Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 36 - Témoignages - Séance de l'après-midi
TORONTO, le lundi 2 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 13 heures pour analyser la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Sénateurs, bon après-midi. Je vous souhaite la bienvenue à notre première séance d'après-midi à Toronto. Notre premier témoin, cet après-midi, est M. Charles Baillie, président et chef de la direction de la Banque Toronto-Dominion.
Je vous remercie, monsieur, d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Je vous prie d'abord de faire lecture de votre déclaration préliminaire, que vous nous avez distribuée, après quoi, j'en suis certain, nous aurons quelques questions à vous poser. Quatre sénateurs ont déjà demandé à prendre la parole.
M. A. Charles Baillie, président et chef de la direction, Banque Toronto-Dominion: Nous sommes très heureux de l'occasion qui nous est donnée de présenter nos vues au comité, à ce moment critique pour le secteur des services financiers.
Lorsque, le mois dernier, la Banque TD a paru devant le comité de la Chambre des communes, nous avons évoqué une vision à long terme du secteur financier. Nous avons alors posé les questions suivantes: vers où le gouvernement souhaite-t-il diriger le secteur financier au siècle prochain? Quel genre d'industrie voulons-nous pour le Canada?
Nous avons débattu de deux scénarios. Selon une vision du Canada, notre pays viendrait à l'avant-plan du secteur financier mondial, à titre de fournisseur de services financiers au Canada et à l'étranger. Notre pays aurait alors un potentiel suffisant pour abriter de six à huit institutions financières majeures et de classe mondiale, lesquelles seraient contrôlées par des Canadiens et auraient leur siège social au Canada.
Selon l'autre vision, le Canada reculerait d'un cran et exercerait une influence de moins en moins grande sur les affaires financières et, en réalité, les affaires mondiales. Selon ce scénario, les Canadiens pourraient très bien continuer de bénéficier d'un marché financier intérieur raisonnable, mais ce marché se caractériserait par la domination de plus en plus grande d'un nombre toujours plus grand de secteurs de services financiers par des fournisseurs étrangers de même que par l'érosion continue de la position qu'occupent les institutions canadiennes sur les marchés.
Dans le cadre de l'exposé que nous avons présenté devant le comité de la Chambre des communes, nous avons indiqué que le rapport MacKay comprend une série de recommandations qui, si on les adopte en entier, permettront la concrétisation du premier scénario -- la vision d'un Canada abritant des institutions financières dynamiques, concurrentielles et de classe mondiale. Nous avons dit que ces recommandations sont équilibrées et équitables et que le fait d'effectuer un tri parmi les recommandations bouleverserait l'équilibre, au détriment, en dernière analyse, des consommateurs et du secteur financier.
Aujourd'hui, nous aimerions élargir la discussion et aborder les recommandations contenues dans le rapport MacKay qui vont droit au coeur des modifications de la structure du secteur financier et qui auront pour effet de restructurer le secteur en prévision du siècle prochain.
Lorsque nous avons indiqué que le rapport MacKay devrait être considéré dans son entier, nous ne voulions pas parler de l'ensemble des 124 recommandations. Nombre des 124 recommandations que contient le rapport sont bonnes et opportunes. Nombreuses sont celles qui bénéficieraient aux Canadiens, et toutes méritent qu'on les étudie avec sérieux. Toutefois, la plupart d'entre elles n'auraient qu'un impact limité sur le positionnement des fournisseurs de services financiers du Canada au XXIe siècle, et elles n'en auraient peut-être pas du tout.
Nous avons défini une douzaine de recommandations qui auraient un impact tel qu'elles auraient pour effet de façonner l'industrie des services financiers du Canada, selon la façon dont, le cas échéant, elles seront présentées dans un texte de loi.
Ensemble, ces recommandations favorisent la propriété canadienne des institutions majeures. Elles donneraient aux institutions majeures la possibilité de poursuivre leurs buts stratégiques au sein du marché mondial en mutation. Elles déboucheraient sur un contexte des plus concurrentiels, mais où les règles du jeu seraient égales, et elles entraîneraient une intensification de la concurrence étrangère au Canada.
Voilà l'équilibre qui donnera naissance à la vision d'un Canada abritant des institutions fortes, dynamiques et concurrentielles ainsi qu'à un marché ouvert et concurrentiel avantageux pour les consommateurs.
Je consacrerai l'essentiel de mes remarques d'aujourd'hui à ces recommandations fondamentales; en terminant, je ferai certains commentaires au sujet de notre vision de la Banque TD, soit celle d'une banque qui, à la suite de sa fusion avec la CIBC, ferait partie intégrante de ce secteur financier canadien fort et dynamique.
Je vais débuter par deux recommandations qui ont trait à la propriété par des intérêts nationaux. Il s'agit de la recommandation no 3, selon laquelle il convient de favoriser le contrôle canadien des grandes institutions financières réglementées, et la recommandation no 39, selon laquelle un acheteur étranger à capital largement réparti doit pouvoir faire l'acquisition d'une institution financière canadienne, sous réserve de l'approbation du ministre des Finances.
Avec ces deux recommandations, le Canada encouragera la propriété canadienne des grandes institutions, sans interdire la propriété de certaines grandes institutions du pays par des intérêts étrangers, selon ce que commande l'intérêt national. Ces recommandations sont essentielles à la vision que nous avons d'un Canada abritant de fortes institutions financières de classe mondiale.
Je passe maintenant aux quatre recommandations qui donneraient aux institutions financières du Canada la possibilité de poursuivre leurs buts opérationnels stratégiques et de devenir des institutions fortes, concurrentielles et de classe mondiale. Il s'agit de la recommandation no 26, selon laquelle il convient d'autoriser la formation de sociétés de portefeuille financières, la recommandation no 38, selon laquelle il convient d'autoriser la démutualisation des compagnies d'assurances, la recommandation no 45, selon laquelle la politique publique ne devrait pas empêcher les fusions, qu'il s'agisse des banques, des compagnies d'assurances, des sociétés de fonds mutuels, des sociétés de gestion de placements ou d'autres et, enfin, la recommandation no 42, selon laquelle le Bureau du surintendant des institutions financières et l'Institut canadien des comptables agréés devraient prescrire les principes applicables à la comptabilisation de l'écart d'acquisition.
Le groupe de recommandations qui précède est essentiel pour donner à nos institutions la possibilité de procéder aux acquisitions, aux dessaisissements et aux fusions qu'elles jugent nécessaires pour réaliser leurs buts opérationnels stratégiques. En contrepartie, ces recommandations se solderont par l'émergence d'un groupe solide d'institutions financières de classe mondiale, non seulement à la Banque TD et à la CIBC, et non seulement des banques, mais aussi des compagnies d'assurances, des sociétés de fonds mutuels et d'autres.
Je passe maintenant à trois recommandations -- les recommandations 12, 18 et 13 -- qui auraient pour effet d'uniformiser les règles du jeu au Canada, de supprimer les obstacles et d'accroître la concurrence au sein des marchés canadiens.
En vertu de la recommandation no 12, l'assurance-dépôts de la SADC et la couverture d'assurance de la SIAP seraient combinées, ce qui aurait pour effet d'ouvrir l'industrie du dépôt.
En vertu de la recommandation no 18, les institutions de dépôt seraient autorisées à vendre de l'assurance sur le marché de détail dans leurs succursales, ce qui aurait pour effet d'ouvrir la vente d'assurance au Canada et, croyons-nous, de réduire les prix pour les consommateurs canadiens.
C'est la recommandation no 13 qui aurait l'effet le plus marqué sur la restructuration de notre industrie tout entière, dans la mesure où elle aurait pour effet d'ouvrir le système de paiement. Ce faisant, on conférerait de nouveaux pouvoirs aux compagnies d'assurances, aux courtiers en valeurs mobilières et aux fonds communs de placement du marché monétaire, lesquels pourraient assurer l'équivalent de comptes de dépôts actifs, assortis de larges éventails de privilèges concernant les opérations, en concurrence directe avec les banques.
J'en viens à deux recommandations qui auraient pour effet d'accorder aux banques étrangères un accès plus grand aux marchés canadiens. Il s'agit de la recommandation no 8, qui a pour effet de supprimer les retenues fiscales imputées aux intérêts sur tous les emprunts sans lien de dépendance, et de la recommandation no 9a) en vertu de laquelle les banques étrangères seraient autorisées à effectuer toute opération bancaire au Canada par l'entremise de succursales plutôt que par celle de filiales, à condition qu'elles n'acceptent pas de dépôts de détail. Ces mesures donneraient aux grandes banques étrangères la possibilité de pénétrer directement nos marchés des prêts aux sociétés, des prêts commerciaux et des prêts aux petites entreprises, sans qu'elles aient à constituer de filiales canadiennes.
Les mesures en question s'ajoutent à la recommandation de base no 11, laquelle a pour effet de transformer en profondeur notre secteur financier. La deuxième recommandation qui est essentielle à la vision d'un secteur financier canadien fort au XXIe siècle est la toute première que renferme le rapport du groupe de travail MacKay, c'est-à-dire la recommandation première, celle selon laquelle le gouvernement devrait agir maintenant plutôt qu'attendre l'an 2002.
Voilà qui est vital, compte tenu de la mutation rapide du monde qui nous entoure. Si nous ne saisissons pas maintenant l'occasion de mettre en place les éléments de base qui favoriseront la création d'institutions financières de classe mondiale appartenant à des intérêts canadiens, il est possible que nous prenions trop de retard par rapport à nos concurrents étrangers pour être un jour en mesure d'exercer une influence.
Au vu de la transformation du secteur bancaire mondial, les nouveaux modèles auxquels doivent se conformer les institutions pour être en mesure de soutenir la concurrence mondiale se sont transformés radicalement. Au cours de la dernière année seulement, les fusions et les regroupements effectués ailleurs se sont soldés par l'apparition de concurrents gigantesques, qui bénéficient de nouveaux avantages liés à la portée et à l'étendue aussi bien qu'aux immobilisations et à la technologie.
Nous pensons que le groupe d'une douzaine de recommandations réparties tout au long du rapport est essentiel à la création d'un système financier capable de soutenir la concurrence mondiale. Le système ouvrirait nos marchés à la concurrence, ce qui serait avantageux pour les consommateurs, tout en permettant l'émergence de grandes institutions financières de classe mondiale appartenant à des intérêts canadiens. Le danger consisterait à faire un tri et à choisir, par exemple en ouvrant la concurrence et en autorisant la propriété par des institutions étrangères, sans donner aux institutions canadiennes la possibilité de répondre en effectuant des fusions et en se dotant d'une portée et d'une étendue suffisantes pour soutenir la concurrence, au pays et dans le monde.
Je tiens à évoquer une autre recommandation, parce qu'elle aurait un effet négatif sur l'orientation du texte de loi à l'élaboration duquel vous vous affairez pour restructurer le secteur. Il s'agit de la recommandation no 47, laquelle a pour effet d'appuyer l'utilisation des politiques du Bureau de la concurrence pour l'examen des fusions de banques. Nous sommes tout à fait d'accord pour dire que le Bureau de la concurrence doit procéder à un examen, mais nous avons des inquiétudes à l'égard de la politique du bureau qui consiste à limiter à deux ans la période de référence utilisée pour étudier l'impact concurrentiel de la technologie. Nous exerçons nos activités dans un monde où la technologie change au jour le jour et transforme le marché. À titre de sénateurs, vous avez la responsabilité d'élaborer des textes de loi qui demeureront en vigueur pendant de nombreuses années. Nous pensons que l'établissement d'une période de référence de deux ans est tout à fait insuffisant dans le cadre de dispositions législatives à si long terme. Voilà pourquoi nous vous mettons en garde contre la surréglementation du secteur, dans le contexte d'un monde en mutation rapide. Les entreprises du secteur doivent demeurer souples pour être en mesure de réagir au contexte concurrentiel.
Nous ne demandons pas de protection. Nous ne vous demandons pas d'empêcher les fournisseurs mondiaux concurrentiels de faire leur entrée au Canada. Tout ce que nous vous demandons, c'est de nous permettre de nous donner la portée et l'étendue nécessaires pour contre-attaquer. Nous vous demandons de ne pas nous lier les mains au moment même où nous sommes confrontés à la concurrence acharnée de géants mondiaux. Nous pensons qu'il serait préférable pour le Canada que les sociétés canadiennes soient en mesure de demeurer aux premiers rangs des entreprises financières, qui sont vitales pour les consommateurs et les industries du Canada.
Des industries de classe mondiale ont besoin de banques de classe mondiale. Dans notre vision du pays, le Canada bénéficie des deux. Dans les années 50, la Banque de Toronto et la Banque Dominion faisaient face à un avenir incertain. Dans les deux cas, il s'agissait de banques de taille moyenne qui perdaient des clients importants, ces derniers connaissant une croissance telle que la capacité de ces deux banques n'était plus suffisante. Lorsque, en 1955, les deux banques ont fusionné pour créer la Banque Toronto-Dominion, nous avons été en mesure d'aller de pair avec nos clients et leurs besoins aussi bien qu'avec nos concurrents. Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins, et nous voulons suivre la cadence. Nous voulons être en mesure de répondre aux besoins changeants de nos consommateurs et de soutenir la concurrence des géants mondiaux, tout en ayant la possibilité de continuer de répondre aux besoins des consommateurs canadiens au sein d'un marché intérieur des plus concurrentiels.
Un choix s'offre au Canada. Nous avons ce qu'il faut pour soutenir la concurrence mondiale, à condition qu'on nous donne la possibilité d'unir nos forces, comme la Banque TD souhaite le faire avec la CIBC. Des pays qui n'ont pas eu cette occasion sont aujourd'hui dominés par des institutions financières appartenant à des intérêts étrangers ou contrôlées par des intérêts étrangers. La Belgique, le Mexique et l'Argentine en sont des exemples. Il est certes dans l'intérêt national du Canada d'encourager des banques fortes et concurrentielles dont le siège social se trouve au Canada.
Comme nous l'avons affirmé par ailleurs, nous sommes également d'avis que le fait d'avoir la capacité d'élaborer nos propres stratégies de croissance signifiera, en dernière analyse, plus d'emplois pour le Canada, de meilleurs rendements pour les actionnaires, le paiement de plus d'impôts ici et, enfin, de meilleures occasions, pour nos institutions, de continuer d'offrir aux consommateurs et aux entreprises une gamme complète de produits et de services à prix compétitifs.
Dans les marchés en mutation rapide d'aujourd'hui, il n'y a pas de garantie de réussite dans quelque domaine que ce soit, et nous en sommes conscients. Nous savons que vous nourrissez des inquiétudes bien réelles au sujet de l'impact des fusions sur les consommateurs, les collectivités rurales, l'emploi et les petites entreprises. Nous savons qu'on doit répondre à ces inquiétudes, et nous sommes déterminés à collaborer avec vous, la Chambre des communes et d'autres intervenants dans ce dossier parce que l'intérêt public s'applique aussi à nos consommateurs, à nos actionnaires et à nos employés.
Je reviens maintenant à l'une des recommandations clés du groupe de travail MacKay, à savoir que le gouvernement devrait agir maintenant et non pas attendre l'an 2002. Dans le reste du monde, on est allé de l'avant avec dynamisme. Pour aller de l'avant, les autres pays du monde ne vont pas attendre que le Canada leur emboîte le pas. Plus le gouvernement met du temps à agir, et plus il sera difficile de garder au Canada les sièges sociaux d'institutions financières capables de soutenir la concurrence mondiale au XXIe siècle. On doit se saisir de l'occasion qui nous est donnée de réaliser la vision d'un Canada qui maintient une influence mondiale précieuse en tant que siège de sociétés et de banques internationales majeures.
Nous sommes déterminés à concrétiser la vision d'un Canada doté d'un groupe d'institutions de classe mondiale. Nous voulons compter parmi ces institutions. Nous voulons être en mesure de réussir au siècle prochain. Nous pensons que l'établissement d'un secteur financier sain, dynamique et concurrentiel comprenant un certain nombre d'institutions financières de classe mondiale appartenant à des intérêts canadiens est dans l'intérêt national, et nous nous saisissons de l'occasion qui nous est donnée d'apporter une contribution en ce sens.
Le sénateur Austin: Bon après-midi, monsieur Baillie, et bienvenue à notre comité. Votre présence ici me rappelle une métaphore que, jeune enfant, j'en étais venu à apprécier. Derrière un comptoir, il y a 300 sortes de friandises; avec cinq sous, on ne peut en acheter qu'une ou deux. Bien entendu, les cinq sous sont le temps dont nous disposons pour vous poser des questions au sujet d'un sujet des plus importants, et ce temps nous est mesuré.
D'abord et avant tout, je voulais vous demander à quel rang viendraient les nouvelles banques issues de la fusion de la Banque TD et de la CIBC et de celle de la Banque de Montréal et de la Banque Royale dans le secteur bancaire mondial, du point de vue de la valeur des actifs, mesurés disons, en dollars US. Avez-vous certains chiffres? D'abord et avant tout, quelle serait la taille des actifs?
M. Baillie: Au moment de l'annonce, la nouvelle banque issue de la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal se serait située environ au 12e rang, et nous serons venus environ au 14e.
Du point de vue de la valeur boursière, qui constitue la mesure véritablement importante, cependant -- n'oubliez pas que, au moment de l'annonce, les prix étaient nettement plus élevés. Je pense que, à l'époque, nous venions au 22e rang mondial ou environ, mais notre taille serait nettement réduite par rapport à la taille de la banque intégrée, fusionnée. Je n'ai pas regardé les chiffres dernièrement, mais je pense que nous viendrions quelque part entre le 40e et le 45e rang.
Le sénateur Austin: Lorsqu'on examine la liste des banques qui viennent aux dix premiers rangs mondiaux, en fonction des actifs mesurés en dollars US -- ces chiffres datent de la fin de 1997, mais certains d'entre eux sont de 1998 --, UBS, avec des actifs de 698,5 milliards de dollars, vient au premier rang, mais Citigroup est à peu près de la même taille.
M. Baillie: Si je ne m'abuse, ses actifs sont de 1 milliard de dollars de moins.
Le sénateur Austin: C'est juste, ils sont de 1 milliard de dollars de moins, exactement. Plus loin dans la liste, on retrouve la Société générale, avec 441,1 milliards de dollars.
Ce qui m'intéresse, c'est de savoir à quel rang les deux banques fusionnées viendraient, en fonction des actifs mesurés en dollars US, à quelques milliards de dollars près. Je ne vous demande qu'une approximation.
M. Baillie: Nous ne tenons plus compte de la taille des actifs parce qu'on peut entrer dans le marché des «rachats» et avoir des actifs incroyablement élevés, et nous ne croyons pas que cela soit aussi important. Ce qui importe et vous permet d'investir dans votre entreprise et de réunir des capitaux, c'est, en réalité, la valeur boursière.
M. Stephen McDonald, vice-président, Administration, Banque Toronto-Dominion: Du point de vue des actifs, nous serions en fait plus gros. Si on tient compte de la valeur des actifs, nous nous classerions à un rang supérieur à celui que nous conférerait la valeur boursière, en raison de la croissance des banques canadiennes, pour des motifs que mon collègue a expliqués, croissance qui s'explique en grande partie par des opérations sur valeurs et des rachats. Même en regard de normes nord-américaines, les banques intégrées seraient importantes. Elles viendraient au cinquième ou sixième rang en importance parmi les banques nord-américaines des États-Unis.
Du point de vue des actifs, nos institutions seraient passablement importantes. Du point de vue de la valeur boursière, nous avons, depuis l'annonce, accusé un recul certain, la valeur des actions canadiennes ayant diminué. Les actions des banques américaines ont diminué également, mais elles ont connu un léger redressement. Par conséquent, nous avons perdu là un peu de terrain.
M. Baillie: La banque fusionnée aurait, en dollars US, des actifs d'un peu plus de 300 milliards de dollars.
Le sénateur Austin: En effet, elle disposerait d'actifs qui lui permettraient d'être tout à fait concurrentielle, en Amérique du Nord tout au moins.
M. Baillie: Non, elle ne le serait pas. Du point de vue de la valeur boursière, soit le paramètre dont nous tenons compte, nous sommes très loin de Citicorp. À l'heure actuelle, notre valeur boursière en dollars canadiens serait, au terme de la fusion, d'environ 26 milliards de dollars. Même si nous ne serions pas dans la même ligue que Citicorp, nous pensons que nous aurions alors une portée suffisante, que nous serions beaucoup plus concurrentiels que nous pourrions l'être autrement.
À long terme, je pense que, pour exercer une influence véritable au Canada, on devra -- en raison de l'élimination des frontières -- exercer une véritable influence en Amérique du Nord. Si on autorise la fusion, nous aurons, selon toute probabilité, une taille suffisante pour faire des acquisitions aux États-Unis. Dans le cas contraire, nous sommes condamnés à faire partie des institutions dont on fait l'acquisition
Si, à l'heure actuelle, nous devions prendre une initiative de notre propre chef, même s'il s'agissait d'une fusion à parts égales avec une banque américaine, vous n'auriez probablement jamais entendu parler des banques avec lesquelles nous pourrions transiger puisque la valeur boursière de celles que vous connaissez est aujourd'hui nettement supérieure à la nôtre.
Le sénateur Austin: Du point de vue de la rentabilité, les quatre banques canadiennes sont-elles aussi rentables que les banques américaines?
M. Baillie: Le taux de rendement des capitaux propres des banques américaines est supérieur à celui des banques canadiennes. Diverses raisons expliquent le phénomène. L'une d'elles est que, au pays, la concurrence a été plus vive. Au Canada, les frais de services sont inférieurs d'environ 50 p. 100 à ce qu'ils sont aux États-Unis, et les prêts canadiens sont moins échelonnés. Voilà donc pourquoi nous avons nécessairement un taux de rendement des capitaux propres inférieur.
Le sénateur Austin: La question que j'essaie de poser est la suivante: comptez-vous sur la fusion pour accroître votre rentabilité à titre d'institution bancaire, ou cherchez-vous à vous protéger contre une éventuelle acquisition par une institution d'une taille encore plus grande? Sinon, il s'agit peut-être d'une combinaison de ces facteurs et d'autres.
Que répondez-vous à cela?
M. Baillie: À notre avis, l'intégration nous permettrait d'établir des synergies et de devenir une entreprise plus rentable, ce qui, en contrepartie, nous donnerait la possibilité de faire une acquisition aux États-Unis et d'être véritablement concurrentiels en Amérique du Nord.
Sinon, ce que je crains, c'est que les grandes institutions financières américaines -- par exemple, MBNA, Bank One ou Capital One dans le domaine des cartes de crédit, ou Countrywide dans le domaine des hypothèques, ou Fidelity, Scudder, Templeton dans le domaine des fonds communs de placement, ou Norwest, Heller, Finova ou Associates dans le domaine du financement de la consommation et du financement commercial, ou ING dans le domaine de l'électronique, ou Wells Fargo dans le domaine de la petite entreprise -- Je crains que ces sociétés, qui sont spécialisées, ne viennent nous disputer nos meilleurs clients. Vous aurez beau me répondre: «Eh bien, vous semblez ne pas trop mal vous tirer d'affaire», mais, il y a cinq ans, pratiquement aucune de ces institutions n'était présente, et elles ont des coûts moins élevés.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Il fut un temps où nous aurions consacré autant de ressources à la technologie que MBNA. L'année dernière, cette dernière entreprise a consacré 150 millions de dollars à la technologie des cartes de crédit; pour notre part, nous y avons consacré 6,5 millions de dollars. Parce que le monde bancaire est de plus en plus axé sur la technologie, nous pensons donc qu'il nous sera difficile de soutenir la concurrence de cette société, en raison des produits qu'elle a élaborés.
En fusionnant nos activités, nous serons donc en mesure de consacrer davantage de ressources à la technologie. Si vous me demandez quelle est la principale raison à la base de notre volonté de fusion, je vous répondrai que la mesure vise à protéger notre marché national, à garantir le maintien de notre capacité de soutenir la concurrence et à faire en sorte que les institutions canadiennes soient en mesure de soutenir la concurrence des meilleurs.
Le sénateur Austin: Comme vous le savez fort bien, M. Baillie, la préoccupation au Canada, c'est que la fusion, même si elle a pour effet de rendre vos institutions plus concurrentielles et de faire que le rendement des capitaux propres soit plus concurrentiel, se fera aux dépens du consommateur canadien. Ce qu'on craint, c'est que, en réduisant vos coûts unitaires au Canada et votre effectif, par attrition ou autrement, vous vous assuriez essentiellement une compétitivité plus grande au sein du marché des États-Unis, aux dépens du consommateur canadien. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Baillie: Eh bien, si ma théorie de la fusion est exacte -- c'est-à-dire que nous devrions être en mesure d'être plus efficient --, nous devrions être en mesure de faire profiter le consommateur d'une bonne partie de ses économies tout au moins. Dans la fusion que nous avons proposée, nous n'avons pas fourni de détails précis au sujet de ce que nous pouvons offrir parce que nous n'avons pas la moindre idée de la marge de manoeuvre dont nous disposerons ni de ce qui va arriver vis-à-vis du Bureau de la concurrence.
