Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 40 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 19 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous recevons aujourd'hui les témoins suivants: Gordon Thiessen, gouverneur de la Banque du Canada, et Cheryl Kennedy, sous-gouverneure.
Comme vous le savez tous, le gouverneur comparaît généralement une fois par an devant notre comité pour parler de la politique monétaire une semaine environ après le budget. Toutefois, vu les perturbations que les marchés et le dollar canadien ont connues au cours des derniers mois, j'au eu une conversation avec le gouverneur fin septembre et je lui ai proposé de comparaître devant nous cet automne. Ceci ne remplace pas sa comparution après le budget -- ce qu'il continue de faire chaque année --, mais il est ici pour parler des perturbations sur les marchés internationaux, de la situation du dollar, etc.
Le gouverneur a dit qu'il comparaîtrait avec plaisir et qu'à son avis, le plus utile serait qu'il le fasse après la publication du rapport semestriel de la Banque, qui a été publié lundi. La date de sa comparution aujourd'hui a été déterminée par cet événement.
Étant donné les vastes sujets dont nous voulons discuter aujourd'hui avec le gouverneur, il m'a fait savoir que sa déclaration liminaire serait légèrement plus longue que d'habitude. Après avoir entendu sa déclaration, nous passerons aux questions.
M. Gordon G. Thiessen, gouverneur, Banque du Canada: Monsieur le président, nous sommes toujours heureux, mes collègues et moi, des occasions qui nous sont offertes de nous présenter devant votre comité. Comme vous l'avez fait remarquer, nous avons publié lundi notre rapport semestriel sur la politique monétaire. Il traite d'un large éventail de questions d'ordre économique et monétaire et fournit un compte rendu des mesures prises par la Banque et des résultats obtenus.
L'objectif clé de la politique monétaire canadienne est de contribuer à créer et à maintenir des conditions propices à une amélioration de la tenue générale de l'économie au fil du temps. Et la meilleure façon pour la Banque d'apporter cette contribution est de faire en sorte que le taux d'inflation demeure bas et stable.
Comme il a été convenu avec le gouvernement du Canada, la Banque vise à maintenir l'inflation à l'intérieur d'une fourchette de 1 à 3 p. 100.
Dans le rapport précédent, en mai, nous avions insisté sur l'incertitude qui marquait les perspectives économiques à l'échelle mondiale. Au cours des six derniers mois, cette incertitude s'est intensifiée. Certes, l'Asie a retrouvé un calme relatif au printemps; cependant, d'autres régions du monde ont commencé à faire l'objet de pressions à la fin de l'été et au début de l'automne en réaction à la décision de la Russie d'imposer de manière unilatérale un moratoire sur sa dette et à l'apparente incapacité du Japon à régler ses problèmes. Un grand nombre d'économies émergentes ont été aux prises avec des fuites massives de capitaux et un élargissement des écarts de taux d'intérêt, les investisseurs s'étant mis en quête de placements sûrs et d'une meilleure protection contre le risque. L'écart entre les rendements des obligations du secteur privé et ceux des obligations d'État s'est aussi accentué de façon générale, et la liquidité des marchés a diminué.
Ces facteurs externes ont beaucoup influencé la conduite de la politique monétaire au Canada pendant les six derniers mois. La situation difficile en Asie et en Russie a entraîné un recul des cours des principaux produits de base que nous exportons. Et à cause des problèmes que cela a créés dans notre industrie des ressources, le dollar canadien a continué de faire l'objet de pressions à la baisse pendant l'été. Par la suite, comme les marchés mondiaux sont devenus extrêmement nerveux en raison de la crise qui a secoué la Russie en août et qu'ils se sont mis, je dois le dire, à exagérer l'importance des produits de base pour l'économie canadienne, les pressions sur notre dollar se sont intensifiées.
Au moment même où ils se repliaient aux États-Unis, les taux d'intérêt à moyen et à long terme ont commencé à grimper fortement au Canada. Afin de prévenir une perte de confiance dans notre monnaie, la Banque du Canada a relevé le taux officiel d'escompte d'un point de pourcentage à la fin du mois d'août. Cette mesure a aidé le dollar canadien à se stabiliser, et les taux d'intérêt à moyen et à long terme se sont repliés.
Lorsque, en réaction aux craintes d'un étranglement du crédit et d'un ralentissement de l'économie américaine, la Réserve fédérale aux États-Unis a abaissé son taux cible pour les fonds fédéraux à trois reprises de septembre à novembre -- la dernière fois étant cette semaine -- pour un total de 75 points de base, la Banque du Canada lui a emboîté le pas. À notre avis, les réductions du taux officiel d'escompte qui ont été opérées étaient justifiées vu l'importance que revêt l'économie américaine pour le Canada et étant donné aussi que notre taux d'inflation se maintient à de bas niveaux et que le climat s'est amélioré sur les marchés financiers internationaux par suite des mesures de la Réserve fédérale.
[Français]
J'aimerais maintenant examiner avec vous les perspectives d'évolution de l'économie canadienne.
Les perturbations économiques et financières survenues sur la scène internationale ont donné lieu à des révisions à la baisse des estimations de la croissance économique mondiale pour 1998 et pour l'an prochain. Néanmoins, à l'exception du Japon, l'activité dans les grands pays industriels devrait être assez soutenue d'ici la fin de 1999, en particulier aux États-Unis et en Europe.
La Banque prévoit que l'expansion de l'économie canadienne se poursuivra au cours de la prochaine année, compte tenu de la vigueur continue de la demande américaine, de l'amélioration de la situation de l'emploi et de la présence des conditions monétaires expansionnistes au Canada. J'insiste toutefois sur le fait que les prévisions sont plus hypothétiques qu'à l'accoutumée en raison de l'incertitude qui continue de régner à l'échelle internationale.
Je veux aussi vous faire remarquer que durant la prochaine année, le rythme auquel les capacités inutilisées dans l'économie seront absorbées dépend de la rapidité avec laquelle les marchés financiers au pays et à l'étranger vont se stabiliser. Comme la stabilité financière est capitale pour le maintien de la confiance des ménages et des entreprises, la Banque s'attachera tout particulièrement, à court terme, à contribuer à préserver la confiance des investisseurs dans les marchés financiers canadiens.
À moyen terme cependant, l'objectif fondamental de la politique monétaire demeure le maintien de la tendance de l'inflation à l'intérieur de notre fourchette de 1 à 3 p. 100. Tout porte à croire que l'inflation restera dans la moitié inférieure de la fourchette cible au cours de la prochaine année.
Ce que je veux faire ressortir surtout, c'est que même si le Canada a été touché par l'évolution de la situation internationale, il résiste mieux cette fois aux assauts que par le passé. Selon moi, cela est dû aux progrès notables que nous avons réalisés. Nous avons assaini nos finances publiques. Notre taux d'inflation se situe à un bas niveau et il est plus stable. La restructuration entreprise par le secteur privé lui a permis d'accroître sa productivité ainsi que sa compétitivité à l'échelle internationale.
[Traduction]
J'aimerais également faire quelques observations sur l'incidence que les perturbations survenues dans le monde au cours de la dernière année ont eue sur le dollar canadien et expliquer comment la Banque a réagi à cette incidence.
Pour comprendre ce qui se passe, nous devons faire la distinction entre les causes et les effets de la baisse qu'a subie le dollar canadien. La valeur d'une monnaie reflète l'évolution de la situation au pays et à l'étranger. Il ne faut donc pas perdre de vue que la dépréciation du dollar canadien est la conséquence des événements qui se sont produits depuis l'été 1997 et non pas la cause des difficultés auxquelles nous sommes actuellement confrontés, comme certains le laissent entendre.
La ruée mondiale vers les avoirs en dollars US, considérés par les investisseurs comme un abri sûr pour leurs placements, et le recul de 15 p. 100 que les prix des principaux produits de base que nous exportons ont enregistré au cours des douze derniers mois sont les deux grands facteurs qui expliquent la dépréciation marquée de notre monnaie par rapport au dollar américain.
Plus particulièrement, le recul des prix des produits de base s'est traduit par une diminution des revenus et de la richesse nationale des Canadiens, une dure réalité à laquelle nous avons dû nous ajuster. Étant donné que notre taux de change est flottant, l'ajustement s'est opéré au moyen d'une diminution de la valeur externe de notre dollar. Dans un régime de taux de change fixes, l'ajustement aurait dû s'effectuer uniquement par le truchement de réductions de la production, de l'emploi et des salaires.
Qu'est-ce que la Banque du Canada peut et doit faire au sujet du taux de change lorsque les marchés financiers internationaux sont agités et que des chocs majeurs d'origine externe se produisent?
La politique monétaire a pour objectif de maintenir la stabilité des prix intérieurs, c'est-à-dire de faire en sorte que le taux d'inflation reste bas et stable. Le taux de change et les taux d'intérêt sont les canaux par lesquels se transmettent les mesures de politique monétaire, et ils doivent pouvoir s'ajuster aux nouvelles réalités pour que les cibles d'inflation puissent être atteintes. Mais si l'élan imprimé au mouvement du taux de change pousse le dollar canadien bien au-delà du niveau que justifient les facteurs fondamentaux de l'économie, la Banque doit rappeler aux participants au marché les tendances favorables de notre économie. L'achat par la Banque de dollars canadiens sur le marché des durant les deux premières semaines du mois d'août était un exemple d'initiative positive. Nos déclarations publiques et les modifications du taux d'escompte constituent aussi des réactions positives.
Il est approprié de modifier le taux d'escompte dans deux cas. En premier lieu lorsque l'ampleur de la dépréciation de la monnaie donne lieu à un assouplissement trop prononcé des conditions monétaires. Une baisse du cours de la monnaie stimule l'activité économique, car elle favorise les exportations et la production intérieure de biens se substituant aux importations.
Une modification du taux d'escompte peut aussi être indiquée lorsqu'il y a des signes témoignant d'une érosion de la confiance dans la valeur de notre monnaie. Une perte de confiance peut être très coûteuse pour l'économie, si elle entraîne une hausse persistante des taux d'intérêt à moyen et à long terme. Je parle des taux applicables aux prêts consentis pour l'achat de maisons, la construction et le financement des investissements des entreprises. Ce sont les préoccupations relatives à la perte de confiance et à l'augmentation des taux d'intérêt qui ont amené la Banque à réagir vigoureusement au repli qu'a accusé le dollar canadien au début de 1995, pendant la crise du peso mexicain. C'est à cause de cette perte de confiance que nous avons relevé le taux d'escompte à la fin du mois d'août.
Le sénateur Tkachuk: Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la baisse du dollar en indiquant que celle-ci résultait du recul des prix des produits de base et de la ruée des capitaux vers les États-unis. Le dollar baisse depuis 25 ans. Au cours de cette période, nous avons connu l'inflation ainsi que la croissance et la stabilisation des déficits. C'est une tendance à long terme. Les prix des produits de base ont également été élevés pendant cette période.
Vos commentaires ne répondent apparemment pas à cette question. Pourriez-vous nous donner plus de précisions?
M. Thiessen: Si vous regardez ce qui s'est passé au cours des 25 dernières années, vous constaterez une tendance à la baisse prolongée des prix des produits de base, ce qui permet d'expliquer en grande partie non seulement cette tendance, mais également les cycles du dollar canadien par l'évolution de ces prix.
Il est vrai que l'exportation des produits de base est moins importante pour nous qu'elle ne l'était il y a 10 ou 15 ans, mais elle constitue encore 30 à 35 p. 100 de nos exportations, et même 40 à 45 p. 100 si on inclut certains produits de base fortement transformés.
Si on compare le Canada aux États-Unis, un autre facteur est le fait que, du début des années 70 jusqu'à 1991 ou 1992, notre taux d'inflation était supérieur à celui des États-Unis. Quand il y a une telle différence pendant longtemps, cela tend aussi à faire baisser la monnaie.
