Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 39 - Témoignages pour la séance du matin
OTTAWA, le jeudi 5 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est réuni ce matin à 9 heures pour étudier l'état actuel du système financier au Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens.)
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: C'est aujourd'hui le dernier jour où nous entendons des témoignages sur cette question. Nous aurons siégé pendant 150 heures en un peu plus de cinq semaines. Nous nous sommes déplacés d'un bout à l'autre du pays.
Pour commencer ce dernier jour, nous accueillons, M. François Beaudoin, président-directeur général et M. Michel Vennat, le nouveau président du conseil.
M. Michel Vennat, président du conseil, Banque de développement du Canada: Au nom de la Banque de développement du Canada, la BDC, nous sommes heureux de vous faire part de notre point de vue sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada, et plus particulièrement en ce qui a trait au financement des PME.
Nous serons également heureux de présenter au comité un compte rendu des activités de la BDC depuis que vous lui avez confié, un nouveau mandat, il y a de cela trois ans, modifiant la loi qui la régit.
[Français]
Alors que le Canada s'apprête à entrer dans le XXIe siècle, le secteur des services financiers jouera un rôle fondamental pour la prospérité du Canada en tant que nation. Nous avons vu ailleurs, même dans des pays très industrialisés, qu'un système de services financiers déficient peut entraver le marché et ériger des obstacles qui entraînent inévitablement un déséquilibre économique.
Heureusement, le secteur des services financiers canadien est solide et axé sur le progrès, grâce en partie au travail que vous et vos prédécesseurs avez accompli au fil des ans au sein de ce comité sénatorial. Les temps changent et l'évolution incessante de la technologie de l'information accélère le rythme du changement.
Au Canada, les fournisseurs de services financiers n'ont d'autre choix que d'emboîter rapidement le pas pour continuer de devancer leurs concurrents et s'assurer que tous les Canadiens et les Canadiennes, j'insiste sur le mot «tous», ont accès aux meilleurs services financiers du monde et ce, à prix abordable. Ceci vaut, bien entendu, pour les petites et moyennes entreprises canadiennes.
[Traduction]
Il est important que l'accès des PME au financement ne se détériore pas. Je dirais que vous avez l'occasion d'aller encore plus loin en améliorant le cadre du financement des PME au Canada. Bien qu'elles forment un secteur dynamique et en plein essor, un trop grand nombre de PME ont encore le sentiment que l'accès au financement n'est pas adéquat.
Le secteur des PME contribue de façon vitale à la création d'emplois, à l'innovation et au PIB global, de telle sorte qu'une amélioration de l'accès au financement peut stimuler la croissance économique de toutes les régions du pays. C'est pourquoi je vous prie instamment, lorsque vous évaluerez le secteur des services financiers et que vous formulerez vos conclusions, d'accorder la priorité aux intérêts de nos PME, d'un océan à l'autre, et de veiller à ce qu'elles aient accès à des services financiers concurrentiels et efficients.
Les PME sont la raison d'être de la BDC, et celle-ci s'est fort bien acquittée du mandat que vous lui avez confié il y a trois ans.
Depuis ma nomination au poste de président du conseil de la BDC, en juin dernier, j'ai été très impressionné par la nature et le niveau des services que la Banque offre aux PME canadiennes. Bien qu'elle appartienne au gouvernement, la Banque est gérée comme une entreprise commerciale, à la façon du secteur privé, qualité qu'apprécient grandement ses clients.
Elle s'est aussi montrée très novatrice, surtout depuis 1995. La BDC est maintenant reconnue comme un chef de file lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins de financement à long terme et de capitaux de croissance des PME, et plus particulièrement ceux des industries fondées sur le savoir et des exportateurs.
[Français]
À mesure que le secteur des services financiers évolue, la BDC est bien placée pour s'assurer que les besoins de financement des PME sont comblés de façon compétente et efficace. De même, je peux vous assurer que la banque répondra rapidement aux nouveaux besoins qui pourraient se manifester sur le marché, comme il l'a fait par le passé par l'intermédiaire des services novateurs et de partenariat.
Maintenant, monsieur le président, avec votre permission, j'inviterai M. François Beaudoin, notre président et chef de la direction, à vous faire part de ses observations au nom de la BDC.
M. François Beaudoin, président et chef de la direction, Banque de développement du Canada: Monsieur le président, comme M. Vennat le mentionnait, les défis et les possibilités qui s'offrent à nos institutions financières sont nombreux et complexes. Je fais l'éloge ici du groupe de travail de M. McKay, qui les a présentés clairement aux Canadiens. Le groupe de travail a aussi fait ressortir la nécessité d'un changement dans la structure de notre secteur des services financiers, afin que les Canadiens puissent continuer d'avoir accès à des services abordables et de première qualité ainsi qu'à des institutions financières solides et viables.
À la Banque de développement du Canada, la BDC, nous nous sommes adaptés aux changements. Il y a trois ans, le Parlement nous a donné un nouveau mandat en modifiant la loi de la BDC. Ce faisant, le gouvernement visait surtout à faire de la banque un fournisseur plus actif de services financiers et de services de gestion- conseil aux PME canadiennes.
[Traduction]
La BDC est une institution autosuffisante, à vocation commerciale, qui ne coûte rien aux contribuables.
Avec l'appui total du gouvernement et du ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley, je suis heureux de dire que la BDC remplit son mandat et j'aimerais faire le point rapidement sur ses activités. Je vais vous montrer quelques-uns des résultats ces dernières années.
Ce premier tableau indique les prêts et cautionnements autorisés pendant la période entre 1993 et Vous constaterez que nos activités ont plus que doublé pendant cette période. En 1993, nous avons accordé 641 millions de dollars à la petite entreprise au Canada. L'année dernière nous avons accordé 1,4 milliards de dollars de financement aux PME. Il s'agit d'une augmentation de 20 p. 100 par rapport à l'année précédente.
J'aimerais également attirer votre attention sur les fonds propres et les quasi-fonds propres, le secteur le plus risqué probablement puisque la demande la plus forte provient des industries fondées sur le savoir et les entreprises de technologie. Nous donnons une ventilation en fonction des fonds propres qu'offre notre division du capital de risque et les quasi-fonds propres, un nouvel instrument mixte que nous avons lancé. Entre 1993 et 1998, notre participation s'est multipliée par neuf, passant de 22 à 184 millions de dollars.
Une partie importante de notre mandat lorsque nous nous sommes présentés devant vous il y a trois ans, visait à servir les industries qu'on qualifie du «savoir» et les exportateurs.
[Français]
En pourcentage. Durant cette période, alors que cela représentait 15 p. 100 de nos nouveaux prêts en 1994, la banque a augmenté ce pourcentage en 1998, et c'est le pourcentage du 1,4 milliard de dollars que je vous ai montré plus tôt, à 39 p. 100. La direction de la banque, au cours des années à venir, devrait voir ce pourcentage se diriger vers les 50 p. 100. En fait, un partage égal entre les entreprises des secteurs traditionnels, des entreprises du savoir et exportatrices.
[Traduction]
À la BDC le financement des emprunteurs présentant de plus grands risques s'est fait de façon rentable. Prouver que l'on pourrait venir en aide au secteur des PME de façon rentable faisait partie de notre mandat. J'ai ici un tableau qui montre les niveaux à profit réalisés entre 1996 et 1998. Vous constaterez une augmentation importante de la rentabilité. À compter de 1997 nous avons versé au gouvernement du Canada, notre actionnaire, des dividendes qui ont atteint 6 millions de dollars l'année dernière. Nous projetons que ces dividendes continueront à augmenter à l'avenir.
[Français]
Monsieur le président, en plus d'accroître d'année en année le financement qu'elle accorde, la BDC est devenue le principal fournisseur de services innovateurs aux PME.
[Traduction]
Nos produits dans le domaine des quasi-fonds propres -- prêts à redevances, capital patient, fonds de roulement à l'intention des exportateurs, pour n'en nommer que quelques-uns -- sont au premier rang du marché. Nous les avons conçus afin de répondre aux besoins particuliers en financement des industries du savoir et des exportateurs.
La BDC a été la première à offrir du capital aux fins de la réalisation de projets technologiques qui en sont à leur début. De concert avec des partenaires à l'échelle du pays, nous avons créé des fonds de capital de pré-démarrage. Ces fonds financent des projets jusqu'à ce qu'ils attirent les sociétés de capital de risque traditionnelles.
[Français]
Monsieur le président, la BDC a établi des partenariats avec toutes les institutions financières importantes du pays afin de rejoindre plus de PME de toutes les régions. Conjointement avec des banques à charte, nous offrons des programmes continus pour soutenir les jeunes entrepreneurs et les industries du savoir.
Nous sommes entrés dans l'ère du commerce électronique en lançant BDC Connexe, une banque virtuelle accessible par Internet. Grâce à ces services, nos clients peuvent faire affaire avec nous électroniquement. Dans ce sens, BDC Connexe va plus loin que ce que Wells Fargo peut faire au Canada et aux États-Unis pour les PME.
Pour aider la PME à passer de façon harmonieuse à l'an 2000, nous offrons des programmes de prêts pour l'an 2000. Il s'agit d'un programme global qui comprend des questionnaires de diagnostique et qui permet de fournir du financement pour adapter des logiciels et du matériel à l'an 2000.
[Traduction]
Monsieur le président, lorsque nous examinons le secteur des PME au Canada aujourd'hui, nous constatons qu'il est plus dynamique et plus innovateur que jamais. À la BDC, nous savons eu la chance, et le plaisir, d'être associés à certaines des entreprises canadiennes les plus dynamiques.
Par exemple, nous avons été parmi les tout premiers à investir dans Ballard Power lorsque sa technologie venait tout juste d'être développée. Dans la région de l'Atlantique, la BDC a financé Seagull Pewter. Au Québec, elle a investi dans Cinar quand l'entreprise était encore jeune. En Ontario, nous avons financé Roots. Dans les Prairies, BioStar est un client de la BDC.
J'ai utilisé ces entreprises comme exemples parce qu'au moment où nous les avons aidées, beaucoup considéraient qu'elles représentaient un risque, voire un risque élevé. Mais, en tant que seule institution spécialisée dans le financement des PME, la BDC a jugé que ces entreprises prometteuses et dynamiques avaient besoin de capitaux de croissance. J'ai utilisé ces clients de la BDC comme exemples également parce qu'ils représentent les genres d'entreprises d'avenir du Canada, et, surtout, les genres d'entreprises que les institutions financières canadiennes doivent soutenir.
Dans son rapport sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, le Groupe de travail MacKay recommande:
Que les institutions financières canadiennes soient disposées à faire crédit aux emprunteurs à risque supérieur [...] grâce à des formules de financement plus innovatrices, tarifées en conséquence.
[Français]
Nous sommes totalement d'accord avec cette recommandation. J'ajoute que le groupe de travail a souligné le rôle important que joue la BDC dans le financement des PME. Il a aussi souligné l'innovation dont elle fait preuve en lançant de nouveaux instruments de partage du risque et, plus particulièrement, des instruments de financement par quasi-fonds propres.
[Traduction]
Les PME sont de gros utilisateurs de services financiers, monsieur le président. En fait, elles dépendent beaucoup de ces services pour survivre. J'espère donc qu'en examinant le rapport du Groupe de travail MacKay et vos propres conclusions, vous accorderez une attention particulière et la priorité aux effets qu'aura l'évolution du secteur des services financiers sur les PME.
L'une des principales préoccupations des PME réside dans les projets de fusion des banques à charte. Je sais qu'elles s'inquiètent de l'évolution future du secteur des services financiers et qu'elles se posent beaucoup de questions qui demeurent sans réponse. Les PME demandent ce qui arrivera à leurs marges de crédit et au choix des services financiers qui leur sont offerts si des banques à charte fusionnent. Il s'agit là de questions fondamentales pour elles et elles attendent des réponses dans les mois à venir.
De nombreuses PME trouvent que l'accès au financement est déjà restreint à cause du nombre limité de sources de financement sur le marché. Comparativement au début des années 90, moins de sources de financement sont offertes aux PME aujourd'hui. Par exemple, les sociétés de fiducie et les compagnies d'assurances étaient des prêteurs actifs mais elles ont abandonné ce rôle. À cet égard, je souscris à la recommandation du groupe de travail MacKay selon laquelle il faut attirer sur le marché de nouvelles institutions financières venant à la fois du Canada et de l'étranger. Il faut aussi des règles du jeu équitables afin de favoriser l'établissement d'institutions financières qui serviront le secteur des PME.
La venue de nouveaux participants dans l'industrie bancaire favoriserait la concurrence et stimulerait l'innovation. Je vous prie donc instamment d'examiner les règles régissant la venue de nouveaux participants dans le secteur bancaire canadien et de déterminer comment promouvoir les intérêts des PME.
Si l'on accorde une attention réelle et la priorité aux PME, cela améliorera, selon moi, l'accès des PME au financement à l'échelle du pays. Par conséquent, je suis également d'accord avec l'idée de créer une banque spécialisée dans les PME, ainsi que l'ont proposé deux banques à charte.
À la BDC, les PME sont notre seule raison d'être. C'est ce qui fait que nous nous concentrons sur leurs besoins et que nous nous employons à y répondre de façon innovatrice tout en demeurant rentables. Le marché doit accorder une attention toute particulière aux PME, et c'est ce que les banques spécialisées dans les PME peuvent permettre de faire.
Le rapport du groupe de travail MacKay a souligné le fait que le Canada est un marché concentré et, quelle que soit l'issue des projets de fusion de banques, il faut que le marché canadien offre plus de sources de financement. Aujourd'hui, la BDC constitue une source complémentaire de financement à terme et de capital de risque pour les PME. Dans un environnement en évolution, elle peut être appelée à jour un rôle encore plus grand. Nos clients nous disent qu'ils veulent que la BDC aient un champ d'action plus vaste et offre un plus large éventail de produits financiers adaptés à leurs besoins. Nous sommes prêts à répondre à cette demande dans les limites de notre mandat.
J'aimerais conclure en disant que je crois que la BDC a bien servi les PME. À la veille de la prochaine restructuration importante du secteur des services financiers au Canada, la BDC va se surpasser. Elle va utiliser tous les moyens dont elle dispose pour prévoir l'évolution des besoins et pour fournir des solutions nouvelles et innovatrices en matière de financement. Nous sommes présents d'un océan à l'autre, et nos efforts sont axés sur les entreprises qui seront les chefs de file de demain au Canada dans leurs secteurs d'activité respectifs.
Le président: Merci beaucoup. Vous dites dans votre mémoire que vous êtes une institution autosuffisante, à vocation commerciale qui ne coûte rien au contribuable. Je me demande donc pourquoi vous êtes une société d'État. De toutes façons ce n'est pas l'objet de la discussion aujourd'hui. Cela nous ramène au rapport que notre comité a déposé sur les institutions financières de la Couronne. Nous avions espéré que ce rapport représenterait le premier jalon de l'élimination progressive de la participation directe du gouvernement à ce secteur.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Une des questions très importantes est celle de l'accessibilité des PME à des fonds pour la croissance de leur entreprise et, parfois même, pour la création de leur entreprise. Vous opérez, à l'heure actuelle, 85 succursales. Vos partenaires financiers dans le secteur privé ont des centaines de succursales. Avez-vous des plaintes concernant l'accessibilité de vos services?
M. Beaudoin: Je dirais qu'au contraire, du fait que la banque a augmenté le nombre de succursales au cours des années, de façon non pas importante mais posée et aux bons endroits, du fait qu'on a maintenant accès de façon virtuelle à la banque, nous sommes dans une période où notre clientèle perçoit que nous sommes beaucoup plus présents et accessibles.
Nos succursales, il y a peut-être une dizaine d'années, se trouvaient dans des tours un peu anonymes, des bureaux que l'on avait de la difficulté à trouver. Elles sont aujourd'hui, à travers le pays, au centre-ville, au rez-de-chaussée, accessibles et très visibles. La combinaison de cette visibilité et de cette accessibilité nous rend beaucoup plus proches de notre clientèle. Je dirais que ce n'est pas un élément qui ressort. C'est probablement en fonction de la croissance de nos activités et de notre visibilité que ce commentaire est fait.
Le sénateur Hervieux-Payette: Comment desservez-vous la clientèle qui se trouve en dehors des grandes villes? On a quand même 80 p. 100 de la population située dans les milieux urbains, et 20 p. 100 en milieu rural. Avez-vous, pour les PME qui démarrent dans ces régions éloignées, des modalités de livraison et des services de livraison de votre banque, comme dans une grande ville comme Montréal?
M. Beaudoin: Il faut comprendre qu'avec 85 bureaux, on a quand même un réseau qui est très important pour desservir le Canada. En fait, environ 60 p. 100 de nos activités proviennent de centres non urbains. Il s'agit d'une activité importante pour nous. Avec le réseau de succursales, on rejoint toutes les localités. Lorsqu'on n'est pas présent dans une région, la région la plus proche de la localité va organiser des visites dans cette localité à des dates précises. On va utiliser les locaux de chambres de commerce pour mettre un représentant en contact avec la communauté des affaires.
Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, selon vous, votre société dessert toutes les communautés du Canada qui auraient besoin des services de la BDC.
M. Beaudoin: L'accès est présent et au cours des années qui vont suivre, nous allons toujours chercher à voir si le volume d'activité est suffisamment important pour justifier une présence permanente. Cela se fait sur la base d'analyses de marché et de notre volume. Je dois dire que la semaine dernière, j'inaugurais deux nouvelles succursales, une à North York, à Toronto, et une à Pointe-Claire, au Québec, qui avaient connu une croissance importante de leurs activités. J'inaugurais aussi récemment, à Vancouver, notre nouvelle succursale principale. Ce sont des exemples d'accroissement de présence dans le but de desservir les besoins des différentes localités.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans le même esprit, si on élargissait votre mandat -- vous en parlez dans votre mémoire -- pour servir des sociétés autres que des sociétés offrant des prêts aux entreprises et qui complètent la gamme des services bancaires, dans ce cas, pourriez-vous considérer, comme certains nous l'ont suggéré, l'utilisation des bureaux de poste à travers le Canada pour offrir un point de service en milieu rural pour les transactions de base aux citoyens? Est-ce qu'une société comme la vôtre pourrait élargir son mandat et aller dans ce secteur pour pallier certaines carences du système privé?
M. Beaudoin: C'est une option qui mérite d'être étudiée. C'est une solution qui a été utilisée dans d'autres pays, il faudrait voir comment cela pourrait se faire dans le contexte canadien. Il faudrait aussi utiliser notre réseau d'institutions financières actuelles. Notre pays est choyé, car il a une représentation des sociétés de crédit, des banques à charte et des caisses populaires à travers le pays. Il s'agit de ne pas nécessairement répéter un réseau qui est déjà très fort. Il s'agit de l'utiliser. Il y a plusieurs exemples de coopération qui peuvent être mis sur pied en utilisant le réseau pour desservir la clientèle.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre mémoire, on ne trouve pas de demande précise concernant l'accès au système de paiements. En élargissant votre mandat, on pourrait penser à l'utilisation des guichets automatiques. Les hommes d'affaires qui font des emprunts chez vous doivent faire des paiements. Est-ce que votre société fait partie du système de paiements? Serait-elle intéressée à pouvoir utiliser les guichets automatiques pour sa clientèle de petites entreprises qui ont des comptes ouverts avec vous? Avez- vous déjà conclu des ententes avec vos partenaires dans le milieu bancaire?
M. Beaudoin: Il faut comprendre au moment où l'on se parle, la BDC ne peut pas transiger avec les dépôts de notre clientèle. La BDC ne peut pas offrir de marge de crédit d'opération à sa clientèle. Toute cette question d'être membre de l'association en est une qui demeure à l'étude dans le contexte global de l'étendue des services qui devraient être offerts par la BDC à sa clientèle.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez quand même des client qui doivent vous rembourser chaque mois une partie du capital et des intérêts. Si vous accordez des prêts, vous avez des milliers de clients qui doivent passer par une autre institution bancaire pour vous faire parvenir un paiement.
M. Beaudoin: Le système bancaire canadien nous sert très bien dans la mesure où nos clients peuvent déposer dans l'institution financière qu'ils choisissent et ces paiements nous sont acheminés par voie électronique. Les remboursements de nos prêts à terme se font de cette façon. En ce qui a trait aux dépôts et pour ce qui est d'être membre de l'association des paiements, c'est une autre étape, un palier d'implication différent au niveau de la PME.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons demandé à plusieurs grandes banques pourquoi elles n'allaient pas dans des comptes à risques plus élevés, qui vont chez vous et chez d'autres sociétés de prêt, pourquoi il n'y avait pas de modulation du taux d'intérêt en fonction du risque. Elles ont dit que cela porterait atteinte à leur réputation. Je suppose que d'avoir un taux d'intérêt plus élevé en fonction du risque n'a pas porté atteinte à votre réputation. Alors, quelle est la philosophie de la BDC par rapport aux prêts à risques plus élevés?
