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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 44 - Témoignages du 9 février 1999


OTTAWA, le mardi 9 février 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce auquel est renvoyé le projet de loi C-59, Loi modifiant la Loi sur les sociétés d'assurances, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, notre premier témoin ce matin est l'honorable Jim Peterson, secrétaire d'État aux Institutions financières internationales. Après le ministre et ses adjoints, nous entendrons les représentants ou les PDG des quatre compagnies qui participent à la démutualisation.

Monsieur le ministre, merci d'être des nôtres. À vous la parole, je vous en prie.

M. Jim Peterson, secrétaire d'État (Institutions financières internationales): Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui.

La mesure proposée porte sur la démutualisation et elle permettrait à toutes les sociétés mutuelles d'assurance-vie réglementées par le gouvernement fédéral au Canada de se transformer en sociétés par actions.

[Français]

L'élaboration d'un cadre d'utilisation a pour principal objectif d'accorder aux sociétés mutuelles une plus grande marge de manoeuvre au chapitre de l'accès au capital. Ces sociétés sont la propriété du souscripteur et ne peuvent donc pas émettre des actions ordinaires, ce qui limite leur capacité de réunir des capitaux par rapport à celles des sociétés par action. De plus, la démutualisation imposerait une discipline de marché plus rigoureuse aux sociétés transformées et leur permettrait de jouir d'un régime de gouvernement mieux connu. Nous proposons de diminuer cet obstacle à la croissance parce que l'accès au capital devient de plus en plus important dans le contexte de la tendance mondiale vers la consolidation du secteur financier. Les sociétés transformées auraient accès à un plus grand nombre de sources de capital qu'elles pourraient utiliser pour financer leur expansion, soit au Canada ou à l'étranger, et pour investir dans la mise au point de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Nous voulons nous assurer qu'à l'avenir les sociétés d'assurance-vie canadiennes auront la marge de manoeuvre voulue pour saisir les occasions de croissance et accroître leur compétitivité dans un marché en évolution rapide.

[Traduction]

En même temps qu'elle permet aux sociétés d'accroître leur compétitivité et leur efficacité, la démutualisation permettrait de distinguer les droits des souscripteurs en qualité de propriétaires des droits des clients.

Les propriétaires actuels d'une société, ses souscripteurs ayant droit de vote, resteraient propriétaires de la société après la démutualisation, en devenant des actionnaires à raison d'une voix par action. Ils auraient alors la possibilité de vendre leurs droits de propriété et leurs intérêts dans cette société en cédant leurs actions en échange d'avantages financiers importants.

Si les quatre grandes sociétés mutuelles d'assurance-vie au Canada ont recours à la démutualisation, les deux millions de souscripteurs canadiens qu'elles comptent recevraient l'équivalent d'environ 10 milliards de dollars, principalement sous forme d'actions. Qu'ils gardent ou non leurs actions, les souscripteurs garderaient le droit d'élire au moins un tiers des membres du conseil d'administration de la société.

Il est important de signaler que les droits contractuels des souscripteurs en qualité de clients, tels que leurs primes d'assurance et le droit de recevoir des dividendes, ne seraient nullement modifiés par la démutualisation.

En outre, les souscripteurs devraient profiter du fait qu'ils font affaire avec une société bien placée pour accroître son efficacité, faire des investissements stratégiques et livrer concurrence sur le marché des services financiers qui, de plus en plus, est un marché mondial.

Le rôle du gouvernement dans la démutualisation consiste à mettre en place des règles qui permettront aux sociétés mutuelles d'assurance-vie, si elles le souhaitent, de se transformer en sociétés par actions. Le régime proposé est le résultat de consultations poussées avec des groupes de souscripteurs, des participants du secteur ainsi que d'autres parties et intervenants intéressés. Il se fonde sur ces trois grands principes: assurer que le traitement réservé aux souscripteurs est équitable; favoriser l'efficacité et la compétitivité des sociétés en transformation; et, pendant tout le processus, maintenir la sûreté et la sécurité des sociétés transformées.

Notre principal objectif dans l'élaboration de ce régime a toujours été de protéger les souscripteurs. L'élément fondamental du régime proposé, c'est que les souscripteurs doivent être bien renseignés sur la proposition de démutualisation de leur société avant qu'ils ne soient appelés à voter sur la transformation proposée. Pour assurer que les souscripteurs reçoivent des renseignements exhaustifs, exacts et objectifs sur la démutualisation, toute l'information qui leur est destinée doit d'abord être approuvée par le bureau responsable de la réglementation, soit le Bureau du surintendant des institutions financières. Les règlements précisent également de façon très claire quels renseignements doivent être communiqués aux souscripteurs qui seront appelés à se prononcer sur la démutualisation.

Entre de nombreuses autres choses, ces renseignements doivent contenir une description des avantages et des inconvénients de la transformation proposée pour la société ainsi que pour les souscripteurs. Ils doivent également faire état des possibilités autres que la démutualisation, qui ont été envisagées par le conseil d'administration de la société et les raisons pour lesquelles, de l'avis du conseil d'administration, la démutualisation favorise l'intérêt de la société et des souscripteurs. Seront également inclus l'estimation de la valeur boursière des avantages qu'obtiendraient les souscripteurs ainsi que des renseignements sur les droits de vote des souscripteurs une fois la démutualisation accomplie.

Les renseignements devront préciser comment les avantages financiers issus de la démutualisation seront traités par le fisc dans la province ou le territoire du souscripteur. Ils contiendront une récapitulation des mesures que la société a prises ou entend prendre pour encourager les souscripteurs à voter sur la proposition. Ils incluront également une liste des mesures que la société a prises ou entend prendre pour fournir aux souscripteurs de l'information sur la transformation proposée et leur permettre de poser des questions ou de faire état de leurs préoccupations au sujet de la proposition.

La documentation devra inclure des renseignements financiers sur la société et un sommaire des opinions de spécialistes que la société doit présenter au BSIF. Ces opinions des spécialistes sont un autre élément très important du régime proposé. Elles servent à assurer l'adéquation et l'exactitude des chiffres qui sont à la base de la proposition de transformation. Permettez-moi pendant quelques instants de vous expliquer ces exigences.

Dans le régime proposé, la société doit remettre au BSIF l'opinion de l'actuaire de la société et celle d'un actuaire indépendant déclarant que la répartition de la valeur de la société entre les souscripteurs est juste et équitable. Ces actuaires doivent également déclarer qu'il reste des actifs suffisants dans le compte des contrats avec participation pour couvrir les polices avec participation actuelles ou futures ou pour répondre aux attentes raisonnables des souscripteurs sur le plan des dividendes.

En outre, ils doivent exprimer l'opinion que la vigueur financière future de la société et la sécurité des prestations aux souscripteurs ne seront pas menacées par la démutualisation. Un spécialiste en évaluation doit également donner son opinion sur l'adéquation de la valeur marchande estimative de la société, valeur qui sert à évaluer les avantages financiers à attribuer aux souscripteurs individuels.

Outre qu'il précise comment une démutualisation doit se dérouler, le cadre proposé établit également des normes relatives à la proposition de transformation même. Par exemple, les avantages financiers découlant de la démutualisation peuvent uniquement être attribués aux souscripteurs de la société détenteurs d'un droit de vote, qui sont en fait les véritables propriétaires de la société. Par conséquent, les cadres ne doivent pas tirer d'avantages financiers de la démutualisation, sauf ceux auxquels ils auraient droit en qualité de souscripteurs.

Par ailleurs, nous reconnaissons que c'est la valeur entière de la société qui doit être attribuée aux souscripteurs. Toutefois, nous savons que les options d'achat d'actions peuvent être un outil utile pour faire coïncider les intérêts des cadres avec ceux des actionnaires. Par conséquent, le projet de réglementation prévoit qu'il y aura interdiction, pendant un an, d'accorder des options d'achat d'actions aux gestionnaires.

Autre élément important, le cadre de fonctionnement prévoit des dispositions relatives à la mise en application. Dans le régime proposé, le surintendant des institutions financières serait doté des pouvoirs appropriés pour veiller à ce que les sociétés qui se transforment se conforment à la réglementation et à la loi.

Le BSIF obtiendra ses propres opinions de spécialiste lorsqu'il le jugera nécessaire et pourra ordonner aux sociétés d'inclure tout renseignement complémentaire jugé approprié dans la documentation envoyé aux souscripteurs. En outre, si le surintendant estime que les souscripteurs ont besoin de renseignements supplémentaires avant que le vote n'ait lieu, il peut ordonner à la société de prendre les mesures supplémentaires qu'il juge appropriées, y compris celle d'organiser des séances d'information. Il peut établir les règles régissant la tenue de ces séances d'information au souscripteur et, en définitive, si le surintendant estime qu'une société n'a pas respecté les règles, il peut simplement rappeler au ministre des Finances, dont l'approbation finale est critique et nécessaire, que la demande de démutualisation devrait être refusée.