Une autre cause des tendances inflationnistes est que la productivité de nos industries exportatrices semble avoir eu une croissance quelque peu inférieure à celle de nos homologues américains. Il est plus difficile d'évaluer l'ampleur de l'influence exercée par ce facteur.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez mentionné que nous avons assaini les finances publiques. Notre taux d'inflation est plus faible et plus stable. Nous avons également amélioré notre productivité et notre compétitivité internationale. La baisse du dollar ne nuit-elle pas à notre capacité à être concurrentiels? Si nous sommes un pays exportateur, n'aurions-nous pas de moins bons résultats à l'exportation si le dollar valait 85 cents?
Si on adoptait ce point de vue, cela signifierait que, si le dollar valait seulement 50 cents, nous pourrions vendre encore plus. Cela ne voudrait pas dire que nous serions plus productifs; cela pourrait vouloir dire que nous le sommes moins.
M. Thiessen: En effet. Il ne fait aucun doute que le prix auquel nos industries du secteur des produits de base peuvent vendre leurs produits a été réduit de 15 p. 100, ce qui est beaucoup. Cela diminue la valeur de tous leurs actifs et exerce des pressions à la baisse sur les salaires. Cette situation contribue fortement à la réduction de notre taux de change.
Cela veut dire que, dans le secteur manufacturier, la faiblesse de notre monnaie devrait nous permettre d'accéder beaucoup plus facilement à certains marchés. Les gens tirent profit de cette faiblesse, mais ils ne devraient pas supposer que cela va durer éternellement.
Certains des facteurs fondamentaux que j'ai mentionnés vont entraîner, au fil du temps, une tendance à la hausse de notre monnaie. Quand les Japonais auront réglé leurs problèmes et si l'expansion de l'économie américaine se poursuit, les prix des produits de base commenceront à se redresser. Notre monnaie subira alors davantage de pressions à la hausse.
La deuxième chose est que, au fur et à mesure que notre économie se rapprochera de sa pleine capacité, je pense que nous commencerons à constater certaines des améliorations de la productivité qui ont été mises en place mais dont nous n'avons pas profité jusqu'à présent. S'il en est bien ainsi et si ces améliorations de la productivité sont importantes -- en fait, il faudrait qu'elles soient plus importantes que celles de nos voisins américains --, si cela se produisait, notre monnaie subirait également des pressions à la hausse.
Nous ne devrions pas penser qu'il nous faut apprendre à nous accommoder de cette faiblesse du dollar. En fait, nous ne devrions même pas envisager de le faire.
Le sénateur Kolber: Depuis qu'on a commencé à mettre l'accent sur la lutte contre l'inflation, la Banque a, de façon persistante, encouragé les Canadiens à s'attendre à des retombées positives si nous parvenions aux faibles taux d'inflation auxquels nous nous attendons maintenant. Certains ont été quelque peu déçus par les résultats obtenus. La réalité semble être que l'économie canadienne laisse encore fortement à désirer au plan de la production, le taux de chômage reste élevé selon la plupart des critères, les disparités de revenu se sont accrues, les revenus réels n'ont pas augmenté depuis quelque temps et les importants ajustements structurels qui ont eu lieu n'ont pas eu de conséquences durables sur la productivité. Comme le montre la faiblesse du dollar, la confiance manifestée par la communauté internationale envers le Canada est apparemment quelque peu incertaine, bien que nous ayons équilibré le budget fédéral, que le remboursement de la dette fédérale soit en cours et que la situation financière des provinces se soit améliorée.
Cette interprétation est-elle juste? Dans ce cas, y a-t-il quelque chose qui n'a pas fonctionné correctement? Si cette interprétation n'est pas juste, que pouvons-nous dire aux Canadiens qui sont un peu perplexes?
M. Thiessen: Je reviens constamment à cette question. La réduction moyenne de 15 p. 100 des prix de nos produits de base, pondérée par notre production au cours des 12 derniers mois, frappe durement notre économie. Cette baisse a même été beaucoup plus forte pour certains de ces produits. C'est très dur pour notre économie. Je crois que nous faisons face remarquablement bien à cette situation. On ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. Les choses sont ainsi et, de ce fait, nous sommes plus pauvres.
Cela a compromis notre capacité à retrouver notre pleine capacité et à réduire notre taux de chômage aussi rapidement que nous aurions pu le faire; en fait, en ce qui concerne la confiance, une dépréciation de 10 p. 100 de la monnaie, comme dans notre cas, crée des difficultés. La plupart des gens ont du mal à réagir de façon appropriée.
Vu la façon dont nous avons été frappés par la crise internationale, par les problèmes en Asie, je pense que nous nous en sommes remarquablement bien sortis. Au fur et à mesure que le temps passe, nous verrons les résultats s'améliorer. Nous verrons l'économie canadienne se mettre à tourner à plein régime. Nous verrons le chômage diminuer et la confiance renaître. Toutefois, à l'heure actuelle, nous venons juste de passer par une période très difficile.
Le sénateur Kolber: Avec le recul, pensez-vous que vous auriez dû agir différemment?
M. Thiessen: Oui. Il y a un an, nous croyions qu'aujourd'hui, les Japonais auraient résolu leurs problèmes depuis longtemps. Je dois reconnaître que cela nous a beaucoup surpris. Le Japon est la deuxième économie du monde. C'est le créancier net le plus important du monde. Ses actifs étrangers nets sont énormes.
Son économie est extrêmement bien placée pour faire face à ses problèmes économiques et à ses problèmes bancaires. Je dois reconnaître que nous pensions, mes collègues et moi, qu'il aurait dû les régler depuis longtemps.
Le sénateur Kolber: Conseilleriez-vous à tous les sénateurs sous-payés que nous sommes d'aller acheter des dollars canadiens?
M. Thiessen: Seulement si vous êtes prêts à faire un investissement à long terme.
Le président: Je dois dire qu'un des avantages du Sénat par rapport à la Chambre des communes est qu'on peut envisager les choses à long terme.
Le sénateur Angus: Comme vous le savez, quand vous vous êtes présenté devant notre comité ces trois ou quatre dernières années, vous avez dit chaque fois, en employant les mêmes termes, que les bases de l'économie canadienne sont bonnes. Je déduis de votre déclaration liminaire -- et j'aimerais être sûr de bien comprendre -- que vous êtes encore d'avis qu'elles sont bonnes et solides?
M. Thiessen: Oui. Je dis publiquement que oui. À mon avis, elles sont bonnes. Je vous dirai que, sinon, nous aurions eu beaucoup plus de difficultés au cours de l'année écoulée. Si nous avions abordé cette situation sans avoir solidement en main notre position financière, si nous avions eu l'impression que l'inflation était élevée ou allait augmenter, et si notre secteur privé n'était pas aussi axé sur la concurrence internationale qu'il l'est devenu, l'année aurait été très difficile. Elle a déjà été difficile. À mon avis, elle aurait été énormément plus difficile.
Le sénateur Angus: C'est intéressant à entendre.
Comme la plupart des commentateurs, des analystes et des économistes qui ont essayé de comprendre le comportement de la monnaie canadienne, vous avez beaucoup insisté sur le fait que, dans le secteur des produits de base, les prix ont baissé de 15 p. 100 et que cela a eu de terribles répercussions. Pouvez-vous nous donner une liste détaillée des industries de ce secteur auxquelles vous pensez quand vous déclarez cela?
M. Thiessen: Nous parlons du secteur agricole, en particulier du blé, du bétail, du porc, des oléagineux. En ce qui concerne le secteur des produits forestiers, nous parlons du bois d'oeuvre, de la pâte et du papier, du papier journal. Dans le secteur minier, nous parlons des métaux précieux, l'or et l'argent, et aussi des métaux communs, domaine dans lequel les difficultés ont été particulièrement importantes. Les prix du nickel, de l'aluminium, du zinc et du cuivre ont tous été faibles. Il y a également un certain nombre de minéraux -- par exemple le soufre, la potasse et le magnésium. Dans le secteur de l'énergie, nous parlons du pétrole, du gaz et du charbon.
Le sénateur Angus: Vous attribuez cela dans une large mesure à l'instabilité internationale inhabituelle, en particulier en Russie et en Asie, n'est-ce pas?
M. Thiessen: C'est exact.
Le sénateur Angus: La semaine dernière, étant donné que le Sénat ne siégeait pas, j'ai profité de cette occasion pour rendre visite à des membres de ma famille à Hong Kong. J'ai eu la grande chance de rencontrer par hasard des gens d'affaires et des banquiers, qui ont abordé le sujet de la dynamique de la mondialisation, des marchés de capitaux et de leur nervosité, et cetera. Ils ont dit unanimement, en choeur, que la décision la plus intelligente qu'aient jamais prise les Britanniques avait été d'aligner le dollar de Hong Kong sur le dollar américain. Quand je suis revenu, dimanche, j'ai commencé à examiner la question et j'ai constaté que plusieurs économistes canadiens, par exemple Tom Courchesne et Rick Harris, recommandent que nous alignions le dollar canadien sur le dollar américain.
En y réfléchissant, je me suis rappelé que, selon vous, nous essayons, au Canada, de gérer notre politique monétaire indépendamment des États-Unis. En fait, j'ai même consulté les transcriptions d'il y a quelques années pour les lire à nouveau. Cependant, tout ce que vous avez fait, de même que ce que vous avez dit ce matin, me montre que notre situation évolue en parallèle avec celle des États-Unis. Quand on parle de chercher un abri sûr pour les placements, même si, en valeur absolue, notre dollar a perdu seulement cinq ou dix cents par rapport au dollar américain, cette baisse paraît effrayante à de nombreux Canadiens. On nous dit cependant que, par rapport à d'autres monnaies, nous nous comportons bien face au dollar américain.
J'aimerais savoir ce que la Banque du Canada, que vous dirigez, pense de cet alignement. J'ai l'impression que la situation n'a jamais été plus favorable à un alignement de notre dollar sur la monnaie américaine. Je vous dirai que ce serait merveilleux pour le Canada si vous faisiez cela maintenant.
M. Thiessen: Je crains de devoir être en désaccord avec vous, sénateur.
Le sénateur Angus: Bon, bien entendu, j'ai lu la page 4 de votre déclaration, mais c'est un sujet intéressant.
M. Thiessen: C'est intéressant. C'est quelque chose dont on devrait toujours être prêt à discuter et débattre. Le système de la Hong Kong Currency Board établissant une parité précise avec le dollar américain lui a vraiment été bénéfique, elle a toutefois eu une année difficile.
L'alignement sur le dollar américain est peut-être la bonne solution pour une économie aussi petite et aussi axée sur les services financiers de celle de Hong Kong. Je vous rappellerai également que les crises qui ont frappé la Thaïlande, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Corée du Sud étaient toutes liées à un taux de change fixe qui n'a pas pu être maintenu.
Le problème que pose un taux de change fixe est que, quand les choses tournent mal, ces économies doivent s'ajuster, parce que le taux de change ne peut pas le faire. L'ajustement d'une économie est lent et parfois difficile. On peut donc se retrouver exposé à de fortes pressions quand le taux de change est fixe. C'est ce qui s'est passé dans ces pays de l'Asie de l'Est. Dans une telle situation, on essaie bien entendu de maintenir la parité parce qu'on s'est engagé à le faire, et, finalement, ce n'est plus possible; mais, à ce moment-là, la pression qui s'est accumulée est énorme et, à un moment donné, elle explose et on se retrouve avec une crise.
Le sénateur Angus: Gouverneur, la situation n'a-t-elle toutefois pas beaucoup changé? Sur la scène internationale, nous voyons qu'une monnaie va naître le 1er janvier, l'euro, dans toute l'Europe. Nous voyons qu'il y a ici des blocs commerciaux, l'ALENA, le bloc nord-américain, et nous parlons de la ruée vers les abris sûrs que sont des monnaies comme le dollar américain, ou encore l'euro et le yen, qui, vous l'avez dit, vient de la deuxième économie mondiale, qui possède une grande quantité d'actifs. Ne serait-il pas plus réaliste de s'aligner ainsi sur le dollar américain? Le dollar canadien est comme un yo-yo.
Vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes et vous avez entendu ce que ses membres ont à dire, et le sénateur Kirby a mentionné les questions que des témoins posent tous les jours à notre comité. Il est très troublant de voir notre monnaie se déprécier comme elle le fait et comme le sénateur Tkachuk l'a expliqué.
M. Thiessen: Je suis d'accord. Toutefois, je vous dirai également qu'il nous faudrait nous ajuster à l'important choc négatif que nous avons subi. Cela reste nécessaire. Un taux de change fixe n'élimine pas le problème et signifie simplement qu'il faut procéder à des ajustements de nature différente, ce qui peut être très difficile.
Il ne faut pas seulement faire face à des chocs négatifs; les chocs positifs peuvent aussi être difficiles à surmonter. Ce n'est pas par accident que, quand nous avons adopté un taux de change flottant en 1950 et, à nouveau, en 1970, c'était dans le contexte de fortes augmentations des prix des produits de base et d'énormes flux de capitaux au Canada. Notre capacité à faire face à ces augmentations de prix et à ces flux de capitaux était mise à l'épreuve. C'était très difficile.
Dans les deux cas, le gouvernement du Canada a décidé que la meilleure chose à faire était d'adopter un taux de change flottant et que la meilleure solution était de réagir avec souplesse face aux chocs de ce genre qui vous frappent de temps à autre.
Le sénateur Angus: Envisagez-vous maintenant ou pourriez-vous envisager un taux fixe? Est-ce une option que la Banque examine?
M. Thiessen: La réponse est non.
Le président: J'ai une question qui fait suite à l'intervention du sénateur Angus. Vous avez dit que la baisse des prix de produits de base était due aux problèmes en Asie et en Russie. Quelles responsabilités les autorités des pays industrialisés, y compris la Banque à titre de prêteur de dernière instance, ont-elles relativement à l'ampleur de la crise dans ces pays? Par exemple, certains disent qu'il aurait fallu intervenir, en exerçant au moins des pressions morales, pour endiguer la vague de prêts non rentables qui se produisait dans ces pays avant qu'on ne prenne officiellement conscience publiquement de ces crises.
M. Thiessen: Oui, on peut dire cela après coup. Je dois vous dire qu'il n'était pas aussi facile d'être informé que cela aurait dû l'être. Une des leçons que nous avons retirées de cette situation est que nous avons besoin de plus d'informations. Toutefois, dans de nombreux cas les gens ne connaissaient pas l'ampleur de l'endettement net à court terme en devises étrangères du gouvernement et du secteur bancaire dans ces pays; on n'avait tout simplement pas ces renseignements.
Le fait que, par exemple, en Thaïlande, les banques empruntaient à court terme en dollars américains et consentaient des prêts en monnaie thaïlandaise aux promoteurs immobiliers est un exemple d'une combinaison de toutes les choses que les banques ne devraient pas faire.
Je dois reconnaître que les autorités internationales dont nous faisons partie n'étaient pas au courant autant qu'elles auraient dû l'être. Nous ne savions pas jusqu'à quel point certaines de ces banques centrales protégeaient ou essayaient de protéger leur taux de change fixe en utilisant les marchés internes, parce que les transactions effectuées sur ces marchés n'étaient pas indiquées dans leurs bilans. Nous essayons de rectifier ces éléments.
Le président: Compte tenu du fait qu'il y avait des choses que vous ne saviez pas à ce moment-là et à propos desquelles vous ne pouviez donc rien faire, mettez-vous en place des dispositifs internationaux afin d'être sûrs d'être mieux informés à l'avenir?
M. Thiessen: Sénateur, il y a eu depuis certains temps des améliorations à cet égard. Je ne sais pas si les sénateurs ont eu l'occasion de prendre connaissance du dernier communiqué publié par les ministres des Finances et les gouverneurs du G-7 il y a quelques semaines. Il regroupait plusieurs initiatives qui avaient été prises depuis le début de la crise asiatique. Le G-7 a recommandé davantage de transparence et de diffusion de renseignements non seulement dans les pays où ces crises ont eu lieu, mais de façon générale, en partant du principe que les marchés fonctionnent mieux si l'information est plus abondante. Ces crises se produisent quand elle est insuffisante. On constate alors que les choses sont différentes de ce à quoi on s'attendait. Ils ont également recommandé d'améliorer la qualité de la réglementation et de la supervision des secteurs financiers dans le monde entier. Enfin, nous devons voir si nous ne pouvons pas mieux faire face aux crises quand elles commencent à ce manifester en veillant à associer dès le premier jour les investisseurs et les prêteurs du secteur privé à la recherche d'une solution.
Ces trois initiatives sont importantes. Je ne peux pas vous dire que tous les problèmes sont réglés définitivement, mais nous avons fait des progrès importants.
Le président: Je suis proche des milieux gouvernementaux depuis longtemps et je sais donc combien de temps il faut pour qu'une initiative gouvernementale donne réellement des résultats pratiques. Avez-vous une idée du temps que prendra la mise en oeuvre de ces initiatives?
M. Thiessen: D'importantes pressions sont exercées pour qu'on puisse présenter quelque chose de plus concret d'ici le prochain sommet des chefs d'État et de gouvernement, au printemps.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je reviens au mois d'août et aux manchettes dans les journaux plutôt qu'à vos propos précis, même si parfois on rapportait que vos interventions du mois d'août étaient reliées, dans une certaine mesure, à l'intervention de certains spéculateurs qui «buy it short» les dollars canadiens sans même les payer et qui voulaient faire un profit assez rapide.
Comme on l'a vu dans le domaine des métaux, un seul investisseur peut perturber tout un secteur dans ce domaine en jouant sur la valeur. Quelles mesures une banque comme celle du Canada peut-elle mettre en place? Elle a des réserves mais elle ne peut pas intervenir tous les jours. Est-ce que vous avez un réseau international? Est-ce que avez-vous des appuis -- il y a une grande concentration de richesse dans les mains de certains groupes de grands spéculateurs -- pour empêcher une intervention basée purement sur l'appât de gains rapides?
M. Thiessen: Le gouvernement du Canada a une réserve très élevée de devises internationales. Nous parlons de 20 milliards de dollars.
L'intervention est vraiment un signal. Vous ne pouvez pas, avec un montant d'argent, empêcher tous les spéculateurs. Les flux de fonds sont trop élevés pour cela. C'est vraiment un signal que vous n'êtes pas content avec, dans notre cas, la dégringolade de notre devise. Il est vraiment plus important de donner un signal et dire que c'est aller trop loin. Quand cela ne marche pas, il faut suivre notre intervention avec des choses plus importantes, par exemple, les augmentations des taux d'intérêt. C'est la seule façon de réagir à cette situation.
Il ne s'agit pas vraiment de demander aux autres de vous aider. Cela donne une impression de panique et ce ne l'est pas vraiment. La chose la plus importante est de toujours souligner la situation fondamentale de notre économie. Si cette situation est en bon état, votre taux de change va s'améliorer. Dans une situation aussi volatile que celle du mois d'août, c'est la seule chose que vous pouvez faire.
Le sénateur Hervieux-Payette: Face à cette situation quand même inquiétante à ce moment dans un contexte plus que canadien, les gouverneurs des banques ou les ministres des Finances étudiaient la situation de près pour que justement des prédateurs ne profitent de la situation au détriment de toutes les économies assez solides. On a même parlé d'un «monitoring» de la situation.
Vous me dites qu'on est tout seul à intervenir, qu'il n'y a pas de petits clubs qui nous suivent dans cette question et qu'on est laissé à nous-mêmes. On est un pays de 30 millions d'habitants et on ne peut pas concurrencer notre voisin du sud de 250 millions de citoyens ou le Japon avec 90 ou 100 millions d'habitants. Notre économie est trop petite pour nous permettre d'intervenir, sauf par un clin d'oeil, en disant qu'on n'est pas content. On n'a pas d'autres façons d'agir dans une économie mondiale. On est un petit club et on ne peut voir à ce que le reste du monde fonctionne bien.
M. Thiessen: S'il y avait une vraie crise, une situation absolument terrible, on pourrait demander aux États-Unis de nous aider. Je crois qu'il faut garder cela pour une situation très difficile.
On a eu une période difficile aux mois d'août et septembre, mais cela s'est amélioré et la crise n'a pas été terrible. Il est difficile de faire plus que cela.
[Traduction]
Il est important de faire très attention à la façon dont on réagit dans de telles circonstances. Il faut veiller à renforcer la confiance et non pas à l'ébranler. Il ne faut pas donner l'impression qu'on a utilisé toutes ses munitions et qu'on n'a plus d'autres possibilités. Il ne faut jamais se retrouver dans une telle situation.
Quand on subit des chocs de ce genre et qu'il y a des mouvements de capitaux, il peut y avoir des problèmes pendant un moment; toutefois si un redressement se produit relativement rapidement, il est difficile de dire que cela a eu des conséquences très graves, même si je suis prêt à reconnaître qu'au moment où cela se produit, ce peut être tout à fait déplaisant.
[Français]
Mme Kennedy: Pour répondre à vos questions au sujet des réseaux, il y a toujours un échange d'informations entre les banques centrales à tous les paliers, non seulement entre les gouverneurs mais aussi entre les «traders» du marché des changes, entre les collègues de Londres, de New York, et cetera. Si on passe par une période difficile, comme au mois de juillet, août et septembre, ce genre de conversation s'intensifie. Il y a beaucoup d'incertitude. On cherche les informations, les renseignements, les analyses. Normalement, la transmission des données prend du temps à circuler. Dans une période difficile où il y a peut-être un manque de confiance, un changement de perspective sur les risques, non seulement les spéculateurs mais tous les investisseurs veulent réagir un peu, changer de portefeuille, trouver des investissements plus stables, plus sûrs, plus sécuritaires. Dans ces périodes, on augmente nos échanges d'information parce qu'il faut analyser la situation actuelle et ne pas attendre toutes les données officielles et les statistiques. On fait ce que l'on peut.
[Traduction]
Le sénateur Meighen: J'aimerais parler à nouveau de la question de la productivité, qui a déjà été traitée dans une certaine mesure. Vous dites dans votre déclaration que, vu le caractère mondial de la crise, le Canada a mieux résisté à cause des progrès notables que nous avons faits en assainissant nos finances publiques, en abaissant et en stabilisant davantage le taux d'inflation et en restructurant notre secteur privé pour accroître sa productivité et sa compétitivité à l'échelle internationale.
En réponse à la question du sénateur Angus, vous avez répété qu'à votre avis, et je ne le conteste pas, les bases de l'économie canadienne sont bonnes.
Vous avez à coup sûr pris note des propos de John Kenneth Galbraith cités l'autre jour dans notre ancien quotidien national: «Ce qui doit le plus éveiller vos soupçons est quand un représentant d'un gouvernement dit "les bases sont solides."»
Je sais que vous n'êtes pas un représentant du gouvernement, gouverneur, mais je me demande si Galbraith n'a pas raison. Dans le discours que vous avez prononcé en 1996 devant l'Institut Fraser, vous disiez que la politique monétaire suivie pendant les années 80 nous avait peut-être empêchés d'améliorer notre productivité parce que les Canadiens profitaient de la situation et n'étaient pas obligés de s'efforcer d'augmenter leur productivité autant qu'ils auraient dû le faire.
Si je ne me trompe, nous sommes le pays du G-7 qui a eu la pire augmentation de sa productivité au cours des deux dernières décennies. Elle n'a pas beaucoup augmenté. Quelles erreurs commettons-nous? Peut-être en commettons-nous dans des domaines qui ne sont pas de votre ressort. Je comprends bien que, pour autant que vous puissiez en avoir envie, vous ne pouvez pas critiquer la façon dont le gouvernement actuel gère les affaires de la nation.
