateurs ont pu profiter d'une baisse de prix, mais le fournisseur local a été forcé de donner également accès à tous les fournisseurs de services téléphoniques interurbains.

Maintenant, lors d'un seul appel téléphonique, vous pouvez choisir le fournisseur de services interurbains qui vous offre la meilleure gamme de prix et votre fournisseur local, qui peut être le même que le fournisseur de services interurbains, mais pas nécessairement, doit laisser ce dernier avoir accès à votre maison au même coût qu'à n'importe qui d'autre.

Pensez au réseau des guichets automatiques un peu de la même manière; c'est-à-dire, que nous pouvons entrer en concurrence pour ce qui est des taux d'intérêt que nous versons sur nos dépôts, les niveaux de services que nous offrons et les taux que nous exigeons sur nos prêts hypothécaires. Toutefois, vous devez avoir la possibilité de faire des retraits et des dépôts, donc pour choisir entre tous les fournisseurs, pensez un peu au réseau des guichets automatiques comme s'il s'agissait des lignes téléphoniques locales et que celles-ci devaient être également accessibles à tous et chacun à un tarif qui couvre tout juste les frais du réseau, et non un tarif qui serait punitif, et vous verrez la concurrence augmenter.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que la Banque Canadienne de l'Ouest, par exemple, devra payer des frais de démarrage pour faire partie du réseau?

M. Nasr: Ce serait un montant négligeable.

Le sénateur Tkachuk: À qui la banque devrait-elle payer?

M. Nasr: À l'association elle-même.

Le sénateur Tkachuk: En bout de ligne, c'est le consommateur qui devra payer pour l'ensemble du réseau. Combien devra-t-il payer pour obtenir ce service?

M. Nasr: S'il est administré comme un service public, un peu comme les compagnies de téléphone qui sont aujourd'hui supposées établir un prix pour le service local, je pense que le coût sera très raisonnable étant donné que le gros des coûts, pour ce qui est de la mise en place du réseau ont déjà été payés. Les coûts de l'administration et de la mise à jour sont très faibles par rapport au coût total qui a été versé au départ. Il s'agit donc d'un coût irrécupérable.

Le sénateur Tkachuk: Pensez-vous que l'on devrait établir un certain cadre réglementaire, un peu du genre de celui du CRTC, qui serait chargé de réglementer les coûts d'utilisation de ce service public dans tout le pays?

M. Nasr: C'est possible, oui.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cet organisme réglementaire établirait les frais de service?

M. Nasr: Non. Le service public impose des frais aux fournisseurs. Les frais exigés des consommateurs seraient établis en fonction des deux. Ce que le service public demande aux fournisseurs viendrait s'ajouter à ce que les fournisseurs doivent eux-mêmes demander. Toutefois, étant donné qu'il y aura beaucoup plus de fournisseurs avec un scénario semblable, si...

Le sénateur Tkachuk: Êtes-vous convaincus de cela?

M. Nasr: Non seulement en suis-je convaincu, mais je suis impatient de voir ce système en place parce qu'il nous permettrait d'élargir notre base d'affaires au-delà des 117 succursales dont nous disposons actuellement.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque j'ai ouvert mon premier compte de banque, même si toute la technologie d'aujourd'hui n'existait pas et si la succursale était ouverte seulement de 10 heures le matin à 15 heures l'après-midi, lorsque je signais un chèque pour obtenir de l'argent en espèces, je ne payais rien en échange de ce service. C'était gratuit, la banque faisait de l'argent avec les prêts. Avec toute la technologie qui existe aujourd'hui, nous devons assumer des frais chaque fois que nous signons un chèque, et nous devons aussi assumer des frais de service seulement pour tenir le compte ouvert. À moins de prendre des arrangements particuliers, la banque ne me payera aucun intérêt. Bien franchement, je ne suis pas regagnant lorsqu'il s'agit de laisser mon argent en sécurité dans un compte de banque.

Avec toute cette technologie, pourquoi pensez-vous que toute cette concurrence sur ce réseau particulier fera en sorte qu'il m'en coûtera moins cher? Pourquoi est-ce que ce serait bon pour le consommateur? Vous serez réglementés à titre d'utilisateur, mais le consommateur lui devra affronter le monopole du système, fondamentalement, pour payer des frais de service. Le consommateur sera obligé de payer encore plus de frais pour obtenir ce service.

M. Nasr: Si le réseau donne accès à tout le monde, et si les utilisateurs existants établissent le prix de leurs services de façon non concurrentielle, d'autres intervenants viendront s'ajouter et entreront en concurrence. Le problème à l'heure actuelle est que quiconque voit une possibilité où les frais de service sont plus élevés qu'ils ne devraient l'être, n'a pas accès au consommateur final. C'est de cette façon que vous leur donnez accès.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez décrit un peu la vague de consolidation qui a commencé au début du siècle. Vous avez dit que les banques qui n'étaient pas en mesure de concurrencer ont été forcées de devenir les grands-parents des cinq banques que nous avons aujourd'hui. Pourquoi aux États-Unis a-t-on assisté à la naissance de plus de 270 banques dans les collectivités? Pourquoi est-ce que la même chose ne s'est pas produite au Canada? Comment pouvons-nous faire en sorte que les choses se passent de la même façon ici et est-ce que ce mode de fonctionnement a des chances de réussir?

M. Nasr: J'ai des doutes à savoir si cela aurait du succès ici étant donné les obstacles à la rentrée, principalement les impôts sur le capital, qui découragent la formation de nouvelles institutions financières. Aux États-Unis, les restrictions qui existaient sur les services bancaires à l'échelle nationale ouvraient des créneaux. Toutefois, étant donné la consolidation qui s'y est amorcée, je serais très surpris s'il y avait autant de banques aux États-Unis d'ici cinq à dix ans.

Le sénateur Oliver: J'ai jonglé avec l'obligation qui est faite aux banques dans notre système financier de mettre en place des mesures de sécurité et de stabilité financières de même qu'avec le fardeau de la réglementation. Je sais que le rapport du groupe de travail fait une série de recommandations pour la mise en place de nouvelles réglementations sur la protection de la vie privée et sur la vente liée.

Est-ce que le rapport du groupe de travail va suffisamment loin lorsqu'il demande la déréglementation du secteur des services financiers canadien?

M. Nasr: Oui, il va suffisamment loin lorsqu'il exige la déréglementation aux fins de permettre au consommateur d'exercer son choix et d'établir les prix et je suis 100 p. 100 d'accord avec ça. Toutefois, le rapport ne cède pas un pouce de terrain pour ce qui est des politiques très rigoureuses en matière de finance et de gestion qui visent à maintenir un système financier solide et prudent. C'est une excellente combinaison. La dernière chose que nous voulons voir c'est un système bancaire faible. Regardez ce qui s'est passé au Japon. En dépit de tous les efforts qui ont été faits pour réduire l'inflation, les taux d'intérêt ont été réduits d'un quart de un pour cent. Tous les outils mis à la disposition du gouvernement pour stimuler l'économie ont été réduits à néant à cause d'un système bancaire faible.

Premièrement et principalement, il ne devrait y avoir aucune discussion concernant le fait que le système bancaire doit être très solide. Le groupe de travail parle ensuite d'autres choses qui pourraient être faites pour améliorer la confiance du consommateur.