Je serais très surpris si nous n'étions pas en mesure d'offrir aux consommateurs et aux petites entreprises des frais de services moins élevés. Dans le cas contraire, pourquoi, après tout, fusionnerions-nous nos activités? Nous fusionnons pour devenir plus productifs.
Sur le plan de l'emploi, nous avons l'équivalent de 74 000 employés à temps plein, répartis dans deux banques. Nous avons un taux naturel d'attrition d'environ 8 000 employés par année. Nous pensons donc que l'attrition permettra d'absorber la vaste majorité des pertes d'emplois. Dans certains centres urbains, nous devrons peut-être dans certains cas recycler et réaffecter des employés. Dans les centres ruraux plus petits, il sera peut-être plus difficile d'agir ainsi, mais nous nous pencherons sur des mesures comme les garanties d'emploi, ou sur tout ce qui paraît raisonnable.
On ne peut prédire l'avenir, mais je suis convaincu que, le cas échéant, la banque intégrée, dans cinq ans, fournira plus d'emplois que si chacune des deux banques poursuit ses activités à titre autonome. Si nous fusionnons, nous serons en mesure de soutenir la concurrence. Nous serons en mesure d'investir dans la technologie, et nous serons en mesure de soutenir la concurrence des grands intervenants dans le domaine des prêts. Nous demeurerons dynamiques; nous réinvestirons dans nos clients et dans les services afin de continuer d'assurer un niveau de service élevé. Si notre projet de fusion est rejeté, je crains que nous serons en tout temps moins forts et moins capables d'investir.
Le sénateur Austin: Soyons bien clairs: lorsque vous avez évoqué des chiffres concernant l'emploi, vouliez-vous dire que vous alliez employer plus de gens au Canada ou plus de gens à la Banque TD?
M. Baillie: Je pense que nous emploierons plus de gens au Canada. Avec un peu de chance, cependant, nous emploierons également plus de gens dans la banque intégrée aussi.
Le sénateur Austin: Dans certains des articles que j'ai lus au sujet des fusions de banques, on se demande si les fusions de grandes banques qui ont marqué les dernières années -- lesquelles se sont soldées par une plus grande intégration des banques -- s'effectuent au moment où la demande de produits financiers est de plus en plus dispersée, où les clients de tous genres n'hésitent pas à passer d'une institution à l'autre pour obtenir les services bancaires dont ils ont besoin. Les clients consacrent de plus en plus de leur temps à des institutions financières spécialisées, qui exercent leurs fonctions de façon très efficace. D'une certaine façon, une grande banque intégrée ou universelle est peut-être plus lourde et moins facile à gérer sur le plan financier, et donc moins rentable. J'aimerais avoir votre opinion au sujet de cette vision.
M. Baillie: Que la fusion soit autorisée ou non, les institutions qui réussissent seront celles qui se spécialisent un peu plus. J'ai fait allusion à la technologie de même qu'à l'importance et au caractère de nécessité qu'elle revêt pour le secteur bancaire.
Il y a deux ans, nous avons pris la décision de nous retirer du secteur de la garde des biens parce que les capitaux nécessaires étaient au-dessus de nos moyens. Il valait beaucoup mieux investir dans certains de nos autres secteurs d'activité. Cette année, nous avons renoncé aux services de la paie pour le même motif. Au fil des ans, nous nous retirerons d'autres secteurs.
Si on nous autorise à fusionner nos activités, nous n'aurons pas à rétrécir la portée de nos activités autant que dans le cas contraire. Nous devrons tous devenir un peu plus spécialisés au fil des ans.
Le sénateur Austin: Donc, vous n'avez pas l'intention de devenir une banque qui s'apparente à la State Street Bank. Vous aimeriez avoir les mêmes revenus qu'elle.
M. Baillie: Dans un pays de cette importance, la State Street Bank peut vraiment se spécialiser. Au Canada, la demande du type de produit que la State Street Bank a offert n'est tout simplement pas suffisante pour que quiconque puisse se spécialiser de façon viable dans tout secteur exigeant de telles ressources.
Le sénateur Austin: On entend souvent dire que les très grandes banques, à supposer que les fusions soient autorisées, contrôleraient de 67 à 70 p. 100 du secteur des services bancaires de détail au Canada, ce qui représenterait une situation unique au monde. On craint qu'il n'en résulte tout naturellement un contexte non concurrentiel pour les consommateurs, en raison de la présence, sur le marché, de décideurs de prix et de leaders que personne ne serait en mesure de concurrencer. Qu'en pensez-vous?
M. Baillie: Eh bien, on peut, comme vous le faites, poser un certain pourcentage du marché bancaire. Pour ma part, je me concentrerais plutôt sur le pourcentage des dépôts de détail.
Il fut un temps où nous détenions la plupart des dépôts de détail, mais ce n'est plus le cas. La concurrence est vive, qu'elle vienne, disons, des Caisses Desjardins, des coopératives de crédit ou des compagnies de fiducie.
Une étude réalisée par Goldman Sachs a montré que, à supposer que les fusions soient autorisées, les trois plus importantes banques du Canada -- une fois les fusions terminées -- détiendraient quelque chose comme 50 p. 100 des dépôts. En Californie, les trois plus importantes banques détiennent 52 p. 100 des dépôts. En Floride, les trois plus importantes banques en détiennent 59 p. 100.
Ces chiffres, lorsqu'on compare la situation du Canada à celle des États-Unis, rendent compte, au Canada, d'une situation dans laquelle les fusions ont déjà été effectuées; à l'inverse, aux États-Unis, les fusions se poursuivent. Nous n'irions pas à l'encontre de la tendance en Floride ou en Californie. Nous n'irions certainement pas à l'encontre de la situation qu'on vit dans le nord de l'Europe, aux Pays-Bas ou en Suisse.
Le sénateur Austin: J'ai visité les Pays-Bas. On y retrouve trois grandes banques, et elles détiennent 85 p. 100 du marché de détail. Toutefois, il s'agit d'un petit pays, et la concurrence y est vive. Aux Pays-Bas, les points de service sont presque aussi nombreux que les dépanneurs.
M. Baillie: Nous croyons avoir un nombre de succursales par habitant plus élevé que dans tout autre pays du monde. Le Canada est vaste sur le plan géographique, mais pas sur le plan démographique.
Le sénateur Oliver: Jeudi dernier, nous étions à Vancouver, et nous avons entendu le témoignage de Jusef Nassar, chef de la direction de la Banque Honkong du Canada. Voici comment je résumerais en une seule phrase ce qu'il avait à nous dire: au Canada, nous devrions nous diriger vers une intégration complète des réseaux de guichets automatiques bancaires. Selon lui, on offrirait ainsi au consommateur beaucoup plus de choix, tout en facilitant l'accès de nouvelles entreprises sur le marché. Selon lui toujours, l'intégration complète assurerait à chaque nouvel arrivant 19 000 nouveaux points de service.
Que pensez-vous de cette proposition? Êtes-vous d'accord? Deuxièmement, comment en assumerait-on les coûts?
M. Baillie: C'est le deuxième élément qui pose problème. En théorie, c'est merveilleux. Nous avons demandé au groupe Interac de se pencher sur cette question. L'une des questions que nous n'avons pas encore résolues est de savoir qui fera les frais des dépôts frauduleux. Si des groupes insolvables ont accès aux réseaux, que peut-on faire? Par exemple, devrait-on différer l'inscription au crédit des dépôts effectués dans les GAB, ou ne pas autoriser les retraits? Beaucoup reste à faire dans le domaine des fraudes liées aux guichets automatiques. Au Canada, l'utilisation des guichets automatiques est en hausse. Vous avez probablement lu des articles à ce sujet.
Pour répondre à votre question, je n'y vois pas d'inconvénient en principe. Notre banque a décidé que la fabrication de produits ne relevait pas de sa compétence. Nos points forts ont trait à la distribution et aux relations. Nous aimerions être en mesure d'offrir les produits d'autres sociétés par l'intermédiaire de nos succursales, et nous l'avons fait dans les domaines des fonds communs de placement et des effets de commerce. Nous serions heureux d'en faire autant avec les produits d'autres sociétés, notamment dans le domaine des prêts, et nous avons entrepris des négociations avec certaines. La stratégie d'intégration cadrerait bien dans une telle démarche. Toutefois, beaucoup de détails, particulièrement dans le domaine de la fraude, restent à arrêter.
Le sénateur Oliver: Ce que vous nous dites, dans ce cas, c'est que, même si la fraude demeure votre principale préoccupation, on peut y voir un bon moyen d'accroître la concurrence et de garantir l'accessibilité des services à un plus grand nombre de Canadiens. Mon interprétation est-elle juste?
M. Baillie: Je n'en suis pas certain. La mesure aurait pour effet d'aviver immédiatement la concurrence et d'élargir les choix offerts aux Canadiens en matière de services. S'il s'agit d'un service gratuit et que vous êtes un nouvel arrivant, c'est merveilleux; si vous devez assumer des coûts considérables, c'est exorbitant.
Le sénateur Oliver: Avez-vous réfléchi aux coûts et aux droits que devrait assumer un nouvel arrivant pour être admis dans le réseau?
M. Baillie: Nous l'avons fait par des voies détournées. Aux États-Unis, nous avons une banque appelée Waterhouse National Bank, qui est exclusivement une banque électronique. Nous aimerions bénéficier d'une intégration complète aux États-Unis, et nous ne savons pas encore combien il en coûterait. Nous avons parlé à différents intervenants, et nous tentons de nous faire une idée à ce sujet.
M. McDonald: Nous nous sommes dits favorables à une ouverture contrôlée du système de paiements canadien, ce qui devrait avoir un impact très profond sur les activités du secteur des services bancaires de détail. Les GAB sont l'un des éléments du portrait d'ensemble. Si, comme M. Baillie l'a indiqué, on autorise l'accès à des intervenants compétents, on devra faire preuve de prudence dans l'établissement de la liste de membres puisque, sinon, des problèmes liés à la fraude risquent de se poser. On pourrait également nuire à l'excellence du service et du réseau qui est aujourd'hui en place, du point de vue du délai de compensation, et cetera.
Cinq ans après l'ouverture du système de paiements canadien, le contexte concurrentiel sera radicalement différent.
Le sénateur Oliver: En d'autres termes, vous n'êtes pas foncièrement opposé à cette idée, à condition que le problème de la fraude soit résolu.
Le président: Avec votre permission, j'aimerais faire une observation supplémentaire.
Tous les points soulevés par monsieur McDonald au sujet des risques inhérents à la modification du réseau Interac correspondent exactement aux arguments invoqués par l'industrie pendant quelques années, période au cours de laquelle elle est parvenue à retarder l'ouverture du réseau, avant la décision du Bureau de la concurrence. Les arguments invoqués avaient toujours trait à la sécurité et à d'autres enjeux de ce genre. Par conséquent, vous voudriez bien excuser le malaise que j'éprouve en constatant que, lorsqu'il est question pour la première fois de modifier le réseau, on déterre les mêmes arguments.
M. Baillie: Le seul problème, cependant, c'est que si on autorise la venue d'un grand nombre d'intervenants insolvables, les autres établissements de compensation assortiront le système de paiements de délais. Il en résultera un système analogue à celui qu'on retrouve aux États-Unis, et nous n'en voulons pas au pays.
Le président: Le comité en est pleinement conscient, et c'est pourquoi nous avons évoqué la possibilité d'autoriser la venue d'autres institutions financières et de ne pas ouvrir le marché plus avant.
Le sénateur Oliver: À votre avis, quels sont les points faibles du rapport MacKay, et quelles sont ses lacunes? Je sais que vous avez présenté un projet de fusion et que, par conséquent, vous ne voulez pas faire de commentaires trop négatifs, mais, dans le cadre de notre étude, il nous serait utile de savoir ce qui cloche dans le rapport?
M. Baillie: La question de la réglementation me préoccupe. Si nous nous étions rendus coupables d'abus incroyables, et tout le reste, je comprendrais la nécessité d'une réglementation nettement plus poussée.
Le sénateur Oliver: Faites-vous référence à la vente liée et à la protection des renseignements personnels de même qu'aux dispositions législatives proposées dans le rapport MacKay?
M. Baillie: Oui, je fais référence à ces aspects. Dans l'ensemble du rapport, cependant, on laisse entendre que de nombreux nouveaux règlements pourraient être ajoutés -- dans les mains d'une personne zélée tout au moins, il pourrait s'agir d'un nombre considérable de règlements. Nous sommes une grande industrie. Du point de vue de l'intégrité, de la vente liée, de la protection des renseignements personnels, et cetera, nous nous sommes assez bien tirés d'affaire. Il y a certaines pommes pourries parmi nous, mais, dans les secteurs que j'ai évoqués, nous nous sommes assez bien tirés d'affaires. Je redoute simplement une augmentation des coûts, non seulement pour nous, mais aussi pour tout intervenant de l'industrie des services financiers.
Le sénateur Oliver: Hormis la surréglementation, y a-t-il d'autres aspects qui vous agacent?
M. Baillie: Il y en a un autre qui me préoccupe, et c'est l'encouragement des petites banques dotées de capitaux limités. Si j'en parle, c'est parce que notre banque, à titre de participants, vient tout juste d'assumer sa part des coûts du renflouement de la Banque Commerciale du Canada et de la Norbanque. Je suis donc d'accord pour dire qu'il faut accroître la concurrence, mais j'aimerais que la concurrence bénéficie d'un financement solide.
Le sénateur Oliver: Visez-vous aussi les coopératives de crédit et les recommandations du groupe de travail MacKay qui les concernent?
M. Baillie: Non. Les coopératives de crédit sont en place depuis longtemps. Elles bénéficient d'une vaste expérience et d'une clientèle nombreuse. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette partie du rapport.
Ce qui me préoccupe, c'est la formation d'une nouvelle banque dotée de très peu de capitaux. Il n'est jamais agréable de faire les frais des erreurs de quelqu'un d'autre, et c'est ce que nous avons dû faire.
Le sénateur Oliver: Tout au long de votre déclaration et dans vos réponses aux questions du sénateur Austin, vous avez fait état de votre volonté de fusionner. Dans un certain nombre de journaux à vocation financière du Canada, on a cependant fait courir des rumeurs fortes et persistantes selon lesquelles votre projet de fusion pourrait tomber à l'eau en raison de fluctuations de la valeur des actions de votre entreprise, et ainsi de suite.
Pouvez-vous nous dire aujourd'hui si vous caressez toujours ou non un tel projet? Envisagez-vous sérieusement une fusion, ou le projet risque-t-il d'échouer?
M. Baillie: Notre projet de fusion est sérieux. S'il est approuvé, nous avons le sentiment que nous pourrons surmonter tous les obstacles entre les deux banques.
Le sénateur Oliver: À votre avis, quelle est la source de ces rumeurs fortes et persistantes?
M. Baillie: Au dernier trimestre, les bénéfices nets de notre partenaire éventuel ne se sont guère révélés attrayants, comme les dirigeants de l'entreprise seraient les premiers à en convenir, de sorte que nos actions ne se sont pas transigées selon le taux de conversion. C'est là, je pense, qu'on se pose des questions, qu'on se demande si nous devrions modifier le taux de conversion, révoquer l'entente, et cetera.
Le sénateur Oliver: Et vous nous dites qu'il n'y a pas de problème?
M. Baillie: Eh bien, il faudra du temps avant que l'entente ne soit mise en oeuvre, le cas échéant, et qu'elle soit approuvée. Le moment venu, nous déterminerons ce qui est dans l'intérêt de nos actionnaires.
Le sénateur Oliver: Devant le comité, Matthew Barrett a déclaré que sa banque, à supposer que la fusion ne soit pas autorisée, ne pourrait plus être une banque universelle offrant tous les produits qu'elle offre aujourd'hui. Qu'en est-il de la Banque TD?
M. Baillie: Si la garde des biens et le service de paie font partie de ce qu'on entend par «universel», nous ne sommes déjà plus une banque universelle. Nous continuerions d'être ce qu'on peut appeler une banque universelle, mais peu à peu, en raison de la technologie et, en particulier, de la capacité de certains des nouveaux concurrents d'investir dans la technologie, nous ne serons pas en mesure de soutenir la concurrence. Les concurrents de ce genre seront plus nombreux si nous ne fusionnons pas que si nous fusionnons.
Le sénateur Oliver: Pourriez-vous nous donner un exemple?
M. Baillie: Eh bien, le secteur qui me préoccupe est celui des cartes de crédit, et, à l'heure actuelle, il s'agit pour nous d'un marché lucratif.
Regardez ce que dépense MBNA. Cette entreprise nous a enlevé le programme des cartes d'affinité de l'Université York. Elle l'a emporté. Une autre société nous a soutiré les cartes de crédit d'Esso -- je pense que c'est American Express qui l'a emporté. Ainsi, le secteur des cartes de crédit fait l'objet d'empiétements considérables, et c'est un secteur qui exige des dépenses dans la technologie.
Le sénateur Joyal: Monsieur Baillie, monsieur McDonald, je tiens à vous féliciter pour votre témoignage. Votre mémoire est l'un des seuls où les témoins ont tenté de nous donner un aperçu général et équilibré des diverses recommandations portant sur l'avenir des secteurs. Il nous a été utile.
Compte tenu de la taille de l'économie du Canada, l'avenir de notre pays dans son ensemble ne repose-t-il pas sur l'établissement de certains créneaux que nous devons être les premiers à occuper, comme vous l'avez vous-mêmes fait aux États-Unis dans le domaine de l'escompte? C'est là une histoire de réussite totale. Je suis certain que votre conseil d'administration sera très satisfait des résultats que vous lui communiquerez relativement aux activités dans le marché américain et dans ces secteurs.
Puisque, dans les faits, vous avez vous-mêmes réussi des empiétements majeurs dans le marché mondial, pour reprendre vos propres mots, l'avenir des institutions du secteur financier canadien ne repose-t-il pas sur l'établissement de créneaux et la mise au point d'un produit imbattable, secteur dans lesquels les intéressés auront la possibilité d'être des institutions financières de classe mondiale? Comme le sénateur Oliver l'a indiqué, vouloir tout faire pour tout le monde, dans le monde spécialisé d'aujourd'hui, relève peut-être d'une attitude passéiste. Comme vous avez réussi par le passé -- et nous vous en félicitons --, n'est-ce pas là la voie de l'avenir? Que la fusion soit autorisée ou non, ne devriez-vous pas envisager l'avenir sous l'angle du regroupement de vos capacités avec celles d'autres institutions financières, comme vous avez été en mesure de le faire relativement aux trois piliers?
M. Baillie: Sénateur Joyal, je pense que vous soulevez un point très valable, et je crois que c'est le même qu'a soulevé le sénateur Austin. Même si on autorise la fusion, nous nous bercerions d'illusions en croyant pouvoir compter parmi les dix banques universelles en importance du monde. Le Canada ne fait tous simplement pas le poids. Notre monnaie n'est pas une monnaie de réserve, et, si nous souhaitons avoir des aspirations, nous devrions du même souffle reconnaître nos limites.
Nous n'aspirons pas à devenir l'une des plus grandes banques du monde. Nous voulons simplement devenir une banque qui serait assez forte pour être concurrentielle au Canada dans notre secteur traditionnel et pour offrir de bons services au Canada. Nous aimerions être capables d'investir suffisamment, pour ensuite choisir des domaines où nous pourrions être efficaces à l'extérieur du pays.
Concernant le courtage réduit dont vous avez fait mention, la chance a été avec nous. Nous nous sommes livrés très tôt à cette activité au Canada, et nous nous sommes appropriés une grande partie du marché canadien qui n'intéressait pas les banques américaines pour la raison suivante: il y a des années, la Bank of America a acheté Charles Schwab. Mais ça n'a pas fonctionné, et elle l'a vendu. Les banques semblaient penser que cette banque n'était pas très conviviale. Nous avons eu le temps de bien connaître ce domaine au Canada, puis nous avons acheté aux États-Unis et nous avons travaillé sur notre propre franchise, la Waterhouse, avant qu'il n'y ait beaucoup de concurrence de la part des banques américaines.
Aujourd'hui, nous sommes le numéro deux dans le monde en matière de courtage réduit. Ce secteur est axé sur la masse critique. Vous n'en tirez profit que lorsque vous atteignez une certaine taille, mais lorsque vous y êtes, c'est très intéressant, et la croissance est très bonne. Voilà un autre secteur où nous pensons détenir un avantage.
Nous avons ouvert des succursales partout dans le monde -- nous en avons ouvert en Australie, et nous venons tout juste d'en acheter une petite au Royaume-Uni -- mais ce n'est pas juste une suite d'ouvertures. Lorsque nous achetons au Royaume-Uni, ce n'est pas seulement pour permettre aux citoyens du Royaume-Uni de faire le commerce des valeurs mobilières dans leur pays. Nous leur avons permis d'accéder au marché canadien, au marché américain, et ainsi de suite, et nous pouvons offrir d'autres produits par le truchement de cette filière.
Que nous fusionnions ou non, nous essaierons de profiter de tous les avantages possibles qui découlent du fait de compter parmi les meilleurs dans le secteur du courtage réduit. Si nous fusionnons, nous pourrons justifier l'ajout de capitaux dans ce domaine, et nous pourrons nous imposer plus rapidement dans le monde pour profiter de notre avantage et le conserver.
À cette fin, nous établissons une banque électronique aux États-Unis, et ça, c'est une autre chose. Si cela fonctionnait aux États-Unis, nous pourrions établir une banque électronique n'importe où dans le monde où nous comptons un courtier à escompte. Le financement des exportations est un des aspects que nous pouvons mentionner. Un autre est le commerce. Nous l'avons fait, lorsqu'il a fallu échanger les devises les moins élevées sur le marché des euro-obligations. Nous sommes devenus experts dans ce domaine. Nous sommes numéro un au Canada dans les euro-obligations canadiennes, numéro un en Australie, et numéro deux en Nouvelle-Zélande. Je crois que nous sommes numéro un ou deux en Afrique du Sud.
Nous trouverons des créneaux de marchés, et nous les exploiterons. Comme je l'ai déjà dit, je crois que nous nous spécialiserons toujours plus. Chacun de nous devra inévitablement se spécialiser, parce que certaines banques pourraient nous talonner en se spécialisant dans un certain produit, et elles pourraient le faire mieux que vous et moi.
M. McDonald: Est-ce que je peux ajouter quelque chose, brièvement, à ce commentaire? En grande partie grâce aux politiques et aux règlements nationaux concernant l'activité bancaire dans notre pays, nous faisons aujourd'hui partie de la classe mondiale en ce qui concerne nos services bancaires au détail et nos capacités dans tout le pays.
Au cours des quelques dernières années, on a fait des dépenses massives au chapitre de la technologie, de l'exploitation des bases de données, et des profils d'information sur les consommateurs. La technologie de meilleure qualité, ainsi que la meilleure utilisation de celle-ci constituent l'avenir de l'activité bancaire. Nous croyons que notre union avec la CIBC nous donne une très bonne assise pour être concurrentiels sur le marché américain.
Nos possibilités sont en grande partie concentrées en Amérique du Nord, mais avec nos possibilités électroniques et nos services bancaires au détail, c'est déjà quelque chose que nous soyons concurrentiels. Nous avons une clientèle dans ce pays qui nous aide à prendre de l'expansion aux États-Unis. Notre expérience dans le domaine de la technologie sur la plate-forme nationale peut également être très avantageuse aux États-Unis.
Le sénateur Joyal: J'ai une question à propos de l'économie d'échelle, à laquelle vous avez fait allusion dans votre mémoire. Dans les études qui ont été mises à notre disposition, la plupart des économistes croient que, en dessous d'un certain niveau -- disons de 50 à 100 milliards de dollars -- il n'est pas prouvé que les avantages de la fusion sont aussi importants. En fait, les études semblent conclure le contraire; c'est-à-dire qu'il n'existe presque pas d'avantages. Quelquefois même, il pourrait y avoir une incidence négative, et la fusion est alors un échec. Il n'y a pas de recette magique pour cette approche.
C'est un chemin accidenté, surtout lorsque vous êtes au-dessus ou au-dessous d'un certain niveau de capitalisation. Ce n'est pas aussi facile que de dire: «Oh, oui, donnez-nous l'autorisation de fusionner, nous aurons une grande économie d'échelle, et elle sera transmise au consommateur.»
En réalité, comme je l'ai dit, les études semblent conclure que, au-dessus d'un certain niveau, il y a très peu d'avantages, et certaines fusions échouent. Je crois même que certaines statistiques révèlent qu'une fusion sur deux échoue -- qu'elle ne donne pas les résultats désirés.