Dans quels domaines devons-nous améliorer les choses si nous voulons atteindre des niveaux supérieurs à la moyenne, comme nous devrions le faire, compte tenu de la solidité de notre base, comme vous l'avez dit? Qu'est-ce que nous n'arrivons pas à faire?
M. Thiessen: Ce sont vraiment des questions très difficiles. Je dois également dire qu'il est d'autant moins facile d'y répondre que la productivité est extrêmement difficile à mesurer. En fait, un des journaux nationaux a comparé la productivité du secteur manufacturier au Canada et aux États-Unis; or, ces chiffres ne sont pas comparables et on ne devrait donc pas faire une telle comparaison. Les Américains vont assurément modifier leurs chiffres pour les rendre comparables, mais, à l'heure actuelle, on ne peut pas comparer simplement la productivité du secteur manufacturier au Canada et aux États-Unis.
Toutefois, il ne fait aucun doute que la croissance de la productivité n'a pas été très bonne au Canada, surtout pendant les années 70 et 80 et au début des années 90. C'est dû en partie à l'inflation. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, l'inflation étant élevée, les entrepreneurs et les entreprises avaient tendance à chercher à en tirer profit ou à se protéger contre elle au lieu de s'efforcer, dans toutes leurs activités, de devenir plus productives et plus concurrentielles. Cela faisait partie du problème.
On peut également avancer que l'expansion du secteur gouvernemental et la forte augmentation des taux d'imposition ont également eu une influence. On peut également dire que l'augmentation du prix de l'énergie a une influence. Au début des années 70, son prix plutôt bas conditionnait le fonctionnement de toutes nos usines. Dans un climat froid comme le nôtre, il nous a fallu longtemps pour nous adapter à l'augmentation de ce prix.
Je pense que des progrès vont avoir lieu. Quand on parle à certaines entreprises au Canada, elles disent: «Il y a quelque chose qui ne va pas. En ce qui concerne notre propre société, nous pouvons constater de très fortes augmentations de notre productivité, surtout au cours des cinq ou six dernières années, mais nous n'en voyons pas la trace dans les chiffres globaux.» Il s'agit souvent de grandes entreprises, et peut-être y a-t-il une différence de productivité entre les grandes et les petites entreprises, mais nous devons examiner cela de plus près.
Il y a également la question de notre capacité à mesurer la productivité dans le secteur des services. En fait, avec le système actuel, nous ne pouvons pas mesurer la productivité, parce que nous mesurons les intrants plutôt que les extrants, mais on peut constater que, dans certaines branches de ce secteur, il y a eu des gains de productivité très importants.
Il n'est pas facile de circonscrire le problème. Je dois toutefois dire que les attitudes et l'orientation du secteur privé au Canada me donnent à penser que les entreprises ont fait de gros progrès et que cela va continuer parce que, dans l'ensemble, leur orientation est bien différente de ce qu'elle était pendant les années 70 et 80.
Il convient aussi de signaler qu'aux États-Unis, certains des meilleurs gains de productivité ont eu lieu dans une phase très tardive du cycle économique, ce qui est étrange. Normalement, on s'attend à ce qu'ils se produisent quand on s'approche d'une pleine capacité, c'est-à-dire quand les usines commencent à travailler à plein régime. Plus elles maintiennent ce régime longtemps, plus on s'attend souvent à constater une certaine détérioration de l'augmentation de la productivité.
Aux États-Unis, certains des meilleurs gains de productivité ont eu lieu depuis un an ou deux -- à une phase très tardive du cycle. Pourquoi? On dirait que certains des investissements réalisés, surtout dans les ordinateurs et la technologie de l'information en général, ont commencé à rapporter quand l'économie atteignait les limites de sa capacité. Les gens ont commencé à profiter de ces investissements davantage qu'auparavant.
C'est peut-être une façon un peu compliquée de dire qu'à mon avis, d'autres choses nous attendent à l'avenir. Je conviendrai toutefois certainement que, dans notre pays, nous devons nous soucier beaucoup de la productivité parce que c'est elle qui permet d'augmenter progressivement les revenus et le niveau de vie dans une économie. Si on perd cela de vue, on ne peut pas augmenter ces choses-là.
Le sénateur Meighen: Nous nous en soucions tous, en fait, beaucoup. Vous nous avez donné à réfléchir sur la façon de comprendre pourquoi notre productivité ne s'est pas améliorée. Vous reconnaîtrez, je pense, que nous ne connaissons pas toutes les réponses. Personne ne semble toute les posséder -- même seulement certaines d'entre elles -- pour commencer à trouver des solutions.
Permettez-moi de présenter une thèse à laquelle je ne souscris pas nécessairement mais qui pourrait constituer une bonne explication. Il y aurait, d'après quelqu'un, des entreprises plus grandes aux États-Unis qu'au Canada, où le pourcentage de petites entreprises est plus élevé; or, même si nous rendons souvent vivement hommage aux petites entreprises parce qu'elles contribuent le plus à la création d'emplois, et c'est peut-être le cas, peut-être ne contribuent-elles guère à l'amélioration de la productivité. Les pratiques peu rentables y sont peut-être plus fréquentes que dans les grandes entreprises. Pouvez-vous faire la lumière sur cette question?
M. Thiessen: J'ai également entendu cette argumentation. L'autre chose qu'il ne faut pas oublier est qu'il y a plus de petites entreprises dans le secteur des services, où il est notoirement difficile de mesurer la productivité.
Le sénateur Meighen: Tout le monde peut critiquer la partie le lundi matin, ce que je ne cherche pas réellement à faire. Ma question est, en fin de compte, la suivante: l'information diffusée par la Banque vous paraît-elle suffisamment claire? Je ne veux pas dire que vous devriez renvoyer tous vos spécialistes des relations publiques ou les auteurs de vos communiqués de presse. Il me semble que, ces derniers temps, pour je ne sais quelle raison, les marchés se sont apparemment souvent mépris sur ce que disait la Banque.
Vous savez très bien qu'on vous reproche d'avoir attendu trop longtemps en août. Peut-être pourriez-vous dire quelques mots à ce sujet.
Enfin, le système de transfert des paiements de grande valeur qui va, je crois, être bientôt lancé aidera-t-il d'une façon quelconque la Banque à présenter des messages clairs et prévisibles, dans le sens où vous pourriez fixer le taux quotidiennement? Si je comprends bien, vous devriez pouvoir faire cela avec un de ces systèmes. Je me trompe peut-être. C'est-à-dire que vous établiriez le taux quotidiennement. À voir votre réaction, il est évident que je fais erreur.
Vous pourriez peut-être aborder la question de la communication. Pourriez-vous vous reporter au mois d'octobre et à la réduction du taux d'intervention au jour le jour afin de me dire pourquoi vous l'avez annoncé l'après-midi plutôt que le matin?
M. Thiessen: Avec le STPGV, notre système de paiement sera plus efficace et moins exposé à des risques. Cela ne modifiera néanmoins pas fondamentalement notre façon d'exécuter notre politique monétaire, mais nous simplifiera un peu la tâche.
Actuellement, nous établissons une fourchette pour le taux au jour le jour. Nous cherchons normalement à nous situer au milieu de celle-ci. Chaque fois que nous nous approchons de sa limite inférieure ou supérieure, nous intervenons. Tout le monde le sait. Il n'y a aucun problème de communication à propos de ce que nous faisons au jour le jour.
Je ne pense pas que cela changera quand nous utiliserons le système STPGV.
Pour ce qui est de la communication, cette question concerne la possibilité de pouvoir davantage prévoir l'orientation que pourrait adopter la Banque. Nous avons pris un certain nombre d'initiatives au cours des cinq dernières années pour être plus transparents et donner plus de renseignements au sujet de ce que nous pensons de la situation économique, de ce que nous avons l'intention de faire en matière de politique monétaire et de certaines des répercussions que cela pourrait avoir.
Il y a toujours des difficultés quand on s'engage sur cette voie. Il y a facilement des méprises occasionnelles. Je pense que c'est occasionnellement arrivé.
Il est également vrai que cette période a été incroyablement incertaine. La surprise qu'a causée l'incapacité des Japonais à surmonter leurs problèmes a rendu la crise internationale beaucoup plus grave qu'on ne l'avait prévu. Ce à quoi on s'attendait ne s'est pas produit. Bien entendu, il y aura toujours des surprises; c'est la nature des économies et des systèmes internationaux, mais l'année écoulée a été particulièrement incertaine, instable et difficile à prévoir.
Nous aurions peut-être pu souligner dans une certaine mesure l'incertitude de la situation, parce que, même si nous pouvons vous dire ces choses-là maintenant, les événements internationaux et les incertitudes d'une nature ou d'une autre auraient fort bien pu tout changer. C'est la nature de l'élaboration de la politique monétaire.
Le sénateur Meighen: Je pensais vous demander jusqu'à quel point vous pensez que les Japonais ont réglé leur crise, mais je n'en tiendrai là. Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: J'en fais volontiers une question supplémentaire de la part du président.
M. Thiessen: Je répéterai simplement, monsieur le président, que, si nous pouvons maintenant vous donner des renseignements et des suggestions, leur pertinence pourrait fort bien être modifiée par les événements internationaux ou par des incertitudes d'une nature ou d'une autre. Nous avons toutefois certaines raisons d'être optimistes.
Je dois vous dire que je me suis trompé à plusieurs reprises au sujet de la situation du Japon. J'avais pensé que les initiatives que prenaient les autorités auraient déjà pu placer le pays sur la voie du redressement, mais deux choses se sont produites récemment. Le Japon a adopté une loi restructurant son système bancaire. Il a également affecté un montant suffisant de deniers publics à cette restructuration. Ce montant est d'environ 500 milliards de dollars américains.
Le système bancaire japonais connaît de nombreuses difficultés. Quand un système bancaire commence à avoir des difficultés, il n'accorde pas de nouveaux prêts. Il est tellement préoccupé par les prêts existants qui ont mal tourné que le crédit devient, en quelque sorte, insuffisant. Telle est la situation actuelle au Japon. Dans ce pays, diverses mesures budgétaires ont été prises pour stimuler l'économie au moment même où le système bancaire se refermait sur lui-même. Ces deux choses se sont annulées mutuellement, et il n'y a pas de progression nette.
Les paramètres fondamentaux de la restructuration proposée paraissent bons, et la stimulation budgétaire qui devrait résulter des allégements fiscaux paraît également positive, mais je ne peux pas vous en dire plus.
Le président: Quand aura-t-on des indications que ces mesures vont améliorer la situation? Est-ce une question de semaines, de mois ou d'années?
M. Thiessen: Je n'en sais rien. Si certaines des principales banques étaient restructurées, en offrant en quelque sorte un modèle de la façon de procéder, je pense qu'on constaterait que plusieurs autres banques japonaises en feraient autant. Il faut qu'il y ait un modèle. La Banque industrielle du Japon a proposé de se restructurer ainsi. C'est une banque solide. Si elle nettoyait son bilan et repartait à zéro, cela pourrait être un modèle très utile pour le reste du système bancaire japonais. Je n'ai toutefois rien entendu dire d'autre à ce sujet récemment.
Le sénateur Kroft: Pourriez-vous faire en quelque sorte le point sur la disponibilité du crédit. Le Brésil vient de connaître une crise, et le Japon est en train de régler la sienne. Pourriez-vous faire quelques commentaires portant principalement sur l'Amérique du Nord?
M. Thiessen: En août, suite au moratoire de la Russie sur le service de la dette, l'écart entre le taux d'intérêt des valeurs mobilières les plus sûres, comme les bons du Trésor des États-Unis, et celui des obligations du marché émergent, émises par le secteur privé et présentant légèrement plus de risques, a augmenté fortement. Ces marchés sont devenus instables. Même si on était prêt à payer des taux d'intérêt plus élevés, on ne pouvait de toute façon pas obtenir de l'argent. On avait l'impression que les marchés se bloquaient. La Réserve fédérale est donc intervenue pour réduire les taux d'intérêt; elle l'a fait à trois reprises ces trois derniers mois. Depuis que ces mesures ont été prises, ces écarts ont quelque peu diminué.
