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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 36 - Témoignages - Séance du matin


TORONTO, le lundi 2 novembre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 9 heures pour discuter de la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: C'est aujourd'hui le premier jour de nos audiences à Toronto portant sur le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Celle-ci est notre cinquième et dernière semaine d'audiences. Nous allons passer trois jours ici après quoi nous aurons une dernière journée d'audiences à Ottawa, jeudi.

Les premiers témoins pour la séance d'aujourd'hui nous viennent de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Il s'agit de M. Grant Reuber, président du conseil d'administration, et de M. Jean-Pierre Sabourin, président-directeur général. Je vous invite à nous faire maintenant votre présentation.

J'aimerais cependant auparavant faire une petite observation. Sénateurs, vous remarquerez que figurent sur l'ordre du jour pour aujourd'hui des heures marquant le début et la fin des périodes accordées aux témoins. Ce n'est pas une chose que je fais habituellement, mais, pour le restant de la semaine, le programme étant incroyablement serré, il nous faudra respecter cet horaire. C'est pourquoi j'ai pensé indiquer l'heure à laquelle devrait se terminer la comparution de la plupart des témoins, afin que vous ne m'accusiez pas de vous couper la parole à la dernière minute sans avertissement. Ainsi, la personne qui aura la parole avec seulement deux minutes restantes ne se sentira pas visée, cet horaire ayant été établi bien à l'avance. Voilà donc la question d'ordre administratif pour aujourd'hui.

Monsieur Reuber, je vous invite maintenant à nous faire votre déclaration liminaire, en en soulignant les principaux points, car il y a un certain nombre de questions abordées ici et sur lesquelles nous aimerions vous interroger.

M. Grant Reuber, président du conseil d'administration, Société d'assurance-dépôts du Canada: Mesdames et messieurs, je suis très heureux d'être parmi vous. Permettez-moi de vous signaler que nous vous avons fait distribuer, en plus du texte de notre déclaration, deux documents d'information. L'un est intitulé: «Évolution du mandat et des pouvoirs de la SADC», et fait en quelque sorte notre historique pour expliquer notre cheminement. Il est plutôt bref et je pense qu'il sera assez utile dans l'évaluation de la situation telle qu'elle existe aujourd'hui. Le deuxième document est tout simplement une esquisse de ce que nous faisons et de la façon dont nous nous y prenons. Je vous les confie afin que vous puissiez les lire, car je sais que vous êtes en panne de lecture ces jours-ci.

Il est manifeste que «le secteur des services financiers traverse actuellement une période de turbulence partout dans le monde».

Cette déclaration du groupe de travail semble encore plus vraie quand on songe aux événements récents qui ont fait ressortir avec force l'influence que les marchés exercent les uns sur les autres lorsqu'ils connaissent des ratés.

Qui dit turbulence dit risque. L'évaluation du risque par la SADC est essentielle pour un assureur, pour qu'elle demeure le plus important assureur des dépôts détenus par les institutions financières canadiennes. C'est pourquoi, compte tenu du temps dont je dispose, mon allocution portera principalement sur les points soulevés par le groupe de travail et qui ont une incidence particulière sur la sécurité et la stabilité du système financier et sur l'efficacité de la SADC en tant qu'assureur.

Avant d'aborder les questions qui intéressent tout particulièrement la SADC, je tiens à souligner que le rapport MacKay constitue un véritable exploit. C'est un excellent point de départ pour un examen du secteur canadien des services financiers.

Le rapport met l'accent sur un vaste cadre et offre l'avantage de maintenir une vue d'ensemble sans jamais se perdre dans les menus détails. Toutefois, en ce qui concerne la mise en oeuvre des recommandations, il est nécessaire de se pencher sur les détails et, comme toujours, c'est là que les choses se corsent.

Du point de vue d'un assureur-dépôts, comme il est indéniable que la période que nous traversons est marquée par la turbulence, il convient de se demander s'il est vraiment souhaitable de bouleverser le système pour essayer de le rendre plus concurrentiel, avec les risques additionnels que cela pourrait comporter, et de transformer du même coup le rôle et les fonctions de l'assureur. Il faudra faire des compromis entre certains des objectifs du groupe de travail, comme par exemple le renforcement de la concurrence par divers moyens, et certains objectifs existants, comme veiller à la sécurité et à la stabilité du système et chercher à réduire l'exposition au risque.

Il importera donc de cerner les divers compromis auxquels il faudra se résoudre et d'en évaluer la portée. Par exemple, s'il est souhaitable d'ouvrir l'accès au système de paiements à de nouvelles institutions, les critères utilisés pourraient bouleverser la sécurité et la stabilité de tout le système, surtout si les nouveaux adhérents comprennent des entreprises qui ne sont pas de compétence fédérale et qui ne sont nullement cautionnées par l'État, comme les sociétés de fonds communs de placement et les courtiers en valeurs mobilières. Étant donné le rôle pivot du système de paiements, il faudra convenir de nouvelles règles visant l'admission au système, et peut-être même revoir le rôle des adhérents et sous-adhérents, afin de s'attaquer sérieusement à la révision des autres éléments du système.

Enfin, avant d'aborder des points de détail, je tiens à souligner l'ampleur des diverses questions fédérales/provinciales qu'il faudra résoudre au fur et à mesure de la transformation des mécanismes actuels de réglementation et d'indemnisation, autant de questions que le groupe de travail n'aborde à mon avis pas directement.

J'ai classé en deux catégories générales les questions découlant du rapport du groupe de travail et qui ont une incidence sur l'assurance-dépôts. Il y a des propositions générales, dont je vais traiter brièvement, après quoi j'aborderai les questions plus spécifiques.

Premièrement, il y a la question des sociétés de portefeuille. Les sociétés de portefeuille présentent, bien sûr, certains avantages, mais il importe de souligner que l'expérience de la SADC relativement à ces dernières n'a pas été sans difficulté. Comment, par exemple, empêcher que l'échec d'une filiale de la société ait des répercussions sur la stabilité d'une autre filiale membre de la SADC? Le public fait rarement la distinction entre une société de fiducie et la société de portefeuille qui la chapeaute.

Un autre aspect qui a, je pense, des conséquences pour l'assurance-dépôts est le mélange d'intérêts commerciaux et financiers. Par le passé, on les a généralement gardés séparés. Au Canada, de tels liens ont été permis surtout dans le secteur des sociétés de fiducie et de prêt, et l'expérience n'a pas été très heureuse. Si l'on peut citer des exemples de réussite, l'expérience canadienne de liens en amont pour des sociétés de fiducie et de prêt a souvent été très malheureuse.

Enfin, il y a la question des nouveaux arrivants. Le rapport propose de stimuler la concurrence dans le secteur des services financiers en encourageant l'entrée de nouveaux joueurs, surtout du côté des activités de dépôt et, à cette fin, il suggère de desserrer quelque peu les règles régissant l'accès au système de paiements, et cetera.

Une question qui vient tout de suite à l'esprit est celle de savoir dans quelle mesure toutes les institutions de dépôt, ou du moins toutes celles qui pourront adhérer au système de paiements, voudront bénéficier d'une assurance-dépôts comparable, voire identique, afin d'uniformiser les règles du jeu. Si une société d'assurance va pouvoir offrir des comptes-chèques et des cartes débitrices ainsi que l'assurance-dépôts, surtout si celle-ci est endossée par l'État, qu'en sera-t-il des courtiers en valeurs mobilières et des sociétés de fonds mutuels qui voudront offrir les mêmes services?

À ce sujet, il faut rappeler qu'à l'heure actuelle les sociétés d'assurance-vie, les courtiers en valeurs et les sociétés de fonds mutuels peuvent fonder des filiales distinctes qui ont accès au système de paiements, ce que certains ont déjà fait. Ce qui est envisagé est un moyen peut-être plus facile et moins coûteux d'accéder au système. Il est intéressant de noter, toutefois, qu'un certain nombre de petites sociétés de fiducie et de prêt indépendantes se tirent bien d'affaires dans le cadre des conditions en vigueur à l'heure actuelle.

Permettez-moi de traiter brièvement maintenant des recommandations visant directement l'assurance-dépôts. La principale concerne un changement organisationnel. Il y en a en fait deux qui sont mises de l'avant dans le rapport. La première vise la fusion de la SADC et du BSIF. Cette proposition a été rejetée par le groupe de travail, tout comme elle l'avait été par de nombreux comités d'examen antérieurs chargés d'examiner des propositions semblables, et je ne vais donc pas m'y attarder.

La deuxième proposition, que recommande le groupe de travail, consiste à regrouper la SADC et la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes (SIAP) soit au sein d'une société d'État, ce qu'est déjà la SADC, soit comme organisme indépendant bénéficiant d'une garantie de l'État non pas explicite, mais plutôt «virtuelle».

La proposition repose sur trois prémisses: premièrement, que la SADC ne joue plus un rôle très important dans la protection de la sécurité et de l'intégrité du système financier; deuxièmement, qu'en protégeant les petits déposants, la SADC nuit aux produits vendus par le secteur de l'assurance-vie, parce que les engagements de la SADC sont garantis par l'État, alors que ce n'est pas le cas de la protection offerte par la SIAP; et, troisièmement, que le partage des compétences fédérales et provinciales ne devrait pas poser de gros problèmes. À mon avis, ces trois prémisses peuvent être sérieusement remises en question.

J'estime que la SADC continue de jouer un rôle important dans la stabilisation du système financier, bien au-delà de la protection du système de paiements. Elle offre une voix distincte. Elle a: un personnel expert, spécialisé dans l'évaluation et la gestion du risque; ses propres priorités fondées sur son exposition financière; ses propres mécanismes d'enquête et d'intervention, normes de rendement et sources de renseignements lorsqu'elle participe au processus d'intervention auprès de sociétés menacées d'insolvabilité.

Elle peut donc fournir une opinion importante et informée sur les mesures d'intervention prises ou non par le BSIF et les organismes de réglementation provinciaux. Elle sert de garde-fou en cas ou d'abstention de la part des organismes de réglementation ou de mesures arbitraires ou non justifiées du point de vue de la minimisation de l'impact sur les pertes du système de dépôts. S'il faut renforcer la concurrence, comme le recommande le groupe de travail, la SADC aura un rôle encore plus grand à jouer sur ce plan. Les conclusions de la Commission Estey ont démontré clairement l'importance des pouvoirs conférés à la SADC et de leur exercice par elle. Par ailleurs, parce que la SADC bénéficie d'une garantie de l'État, le public peut être assuré qu'un dollar déposé est aussi sûr qu'un dollar en poche, ce qui élimine le risque que les déposants se précipitent à la banque pour récupérer leur argent.

Ce point a été renforcé la semaine dernière dans un article du quotidien The Globe and Mail traitant des difficultés connues dans les années 80 par l'une des grosses banques à charte.

D'autre part, contrairement à la Banque du Canada qui, pour des raisons tout à fait justifiées, ne consent que des prêts à court terme et jamais sans une garantie couvrant le plein montant, la SADC peut consentir des prêts sans garantie et se porter garante. Par le passé, la société a eu recours à ces pouvoirs lorsque des institutions se trouvaient en difficulté. Rien ne nous autorise à croire que cette fonction revêtira une importance moins grande à l'avenir si, comme le propose le groupe de travail, on encourage un nombre de plus en plus grand de nouvelles institutions de types différents à accepter des dépôts afin d'accroître la concurrence.

Par ailleurs, en éliminant ou en réduisant le rôle de la SADC dans le renforcement de la sûreté et de l'intégrité du système, on irait à l'encontre de l'actuel mandat de la SADC, qui consiste à réduire le plus possible son exposition au risque.

Permettez-moi maintenant de traiter brièvement de la deuxième prémisse, celle du désavantage concurrentiel. Le groupe de travail a fait sienne l'opinion des assureurs-vie selon laquelle il manque à ces derniers un avantage concurrentiel sur le marché du fait que la protection que procure la SIAP n'est pas endossée par l'État, contrairement à l'assurance de la SADC. Ce supposé désavantage ne s'applique qu'à une petite fraction des produits actuellement assurés par la SIAP: les rentes différées d'une durée certaine de cinq ans ou moins, qui s'apparentent aux dépôts à terme assurés par la SADC.

À l'heure actuelle, ces rentes représentent en moyenne moins du tiers du volume des rentes établies par les assureurs, bien que cette proportion varie considérablement suivant l'évolution de la courbe des taux d'intérêt. Dans le but de niveler le terrain de jeu, la proposition du groupe de travail permettrait que non seulement les rentes de courte durée, mais aussi une multitude d'autres produits -- dont les rentes d'une durée de plus de cinq ans, les prestations d'assurance-maladie, d'assurance-invalidité, de retraite et de décès -- vendus par les sociétés d'assurance-vie soient couverts au même titre que les dépôts, et ce avec une garantie ou explicite ou «virtuelle» de l'État.

Cela augmenterait sensiblement l'exposition financière du gouvernement. Qui plus est, on ne suggère pas d'étendre cette garantie non seulement aux produits d'assurance-vie, mais également aux régimes de retraite privés, à l'assurance multirisque, aux comptes de caisse et aux comptes de dépôt et autres produits d'épargne offerts par les courtiers en valeurs mobilières et les sociétés de fonds mutuels. Après tout, cela ne ferait qu'uniformiser encore davantage les règles du jeu. Évidemment, si vous étendez encore davantage la garantie, vous augmentez l'exposition financière du gouvernement.

Voilà à mon avis un excellent exemple de situation qui se corse lorsqu'on examine les détails. Comme je l'ai dit plus tôt, il existe des différences de taille dans la protection offerte, d'une part par la SADC à l'égard des comptes de dépôt et, d'autre part, par la SIAP à l'endroit des produits d'assurance-vie. Une partie de ces écarts s'explique par la nature très différente des produits en question. Les produits d'assurance-vie sont perçus comme visant davantage le long terme que les dépôts et jouent un rôle très différent. La proposition du groupe de travail évoque un régime offrant une «protection parallèle». Avant de mettre en oeuvre cette proposition, il conviendrait de définir ce qu'est une «protection parallèle».

Dans le texte, je poursuis en traitant de certaines importantes différences entre les produits d'assurance-vie et les dépôts, et dont il faut tenir compte. Ces questions sont importantes: par exemple, l'ordre de priorité des créanciers et le fait que les produits d'assurance-vie ne puissent pas être saisis par les créanciers du titulaire de la police, au contraire des dépôts, et cetera.

Je fournis cette liste principalement pour faire ressortir qu'il y a un grand nombre d'éléments qui devront être remaniés si le gouvernement songe sérieusement à combiner ces deux organisations et, ce faisant, à niveler le terrain de jeu.

Le dernier point que j'aimerais soulever à cet égard est que si vous nivelez véritablement le terrain de jeu, ce n'est pas du tout clair que tous les avantages seront du côté des produits d'assurance-vie. Par exemple, les choses pourraient aller dans le sens inverse dans le cas de mises à l'abri de créanciers et ainsi de suite.

Je vais maintenant parler du problème des relations fédérales-provinciales, question qui est, je pense, très sérieuse. Nous avons, comme vous le savez, établi, entre la SADC et la Régie de l'assurance-dépôts du Québec (RADQ), et entre la SADC et les organes de réglementation provinciaux, des ententes et des arrangements permanents. Il est tout à fait concevable, du moins dans mon esprit, que si vous optiez pour certains des changements organisationnels proposés par le groupe de travail, certains de ces arrangements pourraient être sérieusement affectés et de nouvelles questions fédérales-provinciales pourraient survenir.

Permettez-moi de passer maintenant aux deux autres propositions, sur lesquelles je ne vais pas insister. Premièrement, le transfert des normes au BSIF. À l'heure actuelle, celles-ci relèvent de la SADC. C'est nous qui les avons proposées. Cela faisait et fait toujours partie du mandat qui nous revient en vertu de notre loi habilitante. Nous avons élaboré ces normes en collaboration étroite avec le BSIF et les organes de réglementation provinciaux. Ces normes ont été largement reconnues comme étant excellentes et ont été reprises par d'autres. Nous avons établi un processus en vertu duquel les membres s'autoévaluent par rapport aux normes. Ces auto-évaluations sont approuvées par les directeurs et les cadres supérieurs des institutions membres. Tout le processus est supervisé par le BSIF et par les examinateurs des organes de réglementation provinciaux.

Je pense qu'il est juste de dire qu'et le BSIF et la SADC estiment que la mise en application des normes de la SADC s'est soldée par des résultats très bénéfiques. Le système fonctionne bien et les critiques relatives au chevauchement et à la duplication sources de gaspillage et de coûts sont injustifiées. Le PANC (Programme d'application des normes du code) a été élaboré pour combler un trou dans les renseignements que nous obtenions et, à supposer que le PANC reste fondamentalement le même, l'on ignore comment un changement dans la filière hiérarchique changerait quoi que ce soit d'autre.

Il y a cependant deux raisons de maintenir le PANC et les normes là où ils sont. Premièrement, l'exigence de se conformer aux normes et au PANC émanant de la SADC, cette exigence s'applique aux institutions et provinciales et fédérales. Si toutes les références au code étaient rayées de la Loi sur la SADC et que sa responsabilité était confiée au BSIF, les institutions provinciales ne seraient plus tenues de s'y conformer à moins que chaque province n'adopte des textes réglementaires en ce sens.

Deuxièmement, comme les normes émanent de la SADC, cette dernière est beaucoup mieux en mesure de traiter avec les institutions qui posent problème ou encore d'engager des poursuites judiciaires lorsqu'elle subit des préjudices attribuables à de la négligence ou à une faute professionnelle.

À mon avis, l'administration actuelle du code fonctionne bien et son maintien à la SADC présente des avantages évidents.

Le dernier sujet abordé dans le rapport et qui traite particulièrement de la SADC est celle de l'obtention de données. Cela fait suite à une plainte faite par l'Association des banquiers canadiens. Nous avons pour politique générale de ne pas demander de renseignements auprès de membres à moins que ce ne soit nécessaire pour nous acquitter de nos obligations et que ces renseignements ne soient pas disponibles auprès du BSIF ou des organes de réglementation provinciaux.

L'imposition de primes différentielles incombe à la SADC et non au BSIF, et la SADC doit faire l'impossible pour que ses barèmes soient justes et équitables. Le barème de primes différentielles a été conçu de manière à utiliser presqu'exclusivement des renseignements déjà recueillis par le BSIF, bien que certaines données aient été adaptées aux fins du calcul des primes d'assurance. Les autres renseignements qui sont présentement nécessaires sont faciles à obtenir pour les institutions membres qui s'en servent déjà à leurs propres fins. Par ailleurs, cette proposition du groupe de travail ne tient pas compte du fait que certains des renseignements sont fournis par des institutions provinciales. Ils ne sont pas tous compilés par le BSIF.

La perception de primes s'apparente à la levée d'impôts. Pour être efficient et efficace, il est préférable que les cotisants communiquent directement à la SADC des renseignements exacts, et c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Les données servant au calcul des primes différentielles ne seront exigées qu'une fois l'an, dans un format clair et bien compris. Après l'adoption des formats de données requis, la communication de ces renseignements ne représentera que des coûts et des efforts très raisonnables pour les institutions membres.

Je vais maintenant conclure, monsieur le président. La démarche du groupe de travail ressemble en plusieurs points à celle de la Commission Porter qui, il y a 35 ans, avait insisté sur la nécessité de renforcer la concurrence, d'améliorer le service à la clientèle et de permettre l'accès à de nouveaux joueurs et à de nouvelles entreprises, quitte à faire courir des risques supplémentaires au système financier. Personne ne niera que le secteur a marqué d'énormes progrès en matière d'innovation et de concurrence au cours des 35 dernières années. Il est tout aussi vrai que ces progrès sont nés de l'évolution du marché.

En ce qui concerne l'assurance-dépôts, la principale recommandation du groupe de travail est que la SADC et la SIAP soient combinées. Cette recommandation suppose que la garantie de l'État dont bénéficie la SADC confère aux comptes de dépôts un avantage inéquitable par rapport aux rentes différées à court terme et que cela justifie un changement en profondeur. Il convient toutefois de s'attarder sur les autres différences qui existent sur le terrain de jeu de même que sur les conséquences que pourrait amener un tel changement.

Il faudrait également essayer d'évaluer dans quelle mesure cette proposition pourrait entraîner une augmentation des engagements financiers de l'État. Rappelons par ailleurs que les sociétés d'assurance-vie peuvent bénéficier de la garantie offerte par la SADC en établissant des filiales. Les changements proposés risquent par ailleurs de compromettre sérieusement l'efficacité de la SADC dans son rôle de garant de la sécurité et de l'intégrité du système.

Enfin, plusieurs questions importantes restent sans réponse en matière d'accès au système de paiements, de liquidation des institutions en faillite et de relations fédérales-provinciales. Ce genre de proposition n'a rien de nouveau et a déjà été examiné. Chaque fois, la conclusion a été que l'actuel système reflète les leçons apprises, est bien compris, fonctionne bien, n'a pas débouché sur de graves conflits fédéraux-provinciaux et sert assez bien les diverses exigences du système.

Cela étant dit, le changement est inévitable. Je suis convaincu qu'il va y avoir beaucoup de changements à l'avenir. Le maintien du statu quo présente peu de mérite, mais il nous faut toujours nous demander quels changements peuvent être justifiés sur les plans coûts et avantages et quel est le moment idéal pour les mettre en oeuvre.

Le président: Avant de donner la parole aux sénateurs Austin, Oliver et Joyal, j'aimerais vous poser une question au sujet des nouveaux petits arrivants.

Comme vous le savez, le groupe de travail argue qu'une façon d'encourager de nouveaux joueurs à se lancer dans le domaine des dépôts est d'ouvrir la porte aux institutions à capital fermé, tant et aussi longtemps que les avoirs des actionnaires ne dépassent pas le milliard de dollars.