Je vous présente maintenant un bref historique du régime proposé, pour que vous ayez une idée de l'étendue des consultations qui ont présidé à son élaboration.

Comme vous le savez, l'initiative visant à créer un régime de démutualisation est née en 1992, sous le régime du gouvernement antérieur, lorsque la Loi sur les sociétés d'assurances a été modifiée de façon à permettre la démutualisation, les modalités et conditions devant être établies dans les règlements. Toutefois, les règlements adoptés en conformité de cette loi en 1993 ne s'appliquaient qu'aux petites sociétés d'assurance-vie, celles dont l'actif au Canada était inférieur à 7,5 milliards de dollars.

Après ces premiers pas, et dans le même esprit, le gouvernement a annoncé en juin 1996 qu'il étendrait ce régime aux plus grandes sociétés. Nous avons amorcé une série de consultations poussées avec les divers intervenants. En septembre 1997, le gouvernement a effectué des consultations sur les grands principes à observer dans l'élaboration du nouveau régime et, en août de l'an dernier, après d'autres consultations, nous avons communiqué un document consultatif qui incluait tout le régime proposé ainsi que le projet de réglementation.

Nous avons reçu 20 mémoires de divers intervenants sur notre document de consultation du mois d'août. Ces mémoires étaient largement favorables. La plupart étaient techniques. Nous avons apporté des changements à la lumière de ces mémoires. L'ébauche des règlements révisés a été publiée lorsque le projet de loi C-59 a été présenté le 30 novembre 1998.

Pendant l'élaboration du régime proposé, il est devenu évident qu'il fallait apporter des modifications à la loi, et aux règlements, afin de mettre en oeuvre un nouveau régime s'appliquant à toutes les sociétés d'assurance-vie, et pas seulement aux plus grandes.

[Français]

Ces modifications sont prévues dans le projet de loi dans les dispositions principales visant à garantir la tenue d'une assemblée extraordinaire des souscripteurs pour étudier le projet: imposer un préavis relativement plus long afin que les souscripteurs soient bien informés avant qu'ils votent sur le projet; faire en sorte que seuls les souscripteurs admissibles votent sur le projet; permettre le transfert d'actifs excédentaires des comptes de participation afin d'accroître la valeur de la société qui serait attribuée aux souscripteurs lors de la démutualisation pour conférer au surintendant les pouvoirs adéquats en matière de surveillance du processus de démutualisation; garantir que les administrateurs, les dirigeants et les employés de la société ne pourront tirer profit de la démutualisation, sauf pour les avantages auxquels ils ont droit à titre de souscripteurs admissibles.

[Traduction]

J'aimerais pendant quelques minutes discuter des répercussions pour les souscripteurs en ce qui concerne l'imposition des prestations, une question qui préoccupe à la fois le gouvernement et les honorables sénateurs. En général, le traitement fiscal de la démutualisation sera conforme aux règles en vigueur relatives à la répartition des dividendes par les sociétés à capital-actions. C'est-à-dire qu'il n'y aura aucune taxe spéciale ou concession dans le cadre de la démutualisation. Cette mesure est adéquate, parce que les souscripteurs qui touchent un revenu par suite de la démutualisation auront des ressources additionnelles à leur disposition.

Le même principe s'applique aux prestations liées au revenu. Cependant, la démutualisation a mis en lumière un problème concernant le traitement fiscal des revenus de dividendes dans le cadre du programme de SRG. Nous allons présenter un projet de loi pour corriger ce problème.

Les souscripteurs qui reçoivent des prestations provinciales pourraient aussi voir ces prestations touchées par la démutualisation. Même si ces prestations ne sont pas de régime fédéral, elles nous préoccupent. Les provinces ont été informées de la démutualisation afin qu'elles puissent évaluer les répercussions possibles sur leurs programmes.

De toute évidence, il faut veiller à ce que les souscripteurs soient informés des répercussions relatives à l'impôt et aux prestations afin qu'ils puissent agir en conséquence. Nous avons donc pris des mesures pour veiller à ce qu'ils aient accès à l'information voulue à cet égard. Comme je l'ai dit plus tôt, notre objectif primordial est d'assurer la protection des souscripteurs. Cela s'applique aussi à la question des impôts et des prestations. Nous voulons faire tout en notre possible pour habiliter les souscripteurs à prendre des décisions éclairées.

En terminant, j'aimerais expliquer pourquoi il est important que cette loi soit mise en oeuvre au moment opportun. Bon nombre de souscripteurs ont entendu parler de la démutualisation par les compagnies d'assurances, qui ont déployé des efforts pour les renseigner, et dans les médias. Les quatre sociétés ici représentées ont annoncé, il y a un an, leur intention de se démutualiser. Cependant, tant que le régime ne sera pas entièrement mis au point, les échanges d'information entre les sociétés d'assurances et les souscripteurs ne peuvent que porter sur l'ébauche des règlements et du projet de loi du gouvernement. Elles ne peuvent donc pas fournir de renseignements précis sur les propositions, ce qui peut susciter la confusion chez les souscripteurs.

De plus, tout retard important pourrait réduire la marge de manoeuvre des sociétés d'assurances en ce qui concerne la date d'émission initiale d'actions. Comme les honorables sénateurs le savent, les derniers mois de l'été ne sont pas le meilleur moment pour émettre de nouvelles actions. En outre, on s'attend à ce que de nombreuses sociétés mutuelles américaines se transforment au début de la nouvelle année.

Je tiens à préciser que la démutualisation n'est pas un processus rapide, étant donné les nombreuses mesures de protection que nous essayons d'inclure dans la loi afin d'assurer une transformation sans heurts et de protéger les souscripteurs. Pour se démutualiser avant l'été, une compagnie devrait envoyer des trousses d'information aux souscripteurs dès le début du printemps, et le BSIF doit examiner chaque mot employé dans la trousse d'information, ce qui est très chronophage.

Il est donc doublement important qu'à titre de gardiens de l'intérêt public et de législateurs, nous agissions sans tarder afin d'instaurer ce régime.

[Français]

L'adoption du projet de loi C-59 et des projets de règlements connexes éliminerait un obstacle réglementaire inutile; permettrait aux sociétés mutuelles d'assurance-vie de demeurer concurrentielles et de saisir les occasions de croissance tout en assurant la protection des intérêts des souscripteurs tout au long du processus de démutualisation.

[Traduction]

Honorables sénateurs, avant de passer aux questions, j'aimerais vous remercier de vous être attaqués si rapidement à ce dossier dès votre retour du congé de Noël. Je vous remercie de m'avoir invité.

Le sénateur Lynch-Staunton: Merci, monsieur Peterson, de votre exposé exhaustif. Je me réjouis que le sentiment d'urgence que vous avez exprimé aujourd'hui n'est pas aussi grand que celui exprimé avant Noël, mais je n'entrerai pas dans les détails.

L'exercice que nous menons cette semaine et peut-être la semaine prochaine est très utile pour tous les souscripteurs. De notre côté, personne ne s'oppose à la démutualisation. Nous l'avons soutenu depuis le début. Cependant, nous avons des questions au sujet de sa mise en oeuvre et, plus particulièrement, des répercussions favorables et défavorables pour les souscripteurs.

Les règlements ont été publiés. Est-ce le tout ou est-ce qu'il y en aura d'autres?

M. Peterson: Nous avons publié tous les règlements lorsque nous avons déposé le projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que cela signifie qu'il n'y en aura pas d'autres et que nous pouvons travailler à partir de ceux-ci?

M. Peterson: C'est exact.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que cela vous ennuierait de demander au surintendant de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre du projet de loi, jusqu'à ce que le processus soit terminé? Ainsi le Parlement sera tenu au courant à intervalles réguliers.

M. Peterson: Non. C'est une excellente suggestion. Le surintendant présente son rapport annuel au ministre des Finances, qui le dépose à la Chambre des communes chaque année. Il serait tout à fait indiqué, conformément à votre suggestion, que le surintendant y verse l'information que vous avez mentionnée. Les députés pourraient ainsi y avoir accès. Bien sûr, les honorables sénateurs pourront faire comparaître le surintendant s'ils ont des questions à lui poser.

Le processus est en pleine évolution. Nous ne prétendons pas avoir toujours toutes les réponses. Nous accueillons favorablement toutes les suggestions visant à améliorer le processus et à protéger les souscripteurs, afin qu'il profite à tout le monde.