Le sénateur Oliver: Je sais que vous et votre économiste qui avez comparu devant le comité hier et avez déjà répondu à la question que je m'apprête à poser, mais je veux mettre en lumière un autre aspect de cette question. Le rapport du groupe de travail affirme que nous devons accroître la concurrence et que l'un des moyens d'y arriver consiste peut-être à faire en sorte que les banques étrangères fassent leur entrée au pays ou encore à renforcer les réseaux de credit union ou de caisses populaires et ainsi de suite. Pourtant, la possibilité que des banques étrangères entrent au pays et fassent l'acquisition d'un réseau de succursales n'est pas très élevée, pour la raison que vous venez de nous donner. C'est beaucoup trop coûteux et il faut attendre trop longtemps avant d'obtenir un certain rendement sur l'investissement. Vous avez déclaré que le meilleur moyen d'améliorer la concurrence consisterait à disposer d'une fonctionnalité complète du réseau des guichets automatiques bancaires. À titre de décideurs, quels autres moyens devrions-nous envisager pour encourager davantage de banques étrangères à venir s'établir ici et nous permettre de développer une deuxième catégorie plus forte et plus importante?

M. Nasr: Laissez-moi corriger un point. Je n'ai pas dit que les banques étrangères ne viendraient pas ici et qu'elles ne viendraient pas acheter de réseaux de succursales si celles-ci étaient disponibles. J'ai dit qu'elles ne viendraient peut-être pas s'établir à partir de zéro. Si, par suite de la consolidation, des réseaux de succursales devenaient disponibles et si nous pouvions éviter d'avoir à investir les énormes coûts en capitaux qui sont nécessaires pour construire des succursales à partir de rien, je peux vous assurer que cette organisation serait très heureuse de ramasser quelques-unes de ces succursales.

Le sénateur Oliver: La Société Canada Trust nous a confié qu'elle était intéressée et d'autres attendent leur chance.

M. Nasr: Mes commentaires n'ont pas mentionné le fait que des succursales existantes pourraient devenir disponibles. Je vais maintenant me rendre à l'extrême opposé et réaffirmer l'intérêt que nous avons à élargir le réseau. C'est partir de zéro qui n'est pas faisable.

Le sénateur Oliver: À titre de décideurs, quelles seraient les autres avenues à considérer pour encourager la mise en place d'un deuxième groupe de banques plus important, autrement dit qui favoriserait la venue des banques étrangères et leur installation au Canada?

M. Nasr: Ces éléments sont bien établis dans le rapport du groupe de travail. Nous avons décidé que nous étions assez gros pour pouvoir disposer d'une banque qui soit incorporée à l'échelle locale avec un siège social. C'est bon pour nous. Toutefois, de nombreux collègues qui exploitent des banques étrangères trouvent que les coûts qui leur sont imposés en vertu de l'Annexe II sont très onéreux. Elles aimeraient pouvoir s'établir ici à titre de succursales, un peu de la même façon que les banques canadiennes qui exploitent des succursales dans les pays d'origine de ces banques. Cette recommandation figure dans le rapport et je pense que la législation est en route.

Nous devons donner la possibilité à ces gens de venir s'établir ici sur la base d'une seule ligne de produits. De plus en plus, les banques décideront qu'il n'est pas logique de venir ici et de concurrencer sur la base de la prestation de services bancaires complets, mais des fournisseurs de cartes de crédit viendront offrir ce service et des fournisseurs de petits prêts commerciaux feront leur entrée et offriront aussi ce service, parce qu'étant donné l'échelle de leurs opérations dans leur pays d'origine, ils peuvent se permettre d'offrir ce produit moyennant un bon prix en espérant un rendement satisfaisant.

Le sénateur Oliver: Que pensez-vous du fait que certains de ces fournisseurs de ligne de produits unique seraient déréglementés alors que vous-mêmes seriez assujettis à une réglementation?

M. Nasr: La question est de savoir quelle partie serait déréglementée. Si quelqu'un désire offrir des cartes de crédit ici, je ne pense pas que nous ayons besoin d'une politique publique concernant la nécessité de les réglementer parce qu'ils n'utilisent pas les dépôts des consommateurs canadiens pour réaliser ces prêts. S'ils commencent à prendre les dépôts des consommateurs sans être assujettis à une réglementation, c'est une tout autre histoire. Cela dépend beaucoup du type de services qu'ils comptent offrir.

Le sénateur Kroft: J'aimerais poursuivre sur la question de l'accessibilité ou plutôt, pour utiliser le nouveau mot que nous avons appris hier, «la disputabilité» -- autrement dit, l'existence d'une possibilité pour les banques étrangères de venir s'installer ici. Vous avez expliqué que vous étiez en mesure de faire l'acquisition d'un ensemble d'institutions existantes ou en sérieuses difficultés. Vous avez aussi expliqué que ce qui vous intéressait, ce n'était pas tant la structure matérielle de la banque que les gens qui y travaillent. Je suppose que vous essayez de nous dire qu'il est très important pour vous de faire l'acquisition de l'entreprise pendant qu'elle est en exploitation, avec les gens déjà en place, et non seulement du bâtiment.

M. Nasr: Exactement.

Le sénateur Kroft: Ceci étant dit, j'aimerais revenir à l'inventaire des acquisitions possibles dans ce domaine parce que j'ai du mal à voir où il se trouve. L'un des éléments contribuant à cet inventaire de bâtiments pourrait être constitué de succursales déjà fermées d'institutions financières existantes, mais cela ne répondrait pas à vos besoins étant donné qu'il s'agirait d'immeubles vides et non d'entreprises en exploitation. Donc, en théorie, je comprends votre réponse, mais en pratique, je ne suis pas sûr de bien comprendre d'où viendra le stock des acquisitions disponibles.

M. Nasr: Je vais vous donner un exemple d'une chose qui se produit pratiquement chaque jour aujourd'hui aux États-Unis. Comme vous le savez, il y a une vague de consolidations massive. Chaque fois que deux banques proposent de fusionner, elles doivent se présenter au ministère de la Justice afin de déterminer si cette fusion entraînera un effet de concentration. Un cadre de travail a été élaboré qui semble fonctionner très bien. Dans ces régions des États-Unis où il y a une possibilité de concentration, on demande aux institutions qui fusionnent de signer une ordonnance sur consentement aux termes de laquelle ces institutions acceptent d'éliminer un certain nombre de succursales. Le cadre de travail a été élaboré de sorte qu'il s'agisse de succursales tout à fait viables. Il ne s'agit pas de vendre une succursale un jour et puis, étant donné que vous disposez de tous les dossiers des clients et de tous les renseignements, de faire en sorte que la succursale qui reste de l'autre côté de la rue prenne en charge tous ces comptes. En réalité, vous devez signer un engagement sur une certaine période de temps pendant laquelle vous ne pouvez cibler les clients de la succursale que vous venez de fermer.

On m'a demandé un peu plus tôt pourquoi il y a eu tant de nouveaux démarrages d'institutions aux États-Unis. L'une des raisons qui expliquent ce nombre important de démarrages est sans doute la présence d'une consolidation. Toutes les succursales qui ont été forcées de fermer pour des raisons de concentration facilitent le travail de ceux qui désirent ouvrir de nouvelles succursales en choisissant à même celles qui ont été fermées et en vue de les rendre viables.

Si le Bureau de la concurrence décide que dans certaines parties du pays il existe un danger de concentration, un modèle similaire pourrait être adopté, ce qui rendrait ces succursales disponibles pour la vente. Entre les banques étrangères qui pourraient être intéressées et certaines institutions qui ne font pas partie des cinq grandes banques et qui pourraient aussi être intéressées, je pense que nous pourrions arriver à quelque chose.

Le sénateur Kroft: C'est intéressant et il existe des exemples dans d'autres industries d'une telle situation. La Société Canada Trust, dans son exposé, a plaidé la cause d'un processus d'élimination. Dans le modèle américain que vous décrivez, à l'intérieur de chacune des succursales qui sont vendues à de nouvelles banques ou à des banques en expansion, est-ce que le personnel est inclus dans la vente?