En tenant compte de cela, ne devrions-nous pas, comme vous l'avez expliqué, soutenir des initiatives où on définit certains produits spécialisés et où on établit des alliances stratégiques avec d'autres groupes à l'étranger? De cette façon, vous pouvez conserver la position que vous occupez déjà dans certains secteurs, et vous pourriez en trouver d'autres dans les années à venir. Comment répondez-vous à cet argument?
M. Baillie: Je ne serais pas un banquier responsable si je n'avais pas lu ces études. Pendant longtemps, j'ai espéré que la TD pourrait continuer à être concurrentielle comme elle l'était auparavant, et qu'elle pourrait encore être une banque universelle.
En fin de compte, je suis d'accord avec vous au sujet de ces études, mais le monde a bien changé depuis qu'elles ont été réalisées. Nos concurrents sont devenus de plus en plus importants. Tout va bien si vos concurrents ne sont pas plus gros que vous, parce que leur limite de prêt n'est pas supérieure à la vôtre. Toutefois, nos clients ont pris de l'expansion et ils iront vers d'autres banques si nous ne pouvons répondre à leurs besoins.
Nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli au chapitre de la syndication des prêts. Les statistiques du premier semestre révèlent que la TD est arrivée au septième rang aux États-Unis dans ce domaine. La syndication consiste à placer la totalité du prêt, puis à le vendre. Nous étions numéro deux dans ce qu'on appelle «syndication à levier financier», ce qui représente la syndication la plus risquée, mais aussi la plus rentable. Aucune autre banque américaine ne figurait sur l'une des listes, et nous en sommes très heureux.
Au cours du dernier trimestre, la Nations Bank a fait deux promesses de prêts dans la fourchette des quatre milliards de dollars. Cela me rend nerveux. Avec notre capital, nous ne pouvons offrir qu'un peu plus de deux milliards de dollars. Si un gros client veut obtenir un prêt important, il aura tendance à aller vers une institution qui est en mesure de lui promettre la totalité du prêt, plutôt que de venir nous voir.
Cette réalité m'a amené à conclure que la technologie a changé. Plus tôt, j'ai mentionné qu'il y avait un temps où nous dépensions autant d'argent pour la technologie que le faisait la Nations Bank. Mais, entre-temps, celle-ci a fusionné avec beaucoup de banques. L'an dernier, la Nations Bank-Bank of America a affecté 3,8 milliards de dollars à la technologie, et nous n'en avons affecté que 500 millions. J'ai mentionné la question de la carte de crédit de MBNA, à laquelle ils ont affecté 150 millions de dollars et nous, 6,5 millions. Il y a quelques années, pourtant, nous dépensions autant d'argent qu'eux.
Le secteur bancaire a toujours utilisé la technologie, mais la transaction principale était toujours effectuée par le caissier. Toutefois, aujourd'hui, la plupart de ces transactions s'effectuent par guichet automatique, par ordinateur ou par téléphone. La technologie est devenue plus importante que tout le reste.
Dans cinq ans, les études révéleront que le monde a changé en 1995 ou en 1996. Avant, il y a toujours eu des économies d'échelle, mais les déséconomies de gestion les ont écartées. Les économies d'échelle sont devenues si vastes que, si votre système de gestion est raisonnable, vous réussirez.
Le sénateur Di Nino: Le rapport MacKay suggère de permettre aux banques de vendre des produits d'assurance -- assurance-vie et assurance IARD -- et de se lancer dans la location d'automobiles. Bien des témoins sont très préoccupés par cette possibilité. En réalité, ils ont peur qu'il n'y ait plus de concurrence dans le secteur.
Qu'en pensez-vous?
M. Baillie: Vous devriez prendre mes paroles avec un grain de sel, parce que j'aimerais obtenir ces pouvoirs. Toutefois, j'essaierai d'être objectif. Je crois que vous ne devriez pas écouter quelle est ma situation dans mon industrie ni quelle est leur situation dans leur industrie. Vous devriez essayer d'étudier la question en tenant compte des consommateurs.
Le groupe de travail MacKay a déterminé que 17 p. 100 des Canadiens n'ont pas d'assurance, et que, l'an dernier, plus de la moitié n'ont pas été abordés pour en acheter une. Il a également indiqué que la Caisse Desjardins a commencé à vendre de l'assurance-vie en 1948. Le groupe de travail a conclu que c'était plus sain ainsi, et que cela permettait d'employer plus de gens dans l'économie. La vente d'assurance-vie au Québec est plus importante. Celle-ci a été fructueuse, et elle a élargi le marché.
Le rapport MacKay a révélé que 77 p. 100 des Canadiens ont dit vouloir avoir le choix d'acheter leur assurance de compagnies d'assurances, de banques, ou d'autres institutions. Même chose pour la location de véhicules. Cependant, je crois que celle-ci est plus intéressante, parce que les taux y sont plus élevés. Ils sont de 1,2 p. 100 plus élevés que ceux aux États-Unis, où les banques sont autorisées à faire la location de véhicules.
Examinons la question dans son contexte. Il y a des années, la banque d'une collectivité détenait la plupart des avoirs -- épargne et autres -- des membres de cette collectivité. Toutefois, au fil des ans, les assureurs ont commencé à leur vendre des fonds de placement. Les fonds de placement se vendent bien, et nous avons toutes sortes de concurrents. Avec les années, nous avons perdu beaucoup de notre part de l'épargne. Mais nous occupons encore un rang élevé au chapitre des transactions. Toutefois, comme l'a dit M. McDonald, l'ouverture du système de paiements fera baisser de façon marquée le volume de nos transactions et de nos comptes.
Quand je regarde nos banques, j'aimerais d'abord et avant tout constater que notre réseau offre plus de produits. Cela ne doit pas obligatoirement être un produit de notre banque -- ce peut être le produit de n'importe qui. Plus nous offrons de produits, plus nous pouvons garder nos succursales. Ce n'est pas parce que nous fermons une succursale que nous sommes sans pitié. C'est juste qu'il y a quelques années, nous possédions la plupart des économies de toute la collectivité, et aujourd'hui, ces économies sont dispersées. Aujourd'hui, 80 p. 100 des transactions ont lieu à l'extérieur de la succursale. Les transactions effectuées par les caissiers de nos succursales chutent de 10 p. 100 par année, alors que l'ensemble des transactions croît à un rythme effréné.
Pour ce qui est des petites entreprises, l'une des solutions que nous envisageons est de vendre les produits d'autres institutions, que ce soit Finova ou une banque américaine, qui aimeraient distribuer ses ensembles de services à la petite entreprise. Ces services pourraient être offerts dans toutes nos succursales du pays. Voilà ce que je pense.
Le sénateur Di Nino: Monsieur Baillie, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que cela est très différent? Vous parlez d'un produit qui est spécifique à une industrie. Ils prétendent que vous pourriez les pousser à la faillite à cause de votre taille, surtout si vous fusionnez.
Prenons l'exemple de ce qui est arrivé dans l'industrie de la fiducie dans les années 60, 70 et 80 -- et au point où on en est, dans les années 90. La question de savoir si le consommateur est avantagé ou non est celle que nous devons aborder, étant donné que cela pourrait profiter à l'ensemble des Canadiens.
Avez-vous des études -- des données, par exemple -- qui indiqueraient que les ratés de l'industrie de la fiducie proprement dite n'ont pas nui aux avantages pour les consommateurs? Par exemple, auriez-vous des données sur ce qu'étaient les écarts dans les années 80 et sur ce qu'ils sont dans les années 90? Pourriez-vous savoir si les frais de services ont augmenté ou diminué depuis que vous disposez d'un plus grand bassin de capitaux et que vous avez plus de possibilités d'affaires?
M. Baillie: J'aimerais préciser que nous n'avons pas poussé les sociétés de fiducie à la faillite. Elles se sont sorties elles-mêmes du secteur de l'immobilier. C'était un problème de gestion. Nous n'avions rien à voir là-dedans.
Au Québec, les caisses vendent de l'assurance-vie depuis 1948, et cela ne semble pas avoir ralenti le secteur. Les agents sont toujours prospères, et le marché est beaucoup plus vaste. On en arrive à la conclusion, du moins dans le rapport MacKay, que ce secteur est beaucoup plus effervescent qu'il l'aurait été si les caisses n'avaient pas vendu d'assurance. D'après ce que nous voyons, le marché de l'assurance est également devenu plus vaste et plus grand, toutes les fois où les banques ont offert des produits d'assurance.
Le sénateur Di Nino: Vous admettez donc que si vous aviez des informations sur les domaines dans lesquels les banques ont été autorisées à entrer au cours des vingt ou trente dernières années, cette information indiquerait que le consommateur n'en a pas souffert?
M. Baillie: Nous avons effectivement de l'information qui révèle que lorsque nous avons pu entrer sur le marché hypothécaire, les hypothèques ont baissé. Lorsque nous avons eu l'autorisation d'entrer sur le marché des prêts aux consommateurs, les prix ont baissé. Nous n'avons pas pu être autorisés à faire de la location de véhicules, mais les banques américaines, elles, l'ont été, et les taux là-bas ne sont que de 1,2 p. 100. Le groupe de travail MacKay a indiqué que les taux aux États-Unis sont de 1,2 p. 100 plus bas que ceux du Canada.
Le sénateur Di Nino: Ainsi, il est évident que vous dites que la compétition est saine, et que vous l'encouragez. Tout ce que vous demandez, c'est d'avoir un marché où la concurrence est forte, plutôt qu'un marché où vous pouvez vous spécialiser.
Admettez-vous également qu'on devrait encourager la compétition dans les affaires financières intermédiaires? Admettez-vous également qu'on devrait encourager, comme le recommande le rapport MacKay, la création d'institutions supplémentaires, et que les pouvoirs des banques et des coopératives de crédit étrangères devraient être élargis? Est-ce quelque chose que vous voudriez appuyer?
M. Baillie: J'appuierais fortement la venue de compétiteurs étrangers, l'expansion des coopératives de crédit et la création de nouvelles banques, si toutefois ils étaient bien capitalisés. Tout ce que je veux, c'est de ne pas avoir à ramasser les pots cassés d'une banque faiblement capitalisée qui tombe en faillite deux ans plus tard.
Le sénateur Di Nino: Voilà un argument qui n'a pas sa place ici. Je soupçonne que certaines grandes banques ont également créé d'immenses problèmes pour notre pays, dont les contribuables canadiens ont ramassé les pots cassés dans les vingt ou trente dernières années. Je doute que ce soit une question de taille.
M. Baillie: Le contribuable canadien n'a jamais eu à faire quoi que ce soit pour les grandes banques canadiennes. Il y a eu des moments où nous avons payé moins d'impôts, car nous payons nos impôts en fonction de nos profits. Si nous ne faisons pas de profits, jamais nous n'aurons à payer des impôts. Mais ce n'est pas au contribuable canadien de ramasser les pots cassés.
Le sénateur Di Nino: Alors vous admettez que la concurrence est une bonne affaire? Vous appuieriez la concurrence grandissante dans le secteur bancaire, y compris l'emploi de mesures incitatives pour améliorer la concurrence?
M. Baillie: Je crois vraiment que, plus nous accepterons de compétiteurs, plus nous serons spécialisés.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé de la concurrence accrue des banques dans d'autres parties de l'économie nord-américaine et du monde. Pourriez-vous me dire comment la MBNA se classe -- savez, les émetteurs de cartes de crédit? Quel est son rang au chapitre de la taille en tant qu'institution financière par rapport aux cinq grandes banques du Canada? Celle-ci serait-elle plus grande ou plus petite qu'elles?
M. McDonald: Au chapitre de la capitalisation boursière, elle serait comparable.
M. Baillie: Ou plus grande?
M. McDonald: Ou plus grande. Au chapitre de la capitalisation boursière, la MBNA serait comparable aux banques canadiennes, ou serait plus grande qu'elles.
M. Baillie: Je pourrais facilement obtenir ces chiffres pour vous, mais je ne pourrais vous donner qu'une simple estimation si j'essayais de le deviner maintenant.
Le sénateur Tkachuk: N'est-il pas vrai que la MBNA est une nouvelle venue sur le marché canadien?
M. Baillie: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Depuis combien d'années cherche-t-elle à entrer sur le marché?
M. McDonald: Deux ans.
M. Baillie: Toutes ces entreprises ont une chose en commun: elles ne sont pas ici depuis très longtemps.
Le sénateur Tkachuk: Détient-elle une partie importante du marché, aujourd'hui?
M. Baillie: Elle s'est emparée d'une partie considérable du marché.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi?
M. Baillie: C'est parce que, l'an dernier, elle a affecté 150 millions de dollars à la technologie des cartes, alors que nous n'en avons affecté que 6,5 millions. Elle peut créer des cartes légèrement différentes, et elle a dépensé de l'argent pour la segmentation, de sorte qu'elle peut s'emparer de groupes distincts de façon très habile.
La MBNA possède bien des technologies que nous n'avons pas. J'ai mentionné précédemment l'Université York. Je crois que nous avons également perdu l'Université de Toronto et celle de la carte d'Esso. La MBNA devrait avoir beaucoup de succès.
Le sénateur Tkachuk: Comment les taux d'intérêt de ses cartes de crédit se comparent-ils à ceux de votre banque?
M. Baillie: Il faudrait que j'aie les chiffres exacts, mais ils sont assez comparables.
M. McDonald: Elle offre une foule de produits.
M. Baillie: Oui, c'est ce qui lui permet de percer le marché.
M. McDonald: Elle a une kyrielle de taux d'intérêts et de structures de marchés.
M. Baillie: Ça change, pourtant. Ça rejoint le marché.
Le sénateur Tkachuk: En partie, votre argument tient au fait que ces nouveaux acteurs sur le marché vous causent des problèmes. Le marché canadien compte 30 millions de personnes, et au sud, il y en a 300 millions. N'êtes-vous pas en train d'embêter les personnes qui vivent de l'autre côté de la frontière? N'avez-vous pas des activités qui nuisent aux banques américaines et aux sociétés de cartes de crédit américaines en raison de votre expertise?
M. Baillie: Il est difficile de voir notre expertise en matière de carte de crédit. Nous sommes établis dans un marché qui compte, comme vous l'avez dit, 30 millions de gens. Leur marché en compte 10 fois plus, et ils ont beaucoup plus de consommateurs. Bank One, par exemple, est devenue un énorme joueur dans le domaine des cartes de crédit en acquérant d'autres banques. Elle a une clientèle de cartes de crédit très importante, et elle peut offrir cette technologie à bien des consommateurs. Cela est difficile pour nous.
Le domaine où nous nous sommes taillé une place de choix est le courtage réduit. Nous avons percé dans ce domaine assez tôt. Le marché américain est suffisamment vaste pour vous permettre de vous spécialiser dans un certain produit, et d'y exceller. Il n'y a pas beaucoup de produits au Canada dans lesquels vous pouvez vous spécialiser. Le marché n'est pas assez grand pour nous permettre le luxe de nous spécialiser dans un domaine.
Le sénateur Tkachuk: Pourtant, vous pourriez le faire aux États-Unis, n'est-ce pas? Ce que je veux dire, c'est que vous l'avez fait dans le secteur du courtage réduit. Ne pourriez-vous pas le faire dans d'autres secteurs? De quelle façon les fusions vous aideront-elles à écarter la MBNA?
M. Baillie: Nous aurons plus de consommateurs de cartes de crédit et nous serons en mesure de la concurrencer en ce sens. Si notre fusion se réalise, comme je l'ai dit plus tôt, nous pensons que nous aurons à acquérir un établissement aux États-Unis afin d'avoir une base en territoire américain sur laquelle nous pourrions bâtir et où nous pourrions nous spécialiser dans certaines choses.
M. McDonald: Nous ne disons pas qu'à long terme nous n'abandonnerons pas notre part du marché à une entreprise de services financiers spécialisée dans un seul produit et pleine de potentiel. Nous sentons que cela va arriver.
Il nous faudrait avoir la possibilité de leur faire concurrence au fil du temps. Pour ce faire, nous avons besoin d'un budget considérable pour la technologie. Cela est notre principal souci. L'importance même de leur budget comparé au nôtre nous empêche d'augmenter notre part du marché dans le secteur des services financiers.
Le sénateur Tkachuk: Ainsi, les banques fusionnées seraient en mesure de faire concurrence à la MBNA en offrant un taux initial de 5,9 ou de 6,5, puis un taux d'intérêt de carte de crédit de 16,5 p. 100. Est-ce ce qui arrivera? Après tout, c'est pour cette raison que les gens se procurent ces cartes. Ils ne les demandent pas parce qu'ils croient que le siège social de la MBNA possède un ordinateur plus beau.
N'est-ce pas pour cette raison qu'ils se les procurent? N'est-ce pas pour cela que ces consommateurs se tournent vers la MBNA?
M. Baillie: Nous aussi, nous avons des offres de lancement à court terme. La MBNA les recrute dans le cadre des programmes spéciaux. Elle fait un très bon travail.
Le sénateur Tkachuk: Elle est très habile.
M. Baillie: Elle est extraordinaire. Nous voulons être meilleurs qu'elle, mais, pour cela, nous devrons consacrer beaucoup plus d'argent à la technologie.
Le sénateur Tkachuk: Si les premières banques établies sur le marché sont autorisées à fusionner, peut-on en déduire que vous pourrez fusionner? En d'autres mots, si le projet de fusion Banque Royale-Banque de Montréal obtient carte blanche, vous l'avez également?
M. Baillie: Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir.
Le sénateur Tkachuk: Malheureusement, je ne suis pas le gouvernement. J'aimerais juste savoir ce que vous en pensez. Pensez-vous que cela serait injuste?
M. Baillie: En fait, ils sont plus gros. Ils auront plus de problèmes avec le Bureau de la concurrence. Ils ont planifié leur fusion avant la formation du groupe de travail MacKay, et ils l'ont fait avant nous. Nous ne l'aurions pas fait avant la création du groupe de travail. Je serais étonné que leur demande soit approuvée et que la nôtre ne le soit pas. Je crois que nous nous conformons aux lignes directrices du Bureau de la concurrence mieux qu'eux, juste parce que nous sommes plus petits.
Le sénateur Tkachuk: L'un des autres sénateurs a mentionné qu'il y aurait moins de possibilité de prise de contrôle si la fusion allait de l'avant. J'ai déjà entendu cet argument, mais je ne le comprends pas, car les banques comptent un grand nombre d'actionnaires et il ne peut y avoir de prise de contrôle. C'est-à-dire que personne ne peut prendre le contrôle de la Banque Toronto-Dominion.
Est-ce que vous, ou votre banque, êtes d'avis qu'on devrait éliminer tout cela et permettre la prise de contrôle de banques canadiennes? Seriez-vous en faveur de permettre à quelqu'un de posséder une part importante des actions, de sorte que la direction de la banque est davantage comptable à ses actionnaires ou à un propriétaire?
M. Baillie: Dans les années 80, je crois que nous avons constaté qu'il n'était pas nécessairement positif pour un établissement comme le Trust Royal d'avoir un actionnaire important. Avant même que les fusions ne deviennent source de débat, notre banque favorisait l'élimination de la règle des 10 p. 100 si elle visait à protéger les banques et leur direction. Par contre, si elle s'inscrit dans une politique gouvernementale positive, on devrait la conserver, mais en parler et la rendre claire. Nous devons décider de ce que nous allons en faire. Nous n'en avons pas besoin pour faire concurrence.
Vous dites qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, parce que la règle des 10 p. 100 est là. Par contre, si je m'étais présenté à Ottawa il y a dix ans pour dire: «Je veux prendre le contrôle du Trust National ou du Trust Royal», on m'aurait répondu de ne même pas y penser. Deux ou trois ans plus tard, par contre, les banques faisaient partie de la solution, et la Banque de la Nouvelle-Écosse a fait l'acquisition de Montreal Trust et du Trust National.
À mon avis, la loi ne nous protégera pas si nous ne sommes pas forts et viables, car, à long terme, il ne sera pas sage de la maintenir.
Le sénateur Kelleher: Dans votre exposé, aujourd'hui, vous avez dit être en faveur -- à mon avis, avec raison -- de l'établissement de règles équitables et d'un régime de libre concurrence. Vous avez aussi mentionné les articles que vous estimez pouvoir appuyer.
Cependant, vous n'avez pas mentionné les recommandations 22 à 24 du rapport MacKay, qui portent sur le renforcement de la concurrence dans le secteur coopératif, et je voulais seulement savoir si vous appuyez ces recommandations.
M. Baillie: Je suis très en faveur de ces recommandations. J'ai tenté, dans le cadre de mon témoignage, de repérer les recommandations qui, à notre avis, changeront le paysage des services financiers au cours du prochain siècle. Les recommandations sont nombreuses, et très peu d'entre elles sont mauvaises. Toutefois, je n'avais pas l'intention de passer en revue toutes les recommandations.
Les coopératives de crédit essaient de faire ce que nous faisons. Elles tentent de fusionner et de devenir plus grandes et meilleures.
Le sénateur Kelleher: Croyez-vous qu'elles sont capables d'être concurrentielles?
M. Baillie: Elles semblent jouir d'un soutien solide de la part de leurs membres, et elles sont plus fortes dans certaines régions du pays.
Le sénateur Kelleher: Vous serez heureux d'apprendre que ma dernière question n'est pas liée à la fusion des banques.
Nous avons souvent parlé de l'octroi de prêts à la petite et moyenne entreprise, et on a fait référence, à plusieurs occasions, au prêt fondé sur le risque. Aux États-Unis, cette pratique semble étendue, et presque courante. Ici, au Canada, par contre, on dit que nos grandes banques ne pratiquent pas le prêt fondé sur le risque. Nous essayons de découvrir pourquoi, et on nous répond souvent: «Eh bien, c'est la façon de faire les choses au Canada, les Canadiens n'aimeraient pas ça et nous aurions beaucoup d'ennuis, alors nous nous abstenons de le faire.» J'aimerais connaître votre point de vue sur cette question, s'il vous plaît.
M. Baillie: On pourrait dire, effectivement, que c'est la façon «canadienne» de faire les choses. Je suppose qu'on qualifierait cette pratique d'usuraire si on y recourrait. Nous avons établi une coentreprise d'investissement -- SCC Canada -- dans le cadre de laquelle nous investissons avec une entreprise de Nashville qui s'appelle Sirrom. Nous possédons 60 p. 100 des actions, et Sirrom, 40 p. 100. Nous investissons dans des sociétés canadiennes en croissance, nous achetons leurs dettes de second rang et nous possédons des bons de souscription d'actions. Les investissements n'ont pas tous fonctionné, mais il semble qu'on se tire plutôt bien d'affaire, et cela représente environ 60 millions de dollars. Est-ce le bon montant, monsieur McDonald?
M. McDonald: Notre plan visait à engager 50 millions de dollars.
M. Baillie: C'est l'un des moyens d'obtenir un rendement plus élevé, et nous nous sentons plus à l'aise et en confiance avec celui-là. Nous allons examiner la possibilité de hausser un peu les frais. À l'occasion de la dernière réunion de notre conseil d'administration, nous avons présenté un exposé sur la petite entreprise. Nous expliquions que nous avions commencé à mettre à l'essai des programmes dans le cadre desquels les taux d'intérêt seraient un peu plus élevés et on accepterait une plus grande part de risque, et que nous allions mettre sur pied de tels programmes.
Les résultats de l'enquête menée par Thompson Lightstone & Company montrent que nous avons approuvé 93 p. 100 des demandes de prêt qui nous ont été présentées par les petites entreprises. C'est un taux plutôt élevé. En vérité, je ne crois pas que notre taux soit si élevé. Nous améliorons constamment notre taux d'approbation, mais à 93 p. 100, on accepterait probablement des demandes qu'on ne devrait pas approuver.
Le sénateur Kelleher: Un certain nombre de personnes ont, dans le cadre de leur témoignage devant le comité, déclaré qu'il y avait un marché pour ces prêts à taux supérieur. Elles ont affirmé être disposées à payer un taux d'intérêt supérieur si cela permettait à leur entreprise d'aller de l'avant. C'est l'impression qu'on nous a donnée, et nous nous demandions s'il était possible qu'un plus grand nombre d'institutions mettent cette idée à l'essai, pour ainsi dire.
M. Baillie: Nous allons essayer de le faire, monsieur Kelleher. Nous n'avons pas encore arrêté tous les détails, mais nous allons lancer un programme de ce genre.
Le sénateur Callbeck: J'ai seulement deux questions à poser, et elles sont liées aux déclarations ou aux témoignages de personnes qui se sont adressées à nous.
La première concerne l'affirmation du dernier témoin de ce matin, M. Bill Cara, selon laquelle on pourrait aider les Canadiens:
Si les banques canadiennes imposaient les mêmes frais aux Canadiens qu'aux Américains pour les mêmes services.