Le président: J'aimerais simplement préciser que le surintendant comparaît devant le comité deux ou trois fois par année. Le comité peut tenir une séance spéciale de suivi ou discuter de ces questions à l'occasion des comparutions habituelles du surintendant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je serais ravi que le surintendant donne suite à la suggestion du ministre et qu'il fasse état, dans son rapport annuel, des activités entourant le projet de loi C-59.

Aux États-Unis, ne s'inquiète-t-on pas de l'attitude des autorités du Michigan en ce qui concerne ce processus?

M. Peterson: Oui, nous nous sommes heurtés à l'administrateur précédent du Michigan, qui avait certaines réserves. Cet administrateur a quitté son poste. Le Michigan sera la porte d'entrée des sociétés canadiennes qui veulent percer le marché américain, par conséquent cet État est très important.

Le surintendant s'est entretenu avec le nouvel administrateur du Michigan. Le Michigan étudie actuellement les détails de nos propositions, mais nous n'avons reçu aucun commentaire défavorable. Je crois comprendre que les sénateurs ont reçu aujourd'hui une copie de la lettre de l'organisme de réglementation de New York, lequel nous informe qu'il a examiné notre régime pour constater que nous avions pris en compte bon nombre des problèmes que New York avait éprouvés lors de la démutualisation.

Le sénateur Oliver: De quelle lettre parlez-vous?

M. Peterson: Peut-être n'a-t-elle pas encore été distribuée. Je vais voir à ce que vous en obteniez une copie.

Nous ne prévoyons aucun problème. Nous allons collaborer avec les Américains et je suis disposé à rencontrer l'administrateur du Michigan s'il y a des questions de fond à régler.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les autorités du Michigan ou d'ailleurs dans le monde pourraient avoir des questions, parce qu'il s'agit de détenteurs de police éparpillés un peu partout. Peut-on nous garantir, cependant, que les conditions de la démutualisation seront les mêmes pour tous et qu'aucun compromis ne sera fait que ce soit en faveur du Michigan ou d'autres autorités en vue de permettre un processus plus rigoureux ou plus généreux? Peut-on avoir l'assurance que tous les souscripteurs seront traités sur un pied d'égalité?

M. Peterson: Sénateur, il serait tout à fait inadmissible de traiter les souscripteurs différemment selon leur lieu de résidence. C'est pourquoi notre régime s'appliquera à tous. Votre suggestion est pertinente.

En ce qui concerne les préoccupations du nouvel administrateur au Michigan, lorsque nous avons conçu notre régime de démutualisation, nous avons examiné ceux en vigueur en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Nous avons profité de l'expérience de ces pays et nous espérons pouvoir éviter les problèmes qu'ils ont connus.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans un autre ordre d'idées, vous avez dit au cours de votre exposé que les employés des sociétés d'assurances ne seraient pas autorisés à détenir des actions jusqu'à, je crois, un an après la mise en circulation des actions, mais, à titre de souscripteurs, ils pourront transformer leurs polices. Est-ce exact?

M. Peterson: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils peuvent devenir actionnaires étant donné qu'ils sont titulaires de polices, mais pas en tant que cadres gestionnaires ayant droit à des options d'achat d'actions ou de parts.

M. Peterson: Non. Nous avons dit qu'aucune option ne leur serait offerte.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si je suis dans la mauvaise voie, éclairez-moi.

M. Peterson: Tout d'abord, si j'étais directeur et à la fois souscripteur, je recevrais mes parts. Je deviendrais donc actionnaire. J'aurais aussi le droit d'acheter des actions lors de l'émission initiale ou sur le marché. Je n'aurais pas d'option d'achat. Ainsi, si j'étais disposé à investir mon propre argent dans la société, au lieu d'avoir une option qui n'aurait que des avantages, ce serait acceptable.

Nous nous sommes longuement penchés sur cette question. Par exemple, New York interdit aux initiés d'avoir une option d'achat pendant cinq ans et même d'acheter des actions pendant deux ans avec leurs propres fonds.

Ces décisions ne sont jamais faciles à prendre. Il n'y a peut-être pas de règle évidente. Nous avons essayé de soupeser les intérêts des deux parties -- c'est-à-dire ceux des actionnaires et de la direction et veiller à ce que la démutualisation ne profite qu'aux souscripteurs; lesquels sont les véritables propriétaires de la société.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vais pas m'acharner sur cette question. Il semble qu'une exception soit faite. Lorsqu'on a privatisé le CN et Air Canada, je ne me souviens pas qu'on ait imposé aux cadres un gel d'un an. Pourquoi a-t-on jugé opportun de le faire dans ce cas-ci?

M. Peterson: Le projet de loi de 1992 sur la démutualisation des petites sociétés d'assurances comportait une interdiction d'option d'achat pendant 3 ans. Nous en avons aussi tenu compte. Nous avons tenu compte de nombreuses démarches que l'on a faites auprès de nous.

Je ne prétends pas que votre approche soit parfaite ou que la décision a été facile. Nous avons tenu compte des intérêts des souscripteurs et veillé à ce que le processus ne profite qu'à eux. Différentes compagnies ont déclaré: «Nous voulons que notre situation soit régie par la règle des 10 p. 100. Nous ne voulons pas faire l'objet d'une OPA hostile au cours des deux ou cinq prochaines années, afin que nous ayons le temps de nous habituer au niveau régime.» Nous avons pris ces facteurs en ligne de compte lorsque nous avons examiné la question. Je ne prétends pas que notre démarche soit parfaite.

Nous avons examiné tous les autres régimes ainsi que le régime qui était auparavant en vigueur. Nous avons conclu qu'une année serait suffisante pour permettre aux nouvelles sociétés de bien s'adapter au nouveau régime et de permettre au marché boursier de bien évaluer ces compagnies. D'ici là, deux, sinon trois, rapports trimestriels auront été publiés. Ainsi, les marchés pourront évaluer dans quelle mesure les nouveaux administrateurs de la compagnie auront atteint leurs objectifs financiers.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si je me souviens bien, il faut obtenir les deux tiers des voix exprimées. Vous pourriez avoir les deux tiers de 10 p. 100 ou les deux tiers de 100 p. 100. Avez-vous envisagé d'imposer un minimum de voix, comme la moitié? Pour une raison quelconque, seulement 10 p. 100 des souscripteurs de La Prudentielle aux États-Unis se dont prévalus de leur droit de vote. J'ignore si c'est parce que cela ne les intéressait pas. Avez-vous envisagé de préciser un nombre minimum de voix exprimées pour que la règle des deux tiers s'applique?

M. Peterson: C'est un problème épineux. La Prudentielle avait exigé qu'au moins 10 p. 100 de ses souscripteurs s'expriment lors du vote. Lorsque nous avons étudié d'autres démutualisations ailleurs dans le monde, le taux de participation au vote variait entre 10 et 15 p. 100.

Les honorables sénateurs connaissent bien la question de la gestion des entreprises. Dans le cas d'une société ouverte, comment peut-on s'assurer qu'un certain pourcentage des souscripteurs ou des actionnaires vont exercer leur droit de vote? Nous n'étions pas convaincus qu'un minimum très élevé favoriserait un régime de gestion efficace, que ce soit pour les sociétés d'assurances en transformation ou les autres types de sociétés. C'est dans la nature des gens. On ne peut pas les forcer.

Par conséquent, au lieu d'établir un minimum artificiel qui pourrait ne pas être atteint, nous avons décidé de procéder autrement. Nous nous sommes dit: «Allons plus loin que les autres sociétés ouvertes. Veillons à ce que l'information distribuée aux actionnaires et au BSIF décrive les mesures que nous avons prises pour essayer de convaincre les actionnaires de voter en personne ou par procuration à l'assemblée spéciale que nous allons convoquer et qui exige les deux tiers des voix exprimées.»

J'aimerais bien que les souscripteurs et les actionnaires prennent leurs obligations et leurs droits plus au sérieux. Le fait est que nous allons prendre toutes les mesures possibles pour nous assurer qu'ils reçoivent l'information et qu'ils soient sensibilisés à leurs droits et responsabilités.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je sais que le sénateur Oliver va poser des questions sur les répercussions fiscales. Ma question à ce sujet est la suivante: cette mesure aura d'importantes répercussions fiscales, ce qui en étonnera beaucoup malgré l'information qui a été diffusée. Est-ce qu'on ne pourrait pas redistribuer l'excédent en réduisant les primes ou en augmentant les prestations?

M. Peterson: Si.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce qu'on envisage de le faire pour les particuliers?

M. Peterson: Outre les parts accordées aux souscripteurs, la loi et les règlements permettent d'autres mesures, comme la bonification des prestations et la réduction des primes. Les sociétés d'assurances devront en tenir compte. Je crois comprendre que les sociétés d'assurances vont privilégier la répartition d'actions.

Le sénateur Lynch-Staunton: La loi prévoit cette troisième option si les sociétés souhaitent s'en prévaloir; est-ce exact?