Je suis en train de remonter dans le temps et de réfléchir aux témoignages antérieurs de la SADC. Avant même que vous ne deveniez président du conseil d'administration, la SADC était assez mal à l'aise relativement aux plus petites institutions, jugeant qu'elles sont sensiblement plus risquées. Je constate que vous n'abordez pas cet aspect dans votre examen de la question des nouveaux arrivants. Vous ne prenez en vérité pas vraiment position pour ou contre l'idée d'encourager de nouveaux petits joueurs à se lancer dans ce secteur.

M. Reuber: Nous ne nous opposons certainement pas à l'entrée dans le jeu de nouveaux intervenants. Nous croyons, je pense, néanmoins, que les conditions en vertu desquelles ils y entrent doivent être telles que nous ne répéterons pas l'expérience passée.

En 1967, il y a eu tout un changement dans la loi. Un assez grand nombre de nouveaux joueurs sont arrivés. En 1983, au sommet de la courbe des adhésions, nous comptions 188 membres. Aujourd'hui, nous en sommes à 110 et vous vous posez peut-être les questions suivantes: «Qu'en avons-nous retiré? Quel a été pour le système l'avantage net de cette augmentation du nombre d'adhérents, qui a par la suite reculé?»

Il est important pour nous de veiller à ce que, s'il y a de nouveaux arrivants, ils s'installent dans des conditions telles qu'ils ont au moins quelques chances de survivre. Deuxièmement, il nous faut être assidus dans l'évaluation des risques et du rendement, de sorte que si un intervenant est en train d'échouer, nous puissions traiter du problème avant qu'il ne donne lieu à de trop lourds coûts pour le système.

Le président: Le fait d'être une institution à capital fermé, ce sur quoi porte la proposition MacKay, ne pose donc pas en soi problème, n'est-ce pas?

M. Reuber: Le problème lorsqu'on est à capital fermé est double. Premièrement, nous tenons à ce que l'organe de réglementation puisse voir à travers la machinerie ce qui se passe au sein de l'entreprise, car par le passé cela n'a pas été possible et a posé problème.

Deuxièmement, lorsqu'il y a des problèmes dans une institution à capital fermé, il est très difficile de faire le tri entre les différents éléments du côté réception de dépôts, ce qui fait que la vie est un tout petit peu plus difficile et plus compliquée. Ce n'est pas une raison de fermer le rideau, mais c'est un élément de complexité supplémentaire et ce parce que surviennent des fuites, parfois visibles et parfois invisibles, lorsque vous avez une banque à l'intérieur d'un contexte plus large.

Le sénateur Austin: Monsieur Reuber, le comité a reçu un mémoire de la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes. Celle-ci, ce qui ne vous étonnera pas, favorise la deuxième des deux recommandations du rapport MacKay, soit qu'il y ait création, en vertu d'une loi, d'un assureur indépendant, qui assumerait les responsabilités de la SADC et de la SIAP.

Si c'était là la décision du ministre des Finances, à votre avis, comment fonctionnerait cette entité privée et, plus particulièrement, quelle incidence aurait sur le comportement du marché l'élimination de la marque ou de la garantie gouvernementale?

M. Reuber: Je pense que ces deux modèles présentent en fait une distinction sans grande différence. Si vous regardez le deuxième modèle, il est en définitive garanti, mais ils nomment toutes les personnes au conseil d'administration et dans la direction, les règles sont établies et ils ont une marge de crédit auprès du gouvernement, alors vous savez de quoi vous parlez. C'est donc, à mon sens, le même animal, mais d'une couleur légèrement différente.

Je pense que le principal problème avec ce régime est que si vous désirez vraiment niveler le terrain de jeu, alors il vous faut tenir compte d'un grand nombre d'autres intervenants, outre les compagnies d'assurance, comme par exemple les courtiers en valeurs mobilières et les sociétés de fonds communs de placement. Cependant, tout cela est conditionnel à leur accès, d'une façon ou d'une autre, au système de paiements, mais je suppose que cela n'a pas encore été fait mais est en train d'être discuté.

Je trouve quelque peu étonnant qu'à cause de ce petit chevauchement résiduel entre les rentes différées de cinq ans ou moins et les rentes différées de moins de cinq ans, les compagnies d'assurance-vie aient argué que la protection devrait être conférée à tous leurs produits. Cela comprend les prestations de décès, d'invalidité, de maladie et ainsi de suite. En principe, vous savez, le gouvernement peut garantir tout ce qu'il veut, mais il assume alors un fardeau d'obligations assez considérable. Il y a des catégories supplémentaires que vous voudriez envisager si vous étiez d'humeur à cela, par exemple prestations de régime de retraite privé, fonds de pension privés, et assurance multirisques.

Je ne peux donc pas vous dire où tracer la ligne de démarcation, mais c'est un problème. Comme je l'ai déjà dit, je pense que les compagnies d'assurance peuvent déjà accéder au système de paiements, comme c'est le cas de certaines compagnies d'assurance, de certains courtiers en valeurs mobilières, et cetera. Je ne suis pas mieux en mesure que la plupart des gens de prédire ce qui va se passer du côté du système de paiements, mais ce qui est certain, c'est que la plupart des gens s'entendent pour dire que la tendance sera de l'élargir pour inclure certains de ces autres groupes qui devront être intégrés à l'arrangement.

Il faudrait qu'il y ait beaucoup de conciliation, par exemple, parmi certains des facteurs que j'ai mentionnés dans mon mémoire, telle la mise à l'abri contre la saisie par des créanciers, et cetera. Je pense que ce serait difficile si vous ne niveliez le terrain de jeu que d'un point de vue sans tenir compte de quantité d'autres problèmes.

Le président: Monsieur Sabourin, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Jean-Pierre Sabourin, président-directeur général, Société d'assurance-dépôts du Canada: J'aimerais faire un seul commentaire, monsieur le président.

D'après ce que nous avons lu, la deuxième option amènerait en gros la fragmentation du système national d'assurance-dépôts en ce sens que les nouveaux arrivants, qui devraient concurrencer les institutions fédérales, ne jouiraient plus d'une garantie gouvernementale explicite.

La question qu'il y aurait alors lieu de se poser serait celle de savoir si l'on ne placerait pas les petites compagnies dans une situation de désavantage concurrentiel par rapport aux fonds garantis par les provinces. Nous savons tous que dans toutes les provinces il y a un mouvement de caisses de crédit qui s'appuie sur des garanties du gouvernement provincial, alors si vous supprimiez, dans l'option deux, la garantie de l'État, cela placerait nombre d'institutions financières dans une situation de désavantage du point de vue de l'assurance-dépôts.

L'autre question est que sur le plan assurance-dépôts il y aurait concurrence sur différents niveaux. Les provinces seraient-elles alors obligées d'augmenter leur garantie d'assurance-dépôts conférée à d'autres sociétés incorporées à l'échelle provinciale, en plus des coopératives de crédit?

M. Reuber: Il y a également le Québec. Dans le cadre de l'actuel système, bien sûr, le Québec a ses propres arrangements en matière de garantie, un arrangement de garantie gouvernementale. Si vous privatisez, pour utiliser librement ce terme, la SADC, vous aurez une situation dans laquelle un système d'assurance-dépôts dans ce pays serait garanti et les autres pas. Le système fédéral ne serait pas garanti, ce qui donnerait lieu à toutes sortes de possibilités d'arbitrage intéressantes.

M. Sabourin: Il y a ici un autre point: les questions d'imputabilité sous l'option deux réduiraient les pouvoirs en matière d'assurance. Dans l'option deux, d'après ce que j'ai pu lire, l'assureur de la police n'exercerait aucun contrôle sur l'entrée et ne pourrait aucunement ordonner à des membres de prendre des mesures précises. Avant 1987, la SADC n'exerçait aucun contrôle sur l'entrée, et dans ce cas, il n'y avait aucun contrôle sur l'entrée, aucun contrôle sur l'évaluation du risque, et il aurait fallu supprimer également la minimisation de la perte des exportateurs. Cela vous ramènerait à un assureur-dépôts qui paierait en bout de ligne si l'institution échouait.

Le sénateur Austin: J'apprécie ce que vous venez d'expliquer. J'ai également pensé que le modèle numéro deux serait, sur le plan concurrence, favorable aux grosses banques. Pensez-vous que cela puisse être le cas? Leurs bilans sont plus solides. Néanmoins, l'absence de garantie gouvernementale pourrait créer une énorme différence sur le plan commercialisation. Est-ce là un sujet de préoccupation fondé ou pas?

M. Reuber: Mon propre instinct me dirait que ce n'est pas une grosse source de craintes car, comme je l'ai dit, je ne considère pas ces deux modèles comme étant très différents car le deuxième modèle est un modèle très contrôlé avec une marge de crédit explicite avec le gouvernement.

Le sénateur Austin: Peut-être qu'il s'agit toujours d'une distinction sans différence, mais le problème est que dans le deuxième modèle, le ministre des Finances a un pouvoir discrétionnaire qu'il peut exercer. Il y a donc là un élément de surveillance supérieur à ce qui est prévu dans le premier modèle, dans lequel vous avez un organe de réglementation gouvernemental doté de son propre processus décisionnel. Dans le modèle numéro deux, le processus décisionnel a bougé dans un sens tout à fait différent. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Reuber: Je pense qu'il pourrait y avoir des changements marginaux. Si vous parlez d'une situation dans laquelle le système d'assurance-dépôts ne parvient pas pour une raison ou une autre à remplir ses obligations et le ministre doit intervenir et verser des fonds, alors je pense que dans de telles circonstances nous savons tous qu'il n'a aucun choix. Il a peut-être un pouvoir discrétionnaire. La question est de savoir quel jour il va l'exercer, plus ou moins.

Le sénateur Austin: En même temps, il a la SADC avec sa capacité de surveillance et de prise de décision, et vous envoyez une note de service au ministre expliquant ce que vous comptez faire.

M. Reuber: C'est exact.

Le sénateur Austin: Dans le cas du modèle deux, le ministre des Finances a besoin d'une personne, d'une entité ou d'un groupe de surveillance. Sur les conseils de qui ces derniers interviendraient-ils?

M. Reuber: J'imagine que ce serait dans une large mesure sur les conseils du BSIF, car, comme l'a souligné Jean Pierre, selon ce que vous faites d'autre, si vous faites en sorte que la SADC est en fait un agent de paiements, alors c'est le BSIF qui serait le principal décisionnaire. C'était en fait le cas avant 1987. Cela a changé précisément parce que la commission Estey a découvert que ce n'était pas satisfaisant, que la structure d'incitatifs au sein des organisations était telle que ces interventions venaient trop tard, et ainsi de suite. Il vous fallait augmenter le rôle des personnes qui, en bout de ligne, paient le chèque, pour qu'elles soient désireuses d'intervenir plus rapidement, et cetera.

Le sénateur Austin: Dans le rapport, il y a une observation à laquelle j'aimerais connaître vos réactions: «Nous croyons que la principale raison d'être de l'assurance-dépôts dans le marché d'aujourd'hui est la protection des économies des consommateurs non sophistiqués qui ne sont pas en mesure de faire les bons calculs de risque quant à la sécurité des institutions auxquelles ils confient leurs économies». Êtes-vous de cet avis?

M. Reuber: Non, je ne suis pas de cet avis. Je pense que la SADC, dans la structure actuelle, et cela vaudrait également pour la FDIC aux États-Unis, a un rôle important à jouer dans le maintien de la sécurité et de l'intégrité du système et de toute la machinerie qui a été mise au point pour, en un sens, indiquer quand il faut intervenir et comment il faut intervenir. Cela ne se limite pas uniquement à la sécurité et à l'intégrité, mais s'étend également au coût du système d'assurance.

Je pense qu'ils diminuent énormément le rôle de la SADC dans la résolution des problèmes d'instabilité financière et je ne pense pas que ce soit sans importance, loin de là. Il n'y a aucun doute que la SADC a un rôle à jouer en ce qui concerne la sécurité des petits déposants. Personne ne nie cela, mais c'est la priorité implicite qui y est contenue là-dedans qui me déplaît. En effet, s'ils n'avaient pas cette priorité implicite, le reste de leurs recommandations ne s'enchaîneraient pas.

Le sénateur Austin: Oui, précisément, et ils disent également que: «L'assurance-dépôts est relativement moins importante qu'autrefois en tant que mécanisme pour éviter des crises dans le système de paiements». Ils diminuent donc votre mandat de deux crans.

M. Reuber: Je n'ai aucun doute qu'à l'heure actuelle la SADC est le garde-barrière qui décide qui a accès au système de paiements. J'imagine que cela pourrait changer, mais il nous faudra peut-être attendre de voir quelles sont les propositions quant à la modification du système de paiements.

Il me semble que tant que l'on ne saura pas cela, il sera assez difficile de dire que le rôle de la SADC a diminué et, à l'heure actuelle, nous ne savons pas quel est le système de paiements.

L'argument au sujet du système des paiements n'est pas nouveau. On l'entend depuis longtemps. Nous avons traité de la question de la grosse valeur, mais ce que l'on appelle le «système de papier» se présente toujours sous la même forme, et je suis certain qu'il y aura des changements visant sa modification. Je ne peux pas vous dire ni prédire ce que seront les changements, mais je n'ai aucun doute que le rôle de la SADC y demeurera important car dans certains cas, la Banque du Canada prête contre des garanties à des fins de liquidités. Ce n'est pas notre cas.

Le sénateur Austin: Est-ce que des avoirs de 60 000 $ sont à votre avis une bonne définition d'un investisseur non sophistiqué?

M. Reuber: Nous avons un système qui permet un empilage presque illimité, alors nous n'entendons pas beaucoup de plaintes au sujet du plafond. C'est un plafond très poreux. Alors si quelqu'un modifiait quelque chose, j'y serais plutôt indifférent car je ne pense pas que cela change grand-chose.

Le président: C'est un petit peu comme la règle des 20 p. 100, que l'on peut contourner.

Le sénateur Oliver: Mes deux premières questions découlent logiquement des deux dernières du sénateur Austin. Son avant-dernière question traitait de certaines des raisons de politique publique de l'existence de la SADC.

Ma question concerne la politique publique et il est certain qu'une partie de la politique publique qui vous appuie vise à protéger les déposants et à empêcher la précipitation de déposants à la banque pour récupérer leurs avoirs, comme vous l'avez déja mentionné aujourd'hui, ainsi qu'à réduire le niveau de risque dans le système financier posé par les institutions financières insolvables.

Dans vos remarques liminaires, vous avez dit convenir que notre époque est marquée par la turbulence et que cela soulève des questions quant au bien-fondé du chamboulement du système pour le rendre plus concurrentiel, avec tous les risques supplémentaires que cela pourrait entraîner, et du changement conséquent du rôle de l'assureur.

Vous n'avez pas poursuivi en nous disant de quelles façons le rôle de l'assureur pourrait selon vous être modifié.

M. Reuber: Je parlais là du rôle et des changements proposés par le groupe de travail.

Le sénateur Oliver: Mais pour relever le défi des temps qui changent, des effets de l'Internet, des nouvelles technologies et ainsi de suite, des choses doivent arriver. Ne pensez-vous pas que nous devrions être en train d'examiner les mécanismes de politique publique grâce auxquels vous pourriez assurer la sécurité et l'intégrité qui ont toujours fait partie intégrante de notre système? Les besoins ne sont-ils pas en train de changer avec la technologie?

M. Reuber: Oui, il n'y a aucun doute que les besoins sont en train de changer. Nous essayons de suivre l'évolution comme elle se trouve reflétée dans les dépôts que nous assurons. Mais en ce qui me concerne, en tout cas, l'évolution technologique que nous avons connue à ce jour n'a pas changé grand-chose en ce qui concerne l'assurance-dépôts. L'avènement de l'Internet et de tous les autres nouveaux arrangements pourrait peut-être changer les choses, cependant.

Il nous faudra peut-être changer les arrangements, mais pour l'instant, nous sommes principalement préoccupés par l'assurance des dépôts. Nous n'assurons pas le mouvement des transactions. C'est davantage une question qui se pose pour le système des paiements, et, bien que nous appuyions ce dernier, c'est l'assurance des dépôts qui prend de l'ampleur, et cela a été au coeur même de notre rôle. Deuxièmement, au fur et à mesure que plus d'intervenants entrent dans le système et prennent des dépôts, et je songe ici aux courtiers en valeurs mobilières, aux fonds mutuels et ainsi de suite, alors je pense qu'il nous faudra modifier certains de nos arrangements relativement aux dépôts détenus par ces institutions.

Le sénateur Oliver: Quels genres de modifications envisagez-vous?

M. Reuber: Je ne peux pas vous dire que nous avons une vision claire de ce qu'elles devraient être, car cela dépendra largement de ce qui se passera avec le système des paiements.

Le sénateur Oliver: La dernière question du sénateur Austin concernait la limite des 60 000 $. Lorsque nous étions à Vancouver jeudi nous avons entendu un témoin qui nous a dit que les économies de toute une vie du consommateur canadien moyen sont en train d'être placées en situation de risque accru, car elles doivent être placées dans des fonds administrés par un plus petit nombre d'institutions financières.

L'une de ses suggestions face à ce problème -- si les fusions bancaires se font -- est qu'il y aurait de moins en moins d'endroits où l'on aurait une protection de 60 000 $ et que la limite devrait être portée à 150 000 $. Qu'en dites-vous?

M. Reuber: Aux États-Unis, c'est 100 000 $. Ce que je veux dire, c'est que c'est un chiffre arbitraire et je ne peux pas dire si 60 000 $ c'est mieux que 100 000 $ ou 150 000 $. C'est une décision politique.

J'étais à une réunion à Washington et certaines personnes ont essayé de décrire la façon dont elles obtiennent leurs chiffres à partir de beaucoup de recherches et ainsi de suite. Au bout du compte, il est assez évident que les chiffres sont arbitraires. C'était autrefois 20 000 $ et le montant a été augmenté en 1983 par suite d'une déclaration du ministre du logement, je pense, au grand étonnement de beaucoup de gens. À mon avis, cela dépend du risque que le gouvernement veut assumer.

Le sénateur Oliver: Auriez-vous quelque conseil à donner au comité?

M. Reuber: Ma préférence serait que les choses restent comme elles sont car, comme je l'ai dit, avec les arrangements de superposition que nous avons, c'est un plafond relativement poreux. Je ne peux pas croire qu'une personne ne pourrait pas obtenir beaucoup plus que 60 000 $ d'assurance si elle le désire.

M. Sabourin: Monsieur le président, nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques. Certaines années, nous recevons 60 000 appels sur nos lignes 1-800, alors nous sommes très au courant du message que nous communiquent des déposants inquiets.

Il n'y a eu aucune pression dans le sens d'une augmentation du niveau. Si le comité envisageait une augmentation, je pense qu'il nous faudrait nous renseigner sur les effets que cela pourrait avoir et sur la popularité d'une augmentation, et jusqu'à quel niveau. Il nous faudrait faire un petit peu plus de travail. Si vous deviez porter cela à 150 000 $, combien de dépôts cela couvrirait-il? Quel pourcentage de déposants et combien de comptes seraient couverts? Nous aimerions, bien sûr, avoir l'occasion de faire le travail et de vous revenir avec des renseignements à partir desquels vous pourriez prendre une décision éclairée.

Le sénateur Austin: Je voulais dire que quiconque est assez sophistiqué pour comprendre les superpositions n'est sans doute pas un déposant non sophistiqué.

M. Reuber: Je pense que le public comprend très bien la superposition.

M. Sabourin: Il s'agit par ailleurs d'un outil de commercialisation qu'utilisent certaines de nos grosses institutions financières. Certaines d'entre elles ont huit filiales.

Le sénateur Austin: Alors qui l'assurance-dépôts est-elle censée protéger? Ces gens sont assez sophistiqués.

M. Sabourin: Elle protège le déposant et la stabilité du système monétaire.

Le sénateur Callbeck: La question que j'avais voulu aborder était celle de la couverture de 60 000 $, qui a déjà été explorée. Cependant, je regarde la liste de témoins à l'arrière du rapport MacKay, et je n'y vois pas la Société d'assurance-dépôts du Canada. Avez-vous comparu devant la commission MacKay?

M. Reuber: Nous l'avons rencontrée au moins deux fois, et peut-être même trois. Nous étions en communication avec MacKay et son personnel.

M. Sabourin: Je pense que la liste à l'arrière de la publication correspond aux mémoires. Nous n'avons pas présenté de mémoire, mais on nous a demandé de comparaître devant le comité et de lui faire part de nos impressions.

Le sénateur Callbeck: La commission est donc tout à fait au courant de vos opinions sur la question de savoir si cela devrait ou non être intégré.

M. Reuber: Je pense que oui. Nous n'étions pas au courant de sa proposition lorsque nous avons comparu devant elle, alors nous n'avons pas discuté de certains des sujets qui ressortent ici, mais, pour répondre à votre question, nous n'avons pas traité directement de sa proposition.

Le sénateur Callbeck: Au milieu de la page 8 de la version française de votre mémoire, vous mentionnez que la SIAP impose le même taux à toutes les sociétés d'assurance. Cela a-t-il toujours été le cas? Il me paraît très étrange qu'une grosse compagnie se voie imposer le même taux que les plus petites.