Il a cité l'exemple du service d'investissement Ligne Verte de la Banque TD, qui impose une commission de 95 $ aux Canadiens qui achètent des actions. Aux États-Unis, le service de la Banque TD impose des frais de 25,50 $CAN. Je me demande comment on peut justifier un tel écart.
M. Baillie: Il faudrait que je vérifie ces chiffres. Notre forfait régulier de frais de service toucherait plus de Canadiens que nos activités de courtage réduit, et nos frais correspondent plus ou moins à 50 p. 100 des frais bancaires moyens aux États-Unis.
Il est vrai que nos frais de courtage électronique sont moins élevés aux États-Unis qu'au Canada. Notre volume d'activités aux États-Unis est si élevé qu'on peut justifier une telle baisse des frais. Si, toutefois, on devait appliquer les changements que nous avons proposés, je m'attendrais à ce que, dans 85 p. 100 des cas, les frais soient plus bas ici qu'aux États-Unis. Les frais de service au Canada sont incroyablement inférieurs à ceux qu'on impose aux États-Unis.
Le sénateur Callbeck: Vous dites que vos services seraient plus abordables qu'aux États-Unis.
M. Baillie: Ils le sont.
M. McDonald: Absolument.
Le sénateur Callbeck: Au chapitre des frais de service.
M. Baillie: Oui, au chapitre des frais de service. Ce n'est pas nécessairement le cas en ce qui concerne le courtage réduit. Je ne parle que des frais de services bancaires généraux.
Le sénateur Callbeck: Mais je vous ai entendu dire, tout à l'heure, que l'achat d'actions est plus coûteux au Canada. À quel point, à peu près, est-ce plus coûteux?
M. Baillie: Est-ce qu'on se situe à environ 25 $ pour les transactions électroniques au Canada?
M. McDonald: Oui -- 25 $ ou 29 $. Il y a un écart de prix. Et l'écart entre les prix canadiens et américains est essentiellement fonction du volume.
L'essentiel, c'est que, lorsqu'on envisage l'ensemble des services offerts, les Canadiens sont bien mieux placés que les Américains en ce qui concerne le prix qu'ils paient pour les services. Aux États-Unis, l'écart entre le taux auquel la banque emprunte et celui auquel elle prête est le double de ce qu'il est au Canada. Leur taux de rendement des capitaux propres n'est, toutefois, que de 3 ou 4 p. 100 supérieur au nôtre. Nous croyons exercer nos activités d'une manière très efficiente, car ce réseau national nous permet d'imposer des frais de service inférieurs. Nous pourrions certainement fournir des preuves sans équivoque à cet égard.
M. Baillie: Si vous envisagez toute activité bancaire considérée comme traditionnelle, je suis certain que les frais de service sont inférieurs au Canada. Toutefois, les frais de gestion des fonds communs de placement ont effectivement tendance à être plus élevés dans notre pays, et les services bancaires non traditionnels s'assortissent probablement de frais plus élevés au Canada qu'aux États-Unis.
M. McDonald: Le marché américain du courtage réduit est énormément concurrentiel, et les transactions sont, dans certains cas, assurées au-dessous du prix coûtant. La concurrence est extrêmement forte.
Le sénateur Callbeck: Dans le cadre de l'exposé présenté par le Conseil canadien du commerce de détail, à Vancouver, les représentants du Conseil nous ont décrit un marché où la concurrence est très forte et où les marges commerciales sont faibles, mais où les coûts continuent d'augmenter.
On a parlé, entre autres, d'Interac. Ils ont dit que cela augmentait leurs coûts, car ils devaient louer le matériel, payer des frais de transaction et former le personnel. Ils estiment que les coûts auraient dû baisser, car Interac réduit considérablement le volume de chèques.
Ils pensaient que le prix de location des terminaux baisserait en même temps que le prix d'achat, ce qui ne s'est pas produit. Ils pensaient que les frais de transaction baisseraient lorsque le volume augmenterait, mais cela ne s'est pas produit non plus, à moins que vous soyez une grande société et que vous soyez bien placé pour négocier une entente distincte avec la banque.
J'aimerais seulement obtenir vos commentaires à cet égard. Il me semble que si la valeur marchande de ces machines baisse, on devrait assister à une baisse du prix de location.
M. Baillie: Je suis désolé, mes connaissances sur le sujet ne sont pas très profondes. Nous pouvons vous fournir une réponse à cette question. Toutefois, je peux maintenant vous présenter les chiffres concernant les transactions de courtage réduit par voie électronique: c'est 25 $CAN au Canada, et 20 $CAN aux États-Unis.
Le sénateur Kroft: Monsieur Baillie, j'ai une question très précise concernant votre mémoire. À la page 2 des notes, vous parliez de donner au pays le potentiel de se doter de six à huit institutions de classe mondiale. Ce chiffre est beaucoup plus gros que ce que j'ai l'habitude d'entendre. Pourriez-vous me décrire ces institutions? Ce chiffre semble baisser à une, deux ou trois institutions, et maintenant, soudainement, on me dit six ou huit.
M. Baillie: Je tenais compte des compagnies d'assurances, des sociétés de fonds communs de placement et des sociétés de gestion d'investissement. Avec la démutualisation du secteur de l'assurance, je crois que nous avons de bonnes chances d'en avoir deux dans ce domaine. Peut-être mon estimation de six à huit est-elle optimiste, mais cela vous donne une idée de la façon dont nous sommes parvenus à ce chiffre.
Le sénateur Kroft: Je suis un peu confus en ce qui concerne la question de l'efficience et des coûts, qui a été soulevée fréquemment au cours des audiences.
D'une part, on parle du besoin de fusionner, de devenir plus gros afin de devenir plus efficient. D'autre part, vous nous dites que vos frais de service pourraient être plus bas, parce que vous êtes plus efficients que les Américains.
M. Baillie: Non, je disais que nous sommes bien plus concurrentiels.
M. McDonald: Nous sommes dotés d'un réseau national, et nous tirons avantage de l'efficience d'un réseau national. Les budgets de technologie de nos concurrents américains sont bien plus importants que les nôtres, ce qui leur permet de réduire les coûts.
Au cours des dernières décennies, nous avons tiré avantage d'un réseau national. On dénombre 9 000 banques aux États-Unis. Le marché bancaire américain s'est considérablement contracté, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il existe néanmoins de très grosses banques qui tirent avantage de leur taille. Elles peuvent réduire leurs coûts grâce à la technologie, et c'est ce que nous tentons de faire. La réponse à votre question, donc, est oui, nous sommes avantagés par une certaine efficience, et nous sommes relativement efficients par rapport à un bon nombre de nos concurrents. Cependant, nous sommes préoccupés par le fait que les gros concurrents de l'avenir seront dotés d'un budget cinq ou six fois supérieur au nôtre.
Le sénateur Kroft: La majeure partie de votre exposé s'attache à votre capacité d'être plus gros et plus concurrentiel dans une catégorie plus importante et plus exigeante. Je comprends cet enthousiasme et cette ambition, et je comprends pourquoi la direction -- et peut-être les actionnaires -- de votre institution seraient en faveur de cela.
Par contre, si je me fie à ma propre expérience ou à ce que j'ai entendu dans le cadre des audiences, c'est que les Canadiens ne sont pas préoccupés par la taille du marché dans lequel évoluent leurs banques ou par leur rendement. Ils se préoccupent surtout de leur capacité d'obtenir le crédit et les prêts dont ils ont besoin et de la capacité des petites et moyennes entreprises d'obtenir du financement. Ils se préoccupent aussi de la gestion des banques et de l'élimination des décisions arbitraires.
Il y a presque une heure et demie que nous parlons. Nous n'avons jamais vraiment parlé de l'effet de ce processus sur la principale préoccupation des Canadiens. La groupe de travail MacKay répondrait qu'on peut réaliser bien des choses en favorisant la concurrence et l'arrivée de nouveaux joueurs, mais nous savons qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.
J'ai remarqué que votre réponse concernant les coopératives de crédit -- même si elle était positive -- n'allait pas trop loin, ce qui laisse croire qu'il y a encore beaucoup de travail à accomplir avant que ces institutions ne deviennent de grands concurrents. Quant à la question des nouvelles banques, vous avez, encore une fois, adopté un point de vue positif, mais sans aller trop loin en ce qui concerne la capitalisation réelle. Nous savons que ce n'est pas facile, et que la promotion de la concurrence et la création de nouveaux joueurs sur le marché ne seront pas chose facile.
Vous devez faire concurrence à tout le monde dans ce monde de géants, et je me demande de quelle façon cela influe sur le financement des PME. Des témoins nous relatent des événements difficiles concernant ce que le système bancaire devrait, selon eux, offrir, et ils nous laissent savoir que ce n'est pas ce qu'ils obtiennent. Il y a une rupture. Vous avez certaines préoccupations, mais les Canadiens cherchent quelque chose qui répond davantage à leurs besoins.
M. Baillie: Je ne me suis peut-être pas exprimé assez clairement: la principale raison pour laquelle nous voulons fusionner, c'est pour être plus concurrentiel au Canada. Nous voulons protéger la franchise ici. Ce sera peut-être un long processus pour les nouvelles banques de s'établir, mais ce ne sera pas le cas pour MBNA et Capital One. Le processus ne sera pas long pour Countrywide Building Futures, dans le domaine de l'hypothèque, ni pour Fidelity. Dans les marchés les plus attrayants, la concurrence s'en vient, et elle sera très féroce.
Avec les années, on a exercé beaucoup de pression politique en ce qui concerne la petite entreprise. Je crois qu'on a toujours été réticent à aider la petite entreprise, et qu'on doit nous forcer à le faire. Au cours des dernières années, toutefois, nous sommes devenus très intéressés; j'ai vraiment déployé beaucoup d'efforts en ce sens.
Nous avons chargé un cadre supérieur du dossier de la petite entreprise. Nous avons fractionné le dossier, et je pousse les choses. Nous obtenons des relevés mensuels de la part de marché, et l'objectif consiste à obtenir une part de marché en hausse chaque mois. Toutes les succursales au pays consentent des prêts à la petite entreprise, alors qu'autrefois, ce service était centralisé.
Le sénateur Kroft: À des fins de gestion interne, quelle est votre définition d'une petite entreprise?
M. Baillie: Ce sont les entreprises qui sont sous la barre des 250 000 $. C'est ce que nous qualifions de petite entreprise, mais ce sont celles qui se situent à 50 000 $ et moins que nous pouvons servir très facilement. C'est un groupe assez homogène.
Le sénateur Kroft: Je crois qu'il y a beaucoup de problèmes lorsqu'on tombe dans les entreprises se situant entre 500 000 et 2 millions de dollars. J'essaie de ne pas laisser la définition de petite entreprise se limiter à la tranche la plus basse. On doit aussi se charger d'entreprises un peu plus grosses aussi. J'ai entendu les commentaires de ces gens, et ils ne s'attendent pas à ce que les fusions proposées leur procurent quelque avantage.
M. Baillie: Je commencerai par répondre à votre question concernant la petite entreprise, et je passerai ensuite à la catégorie commerciale. Je qualifierai les entreprises un peu plus importantes de «commerciales».
Dans le secteur de la petite entreprise, on peut demander un prêt dans toute succursale. Par le passé, nous constations que nombre de nos représentants ne se sentaient pas à l'aise lorsque venait le temps de consentir des prêts et, à moins de recevoir de nombreuses demandes de petites entreprises, ils ne se sentaient ni assez informés ni assez à l'aise pour le faire. Les succursales peuvent maintenant faire évaluer les demandes centralement. En plus de réduire les coûts, cela a vraiment fait augmenter le nombre de demandes présentées. Cette méthode nous permet d'augmenter notre part de marché.
Nous avons créé une carte de crédit qu'on appelle la carte Venture. Il s'agit d'une carte destinée aux entreprises, qui ne s'assortit d'aucuns frais. Nous avons aussi créé une protection du découvert qui prend la forme d'une marge de crédit à l'intention des entreprises. Nous avons réussi à baisser notre délai d'exécution à 48 heures, et nous sommes en mesure, dans de nombreux cas, de réduire ce délai à quatre heures.
Le marché des entreprises de taille moyenne est très concurrentiel. Nous sommes l'un des rares pays où l'on encourage les gens dont la demande de prêt n'a pas reçu de réponse ou a été refusée à en parler dans les médias. C'est un phénomène qu'on ne voit pas aux États-Unis, mais je ne peux croire que notre taux de refus est supérieur à celui des États-Unis.
Certaines de nos succursales sont dotées de centres d'affaires commerciales, et nous y affectons des prêteurs spécialisés dans ce marché. Cependant, nous n'avons pas les moyens d'offrir de tels services dans des endroits comme Chatham, Peterborough ou Red Deer. Par contre, si notre banque devait fusionner avec une autre, nous pourrions affecter des prêteurs spécialisés à ces localités, car il y aurait suffisamment de demandes pour que les banques qui ont fusionné puissent dispenser le service.
Par rapport aux petites banques, notre taux d'approbation ou d'acceptation est très élevé. Nous affichons actuellement le ratio le plus élevé, et notre part de marché grandit. On doit reconnaître, toutefois, qu'il y a des situations où une personne nous présente une idée qu'elle trouve si bonne que nous sommes stupides de ne pas lui consentir un prêt.
Nous ne pourrons jamais tout faire, mais c'est un marché très attrayant pour nous, et nous déployons beaucoup d'efforts en ce sens. C'est un marché attrayant, parce que nous avons réduit les coûts liés à la gestion de cette activité et à l'approbation des demandes. De plus, si une petite entreprise grandit, nous pouvons lui offrir un certain nombre de produits haut de gamme. Il pourrait s'agir d'un taux d'intérêt ou d'un contrat à taux d'intérêt plafond, ou il pourrait s'agir d'un placement privé. Peu d'entreprises se rendent jusque-là, mais certaines le font.
Le sénateur Kroft: Étant de Winnipeg, j'ai aussi une préoccupation de nature régionale. Qu'advient-il de vos limites de prêt? On grandit en pensant que toute décision importante est prise à Toronto. Lorsqu'une entreprise grandit, a-t-elle la possibilité de faire examiner sa demande sur place?
M. Baillie: Environ 90 p. 100 de nos prêts au Manitoba sont versés et approuvés au Manitoba. Je crois que le taux est supérieur à 90 p. 100.
M. McDonald: Je crois que c'est le cas, oui.
Le sénateur Kroft: Pouvez-vous nous donner une idée du montant que cela représente?
M. Baillie: Je crois que c'est 5 millions de dollars.
Le président: Quand vous avez répondu à la question du sénateur Austin, vous avez tenu à souligner que la fusion avait pour avantage d'accroître votre valeur boursière. Pourriez-vous obtenir ce même accroissement de la valeur boursière au moyen de ce que j'appellerais une fusion horizontale avec une autre institution? Autrement dit, pourriez-vous acquérir Manuvie, par exemple, au lieu d'acquérir une autre banque, comme vous vous proposez de le faire actuellement? Votre point de vue serait-il différent si, de fait, le rapport MacKay proposait qu'on vous laisse acquérir une société de portefeuille bancaire?
M. Baillie: Je ne crois pas que l'acquisition d'une compagnie d'assurances ou que la fusion avec une compagnie d'assurances nous permettrait de profiter d'une synergie au chapitre des coûts.
Le président: Vous auriez la valeur boursière, mais pas les économies de coût.
M. Baillie: Non, nous n'obtiendrions pas la même valeur boursière. Il n'y aurait aucune économie de coût. Nous pourrions réaliser des économies de coût dans le cadre d'une fusion entre deux banques, et notre valeur boursière devrait augmenter en fonction de ces économies. Cette valeur boursière accrue nous permettrait d'effectuer des acquisitions aux États-Unis. Pour qu'on obtienne un tel résultat avec une compagnie d'assurances, il faudrait qu'on soit très efficace en ce qui concerne l'interdistribution des produits. C'est une pratique qui n'a pas fait ses preuves, du moins sur notre continent.
Le président: Mais est-ce que cela vous permettrait de réaliser des progrès considérables en ce sens?
M. McDonald: Nous ne cherchons pas à devenir une banque plus universelle. Nous abordons les questions qui ont été soulevées ici, et la spécialisation devient de plus en plus importante. Il est encore nécessaire, dans certains segments, d'être gros pour dispenser de bons services spécialisés, mais il n'y a pas lieu d'élargir l'approche universelle. Le marché bancaire canadien est relativement universel, mais, à long terme, l'approche spécialisée va probablement mettre les banques à vocation universelle à l'épreuve.
Le président: Cela mène directement à ma deuxième question. Si c'est le cas, pourquoi voulez-vous une société de portefeuille? Parmi les 11 recommandations à l'égard desquelles vous êtes tout à fait favorables, on retrouve celle qui touche les sociétés de portefeuille. Il me semble que l'un des avantages d'une société de portefeuille est lié à une intégration horizontale, chose que M. McDonald dit que vous ne souhaitez pas.
M. McDonald: Nous sommes déjà dotés d'un certain nombre de gammes de produits. La question qu'on doit se poser est la suivante: veut-on étendre nos activités d'une manière considérable?
Le président: Pourquoi auriez-vous besoin d'une société de portefeuille pour faire cela? Quels sont les avantages liés à l'acquisition d'une société de portefeuille?
M. Baillie: Tout d'abord, nous n'achèterions pas une compagnie d'assurances. Je ne sais pas si je peux affirmer cela de façon définitive, le contexte pourrait changer, mais pour l'instant, je ne vois pas en quoi une telle acquisition serait avantageuse pour nous. Je ne vois aucun avantage -- en partie pour les raisons présentées par M. McDonald, et en partie parce que je ne suis pas certain que cela serait très rentable pour nous.
Quant à la recommandation touchant les sociétés de portefeuille, je tiens à préciser que je n'ai pas nommé les recommandations qui, selon nous, étaient vraiment bonnes. J'ai nommé les recommandations qui, selon nous, allaient vraiment changer le paysage financier pour le siècle prochain. Nous ne sommes pas certains que l'acquisition d'une société de portefeuille serait avantageuse. Cela dépendrait de la réglementation établie. Pour nous, l'acquisition d'une société de portefeuille serait avantageuse si on pouvait lui confier nos entreprises clientes qui ont besoin de capital inférieur au capital réglementaire.
Le président: Cela signifie que vous exploiteriez une société de portefeuille non réglementée au moyen de filiales réglementées, le cas échéant, par opposition à une société de portefeuille réglementée.
M. Baillie: Ou il pourrait s'agir d'une société de portefeuille réglementée s'assortissant de filiales non réglementées.
Le président: On s'est souvent demandé pourquoi les banques canadiennes consentent du crédit en fonction non pas du prix, mais bien du risque. La Wells Fargo se présente sur le marché, et offre des prêts s'assortissant d'un taux d'intérêt de 8 p. 100 supérieur au taux préférentiel. Les banques canadiennes ne vont pratiquement jamais au-delà de 2,5 p. 100 ou 2,25 p. 100 de plus que le taux préférentiel.
Les banques canadiennes allouent le crédit en fonction du risque. Elles ne consentent tout simplement pas de prêt lorsque le risque est élevé. Aux États-Unis, on alloue le crédit en fonction du prix, car on hausse le prix en fonction du risque. Ce n'est pas une pratique propre à votre banque. Je me demande simplement pourquoi cette pratique traditionnelle du système bancaire canadien est maintenue à une époque où, d'abord, les gens se préoccupent de l'octroi de prêts à la petite et moyenne entreprise, et, deuxièmement, on cherche de nouveaux marchés.
M. Baillie: Je suppose que c'est seulement parce qu'on le fait depuis si longtemps.
Le président: Pourquoi le faites-vous aujourd'hui? Le passé m'importe peu. Pourquoi applique-t-on cette politique de nos jours?
M. Baillie: Nous estimions qu'une telle pratique serait usuraire, que les gens seraient de cet avis et qu'on nous clouerait au pilori si on assortissait un prêt d'un taux d'intérêt élevé.
Le président: Vous avez pris une décision politique. Je ne porte pas un jugement. C'était une décision liée aux relations publiques.
M. Baillie: Oui, cette décision était liée aux relations publiques. Cependant, au cours de la dernière année, nous avons eu l'impression qu'une telle politique serait mieux accueillie que par le passé, à moins que nous ayons mal évalué l'opinion publique dans le passé. Nous estimons maintenant qu'il serait indiqué de recourir à cette pratique, et nous l'avons essayée avec SCC Canada. Nous allons aussi tenter l'expérience avec des programmes généraux.
Le président: Avant de poursuivre, j'aimerais seulement souligner que je ne porte pas un jugement. Serait-il juste d'affirmer qu'on a pris une décision en fonction de motifs liés à l'image de la société et aux relations publiques, et que cette décision a eu des répercussions sur l'octroi de crédit dans le marché à l'égard duquel des gens dans votre position se font le plus critiquer?
M. Baillie: Je crois que cette affirmation est vraie. De plus, les banques américaines nous disent que nous acceptons un risque bien plus élevé qu'elles en ce qui concerne les prêts à faible rendement. Je ne crois pas que leurs taux d'approbation soient supérieurs. Dans le cas d'une cote A-, voire peut-être même BBB, nous imposons les mêmes frais que les Américains. Quant au reste, par contre, -- et il s'agit de petites, de moyennes et de grandes entreprises --, nous ne semblons pas établir de distinction dans notre pays.
Le président: Messieurs Baillie et McDonald, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de nous rencontrer. Je sais que nous avons pris plus de temps que la durée prévue, et votre participation a été des plus utiles. Merci beaucoup.
Sénateurs, accueillons maintenant les représentants de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président: Aujourd'hui, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières sera représentée par MM. Joseph Oliver et Ian Russell. D'après ce que j'ai compris, messieurs, vous allez vous partager la présentation d'un résumé du mémoire que vous allez soumettre, après quoi nous passerons aux questions. Veuillez commencer.
M. Joseph Oliver, président et chef de la direction, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières: Mesdames et messieurs, je m'appelle Joe Oliver et je suis président et chef de la direction de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Je suis accompagné de M. Ian Russell, vice-président principal, Marchés financiers.
Nous sommes très heureux de pouvoir présenter notre point de vue sur l'avenir de l'industrie des services financiers, dont nos membres constituent un élément essentiel. Ce que les décideurs feront des recommandations du groupe de travail influera sur l'orientation future de notre industrie, qui joue un rôle crucial, ainsi que sur tous les Canadiens et l'économie du pays au moment d'entrer dans le nouveau millénaire.
Nous avons déposé un mémoire officiel, dont je vous présente ici les grandes lignes. Bien sûr, nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Je présenterai un bref aperçu de l'industrie et de l'association. L'ACCOVAM est l'organisme national du Canada qui régit l'industrie des valeurs mobilières, et elle est autoréglementée. Notre mission consiste à réglementer les activités commerciales des entreprises membres, leurs pratiques de vente et les compétences exigées des conseillers en placement. De plus, l'association représente l'industrie auprès des organismes de réglementation, des gouvernements, de la Banque du Canada et du grand public.
Elle compte 184 entreprises membres, y compris de grandes sociétés offrant une gamme complète de services et des petites et moyennes entreprises qui dispensent une diversité de services de transaction et de prise ferme et de conseils financiers à des clients commerciaux et institutionnels de partout au pays. Certains de nos membres sont intégrés et sont la propriété de banques, alors que d'autres sont indépendants. Certains sont des filiales canadiennes de maisons de courtage étrangères et d'organisations bancaires.
La taille et la croissance de l'industrie sont considérables: le capital réglementaire s'élève à 8 milliards de dollars; les actifs des clients s'élèvent à presque 350 milliards de dollars; et il y a beaucoup de liquidités et d'innovations au chapitre des produits, ce qui est essentiel à la viabilité du marché.
Notre industrie joue un rôle clé dans l'économie canadienne, et nos membres emploient directement plus de 34 000 personnes. Au cours des trois dernières années, nous avons recueilli entre 15 et 20 milliards de dollars de capitaux propres ce qui correspond, proportionnellement, au double des capitaux propres recueillis aux États-Unis. Les particuliers se fient de plus en plus à notre industrie pour assurer leurs vieux jours.
Il est important de comprendre que la population canadienne passe d'épargne à l'investissement. Les actifs des fonds communs de placement sont passés de 33 milliards de dollars en 1987 à quelque 275 milliards de dollars cette année. Pour la première fois de notre histoire, les Canadiens sont tout près d'investir autant dans les fonds communs de placement que dans les comptes d'épargne et les CPG. Cela représente un changement important au chapitre de la participation sur le marché, car 38 p. 100 du public canadien ont actuellement une participation sur le marché. Les particuliers comprennent de plus en plus qu'ils doivent se fier non pas au gouvernement, mais bien à leurs propres ressources pour assurer leur avenir. Il est crucial, par conséquent, que l'industrie exerce ses activités d'une manière juste et efficiente, car les Canadiens dépendent plus que jamais de nous.
