Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 37 - Témoignages - Séance de l'après-midi
TORONTO, le mardi 3 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 13 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, bienvenue à notre séance de l'après-midi. Nos premiers témoins cet après-midi sont M. John Palmer, surintendant des institutions financières, et M. Nick Le Pan, surintendant adjoint, secteur des opérations du BSIF.
Après le témoignage des représentants du BSIF, le pdg de la Banque canadienne impériale de commerce viendra témoigner.
Merci beaucoup, messieurs, d'être venus assister aux audiences de notre comité. Monsieur Palmer, je vais vous demander de présenter votre déclaration liminaire, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
M. John Palmer, surintendant des institutions financières: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous avoir invités à venir vous faire part de nos opinions sur le rapport du groupe de travail.
Avant de commencer, j'aimerais signaler, monsieur le président, que nous avons préparé une déclaration liminaire d'une vingtaine de minutes. Toutefois, pour être bref, j'aimerais en laisser un peu de côté.
Le président: J'aillais justement vous demander de condenser le tout pour que nous puissions passer aux questions.
M. Palmer: Je me demande si l'on pourrait considérer que le mémoire a été lu en entier.
Le président: Tout à fait.
M. Palmer: Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais féliciter M. MacKay, ainsi que les membres et le personnel de son groupe, d'avoir su mener à terme ce projet très complexe. Je sais la quantité de travail qu'ont nécessité nos présentations au groupe de travail et je peux apprécier le travail que celui-ci a accompli pour traiter de nombreuses questions générales et complexes dans des délais très courts.
J'aimerais aussi féliciter le comité à propos de son étude comparative des régimes de réglementation financière, qu'il a déposée le mois dernier. Il s'agit d'un excellent adjuvant du rapport du groupe de travail. Il se révélera particulièrement utile pour l'application des recommandations du groupe de travail. Nombre des constatations formulées dans ce rapport sont les bienvenues. Personnellement, je me réjouis particulièrement de l'allusion au fait que le BSIF doit avoir des ressources adéquates pour s'acquitter de ses responsabilités.
Mon allocution d'aujourd'hui est fondée sur le principe d'équilibre entre des objectifs politiques parfois conflictuels. Le groupe de travail cherche à réaliser certains objectifs politiques très importants, y compris l'augmentation de la concurrence et l'amélioration de la protection des consommateurs. Toutefois, des recommandations visant ces objectifs pourraient influer négativement sur la capacité du gouvernement d'atteindre d'autres objectifs, y compris la protection des déposants et des souscripteurs et le degré élevé de confiance publique dans la sécurité du système financier.
Nous admettons que de nombreux avantages peuvent découler d'un grand nombre de recommandations du groupe de travail. Nous sommes aussi d'avis que certaines recommandations peuvent donner lieu à des coûts ou à des risques compensatoires. Selon nous, les coûts et les risques éventuels découlant des recommandations du groupe de travail, qui doivent être pris en considération en même temps que les avantages, seront les suivants: l'augmentation du risque de faillite des institutions et des pertes subies par les déposants et les souscripteurs en raison de certaines propositions visant à augmenter la concurrence et à ouvrir de nouveaux débouchés dans le secteur, les problèmes attribuables à l'élargissement du mandat du BSIF en matière de concurrence et d'innovation ainsi que de protection des consommateurs, et le conflit apparent entre l'augmentation de la transparence à certains égards et la réduction pour d'autres. Permettez-moi d'élaborer sur certaines de ces questions.
De nombreuses recommandations visent, directement ou indirectement, à faciliter la venue de nouveaux participants dans le secteur financier canadien. Par exemple, je voudrais mentionner les propositions liées aux règles de propriété, les réductions éventuelles du capital initial et l'établissement de succursales par les banques étrangères.
Même si ces recommandations visent à améliorer la concurrence et l'efficience pour augmenter les choix et réduire les coûts à l'intention des utilisateurs des services financiers, l'ouverture du marché peut entraîner l'établissement d'institutions assujetties à des risques plus élevés et, finalement, des coûts supplémentaires pour le système. Nous ne prétendons pas que l'amélioration de la concurrence et de l'efficience n'est pas un objectif légitime ou viable. De plus, ce dernier ne devrait pas être rejeté parce qu'il augmenterait le risque de faillite des institutions. Toutefois, à mesure que le risque augmente, il deviendra nécessaire de tenir compte des conséquences.
Par exemple, il pourrait être nécessaire de réduire les attentes actuelles du public en ce qui a trait au degré de protection du régime. Il faudra accorder plus d'importance à la divulgation. Le caractère adéquat des outils réglementaires existants devra être réévalué. Il pourrait même être nécessaire de réviser le rôle de la réglementation et de la surveillance.
À notre avis, il importe que les Canadiens soient pleinement informés des risques et du prix à payer au cours des débats devant entourer la mise en place ces mesures conçues pour améliorer la concurrence et l'efficience.
Quant au rôle du BSIF en matière de concurrence, la réglementation et la surveillance comprennent nécessairement une certaine ingérence dans les affaires des institutions, ce qui peut entraîner des coûts directs et indirects et, par conséquent, un certain impact sur la concurrence. Dans le cadre de son mandat actuel, le BSIF doit remplir son rôle en tenant compte de son impact sur la concurrence. Il s'agit d'une exigence passive mais utile, selon nous, puisqu'elle nous aide à ne pas succomber à la tentation d'appliquer la réglementation de façon excessive.
Selon notre interprétation, le BSIF doit influer le moins possible sur la concurrence, mais nous ne croyons pas que cela veuille dire que la responsabilité de faciliter la concurrence nous est dévolue. Au lieu de cela, les objectifs ultimes du BSIF sont de protéger les déposants et les souscripteurs contre les pertes indues et de contribuer à la confiance dans le système financier.
La recommandation 112b) suggère de réviser le mandat du BSIF pour préciser qu'il est chargé d'établir un équilibre entre, d'une part, la concurrence et l'innovation et, d'autre part, la solidité et la stabilité, comme il y est déjà tenu. Toutefois, selon le groupe de travail, le BSIF n'a pas pour rôle de promouvoir et d'encourager activement la concurrence. Le BSIF ne s'oppose pas à la concurrence et à l'innovation, qui sont toutes deux indispensables au fonctionnement adéquat du secteur des services financiers ainsi qu'à sa santé et à sa croissance. Toutefois, elles ne sont pas assujetties au contrôle du BSIF et peuvent entrer en conflit avec la solidité et la stabilité.
Par exemple, notre mandat actuel met l'accent sur l'importance d'une intervention rapide dans les affaires des institutions en difficulté. Le bien-fondé d'une intervention précoce est l'une des leçons tirées des problèmes du secteur financier dans les années 80. Le gouvernement, le Comité des finances de la Chambre et le comité sénatorial des banques en ont tenu compte en 1996 pour définir notre mandat.
L'ajout d'une responsabilité précise en matière de concurrence et d'innovation pourrait inciter le BSIF à s'abstenir de réglementer, au détriment d'une intervention précoce et d'une résolution rapide des problèmes. De plus, l'ajout de la responsabilité de la concurrence et de l'innovation au mandat actuel du BSIF pourrait nuire à l'indépendance du BSIF et le rendre plus sensible à des préoccupations non réglementaires.
En approuvant de nouveaux entrants dans le système financier, les organismes de réglementation effectuent traditionnellement une enquête sur les demandeurs. Si la concurrence devenait une responsabilité du BSIF, celui-ci pourrait être poussé à approuver la propriété d'institutions financières par des personnes moins recommandables.
Nous aimerions que vous teniez compte du fait que les questions liées à la concurrence et à l'innovation relèvent plutôt du marché et d'autres intervenants gouvernementaux. Même si nous avons des doutes sur l'inclusion de la responsabilité de la concurrence dans notre mandat, nous croyons qu'il est possible d'élaborer une approche réglementaire plus souple afin de stimuler la concurrence. À cet égard, votre rapport contient des suggestions utiles, notamment un plus grand recours à la divulgation et une analyse soigneuse de la rentabilité avant l'introduction de nouveaux règlements.
Selon nous, une telle approche visant à assouplir le régime réglementaire comprendrait toujours le principe d'une intervention précoce rigoureuse, mais pourrait être liée à un nombre moindre de procédures de réglementation et de surveillance, particulièrement dans le cas des institutions en bonne santé financière.
La recommandation 112 propose d'élargir le mandat du BSIF pour inclure la responsabilité de la protection des consommateurs. Le BSIF reconnaît que des initiatives doivent servir à augmenter la protection des consommateurs, et il les appuie sans réserve. Nous avons tendance à croire que nos objectifs de solidité et de stabilité sont peut-être certains des éléments les plus importants pour la protection des consommateurs dans l'industrie des services financiers. Nous aimons penser que nous protégeons les consommateurs en aidant à préserver et à améliorer la capacité des institutions de s'acquitter de leurs obligations financières envers eux.
Toutefois, les réserves que j'ai exprimées à l'égard de l'augmentation de la responsabilité de la concurrence s'appliquent également aux propositions sur l'augmentation de notre responsabilité en matière de protection des consommateurs. D'abord, l'élargissement du rôle de protection du consommateur peut entrer en conflit avec la responsabilité du BSIF en matière de promotion de la solidité et de la stabilité. Par exemple, la question récente des primes fantômes a suscité des problèmes entre les souscripteurs contre les sociétés d'assurances sur la durée du paiement des primes en fonction des taux d'inflation et des rendements des investissements estimatifs.
Le BSIF a assurément la responsabilité de protéger les intérêts des souscripteurs. Cependant, quelle est la meilleure façon d'y arriver? En maintenant un niveau adéquat de solidité et de stabilité, ou en soutenant les intérêts des consommateurs? On ne sait pas précisément quel rôle aurait préséance s'il advenait un tel conflit et que la protection des intérêts du consommateur était égale à celle des déposants et des souscripteurs si le BSIF devait avoir un nouveau mandat.
De plus, le BSIF ne dispose pas actuellement des ressources ni des compétences nécessaires ni même de l'attitude managériale pour remplir une fonction élargie de protection des consommateurs. Il nous faudrait engager un nouveau personnel possédant l'expérience nécessaire. Brièvement, malgré notre appui aux initiatives de protection des consommateurs, nous aimerions que vous vous demandiez si le BSIF est l'organisme adéquat pour assumer un mandat de protection des consommateurs.
Je voudrais maintenant laisser de côté ces questions d'ordre général pour aborder certains des points qui touchent aux responsabilités actuelles du BSIF.
Les recommandations 29 à 41 proposent certains changements des règles de propriété des institutions financières. Ces recommandations, une fois acceptées, influeraient grandement sur les règles actuelles. Certaines banques de l'annexe 1 et les sociétés d'assurance mutuelle se transformant en sociétés par actions n'auraient plus besoin d'avoir un grand nombre d'actionnaires. Les exigences en matière de propriété seraient fondées sur la taille de l'institution. Compte tenu des recommandations 4a), 4c) et 9, qui permettraient, respectivement, la constitution d'institutions avec un capital inférieur, l'application d'exigences réglementaires distinctes en fonction de la taille et la facilitation des activités des institutions étrangères, l'augmentation du nombre d'institutions financières liées et à peu d'actionnaires est possible.
Nous croyons que des institutions financières à peu d'actionnaires augmentent l'étendue du risque et que des liens commerciaux amplifient celui-ci. L'historique des faillites institutionnelles au Canada tend à soutenir ce point de vue.
Les recommandations 25 à 28 proposent que les institutions puissent adopter des structures organisationnelles mieux adaptées à leurs activités. Elles établissent aussi des principes de réglementation des sociétés de portefeuille et recommandent de réviser les restrictions actuelles sur les placements en aval. La recommandation 26 suggère aussi d'élaborer la nouvelle Loi sur les sociétés de portefeuille financières.
Nous croyons toujours que les sociétés de portefeuille financières soulèvent certaines inquiétudes et présentent certains risques qui ne touchent pas une institution financière réglementée à grand nombre d'actionnaires. Ces sociétés compliquent et augmentent grandement les tâches de réglementation et de surveillance du BSIF. Même si les principes énoncés par le groupe de travail, relativement à la réglementation des sociétés de portefeuille, réduiraient certains de ces risques, les risques et les complications ne peuvent être éliminés en totalité.
Comme l'a fait remarquer le groupe de travail, ses recommandations à l'égard des sociétés de portefeuille sont fondées sur des suggestions du BSIF. Celles-ci ont été faites en se fondant sur les réserves que je viens d'exprimer et représentaient selon nous des normes minimales pour assurer un degré raisonnable de protection à l'intention des déposants et des souscripteurs des institutions financières réglementées dans le cadre d'un régime de sociétés de portefeuille.
De plus, notre élaboration de ces principes était fondée sur l'hypothèse que les structures de sociétés de portefeuille ne seraient permises qu'aux institutions à grand nombre d'actionnaires. Puisque le groupe de travail a recommandé d'appliquer la réglementation des sociétés de portefeuille aux institutions à peu d'actionnaires, ces principes devront être revus.
Nous appuyons la proposition sur la révision des restrictions actuelles imposées aux placements en aval, conjointement avec le régime des sociétés de portefeuille. En fait, nous sommes d'avis que cette révision devrait avoir lieu de toute façon, sans égard à la mise en place d'un régime de sociétés de portefeuille par le gouvernement.
La recommandation 113 suggère de doter le BSIF d'un conseil d'administration aux responsabilités définies. Votre comité a fait une suggestion semblable dans les recommandations 7 à 11 de votre récent rapport. En principe, nous appuyons ces recommandations. Même s'il faillait prendre en considération certains aspects techniques, nous sommes d'avis qu'un conseil pourrait superviser les activités d'administration et de gestion importantes, améliorant ainsi la responsabilisation et l'utilisation efficiente des ressources financières et autres, et partager son savoir-faire et son expérience sur les processus du BSIF.
Toutefois, en formulant les responsabilités du conseil, il faudrait faire en sorte de ne pas saper les pouvoirs du surintendant et du ministre et de ne pas modifier les responsabilités existantes du régime, soit celles du surintendant envers le ministre et celles de ce dernier envers le Parlement.
La recommandation 42 propose au BSIF de collaborer avec l'Institut canadien des comptables agréés pour éliminer les désavantages concurrentiels découlant du traitement inégal de l'écart d'acquisition, dans le cadre du recrutement d'entreprises. Nous appuyons cette recommandation et nous sommes ravis d'annoncer que des mesures ont déjà été prises à cet égard. Nous serons à même de fournir plus de détails, au besoin, pendant la période de questions qui suivra la présentation.
J'aimerais terminer par une observation d'ordre plus général. De nombreuses recommandations entraîneraient de nouveaux types d'institutions financières ou des modifications de la structure de celles-ci; toutefois, le rapport ne fournit que peu d'indications sur de nouvelles compétences de réglementation. De nouveaux pouvoirs pourraient s'avérer nécessaires, surtout si le BSIF doit continuer d'appliquer sa politique d'intervention précoce. Certaines des nouvelles institutions pourraient éprouver des difficultés ou faire faillite, et les règles régissant leur sortie du système pourraient être aussi importantes que celles encourageant leur entrée.
En résumé, nous appuyons les objectifs du groupe de travail pour stimuler la concurrence et l'innovation dans le secteur financier canadien et améliorer la protection des consommateurs. Toutefois, ce faisant, nous pensons qu'il est important de comprendre les répercussions des changements effectués pour atteindre ces objectifs à l'égard de la solidité du système et de la capacité de protéger les épargnes des déposants et des souscripteurs et pour soupeser attentivement les avantages et les coûts de chacun des changements.
En définitive, selon nous, le défi que votre comité et le gouvernement ont à relever consiste à établir un équilibre optimal entre ces avantages et ces coûts. Il ne sera pas facile d'atteindre un juste équilibre, mais il est essentiel que vous y arriviez pour le bien des Canadiens. Nous voulons vous souhaiter bonne chance dans vos travaux et sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Palmer.
Dans votre déclaration liminaire, vous soulignez l'importance et la valeur de la transparence et, par le fait même, essentiellement, l'information destinée aux marchés ou aux consommateurs. Comme vous le savez, dans un rapport rédigé par notre comité au début d'octobre, nous avons de fait laissé entendre qu'il serait souhaitable que le système canadien commence à calquer le système néo-zélandais, lequel est fondé beaucoup plus nettement sur l'ouverture et la transparence que le système canadien actuel. Votre insistance sur la transparence me donne à penser que vous êtes d'accord avec notre position quant à l'adoption du modèle néo-zélandais. Est-ce que je m'aventure trop loin?
M. Palmer: Voilà une façon intéressante d'amorcer le débat, monsieur le président. Nous pensons que l'expérience néo-zélandaise est intéressante, fascinante et qu'elle mérite qu'on s'y attache soigneusement. Selon nous, à mesure que cette expérience évoluera, on devrait être capable d'en tirer quelque leçon. Cependant, nous préconisons la prudence face à l'expérience néo-zélandaise tandis que se poursuit notre étude, et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'expérience est nouvelle. On ne sait pas comment réagirait le modèle néo-zélandais s'il advenait une dure récession. De plus, le système financier néo-zélandais est unique parce que la plupart des banques y sont de propriété étrangère. La Nouvelle-Zélande peut réellement compter sur un système à contrepoids. D'un côté, on a la nouvelle procédure de divulgation et une reddition de comptes très, très stricte de la part des administrateurs; de l'autre, on a une réglementation consolidée, exercée sur place par les superviseurs des institutions qui ont des bureaux en Nouvelle-Zélande.
Je ferai aussi un autre commentaire sur lequel nous pourrons revenir un peu plus tard. Si vous prenez un peu de recul et que vous examinez ce qui se passe dans le monde, que vous regardez le nombre de pays qui ont été aux prises avec de graves problèmes financiers, vous pouvez dégager un dénominateur commun: une très faible réglementation en ce qui concerne les banques et les institutions financières. Par conséquent, il y a dans le monde bien des pays qui devront opter pour un modèle de réglementation traditionnel et de grande qualité sur la solvabilité avant que nous pensions à assouplir la réglementation sur la solvabilité comme le proposent de fait, les Néo-zélandais.
Nous nous sommes attachés à renforcer, dans les pays en développement, le genre de modèles de solvabilité, de supervision et de réglementation sur lesquels peuvent compter les grands pays industrialisés, à les établir comme il faut, avant de faire tous ensemble un autre pas en avant. On ne peut le faire de façon morcelée. La façon dont s'exercent la supervision et la réglementation des institutions financières partout dans le monde doit être plus uniforme.
Le président: Quoi qu'il en soit, seriez-vous d'accord pour dire qu'il vaut la peine de surveiller ce qui se passe en Nouvelle-Zélande?
M. Palmer: Cela ne fait pas de doute.
Le président: J'aimerais obtenir un éclaircissement. À la page 13 de votre mémoire, vous dites que les sociétés de portefeuille réglementées vous posent des problèmes de supervision, que vous n'auriez pas autrement si vous ne traitiez qu'avec l'institution fondamentale. Je trouve cela très difficile à comprendre. Si la société de portefeuille est réglementée, ou que l'institution financière est réglementée, je ne vois pas pourquoi la structure organisationnelle interne poserait un problème de réglementation. Je comprendrais que le problème serait de taille si la société de portefeuille était déréglementée, mais ce n'est pas ce que propose MacKay; je ne comprends donc pas pourquoi la réorganisation des éléments vous causerait un problème si la réglementation continue de s'appliquer.
M. Palmer: Comme nous l'avons dit, monsieur le président, nous ne pensons pas que ce soit nécessairement un problème insoluble.
Le président: Je ne comprends même pas pourquoi il y a un problème -- hormis la réglementation de ce qui existe actuellement.
M. Palmer: Bien sûr. En fait, cela dépend en partie de ce que vous mettez dans la société de portefeuille. S'il s'agit en fait d'une société de portefeuille très simple qui n'a pas d'activités propres, si elle existe simplement pour servir de propriétaire d'une banque, d'une compagnie d'assurances ou d'une société de fonds communs de placement, alors nous ne parlons probablement pas de quelque chose de trop complexe. Toutefois, si vous ajoutez des activités à votre société de portefeuille, si vous élargissez le...
Le sénateur Angus: Par exemple?
M. Palmer: Vous pourriez avoir...
Le sénateur Oliver: Une chaîne d'épiceries?
Le président: Non. Précisons les choses: les modèles pris dans le rapport MacKay n'ont absolument aucun lien commercial; c'est donc dire qu'on n'y parle pas d'un modèle de chaîne d'épiceries.
M. Palmer: Si vous vous en tenez au modèle MacKay et que vous n'avez aucun lien commercial, aucune activité à l'intérieur du groupe qui détient la société de portefeuille, ce qui ne serait pas le cas actuellement pour un groupe bancaire canadien, alors les activités de la société de portefeuille ne seraient pas tellement plus complexes. Vous auriez simplement un organisme de plus et tenteriez d'en suivre les activités.
Par contre, s'il y a un secteur où il y a bel et bien une difficulté, c'est l'établissement des besoins en capitaux de la société de portefeuille. Si vous avez une société de portefeuille qui possède une banque et une compagnie d'assurance-vie, et une compagnie d'assurance IARD, et, admettons, une société de fonds communs de placement...
Le sénateur Angus: Et une société de crédit-bail automobile.
M. Palmer: Quelles vont être les règles pour les capitaux? Comme la plupart des organismes de réglementation, nous posons en postulat que s'il doit y avoir des sociétés de portefeuille, elles doivent pouvoir procurer une stabilité financière à chacune de leurs entités, et non pas les affaiblir. Selon nous, les capitaux de la société de portefeuille doivent être conformes aux exigences en capitaux des institutions financières réglementées. Cependant, l'élaboration de ces règles de capital pour un amalgame de sociétés comme celui que je viens de décrire sera une activité très complexe; elle ne sera pas impossible, mais elle exigera beaucoup de travail, et son administration sera plus complexe.
Le sénateur Austin: J'aimerais attirer votre attention sur une partie du mémoire qui n'a pas été lu de vive voix; c'est à la page 10, et cela concerne le pouvoir discrétionnaire du ministre et d'autres personnes. Vous dites que ce pouvoir discrétionnaire réduirait la transparence de la supervision et de la réglementation et que ce pouvoir discrétionnaire accru pourrait être justifié et, dans certains cas, être tout à fait nécessaire en raison de l'évolution du secteur financier. Vous dites ensuite que les deux approches peuvent sembler incohérentes.
Je pense que j'ai égaré une page contenant une critique du rapport MacKay -- peut-être que c'est un de mes collègues qui l'a. On y parle de pouvoirs discrétionnaires du ministre. Essentiellement, la critique portait que si les recommandations du rapport MacKay au sujet du pouvoir discrétionnaire ministériel devaient être appliquées complètement, ces pouvoirs discrétionnaires nuiraient à une prise de décisions objectives de votre part, non seulement pour ce qui concerne la solidité et la stabilité de la politique, mais aussi pour ce qui concerne sa transparence.
Auriez-vous l'obligeance de préciser devant nous votre opinion au sujet des recommandations du rapport MacKay, dans la mesure où elles touchent le pouvoir discrétionnaire ministériel?
M. Palmer: Je ne veux pas vous faire croire que nous nous sommes forgé une opinion quant à savoir si le groupe de travail est arrivé à atteindre un bon équilibre à ce sujet. Nous voulions simplement signaler un problème. Comme le fait ressortir votre rapport, c'est un problème dont vous êtes conscient. Vous avez eu un débat où vous compariez les avantages de la réglementation fondée sur les règles et ceux de la réglementation discrétionnaire.
La réglementation fondée sur des règles est souvent liée de plus près à un régime transparent, où les règles sont claires et où tous les intervenants, tant les utilisateurs des services financiers que ceux qui les leur offrent, connaissent bien les règles. Dans un régime discrétionnaire, essentiellement, vous avez un petit groupe de personnes qui peuvent prendre des décisions en fonction de certains critères objectifs ou subjectifs, y compris de critères qui peuvent ne pas être connus de tous les intervenants. Les deux formules ont leurs avantages et leurs inconvénients, comme vous le mentionnez dans votre rapport.
Un des régimes les plus discrétionnaires semble être celui du Royaume-Uni; c'est un régime qui est aussi estimé par les institutions financières, qui en aiment la souplesse et l'absence de règles. C'est donc dire que le pouvoir discrétionnaire n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Nous voulions simplement vous signaler, à vous et aux autres personnes qui travailleront avec le rapport et y formuleront des recommandations importantes à son sujet, que cette question existe et qu'il faut rechercher un équilibre.