M. Reuber: C'est vrai. C'est ce que nous faisions, jusqu'à cette année. Nous faisions exactement la même chose à la SADC. Cela fait seulement trois ans environ que le gouvernement a adopté une loi exigeant qu'il y ait des primes différentielles reflétant les risques liés aux différentes compagnies. Il a fallu très longtemps pour mettre cela en place, ce en partie parce que ceux qui bénéficient des plus bas taux en sont bien sûr très heureux, tandis que ceux qui trouvent que leurs taux sont relativement élevés se laissent convaincre. Il vous faut avoir un système qui est raisonnablement satisfaisant afin qu'il n'y ait pas trop de plaintes. Mais dans le cas de la SIAP, il s'agit d'un taux uniforme appliqué à l'échelle du pays.

Le sénateur Callbeck: À la SADC, quel serait le taux élevé et quel serait le taux faible?

M. Reuber: Je ne peux pas vous fournir de réponse détaillée. Par le passé, nous imposions une prime de 16 points de base, et nous avons remboursé notre dette l'an dernier, alors cela va baisser sensiblement. En attendant de recevoir les rapports des différentes compagnies, nous ne savons pas quels sont les taux les plus bas ou les taux inférieurs, mais en vertu de la loi, le taux maximal est de 33 points de base. Ce sera là le taux qui sera imposé à ceux qui présentent le plus haut risque.

À l'autre extrême de la fourchette, les taux vont être beaucoup plus bas qu'ils ne l'ont été par le passé, mais en attendant de recevoir au printemps les rapports détaillés des institutions, nous ne connaissons pas le détail. Nous croyons que tout le monde bénéficiera d'une certaine réduction côté tarifs, sauf ceux qui sont tout à fait en haut, qui présentent des risques très élevés et pour qui les taux vont augmenter.

Le sénateur Oliver: Je voulais vous interroger au sujet de vos revenus en provenance de primes. Les gens se détournant des produits de type dépôts, comme par exemple les certificats de placement garantis, qui sont admissibles à l'assurance de la SADC, pour privilégier des produits financiers non assurables, quel est l'impact sur la SADC? Vos revenus en provenance de primes sont fonction du niveau des dépôts assurés détenus par les institutions membres, alors cela a-t-il une incidence sur vous?

M. Reuber: Les revenus en provenance de primes ont en fait reculé. Nous pensons que nous allons réduire les taux étant donné que nous avons remboursé toutes nos dettes, alors nos primes vont inévitablement reculer.

Il est néanmoins intéressant de constater que la part des dépôts totaux chez nos membres qui sont assurés a elle aussi baissé. En d'autres termes, ce sont les dépôts non assurés qui ont connu une croissance.

Il y a eu une croissance marquée du côté des dépôts et, encore une fois, des dépôts non assurés, du côté de ceux détenus en fonds mutuels par des courtiers en valeurs mobilières. Bien sûr, ces dernières années ont été bonnes et la présence d'assurance-dépôts a peut-être attiré moins d'attention que si les choses avaient été moins roses.

Le sénateur Oliver: En ce qui concerne certaines des catégories qui sont à l'heure actuelle non assurées, y en a-t-il sur lesquelles vous aimeriez attirer notre attention dans le but de nous recommander de faire en sorte qu'elles soient peut-être assurées?

M. Reuber: Non, pas particulièrement. Je pense néanmoins que cette idée d'élargir le système des paiements est vraiment au coeur même de bon nombre de ces questions. Si vous élargissez le système des paiements pour inclure, par exemple, les courtiers en valeurs mobilières, alors cette question des dépôts détenus par ces courtiers sera au programme.

Le sénateur Oliver: Et si cela arrive, vos revenus en provenance de primes commenceront à disparaître.

M. Reuber: Mais, comme je l'ai dit, nous examinons nos coûts et nous alignons en gros nos primes sur les coûts que nous devrons couvrir. Notre but n'est pas de réaliser un profit.

Le sénateur Joyal: J'aimerais revenir sur vos conclusions, qui figurent à la dernière page, soit au bas de la page 11 de la version française de votre mémoire, où vous dites: «Cette proposition pourrait entraîner une augmentation marquée des engagements financiers de l'État».

Pourriez-vous nous donner une idée de l'exposition financière supplémentaire du gouvernement? À la page 3, vous mentionnez que les sociétés de fonds communs de placement et les courtiers en valeurs mobilières, bien sûr, ne sont à l'heure actuelle pas couverts. Leur ajout augmenterait sensiblement les responsabilités du gouvernement. Pour pouvoir conclure que l'augmentation serait de taille, avez-vous fait une étude de ceux qui ont échoué par le passé pour déterminer de quel ordre aurait été l'augmentation de la responsabilité du gouvernement si ceux-ci avaient été couverts?

Dites-nous de quelles augmentations il sera question si nous acceptons la recommandation MacKay?

M. Reuber: Je ne peux pas vous fournir de données quantitatives. Nous pouvons essayer. En d'autres termes, si vous élargissez l'application de la garantie du gouvernement, cela engloberait toutes les obligations de la SIAP, qui sont grosses. Seraient vraisemblablement également englobés, si vous alliez plus loin que cela, les dépôts détenus par tous les courtiers en valeurs mobilières. Il en serait sans doute de même pour certains avoirs à court terme ou les obligations à court terme des fonds mutuels. Je peux vous dire que le chiffre ne serait pas petit, mais je ne peux pas vous le préciser davantage.

Le sénateur Joyal: Mais vous n'avez pas fait de modèle...

M. Reuber: Non, nous n'avons pas fait de modèle.

Le sénateur Joyal: Si ces changements avaient été mis en oeuvre il y a, mettons, deux ou trois ans, quel aurait été l'effet net de la couverture qu'il aurait fallu assurer, compte tenu de ceux qui ont échoué et de ceux qui ont connu des difficultés?

M. Reuber: Je fais une distinction entre la responsabilité du gouvernement, qui couvre la garantie pour tous ces organismes, et les pertes véritables. Il n'y a pas eu beaucoup de pertes au cours des deux ou trois dernières années car cette période a été plutôt favorable. Mais si le climat économique avait été plus dur, alors les pertes auraient sans doute été couvertes. Si la Confederation Life s'était écroulée, par exemple, il aurait fallu couvrir cela, comme cela a été fait par la SIAP.

M. Sabourin: Monsieur le président, je pense qu'il est important de souligner que la différence entre la SADC et la SIAP est que la première a une obligation statutaire de rembourser les déposants en cas d'échec. Tel n'est pas le cas de la SIAP. Si vous étendiez la garantie gouvernementale aux produits émis par les compagnies d'assurance-vie, ce que recommande le groupe de travail, alors les rentes, pensions de retraite et prestations de maladie, d'invalidité et de décès seraient toutes incluses, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Je suis certain que la SIAP a fourni ou peut vous fournir les chiffres pour tout ce qu'elle couvre à l'heure actuelle avec les compagnies d'assurance-vie, alors ces chiffres sont disponibles.

M. Reuber: Cela nous ramène à la question des différences entre les deux systèmes. Dans le cas de la SIAP, en vertu de l'arrangement qui est prévu, elle traite du problème en le renvoyant à un autre assureur. Il s'agit là du premier point à la page 7. Or, dans notre cas, il peut arriver que nous vendions les dépôts, mais dans l'ensemble, nous remboursons le déposant le plus rapidement possible. Cela est en règle générale fait dans les deux semaines. Il ou elle obtient le montant assuré détenu dans la banque, la partie assurée est payée et il ou elle touche un chèque dans une autre institution.

Pour pouvoir faire cela, il faut disposer de fonds conséquents, même s'il s'agit d'une institution relativement petite. Il existe des arrangements relativement différents dans les deux institutions et il faudrait les concilier.

Le sénateur Joyal: Ma dernière question concerne le calendrier de mise en oeuvre. De nombreux témoins nous ont conseillé de ne pas faire de tri mais plutôt d'accepter le rapport MacKay dans son ensemble et de mettre en oeuvre les recommandations dont vous avez traité ce matin. En ce qui concerne votre propre responsabilité et l'incidence de tels changements sur celle-ci, combien de temps vous faudrait-il, pensez-vous, pour mettre tout cela en oeuvre?

M. Reuber: Tout dépendrait de l'envergure des changements.

Le sénateur Joyal: Prenez l'ensemble tel qu'il existe à l'heure actuelle, dans le contexte des réponses que vous avez données à nos questions ce matin. Vous avez réagi à ces recommandations, nous précisant lesquelles seraient plus difficiles à mettre en oeuvre et les conséquences qu'il convient d'évaluer. Supposons qu'avant le congé de Noël, nous recommandions que le gouvernement accepte le rapport MacKay dans son ensemble. Si nous renforçons la concurrence au sein du système, il nous faudra changer les règles. Si nous changeons les règles, combien de temps vous faudrait-il pour mettre en oeuvre tous ces changements, compte tenu de toutes les difficultés dont vous nous avez fait part ce matin et dont nous savons qu'elles sont réelles?

M. Sabourin: Je pense que notre mémoire dit bien que le groupe de travail MacKay recommande un renforcement de la concurrence. Si vous ouvrez davantage le marché à la concurrence, il y aura des compromis et des avantages. Certains des compromis donneront peut-être lieu à davantage d'échecs, et à notre avis, si tel est le cas, alors le système aura besoin d'un solide régime d'assurance-dépôts pour contrecarrer ces échecs.

Si vous parlez de mettre en oeuvre tous ces changements, alors vous voudrez peut-être, désireux que vous êtes de renforcer la concurrence, apporter les changements puis examiner l'assurance-dépôts à l'avenir, car vous allez changer tous les éléments du système. Il y aura peut-être certains compromis et certains avantages dont vous ne voudrez pas.

M. Reuber: Vous avez un système hautement interdépendant. Si vous devez changer le système des paiements, alors vous devrez changer toutes sortes d'autres choses. Vous voudrez peut-être établir un ordre de priorité pour les changements qui viendraient. Même si vous acceptez l'ensemble, nous reviendrons, une fois que vous aurez apporté bon nombre des autres changements que vous souhaiterez peut-être apporter.

Il est évident que ces questions pourront être conciliées. Je ne prétends pas le contraire. Cela ne va pas être facile. Ce ne sera pas parfait, mais, savez-vous, vous pourrez toujours intervenir s'il le faut. La question est de savoir comment procéder, afin que ce soit le moins coûteux possible et que les systèmes restent aussi bons que vous le souhaitez.

Si vous prenez toutes les recommandations MacKay et ainsi de suite, ce n'est pas du côté des arrangements en matière de l'assurance-dépôts qu'il faudrait commencer. Il faudrait plutôt commencer par mettre en place certains des autres aspects. Au fur et à mesure que vous remplirez les espaces, alors les conséquences pour ce qui est de l'assurance-dépôts deviendront de plus en plus claires.

Le sénateur Kolber: Monsieur Reuber, je vais vous poser une question à laquelle vous ne voudrez peut-être pas répondre, mais je sais que vous étiez autrefois haut fonctionnaire au ministère des Finances. Vous étiez, je pense, président de la Banque de Montréal, vous avez sans doute une connaissance plus intime du secteur des services financiers canadien que n'importe qui, ou presque. Étant donné que vous êtes ici et que nous sommes en train de discuter du rapport MacKay, portant sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada, seriez-vous prêt à nous faire part de votre opinion personnelle, de simple citoyen, au sujet de la question des fusions des grosses banques?

M. Reuber: Je pense qu'il ne serait pas opportun que je vous fasse part de mon opinion personnelle là-dessus.

Le sénateur Kolber: Très bien.

Le sénateur Oliver: C'est un politique.

Le président: Messieurs, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer ce matin. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous voir.

Honorables sénateurs, le témoin suivant est M. David Brown, président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

Monsieur Brown, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. C'est votre première comparution devant le comité, mais votre prédécesseur a eu la gentillesse de nous rencontrer à plusieurs occasions pendant son mandat. Nous sommes ravis de vous accueillir parmi nous et envisageons avec plaisir d'entendre vos remarques liminaires. Votre présentation sera suivie d'un certain nombre de questions que nous voudrons vous poser.

En passant, félicitations sur votre nomination -- mais nous devrions peut-être plutôt vous offrir nos condoléances, je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, vous avez assumé une tâche véritablement importante pour le compte de tous les investisseurs canadiens et nous vous en sommes reconnaissants. Ceux d'entre nous qui nous consacrons depuis des années à servir le public comprenons que c'est parfois une tâche ingrate.

M. David A. Brown, président, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario: Je vous remercie, monsieur le président. Je suis l'objet alternativement de félicitations et de condoléances, selon les articles de presse du jour.

Je vous remercie de cette présentation, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m'avoir invité à comparaître et à m'entretenir avec vous aujourd'hui. La principale raison de ma venue est de répondre aux questions que vous, les membres du comité, pourriez vouloir me poser en tant que responsable des valeurs mobilières, mais j'aimerais saisir cette occasion pour dire quelques mots sur certains éléments du rapport MacKay qui ont suscité une attention considérable de la part des administrateurs des valeurs mobilières du Canada.

Mon collègue, Jean Martel, le président de la Commission des valeurs mobilières du Québec, a comparu devant vous le 23 octobre, à Montréal. J'ai eu l'occasion de lire le texte de sa déclaration ainsi que la documentation qui l'accompagnait, et je souscris entièrement à ses propos. Je reprendrai dans mon exposé certains des éléments traités par M. Martel, en particulier le rôle des administrateurs canadiens des valeurs mobilières à l'égard de la réglementation de l'activité sur le marché de toutes les institutions financières du pays. Ce rôle revêt une importance particulière à la lumière des recommandations du rapport MacKay préconisant une meilleure protection des consommateurs de produits financiers au Canada.

Avant de traiter de ces questions, j'aimerais tout d'abord dire quelques mots sur l'éventuelle création d'une commission nationale des valeurs mobilières dont il a été question dans la presse et ailleurs. Cette idée n'est pas sans rapport avec certaines suggestions que nous, les administrateurs des valeurs mobilières, formulons en réponse aux recommandations du rapport MacKay prônant une meilleure protection du consommateur.

À l'évidence, l'existence au Canada de dix autorités réglementaires distinctes en matière de valeurs mobilières, et même 12 si l'on compte les deux territoires, engendre un risque de fragmentation réglementaire de ce qui est, à toutes fins pratiques, un seul et même marché canadien des capitaux.

Diverses tentatives ont été faites au fil des ans pour établir un organisme de réglementation national et, de fait, au cours des 30 dernières années, quatre commissions royales et groupes de travail se sont penchés sur la question et ont recommandé une telle commission nationale. Ce fut le cas il y a encore deux ans environs.

On sait que ces initiatives n'ont pas abouti, en partie à cause des préoccupations constitutionnelles du Québec et en partie à cause du souci de certaines provinces de préserver les particularités régionales.

Cependant, les autorités de réglementation elles-mêmes privilégient de longue date la coopération interprovinciale, à tel point que la presse et les milieux financiers parlent de l'existence d'une commission nationale virtuelle. Les commissions provinciales se partagent les rôles, ce partage ayant maintenant été entériné par un protocole d'entente signé par tous les administrateurs des valeurs mobilières du pays. Ce protocole régit les cas où les émetteurs ou déposants ont à traiter avec plus d'une commission des valeurs mobilières, ou, en d'autres termes, avec plus d'une province.

Ce protocole d'entente dit que chacune des commissions du pays s'en remet à l'analyse et aux recommandations des responsables de la juridiction principale de l'émetteur ou du déposant. Si l'émetteur d'un prospectus, par exemple, souhaite faire reconnaître ce prospectus dans plus d'une province, il n'aura à traiter qu'avec l'autorité réglementaire principale -- normalement celle de la province où est situé le siège social.

Les commissions des valeurs mobilières des autres provinces s'engagent à accepter, sauf exception, les recommandations de la province principale.

Cette commission nationale virtuelle signifie que les émetteurs et déposants et autres n'auront normalement à traiter qu'avec une seule commission des valeurs mobilières. L'atout de ce système est que toutes les provinces et tous les territoires y participent pleinement, y compris le Québec, tout en permettant aux particularités régionales de s'exprimer.

Pour en revenir, donc, au rapport MacKay et à sa recommandation de renforcer la protection des consommateurs de services financiers, c'est là un sujet qui figure en bonne place sur la liste des priorités des administrateurs canadiens des valeurs mobilières. Nous cherchons à rationaliser les services en évitant les chevauchements, dont certains sont mis en lumière dans le rapport MacKay, mais surtout à combler quelques lacunes réglementaires mises également en évidence par MacKay.

L'une des difficultés, bien entendu, découle de la séparation constitutionnelle des pouvoirs au Canada. Comme chacun sait, la compétence réglementaire et législative sur les banques et les services bancaires appartient exclusivement au Parlement fédéral. La jurisprudence a octroyé la réglementation des valeurs mobilières aux provinces sous la rubrique «propriété et droit civil». Les compagnies fiduciaires et d'assurance sont assujetties aux règlements de la province dans laquelle elles sont constituées en société.

Il en résulte que le champ réglementaire est divisé sur une base institutionnelle plutôt que par catégories d'activité. Or, le rôle des acteurs sur le marché a énormément évolué depuis que la structure réglementaire actuelle a été mise en place, surtout ces dernières années. Ces changements ont été largement facilités par la démolition du concept des quatre piliers il y a une dizaine d'années.

Nous avons maintenant un marché financier où les banques nationales et étrangères, les courtiers en valeurs mobilières, les compagnies de fiducie et d'assurance, les caisses de crédit et d'autres intermédiaires offrent des services très similaires, mais selon des régimes réglementaires sensiblement différents. De fait, la partie gauche des bilans de la plupart de ces acteurs est virtuellement identique. Les activités commerciales des banques et de leurs filiales d'investissement et de fiducie deviennent de plus en plus intégrées.

Nous, en tant qu'administrateurs canadiens des opérations boursières, nous demandons actuellement s'il n'est pas temps de repenser la scission réglementaire, s'il ne serait pas opportun de répartir la responsabilité réglementaire selon l'activité plutôt que selon le type de société. Nous considérons, par exemple, qu'il est peu probable que la réglementation exclusive des banques par les autorités fédérales et la réglementation exclusive par les provinces des filiales de placements financiers qu'elles possèdent à 100 p. 100 produisent les meilleurs résultats. Nous pensons que cet état de chose alimente les craintes relatives à la protection du consommateur énoncées dans le rapport MacKay.

Notre réflexion a été largement influencée par le nouveau système réglementaire qui vient d'être mis en place en Australie. Comme les membres du comité le savent peut-être, depuis le 1er juillet de cette année, le régime réglementaire en Australie a été restructuré en deux entités distinctes -- une autorité réglementaire prudentielle, qui s'intéresse exclusivement à la solvabilité des acteurs du marché, et une autorité de réglementation commerciale, qui régit l'activité commerciale de tous les fournisseurs de services financiers.

Dans le contexte canadien, le BSIF serait le candidat naturel pour la réglementation prudentielle. C'est actuellement l'essentiel de sa mission, et d'ailleurs le BSIF n'intervient que très peu dans la réglementation commerciale. Nous pensons que la réglementation prudentielle des sociétés fiduciaires provinciales et des compagnies d'assurance devrait également être graduellement transférée aux autorités fédérales, avec le consentement des provinces.

Nous pensons aussi que les commissions des valeurs mobilières seraient les candidats naturels pour réglementer l'activité commerciale de tous les acteurs financiers. C'est là essentiellement la vocation des administrateurs des valeurs mobilières. Nous avons déjà en place pour cela les systèmes et l'infrastructure réglementaire. Notre système de réciprocité a engendré un ensemble national de règlements harmonisés, avec la présence régionale nécessaire pour tenir compte des pratiques locales.

Selon ce modèle, les commissions des valeurs mobilières seraient responsables des pratiques commerciales de toutes les institutions financières, soit les banques, les compagnies fiduciaires, les compagnies d'assurance et les caisses de crédit, et fixeraient les normes de gestion de portefeuille de tous les bassins de capitaux -- pas seulement les fonds communs de placement, mais aussi les fonds de pension et les fonds distincts des compagnies d'assurance.

Au cours des prochains mois, les administrateurs canadiens des valeurs mobilières continueront à travailler sur ces concepts et en discuteront avec leurs gouvernements provinciaux respectifs. Notre objectif est d'être en mesure de soumettre des propositions aux autorités fédérales, afin qu'elles puissent être prises en considération relativement aux suites à donner au rapport MacKay.

Monsieur le président, l'autre élément abordé par M. Martel dont j'aimerais traiter concerne le rôle du Canada dans la réglementation internationale des marchés boursiers dont le rapport MacKay fait état. Encore une fois, je fais entièrement miens les propos de mon collègue du Québec.

Étant l'administrateur canadien le plus récemment nommé, j'ai été agréablement surpris par le prestige, dont nous, les Canadiens, jouissons dans le monde. Les postes que les Canadiens occupent dans les organes de réglementation mondiaux et l'influence que nous exerçons sur les grandes décisions sont nettement disproportionnés par rapport à notre part du marché mondial des capitaux.

À l'évidence, le monde nous considère comme ayant un système de réglementation des valeurs mobilières unique administré à l'échelle régionale par des autorités provinciales et imposant certaines des normes les plus rigoureuses du monde.

Comme M. Martel l'a signalé, il vient d'être élu vice-président du bureau exécutif de l'OICV, l'Organisation internationale des commissions de valeurs qui compte quelque 96 pays membres, et j'ai été récemment élu vice-président de son comité technique. M. Joe Oliver, le président de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières est le président du comité consultatif des OAR auprès de l'OICV et le personnel de la CVMO siège à tous les comités de travail de l'organisation internationale. Ainsi, le Canada joue manifestement un rôle très important sur le plan de la coordination internationale de la réglementation des valeurs mobilières.

Je m'en tiendrai là, monsieur le président. Je serai ravi de répondre à toutes les questions que les membres du comité pourraient avoir.