M. Peterson: Oui.

Sénateur, plus tôt, vous avez soulevé un point auquel je n'ai pas répondu. Vous avez posé une question au sujet de l'option d'achat d'actions, et vous avez mentionné que lorsque d'autres sociétés fédérales avaient été privatisées, nous avions permis aux directeurs d'acheter des actions. Nous estimons que la situation est légèrement différente. Lorsqu'une société d'État est privatisée, nous avons le droit d'accepter ou de rejeter le prix qu'on nous propose. Dans le cas qui nous intéresse, ce ne sont pas les souscripteurs ni les actionnaires qui jouissent de ce droit, mais plutôt les cadres qui établissent ce prix en consultation avec les meilleurs spécialistes du domaine. Voilà pourquoi nous voulons nous assurer de maximiser les retombées pour les souscripteurs.

Le sénateur Angus: D'entrée de jeu, notre leader a indiqué que nous étions en faveur du principe de la démutualisation depuis un certain temps. En fait, nous déplorons le temps qu'il a fallu pour en arriver là.

Cela dit, il vaut la peine de signaler que les grandes sociétés d'assurances dont il est question ici, et dont l'actif dépasse les 7,5 milliards de dollars étaient auparavant des sociétés par actions, avant d'être mutualisées. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi après avoir été mutualisées au départ elles sont maintenant démutualisées, étant donné que notre processus est suivi de près non seulement par des intervenants du secteur des services financiers, mais aussi par des observateurs et autres analystes du domaine. Tout cela est bien compliqué et je n'ignore pas à quel point il a été difficile d'établir un ensemble de règles qui permettraient au processus de se dérouler.

Pouvez-vous donc, pour mémoire, nous expliquer pourquoi ce changement s'est produit avec le temps?

M. Peterson: Les représentants de sociétés seraient certainement mieux placés que moi pour répondre mais, d'après ce que j'ai compris, c'est le nationalisme économique qui motivait nos actions à l'époque. Nous nous inquiétions de voir certaines de nos grandes institutions passer aux mains d'étrangers et nous avons donc permis la mutualisation comme mesure de protection contre des prises de contrôle hostiles. Nous tenions à ce que nos principales institutions financières soient établies et contrôlées au Canada et aient leur siège social dans notre pays.

La situation a changé. À l'échelle planétaire, nous avons vu s'effondrer les obstacles à l'investissement et au transfert de capitaux. Dans l'intervalle, nous avons créé un secteur financier qui m'inspire une grande fierté. Les quatre sociétés d'assurances dont nous parlons ont très bien réussi, à tous points de vue. Plusieurs d'entre elles sont très bien établies sur les marchés étrangers, ce qui atteste de leur compétitivité. Je pourrais vous parler encore longtemps du secteur des services financiers canadiens, qui est probablement l'un de nos secteurs d'activité les plus dynamiques.

Mais, il faut reconnaître que les temps ont changé. Les sociétés veulent avoir accès au capital et, à l'heure actuelle, elles ne sont pas en mesure de prendre de l'expansion à l'étranger ou au Canada de la même façon que d'autres intervenants qui souhaitent effectuer des acquisitions, à savoir en utilisant le capital-actions. Nous voulons leur donner cette capacité. Du même coup, on envisage vraisemblablement un gain fortuit, auquel les souscripteurs ne s'attendaient pas, de l'ordre de 10 milliards de dollars. Il s'agit donc d'une situation heureuse qui profite à tous les intéressés.

Le sénateur Angus: C'est fort intéressant, monsieur le ministre. J'aime votre façon de discourir. Soit dit en passant, nous avons suivi la majorité de vos discours lorsque vous étiez président du comité des finances de l'autre endroit, surtout lorsque vous plaidiez en faveur d'une politique d'ouverture immédiate aux banques étrangères. Maintenant que vous êtes ministre, nous sommes impatients de savoir comment vous allez suivre votre propre avis. Avez-vous quelques paroles éloquentes pour nous à ce sujet?

M. Peterson: Jeudi, nous allons déposer un projet de loi qui concerne l'entrée au Canada de banques étrangères, et qui vise notamment le régime des succursales. Je sais que votre comité a mené une lutte sans répit à ce sujet et a également proposé des solutions très concrètes et valables par rapport au régime des banques étrangères. Vos efforts remontent au livre blanc d'il y a un peu plus de deux ans. Je les apprécie d'autant plus qu'ils se reflètent en bonne partie dans la mesure législative proposée.

À mesure que nous avançons, nous savons bien que, comme gouvernement, nous n'avons pas nécessairement réponse à tout. Ainsi, nous pouvons certainement bénéficier d'un processus de consultation franc et ouvert. Tout n'est pas coulé dans le béton. Nous vous invitons à participer au processus et à améliorer la mesure au cours des diverses étapes qui restent à parcourir.

Le sénateur Angus: Pour ce qui est du processus de démutualisation, je constate que l'on prévoit une série d'émissions initiales d'actions des quatre grandes sociétés. On a même déjà donné certains indices de l'ordre des émissions. J'aimerais comprendre pourquoi les émissions initiales d'actions ont été décalées. Compte tenu de la maturité et de la force des entreprises sur le marché mondial, est-il vraiment nécessaire d'avoir recours à un tel processus? En deuxième lieu, j'aimerais savoir qui a établi l'ordre des émissions.

M. Peterson: Aucun ordre n'a été proposé par le gouvernement, je vous l'assure. Ce serait plutôt les sociétés elles-mêmes qui l'auraient déterminé, bien que j'hésite à leur faire dire ce qu'elles n'ont pas dit. Je crois que le processus de démutualisation est plus avancé chez certaines. C'est tout à fait dans l'ordre des choses. Nous ne tentons pas d'imposer la démutualisation. Nous établissons tout simplement un cadre législatif qui permettra de le faire si les sociétés, ou les deux tiers de leurs actionnaires qui votent en personne ou par procuration, estimant qu'il est dans leur intérêt de le faire.

Le sénateur Angus: Est-ce tout ce que vous êtes disposé à dire en réponse aux deux volets de ma question?

M. Peterson: Nous n'avons ni imposé la démutualisation, ni imposé l'ordre dans lequel cela se ferait, le cas échéant. Les sociétés intéressées sont beaucoup plus au fait des difficultés que nous. N'oublions pas qu'il s'agit d'un régime tout à fait nouveau. Nous collaborons de près avec elles et d'autres intervenants pour que tout se déroule bien.

Il est déjà arrivé que des émissions initiales d'actions ne trouvent pas preneur. Nous savons fort bien que l'initiative va susciter beaucoup d'intérêt aux États-Unis. Puisque nos sociétés sont de plus petite taille, il se peut qu'elles souhaitent participer au marché le plus tôt possible. Nous voulons leur assurer une telle souplesse. La décision leur revient.

Le sénateur Angus: J'aimerais revenir sur les questions qu'a posées le sénateur Lynch-Staunton au sujet de l'établissement des prix. En effet, ce n'est pas clair dans mon esprit. Selon ce que j'ai compris de votre réponse au sujet des options d'achat d'actions aux cadres et de votre décision d'imposer un moratoire d'un an, vous avez semblé faire une distinction entre ces émissions initiales et d'autres pour ce qui est de l'établissement des prix. D'après ce que j'ai toujours compris -- et ce serait, me semble-t-il le cas ici -- lorsque de telles émissions sont offertes sur le marché, elles le sont par le truchement d'un syndicat de conseillers financiers très expérimentés qui, lorsqu'ils établiront le prix, ils le feront avec l'appui d'experts équitables.

Or, il me semble que les limites que vous envisagez dénotent un manque de confiance en ce processus, et qu'elles risquent d'entraîner un prix trop faible pour l'émission initiale, ce qui pourrait occasionner un gain fortuit. Je dois dire franchement que cela me paraît être un précédent dangereux du point de vue de la gestion des entreprises. Je sais à quel point la direction d'une société s'efforce d'assurer une émission d'actions qui soit opportune et équitable pour les actionnaires. Vous semblez presque manifesté un manque de confiance dans l'intégrité de gestionnaires qui sont fort compétents.

M. Peterson: Sénateur Angus, je comprends que vous puissiez réagir de la sorte. Cependant, rien n'est plus loin de la vérité pour ce qui est de notre confiance dans l'intégrité des personnes et des sociétés dont il est question.

Nous innovons ici. C'est le cas des sociétés qui passent d'un système de gestion assez fermé qui n'était pas astreint à la discipline du marché boursier, comme ce fut le cas pour bon nombre de pays et d'entreprises.