M. Nasr: C'est le modèle habituel, oui. La succursale est une entité commerciale viable en elle-même, donc vous vendez aussi l'entreprise. Il faut voir la succursale comme une compagnie. Elle possède ses employés et ses activités commerciales.

Le sénateur Kroft: Je comprends cela, mais la succursale n'est pas une entité complète. D'après ce que vous en savez, est-ce qu'on donne la possibilité aux gens de choisir à quel endroit ils pourront travailler ou alors est-ce que la banque qui fait l'acquisition se positionne en récupérant les meilleurs éléments? Vous pouvez imaginer toute une série de scénarios sur la façon dont les choses pourraient se passer. Je vois les choses d'un oeil très différent selon que vous pensez à l'acquisition d'une succursale de la Continental-Lloyd's ou encore d'une institution qui a été une entreprise en exploitation et en croissance verticale aussi.

M. Nasr: Il existe différents modèles. Habituellement ces conditions sont négociées. Certaines viennent avec tous les employés, d'autres avec un peu moins d'employés et d'autres encore avec aucun employé. Les négociations sont effectuées au cas par cas, à l'échelle régionale, littéralement coin de rue par coin de rue. Il y a bien des variations possibles sur ce même thème.

Le sénateur Kroft: Pour passer à un autre sujet, j'aimerais que nous abordions votre plan de cinq ans ou dix ans. Vous occupiez une position unique pour ce qui est de l'envergure et de la position sur le marché. J'aimerais mieux comprendre où vous vous situez. Qui sont vos véritables concurrents? Je pose la question parce que je sais que vous allez nous aider à mieux comprendre où les autres institutions semblables à la vôtre peuvent avoir l'intention d'aller et, par conséquent, nous pourrons aborder directement la question de l'entrée des banques étrangères au pays.

Alors que vous planifiez votre stratégie, comment voyez-vous la position des credit unions ou caisses populaires, des autres banques à charte et de la concurrence étrangère? Quel type de créneaux voyez-vous pour vous-même ou alors avez-vous une approche universelle?

M. Nasr: Nous avons en effet une approche assez universelle, et c'est la raison pour laquelle nous avons des succursales d'un littoral à l'autre de ce pays.

Le sénateur Kroft: Donc, nous pouvons je suppose examiner votre plan stratégique et le voir comme celui des autres grandes banques sur une échelle universelle?

M. Nasr: Avec la caractéristique additionnelle que, étant donné que nous faisons partie d'une organisation mondiale qui est présente dans 81 pays, nous sommes en mesure d'offrir un réseau de service sans interruption pour quiconque a besoin de services internationaux -- les exportateurs, les importateurs et les gens qui voyagent beaucoup.

Le sénateur Kroft: Vous avez une autre corde à votre arc.

Vous avez insisté fortement durant votre exposé sur l'importance des systèmes informatiques dans toute cette question et sur l'avantage concurrentiel dont vous disposez étant donné l'appui que vous fournit votre société mère. Donc, supposons que votre société mère, à son tour, dispose de la possibilité de répartir ses coûts sur une organisation plus vaste.

Vous nous expliquez tout cela de telle sorte que, fusion ou pas, vous vous trouvez pratiquement au-delà de la concurrence de presque la plupart des institutions canadiennes. Vous avez décrit le seuil des coûts comme étant tellement élevé que, dépendant de l'organisation canadienne choisie, nous avons l'impression que c'est au-delà de la capacité de la plupart des institutions canadiennes, qu'elles aient fusionné ou pas.

M. Nasr: Nous nous trouvons tous actuellement dans une phase expérimentale afin d'essayer de déterminer quelle serait la taille idéale pour continuer de réaliser des économies d'échelle en ce qui concerne le développement des systèmes. Il est étrange cependant que, même si toutes sortes de fusions ont eu lieu dans le monde, les institutions finissent par se rattraper les unes les autres. Si vous considérez les différences qui existent entre les cinq ou 10 plus grandes banques dans le monde, l'une d'entre elles n'est pas six fois plus grosse que la suivante. Nous sommes tous en phase d'expérimentation.

Cela dépend aussi des ambitions à l'échelle mondiale des organisations qui fusionnent leurs activités. Si l'objectif des banques canadiennes est de devenir des intervenants majeurs sur le marché nord-américain, je soupçonne que l'échelle qui en résulterait après la fusion de deux d'entre elles serait suffisante pour répondre à ce créneau. Toutefois, si les banques désirent figurer parmi les cinq ou 10 institutions qui émergent à titre d'institutions bancaires mondiales, il leur faudra adopter une échelle plus importante. C'est une question qui exige de définir d'abord le marché visé, parce que plus le marché est vaste, plus vous avez besoin d'un grand nombre de systèmes pour tenir compte de toutes les différences régionales afin de vous adapter et de faire en sorte que tout le monde soit à jour, et ainsi de suite.

Le sénateur Carney: Vous avez exposé de façon très éloquente que, pour le système bancaire, plus on est gros et mieux c'est, à la fois au niveau de la prestation de services aux clients et aussi du coût des produits. Depuis que vous avez fait l'acquisition de la Bank of B.C., vous avez réussi à supplanter les credit unions ou caisses populaires, qui étaient les plus importantes institutions bancaires en Colombie-Britannique, et vous avez pris leur place en tête de liste.

Est-ce que vous avez aujourd'hui davantage de succursales en Colombie-Britannique que vous en aviez lorsque vous avez fait l'acquisition de la Bank of B.C.? Est-ce que les coûts des produits ont été réduits, est-ce que vous avez diminué les taux d'intérêt depuis votre expansion jusqu'à votre taille présente?

M. Nasr: Oui, nous avons beaucoup plus de succursales et nous continuons d'en ouvrir deux ou trois nouvelles chaque année en Colombie-Britannique, qui viennent s'ajouter au réseau.

Le sénateur Carney: Peut-être pourriez-vous nous donner des chiffres nous permettant d'établir la comparaison plus tard, de sorte que nous disposions de statistiques.

M. Nasr: Je vais vous donner les chiffres exacts un peu plus tard, mais dans les grandes lignes, nous avons augmenté le nombre de succursales de 40 à 55 en Colombie-Britannique, et nous continuons d'en ouvrir de nouvelles à un rythme de deux par année. L'an prochain sera une bonne année parce que nous prévoyons ouvrir cinq nouvelles succursales en Colombie-Britannique.

Je ne pense pas que la Bank of B.C. aurait été viable à elle seule.

Le sénateur Carney: C'est une hypothèse. Nous ne pouvons pas le savoir.

M. Nasr: Oui, si elle était restée seule, vous auriez vu une organisation de 5 milliards de dollars essayer de maintenir ses systèmes à jour.

Le sénateur Carney: Qu'en est-il des coûts des produits financiers? À quel titre avez-vous pu diminuer les coûts pour le consommateur à la suite de votre expansion? Vous avez expliqué que les coûts allaient diminuer et que les services allaient augmenter. Vous avez aussi affirmé que vous aviez ajouté de nouveaux services. Est-ce que les coûts ont diminué et dans quels secteurs?

M. Nasr: Je vais vous donner un exemple très simple. La marge nette sur intérêts qui existait au début des années 80 se situait autour de 300 points de base; c'est-à-dire, l'écart qui existe entre ce que nous payons sur nos dépôts et ce que nous exigeons sur nos prêts. Cette marge se rapproche maintenant des 200 points de base. L'écart qui existe entre ce que la banque accorde sur ses dépôts et exige sur ses prêts a régressé de 33 p. 100 depuis lors.