Le sénateur Austin: Êtes-vous en train de nous dire que, pour ce qui concerne la politique publique générale, le pouvoir discrétionnaire ministériel pourrait avoir des avantages, particulièrement au regard des recommandations 4a) et 33 du rapport MacKay et, si vous me permettez cette digression, que l'évolution de l'environnement financier mondial et continental est tel qu'aucune règle ne permettrait de prévoir toutes les situations qui se font jour et que, par conséquent, les Canadiens devraient toujours pouvoir compter sur le pouvoir discrétionnaire du ministre? Est-ce que cela résume votre opinion, ou vais-je un peu trop loin?
M. Palmer: Je pense que vous allez peut-être une étape trop loin. Nous croyons que le pouvoir discrétionnaire a du mérite. Nous nous opposerions à un régime totalement fondé sur les règles, particulièrement si les règles en question reposent sur des repères financiers. De bien des façons, le groupe de travail MacKay ajoute au pouvoir discrétionnaire ministériel existant, et je pense qu'il faudrait convaincre les Canadiens que cela vise la recherche d'un juste équilibre. Nous ne prétendons pas que le bon équilibre n'est pas atteint. Mais nous croyons, comme vous, qu'un certain pouvoir discrétionnaire a sa place.
Le sénateur Austin: Permettez-moi de passer à un point que vous n'avez pas soulevé dans votre exposé. Il s'agit du chevauchement réglementaire. Des représentants de la SADC sont venus nous parler, entre autres choses, de la recommandation 114, qui mentionne de fait que le BSIF devrait être seul responsable de la promotion de normes de pratiques commerciales et financières saines et qu'il faudrait abolir le mandat que la loi confie actuellement à la SADC dans ces domaines.
Si je peux résumer comme il se doit l'exposé de la SADC, je dirais que le statu quo était, selon elle, la meilleure solution, qu'il reposait sur l'expérience et sur une compréhension nette par les deux parties du rôle que chacune devait jouer.
J'aimerais avoir vos commentaires sur cette recommandation en particulier.
M. Palmer: Sénateur, cette question ne nous préoccupe pas outre mesure. Si vous deviez concevoir le système à partir de zéro, nous préconiserions certainement que le BSIF soit responsable de l'établissement des normes. Nous croyons que c'est à lui qu'incombe cette responsabilité. Tout le monde n'est cependant pas de cet avis.
À l'heure actuelle, nous avons, pour les institutions membres de la SADC, un régime de normes qui s'assortit d'un régime de conformité connu de tous par son acronyme SARP. Il a franchi toutes les premières étapes du rodage, et fonctionne bien, et nous ne croyons pas qu'il soit particulièrement nécessaire de le changer.
Le sénateur Austin: Merci. Passons maintenant au chevauchement de la réglementation prudentielle des autorités fédérales et provinciales. Nous avons entendu un témoignage à ce sujet ce matin. Un témoin se dit préoccupé par le fait que le BSIF ne joue pas un rôle direct dans la supervision de cette partie des fonctions bancaires, le volet des services bancaires d'investissement, car il avait l'impression qu'il y avait là un risque. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
De plus, David Brown, de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, nous a dit hier qu'on s'efforçait à ce niveau d'effectuer une nouvelle division des responsabilités, où le BSIF veillerait à la réglementation prudentielle de toutes les institutions financières actuellement sous régime provincial, alors que les commissions des valeurs mobilières assumeraient en quelque sorte la responsabilité de la supervision des banques, du moins pour ce qui touche leurs activités relatives aux valeurs mobilières. Qu'en pensez-vous?
M. Palmer: Je vais diviser ma réponse en deux parties. Je vous ferai d'abord quelques commentaires d'ordre général, après quoi je demanderai à Nick Le Pan, qui est responsable de la supervision au BSIF et qui travaille directement avec les banques concernées par les valeurs mobilières, de vous faire des commentaires à ce sujet.
Si vous deviez remanier le secteur financier pour en contrôler tous les éléments, y compris le gouvernement fédéral et ceux des provinces, vous suivriez les recommandations de la commission australienne Wallace, qui a réellement créé deux organismes de réglementation, une administration de réglementation prudentielle et une administration de réglementation responsable de la protection des consommateurs, y compris la protection des investisseurs dont les commissions de valeurs mobilières sont actuellement responsables. Voilà un modèle qui me semble très logique, et si le Canada pouvait adopter cette orientation, nous pensons que le BSIF serait l'organisme canadien le plus susceptible d'évoluer tout naturellement vers le modèle australien d'administration de la réglementation prudentielle.
Mais pouvons-nous y arriver? M. Brown a certaines idées intéressantes quant à la façon dont les administrateurs de valeurs mobilières pourraient créer une commission nationale virtuelle des valeurs mobilières, même si l'entité ne pourrait avoir un fondement juridique. Nous appuyons énormément l'initiative de M. Brown. S'il est possible pour cette affiliation d'organisations d'assumer une responsabilité plus grande grâce aux fonctions relatives à la protection des consommateurs à l'extérieur du secteur des valeurs mobilières proprement dites, je pense que le système fonctionnerait beaucoup mieux.
Comme vous l'aurez remarqué, nous avions des réserves quant à l'expansion du rôle du BSIF dans le secteur de la protection des consommateurs, de sorte que cela s'inscrirait parfaitement dans ce modèle.
Je vais maintenant demander à M. Le Pan de faire un commentaire plus précis sur les défis que nous devrons relever quant aux filiales des banques que nous réglementons qui se consacrent aux valeurs mobilières, parce qu'il s'agit d'une question importante.
M. Nick Le Pan, surintendant adjoint, secteur des Opérations, Bureau du surintendant des institutions financières: Il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'un secteur problématique, qui évolue rapidement et qui est complexe.
Votre question repose sur l'hypothèse selon laquelle nous n'avons aucune participation directe, mais à vrai dire, ce n'est pas comme ça que je vois les choses. Dans le monde des affaires, la ligne qui sépare un courtier en valeurs mobilières et une banque pour une opération particulière est plutôt floue. Souvent, les deux transigent au même endroit et ont recours aux mêmes intermédiaires.
Le sénateur Austin: Le courtier peut faire la même transaction au nom de deux entités différentes.
M. Le Pan: Exactement. Dans le cas des banques, nous avons essentiellement la responsabilité de superviser l'entité globale, sans égard à ses composantes. Sur le plan pratique, cela signifie que nous examinons les aspects de l'entité globale auxquels participent le courtier en investissement, la filiale ou l'affilié, et c'est pourquoi nous voulons pouvoir superviser les sociétés de portefeuille.
Laissez-moi vous donner quelques exemples. Nous établissons des règles de capital pour l'ensemble de l'organisation. Tout récemment, des instances internationales chargées de réglementer les banques ont établi des formules de capital pour les risques du marché à l'aide de modèles plutôt perfectionnés visant à mesurer la valeur en jeu. Les modèles utilisés par les grandes banques n'établissent aucune différence entre la partie de l'opération qui concerne la banque et celle qui concerne le courtier.
Notre bureau doit, en vertu de ces accords réglementaires internationaux, valider ces modèles pour qu'ils puissent servir à la détermination du capital total de l'entreprise. Nous passons beaucoup de temps là-dessus. C'est difficile, parce que le degré de perfectionnement nécessaire est assez élevé. Nous passons notre temps à faire du rattrapage. Nous avons fait du bon travail comparativement à d'autres intervenants des pays industrialisés, et j'en suis assez heureux, mais nous n'irons jamais dire que cela se fait en un tournemain. Nous étudions toujours les systèmes de contrôle utilisés pour l'entité globale, y compris les activités du courtier.
Récemment, des annonces ont été faites au sujet d'employés qui allaient et venaient. En fait, la gestion de la richesse dans l'une de nos grandes banques incombera désormais à quelqu'un qui allait passer d'un poste dans une filiale de courtier à celui de vice-président de la banque.
En définitive, dans le cas des banques, nous ferons tout ce que nous devons faire pour résoudre la question de la solidité et de la stabilité. Nous faisons des consultations, collaborons et échangeons de l'information avec les autorités réglementaires des provinces. Nous continuons d'améliorer cette procédure. Il s'agit d'un secteur qui évolue. Il n'est pas correct de dépeindre la situation en laissant entendre que nous sommes, en quelque sorte, à l'extérieur de cela et qu'il y a un trou noir dont nous ne savons rien.
Le sénateur Austin: Monsieur Le Pan, vous est-il déjà arrivé qu'un organisme provincial de réglementation des valeurs mobilières refuse de vous donner de l'information que vous avez demandée?
M. Le Pan: Non, la collaboration avec les organismes de réglementation des valeurs mobilières prévue dans les protocoles existants est bonne. Nous commencerons par l'établissement, c'est-à-dire la direction et le conseil, les structures de contrôle, les structures de gestion des risques ainsi que les vérifications internes et externes pour l'ensemble du conglomérat. Souvent, l'information concernant le fonctionnement du groupe tout entier, y compris celui de la filiale qui s'occupe des valeurs mobilières, peut être obtenue de l'institution. Nous n'avons aucune objection à partager cette information, mais nous avons bien sûr établi des ententes de confidentialité et d'autres choses du genre.
Le sénateur Austin: Si vous demandez et recevez de l'information sur la position de la banque concernant les fonds de couverture, les devises couvertes ou un instrument dérivé, pourrez-vous, à l'aide de ces renseignements, vous faire une image claire de la condition de la banque?
M. Le Pan: Je suis persuadé que le système dont nous disposons pour échanger des informations avec les autorités réglementaires provinciales est adéquat.
Comme je l'ai dit plus tôt, quand vient le temps d'examiner les risques, nous tentons d'abord de découvrir les risques globaux d'une institution réglementée, à l'aide du bilan et sans le bilan.
Le sénateur Austin: Cette situation vous convient-elle?
M. Le Pan: Oui, nous savons que nous sommes capables d'obtenir l'information voulue.
Le sénateur Tkachuk: Je veux vous poser des questions sur les divers aspects de la concurrence. Vous avez parlé des risques plus grands qui sont associés aux services bancaires en succursale ainsi que de la mesure dans laquelle la supervision et le coût sont adéquats. Pourriez-vous préciser votre pensée? Cette préoccupation a-t-elle un lien avec les besoins en capitaux? En a-t-elle un avec les services bancaires en succursale? De façon précise, quel est le problème, et où y a-t-il une hausse des risques?
M. Palmer: Il s'agit d'une question fondamentale qui a un lien avec l'orientation du rapport du groupe de travail et l'opinion que nous en avons.
Le groupe de travail recommande un certain nombre de changements visant à faire augmenter le nombre d'entrants, le nombre d'intervenants du système financier, ainsi qu'à réduire les besoins en capitaux et à rationaliser le processus de demandes du BSIF. Cela concerne également l'adoucissement de la réglementation des petites institutions.
Le groupe a aussi suggéré un régime d'entrée encore plus souple pour les banques étrangères que celui qui a été proposé par le gouvernement il y a quelques mois.
Il recommande en outre que le système permette les banques à peu d'actionnaires, les banques qui ont des liens commerciaux et qui figurent parmi les plus petites.
Isolément, aucune de ces recommandations ne pose problème, mais lorsqu'on les considère dans leur ensemble, on constate qu'elles font augmenter la possibilité que des institutions risquées se retrouvent dans le réseau. L'histoire nous montre que les institutions à peu d'actionnaires -- c'est-à-dire qui ont un propriétaire unique ou un petit groupe de propriétaires -- sont généralement plus risquées, que leur taux de faillite est plus élevé que celles qui comptent un grand nombre d'actionnaires. Les institutions qui sont associées de près à des activités commerciales ont souvent un taux d'échec plus élevé. Celles qui sont relativement peu capitalisées auraient, selon nous, un taux de faillite plus élevé simplement parce qu'elles sont plus petites et qu'elles peuvent diversifier leurs activités.
Si nous avons un certain nombre d'institutions risquées, un certain nombre d'institutions plus enclines à la faillite dans le système, que devons-nous faire? Une de nos options est tout simplement de ne rien faire. Nous pouvons adopter la position selon laquelle notre système actuel est très solide et très stable. À vrai dire, le rapport MacKay souligne que le Canada compte sur l'un des systèmes les plus sûrs, de sorte que nous pouvons nous permettre de lésiner un peu sur la solidité et la stabilité pour obtenir les avantages dont s'assortissent une plus grande facilité d'entrée et un plus grand nombre d'intervenants. Voilà une position qu'on peut adopter en toute légitimité tant et aussi longtemps que les Canadiens comprennent que c'est là notre choix et, pour tout vous dire, tant et aussi longtemps qu'ils comprennent que le BSIF ne sera pas capable d'empêcher certains de ces nouveaux entrants, certains de ces nouveaux intervenants, de connaître un échec.
On pourrait aussi délaisser la position qui consiste à ne rien faire pour adopter celle où, du fait que nous allons permettre l'entrée d'institutions plus risquées dans le système, nous allons augmenter les pouvoirs de l'organisme de réglementation pour réduire les risques d'échec qui pourraient autrement se produire. Ces pouvoirs pourraient prendre la forme d'une mesure d'évaluation des capitaux supplémentaires. Il pourrait y avoir un certain nombre d'étapes. Ils pourraient même prendre la forme de pouvoirs d'intervention précoces qui permettraient d'expulser ces nouvelles institutions du système lorsqu'elles sont en difficulté.
Il y a un certain nombre de réactions possibles. Tout ce que nous voulons souligner, c'est que le groupe de travail MacKay fait légèrement pencher la balance entre la solidité et la stabilité, d'une part, et la compétitivité, d'autre part, pour que les Canadiens en comprennent les répercussions.
Le sénateur Tkachuk: La solidité et la stabilité ont-elles un lien avec la taille?
M. Palmer: Voilà une bonne question, et j'hésite à vous répondre rapidement par oui ou par non. Si vous aviez posé la question au BSIF en 1993 -- pour prendre une année au hasard -- la réponse de la plupart de mes collègues aurait été un «oui» retentissant. À présent, compte tenu du vaste éventail de techniques auxquelles ont accès les institutions, y compris les instruments dérivés, bizarrement, pour diversifier leurs risques, je ne pense pas que la corrélation entre la taille et le risque, ou l'absence de risque, ait une corrélation aussi grande que nous l'avons déjà cru.
Le sénateur Tkachuk: Au cours des audiences, nous avons entendu bien des exposés contradictoires. Je pense que la plupart des sénateurs aimeraient voir une concurrence plus vive, mais ils se préoccupent beaucoup de la solidité et de la stabilité. Partagez-vous leurs inquiétudes? N'êtes-vous pas, comme nous, préoccupé par ce qui pourrait se produire si les banques fusionnaient? Elles nous disent qu'elles veulent jouer un nouveau rôle sur le marché mondial, qu'elles doivent compétitionner et qu'elles doivent donc être plus grosses. Cela suscite-t-il des problèmes pour la solidité et la stabilité? Cela me préoccupe, et je suis sûr que cela vous préoccupe aussi. Qu'avez-vous à dire là-dessus?
M. Palmer: Laissez-moi d'abord vous expliquer pourquoi, lorsque nous avons répondu à votre première question, nous nous sommes attachés aux petites institutions.
De façon générale, nous pensons que le rapport du groupe de travail mentionne que nous devrions être prêts à accepter un peu plus de risques pour les institutions les plus petites. Pour les plus grosses, il recommande qu'elles soient encore à propriété multiple et qu'elles n'aient pas de liens commerciaux, ce qui, selon nous, sont d'importantes recommandations visant à atténuer les risques. Cependant, pour les institutions les plus petites, le rapport recommande que nous soyons prêts à accepter des institutions qui ont des liens commerciaux et qui sont à petit nombre d'actionnaires. Si l'on accepte plus de risques au bas de l'échelle, cela fausse la situation.
Quant à nos préoccupations concernant les grandes banques, particulièrement celles qui voudraient fusionner, je céderai la parole à M. Le Pan, qui est chargé d'examiner les propositions de fusion des banques au regard de la prudence.
M. Le Pan: Je crois qu'on nous demandait si nous étions préoccupés par les risques posés par la fusion des grandes institutions ou par leur volonté de prendre une importante expansion dans d'autres secteurs d'activité ou dans d'autres pays.
Le sénateur Tkachuk: Plus précisément, vous attacheriez-vous au fait qu'elles seraient à l'extérieur de nos frontières et utiliseraient de l'argent canadien?
M. Le Pan: Tout d'abord, je tiens à préciser que nous n'avons pas terminé l'examen de tout ce que pourrait supposer une fusion particulière. Je ne peux donc répondre à aucune question concernant les transactions particulières qui seraient envisagées.
Sur le plan général, toutefois, je pense qu'il est très difficile de savoir si le risque augmente ou s'il diminue selon la taille, l'étendue géographique ou la participation à des secteurs commerciaux particuliers. L'expérience internationale ne permet pas de tirer une conclusion dans un sens ou dans l'autre. Certains intervenants très bien administrés et très importants sur le plan international s'en sont tirés fort bien. Cependant, l'histoire nous révèle que d'autres intervenants très importants ont subi des pertes récemment, même si ces pertes ne menaçaient pas leur survie.
Je tiens à préciser que mes remarques ne s'appliquent pas à un problème systémique qui existerait dans un pays particulier. Je n'en parlerai pas, parce que cela suppose tout un ensemble de questions différentes dont je pourrais vous parler, mais je ne pense par qu'elles aient une pertinence avec votre question.
Nous savons d'expérience que les institutions canadiennes n'évoluent pas à l'intérieur des seules frontières canadiennes. À vrai dire, elles évoluent en grande partie hors des frontières canadiennes, pour ce qui touche tant les services bancaires que l'assurance. Les risques sont inhérents à certaines activités auxquelles elles participent. Et certaines de ces activités sont plus risquées que d'autres.
Nous cherchons à voir si la qualité des facteurs d'atténuation des risques, des systèmes de contrôle des risques, l'ampleur du capital et l'ampleur des fonds de réserve sont conformes aux risques inhérents aux activités, et nous équilibrons les deux, de façon que le risque net, si vous voulez, puisse être administré sans que ça se fasse au détriment de la solidité et de la stabilité de l'institution. Bien sûr, il y a de nombreux exemples où l'expansion géographique réduit le risque parce qu'elle le diversifie. Il y a d'autres exemples où l'expansion des activités peut donner naissance à des problèmes de contrôle, si l'administration n'est pas appropriée, qui peuvent finir par causer des surprises. Cela est déjà arrivé dans d'autres pays.
Je sympathise avec vous, parce qu'il est difficile d'obtenir un aperçu clair et net de la question. En définitive, c'est une affaire de jugement. J'estime qu'il est très difficile d'établir une ligne de démarcation claire, fondée sur l'analyse, qui permettrait de savoir qu'à cette étape ou que de cette façon, tout va bien, mais qu'au-delà de cela, rien ne va plus, parce que cela dépend beaucoup du genre de facteurs d'atténuation et des situations dont je viens de parler.
Le président: Il me semble que ce que vous dites tous les deux est un peu contradictoire. Le sénateur Tkachuk l'exprime très bien lorsqu'il dit qu'on souhaite accroître la concurrence. En tant que responsable de la réglementation, vous souhaitez fondamentalement éviter tout échec qui pourrait vous attirer des ennuis. Vous pencheriez inévitablement de ce côté.
Vous vous en souviendrez, lorsque la compagnie d'assurance-vie La Confédération a fait faillite, notre comité a réagi très rapidement en disant que si votre système réglementaire ne permet pas les faillites, c'est qu'il est en fait trop strict, dans la mesure où les gens n'ont pas la souplesse voulue pour évoluer.
À vrai dire, dans ce cas particulier, nous sommes dans une situation où il semble que les souscripteurs, si l'on se fonde sur les données que nous a fournies la SIAP, n'auront rien perdu et que certains des créanciers subordonnés auront perdu quelque chose, mais c'est là la nature des investissements.
Certains de mes collègues seraient peut-être portés à dire que, si nous rendons le système un peu plus risqué et que nous obtenons en retour un peu plus de concurrence, c'est là que nous en viendrions, plutôt que nous situer à l'autre extrême, où l'on insisterait trop sur la solidité et la stabilité. Pourtant, lorsque je vous écoute, je ne suis pas sûr que nos points de vue soient si éloignés. Ai-je raison de penser ainsi?
M. Palmer: Je ne pense pas que nos points de vue soient nécessairement opposés. La réaction que votre comité pourrait, selon vous, avoir, n'est pas nécessairement fausse. C'est une réaction tout à fait légitime pour notre pays de contester le rapport du groupe de travail.
Tout ce que nous disons c'est que, si les Canadiens veulent aller dans cette direction, il nous faut en comprendre les conséquences; s'il y a un taux d'échec plus élevé parmi les institutions, il faudra en tenir compte au moment d'évaluer le rendement du BSIF.
Nous nous sommes tous efforcés d'expliquer aux Canadiens que nous ne voulons pas prétendre superviser un système à l'abri des échecs, mais bien des Canadiens nous jugent durement lorsqu'une faillite se produit. Il m'arrive encore des lettres où l'on nous accuse d'avoir commis des erreurs dans le cas de La Confédération. Nous ne pensons pas en avoir commis, et nous pensons que les résultats finiront bien par prouver que le système fonctionne en majeure partie et qu'il aurait dû fonctionner dans ces circonstances. Toutefois, il y a là un problème.
Nous pensons qu'il faudra bien expliquer ce que le gouvernement va décider. S'il décide, selon la recommandation que pourrait, selon vous, faire votre comité, d'accepter un peu plus de risques dans le système pour y attirer de nouveaux entrants, plus de concurrents, alors qu'il en soit ainsi; mais il nous faut bien comprendre ce que nous faisons.
Le sénateur Kroft: Compte tenu des problèmes auxquels nous sommes exposés en raison des nouveaux genres d'institutions, de l'explosion technologique, de l'interrelation des marchés mondiaux et de la complexité des opérations commerciales et du commerce électronique, je veux vous poser une question que j'ai déjà posée à M. Mackenzie ce matin et pour laquelle il m'a répondu que je devrais la poser à quelqu'un d'autre parce qu'il avait été hors du pays trop longtemps.
Il me semble que l'explosion technologique que connaît le monde doit avoir d'énormes répercussions sur votre capacité de faire votre travail. Nous savons que le gouvernement livre une guerre constante au marché privé pour tenter de retenir ses employés talentueux. Je reconnais bien sûr que, comme tout le monde, vous avez un budget à respecter. Sur le plan de l'accès aux ressources, êtes-vous capables de faire face à l'expansion technologique mondiale?
M. Palmer: Pas autant que nous le voudrions. Nous travaillons dur pour mettre à niveau notre personnel et les spécialistes que nous avons à notre service. Nous avons récemment accompli une restructuration qui supposait la création de plusieurs postes de spécialiste dans des domaines comme la technologie des marchés financiers, pour nous aider à mieux comprendre et à mieux superviser ce que les institutions font. Nous faisons certains progrès, mais ils sont lents.
Nous avons rajusté d'importante façon les salaires de nos employés du bas de l'échelle. Cela s'est révélé très utile en ce sens que le taux de roulement élevé que nous connaissions chez nos examinateurs, particulièrement à Toronto, s'en est trouvé ralenti. Cela nous a renforcés, mais nous sommes encore incapables de rejoindre les prix du marché en ce qui concerne les salaires que nous versons aux employés de la partie supérieure de notre échelle salariale, de sorte que cela a pour effet de nous empêcher de recruter nombre des spécialistes. Nous devons faire preuve d'astuce et de créativité. Il nous faut rechercher des gens qui sont, peut-être, retraités, mais encore brillants et enthousiastes, comme nombre de retraités le sont, et nous examinons aussi la possibilité de détachements. Il nous faut rechercher des gens qui ne sont pas nécessairement intéressés par le salaire, mais qui s'intéressent à un emploi très stimulant où il est possible de beaucoup apprendre -- des jeunes, par exemple, qui aimeraient travailler dans un organisme de réglementation avant de retourner dans le secteur financier.
