Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 43 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 8 décembre 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-53, Loi visant à accroître la disponibilité du financement de l'établissement, de l'agrandissement, de la modernisation et de l'amélioration des petites entreprises, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour en faire l'examen.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous nous réunissons pour examiner le projet de loi C-53. Aujourd'hui, nous recevons des représentants du ministère de l'Industrie du Canada. Vous avez en main le mot d'introduction de M. Sulzenko. Nous lui demanderons dans un moment de nous le présenter, puis nous aurons une période de questions.
Honorables sénateurs, quand nous aurons terminé sur cette question, je veux discuter d'un certain nombre de points relatifs à des travaux ultérieurs du comité. Je propose donc que nous siégions alors à huis clos pour 15 ou 20 minutes.
Vous pouvez commencer, monsieur Sulzenko.
M. Andrei Sulzenko, sous-ministre adjoint, Politique industrielle et scientifique, ministère de l'Industrie du Canada: Honorables sénateurs, je vous présente mes collègues. Robert Dunlop est directeur général du Bureau de la petite entreprise d'Industrie Canada; Lenore Scanlon agit à titre de conseiller juridique pour ce dossier; Peter Webber est l'agent responsable du dossier au Bureau de la petite entreprise et Serge Croteau est directeur général du Secteur des opérations et responsable de l'administration de la législation.
Nous sommes ici ce matin pour présenter un bref énoncé d'introduction concernant le projet de loi. Nous avons remis aux membres du comité une série de documents et de travaux de recherche ayant trait à ce projet de loi ainsi qu'une brève réponse aux recommandations du rapport que le comité a présenté en septembre.
Les membres du comité doivent savoir que le projet de loi a été modifié durant l'étude du comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes et que le gouvernement a présenté des amendements à l'étape du rapport. Si les membres du comité ont des questions, nous serons heureux d'y réponde.
La mesure proposée est le produit d'études exhaustives et intensives sur la Loi sur les prêts aux petites entreprises, qui répond aux besoins des petites et moyennes entreprises depuis 37 ans. Le comité a formulé des avis très utiles au cours des audiences qu'il a tenues d'un bout à l'autre du pays. Je discuterai plus précisément de ces recommandations un peu plus tard au cours de mon allocution.
[Français]
Le vérificateur général et le comité permanent de la Chambre des communes ont formulé des recommandations de fond en vue d'améliorer le programme. Le ministère de l'Industrie a procédé à des consultations étendues auprès des emprunteurs, des prêteurs et d'autres intervenants.
De plus, le ministère a commandé un certain nombre d'études sur divers aspects du fonctionnement du programme. En outre, nous avons poursuivi nos consultations au sujet du projet de règlement auprès des banques, de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, de la Centrale des caisses de crédit du Canada, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, de l'Association canadienne de la franchise et de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Des représentants de ces secteurs ont fait connaître publiquement leur satisfaction à l'égard des consultations.
Étant donné l'examen détaillé dont je viens de faire état, nous croyons que le projet de loi répond aux critères fixés par le ministre Manley, en novembre 1997, lorsqu'il a annoncé la révision en profondeur du programme. Si le programme était maintenu, avait-il déclaré, il devrait répondre aux besoins de la petite entreprise, être financièrement autonome et reposer sur un cadre de responsabilisation adéquat.
[Traduction]
Tous les témoins qui ont comparu devant le comité de l'industrie, au cours de nos consultations précédentes, ainsi que des évaluateurs de l'extérieur, ont confirmé que ce projet de loi était pertinent et qu'il répondait aux besoins de la clientèle visée, c'est-à-dire les entreprises nouvellement lancées ou très jeunes.
Sur la question de l'autonomie, des vérifications indépendantes ont montré que le programme était sur la bonne voie en ce qui a trait au recouvrement des coûts, établi comme un objectif en 1995. Ces études font consensus sur le fait que la structure actuelle du programme permet d'atteindre cet objectif. Tous les consultants font des prévisions positives, mais ils signalent qu'il faut plus de données cueillies à partir d'un programme stable pour pouvoir faire des prévisions fiables. Industrie Canada continuera à contrôler très soigneusement le programme au cours des prochaines années, et notamment à vérifier si ces prévisions se réalisent.
De nouveaux mécanismes permettent d'établir un cadre de reddition de comptes adéquat, et les obligations à cet égard sont une nouvelle caractéristique importante dans ce projet de loi. Le cadre de reddition de comptes détaillé, tel que proposé, vise à assurer que le Parlement obtiendra une information véritablement utile, ponctuelle et pertinente, qui permettra à la Chambre et au Sénat de faire des évaluations éclairées et de prendre des décisions en connaissance de cause, à l'avenir, en ce qui concerne le programme. En outre, la disposition de temporarisation de cinq ans sera remplacée par un examen quinquennal obligatoire, ce qui assurera tant aux prêteurs qu'aux emprunteurs une plus grande stabilité et des prévisions plus fiables.
Les principales caractéristiques de la Loi sur les petites entreprises, telle que nous l'avons connue, restent inchangées. Dans le projet de loi, les catégories de prêteurs, les types d'emprunteurs admissibles et les critères de prêts sont les mêmes. Les taux d'intérêts permis, les frais administratifs et les coûts initiaux demeurent inchangés. Le plafond de 250 000 $ sur les prêts est aussi inchangé. De la même façon, la formule 90-50-10, qui limite la responsabilité des contribuables advenant un défaut de paiement, reste en vigueur.
Le plafond de 15 milliards de dollars sur les garanties de prêts qui peuvent être offertes en vertu du programme est remplacé par une responsabilité éventuelle totale de 1,5 milliard de dollars. Ce nouveau plafond de la responsabilité éventuelle évite une trop grande exposition aux contribuables. Cela signifie que, quelle que soit la somme prêtée, les contribuables n'assumeront jamais une responsabilité supérieure à 1,5 milliard de dollars sur une période de cinq ans. Pour les prêteurs individuels, c'est calculé selon la règle des 90-50-10 expliquée à l'article 6. Toutefois, une telle perte ne se produirait que si 100 p. 100 des prêts étaient en défaut de paiement en même temps. Au cours des 37 ans d'histoire du programme, les réclamations réelles ont toujours représenté environ 5,6 p. 100 des prêts.