Le sénateur Carney: Ma deuxième question porte sur votre insistance sur l'importance du traitement électronique des données, sur la nécessité de mettre en place un réseau de guichets automatiques bancaires et sur l'importance que votre propre banque accorde au soutien offert par la société mère de votre groupe. Qu'est-ce que votre banque a l'intention de faire au sujet des problèmes informatiques qui sont prévus pour l'an 2000? Est-ce que les Canadiens peuvent avoir confiance que leur banque sera ouverte le 1er janvier 2000 pour tenir ses activités habituelles?

M. Nasr: Je pense que oui. Le bureau du surintendant a fait du très bon travail en s'assurant que les banques canadiennes seront prêtes en vue de l'an 2000 bien avant l'échéance. Nous essayons maintenant de régler les aspects secondaires, c'est-à-dire de déterminer si nos clients et nos fournisseurs seront eux aussi conformes.

Je suis heureux de voir les progrès qui ont été réalisés par notre personnel en ce qui a trait à la conformité de nos systèmes, étant donné les lignes directrices qui ont été produites par les organismes de réglementation sur la façon dont l'industrie devrait se préparer.

Le sénateur Carney: D'où viennent ces lignes directrices?

M. Nasr: Elles sont issues du bureau du surintendant.

Le sénateur Carney: Vous pensez que ces lignes directrices sont suffisantes et qu'elles garantissent votre conformité à l'an 2000?

M. Nasr: Oui, pour ce qui est des systèmes qui appartiennent à la banque.

Le président: Monsieur Nasr, l'un des principaux éléments qui vous intéressent est la fonctionnalité pleine et entière de tous les guichets automatiques bancaires. Comment pourrons-nous obtenir cette fonctionnalité, si nous supposons que quelqu'un dispose d'un droit d'auteur ou de dispositions relatives à un brevet sur le logiciel qui est nécessaire pour que tous les guichets automatiques bancaires soient pleinement opérationnels? En d'autres mots, comment allez-vous régler les questions de droits de propriété intellectuelle associés au logiciel qui tourne sur ces machines? Si nous disons que tous les guichets automatiques de ce pays doivent disposer de fonctions additionnelles, comment pouvons-nous arriver à installer ces fonctions tout en évitant les poursuites et en s'assurant d'obtenir une compensation raisonnable?

M. Nasr: Le changement n'aura pas lieu au niveau des machines mais plutôt au niveau des ordinateurs qui se trouvent dans la banque. Il n'y a pas de magie dans tout cela. Nous disposons d'un réseau existant entièrement fonctionnel qui est exploité en Colombie-Britannique, dans certaines régions de l'Alberta et tout le long de la côte ouest des États-Unis et ce réseau s'appelle the Exchange. Ce réseau est en place dans les banques de Vancouver.

Le président: J'avais l'impression que vous aviez quelque chose à faire dans chaque guichet automatique. Vous vous contentez simplement de réécrire le logiciel au niveau de l'ordinateur central.

Est-ce que quelqu'un vous a mentionné le processus juridique nécessaire pour réaliser cela?

M. Nasr: Je dois admettre que non. J'ai été très heureux de constater que le groupe de travail s'est penché sur la question.

Le président: Étant donné que l'idée a pris naissance dans votre banque, je pensais que vous aviez peut-être franchi une étape supplémentaire et suggéré un processus de mise en oeuvre.

M. Nasr: Nous avons fait certaines suggestions à cet effet, mais une partie de la raison pour laquelle nous comparaissons devant ce comité et devant le comité de la Chambre des communes est justement pour avoir une meilleure idée de la façon dont nous pouvons réaliser cela.

Le sénateur Kenny: Étant donné que vous avez quand même certains intérêts à cet égard, serait-il possible pour vous de creuser cette question et de revenir témoigner devant le comité pour nous expliquer quelle serait la meilleure façon de procéder?

M. Nasr: Oui.

Le président: Dans vos observations préliminaires, vous avez déclaré que le rôle principal du chef de la direction était d'avoir une perspective sur 10 ans plutôt que d'essayer de trouver des solutions à court terme pour les problèmes courants. Diriez-vous qu'il en va de même pour ce qui est d'établir une politique publique, en ce sens que nous devons nous efforcer de mettre en place un cadre de travail qui s'étalera sur une assez longue période plutôt qu'un cadre qui se contentera de régler la crise actuelle, simplement parce que nous ne sommes pas en mesure d'apporter des changements assez rapidement?

M. Nasr: Absolument. Nous apprenons chaque jour davantage, en particulier depuis les récentes turbulences du marché, et nous constatons que nous devons mettre en place une politique assez large de même que la possibilité de réagir rapidement aux événements. La façon dont les organismes publics ont réagi à la récente crise financière illustre bien à quel point le système est solide et comment il peut réagir à des problèmes, une fois que les fondations sont en place.

Le président: Monsieur Nasr, je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner devant nous. Nous apprécions le temps que vous avez pris pour venir témoigner devant le comité et nous sommes heureux de nous trouver si près de votre siège social.

Sénateurs, notre prochain témoin est M. Robert Ascah, vice-président principal Politiques et planification stratégique pour l'Alberta Treasury Branches. M. Ascah a déjà distribué ses observations préliminaires.

M. Robert Ascah, vice-président principal, Politique et planification stratégique, Alberta Treasury Branches: Monsieur le président, c'est un plaisir pour moi de venir vous présenter les vues de l'Alberta Treasury Branches concernant le groupe de travail MacKay devant le comité du Sénat sur les banques et le commerce. Je vais vous décrire dans les grandes lignes en quoi consiste l'Alberta Treasury Branches.

L'ATB est une institution financière de dépôts qui offre des services complets et qui a été créée en vertu de l'Alberta Treasury Branches Act, qui a été proclamée le 8 octobre 1997. Nous sommes une société d'État provinciale qui doit rendre des comptes par l'entremise du trésorier provincial devant la législature de l'Alberta. En vertu de la loi, un conseil d'administration est nommé par le Cabinet provincial qui dirige l'administration des affaires et du commerce de l'ATB. Les dépôts, capital et intérêts, sont garantis par la province. Pour assurer ses opérations, ATB possède un réseau de 148 succursales et de 127 agences réparties à travers tout le territoire albertain. ATB est la dixième institution de dépôts en importance au Canada. Elle est membre adhérent de la Banque du Canada et elle possède un siège au conseil d'administration de l'Association canadienne des paiements.

L'an dernier, ATB a récolté des bénéfices de 85 millions de dollars; avec 8,7 milliards de dollars en dépôts et 7,5 milliards de dollars en prêts, et un déficit en capital de 66 millions de dollars. Au 31 mars 1998, ATB représentait près d'un million de comptes de dépôts et plus de 200 000 comptes de prêts; de plus, notre personnel compte près de 3 000 équivalents temps plein. Pour le trimestre qui s'est terminé à la fin du mois de juin, nous avons déclaré un bénéfice net de 23,5 millions de dollars.

Les commentaires qui suivent sont ceux de la direction de ATB et ne représentent pas les opinions de l'actionnaire de ATB, le gouvernement de l'Alberta. Je ne traiterai pas des orientations futures possibles de ATB car les décisions portant sur la privatisation et les autres grandes politiques sont la prérogative de l'actionnaire. Les commentaires que j'apporterai sur le sujet de la concurrence seront faits surtout dans le contexte d'un statu quo. Il est cependant évident que ATB est très intéressé par les discussions qui ont lieu depuis la publication du rapport du groupe de travail MacKay.