Nous espérons qu'avec un peu d'ingéniosité, nous pourrons recruter et maintenir à notre service certains des candidats dont nous avons besoin pour des postes de spécialistes. Ça reste à voir. Nous pourrions, au bout du compte, retourner voir le gouvernement et lui demander d'instaurer le genre de mesures qu'il a déjà prises pour la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ou celles dont a fait l'objet la FSA, au Royaume-Uni, à savoir de ramener les salaires au niveau du marché pour l'ensemble de l'échelle salariale.
Le sénateur Kroft: Qu'en est-il des organisations virtuelles? Wells Fargo est l'exemple qu'on cite le plus souvent, mais il y en a bien d'autres qui fonctionnent sans aucune présence physique au pays.
M. Le Pan: Précisons d'emblée qu'il y a plusieurs genres d'organisations virtuelles. J'en prendrai deux, compte tenu de la nature de votre question. L'une s'apparente à la Wells Fargo, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une entité qui n'a aucune présence physique ni, comme c'est le cas bien souvent, de présence juridique au Canada. L'autre serait une entité virtuelle qu'on considère comme une institution financière et qui a une présence physique, mais dont les services sont, pour la plupart, électroniques, offerts n'importe où, et que les gens désignent parfois comme organisation virtuelle.
Il y a diverses versions d'organisations du premier exemple, pour lequel les gens obtiennent des services financiers sur Internet d'un fournisseur situé ailleurs. Dans ce cas, fondamentalement, nous ne sommes pas chargés de réglementer ce genre d'entité, et nous ne cherchons pas à l'être. Le vrai problème concerne alors la divulgation appropriée du statut de l'entité aux personnes qui font affaire avec elle. À cette fin, nous avons déployé des efforts considérables sur notre site Web et dans nos documents d'information pour mieux indiquer les entités que nous réglementons.
Par conséquent, si un consommateur envisage d'acheter des services financiers d'une entité dans un paradis fiscal, il peut communiquer avec nous par Internet et déterminer si nous réglementons l'entité en question. Si celle-ci n'est pas réglementée par nous, au moins le consommateur sait à quoi s'en tenir.
Les problèmes concernant ce genre d'entité sont nettement précisés dans le rapport du groupe de travail -- par exemple, les autres genres de protection, outre la solidité et la stabilité -- en ce qui touche les mécanismes de recours des consommateurs, et ainsi de suite. Le rapport du groupe de travail s'attache à certaines de ces questions importantes et complexes. Il est difficile d'en faire un tri complet, parce que certaines entités existent, pour ainsi dire, dans des endroits où le régime réglementaire n'est pas adéquat. À ce moment-là, pour réglementer ces entités, la réaction appropriée concerne effectivement la divulgation, étant donné qu'il n'y a aucun genre d'entente internationale qui ne contient aucune échappatoire, ce qui n'est pas, selon moi, réaliste d'attendre à court terme, et ce que, d'après ce que j'en sais, le rapport du groupe de travail ne juge pas réaliste à court terme.
Pour ce qui touche le genre d'entité virtuelle que nous réglementons, et à laquelle nous accordons un permis, le problème concerne la façon dont nous devons adapter notre régime de supervision pour faire face aux divers genres de risques inhérents à cette entité par rapport à une entité plus classique, où l'on retrouve une chambre forte, de la brique et du mortier, pour vous donner un exemple simple. De plus, il nous faut faire face à des problèmes qui sont les mêmes que ceux de nombreuses institutions, qui concernent la qualité de la gestion du risque et la mesure dans laquelle nous pouvons nous fier à une supervision exercée par d'autres parties, notamment par des vérifications externes et internes. Nombre d'organismes de réglementation travaillent assidûment à la question et ont établi des conseils fort utiles pour l'industrie, qui est le point de départ de la supervision, au sujet de la façon de traiter avec les entités virtuelles. Nous devons aussi nous attacher aux ententes de sous-traitance et veiller à ce qu'elles soient de bonne qualité. Il faut ensuite exercer une supervision classique, quoique adaptée au genre de risque.
Ce genre d'entité nous apprend non seulement qu'il faut immédiatement faire un rattrapage, comme c'est le cas de bien des organisations, mais aussi qu'il nous faudra en faire un de façon continuelle. Il nous faut continuellement mettre à jour nos compétences et recourir continuellement à certains de nos réseaux internationaux. Les organismes de réglementation du monde entier partagent de plus en plus d'information sur la façon d'aborder les entités les plus innovatrices. Cela nous aide beaucoup à régler les problèmes pratiques que nous avons avec ces entités.
Le sénateur Kroft: Ce matin, M. MacKenzie a dit s'inquiéter que les banques doivent, s'il y avait fusion, régler des problèmes très complexes outre celui du bogue de l'an 2000. Je sais qu'il ne s'agit pas d'une partie fondamentale du rapport MacKay, mais cela ajoute au fardeau qui est le vôtre dans un environnement en évolution rapide.
M. Palmer: Nous dépensons beaucoup d'argent pour ce problème.
M. Le Pan: Ce problème suscite plusieurs questions. Laissez-moi vous parler de ce qui concerne le lien entre les fusions et le bogue du millénaire. D'accord?
Le sénateur Kroft: Je m'intéresse à ce que suppose le bogue du millénaire sur le plan réglementaire.
M. Le Pan: En ce qui concerne les aspects réglementaires du bogue du millénaire, il n'y a pas de doute qu'il y a là un problème. Cependant, laissez-moi m'attacher à quatre points importants. Premièrement, nous nous occupons de ce problème depuis trois ou quatre ans. À vrai dire, j'ai lu un article du Gardiner Group dans le Financial Times de Londres il y a quelques jours où l'on disait que le Canada est dans une position relativement meilleure que les autres pays.
Deuxièmement, nous ne pouvons garantir l'absence de tout problème de l'an 2000 dans une institution en particulier. En définitive, il incombe au conseil d'administration et à la direction de l'institution en cause de régler ce genre de problème. Pour ce qui concerne notre système de supervision, nous allons nommer des gens. Nous offrons une orientation sur les meilleures pratiques relatives aux diverses mesures à prendre dans ce cas. Par exemple, la détermination des systèmes critiques pour la mission et la réfection de ces systèmes devraient être terminées d'ici décembre, conformément à la directive internationale. Dans l'ensemble de notre réseau, nous évaluons où en sont les institutions par rapport à cette directive. Cela nous laissera toute l'année 1999 pour faire les essais. Nous ferons le suivi des essais effectués chez nous, déterminerons les cas particuliers et travaillerons avec eux dans le cadre de notre programme de supervision pour réduire les risques, mais nous n'exploiterons pas un système à l'épreuve des risques.
La sensibilisation au problème et les mesures qui sont prises pour le corriger sont très intenses. Les progrès des institutions de tous niveaux ont été excellents. Bien sûr, les grandes institutions connaissent le problème depuis longtemps et ont entrepris depuis un bon moment de corriger la situation.
D'autres institutions qui font affaire avec des fournisseurs externes détermineront comment elles peuvent le mieux régler le problème. Nous ne pouvons garantir qu'il n'y aura pas de problèmes, mais nous faisons preuve de proactivité dans notre rôle de superviseur pour régler le problème. Je pense que les institutions et les groupes indépendants considèrent que nous faisons un travail à tout le moins crédible.
Le sénateur Angus: Messieurs, je ne vous poserai pas de questions au sujet de l'actuaire en chef; je ne vous demanderai pas pourquoi il n'est pas ici ni ce que vous pensez des fusions des banques qui sont proposées, puisque nous ne sommes pas censés nous attacher précisément à ces questions.
Cependant, tout le monde semble vouloir discuter des fusions, et vous avez parlé beaucoup de votre mandat dans votre mémoire et dans vos commentaires. Vous êtes même allé jusqu'à citer des articles de la loi qui régissent votre mandat. Comme vous le savez, le Bureau de la concurrence, d'une part, et le BSIF, d'autre part, procèdent actuellement à un examen de la fusion des banques. Quel élément de votre mandat concerne les fusions? Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
M. Palmer: Sénateur, de façon générale, nous répondons à une demande formulée par M. Martin qui souhaite nous voir commenter les aspects des propositions de fusion qui concernent la prudence. Essentiellement, je dois me demander s'il y a une raison, dictée par la prudence, pour dire non. Nous pensons que, à titre d'entité responsable de la réglementation prudentielle, qui s'attache à la solidité et à la stabilité des institutions qu'elle réglemente et qu'elle supervise, cela s'inscrit tout à fait dans notre mandat.
Si nous devions suivre un processus officiel d'approbation pour ces fusions, nous examinerions les mêmes questions prudentielles qu'actuellement, ainsi que plusieurs questions plus détaillées, dont la conformité avec les questions législatives, qui forme aussi une partie importante de notre processus d'approbation. Il y a aussi des questions que nous aborderions dans tous les cas dans le cadre d'un processus normal d'approbation réglementaire.
Le sénateur Angus: Votre examen est-il fondé sur ce que vous savez déjà de la capitalisation des institutions en cause et sur d'autres documents et données que vous avez déjà en votre possession en tant qu'organisme de réglementation, ou votre participation suppose-t-elle une enquête visant à mettre au jour de nouvelles informations?
M. Palmer: Il y a certaines nouvelles informations. Je demanderai à M. Le Pan, qui participe à l'examen prudentiel, de vous parler des aspects précis que nous examinons.
M. Le Pan: Bien sûr, nous nous servons des informations que nous avons déjà sur les activités de l'institution. Habituellement, pour toute transaction d'importance, nous examinons les documents comme le plan d'affaires de l'entité fusionnée. Qu'est-ce qui est prévu pour les fonctions clés de contrôle des risques de l'entité? Nous tenterons de comprendre l'évolution probable de la situation financière: changerait-elle, serait-elle améliorée?
Nous sommes tous sensibilisés au fait que tout un éventail de fusions ont fonctionné alors que ça n'a pas été le cas pour plusieurs autres. Manifestement, nous avons intérêt à bien évaluer les choses, comme la sensibilisation aux facteurs de succès, et les plans visant à résoudre les problèmes qui pourraient surgir et qui auraient une influence sur le fonctionnement de la fusion. Cela améliore les chances des institutions de réaliser le genre d'objectifs qu'elles veulent réaliser et de continuer à être solides et dynamiques. À cette fin, nous allons, par exemple, tenter de comprendre les documents publiés par des universitaires, des cabinets d'experts-conseils et d'autres, où l'on décrit les principaux facteurs de réussite ou les choses à surveiller, par exemple le caractère adéquat des plans et ainsi de suite.
Nous allons adapter notre examen en fonction des informations accessibles. À l'échelle générale, notre examen aura moins d'envergure qu'un examen complet et détaillé.
J'espère que cela vous donne une idée du genre de choses que nous voudrions examiner, outre les simples résultats financiers.
Le sénateur Angus: Vous avez parlé de la recommandation du rapport MacKay qui prône une modification du mandat du BSIF pour y inclure la concurrence. L'innovation s'assortit toujours de risques de conflits et d'autres problèmes, et vous avez brandi une mise en garde. Il me semble que, pour évaluer la solidité et la stabilité d'un projet de fusion d'entreprises, il y a bien des facteurs à évaluer, par exemple la concurrence. Je ne vois pas en quoi cela s'inscrit dans votre mandat, parce que le contexte où tout cela se déroulera est tout à fait hypothétique.
M. Palmer: Ce qu'il faut retenir, c'est que ce genre de problème dépasse la portée de l'examen prudentiel que nous effectuons actuellement. Nous ne nous attachons qu'aux facteurs prudentiels, et pas à ceux qui concernent la concurrence. Ceux-là sont laissés à d'autres.
M. Le Pan: Ça comprend les facteurs prudentiels au regard du contexte législatif et réglementaire qui existe aujourd'hui.
Le sénateur Angus: Vous avez fait remarquer le problème que pourrait poser la recommandation en ce qui concerne votre mandat. Je présume, peut-être à tort, que, pour ce qui touche le mandat du BSIF, le statu quo est une possibilité. Cependant, croyez-vous que certains changements amélioreraient votre capacité d'effectuer une supervision efficace du nouvel environnement? Si c'est le cas, quelles modifications précises recommanderiez-vous?
M. Palmer: Nous commencerions par tenir pour acquis que le statu quo est une bonne option. À vrai dire, notre mandat a été établi tout récemment. Il a été intégré dans notre loi en 1996, après un débat complet. Votre comité y a joué un rôle important et a probablement donné le coup d'envoi à tout le processus avec son rapport de l'automne 1994. Par conséquent, nous pensons qu'il est très légitime de songer à nous donner l'occasion de travailler selon le mandat actuel, tout en intégrant un certain nombre de nouvelles caractéristiques importantes, par exemple, l'importance de l'intervention précoce, sans devoir pour autant modifier le mandat.
Ce n'est pas que nous nous opposons aux changements. Il s'agit réellement de décisions stratégiques. Nous disons simplement que, si vous renforcez notre responsabilité à l'égard de la concurrence, si vous nous donnez une responsabilité nettement accrue à l'égard de la protection des consommateurs -- parce qu'il faut dire que nous n'avons pas beaucoup de responsabilité à ce titre actuellement -- alors il y a un prix à payer, ce qui pourrait donner naissance à des conflits et diluer notre capacité de réglementer efficacement la solvabilité des institutions que nous supervisons. Cependant, nous n'irions pas jusqu'à dire non.
M. Le Pan: Selon moi, si vous envisagez le genre de choses qui existe pour promouvoir la concurrence, le changement de notre mandat est probablement bien moins important que la résolution d'autres questions, comme la politique de la propriété, la réduction des exigences d'entrée et les pouvoirs supplémentaires accordés aux institutions de deuxième niveau.
Le sénateur Angus: C'est de bonne guerre. Il me semble que vous avez des pouvoirs adéquats, même dans un environnement qui serait passablement modifié.
Je veux vous poser une question au sujet du changement prévu de l'environnement, qui ferait en sorte d'augmenter le nombre d'intervenants, le nombre d'institutions de dépôt, par exemple, les caisses de crédit. Nous avons entendu des témoignages au sujet de l'insuffisance, au pays, d'institutions de détail de deuxième niveau -- c'est-à-dire de petites banques et de petites institutions de dépôt et de services bancaires au détail. Il y a une façon d'améliorer la situation au Canada, d'une façon harmonisée, tant au fédéral qu'au provincial: libérer les caisses de crédit de leurs entraves et leur permettre de venir remplir ce vide. Les caisses de crédit semblent elles-mêmes penser que ce serait une bonne idée; elles semblent prêtes à embarquer. Je me demande si vous entrevoyez, compte tenu du fait que votre mandat demeurera inchangé, des préoccupations concernant la solidité et la stabilité.
M. Palmer: Faites-vous allusion, sénateur, précisément aux recommandations concernant les caisses de crédit?
Le sénateur Angus: Oui.
M. Palmer: En résumé, oui. Il y a des considérations de sécurité et de stabilité associées à toute modification du système; toute expansion d'une institution donne lieu à ce genre de considérations. Par conséquent, même si nous appuyons généralement l'orientation du rapport en ce qui touche l'expansion des débouchés pour les caisses de crédit, nous reconnaissons que tout gros changement ou toute expansion majeure s'assortirait d'un risque.
Une question nous inquiète: la notion selon laquelle les centrales des caisses de crédit pourraient fournir des services financiers et servir de bassins de liquidité pour leurs caisses membres. Selon nous, la loi actuelle établit une distinction entre leur fonction de bassins de liquidité et leur fonction d'institution prêteuse, et elle exige la création de filiales distinctes pour la fonction de prêts et celle des services financiers. Voilà un point que nous voulons surveiller de très près. Cependant, nous pensons que toutes ces questions pourraient être abordées pour l'expansion des débouchés des caisses de crédit au Canada qui leur permettra de remplir le vide auquel vous avez fait allusion.
Le sénateur Angus: Pensez-vous qu'il y a un vide? Croyez-vous qu'il faille le remplir?
M. Palmer: Y a-t-il un vide? Voilà une question complexe, qui est tout autant affaire de perception que de réalité. Sans entrer dans les détails, je vous dirai qu'il y a plus de concurrence au Canada, particulièrement au détail, que bien des gens le croient, mais il y a aussi une perception de vide. Ce problème est suffisamment grave pour exiger une solution.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: On parle beaucoup de toute opération qui nous amènerait à avoir un système plus compétitif, qui pourrait conduire à alléger la réglementation, et parmi les moyens privilégiés pour alléger la réglementation sans mettre en danger le système, il y a l'augmentation de la transparence. Il y a trois secteurs sur lesquels j'aimerais vous poser certaines questions. Si l'on dit qu'on allège la réglementation, que l'on exige des rapports plus complets sur les activités -- et je parle de tous les secteurs d'activités -- êtes-vous satisfaits du système actuel, à savoir que le consommateur, le client, les actionnaires connaissent les endroits de risque pour chaque institution financière? Je parle pour les gens de l'extérieur, et non seulement pour les inspecteurs des institutions financières: sait-on où sont les prêts à risque, dans quels pays ils se trouvent et quels sont les produits dérivés?
À votre avis, fait-on un meilleur rapport sur toutes ces activités pour permettre d'alléger la réglementation plus formelle, plus officielle?
M. Palmer: C'est difficile de répondre par oui ou un non à cette question. Nous avons un travail en cours, en effet. La transparence s'améliore maintenant grâce à nos efforts et aux efforts des commissions immobilières pour atteindre l'objectif que vous avez décrit. Il y a plus à faire pour que chaque pas sur la terre, chaque investisseur, chaque déposant puissent comprendre tous les risques importants de chaque institution, mais pour les déposants, qui sont nos clients, en effet, qu'il est le plus important pour nous d'améliorer la transparence pour mieux les avertir des risques des institutions.
Le sénateur Hervieux-Payette: Pour moi, la transparence suppose plusieurs gestes. Une deuxième possibilité serait peut-être d'augmenter le pourcentage de propriété, c'est-à-dire de 10 p. 100 à 20 p. 100, de façon à ce que l'on ait sur les conseils d'administration des banques des gens qui ne sont pas là pour servir les banques, mais plutôt les actionnaires. Selon vous, des augmentations de 10 à 20 p. 100 pourraient-elles avoir pour effet d'appuyer la transparence et, en même temps, créer plus de distance entre les administrateurs et les dirigeants des banques?
M. Palmer: À mon avis, il y a un certain danger si on augmente ce pourcentage, mais 20 p. 100, c'est quand même moins que 50 p. 100, et il est difficile pour un seul groupe de contrôler toutes les activités, avec les autres pressions, pour encourager la transparence. Je pense que nous pourrions vivre avec un niveau de 20 p. 100.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans tout ce processus d'allégement des règles, ne pourrait-on pas ajouter, par exemple, le décloisonnement de certains services tels les cartes de débit, les dépôts et retraits aux guichets automatiques? Autrement dit, pourrait-on rendre les services beaucoup plus ouverts, beaucoup plus universels, pour que les 5,000 guichets automatiques deviennent plus ou moins un service commun à tout le service financier? D'après vous, cette ouverture mettrait-elle en danger le système ou si aurait-elle pour effet d'augmenter la concurrence au niveau du vrai service, et non seulement au niveau de ceux qui ont les moyens d'investir dans ces technologies?
M. Le Pan: Tout d'abord, nous ne sommes pas des experts dans les modes des conversations. Je crois que c'est la question de la compétitivité et de l'accès au système, et l'idée de ces recommandations, c'est qu'avec un système plus participatif et avec des changements dans les règles d'éléments qui avaient été négligés dans ce système, il pourrait y avoir plus de changements au niveau compétitif et une plus grande utilisation. C'est un propos, selon moi, qui est probablement valable; on devra voir les résultats. Dans d'autres pays, il y a peut-être maintenant des différences entre les niveaux de services que l'on peut obtenir, comme le système national des banques vis-à-vis le Canada. Il y a dans quelques endroits des services, qui sont disponibles aux guichets, qui sont aussi excellents qu'ici, au Canada.
Puis-je ajouter quelque chose à votre première question? Quand nous parlons de transparence, nous ne voulons pas dire que notre attente, notre idée est que tout le monde doit avoir la possibilité de bien comprendre les risques que prennent les grandes ou les petites institutions, et c'est pour cette raison que notre système offre un système de compensation pour les détaillants des polices d'assurance, c'est pour cela que l'on offre à ces personnes un niveau de protection. Ces aspects de notre système sont très importants, de sorte que les gens n'aient pas à tout savoir exactement en détail, mais je suis d'avis qu'il faut encourager la transparence, parce qu'elle est le produit d'une évolution, d'années d'expérience et d'expertise, et surtout par respect de la protection qui doit être accordée aux personnes qui n'ont aucune idée de ces risques et détails.
[Traduction]
Le sénateur Oliver: Monsieur Palmer, le temps dont nous disposons est presque écoulé, mais je tiens à faire inscrire au dossier trois questions qui, à mon avis, sont importantes dans le cadre de notre étude. Je vous laisse le loisir de répondre à celles que vous estimez essentielles à notre étude.
Êtes-vous d'accord avec Allan Greenspan, président du conseil de la Federal Reserve, selon lequel la technologie entraînera une réduction marquée de la réglementation gouvernementale et, à l'aube du XXIe siècle, les forces réglementaires du secteur privé -- qui stabilisent les marchés -- devraient graduellement déplacer nombre de structures gouvernementales lourdes et de plus en plus inefficaces? En réalité, on parle d'une forme d'abstention.
Lorsque vous réfléchirez à votre réponse à ma prochaine question, je vous demanderais de tenir compte de ces entreprises américaines non diversifiées qui offrent des services financiers, par exemple, GE Capital et Microsoft, qui veulent devenir des banques. Ma question est la suivante: comment allez-vous procéder à un examen prudentiel des activités financières sur Internet au Canada? Comment allez-vous les réglementer?
Ma prochaine question est liée à une déclaration faite par M. Mackenzie, qui a témoigné ici ce matin, selon laquelle le groupe de travail n'a pas envisagé de processus pour la dissolution d'institutions éprouvant des difficultés financières. Autrement dit, l'ensemble du rapport du groupe de travail est-il un échec, du fait qu'il s'attache uniquement aux stratégies d'entrée -- c'est-à-dire à l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché --, sans se préoccuper des stratégies de départ, chose qui devrait vous préoccuper?
Enfin, j'aimerais entendre votre opinion quant au fonctionnement de ce nouveau système de compensation.
M. Palmer: Je m'attaquerai aux deux premières questions, et je demanderai à mon collègue de parler brièvement des recommandations relatives au système de paiements.
Tout d'abord, en ce qui a trait aux remarques de M. Greenspan, histoire de fournir une réponse courte, je dirais que je suis d'accord avec lui, mais que le nirvana qu'il décrit n'est pas pour demain.
Le sénateur Oliver: Même avec tout le pouvoir qu'offre Internet et la nouvelle technologie?
M. Palmer: Ce n'est pas pour demain. J'ai tenté de répondre à cette question en répondant à celle du président concernant le modèle néo-zélandais. Nous devons traverser deux phases. Premièrement, on doit s'adapter à la mondialisation et au nombre croissant de liens entre les institutions financières et les économies mondiales, et cela suppose un renforcement de la réglementation traditionnelle et de la supervision dans un grand nombre de pays en développement, où le cadre réglementaire est faible par rapport aux autres. Par conséquent, la première phase suppose un renforcement du type de modèle réglementaire qu'on établit au Canada et dans un certain nombre d'autres pays.
Deuxièmement, on doit recourir bien davantage aux mécanismes de discipline de marché afin de favoriser l'élimination progressive d'outils réglementaires, car les autres éléments de la discipline de marché sont développés dans nombre de ces autres économies. Il suffit de penser, par exemple, aux mécanismes suivants: de bonnes règles comptables, un corps de vérification honnête et discipliné -- chose qu'on retrouve dans moins de pays que j'aurais voulu vous le faire croire il y a quelques années --, des analystes financiers bien informés et des gouvernements honnêtes.
Un certain nombre de ces facteurs doivent être en place avant même que vous n'établissiez le type de modèle envisagé par M. Greenspan. Cependant, c'est sans conteste dans cette direction que nous allons. Je crois seulement qu'on doit traverser la première phase avant de passer à la deuxième.
Le sénateur Oliver: Microsoft, une banque?
M. Palmer: Oui, Microsoft comme banque. M. Le Pan parlait des banques virtuelles, Wells Fargo et les autres, et de comment nous faisons face à cette situation.