En vertu de la LPPE, tous les principaux éléments de contrôle du programme se trouvent aussi dans le projet de loi. Les propositions du projet de loi, si elles étaient approuvées par le Parlement, modifieraient ce pouvoir de telle manière que le gouverneur en conseil aurait le pouvoir de prendre des règlements restreignant l'accès au programme. Ce pouvoir est restrictif seulement. Il prendrait la forme de mesures qui, par exemple, réduiraient la taille maximale du prêt, ou excluraient certains types de prêts ou certaines entreprises à cause de leur taille, de manière à assurer que le programme demeure sur la voie du recouvrement des coûts. Si un futur gouvernement voulait élargir l'application du programme, il devrait obtenir l'approbation du Parlement pour ce faire.
Le comité doit être conscient que des amendements ont été proposés à l'étape de l'étude au comité de la Chambre, et qu'ils ont été adoptés. Parmi ces amendements, on en remarque deux qui exigent qu'une copie de chaque règlement d'application de cette mesure législative, y compris des ébauches de ces règlements, soit déposée aux deux Chambres du Parlement avant qu'ils soient adoptés. Ces règlements seraient alors renvoyés au comité permanent responsable de chaque Chambre du Parlement
Le but de ces amendements est d'imposer l'obligation au gouvernement d'avertir le Parlement qu'il entend adopter des règlements et d'assurer que ceux-ci sont portés à l'attention des comités intéressés. S'ils le désirent, les comités auraient alors la possibilité de prévoir du temps pour étudier les règlements proposés et pour les commenter.
Cet avis exigé ne risque pas de retarder la rédaction et l'entrée en vigueur des règlements dans le cadre du processus de réglementation établi, ces règlements proposés étant publiés au préalable dans la Gazette du Canada. Les commentaires du comité ou d'autres intéressés au moment de la publication préalable seraient pris en considération.
Les règlements sont adoptés dans le but de réduire les coûts du programme. Par exemple, on adopte des procédures de paiement intérimaire et on abrège la période de prêt sujette à intérêts. Les risques sont ainsi réduits grâce à une réglementation visant à faire en sorte que les prêteurs fassent diligence. Le pouvoir de procéder à une vérification des dossiers de prêts du prêteur serait notamment prévu, en vue d'améliorer le respect de la loi et de la réglementation.
Monsieur le président, je veux conclure en commentant certaines des recommandations formulées par le comité. Tout d'abord, je remarque qu'un certain nombre de vos recommandations se retrouvent dans le projet de loi.
Comme vous l'avez recommandé, la taille maximale des prêts proposée dans le projet de loi est de 250 000 $.
La réglementation proposée ressemble à ce que le comité avait recommandé, c'est-à-dire une limite de 25 p. 100 des garanties personnelles.
[Français]
Votre comité a recommandé la création de projets pilotes sur le financement du secteur bénévole et des entreprises sans but lucratif. Le projet de loi prévoit la création d'un projet pilote pour le secteur bénévole. Il sera très utile pour l'évaluation de la possibilité d'étendre le programme au secteur sans but lucratif.
Votre comité a également recommandé la création d'un projet pilote sur la location-acquisition. Cette recommandation figure également dans le projet de loi.
Le projet de loi indique clairement que ces deux projets pilotes doivent être considérés comme des initiatives distinctes. Ils doivent permettre de recouvrer les coûts et seront assujettis à leur propre règlement. En outre, le ministre s'est engagé à consulter les intervenants intéressés et à demander l'avis de la Chambre et du Sénat au sujet de la conception des projets pilotes et du règlement qui les régit.
[Traduction]
Votre comité a recommandé que le gouvernement n'élargisse pas le programme des prêts aux petites entreprises pour couvrir leur fonds de roulement mais qu'il crée plutôt un projet pilote visant à étudier les techniques les plus efficaces pour combler les besoins en fonds de roulement des petites entreprises qui ne parviennent pas à combler ces besoins dans le secteur privé.
L'expression «fonds de roulement» peut désigner différentes sortes de capitaux. La forme la plus courante de fonds de roulement obtenu au moyen d'un prêt correspond au prêt typique des banques fondé sur le financement des comptes recevables. Les gens qualifient souvent une participation au capital ou au quasi-capital de fonds de roulement. Le fonds de roulement pour une entreprise qu'on vient de lancer est souvent fourni par les capitaux propres des propriétaires, de partenaires ou d'investisseurs d'appoint. Un peu de la même manière, la forme des fonds de roulement utilisée pour la R-D et la commercialisation de la technologie prend généralement la forme de participation au capital ou au quasi-capital.
Cette forme de financement demeure une préoccupation majeure pour les petites entreprises. Toutefois, la plupart des groupes de discussion mis sur pied durant notre examen exhaustif ont reconnu que cette forme de capitaux aurait intérêt à être fournie par une augmentation des capitaux propres plutôt qu'au moyen de prêts. La majorité des intéressés sont d'accord pour dire que la LPPE ne constitue pas un bon moyen d'administrer le fonds de roulement en raison des risques élevés qu'elle représente. Même si tout le monde reconnaît que le fait de ne pas avoir un fonds de roulement suffisant est un empêchement majeur à la croissance de la petite entreprise, les intéressés ne trouvaient pas que la LPPE était une façon convenable d'augmenter son fonds de roulement.
[Français]
Votre comité a recommandé au gouvernement de collaborer avec l'industrie du tourisme pour concevoir un moyen de faire face aux difficultés particulières qui empêchent le programme de la LPPE de répondre adéquatement aux besoins de cet important secteur. Le ministère recueillera des données supplémentaires et de meilleure qualité pour déterminer si le programme répond adéquatement aux besoins de l'industrie du tourisme. La Banque de développement du Canada a établi un Fonds de développement de l'industrie touristique pour aider à répondre aux besoins de ce secteur. Ce programme, élaboré de concert avec la Commission canadienne du tourisme, fournira de précieux renseignements sur les lacunes à combler.