Le gouvernement lui aussi innove de concert avec vous pour savoir comment procéder. Nous passons d'un régime de propriété où les sociétés elles-mêmes constatent que des périodes d'ajustement seront nécessaires sur le plan des conditions de propriété et de la règle de 10 p. 100. Certains ont parlé d'une période d'au moins deux ans, allant peut-être même jusqu'à cinq ans, pour assurer l'adaptation aux nouvelles modalités de gestion d'une société par actions.

Nous nous sommes intéressés à ce qui s'est passé ailleurs. Dans certains cas, il n'y a eu aucune interdiction. Dans d'autres, elle a duré cinq ans. Le régime antérieur, établi depuis 1992, comportait une limite de trois ans. Nous avons été tiraillés par cette question. Il est tout à fait faux de prétendre que nous ne faisons pas confiance aux intéressés. Ce sont des gens honorables. Nous avons entretenu d'excellents rapports à base de concessions réciproques en nous efforçant ensemble de formuler le régime à l'étude.

Le sénateur Angus: Je comprends que vous le disiez officiellement, monsieur le ministre. En effet, selon une rumeur qui circulerait dans les conseils d'administration au Canada, vous auriez soudainement imposé cette limite parce que certaines personnes mal renseignées du milieu des médias ont laissé entendre que le processus pourrait mener à des abus.

Or, l'une des tâches les plus ardues aujourd'hui en matière de gestion d'entreprise consiste à formuler un régime de rémunération de la haute direction qui soit équitable. Aujourd'hui, la transparence est complète et les règles établies sont très sévères. Une limite d'un an est probablement acceptable. Les excellentes personnes dont vous venez de parler le comprendront. Cependant, aucune raison valable n'a été donnée, me semble-t-il, et, selon moi, on réagit ici de façon passablement timorée à des reportages malavisés des médias.

M. Peterson: Ce genre de décision n'est pas facile à prendre. En l'occurrence, nous n'avons certainement pas pris la décision pour éviter l'éventualité de manoeuvres douteuses.

Nous avons étudié ce qui s'est passé ailleurs en matière de démutualisation et nous avons constaté que la presse en faisait souvent grand cas au cours de la première année. Voilà ce qui a incité bon nombre d'autres gouvernements à envisager une forme quelconque d'interdiction. Certains groupes de défenseurs des droits des actionnaires nous ont certainement proposé l'interdiction pure et simple ou encore une interdiction de longue durée.

Je ne prétends pas que la décision a été facile. Je n'irai même pas jusqu'à affirmer quelle a nécessairement été la bonne. Nous l'avons prise, toutefois, en nous efforçant de tenir compte des aspects que je viens d'évoquer et en tentant d'éviter un certain nombre de problèmes que nous avons pu constater aux États-Unis, où des actions en justice ont retardé les démutualisations.

Nous avons effectué des consultations approfondies sur certaines questions du genre pour être mieux en mesure d'éviter certains problèmes éventuels et nous avons ainsi réussi à éviter un certain nombre de problèmes qui se sont posés aux États-Unis.

Le sénateur Kroft: Il n'y a aucun aspect particulier des propositions qui pose problème pour moi, aux fins de la présente discussion tout au moins. Cependant, j'aimerais savoir comment vous envisagez les prochaines étapes. Nous sommes tous impatients d'en discuter avec les représentants des sociétés.

Dans son examen des institutions financières, dont le rapport a été déposé avant Noël, notre comité s'est passablement intéressé, tout comme les responsables du rapport MacKay, à une concurrence et à des possibilités accrues, et à un secteur des services financiers plus expérimenté et plus vaste où les sociétés d'assurances pourraient jouer un rôle de premier plan. Nous avons recommandé trois ans sans possibilité de fusions. D'une façon plus générale, nous avons proposé d'interdire les transactions d'achats entre grandes sociétés d'assurances et grandes banques.

De toute évidence, nous estimions alors avec autant d'optimisme que de conviction que les grandes sociétés d'assurances pourraient jouer un rôle important au sein d'un secteur financier canadien élargi. J'aimerais savoir en quoi les questions à l'étude aujourd'hui correspondent à de telles recommandations. J'aimerais vous entendre nous en dire davantage à ce sujet.

Je ne comprends pas au juste comment on en est arrivé à déterminer la durée des interdictions. À mon avis, la réglementation n'est pas claire à ce sujet. La décision est-elle donc liée à une politique?

M. Peterson: Encore ici, c'est affaire de jugement. Il se peut que nous soyons dans l'erreur. Vous avez raison de dire que les membres de votre comité aussi bien que les auteurs du rapport MacKay ont recommandé d'interdire durant trois ans toute fusion des sociétés démutualisées dont il est question ici. Pour notre part, nous avons déclaré qu'il n'y aurait aucune fusion durant deux ans et que nous étudierions la question par la suite.

Pour ma part, j'estime que les dispositions relatives à la propriété de l'ensemble de notre secteur des services financiers sont vraisemblablement au nombre des questions les plus importantes sur lesquelles nous, parlementaires, allons devoir nous pencher au cours des prochaines années. Je n'estime pas que nous devrions nécessairement attendre deux ans avant d'amorcer l'examen de la question. Ce que nous décidons en matière de propriété et de possibilités d'acquisition aura un effet déterminant sur la structure de notre secteur des services financiers pour de longues années à venir.

Nos positions se rejoignent passablement. Il y a une différence d'un an, mais nous nous sommes engagés à étudier la question après deux ans. J'espère pour ma part que nous pourrons amorcer l'examen plus tôt.

Le sénateur Kroft: Toujours dans le domaine de la propriété, nous avons fait passer le pourcentage qui définit la participation multiple de 10 p. 100 à 20 p. 100, avec la possibilité d'aller jusqu'à 30 p. 100 dans le cas des actions participatives sans droit de vote. Il me semble que cela est extrêmement important pour les sociétés qui participent au processus que nous étudions aujourd'hui.

J'aimerais être sûr d'avoir bien compris. Êtes-vous en train de dire en parlant de l'examen après deux ans que ces questions de propriété et de transactions permises ou non permises entre sociétés seront effectivement à l'étude? Et je crois vous avoir entendu dire que vous préféreriez que ce soit plus tôt que plus tard.

Si notre comité est logique avec ses déclarations ou propositions antérieures, tous ces aspects doivent donc être considérés et nous devons profiter de la période pour examiner toute la gamme des questions.

M. Peterson: Votre commentaire, sénateur, est on ne peut plus pertinent. Comme gouvernement, nous devons réagir au rapport MacKay. Grâce au travail de votre comité et de celui de l'autre Chambre, nous allons étudier la question de la propriété. Cette question est de la plus haute importance, elle se pose constamment et, vraisemblablement, c'est celle qui est la plus difficile à résoudre.

Par conséquent, les conseils que vous continuez de nous fournir à cet égard vont nous être importants.

Nous avons pris bonne note de votre proposition d'assouplir la règle des 10 p. 100 dans certaines situations, notamment pour tenir compte du besoin de nos sociétés et nos institutions de se servir de leurs titres pour acquérir d'autres sociétés, ou peut-être de participer à l'étranger à des coentreprises. Voilà des aspects qui sont à l'étude en ce moment et qui n'ont pas fini, j'en suis certain, de faire couler beaucoup d'encre.

Le sénateur Meighen: Le sénateur Kroft a posé la question que je voulais poser au sujet de la règle de 20 p. 100. Cependant, monsieur le ministre, je tiens à dire que j'appuie sans réserve la proposition. J'espère que vous allez envisager sérieusement, en temps opportun, l'idée de passer à 20 p. 100, et même peut-être à 30 p. 100 pour les actions sans droit de vote. Cela comporte d'immenses avantages, me semble-t-il. Ce n'est peut-être pas la solution à tous nos maux, mais c'est une porte ouverte vers des possibilités nouvelles et différentes. Je me réjouis de vous entendre dire que la proposition fera l'objet d'un examen sérieux.

C'est peut-être à M. Thompson ou à quelqu'un d'autre du BISF que je devrais poser ma question suivante. Le cadre de réglementation changera-t-il, selon vous, lorsque la démutualisation aura eu lieu? Dans l'optique de la réglementation, la réalité aura-t-elle changé ou demeurera-t-elle plutôt la même? Après tout, les actionnaires veulent que leurs actions offrent un bon rendement et les souscripteurs tiennent essentiellement à ce que leur police donne de bons résultats.

Donc, à titre d'organisme de réglementation, envisagez-vous une difficulté quelconque? Le BSIF devra-t-il réglementer autrement?