Quant aux recommandations du groupe de travail, nous estimons que, dans l'ensemble, il est dans l'intérêt de tous les Canadiens qu'on favorise la concurrence dans le secteur des services financiers. La taille de notre industrie n'est même pas comparable à celle d'autres industries -- ni même à la taille de nos concurrents des États-Unis, d'Europe et d'Asie --, mais nous favorisons la concurrence, à condition que tous soient soumis aux mêmes règles.
Nous estimons que la concurrence favorise l'offre de produits et services à prix concurrentiel. Cela avantage le consommateur, favorise l'innovation sur le marché, permet de recueillir du capital de manière efficiente, et offre le meilleur potentiel au chapitre de l'emploi. Par conséquent, nous sommes heureux que l'accent soit mis sur la promotion de la concurrence, et nous vous prions instamment de donner suite rapidement aux recommandations.
Nous mettons l'accent sur les questions qui touchent directement l'industrie des valeurs mobilières, comme l'ouverture du système de paiements et l'harmonisation des règlements. Le groupe de travail aborde la première question d'une manière favorable. On aborde aussi la deuxième question, mais elle est, dans une très large mesure, fonction des commissions provinciales des valeurs mobilières et de l'établissement de liens entre le BSIF et les autorités canadiennes en valeurs mobilières.
D'autres questions ont un impact important -- quoique indirect -- sur notre industrie. Des questions comme les fusions, la propriété, la structure du pouvoir et la concurrence étrangère influent directement sur les banques. Il est facile de comprendre que nous nous préoccupons davantage du premier ensemble d'enjeux que du deuxième.
Je survolerai brièvement notre réaction aux principales recommandations. Nous appuyons fortement la proposition selon laquelle les institutions autres que les institutions de dépôt devraient pouvoir participer au système canadien de paiements, à condition qu'elles répondent aux critères de solvabilité et de liquidité, ainsi qu'à ceux prévus par les cadres réglementaires applicables. Nos entreprises membres devraient être admissibles à faire partie de l'Association canadienne des paiements.
L'accès au système de paiements permettrait aux maisons de courtage d'offrir directement à leurs clients la possibilité de tirer des chèques et favoriserait l'uniformisation des règles pour tous, ce qui permettrait aux maisons de courtage de faire concurrence aux banques pour l'obtention de clients et la collecte d'actifs financiers. Cela permettrait aussi à nos clients de s'engager pleinement dans le commerce électronique grâce à un accès direct au système Interac.
Nous sommes aussi d'avis que les obstacles à l'entrée des banques étrangères, en particulier les interdictions touchant l'établissement de succursales et les exigences touchant le capital, devraient être éliminés ou considérablement réduits. Cela favoriserait la création d'un secteur bancaire plus concurrentiel.
Nous sommes heureux de constater que le groupe de travail partage notre point de vue quant aux besoins des institutions à charte fédérale d'avoir toute la souplesse voulue pour adopter une structure de société de portefeuille. Cela favoriserait l'établissement de règles équitables en ce qui concerne les entreprises faisant l'objet de peu de réglementation, comme la location et le financement en gros.
Le mémoire initial du comité de l'ACCOVAM appuie la modification de la politique s'appuyant sur le principe voulant que les grandes institutions ne s'achètent pas entre elles, même si nous reconnaissons que certaines de nos entreprises membres ne sont pas d'accord avec cette position. Je crois que vous avez déjà débattu cette question. Le groupe de travail a recommandé que les autorités fédérales examinent les projets de fusion afin d'éviter qu'ils ne minent la concurrence, et c'est la position adoptée par notre association.
Le groupe de travail a aussi recommandé qu'on établisse des règles de comptabilité plus souples afin de faciliter les acquisitions sur le marché national et les marchés étrangers. Nous estimons que l'intégration rapide des marchés financiers nord-américains exigent une harmonisation maximale des règles de comptabilité de l'Institut canadien des comptables agréés et des principes comptables généralement reconnus aux États-Unis, surtout en ce qui concerne les regroupements d'entreprises. Nous croyons aussi que les commissions provinciales des valeurs mobilières devraient accorder une certaine souplesse aux sociétés canadiennes cotées en bourse en ce qui concerne l'application de règles comptables canadiennes et américaines. Le but est de faciliter davantage la capacité de ces sociétés de fusionner et de faire des acquisitions, donc, de favoriser l'expansion. Cela placerait les sociétés canadiennes sur un pied d'égalité avec leurs concurrents américains.
Nous ne croyons pas qu'un tel geste compromettrait la protection des investisseurs. Il y a souvent des différences qui ne découlent pas d'une politique, et la conformité ou l'harmonisation est dans l'intérêt des marchés financiers canadiens.
Le groupe de travail recommande qu'on abolisse les impôts spéciaux sur le capital des institutions financières. Si cela n'est pas possible, on propose la définition d'une assiette fiscale commune pour l'application des impôts sur le capital, et le report des charges fiscales sur le bénéfice des institutions; nous sommes d'accord avec cette orientation.
Maintenant, nous aborderons un sujet qui touche plus directement notre domaine, c'est-à-dire la recommandation du groupe de travail selon laquelle les gouvernements devraient chercher à éliminer les chevauchements de la réglementation prudentielle, entre le gouvernement fédéral et les provinces, et entre les provinces et les commissions des valeurs mobilières.
L'effondrement des quatre piliers a permis aux banques, aux compagnies d'assurances et aux maisons de courtage d'offrir à leurs clients commerciaux et institutionnels une vaste gamme de produits et services, dont les produits d'emprunt et les produits dérivés, les placements privés, les fonds communs de placement et les fonds réservés. Cela occasionne des différences considérables entre les institutions en ce qui concerne les règles de capital et les pratiques de vente. Dans certains cas, on trouve des brèches dans la réglementation, une protection médiocre du consommateur et un risque financier accru pour les institutions. Les différences réglementaires occasionnaient souvent le déplacement inefficace d'activités vers des organismes qu'on croyait soumis à une réglementation moins rigide. Ce phénomène, connu sous le nom d'«arbitrage réglementaire» affaiblit l'intégrité d'ensemble du système financier.
Nous demandons instamment aux autorités réglementaires provinciales et fédérales d'uniformiser davantage la réglementation. Les intervenants du marché qui exercent des fonctions financières comparables devraient être soumis aux mêmes règles.
De fait, on a constaté une plus grande coopération entre le BSIF et les organismes de réglementation des valeurs mobilières au cours des dernières années, particulièrement en ce qui concerne les filiales bancaires oeuvrant dans ce domaine. Il est important de réduire au minimum les chevauchements réglementaires, puisque l'ACCOVAM est responsable des aspects réglementaires touchant la conformité de ces filiales bancaires au chapitre des finances et des ventes.
Le BSIF obtient des renseignements de deux sources, soit les vérifications internes des banques et les vérifications de la conformité financière menées par l'ACCOVAM. Il existe des moyens d'améliorer le processus afin que l'ACCOVAM réponde aux besoins d'informations financières complètes et opportunes du BSIF, et nous en avons déjà parlé avec ses représentants.
Si la Commission des valeurs mobilières et le BSIF considèrent l'Association des courtiers en valeurs mobilières comme le seul organisme d'autoréglementation, on pourra éviter les chevauchements et se contenter de soumettre les maisons de courtage à un seul examen de la conformité, effectué par un vérificateur externe.
Le groupe de travail recommande aussi que les courtiers en valeurs mobilières soient soumis à des normes de compétence appropriées qui pourraient être harmonisées par les administrations provinciales. À l'heure actuelle, les institutions à charte fédérale qui offrent au public des produits liés aux valeurs mobilières ne sont pas toujours soumises aux mêmes normes de compétence que nos entreprises membres.
L'ACCOVAM est le seul organisme national du Canada chargé de la réglementation des valeurs mobilières et de la protection des investisseurs. Par conséquent, elle est particulièrement bien placée pour aider le gouvernement du Canada et les autorités provinciales à coordonner l'établissement de buts et de politiques touchant la protection du consommateur dans le domaine des valeurs mobilières et à les concrétiser.
À la demande des autorités canadiennes en valeurs mobilières, l'ACCOVAM a récemment pris en charge l'établissement et la gestion de l'association canadienne des courtiers en épargnes collectives, l'ACCEC. Il s'agit d'un organisme d'auto-réglementation pour les courtiers en épargnes collectives qui sera régi conjointement par l'IFIC et par les administrateurs publics. Les banques et les autres institutions à charte fédérale qui offrent des fonds communs de placement -- ainsi que leurs 50 000 particuliers inscrits -- devront joindre les rangs de l'ACCEC. Il s'agit d'un projet réglementaire d'envergure.
L'ACCOVAM et les quatre bourses ont aussi proposé une norme pour les employés des entreprises membres qui veulent se qualifier de «planificateurs financiers». Cette initiative fait suite à l'exigence selon laquelle, dans l'intérêt public, les personnes qui utilisent cette désignation doivent être très compétentes et expérimentées. Le public pense que les personnes qui portent ce titre sont toujours compétentes et expérimentées, mais ce n'est pas toujours le cas. Notre but consiste à élaborer une norme qui obtiendrait l'approbation réglementaire et qui serait acceptée à l'extérieur de l'industrie des valeurs mobilières, de façon à établir une norme uniforme pour l'ensemble du pays.
L'intégration de l'industrie des services financiers, en particulier la formation de conglomérats financiers, la «désintermédiation» de l'épargne personnelle sous forme de fonds communs de placement et l'impact de la mondialisation sont des tendances qui constituent un défi considérable pour les décideurs canadiens, et le défi consiste à encourager l'efficience et la compétitivité des institutions financières, l'équité pour les consommateurs et l'efficience et la liquidité des marchés pour les émetteurs et les investisseurs, et l'ACCOVAM est disposée à faire sa part en ce qui concerne cette tâche essentielle.
Le sénateur Oliver: Un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le comité nous ont dit que le rapport du groupe de travail MacKay est lacunaire, car on laisse entendre que les banques étrangères seraient prêtes à entrer sur le marché canadien si on n'apportait que quelques modifications mineures.
À la page 4 de votre mémoire, sous la rubrique «Faciliter l'accès de nouveaux participants au marché», vous dites ce qui suit:
Nous sommes en faveur de l'élimination ou d'une réduction considérable des obstacles à l'entrée des banques étrangères, notamment les interdictions relatives aux succursales et les exigences en matière de capital, de façon à promouvoir un secteur bancaire plus concurrentiel.
Toutefois, certaines banques étrangères nous ont dit que le coût lié à l'établissement de succursales est beaucoup trop élevé, et que ce n'est pas vraiment ce qu'elles veulent faire. Elles sont beaucoup plus intéressées par les activités bancaires commerciales et industrielles dans les grands centres urbains. Puisque c'est le cas, estimez-vous que l'arrivée de banques étrangères créera une concurrence à tous les égards, partout au pays?
M. Oliver: Nous ne croyons pas que toutes les grandes banques étrangères seront attirées par cela. Toutefois, il s'agit de déterminer si certaines banques seront intéressées, et si, par conséquent, elles créeront la concurrence que nous cherchons à établir.
Bien sûr, la possibilité que cela se produise incitera les banques canadiennes à être le plus concurrentielles possible et à axer le plus possible leurs services sur le consommateur; nous ne voulons pas laisser croire que la promotion de la concurrence entraînera automatiquement l'arrivée de banques étrangères: nous voulons simplement montrer que'une telle méthode favorise l'arrivée de concurrents, l'accroissement de l'efficience et l'offre d'un choix plus étendu aux consommateurs.
Le sénateur Oliver: Si l'établissement d'une succursale coûte 750 000 $ et qu'on doit mettre cinq ans avant de réaliser un profit, peu de grandes entreprises seront disposées à faire le saut, n'est-ce pas?
M. Oliver: Il est clair qu'un certain nombre de grandes banques étrangères ont accès aux économies d'échelle leur permettant d'établir des succursales bancaires d'une façon moins coûteuse que d'autres établissements qui ne font qu'amorcer leurs activités. Toutefois, je ne peux émettre d'autres commentaires à l'égard de ces chiffres si ce n'est pour dire qu'ils me semblent plutôt élevés.
M. Ian Russell, vice-président principal, Marchés financiers, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières: Je suis d'accord avec mon collègue, M. Oliver, mais je crois que l'arrivée des institutions étrangères sur le marché canadien des services de détail sera plutôt différente de ce que nous avons vu par le passé, où, comme vous l'avez dit, les coûts étaient très prohibitifs. Je crois que la banque ING est un exemple de banque offrant des services bancaires par l'entremise d'Internet.
Cette méthode s'est révélée passablement efficace au chapitre de l'établissement d'une clientèle de détail. Ils ont réussi à le faire. Je m'attendrais à ce que d'autres institutions étrangères pénètrent le marché des services de détail de la même façon.
Le sénateur Oliver: M. Baillie vient tout juste d'affirmer -- et cela correspond à ce qu'un certain nombre de témoins nous ont dit -- qu'après avoir lu le rapport du groupe de travail MacKay, il avait l'impression que la mise en oeuvre de toutes les recommandations créerait un cadre réglementaire trop lourd, outre la réglementation normale qui s'attache aux ventes liées coercitives et à la protection de la vie privée, et à des éléments de ce genre.
L'une des recommandations du groupe de travail consiste à élaborer une disposition législative visant à s'assurer que les banques voulant offrir de l'assurance dans leurs succursales ne recourent pas aux ventes liées coercitives.
Estimez-vous que le rapport du groupe de travail propose trop de nouvelles réglementations, et dans l'affirmative, quels domaines devrait-on soumettre aux forces du marché?
M. Oliver: Je crois que nous devons combiner le tout.
Il est clair que l'adoption d'une structure de société de portefeuille permettrait aux banques de se soustraire aux règlements, dans la mesure où l'activité commerciale ne serait pas autrement soumise à des règlements autonomes, ce qui est un pas dans une autre direction.
La suggestion qui touche à la vente liée n'est pas excessivement coercitive, parce qu'il existe manifestement une distinction fondamentale entre la vente liée et la vente réciproque et que, tant que la définition est sensée et qu'elle ne permet pas de vente réciproque, vous donneriez aux banques la permission d'offrir aux consommateurs un grand choix de produits et de leur donner un avantage au chapitre du choix, et ils pourraient ainsi bénéficier de certaines économies d'échelle des banques sans être forcés d'y participer.
Le sénateur Oliver: Le rapport MacKay s'est penché sur les ventes liées forcées. Pourriez-vous commenter?
M. Oliver: Oui. On ne peut pas vraiment être opposé à un règlement selon lequel vous ne pouvez obliger vos consommateurs à utiliser un service si ce n'est pas cela qu'ils veulent. Je ne crois pas que cela soit excessif.
Dans notre secteur d'activité, nous sommes très conscients du fait que le marché des capitaux, au Canada, malgré qu'il soit vraiment efficient, bien respecté et bien réglementé, est petit. Il représente environ 2,5 p. 100 du marché des capitaux internationaux, et il est possible que ce pourcentage décroisse à cause de l'émergence de l'Inde et de la Chine, qui sont de si grands pays que même une croissance minuscule pourcentuelle peut avoir des répercussions majeures sur la taille du marché mondial.
On ne peut rien changer aux données de base. Nous ne serons jamais un grand marché de capitaux, mais nous pouvons être aussi efficients et compétitifs qu'il est possible de l'être. Si nous ne le sommes pas, nous serons vraiment en stagnation.
Les règlements ne doivent donc tenir compte du mandat de vue. Au chapitre des valeurs mobilières, il s'agit de protéger les inventeurs. Ça ne devrait pas aller plus loin. Il devrait y avoir juste assez de règlements pour réaliser cet objectif.
Le sénateur Oliver: Le marché devrait donc prendre le relais.
M. Oliver: Oui. Le fardeau de la preuve devrait toujours être du côté de l'organisme de réglementation qui doit fournir une justification, du point de vue de la politique publique, quant à ce qui est suggéré aux moyens utilisés pour modifier les comportements commerciaux.
Le sénateur Oliver: J'aimerais connaître le point de vue de votre organisation quant à la recommandation du groupe de travail MacKay, qui suggère de permettre aux banques de vendre de l'assurance dans leurs succursales de louer des véhicules légers.
M. Oliver: Cela ne relève pas tellement de notre domaine, et je crois qu'en gros nous sommes d'accord avec ces recommandations, mais ça ne concerne pas vraiment directement ce que nous faisons.
Le sénateur Oliver: Pensez-vous que ces fonctions relèvent des banques, qu'elles sont des fonctions financières?
M. Oliver: Ce sont des fonctions financières. On nous a dit une centaine de fois que les fonctions des banques sont celles que les gens déterminent. Je veux dire que la nature des banques est en train de changer à mesure que l'intégration gagne du terrain. Donc, j'imagine que la description que nous en faisions traditionnellement ne recouvre pas ce qu'elles devront être à l'avenir.
M. Russell: Sénateur, vous avez parlé du chapitre du rapport MacKay qui concerne les pouvoirs des consommateurs, la liste des lois et règlements éventuels, les ventes liées, les comportements coercitifs et les compétences au chapitre de la protection et de la communication des renseignements personnels. À mon avis, il est inévitable que, puisque les institutions financières en général offrent un large éventail de produits, il devienne important de se pencher sur leurs relations avec leurs clients dans ces aspects en particulier.
Les remarques de M. Oliver m'ont fait découvrir qu'il était possible que les responsables fédéraux de la réglementation puissent travailler de près avec la CSA, soit les administrateurs de valeurs mobilières, qui supervise le comportement commercial des entreprises financières qui vendent des produits complexes. Elle possède une grande expertise, en particulier dans les domaines des exigences au chapitre de la divulgation et des compétences. Une collaboration profitable avec les responsables provinciaux de la réglementation pourrait déboucher sur des règlements qui donneraient lieu à plus d'efficacité.
Le sénateur Di Nino: Dites-moi d'abord combien de membres compte l'ACCOVAM?
M. Oliver: Nous comptons 184 membres.
Le sénateur Di Nino: Et tous les courtiers et courtiers en valeurs mobilières des grandes banques en font partie?
M. Oliver: Oui, c'est cela.
Le sénateur Di Nino: Pour être membre de l'ACCOVAM, faut-il avoir une compagnie d'une certaine dimension et payer des droits?
M. Oliver: Non. Il y a certains critères objectifs spécifiques. Dans la plupart des provinces, il existe des exigences, inscrites soit dans la loi soit dans la pratique, qui obligent les entreprises financières à être membres d'une organisation d'autoréglementation. Cela peut être soit l'ACCOVAM, soit une des bourses.
Il existe en Ontario une politique publique qui vise les mêmes résultats. Nous pensons que peut-être 50 entreprises de plus se joindront à l'ACCOVAM l'année prochaine ou l'année suivante. Toutes les entreprises qui se constituent comme entreprises financières seront assujetties aux mêmes lois et règlements que n'importe quelle entreprise. Cela crée une égalité des règles qui protège aussi les investisseurs. C'est un but secondaire de la compétition.
Je dirais que, présentement, 95 p. 100 du travail accompli par les courtiers est fait par des membres de l'ACCOVAM.
Le sénateur Di Nino: J'essaie de savoir si les banques exercent une influence indue sur cette organisation à cause de leur grande taille; je parle des sociétés les plus importantes de votre industrie.
M. Oliver: Les banques n'ont pas influé directement sur notre association. Leurs représentants sont nombreux et ils sont des membres importants de notre organisation, mais je n'ai jamais vu ces entreprises exercer des pressions au nom des banques. Elles contribuent grandement à une gestion responsable de notre organisation.
M. Russell: En gros, sénateur, quand on parle de la structure de l'industrie, comme l'a dit M. Oliver, l'ACCOVAM compte 188 entreprises membres parmi lesquelles six sont la propriété des banques. Elles représentent à peu près la moitié du capital de notre industrie. On peut donc dire qu'une grande proportion de cette industrie est composée d'entreprises individuelles. Donc, les courtiers qui relèvent des banques ne dominent pas le système des OAR au Canada.
M. Oliver: Je voudrais aussi dire que nous avons une structure de régie assez élaborée, qui comporte des conseils de district. Environ 700 personnes de notre industrie participent à divers comités. Notre conseil représente très bien toutes les régions du pays. Nous avons des règlements officieux en nombre suffisant pour garantir une alternance entre un président qui relève des banques et un président qui ne relève pas des banques, et que notre conseil et notre comité exécutif reflètent la diversité de l'industrie.
Le sénateur Di Nino: Merci. J'ai deux questions précises concernant votre rapport et votre présentation. À la page 5, il est écrit que l'Institut canadien des comptables agréés «devrait faire en sorte que les règles comptables au Canada soient conformes le plus possible aux PCGR américains.»
Votre formulation est intéressante. Il faut l'entendre dans un sens et non dans l'autre. Comme vous le savez, il y a présentement une controverse concernant l'ICCA et les PCGR, particulièrement en ce qui touche l'achalandage ou certains autres aspects de la comptabilité. Pourquoi avez-vous choisi cela?
M. Oliver: Permettez-moi de répondre. Cette question m'intéresse beaucoup. L'OICV, c'est-à-dire l'Organisation internationale des commissions de valeurs, est un organisme qui représente toutes les commissions de valeurs mobilières du monde entier. Les organisations d'autoréglementation et les bourses y sont affiliées.
Il se trouve que je préside un comité qui réunit ces membres affiliés, et nous avons discuté de cette question. La question de l'harmonisation des pratiques comptables à l'échelle internationale peut sembler peu alléchante aux yeux de la presse, voire pour le public, mais je dois dire que c'est une question importante.
Il ne fait pas de doute que les règles américaines doivent leur influence à la taille et au dynamisme du marché financier des États-Unis. Alors, ce que nous recherchons, c'est une sorte d'espéranto de la comptabilité, un langage numérique commun que tous peuvent utiliser, partout dans le monde. Si nous avons entre les mains un dépliant ou un rapport d'activités annuel ou trimestriel d'une entreprise de l'Allemagne, nous devrions pouvoir le lire de la même façon qu'un rapport établi selon des règles canadiennes ou américaines. Mais ce n'est pas le cas.
Daimler-Benz, par exemple, réalise un profit selon les règles allemandes mais ferait des pertes selon les règles américaines.
Qu'est-ce que les investisseurs doivent penser de tout cela? Pendant que tout cela se décide, nous devons, au Canada, prendre position. Ils sont dix fois plus gros que nous. On ne devrait pas faire de compromis quand il s'agit de principes. Nos valeurs élémentaires ne devraient pas être minées, mais je dois dire, en ce qui touche la comptabilité -- est-ce que c'est vraiment important? Je crois que le plus important est d'essayer d'éliminer les différences quand, comme je l'ai dit, il n'y a pas lieu de faire une distinction, et de passer à autre chose. C'est un peu une question de fierté. Les comptables font peut-être preuve d'un peu de possessivité. Mais les intérêts supérieurs du marché financier profiteront assurément de règles plus uniformes. On ne peut pas faire en sorte que cette grosse machine aille dans le sens que nous souhaitons. Il me semble que nous devrions essayer de distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas.
Le sénateur Di Nino: Votre opinion est très utile puisque c'est de toute évidence une des questions dont nous débattons. Je crois donc comprendre que vous n'êtes pas d'accord avec l'ICCA lorsqu'il dit que le système canadien est meilleur au chapitre de la communication pertinente et plus complète des informations. Vous êtes, de toute évidence, en désaccord avec cela.
M. Oliver: Sur cette question précise, l'approche que prône le Canada est peut-être plus sensée. C'est aussi l'approche qu'adoptent un plus grand nombre de pays dans le monde. Mais il reste que le marché américain est le plus important. Nos banques sont en compétition avec les banques américaines, et nos banques n'ont pas l'avantage. Devraient-elles vraiment être désavantagées à cause de règles comptables, au nom de la pureté des règles comptables? Je ne le crois pas.
M. Russell: Sénateur, j'aimerais seulement ajouter un mot. Le Canada fait partie d'un bloc nord-américain d'échanges commerciaux dans le cadre de l'accord de libre-échange.
En conséquence, il y une augmentation de la circulation de capitaux intégrés entre les trois pays. Depuis quatre ou cinq ans, l'intégration a presque envahi nos marchés financiers. Il me semble évident que les règles de comptables, quelles qu'elles soient, doivent être partout les mêmes. Elles doivent être uniformisées pour promouvoir la libre circulation des biens et des services et l'efficience des marchés financiers. Dans ce processus, malheureusement, les marchés n'attendront pas les comptables.
C'est pourquoi je suggère que, si les Américains ne paraissent pas vouloir adopter les PCGR internationaux, dont les normes sont plus élevées, il faudra peut-être alors en attendant utiliser les PCGR américains, dans l'intérêt de l'uniformité.