[Traduction]
Vous avez également recommandé que le financement soit élargi aux industries basées sur la connaissance. Au cours de notre examen exhaustif, la plupart des intéressés ont reconnu que la LPPE, en tant qu'instrument de prêt sur une certaine période, ne convient pas pour combler l'écart actuel dans le financement par participation au capital et au quasi-capital dans ce vaste secteur. Dans des secteurs comme les logiciels et les télécommunications, les investisseurs d'appoint comblent un écart important sur les marchés des capitaux. Les investisseurs privés sont une source importante de capitaux propres de l'extérieur, aux premiers stades de développement de l'entreprise, dans le domaine de l'industrie basée sur la connaissance. C'est l'un des domaines où les investisseurs d'appoint sont le plus actifs. Lors des consultations, nous avons constaté que l'Association canadienne de la technologie de l'information et l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada considéraient que ce dont les entreprises basées sur la connaissance ont surtout besoin, c'est d'un fonds de roulement accru, que ce soit par bénéfices non répartis ou par capital de risque.
Le gouvernement a déjà établi un certain nombre d'initiatives par l'intermédiaire du CAE et du programme d'Industrie Canada de partenariats technologiques pour aider à régler ce genre de problème. Compte tenu de l'objectif de ce programme, c'est-à-dire le recouvrement des coûts, et des difficultés que suscite la mise au point d'une expérience pilote qui respecterait la règle actuelle du programme, soit que les prêts soient déterminés en fonction des biens en garantie, on a décidé de ne pas donner le jour à un projet pilote axé sur les industries basées sur la connaissance.
En terminant, honorables sénateurs, au nom du ministre Manley, je tiens à remercier le comité de son rapport publié en septembre et de ses recommandations sur ce projet de loi. Les séances de consultation que nous avons eues avec vous sur le projet de loi C-53 se sont avérées inestimables quand est venu le temps de répondre aux préoccupations de tous les intéressés.
Le sénateur Tkachuk: Je tiens à vous remercier d'être venus la semaine dernière et de m'avoir renseigné sur le projet de loi. Vous avez répondu à plusieurs de mes questions au cours de cette rencontre. Toutefois, j'ai encore une question, cette fois sur le Fonds de développement de l'industrie touristique, sur ces aspects qui touchent la LPPE. Ce fonds aura-t-il pour effet d'exclure les entreprises touristiques de la LPPE?
M. Peter Webber, chef d'équipe, Financement de la petite entreprise, ministère de l'Industrie du Canada: Non, sénateur. En fait, l'industrie du tourisme est l'un des plus importants utilisateurs de la LPPE. Selon nos données, le secteur de l'hôtellerie, de la restauration et des boissons est le plus grand utilisateur de la LPPE.
Toutefois, la LPPE ne répond pas nécessairement à tous les besoins en financement de l'industrie du tourisme. En reconnaissant qu'il faut plus de financement pour les petites et moyennes entreprises, et surtout dans cette industrie, le gouvernement a établi le CAE et le Fonds de développement de l'industrie touristique, il y a deux ans. Depuis lors, il a conclu environ 68 ententes, et les investissements envisagés varient entre 250 000 $ et 10 millions de dollars. C'est un très large éventail.
Pendant ce temps, le gouvernement a fait des investissements de 68 millions de dollars et nous a ouvert une fenêtre importante sur l'industrie, surtout dans des secteurs où les petites et moyennes entreprises sont nombreuses. Nous croyons que, par le passé, les banques commerciales n'ont peut-être pas aussi bien servi ce secteur qu'elles l'auraient dû.
Le sénateur Tkachuk: Combien de temps les deux nouvelles initiatives, surtout celles qui sont sans but lucratif, seront-elles à l'essai? Ces projets pilotes dureront-ils un ou deux ans? Quels sont les paramètres de ces projets, et quelles sortes d'entreprises en profiteront?
M. Webber: Dans une large mesure, ces précisions ne sont pas encore définies, mais le projet de loi prévoit une durée maximale de cinq ans pour chacun des projets pilotes. En outre, le projet de loi prévoit les règlements d'application qui suivront pour l'établissement des paramètres de ces programmes. À ce sujet, M. Sulzenko a expliqué dans son introduction qu'il voulait que les comités parlementaires et tous les intéressés participent à la définition de ces paramètres.
L'un des paramètres veut que les deux projets pilotes fonctionnent selon le principe de récupération des coûts. Nous pourrons ainsi voir s'il est possible d'offrir ce genre de financement en régime de recouvrement des coûts, ce qui est l'une des conditions déterminantes pour que ce genre de financement deviennent un élément permanent de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. La loi proposée sur le financement des petites entreprises au Canada serait le fils ou la fille de la LPPE.
Le sénateur Tkachuk: Les institutions financières ont émis des réserves au sujet de l'avis de vérification car elles trouvaient que les délais prévus par la loi ou les règlements étaient trop courts. Ce problème m'a été expliqué lors de la séance d'information qui nous a été donnée. Pourriez-vous expliquer au comité comment se passe cette vérification et comment vous consignez toutes ces données?
M. Serge Croteau, directeur général, Direction générale des programmes et services, ministère de l'Industrie du Canada: La première version ne précisait pas de délais. Nous aurions pu procéder à une vérification surprise, ce à quoi les institutions financières se sont opposées. Elles avaient proposé un délai de 45 jours, mais ont accepté un délai de 21 jours avant que nous puissions procéder à une vérification. Ce délai leur donnera le temps d'assembler les documents requis pour la vérification.
La loi actuelle ne contient aucune disposition concernant les vérifications. C'est un élément nouveau. Nous n'avons pas encore déterminé la fréquence des vérifications ni la marche à suivre. Notre objectif est de contrôler le comportement des divers prêteurs. Pour cette raison, nous ferons une vérification quand nous serons en présence d'indices révélateurs comme, par exemple, des formulaires d'enregistrement ou des demandes de remboursement contenant des erreurs nécessitant des ajustements importants afin de rectifier le problème. Autrement dit, nous ciblerons nos vérifications; elles ne seront pas généralisées.