La différence avec leur niveau antérieur a sans doute été réduite d'environ un tiers, mais nous ne devons pas nous attendre à un retour complet au niveau antérieur, parce qu'un des problèmes est qu'avant le mois d'août, pendant l'hiver et l'été, ces écarts sont devenus très minces. Il y avait beaucoup d'argent prêt à être investi, et les écarts étaient devenus trop minces pour justifier les différences de risque entre les emprunteurs. Maintenant, après avoir pris trop de risques sans être rémunérés en conséquence, les gens préfèrent réduire ces risques le plus possible.
Nous ne retrouverons pas ces minces écarts. Nous ne retrouverons pas non plus autant de crédit disponible que pendant les meilleures périodes de l'année écoulée. Toutefois, un mouvement inverse semble se dessiner, et nous commençons également à voir un nombre croissant d'emprunteurs acceptant davantage de risques se manifester sur les marchés et obtenir de bons résultats; l'intérêt qu'ils paient est peut-être supérieur à celui des bons du Trésor des États-Unis, mais ils empruntent néanmoins. Certains d'entre eux utilisent à nouveau leur ligne de crédit auprès des banques commerciales. Le crédit bancaire a augmenté. C'est, là encore, le genre de chose à quoi on pouvait s'attendre.
La plupart des inquiétudes reposaient sur des prévisions plutôt que sur la réalité, et les flux effectifs de crédit n'ont pas tellement diminué. Dans de nombreux cas, c'est la crainte de l'avenir qui causait ces réactions fortement négatives. Nous constatons que la situation se rétablit progressivement maintenant.
On n'a jamais ressenti une inquiétude aussi marquée au Canada. C'est dû en partie au fait qu'ici, une proportion plus faible du financement se fait sur le marché des capitaux; le système bancaire représente une proportion plus importante, et il ne s'est jamais bloqué autant que les marchés des capitaux.
Au Canada, on constate également un resserrement de ces écarts, et un nombre croissant d'emprunteurs émettent de nouveaux titres, pour lesquels l'écart est légèrement meilleur qu'auparavant.
Je ne peux pas vous dire que tous les problèmes sont maintenant réglés, mais on se sent certainement beaucoup plus à l'aise qu'il y a deux mois.
Le sénateur Kroft: Il est intéressant de noter que, quand le secteur du marché financier qui peut rapporter beaucoup est né, on l'a peut-être désigné en employant des termes plus péjoratifs qui avaient d'autres connotations, mais il semble qu'il ait acquis une certaine légitimité sur le marché des capitaux. Je trouve intéressant qu'il soit devenu davantage un indicateur légitime de l'activité économique plutôt qu'une activité marginale.
C'est instructif pour nous parce que notre comité, dans un autre contexte, a été préoccupé par les attitudes face aux emprunts à risque, mais c'était évidemment dans un domaine plus restreint, plus étroitement défini, qui concernait plutôt les clients que les marchés de capitaux. Il me semble qu'on accepte de plus en plus le fait de prêter de l'argent à un taux d'intérêt plus élevé en assumant des risques supérieurs comme une composante légitime de la structure du marché des capitaux.
J'aimerais revenir à un autre sujet qui m'inquiète beaucoup. Nous avons parlé de notre secteur économique des produits de base, du prix de ceux-ci et de ses répercussions. Un autre aspect de l'économie mondiale est la réduction de l'activité industrielle dans nos marchés traditionnels pour ces produits, quel qu'en soit le prix. Une autre conséquence du bas prix du charbon est que les gens qui utilisent ces marchés se servent de ce charbon pour produire de l'acier moins cher, qui se retrouve finalement dans notre pays. C'est le deuxième effet d'une même cause.
Toute personne qui s'intéresse à l'histoire économique constate que les producteurs d'acier demandent de plus en plus à bénéficier de davantage de protection sur les marchés, et l'écho de cette situation se fera sentir très rapidement dans l'ensemble de l'économie. Cette évolution de la situation m'inspire une certaine crainte. Avez-vous un commentaire à faire au sujet des demandes de protection présentées par des gens dans ces secteurs industriels?
M. Thiessen: Cela se produit toujours quand les perspectives semblent devenir un peu moins bonnes. Tant que les perspectives économiques paraissent solides, ces choses tendent à disparaître.
Il est intéressant de constater à quel point nous avons entendu peu d'interventions de caractère protectionniste provenant des États-Unis cette fois-ci. Il y a une nette différence par rapport à la situation à la fin des années 80, par exemple. Cela tient en partie au fait que l'économie américaine se porte si bien. Quand le taux de chômage est de 4,5 p. 100 et que l'économie tourne à plein régime depuis quatre ou cinq ans, les pressions en faveur du protectionnisme ne sont pas aussi fortes. Je suis sûr qu'il y en aura néanmoins quelques-unes. Je ne serais pas surpris si la visite du président Clinton au Japon n'en suscitait pas un peu, parce que l'excédent de la balance commerciale du Japon a été annoncé ce matin, et il est important.
Je n'observe toutefois pas le même type de préoccupations que pendant les années 80. C'est en partie parce que tout le monde se soucie plus de l'économie mondiale et moins des conditions locales. Cela joue un rôle. C'est en partie parce que les perspectives ne sont encore pas si mauvaises, même si elles sont un peu moins bonnes. Le gros afflux de marchandises en provenance du Japon dont certains parlaient ne s'est pas vraiment concrétisé. Tout cela a atténué ces inquiétudes.
J'aimerais pouvoir penser que ces pressions en faveur du protectionnisme ne seront pas aussi intenses qu'auparavant, mais je ne peux pas le promettre. Je ne peux pas en être sûr, mais, pour le moment, tout va bien.
Le sénateur Oliver: Toutes mes questions porteront sur le taux de chômage au Canada. Je vous poserai deux questions précises. Je voudrais savoir ce qui devrait arriver pour que vous modifiez certaines de vos politiques monétaires afin que le taux de chômage au Canada puisse descendre en dessous de 8 p. 100, 7 p. 100, 6 p. 100 ou 5 p. 100.
Une de mes questions porte sur le TCIS, et l'autre sur ce qu'on appelle le taux naturel de chômage. Je sais que vous avez réfléchi quelque peu à cela parce que, le mois dernier, quand vous avez prononcé la conférence Gibson à l'Université Queen's, vous avez déclaré notamment ce qui suit:
On entend souvent dire à l'encontre des cibles adoptées au Canada que, depuis 1991, les États-Unis ont réussi à améliorer leur production et à réduire leur chômage avec un taux d'inflation qui est actuellement supérieur de 1 p. 100 seulement à celui du Canada.
Comme vous le savez, le Congrès du travail du Canada vous a critiqué en déclarant que votre politique au sujet du TCIS était perverse et que la Banque et le ministère des Finances considèrent des taux de chômage d'environ 8 ou 9 p. 100 comme potentiellement inflationnistes.
Quel rôle cela joue-t-il dans l'exécution de la politique monétaire et que se passerait-il si la Banque du Canada suivait les conseils de certains de ceux qui la critiquent et assouplissait en fait, la politique monétaire jusqu'à ce que l'inflation puisse augmenter un peu?
M. Thiessen: Nous n'établissons pas la politique monétaire en fonction d'une estimation quelconque du TCIS. C'est tout simplement trop difficile. Les estimations sont très variées parce que c'est quelque chose qu'on ne peut pas observer. On pourrait avoir une estimation trop élevée ou trop basse. Si elle est trop élevée, l'économie tournera moins bien qu'il ne le faudrait. Si elle est trop basse, l'économie sera plus inflationniste qu'il ne le faudrait.
Nous essayons d'estimer la marge de capacité excédentaire dans l'économie, qui dépendra en partie du marché du travail, mais nous n'examinons pas le marché du travail en tant que tel, et il est tout à fait certain que nous n'avons pas de cible concernant le taux de chômage, qui, à notre avis, est aussi bas qu'il peut l'être.
Comme je le laissais entendre dans cette conférence, ou peut-être dans un commentaire que j'ai fait après la conférence, ce qui s'est passé aux États-Unis est très intéressant. Ce pays a essentiellement avancé à tâtons. Tant que le taux d'inflation était bas et diminuait -- les États-Unis n'ont pas de cibles explicites, mais ils ont des cibles implicites --, les autorités étaient tout à fait prêtes à voir quelles étaient les limites de la capacité. Tant que la politique monétaire est crédible, on peut le faire. Dès que les gens pensent que votre démarche est inflationniste, vous ne pouvez plus progresser parce que tout le monde cherche à se protéger.
Ce que j'espère est qu'à l'avenir, une fois que nous aurons surmonté le problème actuel du prix des produits de base, nous pourrons faire la même chose et tester les limites de notre capacité; si nos objectifs en matière d'inflation restent crédibles, je crois que nous serons alors en mesure de constater que le taux de chômage pourra baisser à un niveau que nous n'avons pas connu depuis 20 ans.
Le sénateur Oliver: Que faudrait-il faire pour cela?
M. Thiessen: Il suffit de continuer à tester les limites de la capacité. Il faut simplement faire en sorte que la demande soit toujours pressante, et on voit alors si cela entraîne des pénuries, des pressions sur les prix, des pressions sur les marchés du travail, et on peut le faire quand on a une cible crédible en matière d'inflation. Alors que si on n'en a pas, quand ces pressions commencent à se manifester, on constate que les prix, les salaires et les taux d'intérêt augmentent.
Le sénateur Oliver: Vous avez depuis longtemps pour cible une inflation située entre 1 et 3 p. 100. Le taux de chômage a été de 10, 11, 12, 9 et 8 p. 100 sans jamais atteindre un niveau quelconque proche de celui des États-Unis. Qu'est-ce qui n'a pas marché?
M. Thiessen: Nous n'avons pas encore atteint notre pleine capacité. Il y a un an, nous pensions en être proches, jusqu'à ce que nous soyons frappés par le choc venant d'Asie. Cela nous a fait reculer; donc, tant que ce problème n'est pas réglé, nous mettrons un certain temps avant de retrouver notre pleine capacité, mais je pense que quand nous aurons franchi cette étape, nous serons à nouveau sur la bonne voie.
Le sénateur Oliver: Au Canada, le chômage varie d'une région ou d'une province à l'autre. D'après un rapport récemment publié par Nesbitt Burns, le taux naturel est en moyenne de 7,5 p. 100 au Canada; le taux le plus faible est de 5,5 p. 100 en Ontario, le plus élevé est de 7,5 p. 100 à Terre-Neuve, et le taux indiqué est une moyenne. Le taux de chômage aux États-Unis est inférieur à ce que certains considèrent comme le taux naturel. Que pensez-vous du plein emploi au Canada?
M. Thiessen: Je ne sais pas, sénateur; le monde a tellement changé. Il y a trois ans, la plupart des gens aux États-Unis vous auraient dit que, dans ce pays, le TCIS est de 6 p. 100 et que, s'il descendait en dessous de ce chiffre, il y aurait de graves problèmes; or, il est descendu en dessous de ce niveau. C'est pour cela qu'il est bon de tester les possibilités. Si vous avez une politique anti-inflationniste crédible, cela vous permet de tâter le terrain, alors qu'il vous est tout simplement impossible de le faire si vous n'avez pas cette politique crédible.
Étant donné la restructuration de l'économie et les changements intervenus dans l'économie mondiale, où les marchés sont beaucoup plus concurrentiels qu'auparavant, je ne pense pas qu'on puisse le savoir. Je ne pense pas qu'on doive non plus prétendre le savoir. Il faut se montrer très prudent à l'égard de ces estimations.
Le président: En répondant au sénateur Meighen, vous avez dit tout à l'heure que les mesures de la productivité sont différentes au Canada et aux États-Unis et qu'elles ne sont donc pas comparables.