M. John R. Thompson, surintendant adjoint, Réglementation, Bureau du surintendant des institutions financières du Canada: Permettez-moi de répondre, sénateur, en signalant que le rôle principal qui est le nôtre au terme de notre mandat consiste à faire porter notre attention sur les droits et les prestations des souscripteurs dans le cas de sociétés d'assurance-vie. Nous exerçons nos responsabilités aussi bien pour des sociétés mutuelles que pour des sociétés par actions et, jusqu'à maintenant, nous n'avons constaté aucun conflit important entre les droits des actionnaires et des souscripteurs. Il s'agit, d'après nous, de deux réalités fort différentes. Aussi bien pour les sociétés mutuelles que pour les sociétés par actions, nous sommes en mesure d'effectuer notre travail en mettant l'accent sur l'intérêt des souscripteurs.

Bref, donc, je ne vois pas vraiment de différence importante entre nos activités de surveillance après la démutualisation et celles que nous aurions exercées s'il s'était agi de sociétés mutuelles.

Le sénateur Meighen: Vous avez certainement communiqué avec vos homologues d'autres pays pour bénéficier de leur expérience en matière de démutualisation. Quels sont donc, selon vous, les aspects qu'il faudra surveiller de plus près au cours du processus de démutualisation? Autrement dit, quelles difficultés a-t-on constatées, le cas échéant, dans d'autres pays?

M. Thompson: Je ne peux pas vous dire ce qui a mal tourné dans les autres pays. Cependant je peux vous dire que nous tenons à nous assurer qu'au cours de la démutualisation, les souscripteurs qui voteront sur la démutualisation même reçoivent autant d'information que possible, énoncée aussi clairement que possible afin qu'ils puissent décider en connaissance de cause si la démutualisation est dans leur intérêt. Nous tenons également à nous assurer que l'information les encourage à participer le plus possible au processus.

Lorsque nous examinons la documentation, nous mettons surtout l'accent sur la portée de l'information fournie et la clarté du langage utilisé pour décrire les transactions.

M. Peterson: Sénateur, j'aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez. L'un des graves problèmes que nous avons constatés dans le cadre des démutualisations étrangères, c'est qu'elles utilisaient des sociétés mutuelles de porte-feuille. Un autre problème c'est qu'au lieu de donner des actions proprement dites à leurs souscripteurs, elles leur donnaient simplement des droits de souscription; par conséquent les souscripteurs, que nous considérons comme les véritables propriétaires des sociétés mutuelles, n'étaient pas ceux qui en retiraient les avantages. Cela a donné lieu à un certain nombre de poursuites devant les tribunaux et c'est l'une des grandes leçons que nous avons apprises. C'est la raison pour laquelle nous autorisons les sociétés de porte-feuille, mais uniquement celles qui sont constituées en tant que sociétés d'assurances et sont réglementées en tant que telles, afin de protéger la stabilité et la solidité de l'institution.

Le sénateur Meighen: Si je comprends, monsieur Thompson, votre rôle consiste à proposer, encourager et aider les sociétés en voie de démutualisation à communiquer avec clarté tous les renseignements voulus. Est-ce exact?

M. Thompson: Oui, et en fait à approuver les documents transmis aux souscripteurs.

Le sénateur Thompson: Vous n'émettrez aucun document ou ne ferez pas de déclarations vous-même, n'est-ce pas?

M. Thompson: Non.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Peterson, recevez-vous des lettres de souscripteurs chez qui ce projet de loi soulève de grandes préoccupations?

M. Peterson: Depuis que nous l'avons déposé le 30 novembre, je crois que nous avons reçu quatre ou cinq lettres. J'ai lu des lettres de souscripteurs qui ont soulevé les questions dont nous avons traité dans le projet de loi. J'ai également lu des lettres dont les auteurs se sont plaints de certaines pratiques passées de sociétés d'assurances, dont certaines sont en train de faire l'objet de poursuites.

Il ne fait aucun doute que certains souscripteurs s'opposeront carrément à la démutualisation car, même si nous considérons qu'elle peut être avantageuse pour eux et les sociétés, les voix obtenues ailleurs n'étaient jamais unanimes; 90 à 95 p. 100 étaient favorables à la démutualisation. Cependant, à cause de la transparence du processus qui a débuté en juin 1996, dans le cadre duquel nous avons mis cartes sur table et sollicité l'avis du public, je pense que nous avons beaucoup profité de ce type de commentaires et que nous avons réussi à répondre aux préoccupations qui nous ont été communiquées.

Le sénateur Kenny: Je ne peux pas croire que je représente 25 p. 100 du courrier du ministre.

M. Peterson: C'était 49 p. 100. Le reste concernait les taxes sur les cigarettes.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que les quatre lettres que vous avez reçues exprimaient la même préoccupation?

M. Charles Seeto, directeur, Division du secteur financier, ministère des Finances: L'une des sociétés a indiqué à ses souscripteurs qu'en cas de problème, ils devraient écrire au gouvernement. Certaines des lettres indiquaient: «Nous tenons simplement à nous assurer que la structure appropriée est en place pour protéger le souscripteur.» C'est ce que nous estimons avoir fait dans le cadre de nos propositions. Ce qui les préoccupait, c'était la protection du souscripteur, et je crois que nous y avons donné suite grâce au régime que nous proposons.

Le sénateur Oliver: Ce projet de loi soulève uniquement cinq ou six grandes questions juridiques. La plupart des sujets ont déjà été abordés par divers sénateurs. J'aimerais simplement revenir sur certaines des questions auxquelles vous avez répondu afin d'obtenir un peu plus de précisions.

J'avais cinq questions en tête, mais je n'en poserai que deux, et elles concernent deux aspects soulevés par mon chef, le sénateur John Lynch-Staunton, et pour lesquelles je n'ai pas trouvé l'explication que vous avez donnée vraiment satisfaisante.

La première question traite des dispositions de récupération en ce qui concerne le SRG, la sécurité de vieillesse, le crédit d'impôt pour enfants et d'autres programmes de prestations fondées sur un examen du revenu, et leurs répercussions sur les souscripteurs. Dans votre exposé, monsieur le ministre, vous avez insisté sur la protection des souscripteurs.

Qu'en est-il de ces pauvres souscripteurs qui sont visés par des programmes de prestations fondés sur un examen du revenu dans les provinces et qui, une fois qu'ils obtiennent ces actions, se trouvent dans une nouvelle tranche de revenu? Comment les protégerez-vous de ces très graves conséquences financières? Quelles mesures prendrez-vous à cet égard?

M. Peterson: Vous soulevez une question très importante qui nous a beaucoup préoccupés. Les souscripteurs recevront en moyenne 5 000 dollars, mais nous savons qu'en réalité les montants peuvent varier et dans certains cas être très faibles et dans d'autres considérables. En ce qui concerne leur passage à une autre tranche d'impôt, nous avons, comme vous le savez, trois tranches d'imposition dans le cadre de l'impôt fédéral sur le revenu. Pour un revenu de près de 30 000 dollars, le taux d'imposition est établi à 17 p. 100 Pour les revenus jusqu'à concurrence de 60 000 dollars, le taux d'imposition est établi à 26 p. 100. Pour les revenus supérieurs à 60 000 dollars, le taux d'impôt est de 29 p. 100. Quant à savoir s'il s'agit de taux spoliateurs ou déterminer si nos taux d'imposition sont trop élevés, c'est certainement sujet à discussion.

Prenons l'exemple d'un contribuable qui après avoir reçu une prestation de 5 000 dollars se trouve à passer dans une tranche d'imposition plus élevée c'est-à-dire supérieure à 60 000 dollars. Seul le revenu différentiel serait imposé à ce taux plus élevé. Tout revenu inférieur à 60 000 dollars serait imposé au taux fédéral plus bas. Donc, nous ne créons pas de régime particulier dans le cas d'un avantage résultant d'une démutualisation ou d'un gain en capital qui pourrait en découler.

Le sénateur Oliver: Cela ne me semble pas très juste. Ce n'est pas un traitement équitable.

M. Peterson: Des gens raisonnables seront peut être d'un avis différent. Si je me trouvais dans la tranche d'imposition de 60 000 dollars et que je recevais un bonus de 5 000 dollars de mon employeur, il serait imposé à un taux plus élevé que le revenu inférieur à 60 000 dollars. C'est un phénomène qui s'applique à un système d'impôt sur le revenu progressif.

Je pose la question suivante aux honorables sénateurs: si l'on reçoit ce type d'avantage découlant de la démutualisation, qu'il s'agisse d'un avantage en espèces ou un gain en capital ou quoi que ce soit d'autre, devrait-on avoir droit à un traitement particulier?

Le sénateur Oliver: Qu'ont fait d'autres pays comme l'Australie par exemple?

M. Peterson: L'Australie a opté pour l'évaluation au prix de revient en ce qui concerne les gains en capital, ce que n'ont fait ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni. Nous adoptons la formule de ces deux pays en considérant que les actions dont un souscripteur devient acquéreur par suite de la démutualisation ne seront pas évaluées au prix de revient.