ATB est en concurrence directe avec les banques à charte, les sociétés de fiducie et les sociétés coopératives de crédit régies à l'échelle provinciale. Les changements en matière de pouvoirs commerciaux, de règlements de propriété et de législation de protection des consommateurs proposés dans le rapport MacKay auront des effets sur le contexte commercial dans lequel évolue ATB. J'aborderai brièvement les trois sujets suivants: l'historique de ATB; la question de la viabilité à long terme d'une institution financière régionale qui, je crois, représente un intérêt particulier pour le comité; et finalement, certains commentaires sur le rapport MacKay.

Au cours des années 30, le Canada a subi avec difficulté la Dépression. Plus particulièrement, les revenus des Albertains ont diminué de façon très abrupte, il y a d'ailleurs des graphiques dans l'exposé qui indiquent bien cet état de fait. Cette situation a contribué à créer un environnement propice à la théorie du crédit social. En 1935, William Aberhart a été élu, en partie grâce à cette théorie. Cette théorie mettait entre autres de l'avant la distribution d'un dividende social. On offrait une somme de 25 $ par mois, ce qui redonnait de l'espoir aux gens affectés par la Crise.

Reconnaissant que la création du crédit était au coeur même de son ordre du jour, le gouvernement de l'Alberta a fait application auprès du gouvernement fédéral dans le but d'obtenir une banque à charte, mais cette requête a été rejetée. En 1938, le gouvernement a donc adopté la Treasury Branches Act, qui, à part quelques légères modifications, est demeurée inchangée jusqu'en 1995. En 1995, le Trésorier provincial a apporté des modifications à la loi. La modification à la Treasury Branches Act, grâce à laquelle il y avait création d'un conseil d'administration, a été adoptée en 1996.

Dans une lettre adressée au président, le Trésorier provincial décrivait en détails le mandat de ATB en matière de politiques. ATB devait opérer selon des principes bancaires et commerciaux solides et ne pas devenir un prêteur de dernier recours. ATB devait continuer à offrir des services dans toutes les régions de la province. ATB devait maximiser les bénéfices en offrant une valeur juste à ses clients et en répondant aux besoins des Albertains en matière de viabilité commerciale. ATB devait se concentrer sur trois marchés cibles: les entreprises autonomes, les industries agricoles et les services aux consommateurs.

À long terme, une institution financière régionale peut-elle survivre? Cette question a récemment été posée par notre conseil d'administration au cours d'une séance de planification. Nous avions demandé aux services d'affaires et de consultations d'Arthur Andersen de déterminer quels attributs devrait posséder ATB pour devenir une institution financière indépendante, dont le siège social serait en Alberta, et qui serait viable à long terme. Dans le cadre de cet exercice, les consultants de Andersen ont analysé des expériences similaires ayant eu lieu dans d'autres pays et ont conclu que le marché américain offrait la meilleure base de comparaison.

Dans son analyse, Andersen a étudié les ratios financiers de 72 banques régionales des États-Unis dont les avoirs variaient entre quatre et trente milliards de dollars canadiens. On a aussi comparé les ratios de cinq institutions financières régionales canadiennes. L'analyse était conçue de façon à permettre la différentiation des facteurs qui avaient contribué à la réussite de ces institutions régionales. Un fait intéressant à noter, la taille n'était pas un facteur de profitabilité important. Les facteurs qui faisaient une différence étaient plutôt les compétences, l'emploi de ressources et la spécialisation dans certains domaines tels que les revenus non productifs d'intérêt provenant des hypothèques d'origine ou l'élaboration de certains logiciels.

Cette étude a démontré que les performances financières de ATB se comparaient favorablement à celles des autres institutions canadiennes du même genre, mais qu'elles étaient inférieures à celles des institutions américaines. Avec des investissements raisonnables dans son personnel et dans la technologie, ATB peut, après une période de temps raisonnable, devenir une institution financière indépendante viable. L'orientation adoptée par ATB a donc été confirmée, faisant porter ses efforts sur les entreprises autonomes, les industries agricoles et les services financiers aux consommateurs. Pour survivre à long terme, ATB devra obtenir une cote de crédit et d'évaluation des investissements.

De toute évidence, ATB devra relever de nombreux défis dans le futur. Dans son évaluation, Andersen a indiqué que les investissements en technologie, les processus de rationalisation et le personnel sont des éléments vitaux. Il faut cependant agir rapidement, avec une échéance de mise en application sur deux ans, et nous devons aussi adopter une culture axée sur les ventes et soucieuse de la rentabilité. Andersen a indiqué que ATB devait obtenir des résultats financiers qui lui permettraient d'obtenir une cote de crédit et d'évaluation des investissements et de présenter un taux de rendement minimum des capitaux propres de 12 p. 100.

La direction de ATB est confiante qu'avec une stratégie commerciale bien ciblée, ATB peut devenir un joueur indépendant viable. Au cours des deux dernières années, on a réuni une nouvelle équipe de direction. Les membres de cette dernière sont très enthousiastes quant à notre vision de devenir le premier choix en matière de services financiers en Alberta dans les trois marchés cibles mentionnés précédemment. Les fusions proposées, si elles sont approuvées, représentent clairement une occasion d'accroître nos affaires dans le marché albertain. ATB est déjà bien établi, particulièrement dans les régions rurales de l'Alberta, et peut bâtir sur ces assises.

ATB appuie fortement l'ensemble des recommandations présentées dans le rapport du groupe de travail MacKay qui portent sur la concurrence et sur un plus grand choix pour le consommateur. Nous appuyons la création de nouvelles institutions financières grâce à une réduction des besoins en capitaux, à l'accélération du processus d'application, à la rationalisation des règlements et à certaines exonérations fiscales temporaires. Il est aussi important de faciliter l'accès pour les institutions étrangères et de mettre en place des mesures de protection pour le commerce électronique. Il faut cependant noter que les personnes au sein de notre société n'ont pas toutes accès à Internet.

Nous sommes aussi en faveur d'un accès élargi au système de paiements à condition de maintenir l'intégrité du système déjà en place. C'est une considération très importante en ce qui concerne les entraves à l'accès.

Finalement, dans le rapport MacKay, on parle de transparence et de communication au moment de la prise de décisions importantes portant sur les fonds de placement, sur les sommes assurées et sur la planification successorale. Une meilleure communication des renseignements permettra aux consommateurs de comprendre les motifs pécuniaires des vendeurs de ces produits et services financiers.

Monsieur le président, je suis maintenant prêt à répondre aux questions.

Le sénateur Kenny: L'histoire de l'Alberta Treasury Branches est unique. Croyez-vous que les autres provinces devraient favoriser et aider la formation de banques de nature régionale à travers le Canada?

M. Ascah: C'est une question qui devrait plutôt être posée aux actionnaires. En un peu plus de 60 ans, ATB a grandi, son capital initial était de 200 000 $ et elle est maintenant un organisme de neuf milliards de dollars ce qui selon moi signifie qu'il s'agit d'un organisme répondant aux besoins d'un grand nombre d'Albertains.

Je n'ajouterai rien d'autre car je ne veux pas parler au nom des actionnaires.

Le sénateur Kenny: Avez-vous des commentaires à apporter, du point de vue de votre direction, sur des choses qui auraient été omises dans le rapport MacKay?

M. Ascah: On ne parle que brièvement du système de réglementation. Il est possible que l'on ne se soit penché que sur la situation actuelle, situation où les banques sont très réservées et où il n'y a pas eu de problèmes dans le système financier au cours des deux ou trois dernières années.