M. Beaudoin: La philosophie a été d'avoir une tarification qui reflétait le risque. Les PME nous disaient que l'accession au capital était le défi le plus important et que lorsqu'elles avaient du succès, elles n'avaient pas objection à le partager avec l'institution financière qui les avait supportées. Au cours des cinq dernières années, nous avons mis en application ce principe de partage du risque et du succès. Cela a été pour nous une façon d'obtenir des rendements compensant pour un risque plus élevé et de dégager les surplus que nous avons obtenus.
Le sénateur Hervieux-Payette: Certains clients paieront le taux de base, plus deux, trois, quatre ou cinq, selon la nature de l'évaluation du dossier faite par vos experts.
M. Beaudoin: Exactement. Lorsque je parlais de quasi-fonds propres, souvent, il y a un mode de rémunération qui exige une participation aux profits de l'entreprise. Nous partageons le succès. Si cela fonctionne, l'entrepreneur est intéressé à en partager une partie avec nous, mais nous prenons le risque de l'insuccès aussi.
[Traduction]
Le sénateur St. Germain: Pour en venir à ce que disait le président sur le fait que vous versez un dividende à l'actionnaire, ne croyez-vous pas que vous allez créer des attentes chez l'actionnaire qui pensera peut-être que vous pourriez cesser d'être une institution de financement pour des projets comportant de gros risques pour devenir vache à lait? Ne croyez-vous pas que ce danger existe?
M. Vennat: Sénateur, nous savons très bien à la banque quel est notre mandat. La question qu'a posée le président plus tôt en ce qui a trait à la propriété de la banque n'est pas un sujet sur lequel nous nous attardons. Nous avons déjà beaucoup à faire avec notre mandat actuel. Si le gouvernement et le Parlement décidaient d'élargir notre mandat, nous serions prêts à relever le défi. Pour l'instant, nous ne consacrons pas beaucoup de temps à cette question.
Le sénateur St. Germain: Qu'avez-vous fait pour faciliter l'accès au financement? Traditionnellement, les organismes gouvernementaux, peu importe leur domaine, avaient une administration si lourde que cela dissuadait les petites entreprises. Pour ceux d'entre nous qui ont oeuvré dans le secteur des petites entreprises, qui ont commencé avec absolument rien il y a 30 ou 40 ans, ce n'était pas une option viable. Présenter une demande était si compliqué que c'en était ridicule. Même avant que l'étude de votre demande ne soit terminée, vous étiez si découragé de vos contacts avec les fonctionnaires que vous abandonniez et que vous vous adressiez à la coopérative de crédit ou ailleurs pour céder tous vos avoirs en fait pour obtenir cette aide financière. Au moins là vous saviez que vous pouviez obtenir le financement dont vous aviez besoin. Est-ce que les choses ont vraiment changé?
M. Beaudoin: Je peux vous donner un exemple. BDC Connex, notre banque virtuelle, est ouverte sept jours par semaine, 24 heures par jour. Vous pouvez communiquer avec BDC n'importe quand. Le numéro est 1-888-INFO BDC. C'est facile à se rappeler. Nous promettons pour certains de nos produits, une solution dans les 24 heures.
J'ai mentionné plus tôt l'accès aux succursales de la BDC. C'était jadis tout un défi d'en trouver une. Nous avons désormais installé nos succursales au centre-ville, au rez-de-chaussée, elles sont accessibles et visibles. Nos heures d'affaires reflètent les besoins des petites entreprises. Nous nous rendrons chez l'entrepreneur. Nous lui apporterons les formulaires ainsi qu'un ordinateur pour qu'on puisse entrer les données nécessaires immédiatement pour qu'on puisse lui offrir l'aide financière d'ici deux semaines s'il s'agit d'un projet important.
Il s'agit là de certaines des initiatives que nous avons prises pour rendre l'accès plus facile.
Le sénateur St. Germain: L'accès est-il égal dans toutes les régions du pays? Je viens de la Colombie-Britannique et je me dois de poser cette question.
M. Beaudoin: C'est une bonne question, parce que c'est en Colombie-Britannique qu'on retrouve un des meilleurs accès.
Le sénateur St. Germain: Et le Manitoba et la Saskatchewan?
M. Beaudoin: On y offre de bons services. Nous devons chercher à offrir nos services à d'autres endroits.
La Colombie-Britannique, qui compte 14 succursales, représente un marché important de la BDC tout particulièrement en cette période où l'économie est durement ébranlée par l'état des marchés asiatiques. Nous prévoyons et nous avons l'intention de nous engager clairement dans cette province afin d'assurer qu'elle pourra se sortir d'affaire face à cette situation très troublante.
Le sénateur St. Germain: Monsieur Beaudoin, nous avons besoin de toute l'aide possible.
Peut-être que j'interprète mal les choses, mais vous dites que les petites entreprises disent: «Si la fusion des banques à charte est autorisée, qu'arrivera-t-il à ma marge de crédit?». J'ai fait affaire avec les banques à charte pendant plusieurs années et je ne crois certainement pas que les banques saborderaient leurs propres affaires. Leur rôle c'est de prêter de l'argent. Comme petit entrepreneur, je pense qu'il est possible qu'elles cherchent à rationaliser leurs services, une question comme celle que vous venez de nous donner me rend perplexe. Pourquoi est-ce que quelqu'un demanderait si tout se passe normalement, si la fusion des banques aura un impact sur leur marge de crédit? Pourquoi l'avez-vous mentionnée?
M. Beaudoin: Au cours des deux dernières semaines, je me suis entretenu avec plus de 500 entrepreneurs. La question s'est posée. Ils ont parlé de leur marge de crédit dans ce contexte se demandant quelles options s'offriront à eux s'ils doivent changer de banque. S'ils ont besoin d'une institution financière qui leur offrira peut-être des marges de crédit plus élevées ou que ce produira-t-il si leur marge de crédit est maintenue à un certain niveau et qu'ils ont besoin qu'elle soit augmentée? À qui s'adresseront-ils? Ils auront moins de choix. On parle ici de choix et de l'impact de la fusion sur les modalités associées au financement.
Le sénateur Joyal: Monsieur le président, vous avez soulevé une question qui sera très importante à l'avenir, soit de savoir quel est le bon moment pour transformer une société d'État ou un organisme gouvernemental -- et dans le cas qui nous occupe il n'y a pas de distinction entre les deux -- en une entreprise rentable du secteur privé.
Le président: Je l'ai simplement soulevée parce que c'était une réponse bien évidente au commentaire qu'on avait fait. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Je ne veux pas qu'on se lance dans ce sujet aujourd'hui, mais je serai bien disposé à le faire après Noël. Je veux qu'on concentre nos questions aujourd'hui sur le rapport MacKay.
[Français]
Le sénateur Joyal: Est-ce que votre croissance normale n'est pas que le gouvernement vous permette d'offrir des marges de crédit à vos clients? À partir du moment où la BDC doit devenir rentable et où vous n'aurez plus accès à la capitalisation des fonds publics, il ne faut pas vous placer dans une position de vulnérabilité au point de perdre votre capacité de faire des profits et, par conséquent, de survivre comme entité autonome accessible aux PME.
Est-ce que la première modification fondamentale que nous devrions faire à votre statut ne devrait-elle pas être de vous permettre d'offrir des marges de crédit, maintenant que vous réalisez des profits?
M. Beaudoin: Il ne faut pas percevoir les marges de crédit d'opération au niveau de la rentabilité, parce que cela peut être rentable pour nous. Il faut les percevoir au niveau des besoins.
Y a-t-il un besoin dans le marché? La PME a-t-elle besoin d'une alternative des marges de crédit d'opération?
Comme je vous le mentionnais, après avoir rencontré et écouté plusieurs chefs d'entreprise, le voeu des PME est de nous voir accroître l'étendue de nos services, incluant la disponibilité d'une marge de crédit d'opération; ceci implique de façon auxiliaire -- ce n'est pas une fin en soi -- le besoin de pouvoir prendre des dépôts. Une marge de crédit d'opération fonctionne avec des dépôts. C'est donc ce besoin que l'on cherche à combler. Il n'est pas inclus dans le mandat actuel de la banque, et cette question devra être étudiée au cours des mois à venir.
Le sénateur Joyal: L'une des recommandations fondamentales du rapport MacKay est de renforcer ou d'ouvrir ce que l'on appelle le «second tier», c'est-à-dire un deuxième niveau de services financiers beaucoup plus vigoureux et beaucoup plus accessibles que ce que nous connaissons présentement. N'êtes-vous pas, avec les caisses populaires, l'une des institutions clés pour favoriser ce décloisonnement et ce renforcement du deuxième niveau que recommande le rapport MacKay?
M. Beaudoin: La banque a une expertise peu commune dans la mesure où c'est la seule institution spécialisée dans la PME. Dans l'environnement financier étudié au cours des derniers mois, on a réalisé que le secteur des PME est appelé à être affecté le plus par la concentration, qu'il y ait fusion ou pas. Dans ce sens, utiliser cet instrument dont les Canadiens bénéficient est une occasion.
Le sénateur Joyal: Vous avez déclaré que vous pouvez concurrencer Wells Fargo. Cette déclaration va certainement surprendre certains d'entre nous. Les institutions américaines sur le marché viennent ici «to cream the market». Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu présomptueux de croire que vous pouvez concurrencer Wells Fargo?
M. Beaudoin: Il est rare que le Canada soit présomptueux. Il est d'avant-garde dans plusieurs secteurs. Voici un exemple issu d'une institution financière canadienne, une banque virtuelle qui va plus loin que ce que Wells Fargo peut faire. Cette dernière limite ses prêts commerciaux à 100 000 dollars; la BDC, par l'entremise de BDC Connexe, rend la gamme entière de ses prêts commerciaux jusqu'à 5 millions de dollars accessibles à la PME. Ses services sont disponibles sept jours par semaine, 24 heures par jour. C'est plus que ce que Wells Fargo peut faire.
Le sénateur Joyal: Comment vos taux d'intérêt se comparent-il à ceux de Wells Fargo, puisque la concurrence se fait fondamentalement sur le prix à payer pour les dollars empruntés?
M. Beaudoin: Pour ce qui est de la tarification, Wells Fargo agit dans les mêmes domaines. Elle n'est pas une source de capitaux à escompte. En ce sens, la BDC n'a pas de difficulté à offrir des conditions équivalentes à celles offertes par Wells Fargo.
[Traduction]
Le sénateur Kelleher: On recommande dans le rapport MacKay la création de banques de deuxième pallier. C'est ce qu'on recommande et on dit que peut-être les caisses au Québec et les coopératives de crédit dans le reste du pays seraient un groupe qui pourrait être autorisé à devenir des banques. Elles offrent des services dans les petits endroits et dans les régions rurales, et les résidents de ces régions s'inquiètent beaucoup de l'impact qu'aura sur eux la fusion des banques.
Lorsqu'elles ont comparu devant le comité, elles nous ont dit qu'elles travaillaient déjà en collaboration avec vous. Pouvez-vous nous dire exactement ce qu'il en est. De plus, peut-être pourriez-vous nous dire si ces relations se maintiendront ou s'élargiront peut-être si les coopératives de crédit et les caisses devenaient des banques.
M. Beaudoin: Nos relations avec les coopératives de crédit sont excellentes. Ces institutions sont présentes dans de nombreuses localités où la BBC n'est pas représentée, comme l'a signalé le sénateur Hervieux-Payette. Nous pouvons ainsi augmenter notre effort à l'appui des petites entreprises.
Notre alliance stratégique avec les coopératives de crédit donne de bons résultats. Nous envisageons différentes façons pour améliorer nos relations dans les années à venir. Si elles acquièrent le statut de banque communautaire, nous souhaitons poursuivre nos efforts pour venir en aide aux petites entreprises par leur intermédiaire. Nous allons étudier différentes formules au cours des mois à venir pour garantir l'accès à cet intermédiaire, comme nous l'avons fait avec les banques à charte par des alliances stratégiques conclues avec elles.
Le principal élément nouveau dans le mandat actuel de la banque concerne le partenariat que nous avons établi avec les institutions financières. Au cours des dernières années, sur le montant de 1,4 milliard de dollars dont j'ai parlé précédemment, les renvois en provenance des banques à charte et des coopératives de crédit ont atteint une moyenne annuelle d'environ 300 millions de dollars. Actuellement, les institutions financières commerciales sont la principale source des renvois à la BDC, car elles savent que nous pouvons leur fournir de la valeur ajoutée. Nous pouvons compléter nos services financiers par des services de consultation. Il nous a été utile d'établir ces relations avec les différentes institutions financières, et le nouveau statut des coopératives de crédit ne manquera pas de revaloriser encore cet élément.
Le sénateur Callbeck: Je voudrais vous interroger sur le tourisme et l'industrie hôtelière. L'été dernier, nous avons tenu dans le Canada atlantique des audiences consacrées à la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Ces dernières nous ont dit qu'elles avaient beaucoup de difficulté à obtenir des capitaux, en particulier dans les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie. De nombreux témoins ont même prétendu que c'était de plus en plus difficile. Le pourcentage des prêts dans ce secteur est-il en augmentation ou en diminution?
M. Beaudoin: Le tourisme a toujours été un secteur très important pour la BDC, puisqu'il représente environ 20 p. 100 de notre portefeuille. C'est un domaine où nous avons mis en place de nouveaux instruments pour faire en sorte de pouvoir venir en aide aux entreprises, en particulier dans la mesure où elles essaient d'attirer une clientèle de classe mondiale.
Par exemple, l'établissement hôtelier de Blackcomb en Colombie-Britannique appartenait à la BDC avant d'être acheté par Interwest. Nous avons investi massivement et nous avons vendu nos intérêts en 1992 à Intrawest. Notre oeuvre initiale a ainsi été complétée.
Il s'agit là d'un secteur où nous avons obtenu d'excellents résultats. Il a été très rentable pour la BDC et c'est un secteur économique auquel nous croyons.
Nous avons créé un fonds de 500 millions de dollars pour favoriser le développement d'installations touristiques de classe mondiale au Canada. Nous pensons que ce secteur connaîtra une forte croissance au cours des prochaines années, en particulier grâce à l'attrait exercé par le dollar canadien. Nous devons appuyer le tourisme, dans l'intérêt de la BDC, du Canada et de toutes les entreprises touristiques.
Le sénateur Callbeck: Je suis heureuse de l'entendre. Vous avez parlé de 20 p. 100. S'agit-il d'un plafond?
M. Beaudoin: Non. Cela correspond à la demande sur le marché et à ce que nous connaissons de cette industrie. La proportion du tourisme dans nos activités est supérieure à ce qu'on trouve dans les autres institutions financières. Tout cela est conforme à la nature cyclique de ce secteur et au risque qu'il est censé comporter. Au fil des années, nous avons appris à collaborer avec lui et à y faire de bonnes affaires.
Le sénateur Callbeck: En ce qui concerne le prix du risque, quel est l'intérêt le plus élevé que vous ayez exigé? C'est combien de plus que le taux préférentiel?
M. Beaudoin: Dans une situation à fort rendement, ce n'est pas l'intérêt qui compte, c'est plutôt la participation ou les options et les actions détenues dans l'entreprise, qui vous assurent un rendement.
Dans certaines situations impliquant du capital de risque, c'est-à-dire en présence des sociétés commerciales dont j'ai parlé, le rendement peut atteindre 80 p. 100 lorsque la banque vend des actions sur le marché boursier. Dans une telle situation, ce n'est pas l'intérêt qui compte, ce sont les gains en capitaux. Lorsqu'une société nous verse des redevances, cela augmente considérablement le rendement de l'investissement que nous lui consacrons.
Le sénateur Callbeck: Quel est le montant maximal des prêts que vous accordez?
M. Beaudoin: La moyenne des montants prêtés est de 250 000 $. Environ 52 p. 100 de nos prêts sont d'un montant inférieur à 100 000 $. Il y a également des secteurs comme le tourisme, par exemple l'établissement hôtelier de Backcomb. Lorsque nous avons vendu nos actions à Intrawest, nous avions investi 14 millions de dollars à Blackcomb, car il s'agit là d'une activité à forte intensité de capitaux. Nous intervenons dans certains secteurs parce qu'ils ont besoin énormément de capitaux.
Lorsqu'une société atteint une valeur de 10 ou 15 millions de dollars, nous estimons qu'elle peut faire appel à d'autres sources tout aussi expertes que notre banque. C'est pourquoi la nature de nos activités nous donne une moyenne de 250 000 $ par prêt.
Le sénateur Callbeck: Je suppose, d'après vos propos, que vous approuvez les recommandations du rapport MacKay concernant les petites et moyennes entreprises. Est-ce bien le cas? Par ailleurs, y a-t-il d'autres recommandations que vous auriez aimer voir dans ce rapport pour venir en aide aux petites et moyennes entreprises?
M. Vennat: De façon générale, nous acceptons les recommandations du rapport MacKay en ce qui concerne l'aide à apporter aux nouveaux venus dans ce domaine. Nous ne prétendons pas être le seul participant. Nous sommes un participant parmi d'autres et nous sommes prêts à tenir notre rôle dans un souci de coopération, que ce soit avec les coopératives de crédit ou avec les autres institutions financières. Nous travaillons en partenariat, de façon à tirer le meilleur parti de l'expertise dont nous disposons. Nous ne serons jamais en mesure de satisfaire toute la demande. Nous espérons que vos recommandations appuieront les mesures qui, à votre avis, sont susceptibles de convaincre un plus grand nombre d'institutions à prêter aux petites et moyennes entreprises.
Le sénateur Kroft: J'aimerais mettre l'accent sur un secteur particulier, à savoir les industries axées sur les connaissances. C'est en effet un secteur qui m'intéresse particulièrement.
Nous avons entendu à Saskatoon l'exposé d'un scientifique qui nous a énuméré toutes les démarches à effectuer pour créer une entreprise de recherche. La situation dont il parlait est celle d'une société dont l'investissement représente essentiellement du capital intellectuel, des connaissances, et qui n'a pratiquement pas de production ni de vente. C'est une situation tout à fait typique des industries axées sur les connaissances.
D'après les exposés que nous avons entendus et d'après l'expérience que j'ai tirée de mes propres enquêtes, les banques à charte ne font pas merveille dans ce domaine. C'est un secteur d'une importance capitale pour l'économie et en particulier pour les petites entreprises. Dans votre liste de témoins, M. Ballard en fournit un bon exemple. Elles sont également nombreuses dans le secteur agricole, dans l'industrie pharmaceutique, et cetera. Le problème pour les banques, c'est que ces entreprises n'ont jamais les garanties recherchées, sous forme d'inventaires ou d'effets à recevoir et souvent, elles ne présentent aucune garantie digne de ce nom.
Pouvez-vous nous dire quelle solution particulière votre banque peut proposer dans de telles situations?
M. Beaudoin: Pour l'essentiel, nous nous intéressons au capital de risque depuis 1984, depuis la création d'un service distinct au sein de la BBC, qui dispose actuellement, en ce qui concerne la valeur nette réelle, d'une équipe de 22 personnes dans l'ensemble du pays. On a également constitué un service spécialisé dans la dette de second rang, qui existe dans la plupart de nos grandes agences. Il compte environ 50 experts. Nous avons donc un groupe de 75 spécialistes qui connaissent non seulement le domaine financier, mais aussi la technologie.
Nous engageons de plus en plus de diplômés en science et en gestion d'entreprise, ainsi que des spécialistes en technologie et en biotechnologie. C'est la seule formule que nous ayons trouvée pour faire des investissements rentables, c'est-à-dire que nous devons disposer d'experts des domaines d'activité auxquels nous venons en aide. La formule gagnante consiste à pouvoir évaluer les perspectives de succès du produit à l'étude, et d'évaluer le potentiel de l'entreprise, non pas en fonction de son bilan actuel, qui est vraisemblablement limité. Nous tenons compte du potentiel du personnel de l'entreprise et de la technologie qu'elle utilise. Nous considérons les aspects scientifiques et technologiques, mais nous tenons aussi compte des personnes responsables du projet, ce qui nous a permis de faire de bons investissements.
Le sénateur Kroft: En vous fondant sur le risque, vous ne pouvez pas attribuer de valeur véritable à un prêt et vous devez donc tenir compte, dès le départ, de la valeur nette réelle, de la dette convertible ou de quelqu'autre formule. Est-ce que vous le faites plus tôt que les banques à charte, ou êtes-vous plus disposé à le faire que les banques à charte?
M. Beaudoin: Nous avons créé il y a 18 mois le premier fonds pancanadien de capitaux de lancement. Ce fonds existe dans l'ensemble du pays. Nous y travaillons avec différents partenaires, notamment des entreprises de capital risque de l'Ouest et de l'Ontario. Au Québec, c'est avec T2C2.