Le président: Je vous remercie, monsieur Brown. Puis-je vous poser une question avant de donner la parole au sénateur Di Nino puis au sénateur Austin? Elle trahira peut-être le fait que j'ai passé une bonne partie de ma vie à essayer de conclure des accords fédéraux-provinciaux -- ce qui fait que mon optimisme n'est peut-être pas aussi grand que le vôtre, encore que, vu l'impasse concernant une commission nationale des valeurs mobilières, je soupçonne que vous n'êtes peut-être pas très loin derrière moi.

Je vois bien qu'il serait, théoriquement, idéal de séparer la réglementation commerciale et de la confier aux commissions des valeurs boursières et de céder la réglementation prudentielle au gouvernement fédéral, particulièrement au BSFI, mais sur quoi vous fondez-vous pour penser qu'il y a davantage de chances d'y parvenir que de créer une commission nationale des valeurs mobilières?

Je conçois très bien que la plupart des gouvernements provinciaux seraient ravis d'un transfert à sens unique de pouvoirs fédéraux vers les provinces. Ma question est de savoir dans quelle mesure les provinces seraient prêtes à céder l'élément de réglementation prudentielle que plusieurs d'entre elles possèdent.

M. Brown: On voit déjà quelques signes très encourageants de cela, monsieur le président. Au moins deux des provinces ont déjà conclu des ententes avec Ottawa en vue de transférer une partie de la réglementation prudentielle.

Le président: Pouvez-vous nommer ces provinces?

M. Brown: Oui, je crois que le Manitoba et l'Alberta ont déjà conclu des ententes avec Ottawa. L'Ontario, comme vous le savez, a d'ailleurs renoncé il y a un an environ à la notion d'égalité, qui était une grosse épine dans le flanc des compagnies de fiducie et d'assurance; l'Ontario a maintenant entamé des pourparlers avec Ottawa au sujet du transfert de la réglementation prudentielle au gouvernement fédéral.

Nous avons eu des entretiens avec des responsables de notre ministère de tutelle, ici, en Ontario, et ils semblent très intrigués par les perspectives que nous évoquons; les discussions que nous avons eues jusqu'à présent sont plutôt prometteuses.

Le sénateur Di Nino: Ma question se situe dans le même ordre d'idées. Pourriez-vous nous faire le point des pourparlers ou négociations en vue d'une commission nationale des valeurs mobilières?

M. Brown: À ma connaissance, il n'y a pas de pourparlers en cours à l'heure actuelle. Tous nos efforts, en tant qu'administrateurs des valeurs mobilières, avec l'appui de nos gouvernements respectifs dont, que je sache, celui du Québec, ont visé à établir un cadre harmonisé et coopératif de manière à créer, comme je l'ai dit, ce que l'on peut qualifier de «commission nationale virtuelle des valeurs mobilières». Je n'ai connaissance d'aucune initiative actuellement en cours visant à établir une commission nationale.

Je serais personnellement très réticent à voir redémarrer un débat sur une commission nationale. Ma raison est simple: comme votre président l'a dit, je préside la commission ontarienne depuis seulement six mois. Or, j'ai découvert peu après mon entrée en fonction que la réglementation des valeurs mobilières a virtuellement accumulé un retard de deux ans dans la recherche de solutions aux problèmes très sérieux qui se posent. Ces problèmes résultent de l'évolution du marché, dont vous avez longuement traité ici, mais durant toute la période de la discussion sur une commission nationale, tout le reste est pratiquement resté en plan.

Je serais réticent à voir cette immobilité se reproduire à un moment où nous faisons tant de progrès vers une commission nationale virtuelle. Je préférerais de loin que l'on s'attaque au plan d'action pour rattraper le retard.

Le sénateur Di Nino: Pourriez-vous me préciser la différence entre cette commission virtuelle et une relation contractuelle par consentement?

M. Brown: Il s'agit d'une relation contractuelle en ce sens qu'un protocole d'entente a maintenant été accepté par chacune des provinces. Un certain nombre de provinces, dont l'Ontario, procèdent actuellement à une consultation publique sur ce protocole; cette phase est actuellement en cours et nous n'avons pas encore signé le protocole d'entente, mais je compte qu'il le sera dans les deux prochains mois.

Nous avons donc une entente contractuelle, en quelque sorte. Ce n'est pas une intégration complète de toutes les commissions. Nous n'avons choisi que trois domaines de la réglementation des émetteurs et déposants de prospectus, mais nous uniformisons également la formation du personnel des commissions à travers le pays.

De fait, l'Ontario organise pendant trois semaines un stage d'évaluation de prospectus, à Toronto, auquel chaque commission va dépêcher ses évaluateurs, chacune détachant certains de ses responsables pour organiser un stage de quatre jours en évaluation de prospectus.

Nous escomptons ainsi que, lorsqu'un émetteur dépose un prospectus dans une province quelconque et veut le faire accepter à l'échelle nationale, le personnel de la province où le prospectus est déposé l'évaluera, l'approuvera et communiquera son agrément à toutes les autres commissions, cette dernière se fiant à cet aval au lieu que leur personnel refasse le travail.

Donc, à toutes fins pratiques, pour ce qui est de ce processus, nous avons une commission nationale des valeurs mobilières avec un bureau régional dans chaque province.

Le sénateur Di Nino: Y aura-t-il un partage de renseignements entre les différentes commissions sur les émetteurs potentiels de valeurs?

M. Brown: Oui, il y a déjà énormément de partage et les commissions à travers le pays se penchent déjà conjointement sur quantité d'enjeux. Nous avons tenu une conférence dans l'Île-du-Prince-Édouard il y a trois semaines. Il y avait 22 sujets de politique à l'ordre du jour sur lesquels toutes les commissions du pays travaillent actuellement de concert.

Le sénateur Di Nino: Sur le plan concret, la réputation du Canada a été entachée par l'émission de valeurs douteuses d'une côte à l'autre, en particulier par l'affaire Bre-X. Est-ce que cette commission virtuelle permettra de prévenir ce genre de chose, ou du moins de réduire le risque d'une répétition?

M. Brown: C'est très difficile à dire. J'espère que cela nous permettra de déceler plus rapidement un problème de type Bre-X. Mais je pense que même une commission nationale ne pourrait pas prévenir ce genre de fraude.

Le sénateur Di Nino: D'après ce que vous dites, cette commission virtuelle pourrait faire à peu près la même chose qu'une commission nationale. N'est-il pas vrai que l'absence d'une commission nationale des valeurs mobilières nous coûte en détournant du Canada certains émetteurs d'actions?

M. Brown: Non, je n'ai vu aucun indice de cela, sénateur. Non, pas du tout.

Le sénateur Oliver: Monsieur Brown, vous avez fait état de la présentation que nous avons entendue à Montréal. Sachez que nous avons également entendu la semaine dernière les responsables des commissions de l'Ouest; nous avons eu avec eux un échange très intéressant sur cette commission nationale virtuelle des valeurs mobilières.

J'ai deux questions sur des points soulevés devant le groupe de travail MacKay par l'ancien surintendant, Michael Mackenzie, et j'aimerais votre avis à leur sujet. Dans son mémoire au groupe de travail, il a soulevé la question de la réglementation des valeurs mobilières. Il a dit, entre autres, que les marchés étrangers seraient très préoccupés par l'absence d'intégration entre le contrôle sur les banques et le contrôle sur les valeurs mobilières dans l'éventualité de pertes sur le marché dérivé menaçant la solvabilité d'une banque, comme c'est arrivé à la banque Barings. Dans quelle mesure cette préoccupation est-elle justifiée?

M. Brown: Je pense que la proposition dont nous parlons devrait répondre à la préoccupation de Michael, mais je ne lui en ai pas parlé. Nous proposons une autorité de réglementation prudentielle unique.

Le sénateur Oliver: Mais, jusqu'à présent, seules deux provinces l'ont acceptée; cette réglementation est donc toujours fragmentée. N'avez-vous pas dit que seules deux provinces ont admis que le BSIF devienne l'autorité réglementaire prudentielle?

M. Brown: Seules deux ont signé des accords jusqu'à présent. Mais d'après les discussions préliminaires tenues, beaucoup d'autres provinces sont très intéressées.

Le sénateur Oliver: Y compris l'Ontario?

M. Brown: Oui, y compris l'Ontario. Tout à fait. Si nous réussissons à mettre en place le modèle dont nous parlons, je pense que cela répondra tout à fait aux préoccupations de Michael Mackenzie, car nous aurons une autorité unique responsable de la solvabilité de toutes les institutions financières du pays.

Pour ce qui est des courtiers en valeurs mobilières, il faudra un partage des responsabilités aussi longtemps que les commissions des valeurs mobilières seront responsables du Fonds canadien de protection des épargnants -- et nous venons d'entendre l'avis de la SADC. Le Fonds canadien de protection des épargnants, comme on sait, est le fonds qui indemnise les clients des courtiers. Aussi longtemps que cette responsabilité appartiendra aux commissions des valeurs mobilières, il y aura cet élément de responsabilité partagée.

Cependant, notre proposition est que l'autorité réglementaire prudentielle, et nous disons que le BSIF serait le candidat naturel, serait responsable de la solvabilité de toutes les institutions financières, y compris les filiales de courtage des banques qui effectuent les opérations sur les produits dérivés dont parlait Michael.

Le sénateur Oliver: Quand pensez-vous que tout le monde se mettra d'accord et que le BSIF deviendra réellement l'autorité réglementaire prudentielle nationale? Avant le millénaire?

M. Brown: Oui. Nous visons l'année 1999, si nous pouvons maintenir l'élan que nous pensons avoir actuellement.

Le sénateur Oliver: C'est encourageant. Le deuxième élément abordé par Mackenzie devant le groupe de travail MacKay est que l'autorité réglementaire fédérale devra acquérir la même compétence en matière de valeurs mobilières que les commissions provinciales, vu que les banques se livrent pour leur propre compte au négoce d'obligations et de produits dérivés et se lancent dans les fonds communs de placement.

M. Brown: C'est précisément ce qui a motivé notre réflexion. Le groupe de travail MacKay envisage de confier à une autorité réglementaire fédérale, probablement un BSIF élargi, une plus grande responsabilité à l'égard de la conduite sur le marché et de la protection du consommateur. Le BSIF en serait certainement capable, mais il aurait besoin pour cela d'un budget nettement accru; il devrait aussi élargir son activité à ces domaines que nous couvrons déjà, mais si on le jugeait opportun, il pourrait lui aussi se doter de spécialistes en matière d'évaluation de prospectus et de conduite sur le marché et d'éthique et cetera. Cependant, cela nous a paru être une dépense inutile, car les commissions des valeurs mobilières possèdent déjà cette infrastructure et ce personnel.

Le sénateur Oliver: Vous avez indiqué que l'une des raisons de la fragmentation réglementaire actuelle est la crainte que l'autorité fédérale ne serait pas suffisamment sensible à certaines préoccupations provinciales. Ce problème de sensibilité ne va-t-il pas se poser de nouveau?

M. Brown: Il le pourrait, à mon avis, si la décision était de confier la réglementation du marché au BSIF, car ce dernier ne pourrait le faire sans une présence régionale, pour cette raison même. C'est un autre facteur qui nous amène à penser que les commissions des valeurs mobilières sont idéalement placées, du fait de leur implantation provinciale.

Le sénateur Austin: Monsieur Brown, c'est un concept très intéressant que vous nous soumettez et qui s'éloigne pas mal des recommandations de MacKay. Vous pourriez peut-être me donner votre avis sur l'une de ces recommandations, sur la base de votre expérience et dans le contexte de votre mémoire.

Le rapport MacKay préconise que le BSIF soit chargé de promouvoir la concurrence. Que pensez-vous de cette recommandation, tout d'abord, et dans votre nouvelle matrice, cette fonction serait-elle assurée par le nouveau régime de réglementation des valeurs ou du marché?

M. Brown: Pour répondre d'abord à la deuxième partie de votre question, le principe actuellement suivi pour la réglementation des valeurs mobilières est d'avoir aussi peu de restrictions ou de barrières à l'entrée que possible. Notre approche réglementaire est fondée sur la transparence: nous exigeons des participants au marché une transparence complète, de façon à laisser le marché décider. Il y a donc très peu de barrières. D'ailleurs, depuis que vous avez posé la question, j'ai essayé de voir quelles barrières à l'entrée peuvent exister, et je n'en vois aucune aujourd'hui. Toutefois, il y a évidemment quelques conditions de licence.

Le sénateur Austin: Un capital suffisant.

M. Brown: Un capital suffisant, et les autres conditions peuvent être remplies par quiconque veut suivre le cours national en valeurs mobilières, passer les examens et se faire accréditer.

Pour ce qui est de l'autre élément de votre question, ce n'est pas quelque chose que les administrateurs des valeurs mobilières font aujourd'hui ni qu'ils pourraient faire facilement.

Le sénateur Austin: Pourrais-je ajouter à votre réponse que le régime réglementaire actuel des valeurs mobilières se contente d'une postvérification des nouveaux produits. Vous ne cherchez pas à effectuer de prévérification ou à exiger un agrément préalable. Vous laissez le marché décider et vous voyez comment ces nouveaux produits fonctionnent. Est-ce exact?

M. Brown: C'est juste. Du moment que nous sommes assurés que les risques du produit et toutes les ramifications d'un placement dans ces produits sont expliqués en langage compréhensible par l'épargnant, nous autorisons le produit. C'est tout à fait juste.

Le sénateur Austin: Poursuivez avec votre réponse, s'il vous plaît.

M. Brown: Pour ce qui est du rôle du BSIF sur le plan de la promotion de la concurrence, cette dernière est manifestement très souhaitable dans nos marchés financiers. Je crains de ne pas pouvoir me prononcer sur la capacité du BSIF de faire cela ou sur l'opportunité de l'inscrire dans la loi elle-même.

Le sénateur Austin: Mais le rôle de l'autorité réglementaire prudentielle est-elle de promouvoir la concurrence, comme le semble le dire le rapport MacKay?

M. Brown: Il ne me semble pas.

Le sénateur Austin: En Australie, le rapport Wallace a engendré le régime que vous avez décrit, et l'on peut s'en inspirer à bien des égards; mais dans ce cas, les États ont cédé leur rôle au pouvoir fédéral australien. Est-ce exact?

M. Brown: Oui, c'est juste. Le régime australien a été mis en place en deux étapes. Il y a une dizaine d'années, les États ont accepté une commission nationale des valeurs mobilières à condition que celle-ci ait des bureaux régionaux, si bien que, virtuellement, une autorité nationale a repris l'administration des valeurs mobilières de chacun des États, laissant en place le personnel administratif. C'était aux alentours de 1988.

La commission Wallace a ensuite recommandé une modification du paysage réglementaire de façon à avoir une seule autorité prudentielle. Comme vous le savez, sénateur, la réglementation prudentielle a été retranchée de la Reserve Bank of Australia et confiée à l'équivalent du BSIF, plus ou moins, ensuite de quoi toute la réglementation commerciale des institutions financières a été confiée à la Commission nationale des valeurs mobilières.

J'ai passé une semaine en Australie il y a un mois environ. C'était juste au moment de la sortie du rapport MacKay. Tout le monde en Australie considère le rapport MacKay comme notre rapport Wallace et tout le monde s'est mis à recenser les similitudes et les différences entre les deux. J'ai eu des conversations fascinantes avec les administrateurs des banques, les administrateurs des valeurs mobilières et des organes de contrôle des investissements.

Le sénateur Austin: J'imagine. Puisque vous parlez de la nouvelle approche fonctionnelle australienne, est-ce qu'on a envisagé en Australie également l'approche réglementaire unique du Royaume-Uni, la nouvelle FSA du gouvernement Blair?

M. Brown: On parlait beaucoup de cette approche très différente. Il est difficile de résumer la teneur du débat car le sujet est complexe, mais en gros les Australiens considèrent que la FSE pourrait fonctionner dans un État unitaire, sous certaines conditions, mais personne ne semble penser que cela pourrait marcher dans un système fédéral.

Le sénateur Austin: Peut-être n'ont-il pas remarqué que le Royaume-Uni se rapproche maintenant d'un système de type fédéral.

Il est intéressant que l'Australie aille dans une direction, le Royaume-Uni dans une autre et que les États-Unis aient deux systèmes qui se chevauchent, le contrôleur de la monnaie et le Federal Reserve, et que vous arriviez maintenant avec un concept qui mérite certes un examen approfondi et sur lequel j'espère que notre comité voudra se pencher sérieusement.

J'aimerais aborder un sujet entièrement différent en rapport avec les regroupements bancaires chez nous et les répercussions sur les marchés boursiers. La question est de savoir si une diminution du nombre de joueurs aura un impact sur le marché des capitaux, tant celui des obligations que des actions, du fait qu'il y aura moins de participants dans ces marchés. Avez-vous réfléchi à cela?

M. Brown: Oui, sénateur. Nous y avons réfléchi tant à l'intérieur de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qu'à l'échelle nationale, avec les autres administrateurs canadiens des valeurs mobilières.

Tout d'abord, comme vous le savez, notre loi n'exige pas que la fusion de deux courtiers en placements soit approuvée par nous. Nous aurons à accorder une licence, mais uniquement sur la base des conditions de compétence. J'ai l'impression que ce serait très simple dans le contexte des deux fusions dont vous parlez.

Premièrement, nous avons conclu que la taille n'est pas un facteur pour ce qui est de notre capacité de réglementer le marché. Nous pensons que nos pouvoirs réglementaires sont tout aussi efficaces avec peu de joueurs qu'avec une multitude. Voilà pour le premier point.

Deuxièmement, nous sommes rassurés de voir que la Bourse de Toronto envisage son modèle particulier de démutualisation. Dans la mesure où les objectifs contenus dans sa proposition seront remplis, la capacité d'un membre de très grosse envergure de la bourse d'influencer les politiques de celle-ci sera réduite et même entièrement supprimée.

Troisièmement, les administrateurs canadiens des valeurs mobilières, avec l'Ontario en tête, sont sur le point de promulguer de nouvelles règles autorisant l'introduction au Canada de nouveaux systèmes d'échange, principalement électroniques. Nous leur permettrons d'être agréés soit comme bourses soit comme membres de bourses existantes.

Nous pensons que cela ouvrira le Canada à la concurrence dans le monde boursier. Nous comptons qu'un certain nombre d'acteurs qui ont déjà des systèmes en place à l'étranger s'établiront au Canada, si bien qu'il y aura une concurrence énorme dans le secteur boursier. Encore une fois, cela réduira l'influence que peut exercer un acteur donné.

Enfin, nous avons vu que, lorsque les grandes banques ont commencé à racheter les grandes maisons de courtage en 1987, 1988, cela a suscité l'apparition de nombreuses entités nouvelles. Nul ne peut le prédire avec certitude, mais je ne serais pas surpris que les fusions des quatre courtiers en valeurs mobilières en deux déclenchent le même type d'activités.

Le sénateur Austin: Mais les deux contrôleraient une bonne partie de l'activité si la fusion était intégrale.

M. Brown: Elles accapareraient, environ...

Le sénateur Austin: ... environ 40 p. 100 de l'activité.

M. Brown: Oui, elles seraient responsables d'une partie substantielle des échanges. En l'absence du type de règles qu'impose la Bourse de Toronto et que nous envisageons d'étendre, il serait théoriquement possible pour l'un des gros courtiers d'internaliser les opérations. Avec un tel flux de commandes, il pourrait avoir une mini bourse interne.

Le sénateur Austin: Exactement.

M. Brown: Les règles actuelles de la Bourse de Toronto ne le permettent pas et nous ne le ferons pas non plus.

Le sénateur Austin: La Bourse de Toronto empêcherait ces échanges internes car ce serait contraire aux règles d'appartenance.

M. Brown: C'est juste, oui. Et nous adopterons des règles ayant le même effet. Ces règles seront-elles exactement les mêmes que les règles actuelles, cela dépend en partie de la manière dont ces nouveaux systèmes vont évoluer.

Le sénateur Austin: Enfin, comment peut-on contrôler l'offre de valeurs mobilières sur l'Internet? Comment peut-on réglementer un marché aussi ouvert? Quantité de produits sont offerts sur l'Internet. Que se passe-t-il lorsque quelqu'un dans une île des Caraïbes offre de vendre des titres au Canada sur l'Internet?

M. Brown: Vous avez mis le doigt sur le sujet qui suscite les discussions les plus animées dans les réunions de l'OICV et nous sommes membres également du Council of Securities Regulators of the Americas, qui couvre tout l'hémisphère occidental. L'OICV vient de publier le rapport d'un groupe de travail sur l'Internet, les offres de valeurs sur l'Internet et les échanges sur l'Internet, et nous venons au Canada de publier pour avis nos propres règles en matière d'offres et d'échanges sur l'Internet.

En gros, nous essayons d'appliquer aux échanges électroniques la même philosophie qu'aux échanges sur papier. Nous examinerons d'où provient l'offre et les autorités de ce pays auront la responsabilité principale.

Cela exige une coopération extrêmement étroite dans le monde et, comme vous le savez, dans certains cas cela suppose de rechercher la source véritable. Il y a des règles destinées précisément à cela. Je pense que nous n'en sommes encore qu'à des amorces de solutions, mais tous les membres de l'OICV semblent résolus à essayer d'intégrer cela à l'échelle mondiale.

Le sénateur Joyal: Monsieur Brown, votre collègue, M. Martel, nous a dit ne pas avoir été contacté par le groupe MacKay, ni invité à présenter un mémoire. Est-ce que vous-même ou votre prédécesseur avez été contactés? Vos vues ont-elles été communiquées au groupe de travail MacKay?