Nombre des étapes que nous suivons à l'heure actuelle s'appliqueraient si, par exemple, Microsoft ou une entreprise du même genre demandait de constituer une banque à charte en vertu des recommandations du groupe de travail MacKay. Même si une telle société utilisait Internet comme mécanisme de prestation de services, comme le font déjà un nombre grandissant de banques au Canada, nous devons tout de même examiner la qualité des éléments d'actif. Nous devons tout de même examiner la qualité de la gestion. Nous devons tout de même examiner les modèles qu'ils utilisent pour contrôler les risques qu'ils prennent. Nous devons tout de même comprendre les processus de gestion des risques en général. Nous devons tout de même envisager la qualité de la régie.
Nombre des étapes classiques de réglementation et de supervision continueraient donc de s'appliquer. Je crois qu'on utilise davantage le mécanisme de prestation électronique de services comme une échappatoire qu'on voudrait bien le reconnaître.
Je cède maintenant la parole à M. Le Pan, qui répondra à la question touchant le système de paiements.
M. Le Pan: Vous demandiez comment ce nouveau système de règlement fonctionnerait. Cette question mérite qu'on s'y attarde quelques instants.
Il y a déjà eu nombre d'éléments nouveaux dans le système de paiements, et les changements se poursuivent. Le système de paiements s'assortit d'un grand nombre de «pièges» et de «détails» qu'il est important de comprendre.
En termes généraux, le groupe de travail MacKay propose qu'on offre un accès plus large aux institutions convenablement réglementées, et il existe un certain débat quant aux moyens de le faire. C'est un autre exemple de mesure à laquelle nous ne nous opposons pas automatiquement: de fait, c'est plutôt le contraire.
Pour comprendre comment cela procurerait certains des avantages mentionnés dans la question précédente, il faudrait examiner les détails et déterminer s'il y a lieu d'effectuer des redressements compensateurs au chapitre de la réglementation et de la supervision.
Le sénateur Oliver: Vouliez-vous parler d'une stratégie de départ, question qui, d'après M. Mackenzie, n'a pas été abordée dans le rapport MacKay?
M. Palmer: J'ai parlé de cette question importante dans mes observations préliminaires. Ce n'est pas une question impossible à examiner: j'ai simplement signalé que le groupe de travail ne met pas l'accent sur cette question.
Si le gouvernement devait décider de suivre les recommandations du groupe de travail et encourager l'entrée sur le marché d'une diversité de nouveaux intervenants sous une diversité de conditions, il faudrait qu'on s'entende sur les façons de quitter le système. Ressembleraient-elles à celles qui existent actuellement? Encouragerait-on le BSIF à conserver son guide d'intervention en ce qui concerne ces nouvelles institutions?
S'il n'y avait pas de réponse à ces questions, on supposerait que oui, mais je crois que nous avons besoin d'orientation à cet égard. Il faudrait y réfléchir.
Le président: Mesdames et messieurs, accueillons maintenant notre prochain témoin, M. Flood, président-directeur général de la CIBC.
Bienvenue encore une fois, monsieur Flood. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous. Je remarque que vous êtes accompagné de M. Kluge.
M. A.L. Flood, président-directeur général, Banque CIBC: Monsieur le président, comme vous le savez, nous avons été invités ici aujourd'hui pour parler de notre vision pour le secteur des services financiers et pour faire part de nos réactions au rapport du groupe de travail MacKay.
La vision du rapport MacKay pour le Canada au XXIe siècle met l'accent sur la compétitivité du secteur des services financiers et sur le rôle que ce dernier peut jouer dans l'économie. À la banque CIBC, nous croyons que l'une des questions les plus importantes pour le Canada actuellement est sa compétitivité générale.
Aujourd'hui des pays du monde entier subissent un changement radical -- passant de l'âge industriel à l'âge de l'information. La révolution dans le domaine des technologies de l'information et des communications amplifie et intensifie la concurrence entre les pays aussi bien qu'entre les entreprises individuelles. Il en découle une série de défis nouveaux pour les législateurs, les organismes de réglementation et les leaders du monde des affaires à l'échelle mondiale.
Les Canadiens ont tout lieu d'être fiers d'entamer le nouveau millénaire avec une solide économie et une qualité de vie parmi les meilleures au monde. Mais nous ne pouvons pas tenir notre bien-être pour acquis. La question à laquelle doivent répondre tant les leaders canadiens que les citoyens ordinaires est la suivante: comment pouvons-nous maintenir la compétitivité qui soutient nos extraordinaires réussites économiques et notre niveau de vie élevé?
Je crois que nous devons nous concentrer sur trois forces puissantes qui vont façonner notre avenir en tant que nation.
La première est la technologie, qui est le principal moteur des économies modernes. Son influence croissante nous fait apprendre rapidement que les hypothèses et les politiques qui convenaient à l'âge industriel ne sont pas appropriées à l'âge du numérique et de l'information. Les nouvelles technologies ont rendu caducs les modèles de coûts classiques. Nous pouvons maintenant franchir beaucoup plus facilement les barrières d'entrée traditionnelles sur les marchés de la consommation et des affaires. Cela vaut tant pour les services financiers que pour toute autre entreprise.
La deuxième est le facteur humain. Les pays qui réussissent le mieux seront de plus en plus ceux qui évaluent leur richesse -- non en fonction des ressources -- mais en fonction des gens bien informés. Les nations les plus riches seront celles capables de produire, d'attirer et de retenir des gens bien formés, possédant des compétences de pointe et une grande facilité d'adaptation. Nous devons nous assurer que nos secteurs d'activité présentent de bonnes perspectives d'avenir, qu'ils sont capables d'offrir des emplois valables pour garder nos enfants au Canada. Au cours des 15 dernières années, plus de 30 000 professionnels canadiens ont quitté le Canada, attirés par des possibilités plus alléchantes à l'étranger.
La troisième est le facteur de productivité. Sur le marché mondial interrelié de notre époque, nous devons affronter la concurrence non seulement comme entreprise, mais comme pays. Les gains de productivité sont le fondement même de l'augmentation du niveau de vie. À défaut de tels gains, le pouvoir d'achat des Canadiens ne peut augmenter. Les accroissements de revenu qui ne découlent pas de l'amélioration de la productivité engendrent des hausses de prix plutôt qu'un renforcement du pouvoir d'achat.
Le Canada est l'une des nations qui dépendent le plus du commerce dans le monde. Plus de 40 p. 100 de notre PIB est relié au commerce, et nous devons veiller à ce que la croissance de notre productivité nous permette de maintenir notre compétitivité. Pendant plus de deux décennies, nous n'avons pas réussi à relever ce défi. Il y a trente ans, la production manufacturière du Canada était bien supérieure aux niveaux américains. Aujourd'hui, elle leur est inférieure de plus de 20 p. 100. Un des résultats est une réduction du niveau de vie au Canada. Le revenu réel par personne a baissé de presque 5 p. 100 jusqu'ici au cours des années 90 -- il s'agit là de la chute la plus marquée de l'après-guerre. La baisse de notre devise résulte aussi de cette tendance.
De nombreux facteurs expliquent la baisse de notre productivité, notamment les politiques fiscales, les structures réglementaires, des investissements moins élevés dans la R-D et une conception dépassée du modèle «à succursales» qui nous destine à être une économie de deuxième niveau avec des entreprises concurrentielles de deuxième niveau.
Il n'est pas nécessaire que ce soit là notre destin. Le Canada peut et doit continuer de mener en matière de développement et d'applications technologiques. Il doit s'assurer que les secteurs qui soutiennent la croissance technologique demeurent concurrentiels. Le Canada peut et doit s'assurer que la prochaine génération de travailleurs du savoir ont des emplois gratifiants et qu'il y a des secteurs de valeur pour les embaucher. Et le Canada peut et doit tirer parti des avantages technologiques et de la force de ses travailleurs du savoir pour arriver à un niveau plus élevé de productivité que nos concurrents.
L'un des aspects essentiels de notre réponse à ces problèmes nationaux est le maintien d'un secteur des services financiers à propriété canadienne solide, innovateur et concurrentiel en mesure de satisfaire aux besoins des consommateurs du marché intérieur et de croître à l'étranger. En ce sens, la contribution du rapport MacKay, qui propose un cadre de travail, est importante.
Les banques ont un rôle fondamental à jouer, à double titre, en appuyant la transition de notre pays vers l'économie informationnelle. D'abord, en s'acquittant de leur rôle traditionnel de prêteurs, de conseillers et d'investisseurs auprès des entreprises de haute technologie au pays et à l'étranger. Ensuite, en construisant et en investissant pour elles-mêmes dans la technologie.
Le secteur des services financiers est peut-être le plus important utilisateur d'ordinateurs et de produits et services de télécommunication du secteur privé au pays. Par exemple, la CIBC consacre environ 1,2 milliard de dollars par année à la technologie. Une partie de cette somme sert à la construction et au maintien des systèmes informatiques à volume élevé que nous utilisons pour nos opérations nationales dans les centres bancaires de même que par carte de crédit, Interac, services bancaires téléphoniques et guichets automatiques bancaires. Nous avons constitué dernièrement une coentreprise avec Hewlett-Packard pour étendre cette capacité aux applications du commerce électronique. Nous envisageons d'offrir ces applications partout en Amérique du Nord et dans le monde. Ainsi avons-nous créé au Canada un centre mondial de l'excellence pour de nouvelles possibilités d'emploi dans l'un des secteurs de la nouvelle économie croissant le plus rapidement.
Des banques solides créent de bons emplois, des emplois à forte utilisation de connaissances, non seulement dans le secteur bancaire, mais aussi en périphérie dans de nombreux champs d'activité tels que le marketing, le droit, la comptabilité et la technologie. Le salaire moyen dans le secteur bancaire était l'année dernière supérieur d'un tiers au salaire industriel moyen au Canada. Pour la seule CIBC, le nombre de travailleurs du savoir a augmenté de plus de 25 p. 100 au cours des trois dernières années.
De plus, des banques solides contribuent sensiblement à l'amélioration de la productivité dans l'économie en général. Les pays dont le secteur des services financiers est efficace et bien réglementé enregistrent les taux de croissance les plus élevés. Les organismes de réglementation aux États-Unis reconnaissent que la consolidation du secteur bancaire est nécessaire pour appuyer une amélioration continue de la productivité. Ils ont, par conséquent, approuvé rapidement des douzaines de fusions importantes.
En Europe, les gouvernements de petits pays, comme les Pays-Bas et la Belgique, ont encouragé leurs banques à fusionner pour améliorer leur efficacité. Ainsi assurent-ils le maintien d'un secteur bancaire vigoureux en mesure de soutenir la concurrence accrue d'institutions financières de bien plus grande envergure dans les pays voisins.
Les consommateurs et les entreprises de ces pays pourront choisir de faire leurs opérations bancaires dans une banque de propriété nationale qui est un concurrent de premier niveau. Les secteurs financiers belge et hollandais qui exercent leur concurrence sur les marchés mondiaux, pourront s'appuyer sur des alliés nationaux. Et ces fusions leur assureront aussi, comme concurrents mondiaux de premier niveau, une augmentation des emplois basés sur les connaissances de même que des emplois au siège social, une assiette fiscale intérieure accrue, une meilleure maîtrise de la sécurité de leur infrastructure financière interne et d'autres avantages liés à la propriété nationale. Le Canada est aussi une petite puissance financière, et c'est pourquoi il doit envisager de faire comme ces pays.
La technologie, la main-d'oeuvre bien informée et la productivité seront les fondements d'une économie prospère au XXIe siècle. Une des tâches importantes qui nous attend consistera à nous assurer que notre secteur de services financiers peut faire une contribution maximale pour consolider ces trois fondements.
Monsieur le président, le groupe de travail MacKay a décrit avec éloquence et de façon très détaillée le genre de changements que subira notre secteur et les défis qu'il devra relever. Il a déclaré avec beaucoup de justesse que le statu quo ne pouvait être maintenu. Ce groupe décrit les puissants concurrents internationaux, bancaires et non bancaires, qui naissent de la consolidation et de la déréglementation à l'échelle mondiale. L'émergence de concurrents puissants ayant des ressources considérables à investir dans la technologie, la main-d'oeuvre, la mise au point de produits et le marketing élimine rapidement les barrières géographiques permettant ainsi aux marchés de se mondialiser. Cette nouvelle concurrence est bonne pour les consommateurs et elle le sera pour notre économie, car elle engendrera une amélioration de la productivité.
Offrir le maximum de choix aux consommateurs par l'intermédiaire du plus grand nombre possible de concurrents, telle est la vision que nous avons définie dans notre mémoire au groupe de travail MacKay il y a un an. Vous trouverez dans les trousses que nous avons distribuées une description détaillée de notre vision. L'énoncé de cette vision souligne l'importance du maintien de solides institutions de services financiers à propriété canadienne.
Compte tenu de nouvelles forces concurrentielles qui façonnent notre secteur, nous nous trouvons devant un choix: fusionner avec un concurrent, afin de nous assurer l'ampleur et l'efficacité nécessaires pour continuer d'offrir aux consommateurs et aux entreprises la même gamme de services bancaires offerts aujourd'hui, ou réduire ou éliminer nos activités dans certains secteurs et sur certains marchés pour survivre en tant qu'intervenant limité à certains créneaux.
Comme l'a mentionné le groupe de travail MacKay, les fusions sont une option stratégique légitime. Nous proposons une fusion avec la Banque TD parce que nous croyons que nos deux établissements s'intégreront parfaitement. Nous pourrons ainsi offrir de nouveaux produits et services aux Canadiens, leur donner davantage de choix, mais aussi assurer l'expansion de nos affaires en Amérique du Nord et à l'étranger grâce à des acquisitions et à la croissance interne, avec un potentiel énorme de rapatriement des profits au Canada.
Mais pour faire cela, nous devons être autorisés à croître. Nous voulons devenir un intervenant de premier niveau. Le secteur des services financiers au Canada est le genre de secteur de haute technologie où nous pouvons devenir des concurrents de classe mondiale -- et générer des avantages de classe mondiale pour le Canada et les Canadiens.
Pour être réellement concurrentiel au XXIe siècle, le Canada doit avoir plus d'entreprises de premier niveau concurrentielles sur le plan international, particulièrement dans les entreprises de haute technologie, où l'augmentation des emplois devrait être la plus importante. Les services financiers sont un choix logique.
Si le Canada ne produit pas au moins quelques intervenants de premier niveau dans ce secteur basé sur les connaissances, alors je me demande d'où ils viendront. Je ne pense pas que ce serait une bonne politique de mettre tous nos espoirs au sujet de l'avenir de notre croissance dans les seuls secteurs des ressources naturelles et de la fabrication. Je ne pense pas que ce serait une bonne politique de mettre tous nos espoirs au sujet de l'avenir de notre croissance dans les seuls secteurs des ressources naturelles et de la fabrication. Dire que nous ne pouvons pas fusionner équivaut à dire qu'un secteur possédant les meilleures chances de réussite à l'échelle mondiale n'a pas droit à l'expansion.
Nous reconnaissons que la taille relative des banques canadiennes soulève des questions au sujet de la concurrence. Voilà pourquoi nous appuyons la proposition du groupe de travail de permettre une plus grande concurrence sur les marchés canadiens. Et c'est aussi pourquoi nous collaborons étroitement avec le Bureau de la concurrence pour étudier les répercussions de notre fusion proposée sur les marchés.
Nous ne croyons pas que la création d'institutions financières à propriété canadienne de premier niveau serait incompatible avec un marché national concurrentiel. Il y a près de trois mille concurrents du secteur des services financiers qui exercent leur activité au Canada aujourd'hui, y compris plusieurs institutions financières de premier niveau autres que canadiennes.
Une concurrence accrue sur les marchés canadiens génère déjà une augmentation du nombre d'intervenants à propriété canadienne de deuxième niveau. La «Banque communautaire canadienne» proposée -- un consortium national des coopératives de crédit canadiennes -- est un bon exemple. Ce nouvel intervenant national est en mesure de se développer en partie parce qu'il sera en mesure de tirer parti du système de paiements canadiens, l'infrastructure mise sur pied par les banques canadiennes. Nous accueillons favorablement cette nouvelle coentreprise.
Nous comprenons les préoccupations des Canadiens au sujet des répercussions des fusions sur de nombreuses questions autres que la compétitivité, par exemple les communautés. Nous appuyons la proposition du rapport MacKay d'effectuer une étude des répercussions sur les communautés.
L'engagement que la CIBC a pris à l'égard des communautés et la participation de ses employés sont reconnus. L'année dernière, notre banque a été l'entreprise ayant effectué le plus de dons au Canada, et nous sommes un chef de file pour la participation à des activités communautaires et l'engagement envers les communautés.
Ces questions et d'autres encore doivent être traitées et résolues afin que le public comprenne la nécessité de changer et, en fin de compte, appuie un Canada qui a une occasion unique de réussir. Nous devons comprendre parfaitement les vastes choix qui s'offrent à nous. En tant que nation, nous devons reconnaître que nous avons la capacité d'affronter la concurrence des meilleurs du monde. Nos réglementations et nos lois doivent encourager et soutenir cette vision.
Nous demandons au comité de considérer la contribution que notre secteur peut apporter à la capacité concurrentielle et à la croissance future de notre pays en nous aidant à nous maintenir aux premières places à l'âge de l'information et à offrir de nouvelles possibilités à nos enfants.
Un secteur des services financiers à propriété canadienne vigoureux offrant des choix abondants et ouvert à tous les concurrents devrait être la pierre angulaire de notre économie au cours du prochain siècle. À la CIBC, nous pensons faire partie de cet avenir. Mais pour être une institution concurrentielle, nous avons besoin du cadre juridique et réglementaire d'une nation concurrentielle. Cela signifie que les politiques doivent être souples et capables de s'adapter rapidement aux changements qui transforment le monde.
Nous considérons que le groupe de travail MacKay a préparé la voie en nous demandant à tous -- comme représentants de différents secteurs, comme responsables de la réglementation ou comme porte-parole de groupes de représentation -- de mettre de côté nos propres intérêts pour aider à mettre en place un système qui réponde aux besoins des consommateurs et du Canada.
Le sénateur Oliver: Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu des représentants de certaines des banques étrangères de second niveau. Ils nous ont dit qu'ils éprouvaient de la difficulté à vraiment faire concurrence à votre banque et aux autres grandes banques. Cela s'explique par certains problèmes réglementaires et par l'imposition de certains impôts.
Le Forum économique mondial classe le Canada parmi les 53 premiers pays au chapitre de la sécurité bancaire, mais ne lui accorde que la 41e place en ce qui concerne la présence de concurrents étrangers. Pourquoi, à votre avis, pensez-vous que nous n'ayons pas encore réussi à établir un second niveau pouvant vraiment vous faire concurrence?
M. Flood: Il y a deux considérations ici: la concurrence étrangère et la concurrence nationale.
Le sénateur Oliver: Avons-nous un de ces deux éléments aujourd'hui?
M. Flood: Les banques étrangères peuvent -- avec raison -- se plaindre des restrictions qu'on leur impose. Les banques étrangères de second niveau ont dû créer des filiales, ce qui est une contrainte par rapport à la quantité de transactions importantes qu'elles pouvaient effectuer, en particulier auprès des grandes sociétés et des gouvernements. Nous appuyons les propositions du rapport MacKay qui ouvriraient nos marchés et permettraient aux banques étrangères d'établir des succursales en vue d'offrir des services de gros. Nous croyons que cela ouvrirait le système.
Il y a aussi l'exonération de retenues fiscales. À l'heure actuelle, l'exonération de retenues fiscales ne s'applique pas aux transactions dont le terme est de cinq ans ou plus. Je crois que le rapport MacKay recommande aussi qu'on étende cette exonération à toutes les transactions.
Ce sont les deux principaux obstacles à la venue de banques étrangères. L'élimination de ces obstacles favorisera la concurrence.
M. Holger Kluge, président de la Banque pour les particuliers et les entreprises, Banque CIBC: Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais ajouter un autre point. Dans le passé, ce sont les structures physiques qui ont empêché les concurrents étrangers de faire une incursion sur notre marché. Les banques canadiennes -- comme la Banque CIBC, qui compte 1 400 succursales -- se sont bâti des réseaux. Il était trop coûteux pour Citibank ou pour toute autre banque étrangère de faire cela.
Grâce à la technologie, il n'y a plus lieu de faire de tels investissements. Les nouvelles banques virtuelles, comme ING, n'auront pas à faire le genre d'investissements que nous avons faits dans le passé. Grâce à un raffinement supplémentaire de la réglementation, j'estime qu'elles sont en mesure de faire pleinement concurrence aux banques canadiennes.
Le sénateur Oliver: Ma deuxième question s'inspire de quelques commentaires que nous a présentés le président de la Banque de Honkong quand il s'est adressé à notre comité à Vancouver. Il s'est dit tout à fait convaincu du fait que l'un des obstacles à la concurrence de second niveau tient au fait que nos réseaux de guichets automatiques ne permettent pas d'accéder aux banques étrangères. C'est avec beaucoup de vigueur qu'il nous a signalé ce point.
Seriez-vous disposé, aujourd'hui, à ouvrir vos réseaux à toutes les banques? Les banques étrangères jouiraient immédiatement d'un accès à 19 000 nouvelles façons de servir leurs clients.
M. Kluge: Elles y ont accès pour le paiement de factures et les retraits. Parlez-vous précisément de permettre aux banques étrangères d'effectuer des dépôts dans notre système?
Le sénateur Oliver: Exactement.
M. Kluge: Les Canadiens aiment le fait qu'ils jouissent d'un accès immédiat à leur argent.
Si un client de la Banque de Hongkong dépose une enveloppe vide dans un guichet automatique de la Banque CIBC, qui sera tenu responsable? C'est une question importante qui doit être résolue, tout comme les chèques sans provisions. Ce sont là des considérations techniques, mais ce sont aussi les principales considérations en ce qui concerne le système de paiements.
Le président: Monsieur Kluge, quand vous vous êtes lancé dans cette voie, ça m'a fait penser à Yogi Berra, qui disait «C'est du déjà vu réchauffé».
Il y a trois ou quatre ans que le Bureau de la concurrence se bat pour l'ouverture du réseau Interac, et je me souviens de tous les arguments soulevés par les banques pour la contester. Ces arguments étaient toujours liés à la stabilité et à la solidité. Cependant, j'estime -- et, au bout du compte, le Bureau de la concurrence estimait -- que l'enjeu réel était de bloquer la concurrence.
Je ne conteste pas du tout le fait qu'il y a un problème. Cependant, quand j'entends les banques parler de la question de la fonctionnalité accrue, c'est la levée de boucliers. Je m'inquiète que l'on tente à nouveau de faire valoir l'argument de la stabilité et de la solidité alors que, de fait, on cherche réellement à faire obstacle à la concurrence.
Je ne vous demande pas nécessairement de formuler un commentaire, je tenais seulement à vous faire part de mon point de vue et de ma réaction.
M. Kluge: Le sénateur Oliver veut que les banques jouissent d'un accès sans restriction aux réseaux de guichets automatiques. J'ai seulement voulu signaler que certaines questions doivent être résolues. À titre de banque, nous sommes pour l'ouverture du système de paiements.
Le sénateur Oliver: Je ne parle pas du système de paiements pour l'instant. Êtes-vous en faveur de l'ouverture de vos réseaux de guichets automatiques, ou non?
M. Kluge: Pour les dépôts? Si une banque étrangère me garantissait qu'elle assurerait la responsabilité à l'égard des problèmes liés aux dépôts, il est certain que j'envisagerais cette option.
Le sénateur Oliver: Monsieur Flood, vous avez déjà déclaré publiquement que vous étiez préoccupé par le fait que la mise en oeuvre de toutes les recommandations du groupe de travail MacKay créerait un accroissement du fardeau réglementaire. À l'époque, vous disiez craindre certains de ces règlements. Vous parliez d'une nouvelle réglementation lourde touchant la vente liée coercitive, la protection des renseignements personnels et les rapports sur les responsabilités. Aujourd'hui, vous avez beaucoup atténué vos critiques.
Quelle est votre position à l'égard des règles proposées dans le rapport MacKay?
M. Flood: J'ai déjà dit que j'appuie la réglementation proposée. Ma préoccupation est liée à la possibilité que ce processus ne nous impose à tous un lourd fardeau. Nous devons trouver des moyens de simplifier ces règles et de les rendre efficientes, sans que cela n'occasionne de coût exagéré. C'est la seule chose qui me préoccupe.