Le sénateur Tkachuk: Je n'ai pas participé aux audiences ni Québec ni sur la côte Est, mais dans l'Ouest, de nombreux entrepreneurs qui se sont présentés aux audiences n'avaient jamais entendu parler du programme. En Colombie-Britannique, seule une association de manufacturiers et d'exportateurs sur huit avait entendu parler du programme, ce que j'ai trouvé bizarre, mais compréhensible.
Nous avons fait des recommandations à ce sujet. Que compte faire le ministère pour attirer l'attention du monde des affaires sur l'existence de ce programme? Est-ce qu'il va assurer l'équité en matière d'accès au programme?
M. Croteau: Effectivement, les consultations ont révélé que plusieurs emprunteurs ne savaient pas que les prêts qu'ils avaient contractés étaient garantis par le gouvernement du Canada. Nous avons donc décidé de modifier les formulaires d'enregistrement. C'est le document que l'emprunteur signe quand il reçoit son prêt. Nous voulons qu'il y soit indiqué qu'il s'agit d'un programme du gouvernement canadien et que le prêt est garanti par ce dernier. L'emprunteur devra signer une déclaration faisant référence à la loi.
Nous allons également modifier notre brochure qui précisera que ce programme est une initiative du gouvernement du Canada. Les brochures seront distribuées aux infofoires destinées aux PME et par l'intermédiaire des Centres de services aux entreprises du Canada pour accroître la visibilité du programme dans tout le Canada et pour faire savoir aux emprunteurs qu'il s'agit d'un programme du gouvernement canadien.
Le sénateur Kolber: J'aimerais aborder la question des prêts aux industries du savoir; nous pensons que nous devrions leur accorder des prêts et vous pensez l'inverse.
De votre point de vue, vous avez probablement raison. D'autres qui partagent votre point de vue disent que les banques éprouvent des problèmes quand elles prêtent aux petites entreprises. Est-ce que les industries du savoir sont à part parce qu'elles doivent avoir des capitaux propres? Les banques font remarquer qu'elles doivent avoir des capitaux propres, mais il y a au Canada toutes sortes d'entreprises qui doivent aussi avoir des capitaux propres.
Aux États-Unis, les industries du savoir sont probablement celles qui enregistrent la croissance la plus rapide. Elles créent énormément d'emplois. Il me semble que nous sommes en train de passer à côté de quelque chose. Je ne veux pas dire que c'est de votre faute ou votre problème. Peut-être pourriez-vous donner des idées au comité sur la façon dont nous pourrions essayer de combler ce qui semble être une véritable lacune. On me dit qu'aux États-Unis, il y a pléthore de capitaux à risque. Il y en a plus que d'endroits où les investir. Au Canada, c'est tout l'inverse. Par ailleurs, vous avez parlé d'investisseurs d'appoint; pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par là?
Il y a au Canada une carence évidente: nous refusons de prendre en considération le taux d'impôt applicable aux gains de capital. Si nous ne faisons rien à ce sujet, comment pouvons-nous espérer attirer des capitaux de risque? Pourquoi les investisseurs en capital-risque viendraient-ils au Québec, par exemple, où le taux est effectivement de 42 p. 100? Aux États-Unis, il est de 22 p. 100 et devrait descendre à 14 p. 100. C'est presque trois fois moins. Que suggérez-vous que le comité fasse pour corriger ce qui est une réelle anomalie dans la façon dont nous traitons les petites entreprises?
M. Robert Dunlop, directeur général, Direction générale de l'entrepreneurship et de la petite entreprise, ministère de l'Industrie du Canada: Sénateur, nous avez soulevé plusieurs questions. Nous avons remarqué l'accent mis dans le rapport MacKay sur ce problème, celui-là même que nous essayons de régler. Dernièrement, nous avons consacré énormément de temps au Centre d'aide aux entreprises et plus récemment, avec le projet de loi sur le financement des petites entreprises du Canada, nous nous occupons du passif. Les gens du secteur privé avec lesquels nous traitons nous ont dit que, au Canada, il était relativement facile d'emprunter des capitaux. Le problème se trouve au niveau des capitaux propres. Nous en convenons.
À l'heure actuelle, nous gérons un programme de démonstration appelé programme d'investissement communautaire du Canada. Il a pour objectif de recruter des investisseurs d'appoint ou investisseurs providentiels. Ce sont des investisseurs qui connaissent le domaine, qui investissent dans de petites entreprises précises et qui, dans une certaine mesure, participent à leur gestion. Jusqu'à présent, nous avons mis sur pieds, dans 22 localités, l'infrastructure qui permettra de mettre en contact ces investisseurs providentiels avec les petites entreprises qui ont besoin d'un financement par capitaux propres.
Le programme a un an et demi. Nous avons depuis ajouté plusieurs projets pilotes dont certains ne sont en existence que depuis un ou deux mois. Nous espérons cependant apprendre comment fonctionne ce marché d'appoint afin de trouver des moyens de le rendre plus attrayant. Nous ne perdons pas de vue le fait que nous faisons partie d'Industrie Canada et que nous ne traitons que des questions qui relèvent de notre compétence; les questions telles que les impôts et les gains de capital qu'abordent avec nous nos interlocuteurs du secteur privé ne font pas partie de nos responsabilités.
Le sénateur Kolber: Tout ça, c'est très bien, mais ça ne répond pas à ma question.
Les investisseurs moyens en capital-risque disent que typiquement une jeune entreprise sur dix réussit. Disons donc que, dans un cas sur dix, ils doublent ou triplent leur mise et que, dans les neuf autres, ils la perdent. Quand ils doublent ou triplent leur investissement, ils doivent renoncer à 40 p. 100 de leurs gains. Que leur reste-t-il alors? Pourquoi prendre le risque?