M. Brown: Ma situation est peut-être un peu différente de celle de mon collègue, Jean Martel. Lorsque j'exerçais dans ma pratique privée, j'ai passé pas mal de temps à parler à M. MacKay et aux membres de son groupe de travail au sujet de certains travaux qu'ils entreprenaient. Lorsque je suis devenu président de la Commission des valeurs mobilières, je n'ai pas rompu le contact. Je n'ai pas attendu d'être invité et, effectivement, j'ai eu plusieurs entretiens avec M. MacKay et M. Gorbet et d'autres membres du groupe.

Il est regrettable, en un sens, que certains de mes autres collègues n'aient pas eu cette possibilité, mais je l'ai eue en raison de ma situation particulière.

Le sénateur Joyal: Mais était-ce en votre capacité de président de la Commission des valeurs mobilières ontarienne ou était-ce à titre de particulier?

M. Brown: C'est devenu cela, lorsque j'ai changé de chapeau. Je leur ai effectivement parlé à plusieurs reprises, notamment au sujet des propositions mêmes dont nous parlons ici aujourd'hui.

Le sénateur Joyal: Était-ce sous forme d'un mémoire ou était-ce uniquement des conversations?

M. Brown: Non, uniquement des entretiens, pas un mémoire officiel.

Le sénateur Joyal: Vous êtes donc le seul président d'une commission des valeurs mobilières canadienne à avoir été contacté par M. MacKay?

M. Brown: Je ne sais pas. M. Martel a dit qu'il n'avait pas été invité, mais je ne sais pas ce qu'il en est des autres.

Le sénateur Joyal: Vous disiez dans vos remarques liminaires que le protocole d'entente en question couvre trois domaines. Pourriez-vous nous dire lesquels?

M. Brown: Certainement.

Le sénateur Joyal: Y en a-t-il d'autres que vous aimeriez voir ajoutés pour optimiser la coopération entre les commissions des valeurs mobilières canadiennes?

M. Brown: Certainement. Il y a trois domaines. J'ai mentionné, par exemple, les dépôts de prospectus, l'un des grands domaines où les émetteurs sont obligés, dans le système actuel, de traiter avec différentes juridictions du pays.

Les deux autres domaines sont l'enregistrement, l'enregistrement des courtiers en placement. Nombre des grandes maisons de courtage sont enregistrées dans chaque province et doivent donc traiter séparément avec chacune des autorités provinciales. Bien entendu, leurs agents ont le même problème, et cela est donc couvert par le protocole d'entente.

Le troisième domaine sont les demandes d'exonération. Chacune des lois sur les valeurs mobilières du pays contient des dispositions autorisant les commissions à exonérer leurs administrés de certaines exigences, et c'est donc là le troisième domaine, celui des demandes d'exonération.

Ce troisième domaine en est un sur lequel nous travaillons à titre expérimental depuis environ huit mois et les choses semblent assez bien fonctionner. Je crois que 80 demandes ont été déposées selon ce régime expérimental. Seuls cinq cas n'ont pas marché et ce parce que les dispositions d'exonération des lois ne sont pas toutes les mêmes. Nous cherchons à les harmoniser à l'échelle nationale. Nous avons présenté des recommandations à notre gouvernement ontarien afin d'effectuer quelques adaptations et harmoniser notre loi avec celle des autres provinces. Voici pour la première partie de votre question.

En ce qui concerne la deuxième partie, oui, tout à fait, nous pensons que nous pouvons commencer à collaborer dans d'autres domaines. L'un est celui des transactions d'initiés. Nous avons actuellement des règles légèrement différentes d'une province à l'autre pour ce qui est des transactions d'initiés et nous travaillons là-dessus.

Ensuite, toute l'orientation politique commence déjà à être beaucoup plus harmonisée à travers le pays. Il est trop tôt pour que je puisse dire si cela fera jamais l'objet d'un protocole ou non.

Le sénateur Joyal: Pour ce qui est du deuxième domaine, l'enregistrement des courtiers en placements, le témoin qui vous a précédé ce matin a dit que l'ouverture du système des paiements aux courtiers en placements imposera une restructuration majeure de la réglementation et de l'institution. Pourriez-vous nous dire quel est à vos yeux le principal problème à cet égard?

M. Brown: Je sais que M. Martel en a parlé également. Je dois dire que je n'y ai pas autant réfléchi que lui. Je crois savoir que les membres du système des paiements devront répondre à des critères minimaux pour être admis, afin de se prémunir contre les risques systémiques.

Je n'y vois pas de difficulté, ni que cette forme de réglementation soit nécessairement en conflit avec les règlements appliqués par les administrateurs des valeurs mobilières, mais je dois admettre que je n'ai pas vu de proposition concrète encore. Je pense qu'il est possible pour les deux de coexister.

Le sénateur Kelleher: M. Brown a déjà partiellement répondu à l'une des questions que je voulais lui poser, concernant les transactions d'initiés.

Comme vous le savez, d'aucuns jugent trop long le délai de dépôt de la déclaration de transaction d'initié. Pourriez-vous nous préciser un peu quels progrès ont été accomplis à cet égard? Deuxièmement, pourriez-vous nous donner une idée du délai que vous envisagez? Je crois que dans certains cas ce délai peut atteindre 40 jours, ce qui réduit pas mal l'utilité de cette déclaration.

M. Brown: L'Ontario accorde un délai plus long. La règle est qu'il faut déposer la déclaration dans un délai de dix jours après la fin du mois de la transaction. Par exemple, si la transaction avait lieu aujourd'hui, la déclaration ne serait exigée en Ontario que le 10 décembre. Plusieurs des provinces de l'Ouest exigent la déclaration dans les dix jours de la transaction.

Nous projetons en Ontario d'adopter le système de l'Ouest et j'espère qu'il en sera ainsi. Je crains de ne pouvoir vous donner de date, mais nous nous occupons de cet aspect. Je ne sais pas si d'autres provinces ont encore la même règle que l'Ontario, mais nous sommes résolus à harmoniser cela à l'échelle nationale.

Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur l'idée du dépôt électronique de toutes les déclarations de transaction d'initié. Nous permettons déjà le dépôt électronique des prospectus au moyen du système SEDAR. Le dépôt électronique est d'ailleurs maintenant obligatoire et nous espérons qu'au premier trimestre 1999 il en sera de même pour les déclarations de transaction d'initié, ce qui devrait accélérer la dissémination de cette information. Il suffira de déposer la déclaration dans une seule province. Si cela aboutit, et il n'y a aucune raison de croire qu'il n'en sera pas ainsi, nous aurons régularisé le système des transactions d'initiés.

Le sénateur Kelleher: Si ma compagnie est cotée en bourse à la fois au Canada et aux États-Unis, comme c'est le cas de certaines aujourd'hui, y aura-t-il harmonisation des contraintes de déclaration avec les États-Unis?

M. Brown: Nous n'en sommes pas encore là. Ce serait logique de le faire, mais je dois admettre que nous ne sommes pas allés jusque-là encore, nous nous occupons pour le moment du Canada, et pas encore d'harmonisation avec notre voisin.

Le sénateur Kelleher: Est-ce que vous entrevoyez des problèmes à ce stade?

M. Brown: Je n'en vois pas, mais je n'ai pas encore étudié la question.

Le sénateur Kelleher: Vous avez dit dans vos remarques liminaires que vous aviez harmonisé diverses choses. S'agissant des émissions d'actions, initiales ou non, l'enregistrement dans une province vaudra maintenant pour toutes. Je vais faire attention à ce que je dis car mon voisin est le sénateur Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard. Puis-je faire enregistrer une émission initiale dans l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Brown: Oui. Si votre siège est dans l'île, vous pouvez enregistrer une émission d'actions en utilisant l'Île-du-Prince-Édouard comme juridiction principale.

Le sénateur Kelleher: Mais uniquement dans ce cas?

M. Brown: Oui. Vous pouvez faire une émission dans l'Île-du-Prince-Édouard si votre siège est en Ontario en l'enregistrant en Ontario et en demandant la reconnaissance nationale, y compris pour l'Île-du-Prince-Édouard; c'est une autre façon de procéder.

Le sénateur Kelleher: Certaines des petites provinces n'ont pas nécessairement un personnel qualifié pour ce travail.

M. Brown: C'est ce qui motive le stage d'évaluation de prospectus que nous tiendrons à Toronto dans trois semaines et qui sera répété tous les ans. Le Québec a déjà organisé accepté de l'organiser l'année prochaine, si bien que le personnel de l'Île-du-Prince-Édouard, pour reprendre votre exemple, pourra aller à Toronto travailler avec ses homologues de tout le pays.

Le président: Monsieur Brown, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Nous comptons bien avoir des conversations suivies avec vous dans les années qui viennent.

Sénateurs, nos prochains témoins représentent l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et l'Association canadienne des constructeurs internationaux de véhicules. La porte-parole sera Mme Maureen Kempston Darkes, présidente-directrice générale de General Motors du Canada, et je crois qu'elle est accompagnée de plusieurs personnes.

Mme Maureen Kempston Darkes, présidente-directrice générale, General Motors du Canada Limitée: Effectivement, sénateur.

Le président: Sénateurs, vous avez une déclaration liminaire de trois pages qui vous a été distribuée à tous, je pense. L'avez-vous?

Merci d'être venue. Nous sommes ravis de vous revoir. Nous ne vous avons pas vue depuis votre comparution sur les modifications relatives à la régie des sociétés de la Loi sur les sociétés par actions, il y a 18 mois. Merci de revenir nous voir.

Mme Kempston Darkes: C'était une discussion intéressante et je suis sûre que celle de ce matin le sera aussi et je vous souhaite donc le bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs.

Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je suis accompagnée de M. Andy Menzyk, président des Opérations de crédits canadiennes de Crédit Ford Canada Limitée et de M. Brian Vasey, vice-président-directeur général de Nissan Canada Finance Inc., représentant l'Association canadienne des constructeurs internationaux de véhicules, et de M. Mark Nantais, le président de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules.

Nous comparaissons aujourd'hui au sujet d'une seule question, la recommandation no 21 du rapport MacKay qui autoriserait les institutions de dépôts fédérales et les compagnies d'assurance-vie de louer à bail des véhicules légers.

Comme premier point, j'aimerais souligner que l'une des grandes faiblesses du rapport MacKay est de ne pas tenir compte de l'incidence importante que les changements apportés à la politique des services financiers auraient sur d'autres secteurs de l'économie.

L'industrie automobile s'oppose déjà depuis longtemps à l'entrée des banques dans le crédit-bail automobile: c'est un fait bien connu. Cette opposition va du fabricant jusqu'au concessionnaire. Nous pensons que si les banques sont autorisées à entrer sur ce marché, il en résultera à long terme une réduction de la concurrence, une diminution des choix offerts à la clientèle, une hausse des coûts de crédit-bail, des répercussions néfastes pour les concessionnaires automobiles présents dans presque toutes les localités de ce pays, et une perturbation de l'ensemble de l'industrie automobile.

C'est une perspective très sombre pour ce qui est aujourd'hui une industrie très saine et productive. Nous pensons que l'irruption des banques dans le crédit-bail automobile entraînerait ces conséquences pour six raisons.

Premièrement, le crédit-bail n'est pas la même chose qu'un prêt. Les restrictions imposées actuellement aux banques tiennent compte de cette distinction. Le crédit-bail suppose la propriété du véhicule, ce qui comporte une responsabilité à l'égard du risque résiduel et la gestion du risque des créances. Tout cela exige un engagement envers l'industrie automobile que les banques n'ont tout simplement pas.

Deuxièmement, les banques pourraient utiliser l'avantage au niveau du coût des fonds qui leur est donné par la loi pour évincer du marché leurs concurrents. De plus, il n'est pas viable pour les sociétés de financement de se transformer en banques afin livrer concurrence sur un pied d'égalité. En effet, le coût de l'entrée sur le marché bancaire est exorbitant, ainsi que d'autres témoins l'ont déjà signalé au comité.

Troisièmement, grâce à leur position dominante sur le marché des services financiers, les banques ont coutume de capturer des parts de marché et d'évincer les concurrents dans les nouveaux marchés par le recours aux produits d'appel. Une telle politique ne représente pas un appui à long terme de l'industrie automobile et entraînerait une diminution de la concurrence et une hausse correspondante des prix à la consommation.

Quatrièmement, si les banques étaient autorisées à offrir du crédit-bail, les concessionnaires locaux seraient placés en concurrence avec les mêmes institutions de dépôt qui leur fournissent la plus grande part de leur crédit d'exploitation. Ce serait un conflit d'intérêt flagrant.

Cinquièmement, le crédit-bail est un élément vital du secteur automobile, alors qu'il ne représente qu'une activité secondaire pour les banques. La location à bail, et particulièrement le crédit-bail à des taux de faveur pouvant atteindre 0 p. 100, un niveau inconnu des banques dont le taux descend rarement sous le taux préférentiel, a été mise sur pied et popularisée par les constructeurs et leurs sociétés de financement affiliées comme moyen de rendre les véhicules plus abordables. Cela était particulièrement important au cours de la période allant de 1988, année où les ventes ont atteint 1,5 million de véhicules, jusqu'en 1995 où les ventes sont tombées à moins de 1,2 million d'unités.

Sans le crédit-bail, il est tout à fait possible que le marasme aurait duré beaucoup plus longtemps entraînant la fermeture d'un plus grand nombre de concessionnaires et la perte des emplois correspondant dans tout le pays. Les banques apporteraient-elles un soutien similaire à l'industrie en période de récession économique? On peut en douter. Si les banques sont autorisées à pratiquer le crédit-bail et à éliminer la concurrence, y compris de nombreux petits concessionnaires, le secteur disposera de moins d'outils pour soutenir les ventes et l'activité économique.

Enfin, les sociétés de financement affiliées aux constructeurs appuient les concessionnaires de diverses façons autres que le crédit-bail, tel que le financement des stocks, le financement interne du crédit-bail, le financement d'équipements, le financement hypothécaire et des crédits d'exploitation. Pour certains concessionnaires déboutés par les banques, elles sont le prêteur de dernier recours.

Si les banques sont autorisées à entrer sur le marché du crédit-bail automobile et à le dominer comme elles dominent déjà celui des prêts, les sociétés de financement affiliées ne pourraient maintenir leurs services actuels aux concessionnaires. Il en résulterait moins d'options de financement pour les concessionnaires et, par voie de conséquence, moins de fournisseurs de produits automobiles aux consommateurs. Le Canada rural serait particulièrement vulnérable.

Monsieur le président, le rapport MacKay souligne que le crédit-bail automobile est offert par quelque 1 300 concessionnaires, 20 sociétés de financement affiliées, de nombreuses caisses de crédit et caisses populaires, ainsi que des programmes de quasi-location-bail administrés par les banques. La concurrence sur le marché de détail du crédit-bail automobile est intense -- beaucoup plus que dans le secteur bancaire lui-même.

Du point de vue des concessionnaires, dont beaucoup sont des détaillants à faible volume, les 25 à 30 transactions de location-bail qu'ils réalisent par an représentent presque 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires annuel et entre 20 000 $ et 25 000 $ de profit. Le rapport MacKay néglige l'importance de ces chiffres, mais ces transactions peuvent faire la différence entre la survie et la disparition pour certains de ces petits concessionnaires, souvent situés dans des régions où les fournisseurs d'automobile sont peu nombreux et éloignés. Vaut-il la peine de perturber ce marché afin de permettre à un petit nombre de banques d'accaparer une part de marché dans un autre domaine encore?

Les représentants des banques sont même allés jusqu'à se dire inquiétés par les sociétés de financement étrangères actives au Canada. Mais l'industrie automobile, qui emploie directement ou indirectement un Canadien sur sept, a investi au Canada plus que trois fois le profit réalisé au Canada par les constructeurs et leurs filiales de financement au cours des dix dernières années, soit plus de 23 milliards de dollars.

Pour conclure, nous ne voyons aucun avantage à long terme pour le consommateur de l'entrée des banques sur le marché du crédit-bail automobile. Celui-ci est une activité consistant à vendre et à acheter des voitures, ce qui est notre spécialité. Le Canada a énormément bénéficié du marché du crédit-bail actuel, avec des prix inférieurs à ceux des États-Unis et des contrats conviviaux et transparents. Il ne faut pas mettre tout cela en péril.

Nous vous demandons de reconsidérer la recommandation du rapport MacKay et vous exhortons à ne pas autoriser les banques à offrir du crédit-bail automobile. Sur ce, nous serons ravis de répondre aux questions des sénateurs.

Le président: Merci beaucoup. Avant de donner la parole au sénateur Austin, j'aimerais attirer votre attention sur deux passages du rapport du groupe de travail et vous demander ce que vous en pensez.

Le premier est un extrait de la page 110 du rapport MacKay, et je cite:

Le Canada semble être le seul pays développé où l'octroi de pouvoirs aux banques dans ce domaine a constitué un sujet de controverse important. Ainsi, dans son rapport annuel, General Motors signale que les principaux concurrents de sa société de financement General Motors Acceptance Corporation (GMAC) sont «les banques, les coopératives de crédit et les autres sociétés de crédit financier,» ajoutant que le volume des contrats de location-bail réalisés par cette société au Canada a augmenté de 46 p. 100 en 1997, tandis que «le maintien des pressions exercées par la concurrence aux États-Unis et sur le marché international a entraîné dans les deux cas une baisse des recettes tirées du financement par location-bail et du financement des achats au détail entre 1996 et 1997».

Puis, le deuxième document d'information signale que les banques américaines détiennent environ un tiers du marché du crédit-bail depuis 1990 et qu'aux États-Unis la part combinée des sociétés de financement des constructeurs automobiles et des banques est d'environ 80 p. 100, ce qui est à peu près la même part que celle des seules sociétés de financement des constructeurs au Canada.

J'ai du mal à concilier ces chiffres avec les sept prédictions apocalyptiques que vous faites dans votre déclaration liminaire; il semble exister une énorme contradiction entre les deux. Pouvez-vous m'expliquer en quoi il n'y a pas de contradiction ou bien pourquoi le Canada devrait être différent de tous les autres pays industrialisés?

Mme Kempston Darkes: Il y a des différences considérables sur le plan du crédit-bail entre le Canada et d'autres pays. Premièrement, je signale qu'aux États-Unis près de 10 000 établissements bancaires offrent du crédit-bail, comparé à seulement six qui le feraient au Canada.

Dans nombre des pays avec lesquels vous nous comparez, la location-bail intéresse surtout les exploitants de parcs automobiles qui louent ces véhicules aux consommateurs individuels. C'est un type de transaction très différent de celui qui a cours au Canada. Dans ces pays, 20 p. 100 des véhicules sont acquis sous forme de crédit-bail. Au Canada, aujourd'hui, le chiffre est supérieur à 50 p. 100. Ces transactions occupent de ce fait une place beaucoup plus importante qu'aux États-Unis et dans d'autres pays.

Vous dites que 80 p. 100 du marché est contrôlé par les sociétés de financement affiliées aux trois grands constructeurs. Mais ce chiffre baisse au fil du temps, parallèlement à la réduction de la part du marché des trois grands. En réalité, plus de 20 sociétés de financement affiliées sont actives sur ce marché aujourd'hui. Il y a, en sus, d'autres entités telles que GE Capital, PH&H et d'autres qui offrent également du crédit-bail. Donc, encore une fois, les marchés canadien et américain sont très différents.

Le président: J'admets que les volumes sont différents, mais il me semble que c'est surtout une différence de taille et non de nature. Je ne vois pas en quoi cela ferait une si grosse différence. En d'autres termes, si le marché du crédit-bail aux États-Unis suivait la tendance canadienne et parvenait au chiffre de 40 p. 100 ou 50 p. 100, est-ce que les constructeurs automobiles réclameraient alors que les banques renoncent au crédit-bail automobile et que l'on retourne en arrière?

Mme Kempston Darkes: Eh bien, je pense que les États-Unis ont un secteur bancaire beaucoup plus concurrentiel que le nôtre et lorsque 10 000 banques sont sur les rangs, le problème du coût des fonds revêt une autre dimension. L'énorme avantage dont jouissent les banques au Canada est beaucoup moins un facteur aux États-Unis où la concurrence pour les dépôts des consommateurs est beaucoup plus forte. C'est un élément clé. Au Canada, six banques sont littéralement en mesure d'éliminer tous les concurrents, alors qu'aux États-Unis, ce n'est pas le cas.

Le président: Je ne veux pas polémiquer avec vous, et je donnerai donc la parole au sénateur Austin, mais je ferai néanmoins une remarque. Je ne suis pas certain qu'il y ait un lien direct entre l'existence de 10 000 banques et un marché beaucoup plus concurrentiel. Je dis cela au vu de deux faits. Premièrement, selon des statistiques objectives, c'est-à-dire ne provenant pas des banques, les frais de services sont inférieurs de 30 p. 100 à 35 p. 100 au Canada. Deuxièmement, les marges sur les prêts aux petites entreprises, par exemple, sont inférieures au Canada. On pourrait donc dire que le très grand nombre de banques aux États-Unis interdit les économies d'échelle et qu'il pourrait bien, en réalité, ne pas être dans l'intérêt du consommateur.

Mme Kempston Darkes: Permettez-moi également de dire, sénateur, qu'il faut considérer la qualité des transactions aux États-Unis et la satisfaction du consommateur avec le marché du crédit-bail aux États-Unis. Plusieurs choses viennent à l'esprit.

Il n'est pas du tout évident que les consommateurs aux États-Unis soient bien servis par les banques en matière de crédit-bail. Avec le temps, on a vu des banques se retirer de ce domaine, étant incapables d'assumer les aléas cycliques de ce secteur. On a vu également les banques abuser des consommateurs en se défaussant sur eux de leurs erreurs en les contraignant littéralement à racheter les véhicules, contre leur gré.

Encore une fois, il n'est pas du tout établi que la présence des banques dans le crédit-bail soit bonne pour les consommateurs. Mes collègues voudront peut-être ajouter un mot à ce sujet.