Les capitaux de lancement sont disponibles avant que le capital de risque ne le soit. C'est de l'argent que nous proposons entre le «R» et le «D» de recherche et développement. Le principe est là, mais il faut encore terminer la mise au point.
Parfois, le montant prêté aux projets de cette nature ne dépasse pas 100 000 $, mais il permet la réalisation d'un projet de recherche qui nous indique un potentiel. À partir de là, nous passons à une deuxième étape, celle du développement, où le capital de risque et les autres partenaires peuvent intervenir dans l'expansion de la société.
Le problème vient de la participation des banques. Elles s'intéressent de plus en plus à ce secteur d'activité. Je viens moi-même du secteur bancaire, où j'ai passé 17 ans. La responsabilité financière des banques envers leurs déposants est différente de celle que nous confère notre mandat. Notre attitude en matière d'investissement est donc différente.
Le sénateur Kolber: Nous essayons de déceler les obstacles actuels qui empêchent d'aider les petites entreprises. À la page 6 de votre mémoire, vous dites qu'il faut promouvoir la concurrence et l'innovation dans le secteur bancaire. Avant de vous laisser répondre, j'aimerais avoir quelques indications concernant votre bilan de façon à savoir si les règles sont les mêmes pour tout le monde.
Vous avez un emprunt total de 3,89 milliards de dollars, qui est garanti par le gouvernement du Canada. Aucun concurrent n'a accès à ce type de financement, du moins à ma connaissance. L'avoir net des actionnaires est de 500 millions de dollars -- je suppose qu'il s'agit de fonds gouvernementaux -- et vous payer sur ce montant un dividende d'environ 1 p. 100, peut-être 1,5 p. 100.
Votre situation est donc tout à fait unique. Vous faites un travail extraordinaire. Il faut en déduire implicitement que les autres ne le font pas aussi bien, notamment parce qu'ils n'ont pas accès à des capitaux à aussi bon compte. Il serait intéressant de connaître les tarifs que vous pratiquez sur vos prêts.
M. Beaudoin: C'est une bonne question. Tout d'abord, j'échangerais volontiers nos fonds garantis par le gouvernement contre les fonds des déposants dont disposent les banques, avec l'intérêt qu'elles versent aux déposants. C'est beaucoup plus avantageux que ce que nous payons sur les marchés mondiaux, malgré la garantie gouvernementale dont nous bénéficions.
Le sénateur Kolber: Cela a toujours été le cas, mais c'est de moins en moins vrai à mesure que les déposants deviennent plus exigeants. Les dépôts bancaires diminuent. Comme vous le savez, il n'y a pratiquement plus de dépôts bancaires sans intérêt.
M. Beaudoin: Lorsque vous regardez le bilan d'une banque à charte, vous voyez que les dépôts restent la première source de capitaux pour financer les prêts. Voilà ce que je voulais dire.
Vous avez parlé de dividendes et du coût des fonds de la BDC. Nous versons effectivement des dividendes. Notre coupon est un coupon commercial. Nous payons le coût en vigueur sur le marché pour les fonds correspondants aux actions privilégiées que nous obtenons du gouvernement, qui ne nous fait aucun cadeau sur les actions privilégiées.
Le sénateur Kolber: Vous m'avez peut-être mal compris. Quel est le pourcentage du dividende que vous versez au gouvernement?
M. Beaudoin: Il comporte un coupon de 7 p. 100.
Le sénateur Kolber: Sur une valeur nette réelle de 500 millions de dollars, si vous payez un dividende de 6 millions de dollars, cela ne fait pas 7 p. 100.
M. Beaudoin: Nous versons un dividende sur les actions privilégiées. Sur la valeur nette réelle ordinaire, nous fournissons au gouvernement un rendement qui, l'année dernière, était de 10 p. 100.
Le sénateur Kolber: En fait, on n'en voit que 1 p. 100.
M. Beaudoin: Le gouvernement voit qu'il n'a pas à nous donner de fonds supplémentaires pour alimenter notre croissance. Au lieu de verser un dividende, il nous permet d'utiliser cette valeur nette réelle pour favoriser notre croissance.
Le sénateur Kolber: C'est comme un dividende négatif.
M. Beaudoin: C'est un rendement de 10 p. 100 sur la valeur nette réelle. L'investissement n'est pas mauvais.
Le sénateur Kolber: Payez-vous des impôts?
M. Beaudoin: Nous ne payons pas d'impôts.
Le sénateur Kolber: Le rendement moyen du secteur bancaire canadien après impôts était de l'ordre de 15 p. 100 l'année dernière.
M. Beaudoin: Oui. Nous bénéficions actuellement d'un avantage fiscal.
Le sénateur Kolber: Je ne veux pas vous critiquer, mais je dis simplement qu'il est impossible à d'autres de faire ce que vous faites.
M. Vennat: Si vous interprétez nos propos comme une critique à l'endroit des autres institutions, ce n'est pas ce que nous avons voulu dire. Le fait est que les fonds disponibles pour le financement sont en diminution. C'est ce que nous avons voulu indiquer. Il ne s'agit pas d'une critique.
Notre travail consiste à trouver un régime qui permette aux institutions financières de prospérer et de faire de l'argent dans le domaine qui nous intéresse. Tout le monde sait que nous ne sommes pas comme les autres.
Le sénateur Kolber: Dites-nous quels sont actuellement les obstacles qui empêchent les petites entreprises d'obtenir du financement. Au dire des banques, elles acceptent 95 p. 100 des demandes de prêt qui leur sont soumises. Les gens ont peut-être peur de présenter des demandes. Je ne sais pas. Il semble y avoir au Canada de l'argent disponible pour les petites entreprises.
M. Beaudoin: Ce qu'il faut avant tout, c'est une plus large gamme de possibilités. Le marché est trop concentré. Il faut tenir compte des besoins propres à chaque secteur, qu'il s'agisse des industries axées sur les connaissances ou des entreprises de haute technologie. Avant tout, le défi à relever consiste à proposer davantage de possibilités.
Le sénateur Kolber: On pourrait en avoir davantage, comme aux États-Unis, où l'on trouve 9 000 banques communautaires; ce qu'on ne dit pas, c'est que ces banques communautaires pratiquent un intérêt égal au taux préférentiel augmenté de cinq, six ou sept points. Ce n'est pas ce que nous faisons au Canada, et nous ne voulons pas le faire, sans doute par crainte des taux usuraires.
M. Beaudoin: C'est exact. Les marges et les taux d'intérêts que les entreprises obtiennent auprès des banques à charte canadiennes sont très intéressants. Si l'on regarde la marge pratiquée en moyenne aux États-Unis, elle est souvent supérieure à la marge canadienne.
Le sénateur Kolber: Elle est souvent deux fois plus élevée.
M. Beaudoin: Je n'ai pas vu les dernières données, mais la marge était effectivement supérieure.
Le sénateur Kolber: La marge moyenne des banques pour les activités lucratives est deux fois plus élevée.
M. Beaudoin: D'après les données que j'ai vues, ce n'était pas du simple au double, mais c'était une marge plus élevée, qui est dû au fait qu'on trouve aux États-Unis un plus grand nombre d'institutions prêtes à pratiquer un taux d'intérêt suffisamment élevé pour les indemniser du risque encouru.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Merci de nous avoir consacré de votre temps.
Sénateurs, notre prochain témoin est M. Kuhlmann, président-directeur général de ING Bank of Canada.
Merci d'avoir pris le temps de venir nous voir aujourd'hui; soyez le bienvenu. C'est votre première comparution devant le comité, et vous êtes le premier représentant de votre organisme à nous rencontrer. Nous espérons que vous ne serez pas le dernier.
Nous vous écoutons.
M. Arkadi Kuhlmann, président-directeur général d'ING Bank of Canada: Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici au nom d'ING Bank of Canada. Pour ne pas perdre de temps, et comme c'est la dernière journée de vos délibérations sur ce sujet, je serai extrêmement bref. La perspective que je voudrais vous présenter est sans doute différente de celles dont vous délibérez habituellement.
J'aimerais vous donner une idée d'ensemble du marché de détail au Canada, vous expliquez ce qui se passe dans ce secteur. J'en profiterais peut-être pour vous parler de ING Direct, de sa place sur le marché et des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés. Je parlerais également de la façon dont nous voyons l'avenir de ce secteur au Canada.
ING Direct a commencé ses opérations il y a environ 15 mois, et pendant cette période, nous avons pu constater qu'en matière de services bancaires de détail, le consommateur canadien se heurtait à d'innombrables problèmes: frais de service, multiples difficultés pour transférer l'argent et obtenir des prêts. Autrement dit, les consommateurs disposent de choix beaucoup plus limités. Quand vous leur parlez, vous constatez l'existence d'une insatisfaction profonde. Et quand vous grattez la surface pour essayer de voir au-delà des stéréotypes, vous constatez que c'est une véritable source de stress. Les consommateurs trouvent que l'accès constitue un problème. Les taux d'intérêt élevés sont un problème. Ils ont du mal à obtenir des taux d'intérêt suffisants pour leurs dépôts assurés.
À de nombreux égards, la situation sur la rue Principale est différente de celle sur Bay Street. Il y a de la concurrence sur Bay Street, mais pas tellement sur la rue Principale. Sur la rue Principale, il y a des magasins où on encaisse les chèques. Je me souviens d'une époque, il n'y a pas si longtemps, où ces magasins là n'existaient pas. Il y a beaucoup d'entités réglementées et non réglementées qui offrent des prêts à des taux d'intérêt extrêmement élevés. Ce genre de situation ne sert pas les intérêts des consommateurs canadiens.
Non seulement avons-nous besoin d'augmenter la concurrence sur le marché de détail, mais nous devons également nous demander ce que nous pouvons faire pour transformer tout ce secteur. Notre vision de l'avenir est en train de changer, les succursales et les comptoirs ne seront plus les seules options, il y aura des opérations bancaires par téléphone, par ordinateur, par câble, par courrier, par toutes sortes de méthodes, et les consommateurs pourront acheter, magasiner et obtenir des services financiers.
Tout cela pose des problèmes énormes; les fournisseurs essaient actuellement de démêler ces problèmes pendant cette période de transition. Certains d'entre eux sont très simples, comme les problèmes posés par la signature électronique, une méthode pour laquelle il n'y a pas de précédent juridique. Tout cela fait que le monde électronique pose des problèmes, et il est encore impossible de transférer l'argent d'une institution à une autre sans l'aval d'une personne en chair et en os.
Quand on considère ces problèmes, il faut tenir compte des aspects structurels, et je ne parle pas de la réglementation mais bien de l'assurance des dépôts et du système canadien des paiements. Dans tous ces domaines, les banques ont du mal à être non seulement les fournisseurs et les exploitants de ces institutions, mais également à affronter la concurrence. Au fur et à mesure que nous avançons dans ce domaine, nous voulons augmenter la concurrence. Pour ce faire, nous devons les libérer de certaines infrastructures qui existent dans le secteur: il faut que ces infrastructures mettent tout le monde sur un pied d'égalité et pour cela, il faut les élargir, les perfectionner et les soutenir.
ING Direct a engagé 500 millions de dollars pour construire une banque de services de détail au Canada. Quand je pense aux 30 dernières années, je ne me souviens pas qu'une nouvelle banque de détail, nationale ou étrangère, ait jamais réussi à s'imposer sur notre marché d'une façon durable. J'ai l'impression que ce sont les investisseurs étrangers, comme ING, qui sont prêts à engager des ressources importantes au Canada et à offrir un avenir beaucoup plus prometteur que ce qui existe ici même. ING Direct est administré par des Canadiens qui utilisent une technologie canadienne, qui fournissent des emplois à des Canadiens, qui font leur part dans le cadre d'une société canadienne. C'est un modèle intéressant qui offre aux consommateurs un système bancaire simplifié, avec escompte, et qui l'année dernière a versé aux Canadiens 40 millions de dollars d'intérêts supplémentaires qui n'auraient pas été versés si nous n'avions pas été là.
Les produits que nous offrons sont très simples, nous les mettons à la disposition des Canadiens de toutes les régions. Nous jouons un rôle important dans le secteur de la planification financière, un secteur qui prend de plus en plus d'expansion dans ce pays et qui sert des Canadiens de toutes les couches de la société.
En ce qui concerne ING, les problèmes auxquels cette société se heurte ne sont pas tellement les obstacles normaux auxquels une institution financière réglementée pourrait s'attendre lorsqu'elle s'implante sur un marché, mais plutôt le manque de transparence des règles et des directives. Il me semble que lorsqu'on demande aux gens d'investir des centaines de millions de dollars, on devrait leur donner des directives très claires sur ce qu'ils doivent faire pour effectuer certaines tâches, sur les conditions de sécurité et d'intégrité qui doivent être respectées par l'institution.
Au fur et à mesure que nous élaborons de nouveaux modèles pour ce nouvel environnement réglementaire, environnement des paiements, et certainement pour la SADC, nous ne devons pas oublier ces facteurs pour attirer sur le marché un plus grand nombre d'institutions comme ING, favorisant ainsi la concurrence pour le plus grand bien des consommateurs canadiens.
Le président: J'ai lu votre mémoire, et j'aimerais parler de deux aspects.
En ce qui concerne l'Association canadienne des paiements, ce que vous appelez le système de compensation, je comprends aisément vos frustrations. Quand on pense aux recommandations du rapport MacKay, qui portent à la fois sur la régie de l'ACP et sur la possibilité d'acquérir de nouvelles institutions financières, comme la vôtre, et de leur donner un accès direct au système de paiements, est-ce que ces changements vont résoudre les problèmes dont vous nous avez parlé?
À titre d'exemple, je vais lire deux phrases de votre document; vous dites:
Il est impératif que la réglementation de l'ACP soit faite par une autre entité que les banques importantes.
Les changements à la régie auraient cet effet.
Vient ensuite une insertion qui m'intrigue; vous dites que les règles actuelles de l'ACP sont non concurrentielles et nécessitent une révision importante. Nous sommes d'accord sur ce point-là, et votre phrase se lit en fait comme suit:
Les règles présentement proposées par l'ACP sont non concurrentielles [...]
Est-ce que vous parlez de la structure proposée par MacKay, ou bien de la structure proposée par l'ACP elle-même?
M. Kuhlmann: Je parlais de celle qui a été proposée par l'ACP.
Le président: Si toutes les recommandations de MacKay au sujet de l'ACP étaient retenues, ce que notre comité a déjà demandé, est-ce que cela résoudrait votre problème?
M. Kuhlmann: En partie, mais cela n'irait pas assez loin.
Le président: Qu'est-ce qui manquerait encore?
M. Kuhlmann: Manqueraient encore certaines directives que nous observons déjà au sujet des transferts électroniques. L'ACP a une proposition axée sur le débit et le crédit, et selon toute apparence, nous allons finir par adopter un système axé sur le débit. On parlera de retraits électroniques inférieurs à 13 500 et de mouvement électronique supérieur de 50 000, et entre les deux, ce sera considéré comme des opérations sur papier. Il n'y a pas besoin de réfléchir beaucoup pour voir que les consommateurs risquent de ne pas s'y retrouver.
Le président: Cela représente un progrès, et ce qui vous inquiète maintenant, ce n'est pas l'aspect régie, mais plutôt les détails de la règle?
M. Kuhlmann: Pour tous ces systèmes, il y a une période de transition qui est prévue pour assurer la sécurité du système. Tout cela doit se faire logiquement. Il faut que ce soit progressif. C'est une institution qui doit évoluer. Le véritable problème, ce sont les ressources, le financement et l'indépendance nécessaire pour évoluer, surtout s'il y a plus de joueurs en présence.
Le sénateur Kelleher: Je ne savais pas que ING était une banque de l'annexe II, mais j'aurais dû le savoir. Pour cette raison, je déclare que je suis en conflit d'intérêts et j'aimerais que le greffier en prenne note. Je ne participerai pas aux questions.
Le sénateur Oliver: La concurrence est l'un des éléments clés du rapport MacKay. Votre présence ici aujourd'hui a cela d'extraordinaire que vous êtes un exemple vivant de compagnie étrangère qui souhaite s'installer au Canada et élargir la concurrence, en particulier au niveau du détail.
J'ai parcouru votre document et lu les passages que vous n'avez pas mentionnés. Il me semble que dans vos efforts pour fournir aux Canadiens une autre option sous forme d'un réseau bancaire du deuxième palier, vous vous êtes heurté à un certain nombre de problèmes.
Avec le succès grandissant de ING Direct, nous avons pu observer plusieurs banques importantes utilisant des tactiques «anticoncurrentielles» pour s'assurer des clients et les conserver.
Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris et également nous parler des problèmes auxquels vous vous êtes heurtés.
M. Kuhlmann: Oui, avec plaisir.
Une bonne concurrence est probablement un signe de santé. Toutefois, dans le secteur des services financiers, il y a des règles de base qui sont très importantes pour assurer la confiance dans le système. Cette confiance est menacée lorsque certaines institutions publient de faux renseignements au sujet de leurs concurrents. Les consommateurs ont déjà suffisamment de mal à s'y retrouver entre les services, les produits, les prix, les frais exigés, et cetera. Pour compliquer encore les choses, on dit que nous ne sommes pas assurés par la SADC ou encore, que nous n'avons pas nos bureaux au Canada ou que nous n'employons pas de Canadiens.
Le sénateur Oliver: Vous êtes assuré par la SADC. Les investissements des gens qui déposent chez vous sont assurés jusqu'à concurrence de 60 000 $.
M. Kuhlmann: Le problème, c'est que nos possibilités de faire de la publicité sont très limitées car nous ne sommes pas une banque avec succursales. C'est un des problèmes qui se posent en période de transition. Nous devons nous faire connaître, faire comprendre aux gens que nous sommes assurés par la SADC.
Lorsque les gens disent qu'ils souhaitent faire un chèque à ING Direct à cause des taux excellents pratiqués par cette institution, certaines banques leur disent que nous ne sommes pas une banque, que nous ne sommes pas assurés par la SADC et que nous ne sommes même pas une compagnie canadienne.
C'est une situation qui nous préoccupe. En tant que Canadien, je m'inquiète quand je vois les problèmes que nous avons en permanence à propos de la responsabilité de nos institutions financières en tant que société qui se heurte souvent à leurs activités dans le domaine de la consommation. Nous devons pouvoir tirer un trait et considérer certains problèmes comme la vente liée. Je dois reconnaître que moi, qui suis Canadien, je suis un peu découragé quand je vois les tactiques de guérilla employées par certains.
Le sénateur Oliver: Que voulez-vous dire par «tactiques de guérilla»?
M. Kuhlmann: Par exemple, lorsqu'un gérant de succursale décide, de son propre chef, qu'il ne nous transférera pas de sommes supérieures à 3 000 $.
Le sénateur Oliver: Est-ce que vous en avez des preuves?
M. Kuhlmann: Oui. C'est ce genre de bataille que nous sommes obligés de livrer. Nous avons des rubans magnétiques qui se perdent. Pour nos opérations de compensation, nous fournissons des rubans magnétiques. Nous devons vendre nos services, mais avant de les vendre, nous les achetons à l'une des chambres de compensation. Celle-ci décide des tarifs, des modalités de paiement, des délais. Si le responsable est en vacances, nous nous heurtons à des tactiques administratives. Si quelqu'un est en vacances, les bandes sont en retard et les paiements ne se font pas.
Nous nous heurtons à ce genre de choses. C'est difficile de se mesurer à Bell Canada, c'est cette compagnie qui fixe les règles. Les consommateurs ont ces problèmes-là quotidiennement lorsqu'ils appellent à d'un endroit donné et demande un transfert à leur compte. Tout ce que nous voulons, c'est effectuer le transfert, envoyer l'autorisation, mais ça ne passe pas. Ça se «perd dans l'administration».
Voilà le genre de choses que nous voyons. Ce n'est peut-être pas un des sujets que vous étudiez, mais le comité doit comprendre que la situation sur la rue principale est différente. Les consommateurs supportent mal ces frustrations.
Le sénateur Oliver: J'aimerais parler des transferts de fonds d'une institution à une autre. Vous avez mentionné cela dans votre exposé. Est-ce que cela irait mieux si les réseaux électroniques étaient pleinement opérationnels?
Supposons que je décide de vous transférer de l'argent à partir de la billetterie d'une des cinq grandes banques pour profiter des taux d'intérêt plus élevés que vous offrez sur vos certificats; comment dois-je faire? Est-ce qu'il y a des obstacles? Quand vous dites «pleinement opérationnels», qu'est-ce que cela veut dire?
M. Kuhlmann: Il y a des piliers invisibles. On parle de renverser les quatre piliers du secteur financier, mais il y a aussi des piliers invisibles, par exemple, on ne peut pas transférer de l'argent d'une institution à une autre.
Le sénateur Oliver: Pourquoi?
M. Kuhlmann: Simplement parce que quelqu'un refuse d'appuyer sur l'interrupteur. Les raisons sont multiples, mais dans l'ensemble, on invoque surtout le besoin d'être rationnel.