M. Dunlop: C'est un véritable problème.
Le sénateur Kolber: Pensez-vous que nous devrions entreprendre une étude sur les gains de capital? Ne devriez-vous pas en prendre l'initiative? Ne devriez-vous pas alerter la population de l'existence dune véritable lacune dans notre pays? Vos pouvez bien mettre sur pied tous ces beaux petits projets communautaires, vous ne réglerez pas le problème.
M. Sulzenko: Si le ministère des Finances s'apercevait que nous avons entrepris une étude sur les gains de capital, nous aurions des ennuis. J'encouragerais votre comité à aller de l'avant si le sujet l'intéresse.
Le sénateur Kolber: C'est vous que le sujet devrait intéresser.
M. Sulzenko: Nous conseillons le ministère des Finances sur beaucoup de questions de nature fiscale, mais en fin de compte, c'est son analyse et sa décision qui l'emportent.
Nous convenons que c'est un problème. Si le président et le comité pensent qu'il est important, nous vous encourageons à l'étudier.
Le sénateur Kolber: Malgré le respect que je vous dois, il me semble que vous vous défilez.
Le président: Sénateur Kolber, soyons justes, la politique fiscale relève du ministère du Revenu.
Le sénateur Kolber: Je ne suggère pas qu'ils devraient élaborer la politique fiscale, mais seulement qu'ils devraient signaler l'existence d'un véritable problème dans ce domaine.
Le sénateur Oliver: Ils admettent que le manque de capital-risque est un problème.
Le président: Je ne nie pas que nous ayons identifié un problème commun. Tout ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas à eux de le résoudre.
Le sénateur Kolber: Non, ce n'est pas à eux de le résoudre, mais ils ont la responsabilité d'en signaler l'existence.
Le sénateur Tkachuk: Les sénateurs tant de ce côté-ci que de l'autre ont souvent mentionné que lorsque le Sénat est saisi d'un projet de loi, un politicien, un ministre par exemple, devrait être présent. Les questions du sénateur Kolber relèvent de la politique. À mon avis, nous ne devrions pas étudier de projet de loi à moins que le ministre responsable ne comparaisse devant notre comité.
Le sénateur Kroft: J'aimerais ajouter un mot à ce que vous avez dit à propos du projet pilote sur les sources de capitaux propres d'appoint, le réseau d'investisseurs providentiels. Il y a 10 ou 15 ans, la Banque fédérale de développement offrait un programme identique. Il comportait un programme d'analyse perfectionnée, des contacts avec des sources privées de financement à risque et la possibilité d'établir des liens avec d'autres programmes. Je fais cette observation afin qu'on n'essaye pas trop énergiquement de réinventer la roue.
M. Webber: Je ne connais pas précisément le programme auquel vous faites allusion. Je dirais cependant que, au Canada, les conditions sont aujourd'hui quelque peu différentes de ce qu'elles étaient à l'époque.
Aujourd'hui, nous avons un surplus de capitaux à risque. Malheureusement, le problème semble se situer au niveau des investissements de moins d'un million de dollars. Ce programme a justement pour objet d'essayer de combler cette lacune. De toute évidence, nous avons suffisamment de capitaux de placement. Le problème est de faire en sorte que les entrepreneurs qui ont des idées et des projets d'expansion puissent mettre la main dessus.
Malgré la question des risques et des récompenses, qui est à part, il y a dans ce pays beaucoup d'investisseurs en capital-risque qui cherchent où mettre leur argent.
Le président: J'espère que l'on aura remarqué que, dans l'esprit de Noël, le sénateur Kroft a parlé de la Providence.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je voudrais compléter la question concernant les entreprises qui oeuvrent dans le domaine du savoir, comme par exemple la biotechnologie, les télécommunications, et cetera.
J'ai l'impression que vous éprouvez les mêmes problèmes que les banques en ce qui a trait au manque de connaissances sur les industries du savoir, d'où votre timidité de vouloir entreprendre une étude. Il y a même un manque de connaissances au niveau du capital de risque et, ce qui est un peu embêtant, c'est que nous ne sommes pas en mesure de trouver, à notre niveau, malgré les outils dont nous disposons, comme le Conseil national de la recherche et d'autres organismes de savoir, un moyen de mieux évaluer les secteurs et de combler les lacunes des banques privées commerciales, et que l'on change donc la loi.
C'est en effet ce secteur qui, dans les cinq prochaines années, va le plus aller de l'avant, et vous ne voulez pas entreprendre une étude, un projet pilote, en nous disant que vous avez consulté l'industrie. Mais moi, je n'ai pas vu que vous aviez consulté la Fédération des entreprises indépendantes et les gens qui oeuvrent dans le secteur de la biotechnologie et des télécommunications, sauf au niveau du secteur manufacturier.
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous refusez de faire une étude et de tenter un projet pilote, que ce soit en biotechnologie ou en télécommunications, pour savoir quels sont les outils dont on a besoin et comment les évaluer, et peut-être ainsi montrer au secteur commercial comment le faire?
[Traduction]
M. Webber: Premièrement, nous avons eu des discussions avec les institutions financières, en Ontario et au Québec, précisément sur cette question. Les institutions financières hésitent énormément à investir dans des firmes qui n'ont pas fait l'objet d'un contrôle préalable. Toutefois, l'une des façons dont nous essayons de remédier à ce problème est par le biais d'alliances avec la Banque de développement du Canada. En Ontario, en particulier, la BDC a conclu une alliance avec la Banque Royale en vue d'évaluer les plans d'entreprise des firmes de haute technologie; la BDC partage ainsi les compétences qu'elle a acquises dans sa niche particulière.
Deuxièmement, fortes de cette coopération, elles ont établi dans tout le pays des fonds de capitaux de lancement dans le but de fournir aux entrepreneurs des capitaux leur permettant de passer de la recherche à la commercialisation. Ces fonds sont tout récents. Au fil des ans, ils stimuleront l'acquisition des compétences dont nous parlons. Tous sont établis avec la coopération d'investisseurs en capital-risque et, dans certains cas, avec des sociétés d'investissement.