M. Andrew L. Menzyk, président, Opérations de crédit canadiennes, Crédit Ford du Canada Limitée: Si je me fie à mon expérience américaine, je dirais que les banques dans ce pays se sont lancées dans le crédit-bail avec beaucoup de naïveté.

Au début, elles se sont montrées très agressives sur ce que nous appelons les valeurs résiduelles en fin de bail. Elles connaissaient mal le cycle automobile. Je ne parle pas du risque crédit, mais un fabricant est bien placé pour connaître le cycle du produit, pour savoir quels modèles disparaîtront et lesquels subsisteront, et cetera.

À la fin du bail, si un véhicule a été surévalué, le bailleur a l'option d'absorber la perte. Si le bailleur se trouve être une société de financement captive, elle sera désireuse de garder le client non seulement pour elle-même mais aussi pour le réseau de concessionnaires et le constructeur. C'est une perspective à long terme.

Aux États-Unis, lorsqu'elles sont confrontées à une perte potentielle de 1 000 $, 2 000 $ ou 3 000 $ à la fin d'un bail -- et environ 500 $ semblent être le seuil -- les banques utilisent généralement une méthode de télémarketing pour attirer l'attention du consommateur sur les frais d'usure excessive que le consommateur acquitte à la fin du bail. Elles usent de ce que j'appellerais des méthodes de pression, contournant le concessionnaire et s'adressant directement au consommateur pour le contraindre, en quelque sorte, à acheter le véhicule directement à la banque, bien que parfois à un prix favorable. Autrement dit, les banques évitent cette perte résiduelle.

Selon des études indépendantes effectuées par Moore Pace et J.D. Powers, le taux de satisfaction des consommateurs américains aux États-Unis à l'égard du crédit-bail est supérieur de 15 à 30 points lorsqu'ils traitent avec des sociétés de financement automobile captives. J'attribue cela directement au fait que ces sociétés ne veulent pas entamer la fidélité du client envers la marque. Par exemple, nous, chez Crédit Ford, avons le nom de Ford dans notre appellation; nous sommes liés au réseau de concessionnaires Ford et à la maison Ford.

Aux États-Unis, au moins, les banques n'ont pas été prêtes à absorber ce genre de pertes économiques à divers stades du cycle économique.

Le sénateur Austin: Ce domaine est celui qui me paraît personnellement le plus ardu dans notre examen du rapport MacKay. L'une des faiblesses que je vois dans votre argumentation est qu'aucune des valeurs que vous attribuez au financement des voitures par les constructeurs ne serait perdue dans un marché concurrentiel, car vous avez toujours le même intérêt à assurer la liquidité financière de votre réseau de concessionnaires. Les banques pourront peut-être pirater une partie de la crème, mais vous ne cesserez pas de financer les concessionnaires ou les achats des consommateurs. Pouvez-vous répondre à cette observation?

Mme Kempston Darkes: Oui, sénateur. Tout d'abord, nos sociétés de financement affiliées travaillent directement avec les constructeurs pour édifier un marché de l'automobile très solide dans ce pays. Nous sommes là pour le long terme et nous sommes toujours là pour le client.

Le fait est que nos sociétés de financement affiliées soutiennent les concessionnaires avec tous les types de transactions que les banques refusent. Qu'il s'agisse de location-bail d'équipements par le concessionnaire, de gros travaux de rénovation pour mieux satisfaire le client, d'hypothèques, tout ce que vous voulez, nos sociétés de financement affiliées sont là pour nos concessionnaires et nos clients.

Si nous perdons le crédit-bail, nous n'aurons plus la viabilité financière pour continuer à financer toutes les facettes de l'activité des concessionnaires, et c'est un élément vital pour ces derniers. Si les banques écrèment la partie du marché qui les intéresse, cela entame sérieusement la capacité financière de nos sociétés de financement affiliées de soutenir à long terme notre réseau de concessionnaires. C'est un énorme enjeu pour nous.

On ne peut ouvrir et fermer le crédit-bail automobile comme un robinet. Les banques ont cessé d'en offrir aux États-Unis et, comme vous le savez, il y a deux semaines, Canada Trust s'est retiré du financement des véhicules dans les provinces à l'ouest de l'Ontario. Si on laisse les banques perturber le marché à court terme et évincer nos sociétés de financement affiliées, nos concessionnaires seront durement touchés par notre incapacité à financer toutes leurs opérations. L'histoire du crédit-bail bancaire montre qu'elles sont là pour une courte période et se retirent ensuite.

Une fois que les banques ont perturbé pendant un certain temps le marché du crédit-bail, il devient très difficile pour les sociétés de financement affiliées de soutenir le réseau de concessionnaires à plus long terme, et c'est là notre rôle. Nous sommes là pour nos concessionnaires et pour le long terme.

Le sénateur Austin: Pouvez-vous nous donner une idée du taux de rendement de vos activités de crédit-bail au Canada?

M. Menzyk: Encore une fois, c'est très cyclique. Je dirais que sur un cycle économique de 10 ou 12 ans, vous arrivez probablement à une moyenne autour de 15 p. 100. Mais les fluctuations sont énormes, selon l'état du marché d'occasion à un moment donné, au point que vous pouvez essuyer des pertes pendant une court période, peut-être un an ou deux.

Le sénateur Austin: J'aillais faire observer que votre rendement sur un cycle de 10 ans est environ le même que celui des banques.

Où est prise la décision quant à l'intensité de la concurrence que les banques vous livreraient? Où, dans la chaîne des transactions, les banques seraient-elles les mieux placées pour vous concurrencer?

M. Menzyk: J'aimerais revenir sur plusieurs points que vous avez soulevés précédemment. Du fait qu'elles ont un oligopole national, l'avantage des banques sur le plan du coût des fonds leur permettrait certainement d'éliminer les autres concurrents.

Vous avez dit qu'elles écrémeraient le marché. C'est un autre élément de la compétitivité. À moins d'être dans ce que les États-Unis ont constaté être un marché croissant, celui que j'appelle subpréférentiel et d'aucuns non-préférentiel, vous ne pouvez avoir tout un portefeuille de crédits de qualité inférieure. Il faut étaler le risque crédit et c'est là où les sociétés de financement des constructeurs, à l'appui du réseau de concessionnaires et du fabricant, acceptent une gamme de risques crédit plus ouverte. Mais cela n'est possible qu'à condition d'avoir accès à toute la gamme de risques.

Si vous êtes confinés dans la marge inférieure, vous êtes contraints de devenir une compagnie à taux subpréférentiel, ce que nous ne voulons certainement pas. Nous voulons offrir du crédit aux clients marginaux, mais lorsque je dis «clients marginaux», je ne veux pas dire nécessairement des clients mauvais payeurs. Il peut s'agir de clients qui n'ont pas d'antécédents de crédit, tels que des jeunes. Le niveau de soutien marginal que l'on peut offrir dépend de la part de crème, comme vous dites, qui vous revient.

Mme Kempston Darkes: Les banques accaparent la plus grande part de l'activité prêt. Elles jouissent de peut-être 90 p. 100 de ce marché. Nous n'en avons que 10 p. 100 par le biais de nos sociétés de financement affiliées, lesquelles servent les clients présentant les plus gros risques.

Mais, cela dit, avez-vous vu une seule publicité de banque, cet été, annonçant des prêts à prix réduit? Or, c'était probablement le marché automobile le plus concurrentiel que nous ayons jamais vu. Si vous lisiez les journaux pendant l'été et l'automne, vous avez vu annoncer des taux d'intérêt de 2,9 p. 100, 1,9 p. 100, 0,9 p. 100. Pas une seule banque ne s'est mise sur les rangs. Personne n'est venu concurrencer ces taux d'intérêt.

M. Menzyk: Je mentionnerais également les marchés ruraux. La distance géographique fait qu'il est souvent plus coûteux de servir ces marchés et, de façon générale, la plupart des banques et sociétés de financement tendent à avoir des prix uniques pour tout le Canada, contrairement aux États-Unis où les taux sont variables. En général, ce qui se passe au Canada est précisément ce que Canada Trust a fait, en décidant de ne plus offrir de services sur un marché local. De toute évidence, cela se répercute sur les petits concessionnaires ruraux et leur clientèle.

Mme Kempston Darkes: Comme vous le savez, maints concessionnaires ont leur propre service de crédit-bail interne. Nous avons ici une situation où les banques prêtent à ces concessionnaires et en même temps veulent les concurrencer. Il y a là un conflit d'intérêts inhérent qui fera beaucoup de tort aux concessionnaires de tout le pays.

Le sénateur Austin: Permettez-moi de revenir sur un point que vous avez évoqué au sujet du crédit des sociétés de financement des constructeurs. Dans quelle mesure votre compétitivité est-elle améliorée par votre capacité à offrir du crédit à bas prix à titre de produit d'appel? Autrement dit, il y a toute une série de comptes entre le prix du fabricant et le concessionnaire. Le tout se résume en un chiffre final quelque part. Par conséquent, vous avez une flexibilité pour ce qui est du prix total du produit fourni au consommateur.

Mme Kempston Darkes: Le crédit-bail a été mis au point par les constructeurs automobiles pour rendre l'achat plus abordable pour le consommateur. Les chiffres de vente étaient en chute libre du fait que le revenu disponible des Canadiens stagnait et que le prix des voitures augmentait avec les systèmes de contrôle des émissions et autres contraintes imposées au fabricant. Les consommateurs n'avaient plus les moyens d'acheter des voitures neuves et c'est pourquoi nous avons mis au point la formule du crédit-bail.

Il est évident que nous n'aurions pas le niveau de vente que nous avons actuellement sans cela. Il était évident que les ventes de produits automobiles au Canada étaient sur une pente descendante par manque de moyens des acheteurs. Nous sommes intervenus avec le crédit-bail pour essayer de préserver une industrie automobile solide dans ce pays.

Nous sommes maintenant en concurrence les uns avec les autres chaque jour pour la vente de véhicules aux clients. S'il est une industrie au monde plus concurrentielle que le crédit-bail automobile, je ne la connais pas.

J'aimerais maintenant dire un mot sur un aspect des sociétés de financement affiliées. Je sais qu'un vice-président de la Banque Toronto-Dominion a affirmé que nous rapatrions tous nos profits aux États-Unis. Rien n'est plus loin de la vérité.

Au cours des dix dernières années, 85 p. 100 des profits des sociétés de financement affiliées ont été réinvestis au Canada. Au cours de la dernière décennie, 300 p. 100 des profits des trois grands constructeurs ont été réinvestis au Canada. Ces accusations de fuite des capitaux ne sont que des balivernes.

Le sénateur Austin: Le problème que vous me posez est que plus vous parlez et plus je suis assuré que vous pourrez maintenir votre compétitivité et votre viabilité, même contre les banques. Elles vont écrémer le marché, mais comment pourraient-elles vous battre au niveau du produit de financement final?

Mme Kempston Darkes: Elles peuvent nous battre parce qu'elles ont un avantage de 300 à 400 points de base au niveau du coût des fonds. Ensuite, elles peuvent écrémer ce qui les tente.

N'oubliez pas que nous sommes là pour l'industrie automobile tout entière. Nous sommes là pour soutenir l'industrie en période de vaches grasses et en période de vaches maigres et nous ne pouvons entrer et sortir à notre gré. Nous devons être là pour le soutien à long terme.

Le sénateur Austin: Je remarque que vous n'avez pas exprimé d'appréhension au sujet de la vente liée et de l'accès des banques à tous les renseignements sur la situation financière de ses clients. Voyez-vous là un problème, le fait que la banque ait davantage accès au client que vous? Vous ne voyez le client qu'une fois. Est-ce là également un problème de compétitivité?

Mme Kempston Darkes: Oui, tout à fait. Nous pensons que les banques sont intéressées par le crédit-bail à titre de produit d'appel, uniquement pour attirer davantage de clients dans la banque et leur vendre d'autres services. Nous faisons du crédit-bail parce qu'il fait vivre toute l'industrie automobile. Le crédit-bail peut faire la différence entre la survie et la faillite pour nos concessionnaires dans tout le pays.

Les banques veulent offrir du crédit-bail uniquement à titre d'autres services à vendre aux clients et leur vendre ensuite autre chose. La vente liée est certainement un problème et elle sera très difficile à contrôler. Prenez, par exemple, un concessionnaire n'importe où au Canada. Ces stocks ont été financés par la banque qui veut maintenant le concurrencer auprès des mêmes clients. La banque possède littéralement les noms et adresses et tous les renseignements financiers sur ses clients. Comment pourrait-elle ne pas réussir avec ce genre de moyen et comment le concessionnaire pourrait-il concurrencer cela?

Le sénateur Austin: Pensez-vous que s'il y avait deux banques dans ce pays jouissant d'environ 70 p. 100 des dépôts de détail, cela ferait une différence sur le plan de votre compétitivité si elles étaient autorisées à vendre du crédit-bail automobile? Est-ce que cela ferait une différence en bien ou en mal ou pas du tout?

M. Menzyk: Je dirais que moins il y aurait de banques faisant du crédit-bail, mais il y aurait de banques. Mais en faisant du crédit-bail, il est plus facile pour les banques de contrôler le marché. Elles peuvent agir à court terme de manière à évincer les concurrents. Cela présente deux inconvénients: premièrement, le fait qu'il y a moins de concurrence; et deuxièmement, si elles trébuchent dans ce domaine, et s'il n'y a plus qu'un ou deux fournisseurs, alors tout le secteur bancaire lui-même se trouve ébranlé.

Le sénateur Austin: Si j'ai bien compris, votre réponse est que s'il y avait deux banques détenant environ 70 p. 100 du marché de détail au Canada, elles représenteraient une présence concurrentielle encore plus agressive pour vous.

Mme Kempston Darkes: Oui.

Le sénateur Callbeck: Bonjour. J'ai deux ou trois questions sur votre mémoire.

À la page 2, vous parlez des services offerts par les sociétés de financement affiliées et vous demandez:

Les banques auraient-elles un engagement similaire envers l'industrie en période de récession économique?

Dans le paragraphe suivant, toujours à propos des sociétés de financement affiliées, vous dites:

Elles ont agi comme prêteur de dernier recours pour les petits concessionnaires dont les demandes de crédit ont été rejetées par les banques.

Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela? Avez-vous des données que vous pouvez nous communiquer?

Mme Kempston Darkes: C'est un fait avéré que nous pouvons vous démontrer. La plupart des banques aujourd'hui sont réticentes à prêter aux petits concessionnaires ruraux. Ces concessionnaires ont réellement de besoin de l'intervention de nos sociétés de financement affiliées.

S'agissant d'hypothèques immobilières, la plupart des banques refusent les montants demandés par les concessionnaires, ce qui oblige la société de financement affiliée soit à garantir l'emprunt soit à fournir un montant complémentaire.

La plupart des banques aujourd'hui ne sont pas intéressées à prêter aux concessionnaires pour les nouveaux équipements dont ils ont besoin et nous avons constaté à maintes reprises que lorsque les concessionnaires arrivent au plafond de leur ligne de crédit, les banques retirent le crédit si bien que les concessionnaires s'adressent à nous pour un financement durable. Nous pouvons le démontrer, nous avons de nombreux exemples.

Le sénateur Callbeck: Nous avons certainement entendu des histoires de ce genre mais je n'ai jamais vu de chiffres ou de statistiques.

Mme Kempston Darkes: Le cas le plus récent où les sociétés de financement affiliées ont dû intervenir pour soutenir les concessionnaires est le retrait de Canada Trust du financement du véhicule dans les provinces à l'ouest de l'Ontario.

Le sénateur Callbeck: Vous dites dans votre mémoire que vous ne voulez pas voir les institutions de dépôt fédérales louer à bail des voitures. Vous mentionnez que les caisses de crédit le font. Puis-je conclure que ces dernières ne vous posent pas de problème?

Mme Kempston Darkes: Tout d'abord, leur niveau d'activité à ce stade est relativement réduit et nous n'avons pas vu les caisses de crédit traverser un gros creux cyclique. Nous ne savons donc pas comment elles se comporteront. Il faut savoir résister pendant les périodes de vaches maigres et nous n'avons pas encore vu l'effet d'une période de vaches maigres sur les institutions provinciales. Cependant, je m'inquiéterais si elles s'engageaient très loin et si les pertes sur les valeurs résiduelles, et cetera, commençaient à s'accumuler en période de récession. Cela pourrait mettre en danger ces institutions provinciales. Mais, encore une fois, il faudra attendre de traverser une telle période pour voir.

Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question. Le rapport MacKay, à la page 97, donne des chiffres et indique qu'un tiers des concessionnaires détiennent des portefeuilles de location-bail et que cela représente de 10 p. 100 à 15 p. 100 du marché de la location-bail de véhicules légers.

Si le statu quo était maintenu, autrement dit si les banques n'étaient pas autorisées à offrir du crédit-bail, pensez-vous que ce chiffre de 10 p. 100 à 15 p. 100 augmenterait? Envisagez-vous que davantage de concessionnaires offriraient du crédit-bail?

M. Menzyk: Je pense que le chiffre resterait à peu près stable. Les concessionnaires offrent du crédit-bail depuis pas mal d'années. Il est un peu plus difficile pour le petit concessionnaire d'équilibrer le risque de son portefeuille du point de vue de la valeur de ses véhicules à la fin du bail.

De manière générale, je dirais que la plupart des clients de ces concessionnaires sont des clients locaux ayant des besoins particuliers ou personnalisés que les concessionnaires connaissent bien et auxquels ils offrent des services sur mesure.

Cependant, avec les programmes compétitifs que le fabricant offre, je ne pense pas que ce soit un marché en expansion pour les concessionnaires. Je pense que les choses resteraient à peu près en l'état.

M. Brian D. Vasey, vice-président-directeur général, Nissan Canada Finance Inc.: J'aimerais faire juste une remarque. Lorsque les concessionnaires proposent leur financement interne, ils doivent évidemment négocier une ligne de crédit avec la banque. Les taux qu'ils peuvent consentir sont donc dictés par ceux que la banque leur impose. Finalement, nos taux bonifiés risquent d'être inférieurs à cela. Cela fait qu'il est plus facile pour eux de recourir aux programmes de la société de financement affiliée.

Le sénateur Di Nino: Dans votre exposé, vous dites qu'il faudrait interdire aux institutions de dépôts sous régime fédéral d'offrir le crédit-bail sur les petits véhicules parce qu'elles le font déjà, évidemment, sur les poids lourds, et cetera.

Expliquez-nous pourquoi il faudrait établir une distinction entre les institutions de dépôts sur régime fédéral et les caisses de crédit et sociétés fiduciaires sous régime provincial.

Mme Kempston Darkes: C'est une question de taille s'agissant des premières. Nous n'avons que six banques dans ce pays et elles jouissent déjà d'une énorme puissance commerciale. Il est simplement beaucoup plus difficile de les concurrencer.

Comme vous l'avez dit, les banques ont offert du crédit-bail sur les équipements lourds. Mais, constatant qu'elles essuyaient des pertes, elles se sont très rapidement retirées de ce domaine. Leur présence dans ce domaine n'a apporté aucun avantage à long terme.

Les institutions sous régime provincial offrent du crédit-bail à beaucoup plus petite échelle. Les caisses au Québec en font, mais à beaucoup plus petite échelle. La viabilité de la location-bail pour les institutions provinciales dépend des cycles économiques.

N'oubliez pas que la location-bail est l'essentiel de notre activité. Nous sommes là quand la conjoncture est bonne comme quand elle est mauvaise. Lorsqu'il y a des pertes, nous les absorbons, parce que c'est un élément normal de notre activité. Nous sommes là à long terme pour vendre des voitures et des camions et soutenir les concessionnaires. Mais vu les creux cycliques que nous connaissons dans ce secteur, on peut se demander pendant combien de temps les institutions provinciales vont résister.

M. Menzyk: J'ajouterais que si une institution provinciale coulait, les sociétés de financement affiliées des constructeurs pourraient absorber ce volant d'affaires rapidement et minimiser les perturbations ressenties par les concessionnaires et les fabricants. En revanche, si une banque nationale ayant conquis une part de marché importante se retirait de ce domaine, il serait beaucoup plus difficile de combler la brèche et d'éviter de lourdes conséquences au niveau du crédit automobile.

Le sénateur Di Nino: Dites-vous que si les institutions sous régime provincial devenaient suffisamment importantes et avaient une part de marché suffisamment grande, vous seriez opposés également?

M. Menzyk: Les craintes seraient similaires.

Le sénateur Kolber: Si vous pouviez être parfaitement objectif, diriez-vous que si les banques étaient autorisées à louer à bail les petits véhicules ce serait avantageux pour le consommateur canadien?

Mme Kempston Darkes: Absolument pas, et je vais vous dire pourquoi. À court terme, il pourrait y avoir une petite baisse des prix payés par le consommateur, mais à long terme, une fois que tous les autres seraient évincés, il y aurait moins de concurrence et les prix grimperaient.

Le sénateur Kolber: Pourquoi les prix grimperaient-ils?

Mme Kempston Darkes: Parce qu'il n'y aurait plus personne sur ce marché, vu le coût des fonds...

Le sénateur Kolber: Dites-vous que si les banques arrivaient, vous devriez tous plier bagages?

Mme Kempston Darkes: Fondamentalement, nous ne pouvons concurrencer les banques sur le terrain du coût des fonds. Elles ont un avantage de 300 à 400 points de base au niveau du coût des fonds que nous ne pouvons égaler.

Si vous cherchez des données objectives, comparez les taux de location-bail au Canada et aux États-Unis.

Le fait est que les taux au Canada sont inférieurs de 1 p. 100 à 2 p. 100 à ceux des États-Unis, où toutes les banques font du crédit-bail. Ici, nous avons un marché très concurrentiel qui favorise davantage le consommateur que le marché américain aujourd'hui.