Le secteur des services financiers sert très bien nos intérêts dans ce pays. Qu'est-ce que nous faisons pour ouvrir la voie vers le siècle qui s'annonce? Nous avons changé certaines choses, et cela n'a pas été la fin du monde. Plusieurs institutions se sont mises à utiliser les mêmes GAB, et cela n'a pas été la fin du monde. Je suis certain qu'on peut dire la même chose des dépôts. Le rapport MacKay a fait des recommandations à ce sujet.
Il devrait être possible de transférer de l'argent entre différents comptes liés entre eux. C'est un service qui est pratique pour les consommateurs. Ce type de transfert peut se faire de façon contrôlée et sécuritaire.
Le problème, c'est de définir la concurrence. Nous pouvons être plus ouverts, et ne pas imposer des responsabilités supplémentaires à certains protagonistes seulement. Ces gens-là non seulement entretiennent l'infrastructure, et le font extrêmement bien depuis 30 ou 40 ans, mais en même temps, ils deviennent de plus en plus concurrentiels et indépendants. C'est une transition que nous devons faire.
Le sénateur Oliver: Dans votre document, vous utilisez l'expression «anticoncurrentiels». Quand j'entends cela, cela me fait l'effet d'un abus de pouvoir. Si vous prétendez qu'il y a abus de pouvoir, est-ce que vous avez porté cela à l'attention du bureau de la concurrence? Avez-vous déposé une plainte?
M. Kuhlmann: Non, nous n'avons pas déposé de plainte.
Le sénateur Oliver: Est-ce que d'autres institutions ont porté plainte?
M. Kuhlmann: Pas que je sache.
Le sénateur Oliver: Pourquoi?
M. Kuhlmann: Jusqu'à présent, notre société a considéré que c'était une des difficultés inhérentes au marché. Il y a des aspects de ce milieu de la consommation qui vous intéresseraient beaucoup.
Le sénateur Oliver: Nous sommes ici les artisans de la politique; il y a une chose qui peut nous être très utile, ce sont les éléments de la politique gouvernementale qui sont susceptibles d'améliorer l'accès pour tous les Canadiens. Dans le domaine électronique, quelles sont les barrières qui devraient être abattues?
M. Kuhlmann: Dans le domaine électronique, je recommande que nous augmentions les ressources et l'indépendance de l'Association canadienne des paiements. C'est une mesure qui ferait évoluer les choses dans le sens que vous souhaitez.
On se demande dans quels domaines il devrait y avoir de la concurrence entre les institutions: qualité de service, commodité et prix, ou encore disponibilité de l'argent ou circulation des fonds. Il suffit d'être objectif pour voir qu'il est nécessaire pour le système de pouvoir transférer les fonds et d'avoir accès à l'argent.
Le sénateur Oliver: Vous nous avez dit que vous aviez engagé 500 millions de dollars pour établir un réseau bancaire de détail au Canada. Pour l'instant vous occupez une sorte de créneau bancaire.
Lorsque nous sommes allés en Colombie-Britannique, j'ai vu une de vos succursales. Il m'a semblé que vous aviez environ 400 pieds carrés, et que les gens pouvaient venir là pour acheter vos certificats à un demi-point de plus que dans les banques. De quel genre de réseau parlez-vous?
M. Kuhlmann: En fait, il s'agit d'un café. Nous vendons véritablement des cappuccino à des gens qui viennent discuter avec nous de leurs besoins bancaires, un peu comme nous le faisons aujourd'hui. Les Canadiens s'intéressent à ce qui se passe dans le domaine bancaire, et ils ont envie de parler. Ils veulent s'informer de ce qui est nouveau.
Le café que nous avons à Toronto est un autre point de rencontre. Les gens viennent là, ils lisent le journal, ils se promènent sur l'Internet, ils ramassent de la documentation, et parfois, ils parlent de questions bancaires.
Le sénateur Oliver: Cependant, ils n'achètent pas de certificats.
M. Kuhlmann: Non, nous n'effectuons aucune transaction à ces endroits. Si les gens souhaitent le faire, on leur donne accès à un téléphone.
Le sénateur Oliver: Parlez-moi des 500 millions de dollars que vous avez engagé pour établir un réseau bancaire de détail.
M. Kuhlmann: Il s'agit de l'investissement qu'effectue le groupe ING pour aménager ses services bancaires au détail au Canada -- c'est le capital additionnel qu'il va nous falloir pour investir dans l'édification de la banque au cours des cinq prochaines années.
Puisque nous offrons un service bancaire direct, nous offrons des produits liés aux matières premières à des prix attrayants, tout en limitant les écarts, qui se chiffrent à environ 180 points de base comparativement à une moyenne générale de 250 points de base. Nous ne percevons ni droits ni frais de service.
Les services sont offerts par téléphone, par courrier et par ordinateur. Il est intéressant de constater à quel point un nombre important de personnes dans les régions rurales du Canada sont fort satisfaites d'effectuer avec nous des transactions en toute sécurité par téléphone. Nous constatons avec satisfaction que les personnes du troisième âge au Canada n'hésitent pas à effectuer des transactions par téléphone avec nous. Nous avons été à la fois étonnés et heureux de le constater.
C'est aux résultats qu'on voit ce qui fonctionne ou non. Notre modèle n'est peut-être pas valable à long terme pour le Canada s'il est imité, mais il faut dire que 100 000 clients ont décidé de participer à notre programme. Ils nous ont confié plus de 1,2 milliard de dollars en dépôts au cours des 15 derniers mois.
Le président: Votre chiffre d'affaires est tout juste inférieur à 100 millions de dollars par mois. Voilà qui est fort impressionnant.
Le sénateur Joyal: Vous vous attaquez aux grandes banques. Vous venez de l'étranger, vous écrémez le marché, alors que les banques canadiennes s'efforcent de poursuivre leurs activités au Canada.
Vous dites avoir distribué plus de 40 millions de dollars en dividendes. Pouvez-vous nous informer au sujet de l'entente entre votre siège social et la succursale canadienne et nous dire dans quelle mesure les bénéfices que vous faites au Canada restent au Canada ou sont transférés à l'étranger? Il importe que vous répondiez à cette question étant donné que les banques canadiennes ne cessent de vous attaquer à ce sujet.
M. Kuhlmann: Permettez-moi tout d'abord de vous dire que ING Direct perd de l'argent et continuera d'en perdre au cours des cinq prochaines années du fait que nous allons investir le capital dont nous avons parlé pour assurer notre rentabilité. Nous sommes une filiale autonome, comme l'exige la réglementation fédérale.
Dans notre cas, le capital est acheminé vers l'entité canadienne. Il n'y a pas de lignes directrices prescrites en matière de paiement de dividendes. Nous payons des taxes au Canada. Je signalerai même que 50 p. 100 des coûts de nos comptes, qui s'élèvent à 6,75 $ -- comme je l'ai déjà dit lors de la réunion précédente -- sont affectés aux taxes sur le capital, à l'assurance SADC, et aux frais de paiement. Ainsi, nous employons des Canadiens, nous payons des taxes au Canada, nous assumons nos frais de transaction sur le marché du détail. Qui dit mieux? Comme entreprise, donc, nous fonctionnons ni plus ni moins comme toute autre personne morale au Canada.
Le sénateur Joyal: Il n'est donc pas vrai que vous transférez de l'argent hors du Canada?
M. Kuhlmann: Non. De fait, tout l'argent que nous avons recueilli des comptes d'épargne des Canadiens est resté ici, au Canada. Tous nos éléments d'actif sont au Canada.
Le sénateur Joyal: Quelle sera donc votre politique lorsque vous aurez atteint la rentabilité, lorsque vous aurez accumulé certains bénéfices à partir du capital que vous vous proposez d'investir? Vous n'allez pas constamment perdre de l'argent. À un moment donné, vous atteindrez le point mort et vous accumulerez des bénéfices.
M. Kuhlmann: J'espère bien survivre jusqu'à ce jour-là.
Le sénateur Joyal: Quelle est donc, par exemple, la politique du groupe ING? Le Canada n'est pas le seul pays où le groupe est actif.
M. Kuhlmann: Les règles qu'appliquent normalement les entreprises viennent à l'esprit. D'après ce que je sais des activités du groupe ING dans d'autres pays, on distribue les dividendes à peu près de la même façon que le font d'autres banques internationales. On réinvestit les bénéfices, comme nous l'avons fait. Le groupe ING est également représenté ici au Canada, ainsi que dans beaucoup d'autres secteurs, et cela depuis plus de 40 ans.
Il est intéressant de voir que des investisseurs des Pays-Bas mettent à l'essai au Canada un modèle bancaire qui risque d'avoir des retombées favorables pour le Canada. S'il s'agit d'une formule gagnante, elle sera appliquée ailleurs dans le monde. Je n'y vois que des avantages pour le Canada ainsi que pour nos activités sur le marché américain, en Europe et ailleurs. Il faut noter que les investissements d'ING se font ici, au Canada, ce qui est plutôt flatteur pour les Canadiens.
Le sénateur Joyal: Comment contrez-vous l'argument nationaliste selon lequel les Canadiens semblent bien disposés envers les capitaux étrangers mais semblent peu enclins à protéger les institutions de propriété canadienne?
M. Kuhlmann: En tant que Canadien, j'ai une perspective beaucoup plus vaste de notre pays. Nous sommes membres du G-7. Les échanges commerciaux ont une grande importance pour notre pays. Comme Canadien, je vois grand et je suis optimiste. J'estime que notre force et notre avenir reposent sur notre capacité concurrentielle à l'échelle du monde et sur notre capacité de devenir une grande puissance commerciale. Nous avons su faire nos preuves jusqu'à maintenant dans d'autres secteurs et je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas en mesure de le faire dans celui dont nous parlons.
Au Canada, nous avons rendu la vie plutôt difficile à ceux qui voulaient ouvrir une banque de détail au Canada. En tant que Canadien, je m'efforce d'expliquer à mes actionnaires les raisons pour lesquelles il continue d'exister des occasions d'affaires intéressantes au Canada. Les règles ne sont pas nécessairement transparentes et il faut assurer certains coûts additionnels pour ce qui est des taxes et des droits sur le capital et d'autres règles, mais c'est le prix à payer pour avoir accès au marché canadien. Je dois dire que la chose n'a pas été facile pour nous. Nous, les Canadiens, ne sommes pas tendres à l'égard des nouveaux arrivants.
Le sénateur Joyal: Vous parlez de la difficulté d'établir un réseau de succursales de services bancaires au détail. Est-ce à dire que la somme que vous avez affectée à cet objectif, soit 500 millions de dollars, ne représente qu'une petite partie de ce que vous souhaiteriez avoir comme capacité concurrentielle?
M. Kuhlmann: J'aimerais être en mesure de répondre à cette question, mais ce n'est pas le cas. Nous faisons ce que nous jugeons faisable et possible.
Pour ce qui est des autres aspects de l'activité d'ING, nous sommes disposés à envisager d'autres possibilités au Canada. Nous l'avons fait en matière d'assurances, de gestion des avoirs et des activités commerciales.
Le sénateur Di Nino: Dans combien de pays la société ING a-t-elle des activités en dehors de son port d'attache des Pays-Bas?
M. Kuhlmann: Voulez-vous parler des services bancaires de détail?
Le sénateur Di Nino: Je veux parler de toutes les catégories de services bancaires.
M. Kuhlmann: Nous exerçons notre activité dans 73 pays.
Le sénateur Di Nino: Dans combien d'entre eux offrez-vous des services bancaires au détail?
M. Kuhlmann: Nous offrons de tels services dans trois pays.
Le sénateur Di Nino: La plupart de vos activités à l'extérieur des Pays-Bas ont-elles rapport aux services bancaires de gros plutôt que de détail?
M. Kuhlmann: Non. Il ressort des statistiques qui concernent le groupe que 65 p. 100 environ de nos activités à l'échelle mondiale ont trait à l'assurance. La gestion des avoirs, les services bancaires aux entreprises et les services bancaires commerciaux représentent environ 20 à 25 p. 100 des activités du groupe.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais savoir comment -- d'après votre expérience -- on traite les banques étrangères dans d'autres pays comparativement à la façon dont on vous traite au Canada. Je songe par exemple à des pays où vous faites affaire comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande ou l'Allemagne?
M. Kuhlmann: Récemment, nous étions en train d'élaborer un plan de lancement, en Espagne, d'activités de même nature que celles que nous exerçons ici au Canada. Il s'agissait d'un processus de trois mois. Les démarches étaient plutôt faciles, comparativement au processus administratif qui a nécessité un an ici au Canada. Autre problème: la capitalisation exigée est beaucoup moindre en Espagne. En tant que Canadiens, nous sommes en concurrence sur le marché mondial pour avoir accès à des capitaux et à des ressources.
Le sénateur Di Nino: Donc, selon vous, le marché canadien est beaucoup plus difficile à pénétrer?
M. Kuhlmann: Oui.
Le sénateur Di Nino: Est-ce à cause du monopole -- c'est votre expression, pas la mienne -- des grandes banques au Canada?
M. Kuhlmann: C'est plutôt une question structurelle que de position des banques. Les banques font ce qu'elles doivent faire. C'est plutôt un problème d'infrastructure: la façon de réglementer, de fixer les impôts, d'organiser le système des paiements et le système de compensation.
Il y a un effet de retombée. Meilleure est l'infrastructure, plus il y a de retombées dans d'autres secteurs. Heureusement pour vous, IG Direct est au coeur même du dernier saint des saints du secteur financier, soit les comptes d'épargne des Canadiens moyens. On ne peut pas trouver de meilleure marge que celle-là.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais vous poser des questions au sujet de vos activités au détail. Qu'est-ce que vous voulez vraiment faire? Vous dites que vous avez 500 millions de dollars disponibles pour créer des services bancaires au détail au Canada. D'autres banques de l'annexe B semblent avoir réussi dans ce secteur. Quelle est la différence entre ce que vous proposez et les activités de BCI ou d'autres?
M. Kuhlmann: Beaucoup ont essayé mais se sont réfugiés dans ce que nous appelons des créneaux. On dit de nous que nous occupons un créneau. Nous pensons plutôt que nous offrons des services généraux, puisque nous avons des produits courants comme des comptes d'épargne et de simples prêts à la consommation. Nous ne sommes pas spécialisés. Par exemple, vous ne pouvez pas négocier les prix avec nous. Nous avons un prix pour tous. Peu importe que vous ayez une petite somme ou une fortune. Nous pensons que nous convenons très bien aux ménages canadiens moyens. Nous ne sommes spécialisés ni géographiquement, ni pour le type de produit, ni démographiquement, ni pour un niveau de revenu. Pour l'ensemble du marché de détail, nous offrons un produit qui ressemble au parfum à la vanille, pour la crème glacée. Des entreprises se spécialisent dans les cartes de crédit ou dans certaines autres activités commerciales. Ce n'est pas notre cas.
Le sénateur Di Nino: Vous souhaitez créer un réseau de succursales où divers services concurrentiels pour les grandes banques seraient offerts de la même manière. Sans divulguer de secrets commerciaux, qu'est-ce que vous voulez offrir de différent?
M. Kuhlmann: Nous faisons vraiment les choses différemment. C'est en partie pour cette raison qu'il y a tant de controverse, qui ne fait que contribuer à une saine discussion.
Ainsi, je peux vous dire que le monde de l'avenir sera un peu différent. C'est très enthousiasmant. Prenons l'exemple de notre relation stratégique avec Canadian Tire. Canadian Tire est un détaillant établi d'un océan à l'autre. C'est l'une des plus robustes marques de commerce au Canada. Nous sommes très fiers d'eux. Nous avons forgé des liens avec cette entreprise et nous allons non seulement offrir des services par l'intermédiaire de ses succursales, mais nous allons aussi y établir un réseau de guichets automatiques. Vous pourrez voir dans les magasins Canadian Tire nos comptes d'épargne à taux d'intérêt élevé et nos prêts ordinaires aux taux faibles, très faibles de tous les jours -- il ne s'agit pas de prêts de promotion.
Je pense que c'est un modèle intéressant pour l'avenir.
Le sénateur Di Nino: Cela fait partie de votre stratégie du service bancaire au détail.
M. Kuhlmann: Oui.
Le sénateur Di Nino: Vous allez de l'avant avec cela?
M. Kuhlmann: Certainement.
Le sénateur Di Nino: Croyez-vous que les recommandations du rapport MacKay vous aideront à mettre en oeuvre cette stratégie? Quels changements devraient à votre avis être apportés aux recommandations du rapport MacKay pour vous aider?
M. Kuhlmann: Nous sommes ravis de nombre de recommandations du rapport MacKay. Tout le monde au Canada parle d'accroître et d'améliorer la concurrence. La question, c'est de savoir comment structurer les choses pour l'avenir.
Les seules lacunes que nous avons constatées sont celles dont j'ai déjà parlé au sujet des infrastructures. Pour moi, c'est un plan. Sans un plan, le rapport MacKay n'a pas de base très concrète.
Le sénateur Di Nino: Je ne sais pas très bien de quoi vous parlez lorsque vous dites «l'infrastructure» ou «le plan». Il faut être plus précis. Malheureusement, nous n'avons pas le temps d'approfondir cette question ce matin. Je voudrais bien me faire une idée et rassembler vos pensées et celles de nombreux autres témoins. Nous espérons faire des recommandations qui seront utiles à vous et aux consommateurs canadiens.
Je crois vous avoir entendu dire que vous en étiez à 1,2 milliard de dollars?
M. Kuhlmann: Oui.
Le sénateur Di Nino: Cette somme se traduit par quelle sorte d'actifs? Où mettez-vous votre argent?
M. Kuhlmann: Dans des titres canadiens des prêts aux des entreprises, aux gouvernements et aux consommateurs. Une bonne part est consacrée aux prêts à la consommation.
Le sénateur Di Nino: Quelle part se retrouverait dans les prêts à la consommation, les petites entreprises et les titres? Pouvez-vous me donner des chiffres?
M. Kuhlmann: Je ne peux pas vous fournir une ventilation.
Le sénateur Di Nino: Diriez-vous que vous vous êtes efforcés de desservir le secteur des petites entreprises dont tout le monde dit qu'il est mal servi?
M. Kuhlmann: Nous ne sommes pas sur le marché des entreprises ou des petites entreprises. Ce n'est pas notre objectif.
La définition est intéressante, sénateur. À une certaine époque, je travaillais dans le secteur bancaire et les petites entreprises, c'étaient celles de 1 million de dollars et plus. Nous avons maintenant ce qu'on appelle les micro-entreprises. Il est intéressant de constater que nous avons des demandes de travailleurs autonomes ou de couples qui lancent de petites entreprises. Ils obtiennent un prêt chez nous et s'en servent pour lancer leur entreprise. Nous accordons des prêts jusqu'à 50 000 $. Le prêt moyen, approuvé en une heure, de manière automatique, est de 50 000 $. Nous irons jusqu'à 100 000 $, à condition d'attendre un jour. Nous n'accordons que des prêts non garantis; nous n'offrons pas de prêts garantis.
Le sénateur Di Nino: Vous ne savez pas quel pourcentage de votre portefeuille cela représente.
M. Kuhlmann: Non, mais nous savons qu'il y a une demande considérable et un besoin pour ce genre de prêts, pour lesquels le taux d'intérêt est un facteur important.
Le sénateur Di Nino: Certaines banques de l'annexe B prétendent qu'il est discriminatoire de les accuser de retenue d'impôt. Qu'en pensez-vous? Par ailleurs, voudriez-vous pouvoir vendre de l'assurance et du crédit-bail si les règles étaient changées?
M. Kuhlmann: Au sujet des retenues d'impôt, comme nous ne sommes pas dans ce secteur, ce n'est pas un problème. En tant que banquier, je ne vois pas là un gros problème. Je sais qu'il y a des besoins financiers à cet égard. Plus nous harmonisons les questions fiscales particulièrement par rapport aux États-Unis, plus ce sera utile. Ça influence certainement les tendances d'investissement du capital.
Par ailleurs, pour ce qui est de l'accès, nous vendons beaucoup d'assurance. Ce n'est pas cette entité-ci qui le fait, mais une autre. Ce n'est pas une obligation pour nous. Ce n'est encore qu'un projet.
Toutefois, l'un de nos problèmes, et qui montre pourquoi la tâche difficile qu'on vous a confiée ne doit pas être sous-estimée, c'est qu'on parle de plus en plus d'ouverture et de fusion et je crois qu'il est préférable de se concentrer sur la transition. Revenons au marché des hypothèques du début des années 70. Une fois qu'on permet l'accès, le marché est mobilisé, puis rien ne change vraiment. Ce dont nous avons besoin au Canada, c'est de changements profonds.