La question à laquelle nous faisons allusion dans notre mémoire sur les organismes internationaux de réglementation est importante. Un autre domaine d'importance est la manière de réglementer de façon efficace les conglomérats qui opèrent en particulier dans le domaine des services de banque d'affaires. C'est un exemple de sujets n'ayant pas été traités dans le rapport.

Le sénateur Kenny: D'après vous, les banques ou les institutions financières particulièrement vulnérables à un risque géographique, dont votre organisme, devraient-elles être assujetties à une réglementation différente?

M. Ascah: Les institutions qui présentent un risque géographique posent problème depuis longtemps car dans une économie comme celle de l'Alberta, les secteurs ne sont pas nombreux. En Ontario, si un des secteurs fléchit, les autres peuvent être en croissance. L'Alberta est unique car l'ensemble de son économie est orientée dans la même direction.

Pour pallier cela, il faudrait adopter des politiques de risque bancaire très prudentes et chercher d'autres instruments, peut-être des trocs de risque bancaire. De plus, même si cela ne s'applique pas à ATB, car nous avons une cote AA+, on pourrait régler le problème en ayant un avoir des actionnaires très solide. En fait, dans le rapport Andersen, on suggère qu'en tant que joueur indépendant, nous pourrions avoir besoin de près de 8 p. 100 de capital de première catégorie comme pourcentage de risque des avoirs assimilés. Ces trois choses pourraient être essentielles à une institution financière régionale.

S'installer dans d'autres régions représente un autre moyen de contrôler le risque et de gérer les portefeuilles de différentes industries. Si l'on veut être plus conservateurs, il y a toujours les hypothèques résidentielles -- des prêts personnels plutôt que des prêts commerciaux ou indépendants, des prêts plus risqués.

Le sénateur Kenny: Justement, les prêts hypothécaires ne subissent-ils pas les contrecoups des fluctuations des prix du pétrole? Par exemple, si le pétrole passe de 18 $ à 10 $ le baril, un bon nombre de personnes ne laissent-elles pas aller leur hypothèque?

M. Ascah: Cela peut arriver mais la plupart des gens ne laissent pas aller leur maison s'ils peuvent l'éviter. Les pertes subies à CCB, à Northlands et ailleurs étaient plutôt attribuables au secteur commercial.

Le sénateur Kenny: Personne n'abandonne sa maison s'il existe un autre choix mais vous avez été témoin de situations où la valeur nette de la maison de certaines personnes était négative.

M. Ascah: Oui et dans de tels cas, les gens abandonnent. Dans certaines villes dont l'économie est axée sur les ressources, de nombreuses personnes ont abandonné leur maison lorsque la vague de prospérité a fait augmenter les prix mais qu'il n'y avait pas de marché pour les soutenir.

Le sénateur Kenny: Êtes-vous plus sensible, si vous voulez, à la nature cyclique des industries du fait que vous vivez avec elles, que vous les connaissez et que vous avez déjà traversé les cycles? Pouvez-vous essuyer la tempête avec le pétrolier, l'éleveur de bétail ou l'agriculteur et leur venir en aide lorsque l'une des cinq grandes banques ne le fait pas?

M. Ascah: Tout le monde sait que si les banques avaient été incorporées en Alberta au cours des années 80, elles auraient échoué elles aussi. Je peux présenter au comité les revenus de ATB pour cette période, mais nous avons aussi subi d'importantes pertes financières au cours de cette période, ce qui s'est traduit par un déficit net.

Je le répète, une politique de crédit prudente, des ressources pouvant s'adapter aux cycles des produits de base, c'est-à-dire les ressources que nous produisons à l'interne, et la constitution d'une bonne provision peuvent contribuer à améliorer la situation. Les institutions financières régionales font face à des problèmes liés à l'économie, c'est pourquoi nous suivons cette dernière de très près.

Au cours des années 80, il y a eu une forte vague d'investissements. Les investissements représentaient 30 p. 100 du PIB. À l'heure actuelle, ils sont de l'ordre de 22 p. 100. Donc, même si nous nous intéressons aux répercussions qu'aura la perspective internationale sur l'Alberta, la croissance économique n'est pas du même ordre que celle que nous avons déjà connue.

En règle générale, les banquiers doivent toujours être vigilants lorsque les gens croient que les prix ne cesseront jamais de monter. Cela s'est produit à Toronto, tout comme à Calgary et à Edmonton. Lorsqu'on entend des choses pareilles, il faut sortir un peu et commencer à réfléchir.

Le sénateur Kenny: Nous comprenons tous la façon de pensée linéaire. Vous avez déjà faire référence à Toronto, qui est probablement dans une situation très différente de la vôtre. Les organismes de réglementation devraient-ils vous imposer des taux de couverture différents de ceux des banques qui ne présentent pas de risque géographique significatif?

M. Ascah: Nous ne sommes pas réellement soumis à la réglementation. J'ai d'ailleurs inclus une copie de l'Alberta Treasury Branches Act dans votre trousse. Nous avons une exigence en matière de suffisance des fonds propres mais il s'agit d'un capital théorique. Il a été conçu dans le but de contrôler notre croissance, de façon à ce que nous gagnions un revenu suffisant pour soutenir notre croissance excédentaire.

En règle générale, je crois que l'organisme de réglementation doit être prudent et demander des garanties en capital plus élevées dans les situations où il y a concentration du risque géographique.

Le sénateur Kenny: Que se passe-t-il au niveau des petites banques qui veulent servir une collectivité? Elles ont un fardeau que n'ont pas à subir les autres banques avec qui elles sont en concurrence, la situation est inégale.

M. Ascah: Dans le rapport MacKay, on suggère de donner une chance à ces institutions, de leur permettre d'accumuler des bénéfices non répartis additionnels à l'abri de l'impôt.

La proportion de leur portefeuille allouée aux prêts à la consommation et aux hypothèques résidentielles représente aussi un problème. C'est une façon de traiter la situation.

Le sénateur Kenny: Appuyez-vous ces recommandations?

M. Ascah: Oui.

Le sénateur Kenny: Il existe un intérêt soutenu pour l'accroissement du système de paiements. Avez-vous des commentaires à formuler sur la manière dont cela pourrait être réalisé? Qui devrait partager le fardeau? Qui devrait en assumer les coûts?

M. Ascah: C'est un problème assez difficile. Nous sommes en faveur d'une participation élargie, c'est-à-dire d'une participation au niveau du conseil d'administration et pas seulement au niveau du conseil consultatif des actionnaires, qui inclurait les marchands détaillants et les autres institutions financières qui font autre chose qu'accepter les dépôts.

Il existe deux approches pour contrôler le risque. Il y a d'abord la réglementation, on parle de suffisance de capital et de saines pratiques commerciales. Il y a ensuite l'accès aux liquidités. Il existe des différences entre l'accès à la Banque du Canada et l'accès aux lignes de crédit interbancaires.

Cela nous amène à la question de la concurrence, de la stabilité et de l'intégrité. Nous n'avons pas de solution. Un des moyens de régler cela est peut-être d'y aller progressivement. Par exemple, les nouveaux arrivants ne pourraient pas faire de chèques de plus de 10 000 $, et il pourrait y avoir certaines liquidités obligatoires pour avoir accès au système de paiements.

Nous sommes fortement en faveur d'une concurrence accrue et de l'ouverture des paiements et nous considérons que la possibilité d'avoir un compte chèques représente un pouvoir de taille pour de telles institutions, dont les compagnies d'assurance et les sociétés de fonds de placement.

Le sénateur Kenny: Si vous pouviez réfléchir à cela au cours des prochaines semaines, nous apprécierions que vous veniez partager vos conclusions avec nous.