Le sénateur Di Nino: Je vous remercie. J'ai une autre petite question sur un autre sujet. Vous avez parlé d'ouvrir le système de paiements pour permettre aux courtiers en valeurs mobilières d'y entrer, évidemment dans le but de vous laisser devenir de plus en plus une sorte d'institution de dépôts; est-ce que c'est vrai?
M. Oliver: Eh bien, oui, pour que les règles soient les mêmes pour tous et pour offrir aux consommateurs un plus large choix, je crois. Pour les clients de nos courtiers en valeurs mobilières, il y aurait un avantage certain au fait de pouvoir utiliser une carte de débit et d'utiliser un compte où il y a de l'argent.
M. Russell: Sénateur, en réalité, nos membres ont déjà entre les mains les dépôts des clients, mais sous un autre nom. Ce que je veux dire, c'est que les dépôts des clients représentent de grosses sommes, ce serait donc une occasion pour les clients d'avoir ce choix.
Le sénateur Di Nino: Je comprends. Faisons comme si c'était le cas. Aimeriez-vous aussi devenir membre de la SADC?
M. Oliver: Nous n'avons fait aucune demande en ce sens. Je crois que c'est parce que nous avons déjà le Fonds canadien de protection des épargnants, dans lequel se trouvent présentement environ 150 millions de dollars. Ce n'est pas tout à fait comme la garantie qu'offre le gouvernement du Canada, mais, en fait, jamais quelqu'un n'a perdu d'argent en raison de la faillite d'une de nos sociétés membres.
Nous avons fait des analyses statistiques et actuarielles poussées. Nous sommes convaincus que ce fonds, qui utilise comme filet de sécurité ses membres, nous permettra d'aller de l'avant. Les membres ont mis de l'argent dans ce fonds, et cela n'a rien coûté au public, et le public n'a assumé aucun coût lorsqu'il a fallu s'acquitter des obligations, puisqu'il y a si peu de faillites. Jusqu'ici le système fonctionne assez bien.
M. Russell: La SADC offre les mêmes garanties, c'est-à-dire 60 000 $ comptant et 500 000 $ en valeurs non autorisées.
Le sénateur Di Nino: Vous ne cherchez pas à devenir membre de la SADC dans l'avenir immédiat.
M. Russell: Je ne pense pas que cela aurait du bon sens.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Oliver, monsieur Russell, bonjour. J'ai quelques questions au sujet du mécanisme ou de la procédure des plaintes relatives aux courtiers en valeurs mobilières.
Je ne sais pas si vous vous en occupez ou si cela relève d'une commission provinciale des valeurs mobilières.
M. Oliver: Nous nous en occupons, et je serais heureux de vous expliquer les procédures élémentaires. Si un client veut déposer une plainte au sujet d'un litige financier ou de quelque autre conflit avec un courtier, on lui dira de suivre un certain nombre d'étapes. En premier lieu, nous lui demandons d'essayer de régler le problème en privé et sans éclat. Cela est habituellement possible. Si c'est fait sans soulever de conflit, il est souvent possible d'obtenir un règlement assez rapidement.
Si cela ne fonctionne pas, il faut alors s'adresser aux gestionnaires de l'entreprise, peut-être, selon la taille de l'entreprise, au chef de bureau, au directeur commercial ou au président.
Si cela ne fonctionne pas, il faut porter plainte devant l'Association des courtiers. Nous vérifions s'il faut demander une enquête officielle; le cas échéant, nous le faisons. Nous avons mis en place un certain nombre de mécanismes pour régler ces cas, y compris des mesures disciplinaires, pour l'entreprise et pour le courtier, qui vont jusqu'à l'exclusion de cette personne de l'industrie.
Si, à cette étape, le cas n'est toujours pas réglé, le plaignant peut aller à la commission des valeurs mobilières locale.
Nous avons de plus, maintenant, un autre mécanisme de règlement des conflits dans deux provinces, et nous en aurons bientôt un en Ontario, et, nous l'espérons, dans le reste du pays d'ici un an. Le client aurait le choix d'adhérer à cette procédure mais elle serait obligatoire pour l'entreprise et servirait à régler les litiges concernant une valeur allant jusqu'à 100 000 $. Il s'agit d'un système d'arbitrage dirigé par un arbitre tiers et dont les règles de procédure seraient jugées appropriées. Nous aimerions lui donner plus d'ampleur grâce à un système de médiation et, peut-être, un système d'évaluation rapide par un tiers.
Le but est de proposer un système moins coûteux, plus rapide et moins litigieux aux personnes qui veulent déposer une plainte ou qui vivent un conflit d'ordre financier. Sur le plan économique, il est en réalité très difficile pour une personne d'avoir recours aux tribunaux pour régler des conflits concernant une valeur de moins de 100 000 $. Ce serait désormais possible.
Il n'y a pas eu une grosse demande jusqu'ici au Québec et en Colombie-Britannique, mais je crois qu'il est important que le processus soit mis en place.
Il nous a fallu du temps pour le mettre en place en Ontario, parce que nous avons eu de la difficulté à trouver un tiers qui ait une bonne réputation. Nous avons pensé qu'il n'était pas approprié que l'ACCOVAM s'en charge parce que cela laisserait penser que le processus n'est pas objectif.
Le vice-président: Est-il plus difficile de trouver quelqu'un qui a une bonne réputation en Ontario?
M. Oliver: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire, mais je comprends que vous ayez pu le penser.
Il y a, au Québec et en Colombie-Britannique, des centres d'arbitrage financés par le gouvernement. Franchement, cela ne coûte pas cher à administrer.
Aux États-Unis, c'est en effet obligatoire pour le client, et c'est la National Association of Securities Dealers qui s'en occupe, c'est-à-dire une sorte d'équivalent de l'ACCOVAM pour l'OAR.
D'abord, après tout le mal qu'ils se sont donné, on les critique en disant qu'ils ont un parti pris, alors que des analyses tendent à faire penser le contraire. Ensuite, il arrive qu'ils soient poursuivis parce qu'il n'est pas possible d'en appeler de la décision d'un arbitre. Frustrés, les gens décident de poursuivre l'organisation qui est à la tête du système.
Je crois que demander à un tiers de l'extérieur de s'en occuper est une décision pleine de bon sens. C'est pourquoi cela prend un peu de temps. Mais on y est presque, et je crois que voilà un mécanisme de plus, monsieur le sénateur, pour régler les plaintes.
Le sénateur Callbeck: Le rapport MacKay établit une liste de recommandations qui concernent les institutions financières fédérales, mais il suggère aussi que les institutions provinciales et fédérales utilisent un même système de recours simple et unique.
Pensez-vous que cela est possible et qu'en pensez-vous?
M. Oliver: Je crois qu'il ne s'agit pas de la même chose. Je ne vois aucun problème à ce que les banques utilisent un système semblable si elles le désirent. Je crois que, ce que nous essayons de réaliser, c'est un système de résolution des conflits qui soit équitable, peu coûteux, facile d'accès, et qui bénéficie d'un certain niveau d'expertise.
Les problèmes soulevés ont plutôt trait au caractère adéquat. Quand les gens déposent une plainte, c'est habituellement parce qu'ils ont perdu de l'argent; ils pensent qu'ils n'auraient jamais dû investir dans des titres particuliers. Cela ne leur convenait pas. Ils ne peuvent pas poursuivre simplement parce que le marché s'est effondré. Toutefois, ils peuvent demander réparation si, par exemple, leurs revenus sont limités ou invariables et qu'on leur a recommandé une entreprise exploitante de ressources qui n'était pas très fiable, un titre très spéculatif.
Ce sont des choses qui arrivent, et c'est pourquoi il est bon d'avoir un certain degré de spécialisation et d'expertise. Je ne connais pas la nature des litiges dans le cas des banques. Je crois qu'ils doivent être différents.
M. Russell: Je crois que, dans une perspective historique, les banques et les autres intermédiaires financiers offrent des produits financiers qui ont une valeur fixe. Quand vous avez acheté le produit, il avait une certaine valeur et il a pris avec le temps une certaine valeur. Il ne supposait pas de risque au chapitre du marché ou au chapitre du crédit, dans la mesure où il était soutenu par une institution de qualité réglementée par le fédéral.
À cause de ce qui se passe sur les marchés financiers et de l'apparition d'un grand éventail de produits, en fait, les intermédiaires financiers offrent à leurs clients des produits qui s'assortissent d'un risque de marché et d'un risque de crédit.
Je crois que le rapport MacKay anticipe un problème qui est inévitable, parce que les clients achèteront des produits qu'ils ne comprennent pas. Ils achèteront des produits dont la valeur baisse, et je crois qu'il y aura beaucoup de cas où les consommateurs demanderont justice et qu'il faut établir un processus pour les institutions réglementées par le fédéral. Comme l'a dit M. Oliver, ce processus est assez au point dans le secteur des valeurs mobilières.
M. Oliver: Je voudrais dire aussi qu'il est clair que les banques ont entrepris une restructuration. La semaine dernière, justement, la Banque Royale a dit qu'elle deviendrait une organisation de gros et de détail.
Le processus d'intégration est rapide, et je crois qu'en conséquence les banques qui sont membres de l'ACCOVAM devront offrir le même service d'arbitrage que la RBC Dominion valeurs mobilières. Ce sera bientôt leur tour.
De plus, je crois que la Mutual Funds Dealers Association devrait envisager la même sorte de structure. Cela aurait du bon sens puisqu'un grand nombre de représentants qui vendent des fonds communs de placement sont des employés des banques. Cela les concernerait aussi.
Il est donc inévitable que les institutions financières s'intéressent au type de services qu'offre l'ACCOVAM, mais elles pourraient aussi continuer d'offrir des services différents en ce qui concerne les activités purement bancaires.
Le sénateur Kroft: Merci et bienvenue. Je n'ai qu'une seule question. Selon le rapport MacKay, votre association compte parmi les groupes intéressés à faire partie du système de paiements. Vous en avez en fait l'un de vos objectifs.
Dans la partie où vous traitez de l'accroissement de votre pouvoir commercial, vous dites penser qu'ils devraient en faire partie s'ils satisfont à des critères raisonnables. Il me semble, de la façon dont vous l'avez dit, que vous mettiez beaucoup l'accent sur le mot «raisonnable».
Selon moi, il est clair que vos membres proviennent de sociétés de tailles très diverses et que cette taille correspond à des capacités différentes.
Je suis un peu curieux de voir ce qui arriverait. Si vous prenez le niveau le plus bas, qui satisferait vos membres les plus petits, cela les mènerait sur un plan satisfaisant dans le système de paiements.
Je ne sais pas ce que vous feriez -- et cela m'amène à la deuxième partie de ma question. Est-ce que ce serait tout ou rien, sinon, évidemment, vous offririez certains avantages compétitifs. Je me demande simplement ce que vous feriez pour commencer.
M. Oliver: Je crois que si j'ai mis l'accent sur le mot «raisonnable», c'est à cause des commentaires qu'ont faits certains témoins en réponse aux questions posées à votre comité. Je crois que si vous établissez des critères, ce n'est pas pour empêcher tout le monde de participer.
Mais je vous avoue que je ne m'étais pas préparé à vous donner des détails sur ce que devraient être ces critères.
M. Russell: J'aimerais en parler un peu plus. Je crois que quand nous parlons de l'accès au système de paiements et de la participation aux travaux du comité sur le système de paiements, nous voulons dire que ces institutions doivent répondre à des normes réglementaires adéquates. Il est clair que les institutions de dépôt réglementées par le fédéral répondent à ces critères.
S'il ne s'agit plus d'institutions de dépôt, vous devez donc adopter des critères quelque peu différents, mais l'essentiel, c'est que ces institutions doivent répondre à des normes élevées, quelles que soient leurs activités. Nous pensions certainement que toutes les entreprises membres de l'ACCOVAM devraient pouvoir devenir membres du système de paiements parce qu'elles sont toutes déjà assujetties aux mêmes normes réglementaires. Cela comprend les courtiers attachés aux grandes banques, les grands indépendants et les toutes petites sociétés, qui, par exemple, n'ont qu'un petit capital et sont en petit nombre dans le secteur et qui représentent donc peu de risques.
La question de savoir si les petits membres de l'ACCOVAM voudraient vraiment se joindre au système de paiements repose sur la question de la distinction entre ce qui répond aux normes réglementaires et ce qui répond aux impératifs économiques puisque, cela est clair, il y aura des dépenses significatives liées au fait d'offrir ce service aux clients. Beaucoup de petits membres préféreront peut-être s'abstenir.
Mais je crois que ce que nous avons en tête, à tout le moins au sujet des critères imposés, c'est que tous doivent répondre aux normes.
Le sénateur Joyal: Monsieur Oliver, monsieur Russell, merci. Nous avons reçu ce matin, comme premier témoin, un représentant de la SADC, et je me demande si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance de sa présentation ou si on vous en a parlé.
M. Oliver: Non. Je suis désolé, je n'en ai pas eu l'occasion.
M. Russell: Non. Moi non plus.
Le sénateur Joyal: Je serais certainement heureux de vous en donner un exemplaire. Un des aspects qu'ils ont soulignés, c'est le fait que, si le système de paiements est accessible à l'assurance-vie plutôt qu'aux courtiers en valeurs mobilières et en fonds communs de placement, le système sera beaucoup plus complexe. Je citerai leur conclusion, à la page 10:
Un autre facteur consiste à évaluer la mesure dans laquelle cette proposition suppose une importante augmentation des engagements financiers du Canada.
Si j'ai bien compris, au Canada, 184 membres se partagent le commerce des investissements. Vous avez déclaré que, dans votre association, tous les membres étaient égaux. Cependant, la plupart des règlements auxquels vous vous soumettez sont des règlements provinciaux. Vous n'êtes pas du tout dans la même situation que les banques au chapitre du dépôt ni dans la même situation que les assureurs au chapitre des engagements du souscripteur. Pourriez-vous nous éclairer au sujet des paramètres que vous utiliserez pour aplanir ces difficultés dans un délai raisonnable? Après tout, nous n'avons pas une commission nationale des valeurs mobilières qui pourrait nous donner des lignes directrices et uniformiser les règlements de façon cohérente, efficace et rapide. Vous êtes probablement préoccupés par cette recommandation. Vous aimeriez agir le plus vite possible. Il est aussi dans l'intérêt de votre industrie de le faire.
Pourriez-vous nous parler du programme que vous élaborez pour aider le gouvernement à mettre en place ces recommandations?
M. Russell: La seule chose que je peux dire, au point où en sont les choses, sénateur, c'est que, premièrement, le système de paiements canadien a créé un précédent en reconnaissant les réglementations provinciales. La succursale du trésor de l'Alberta est membre de la CPA. Elle respecte les règlements provinciaux.
Je ne crois donc pas que c'est un obstacle en soi, mais je crois que les entreprises de courtage sont beaucoup plus complexes au chapitre des activités financières qu'elles mènent, quoique les intermédiaires financiers eux-mêmes sont de plus en plus sophistiqués. Je peux parler plus longuement du processus. Nous avons travaillé, le mois passé, en collaboration avec le ministère des Finances pour cette étude, et nous lui avons fourni beaucoup d'information sur notre secteur, sur la façon dont il est réglementé, et sur nos obligations en tant qu'organisation d'autoréglementation reconnue par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Il me semble que le ministère travaille rapidement et avec diligence à l'élaboration du type de critères dont vous parlez, mais il me semble prématuré, à cette étape-ci, de commenter la nature de ces critères. Je crois que, pour le moment il ne fait qu'en déterminer la portée.
M. Oliver: J'ai seulement une autre chose à dire au sujet des règlements provinciaux. Ces dernières années, on a fait beaucoup d'efforts pour uniformiser les règlements, et en fait, partout au pays les courtiers en valeurs mobilières doivent se conformer aux mêmes règles financières et aux mêmes règles touchant le capital.
Le sénateur Joyal: C'est comme si la compagnie d'assurance-vie était mieux placée, en ce moment, pour être admise dans le système des paiements. Ce serait reporté, dans le cas des courtiers en valeurs mobilières et des fonds communs de placement, compte tenu de la mise en place d'un régime de réglementation.
M. Oliver: Je soulignerais simplement le fait que les autres industries ne sont pas comme la nôtre. Les difficultés financières, les faillites, et la question des deniers publics nous concernent.
Je ne suis donc pas d'avis qu'il faille reporter cela dans le cas des courtiers en valeurs mobilières. Tout de même, vous avez besoin de réponses plus détaillées, et nous nous appliquerons à vous les fournir.
Le vice-président: Je n'ai qu'une question à poser. Vous avez parlé de la concurrence à propos des dépôts et du fait que, depuis quelque temps, les banques reçoivent moins d'argent, et les gens placent davantage leur argent. C'est bien parce que les taux d'intérêt sont bas et que les conditions du marché sont bonnes, n'est-ce pas?
M. Oliver: En partie.
Le vice-président: Lorsqu'il est question de formuler nos recommandations, avons-nous la responsabilité de regarder le long terme? Autrement dit, ne croyez-vous pas qu'il s'agit là d'un élément permanent de notre culture? Je ne parle pas des taux d'intérêt et des placements, car cela est appelé à évoluer. Mais croyez-vous toujours que même si les taux d'intérêt augmentent, les gens resteront enclins à placer leur argent, même si le marché est à la baisse?
M. Oliver: Votre question concerne non pas les cycles, mais plutôt les structures et la durée. Lorsque les gens s'engagent sur le marché, il semble que ce soit un phénomène démographique où le repli prend un certain caractère cyclique.
Enfin, on peut songer au début des années 60, période où les taux d'inflation et d'intérêt étaient ce qu'ils sont aujourd'hui, mais où la participation au marché n'était pas du tout la même. Comme j'en ai fait mention durant mon exposé, les gens prennent de plus en plus conscience du fait qu'ils doivent se fier à leurs propres moyens. Aujourd'hui, ils ont plus de moyens. Les facteurs démographiques occupent visiblement une grande place dans tout ce phénomène; or, les facteurs démographiques ne changent pas du jour au lendemain. Dans une société, c'est l'un des facteurs qui sont évidemment les plus lents à évoluer et les plus faciles à prédire.
Je crois que les gens en savent plus et qu'ils envisagent les tendances à long terme de l'industrie sur les bourses de valeurs. Dans une perspective de long terme, il est nettement préférable d'avoir investi avec prudence dans le marché, plutôt que d'avoir investi dans un compte d'épargne, bien qu'il n'y ait aucune garantie. Mais cela tient pour une grande part à la situation individuelle de la personne, à l'équilibre qu'il faut chercher à atteindre et ainsi de suite.
Je dirais donc «non» -- ce n'est pas un phénomène qui est susceptible de s'accroître. Je crois que les gens seront plus nombreux à placer leur argent sur le marché, en fait. Je n'entends pas par là que d'ici six mois, leur nombre ne diminuera pas. De fait, l'actif des fonds communs de placement s'élèvera à 325 milliards de dollars. Aujourd'hui, c'est autour de 275 milliards de dollars. Une partie de cela n'est que la réduction de 25 p. 100 enregistrée sur le marché. Je ne crois pas qu'il y ait là de remboursement net, mais la bourse, de par sa nature, fonctionne de cette façon.
M. Russell: Une autre façon d'aborder votre question, sénateur, consiste à regarder la manière dont les institutions se positionnent. Le genre de changement structurel auquel nous sommes témoins, les acquisitions faites sur les marchés tant canadien qu'américain, me semblent témoigner des stratégies des grandes sociétés, qui y voient une évolution durable.
La fusion des sociétés Salomon Brothers, Smith Barney et Travelers -- qui a donné le groupe Citigroup -- donne une banque commerciale d'investissement d'envergure mondiale qui offre l'éventail complet des produits et services. Je crois que les changements structurels de cette nature sont une façon de reconnaître le fait que les consommateurs sont beaucoup mieux avisés, ce qu'ils démontreront au fil du temps.
Au Canada, nous avons été témoins d'une intégration soutenue des maisons de courtage en valeurs mobilières et des banques. L'idée consiste à disposer de multiples voies de diffusion des produits pour répondre aux besoins de la clientèle.
Le vice-président: Il n'y a plus de question. Merci beaucoup, messieurs.
Nous accueillons maintenant M. David Nield, président du conseil, président et chef de la direction de La Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie.
M. David A. Nield, président du conseil, président et chef de la direction de La Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie: Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de venir témoigner devant vous. Je me joins à d'autres pour féliciter M. MacKay et les membres de son groupe de travail d'avoir produit en temps utile un rapport complet et mûrement réfléchi. Il nous faut maintenant traduire les recommandations du rapport en un cadre stratégique nouveau et viable pour régir à l'avenir les institutions de services financiers du Canada. Il existe visiblement des appuis généraux en faveur d'une telle démarche, et la Canada-Vie sera heureuse de prêter son concours à tout travail envisagé de ce point de vue.
Nous vivons certainement une époque très intéressante pour les compagnies d'assurance-vie, en général, et pour les compagnies mutuelles d'assurance-vie, en particulier. De nombreux changements se produisent. Parmi ceux-ci, il faut compter notamment, et c'est un sujet sur lequel je ne m'étendrai pas aujourd'hui, le retrait de la forme mutuelle.
Le groupe de travail MacKay a signalé que, à son avis, le retrait de la forme mutuelle était dans l'intérêt des compagnies mutuelles et de leurs clients détenteurs de police. De même, ce serait favorable à l'évolution future du secteur des services financiers. Nous croyons que cela est vrai, et notre conseil d'administration a demandé à la Canada-Vie de préparer un plan de retrait de la forme mutuelle. Nous nous affairons actuellement à cela.
C'est un processus relativement complexe qui exigera beaucoup de temps, d'énergie et d'argent. La restructuration de notre entreprise posera des défis internes, tout comme la répartition équitable des actions parmi nos détenteurs de police participants. Dans le cas particulier du Canada, il y a aussi des défis externes sur le plan des communications.
Je dis que, dans le cas particulier du Canada, il existe des défis externes du point de vue des communications, car au Royaume-Uni et en Irlande, deux pays où nous exerçons des activités, le retrait de la forme mutuelle est presque une vieille histoire pour le public. Au Canada, toutefois, c'est un processus nouveau, et nous devons éduquer nos détenteurs de police à l'aide des moyens les plus larges et les plus diversifiés possible.
À l'interne, c'est probablement le changement structurel le plus important à se présenter depuis 1961. Permettez-moi d'expliquer cela en vous parlant un peu de la Canada-Vie avant de passer à la partie principale de mon exposé.
La Canada-Vie a été fondée à Hamilton, en Ontario, en 1847 -- c'est la première compagnie canadienne d'assurance-vie. À l'origine, nous sommes cotés en bourse. L'année 1961 est importante pour nous: c'est l'année où nous avons adopté la forme mutuelle. Certains diront que si vous faites une longue vie, vous finirez par voir la boucle se boucler, et c'est certainement vrai dans le cas de la forme mutuelle.
Aujourd'hui, nous offrons des produits individuels et des produits de groupe à plus de huit millions de personnes au Canada, au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis. Dotés d'un portefeuille international, à la fin de 1997, nous administrions un actif social et des fonds de placement distincts de l'ordre de 39,6 milliards de dollars -- dont 16 milliards de dollars, ou 40 p. 100, au Canada même. L'an dernier, le revenu total en primes de mon entreprise s'est élevé à 5,2 milliards de dollars. De même, notre revenu net s'est situé à 266 millions de dollars. La Canada-Vie administre au total, au Canada comme à l'étranger, des assurances dont la valeur dépasse les 260 milliards de dollars.
Pour vous donner une idée de notre taille relative sur le marché canadien, disons que nous venons au cinquième rang parmi les compagnies d'assurance-vie pour l'actif, mais que nous ne figurons pas sur la liste des 50 premiers du domaine de l'assurance-vie dans le monde.
Le groupe de travail a fait les travaux d'amorce nécessaires pour que nous traitions avec les conséquences de l'évolution massive des choses dans le contexte de la concurrence intense où évoluent nos institutions. Comme les faits saillants du rapport le laissent voir:
[...] il est extraordinaire de constater à quelle vitesse le monde évolue. Sur fond de techniques et d'idées nouvelles, à mesure que nous approchons du millénaire, le monde devient fondamentalement différent de ce qu'il était il y a même 10 ou 15 ans.
Que c'est vrai.
La volatilité née de ces changements a clairement créé la nécessité de mettre à jour, comme nous voulons le faire ici, les règles régissant les entreprises financières. De fait, depuis que le groupe de travail a entamé ses travaux au début de 1997, le contexte du fonctionnement et de la concurrence a changé.