Nous reconnaissons l'existence d'un problème à cet égard. Je ne veux pas donner l'impression que nous ne sommes pas au courant de ce problème ou que nous ne faisons rien pour en régler certains aspects.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je veux conclure sur la question en vous disant que je soumettrai que d'ici deux ans, l'on ait un rapport d'étapes sur cette question, et que l'on puisse alors étudier à nouveau la question. Cinq ans, c'est bien trop long. Je suis prête à donner à la BDC une chance de collaborer avec une banque -- en espérant qu'ils vont arriver au Québec puisqu'ils sont aussi en Ontario -- mais il reste que je trouve que ce n'est pas suffisant de dire que vous allez utiliser la BDC, qui est un bras d'Industrie Canada.
Je n'ai pas de problème avec cela, mais il est quand même important que vous poussiez dans le dos de vos partenaires qui, eux, font les prêts et les profits, et qui, finalement, s'associent à nous.
Je regrette, mais ces gens-là devraient avoir plus de responsabilités à l'égard du développement de l'expertise. C'est à vous de leur pousser dans le dos. Moi, je le vois comme ça.
À la page 7 de votre document, vous dites que «des dispositions réglementaires visent à réduire les coûts du programme». Puis vous énumérez toute une série de mesures qui convergent vers une diminution des coûts d'administration.
Ces mesures sont-elles recommandées par les banques? Vont-elles entraver la bonne marche du programme et finalement embêter les petites et moyennes entreprises? Qui avez-vous consulté pour changer ces règles? Le processus va-t-il devenir tellement bureaucratique que les PME vont s'y perdre et ne pourront plus rien faire?
Je veux m'assurer que ces mesures d'administration du programme correspondent aux programmes des PME et non à ceux des banques.
M. Croteau: Premièrement, c'est un programme qui est peut-être le moins bureaucratique dans son genre, parce qu'il est livré par les différents prêteurs à travers le pays. C'est quelque chose que l'on voulait garder fondamentalement inchangé, et je pense qu'avec les mesures qui ont été introduites et qui, soit dit en passant, venaient du vérificateur général, qui voulait voir un peu plus de diligence apportée dans la revue des différents dossiers... Le vérificateur général avait constaté que les prêteurs n'appliquaient pas toujours les mêmes procédures lorsqu'ils y allaient avec un prêt conventionnel que lorsqu'ils utilisaient un programme pour faire un prêt. Par conséquent, les changements qui ont été apportés l'ont été en consultation avec les prêteurs.
Nous avons eu de longues discussions là-dessus afin de nous assurer que cela ne compliquerait pas trop la réalisation de ce programme.
Ce qu'on leur demande de faire, en fait, c'est d'appliquer le même genre de procédure qu'ils appliquent présentement lorsqu'ils administrent des prêts du même genre, mais qui n'ont pas la garantie gouvernementale.
Donc, pour répondre à votre question, je ne crois pas que les mesures qui ont été introduites dans le programme vont compliquer à outrance son administration et son accès pour les petites entreprises.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck: J'ai quelques questions sur le secteur touristique. L'an dernier, nous avons tenu des audiences sur le projet de loi dans le Canada atlantique. Nous avons entendu de nombreux témoins issus du secteur de l'hôtellerie et du tourisme qui se sont dits très inquiets du manque de capitaux. Je me souviens en particulier de l'Association touristique de la Nouvelle-Écosse qui est convaincue que si les institutions financières ne modifient pas leur façon de penser d'ici l'an 2000, il y aura une crise dans le secteur touristique. Cela m'inquiète énormément car le tourisme est la source de nombreux emplois dans le Canada atlantique.
L'un d'entre vous a dit ce matin à propos de l'industrie touristique que le secteur de la restauration était l'un de vos plus gros clients. Avez-vous des données sur le nombre et la valeur des prêts accordés à ce secteur? Combien de demandes sont rejetées, et cetera.? Est-il possible de répartir ces chiffres par province?
M. Webber: Nous pouvons vous donner une répartition par province. Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, qui pour moi est l'équivalent de l'industrie touristique, représente 17,7 p. 100 de tous les prêts accordés aux termes du programme et, en 1997-1998, il restait dans ce secteur pour 345 millions de dollars en emprunts à rembourser.
Le taux d'impayés pour l'ensemble du programme s'établit généralement autour de 5,6 p. 100. Toutefois, nous ne savons pas quel est le pourcentage exact des prêts non remboursés dans ce secteur. Je ne puis donc répondre à cet aspect de votre question.
Les refus sont bien sûr une source importante de préoccupation pour le comité de l'industrie dans le cadre de ses tractations avec les banques en vue d'essayer d'évaluer dans quelle mesure la demande n'est pas satisfaite. Les études récentes révèlent que les banques fournissent environ 50 p. 100 des capitaux dont ont besoin les PME. Les banques qui prêtent aux petites entreprises approuveraient 89 p. 100 de leurs demandes. Nous n'avons pas de chiffres précis pour l'industrie touristique. Il faudrait faire des recherches supplémentaires.
Le sénateur Callbeck: On nous a dit que, à Halifax, le taux d'approbation était de 89 p. 100. Mais apparemment cela ne veut rien dire car, bien que les banques rencontrent les gens deux ou trois fois, elles ne leur font remplir une demande que si elles estiment que le prêt sera approuvé. Par conséquent, les gens qui ne remplissent pas de demande ne sont pas inclus dans ce pourcentage.
Pouvez-vous me donner des renseignements sur ce programme pour l'Île-du-Prince-Édouard? Pouvez-vous me dire combien de prêts y ont été accordés et quel en était le montant? Vous avez dit que, dans l'ensemble du Canada, 17 p. 100 des prêts étaient accordés à ce secteur J'aimerais avoir les chiffres pour ma province. Vous ne les avez sans doute pas aujourd'hui, mais j'aimerais les obtenir car je n'arrête pas d'entendre les gens se plaindre.