Les aspects purement réglementaires du rapport MacKay ne me dérangent pas. Cependant, je suis préoccupé par l'efficience, car lorsqu'on examine la productivité, on constate qu'une réglementation lourde s'assortit d'une imposition fiscale et d'un endettement élevés. Aujourd'hui, nous avons déjà affaire à 85 organismes de réglementation différents, et je crois que notre pays doit chercher à uniformiser sa réglementation. Elles n'ont pas, cependant, besoin d'être entièrement «pancanadiennes».
Quand nous nous sommes adressés au groupe de travail MacKay, nous avons recommandé qu'on s'entende sur les mêmes règles et qu'on tente d'amener les provinces et le gouvernement fédéral à les accepter. Nous aimerions simplifier la réglementation et la systématiser, et je suis certain qu'il existe des moyens d'y parvenir.
Le sénateur Oliver: Vous avez laissé entendre, dans votre exposé, que si vous ne fusionnez pas, vous n'aurez d'autre choix que de vous consacrer à un créneau particulier.
Mais, si vous fusionnez, ne chercherez-vous tout de même pas à exploiter un certain créneau? C'est la tendance chez la plupart des autres grandes banques du monde, qui ne cherchent pas à devenir des banques universelles.
M. Flood: Je ne crois pas que nous pourrions aspirer à devenir une banque mondiale, mais nous pourrions certainement être une banque nord-américaine beaucoup plus grosse.
Le sénateur Oliver: Qui exploite un créneau particulier?
M. Flood: Lorsque vous exercez des activités à l'extérieur de votre marché national, vous avez la possibilité d'être une banque universelle sur votre marché national. Rien ne justifierait que la nouvelle Banque CIBC ne soit pas une banque universelle, offrant une gamme complète de solutions, sur tous les marchés canadiens. Je crois que c'est notre vision.
Quand nous allons aux États-Unis, nous avons accès à un marché plus large. Si vous examinez les activités de la Banque TD et les nôtres aux États-Unis, vous constaterez que notre potentiel d'expansion est très large. Nous pourrions continuer d'exploiter certains créneaux aux États-Unis, et nous pourrions le faire, dans une moindre mesure, en Europe, en Asie et sur les autres continents. Nous n'aurions pas la prétention d'être une banque mondiale.
Par contre, si nous ne fusionnons pas, il n'y a aucun doute quant au fait que nous serons affaiblis. La concurrence étrangère sera plus forte -- que ce soit grâce à la technologie ou à la mondialisation --, et nous devrons faire face à une concurrence nationale accrue. Il y aura moins de revenus pour la CIBC, et nous devrons repenser notre structure.
Le sénateur Tkachuk: J'ai un certain nombre de questions à poser. Vous avez parlé des fusions dans le dernier volet de votre exposé. Dans votre dépliant qui présente les faits concernant la fusion proposée, on trouve une liste et un graphique circulaire indiquant votre part en pourcentage des actifs nationaux totaux dans le secteur canadien des services financiers. Certains se sont dits préoccupés du fait, comme vous dites, que les fusions placeront 70 p. 100 des actifs bancaires du Canada dans les mains de seulement deux banques.
Ce qui nous préoccupe, ce sont les activités bancaires proprement dites. Prenons, par exemple, la concurrence dans le domaine des fonds communs de placement. Il y a beaucoup de courtiers en valeurs mobilières. Il y a beaucoup de compagnies d'assurances. J'aimerais qu'il existe davantage de sociétés de fiducie et de sociétés de prêt hypothécaire, mais il y en a déjà un bon nombre, dont un petit nombre de concurrents étrangers. Je crois que nous nous préoccupons davantage des services bancaires de base, de la capacité des citoyens de faire les transactions bancaires habituelles, comme déposer leur argent, payer les comptes, prendre des hypothèques, obtenir des prêts pour lancer des entreprises et obtenir de l'argent pour moderniser leur ferme. Ne diriez-vous pas que 70 p. 100 de ce marché sera fermé si les banques fusionnent?
M. Flood: Tentons de déterminer quelle serait la situation dans cinq ans, si les recommandations du rapport MacKay devaient toutes être mises en oeuvre. Envisageons l'avenir, et redéfinissons l'activité bancaire.
Tout d'abord, pensons à la compagnie d'assurances. À l'heure actuelle, une compagnie d'assurances oeuvre dans le domaine de l'assurance-vie, mais le gros de sa croissance est lié à la gestion de la richesse et aux fonds communs de placement.
Envisageons ensuite l'activité bancaire. Autrefois, nous prenions des dépôts; aujourd'hui, il y a de la croissance dans les domaines des fonds communs de placement et de la gestion de la richesse. La même chose s'applique aux organismes de placement collectif et à d'autres intervenants sur les marchés financiers. Si toutes ces sociétés ont accès au système de paiements, elles se lanceront dans le domaine des transactions bancaires. Elles peuvent le faire dans toutes les collectivités, si elles le veulent.
Nous devons revoir notre façon de penser. Nous devons aller au-delà du fait qu'il s'agit de services financiers -- ce n'est plus une question de banques, de compagnies d'assurances, de sociétés de fiducie, de coopératives de crédit, d'organismes de placement collectif, de planificateurs financiers ou de courtiers. Il faut envisager tout cela d'un point de vue global -- l'industrie des services financiers --, car toutes ces institutions auront accès au système de paiements. Elles offriront directement des services bancaires. Elles offriront aux consommateurs, aux entreprises et aux grandes sociétés ce qu'ils veulent.
Elles y parviendront en effectuant divers choix, en offrant divers produits et en adoptant divers systèmes de prestation de service, qu'on se fonde sur les bâtiments, les gens ou l'électronique. Toutes ces options s'offrent à vous. Les sites Web sont aussi un facteur à envisager, tout comme l'ouverture des marchés à la concurrence étrangère. Le paysage financier sera bien différent de ce qu'il est à l'heure actuelle. Je crois qu'on doit envisager l'industrie des services financiers dans son ensemble.
Notre défi, même après une fusion, consiste à tenir le coup face à toute cette concurrence. Le fait d'unir deux sociétés est déjà un défi en soi. Pour réussir, nous devrons conserver nos parts de 14 p. 100 et de 7 p. 100. Ça, c'est l'avantage -- du moins, pour moi. Nous pourrions facilement échouer. Nous devons cesser de penser au paysage financier mondial dans cinq ans. Ce sont des préoccupations intemporelles.
Le sénateur Tkachuk: Je suis au courant de ce que vous dites, et nous continuons d'en entendre parler. Par contre, si vous êtes un modeste entrepreneur à Melfort, en Saskatchewan, ou à Prince Albert, et que vous cherchez à obtenir un prêt, y a-t-il quelqu'un sur ce tableau des prêteurs qui ne consentait pas de prêt il y a dix ans? Est-ce que les compagnies d'assurances consentiraient des prêts?
M. Flood: Dans cinq ans, c'est peut-être auprès de la Manuvie ou de la Sun Life, de Wells Fargo, d'ING ou d'une coopérative de crédit, que vous présenterez une demande d'emprunt. Si vous ouvrez la voie à la concurrence, et qu'il y a de l'argent à faire sur ces marchés, les sociétés tenteront de les pénétrer. C'est ce qu'on doit examiner.
M. Kluge: À Red Deer, en Alberta, il y a une société qui s'appelle Trimerica Financial Corporation. Cette société est maintenant une filiale à 100 p. 100 de Citicorp, et elle est dotée de quatre bureaux à Red Deer qui offrent du financement et acceptent les dépôts de petites et moyennes entreprises.
Il est possible pour des entreprises plus modestes d'y aller, si elles font un petit effort.
Le sénateur Tkachuk: Parlons un peu de cette question. L'une des recommandations du groupe de travail consiste à permettre aux banques de vendre de l'assurance dans leurs succursales. Nous avons entendu de nombreux exposés de représentants du domaine de l'assurance IARD, et ils disent que ce serait de la concurrence déloyale. Je remarque que votre mémoire n'en fait pas mention, ou peut-être ne l'ai-je pas vu.
Vous pourriez peut-être m'expliquer comment cela fonctionne. Ils disent que les banques, du fait qu'elles possèdent une foule de renseignements personnels touchant leurs clients, se retrouveront en conflit d'intérêts et jouiront d'un avantage concurrentiel.
M. Kluge: Nous vendons de l'assurance depuis environ 25 ans. Nous comptons 2,2 millions de clients dans le domaine de l'assurance. Nous évoluons principalement dans le domaine de l'assurance-vie des créanciers, quoique, depuis quatre ans, la Banque CIBC offre aussi de l'assurance IARD. Il existe des restrictions serrées en ce qui concerne la protection des renseignements personnels et la vente liée. Il ne peut n'y avoir aucun échange de renseignements entre la Banque CIBC et sa filiale d'assurance. Cela ne peut se produire.
Pour ce qui est de la vente liée, j'ai examiné nos statistiques pour l'exercice 1998, et j'ai constaté que nous avons reçu 12 plaintes concernant la vente liée. Elles ont été déposées dans les succursales, et seulement trois d'entre elles se sont rendues jusqu'au directeur des ventes. Je ne crois pas que ce soit un gros problème.
Est-ce que vous me demandez pourquoi les banques veulent vendre de l'assurance?
Le sénateur Tkachuk: Je ne crois pas qu'ils se soucient de qui est propriétaire de la compagnie d'assurances. Nous voulons tous qu'il y ait plus de concurrence dans le domaine de l'assurance, surtout en ce qui concerne l'assurance IARD.
Les préoccupations sont liées à la vente d'assurance dans les succursales bancaires. Personne ne se soucie du fait que la banque est propriétaire d'une compagnie d'assurances. Ce qui inquiète les personnes qui évoluent dans le domaine de l'assurance IARD, c'est que, si les recommandations du rapport sont adoptées, les banques vendront de l'assurance dans leurs succursales.
M. Kluge: Cela se produit déjà au Québec et dans la plupart des pays occidentaux. Le Canada est l'un des seuls pays de l'Occident où cela ne se produit pas.
Le Québec est un bon exemple. La question ne suscite aucune controverse dans cette province, et les caisses populaires Desjardins peuvent offrir de l'assurance. Incidemment, je tiens à signaler que l'industrie a connu une croissance là-bas. Nous n'avons pas assisté à un rétrécissement du marché.
Le sénateur Tkachuk: Ce qui les préoccupe, c'est le volume d'informations auquel les banques ont déjà accès. Comment peut-on empêcher la vente liée? Le Parlement tente d'élaborer des lois visant à contrer la vente liée. Nous prenons des mesures afin de vous aider à prévenir la vente liée, et vous voulez tout de même vendre de l'assurance dans les succursales. Pourquoi voulez-vous faire cela? Je ne comprends pas. Vous offrez déjà de l'assurance sur le marché.
M. Kluge: Nous voulons le faire parce que c'est plus commode pour le client, et parce que cela correspond à ce que le client nous demande. Nos recherches le prouvent: si on leur donne le choix, 67 p. 100 des Canadiens préfèrent avoir la possibilité d'acheter de l'assurance auprès de leurs succursales bancaires. C'est commode.
Les personnes qui vendent de l'assurance doivent être des professionnels accrédités. S'ils n'agissent pas de manière professionnelle, ils courent le risque de perdre leur permis. C'est la même chose pour les planificateurs financiers. Il n'y a aucune différence à cet égard.
Le sénateur Tkachuk: Si vous offrez de l'assurance dans vos succursales, qui sera affecté à la vente? Vos vendeurs actuels? Votre directeur des prêts ou votre directeur?
Prenons, par exemple, Melfort, en Saskatchewan. On a un directeur des prêts et un directeur de succursale. Qui se chargera de vendre l'assurance?
M. Kluge: Aucune de ces personnes n'est accréditée. Il faut être titulaire d'un permis pour vendre de l'assurance. La Banque CIBC compte environ 1 000 employés oeuvrant dans le domaine de l'assurance. Plus de 250 d'entre eux sont autorisés à vendre des produits d'assurance.
Le sénateur Tkachuk: Il y a déjà un courtier à Melfort, et ce courtier a probablement un compte auprès de cette banque. Qu'arrive-t-il lorsque le président d'une maison de courtage se présente à la banque pour rencontrer la personne qui est maintenant, de fait, en concurrence directe avec lui?
M. Kluge: C'est la vie, et c'est le propre de la concurrence. Affirmez-vous qu'une compagnie d'assurances ne devrait pas avoir de concurrents?
Le sénateur Tkachuk: Non, pas du tout.
M. Kluge: Comme je l'ai dit, on doit détenir un permis. Peut-être que cet agent d'assurance adorerait travailler pour la banque. À titre d'agent accrédité, il pourrait vendre de l'assurance par l'entremise de la banque, et, grâce à notre image de marque, il jouirait d'un accès accru au public.
C'est la même chose que si on a deux concessionnaires d'automobiles dans la même ville. Dans le cas qui nous occupe, nous avons deux personnes qui offrent de l'assurance.
Le sénateur Tkachuk: À Melfort, le courtier fera affaire avec la banque, son concurrent. Le concessionnaire Ford doit aussi transiger avec la banque, qui est aussi son concurrent, et vous dites que c'est triste? Que c'est la vie? Dans combien de domaines les banques peuvent-elles se lancer sans courir le risque d'un conflit d'intérêts?
M. Kluge: Je ne vois pas comment on peut se retrouver en conflit d'intérêts si on se plie aux normes relatives à la protection des renseignements personnels et à la vente liée. Comme je l'ai déjà dit, il faut être un courtier d'assurances autorisé pour vendre de l'assurance.
Le sénateur Tkachuk: Je le sais.
M. Kluge: Avant que je fasse partie de la Banque CIBC, mon courtier d'assurances vendait de l'assurance-vie, mais il offrait aussi des services de planification financière. Il offrait des CPG et des fonds communs de placement, des prêts et des hypothèques. Voulez-vous laisser croire que ce courtier est en conflit d'intérêts? Nous faisons valoir les mêmes arguments que ce courtier: offrez-nous les mêmes possibilités sous le régime législatif actuel et au sein de la profession.
Le sénateur Tkachuk: J'irai un peu plus loin sur cette question. Les banques semblent vouloir convaincre les gens qu'elles sont des entreprises comme les autres, mais ce n'est pas le cas. L'État accorde un privilège spécial aux banques en leur permettant d'accepter les dépôts, de prendre l'argent des citoyens, et, en échange, l'État leur demande de consentir du crédit. C'est un privilège important.
Si vous faites concurrence à vos clients dans tous les domaines, ne croyez-vous pas qu'il s'agit d'un abus du privilège qu'on vous a accordé?
M. Kluge: Je ne vous suis pas. Les compagnies d'assurances acceptent les dépôts, les fonds communs de placement et les fonds. Je ne vois pas la différence. De nos jours, très peu de choses distinguent la compagnie d'assurances d'une banque. Toutes les institutions financières offrent une gamme étendue de services de nos jours.
Les compagnies d'assurances font valoir que les banques détruisent en quelque sorte la concurrence chaque fois qu'elles se lancent dans un nouveau domaine d'activités. Cependant, les banques ont commencé à consentir des prêts aux consommateurs, et regardez ce que cela a fait pour le marché aujourd'hui. Les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas. Nous nous sommes lancés dans les prêts hypothécaires, et la même chose s'est produite. Les taux débiteurs n'ont jamais été aussi bas. Nous avons commencé à offrir des fonds communs de placement, et nous avons lancé des fonds ne s'assortissant pas de frais d'acquisition. Nous nous sommes lancés dans le domaine du courtage réduit, et, par conséquent, nous avons établi un nouveau barème de frais pour les personnes qui ne recourent pas à toute la gamme de services dispensés par un courtier. C'est la même chose dans le domaine de l'assurance, et nous offrons des primes d'assurance s'assortissant de primes plus basses.
C'est, dans l'ensemble, ce que nous avons à dire au groupe de travail. Laissez au client le choix de décider où il veut aller. Les clients préféreraient-ils s'adresser à une compagnie d'assurances ou à une banque? Au bout du compte, c'est le client qui devrait décider. C'est le choix du consommateur, et je suis confronté à un nombre important de concurrents.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez indiqué que le prix de certains de ces autres services a diminué. En même temps, cependant, les frais qui s'appliquent aux chèques libellés ont augmenté, n'est-ce pas?
M. Kluge: Eh bien, je dirais que 42 p. 100 de nos clients ne paient aucuns frais de service. On ne peut pas s'en tenir à un cas isolé. Tout dépend du groupe de clients auquel vous appartenez.
Le sénateur Tkachuk: Lorsqu'on tire un chèque sur un compte, on ne paie pas.
M. Kluge: On ne paie pas lorsque, dans le compte, il y a un solde donné. Les gens âgés de plus de 60 ans ne paient pas.
Le sénateur Tkachuk: Les nantis ne paient pas, mais les pauvres paient.
M. Kluge: Pas nécessairement. Si vous êtes âgé de plus de 60 ans et que vous êtes pauvre, vous ne payez pas. La CIBC ne vous impute pas de frais de service. Les étudiants ont pour leur part droit à un escompte de 50 p. 100.
En partenariat avec les épiceries Loblaws, nous avons créé un nouveau concurrent appelé President's Choice Financial. Loblaws nous donne accès à son infrastructure et à ses clients. Dans ce contexte, les consommateurs transigent avec nous par voie électronique -- ce qui est beaucoup moins coûteux --, et il n'y a pas de frais, pas de frais de service.
Le sénateur Austin: J'aimerais vous entendre au sujet de certaines des propositions qui, dans le rapport MacKay, ont trait à la propriété et au contrôle. J'aimerais que vous nous donniez un aperçu pratique du fonctionnement de ces mécanismes dans le véritable monde des banques.
Histoire de bien brosser le décor, pourriez-vous d'abord nous indiquer quelle serait la valeur boursière de la banque née du regroupement de la CIBC et de la Banque TD pour me donner une idée du rang qu'elle occuperait parmi ses concurrents mondiaux?
M. Flood: Je dirais environ 22 milliards de dollars canadiens en date d'aujourd'hui.
Le sénateur Austin: C'est-à-dire à peu près 16 milliards de dollars US.
M. Flood: Oui.
Le sénateur Austin: Dans l'édition d'octobre 1998 du magazine industriel The Banker, on retrouve un tableau dans lequel une valeur boursière de 16 milliards de dollars vous conférerait une taille à peu près égale à celle de la Commerzbank allemande -- en fait, il s'agit de 14 milliards de dollars -- et à celle de la Banco Santander (17,5 milliards de dollars). Vous demeureriez très loin derrière UBS, dont la valeur boursière est de 63,4 milliards de dollars, ING, dont la valeur est de 49,8 milliards de dollars, et de HSBC, dont la valeur est de 48,3 milliards de dollars.
Avec 16 milliards de dollars, comment percevez-vous votre compétitivité, d'abord en Amérique du Nord, puis dans le monde?
M. Flood: Nous sommes toujours relativement petits, et c'est pourquoi nous proposons une fusion. Lorsqu'on coupe ce chiffre en deux, on obtient 8 milliards de dollars. Nous sommes un intervenant relativement petit, et c'est le défi auquel nous sommes confrontés.
À l'intérieur du Canada, on nous perçoit comme un géant. Sur la scène mondiale, on nous perçoit comme un intervenant plutôt petit. Le problème paradoxal auquel nous sommes en butte, c'est que nous ne parvenons pas à changer la mentalité des Canadiens -- nous ne parvenons pas à les convaincre que nous devrions avoir des sociétés de premier niveau, plutôt qu'une mentalité de succursale. Voilà l'argument que j'invoque.
Le sénateur Austin: Je pense que la préoccupation au Canada tient au fait, comme l'a expliqué mon collègue le sénateur Tkachuk, que la productivité augmenterait, d'une certaine façon, au détriment des services offerts aux Canadiens et de l'emploi au Canada. Il s'agit d'un argument quelque peu circulaire, mais cette question suscite de graves inquiétudes au pays.
Quoi qu'il en soit, vous avez le sentiment que la taille que vous auriez vous permettra de soutenir la concurrence au sein du marché continental. En quoi vous permettra-t-elle d'être plus concurrentiel?
M. Flood: En fusionnant les deux sociétés et en les dotant d'une plate-forme plus large, nous pensons pouvoir fournir plus de services à nos clients et conserver un plus grand nombre de ces derniers. De même, nous pourrons créer plus d'emplois. Nous conserverons des assises solides au Canada, et nous nous emploierons à l'établissement d'assises aux États-Unis.
Idéalement, la prochaine étape consisterait à procéder à une acquisition majeure aux États-Unis, mais tout dépendra des occasions qui se présentent et du nombre de banques ou de sociétés de services financiers qui demeureront. Nous avons déjà fait l'acquisition d'Oppenheimer. Nous disposons d'une maison de courtage offrant une gamme de services complets. La Banque TD a fait l'acquisition d'un certain nombre de maisons de courtage à escompte. Notre stratégie consisterait donc à regrouper les deux sociétés et à soutenir de plein front la concurrence de Schwabb et de certains de ces types d'exploitants, plutôt que d'entrer en concurrence avec la Citibank, la Bank of America, la Bank One et des entreprises de cette nature.
Nous en revenons donc à ce dont nous avons discuté antérieurement, à savoir que, dans un marché de la taille des États-Unis, on doit savoir choisir ses créneaux, mais nous pensons que, grâce à une plate-forme plus large, nous serons mieux en mesure d'élargir cette plate-forme que si chacun continue d'agir pour son propre compte, et c'est là l'argument fondamental de base.
Le sénateur Austin: Je suis pour ma part tout à fait à l'aise avec l'idée que la banque doit grandir pour préserver sa compétitivité et sa rentabilité.
Avant de passer au rapport MacKay proprement dit, j'aimerais vous entendre au sujet d'une observation faite dans un article du Financial Times du 12 octobre 1998. Le titre en est: «Lacunes dans les projets de fusion des banques canadiennes» («Loose Wires in Canadian Bank Merger Plans»). Les titreurs font preuve d'une très grande créativité. Dans l'article, on fait allusion au fait que la CIBC et la Banque TD souhaitent assurer une présence continentale dans les services bancaires d'investissement en se fondant sur Oppenheimer et le réseau à escompte de la Banque TD, qui est actuellement le troisième en importance aux États-Unis. On y lit:
Les deux banques espèrent réaliser des économies de 10 p. 100 en trois ans. Si on a présenté les fusions comme un moyen de faire des banques canadiennes des intervenants internationaux, la plupart des économies escomptées proviendront de regroupements dans le marché intérieur.
Voilà le point de vue des professionnels, et il nous ramène aux questions posées par le sénateur Tkachuk. Avez-vous des commentaires à faire au sujet de l'exactitude de cette observation?
M. Flood: Je pense qu'il est juste de dire que c'est au niveau des sièges sociaux que les dédoublements seront les plus nombreux, là où on retrouve l'administration des sièges sociaux et les centres informatiques. Nous devrions être en mesure de combiner aux centres informatiques et d'obtenir une intégration plus grande de ces derniers. Voilà donc où les dédoublements se présenteraient.
Dans leurs activités internationales aux États-Unis, nos sociétés se complètent en quelque sorte, comme elles le font en Asie et en Australie et, jusqu'à un certain point, en Europe. L'envers de la médaille -- c'est ce que nous avons soutenu dans notre mémoire initial --, c'est que nous investissons dans des secteurs en pleine croissance. Nous investissons dans les services bancaires électroniques par l'intermédiaire des supermarchés. Je songe à l'accord que nous avons conclu avec Loblaws, à celui qu'ils ont conclu avec Wal-Mart, Sobeys et d'autres, et à tout le domaine de la gestion de la richesse, du courtage à escompte et des fonds communs de placement. Voilà les secteurs de croissance dans lesquels nous croyons pouvoir créer plus d'emplois.
Dans certains secteurs, on procédera à des regroupements, ce qui se traduira par la suppression d'emplois. Dans d'autres secteurs, nous voulons grandir et croître. Une fois de plus, nos activités se complètent à merveille, de sorte que nous avons une occasion en or de créer une société qui pourra croître et grandir, tout en demeurant véritablement une grande société canadienne -- à condition qu'on nous autorise à aller de l'avant.