Parmi les exemples bien connus, citons celui de l'achat de London Life par la Great-West aussi bien que le projet de fusion de deux couples de banques ici même au Canada. Il y a également eu des acquisitions et des fusions massives sur la scène internationale, comme par exemple la fusion de Citicorp et du Travelers Group aux États-Unis. Ou encore, citons le cas de la croissance soutenue du puissant groupe ING dans les Pays-Bas; la croissance internationale d'AXA, de France, les fusions bancaires en Suisse; et l'acquisition de SunAmerica par AIG, une des plus grandes entreprises financières d'Amérique du Nord, et dont les intérêts sont proprement mondiaux. La Canada-Vie elle-même a joué une part active dans tout cela, avec huit acquisitions amicales faites au cours des six dernières années. Et il y en a une en cours -- celle de la Crown Life.
Je cite ces exemples pour deux raisons. Premièrement, les pressions en faveur du changement demeurent aussi fortes, et la taille des institutions financières de par le monde connaît une croissance géométrique. Deuxièmement, le Canada ne peut se cacher le fait qu'il y a consolidation dans l'industrie des services financiers.
La consolidation tient à deux facteurs. Il y a trop de joueurs présents à une époque où le marché des produits d'assurance-vie classiques décline, alors que les entreprises établies dans le domaine font face à de nouveaux concurrents non traditionnels, particulièrement dans le domaine de l'accumulation de la richesse. Les fonds communs de placement et les banques sont de gros joueurs dans le domaine en question.
Dans le contexte, je crois que le cadre de réglementation qui est actuellement à l'étude devrait servir à encourager et à favoriser la plus grande liberté de choix et la plus grande innovation possible. Une liberté de choix marquée par la prudence certes, mais une liberté de choix tout de même.
Il est prudent et nécessaire de protéger l'intérêt public légitime, particulièrement quand il s'agit de s'assurer que nous disposons d'entreprises financières qui sont fortes et concurrentielles. Il est également nécessaire que le cadre de réglementation reconnaisse et serve à encourager la liberté de choix en garantissant que les règles d'engagement ne sont pas inutilement bureaucratiques, restrictives ou lourdes.
À mon avis, la majeure partie du rapport MacKay atteint les objectifs dont il est question ici. J'applaudis, par exemple, les recommandations concernant l'accès au système canadien des paiements, les rajustements dont nous avions désespérément besoin concernant l'impôt sur le capital des institutions financières et l'instauration de règles du jeu équitables dans le domaine de la protection des consommateurs.
J'applaudis aussi le délai de protection de trois ans prévu dans le cas des prises de contrôle sauvages à la suite du retrait de la forme mutuelle. Étant donné l'ampleur et la rapidité des changements sur le marché, toutefois, je crois que nous devrions préserver notre capacité d'entreprendre une acquisition amicale durant la période de transition, dans la mesure où notre conseil d'administration et nos détenteurs de police croient que c'est dans l'intérêt de l'entreprise et dans leur intérêt à eux.
Le rapport MacKay permet cela, dans le mesure où il est clairement démontré que la prise de contrôle irait à l'encontre de l'intérêt public et où il est souhaitable de procéder avant que ne s'achève la période de transition de trois ans. Comme je l'expliquerai plus tard, nous entretenons tout de même certaines préoccupations à ce sujet -- et pour ce qui touche le critère de l'intérêt public, et pour ce qui touche le processus d'examen de l'intérêt public prévu dans le rapport.
D'autres questions posent des difficultés à mes yeux. Je parle ici des recommandations touchant les modes de propriété et les propositions touchant les fusions et acquisitions. Ce sont là des questions critiques pour les entreprises comme la mienne, qui sont présentes au Canada même et sur la scène internationale.
Comme je l'ai fait remarquer, nous nous affairons à assurer la croissance de la Canada-Vie au moyen d'acquisitions. Depuis 1992, nous avons fait trois acquisitions au Royaume-Uni, trois, aux États-Unis, et une, en Irlande. Nous travaillons à notre deuxième acquisition au Canada. Même en ayant fait ces acquisitions, nous avons eu peine à suivre ce qui se passe sur le marché. S'il fallait que des règles nouvelles viennent inhiber ou ralentir notre croissance, il en irait de notre capacité d'améliorer, voire de maintenir notre rendement.
Ce n'est pas là un argument théorique -- c'est la réalité. Récemment, deux agences d'évaluation du crédit -- Moody's Investors Service et Duff & Phelps -- ont brossé un portrait défavorable de la Canada-Vie. Or, les deux croyaient qu'il nous fallait occuper une plus grande place sur le marché canadien. Citant la vague des consolidations au Canada, les observateurs de la société Moody's ont affirmé que les grandes sociétés du premier échelon jouissent d'un avantage concurrentiel sur les entreprises comme la Canada-Vie, qui, selon eux, occupe maintenant un deuxième échelon. Pour que la Canada-Vie devienne une société de premier échelon, comme le définit la Moody's, elle doit grossir.
Compte tenu de ce que nous pourrions appeler la réalité «dans la rue», j'estime que le rapport MacKay témoigne d'un préjugé défavorable envers la création d'entreprises de grande taille. Je juge cela inquiétant. On peut lire à la page 112:
Les faits que nous avons examinés ne permettent pas de conclure que, dans la plupart des cas, la taille représente une variable d'importance stratégique.
Je suis à la tête d'une entreprise dont on vient de dire qu'elle présente des perspectives défavorables principalement en raison de notre présence sur le marché intérieur, jugée insuffisante. Permettez-moi de vous rassurer sur ce point: la taille est bel et bien une variable d'importance stratégique, quels que soient les arguments théoriques formulés à l'encontre de ce fait.
Pour définir ce qui constitue une grande institution financière, les auteurs du rapport prennent pour référence un avoir des actionnaires de l'ordre de 5 milliards de dollars. Les règles de propriété et l'examen de l'intérêt public des fusions se rapportent donc à ce chiffre. Si nous cherchons à définir ce qu'est une «grande» institution financière, je dois dire que le chiffre de 5 milliards de dollars n'est pas assez élevé. Un avoir des actionnaires de cet ordre n'est pas tel qu'une société figurerait dans le premier échelon des entreprises mondialement Par ailleurs, c'est beaucoup moins élevé que ce que détiennent la plupart des grandes banques. Je propose que le chiffre soit établi au minimum à 10 milliards de dollars.
Traitons maintenant de la question de la propriété: les auteurs du rapport recommandent que les institutions financières dont l'avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars aient un capital réparti entre un grand nombre d'actionnaires. Les institutions dont l'avoir des actionnaires est inférieur à 1 milliard de dollars pourraient appartenir à quiconque est jugé apte par le ministre des Finances. Les institutions dont l'avoir des actionnaires est supérieur à 1 milliard de dollars, mais inférieur à 5 milliards de dollars seraient tenues de compter au moins 35 p. 100 d'actions participantes avec droit de vote appartenant à un grand nombre d'actionnaires et étant échangeables à la bourse.
Les trois critères de propriété, fondés sur la taille, ajouteront au régime un élément de complexité coûteux et laisseront planer le doute sur les cas où une entreprise passe d'une catégorie dimensionnelle à l'autre. Le cadre de réglementation devrait servir d'abord à produire des institutions financières qui soient fortes, agiles et concurrentielles, et qui sont aptes à réagir rapidement à l'évolution rapide du marché. Cela ne devrait pas servir à établir des règles qui deviennent difficiles à interpréter.
La taille est également un critère qui s'applique au processus d'examen de l'intérêt public des fusions. Le processus d'examen se déclenche dans tous les cas où deux institutions entendent fusionner pour former une nouvelle entreprise dont l'avoir des actionnaires est égal ou supérieur à 5 milliards de dollars, et dans les cas où chacune des deux institutions en question dispose d'un avoir des actionnaires d'au moins 1 milliard de dollars.
De par leur nature même, les fusions exigent beaucoup de temps de la part de la direction et beaucoup d'énergie de la part de l'organisation. De même, elles sont coûteuses. Il paraît inutile d'ajouter à cela un lourd processus d'examen de l'intérêt public dans le cas des fusions d'une envergure relativement faible.
Le processus d'examen de l'intérêt public tient compte de l'intérêt public au Canada même. Si ce n'est d'une brève mention de la question de la compétitivité internationale, le critère semble passer sous silence les intérêts légitimes de nos actionnaires à l'étranger, ce qui, selon les circonstances, pourrait se révéler injuste.
Nous employons beaucoup de gens au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis. De fait, nos activités au Royaume-Uni sont presque aussi importantes que nos activités au Canada. La moitié de nos activités et la moitié de nos détenteurs de police participants se trouvent ailleurs qu'au Canada, et nous avons la responsabilité de concilier leurs intérêts et ceux des autres. Il me semble que le critère d'intérêt public devrait permettre de mieux tenir compte du fait que certaines entreprises comptent d'importants intérêts ailleurs qu'au Canada.
J'ai commencé mon exposé en affirmant que, à mes yeux, le cadre de réglementation doit servir à encourager et à favoriser la plus grande liberté de choix et la plus grande innovation possible. Une liberté de choix marquée par la prudence certes, mais une liberté de choix tout de même. Le Canada a besoin d'une industrie des services financiers qui est en santé, qui est vitale et qui croît. Le cadre de réglementation doit permettre aux entreprises d'être agiles et de s'adapter rapidement à un marché complexe qui évolue.
Je crois que les recommandations du rapport MacKay, conjuguées aux modifications que j'ai proposées moi-même, nous permettront de faire un bon bout de chemin à cet égard. Je vous remercie.
Je suis disposé à répondre à toute question que vous êtes susceptible de poser.
Le vice-président: Vous avez parlé de la façon de régir la propriété et de la façon de déterminer la taille relative que doit atteindre une entreprise pour faire l'objet d'un processus de réglementation en cas de fusion. Vous avez aussi parlé de la taille que doit avoir une institution financière avant d'être tenue d'avoir un capital réparti entre un grand nombre d'actionnaires. Je suis un peu d'accord avec vous là-dessus, mais je me demande ce que devrait être la solution de remplacement à vos yeux. Qu'en est-il si les institutions comptant un faible nombre d'actionnaires sont admises? Faudrait-il se préoccuper de leur taille?
M. Nield: Évidemment, il y a une limite, et je propose que ce soit 10 milliards de dollars. Une partie des difficultés concerne les entreprises comme la mienne, qui s'ouvrent sur des perspectives internationales depuis plus de 100 ans. Je suis conditionné naturellement non seulement par le marché intérieur, mais par ce qui se fait ailleurs. De nos jours, 5 milliards de dollars canadiens équivalent à moins de 3,5 milliards de dollars US, et cela donne une institution assez minuscule par comparaison à ce qui existe ailleurs dans le monde. Voilà pourquoi je crois que le chiffre de 5 milliards de dollars est trop petit. Je crois que l'entreprise dont l'avoir atteint 10 milliards de dollars arrive pour ainsi dire chez les grands, que l'on compte cela en dollars américains ou en dollars canadiens.
Je voulais aussi aborder la question du lien national pour ainsi dire. Mon entreprise est considérée comme une entreprise nationale pour ce qui est du total des fonds des détenteurs de police, mais la réalité, c'est que ceux-ci sont disséminés dans quatre pays distincts. En ce moment même, l'excédent du côté des détenteurs de police se situe chez nous à environ 2,6 milliards de dollars. Vraisemblablement, il y en a un peu plus de 1 milliard qui touchent le Canada. Le reste est réparti entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Irlande. À mes yeux, le fait de privilégier un processus d'examen au Canada même ne rend pas justice aux autres personnes que je représente.
Le vice-président: Devrait-il y avoir une démarche progressive, un peu comme un enfant qui grandit? Autrement dit, cela appartient d'abord à des intérêts privés, puis il peut y avoir 35 p. 100 qui sortent, et alors on passe à l'étape suivante. Devrait-il y avoir quelque chose entre les deux?
M. Nield: J'ai de la difficulté avec l'idée de la progression par étapes -- qu'advient-il lorsqu'il y a montée ou descente? Certaines entreprises s'amenuisent au fil du temps, alors que d'autres grossissent. Si les droits acquis sont maintenus éternellement, cela fera tout un salmigondis des structures des grandes sociétés au Canada. J'en suis convaincu: sous réserve des règles concernant l'aptitude des propriétaires d'une institution financière, les institutions ne devraient pas être tenues d'avoir un capital réparti entre un grand nombre d'actionnaires.
Les sociétés mutuelles font le passage d'une structure assez différente à une structure publique. Il nous faut quand même un certain délai pour passer de l'un à l'autre et pour que la valeur adéquate soit déterminée. Par la suite, je crois tout de même que c'est le marché qui devrait régir les choses.
Le sénateur Di Nino: La plupart de nos témoins ont tiré une salve vers les banques. Je remarque que ce n'était pas votre cas, à moins que je n'aie raté quelque chose. Voilà qui est rafraîchissant. Permettez-moi d'ajouter que je ne manifeste pas forcément un préjugé ici, car je ne suis pas parfaitement certain de ce que serait mon choix si je devais voter sur la question.
Le fait que les banques puissent vendre des produits d'assurance-vie dans leurs succursales est-il une préoccupation pour la Canada-Vie?
M. Nield: Permettez-moi d'être un peu longuet. Nous affrontons la concurrence au Royaume-Uni et en Irlande; or, les banques vendent de l'assurance dans ces deux pays depuis plus de dix ans. Nous leur livrons une concurrence très efficace, et la concurrence en tant que telle ne me dérange pas. De fait, je crois que c'est de cette façon que nous progressons tous et parvenons à mieux servir nos clients.
J'aurais une observation à propos des banques au Canada. Pour s'assurer que les règles du jeu sont équitables, je crois qu'il faut régler les questions concernant la réglementation des ventes liées avec coercition et la protection des renseignements personnels avant de permettre aux banques de vendre de l'assurance au détail par l'entremise de leurs succursales.
En ce moment, elles peuvent vendre de l'assurance de la même façon dont n'importe qui parmi nous peut le faire, et plusieurs d'entre elles possèdent d'ailleurs une compagnie d'assurances. Elles vendent de l'assurance au détail grâce à leurs propres réseaux. Le seul point que je soulève concerne la vente au détail faite dans les succursales et l'usage fait des renseignements bancaires. S'il existe des règles qui touchent la protection des renseignements personnels et qui interdisent les ventes liées avec coercition, ça ne me dérange pas.
Le sénateur Di Nino: Vous ne croyez pas qu'il serait difficile de réglementer les ventes liées? Je ne suis pas certain de vouloir utiliser le terme «coercition», car il y a une différence. Je veux dire qu'il y a une différence entre une vente liée et de la coercition.
M. Nield: Je conviens que c'est très difficile à administrer. L'exemple qu'on me donne toujours, c'est que la banque est très importante aux yeux des gens. Ils y vont pour obtenir un prêt. Ils y vont pour obtenir une hypothèque. Certaines personnes auraient beaucoup de difficultés à décliner l'offre de la banque si celle-ci leur proposait d'autres produits.
Je n'ai pas de réponse simple pour vous: je ne saurais vous dire tout à fait comment cela serait administré. Je crois tout de même que les banques qui sont prises à faire cela devraient faire l'objet de sanctions très sévères et qu'il faut continuer à informer les consommateurs du fait que les banques n'ont pas le droit de faire cela.
Le sénateur Di Nino: Dans la mesure où il s'agit d'un marché concurrentiel, tout de même, et dans la mesure où vous vous trouvez sur le même pied que les banques, cela ne vous dérange pas qu'elles vendent de l'assurance, car vous croyez pouvoir faire mieux qu'elles sur ce plan de toute façon. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Nield: Je ne dis pas que ce sera l'enfance de l'art, mais je crois que c'est là la direction que prend le monde, et je ne crois pas qu'il vaille la peine de résister contre vents et marées. Une fois que les banques ont eu la permission d'être propriétaires de compagnies d'assurances, leur arrivée dans le commerce de détail n'était qu'une question de temps. Tout ce que je demande, c'est que les exigences à cet égard ne soient pas telles que les banques aient un avantage sur le reste d'entre nous.
Le sénateur Di Nino: Parlons maintenant du système des paiements. Évidemment, c'est une question qui arrive à l'avant-plan pour à peu près toutes les industries que représente le secteur financier. Votre industrie est fin prête à être admise dans le système des paiements. Pour les fins du compte rendu, pourriez-vous nous dire ce que cela ferait pour vous? Pour quelle raison êtes-vous en faveur de cela?
M. Nield: Nous versons environ 100 millions de dollars par jour en règlements. Dans un grand nombre de cas, nos détenteurs de polices n'ont pas immédiatement besoin des fonds. D'habitude, le paiement prend la forme d'une somme forfaitaire. Cette somme est prise et déposée dans une banque.
Nous croyons que, si nous avions accès au système des paiements, nous pourrions épargner une étape. Ils pourraient continuer à traiter avec nous, et nous pourrions veiller sur leur argent et fournir le service supplémentaire. S'ils ne voulaient pas traiter avec nous, ils pourraient sortir l'argent, mais, au moins, nous aurions l'occasion de nous occuper de ces fonds au moment où le détenteur de police ou le bénéficiaire encaisse l'argent.
Le sénateur Di Nino: Ce que vous dites donc, c'est que cela passerait d'un compte d'assurance à une autre forme de compte qu'ils auraient chez vous et qui serait accessible par l'entremise du système des paiements. Est-ce bien cela?
M. Nield: Tout à fait.
Le sénateur Di Nino: Cela aurait pour effet d'égaliser les règles du jeu pour vous, de vous permettre d'être concurrentiel.
M. Nield: Cela nous donnerait l'occasion de continuer à servir nos clients de la façon que nous souhaitons. Il est très difficile d'attirer des clients; par conséquent, il est important de trouver des façons de répondre à d'autres besoins chez eux.
Le sénateur Di Nino: Il est important de garder les clients.
M. Nield: Oui, c'est très important.
Le sénateur Di Nino: S'il faut vous admettre dans le système des paiements, il faut se poser quelques questions. Les banques sont couvertes par une politique de la Société d'assurance-dépôts du Canada, alors que votre industrie est couverte par la SIAP.
M. Nield: Oui.
Le sénateur Di Nino: Si vous étiez admis dans le système des paiements, votre industrie serait-elle plus encline à se placer sous le régime de la SADC ou voudrait-elle plutôt demeurer avec la SIAP?
M. Nield: Nous sommes d'accord avec le fait qui est reconnu dans le rapport MacKay, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de règles du jeu équitables en ce qui concerne la protection des détenteurs de police. La SADC a accès au Trésor. Nous n'avons accès qu'à nous-mêmes. Nous avons composé avec une insolvabilité très importante, et nous l'avons fait de notre gré. Nous l'avons fait sans aide ou soutien gouvernemental, et nous avons très bien réussi. Dans mes observations préliminaires, j'ai toutefois fait remarquer que nous applaudissons le rapport MacKay et l'idée qui y est énoncée, c'est-à-dire que nous devrions pouvoir bénéficier de règles du jeu équitables lorsqu'il est question de la protection des détenteurs de police.
Plusieurs modèles possibles sont présentés dans le rapport. Je n'ai pas de grande conviction à ce sujet, sauf pour dire que si la SADC a accès au Trésor, l'industrie de l'assurance devrait y avoir accès aussi. Si la solution se situe un peu entre les deux, nous devrions être mis sur le même pied.
Le sénateur Di Nino: Quels sont les genres de produits que votre industrie aimerait voir couverts si les règles du jeu sont égalisées à l'avenir?
M. Nield: En ce moment, tous nos contrats d'assurance IARD sont couverts sous le régime de la SIAP, de sorte que cela continuerait. Nous avons droit à une prestation de décès sous le régime de polices d'assurance décès, jusqu'à concurrence de 200 000 $. Pour ce qui est des polices touchant l'accumulation des richesses, la limite de la SADC s'élève à 60 000 $. Nos rentes et nos revenus d'invalidité sont couverts jusqu'à concurrence de 2 000 $ par mois.
Le sénateur Di Nino: Vous êtes en train d'énumérer la gamme complète des produits.
M. Nield: La gamme complète présente la possibilité d'un manque à gagner, si jamais l'entreprise se trouve être en difficulté. Nous avons toujours essayé de protéger les actionnaires.
Le sénateur Di Nino: La SADC, comme vous le savez, couvre les dépôts jusqu'à concurrence de 60 000 $. Il y a des façons de cumuler cela.
M. Nield: Il est possible de cumuler cela.
Le sénateur Di Nino: Vous proposez, si je ne m'abuse, que vos produits, sauf celui qui touche l'accumulation des richesses -- pour reprendre votre terme -- ne soient pas assujettis à une limite.
M. Nield: Non, ils ont une limite. En ce moment, une prestation de décès est couverte jusqu'à concurrence de 200 000 $. La police d'invalidité est couverte jusqu'à concurrence de 2 000 $ par mois. Le produit annuel de la rente est couvert jusqu'à concurrence de 2 000 $ par mois. Si l'accumulation d'argent concerne un instrument de type CPG, c'est 60 000 $, ce qui est la même chose que dans le cas de la SADC.
Le sénateur Oliver: Dans le domaine de l'assurance-vie, les gens se préoccupent-ils de plus en plus de l'éventualité que les fusions finissent par effacer la ligne de démarcation entre les compagnies d'assurance-vie et les banques? Est-il possible que, à l'avenir, les compagnies d'assurances telles que nous les connaissons aujourd'hui n'existent plus?
M. Nield: Voilà qui nous amène certainement d'emblée dans le vif du sujet.
D'abord, la ligne de démarcation entre les banques et les compagnies d'assurance-vie est déjà brouillée depuis un certain temps. À titre d'exemple, disons que 75 p. 100 de notre actif concerneraient probablement des produits de type rente et que les CPG seraient très courants. Nos CPG sont en concurrence directe avec ceux des banques.
Mon entreprise fait des affaires importantes, et nous versons tout de même des rentes en rapport avec les risques sur la vie. Dans ce cas particulier, nous ne concurrençons pas directement les banques, mais la ligne de démarcation s'estompe dans le cas de l'accumulation des richesses. Nos caisses distinctes et nos fonds communs de placement présentent certaines similitudes, mais aussi certaines différences. Nous sommes en concurrence avec les banques à ce chapitre également.
Malgré les arguments que font valoir les auteurs du rapport MacKay, la taille est un facteur qui entre en jeu dans l'industrie des services financiers. C'est un facteur de deux points de vue. Le premier concerne la technologie -- ce qu'il en coûte pour se donner les systèmes nécessaires pour offrir aux gens ce qu'ils veulent. Le deuxième tient au fait que les agences d'évaluation du crédit veulent que votre entreprise soit grosse. On peut donner toutes sortes d'exemples de cas où la taille en elle-même ne garantit pas le succès de l'entreprise, car une gestion pourrie peut causer l'effondrement d'une grande société aussi facilement qu'une petite entreprise.
Quant aux banques elles-mêmes, je me trouve devant un dilemme et je ne sais pas si je peux bien répondre à votre question. Je crois bel et bien que le domaine bancaire est à l'aube d'un changement, tout comme l'est le domaine de l'assurance-vie. Si on me demandait d'envisager l'avenir à partir de ce qu'une banque représente à mes yeux aujourd'hui, je dirais que les fusions seront très difficiles.
Le «mandat initial» du groupe de travail -- et c'était difficile -- consistait à établir une politique industrielle applicable à l'un des domaines les plus importants au Canada, c'est-à-dire le secteur des services financiers, qui nous inspire tous beaucoup de fierté.
Il est toutefois difficile de déterminer ce à quoi ressemblera à l'avenir le domaine bancaire. Il en va de même de l'industrie de l'assurance-vie. On voit déjà que le domaine bancaire est tiraillé entre le financement de baux financiers d'un côté et les cartes de crédit de l'autre. L'avènement des services bancaires sur Internet et l'abandon progressif des installations physiques sont aussi des phénomènes très importants. À court terme, je préférerais probablement que les banques ne fusionnent pas. À long terme, toutefois, je ne sais pas ce qui serait la meilleure réponse pour le Canada.
Nous vivons à l'époque du village planétaire, et c'est un phénomène que vient alimenter la technologie. J'assiste à beaucoup de réunions à l'étranger. J'y rencontre les gros joueurs, et je sais ce qu'ils font. Nous sommes très chanceux au Canada d'avoir eu une très solide industrie nationale. Je ne saurais toutefois vous dire si nous pouvons nous attendre à maintenir cet avantage indéfiniment.
Du point de vue des autorités publiques, cela me paraît être le défi à relever. Qu'est-ce que nous essayons de voir? Il nous faut déterminer ce que nous voyons aujourd'hui et ce que nous pouvons entrevoir d'ici trois ans. Quelles que soient les mesures que nous mettons en place aujourd'hui, la machinerie sera là pour se développer à l'avenir.
Le sénateur Oliver: Les auteurs du rapport MacKay traitent non seulement des fusions, mais aussi des alliances stratégiques.