M. Thiessen: Dans le secteur manufacturier.
Le président: Les mesures du chômage sont-elles comparables dans les deux pays? Utilisons-nous la même base statistique et mesurons-nous donc la même chose?
M. Thiessen: Ces mesures sont légèrement différentes. Ce qu'on considère comme la recherche d'un travail est légèrement différent dans les deux pays. La différence est d'environ 1 p. 100.
Le président: Cela répond à ma question; ces mesures sont relativement proches.
M. Thiessen: Selon les critères canadiens, le taux de chômage aux États-Unis se situe peut-être à 5,5 p. 100.
Le sénateur Stewart: Je suis surpris de la différence entre notre réunion de cette année et celle de l'année dernière. Nous nous sommes tous rendus compte de l'importance que les choses qui se produisent en dehors de l'Amérique du Nord ont pour les Canadiens.
J'ai trois questions. Deux d'entre elles me plaisent, mais je me sens obligé de poser la troisième.
M. Thiessen: Vous m'inquiétez beaucoup, sénateur.
Le sénateur Stewart: Dans un sens, ce sera un test de votre capacité rhétorique à éviter de donner une réponse précise.
Vous avez dit tout à l'heure qu'une des causes des perturbations économiques dans la région Asie-Pacifique était le manque de réglementation des institutions financières. Vous avez dit que vous étiez surpris que les Japonais n'aient pas pris plus rapidement des mesures pour régler leurs problèmes. Vous n'étiez pas au courant de l'étendue des difficultés que connaissait ce pays.
On peut dire que le problème d'une éventuelle dévaluation chinoise plane sur cette partie du monde. Étant donné que vous avez déjà déclaré qu'il y a d'importantes incertitudes, seriez-vous prêt à évaluer la possibilité que le gouvernement chinois puisse éviter une dévaluation?
M. Thiessen: Les Chinois se sont acquis un énorme prestige dans la région en préservant la stabilité de leur monnaie, alors que les Japonais y sont beaucoup moins respectés qu'avant à cause de la faiblesse de leur monnaie, tout au moins jusqu'à une date récente. La plupart des pays asiatiques ont eu l'impression que la faiblesse et l'instabilité du yen japonais les défavorisaient immensément alors qu'ils voyaient dans la Chine un bastion de stabilité.
Pour revenir à un thème auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, l'économie de la Chine n'est pas très transparente. Il n'est pas facile de se prononcer sur ce pays. Nous ne le connaissons pas assez bien. Ce que je peux vous dire est que les autorités chinoises, y compris le gouverneur et le sous-gouverneur de la Banque centrale, que j'ai rencontrés récemment, disent avec insistance qu'ils maintiendront la valeur de la monnaie chinoise.
Il est certainement vrai que, la monnaie japonaise se redressant un peu et les pressions à la hausse sur le dollar américain diminuant, le calme revient en grande partie. Je suppose que les Chinois se sentent plus à l'aise pour maintenir la valeur de leur monnaie.
Le sénateur Stewart: Si j'avais prévu la discussion très utile que nous avons eue ici ce matin, j'aurais apporté plus de munitions. Vous avez parlé tout à l'heure de ce que le G-7 a fait récemment et qu'un article récemment paru dans le magazine The Economist tournait pourtant en dérision. Souhaitez-vous vous en tenir à votre point de vue initial?
M. Thiessen: Absolument, sénateur. J'ai beaucoup de respect pour ce magazine, mais je crois qu'il s'est trompé cette fois-ci.
Je vous concéderai que le communiqué du G-7 était trop long et, donc, un peu verbeux. Quand sept pays essaient de s'entendre sur un texte, il faut ajouter des lignes supplémentaires pour refléter les diverses préoccupations individuelles. Le texte peut donc être un peu long.
Toutefois, si vous lisez attentivement le communiqué, vous verrez qu'il contient beaucoup d'informations. Les pays du G-7 s'engagent à mettre en oeuvre cette procédure.
The Economist se trompe.
Le sénateur Stewart: Nous savons que la parité de pouvoir d'achat canadienne ne dépasse guère 80 p. 100 par rapport au dollar américain. Or, le taux de change est d'environ 65 cents. Nous comprenons que ce sont des mesures tout à fait différentes.
Je m'intéresse au taux de change. À la page 3 de votre déclaration liminaire, vous parlez de la ruée des capitaux vers les avoirs en dollars américains. Je pense que cela tenait pour beaucoup aux bases de l'économie. C'était une ruée pour acheter des dollars américains et se débarrasser des monnaies mineures.
Vous avez mentionné que la faiblesse du dollar a peut-être aidé les exportations de ressources naturelles, même s'il y a là des problèmes, en abaissant leurs prix. Qu'en est-il des autres formes d'exportation du Canada vers les États-Unis? Quel effet cela a-t-il eu sur elles? Est-il juste de dire que la valeur relativement faible du dollar canadien les a également influencées, et, si tel est le cas, approximativement dans quelle mesure?
M. Thiessen: Sénateur, il est très intéressant de voir la rapidité de la croissance de nos exportations de produits manufacturés non automobiles au cours de l'année écoulée. C'est dans ce domaine que nos exportations ont eu la croissance la plus rapide, ce qui est exactement ce à quoi on peut s'attendre quand l'économie est souple et a du répondant. La faiblesse de la monnaie est due aux difficultés dans le secteur des produits de base. J'ai parlé du secteur «non automobile», parce que le Pacte automobile a des incidences sur les importations et les exportations des produits automobiles, ce qui peut donner lieu à des conclusions erronées. Les exportations automobiles ont également été très actives.
Les fabricants des autres secteurs ont eu de bons résultats. Je ne me rappelle pas le taux d'augmentation exact, mais c'est dans ce secteur que l'augmentation a été la plus forte, ce qui devrait beaucoup nous rassurer. Je mentionne volontiers cela pour rappeler aux gens que nous ne sommes pas simplement un pays exportateur de produits de base.
Le sénateur Stewart: C'est bien. Passons maintenant au revers de la médaille. Permettez-moi de simplifier les choses. Je vis en Nouvelle-Écosse et je vois un gros afflux de capitaux allemands pour acheter de belles propriétés, en bordure de l'océan, et cetera. Quand j'entends les prix que les vendeurs demandent et reçoivent, je suppose que la faible valeur du dollar canadien y est pour beaucoup. Avez-vous une estimation quelconque de l'influence de la faiblesse du dollar sur l'achat d'actifs canadiens -- pas seulement des terrains les pieds dans l'eau, mais des entreprises et des institutions financières canadiennes?
M. Thiessen: Non. C'est une statistique difficile à obtenir. Nous pouvons mesurer les influx de capitaux, mais il est difficile de déterminer exactement comment ils sont utilisés. En fin de compte, on a une série de faits anecdotiques du genre de ce que vous venez de mentionner. On en cite beaucoup, mais c'est tout.
Le sénateur Stewart: Même si nous espérons que la faible valeur du dollar canadien est temporaire, je trouve préoccupant que, dans l'intervalle, toutes sortes de choses soient achetées par des gens d'autres pays. Je ne veux pas avoir l'air mesquin ou égoïste, mais ce sont eux qui profiteront de l'avantage qui découlera du redressement du dollar canadien, le moment venu. Voilà ce qui me préoccupe.
M. Thiessen: Je suis d'accord, mais il n'est pas impossible pour les Canadiens, s'ils veulent adopter le même point de vue, d'emprunter en dollars américains et d'investir au Canada.
Le sénateur Grafstein: C'est une réponse magnifique: achetez canadien!
Le sénateur Stewart: À la page 2 de votre mémoire, vous dites: «... compte tenu de la vigueur continue de la demande américaine...». C'est une réserve prudente. Vous ne dites pas «Étant donné qu'on prévoit que la demande américaine restera vigoureuse», mais bien «compte tenu de la vigueur continue de la demande américaine».
Cela me rappelle un article que j'ai lu dans un autre numéro de The Economist, qu'il se trouve que j'ai avec moi. Je pense que cela va tous vous intéresser beaucoup. On peut lire, page 80, que l'épargne a fortement baissé aux États-Unis depuis 1993, «les ménages mettant de côté 5 p. 100 de leur revenu». L'article précise que «les gens ont tellement gagné d'argent en bourse qu'ils se sentaient riches et étaient prêts à dépenser plus d'argent», et ajoute:
Les entreprises américaines empruntent également à tous vents. D'après les calculs de JP Morgan, le taux d'épargne total du secteur privé est tombé au niveau le plus faible jamais atteint. Au cours du deuxième trimestre de cette année, les investissements et la consommation du secteur privé ont dépassé ces revenus de plus de 4 p. 100 du PIB. Durant les cycles économiques antérieurs au cours des 40 dernières années, cet écart n'a jamais dépassé 1,4 p. 100 du PIB.
L'article conclut enfin sèchement:
Cette situation ne peut manifestement pas durer -- c'est une autre raison de craindre que, tôt ou tard, la prospérité ne débouche sur la récession.
En d'autres termes, cette chute du taux d'épargne est présentée comme la cause possible d'une dépression. Bien entendu, vous ne prenez pas cela en considération quand vous écrivez: «compte tenu de la vigueur continue de la demande américaine...».
Devrions-nous nous inquiéter de cette baisse de l'épargne aux États-Unis? Jusqu'à quel point devrions-nous prendre cela en considération quand nous évaluons votre paragraphe optimiste dans lequel vous dites «compte tenu de la vigueur continue de la demande américaine...»?
M. Thiessen: Il est intéressant que, parmi la plupart des prévisions concernant les États-Unis, aucune d'entre elles n'annonce une récession. Morgan Stanley est la seule société de prévisions spécialisée dans les grosses institutions financières à annoncer une récession. C'est parce que personne d'autre ne voit cela de façon aussi apocalyptique que The Economist l'a fait récemment.
Il ne fait aucun doute que le taux d'épargne est très faible aux États-Unis. Pourquoi en est-il ainsi? Il y a deux raisons. Premièrement, il y a la grande activité boursière qui reflète diverses choses: l'amélioration des revenus, la meilleure productivité de l'économie américaine, les taux d'intérêt plus faibles qu'auparavant et l'impression que les risques sont plus faibles. Toutes ces choses ont entraîné une hausse des cours des actions, ce qui enrichit leurs détenteurs et les encourage à dépenser plus d'argent pendant une brève période et à économiser moins.
On peut dire que cela est allé trop loin, mais même si on le croit et qu'on pense que le marché boursier américain est peut-être un peu surévalué, ces améliorations fondamentales qui se sont produites aux États-Unis ne vont pas cesser d'influencer le marché boursier. On a alors une sorte de gain fortuit définitif s'ajoutant à la richesse des Américains, qui l'ont dépensé. Ils ne pourront pas dépenser à un rythme aussi rapide à l'avenir. C'est certainement vrai, et l'économie américaine va donc ralentir. En fait, elle doit ralentir, parce qu'elle ne peut pas continuer de croître à ce rythme. Sa capacité de production ne croît pas aussi vite. Nous prévoyons, pour la plupart, une sorte de ralentissement, mais nous ne voyons pas pourquoi il devrait prendre la forme d'une récession.
À un moment donné, en août et septembre, quand on avait l'impression que les marchés financiers allaient se bloquer, il y avait un risque. Voilà pourquoi, comme je l'ai déjà dit, la Banque fédérale de réserve a réduit les taux d'intérêt à trois reprises. On a maintenant l'impression que cette crainte est, pour le moins, en train de s'atténuer et que donc, même si nous ne pouvons pas dire qu'il a disparu, le risque d'une crise d'un étranglement du crédit semble s'être dissipé. Je ne crois donc pas qu'on doive en conclure précipitamment: «un faible taux d'épargne, donc une récession économique.» Cet enchaînement est faux.