M. Webber: Nous allons les trouver et nous les communiquerons au greffier du comité le plus rapidement possible.
Le rapport annuel donne une répartition par banque. L'an dernier, pour l'Île-du-Prince-Édouard, il y a eu 187 prêts totalisant 10 millions de dollars. Il s'agit, bien entendu, de l'ensemble des prêts accordés dans le cadre du programme, et non uniquement des prêts au secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
Le sénateur Callbeck: C'est ce secteur qui m'intéresse.
Vous avez mentionné le Fonds de développement de l'industrie touristique qui a été mis sur pied par la Banque du développement du Canada. Quand a-t-il été créé?
M. Webber: Il a été constitué après le Budget de 1997. Il est en place depuis un peu plus d'un an.
Le sénateur Callbeck: Pourriez-vous aussi nous fournir ces chiffres?
M. Webber: Les chiffres que j'ai cités plus tôt, soit 49 investissements d'une valeur totale de 68 millions, sont les derniers que j'ai pu obtenir. Je n'ai pas trouvé de ventilation par province. Je vais toutefois le leur demander et je communiquerai ces données au greffier du comité.
Le sénateur Callbeck: Pendant nos audiences, certains hôteliers et exploitants d'entreprises touristiques ont mentionné que les banques étaient en train de retirer leur appui à l'industrie, qu'elles réduisaient leur ligne de crédit, et cetera. En avez-vous des preuves?
M. Webber: Nos recherches n'ont révélé aucune preuve en ce sens, mais nous en avons entendu parler. Par ailleurs, pendant nos consultations avec la Commission canadienne du tourisme en vue de la mise sur pied du Fonds de développement de l'industrie touristique, les représentants de l'industrie touristique ont indiqué que c'était l'une de leurs principales préoccupations. Le fonds est une façon de répondre à leurs besoins.
Le sénateur Meighen: J'aimerais revenir au paragraphe 5(2) du projet de loi. J'aimerais savoir quel en est exactement l'objet. Il se lit comme suit:
Avec l'agrément du gouverneur en conseil, le ministre peut adresser au prêteur concerné un avis écrit selon lequel il se dégage de toute responsabilité dans le cas des prêts d'une ou de plusieurs catégories réglementaires de prêts consentis par le prêteur à compter de la date fixée dans l'avis.
La décision a été prise par le Cabinet. D'ailleurs, cette disposition ne permet-elle pas au ministre de retirer les garanties rétroactivement? Je peux comprendre pourquoi vous voudriez accorder au ministre ce pouvoir pour les prêts futurs, mais pourquoi est-il nécessaire de le lui accorder rétroactivement?
M. Webber: Ce n'est pas conçu pour être rétroactif.
Permettez-moi de vous expliquer l'objectif que vise cette disposition, qui figure dans la LPPE depuis déjà un certain nombre d'années. Nous proposons de la maintenir et de nous en servir lorsque des prêteurs font une utilisation abusive flagrante du programme et que leur taux d'échec est extrêmement élevé afin de permettre au ministre d'agir rapidement au nom des contribuables et de limiter la responsabilité du gouvernement. On prévoit donner un court avis afin d'éviter que les prêteurs qui font une utilisation abusive flagrante du programme puissent profiter d'une longue période pour mettre de l'ordre dans leurs affaires ou même aggraver la situation.
Au cours des 37 années d'existence du programme, cette disposition n'a jamais été appliquée. Nous avons constaté que les prêteurs ont recours à ce programme de façon responsable. Nous n'avons même jamais eu à envisager la possibilité d'invoquer cette disposition.
D'ailleurs, si nous devions l'appliquer, je dirais que le prêteur ne serait pas pris au dépourvu. Nous le ferions au bout d'un long processus de consultation et nous prendrions le temps d'exprimer la vive inquiétude du gouvernement avant de passer aux actes.
Le sénateur Meighen: C'est probablement ma formation juridique qui me rend mal à l'aise lorsque je parle de rétroactivité. Le fait que la disposition n'a pas été invoquée en 37 ans me rassure quelque peu. À l'examen quinquennal, nous aurons peut-être l'occasion de voir s'il en est encore ainsi.
Le paragraphe 6(1) plafonne le montant des prêts. Ai-je bien compris qu'il est fort possible que les prêteurs dépassent, sans le savoir, le plafond et s'en aperçoivent seulement par la suite lorsque le ministre leur dira: «Je suis désolé, mais vous avez dépassé le plafond et nous ne pouvons plus garantir les prêts»?
M. Croteau: Nous surveillerons le plafond à peu près comme nous surveillons le plafond de 15 milliards de dollars prévu dans la LPPE. Essentiellement, lorsque des prêteurs accordent des prêts aux termes du programme, ils ont trois mois pour les enregistrer auprès des gestionnaires du programme. Lorsqu'ils les enregistrent, nous calculons le pourcentage du seuil atteint. Nous surveillons constamment le pourcentage du seuil atteint. Par conséquent, lorsque nous observons que le plafond pourrait être atteint, nous pouvons en informer le gouvernement. Après quoi, il y a deux options possibles.
Le seuil peut être relevé au moyen d'un projet de loi de crédits. Si, toutefois, le plafond n'est pas modifié, à mesure que nous nous en approchons, nous avisons tous les prêteurs qu'il est possible que le plafond soit atteint. Dans un tel cas, nous leur proposons d'enregistrer les prêts avant de verser l'argent. Ainsi, ils sont en mesure de vérifier si le prêt peut être garanti par le gouvernement.
Nous agirions ainsi jusqu'à ce que le plafond soit atteint, date à laquelle aucun nouveau prêt ne serait accordé dans le cadre de ce programme avant le début de la prochaine période. Nous devons composer avec un plafond de 1,5 milliard de dollars pour une période de cinq ans. Cela nous permet de prêter environ 10 milliards au cours de cette période, soit 2 milliards par année. C'est à peu près ce qu'on a constaté ces deux ou trois dernières années.
Il est assez improbable qu'on puisse atteindre le plafond, à moins, bien sûr, que le programme soit beaucoup utilisé en raison de la reprise des activités économiques, ainsi de suite.