Si nous examinons ce qui s'est passé dans le cadre de la démutualisation, nous constatons que des sociétés mutuelles existent depuis près de cent ans. Qui a contribué à ce surplus? Est-ce que ce sont les souscripteurs actuels ou tous les souscripteurs depuis le début?

Quand mes avantages en tant que souscripteur d'une société mutuelle se cristallisent-ils? C'est en cas de décès. Nous avons créé un nouveau phénomène: Je ne peux pas négocier ces actions aujourd'hui, s'il n'y a pas démutualisation; je ne peux pas en réaliser la valeur. J'ai versé mes primes à cette société en fonction de la protection que j'obtenais dans l'industrie de l'assurance populaire, et le flux de revenu prévu. C'est pourquoi j'ai de la difficulté à affirmer que le souscripteur a fourni une contribution qui devrait réduire tout gain en capital éventuel, mais que ce gain ne se réalisera que lorsque le souscripteur en question vendra l'action qui lui a été remise.

Vous avez tout à fait raison: la formule adoptée par différents pays varie. L'Australie a opté pour une formule et de notre côté nous en avons choisie une autre.

Le sénateur Oliver: Ma deuxième question porte sur les exigences de vote concernant la démutualisation -- et j'en ai parlé au Sénat. Il me semble que, par exemple, si seulement 30 000 souscripteurs votent, il ne s'agit absolument pas d'une représentation équitable.

J'ai entendu la réponse que vous avez donnée à mon collègue sur cette question. D'une part, vous dites vouloir vous assurer que les souscripteurs sont entièrement protégés mais d'autre part vous ne ferez rien quant au nombre de souscripteurs qui doivent voter avant qu'une approbation soit donnée. Il me semble qu'en tant que ministre, vous devriez faire plus pour vous assurer que le vote est plus représentatif.

M. Peterson: De préférence, j'aimerais que la totalité des souscripteurs votent. Les honorables sénateurs ici présents ont eu beaucoup plus d'expérience que moi en ce qui concerne la question de la gestion générale des entreprises et l'opportunité d'exiger dans le cas de toutes les sociétés et pas seulement celles qui se démutualisent, qu'un certain pourcentage des actionnaires doivent voter pour qu'une décision s'ensuive.

C'est peut-être une obligation qui devrait s'appliquer non seulement aux sociétés qui se démutualisent mais à toutes les sociétés qui relèvent de notre compétence. Devrions-nous prévoir une exception particulière ici aux règles générales de gestion des entreprises, lorsque nous ignorons en fait le nombre de gens qui voteront? D'après l'expérience d'autres pays, nous savons que le taux de participation se situe entre 10 p. 100 et 15 p. 100. C'est très faible et cela nous préoccupe.

Le sénateur Oliver: Qu'entendez-vous faire à cet égard?

M. Peterson: Nous exigerons dans les rapports destinés aux actionnaires que la société indique les mesures qu'elle prend pour encourager un plus grand nombre d'actionnaires non seulement à s'informer mais à exercer leur droit de vote.

Nous avons facilité le vote parce que nous avons modifié la façon dont on traitera les fondés de pouvoir. Nous avons rendu les choses plus faciles à cet égard. Vous n'avez pas à nommer les membres de la direction; vous pouvez simplement indiquer dans votre vote par procuration si vous êtes pour ou contre la question.

À moins qu'une décision ne soit prise ultérieurement en ce qui concerne la gestion générale des sociétés, peut-être par votre comité sénatorial, nous estimons que la meilleure façon de donner suite à cette question est de donner plus d'autorité aux souscripteurs en les renseignant. Cela signifie examiner de près l'information qui leur est transmise afin de s'assurer que les sociétés communiquent de façon adéquate avec leurs souscripteurs et que les souscripteurs sont mis au courant des questions qui les intéressent. Je trouve encourageant de constater qu'un nombre de sociétés ont déjà pris des mesures pour tâcher d'informer leurs souscripteurs.

Le sénateur Oliver: Voulez-vous dire les pages Web?

M. Peterson: Les pages Web ne seront efficaces que pour ceux qui ont accès à l'Internet. Je parle des assemblées de souscripteurs d'un bout à l'autre du pays. Deux sociétés ont tenu en tout 18 réunions avec environ 200 personnes qui se sont présentées à chaque réunion. Cela représente peut-être seulement 3 600 souscripteurs canadiens sur deux millions.

Le sénateur Oliver: Le rapport d'un bureau de lobbyiste préparé pour l'une des sociétés, indiquait en novembre que 45 p. 100 des souscripteurs sondés n'avaient pas encore entendu parler de démutualisation.

M. Peterson: Comment faut-il procéder? Si vous faisiez un sondage auprès des électeurs que je représente depuis une quinzaine d'années, probablement 45 p. 100 d'entre eux ne connaîtraient pas mon nom. Comment pouvons-nous surmonter ce genre de difficultés sauf en nous mettant en quatre pour que cette information leur parvienne? S'ils ne lisent pas l'information qui arrive chez eux, comment allons-nous faire? Nous devrions peut-être envoyer les PDG frapper à la porte de tous ces gens. C'est effectivement un problème.

Peut-être avez-vous des propositions à faire à l'intention des sociétés pour les aider à cet égard. Je me ferais un plaisir d'en prendre connaissance.

Le sénateur Oliver: Que penseriez-vous d'un quorum?

M. Peterson: Quel serait le quorum, sénateur? Cinquante pour cent?

Le sénateur Stewart: Au Sénat, c'est 15 p. 100.

Le sénateur Oliver: Je suis simplement avocat. Je me contente de poser des questions.

M. Peterson: Nous sommes tous des législateurs ici. Nous travaillons tous en collaboration pour tâcher d'accomplir ce que vous souhaitez accomplir.

Le sénateur Oliver: Tout ce que je veux, c'est un traitement équitable pour les souscripteurs.

M. Peterson: C'est ce que nous voulons. Le comité propose-t-il que nous devrions imposer un quorum de, disons, 50 p. 100?

Le sénateur Stewart: Prenons le quorum du Sénat, qui est de 15 sur 100. Nous prenons des décisions sur toutes sortes de sujets.

Le président: Sur ce, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier ainsi que vos collaborateurs de vous être joint à nous ce matin. Je suis désolé que cela ait pris tant de temps mais vos commentaires nous ont été très utiles.

Chers collègues, nous accueillons maintenant ce matin notre dernière série de témoins. Il s'agit d'un groupe de quatre PDG des quatre plus grandes sociétés mutuelles d'assurance-vie au Canada, qui ont toutes déjà dit publiquement vouloir que la démutualisation se fasse assez rapidement.

Nous entendrons maintenant M. Astley, le PDG du Groupe La Mutuelle; M. D'Alessandro, le PDG de Manuvie; M. Nield, le PDG de Canada-Vie; et M. Don Stewart le PDG de Sun Life.

Vous avez la parole.

M. Robert Astley, chef de la direction, Groupe La Mutuelle: Honorables sénateurs, nous avons tous les quatre de brèves déclarations et nous procéderons par ordre alphabétique. Nous vous remercions beaucoup de cette occasion de prendre la parole devant le comité sénatorial des banques sur cette importante question.

Au nom du Groupe La Mutuelle, j'aimerais dire que j'ai eu le plaisir de prendre la parole devant ce comité par le passé, tout récemment à Toronto en novembre lorsque le comité des banques étudiait le rapport du groupe de travail MacKay. À ce moment-là, j'avais parlé de l'appui par le groupe de travail de la démutualisation et des avantages particuliers que cela représentait pour ma société et surtout pour ses 900 000 souscripteurs canadiens.

Des événements importants en ce qui concerne la démutualisation se sont produits depuis ma dernière comparution. Comme vous le savez, avant Noël, les règlements définitifs ont été communiqués et le projet de loi C-59 a été présenté et adopté à la Chambre des communes. Le projet de loi et les règlements qui l'accompagnent sont le résultat de nombreux mois de consultation entre le gouvernement, l'industrie et les souscripteurs.

C'est un très bon texte de loi. Le cadre réglementaire qui entrera en vigueur est un modèle pour le reste du monde en ce qui concerne la protection des souscripteurs, comme en témoigne d'ailleurs la lettre déposée par le ministre ce matin, émanant d'un administrateur de New York. C'est un modèle parce que cette mesure protège le souscripteur et fournit aux sociétés une souplesse accrue et un meilleur accès aux capitaux. Je crois que les législateurs canadiens peuvent tirer une grande fierté de cette réalisation.

Le comité sénatorial des banques a fait preuve d'un très grand leadership et d'une très grande vision dans l'appui de longue date qu'il accorde à la démutualisation, appui qui remonte à 1992. Vous avez exprimé de façon éloquente cet appui dans votre rapport de décembre en réponse à l'étude du groupe de travail MacKay.