Il nous faut des lois qui donnent aux Canadiens un droit à un compte en banque. C'est peut-être un privilège que de faire des affaires avec une banque, mais si vous en parlez aux consommateurs canadiens, vous saurez que les banques leur disent que c'est un privilège que de faire affaire avec elles. Il leur faut un droit. Il faut trouver un moyen de fournir une signature électronique. Essentiellement, il faut offrir aux Canadiens l'accès à tout type de services, sur une base concurrentielle, pour le moins. Si vous voyiez comme moi de tristes situations tous les jours, vous voudriez faire quelque chose. Nous voudrions accroître la concurrence sur le marché du détail.
Le sénateur Callbeck: Je quelques brèves questions, dont la première porte sur la notion de société de portefeuille abordée dans le rapport MacKay. Votre société, ING, fait certainement affaire avec de nombreuses entreprises au Canada qui oeuvrent dans le secteur financier. J'aimerais savoir si la notion de société de portefeuille vous intéresse.
M. Kuhlmann: En effet, elle offre un certain intérêt. Je me pose toutefois une question, au sujet de la réglementation. Je me demande si le BSIF sera en mesure de manoeuvrer à la foi du côté de l'assurance et du côté des banques. Ce que nous nous proposons de faire, en nous adressant au ministère des Finances, c'est d'assumer un rôle prépondérant à l'échelle du monde parmi les conglomérats. Je crains qu'il n'y ait pas suffisamment de ressources qui soient consacrées à la surveillance de cette notion de société de portefeuille ou à son maintien. Mais comme c'est un instrument qui fonctionne bien dans d'autres pays, je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même ici.
Le sénateur Callbeck: Vous dites, dans votre mémoire, que votre présence au Canada a été bénéfique pour bon nombre de Canadiens qui ne font pas affaire dans vos banques à vous. Vous avez ensuite parlé d'institutions financières qui augmentaient leurs taux et qui retiraient certains frais de service. De quels frais de service parlez-vous?
M. Kuhlmann: Vous parlez des banques ou de nous-mêmes? Pour notre part, j'ai déjà dit que nous n'imposions aucuns frais de service.
Le sénateur Callbeck: À quels frais de service a-t-on renoncé pour pouvoir vous concurrencer?
M. Kuhlmann: Ce qu'on entend souvent raconter, dans notre centre d'appel, ce sont des histoires de gens qui, après être allés à leur banque pour libeller un chèque à notre intention, se sont fait demander quel était le taux que leur offrait ING Direct. Or, notre taux est de notoriété publique car même nos employés obtiennent le même taux. Il n'y a pas de différence, non plus, entre ceux qu'obtiennent nos employés et moi-même. Donc, nos interlocuteurs nous racontent que leur banque décide de leur offrir le même taux que nous, ce qui les incite à y laisser leurs épargnes. Vous voyez, nous sommes devenus une petite monnaie d'échange des plus intéressantes.
J'aimerais bien pouvoir quantifier mes affirmations pour le bénéfice du comité, ce qui me vaudrait certainement une médaille de l'Ordre du Canada. Mais ce sont des choses qui arrivent sur ces marchés et dans les entreprises de détail. Dès lors que quelqu'un offre un prix équivalent, le consommateur peut négocier et conclure de bonnes affaires. Bien sûr, nous aurions préféré que ces clients nous apportent leur argent.
Vous seriez certainement ravis d'entendre l'histoire d'une veuve à la retraite qui a fait exactement la même chose, lorsqu'elle s'est rendue dans une succursale rurale en Ontario. Lorsqu'elle a libellé son chèque à l'intention de ING, et qu'elle a voulu s'assurer que ce chèque serait bel et bien envoyé, le préposé au guichet lui a conseillé de n'en rien faire, et il a voulu lui faire rencontrer le directeur de la succursale. Or, lorsque ce dernier a jeté un coup d'oeil sur le chèque, il a dit à cette veuve qu'il était tout disposé à offrir le même taux que ING, mais que son montant était beaucoup trop faible. En effet, si elle acceptait de gonfler son montant de 14 000 $ à 50 00 $, il pourrait même lui offrir un taux encore plus intéressant. Cette retraitée s'est alors présentée chez nous, à ma porte, pour m'expliquer qu'elle transférait toutes ses épargnes chez nous, par principe, et qu'elle convaincrait tous les membres de son club social de faire de même.
Vous savez, sur ce champ de bataille, on gagne parfois mais on perd aussi parfois: c'est ce que j'appelle de la saine concurrence.
La présidente: Monsieur Kuhlmann, merci de votre exposé des plus intéressants et utiles.
Mesdames et messieurs, nous accueillons maintenant M. Ian Gillespie, président-directeur général de la Société pour l'expansion des exportations.
Le sénateur Donald H. Oliver (président suppléant) occupe le fauteuil de la présidence.
Bienvenue au comité sénatorial des banques. Nous avons fait distribuer copie des notes d'exposé que vous nous avez fait parvenir. Vous avez la parole.
M. Ian Gillespie, président-directeur général, Société pour l'expansion des exportations: Mesdames et messieurs, je suis ravi de pouvoir vous dire ce que nous pensons du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada, et de vous expliquer ce qui, à notre avis, permettra de faire croître de façon durable la richesse et la prospérité du Canada.
J'ai en effet fait distribuer un mémoire qui, je l'espère, sera consigné au procès-verbal. Je ne reprendrai pas directement le texte, car j'aimerais plutôt résumer, pendant quelques minutes, certains des messages clés qui nous semblent des plus importants.
Brièvement, j'aimerais vous rappeler que la SEE, par son rôle et par son mandat, s'efforce de favoriser la compétitivité commerciale du Canada en offrant les services de financement commercial dont ont besoin les compagnies canadiennes qui souhaitent faire des affaires à l'extérieur de nos frontières.
Ce qui distingue la SEE des autres institutions financières canadiennes, c'est que nous avons regroupé sous un même toit le plus grand nombre de spécialistes du financement du commerce extérieur. Nous sommes en mesure d'assumer des risques financiers dans 200 pays du monde. L'an dernier, nous avons fait des affaires dans 145 marchés étrangers au nom de nos clients canadiens. Nous avons soutenu financièrement plus de 100 milliards de dollars d'exportations canadiennes et d'investissements étrangers au cours des cinq dernières années, tout cela grâce à un capital versé de base de moins de 1 milliard de dollars. Nous espérons en faire autant au cours de trois prochaines années.
La SEE est une institution financière commerciale qui vise à optimiser les exportations et non les profits. Cette année, nous espérons atteindre un volume de transaction d'environ 32 milliards de dollars, au nom de nos 4 000 clients et plus, dont plus de 85 p. 100 d'entre eux sont des petites et moyennes entreprises. Autrement dit, la grande entreprise de la SEE, c'est la petite entreprise.
En termes très simples, dans notre plan d'activités de cette année, la SEE vise à faire affaire avec un plus grand nombre de clients et à générer un taux de rendement adéquat pour soutenir notre capital ainsi qu'une croissance accrue, ce qui est important puisque le Canada est une nation commerçante. En effet, les exportations représentent environ 43 p. 100 de son PIB, soit le pourcentage le plus élevé des pays du G-7 et un pourcentage de près de quatre fois supérieur à celui des États-Unis.
La croissance par les exportations jouera un rôle essentiel dans la prospérité du Canada de demain. Par conséquent, il est important pour le Canada d'avoir un avantage concurrentiel dans ses échanges commerciaux. Toutefois, comme le démontrait le récent rapport du Conference Board du Canada intitulé «Rendement et potentiel, 1998», le Canada est également vulnérable à plus long terme aux forces de la mondialisation, à moins que sa compétitivité commerciale ne continue à s'améliorer.
À l'échelle du monde, les compagnies canadiennes sont petites, car le Canada compte relativement peu de sociétés transnationales. Par rapport à nos grands partenaires commerciaux, nous tirons de l'arrière pour ce qui est de la croissance de notre revenu par habitant et de notre productivité. Au Canada, la R-D est plus faible en pourcentage qu'aux États-Unis, qu'en Allemagne et qu'au Japon. Les investissements directs étrangers arrivant au Canada et en sortant devront être augmentés.
Le débat entourant l'avenir du secteur des services financiers au Canada doit viser à définir la façon de renforcer la capacité des compagnies canadiennes à faire face à la concurrence internationale et tourner autour de la façon optimale de créer des avantages compétitifs pour le Canada, avantages qui se traduiront à leur tour par la croissance de l'emploi et par des occasions génératrices de richesse, de même que par une infrastructure sociale appropriée pour les Canadiens d'aujourd'hui et de demain.
D'après notre expérience, peu d'institutions financières ont pour mandat premier de favoriser la mondialisation des entreprises canadiennes. Par conséquent, elles ne répondent peut-être pas aux attentes stratégiques de leurs clients. La récente crise asiatique et ailleurs dans le monde ne pourrait qu'exacerber ce problème. Je n'ai pas à vous expliquer que cette incertitude engendre des problèmes de liquidité relativement graves à l'échelle internationale.
On peut se féliciter des recommandations du groupe de travail et de son désir d'ouvrir plus grande la porte à la concurrence. Mais je ne passerai pas plus de temps là-dessus. Pour notre part, nous constatons que le rapport MacKay est presque muet sur le financement à l'exportation et aux investissements et sur le rôle critique que jouent les intermédiaires financiers fédéraux que sont la SEE, la SCA, la BDC et la CCC. Ce silence signifie que le rapport MacKay ne s'est pas penché sur les grands enjeux de commerce et d'investissement essentiels à la création de la richesse au Canada et pertinents au mandat de la SEE. Cette omission nous semble grave, étant donné que les échanges commerciaux constituent l'une des parties les plus dynamiques de l'économie canadienne. La capacité de croître du Canada exigera la mobilisation de ressources financières suffisantes pour soutenir les initiatives des entreprises canadiennes sur la scène internationale.
Aucune des grandes stratégies des banques canadiennes ne vise actuellement à aider les entreprises canadiennes à s'installer sur la scène internationale. Au contraire, elles semblent motivées avant tout par la volonté de raffermir leur position sur le marché nord-américain, de devenir plus concurrentielles, par le recours à certains instruments d'entreprise axés sur les produits, tels que la vente et l'achat d'instruments à taux fixe et de devises, la souscription, voire même certains services bancaires particuliers.
Les fusions proposées ne semblent pas se préoccuper des questions stratégiques influant sur la création d'une richesse nationale, sauf peut-être dans son sens le plus étroit, et ne semblent pas non plus répondre aux besoins croissants des petites entreprises, pas plus qu'elles ne semblent illustrer un souci d'offrir des services plus efficaces aux sociétés canadiennes évoluant sur les marchés internationaux.
Le débat sur les fusions s'est à juste titre centré sur le financement des PME, puisque la vulnérabilité de celles-ci est un véritable problème. Les MPE sont en effet les plus grandes créatrices de richesse et d'emploi, et elles témoignent de l'esprit d'entreprise des Canadiens. Nombre de ces entreprises sont axées sur le savoir, caractéristique qui nous permettrait de compenser pour notre vulnérabilité en matière de R-D et de favoriser le climat nécessaire pour retenir chez nous, au Canada, les spécialistes que nous avons subventionnés à grands frais.
Je ne suis pas sûr qu'une plus grande concentration des banques au Canada favorisera la capacité de financement des exportateurs canadiens. En fait, ces fusions internes pourraient même exacerber les problèmes que représente le manque de soutien financier adéquat aux exportateurs, et particulièrement aux PME, qui sont le groupe le plus vulnérable, et c'est ce que révélait un sondage récent mené par l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada et par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Les PME chercheront à réduire leurs frais généraux en rationalisant la prestation de certains de leurs services et en canalisant leur énergie sur les sociétés mondiales et transnationales de même que sur le marché international.
Il faut donc conclure que le financement des opérations commerciales et des investissements constitue et ne cessera de constituer un créneau d'intérêt accessoire pour les institutions financières canadiennes et non un axe central de leurs activités. Il faut donc inscrire le financement des opérations commerciales et le financement des investissements au Canada dans les avantages concurrentiels que recherche le Canada et en faire un de nos grands facteurs de succès.
Notons, pour le bénéfice du comité, que la SEE et les institutions financières canadiennes collaborent de façon plus étroite que jamais, plus que je ne l'ai vu dans mes 20 années à la SEE.
La capacité de la SEE de gérer les risques peut servir à aider les institutions financières canadiennes à offrir des marges de crédit opérationnelles qui sont à la base de tout financement à court, moyen et long terme de biens de production et de projets d'immobilisations.
Nous estimons que notre soutien direct et indirect aux banques représente environ 10 milliards de dollars par an, sans compter une trésorerie de taille qui nous sert à financer nos opérations de change, notamment. Nous travaillons en étroite collaboration avec les banques pour ce qui est de certains de nos produits génériques, tels que l'assurance des comptes clients, ce qui nous permet d'exiger des paiements aux banques, de même que des documents d'assurance-crédit, et d'assurer également les lettres de crédit de banques internationales au nom des banques canadiennes.
Nous fournissons également aux banques canadiennes de l'assurance-risque politique qui les protège contre les risques de blocage des échanges, d'expropriation due à des guerres, et cetera. Nous fournissons également des garanties-cautions de soumission et des garanties-cautions de bonne exécution.
Avec les banques, nous cherchons à trouver des solutions qui s'adressent de façon spécifique aux petites et moyennes entreprises; nous avons notamment conclu un partenariat avec la société Northstar Financement du Commerce international Inc., qui appartient en partie à la Banque Royale et à la Banque de Montréal, et qui finance les plus petites transactions à moyen terme.
Nous offrons également aux banques une garantie générale sur les créances qui a été conçue pour que celles-ci admettent les créances à l'étranger comme garantie, afin que les PME puissent obtenir des marges de crédit opérationnelles plus élevées. Nous avons été déçus pour plusieurs raisons de l'accueil réservé à cette garantie par les banques.
Il y a quelques jours, le ministre Marchi annonçait le lancement d'une étude législative qui s'effectuera en parallèle avec le rapport MacKay. Je crois que cette étude permettra de revoir tous les grands enjeux du financement commercial et de confirmer l'importance du mandat de la SEE dans le cadre plus général des exportations du Canada et de leur financement. Même si je n'aborderai pas directement ces aspects, je répondrai avec plaisir aux questions que vous aurez à cet égard.
En conclusion, la SEE ne peut pas à elle seule combler tous les besoins des entreprises canadiennes sur le marché global. Il faut pour cela un secteur des services financiers dynamique, compétitif, concentré, qui fasse vraiment partie d'Équipe Canada dans toutes ses dimensions, et qui mobilisera les ressources nécessaires pour encourager l'esprit d'entreprise, créer des débouchés, des emplois et des richesses qui soutiendront l'infrastructure sociale et qui donneront à notre pays une qualité de vie sans pareille. Nous devons nous assurer que les consommateurs et les entreprises du Canada ont tous les ingrédients nécessaires pour croître et prospérer à l'échelle nationale et internationale. Le secteur des services financiers est vital et unique à cet égard, et de toute évidence, nos instruments de crédit sont essentiels.
Le président suppléant: Avez-vous fait un exposé ou adressé un mémoire au groupe de travail MacKay?
M. Gillespie: Non.
Le président suppléant: Vous et d'autres nous ont dit que votre société, la SCA et d'autres sociétés d'État n'ont pas du tout été mentionnées dans le rapport du groupe de travail MacKay, et que c'est un oubli malheureux. Si vous deviez rédiger ce rapport aujourd'hui, que diriez-vous au sujet de l'harmonisation de vos activités avec celles des autres institutions financières du Canada, par exemple, les banques, les compagnies d'assurances et les sociétés de fiducie?
M. Gillespie: Ce qui compte, c'est d'offrir des moyens aux entreprises canadiennes.
Dans mon esprit, la question des fusions bancaires ressemble de beaucoup à la question des concentrations au Canada. Ce qui est intéressant, et même ironique à mon avis, c'est que si les banques canadiennes avaient décidé de s'allier à des partenaires étrangers, le débat ne serait pas le même au Canada. Il s'agit de créer des moyens pour les entreprises canadiennes, et la seule chose qui me préoccupe, c'est qu'on se soucie moins de cette question que de la création d'une banque d'envergure mondiale. En conséquence, si cette rationalisation va de l'avant, les petites et moyennes entreprises du Canada deviendront plus vulnérables étant donné ce manque de moyens. Il est important que les banques montrent bien qu'elles vont non seulement fournir ces moyens à ce secteur important et aux grandes entreprises, mais même les améliorer.
Nous avons assisté à une conférence intéressante récemment sur les infrastructures publiques et privées à l'échelle globale, où l'on a fait état de la nécessité de trouver des solutions de financement globales pour les entreprises canadiennes, même les plus connues, qui sont toutes petites à l'échelle canadienne.
Le président suppléant: Ce n'est pas tout à fait la question que j'ai posée. Je vais la poser de nouveau.
Étant donné que le rapport du groupe de travail MacKay ne fait pas état de votre société, et étant donné que vous financez massivement les entreprises canadiennes qui exportent, si vous deviez rédiger ce rapport aujourd'hui, qu'est-ce que vous aimeriez y voir, du point de vue de la politique gouvernementale, qui vous aiderait à faire votre travail dans le prochain millénaire, et ce, de concert avec les banques et les autres institutions financières? Comment voudriez-vous que ces activités s'harmonisent?
M. Gillespie: Il faudrait que le groupe de travail reconnaisse le rôle vital que jouent les institutions financières fédérales et la nécessité de consolider ces institutions. Elles font partie des moyens dont je parlais plus tôt.
Les banques, à elles seules, ne peuvent pas être présentes dans 200 marchés dans le monde. C'est une question de compétences, et c'est aussi une question de moyens. En conséquence, il s'agit de consolider les institutions financières fédérales pour trouver les moyens nécessaires, et il ne s'agit pas d'avancer leurs intérêts mais de leur permettre de prendre des initiatives plus vigoureuses, et elles pourront jouer ainsi un rôle de catalyseur, et ce, en partie pour créer de bons partenariats capables de mobiliser les ressources nécessaires du secteur privé.
Le sénateur Kelleher: Quand j'étais associé à la SEE il y a une dizaine d'années de cela, nous avions le même problème. Les grandes banques et la SEE ne semblaient pas coopérer. D'ailleurs, les grandes banques montraient une certaine hostilité à l'égard des activités de la SEE. On l'accusait de prendre les meilleurs morceaux et de ne laisser que des miettes aux banques dans certains domaines. Ce fait a été reconnu par les deux parties, et je crois savoir que la SEE et les grandes banques se sont employées à corriger ce problème. Quelles mesures les deux parties ont-elles prises pour corriger ce problème?
Étant donné que le rapport MacKay n'en fait pas mention -- et je suis d'accord pour dire que c'est une question très importante --, il serait utile que la SEE nous fasse part dans une lettre des suggestions qui permettraient d'obtenir une meilleure coopération de la part des grandes banques dans ce domaine particulier, ou des choses précises qu'on ne fait pas ou qu'on pourrait faire mieux que l'on fait maintenant.
Le président suppléant: Pourriez-vous nous faire cette lettre? Pourrions-nous la recevoir d'ici une semaine?
M. Gillespie: Nous pourrions certainement vous dire dans quels domaines nous collaborons avec les banques et dans quels domaines nous souhaiterions une meilleure coopération. Je serai heureux de vous faire cette lettre.
En réponse à la première question du sénateur Kelleher, la relation actuelle avec les banques canadiennes est beaucoup mieux que ce qu'elle était, même si la SEE a connu une croissance considérable depuis l'époque où vous en étiez responsable. Les banques ont également admis que nos rapports avec elles ne doivent plus se situer uniquement au niveau des services extérieurs des banques canadiennes, mais que c'est plutôt une relation plus globale où interviennent le financement des entreprises et des projets ainsi que les activités des banques relatives aux petites et moyennes entreprises. Il y a également des rapports de trésorerie, par exemple, pour obtenir les taux de change nécessaires ou des instruments dérivés et tout le reste. Nos relations avec les banques ont beaucoup plus d'ampleur. Nous avons tous deux compris qu'il ne s'agit pas de savoir qui a les miettes et qui a toute l'assiette, nous avons plutôt compris que si nous travaillons ensemble, les entreprises canadiennes profiteront de débouchés excellents à l'échelle mondiale. Maintenant, comment pouvons-nous combiner nos ressources pour mobiliser les moyens existants? À cet égard, la SEE montre beaucoup plus d'initiative dans la mobilisation de ces ressources.
Du côté des petites et moyennes entreprises, ce rôle est difficile lorsqu'il s'agit de trouver les moyens nécessaires. Chose certaine, nous n'avons pas les capacités de distribution qu'il faut au pays pour rejoindre les petites villes. De même, comme vous le savez fort bien, on ne peut pas forcer les gens non plus.
Ce sont là quelques difficultés. Les divers gestionnaires des banques ont tellement de produits différents à offrir que certains programmes ont tendance à se perdre. Si l'on fait la liste des programmes de A à Z, il y a des glissements, oui.