Le sénateur Austin: Bref, la fusion proposée, à votre avis, n'aura pas de coûts nets pour le consommateur canadien.
M. Flood: À la longue, je pense que non. À court terme, de toute évidence, on devra peut-être procéder à certaines réductions bien naturelles, mais notre croissance à long terme devrait être avantageuse. Nous avons affirmé que, dans cinq ans, la nouvelle société fusionnée devrait employer plus de personnes que si chacun des partenaires était demeuré indépendant.
Le sénateur Austin: En ce qui concerne la politique relative à la propriété et l'expansion, on lit, à la page 89 du rapport, ce qui suit au sujet de la propriété des banques: «La règle actuelle des 10 p. 100 peut empêcher d'utiliser les actions comme "monnaie d'échange" dans des opérations d'acquisition qui pourraient nécessiter l'octroi d'une participation supérieure à 10 p. 100 à l'actionnaire important de la société cible.»
Foncièrement, comme vous le savez, l'argument vise à autoriser une prise de participation pouvant aller jusqu'à 20 p. 100, ou même plus, à sa discrétion, afin de promouvoir une entreprise cible, pour peu que le ministre des Finances soit convaincu qu'il en va de l'intérêt du Canada. La question est simple: ces méthodes ont-elles un sens dans le contexte de vos plans de croissance?
M. Flood: Eh bien, vous savez, on en revient toujours, au bout du compte, à l'accès aux capitaux et à notre capacité de croître, sans oublier, une fois de plus, la rentabilité, le rendement du capital et le rendement des capitaux propres. Nous devons soutenir la concurrence d'autres sociétés pour les clients et les employés, mais nous devons également le faire pour les actionnaires. Je pense qu'il s'agit là d'un facteur critique: sommes-nous mieux en mesure de réunir des capitaux suffisants?
Pour attirer des actionnaires, nous sommes cotés en bourse au Canada, nous le sommes à Londres et, depuis l'année dernière, nous le sommes à New York. Nous soutenons la concurrence des Américains et des Européens, et c'est là un défi de taille.
Le sénateur Austin: Dans votre tentative de réunir des capitaux, vous devez tenir compte de la politique gouvernementale du Canada, qui consiste à garder au Canada le contrôle de nos grandes institutions financières. À votre avis, l'imposition d'une limite de 20 p. 100 sur la participation des actionnaires américains ou internationaux permettrait-elle de garder le contrôle?
M. Flood: Tout dépend de l'ampleur que nous serons en mesure de prendre. Il ne sera peut-être pas suffisant de procéder à une acquisition majeure aux États-Unis, mais il s'agit d'un pas que nous devrons franchir.
Le sénateur Austin: Si les actionnaires étrangers étaient assujettis à une limite de 20 p. 100, croyez-vous que vous seriez en mesure de maintenir le contrôle au Canada?
M. Flood: Je pense qu'il s'agit d'une question de politique. Dans le mémoire que nous avons présenté au groupe de travail MacKay il y a un an, nous avons laissé entendre que la règle des 10 p. 100 applicable au degré de participation devrait être supprimée, mais que le ministre devrait se voir confier des pouvoirs discrétionnaires. Je pense que tout pays souhaite garder le contrôle de ses principales institutions bancaires, de ses deux ou trois banques les plus importantes, et c'est ce qu'on fait au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne, en France et au Japon. Du point de vue de la politique gouvernementale, je ne pense pas que le Canada soit prêt à renoncer à la propriété.
Une fois de plus, j'en reviens aux mémoires que nous avons présentés au groupe de travail MacKay; nous avons plaidé en faveur du consommateur ou du choix des consommateurs, et nous avons soutenu que la propriété canadienne représente un principe important.
Le sénateur Austin: Vos commentaires appellent deux questions. Si nous souhaitons garder le contrôle, nous pourrions limiter à 10 p. 100 la part des actions avec droit de vote, comme on le fait aujourd'hui dans tous les cas; pourrait-on vous aider à réunir des capitaux en créant une catégorie d'actions participatives sans droit de vote, lesquelles pourraient être offertes à l'occasion d'acquisitions ou même, pendant qu'on y est, à des investisseurs passifs?
M. Flood: La mesure pourrait très bien se révéler utile. Tout dépendrait de l'intérêt des investisseurs, en particulier des investisseurs étrangers. Aux États-Unis, par exemple, les actions sans droit de vote ne sont pas très populaires. Au Canada, il y a des exceptions à cette règle.
Nous devrions peut-être nous pencher sur cette question.
Le sénateur Austin: Je suis intrigué par la mesure dissuasive qui, dans le rapport MacKay, vise les investisseurs passifs; en fait, on recommande que le ministre limite à 10 p. 100 la participation des investisseurs passifs. Pourriez-vous m'expliquer la distinction entre un investissement industriel et un investissement passif dans la banque?
M. Flood: Je pense que les investisseurs passifs s'intéressent davantage aux fonds de retraite, par exemple.
Le sénateur Austin: Disons que la caisse CalPERS voulait posséder 15 p. 100 des actions de la banque. Qu'est-ce qui préoccupe les auteurs du rapport MacKay?
M. Flood: Je ne sais pas très bien.
Le sénateur Kenny: Je dois dire que c'est la première fois que j'entends la caisse CalPERS décrite comme étant un investisseur passif.
Ma première question concerne la recommandation 2b), qui porte sur la régie des institutions financières et la distinction entre le directeur général et le «président du conseil d'administration qui ne [fait] pas partie de la direction». Qu'en pensez-vous?
M. Flood: Dans la nouvelle banque qui est proposée, M. Baillie serait le président-directeur général, et je serais moi-même président du conseil d'administration. Les conseils d'administration de part et d'autre ont convenu de séparer les deux postes en question.
Le sénateur Kenny: Et si la fusion ne se fait pas?
M. Flood: Je crois que notre conseil d'administration est assez neutre là-dessus, mais je crois qu'il penche en faveur de la séparation des deux postes.
Le sénateur Kenny: À la page 6 de votre mémoire, vous nous parlez de banques qui consolident leurs activités et améliorent leur efficience. Pouvez-vous démontrer que les grandes institutions financières sont plus productives que les autres? Le cas échéant, quelles sont les mesures que vous utilisez pour arriver à ce résultat?
M. Flood: D'abord, à une époque férue de technologie comme la nôtre, il faut faire un investissement énorme. Je vais vous donner un exemple. Nous dépensons quelque 1,2 milliard de dollars par année et utilisons 25 p. 100 de cette somme pour investir dans les nouveaux produits sources de revenus; 75 p. 100 servent à l'entretien de nos systèmes établis. Je crois que le budget de la TD est d'environ la moitié de cela. Je crois que le pourcentage est le même. En réunissant ces deux budgets, nous pourrions probablement consacrer au moins 50 p. 100 de l'investissement à des produits nouveaux et à la R-D qui nous permet d'être plus concurrentiels. Cela améliorerait certainement notre productivité.
Ensuite, nous pourrions adresser nos efforts publicitaires et promotionnels à une clientèle qui est plus vaste; nous pourrions faire cela aujourd'hui, à l'aide du Web, et quiconque décide d'établir des sites Web et de recourir à Internet doit savoir que l'«image de marque» est très, très importante. Si vous regardez le cas de Citibank, de Bank of America et d'American Express, vous constatez que ces gens-là proposent une marque mondiale, que les Canadiens reconnaissent. À l'inverse, une fois sorti du Canada, il n'y a pas grand monde qui connaît la CIBC.
Si nous voulons nous tailler une place sur le marché américain, aux côtés d'Oppenheimer et de Waterhouse, et de toutes ces autres entreprises, il nous faudra dépenser d'importantes sommes pour promouvoir notre marque aux États-Unis. Or, nous ne pouvons y arriver seuls. Voilà où les économies d'échelle et la productivité entrent en jeu. Comme je l'ai déjà dit, on peut aussi combiner les centres informatiques. On peut n'avoir qu'un seul siège social. On peut faire un certain nombre de choses. On peut améliorer la productivité.
Le sénateur Kenny: Ma question était en fait la suivante: l'efficience tient-elle toujours à la taille, ou encore y a-t-il une limite aux économies d'échelle qui est atteinte à un moment donné?
M. Flood: Je crois que «oui». L'histoire prouve qu'on peut arriver au stade où une entreprise est si grande qu'elle devient alors difficile à gérer.
Tandis que nous poursuivons notre route sur la voie de la technologie et des communications, les choses bougent très rapidement; c'est pourquoi nous constatons cette tendance à la consolidation: il est plus facile de gérer avec la circulation des informations que nous connaissons aujourd'hui. De même, notre gestion s'inscrit dans un contexte beaucoup plus vaste -- il s'agit non pas seulement des produits et des entreprises, mais aussi d'une couverture géographique.
Le sénateur Kenny: Je ne veux pas prolonger la discussion sur la vente d'assurance à l'interne. Je sais que vous avez une filiale très productive. Je l'ai vue moi-même. C'est très impressionnant. Toutefois, dans pratiquement tous les cas où nous nous sommes arrêtés, des agents d'assurances sont venus nous dire qu'ils n'apprécient pas du tout cette évolution des choses. Les gens craignent-ils vraiment de perdre leur emploi ou encore craignent-ils de devoir travailler pour vous? Pourquoi viennent-ils nous voir pour faire valoir cela toujours?
M. Flood: J'imagine que c'est dans leur intérêt de le faire. Ils ont l'impression que nous envahissons leur domaine. Je dirais pour notre part, enfin, que le domaine des services financiers évolue à tel point que les compagnies d'assurances n'évoluent plus dans le domaine des assurances. D'ailleurs, à propos de la croissance des ventes dans le domaine de l'assurance-vie, eh bien, il n'y en a pas. La croissance des entreprises en question provient en vérité de la vente de fonds communs de placement et de la planification financière. Un butte contre l'autre.
Ce qui est arrivé, c'est que nos déposants sont devenus des investisseurs et que leurs détenteurs de police sont devenus des investisseurs, et voilà le terrain où l'un butte sur l'autre. C'est la raison pour laquelle l'un et l'autre se trouvent au même endroit et que les gens en quelque sorte jettent un coup d'oeil dans le rétroviseur et disent: «Eh bien, voilà une banque et voici une compagnie d'assurances! Pourquoi ne pas continuer à les tenir à l'écart l'une de l'autre?» De fait, c'est le client qui nous a amenés sur le terrain où nous nous rencontrons.
Nous sommes dans un domaine tout à fait différent. Quand les gens viennent nous voir, ils veulent se pencher sur l'ensemble de leurs besoins financiers. Je vous dirais également que lorsqu'ils s'adresseront à une compagnie d'assurances, dès que les compagnies d'assurances seront admises dans le système des paiements, ce sera la même chose. La compagnie prendra en charge tous les besoins, y compris l'hypothèque et la carte de crédit. Ce sera une police d'assurance. Ce sera un compte d'opérations. Elles seront donc dans le domaine bancaire, et nous serons nous-mêmes dans le domaine de l'assurance -- si vous voulez jeter un coup d'oeil dans le rétroviseur. Je me tourne vers l'avenir et je dis que nous sommes dans le domaine des services financiers. C'est là où il nous faut regarder les choses autrement. L'histoire l'a déjà prouvé. Les Caisses populaires Desjardins l'ont déjà prouvé au Québec; elles ont investi ce domaine, et le domaine a connu de la croissance.
Le rapport MacKay signale qu'un certain nombre de Canadiens ne sont pas servis par les compagnies d'assurances, parce que celles-ci n'ont pas la portée nécessaire. Nous avons une portée beaucoup plus grande, qui nous permet de rejoindre les collectivités rurales et les régions où les gens n'ont pas l'occasion d'acheter de l'assurance.
Je crois qu'il y a de la croissance pour tout le monde dans cette industrie. La solution, c'est d'en arriver à une situation qui profite à tous; c'est pourquoi nous disons qu'il ne faut pas choisir seulement les fragments qui nous intéressent dans le rapport MacKay. Ne laissons pas d'autres gens le faire non plus. Abordons la question dans un contexte global, du point de vue du consommateur plutôt que de celui du banquier, de la compagnie d'assurances ou de la société d'investissement classiques. Adoptons une approche globale à partir du point de vue du consommateur. Si nous étudions les choses de ce point de vue, je crois que nous pouvons en arriver à une situation qui profite à tous, notamment aux agents d'assurances.
Le sénateur Kenny: Vous avez dit plus tôt qu'il y a eu une discussion sur la propriété canadienne. Auriez-vous l'obligeance de nous dire pourquoi la propriété canadienne est si importante si nous avons la capacité de contrôler et de réglementer. Pourquoi cela ferait-il une différence?
M. Flood: Je parle d'institutions sous contrôle canadien, et je crois qu'il faut une politique gouvernementale à cet égard. Je dirais que du point de vue de l'intérêt public, il faut une politique prévoyant un contrôle de l'État, et je crois qu'il serait bien aussi que la société appartienne à des intérêts canadiens.
Je peux vous dire ce que plusieurs exportateurs canadiens m'ont dit. Pas plus tard que ce matin, j'ai entendu le représentant d'une entreprise canadienne faire valoir que, pour obtenir un contrat en Amérique du Sud, il fallait affronter la concurrence d'une entreprise britannique, d'une entreprise américaine et d'une entreprise européenne. Il a dit: «Ne vous faites pas d'illusion. Les banques allemandes, les banques britanniques et les banques américaines savaient qui était leur client et qui elles appuyaient. Dieu merci qu'il y avait certaines banques canadiennes qui nous appuyaient, nous.»
Vous savez, il nous faut parfois être un peu nationaliste au Canada aussi. Je crois que nous sommes en train de perdre cela. Pour être tout à fait franc, je crois que nous perdons quelque chose.
Le sénateur Kenny: En fait, je ne vous demande pas de nous parler de ce qui est dans l'intérêt public. Je veux le point de vue de la banque. Êtes-vous en train de dire que, du point de vue du banquier, du point de vue de la CIBC, vous tenez à la propriété canadienne, que c'est cela votre politique?
M. Flood: Non. Je regardais les choses du point de vue de l'intérêt public.
Le sénateur Kenny: Je vous demande de regarder les choses de l'autre point de vue.
M. Flood: Si je regarde les choses dans une optique purement commerciale, je dirais que nous pourrions devenir une banque mondiale avec des actionnaires mondiaux, que nos actions pourraient être proposées aux plus offrants, d'où qu'ils viennent. C'est le marché financier libre.
Pour ma part, je demeure canadien, et je songe à l'intérêt public quand j'aborde cette question. Je crois qu'il nous faut être Canadiens, et c'est pourquoi je fais valoir qu'il nous faut envisager le Canada comme pays et en assurer la compétitivité. La façon d'en assurer la compétitivité, c'est d'améliorer la productivité. Certes, si nous ne veillons pas à nos propres affaires, il n'y a personne d'autre qui va le faire. Permettez-moi de vous dire cela.
Cela m'amuse toujours d'entendre dire que nous vexons les compagnies d'assurances étrangères ou que nous vexons les fabricants étrangers du secteur de l'automobile à propos du crédit-bail. Lorsque je vais à Washington ou à Londres, ou à Tokyo ou à Francfort, on se fout des Canadiens. Permettez-moi de vous dire cela. On se préoccupe des Allemands, des Japonais, des Américains et des Français -- et ils veillent sur leurs intérêts. Pourquoi est-ce que nous ne veillons pas sur les intérêts des Canadiens? Voilà la question.
Le sénateur Kenny: Vous devriez vous engager en politique.
M. Flood: Il est grand temps à la fin que quelqu'un aborde la question et le fasse avec passion: je ne sais pas pourquoi nous débattons de l'idée d'accorder la préférence à des étrangers, plutôt qu'à des Canadiens. Pourquoi le ferait-on? Est-ce que quelqu'un peut répondre à cette question?
Le sénateur Kenny: C'est moi ici qui doit poser les questions.
M. Flood: Je crois que nous devrions commencer à étudier la situation davantage dans son ensemble, ici au Canada.
Le sénateur Kenny: À la page 9 de votre déclaration préliminaire, vous faites allusion à des rapports concernant les effets sur la collectivité. Est-ce que cela s'appliquerait seulement aux banques, ou encore est-ce que ce serait l'ensemble des institutions financières?
M. Flood: Toutes les institutions financières y seraient tenues. Le rapport MacKay traite de l'industrie des services financiers dans son intégralité. Je crois qu'il nous faut cesser de parler de «banques».
Le sénateur Kenny: Est-ce que les petits peuvent y arriver autant que les gros?
M. Flood: Bien sûr que oui. Bien sûr. Pourquoi pas?
Le sénateur Kenny: Ils disent qu'ils ne peuvent pas. Ils disent qu'il faut 200 personnes pour faire cela.
M. Flood: N'allons pas créer toute une réglementation des plus lourdes en rapport avec cela. Simplifions les choses. Optons pour un simple rapport envers la collectivité, un point c'est tout. Que faire? N'allons pas virer tout sens dessus sens dessous pour une chose comme celle-là.
Le sénateur Kenny: Je crois que le public voit en quoi cette fusion profiterait aux banques. Ce qu'il ne voit pas, c'est en quoi la fusion, si elle est approuvée, profiterait aux consommateurs. Les frais de services sont déjà très bas au Canada. Nous comprenons cela. Ils sont très concurrentiels par rapport à d'autres pays. Malgré cela, pourquoi vos deux banques n'ont-elles pas déclaré officiellement que vous partagerez avec vos clients une partie des gains de productivité ou des économies réalisées en raison de la fusion, si elle se fait, au moyen de frais de services encore plus bas?
M. Flood: La raison pour laquelle nous n'avons pas fait cela, c'est que nous sommes en négociation avec le Bureau de la concurrence et que nous ne sommes pas très sûrs de la forme que prendra la nouvelle entreprise une fois les négociations terminées. De même, il est exclu que nous puissions nous asseoir et établir de connivence les prix voulus. Nos conseillers juridiques nous recommandent d'être très prudents à ce chapitre.
Je dirais que -- une fois que tout cela sera terminé et que nous aurons une idée du point où nous en sommes, et une fois que nous aurons l'autorisation du Bureau de la concurrence accompagnée de bons conseils juridiques -- nous pourrions faire certaines propositions et concevoir une proposition attrayante pour le consommateur. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que c'est important. C'est la question la plus importante qui me frappe quand je voyage au pays, mes clients qui disent: «Et moi, qu'est-ce que ça me rapporte?» D'une façon ou d'une autre, M. Baillie et moi-même devons mettre au point une proposition et dire aux clients: «voici ce que ça rapporte pour vous.»
Si je comprends bien, voilà où veulent en venir M. MacKay et son comité lorsqu'ils traitent du processus d'examen de l'intérêt public. Je soupçonne que c'est là un des points qu'ils regardent parmi ceux qui se trouvent à l'ordre du jour, et c'est ce que nous aimerions faire, mais c'est une question importante qui, je crois, nous a mis dans une situation désavantageuse dans le contexte du débat.
Le sénateur Angus: Je dois dire que votre élan de patriotisme m'a beaucoup ému. Je lisais votre brochure il y a un instant. J'ai remarqué qu'il y avait toutes ces outardes en vol au haut de l'image. Les outardes m'intéressent beaucoup. De fait, il y a des gens qui m'appelle «the goose», c'est-à-dire «outarde» en français. Pourquoi sont-elles là?
M. Flood: Ce sont des huards. Ce ne sont pas des outardes.
Le sénateur Angus: Je crois que cela s'explique à la dernière page, mais j'aimerais bien vous entendre en donner la raison.
M. Flood: Nous avons une entreprise qui est devenue très novatrice, et nous avons encouragé la créativité et l'innovation. De fait, c'est là une de nos valeurs, avec une saine administration, le respect et l'excellence -- et, pour encourager les gens à se dépasser, nous avons conçu cela. Si vous regardez tous nos plans, vous constaterez que nous ne traitons pas que de la journée présente. Tout le monde semble tomber dans ce piège: «Voilà la situation aujourd'hui et voilà ce qu'elle était hier.» Nous voulons lever la tête et imaginer ce à quoi peut ressembler l'avenir, et nous y préparer. Nous essayons donc de faire en sorte que nos gens puissent faire cela. Je crois que nous avons fait beaucoup de chemin dans ce sens-là.
Le sénateur Angus: Voilà qui est utile. Il y a quelques précisions que j'aimerais obtenir. D'abord, dans le cours normal de vos affaires, de temps à autre, vous arrive-t-il de fermer des succursales?
M. Flood: Oui.
Le sénateur Angus: Prévoyez-vous en ce moment fermer des succursales, dans le cours normal de vos affaires?
M. Flood: Oui, nous prévoyons fermer certaines succursales.
Le sénateur Angus: Je m'interrogeais simplement sur la démarche. Lorsque vous décidez de fermer une succursale, j'imagine que cela découle d'un plan; est-ce qu'on y réfléchit d'avance?
M. Flood: Tout à fait. Nos marchés évoluent; que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, les marchés évoluent, les mines ferment, les entreprises ferment leurs portes, et les secteurs à l'intérieur d'une ville évoluent. Parfois, le marché évolue, et il faut aller s'installer ailleurs. On ouvre donc de nouvelles succursales, on s'installe à un autre endroit. On consolide aussi certaines succursales. Dans certains secteurs, nous mettons trois succursales en une.
Dans les petites localités, le plus grand défi se pose lorsque la nôtre est la dernière succursale en ville. C'est là la question la plus délicate, et nous essayons de travailler avec les gens de l'endroit, nous leur demandons à quelle distance se trouve le prochain village, quel genre de services demeureraient, et s'il était possible de passer par un agent, par un bureau de poste ou quelque chose du genre. Par exemple, y a-t-il un magasin Loblaws en ville?
Nous avons étudié le délai de préavis, et je sais que le rapport MacKay recommande l'adoption d'un délai de quatre mois, et je serais d'accord avec cela.
Le sénateur Angus: Eh bien, ça vous prendrait quatre mois de toute façon dans le cours normal des choses, n'est-ce pas? Cela ne vous dérangerait donc pas du tout?
M. Flood: Nous nous sommes engagés là-dessus. M. Baillie et moi-même avons tous deux dit que, avec cette nouvelle fusion, nous serions très sensibles à l'éventuelle fermeture d'une succursale, pendant un certain temps. En clair, M. Kluge m'a dit que nous avions une période de préavis de trois mois, et nous avons maintenant instauré un délai de quatre mois.
Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous fermez une succursale, la fermez-vous parce qu'elle n'est pas rentable ou encore parce qu'elle n'est pas suffisamment rentable?
M. Flood: En règle générale, c'est parce qu'elle n'est pas rentable. En règle générale, c'est que l'établissement...
Le sénateur Tkachuk: Perd de l'argent?
M. Flood: Habituellement. Parce que si c'était rentable, si cela ajoutait quelque chose, il n'y aurait pas raison de fermer la succursale. Une fois que la succursale est là et que nous avons les dépôts et encore, et qu'il y a la possibilité que la ville connaisse une certaine croissance ou que le secteur connaisse une certaine croissance, on ne veut pas aller fermer la succursale. Par conséquent, en règle générale, si on ferme une succursale, c'est parce que celle-ci accuse des pertes.
Le sénateur Angus: Je veux parler encore de l'idée selon laquelle plus l'institution est grosse, plus elle est bonne et plus elle est efficiente. On a laissé entendre que vous êtes pris dans la mentalité que vous avez vous-même développée, que vous n'avez pas réussi à prouver que qui dit plus gros dit mieux, et que, en ce moment, vous ne pourrez y arriver parce que les positions se sont durcies.
Lorsque M. Godsoe est venu témoigner, je lui ai dit plus ou moins qu'il parlait par dépit et qu'il faisait preuve d'hypocrisie, disant une chose à un moment donné et une autre, une autre fois. De toute manière, il a déclaré que qui dit gros ne dit pas forcément mieux. Visiblement, cela n'a pas servi à dissuader certaines personnes.
M. Barrett est arrivé le jour suivant, et je lui ai signalé cela. Je lui ai dit que M. Godsoe avait dit qu'il n'y avait pas la moindre bribe de preuve à cet égard. Je l'ai dit à M. Barrett, et il l'a comme rejeté du revers de la main. Il a dit: «Eh bien, vous savez, certaines personnes diront que la terre est plate, et certaines personnes diront qu'Elvis est encore en vie». Mais ce qui est vraiment important, si la taille apporte effectivement quelque chose, c'est qu'il y ait suffisamment de concurrence pour résister à un accroissement de la taille comme celui-là.