Le sénateur Kenny: J'ai à nouveau reçu des instructions de ma mère avant de venir ici. Elle en est à cette étape de la vie où elle trouve que l'hiver est froid. Elle a un revenu fixe et elle s'inquiète beaucoup au sujet du dollar. Quels conseils pouvez-vous donner aux Canadiens de cette génération? Devraient-ils être rassurés par l'absence d'inflation qu'ils ont connue? Comment devraient-ils réagir face à la valeur du dollar?
M. Thiessen: Je peux certainement comprendre pourquoi beaucoup de gens sont déprimés par la valeur du dollar; cela ne me réjouit pas non plus. J'aimerais beaucoup mieux que notre économie soit plus solide qu'elle ne l'est et que notre monnaie soit plus forte. J'aimerais beaucoup mieux que nous n'ayons pas subi une baisse de 15 p. 100 des prix des produits de base, ce qui rend notre pays plus pauvre qu'il ne l'aurait été sans cela. J'aimerais mieux que rien de tel ne se soit produit et que nous ne soyons pas confrontés à ce genre de problèmes. Mais c'est le cas. Je crains que nous ne soyons forcés de les accepter. Dans l'ensemble, nous ne nous en sortons pas trop mal.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, on a exagéré l'importance des prix des produits de base et de leur exportation pour le Canada. Dans cette mesure, les pressions à la baisse exercées sur notre monnaie ont été plus fortes qu'elles n'auraient dû l'être. J'espère que cette tendance va s'inverser. Toutefois, je ne peux rien prédire avec certitude à ce sujet. En fait, je ne dois pas le faire, parce que les gens pourraient croire que nous allons ou non prendre certaines décisions en matière de politique monétaire, et je ne dois jamais faire cela.
Il y a suffisamment de raisons de croire que notre monnaie sera plus forte à l'avenir qu'elle ne l'est maintenant. Je ne sais pas quel encouragement cela représente pour les gens qui s'inquiétaient à propos de cet hiver. Cela veut toutefois dire qu'il n'y a pas grande raison de s'attendre à ce que notre monnaie reste longtemps encore aussi fortement sous-évaluée qu'elle l'est actuellement.
Le sénateur Kenny: En parlant de la valeur du dollar, vous n'avez pas mentionné si sa baisse actuelle est due à des facteurs politiques? Est-ce le cas?
M. Thiessen: Je ne peux pas vous le dire. Il ne fait aucun doute que les marchés financiers n'aiment pas l'incertitude politique, mais je ne peux pas vous dire quelle est l'importance de ce facteur. On parle de l'effet des élections au Québec, mais je ne peux pas vous dire quelles en sont les répercussions.
Le sénateur Kenny: Vous avez parlé du fait que l'objectif fondamental de votre politique est une inflation comprise entre 1 et 3 p. 100. On a l'impression qu'il doit se passer quelque chose d'autre. De quelle sorte de politique budgétaire avons-nous besoin pour y parvenir si nous voulons avoir une économie robuste? Si le gouvernement avait un excédent de 5 ou 10 milliards de dollars et devait choisir entre une réduction d'impôt, une augmentation de ses dépenses ou le remboursement du déficit, quelle sorte de politique budgétaire irait bien de pair avec la politique monétaire que vous nous avez expliquée?
M. Thiessen: Sénateur, vous ne serez pas surpris d'entendre que vous abordez un domaine qui me met fort mal à l'aise. Je parle régulièrement au ministre des Finances, et je lui donne des conseils sur un certain nombre de choses. Je crois que si je dois lui donner ces conseils, je dois le faire en privé plutôt qu'en public.
Plusieurs des choix que vous mentionnez sont de nature politique -- avec un «p» minuscule -- et doivent être faits par les gouvernements et les parlementaires. En tant que responsable d'une banque centrale, j'hésite à vous donner mon avis sur ces choses-là.
Je suis convaincu que nous devrions continuer d'avoir un ratio de la dette publique au produit intérieur brut en baisse. C'est aux gouvernements et au Parlement qu'il appartient de déterminer la vitesse de cette baisse, mais je crois que, si elle se maintenait, nous risquerions moins d'avoir de mauvaises surprises.
Le sénateur Grafstein: Ma première question concerne l'écart traditionnel entre les taux d'intérêt au Canada et aux États-Unis, compte tenu de la différence entre les taux d'inflation. Par le passé, vous avez pris des mesures pour réduire cet écart entre les taux, et, pendant une période très brève, son niveau nous était très favorable d'après certains.
La situation s'est à nouveau inversée. Les taux à court terme et à long terme au Canada, qui étaient plus bas qu'aux États-Unis, sont maintenant plus élevés. Nous parlons tous de la protection du dollar, mais quelle marge de manoeuvre avons-nous pour faire baisser les taux d'intérêt et les rapprocher de ceux des États-Unis sans que cela ait des conséquences sur l'inflation? Si nous agissions ainsi à l'encontre de la tendance générale, cela renforcerait-il la productivité et la croissance?
C'est l'inverse de ce qui a été demandé. Au lieu de protéger le dollar, jusqu'à quel point peut-il y avoir une baisse pour essayer de créer plus d'emplois et d'améliorer notre capacité de production en faisant tourner la machine un peu plus vite et un peu plus fort?
M. Thiessen: Je vous rappellerai d'abord que la différence entre le taux à très court terme que nous contrôlons et celui que la Réserve fédérale contrôle est d'un quart de 1 p. 100. Elle n'est pas très grande.
Au Canada, les taux à moyen terme et à long terme, qui étaient inférieurs aux taux américains, sont maintenant supérieurs en particulier à cause de la ruée vers des investissements de qualité aux États-Unis. Dans le monde entier, beaucoup de gens ont décidé d'investir plutôt à l'heure actuelle dans la monnaie de réserve de l'économie la plus forte et dans les marchés financiers les plus solides.
Il semble que ce soit une des raisons qui expliquent le bas niveau de certains des taux à plus long terme aux États-Unis. Pour notre part, notre monnaie étant considérée comme dépendante des produits de base, nous n'avons pas bénéficié de ces afflux d'argent, ce qui fait immédiatement la différence.
Une autre chose qui s'est produite est que le taux d'inflation américain a diminué pour atteindre un niveau remarquablement bas. Pour ce qui est de la tendance profonde, il y a encore une différence de 1 p. 100. Beaucoup de gens n'examinent cependant pas cela aussi attentivement qu'ils le devraient. Si on n'examine pas les tendances profondes mais simplement le taux de référence de l'IPC, il n'y a pratiquement aucune différence à l'heure actuelle.
Les écarts en matière d'inflation qui, pensions-nous, maintenaient autrefois nos taux d'intérêt à un bas niveau et tendaient à favoriser une hausse de notre dollar ne sont plus aussi bien perçus sur le marché. Les Américains ont obtenu d'excellents résultats dans leur lutte contre l'inflation, tout comme nous, mais ils ont fait baisser la leur alors que notre taux d'inflation est déjà bas.
Les effets de la politique monétaire mettent un an ou deux avant de se faire sentir. Quand nous élaborons une politique monétaire maintenant, nous devons penser à la fin 1999 ou au début de l'an 2000 et nous demander quoi faire maintenant pour faire en sorte que les choses se passent raisonnablement bien pendant cette période. C'est très difficile en ce moment parce que l'incertitude est si grande.
Nous ne pouvons pas contrecarrer complètement l'effet actuel du choc causé par les prix des produits de base sur le Canada, parce que tout ce que nous faisons maintenant a des effets dans un avenir trop lointain. Donc, dans une certaine mesure, nous devons accepter la situation actuelle.
Dans le rapport que nous avons publié, il y a un tableau sur les conditions monétaires, qui montre l'effet combiné des taux d'intérêt à court terme et du taux de change sur l'économie. Les niveaux sont plus favorables, plus stimulants qu'ils ne l'ont jamais été dans l'après-guerre. À notre avis, cela devrait soutenir fermement l'économie dans la période qui vient.
Le sénateur Grafstein: De toute évidence, notre taux d'inflation est plus faible qu'aux États-Unis. Ce message n'a pas été reçu par les marchés internationaux. Depuis une dizaine d'années ou plus, nous avons pris des mesures pour transférer nos activités à valeur ajoutée des produits de base au secteur manufacturier, dont la part est passée d'environ 35 p. 100 à 47 p. 100. Or, les choses qu'on nous disait être bonnes il y a 10 ans ne nous ont pas aidés dans cette turbulence du marché international. Il y a peut-être d'autres raisons à cela.
M. Thiessen: Elles ne nous ont peut-être pas aidés autant que nous l'aurions souhaité. Je sais qu'il est difficile de porter des jugements qui vont à l'encontre de ce qu'on constate, mais nous avons surmonté cette tempête immensément mieux que la crise de la monnaie mexicaine de 1994-1995.
Le sénateur Grafstein: Je ne contesterai pas cela, gouverneur. Nous avons l'impression d'essayer de faire ce qu'il faut et de progresser sur tous les fronts; or, si tout va si bien, pourquoi nous sentons-nous si mal?
Je veux passer à la question de la confiance des étrangers envers le Canada à court terme. Il y a eu une ruée vers les dollars américains, et nous en souffrons. Nous pouvons nous demander si les investisseurs étrangers manquent de confiance envers le Canada et si les investisseurs canadiens en font autant. Je laisserai toutefois ce sujet de côté jusqu'au 1er décembre pour peut-être l'examiner à nouveau à ce moment-là.
J'aimerais entendre vos commentaires au sujet des répercussions que l'euro aura sur le dollar canadien. Il sera institué dans un mois et demi. Certains d'entre nous, qui sont allés en Europe pour des activités concernant le Sénat, ont entendu dire que le but économique de la création de l'euro comme monnaie de réserve supplémentaire est une dévaluation par rapport à la monnaie américaine. Nous avons entendu cela de diverses sources, dont l'ancien gouverneur d'une des principales banques centrales européennes.
D'une certaine façon, cela nous a inquiétés parce que, si cet effet se concrétise, quels autres effets cela aura-t-il sur le dollar canadien et notre situation pour ce qui est de nos exportations? En d'autres termes, s'il y a une dévaluation de fait de la monnaie européenne par l'entremise de l'euro, quels effets négatifs cela pourrait-il avoir sur nous?
Je ne sais pas exactement si c'est juste ou faux. Toutefois, nous savons que, le mois prochain, l'euro, en sa qualité de monnaie de réserve, attirera des dollars. Ma question est la suivante: quelles répercussions cela aura-t-il sur le dollar canadien et sur notre bien-être financier essentiellement en ce qui concerne la situation de nos exportations?
M. Thiessen: On ne constatera pas grand chose initialement, sénateur. Il n'y aura pas beaucoup de gens qui utiliseront l'euro comme monnaie de réserve immédiatement.
Une monnaie de réserve doit vous fournir plusieurs choses, notamment des marchés très solides et très actifs comme celui de New York; si nous voulons intervenir sur le marché des changes, nous allons à New York et nous vendons des bons du Trésor des États-Unis que le gouvernement détient dans ses réserves, et le taux ne change pas même d'un point de base, parce que ces marchés sont si gros. Si vous souhaitiez faire cela en Europe maintenant, cela vous serait bien difficile.
La plupart des détenteurs de réserves les gardent sous la forme la plus sûre, c'est-à-dire des obligations publiques. Premièrement, il faut que vous ayez tout un stock d'obligations publiques de la France, de l'Allemagne, des Pays-Bas, et cetera, toutes libellées en euro. Il faut pour cela que le marché soit bien implanté et diversifié. Les marchés de capitaux européens sont beaucoup plus petits et moins importants qu'aux États-Unis. Je pense que leur diversification prendra encore longtemps. Il ne faut pas simplement avoir un marché diversifié pour les titres publics, mais également pour les titres du secteur privé.
Si nous allons vendre en Europe des obligations publiques que certains de leurs détenteurs actuels sont contents de transférer au secteur privé et s'il n'y a pas de changements brutaux des taux d'intérêt, je pense que ces marchés ont encore beaucoup de chemin à faire. Ils y parviendront sans aucun doute, mais pas dès demain.