Le sénateur Kelleher: L'une des nombreuses choses que la SEE a à offrir, et que les banques ne peuvent pas offrir, c'est sa compétence en matière d'évaluation des pays à risque. La SEE est présente partout dans le monde alors que ce n'est pas le cas de nos banques canadiennes. La SEE dispose d'une compétence que les banques n'ont pas. Les banques hésitent souvent à investir dans des pays où elles ne sont pas présentes, ce qui se comprend. Elles semblent aussi avoir une certaine hésitation à travailler en étroite collaboration avec la SEE lorsqu'il s'agit de faire appel à la compétence de la SEE en matière d'évaluation des pays à risque. Ce n'est pas parce que la SEE a mal évalué certains pays. Son dossier est exemplaire à cet égard. Mais c'est un domaine où je crois que les deux parties pourraient travailler en plus étroite collaboration. Évidemment, il faut être deux si on veut danser.
Le président suppléant: Êtes-vous en accord avec cette affirmation?
M. Gillespie: Oui, absolument. On dispose d'un avantage compétitif dans ce domaine quand on a l'expertise que mentionnait le sénateur Kelleher. Et je pense que nous l'avons. Nous faisons également tous les efforts voulus pour être encore plus compétents de ce côté. Nous avons aujourd'hui un représentant à Beijing. Nous avons parlé au ministre et à notre conseil d'administration de la possibilité d'accroître le nombre de représentants de la SEE à l'étranger parce que cela fait partie du genre de chose qui aidera les entreprises canadiennes à trouver des débouchés.
Les autres dimensions de l'avantage compétitif que je viens de mentionner sont, par exemple, le fait de réunir sous un même toit toutes les compétences possibles en matière de financement du commerce extérieur, nos garanties, la capacité que nous avons de prendre des risques et, en définitive, les services que la SEE fournit. Nous vous avons communiqué des informations relativement à la satisfaction de la clientèle face aux services de la SEE au cours des dernières années.
Le sénateur Di Nino: Afin de faciliter la compréhension de ceux qui nous regardent ou de ceux qui doivent rédiger un rapport, auriez-vous l'obligeance de nous donner plus de détails sur les relations dont vous parlez. Évidemment, celle qu'a mentionnée le sénateur Kelleher est importante. Quelle autre coopération ou participation attendez-vous des grandes banques et des autres entités de manière précise? De même, quelles sont ces autres entités?
M. Gillespie: J'aimerais mentionner deux petites choses. D'abord, nous avons créé un partenariat important avec la société Northstar Financement du Commerce international Inc., qui a été créée grâce à l'esprit d'entreprise d'un monsieur du nom de Scott Shepherd, un ancien employé de la SEE qui s'est mis à son compte. S'appuyant sur sa créativité et ses compétences, il a pu fonder une petite entreprise. Il y est parvenu en dépit des sceptiques -- je parle de certaines institutions financières de notre pays. Il a su également attirer l'intérêt de la Banque de Montréal au départ et, plus récemment, celui de la Banque Royale, pour fonder son entreprise. Il a pu fournir plus de 100 millions de dollars par année en prêts pour de plus petites transactions sur le moyen terme qui sont en définitive soutenues et assurées par la SEE.
Le sénateur Di Nino: Il s'agit toujours de commerce extérieur.
M. Gillespie: Il s'agit en effet de commerce extérieur. Ce n'est qu'une dimension. Il existe d'autres possibilités semblables qui nous permettront de créer des partenariats avec le secteur privé et d'utiliser la compétence de la SEE en matière d'évaluation des risques qui nous permettront de mobiliser les ressources du secteur privé en vue d'aider les petites entreprises canadiennes.
À l'autre extrémité du spectre, nous envisageons de créer des partenariats avec des institutions financières canadiennes dans le but de trouver des solutions de financement complètes pour de plus grands projets partout au monde. L'une des difficultés, c'est que les entreprises canadiennes, qu'elles soient actives dans le domaine du génie, des télécommunications ou dans d'autres secteurs, ont tendance à être petites à l'échelle mondiale. Elles doivent mobiliser divers biens et services venant des quatre coins du monde. La SEE, qui voit évidemment à l'intérêt canadien, n'est pas toujours en mesure de soutenir ou de financer tous leurs projets. Il peut s'agir d'un projet de raffinerie quelque part dans le monde, mais seulement une partie de ce projet proviendra en fait du Canada. Voilà pourquoi la SEE ne peut que jouer un rôle partiel dans son financement. Dans de nombreux cas, les institutions financières canadiennes ne veulent fournir le reste du financement, ce qui oblige les entreprises canadiennes à trouver d'autres crédits ailleurs dans le monde. Tâche difficile lorsqu'elles n'ont pas les reins assez forts pour obtenir d'elles-mêmes les prêts voulus. Nous avons discuté avec diverses institutions de l'idée de former une alliance quelconque, dont la structure ou la forme n'est pas encore claire, dans le but d'offrir un financement complet dès le départ. Ce qui soulagerait alors les petites entreprises canadiennes de l'obligation de trouver elles-mêmes les prêts voulus, leur permettant ainsi de se concentrer sur les éléments commerciaux. Cela sera de plus en plus important au fur et à mesure que les petites entreprises canadiennes participeront aux grands projets d'infrastructure publics et privés.
Le sénateur Di Nino: La SEE fournirait-elle également une assurance quelconque, une sorte de garantie? Quel rôle pourriez-vous jouer dans ce domaine?
M. Gillespie: Notre rôle pourrait consister à fournir des prêts ou du capital-actions afin de financer un grand projet. Il ne s'agit pas d'offrir des garanties aux institutions financières. Nous voulons qu'elles prennent leurs propres risques. Nous ne voulons pas que la SEE prenne tous les risques et que les banques se contentent des profits. Nous voulons travailler avec des gens qui comprennent ce genre d'entreprise parce qu'il s'agit de risques élevés. Les banques feront leur part et nous ferons la nôtre afin de trouver une solution de financement complète. Il pourrait s'agir ici de produits d'assurance, d'assurance contre le risque politique, de prêts ou de capital-actions. Le but serait de créer une alliance ou une institution qui réaliserait cet objectif.
Le sénateur Di Nino: Joueriez-vous aussi en quelque sorte le rôle d'un système d'alerte avancée s'il se pose des problèmes à l'horizon?
M. Gillespie: Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre.
Le sénateur Di Nino: La grippe asiatique est un excellent exemple. Nous savons tous que la SEE est présente dans cette partie du monde depuis plusieurs années.
Étant donné que vous êtes présents dans de nombreux pays, entrevoyez-vous pour la SEE un rôle où vous seriez en mesure d'alerter les investisseurs et les institutions financières du Canada et de leur dire que des secousses se préparent dans le monde financier à l'étranger?
M. Gillespie: Je dirais les choses un peu différemment. Les institutions financières du Canada sont très rassurées du fait que nous sommes présents sur ces marchés et que nous disposons de la compétence que mentionnait le sénateur Kelleher. Notre présence manifeste fort bien l'intérêt que nous portons à ces marchés. Dans plusieurs cas, cela les encouragera à investir à long terme au lieu de fuir au moindre changement dans l'économie. La SEE est en mesure d'envisager les choses à long terme et d'encaisser certaines secousses inévitables. La force, l'appui, le savoir et la compétence de l'actionnaire constituent une grande valeur.
Le président suppléant: Je vous remercie d'avoir été des nôtres aujourd'hui et de nous avoir fait cet exposé succinct et utile.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
Le président: Nos témoins suivants sont de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Nous vous écoutons.
Mme Catherine S. Swift, présidente du conseil d'administration et présidente-directrice générale, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Honorables sénateurs, la Fédération représente la petite entreprise du Canada. Nous comptons en ce moment 90 000 membres, dans tous les secteurs et toutes les régions du pays. Les questions relatives au financement des entreprises revêtent la plus grande importance pour nos membres. Nous sommes très heureux des travaux du groupe de travail MacKay et de son rapport. Ce texte a jeté des lumières nouvelles sur certaines de ces questions, et dans nos 28 ans d'existence, nous n'avons jamais vu ces sujets aussi clairement énoncés. On y trouve des informations fort pertinentes.
Les recommandations du rapport portent sur des domaines comme la création d'emplois, la croissance économique et l'innovation. On reconnaît de plus en plus que notre secteur est une machine à créer des emplois. Nous n'entrevoyons aucune baisse dans cette tendance. Nous nous attendons à ce que, au sein de la main-d'oeuvre, les travailleurs autonomes et les petites entreprises connaissent une croissance encore plus rapide. Les questions relatives au financement, tant du côté de la dette que du capital-actions, revêtent donc une très grande importance dans le cadre de cette tendance.
On reconnaît dans rapport MacKay, et c'est d'ailleurs un thème qui est présent dans tout le rapport, que la concurrence est insuffisante lorsqu'il s'agit de prêter à la petite entreprise, et nous ne pouvons pas être plus d'accord. C'est un problème que nous dénonçons depuis plusieurs années, et nous sommes heureux de voir que le rapport MacKay en confirme l'existence.
Nous savons que vous avez pour mandat d'étudier les diverses visions qui s'expriment autour de l'avenir du secteur des services financiers, mais ce que nous voulons faire en quelques mots aujourd'hui, c'est vous dire comment nous voyons le contexte actuel des services financiers et des services bancaires pour la petite entreprise.
L'accès aux prêts est un défi constant pour le petit entrepreneur. C'est un fait que nous avons pu démontrer à maintes reprises. Nous avons l'impression de nous répéter tout le temps. Si enfin des mesures concertées étaient prises dans ce domaine, nous n'aurions pas à nous répéter aussi souvent.
La dernière récession a été très révélatrice à cet égard. On a vu les activités de prêt à la petite entreprise diminuer considérablement. Nous croyons même que la récession a été aggravée par la limitation excessive des prêts aux petites entreprises. Nous avons constaté par la suite qu'il a fallu énormément de temps pour restaurer les prêts à la petite entreprise aux niveaux où ils étaient avant la récession. Les banques avaient tendance à augmenter leurs prêts aux grandes entreprises, même pendant la récession. Nous avons étudié les données, et nous avons vu que ce n'est qu'en 1998, que les prêts à la petite entreprise sont revenus aux niveaux où ils étaient avant la récession. On ne peut justifier cette sévérité en invoquant uniquement une conjoncture économique difficile.
Il y a une chose qui nous inquiète depuis plusieurs décennies, c'est le nombre des propriétaires d'entreprise qui nous disent: «J'espère ne jamais plus avoir besoin d'une banque, ça a été une expérience tout à fait désagréable, je préfère ne pas prendre d'expansion. Je n'ai pas l'intention de faire l'investissement car ce serait dépendre encore une fois d'un prêteur, je ne veux pas me retrouver dans cette situation». À cause de cela, il y a des gens qui renoncent à une expansion qui serait bénéfique pour l'économie parce qu'ils ne veulent pas avoir affaire à une institution financière. En même temps, ce sont des débouchés qui ne se matérialisent pas pour l'économie canadienne.
Nous serions certainement les premiers à reconnaître que la petite entreprise n'est pas un secteur auquel il est facile de prêter. C'est tout un défi. Cela exige une expertise particulière. Il a fallu aux banques pas mal de temps pour commencer à comprendre les besoins de ce marché, et aujourd'hui, avec l'avènement du secteur fondé sur le savoir et d'autres sous-segments du marché, les banques se heurtent à de nouveaux défis.
Il ne faudrait pas attendre trop d'une concurrence accrue dans le secteur des services financiers et des banques. Ces institutions existent depuis très longtemps, et il leur a fallu très longtemps également pour comprendre la situation. On ne peut vraiment pas s'attendre à ce que les nouveaux venus comprennent du jour au lendemain.
Nous faisons un sondage exhaustif auprès des banques environ tous les trois ans pour nous tenir au courant de la situation. Dans notre dernier sondage, en 1997, environ 9 p. 100 de nos membres nous ont dit qu'ils avaient le «choix» d'une seule banque dans leur communauté, et 13 p. 100 nous ont dit qu'ils avaient le choix entre deux banques. Autrement dit, il y a une proportion importante de la petite entreprise qui ne dispose que d'une ou deux options.
Nous avons découvert également que lorsque les petites entreprises ont le choix entre une ou deux options seulement, les coûts du financement sont systématiquement plus élevés, elles ont plus de mal à obtenir du crédit, les frais de service sont plus élevés, et on exige des garanties plus importantes, et cetera. Autrement dit, le problème ne tient pas seulement au fait que les petites entreprises n'ont pas le choix, mais en l'absence de concurrence, elles doivent payer plus cher. C'est un concept assez rudimentaire. Évidemment, pour cette raison clé, nous voyons beaucoup de problèmes dans cette notion de fusion. Cela restreindrait la concurrence, restreindrait encore plus les choix des petites entreprises.
La situation n'est pas la même dans tout le pays. Il y a des marchés régionaux où les gens disposent de certaines options parmi les cinq grandes banques. L'Ontario est probablement la province la plus mal servie. En fait, il n'y a pas vraiment de deuxième palier de banques commerciales en Ontario. Il y a d'autres provinces où la situation n'est pas beaucoup plus rose, mais c'est certainement l'Ontario qui a le plus de problèmes dans ce domaine. Si on autorise la fusion de ces banques, nous ne voyons vraiment pas comment on pourrait rétablir assez rapidement une certaine forme de concurrence.
Maintenant, nous allons référer à votre mandat et vous dire comment nous voyons l'avenir des services financiers au Canada. Il y a l'expérience australienne qui est assez intéressante. En effet, là-bas on a décidé d'interdire les fusions tant qu'on n'avait pas de preuves que la concurrence fonctionnait efficacement. Tout le secteur va évoluer, quoi qui se produise, car on assiste actuellement à une évolution considérable dans pratiquement tous les secteurs, mais nous voulons voir des preuves que la concurrence existe avant qu'on autorise toute nouvelle fusion.
Il est probable que d'ici cinq ou dix ans, de nouveaux protagonistes valables viennent servir la petite entreprise. Pour l'instant, nous prévoyons qu'ils viendront du mouvement des caisses de crédit, si toutefois on assiste à une expansion nationale de ce secteur du crédit. À l'heure actuelle, il y a beaucoup de caisses de crédit qui prêtent aux petites entreprises, mais d'une façon très limitée. C'est un secteur où certaines d'entre elles réussissent nettement mieux que d'autres. Comme ce groupe a une orientation communautaire, il pourrait fort bien devenir un véritable concurrent pour les banques. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas, et cela ne se fera pas du jour au lendemain.
On a beaucoup parlé des banques étrangères; elles sont déjà installées ici et il est probable que les services qu'elles offrent dans des créneaux assez étroits de la petite entreprise vont prendre de l'expansion. Toutefois, nous ne pensons pas que les banques étrangères, ou même les banques communautaires, s'installent en bloc et en rangs serrés sur le marché de la petite entreprise, ou en tout cas, pas très rapidement et pas non plus en offrant une gamme complète de services.
Même si certaines recommandations du rapport MacKay qui auraient pour effet d'encourager la concurrence étaient retenues, et si la notion de fusion était rejetée, nous pensons que les cinq grandes banques à charte continueraient à dominer le marché canadien. En effet, elles sont si bien établies à l'heure actuelle qu'il serait très difficile de les détrôner dans un marché si elles décidaient de le privilégier.
En règle générale, la majorité de nos membres traitent avec une seule institution pour la plupart des services financiers dont ils ont besoin. Par conséquent, tous ces services offerts à nos membres finissent par devenir très rentables pour les banques à charte. Nous n'envisageons donc pas un recul marqué des cinq grandes banques dans le marché de la petite entreprise, du moins pas à court terme.
Maintenant, nous aimerions vous dire ce que nous pensons de certaines recommandations du rapport MacKay. Nous sommes tout à fait d'accord lorsque le groupe de travail insiste sur le rôle vital pour l'économie canadienne de la petite et moyenne entreprise. Nous sommes d'accord également pour reconnaître que le secteur des services financiers doit devenir plus concurrentiel et plus attentif aux besoins des petites entreprises et des consommateurs. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est quand le rapport sous-entend, comme il le fait parfois, qu'il serait assez facile d'encourager de nouvelles formes de concurrence.
Il ne faut pas oublier que les petites entreprises ont besoin de succursales bancaires multiservices. On nous a parlé de solutions nouvelles, des opérations bancaires électroniques ou des sortes de banques itinérantes, mais ces solutions-là sont insuffisantes à notre avis, du moins à l'heure actuelle. Bien que ces solutions puissent servir un certain segment du marché, nos membres continuent à avoir besoin d'une banque qui a une présence matérielle.
Nous sommes d'accord avec MacKay quand il dit que les banques canadiennes sont tenues d'observer des normes plus élevées, et qu'au cours des années, elles ont réussi à obtenir beaucoup de protection et de concessions. À cause de cela, les banques à charte ne sont pas de véritables entreprises privées, régies uniquement par les forces du marché, mais on s'attend à ce qu'elles s'acquittent de certaines obligations.
Il y a une chose dans le rapport MacKay sur laquelle nous ne sommes vraiment pas d'accord, et c'est quand il envisage de laisser les banques pénétrer encore plus loin dans les secteurs des assurances et du prêt-bail. Nos membres ont toujours été contre cette notion, dans une large mesure de crainte de voir les banques étendre encore leurs pouvoirs. Les banques ont déjà une présence considérable dans le marché des assurances, par exemple, et l'idée de leur ménager encore plus de place inquiète certainement la petite entreprise.
Certaines personnes ont suggéré d'autoriser les fusions le plus rapidement possible pour que des intérêts moins importants puissent reprendre les succursales ou le personnel abandonnés par les banques lors d'une fusion. Nous nous demandons comment cela fonctionnerait dans la pratique. Nous pensons qu'en cas de fusion, la grande banque essaiera de regrouper ses opérations dans les meilleures succursales, et également essaiera de conserver les meilleurs éléments, qu'il s'agisse du personnel ou du matériel. On peut donc s'interroger sur les chances de réussite de ces concurrents ou de ces petites institutions qui devraient se contenter des laissés-pour-compte des grandes banques.
Ce n'est pas parce que nous doutons de la vitesse et de l'efficacité avec lesquelles une véritable concurrence peut se constituer en face des cinq grandes banques que nous sommes contre la concurrence. En effet, nous considérons qu'une véritable concurrence est la seule solution possible, le meilleur moyen de bien servir la petite entreprise, pour ne pas parler des autres segments du marché. Pour cette raison, nous sommes tout à fait en faveur des recommandations du rapport MacKay lorsqu'il s'agit de favoriser l'apparition d'une concurrence nouvelle et plus efficace.
Nous sommes contre toute nouvelle concentration, contre les fusions, tant qu'on n'aura pas vu s'installer une nouvelle concurrence.
Nous pensons qu'il faut retenir les recommandations suivantes du rapport MacKay: nous avons besoin de plus de concurrence; il faut contrôler le roulement des gérants de comptes, une situation qui empoisonne l'existence des petits entrepreneurs et qui ne s'est pas améliorée depuis 20 ans que nous suivons cette situation. Il faut également rendre aux autorités bancaires locales une partie de la responsabilité des décisions et renverser cette tendance croissante à la centralisation. Tant que cela se justifie, il faut établir les prix en tenant compte du risque, et maintenir un rapport plus direct entre la valeur du service et son prix, et cela, pour toute la gamme des services bancaires.
Nous sommes tout à fait en faveur de réunir plus d'information sur les prêts à la petite entreprise. Depuis quelques années, sur demande, les banques fournissent cette information. Cela a permis à tous de mieux comprendre le marché.
Nous sommes également en faveur de rendre des comptes aux communautés et de donner un meilleur accès à la petite entreprise au financement par actions en plus du financement traditionnel par emprunts.
Malheureusement, une grande partie de l'étude, pourtant très exhaustive sur le secteur des services financiers, a été accaparée par la question des fusions à cause des deux projets de cette nature annoncés jusqu'à présent. Nous nous demandons jusqu'à quel point les projets de fusion ont accéléré le rythme de la discussion au détriment peut-être de nombreux autres aspects importants dont on devrait tenir compte dans toute cette question des services financiers.
Par conséquent, pour nos membres, la fusion des banques est devenue par la force des choses la question la plus importante dont ils nous ont certainement beaucoup parlé ces derniers mois. Dans notre dernier sondage sur la question, plus de 68 p. 100 de nos membres s'opposaient aux fusions, alors qu'ils étaient 64 p. 100 au sondage précédent. Les plus petites entreprises, celles de moins de cinq employés, qui constituent environ la moitié de nos membres et proportionnellement une plus grande part encore du secteur canadien de la petite entreprise, s'opposent aux fusions à environ 75 p. 100. Ces plus petites entreprises sont celles qui, en général, éprouvent le plus difficulté à obtenir du financement et qui s'opposent donc le plus fortement aux fusions.