Je crois que vous avez légitimement le droit, monsieur Flood, de commenter l'observation de M. Godsoe.
M. Flood: Je crois qu'il y a des choix. Tous les dirigeants et tous les conseils d'administration doivent faire des choix. Nous aimerions figurer parmi les joueurs de premier niveau, certainement en Amérique du Nord. Quand je dis «nous», je veux dire M. Baillie et moi-même. Nous nous sommes réunis et nous avons dit: «Devenons un joueur de premier niveau».
Nous étudions également la situation du concurrent qui a déjà annoncé qu'il veut faire de même. Nous avons voulu lui faire concurrence, non seulement au Canada, mais aussi sur la scène mondiale, et particulièrement en Amérique du Nord. C'est un choix qui, à nos yeux, recèle de grandes possibilités, et avec les deux organisations, nous croyons pouvoir y arriver. Toutefois, on ne dit pas que les autres banques ne peuvent pas évoluer sur leur propre marché en ayant une taille différente, au deuxième ou au troisième niveau, ou au quatrième. On peut avoir des banques locales. On peut avoir des coopératives de crédit. On peut avoir Canada Trust, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque nationale.
Il n'y a pas de raison qu'elles ne puissent occuper le créneau qu'elles veulent sur leur marché. C'est un choix de la direction. Voilà de quoi nous parlons. Donnons à tout le monde un choix et ayons un régime de réglementation souple qui permet cela. Il appartient à la direction et au conseil d'administration de décider, mais si notre liberté d'action à cet égard est restreinte, alors nous n'avons pas le choix.
Le sénateur Angus: Cela se révélera peut-être un mythe, mais il y a une question qui revenait toujours, au moment de nos déplacements et à la lecture d'autres documents, une espèce de contrepartie à l'argument de la taille: le Canada est un endroit très particulier, ayant des caractéristiques démographiques uniques et une géographie unique, et il n'est pas forcément bon de jouer avec un régime qui, de par sa nature même, n'a pas de second niveau d'importance dans le secteur du détail. Tout de même, pour citer un exemple, disons que cet après-midi, juste avant votre témoignage, le représentant du BSIF a laissé entendre qu'il y a déjà une concurrence active en ce qui concerne les services bancaires de détail au deuxième niveau.
Qu'en pensez-vous? Je crois qu'il a là un lien très important avec l'argument que vous essayez de présenter.
M. Flood: Il y a beaucoup de concurrence et il y en aura beaucoup plus à mesure que les gens adopteront des sites Web et que nous permettrons aux banques étrangères et aux institutions non bancaires d'exercer leurs activités ici. Nous n'avons pas parlé de Newcourt; nous n'avons pas parlé de la General Electric; regardez encore la President's Choice Financial. Il est question qu'elle achète Provigo, de sorte que le marché du Québec s'ouvrira ici, et puis il y a Sobeys qui achète Oshawa Wholesale. Il y aura des banques dans tout cela.
Nous voulons avoir le réseau interconnecté le plus développé qui soit, grâce aux guichets automatiques, mais il y aura beaucoup d'autres gens dans les services électroniques aussi bien que dans les succursales physiques. À mon avis, si les gens sont branchés sur le système des paiements, il y a toutes sortes de gens qui s'occuperont d'opérations. Je crois qu'il y aura une concurrence tout à fait énorme, et c'est cela qui nous motive, car nous croyons que le passé ne peut plus servir de guide, nous croyons être à l'aube d'une nouvelle ère dans le domaine des services financiers.
Je crois qu'il faut regarder cette situation comme nous avons regardé celle de l'industrie des communications. Songez à l'industrie des communications telle qu'elle était il y a dix ou vingt ans, et comparez cela avec la situation qui existe aujourd'hui et à celle qui existera dans cinq ou dix ans. Regardez les différents concurrents qui se trouvent sur le marché en ce moment. Voilà ce qui se passe dans le secteur des services financiers.
Il y a donc énormément de choix. Cette idée qui dit que les gens ne peuvent traverser la rue, qu'ils sont tenus à jamais à traiter dans des établissements physiques et dit que ce sont là les seuls fournisseurs -- ça, c'était hier.
Le sénateur Angus: Vous dites qu'ils ont déjà le choix. Ils ont le choix dans le secteur du détail.
M. Flood: Tout à fait, et si vous vous projetez trois ou cinq ans en avant, on peut dire qu'ils en auront encore bien plus.
Le sénateur Angus: Quand vous avez parlé de l'arrivée des banques étrangères, vous avez dit ne pas vous opposer aux recommandations qui feraient intervenir une certaine limite quant aux services bancaires de gros...
M. Flood: Eh bien, je ne suis pas sûr...
Le sénateur Angus: J'aurais pu croire que vous mettiez l'accent sur le terme «gros», mais cela ne vous dérangerait pas s'ils arrivaient dans le secteur du détail, du moins si on leur permettait de s'y installer? Nous ne croyons pas qu'ils viendraient de toute façon, mais ça ne vous dérange pas, n'est-ce pas?
M. Flood: Comme je l'ai expliqué à M. MacKay dans notre mémoire, j'ai déjà travaillé à New York où je gérais nos activités américaines. J'ai étudié de près le régime américain. Nous avions la possibilité d'oeuvrer aux États-Unis dans le secteur de gros, sans grandes restrictions. Nous avions droit au traitement national aux États-Unis, mais si nous voulions accepter les dépôts de détail, il fallait contracter une assurance auprès de la FDIC, de sorte que nous aurions une filiale bien provisionnée.
C'est la même chose qui s'appliquerait ici dans le cas des entreprises étrangères. Si elles veulent recevoir des dépôts de détail, elles doivent être membres de la SADC et elles doivent avoir du capital, et le surintendant peut alors s'occuper de leur situation directement. Voilà la différence.
Le sénateur Angus: Autrement dit, jusqu'à un certain point, les services de gros sont acceptables pour ce qui touche les succursales, mais dans le cas du détail, il faudrait qu'il y ait des règles du jeu équitables. La présence d'une banque étrangère dans le secteur de détail ne vous dérangerait pas.
M. Flood: Elles ont le droit d'y être déjà. Lorsque la Loi sur les banques a été modifiée en 1980, les banques étrangères ont obtenu le droit de venir faire cela.
Le sénateur Kroft: Ces dernières semaines, plusieurs témoins nous ont parlé de la pratique américaine qui s'emploie en cas de fusion: les autorités chargées de la réglementation exigent la cession d'éléments d'actif, à l'intérieur des succursales vraiment, dans le contexte de la continuité de l'exploitation -- les gens, les clients et ainsi de suite. Du côté canadien, nous avons aussi reçu les observations de M. Clark, de Canada Trust et de M. Nasr, de la Banque Honkong, qui seraient tous deux prêts à participer à un programme d'acquisition qui permettrait d'élargir leur structure plus rapidement qu'il serait possible de le faire autrement.
Dans un contexte prospectif, quelle serait selon vous la place d'une telle approche, pour une reconfiguration ou une réaffectation des éléments d'actifs et des installations, et de la capacité, dans le système bancaire canadien?
M. Flood: Une fois que nous aurons fini de négocier avec le Bureau de la concurrence, s'il y a effectivement des éléments d'actifs, des succursales ou des clients que nous devons céder, il nous faudra alors regarder du côté des acheteurs éventuels. Certains des acheteurs que vous avez mentionnés sont des acheteurs éventuels, et il y en a d'autres encore, y compris les banques étrangères, les coopératives de crédit et même les gens qui veulent mettre sur pied une banque locale. Nous devrions peut-être organiser une vente aux enchères. Il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas faire cela.
Il me semble évident, à écouter certaines des observations de nos concurrents, qu'ils souhaiteraient que nous cédions une bonne part de ce que nous avons. Je crois que cela aurait pour effet de nous rapetisser. Nous ne voulons pas nous limiter non plus à un créneau sur notre marché intérieur. Nous voulons respecter les paramètres de la concurrence selon les critères du Bureau, mais nous espérons avoir droit à un traitement égal sur ce plan.
Le sénateur Kroft: Merci d'avoir répondu ainsi à la question. Vous venez de dire que vous ne voulez pas vous limiter à un créneau sur votre propre marché. Cela m'amène à l'autre question que j'attendais de poser. Une chose qui a été très intéressante pour nous, c'est d'en apprendre un peu plus sur le domaine des cartes de crédit. Cela a été très enrichissant pour moi de constater la façon dont ce secteur s'est édifié en un domaine très ciblé et fortement spécialisé. Visiblement, c'est une question non seulement d'échelle, bien que cela soit important, mais c'est visiblement aussi une question d'affaires qu'on développe en s'attachant énormément au ciblage, à la concentration et à l'intention.
Si je ne m'abuse, vos projets pour le marché intérieur consistent à demeurer une banque universelle, avec peut-être un peu plus de ciblage qu'aux États-Unis, puis vous entendez exploiter davantage un certain créneau plus tard. Ce sont des étapes que vous avez décrites, il me semble.
M. Flood: C'est cela.
Le sénateur Kroft: Cela a été intéressant pour nous de constater le manque de sensibilité dans le secteur des cartes de crédit du Canada et les forces qui s'y exercent. Croyez-vous vraiment que les banques, chacune d'entre vous, demeureront dans ce domaine, ou est-ce que cela ne devient pas simplement une autre industrie à proprement parler?
M. Flood: Aux États-Unis, les banques ont perdu une grande part du marché des cartes de crédit. Les sociétés spécialisées, les sociétés à produit unique, ont connu une croissance énorme dans le secteur des cartes de crédit. De fait, un certain nombre de banques y ont soit perdu, soit vendu leurs services de carte de crédit. Il n'y a qu'une demi-douzaine environ d'entreprises majeures de cartes de crédit aux États-Unis. Il y a trois grandes entreprises à produit unique, peut-être quatre, puis il y a trois ou quatre grandes banques.
La difficulté qui se présentera ici avec l'arrivée des entreprises à produit unique concernera leur taille -- c'est le vieil argument des économies d'échelle -- nous croyons que leurs coûts sont inférieurs de 15 à 30 p. 100 aux nôtres. Quand vous parlez de concurrence et d'avantages pour le consommateur, et d'ouverture de vos marchés, voilà l'avantage que vous voyez.
Pouvons-nous soutenir ce genre de concurrence sur une période durable? Seul le temps le dira, et c'est pourquoi il nous faudra décider si nous pouvons concurrencer ou non. Aujourd'hui, nous croyons pouvoir concurrencer grâce aux moyens combinés. Nous allons pouvoir faire converger nos forces et affronter directement les MBA, les First USA, les Bank One et les Cap One, entre autres, et American Express. Nous croyons pouvoir y arriver parce que nous avons une très bonne carte, et la carte Euro Gold, et tout cela.
Tout de même, il nous faudra déployer beaucoup d'énergie et être très concurrentiels, et nous voyons déjà des recettes à la baisse qui grugent cela. C'est là l'essentiel. Tout le monde dit peut-être qu'il n'y a pas tant de concurrence que cela, mais tous les jours, nous regardons fondre nos recettes sur le marché intérieur. Si nous en restons là et acceptons le statu quo, il ne fait aucun doute que nous serons beaucoup plus petits d'ici cinq ans. Il nous faut trouver des nouveaux secteurs où il y aura croissance des recettes. Le secteur des cartes de crédit en est un où on nous attaque, mais nous allons leur donner du fil à retordre. Permettez-moi de vous dire cela. Nous allons devoir, vous et moi, nous asseoir ensemble dans cinq ans pour voir qui gagne.
Le sénateur Kroft: Eh bien, au moins vous n'avez qu'à vous soucier d'une carte.
Le président: Deux questions très courtes. Vous n'avez pas parlé du modèle de société de portefeuille bancaire qui est proposé dans le rapport MacKay ni du modèle de société de portefeuille de services financiers. Voyez-vous les avantages que cela aurait pour l'industrie en général, et vous, en particulier, avez-vous un intérêt dans tout cela si jamais ça se produit?
M. Flood: Oui. Nous l'avons recommandé dans notre mémoire au groupe de travail MacKay il y a un an. Nous l'avons recommandé. De fait, je crois que nous sommes probablement les plus chauds partisans de la structure des sociétés de portefeuille bancaires. Nous croyons que cela nous donnerait plus de souplesse et que certaines entreprises ne seraient peut-être pas réglementées dans la même mesure, et que nous pourrions créer des coentreprises, par exemple.
Justement, aujourd'hui même, nous avons lancé une coentreprise avec Hewlett-Packard pour prendre en charge notre commerce électronique et pour administrer nos centres informatiques. S'il s'était agi d'une société de portefeuille, nous aurions probablement pu structurer cela avec plus de souplesse.
Encore une fois, je reviens à l'expérience que j'ai vécue aux États-Unis; nous y avons une société de portefeuille bancaire et nous y faisons de la location-bail et nous évoluons dans divers autres domaines. Nous pouvons faire aux États-Unis beaucoup de choses que nous ne pouvons faire au Canada, voyez-vous. Voilà mon argument. Quel est le problème du Canada?
La société de portefeuille nous a donné beaucoup plus de souplesse. Le fait que le rapport MacKay ait adopté notre recommandation à cet égard me réjouit au plus haut point.
Le président: Votre recommandation concernait-elle une société de portefeuille réglementée ou non réglementée? Je pose la question parce qu'aux États-Unis, un certain nombre des sociétés de portefeuille ne sont pas réglementées.
M. Flood: Eh bien, pas nécessairement. Il faut passer par la Fed. Quelle que soit l'activité à laquelle nous nous adonnons aux États-Unis, la Fed arrive et examine notre société de portefeuille bancaire.
Je dirai qu'au Canada, si on étudie certains des problèmes que les sociétés de fiducie ont eus ici, le surintendant des institutions financières n'a pu atteindre la société de portefeuille. Je crois que c'est là une erreur. Voilà ce que je considère comme l'échec de notre système. Il est important de permettre au surintendant d'accéder à la société de portefeuille en entier, au besoin, du point de vue réglementaire.
Le président: Comme vous souhaitez accroître votre actif et vos fonds propres, seriez-vous en mesure d'accomplir une bonne part de ce que vous voulez accomplir au moyen de la fusion proposée avec la Banque TD en optant, de fait, pour une expansion horizontale plutôt qu'une consolidation verticale, par exemple, par l'acquisition de la Manuvie ou de l'une des très grandes compagnies d'assurances? Cela ferait grossir énormément votre actif, mais ne soulèverait aucun des problèmes liés à la concurrence.
M. Flood: Eh bien, nous nous espérons faire cela aussi; mais, pour être tout à fait franc, je crois que le meilleur argument, la meilleure proposition, pour que le pays ait une entreprise de services financiers de premier niveau, c'est de fusionner les deux banques au départ, puis voilà le tremplin qui permet de faire autre chose.
Nous ne sommes pas vraiment dans le domaine des assurances. J'ai parlé plus tôt du domaine des assurances et de tout cela, mais cela se trouve à la périphérie. Si vous nous accordez tous les pouvoirs et tout le reste, en dernière analyse, nos activités principales concerneront toujours les dépôts et les prêts et les souscriptions, et tout cela. C'est le domaine que nous comprenons, et c'est là que se situent nos connaissances. Visiblement, tout de même, l'expansion latérale serait un autre choix encore. Si nous ne pouvons progresser de cette manière, alors il nous faut procéder horizontalement; peut-être que, de l'autre côté, nous reviendrions vous voir et dirions: «Eh bien, alors, permettez-nous de devenir un élément d'un groupe mondial et nous serons alors la succursale».
Le président: Je n'allais pas poser la prochaine question, mais cela me semble être la conséquence logique de votre déclaration, selon laquelle il faut consolider verticalement pour accéder au premier niveau. Vous avez mentionné en passant qu'à ce moment-là, cela fait, il serait bien de procéder horizontalement.
N'est-il pas logique pour nous, décideurs soucieux de l'intérêt public, si nous acceptons votre prémisse -- qu'il est souhaitable d'avoir des entreprises canadiennes de premier niveau -- de croire qu'il faudrait aussi permettre la consolidation du secteur de l'assurance-vie, mais absolument pas un mouvement horizontal?
Autrement dit, si votre stratégie consiste à dire: «Il nous faut une poignée de très bonnes banques de premier niveau», il me semble logique de conclure que: «Il nous faut une poignée de compagnies d'assurances de premier niveau, mais en aucun cas faut-il permettre qu'elles fusionnent.» Est-ce là une conclusion légitime?
M. Flood: Je ne dirais pas cela. Je suivais l'arbre décisionnel.
Le président: J'ai cru que cette conclusion ne ferait pas votre bonheur, mais j'ai cru que c'était une conclusion naturelle.
M. Flood: Non, mais vous allez peut-être vouloir aborder la question de l'autre façon, du point de vue de l'assurance: peut-être est-il possible qu'une grande compagnie d'assurances voudrait acheter une banque. Pourquoi arrêteriez-vous cela, si elle voulait le faire? Pourquoi mettre en place ces obstacles artificiels? Pourquoi ne pas simplement ouvrir cela et permettre aux gens de fusionner? Si une des grandes compagnies d'assurances veut acheter une des banques, pourquoi l'empêcher de le faire? Pourquoi ne pas jouer sur les deux tableaux?
Le président: Je crois que nous pourrions poursuivre là-dessus pendant longtemps, mais le temps manque justement. Merci beaucoup, à vous deux, d'être venus témoigner. Cela est apprécié
Sénateurs, notre dernier témoin aujourd'hui est le président de la Deutsche Bank of Canada.
Le sénateur Tkachuk: (vice-président) occupe le fauteuil.
Le sénateur Meighen: Je tiens à signaler aux fins du compte rendu que je dois malheureusement me retirer à ce point-ci, car je siège au conseil d'administration de la Deutsche Bank. Bien que j'aimerais énormément assister à l'exposé de l'institution, je crois qu'il vaut mieux pour moi ne pas prendre part à la discussion.
Le vice-président: Cela est dûment noté.
Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, comme je siège moi-même au conseil d'administration d'une autre banque de l'annexe II, je crois qu'il serait dans l'intérêt de tous que je me retire aussi.
Le vice-président: Continuons. Nous sommes en présence de M. Nicholas Zelenczuk et de Mme Michele McCarthy, de la Deutsche Bank.
Votre exposé est assez long, et comme nous avons prévu une heure et demie pour un autre témoin, pourriez-vous résumer de votre mieux vos arguments? Cela fera partie du compte rendu, et nous prendrons des notes, car les sénateurs aiment poser des questions et se lancer dans des discussions générales. Cela nous donne davantage de temps pour faire cela.
M. Nicholas Zelenczuk, président-directeur général, Deutsche Bank Canada: Je suis accompagné de Mme Michele McCarthy, notre principale conseillère juridique et secrétaire général.
Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de traiter des recommandations du groupe de travail MacKay.
La Deutsche Bank prend une part active au marché canadien, et nous suivons avec beaucoup d'intérêt l'évolution du cadre de réglementation dans lequel évolue le secteur des services financiers du Canada.
Notre mémoire à l'intention du groupe de travail MacKay portait le titre «Same Business, Same Risk, Same Rule», et j'entends fonder mon exposé sur ce mémoire sans en dénaturer l'essentiel.
L'exposé présenté plus tôt ce matin par M. Stammati, président de BCI, qui représentait les banques de l'annexe II, concorde avec le point de vue de la Deutsche Bank du Canada, et j'appuie moi-même ces déclarations.
La fusion des banques de l'annexe I et le retrait de la forme mutuelle dans le cas des compagnies d'assurances suscitent beaucoup de discussions. Cela vaut pour la période antérieure à la publication du rapport MacKay et cela vaut depuis. On a accordé beaucoup moins d'attention aux travaux considérables déjà réalisés à propos du rôle des banques étrangères, les banques de l'annexe II, au Canada. Nous reconnaissons certes l'importance des questions liées à la fusion, mais nous sommes d'avis que les questions concernant la place des banques de l'annexe II sur le marché sont aussi importantes.
Les banques de l'annexe II recèlent tout un potentiel qui n'a pas été suffisamment mis en valeur sous le régime de réglementation en place.
J'entends exposer le rôle et la position de la Deutsche Bank au Canada pour démontrer ce potentiel.
La Deutsche Bank Canada, fondée en 1981, compte des bureaux à Montréal et à Toronto. Notre entreprise est une filiale en propriété exclusive de la Deutsche Bank AG, qui, du point de vue de l'actif, vient au troisième rang des grandes banques du monde. Nous avons une maison de courtage en valeurs mobilières et nous fournissons à un certain nombre de clients -- institutions et grandes sociétés -- des services relatifs aux marchés financiers, aux valeurs mobilières et des services de placements bancaires.
Nous avons récemment changé d'orientation à la Deutsche Bank: désormais, à l'intérieur de la structure de la Deutsche Bank AG, nous entendons devenir le centre mondial des activités inhérentes au secteur des métaux et des mines. Je crois qu'il s'agit là d'une évolution importante des choses pour nous à la Deutsche Bank Canada. C'est aussi une décision qui profitera à nos clients au Canada.
La Deutsche Bank AG a adopté cette stratégie parce qu'elle reconnaît le fait que le Canada constitue le centre mondial tout indiqué pour le secteur des métaux et des mines, car la plupart des grandes entreprises dans ce secteur ont pignon sur rue au Canada.
La Deutsche Bank est d'avis que, par l'entremise de ses activités au Canada et de ses liens avec la société mère, la Deutsche Bank AG, les avantages des marchés financiers mondiaux peuvent profiter aux entreprises canadiennes, leur permettre de connaître la prospérité au Canada tout en ouvrant les portes du secteur international des finances. Nous croyons que les entreprises canadiennes profiteront de l'accès à un bassin proprement mondial de clients et de produits financiers.
Quant au rapport MacKay, nous appuyons sans réserve ses quatre thèmes, notamment l'accroissement de la concurrence et l'habilitation des consommateurs. Nous ne traitons pas directement avec l'acheteur au détail au Canada, mais l'effet indirect du choix offert et de la concurrence manifestée sur les marchés institutionnels profitera aux Canadiens ordinaires, car les entreprises pour lesquelles ils travaillent connaîtront davantage de succès et seront mieux en mesure d'accéder à un bassin mondial de fonds et de liquidités.
En particulier, nous tenons à souligner que nous appuyons la recommandation du rapport MacKay selon laquelle il faut assouplir le régime de réglementation qui régit le secteur canadien des services financiers.
Vous avez sans doute entendu dire tout au long de vos audiences que les banques étrangères souhaitent bénéficier de règles du jeu équitables au Canada, de manière à pouvoir concurrencer efficacement et fournir aux clients canadiens le meilleur de ce que le monde peut offrir.
Nous croyons qu'il importe, à une époque où nous entendons parler encore une fois du grand exode des cerveaux, des esprits les plus brillants qui quittent le Canada, notre entreprise offre à ces personnes éminemment compétentes l'occasion de travailler au Canada pour une entreprise internationale. Les Canadiens qui travaillent pour la Deutsche Bank traitent de certaines des questions les plus intéressantes et des innovations qui marquent le marché financier, tout en demeurant au Canada. Nous employons actuellement plus de 300 personnes et espérons pouvoir connaître une expansion qui concorderait avec l'élimination des obstacles à la concurrence.
En tant que Canadien, je tiens à le dire avec enthousiasme: j'espère que les recommandations du comité permettront au Canada, et aux Canadiens, de connaître tous les bienfaits d'une participation dynamique à un marché mondial en mutation.
Il y a quelques questions dont nous voulons traiter en particulier, par exemple la place des banques étrangères sur le marché canadien.
En décembre 1997, le gouvernement canadien s'est engagé devant l'Organisation mondiale du commerce à permettre que les banques étrangères exploitent des succursales au Canada. Nous craignons que cette initiative ne se perde pour ainsi dire dans le débat plus large qui porte sur la nature et l'avenir du secteur des services financiers.
Selon nous, le fait de permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales au pays représente une première étape importante dans une démarche qui permettra de créer suffisamment de concurrence au Canada pour protéger le marché dans l'éventualité que d'autres fusions soient approuvées dans le secteur des services financiers.