Le sénateur Kroft: J'aimerais comprendre un peu mieux votre place dans le marché. À la page 3 de votre exposé, vous utilisez quatre points pour décrire votre mandat, qui est en fait un mandat bancaire assez vaste sans qualifications évidentes, mis à part l'importance géographique et l'accent mis sur les entreprises autonomes et sur l'agriculture.

Je m'excuse de ne pas mieux comprendre tout cela. Quelle est la position adoptée par les coopératives de crédit de l'Alberta?

M. Ascah: Il y a environ 80 coopératives de crédit, dont deux qui sont des joueurs importants; First Calgary avec des avoirs de près de 700 millions de dollars et Capital City d'Edmonton avec des avoirs de près de 900 millions de dollars. Elles sont toutes les deux régies par la province. L'ensemble du système représente des avoirs d'environ 4,5 milliards de dollars et près de 170 succursales.

Le sénateur Kroft: Je ne tiens pas à connaître tous les détails. J'essaie seulement de comprendre quel effet l'existence de ATB a pu avoir sur le développement des coopératives de crédit en Alberta.

M. Ascah: Les lois qui ont créé les ATB et les coopératives de crédit ont été adoptées à un ou deux ans d'intervalle, je pense donc qu'elles reflétaient une philosophie commune, encourager ces institutions.

Avant le refinancement du système qui a eu lieu en 1985-1986, les coopératives de crédit étaient soutenues par la société de Stabilisation. Elles n'avaient pas le gouvernement comme filet de sécurité. Les choses ont toutefois changé et le gouvernement fait maintenant partie de l'équation. À ce niveau-là, nous sommes à peu près dans la même situation.

Le sénateur Kroft: Parlez-vous de l'assurabilité illimitée des dépôts?

M. Ascah: Tout à fait. Nous l'avons au même titre que les coopératives de crédit. Alberta Treasury Branches touche plus au secteur agricole, à l'entreprise autonome et aux prêts commerciaux que les coopératives de crédit.

Le sénateur Kroft: Parlons de la Banque de développement du Canada et de la Société du crédit agricole. Vous venez de mentionner trois domaines où ces deux organismes s'occupent du côté commercial et la SCA s'occupe aussi du côté agricole. Sur le marché, quel genre d'interactions avez-vous avec ces deux institutions? Considérez-vous la Banque de développement comme un de vos concurrents directs?

M. Ascah: Non, nous ne considérons pas que la Banque de développement est en concurrence directe avec nous. Les banques à charte qui opèrent dans les domaines du prêt commercial et du prêt aux entreprises autonomes sont nos véritables concurrents. Il est possible que nous nous intéressions, dans le futur, aux créances de second niveau et au financement secondaire, nous pourrions alors recouper certains services offerts par les organismes fédéraux dans ces domaines.

Le sénateur Kroft: Au cours des deux derniers jours, on a beaucoup insisté sur le côté technologique de l'activité bancaire, sur les coûts énormes qui y sont liés et sur la nécessité d'investir dans ce domaine afin d'être rentable dans le marché. Où vous situez-vous en ce qui concerne la révolution technologique?

M. Ascah: Comme je l'ai mentionné plus tôt, une nouvelle équipe de direction a été mise en place au cours des deux dernières années et l'investissement dans la technologie a été l'une de ses premières préoccupations. Nous avions déjà fait d'importants investissements au niveau de la technologie. Il a cependant été décidé que cela ne constituait pas une fonction fondamentale de l'organisme et, au cours de la dernière année, nous avons pris des ententes avec IBM et avec Intrium pour que ces entreprises fournissent le soutien technique nécessaire aux groupes responsables de la technologie de l'information, de l'élaboration des programmes et du centre de traitement des documents. Ce processus sera mis en application au cours des quatre à six prochains mois. Cette décision a été motivée par la mise en capital qui aurait été nécessaire et par le fait que cela ne correspondait pas à une de nos compétences de base. Nous voulions nous associer aux leaders de l'industrie et tirer profit de leurs connaissances et de leurs compétences.

Le sénateur Kroft: Croyez-vous qu'en faisant cela vous allez être plus compétitif sur le marché, en ce qui concerne le service et les coûts, ou les preuves restent-elles à faire?

M. Ascah: Je crois qu'à ce sujet le jury est encore en train de délibérer. Nous croyons cependant qu'il s'agit là d'une approche très saine à la résolution de ce problème.

Le sénateur Tkachuk: Le premier ministre Aberhart a-t-il déjà versé ce 25 $ par mois?

M. Ascah: Non, il ne l'a pas fait. Les certificats de la prospérité valent probablement près de 100 $ chacun.

Le sénateur Tkachuk: C'est ce qu'il a envoyé à la place. Représentent-ils au moins une valeur pour les collectionneurs?

Le président: De fait, la valeur de cette antiquité est probablement beaucoup plus élevée que sa valeur nominale de 100 $.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous avez décrit Alberta Treasury Branches, vous avez mentionné l'existence de 148 succursales et de 127 agences. Quelles sont ces agences et quel est leur mode de fonctionnement?

M. Ascah: Les agences sont plutôt récentes. Je crois que la Banque Toronto-Dominion est en train de mettre en place des agences dans les régions rurales. Les agences sont d'abord des institutions de dépôts, elles offrent aussi des renseignements sur nos programmes de prêts. Elles peuvent être situées dans des quincailleries ou dans des stations-service. De 25 à 30 de nos agences sont situées dans les bureaux d'agents d'assurance ou de courtiers. Il en existe toute une gamme. Elles sont établies dans des petites villes à travers la province.

Le sénateur Tkachuk: On parle de villes de quelle taille?

M. Ascah: Elles sont installées dans des villes de 100 à 200 habitants, bien que Canmore, avec une population de 10 000 habitants, ait elle aussi une agence.

Le président: Vous avez dit que les agences sont des institutions de dépôt. Permettent-elles aussi de faire des retraits?

M. Ascah: Oui.

Le président: Je ne dis pas cela pour vous offusquer, mais ne s'agit-il pas d'une succursale bancaire où l'on peut effectuer les transactions les plus simples?

M. Ascah: C'est exact. De plus, nous voulons obtenir des références pour les prêts. Chaque agence relève d'une succursale.

Le sénateur Tkachuk: Donc, si, par exemple, vous possédiez une succursale à Vegreville, cette dernière assurerait la supervision d'un groupe d'agences établies dans les plus petites villes voisines?

M. Ascah: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé de la façon dont vous êtes réglementés. Vous avez dit qu'en 1996, on a adopté une loi pour la mise en place d'un conseil d'administration. Vous n'en aviez pas avant?

M. Ascah: C'est exact. Nous avions une structure semblable à celle d'un ministère. Techniquement, c'était une division du Bureau du Trésor, possédant des succursales à travers la province, et dont le directeur relevait du ministre.

Le sénateur Tkachuk: À l'heure actuelle, comment êtes-vous réglementés? Existe-t-il, au sein du ministère des Finances, une unité de réglementation équivalente, à plus petite échelle, au BSIF, responsable de la gestion des affaires de Alberta Treasury Branches?

M. Ascah: Ce n'est pas aussi simple. Nous avons avec notre ministre deux genres de relations. La première, comme je l'ai déjà mentionné, est une relation à titre d'actionnaire. Quant à la seconde, il y a réglementation au sens que, en vertu de nos règlements, nous avons un certain nombre de règles. Par exemple, nous ne pouvons prêter à une personne ou à un groupe de personnes plus de 1 p. 100 de la valeur totale de nos avoirs. Nous avons aussi des règlements portant sur les placements hypothécaires et sur les investissements en actions. Nous devons présenter au conseil d'administration un rapport dans lequel nous confirmons que nous respectons la loi. Cette information est ensuite acheminée au Bureau du Trésor.