Le sénateur Kolber: Mais il me semble que dans votre déclaration liminaire vous parliez de l'avantage que représente l'existence de 10 000 banques là-bas.

Mme Kempston Darkes: Cet avantage n'a pas été répercuté sur le consommateur puisque les taux payés par les consommateurs sont inférieurs de 1 p. 100 à 2 p. 100 au Canada.

Le sénateur Kolber: Mais c'est vrai de tout le secteur bancaire. Les banques communales aux États-Unis font payer le taux préférentiel plus 3 p. 100, 4 p. 100, 5 p. 100 et 6 p. 100, ce qui est inouï au Canada. Cependant, ce n'est pas là notre sujet aujourd'hui.

Permettez-moi de vous demander ceci. Les banques font du crédit-bail. Elles louent à bail des avions. Elles louent des navires. Elles louent des camions. Avez-vous des preuves que cela a perturbé le marché dans ces domaines?

M. Vasey: Je ne suis pas en mesure de répondre car ce n'est pas mon domaine. J'aimerais cependant ajouter une chose pour ce qui est du crédit-bail bancaire.

L'une de nos craintes, en tant que représentants d'un petit constructeur au Canada, si les banques offrent du crédit-bail, est le fait qu'un grand nombre de nos petits concessionnaires dans les petites localités rurales du Canada ont du mal à survivre aujourd'hui. Souvent, le volet crédit-bail est ce qui leur permet de survivre. S'ils perdaient ces revenus, ils seraient dans une situation très précaire.

Il y a aussi le problème que ces concessionnaires seraient en concurrence avec les banques dont ils dépendent pour leurs crédits d'exploitation.

Le sénateur Kolber: Dites-vous qu'il nous faut choisir entre la viabilité à long terme de l'industrie automobile au Canada et autoriser les banques à réaliser quelques profits supplémentaires?

Mme Kempston Darkes: Je pense que le maintien d'une industrie automobile saine dans ce pays est essentiel. Je pense que le maintien en bon état d'un réseau de concessionnaires qui emploient 100 000 Canadiens est très important, oui.

Pour ce qui est du crédit-bail offert par les banques pour le matériel lourd, vous remarquerez que leur taux de participation dans ce domaine a très nettement reculé. Elles ont essuyé des pertes et se sont, là aussi, retirées. C'est une chose que nous, dans notre industrie, ne pouvons faire car nous sommes là pour le long terme.

Le président: J'aimerais poser une question complémentaire, suite à votre réponse au sénateur Kolber sur le fait que les banques supplantent autrui.

À la page 1 de votre mémoire, vous dites:

... les banques ont coutume de capturer des parts de marché et d'évincer leurs concurrents dans les nouveaux marchés par le recours aux produits d'appel.

J'ai entendu des affirmations similaires au cours des sept ou huit années que je siège à ce comité. J'ai demandé chaque fois à nos interlocuteurs de nous apporter une preuve, un ou deux exemples prouvant la véracité de cette affirmation. Si vous n'avez pas d'exemple en tête, réfléchissez-y et communiquez-les-moi, car jusqu'à présent je n'ai pas trouvé une seule preuve à l'appui de ce genre d'affirmation.

Mme Kempston Darkes: Dans notre industrie, les banques ont 90 p. 100 du financement au détail. Notre part n'est que de 10 p. 100, et il s'agit essentiellement des clients rejetés par les banques.

M. Mark A. Nantais, président, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Monsieur le président, je pourrais peut-être ajouter un mot à cela. Il y a quatre ans, le vice-président principal de la Banque de Nouvelle-Écosse, James O'Donnell, a dit à la Consumer Bankers Association américaine que les prêts automobiles étaient un excellent produit d'appel pour les autres produits offerts dans les succursales canadiennes, tels qu'hypothèques, dépôts, produits de placements, cartes de crédit et de débit, car l'approche de la banque aujourd'hui consiste davantage à édifier une relation suivie avec la clientèle en vue de pratique la vente croisée. La stratégie n'est donc pas seulement de poursuivre le marché automobile indirect mais de viser en même temps tout autre marché indirect disponible aujourd'hui.

Le président: Je suppose que la question est de savoir à partir de quel moment cela est dans l'intérêt du consommateur ou non.

Le sénateur Oliver: On entend toutes sortes de statistiques différentes. L'Association des banquiers canadiens a fait une étude et rassemblé les statistiques suivantes que j'aimerais vous soumettre.

L'Association des banquiers canadiens a dit qu'en février et mars de cette année, les taux d'intérêt canadiens sur les véhicules en location-bail, un domaine dont les banques sont exclues, étaient en moyenne supérieurs de 1,2 p. 100 aux taux américains. Parallèlement, les taux sur les prêts automobiles, que les banques sont autorisées à offrir, étaient de 0,32 p. 100 inférieurs aux taux américains.

Mme Kempston Darkes: Je suis heureux que vous abordiez cela, très franchement, car nous estimons que cette étude est gravement biaisée, pour plusieurs raisons.

Premièrement, lorsqu'ils ont comparé les taux de location-bail aux États-Unis et aux Canada, ils n'ont pas tenu compte des taux bonifiés réellement disponibles sur le marché. Ils ont pris uniquement le taux nominal.

Deuxièmement, cette étude a été faite dans un environnement américain où la transparence complète n'est pas assurée. Aussi, ces taux n'englobent-ils pas tous les frais d'administration, les frais de clôture, et cetera qui peuvent être englobés dans un contrat de crédit-bail. Au Canada, en revanche, les sociétés de financement affiliées pratiquent la transparence complète. Ainsi, les taux canadiens paraissent supérieurs parce qu'ils englobent des frais que les institutions américaines n'englobent pas vu qu'elles ne sont pas obligées de les divulguer.

Le sénateur Oliver: Le fait qu'elles ne soient pas obligées de les divulguer ne signifie pas que ce sont des frais de clôture.

Mme Kempston Darkes: Nous savons qu'il y a des frais de clôture.

M. Menzyk: Dans un crédit-bail bancaire, il y a habituellement des frais d'acquisition payés au début du bail se situant entre 350 $ et 500 $US.

Le sénateur Oliver: Ce montant est-il crédité à la fin du bail?

M. Menzyk: Non. Habituellement ce montant est ajouté au coût capitalisé du véhicule.

Ensuite, normalement, le consommateur se retrouve à payer l'une de trois redevances lorsque le véhicule est vendu. Il y a une pénalité de prépaiement de 250 $, en général, si le bail est résilié prématurément. Si vous rendez le véhicule, il y a des frais de liquidation, généralement de 250 $, bien que le montant puisse atteindre 400 $. Dans certains cas, si vous choisissez de racheter le véhicule à la fin, il y a des frais d'option de rachat, qui sont aussi normalement de 250 $. À l'occasion, les frais d'options de rachat de 250 $ seront annulés pour inciter le consommateur à acheter le véhicule si la valeur en fin de bail est nettement inférieure à la valeur marchande réelle du véhicule.

Le sénateur Oliver: Est-ce que les contrats au Canada englobent ces trois redevances aujourd'hui?

M. Menzyk: C'est le cas de certains, mais avec l'obligation de transparence, la répercussion sur le taux d'intérêt est englobée. Si votre taux d'intérêt normal est de 7 p. 100, mettons, si vous avez des frais de 500 $, le taux effectif passe à 8 p. 100 ou 9 p. 100. De manière générale, les frais aux États-Unis font augmenter le taux réel de 1 p. 100 à 2 p. 100.

L'autre chose à signaler aux États-Unis est que, bien que le règlement «M» impose la divulgation des conditions de location-bail, cette divulgation n'englobe pas le taux d'intérêt. Il s'agit essentiellement de la divulgation du coût capitalisé du véhicule, autrement dit les frais, la valeur en fin de bail et le paiement mensuel. Mais nulle part n'est-il prévu une ventilation des frais ou du taux d'intérêt. On indique ce que sont les frais, mais pas présentés nécessairement de manière à ce que le consommateur puisse déterminer le taux d'intérêt réel payé sur ce bail.

Le sénateur Oliver: Est-ce que vous ou vos associations avez effectué une étude similaire ou avez-vous d'autres chiffres à nous soumettre pour montrer les différences véritables, selon vous?

M. Menzyk: Oui.

Le sénateur Oliver: Pourriez-vous nous les faire parvenir?

M. Menzyk: Oui.

Mme Kempston Darkes: Encore une fois, sénateur, l'un des autres problèmes de cette étude est qu'elle négligeait les coûts bonifiés. Pendant tout l'été, vous avez pu voir des taux de crédit-bail de 2,9 p. 100, et cetera. parce que le marché était si concurrentiel et que nous essayions de stimuler les ventes, mais cette étude n'en a pas tenu compte. Ils ont comparé les taux de manière très partiale et nous pouvons le prouver.

Le sénateur Oliver: Le rapport MacKay dit à la page 97 que les institutions de dépôts ont reçu le pouvoir de conclure des contrats de crédit-bail en 1980 mais que, suite aux récriminations des concessionnaires automobiles, l'entrée en vigueur a été reportée et reportée. C'était il y a 18 ans, et l'attente semble interminable.

J'aimerais également vous demander votre avis sur certaines conclusions du rapport que le groupe de travail MacKay a commandé à DesRosiers Automotive Consultants Inc. Ce rapport indique que les valeurs résiduelles sont devenues si élevées qu'un certain nombre de concessionnaires se retrouveront bientôt avec sur les bras des véhicules sur lesquels ils ont placé une valeur résiduelle trop forte.

Si les banques étaient sur ce marché, cela n'égaliserait-il pas les choses car elles absorberaient ainsi une partie de ces pertes?

Mme Kempston Darkes: Le crédit-bail diffère du simple crédit en ce sens que le bailleur reste propriétaire du véhicule et en assume le risque résiduel. Lorsque cette situation se produit, les sociétés de financement affiliées et les concessionnaires absorbent ce coût, car cela fait partie de leur exploitation.

Aux États-Unis, lorsque les banques faisant du crédit-bail se sont retrouvées dans cette situation, elles ont en fait répercuté ce coût sur le consommateur en contraignant celui-ci à acquérir le véhicule par le biais de leur système de télémarketing. C'est donc le consommateur qui assume ce risque résiduel. Lorsqu'une telle situation se produit au Canada, ce qui est très possible étant donné la nature cyclique de notre marché, c'est nous qui assumons le risque, pas le client.

M. Menzyk voudra peut-être ajouter un mot.

Le sénateur Oliver: Le rapport DesRosiers indique que les valeurs résiduelles sont devenues si élevées dans le but d'attirer le client et qu'il semble que vous allez essuyer pas mal de pertes sur ces valeurs résiduelles élevées.

M. Menzyk: Nous avons certainement absorbé des pertes sur les locations-bail, sur la valeur en fin de bail.

Cela me ramène à ce que je disais de l'expérience faite aux États-Unis avec les banques. Comme toute société de financement captive, Crédit Ford doit aborder le consommateur dans une perspective à long terme. Nous cherchons à fidéliser ce client auprès du réseau de concessionnaires, du fabricant, et c'est pourquoi nous avons absorbé ce coût. Cela nous a certainement coûté très cher en Amérique du Nord au cours des deux dernières années. Cela ne signifie pas que nous n'avons pas ajusté les taux, mais le fait est que ce genre de coût n'en est pas un que nous pensons pouvoir infliger au consommateur sans l'irriter contre le constructeur et le concessionnaire. Pour nous, la fidélité du client est essentielle. Et c'est un impératif que la banque ne partage pas. Ce qui compte pour nous, c'est l'industrie automobile. C'est notre domaine.

Le sénateur Joyal: Je vous remercie. Dans votre déclaration liminaire vous avez fait état de la recommandation no 21, qui préconise d'autoriser les banques et les compagnies d'assurance-vie à faire du crédit-bail. Ensuite, votre mémoire ne parle plus des compagnies d'assurance-vie.

Devons-nous en conclure que vous acceptez que les compagnies d'assurance-vie offrent du crédit-bail?

Mme Kempston Darkes: Je ne pense pas qu'elles soient très intéressées à le faire.

M. Menzyk: Ce sont surtout les banques qui nous inquiètent, à cause de leur taille. Si une compagnie d'assurance se trouvait en mesure de contrôler le marché dans une large mesure, nos réserves seraient les mêmes. Contrairement à une banque ou une compagnie d'assurance, nous n'allons pas nous retirer du crédit automobile si les choses tournent mal. Mais pour durer, nous devons rester en bonne santé.

Si une compagnie d'assurance avait l'envergure de l'une des grandes banques, notre préoccupation serait tout aussi grande.

Le sénateur Joyal: À la page 2 de votre mémoire, vous faites état du conflit d'intérêts entre le concessionnaire local et l'établissement de crédit, c'est-à-dire la banque.

C'est une situation qui existe aussi sur le marché américain. Avez-vous fait une étude pour déterminer comment les concessionnaires automobiles américains s'en tirent face à ce conflit d'intérêts potentiel ou réel? Avez-vous fait une étude à ce sujet?

M. Menzyk: C'est l'une des difficultés les plus notables et, encore une fois, je me fie en cela à mon expérience américaine.

Aux États-Unis, les sociétés de crédit-bail des concessionnaires sont d'une envergure peut-être dix fois moindre qu'au Canada. Pour ce qui est du conflit d'intérêts, comme je l'ai déjà indiqué, la banque contrôle le taux auquel elle prête à la société de location-bail. Si la banque pratique elle-même directement ou indirectement le crédit-bail, elle a un conflit d'intérêts par rapport au concessionnaire. Aux États-Unis, il n'y a pas le même niveau de sociétés de location-bail de concessionnaires -- c'est à dire appartenant aux concessionnaires.

Le sénateur Joyal: À la page 2 de votre mémoire, vous mentionnez les caisses populaires. Vous vous souviendrez de la réaction virulente lorsque le gouvernement du Québec a autorisé les caisses populaires à offrir du crédit-bail. Avez-vous pu déterminer l'impact de l'arrivée des caisses dans ce domaine? Elles sont très implantées au niveau local, c'est-à-dire là où vous craignez le plus fort impact si les banques étaient autorisées à offrir du crédit-bail dans les petites villes et les localités rurales.

M. Menzyk: Il y a un an environ, les caisses populaires sont arrivées avec des contrats de crédit-bail à des conditions très favorables. Je ne sais pas pourquoi, mais après quatre ou cinq mois, elles ont regardé leurs prix et battu en retraite. Elles sont arrivées avec des valeurs résiduelles très agressives et des taux très attrayants, mais cela n'a pas duré longtemps. Je ne peux pas vous dire pourquoi elle ont baissé leurs valeurs résiduelles et sont devenues beaucoup plus sélectives dans leurs décisions de crédit.

Le sénateur Austin: La discussion ce matin a surtout porté sur l'état du marché automobile aujourd'hui, alors que nous devrions plutôt nous demander ce qu'il sera dans cinq ou dix ans.

Envisagez-vous que les voitures seront vendues sur l'Internet directement par les fabricants ou de gros détaillants et que tout le financement pourra être conclu sur l'Internet. Est-ce que cela modifierait la forme et la nature de la distribution de détail?

Mme Kempston Darkes: Permettez-moi de répondre la première, sénateur. Il ne fait aucun doute que la vente au détail va évoluer au fil des ans, et ce conformément aux souhaits des consommateurs. Mais dans le secteur automobile, cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'on vend à la fois un produit et un service. Acheter le produit est une chose, mais le service après-vente en est une autre.

Les concessionnaires ont un rôle absolument essentiel dans cette équation. Nous sommes convaincus que les concessionnaires automobiles auront un rôle à l'avenir, car ils fournissent le service après-vente. Il est également essentiel que ce service puisse être offert partout au Canada, ce qui explique l'importance à nos yeux des concessionnaires ruraux.

L'Internet sera certainement un facteur. De fait, vous pouvez aller sur l'un de nos sites Web aujourd'hui et trouver des renseignements très détaillés sur les véhicules offerts à la vente. À l'avenir, oui, vous pourrez obtenir le financement sur l'Internet et peut-être même acquérir le produit sur l'Internet.

À notre avis, ce produit sera toujours livré par un concessionnaire. Le côté service après-vente de l'équation -- le service au client -- exige une grande proximité et c'est là où les concessionnaires continueront à être indispensables pour assurer de bons services à la clientèle.

Le sénateur Austin: On voit proliférer des entreprises de services qui n'ont rien à voir avec la vente de voitures, telles que Canadian Tire et beaucoup, beaucoup d'autres. Selon elles, les profits résident du côté des services beaucoup plus que de la distribution de détail.

La concurrence peut jouer dans le sens de la vente directe par le constructeur. Le produit pourrait être livré par l'intermédiaire de quelque dépôt de livraison, et le concessionnaire sera-t-il réellement un élément vital du marché à l'avenir?

Mme Kempston Darkes: Nous considérons le concessionnaire comme absolument essentiel dans le marché futur, car rien ne supprimera le désir du consommateur d'un service de haute technologique et de haute qualité pour son véhicule.

Aujourd'hui, les fabricants mettent beaucoup l'accent sur la formation des mécaniciens des concessionnaires. Chez General Motors, je peux vous dire que nous dépensons des sommes énormes pour la formation des techniciens de concessionnaires. Nous ne sommes pas prêts à laisser à n'importe qui le service après-vente. Ce sont des produits de très haute technologie. Ils doivent être bien entretenus et réparés, par des mécaniciens qui les connaissent à fond.

Plus les véhicules deviennent complexes et plus l'impératif de la formation chez les concessionnaires deviendra grand. La réussite à l'avenir dépendra de la qualité des vendeurs et du service après-vente. Notre réputation dépend de la qualité du service offert sur le marché. Pour cela, nous continuerons à faire confiance à nos concessionnaires.

Le sénateur Austin: Si les banques étaient autorisées à louer à bail les véhicules légers, est-ce que la structure du commerce des automobiles changerait? Par exemple, est-ce que la vente à prix fixe serait pratiquée plus couramment?

Mme Kempston Darkes: Si l'autorisation est donnée aux banques, il y aura beaucoup moins de concessionnaires car leur profitabilité diminuera et les petits concessionnaires disparaîtront probablement.

Le crédit-bail est une partie très importante de leur portefeuille d'ensemble. Je pense qu'il y aurait beaucoup moins de concessionnaires et certainement plus de concessionnaires dans un très grand nombre de localités rurales du pays. Ce serait un élément clé.

Pour ce qui est de la vente à prix fixe, les enquêtes montrent que beaucoup de clients ne veulent tout simplement pas marchander le prix. Ils préfèrent aller chez un concessionnaire, voir le prix affiché sur le véhicule et savoir que c'est celui-là qu'ils vont payer. Nos concessionnaires Saturn fonctionnent ainsi. Chaque concessionnaire fixe son prix pour un véhicule. Le client le voit lorsqu'il entre et c'est le prix qu'il paye.

Nous avons mis à l'essai ce que nous appelons des «prix confiance», c'est-à-dire que le prix affiché sur le véhicule dans la salle d'exposition du concessionnaire est ce que paie le client -- à 100 $ près -- et c'est le même prix que celui annoncé dans le journal. De plus en plus de clients préfèrent cette méthode et, à mon avis, l'industrie va l'adopter. Évidemment, chaque concessionnaire déterminera son propre prix pour son propre marché. Mais je pense que toute cette question de savoir si l'on va continuer ou non à marchander va être réglée très vite, car les clients nous disent qu'ils préfèrent un autre système.

Le sénateur Austin: Ce ne serait donc pas déterminé par l'arrivée des banques, mais plutôt par la préférence de la clientèle.

Mme Kempston Darkes: À mon avis, c'est la préférence du client qui va déterminer cette décision, oui.

Le sénateur Oliver: Le sénateur Joyal vous a posé des questions au sujet des caisses populaires et caisses de crédit. Ces établissements, selon le rapport MacKay, peuvent offrir du crédit-bail automobile dans toutes les provinces sauf le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve. En outre, les sociétés de fiducie provinciales ont le pouvoir de faire du crédit-bail dans la plupart des provinces.

Le président de la Banque nationale a comparu devant nous et indiqué qu'il est défavorisé par ce qu'au Québec, les caisses -- son plus gros concurrent -- peuvent louer à bail des véhicules, et pas lui.

M. Menzyk: Je ne sais pas à quelle période il se référait. Lorsqu'elles ont commencé, il y a un an environ, les caisses se sont montrées très agressives. Depuis, elles ont pas mal battu en retraite. Elles ne sont pas un gros acteur sur le marché du crédit-bail aujourd'hui, du moins selon notre perspective.

M. Vasey: Je dirais la même chose des caisses populaires; elles ne nous ont pas causé beaucoup de problèmes. Je ne peux parler pour la Banque nationale, mais nombre de banques sont en concurrence avec nous aujourd'hui et nous ne faisons disparaître personne.

Le sénateur Donald H. Oliver (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Soyez le bienvenu, monsieur Cara. Vous avez la parole.

M. W.J. Cara, investisseur à titre personnel: Je me nomme Bill Cara. Je suis de Toronto et je comparais à titre d'investisseur privé. J'ai travaillé précédemment chez Dominion Securities, Dean Witter Canada et Canaccord Capital, dont j'étais le fondateur et directeur général des opérations dans l'Est du Canada. J'ai été l'un des dix membres du groupe de travail du gouvernement ontarien qui a étudié le marché hors bourse, aussi appelé aujourd'hui second marché.

Il y a 11 ans, j'ai eu l'honneur d'être invité par le gouvernement fédéral à prononcer une allocution en Extrême-Orient en compagnie du premier délégué commercial du Canada dans cette région. Notre discours était intitulé: «Commercer avec le Canada et y investir».