Pour conclure, nous ne pensons pas que les fusions sont nécessaires. Nous ne pensons pas qu'elles faciliteront le développement économique et la création d'emploi et nous n'acceptons pas non plus l'argument des banques qui disent que c'est nécessaire pour une plus grande efficacité et une plus grande compétitivité. En fait, les preuves sont très inégales, comme l'ont conclu de nombreuses personnes, y compris les membres du groupe de travail MacKay.
Nous estimons aussi que le moment est particulièrement mal choisi. En effet, plusieurs facteurs économiques d'incertitude pointent à l'horizon. Il y a le problème de l'an 2000 et nous pensons que c'est se créer des difficultés que d'ajouter la fusion des banques à cette situation au cours des quelques prochaines années.
Enfin, nous pensons qu'il faut que le gouvernement canadien ait le courage de protéger les consommateurs et la petite entreprise et adopte une approche semblable à celle des Australiens qui ont décidé qu'il fallait d'abord que la concurrence soit en place avant de permettre une plus grande consolidation de l'industrie. Nous tenons à souligner qu'une fois prise une décision sur les fusions, elle est irréversible.
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour participer à ce processus, car il est extrêmement important de prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses.
Le président: Ma question porte sur les deux ou trois dernières minutes de votre exposé et plus particulièrement sur la page 5 de votre rapport où vous abordez les recommandations 102, 103 et 104 du rapport MacKay. Je veux parler d'abord de la question du roulement des directeurs de comptes et du rétablissement, au niveau local, du pouvoir de prise de décision sur les demandes de prêt.
Je comprends pourquoi vous plaidez en faveur de ces mesures. Ai-je raison de croire -- et MacKay semble adopter la même position que celle que je vais avancer -- que ces deux questions ne sauraient se régler par le biais de la politique gouvernementale? Dans un premier temps, il s'agit essentiellement d'une question de ressources humaines au sein de l'institution financière; à savoir, il ne faut pas que le roulement des directeurs de comptes soit aussi fréquent. Quant aux décisions sur l'octroi du crédit, c'est évidemment une décision de gestion et non pas une décision de politique gouvernementale. Je suppose que c'est pourquoi, dans les deux cas, le rapport MacKay exhorte les banques à faire quelque chose plutôt que de demander au gouvernement de le faire. Est-ce également votre avis?
Mme Swift: En effet. Incontestablement. Nous avons tenu de nombreuses discussions avec diverses institutions financières tout à fait dans cette même veine, au fil des ans.
Le président: Vous en avez également discuté par le passé avec le comité.
Mme Swift: Oui. On s'entend tous pour reconnaître qu'il y a un problème, mais nous nous demandons pourquoi rien n'a été fait encore. En fait, dans le cas de la centralisation de la prise de décision, nous constatons le contraire. Une grande partie du problème découle de l'informatisation des décisions de financement, de la tendance à donner des cotes de crédit, et cetera, ce qui augmente la centralisation. D'autres décisions stratégiques, qui n'ont pas été prises après mûre réflexion, mais qui ont tout simplement suivi, par association, ont encore accentué le phénomène.
Nous trouvons particulièrement vexante la question des directeurs de comptes. Les représentants de toutes les grandes banques ont reconnu qu'il fallait faire quelque chose, mais ce n'est pas une priorité puisque rien n'a été fait depuis très longtemps. Il serait toutefois très difficile de régler le problème dans un contexte de politique gouvernementale.
Le président: Ma deuxième question porte sur le prix du risque. Je constate que vous avez déclaré, avec grande prudence, qu'il fallait établir un prix pour le risque «lorsque les circonstances le justifient». Nous avons interrogé les banques à ce sujet et voici le dilemme. Il est très clair que les prêts au Canada sont essentiellement limités par le prix plutôt que par le risque alors qu'aux États-Unis, si un prêt est extrêmement risqué, l'emprunteur peut verser un taux d'intérêt très élevé.
Au Canada, toutes les institutions financières prêteuses ne semblent refuser d'exiger un taux d'intérêt dépassant un certain montant parce qu'elles craignent de mauvaises relations publiques et une vive opposition politique. Quand on songe aux réactions aux taux d'intérêt suscitées dans le cas d'autres produits, on peut comprendre leur réticence.
Comment votre groupe réagit-il à l'idée que les institutions financières commencent à déterminer les coûts des prêts selon le risque? Lorsque je vois l'expression «lorsque les circonstances le justifient», j'ai du mal à imaginer une situation où vos membres concluraient qu'il est justifié de verser le taux préférentiel plus 7 p. 100. Je me demande si «lorsque les circonstances le justifient» n'est pas justement le genre d'expression qui effraie chacun. J'aimerais beaucoup régler ce problème, mais je ne sais pas comment m'y prendre.
M. Brien G. Gray, vice-président principal, Politique et affaires provinciales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Nous discutons de cette question depuis très longtemps. Les discussions ont commencé avec les milieux bancaires au milieu de la crise lorsque la situation était vraiment très grave au Canada.
Le président: Vous aviez un grave problème d'accès?
M. Gray: L'accès était difficile à tous les genres de capitaux empruntés. On a mis la question du prix en fonction du risque sur la table et on m'a posé les mêmes questions que vous posez maintenant: que disent les marchés? Quelle est la réalité? Franchement, de nombreux propriétaires de petites entreprises ne sauraient obtenir de financement, sous quelque forme que ce soit, actuellement, quel que soit le prix. La raison pour laquelle nous avons dit «si les circonstances le justifient», c'est que nous avons vu un trop grand nombre d'exemples dans d'autres situations où la petite entreprise fait affaire avec les banques et où celle-ci applique tout simplement une politique de façon généralisée, quels que soient les besoins. Les frais de service en sont un bon exemple. Il y a souvent un aspect arbitraire dans la manière dont on impose des frais de service particuliers. Si je suis dans une situation plus vulnérable, je dois me taire et accepter ce que la banque m'impose, alors que si je suis dans une situation un peu plus avantageuse, je peux peut-être contester et obtenir une réduction de coût.
Il existe toujours un facteur d'intimidation entre le tout petit entrepreneur et le banquier en face. Par définition, c'est une relation à forte tension et intimidante. Nous disons donc «lorsque les circonstances le justifient» parce que nous reconnaissons que dans certaines situations, il est justifié d'attribuer un prix au risque. Je suis persuadé que les banquiers pourraient vous dire quelles sont ces situations. Par exemple, un restaurant comporte plus de risque de façon inhérente que d'autres entreprises comme celles du secteur de la fabrication où l'on possède de nombreux biens saisissables. Nous comprenons qu'il y a une prime à verser pour obtenir un emprunt sur ce restaurant. Toutefois, nous ne pensons pas qu'il faut permettre aux banques d'augmenter les taux pour l'ensemble des petites entreprises parce que, par définition, la petite entreprise comporte, de façon inhérente, plus de risques, qu'elle est moins bien gérée, et cetera -- toutes ces prétendues vérités que les milieux bancaires nous servent trop souvent. Voilà pourquoi nous avons dit «lorsque les circonstances le justifient».
Pour ce qui est de s'inquiéter de ce que les gens vont penser, cela n'a pas empêcher les banques d'imposer des taux d'intérêt élevés sur les cartes de crédit. Il y a une énorme différence entre le taux préférentiel plus 2 p. 100 et le taux préférentiel plus 8 p. 100, comme le propose Wells Fargo. Au lieu de dire que l'arrivée de Wells Fargo sur le marché, c'est le ciel qui nous tombe sur la tête, nous pensons que les banques devraient commencer à s'occuper des entrepreneurs désireux de faire des affaires et à ne pas atermoyer
M. Garth White, vice-président, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Monsieur le président, nous avons déjà comparu à plusieurs reprises devant votre comité, notamment lorsqu'il examinait les institutions financières. Les deux questions que vous mentionnez s'inscrivent dans le contexte de la politique gouvernementale et cela limite donc le genre d'études qu'on peut en faire.
Nous avons comparu dernièrement devant des comités pour parler de la Loi canadienne sur le financement de la petite entreprise et nous ne disposons pas encore d'une juste mesure des prêts consentis au cours des cinq dernières années aux termes de la Loi sur les prêts à la petite entreprise. Les données sont incomplètes dans certains secteurs. Lorsque nous préconisons de tenir compte du risque dans l'établissement des taux, il nous faut être mieux au courant de ce qui se passe dans ces secteurs pour notre propre recherche. À mon avis, le gouvernement doit également avoir une meilleure idée des secteurs qui sont sous-financés ou qui ont du mal à obtenir des fonds, avant de commencer à discuter de l'évaluation du risque.
Le président: Nous convenons que les données sont incomplètes, mais je voulais simplement savoir quel sera, selon vous, la réaction probable de vos membres et des médias.
Avez-vous une idée de la proportion ou du nombre de membres de votre fédération qui achètent le produit Wells Fargo, et surtout à l'échelon supérieur de son barème de taux?
M. Gray: Nous recueillons en ce moment des renseignements à ce sujet. Comme vous le comprenez sans doute, les questions en jeu dans ce projet de fusion sont très sérieuses pour nos membres. Ainsi, nous essayons de recueillir un maximum d'information.
Nous disposons de données préliminaires que je communiquerai volontiers au comité dès qu'elles seront rendues publiques. Je ne peux pas vous dire, sénateur Kirby, que nous connaissons le taux de participation en fonction du montant des prêts, ou d'autres facteurs. Nous en avons une idée, mais nos données ne sont pas ventilées par le montant des prêts.
Le président: Je m'intéresse davantage aux taux d'intérêt.
M. Gray: Nous n'avons pas posé la question au sujet des taux d'intérêt précisément, je regrette. Je peux vous dire que les taux de participation sont extrêmement faibles.
Le président: Supposons un instant que les banques à charte décident de supprimer le plafond non officiel du taux préférentiel plus 3, par exemple. J'aimerais savoir s'il y aura un marché dans ce cas.
Mme Swift: Il existe sans nul doute un marché. En fait, nous avons posé cette question même à maintes reprises dans certains de nos sondages. Il existe de toute évidence un groupe qui serait prêt à payer ce que nous considérons comme des taux élevés pour avoir accès au capital.
Le président: Comme aux États-Unis?
Mme Swift: Oui.
Le sénateur Kolber: Les représentants de la Banque de développement du Canada ont témoigné devant notre comité ce matin. J'ai discuté avec eux par la suite. J'ai posé une question précise à l'un d'entre eux, en lui demandant jusqu'où ils relèveraient leurs taux. Il m'a dit que la banque consent déjà de nombreux prêts au taux préférentiel plus 7 ou 8 p. 100.
Le président: Je ne le savais pas. Voilà un renseignement utile.
Le sénateur Kolber: Qui plus est, ils ont parlé également des redevances qu'ils touchent. En toute franchise, je ne savais pas ce que cela voulait dire même si je suppose que c'est une participation quelconque. Malgré tout, le taux de rendement des capitaux propres de la banque, qu'on peut considérer comme net parce que celles-ci ne paient pas d'impôt, n'est que de 10 p. 100. Cela ne paraît guère mirobolant.
J'ai l'impression que, même si nous essayons d'accroître la concurrence dans le secteur des prêts aux petites entreprises, ce n'est pas un marché très lucratif. Il existe sans doute toute une foule d'arguments contraires. Je connais un promoteur célèbre qui disait toujours qu'il préférait rester en activité à 15 p. 100 plutôt que de faire faillite à 5 p. 100. C'est peut-être ce que disent vos membres également.
Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez? L'établissement des taux en fonction du risque est une réalité dans notre pays, et surtout pour cette banque de développement.
Mme Swift: Tout d'abord, je ne pense pas qu'il faille considérer la BDC comme le modèle des prêts à la petite entreprise. Elle fait certaines choses utiles pour les petites entreprises dans certains créneaux. Toutefois, comme nombre de grands banquiers nous l'ont dit au fil des ans, ce n'est pas grâce aux prêts qu'ils consentent qu'ils gagnent leur vie. L'institution tire ses revenus de toutes ses activités connexes, y compris le placement des particuliers comme les REER, les services de cotisation sociale, les hypothèques, et cetera. Bon nombre de grands banquiers nous ont dit qu'ils considèrent le marché de la petite entreprise comme étant très rentable. C'est parce que le propriétaire type de petite entreprise a une valeur nette plus importante que l'employé type, et cela vaut pour tous les secteurs de l'économie. En fait, toutes les banques consacrent à l'heure actuelle une bonne partie de leurs activités au marché de la gestion des biens, ou du moins elles souhaitent le faire.
Le sénateur Kolber: Vous parlez de gestion des richesses.
Mme Swift: Oui.
Le sénateur Kolber: C'est un sujet tout à fait différent.
Mme Swift: C'est un sujet connexe car bon nombre des personnes dont vous parlez sont propriétaires de petite entreprise.
Le sénateur Kolber: Ils ne doivent pas présenter beaucoup de risques sur le plan du crédit s'ils sont à la recherche de ce genre de placement.
Mme Swift: En dernier ressort, les propriétaires de petite entreprise ont une valeur nette plus importante. C'est une bonne chose pour l'économie en général, selon nous.
Pour en revenir à la question de la rentabilité, le marché de la petite entreprise est très rentable en général pour toute la gamme de services que n'offre pas la BDC.
Le sénateur Callbeck: Le sénateur Kirby vous a posé une question au sujet des recommandations du rapport où il est dit que les banques doivent accroître l'accès au crédit pour les petites entreprises. Si vous aviez rédigé le rapport, auriez-vous eu d'autres recommandations à faire?
Mme Swift: Bon nombre de nos principales recommandations se sont retrouvées dans le rapport MacKay. Il s'agit de faire un choix entre toutes ces recommandations. En fait, bon nombre d'entre elles ont découlé de nos réunions avec le groupe de travail. C'est pourquoi nous n'avons pas la moindre intention de critiquer ce dernier. Bien sûr, comme nous l'avons déjà dit, certaines recommandations nous paraissent tout à fait négatives.
M. Gray: Dans le mémoire que nous avons présenté à la Commission MacKay, nous avons abordé la question de l'accès et des différents facteurs qui entrent en ligne de compte. L'accès est en partie fonction de l'information, en partie fonction du choix et en partie fonction du roulement des directeurs de comptes, car plus le roulement est rapide, moins le propriétaire de petite entreprise et la banque ont le temps d'établir des rapports durables. L'un des cinq critères importants est la réputation, d'après ce qu'on me dit, et il est très difficile de se faire une idée de la réputation de quelqu'un lorsque le roulement est si rapide.
Le dernier facteur est en rapport avec la taille et l'âge de l'entreprise, ce qui vous met dans une situation vraiment délicate. Il faut aussi tenir compte des options disponibles dans la localité. Dans certaines parties de votre province, par exemple, sénateur Callbeck, il n'y a qu'une banque présente et le directeur de comptes de cette banque a un peu plus de latitude pour imposer des modalités plus strictes ou rendre plus difficile l'accès au crédit. Nos recherches, qui n'ont jamais été réfutées, ont révélé que plus le roulement des directeurs de comptes est rapide, plus cela coûte cher à l'entreprise, en frais d'intérêt, en biens donnés en nantissement, en frais de service et en difficulté d'accès au capital.
Ce que nous disons, c'est que le gouvernement et l'industrie doivent résoudre ces quatre problèmes pour permettre au propriétaire-exploitant de petite entreprise d'avoir plus facilement accès au capital.
Enfin, il y a le problème énorme des besoins de capitaux propres des petites entreprises du pays, dont nous avons parlé lors de notre dernière comparution devant votre comité lorsqu'il étudiait la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Nous avons beaucoup discuté dans notre pays de la fourniture de capital d'emprunt et pas assez des besoins de capitaux propres, mais les deux sont liés, nécessairement. Nous avons jusqu'ici accordé trop peu d'attention à cette question. Elle a trop souvent été associée aux riches qui ont beaucoup d'argent et qui n'ont pas besoin d'autres capitaux ou d'autres incitatifs pour investir en lieu sûr leur capital. C'est pourquoi je prétends que la question des capitaux propres est aussi importante que celle du capital d'emprunt.
Le sénateur Callbeck: J'ai une question à poser au sujet d'un point dont vous n'avez pas parlé ce matin mais que vous avez abordé par le passé. Je veux parler du service d'ombudsman. Je pense avoir lu que, selon vous, ce service est peu connu. Toutefois, lorsque l'ombudsman a comparu devant le comité, il a dit que 40 p. 100 des Canadiens connaissent l'existence du service. Vous avez dit que le service est peu connu, et qu'il semble y avoir un facteur d'intimidation qui dissuade les gens d'y avoir recours et que ce n'est pas nécessairement la meilleure solution pour régler les litiges en matière de crédit.
Il y a de toute évidence un problème. De nombreuses personnes ont comparu devant le comité qui s'inquiétaient des ventes liées. En fait, le rapport MacKay évoque les résultats d'un sondage qui révèle que 16 p. 100 des gens ont l'impression d'avoir été assujettis à la pratique des ventes liées à un moment donné, mais il y a peu de plaintes à ce sujet. Le rapport MacKay recommande le maintien du service de l'ombudsman. Toutefois, il recommande également qu'il s'applique à toutes les institutions financières et que l'affiliation soit obligatoire.
De toute évidence, vous n'êtes pas satisfaits du système. Approuvez-vous les recommandations du rapport MacKay? En avez-vous d'autres à nous faire?
Mme Swift: L'un des gros problèmes liés au mandat actuel de l'ombudsman, d'après nous, c'est qu'il est impossible de revenir sur les décisions en matière de crédit. Ainsi, il ne peut pas résoudre la cause essentielle du litige. Il existe certainement un facteur d'intimidation. En outre, d'après certains sondages que nous avons faits, nous savons qu'une bonne partie de nos membres estiment inutile de déposer une plainte de toute façon. Ce n'est peut-être pas tant une question d'intimidation que de conviction qu'il est inutile de déclencher tout ce processus, qui est assez fastidieux. Il faut franchir un certain nombre de paliers au sein de l'institution avant de pouvoir s'adresser à l'ombudsman qui est responsable de tout le secteur d'activité. Selon nous, il y a de nombreuses choses à faire pour améliorer le système actuel.
Il serait également possible d'élargir le mandat de l'ombudsman pour qu'il s'applique à tout le secteur des services financiers.
M. Gray: Quand le groupe de travail a déposé son rapport en 1994, on insistait beaucoup sur la création d'un poste d'ombudsman national des banques, c'est-à-dire un organisme gouvernemental. Nous avons déclaré qu'il valait mieux, selon nous, permettre au secteur privé de s'autoréglementer dans ce domaine et de formuler des propositions. C'est à ce moment-là qu'on a commencé à voir apparaître des ombudsmans dans diverses banques.
Je n'irais pas jusqu'à dire que nous désapprouvons totalement le système. Pour les raisons mentionnées par Mme Swift, nous ne sommes pas convaincus par son efficacité. Il est impossible de revenir sur les décisions en matière de crédit ou de faire modifier les frais de service, lesquels sont à l'origine de la grande majorité des plaintes que nous recevons de nos membres.
C'est un peu la même situation que lorsque nous avons affaire à Revenu Canada. Il faut réfléchir à deux fois avant de se plaindre de son directeur de compte. Même si on obtient l'assurance que cela ne nous portera pas préjudice un jour ou l'autre, une plainte risque de remettre en cause les rapports que l'on a avec ce directeur de compte ou son successeur. Du point de vue de l'entreprise, il ne vaut pas la peine de prendre un tel risque.
Dans notre enquête de 1997, nous avons posé la question suivante à nos membres: comment utilisez-vous le système à l'heure actuelle? Nous voulions essayer de savoir, pour compléter la documentation disponible et pour notre gouverne, ce qui fonctionne, ce qui cloche, quels sont les facteurs qui contribuent au bon fonctionnement et ceux qui l'entravent. Nous leur avons demandé comment ils procédaient pour protester contre certaines choses dans le cadre de ce système. Nous avons constaté que, tout d'abord, rares sont ceux qui utilisent le système. Toutefois, le sondage a été instructif car la plupart de nos membres utilisaient le système en place. Par exemple, dans un sondage réalisé par les banques, 31 p. 100 des déclarants ont dit qu'ils interjetteraient appel auprès de leur directeur de compte, comme le recommande d'ailleurs les banques, 29 p. 100 ont dit qu'ils feraient appel auprès du directeur de la succursale et 11 p. 100, auprès du vice-président régional. Toutefois, 9 p. 100 des déclarants ont dit qu'ils ne feraient rien du tout parce qu'ils avaient peur de nuire à leurs bonnes relations avec la banque et 18 p. 100 ont estimé que c'était une perte de temps; autrement dit, près de 30 p. 100 des déclarants ont avoué ne pas utiliser le système.
Pour que les propriétaires de petites entreprises aient l'impression d'avoir la moindre chance, il faut qu'un système ait une certaine crédibilité et qu'il permette qu'on renverse certaines décisions importantes. Or, le système actuel n'offre pas grande crédibilité même si j'avoue que l'un de nos membres a réussi à faire rendre une décision en sa faveur, et nous essayons de citer ce cas en exemple auprès de nos membres pour leur prouver que le système peut donner des résultats s'ils décident d'y avoir recours.