Pour ce qui est de la dévaluation de l'euro, je dois dire que je n'ai jamais entendu dire cela. Cela me surprend énormément. À mon avis, la plupart des Allemands seront profondément troublés si l'euro est faible, parce que si, à la place du Deutschmark, qu'ils ont toujours connu comme une monnaie forte et solide, ils ont des euros faibles, cela créera beaucoup de problèmes. Je serais surpris que cela se produise.
Le sénateur Grafstein: Je vais dire au gouverneur ce que certains de nos collègues en Europe nous ont déclaré précisément en réponse à cette question, parce que cela nous a beaucoup surpris. On nous a dit que c'était au moins une méthode permettant essentiellement aux Allemands de dévaluer leur monnaie sans que cela ait les répercussions qu'aurait une dévaluation du Deutschmark. C'est peut-être beaucoup trop compliqué, mais cela fait certainement partie des idées établies qui ont été exposées à notre comité sénatorial comme un moyen de stimuler, en fait, leurs exportations.
Je n'en dirai pas plus pour le moment au sujet de cette question intéressante. Nous verrons qui a raison ou tort quand nous examinerons à nouveau cette question lors de notre prochaine rencontre avec vous.
M. Thiessen: À court terme, sénateur, il peut y avoir des hauts et des bas. Toutefois, une importante dépréciation de l'euro me surprendrait beaucoup.
En fait, ces temps-ci, les pays européens ont tendance à avoir une balance des paiements excédentaire. Les Américains ont un déficit très important. Si vous voulez envisager ce qui se passera dans cinq ans ou dans beaucoup de temps, je pense que vous pouvez facilement prévoir que, dans l'ensemble, le dollar américain sera plus faible, parce que les États-Unis auront à régler le problème du déficit de leur balance des paiements. Bien entendu, si leur monnaie est plus faible, ce sera par rapport à qui? Elle sera probablement plus faible par rapport au yen et à l'euro.
Le président: J'ai une question à propos de la gestion des capitaux à long terme et de la procédure utilisée pour régler ce problème aux États-Unis. Quand le problème s'est posé, l'impression que donnait la lecture des journaux était que la Réserve fédérale américaine avait convoqué les principaux intervenants. Je suppose que, exactement comme le ferait un parrain dans la mafia, elle leur a fait une offre qu'ils ne pouvaient pas refuser. Cela a alors permis de régler le problème efficacement grâce à une augmentation des investissements du secteur privé.
Si un problème identique se posait au Canada, pourrions-nous réagir aussi rapidement? Agirions-nous de la même façon ou choisirions-nous une méthode différente de celle qu'a utilisée la Réserve fédérale des États-Unis à cette époque? En particulier, si nous agissons différemment, cela provoquera-t-il éventuellement une utilisation de deniers publics?
M. Thiessen: Il faut faire ces choses-là en fonction des circonstances du moment. Il ne faut jamais donner l'impression qu'on fait quelque chose pour protéger les investisseurs. En économie, on utilise l'expression «risque moral»; c'est une expression terrible, mais c'est une chose réellement importante. Le pire est d'encourager les gens à prendre des risques en se reposant sur le fait que vous serez là pour les tirer d'affaires, parce que vous les encouragez à prendre plus de risques au lieu de faire preuve de prudence.
La Réserve fédérale américaine s'est contentée de fournir une salle de réunions et des sandwiches et d'organiser la réunion. Elle n'a forcé la main à personne. Beaucoup de participants à ce renflouement se sont rendu compte que, si la gestion des capitaux à long terme devait se dérouler sur une brève période, les marchés dans lesquels ils détenaient des valeurs mobilières se détérioreraient beaucoup et seraient encore plus instables financés qu'ils ne l'étaient déjà. Les institutions financières qui sont venues à leur rescousse avaient des investissements dans la gestion des capitaux à long terme et avaient également des investissements dans les mêmes marchés.
S'il avait fallu placer tous ces investissements sur le marché dans le contexte d'une exécution rapide de la gestion des capitaux à long terme, cela aurait été très douloureux. La conclusion était qu'il n'était pas nécessaire de procéder ainsi. Si cela pouvait se faire de façon ordonnée, toutes les parties concernées pourraient éviter des pertes inutiles.
La Réserve fédérale insiste beaucoup sur le fait qu'elle ne veut pas donner l'impression qu'elle apporte une forme quelconque d'aide, à cause de la question du risque moral.
Au Canada, si nous étions confrontés à une situation pour laquelle il semblerait qu'une solution de ce genre puisse éviter dans toute la mesure du possible des coûts énormes, nous envisagerions bien entendu cette possibilité. Je ne dirai jamais à l'avance que c'est exactement ce que nous ferons, parce que je ne dois pas le faire et je ne le ferai pas. Toutefois, sommes-nous empêchés de le faire? Absolument pas.
Le président: Dans cette mesure, ce sera une des options possibles.
M. Thiessen: Je suis presque réticent même à vous dire cela, sénateur.
Le sénateur Angus: Gouverneur, j'ai trouvé fascinant d'écouter vos réponses très réfléchies à ces questions concernant la monnaie.
Je voudrais profiter de cette occasion pour vous rappeler que nous venons de tenir des audiences pendant cinq semaines dans tout le pays au sujet du rapport du groupe de travail MacKay et de ses 154 recommandations sur la transformation du secteur des services financiers. Nous sommes en train de préparer notre rapport.
Vous avez dit l'autre soir à l'autre endroit que, si le gouvernement appliquait certaines des recommandations de MacKay, cela risquerait de mettre en danger la sécurité et la solidité de ce secteur. Je pense à des choses comme l'ouverture du système de paiement, et cetera.
Avez-vous, du point de vue de la politique gouvernementale, des mises en garde ou des conseils précis à nous donner pour que nous puissions les prendre en considération en abordant les dernières étapes de la rédaction de notre rapport?
M. Thiessen: Sénateur, je répéterai seulement ce que j'ai dit devant le comité de la Chambre.
Un grand nombre de propositions figurant dans le rapport MacKay contribueraient à renforcer la concurrence et, on peut l'espérer, l'efficacité dans le secteur des services financiers. Il faut toutefois se rendre compte que, dans de nombreux cas, cela crée des risques. Vous devez prendre cela en considération. J'ai dit notamment que cela devrait encourager les autorités gouvernementales à envisager de permettre aux institutions faibles de se retirer à temps avant de devenir insolvables et de faire subir des pertes à la société d'assurance-dépôts et aux autres créanciers.
Si vous voulez prendre un peu plus de risques pour que le marché financier soit plus efficace, vous devez bien comprendre cela et adapter le mode de réglementation des institutions en conséquence. Acceptez le fait que, dans ces circonstances, il y aura plus de faillites. Dites simplement: «Nous acceptons ce risque. Si nous pouvons éviter des coûts excessifs, cela vaut la peine.» C'est à vous d'en décider.
Le sénateur Angus: Cela s'applique-t-il en particulier à l'ouverture du système de paiement? Y a-t-il des recommandations spécifiques que vous pourriez vouloir nous signaler?
M. Thiessen: Non, cela ne s'applique pas uniquement à cela, mais certainement aussi au système de paiement.
Si vous voulez qu'il y ait plus de participants et plus de concurrence, vous devez alors vous demander quoi faire face à l'augmentation des risques. Il y a des moyens d'y faire face, mais vous devez vous rendre compte que cela fait partie du processus et qu'il faut se pencher sur ce problème et non pas faire comme s'il n'existait pas.
Le sénateur Angus: J'ai entendu que, dans l'un ou l'autre des discours dont il a été question ce matin, vous avez dit qu'il faut veiller à ne pas créer des institutions financières trop grosses pour faire faillite. Certains témoins nous ont dit que, par exemple, nos banques sont dans cette situation. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Thiessen: Je ne crois pas avoir dit exactement cela. J'ai dit qu'il ne faut jamais accepter l'idée selon laquelle une institution est trop grosse pour pouvoir faire faillite.
Le sénateur Kolber: Quand il a comparu devant le Congrès il y a une semaine ou deux, Alan Greenspan a mentionné à l'un de ses interlocuteurs que son organisme se préparait à mettre beaucoup d'argent en circulation au cours du dernier trimestre de l'année prochaine parce que, vu les cafouillages potentiels du système bancaire, beaucoup de gens voudront avoir des espèces chez eux ou pouvoir y avoir accès. La Réserve fédérale pense qu'il est fort possible qu'il y ait de graves problèmes en l'an 2000.
Avez-vous des commentaires à ce sujet? Existe-t-il un problème du même genre dans notre pays?
Le président: C'est le problème de l'an 2000.
Mme Sheryl Kennedy, sous-gouverneure, Banque du Canada: Premièrement, et c'est ce qui est le plus important pour la prévention, la Banque du Canada et les institutions financières de l'ensemble du pays consacrent beaucoup d'efforts et d'investissements à la vérification des systèmes et à leur modification pour éviter tout problème. C'est la réponse la plus importante à votre question et c'est la première ligne de défense.
Bien entendu, nous collaborons aussi étroitement avec les institutions financières pour faire en sorte que les Canadiens puissent toujours avoir accès à de l'argent dans l'ensemble du pays. Dans le cadre de nos prévisions pour l'année prochaine et l'an 2000, nous examinons avec elles ce que nous pensons que la demande pourrait être.
Je voudrais souligner que le plus important est d'abord de faire en sorte, dans la mesure de nos possibilités, que le système financier, le système de paiement, fonctionne bien. C'est notre principal effort. Les banques prendront également des précautions pour que l'argent nécessaire selon différents scénarios soit disponible.
Le sénateur Kroft: Ma question porte sur le même sujet. J'ai lu des articles concernant des choses dépassant le problème immédiat des personnes qui se demandent si tout sera encore dans leurs comptes en banque le lendemain.
Au cours des audiences que nous avons tenues ces dernières semaines, une chose sur laquelle on a très fortement attiré notre attention est l'élaboration et la clarification de l'interconnectivité incroyable des systèmes électroniques au niveau mondial, qu'il s'agisse des transactions ou de la réglementation ou de tout ce qui assure le fonctionnement du système financier.
D'après des articles que j'ai lus, l'incertitude pourrait avoir des répercussions de nature économique ou, d'une façon ou d'une autre, sur le cycle économique. Je suis sûr que c'est une chose dont les responsables des banques centrales quand ils déjeunent ensemble. Avez-vous des idées à ce sujet ou ne devons-nous tout simplement pas nous en inquiéter?
M. Thiessen: Je pense qu'il y a peu de chances que cela ait de vastes répercussions économiques. Il pourrait y avoir toutes sortes de petits cafouillages d'une nature ou d'une autre concernant des systèmes qui ne sont pas absolument essentiels. Nous nous intéressons pour la plupart aux choses qui sont réellement importantes, comme Mme Kennedy vient de le dire, et nous veillons à ce qu'il soit absolument certain qu'elles fonctionnement bien. Nous les avons vérifiées à fond. Dans de nombreux cas, toutefois, ce seront des choses moins importantes qui ne fonctionneront peut-être pas.
Vous constaterez probablement que des dépenses seront engagées constamment pour les systèmes informatiques bien au-delà de l'an 2000. Tous ces gens qui s'en tirent plutôt bien pour le moment ne perdront pas d'un seul coup leur travail le 1er janvier. Il y aura une demande persistante pour ces activités.
Je n'envisage tout simplement pas la possibilité de quoi que ce soit qui ait d'importantes conséquences au plan économique. Il y aura beaucoup de petites choses, mais je ne prévois pas que cela se traduise par une récession mondiale ou quoi que ce soit de ce genre. Ce n'est pas un scénario qui me paraît avoir la moindre crédibilité.
Le président: Gouverneur, au nom du comité, je vous remercie, votre sous-gouverneure et vous-même, d'être venus ici ce matin. Cette réunion a été stimulante, comme d'habitude. Nous serons heureux de vous revoir peu après la présentation du budget.
La séance est levée.