Le sénateur Meighen: Je me suis mal exprimé en disant que les garanties ministérielles ne s'appliqueraient pas. Je craignais que les prêteurs ne soient pas payés si le plafond était atteint, sans qu'ils n'en soient informés, et que le gouvernement puisse alors ne pas avoir à les rembourser. S'agit-il d'une nouvelle disposition ou cela figurait-il dans l'ancienne loi?
M. Croteau: L'ancienne loi renfermait une disposition précisant le montant total des prêts. À l'heure actuelle, le plafond est de 15 milliards de dollars en prêts qui peuvent être prolongés pendant la période 12.
Nous sommes passés du montant des prêts à la responsabilité du ministre, car cela représente mieux le coût potentiel du programme pour les contribuables.
Le sénateur Austin: Monsieur Sulzenko, vous ou un de vos collègues pouvez-vous nous dire s'il existe dans les provinces des programmes parallèles en ce qui a trait aux prêts aux petites entreprises? Dans la négative, des programmes provinciaux pourraient-ils venir appuyer cette loi? Essentiellement, que font les provinces?
M. Webber: Au Québec, il y a un programme d'aide au démarrage des nouvelles entreprises. L'Alberta a un programme similaire pour appuyer la création de nouvelles entreprises. Les provinces conçoivent leurs programmes en sachant que la LPPE existe. Par conséquent, tout porte à croire que les programmes provinciaux ne font pas double emploi, mais viennent plutôt compléter la LPPE.
Ainsi, le programme du Québec offre des capitaux aux entreprises qui débutent. Nous ne le faisons pas, car les risques sont très élevés. De même, l'Alberta offre aux entreprises du financement pour des biens autres que les immobilisations. Nous n'offrons pas ce genre d'aide aux termes de la LPPE, mais il se pourrait que les emprunteurs qui ont recours à la LPPE ou qui auront recours à la nouvelle Loi sur le financement des petites entreprises du Canada obtiennent de l'aide de divers programmes qui se complètent les uns les autres.
Le sénateur Austin: Autrement dit, l'admissibilité n'est pas exclusive. Vous pouvez obtenir un prêt d'un programme et un autre prêt d'un programme différent.
Avez-vous une idée de la somme que consacre l'Alberta ou le Québec à l'aide financière qu'elles accordent aux petites entreprises?
M. Webber: De mémoire, je ne saurais vous dire. Nous pouvons toutefois vous fournir les renseignements que nous possédons à ce sujet.
Le sénateur Austin: N'y a-t-il aucun programme en Ontario qui semble, à votre avis, viser ou appuyer la même clientèle?
M. Webber: Pas vraiment, non. Un certain nombre de programmes ontariens qui visaient des objectifs similaires ont récemment été abolis. Récemment en Ontario, des fonds d'investissement communautaire dans les petites entreprises, qui fournissent des capitaux, ont été créés. À ma connaissance, la province en est encore à mettre sur pied ces programmes et n'a pas fait tellement de progrès en ce sens, je crois.
Pour ce qui est des autres provinces, je ne suis au courant d'aucun programme du genre.
Le sénateur Hervieux-Payette: Lorsque vous parlez du programme du Québec, parlez-vous du plan Paillé?
M. Webber: Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette: Selon les dernières estimations, la province consacre 30 millions à ce plan et le taux d'échec est très élevé. Cela n'a rien à voir avec le plan. On a beaucoup critiqué le plan. L'application des modalités n'était pas claire et l'aide accordée était considérée par plusieurs comme des cadeaux qui n'étaient toutefois pas très utiles aux PME ou au démarrage de nouvelles entreprises.
Le sénateur Austin: De toute évidence, certaines provinces possèdent des ressources et toutes veulent appuyer les petites entreprises. Je me demande si les programmes fédéraux ne sont pas des leviers qui pourraient être élaborés et utilisés en fonction des politiques des provinces en matière de financement des petites entreprises, que ce soit sous forme de capitaux ou de prêts, ou si vous pouvez favoriser une meilleure collaboration ou participation, non pas que je veuille dénigrer vos efforts, mais plutôt les améliorer.
J'ai une dernière question. Pourriez-vous nous expliquer, en termes généraux, la compétence constitutionnelle du fédéral relativement à ce programme?
M. Sulzenko: Je crois que nos experts ne savent pas quoi vous répondre.
Mme Lenore Scanlon, avocate, Droit commercial, Industrie Canada: Il y a deux domaines qui me viennent à l'esprit: les banques et le commerce.
Le sénateur Austin: Je m'intéresse à la compétence constitutionnelle, je ne la conteste pas. Nous intervenons dans ce domaine depuis longtemps. Il s'agit probablement d'un champ de compétence partagé. De toute façon, je m'informerai auprès de quelqu'un d'autre.
Le président: C'est merveilleux de voir cinq hauts fonction naires ne plus savoir que dire, car cela nous arrive constamment.
Comme il n'y a plus d'autres questions, je suis heureux de mettre aux voix une motion pour faire rapport du projet de loi sans proposition d'amendement. Je voudrais toutefois proposer de faire rapport sans proposition d'amendement, mais avec des observations pour la raison suivante. Le rapport que nous avons remis au ministre en septembre dernier n'a jamais été rendu public, parce qu'il ne s'agissait pas d'un rapport officiel du comité. Nous ne siégions pas à l'époque, mais nous voulions remettre notre rapport au ministre. Étant donné le lien qui existe entre certaines parties du projet de loi et notre lettre au ministre, il serait bon de faire rapport du projet de loi avec une observation, l'observation étant simplement la lettre que nous avons fait parvenir au ministre, et ce, dans le but de la rendre publique.
Quelqu'un voudrait-il proposer une motion en ce sens?
Le sénateur Oliver: Je la propose.
Le président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: La motion est adoptée.
Nous ferons rapport du projet de loi cet après-midi.
Honorables sénateurs, je voudrais maintenant proposer que le comité siège à huis clos.
La séance se poursuit à huis clos.