Le ministre détient un pouvoir, qui ressemble au pouvoir du BSIF, grâce auquel il peut exiger que ATB cesse une activité. Le pouvoir du type «cesser et s'abstenir» est en réalité le seul pouvoir d'intervention qu'il détient.

Voici un autre exemple du pouvoir exercé par l'actionnaire: si nous voulons créer une filiale -- et nous avons une liste de filiales qui sont semblables mais pas identiques à celles qui sont régies en vertu de la Loi sur les banques -- le conseil des ministres doit autoriser l'investissement.

En ce qui concerne la suffisance du capital, nous avons un déficit qui devrait disparaître au cours du prochain trimestre. Nous possédons cependant un capital théorique qui nous a été donné par le gouvernement et c'est une autre chose à laquelle nous devons nous conformer.

Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il des guichets automatiques dans les agences?

M. Ascah: Je ne crois pas. Nous allons bientôt mettre en place des services bancaires sur Internet visant à permettre les dépôts électroniques. Je suis assez certain qu'il n'y a pas de guichets automatiques dans les agences. En fait, l'argent est distribué individuellement, à la main.

Le sénateur Tkachuk: Sont-elles rentables?

M. Ascah: On ne perd pas d'argent, si c'est ce que vous voulez dire.

Le sénateur Tkachuk: Il y a une faible commission à payer pour les dépôts, n'est-ce pas?

M. Ascah: Vous avez raison.

Le président: M. Ascah, j'ai une question à laquelle vous préférerez peut-être répondre par écrit au cours de la semaine prochaine. J'ai écouté vos réponses et j'ai lu votre exposé et certains des documents que vous nous avez fournis. Vous avez dit que pour assurer la réussite d'une petite institution, particulièrement d'une institution régionale, il y avait six critères dont deux sont des critères d'affaires et les quatre autres sont des critères liés aux politiques gouvernementales. De toute évidence, nous ne pouvons rien faire en ce qui concerne les critères d'affaires.

Le premier des deux critères d'affaires porte sur le fait que l'institution doit clairement établir son créneau, c'est-à-dire qu'elle doit définir son marché cible. Vous, ainsi que certains témoins qui vous ont précédé et qui opéraient avec succès de petites institutions, avez décrit votre créneau en fonction de la géographie dans certains cas et en fonction de groupes particuliers de clients dans d'autres. L'Alberta représente votre créneau géographique et vos groupes particuliers de clients oeuvrent en agriculture et dans une moindre mesure, au niveau de la petite entreprise. Le créneau d'affaires de la Banque Canadienne de l'Ouest, dont nous avons entendu l'exposé hier, se situe en gros au niveau de l'industrie pétrolière et gazière. Elle dessert aussi, grâce à la Banque des Premières Nations, un groupe démographique particulier.

Le premier principe est le suivant: les petites institutions doivent d'abord établir des créneaux bien précis. Le second est qu'elles ont tout intérêt à opérer de façon très efficace en utilisant les ratios de productivité que vous avez décrits dans votre rapport. Nous ne pouvons rien à ces deux sujets. Il s'agit de questions d'affaires.

Il y a cependant quatre questions liées aux politiques gouvernementales pour lesquelles nous pouvons quelque chose et qui semblent, selon les petites institutions, essentielles à l'introduction d'autres petites institutions fructueuses.

Une des solutions serait de réduire le besoin initial en capitaux. S'ajoute à cela la notion selon laquelle le nombre d'actionnaires doit être limité car vous n'allez pas réunir une somme de 10 ou 20 millions de dollars et la voir distribuée pour que personne n'en détienne plus de 10 p. 100. La deuxième solution serait de faire en sorte que les coûts de fonctionnement liés à la réglementation soient inférieurs à ceux qui s'appliquent aux grandes institutions. C'est une des choses sur lesquelles nous pouvons légiférer. Troisièmement, le fardeau fiscal devrait être diminué, ce qui toucherait à la fois à l'impôt sur le capital et à ce que vous avez appelé une trêve fiscale. La quatrième solution pourrait être un accès direct aux systèmes des paiements. La cinquième pourrait être la pleine fonctionnalité du système de guichets automatiques, telle que proposée particulièrement par la Banque Hongkong du Canada.

En tenant pour acquis que nous ne pouvons rien faire, ce qui est le cas, en ce qui concerne les deux critères d'affaires, devrions-nous apporter d'autres modifications aux politiques gouvernementales, à part les cinq que je viens d'énumérer, dans le but d'encourager la création et la croissance de nouvelles petites institutions au Canada?

M. Ascah: De façon hypothétique? Et nous en avons discuté dans le cadre de l'impartition -- vous avez la capacité de traiter avec d'autres joueurs qui offrent des services administratifs et ce marché n'est pas entièrement concurrentiel...

Le président: Êtes-vous en train de dire que les nouvelles petites institutions devraient passer des marchés avec les joueurs des grandes ligues pour obtenir des transactions administratives informatisées au même prix qu'eux?

M. Ascah: Ça pourrait être une politique gouvernementale.

Le président: C'est très utile.

M. Ascah: Même si je peux avoir l'air de retirer ce que j'ai dit précédemment, en ce qui concerne la rationalisation de la réglementation et l'équilibre face aux institutions financières régionales, il est important de réaliser que les besoins en matière de réglementation et de supervision et que la sophistication des systèmes liés à un investissement global et une banque commerciale qui offre ses produits à travers le monde sont très différents de ceux d'une institution régionale qui se concentrent sur trois ou quatre entreprises de base.

Cette question de concentration doit être étudiée, mais en ce qui concerne les mécanismes quotidiens, je crois que les règlements ne sont pas aussi complexes que ceux qui s'appliquent aux grandes institutions et je dirais même qu'il ne devrait pas y avoir ce degré de distinction au niveau de la réglementation.

C'est le seul domaine qui me vient à l'esprit mais je vais continuer ma réflexion.

Le président: Pourriez-vous communiquer de nouveau avec nous avant la fin de la semaine prochaine? Comme les questions posées en font foi, les membres du comité souhaitent encourager les petites institutions et cela nous aiderait de connaître tous les éléments qui pourraient contribuer au succès des petites entreprises.

Le sénateur Kenny: Juste pour clarifier un point, vous avez dit que le livre n'était pas si complexe. Diriez-vous cependant qu'il pose plus de risques?

M. Ascah: Il pose beaucoup plus de risques dans le sens où de la manière dont l'économie de l'Alberta est structurée aujourd'hui, elle est plus volatile que les autres économies. Cela pose un tas de problèmes à notre service du crédit au niveau de la gestion du risque. L'industrie pétrolière et gazière est un domaine dans lequel nous ne jouons pas un grand rôle. Il n'y a pas de doutes que nous accordons des prêts à des membres de l'industrie pétrolière et gazière mais cette dernière ne représente pas un de nos quatre marchés clés.

Le sénateur Kenny: Vous avez dit que vous étudieriez la façon dont les organismes de réglementation pourrait traiter ce sujet et que vous nous feriez part de votre réflexion sur le sujet.

Le président: M. Ascah, nous vous remercions infiniment de votre témoignage.

Collègues, ceci termine notre semaine d'audiences dans l'Ouest du Canada. Je crois que c'était une bonne idée de venir dans cette partie du pays et d'entendre ce qu'avaient à dire les différents porte-parole des petites entreprises et des autres types d'entreprises d'ici.

Je tiens à remercier tout le personnel qui nous a accompagnés au cours de la semaine, les traducteurs, le personnel de soutien, les sténographes parlementaires, et cetera.

La séance est levée.


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