Le 23 avril de cette année, à la demande de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, j'ai présenté au nom du public canadien -- du moins à mes yeux -- un mémoire indépendant et objectif aux commissaires aux valeurs mobilières provinciaux à l'occasion du Forum public sur les systèmes d'échange électroniques non autoréglementés et la fragmentation du marché.

J'annonce tout de suite mes préjugés. J'aimerais que le public consommateur soit plus équitablement traité sur nos marchés des capitaux et je considère que le rythme de l'avancée technologique et de la mondialisation font que les structures existantes et les systèmes réglementaires ne sont plus en mesure d'assurer un traitement équitable du public.

Nous avons besoin dans notre pays d'un accord fédéral-provincial en vue d'établir une loi nationale sur les valeurs mobilières qui serait administrée par une commission des valeurs mobilières fédérale. Il est difficile de mettre en oeuvre les recommandations très constructives du rapport MacKay si le marché des capitaux lui-même est défectueux. Si l'on veut améliorer le secteur des services financiers, qui me paraît fondamentalement sain, je pense que le comité sénatorial devrait se concentrer sur les problèmes d'infrastructure, et c'est pourquoi j'ai accepté l'invitation à comparaître aujourd'hui.

J'aimerais couvrir quatre points. Le rapport MacKay parle d'accroître le pouvoir du consommateur. Mon premier point est qu'il serait utile que les banques canadiennes offrent aux clients canadiens les mêmes tarifs pour précisément les mêmes transactions mobilières -- pomme pour pomme -- qu'aux clients américains.

Je prends pour exemple, et c'est celui que j'ai donné aux commissaires des valeurs mobilières provinciaux lors du Forum sur la fragmentation du marché au début de l'année, la pratique de TD consistant à offrir aux Américains des taux de commission considérablement moindres. TD Greenline facturera à vous et à moi une commission de 95 $ canadiens pour acheter ou vendre, par exemple, 1 000 actions de Canadien Pacifique. Mais TD Bank Waterhouse facturera aux Américains seulement 25,50 $CAN -- 17 $US -- pour la même transaction. Si vous choisissez d'acheter ou vendre ces mêmes actions par le biais de l'Internet, TD Greenline WebBroker vous facturera 29 $CAN, mais TD Waterhouse WebBroker facturera aux Américains seulement 17 $CAN, soit 12 $US.

Le deuxième élément est la nécessité d'un système de compensation électronique national pour les valeurs, tout comme il en existe pour les espèces. Les valeurs mobilières ne sont plus détenues par les institutions financières sous forme matérielle. Elles sont stockées et transférées électroniquement. Je ne peux pas vendre mes 1 000 actions de CP au prix plus intéressant offert par un courtier donné si ces actions se trouvent dans le compte d'un autre courtier, du moins pas sans un coût et un retard dissuasifs. Si je veux juste transférer ces actions de Canadien Pacifique sur marge pour acheter un fonds mutuel d'une autre banque, je ne peux pas le faire. J'aurais aimé que cette question soit abordée dans la partie du rapport traitant de la vente liée.

Mon troisième élément est que les effets de l'avancée technologique ont certainement modifié le paradigme du marché boursier d'une manière qui profite davantage aux institutions financières qu'aux consommateurs du marché des capitaux. Il existe aujourd'hui un marché à paliers multiples et le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario vous a peut-être dit la même chose ce matin.

Vous ignorez peut-être que plus de 50 p. 100 du volume des transactions à la Bourse de Toronto est seulement communiqué à la bourse. Autrement dit, ces transactions ne sont pas exécutées à la Bourse de Toronto où le public y aurait pleinement accès. Ces opérations sont effectuées dans ce que l'on appelle le «marché des coulisses», composé principalement des grandes banques, et simplement communiqué après coup à la Bourse de Toronto.

Le public est particulièrement désavantagé par l'existence de ces marchés des coulisses et par les bourses privées offertes par les soi-disant courtiers mondiaux comme Reuters Instinet et Bloomberg TradeBook.

Lors du forum public, j'ai fait remarquer aux commissaires des valeurs mobilières provinciaux qu'à la fermeture de la Bourse de New York à 16 heures, le 15 avril, une société du nom de Cendant a signalé quelques irrégularités comptables. Dans le courant des heures qui ont suivi, alors que le public ne pouvait acheter ou vendre ces titres, des institutions dans le monde -- y compris nos banques -- ont échangé 30 millions d'actions par Reuters Instinet. Le cours des actions s'est trouvé réduit de moitié, tombant de 30 $ à environ 16 $. D'ici que vous et moi soyons autorisés à acheter ou vendre, il était 11 h 04 le lendemain matin, ensuite de quoi 107 millions d'actions Cendant ont été échangées, soit le record en un seul jour pour une seule action à la Bourse de New York.

Le public est certainement intéressé à pouvoir échanger des titres à tout moment. Si vous voulez accroître les pouvoirs du public, vous mettrez un terme à ces pouvoirs extraordinaires des institutions. Pour mettre les choses simplement, ne les autorisez pas à échanger des valeurs à des moments et sur des marchés qui sont inaccessibles au public.

Le dernier point est le plus important, je pense. Le fait qu'il existe encore un conflit mandant-mandataire sur les marchés capitaux sophistiqués aujourd'hui est proprement scandaleux. Comme vous le savez, il existe une catégorie d'accréditation appelée courtier-agent. Je vous le demande, cette entité est-elle un courtier ou un agent? Chaque fonction représente des intérêts différents et opposés.

Le fait que le courtier agent puisse représenter jusqu'à trois intérêts opposés dans une même transaction est tout aussi ridicule que d'autoriser les associés d'un cabinet juridique à représenter des parties opposées dans un procès. Pire encore, c'est comme si un autre associé de ce cabinet juridique était le juge. Tel est le système d'autoréglementation sur les marchés des capitaux aujourd'hui, et je pense qu'il est temps que cela change. Les propriétaires du capital devraient être les participants privilégiés au marché des capitaux. Le secteur des services financiers devrait leur être asservi et ce n'est pas souvent le cas.

J'ai cité dans mon texte un exemple de la participation des banques au marché des capitaux où elles opèrent à la fois comme agent, comme mandant et comme courtier mandataire -- souvent lors de la même transaction. C'est un conflit flagrant et je pense qu'il faut se pencher là-dessus.

Pour ma part, je trouve que le rapport MacKay est très constructif. J'ai l'expérience de Bay Street, mais j'ai eu aussi à financer des petites entreprises et je trouve trois recommandations très intéressantes. Les voici: permettre aux firmes de courtage de devenir membres du système canadien des paiements; permettre aux caisses de crédit d'offrir davantage de services bancaires traditionnels de détail; et éliminer les soi-disant transactions sans commission en exigeant une pleine divulgation des frais.

Pour ce qui est de mon souci personnel de supprimer les obstacles à la levée de capital-actions par les petites entreprises en expansion, je considère -- sur la foi de mes nombreuses années d'expérience -- que le programme américain d'émissions d'actions de petites entreprises est un modèle particulièrement utile. Le rapport MacKay en fait état. La vaste majorité des petites entreprises de notre pays ont besoin d'un capital-actions de moins de 1 million de dollars US sur une période de 12 mois.

Avec les progrès de la technologie et de la mondialisation, les petites entreprises canadiennes pourraient trouver des capitaux-risque directement auprès du public sans devoir dépendre inutilement du secteur des services financiers. Cela serait possible si -- et si est le mot important -- les contraintes d'enregistrement et de divulgation étaient minimes, comme dans le cas du programme SCOR aux États-Unis. Ce n'est évidemment pas ce que Bay Street souhaite. Mais le fait est que, si cette question n'est pas réglée, la majorité des petites entreprises canadiennes s'adresseront directement aux marchés Nasdaq et OTC américains.

En ce qui me concerne, je suis le président d'une petite société du Nouveau-Brunswick. Elle possède 30 000 acres de forêts une grosse carrière de sable au Nouveau-Brunswick. Le banquier de la société est la Banque de New York. Nous venons de former une société de holding au New Hampshire qui dépose actuellement les documents SCOR auprès de la SEC et de la National Association of Security Dealers aux États-Unis -- j'ai les documents dans ma serviette, si vous voulez les voir. Jusqu'il y a deux semaines, j'étais également président-directeur général d'une société canadienne de soins de santé cotée en bourse, mais uniquement aux États-Unis. Dans les deux cas, nous considérons qu'il est plus facile de lever des capitaux sur les marchés américains qu'au Canada, grâce au programme SCOR.

En résumé, je ne peux que souligner l'urgence de la question. Les structures de notre marché des capitaux et nos systèmes réglementaires sont défectueux et, pour cette raison, les gens cherchent des solutions ailleurs. Un changement s'impose.

Pour conclure, même si certains de mes propos peuvent paraître négatifs, je vous assure que je souscris pleinement au rapport MacKay et je félicite les auteurs de leur travail constructif.

Le président suppléant: Merci beaucoup de cet exposé. Vous avez abordé trois points majeurs que nul n'avait encore mentionnés.

Le sénateur Austin: Monsieur Cara, merci d'être venu et de nous avoir fait part de votre expérience. Un certain nombre de témoins nous ont parlé de la création d'une commission nationale des valeurs mobilières et nous avons entendu pas mal de choses sur l'état de cette négociation.

Ce matin, David Brown, de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, nous a dit qu'à toutes fins utiles, les administrateurs canadiens créent une commission nationale des valeurs mobilières virtuelle. Vous qui connaissez bien le domaine, que pensez-vous de la coopération entre les provinces en matière de réglementation des valeurs mobilières?

M. Cara: J'ai été réellement très impressionné lors de la conférence que j'ai mentionnée tout à l'heure. Les représentants des diverses bourses canadiennes se sont montrés prêts à collaborer. Mais, politiquement, je pense qu'il y a tout simplement trop de divergences -- par exemple entre le Québec et l'Ontario. Dans l'Ouest, actuellement, la Bourse de l'Alberta s'efforce d'attirer les sociétés cotées à Vancouver.

En pratique, il n'y a pas tant de concurrence. J'aimerais que les politiciens se mettent réellement d'accord et les poussent dans la bonne direction. Tout revient au fait que les gens veulent protéger leur emploi, mais ce sont les investisseurs, les actionnaires et les sociétés cotées qui s'adressent à ces bourses pour lever des capitaux qui vont souffrir.

Le sénateur Austin: Nous avons entendu M. Brown, de l'Ontario, M. Hindman, de Colombie-Britannique, M. Hess, de l'Alberta, et M. Martel, de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Ils nous ont dit qu'ils collaborent très bien et que cette collaboration réduit le coût de la levée de fonds auprès du public par l'intermédiaire des bourses. Ils ont adopté le mécanisme de l'autorité réglementaire dominante. En gros, cela revient à un système d'émission d'actions national. En d'autres termes, on a une émission nationale sanctionnée par l'autorité réglementaire de la province où est situé le siège de la société.

Mais vous estimez que leurs propos concernant la coopération sont exagérés?

M. Cara: Les personnes que vous venez de mentionner sont les responsables des organismes gouvernementaux. Ce sont eux les plus disposés à collaborer. Mais il y aussi les hauts responsables des bourses qui relèvent du secteur privé. Ce sont eux qui sont le plus soucieux de préserver leur emploi et leur empire politique.

Le sénateur Austin: Que pensez-vous de la possibilité que la Bourse de Toronto soit privatisée et offre au public des parts de ses profits, s'il y en a?

M. Cara: J'en ai parlé à ce forum public au début de l'année. On ne m'a pas pris très au sérieux. En mai dernier, des témoins à votre comité ont dit que les bourses canadiennes devraient se transformer en sociétés cotées et finir par fusionner pour offrir un seul marché électronique national. C'est l'avenir, mais c'est aussi une nécessité.

Je pense que la Bourse de Toronto a pris la bonne décision en franchissant le premier pas. Mais je pense aussi qu'il faut veiller à ce que les rivalités politiques entre l'Ontario et le Québec ne viennent pas enrayer le processus. Une société publique est une société publique.

D'après ce que j'ai pu observer au forum public plus tôt cette année, les représentants de la Bourse de Montréal et les membres de la Commission des valeurs mobilières du Québec étaient les plus impressionnés par la collaboration. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avoir une société publique regroupant la Bourse de Montréal, la Bourse de Toronto et les bourses de l'Ouest.

Le sénateur Austin: Est-ce que cette bourse unique serait sensible aux différences régionales? Par exemple, l'Alberta a pu créer son marché boursier des petites sociétés minières, mais il aurait pu en être empêché s'il avait dû obtenir l'aval de l'Ontario, du Québec et même de la Colombie-Britannique. Ils trouvent, du moins, en Alberta, que c'est là un instrument qui marche bien.

M. Cara: Une bourse n'est réellement qu'un instrument de commercialisation, d'éducation, de facilitation. Il n'y a aucune raison pour laquelle une société publique ne pourrait pas avoir un petit bureau à Edmonton, Calgary, Winnipeg, Halifax, et cetera.

Il n'y a aucune raison interdisant que les bureaux en Alberta, par exemple, ne cotent pas les actions des compagnies pétrolières -- des petites compagnies pétrolières et quelques autres sociétés locales. De la même façon, les entreprises forestières ou de pêche d'autres régions du pays pourraient commencer à être cotées dans les bureaux régionaux de la bourse nationale.

Le sénateur Austin: Notre tradition est de laisser les régions faire ce qu'elles jugent bon à leur propre façon. Je suis de Vancouver et j'ai cette croyance -- peut-être non justifiée -- que Toronto ne sait pas tout ce qu'elle devrait savoir sur le reste du Canada. Je suis prêt à entamer un dialogue avec le sénateur de Toronto là-dessus, mais uniquement s'il est disposé à se lever tôt le matin.

Je réfléchis à la question des bourses et à la manière dont les bourses administrent le marché. Ce marché crée la liquidité, qui crée le capital d'investissement, et nous avons vu le volet réglementation. Cependant, je doute qu'un marché uniforme aurait produit la spécialisation qui a donné lieu à la formation de capital, par exemple dans le secteur minier en Colombie-Britannique, dans celui du pétrole et du gaz en Alberta. Ces deux marchés engendrent aussi maintenant l'apparition de petites sociétés de haute technologie. N'oubliez pas que Toronto a exclu de la bourse les petites compagnies minières. C'est pourquoi je suis sceptique devant l'idée d'une bourse unique.

M. Cara: Ce que la Bourse de Toronto a fait était d'exclure les promoteurs qui opéraient illégalement dans l'Ouest. Mais ce que fait la technologie en ce moment, c'est pousser les meilleurs promoteurs à l'exode vers les États-Unis. Ils ont maintenant leur siège dans des États comme la Californie, l'Arizona et la Floride et mettent à profit le programme SCOR pour distribuer leurs actions au public et lever des capitaux aux États-Unis. Ce ne sont pas là des gens qui travaillaient dans l'illégalité.

Si nous avions un programme uniforme à l'échelle nationale qui puisse retenir ces promoteurs et les meilleures petites sociétés, elles resteraient ici. Ces gens travailleraient alors à Vancouver ou Halifax, car c'est de là qu'ils viennent.

Le sénateur Austin: Vous nous avez donné trois exemples de problèmes dans le secteur des valeurs mobilières lui-même. Or, comme vous le savez bien, celui-ci relève de la compétence provinciale et je suppose que les exemples que vous nous avez donnés échappent à la compétence fédérale actuelle.

M. Cara: Mais ils ne le devraient pas.

Le sénateur Austin: Ils ne le devraient pas. Expliquez-vous.

M. Cara: Au cours des cinq dernières années, j'ai passé près de quatre ans aux Bahamas -- pas à temps plein, mais plus ou moins à temps plein. J'ai rédigé le règlement d'adhésion à la Bourse des Bahamas et j'ai eu des discussions avec le second marché et la Bourse de Toronto concernant l'utilisation du second marché -- le marché hors bourse ontarien -- pour en faire un marché hors bourse national.

J'en ai déduit que si je pouvais mettre sur pied une méthode pour enregistrer des sociétés à la Bourse des Bahamas -- des sociétés voulant sortir des bourses sur lesquelles elles sont cotées pour s'établir sur le marché hors bourse en Ontario -- cela leur donnerait une option. Celles qui veulent s'établir sur le marché hors bourse ontarien pourraient le faire si elles s'enregistraient à la Bourse des Bahamas et ensuite au marché hors bourse ontarien.

Le problème, évidemment, est que si vous êtes une société de Colombie-Britannique, vous n'êtes pas obligé de respecter les règles et les lois de l'Ontario. Je pense qu'il faut cesser d'avoir ces petites sociétés provinciales. Si une société est publique, elle aura des actionnaires de tout le Canada.

Vous devriez peut-être envisager de doter ces compagnies d'une charte fédérale, car vous aurez des actionnaires de tout le pays. J'investis dans une certaine mesure dans des sociétés du Québec ou du Nouveau-Brunswick, probablement tout autant que les épargnants de ces provinces.

Le sénateur Di Nino: Je suis intrigué par vos idées et je pense que le sénateur Austin a bien exprimé la problématique. Est-ce qu'une bourse unique pour tout le Canada ne nuirait pas à la concurrence?

M. Cara: Pas à mon sens. En fait, on pourrait même aller un peu plus loin. On pourrait supprimer toutes les bourses du Canada. On pourrait inviter le marché Nasdaq au Canada pour qu'il effectue les cotations -- un processus par lequel les Canadiens pourraient acheter et vendre des actions.

Le sénateur Di Nino: Vous dites que nous devrions créer la concurrence en invitant des bourses étrangères à s'établir ici?

M. Cara: Non, pas du tout. Je dis simplement que vous exagérez l'importance d'une bourse. Si vous regardez ce que fait réellement une bourse, elle commercialise, elle éduque et facilite la formation. Elle entre dans les esprits des investisseurs et actionnaires et les aide à prendre de bonnes décisions. Elle aide les compagnies cotées à lever des capitaux. La technologie utilisée n'est jamais qu'un ordinateur, et cet ordinateur peut être situé à Halifax ou à Victoria. Il peut être situé à New York.

Le sénateur Di Nino: Mais les décisions sont quand même prises par une entité, et la disponibilité du produit sera dictée par cette seule entité, au lieu qu'il y ait concurrence. Cette concurrence, comme le sénateur Austin l'a indiqué, crée un marché différent propre à une région qu'une entité unique située au centre du Canada pourrait ne pas vouloir offrir.

M. Cara: Supposons qu'il y ait des bureaux pour la commercialisation et l'éducation dans chacune des grandes villes du Canada. Chacun pourrait n'avoir que quelques employés et le bureau de l'Alberta, mettons, s'occuperait de la cotation et de la commercialisation des petites sociétés du secteur énergétique. Il incombera à ce personnel de commercialiser correctement cette société cotée et de montrer aux investisseurs de tout le Canada que ce sont là de bonnes petites sociétés en expansion, porteuses de valeur. C'est à ces bureaux de faire le travail, et pas seulement aux sociétés individuelles. Ces dernières ont besoin d'une bourse derrière elles.

Le sénateur Di Nino: Vous dites qu'une façon de lever des capitaux serait le programme SCOR qui existe aux États-Unis. Vous dites dans votre texte que les contraintes de divulgation y sont moindres, des «contraintes d'enregistrement et de divulgation minimes».

En quoi cela répond-il aux besoins du public épargnant?

M. Cara: Si vous regardez les formulaires du SCOR, vous verrez que ce n'est pas un document simple. C'est un document très complexe. Dans mon cas, le dernier que j'ai déposé faisait 32 pages. Il renferme une série de questions complexes -- celui-ci a une cinquantaine de pages -- qui demande des renseignements similaires à ceux d'un prospectus. Il s'agit en fait d'un dépôt de prospectus.

Le sénateur Di Nino: Je reprends vos termes, monsieur Cara. Vous dites dans votre mémoire:

... des contraintes minimes d'enregistrement et de divulgation comme dans le cas du programme SCOR aux États-Unis.

Dites-vous donc que c'est une erreur?

M. Cara: Non, c'est juste. Cet enregistrement me coûte environ 10 000 $. Ce sont des frais juridiques. Je n'ai pas besoin de passer par un courtier.

Au Canada, pour lever des capitaux, je dois passer par un courtier. Je dois passer par son processus juridique et son contrôle préalable et Dieu sait quoi. Il m'en coûtera peut-être 150 000 $ pour lever 150 000 $ ou 200 000 $. Je ne trouve pas que ce soit juste.

Le sénateur Di Nino: Vous pensez que le programme SCOR sauvegarderait les intérêts du public ou de l'investisseur, du point de vue de la divulgation et des exigences réglementaires?

M. Cara: Tout à fait. Les déclarations, les garanties et les conventions dans le document à déposer auprès de la Securities and Exchange Commission couvrent tout cela. C'est un processus d'enregistrement, mais il est très simple.

Le président suppléant: L'une des trois choses que vous avez dit avoir aimées dans le rapport MacKay est la recommandation d'autoriser les caisses de crédit à offrir des services bancaires de détail traditionnels.

Avez-vous des craintes ou une mise en garde à exprimer à ce comité au sujet de l'impact sur la solvabilité -- si importante pour notre système financier -- dans cette éventualité?

M. Cara: Je ne pensais pas tant à l'intégrité financière de certaines des petites caisses de crédit qu'à l'importance de pouvoir négocier face à face avec le consommateur. La personne qui a besoin d'aide financière a besoin de traiter face à face avec quelqu'un de sa localité. On ne soulignera jamais assez l'importance de cela.

Le président suppléant: Un certain nombre d'autres témoins sont parvenus aux mêmes conclusions que vous. Merci d'être venu.

La séance est levée.


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