M. Nield: Oui.
Le sénateur Oliver: Lorsque M. Godsoe a comparu devant notre comité, je lui ai posé plusieurs questions à propos des alliances stratégiques. Croyez-vous qu'une alliance stratégique permettrait peut-être à votre entreprise de devenir l'entreprise qu'il faut pour l'avenir?
M. Nield: Les alliances stratégiques nous aideraient peut-être sur le plan technologique, si nous trouvions une façon de combiner nos efforts à certains des efforts des bureaux des banques. Nous avons déjà eu des pourparlers, mais nos produits sont très différents du service de compensation de chèques des banques. Il s'agit d'un service standard, et elles peuvent combiner les bureaux et accomplir cela avec beaucoup d'efficience. Jusqu'à présent, nous n'avons pu intégrer cela à nos activités.
Une alliance stratégique pourrait m'aider à améliorer ma compétitivité pour ce qui touche diverses gammes de produits. En dernière analyse, tout de même, cela n'aiderait pas ma cote de crédit. Malheureusement, les cotes de crédit sont très importantes, surtout aux États-Unis, mais elles le sont encore dans une certaine mesure sur d'autres marchés. Si je n'ai pas une cote particulière, je ne peux concurrencer sur les marchés en question.
Le sénateur Oliver: Pour les recommandations qui visent à libéraliser le système des paiements, comment envisagez-vous le fonctionnement du système de compensation? Croyez-vous que les banques vont fournir des contre-garanties aux compagnies d'assurance-vie, ou encore croyez-vous qu'il est nécessaire d'en arriver à un nouveau modèle? L'industrie de l'assurance-vie pourrait garantir les paiements de ses membres dans le système des paiements plus vaste, par exemple.
M. Nield: Sans aucun doute, il sera difficile de démêler tout cela. Je ne suis pas sûr d'avoir des réponses toutes faites, mais je sais tout de même que la dernière chose qu'il nous faut, c'est la compensation de chèques à l'américaine, auquel cas on fait un chèque, et on attend une semaine environ pour qu'il soit compensé.
Au Canada, nous nous sommes habitués à la compensation instantanée. Je crois qu'il faudrait un mécanisme quelconque pour la compensation le jour même. Je ne sais pas s'il faudrait alors s'adresser à une banque pour obtenir une garantie du type lettre de crédit, ou encore si ce serait l'industrie elle-même qui en serait responsable.
Le sénateur Joyal: Vous avez dit que la taille de la compagnie d'assurance-vie est importante.
Vous avez obtenu une cote défavorable de la part de Moody's Investors Service, même si vous êtes au cinquième rang parmi les compagnies d'assurance-vie au Canada. J'ai lu que cela a amené votre conseil d'administration à réfléchir à la partie avec laquelle vous devriez fusionner à l'avenir. Regardez-vous du côté des quatre qui sont plus grands que vous, ou ailleurs?
M. Nield: Je n'en suis pas sûr. Comme vous en avez sans doute entendu parler et comme vous l'avez sans doute lu dans la presse, tout le monde parle à tout le monde. On ne peut aller à une réunion ou à un cocktail sans que quelqu'un soulève la question.
Ce que j'affirme, c'est qu'il nous faut la liberté de choisir la bonne voie, plutôt que d'être gelé pendant un certain temps. Auparavant, je me servais d'un cycle de trois ans pour la planification stratégique. Je travaille maintenant selon un cycle de un mois, compte tenu du fait que mon environnement évolue si rapidement -- non pas tant au Canada, mais plutôt dans d'autres pays. Suivant certains des gels que proposent les auteurs du rapport MacKay, il nous faudrait attendre plusieurs années avant de mettre les choses en ordre et de commencer à relancer. Pour quelqu'un comme moi, qui évolue sur les autres marchés, ce n'est pas possible.
Le sénateur Joyal: Je songe à un argument qui concorde un peu avec celui que nous présentent les partisans des fusions bancaires. Autrement dit, nous avons déjà accueilli le chef de la direction de la TD, qui nous a dit que, sur le marché américain, la Banque TD travaille de concert avec la CIBC. Les deux banques y ont une alliance stratégique.
Croyez-vous qu'il sera possible de s'allier à un partenaire ou à d'autres partenaires parmi les compagnies d'assurance-vie au Canada? Cela vous aiderait peut-être à former le noyau de l'entreprise qu'il vous faut pour concurrencer.
M. Nield: Ayant discuté de la question avec les agences d'évaluation du crédit, il me semble que, en raison de la question de la taille, il y a visiblement trois grandes entreprises au Canada aujourd'hui. Ce sont la Sun Life, la Manuvie et la Great-West/London. Or, ces entreprises ont une taille au moins deux fois supérieure à celle de la mienne.
Bon, si je devais fusionner et me rapprocher de ce lot, je soupçonne que je serais classé dans le premier échelon. C'est la notion de taille globale qui semble être privilégiée, et non pas celle d'une présence sur le marché national. D'une certaine façon, si je trouvais un candidat qui est prêt à fusionner parmi ces joueurs, cela me donnerait l'occasion de changer mon image auprès des agences d'évaluation du crédit.
Le sénateur Joyal: En ce moment, donc, la période de trois ans est un grand obstacle à vos projets de consolidation.
M. Nield: Ce pourrait être le cas. De la façon dont le monde évolue en ce moment, trois ans, c'est une éternité.
Le sénateur Joyal: Avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance de l'exposé qu'un représentant de la SADC nous a présenté ce matin? Je parle, bien sûr, de l'accès au système des paiements et de l'ouverture du système.
M. Nield: Je n'ai pas eu connaissance de l'exposé en question, mais j'essaierai de m'en procurer un exemplaire.
Le sénateur Joyal: Permettez-moi d'en citer un passage:
La SADC sait d'expérience que le facteur commun aux institutions qui connaissent l'échec est la piètre gestion, l'absence de perception du risque et l'absence de contrôles adéquats.
D'après votre expérience du domaine, est-ce juste?
M. Nield: Je ne prétends pas connaître tous les cas possibles, mais c'est certainement un facteur dans les cas qui me sont familiers. La piètre gestion est habituellement une caractéristique d'une institution qui se trouve en difficulté. Je conviendrai également du fait qu'une mauvaise compréhension des paramètres du risque de l'activité est également un facteur.
Le sénateur Joyal: Le mémoire continue:
Les règles quantitatives n'ont pas pris en considération ces résultats, de sorte que les normes ont été conçues pour compléter les règles par l'ajout de normes qualitatives.
Quel genre de capacité votre industrie doit-elle atteindre, en termes qualitatifs?
M. Nield: Je ne suis pas sûr d'être en mesure de donner une très bonne réponse à cette question, sauf pour dire que les choses ont énormément évolué depuis cinq ou six ans dans ces deux domaines. La SADC a établi des normes régissant les pratiques de gestion, et la SIAP a fait de même. Les conseils d'administration s'appliquent rigoureusement à s'assurer que les bons dirigeants sont en place et que les bonnes politiques sont en place pour les protéger.
Il y a bien des choses qui ont évolué depuis cinq ou six ans, et les choses n'ont peut-être pas été aussi structurées par le passé qu'elles le sont aujourd'hui. Pour parler de ma propre entreprise, toutefois, je dois mentionner que nous avons plusieurs articles structurels en place. Le conseil d'administration les passe en revue et détermine si la direction est dans la bonne voie et si nous avons les bons contrôles en place.
Le vice-président: Merci beaucoup, monsieur Nield. Nous avons apprécié votre exposé. Notre prochain témoin est M. Bill Davis, du Groupe de travail des Églises sur les responsabilités des sociétés. Monsieur Davis, je vous en prie.
M. Bill Davis, Groupe de travail des Églises sur les responsabilités des sociétés: Je m'appelle Bill Davis et je représente le Groupe de travail des Églises sur les responsabilités des sociétés. J'apprécie l'occasion qui m'est offerte de venir ici cet après-midi. Je sais que nous arrivons ici à la fin d'une journée assez chargée.
Vous vous souviendrez peut-être du fait qu'au moment où nous sommes venus témoigner en 1996, nous étions accompagnés de l'Organisation nationale anti-pauvreté, ONAP, groupe de défense du consommateur de Montréal. L'organisme s'appelle maintenant Option consommateurs. Nous étions accompagnés aussi d'un représentant de Jane-Finch, organisme qui travaille ici, dans la région métropolitaine de Toronto.
Depuis, les Églises ont cultivé leurs liens avec ces mêmes organismes. Si ceux-ci ne nous accompagnent pas aujourd'hui, ils ont pris connaissance du document que nous vous remettons aujourd'hui. Ce document ne porte que sur une question, c'est-à-dire le service aux personnes à faible revenu.
Aux côtés de ces organismes, nous avons tout de même eu l'occasion de présenter des exposés au groupe de travail MacKay. Nous nous sommes adressés une fois à l'organisme plénier à Ottawa, et une fois, à la moitié du groupe, ici, à Toronto. Je crois que nous avons de bonnes raisons de croire qu'ils ont reconnu l'existence des problèmes que nous avons soulignés, et je crois qu'on ne se trompe pas en disant que l'Association des banquiers canadiens a aussi reconnu l'existence de ces problèmes.
L'ABC nous a fait une place dans les efforts constants qu'elle déploie pour mieux servir les personnes à faible revenu. Il existe de nouvelles lignes directrices pour l'ouverture des comptes et la compensation des chèques. La revue Le Banquier publie régulièrement des articles mettant en relief les nouvelles dispositions en question et incitant vivement les banquiers à traiter avec une plus grande sensibilité les clients et les consommateurs à faible revenu. De bons progrès ont été accomplis dans certaines collectivités au moyen de projets conjoints de formation, et le cas de Jane-Finch en est un bon exemple.
Dans notre mémoire, nous attirons l'attention sur la recommandation 92 du rapport MacKay. La dernière fois où nous vous avons rendu visite, j'ai constaté que vous aviez une préférence générale qui concorde tout à fait avec la recommandation 92. C'est-à-dire que vous n'aimez pas légiférer. C'est une mesure de dernier recours que vous essayez d'éviter autant que possible.
La recommandation 92 conclut:
C'est pourquoi, si aucun progrès appréciable n'est réalisé dans un délai relativement court pour régler les problèmes d'accès, le gouvernement devrait inscrire dans la loi les dispositions des ententes de février et de décembre 1997 et prévoir des sanctions appropriées en cas de non-respect des ententes.
C'est la recommandation qui se trouve dans le rapport MacKay.
D'abord et avant tout, nous voulons savoir qui déterminera si des progrès appréciables ont été réalisés, et quel sera le délai? Qu'est-ce qu'un «délai relativement court»? Combien de temps faut-il attendre, et qui est responsable du dossier? Voilà ce qui nous préoccupe, et le rapport passe cela sous silence. Dans notre mémoire, nous proposons une option, qui permet tout au moins de conserver un certain degré d'indépendance et qui situe la tâche à quelque part. Nous proposons que ce soit l'ombudsman qui soit chargé de cela. Soit dit en passant, la recommandation relative à l'ombudsman est une recommandation que nous appuyons.
Option consommateurs vient de parachever ses propres enquêtes dont une au Québec et une autre à l'extérieur du Québec. Ce ne sont pas des enquêtes exhaustives, mais elles ont une envergure suffisamment large pour indiquer des limites aux progrès qui sont réalisés. J'en ai apporté suffisamment d'exemplaires pour que vous en ayez chacun un, et je vous les laisserai. Ce n'est pas un rapport scientifique pour la majeure partie, mais on y trouve tout de même certains chiffres.
Malgré les meilleures intentions de l'ABC et les efforts tout à fait honnêtes qui ont été déployés jusqu'à maintenant, il importe vraiment de prévoir une option pour l'éventualité très réelle que le tout ne réponde tout simplement pas aux besoins fondamentaux des personnes à faible revenu. Ces gens sont déjà marginalisés de bien des façons.
Étant donné le degré de stabilité et la capacité d'innovation du système bancaire, il n'est tout simplement pas acceptable de ne pas fournir un service adéquat aux personnes à faible revenu. Voilà l'essentiel de notre rapport.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Bienvenue à nouveau parmi nous, monsieur Davis. Je comprends pourquoi vous dites que ce processus de contrôle devrait relever du bureau de l'ombudsman.
Je souhaite vous poser une question à propos de la recommandation 80, qui concerne la mise ne place d'un ombudsman. Essentiellement, le groupe de travail a recommandé que le Parlement établisse un bureau de l'ombudsman, distinct de la structure actuelle. Apparemment, on croit que l'ombudsman n'est pas indépendant, à l'heure actuelle.
Nous avons rencontré le président du conseil d'administration du bureau de l'ombudsman bancaire. Il s'agit d'un poste à temps partiel occupé à titre bénévole. La femme qui l'occupe n'est pas directrice générale de l'organisation. Nous avons passé en revue le processus de nomination des membres du conseil d'administration et du directeur général. Nous avons étudié la façon dont le budget est établi, puis nous avons lu la recommandation 80a).
La première partie de la recommandation précise ce qu'un groupe de travail entendait obtenir du point de vue de l'indépendance de l'ombudsman. La réalité, dans l'état actuel des choses, c'est que toutes les conditions de cette indépendance sont déjà réunies chez l'ombudsman en place.
La seule exception concerne la recommandation selon laquelle les administrateurs indépendants devraient être nommés par le ministre des Finances. Aujourd'hui, les administrateurs indépendants se nomment eux-mêmes. C'est-à-dire que si un administrateur indépendant démissionne, les administrateurs indépendants qui restent lui trouvent un remplaçant.
Le degré d'indépendance que le groupe de travail recherchait, selon nous, semble exister chez l'ombudsman déjà en place. Pour être franc, la plupart des membres du comité ne le savaient pas auparavant. Sachant cela, toutefois, croyez-vous qu'il est nécessaire de créer un bureau de l'ombudsman distinct, c'est-à-dire un organisme gouvernemental distinct, ou encore de poursuivre avec celui qui est déjà en place?
M. Davis: Je ne suis pas sûr de comprendre le processus de remplacement que vous avez décrit. D'où provenaient les premiers administrateurs?
Le président: Il y en a six ou sept en ce moment, et les quelques premiers d'entre eux ont été nommés par l'ABC. Il n'y a pas de doute là-dessus. Depuis, les administrateurs indépendants eux-mêmes ont nommé d'autres administrateurs indépendants. Ni les banques, ni l'ABC elle-même n'ont eu voix au chapitre.
Si le bureau de l'ombudsman n'est pas un organisme fédéral, cela présente un certain avantage. La seconde où il en devient un, sa capacité de veiller sur les institutions sous réglementation provinciale est considérablement inhibée, ce qui ne serait pas le cas s'il ne s'agissait pas d'une institution fédérale.
M. Davis: Nous n'avons pas vraiment étudié cette question. Nous croyons, dans notre organisation, que quelqu'un devrait défendre le bien public, et nous avons tendance à envisager le gouvernement dans ce rôle. Je ne sais pas si c'est là une réponse adéquate. Je comprends le dilemme que pose la question des compétences que vous soulevez ici, et nous tenons à ce que l'ombudsman soit indépendant et qu'il puisse vraiment agir.
Le président: D'accord, c'est donc la question clé, et c'est la raison pour laquelle vous voulez faire ajouter cet article.
M. Davis: En étudiant le rapport que nous avons présenté, je note que nous l'avons intégré en tant que paragraphe 80f). Je suppose que cela pourrait tout aussi bien être intégré au paragraphe 80b), dans le contexte du mandat dont il est question.
Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, vous parlez des personnes à faible revenu. Vous dites qu'il y a une amélioration évidente pour ce qui touche la compensation des chèques et l'ouverture des comptes, mais que la situation se détériore par ailleurs. De nouveaux obstacles se présentent. Pouvez-vous nous donner des exemples de ces nouveaux obstacles?
M. Davis: Cela vient probablement du rapport d'Option consommateurs que j'ai mentionné. Maintenant que nous en sommes rendus à deux pièces d'identité, nous constatons qu'il est nécessaire de faire procéder à des vérifications de crédit et cela prend cinq jours. Il y a aussi le traitement différent réservé aux chèques sans provision. C'est-à-dire que celui qui a fait un chèque sans provision n'est pas le bienvenu dans la succursale où la vérification du crédit est faite. Ce sont de petits obstacles qui font qu'il est très difficile pour la personne qui veut encaisser le chèque soit d'ouvrir un compte, soit d'obtenir des services bancaires.
Le sénateur Callbeck: Je suis étonnée que vous n'ayez pas mentionné le rapport d'activité sur les responsabilités envers la collectivité. Je croyais que ce serait une façon pour les institutions financières de se pencher tous les ans sur les services offerts aux personnes à faible revenu. Que pensez-vous du rapport d'activité sur les responsabilités envers la collectivité?
M. Davis: L'ayant lu, je me rappelle avoir pensé que cela avait beaucoup de sens. Il faudrait que j'y revienne pour mettre cela en contexte. Je crois que l'un des dilemmes consiste à savoir quelles collectivités les banques s'appliquent le plus à servir. Pour être responsable, il faut être au sein de la collectivité. Une partie du dilemme que posent les fermetures de succursales bancaires réside dans le fait que la «collectivité» qu'il est le moins intéressant de servir est celle où la concentration de personnes à faible revenu est la plus forte. Vous allez devoir me rappeler si ces rapports d'activité sur les responsabilités couvrent cet élément de service envers le public canadien.
Le sénateur Callbeck: Eh bien, ils pourraient le faire. Selon le rapport MacKay, cela a son origine dans l'exemple américain qui a donné lieu à la Community Reinvestment Act, où les banques sont tenues de réponse aux besoins de la collectivité du point de vue du service et du crédit. Le groupe de travail MacKay a étudié cela et a déterminé que nous n'avons pas vraiment au Canada les traditions nécessaires pour vraiment justifier les dispositions législatives à cet égard. Les auteurs du rapport ont donc recommandé la production d'un rapport d'activité sur les responsabilités envers la collectivité.
Le rapport MacKay mentionne quelques éléments qui pourraient être inclus dans le rapport en question, mais toutes les précisions voulues ne s'y trouvent pas. Tout de même, je songeais au fait que c'est là une des façons dont les banques pourraient devoir signaler chaque année comment elles servent les personnes à faible revenu.
M. Davis: La Community Reinvestment Act aux États-Unis a pour origine un fait incroyable: il y a de l'argent qui sort des secteurs sous-développés à faible revenu ou des secteurs où les services offerts ne sont pas très bons. Les faibles sommes d'argent qui se trouvent dans ces banques sont investies ailleurs. Dans le contexte, il est tout à fait logique de prévoir une sorte d'investissement parallèle égal là où l'avoir se situe. Il me semble que c'est là la provenance des idées du genre, que j'appuie tout à fait.
Le sénateur Di Nino: Monsieur Davis, je me demande si vous pourriez m'aider à définir le genre de service dont ont besoin les personnes défavorisées, selon vous, de la part d'une institution bancaire.
M. Davis: Tout simplement, elles ont besoin de pouvoir encaisser un chèque et, espère-t-on, d'ouvrir un compte. Ce sont des gens relativement mobiles -- ils déménagent souvent, et ils ont parfois une raison tout à fait personnelle de ne pas vouloir de compte de banque. Quiconque travaille auprès des personnes à faible revenu les encourage à faire déposer directement leur chèque dans leur compte, mais ceux-ci préfèrent ne pas procéder ainsi pour leurs propres raisons. Lorsqu'ils ont de l'argent comptant en poche, celui-ci tend à disparaître, même parmi les amis, mais il n'est pas facile d'obtenir simplement que l'on puisse entrer quelque part et y encaisser un chèque.
Le sénateur Di Nino: Est-ce leur plus grande difficulté? Vous ne parlez pas de la disponibilité des prêts. Encore, vous ne parlez même pas des autres services qu'offrent les institutions financières. Vous parlez du chèque de bien-être social ou du chèque de sécurité de la vieillesse. Vous voulez pouvoir accéder à ce service particulier sans être harcelé au bureau d'une quelconque institution financière. Est-ce bien cela que vous dites?
M. David: Oui. C'est une question dont nous avons débattu un peu plus à fond au moment où les gens de l'ONAP et de l'ASEF nous accompagnaient. Cela se trouve aussi en partie dans la documentation d'Option consommateurs que je vais vous laisser.
Une des raisons pour lesquelles les banques ne sont pas si chaudes à cette idée, je suppose, c'est que les gens en question n'ont pas besoin de prêts. Ils n'ont pas besoin du genre de services qui rapportent aux banques. Ils arrivent simplement, ils encaissent leur chèque, et ils s'en vont le dépenser. Il n'en reste pas grand'chose. Il n'y a là ni programmes d'épargne-retraite, ni certificats de dépôt.
Le sénateur Di Nino: Je comprends le problème. Les changements qui ont eu lieu -- surtout les changements technologiques -- devraient simplifier la vie considérablement dans ce segment du marché. À d'autres égards, tout de même, ils susciteraient un problème différent. Qu'en pensez-vous?
Si quelqu'un dépose un chèque de bien-être social ou un autre chèque dans un compte à l'aide d'une simple carte en appliquant toutes les précautions nécessaires, n'est-ce pas une façon beaucoup plus facile de procéder, dans bien des cas? La personne pourrait arriver, retirer 50 $ ou 20 $, selon ce qu'elle veut, ou encore la somme totale de 425 $, à son choix. Elle n'aurait jamais à mettre les pieds sur les lieux mêmes de l'institution financière. Je comprends qu'il y ait un segment de la population qui n'est peut-être pas en mesure de faire cela, mais est-ce que cela ne représenterait pas une solution tout au moins partielle au problème?
M. Davis: Oui. Je sais que chacun d'entre nous qui a participé à cet exercice encouragerait ce genre d'activité. Pour une bonne part, la formation dispensée dans le cas de Jane-Finch et ailleurs visait à encourager les personnes à faible revenu à se sentir plus à l'aise dans un tel environnement. De même, nous avons essayé d'encourager les fournisseurs de services, les organismes gouvernementaux et d'autres à opter pour le dépôt direct.
Je crois qu'il ne faut jamais présumer que les personnes à faible revenu sont nécessairement réfractaires à la technologie. Avec un peu d'encouragement, elles sont tout à fait heureuses de s'en servir, parce qu'il est commode de ne pas avoir à faire la queue.
Le sénateur Di Nino: Je n'étais pas là lorsque vous avez présenté votre exposé en 1996. Je m'attendrais certainement qu'une personne d'une organisation comme la vôtre propose au groupe de travail MacKay de faire en sorte que les personnes à faible revenu sur le marché soient servies grâce à la technologie qui a été mise au point depuis quelques années. Cette technologie, dois-je ajouter, est tout à fait conviviale. Je ne veux pas présumer de votre position là-dessus, mais j'aurais espéré que l'on aurait suggéré de traiter ainsi avec un grand nombre -- sinon le plus grand nombre de membres du segment.
M. Davis: J'ai lu le rapport en entier et j'ai l'impression qu'il y a quelque chose dans le rapport MacKay qui encourage cela. Il faudrait que je le parcoure pour le trouver, mais je crois que c'est bel et bien là.
Le président: Il y a justement une recommandation selon laquelle le gouvernement fédéral -- et les pouvoirs publics, en général -- devraient être encouragés à faire tout déposer directement dans des comptes bancaires.
Le sénateur Di Nino: On n'y précise pas qu'il faut s'employer à éduquer les gens à faible revenu qui ont de la difficulté à fréquenter les institutions financières ni à leur fournir des renseignements. Cela permettrait de résoudre le problème d'un très grand nombre de personnes. Je me demandais si c'est là quelque chose que nous pourrions faire porter au compte rendu et que nous pourrions peut-être envisager nous-mêmes.
Le président: C'est un bon point, et ça ne se trouve pas dans le rapport.
M. Davis: Si ce n'est pas là, je serais certainement heureux de voir que l'on encourage cela. C'est en partie pour cette raison que nous avons organisé cette formation.
Le sénateur Di Nino: Je voulais simplement savoir si vous croyez que c'était une bonne chose pour nous, en tant que comité, d'essayer de régler le problème de cette façon.
M. Davis: Je sais qu'Option consommateurs n'a pu participer à vos audiences à Montréal. Ils sont beaucoup plus près des gens que nous en ce sens, mais je dois répéter qu'il y aura toujours des gens qui, pour leurs propres raisons, ne voudront pas de compte de banque.
Le sénateur Di Nino: De cette façon, on peut jouer sur les deux tableaux. Pour être franc, ce serait aussi beaucoup moins coûteux, car les machines coûtent moins cher que les édifices.
Si vous êtes d'accord avec cela, c'est une chose que nous pourrions inclure dans notre recommandation.
M. Davis: J'en serais ravi.
Le président: Monsieur Davis, je vous remercie d'être venu prêter main-forte à notre comité aujourd'hui.
La séance est levée.