Le sénateur Callbeck: À la page 5 de votre exposé vous énumérez certaines recommandations. L'une d'entre elles porte sur l'obligation de rendre compte auprès des collectivités. Dans le rapport MacKay, il est question de rapport sur les responsabilités envers les collectivités. Quels renseignements devraient se trouver dans ce rapport, selon vous? Devrait-il s'agir d'un formulaire normalisé que toutes les institutions financières devraient remplir? L'un des témoins a dit que ça coûterait très cher aux petites institutions financières. À quoi servira ce rapport?
M. Gray: À notre avis, il faut qu'il y ait suffisamment de renseignements dans tout le système. Avant le début des années 90, il était extrêmement difficile à la plupart d'entre nous, en tant qu'entrepreneurs ou que décideurs, de comprendre ce qui se passait relativement aux prêts aux petites entreprises. Il était impossible d'obtenir des renseignements fiables au sujet des prêts inférieurs à 200 000 $, et encore là ce n'était pas facile. Nos membres répétaient continuellement qu'ils ne savaient pas comment choisir une institution bancaire. Ils ne savaient pas lesquelles accordaient plus facilement des prêts que les autres, ou lesquelles obtenaient de meilleurs résultats que les autres. L'un de nos rôles a consisté à publier des bulletins de notes sur les institutions financières, à intervalles réguliers, pour permettre à nos membres d'être mieux informés au sujet du comportement des banques.
Du point de vue de la politique, ainsi que de l'entreprise, il importe de permettre aux consommateurs et aux décideurs d'obtenir plus de données détaillées. C'est ce qui se passe actuellement à Industrie Canada et dans le cadre de tout ce processus d'examen des institutions financières. C'est extrêmement utile.
Quant à savoir à quel point ces données devraient être détaillées, nous n'avons pas adhéré à la théorie voulant qu'il faut savoir quelle société de camionnage dans telle région d'une province obtient un prêt et combien. Cela n'est pas normal, à notre avis, mais nous estimons toutefois qu'une information plus complète s'impose.
M. White: Nous avons tenu ce débat il y a trois ans au niveau national. Nous avons soutenu à l'époque qu'il fallait disposer de plus de renseignements d'ensemble sur les prêts consentis dans tout le pays. Au départ, les banques ont dit qu'il leur était impossible de le faire pour les portefeuilles inférieurs à 5 millions de dollars. D'ici la fin de la semaine, après que deux banques furent sorties des rangs, elles ont dit qu'il leur était possible de ventiler les données pour faire état des prêts de petits montants. Certaines banques ont même dit que ce serait utile car cela leur permettrait de surveiller leur propre bilan et de vérifier à qui ces prêts sont consentis. Au lieu de faire fi de notre secteur, les banques ont déclaré subitement que c'était une mesure utile.
Il faut, d'une part, qu'il soit relativement difficile pour les banques de recueillir des informations et, d'autre part, obtenir des renseignements et des comptes sur les pratiques de prêt ainsi que la taille des prêts afin de déterminer si elles contribuent au développement économique local.
J'aimerais revenir à la déclaration d'ouverture du sénateur Kirby sur le lien avec la politique gouvernementale. Nous avons besoin d'information pour participer à l'élaboration des politiques gouvernementales. Les banques jugeront probablement cela utile aussi, comme c'est le cas aux États-Unis.
Le sénateur Callbeck: Parlez-vous de la loi là-bas appelée Reinvestment Act?
Mme White: Oui.
Le sénateur Callbeck: On nous a dit que les statistiques sur les petites entreprises et les institutions financières ne valent rien parce que la banque n'accepte la demande de prêt d'un petit entrepreneur qu'après s'être assurée qu'il est admissible à un prêt. Bien d'autres entrepreneurs voudraient un prêt mais ne font pas de demande et, du coup, ne font pas partie des statistiques.
Mme Swift: C'est en effet un problème. Prenons les taux de refus, une donnée dont on se sert souvent; ces statistiques sont compromises par le fait que bien des gens ne présentent même pas de demande et ne sont pas donc inclus dans ces statistiques.
Nous n'aurons jamais les statistiques parfaites. Les travaux du Comité de l'industrie de la Chambre des communes des dernières années ont permis de faire la lumière sur les prêts aux petites entreprises. On a ventilé les informations par montant du prêt, par secteur, et cetera. Nous avons pu voir des données très intéressantes par secteur pendant tout cet examen des institutions financières. Nous avons ainsi pu voir sur quel secteur chacune des cinq grandes banques met l'accent.
Dans le contexte des fusions proposées, on constate par exemple que certains secteurs sont dominés à 70 p. 100 par une banque. Ce sont-là des données qui nous échappaient auparavant et qui auront probablement une incidence sur la décision de permettre ou non ces fusions.
Vous avez raison de dire que les statistiques sont loin d'être parfaites. Toutefois, elles sont meilleures qu'elles ne l'étaient. Tous, y compris le groupe de travail MacKay, ont reconnu que les données sont insuffisantes et qu'il nous en faut des meilleures. Nous sommes parfaitement d'accord.
Le sénateur Di Nino: Ce débat fait rage depuis combien de siècles? Il semble que ces examens se soldent toujours par les mêmes recommandations, et qu'on y trouve toujours le mot «concurrence». Je ne crois pas qu'on puisse s'y opposer, mais attardons-nous-y quelques instants.
La dernière fois qu'on s'est penché sur ces aspects, c'est il y a une vingtaine d'années, lorsque des institutions telles que la BCC, la Banque canadienne de l'Ouest et la Banque continentale ont voulu répondre aux besoins des petites entreprises et nous ont demandé si nous les appuierions. Que s'est-il passé? Pourquoi avons-nous échoué? Pourquoi voulons-nous encore réinventer la roue? Qu'en pensez-vous?
Mme Swift: Je dirai que l'une des raisons qui ont mené aux difficultés de ces institutions financières régionales est le fait qu'elles n'étaient pas trop grandes pour faire faillite. Depuis certaines des débâcles financières les plus notoires, telles que l'effondrement de l'empire Reichmann, on a beaucoup discuté de la probabilité de faillite des cinq grandes banques si elles n'étaient pas renflouées.
On prétend entre autres que ces institutions ont fait faillite parce que leur base était trop étroite. C'étaient des institutions régionales qui se devaient de mettre l'accent sur un certain secteur. Par conséquent, en temps de crise dans un secteur particulier, tel que le secteur pétrolier ou celui de l'agriculture, ces banques ont souffert bien davantage que les institutions aux assises plus larges. Toutefois, il faut tenir compte de la probabilité que même les cinq grandes banques auraient été au bord du gouffre si on ne les avait pas renflouées.
Je reconnais que c'est un problème difficile à régler. Aux États-Unis, il existe un très grand nombre d'institutions financières de tailles diverses, et la réglementation y a toujours été presque exactement contraire à la nôtre. Il y a eu un peu de tout. Pour notre part, nous préférons le choix qu'on trouve sur le marché américain. Nous estimons qu'il y a davantage d'activités créatrices. L'arrivée d'une institution telle que la Wells Fargo, par exemple, incite nos institutions à envisager d'offrir les mêmes produits que Wells Fargo, même si la part de marché de Wells Fargo est minuscule. À tout le moins, cela motive les autres banques à adopter des stratégies différentes et à faire preuve d'un peu de créativité.
Nous estimons que plus il y a de joueurs, mieux cela vaut. Ce qui compte, c'est de prévoir une bonne réglementation afin d'éviter les fiascos comme celui qu'ont connu les États-Unis avec les institutions d'épargne.
M. Gray: C'est un refrain que je répète depuis longtemps. Sur le marché canadien, c'est au Québec, où la concurrence est la plus forte, que nos membres sont les plus satisfaits de leurs institutions financières. On y trouve les caisses populaires Desjardins qui ont plus de succursales que n'importe laquelle des cinq grandes banques. Il y a aussi la banque nationale, une banque régionale qui est néanmoins très active sur ce marché. Ces deux institutions arrivent au premier et au deuxième rang pour ce qui est de la satisfaction de nos membres. On n'y est aussi beaucoup plus satisfait des autres institutions qu'ailleurs qu'au Canada. Nous devons conclure que c'est parce que la concurrence a forcé les institutions à offrir un meilleur service à de meilleures conditions.
Le sénateur Di Nino: Vous estimez donc que la concurrence est la solution.
M. Gray: C'est exact, mais il importe de se rappeler, comme nous l'avons dit dans notre exposé, qu'on ne peut ouvrir une banque viable du jour au lendemain. Trop souvent, au cours de ce débat sur les fusions, on entend dire qu'il suffit d'appuyer sur un bouton pour qu'apparaissent des banques communautaires, des banques étrangères et des institutions de crédit. N'oublions pas que l'Ontario, la plus grande province du pays, n'a pas de deuxième catégorie.
Le sénateur Di Nino: Le manque d'employés ayant les compétences et les connaissances pour gérer une institution financière aura une incidence. Manifestement, à votre avis, c'est un des facteurs ayant contribué aux échecs de ces institutions.
Mme Swift: En partie, oui. Nous croyons aussi qu'avec une bonne réglementation, la faillite ne doit pas être évitée à tout prix. On veut bien sûr minimiser les inconvénients, et on peut le faire de bien des façons avec la réglementation. Au Canada, les consommateurs jouissent d'une excellente protection. Je sympathise avec les banques lorsqu'elles font valoir qu'elles sont les plus importants cotisants à l'assurance-dépôts, mais que la règle selon laquelle l'acheteur doit prendre garde n'est pas appliquée très rigoureusement dans certaines parties du marché de consommation.
Le sénateur Di Nino: Si, à l'époque, on avait réglé le problème, à savoir que ces institutions étaient soi-disant trop grandes pour faire faillite, les pertes de la SADC auraient peut-être été moindres.
Mme Swift: En effet.
Le sénateur Di Nino: Vous recommandez entre autres que nous examinions les institutions de crédit. Il n'y a pas si longtemps, ces institutions ont connu de grandes difficultés, surtout en Ontario, mais cela a aussi été le cas, dans une moindre mesure, des caisses au Québec et de VanCity à Vancouver. Croyez-vous que, au sein du mouvement des institutions de crédit, on ait toutes les connaissances nécessaires pour rivaliser avec les banques?
Mme Swift: Pas encore. Le mouvement des institutions de crédit n'est pas encore assez homogène. C'est un ensemble encore un peu hétéroclite. Certains groupes ont commencé l'apprentissage et sont très actifs dans le domaine des services aux petites entreprises. D'autres ont encore tout à apprendre. Nous estimons que ces connaissances peuvent être acquises, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain, certainement pas en un ou deux ans.
Le sénateur Di Nino: Des témoins nous ont dit que, lorsqu'ils ont voulu entrer dans ce secteur, les grandes banques avaient les coudées franches pour leur faire obstacle. Avez-vous aussi entendu cela pendant vos délibérations?
M. Gray: On ne m'a pas donné d'exemples, mais je me suis entretenu avec des représentants de banques étrangères ces dernières années qui m'ont essentiellement dit que ça ne vaut pas le coût de venir au Canada. Outre les questions de réglementation, les coûts d'entrée sont énormes. Citibank a ouvert une succursale à l'intersection de Yonge et Eglington à Toronto. Elle y est restée deux ans et demie, puis la succursale a fermé ses portes.
Non seulement les coûts d'entrée sont prohibitifs, mais vous pouvez être certains que les succursales des cinq grandes banques de cette localité fixeront leur prix sous la normale jusqu'à ce que la nouvelle institution disparaisse.
Je pense que bien des banquiers reconnaîtraient avoir ressenti une certaine satisfaction lorsque des petites banques de l'Ouest ont fait faillite. Ils pouvaient enfin dire: «Vous voyez bien, ça ne peut pas marcher».
Le sénateur Di Nino: Nous suggéreriez-vous de nous pencher sur cette question dans le cadre de cet examen?
M. Gray: Nous sommes pour la concurrence, mais il ne faudrait pas trop faciliter la tâche des concurrents éventuels des cinq grandes banques.
Le sénateur Di Nino: En ce qui concerne l'offre de capital, surtout de capitaux propres, aux petites entreprises, on a fait des tentatives en ce sens il y a quelques années par l'entremise de sociétés à capital de risque de travailleurs et autres entités à capital de risque. Est-ce une bonne solution?
Mme Swift: Pas pour notre marché. À nos yeux, le capital de risque de travailleurs a constitué un vol du point fiscal. Cela a été un fiasco pour les contribuables et n'a rien donné pour les marchés ciblés.
Le sénateur Di Nino: Je crois savoir que la seule grande société, dont le chiffre d'affaires est de plus de 1 milliard de dollars chaque année, doit payer des amendes parce qu'elle ne répond pas aux objectifs.
Mme Swift: C'est vrai. Le capital de risque, dans sa forme habituelle, est constitué de sommes beaucoup trop considérables pour notre marché. En moyenne, les petites entreprises ont besoin de montants de 60 000 à 80 000 $. Les sociétés à capital de risque, elles, peuvent avoir besoin de 5 millions de dollars, ce qui est beaucoup trop pour nous.
Le sénateur Di Nino: Devrions-nous tenir compte de ces aspects lorsque nous tenterons de résoudre les problèmes de certains de vos membres?
Mme Swift: Encore une fois, compte tenu de la façon dont on accorde le capital de risque en général de nos jours, je vois mal comment il pourrait se transformer pour répondre aux besoins du marché des petites entreprises.
M. White: Nous examinons néanmoins la question. Nous avons sondé nos membres sur les plus importantes sources de capitaux propres pour leurs entreprises. Seulement 1 p. 100 ont donné comme sources de capitaux propres les programmes de capital de risque des travailleurs. La principale source était l'exemption pour gains en capital de 500 000 $.
Votre comité serait peut-être intéressé à voir si on ne pourrait pas augmenter l'investissement de fonds de REER dans les petites entreprises. On peut investir dans Bre-X ou Asia, mais il est très difficile d'investir son REER dans l'entreprise du voisin.
Mme Swift: Le Groupe Ianno a formulé des recommandations précisément en vue de mettre en oeuvre un programme de ce genre.
Le sénateur Di Nino: Devrait-on tenter de protéger -- j'hésite à employer ce mot -- les institutions de crédit des pratiques de concurrence déloyale dont on a été témoin dans le passé?
Mme Swift: C'est une bonne question et il est difficile d'y répondre. Nous n'encourageons pas l'interventionnisme. En fait, notre philosophie va plutôt dans le sens contraire. Certaines institutions de crédit s'en tirent très bien en ce moment. La Colombie-Britannique en est un bon exemple; il y a quelques institutions de crédit très actives dans le marché de la petite entreprise. J'aimerais croire que, si elles font ce qu'elles ont à faire, elles trouveront des clients.
Le sénateur Di Nino: Le rapport MacKay recommande que les nouveaux entrants bénéficient d'une exemption de 10 ans de l'impôt sur le capital. Qu'en pensez-vous?
Mme Swift: Je suis d'accord avec le rapport MacKay pour dire qu'en général, le secteur financier est surimposé, et que c'est l'opportunisme politique qui a mené à cela.
M. White: J'ajouterai que c'est la crainte des pratiques déloyales qui nous rend nerveux à l'idée de voir les banques entrer dans le secteur de l'assurance et du crédit-bail. Nous nous inquiétons non seulement des pratiques déloyales, mais aussi de ce qu'elles feront quand les choses iront moins bien, ce qui pourrait entraîner la destruction du réseau existant.
Le sénateur Oliver: J'ai deux ou trois questions au sujet des petites entreprises et des banques. Le groupe de travail MacKay nous a dit que les services bancaires ont beaucoup changé au cours des cinq dernières années, et que les cinq prochaines années donneront lieu à bien d'autres changements autant pour les particuliers que pour les petites entreprises. Un banquier qui est venu témoigner devant notre comité nous a dit qu'il y a 15 ans, la plupart des transactions bancaires se faisaient dans les succursales, alors que de nos jours ce n'est plus que 15 p. 100. Ainsi, la plupart d'entre nous n'allons pas prendre notre chèque pour ensuite aller à la succursale de notre banque pour le déposer ou payer notre compte de téléphone. Plutôt, nos chèques sont déposés directement dans notre compte. Avec le commerce électronique, les petites entreprises peuvent faire bien des choses sans aller à la succursale bancaire.
Voilà pourquoi je suis un peu étonné de voir, à la page 4 de votre mémoire, que vous n'estimez pas que de nouvelles formes de concurrence puissent être mises en place rapidement ou facilement. Il me semble que certaines de ces entreprises qui ne sont pas des banques ont trouvé une façon simplifiée d'attribuer des cotes de crédit. Vous remplissez un formulaire et si, avec la formule, on détermine que vous pouvez rembourser le prêt, on vous prêtera 5 000, 50 000 ou 100 000 $, selon le cas. Cela pourrait se faire par téléphone ou par télécopieur.
Dites-vous que les petites entreprises ont encore besoin des succursales bancaires? Les petites entreprises n'ont-elles pas elles aussi évolué avec la technologie?
M. Gray: Il ne fait aucun doute que la technologie change et qu'à son tour, elle change la vie des gens. Mais n'allons pas jusqu'à dire que les petites entreprises sont contre le changement. Il n'y a pas un autre secteur de l'économie qui ait réagi plus rapidement au changement. La technologie évolue et modifiera nos façons de faire, mais un sondage de nos membres indique qu'environ 40 p. 100 de nos membres, et ça pourrait aller jusqu'à 50 p. 100, utilisent l'Internet. Il vrai que seulement 10 p. 100 s'en servent régulièrement pour leurs affaires. Pour ce qui est de la proportion de nos membres qui s'en servent pour les transactions bancaires, nous n'avons pas de données précises, mais après en avoir parlé avec certaines des cinq grandes banques, je crois pouvoir vous dire que c'est moins de 10 p. 100. Nous avons encore du chemin à faire. Il est vrai que 85 p. 100 des transactions ne se font plus à la succursale, mais ce n'est probablement pas le cas des transactions commerciales. Pour les opérations bancaires commerciales, la situation est différente.
Je vous donne un exemple. Pendant la tempête de verglas qui s'est abattue sur Ottawa, des membres nous ont appelés pour se plaindre du fait que, parce qu'ils offraient le service de paiement par carte de débit, ils étaient devenus les fournisseurs non seulement de bougies et d'autres choses, mais aussi d'argent comptant. Les banques ont fermé leurs portes à l'apparition du premier flocon de neige, de la première goutte de pluie verglaçante. Elles sont restées fermées pendant des jours et les pauvres propriétaires de dépanneurs ont dû tenter de répondre à la demande non seulement de fournitures, mais aussi de comptant. Au bout du compte, leurs réserves d'argent comptant se sont aussi épuisées. Ils ont jugé qu'ils avaient fait l'objet d'une pression indue et injuste.
Les petits entrepreneurs ont besoin de services de monnaie. Ils ont besoin de services qui vont bien au-delà des transactions que, moi, comme consommateur, je peux faire à la banque.
Lorsque nous demandons à nos membres s'ils ont besoin de toute la gamme des services offerts par les banques aux entreprises, ils répondent dans l'affirmative en très grande majorité. Oui, les temps changent, et les petites entreprises s'adaptent, mais elles ont besoin de banques qui leur offrent tous les services.
Le sénateur Oliver: Les représentants du Conseil canadien du commerce de détail qui sont venus témoigner nous ont dit qu'il leur fallait pouvoir déposer des pièces de monnaie, des chèques de loyer, et cetera. Il est vrai qu'il faut une succursale pour tout cela, mais voici où je veux en venir: étant donné que les grandes banques veulent réduire le nombre de succursales, aux frais fixes considérables, et entrer dans d'autres secteurs, de quels facteurs devrions-nous tenir compte, du point de vue de la politique gouvernementale, pour nous assurer qu'elles sauront néanmoins répondre aux besoins des petites entreprises à l'avenir?
M. Gray: Le vrai monde ne fonctionne pas seulement comme les banques l'envisagent. En effet, je pourrais expliquer aux banques comment fonctionne le vrai monde. Oui, c'est vrai qu'elles ont un réseau de distribution, et oui, ce réseau leur coûte plus cher qu'elles le voudraient, mais peut-être que si elles s'inquiétaient de leur relation de travail avec tous leurs clients de la PME, des relations qui semblent si difficiles et si coûteuses, plutôt que de penser seulement aux comptes d'affaires, certaines succursales locales pourraient être beaucoup plus rentables qu'elles ne le sont maintenant. Elles ne se concentrent pas sur cette occasion. Non, elles ne pensent qu'aux coûts et elles font fi de l'occasion qui leur est présentée.
Le sénateur Oliver: Merci.
Le président: Merci d'être venu.
La séance est levée.