Nous avons espoir que le comité ne va pas s'empêtrer dans l'idée selon laquelle les recommandations du rapport MacKay constituent un code complet pour guider l'évolution de la réglementation, ce qui mettrait en péril la proposition visant à permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales au Canada.
Quelles que soient les mesures prises en rapport avec les autres questions abordées dans le rapport MacKay, nous estimons que la présence de succursales de banques étrangères au Canada représenterait un élément positif de l'évolution du secteur canadien des services financiers.
Nous n'offrons actuellement pas de services bancaires de détail au Canada, mais les services que nous offrons à nos clients -- tant les grandes sociétés que les institutions -- et les retombées indirectes que cela crée pour les Canadiens ordinaires sont considérables.
La Deutsche Bank AG, notre société mère, possède un avoir de plus de un billion de dollars et un capital de 31 milliards de dollars. Cette force pourrait et devrait même être utilisée davantage au Canada, au profit des grandes sociétés et des institutions qui sont nos clients.
À l'heure actuelle, la capitalisation de la Deutsche Bank Canada est de l'ordre de quelque 600 millions de dollars, ce qui nous place au deuxième rang parmi les banques de l'annexe II à ce chapitre.
Notre capital a augmenté considérablement depuis trois ans -- il se situait à 200 millions de dollars --, mais le cadre de réglementation actuel inhibe un potentiel de croissance considérable.
Je vais vous citer un cas où, à notre avis, le cadre de réglementation ne suscite pas des chances égales.
En 1995, la Deutsche Bank a fait l'acquisition d'ITT Commercial Finance en Amérique du Nord et a changé alors son nom. La société Deutsche Financial Services est ainsi née. Celle-ci offre un financement de stocks et de comptes débiteurs de quelque 1 600 petites et moyennes entreprises canadiennes sur les marchés dits intermédiaires.
Lorsque nous avons fait cette acquisition, nous avons demandé que la DFS, la Deutsche Financial Services, puisse être constituée en société en application de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. Or, l'autorisation n'a jamais été accordée, les autorités estimant qu'une banque commerciale ne pouvait posséder une banque commerciale.
Nous croyons offrir un service très utile par l'entremise de Deutsche Financial Services, mais comme la société est considérée comme une banque commerciale, elle est réglementée comme telle et assujettie aux exigences de la loi concernant la suffisance du capital, les renseignements à communiquer, la régie et les examens.
Ce n'est pas la fin du monde, mais il faut dire que nous sommes défavorisés par rapport à nos concurrents, qui ne sont pas soumis à la réglementation -- des entreprises comme Newcourt Credit et la Corporation de financement commercial Transamerica, Canada, pour n'en nommer que deux.
Aux États-Unis, Deutsche Financial Services ne tombe pas sous la coupe de la Federal Reserve Board, mais la société est soumise à la réglementation du BSIF au Canada.
Nous proposons que la Deutsche Financial Services puisse, à l'instar de ses concurrents, exercer les activités d'une société de financement non réglementée au Canada, indépendamment de la question de la taille et des liens de parenté avec une quelconque société mère.
Nous croyons que la société Deutsche Financial Services offre le genre de concurrence qu'il faut pour contrer les effets d'une concentration éventuelle dans le secteur des services financiers.
Le règlement de questions fiscales est une autre question qui est abordée dans notre mémoire, «Same Business, Same Risk, Same Rule». Nous sommes d'accord avec les auteurs du rapport MacKay lorsqu'ils disent que le régime d'imposition du capital nuit à la compétitivité des banques. Nous jugeons anormal qu'une entité qui apporte des capitaux au Canada, en vue de brasser des affaires, et donc de bien servir les clients canadiens, soit tenue de payer un impôt sur le capital avant que celui-ci ne soit mis à contribution. À nos yeux, c'est un régime punitif qui dissuade la croissance.
M. Stammati a soulevé toute une série de questions sur la fiscalité qui, à mes yeux, devraient être abordées.
Les banques de l'annexe I ont fait valoir que le marché se mondialise et que, dans le contexte, nous entendrons faire croître notre entreprise au Canada et offrir aux Canadiens les bienfaits et les avantages de la gamme de services de la Deutsche Bank.
Les clients canadiens sont de plus en plus conscients du contexte international, et des entreprises bien en vue comme Northern Telecom, Bombardier et Magna démontrent ce dont les Canadiens sont capables à l'étranger. Voilà où la Deutsche Bank peut offrir un service selon nous -- nous comptons de nombreux bureaux dans 56 pays. Non seulement nous pouvons faciliter l'avancement des entreprises canadiennes dans un monde plus ouvert, mais encore, nous pouvons mettre cette ouverture au profit des Canadiens, en faisant s'accroître le choix, la concurrence et les liquidités.
Le gouvernement du Canada, le Banque du Canada et certaines provinces canadiennes se sont aussi prévalues de nos services. Je crois que le comité ne sera pas étonné de savoir que la Deutsche Bank, grâce à une fine compréhension des marchés financiers, peut offrir des avantages notables aux clients comme le gouvernement du Canada, quand celui-ci cherche à amasser quatre milliards de dollars en devises autres que canadiennes.
Au Canada, nous sommes particulièrement fiers d'évoluer dans le secteur des richesses naturelles et de constituer le centre mondial des activités de la Deutsche Bank AG en ce qui concerne les mines et les métaux. Nous offrons aux entreprises canadiennes qui sont nos clientes une vaste connaissance du monde du crédit, des marchés financiers, des titres d'emprunt et ainsi de suite. Nous les aidons ainsi à vraiment s'internationaliser. On a qu'à ramasser un journal le matin pour constater que des entreprises comme Placer Dome, Barrick, Inco et combien d'autres occupent une place importante sur la scène mondiale. Leurs intérêts dans le domaine minier, malgré les activités importantes qu'elles exercent au Canada, vont bien au-delà des frontières de notre pays.
Quant à la réglementation, on semble craindre beaucoup que la réglementation des banques étrangères au Canada ne serait pas adéquate si celles-ci pouvaient exploiter des succursales. À nos yeux, la permission pour les banques étrangères d'exploiter des succursales au Canada ne priverait pas le BSIF de l'accès au genre de renseignements qu'il lui faut pour déterminer si une entreprise s'en tient à des pratiques commerciales à la fois saines et prudentes.
Étant donné le degré de compétence des instances internationales de réglementation sur le marché d'aujourd'hui, le comité ne devrait pas craindre qu'une telle démarche se révèle nuisible ou même dangereuse pour les entreprises et les consommateurs au Canada.
Permettez-moi de faire un résumé, car vous dites manquer de temps. Je vais simplement faire un survol des nombreux arguments que je viens d'énoncer.
Nous sommes d'avis que si le débat général sur la fusion des banques de l'annexe I a pour effet de retarder le mouvement en faveur de l'ouverture de succursales de banques étrangères au Canada, voire de faire en sorte que le dossier s'embourbe même, les banques de l'annexe II demeureront assujetties à des principes de réglementation inéquitables. Les clients -- les grandes sociétés, les institutions et l'acheteur au détail -- en subiront les contrecoups: moins de choix sur un marché restreint.
Cela inhibera la croissance de la Deutsche Bank et d'autres banques étrangères, qui engageront moins de Canadiens compétents qui ont les connaissances voulues pour travailler dans leur domaine. Je vous demande d'essayer de déterminer si cela nuirait considérablement au marché. Nous avons besoin de faire en sorte que notre secteur des services financiers soit à la fois vital et concurrentiel.
Le comité doit s'acquitter d'une tâche importante, c'est-à-dire commenter l'avenir du secteur canadien des services financiers, notamment pour ce qui touche la forme qu'il prendra. Nous croyons que le marché dont il est question ici doit avoir pour trait caractéristique l'impartialité et l'équité, tout en offrant aux clients -- les entreprises aussi bien que les particuliers -- le plus vaste éventail possible de produits, au meilleur prix possible.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité.
Le sénateur Austin: Merci beaucoup d'être venu nous présenter cet exposé. Il y a une chose que je veux comprendre: la proposition visant à permettre aux banques étrangères d'exploiter des succursales au Canada, qui demeure en suspens quelque part, règle-t-elle la difficulté que vous éprouvez en ce qui concerne l'entreprise de services financiers que vous avez achetée d'ITT? Appliquerait-on alors la réglementation dont ont convenu le BSIF et l'organisme allemand de réglementation?
M. Zelenczuk: Même si les règles concernant les succursales bancaires nous permettaient de posséder une entreprise à l'intérieur de la succursale pour ainsi dire, cela ne réglerait pas le problème.
Le sénateur Austin: Cela ne le réglerait pas.
M. Zelenczuk: Non. L'entreprise serait toujours réglementée comme s'il s'agissait d'une banque. Ce que nous avons besoin de faire, c'est de créer une structure juridique distincte pour cette entreprise particulière, hors du champ de la réglementation.
Le sénateur Austin: Vous auriez alors une banque à succursales et une filiale autorisée.
M. Zelenczuk: Tout à fait.
Le sénateur Austin: Votre entreprise achetée auprès d'ITT serait alors dans la même catégorie que toute autre banque de deuxième niveau pour ce qui est de la capacité concurrentielle.
M. Zelenczuk: Nous serions alors dans la même catégorie que des concurrents comme Newcourt Credit, qui n'est pas soumise à la réglementation.
Le sénateur Austin: Recevez-vous des dépôts au détail, au Canada?
M. Zelenczuk: Non.
Le sénateur Austin: Si vous ne recevez pas de dépôt au détail, quel est selon vous l'objet de la réglementation du BSIF?
M. Zelenczuk: Le BSIF a la responsabilité de réglementer le secteur bancaire pour ce qui touche le détail autant que le gros. Il a repéré certaines normes commerciales prudentes que nous observons, comme il le constate en nous soumettant périodiquement à des vérifications, indépendamment du fait que nous prenions ou non des dépôts au détail.
Le sénateur Austin: Newcourt et GE Capital n'ont pas ce genre d'entreprise au Canada.
M. Zelenczuk: Ils ne prennent pas de dépôts au détail et ils ne sont pas réglementés par le BSIF. Ils se financent eux-mêmes sur le marché de gros.
Le sénateur Austin: En quoi cela diffère-t-il de ce que vous faites? Vous n'acceptez pas les dépôts au détail et vous vous financez vous-mêmes sur le marché de gros.
M. Zelenczuk: Sauf que nous sommes réglementés par le BSIF, alors que Newcourt ne l'est pas.
Le sénateur Austin: J'essaie de comprendre la distinction véritable qui existe entre Newcourt, par exemple, et votre société de financement -- qui est réglementée par le BSIF.
M. Zelenczuk: Le BSIF réglemente nos activités de financement comme si nous étions un élément ordinaire du secteur bancaire parce qu'il nous a fallu inclure cela comme élément de la banque lorsque nous avons fait l'acquisition en 1995.
Le BSIF examine nos activités de financement de la même façon qu'il examine nos activités de crédit, nos opérations de change.
Le sénateur Austin: La réglementation du BSIF s'appliquerait-elle si c'est Newcourt qui avait fait l'acquisition?
M. Zelenczuk: Non, elle ne s'appliquerait pas. La réglementation du BSIF s'applique parce qu'il se trouve que c'est la propriété d'une banque. C'est pour cela que la réglementation du BSIF entre en jeu.
Le sénateur Austin: Je comprends. Y a-t-il une raison prudentielle sous-jacente, à votre connaissance, qui explique que c'est réglementé?
M. Zelenczuk: Seulement que c'est la propriété d'une banque.
Le sénateur Austin: Je devrai me contenter de cette réponse, que j'apprécie d'ailleurs.
Pourquoi ne vous engagez-vous pas dans le secteur des services bancaires de détail au Canada? Comme vous êtes la troisième banque mondiale du point de vue de l'actif, vous devez avoir des systèmes qui vous rendent justement très concurrentiels sur le marché canadien de détail.
Nous avons entendu dire -- de la part de Youssef Nasr de la Banque Honkong, par exemple -- qu'il serait difficile de s'engager sur le marché de détail pour une organisation canadienne non affiliée. Toutefois, avec le soutien d'un groupe bancaire international du point de vue de la technologie et des ressources humaines, il est en mesure de fournir un service de détail à un prix concurrentiel. De fait, je crois qu'il nous a dit que la sienne était la banque canadienne la plus rentable pour ce qui est du rendement des capitaux propres.
Pourquoi la Deutsche Bank n'est-elle pas en mesure de faire de même?
M. Zelenczuk: Je vais essayer de parler au nom de la banque mère, même si je ne participe pas beaucoup à son processus de planification stratégique. La Deutsche Bank a déterminé qu'elle souhaitait se concentrer davantage sur un créneau au Canada, c'est-à-dire qu'elle veut se consacrer au secteur national des ressources, même si elle mène d'importantes activités de détail en Europe, hors de son pays d'origine, l'Allemagne. La décision stratégique a été prise: il s'agit de ne pas s'engager sur le marché de détail en Amérique du Nord.
Le sénateur Austin: Je sais que vous ne parlez d'aucune façon au nom de la banque mère. Les questions vous sont adressées parce que vous avez une expérience générale du domaine bancaire au Canada. Si la structure d'imposition du capital était modifiée et que les règles du jeu équitables étaient en fait appliquées au Canada, est-ce que, selon vous, la Deutsche Bank trouverait cela intéressant ou encore a-t-elle mieux à faire avec son capital?
M. Zelenczuk: Je crois que la banque mère pourrait, à ce moment-là, légitimement explorer les possibilités économiques de l'exploitation d'une organisation de détail au Canada.
Le sénateur Austin: Je veux approfondir le sujet parce que nous avons beaucoup entendu parler, dans le rapport MacKay aussi bien que de la part des témoins, du côté énergique des banques étrangères et du fait que les banques de deuxième niveau brûlent d'envie de venir concurrencer les grandes. Nous cherchons à savoir à quoi cette énergie est appliquée.
M. Zelenczuk: Nous brûlons certainement d'envie de les concurrencer dans le secteur de gros.
Le sénateur Austin: Nous songeons en ce moment à l'acheteur au détail, à l'endroit où il peut obtenir des services, disons à Melfort, en Saskatchewan.
Le vice-président: Ou à Kamloops, en Colombie-Britannique.
Le sénateur Austin: Tout à fait. Je voulais vous interroger sur les banques et le secteur minier. Quel genre d'expertise faut-il acquérir pour offrir des services bancaires dans le secteur minier à l'échelon international? Êtes-vous un banquier international pour les sociétés minières?
M. Zelenczuk: Oui, c'est ce que nous faisons. Notre effectif au Canada compte des banquiers, des géologues et des travailleurs chevronnés du secteur minier, qui se sont joints à nous pour servir le secteur des métaux et des mines. Nous avons des employés non seulement ici au Canada, mais encore, ailleurs, par exemple en Afrique du Sud, en Australie, à Londres, à New York.
Le sénateur Austin: Et ils rendent des comptes au Canada?
M. Zelenczuk: Oui. Ils servent leurs clients à ces endroits, aussi bien que les clients canadiens qui exercent des activités dans ces régions du monde. Dans les régions où nous n'avons pas de bureaux, par exemple au Chili, nous allons là aussi avec nos clients.
Le sénateur Austin: Vous exploitez en quelque sorte une banque omniservices, et si le client a besoin de capitaux propres, vous pouvez proposer des options, et cela s'applique aussi au cas des emprunts, n'est-ce pas?
M. Zelenczuk: Tout à fait. Nous pouvons leur offrir des conseils et souscrire des capitaux propres ou souscrire une dette. Nous faisons des opérations sur actions pour eux.
Le sénateur Austin: Vous faites également des opérations sur marchandises; vous offrez donc un service universel à l'industrie minière.
M. Zelenczuk: Tout à fait, en plus de leur consentir du crédit.
Le sénateur Austin: Outre le crédit au sens classique, il y a bien des façons de faire de l'argent, et les institutions financières semblent être assez habiles pour en trouver. Merci beaucoup de nous avoir fourni ces réponses.
Le sénateur Callbeck: J'ai quelques questions courtes à poser. Vous dites fournir des services bancaires d'investissement et des services relatifs aux valeurs mobilières à des sociétés clientes. Est-ce seulement dans le secteur minier?
M. Zelenczuk: Notre attention au Canada est concentrée principalement sur le secteur minier, mais nous servons aussi d'autres clients et d'autres institutions. Du côté des achats, par exemple, nous nous occupons de caisses de retraite -- nous leur vendons des titres de créance et des titres de participation. Nous servons le gouvernement canadien, et nous avons d'autres sociétés clientes dans les secteurs des télécommunications, des biens de production et de l'énergie.
Le sénateur Callbeck: Vous voulez vraiment demeurer dans le secteur minier?
M. Zelenczuk: Notre principale activité concerne le secteur minier, mais nous avons aussi d'autres clients.
Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de l'impôt sur le capital, dont nous avons beaucoup entendu parler, et vous avez dit aussi que vous êtes présents dans 56 pays?
M. Zelenczuk: Oui.
Le sénateur Callbeck: Le Canada est-il le seul pays où vous versez un impôt sur le capital?
M. Zelenczuk: Je ne connais pas la réponse à cette question.
Le vice-président: J'ai une question pour faire suite à la question du sénateur Austin à propos de la réglementation du crédit-bail au Canada.
Vous êtes visiblement soumis à la réglementation de votre pays d'origine, l'Allemagne. N'est-ce pas?
M. Zelenczuk: L'Allemagne réglemente les opérations allemandes.
Le vice-président: Est-ce qu'elle réglemente aussi vos activités extraterritoriales, vos entreprises canadiennes et américaines? Le pays d'origine regarde-t-il l'ensemble?
M. Zelenczuk: Je crois que, dans les cas où nous sommes une succursale d'une banque mère, elle réglementerait les activités en question. Lorsque nous exploitons une filiale, comme nous le faisons au Canada, elle s'en remet aux autorités locales de réglementation.
Le vice-président: Merci beaucoup. Nous n'avons plus de questions.
Le Dr Joseph Y.K. Wong, Village Medical Clinic: Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de présenter mes idées sur les fusions bancaires projetées.
Premièrement, j'aimerais vous dire un peu qui je suis. Je suis venu au Canada il y a 30 ans environ, à l'âge de 19 ans. J'ai obtenu mon diplôme en génie électrique de l'Université McGill et mon doctorat en médecine de l'Albert Einstein College of Medicine, à New York. Aujourd'hui, j'exerce la profession de médecin dans le centre-ville de Toronto.
Ces 20 dernières années, j'ai beaucoup participé à des services bénévoles et à des services communautaires, j'ai aidé des réfugiés de la mer de l'Asie du Sud-Est, j'ai lutté contre la discrimination et l'injustice. J'ai aidé à amasser des fonds pour diverses causes, notamment pour des secours en cas de famine, des recherches médicales, Centraide et la construction d'établissements de soins gériatriques.
J'ai présidé la section du Grand Toronto de Centraide de 1990 à 1992. Aujourd'hui, je suis président honoraire de Centraide, ici même.
Je suis le président fondateur de la Yee Hong Community Wellness Foundation et du Yee Hong Centre for Geriatric Care, établissement où on s'occupe de quelques milliers de personnes âgées d'origine chinoise tous les jours dans un contexte culturel et linguistique approprié.
Je suis aussi président-fondateur du National Movement for Harmony in Canada, organisme établi en 1994 pour promouvoir l'harmonie et la bonne entente entre les Canadiens, la diversité et la tolérance, l'appréciation des différences. Voilà quelques-uns seulement des nombreux services dans lesquels je suis engagé, et je lutte pour les déshérités depuis 20 ans.
J'aimerais exposer pour vous aujourd'hui mes idées personnelles sur les services financiers en tant qu'ils s'appliquent à la communauté chinoise, et sur les fusions bancaires proposées.
Vous avez sûrement lu, tout comme je l'ai fait moi-même, quantité de propos négatifs sur la fusion des banques dans les journaux, surtout ces derniers temps. Je ferai simplement une mise en garde: n'allez pas claquer la porte parce que c'est la chose la plus facile à faire d'un point de vue politique. Personnellement, je veux voir des institutions financières canadiennes qui sont fortes, qui sont capables de concurrencer les meilleurs dans le monde. La tendance mondiale en faveur du libre-échange et de la libre circulation du capital est telle qu'il faut que les institutions financières canadiennes deviennent suffisamment solides, pour ce qui est de la taille du capital et du savoir-faire technologique, pour concurrencer des colosses étrangers.
Des grandes institutions financières fusionnent partout dans le monde industrialisé. À mon avis, nous ne pourrons nous permettre de rester là à ne rien faire pendant que nos institutions financières sont réduites à l'insignifiance, n'ayant plus l'influence ou la vigueur nécessaire pour protéger nos intérêts nationaux.
Je crois que le véritable enjeu, pour le Bureau de la concurrence du Canada et pour les autorités antitrust chargées d'étudier le processus de fusion des banques, c'est de veiller à la survie d'une concurrence nationale efficace pour protéger les intérêts des Canadiens ordinaires et des petites entreprises, et de veiller à l'accessibilité des services financiers dans les petites localités.
Cela est surtout attribuable à des raisons de marketing, mais je me réjouis tout de même de constater que les institutions financières deviennent sensibles aux néo-Canadiens de la communauté chinoise, en leur offrant une multitude de services en cantonais et en mandarin, de même qu'en anglais.
Sur une note personnelle, je signalerai que de nombreuses institutions financières canadiennes m'ont prêté main-forte dans mes diverses oeuvres de bienfaisance. En particulier, la Banque de Montréal nous a apporté une aide des plus utiles et une contribution indispensable à la campagne «Sauvons Elizabeth» pour le recrutement de donneurs de moelle osseuse compatibles, les secours durant la famine en Corée du Nord et le Yee Hong Centre for Geriatric Care.
Très souvent, les banques contournent les règles pour aider les gens dans les causes humanitaires. Cela ne me gêne pas de prendre parti pour la justice, même si ce n'est peut-être pas politiquement sage de le dire.
Nombre des autres institutions financières, et notamment Canada Trust, dont je suis un administrateur, soutiennent fortement la communauté chinoise et un grand nombre de nos oeuvres de bienfaisance.
Cela vaut la peine de le signaler, tout de même: la Banque de Montréal et la Banque Royale ont promis de donner 250 millions de dollars au cours des cinq prochaines années à des oeuvres de bienfaisance dans tout le Canada. C'est une grande augmentation, par rapport aux quelque 30 millions de dollars qu'elles donnent les deux, ensemble, aujourd'hui.
Si les deux banques ont très bien défendu nombre d'oeuvres de bienfaisance chinoises, je ne saurais trop insister sur l'importance du soutien additionnel qui nous sera donné.
Je suis prêt à répondre à toute question que vous voudrez bien me poser.
Le sénateur Callbeck: Docteur Wong, vous avez parlé du fait que les institutions financières deviennent plus sensibles aux Chinois.
Y a-t-il des recommandations que vous aimeriez faire ajouter au rapport MacKay?
Le Dr Wong: Dans la communauté chinoise, je crois que c'est surtout, comme je l'ai dit, des besoins de marketing qui se font sentir, car il y a cette énorme communauté, et nous avons accueilli un grand nombre de néo-Canadiens ces dix ou quinze dernières années. Je crois que les institutions financières canadiennes vont continuer à vouloir traiter avec les néo-Canadiens dans les langues appropriées.
Le sénateur Austin: Docteur Wong, Vous dites que, de votre point de vue, les milieux financiers canadiens offrent un soutien solide et sensible au marché à la communauté chinoise au Canada. Est-ce bien cela?
Le Dr Wong: Et aux nombreuses oeuvres de bienfaisance dans lesquelles je suis engagé.
Le sénateur Austin: Vous ne critiquez d'aucune façon la compétitivité des banques ou le service qu'elles fournissent?
Le Dr Wong: Non, pas du tout. De fait, ce sont d'excellents concurrents, et j'encourage cela.
Au conseil d'administration chez Canada Trust, je m'appliquais surtout à promouvoir ce genre de technique de marketing, et je suis heureux de constater que nombre d'institutions financières font de même.
Le sénateur Austin: En termes généraux, dites-vous que Canada Trust et les six grandes banques sont tous également munis et suffisamment concurrentiels pour répondre aux besoins de la communauté chinoise en ce qui concerne les affaires?
Le Dr Wong: Oui, justement.
Le vice-président: Merci beaucoup, monsieur Wong.
La séance est levée.