Votre comité a indiqué que la démutualisation était dans l'intérêt des quelque 2 millions de souscripteurs des quatre sociétés, ayant droit à des actions dans les nouvelles sociétés démutualisées. J'abonde entièrement dans ce sens.

En novembre dernier, j'avais pressé le gouvernement d'adopter la loi habilitante et de promulguer les règlements définitifs le plus tôt possible. Aujourd'hui, je tiens à insister encore sur cet aspect.

Nous tenons à distribuer la pleine valeur de la société à nos propriétaires actuels, nos 900 000 souscripteurs admissibles au Canada. De plus, les quatre sociétés bénéficieraient d'une entrée méthodique sur le marché qui risque de devenir encombré dans un avenir peu lointain, surtout avec l'arrivée de grosses sociétés américaines.

Monsieur le président, je sais que lors du témoignage précédent on avait demandé qui décidait de l'ordre. Je tiens à assurer aux honorables sénateurs qu'aucun ordre n'a été établi. Il s'agit d'une entreprise nettement commerciale. L'état de préparation des sociétés peut varier; cependant, je peux vous dire sans hésitation qu'il n'y a eu aucune collusion ni entente quant à celle qui sera la première, la deuxième, la troisième ou la quatrième. Il s'agira d'un choix commercial et d'un résultat commercial.

Bref, j'invite les sénateurs à adopter rapidement le projet de loi C-59.

Monsieur le président, voilà ce que je voulais dire pour commencer et je laisserais maintenant la parole à mon collègue.

M. Dominic D'Alessandro, président-directeur général, Manuvie: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. J'ai eu la possibilité de m'adresser à vous au sujet de la démutualisation et je suis heureux de pouvoir maintenant participer à ce processus consultatif important.

Les Canadiens peuvent être fiers que leur système financier soit solide et compétitif et avantageux pour ses clients. Nous avons une structure de réglementation financière ferme et efficace qui a joué un rôle critique dans le développement de notre système financier au Canada. C'est dans ce contexte que l'on présente ce projet de démutualisation.

Comme vous l'a dit mon collègue, nous estimons que ce projet de loi est exhaustif et bien équilibré et répond de ce fait aux besoins de toutes les parties. Il offre une bonne protection aux souscripteurs tout en donnant aux compagnies qui se démutualisent la possibilité de moderniser la structure de leur capital social dans le contexte d'un environnement plus compétitif et en rapide évolution.

Les souscripteurs devraient sensiblement profiter de la démutualisation. Ils recevront des parts de capital ou du comptant représentant 100 p. 100 de la valeur des sociétés. On estime que la part canadienne de cette répartition représentera 10 milliards de dollars que se partageront 2 millions de Canadiens.

Nous nous sommes engagés à ce que nos souscripteurs puissent maximiser la valeur des actions qu'ils recevront lors de la démutualisation. Les protections dont ils jouissent aux termes des dispositions du projet de loi y contribueront. Toutefois, le choix du moment est l'élément critique.

Il serait désolant de ne pas profiter des marchés de capitaux en pleine effervescence que nous connaissons actuellement. D'autre part, les quatre sociétés ont des schémas chronologiques différents qui leur permettront de répartir les actions successivement et de façon ordonnée. Des retards pourraient mener à une situation où toutes ces sociétés iraient sur le marché à peu près au même moment. Cela créerait une offre excédentaire d'actions de sociétés d'assurances et diminuerait la valeur marchande initiale des actions des souscripteurs.

Cet engorgement pourrait être encore aggravé par une société telle que Manuvie qui a d'énormes souscripteurs non canadiens au cas où les démutualisations canadiennes soient retardées jusqu'à l'année prochaine alors qu'un nombre très important de sociétés américaines bien connues iront aussi sur le marché.

De point de vue des sociétés, la démutualisation améliorera notre position concurrentielle en nous mettant sur un pied d'égalité avec d'autres institutions financières nationales et internationales. Notre structure de capital démodé nous empêche actuellement de profiter des possibilités de croissance. Il est impérieux que nous puissions disposer de tout l'éventail d'options qui s'offrent à nombre de nos concurrents.

La démutualisation nous donnera la possibilité de devenir une entreprise de service financier canadienne de classe internationale. C'est mon objectif pour Manuvie. J'espère que vous conviendrez avec moi que c'est un objectif qui mérite d'être poursuivi.

Monsieur le président, depuis des années, le comité sénatorial des banques apporte une contribution fondamentale à l'élaboration de la politique canadienne. Je suis heureux de pouvoir participer à ces délibérations sur des questions tellement importantes pour notre secteur et j'espère pouvoir répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

M. David A. Nield, président, président du conseil et chef de la direction, La Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie: Honorables sénateurs, je tiens à remercier le comité de m'avoir donner cette occasion importante de participer à ses délibérations sur le projet de loi C-59 modifiant la loi sur les sociétés d'assurances.

En novembre dernier, j'ai déjà pris la parole devant votre comité à propos du rapport MacKay. Certaines de mes observations portaient sur la démutualisation. Toutefois, j'ai ce matin la possibilité de préciser mon point de vue à ce sujet.

J'aborderai deux points: tout d'abord, le projet de loi lui-même et l'ébauche des règlements que vous examinez, deuxièmement, l'importance de la démutualisation pour toutes les parties prenantes, souscripteurs, sociétés d'assurances et l'économie canadienne.

Comme vous le savez, le projet de loi et les règlements en question sont le résultat ou l'aboutissement d'un effort important de beaucoup de monde sous l'initiative du ministère fédéral des Finances.

Les quatre grandes sociétés mutuelles canadiennes ont oeuvré en étroite collaboration avec le ministère pour mettre au point un cadre de démutualisation qui vise, avant tout, à protéger les intérêts des souscripteurs. Nos points de vue ont été accueillis avec courtoisie et ont chaque fois été soigneusement délibérés et je suis certain que la participation d'autres groupes et notamment de certains souscripteurs a été reçue de la même façon.

Le résultat est un cadre législatif de démutualisation qui sera vraisemblablement unique au monde. Il garantit pratiquement que les souscripteurs admissibles bénéficieront pleinement de cette démutualisation en réalisant la valeur totale de la société lorsque les actions seront réparties et que tous les avantages et dividendes attendus seront protégés. Nous sommes tout à fait favorables à l'objectif de ce projet de loi et de ses règlements et vous invitons instamment à les adopter rapidement.

La démutualisation est un événement rare en un sens que tous les intéressés vont en profiter, notamment les souscripteurs ayant droit de vote, la société elle-même et l'économie canadienne. Les prestations, primes et dividendes attendus ne changent pas du fait de la démutualisation. Toutefois, ils en profitent en obtenant sous forme d'actions de la société, une répartition unique de tout l'excédant de la société. Dans le cas de la Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie, cela représente une moyenne de plus de 7 000 $ par souscripteur si notre titre est vendu à sa valeur comptable. Les actions sont imprévisibles mais nous espérons, si le marché ne change pas sensiblement, qu'elles vont dépasser leur valeur comptable. Elles seront cotées à la bourse de Toronto et de Montréal et pourront être entièrement encaissables à la date d'émission. La répartition des actions de notre compagnie à elle seule mettra plus de l milliard de dollars entre les mains des Canadiens. Quant on ajoute celles de nos concurrents, cela atteint des proportions jamais vues au Canada, ce qui ne manquera qu'avoir un effet très positif sur l'économie.

L'Australie a récemment procédé à des démutualisations similaires de ses grandes sociétés d'assurance mutuelle et une étude financée par le gouvernement australien a révélé que les avantages économiques de la démutualisation ont été bien supérieurs à ce que l'on avait prévu.

Certes, notre société en profitera aussi. La nouvelle structure de notre capital nous donnera accès aux marchés de capitaux dans des proportions que nous n'avons jamais connues jusqu'ici. Cela nous permet de nous développer, de nous diversifier et de faire des acquisitions de façon à nous doter des dimensions et des franchises qui ont une telle importance aujourd'hui.

Sans être une compagnie ouverte, je ne pense pas que nous pourrions mettre pleinement en oeuvre notre plan stratégique ni réaliser la valeur totale pour nos souscripteurs. Nous espérons mener à bien notre démutualisation en 1999. Pour cela, il est indispensable que ce projet de loi soit adopté rapidement. Les organismes de réglementation et les marchés de capitaux doivent préparer la mise en application de ces nouvelles dispositions pour toutes les sociétés si l'on veut que les choses se fassent méthodiquement.

Je vous remercie encore de l'intérêt que vous manifestez à la question et de m'avoir permis d'être parmi vous aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Nield. Monsieur Stewart, vous avez la parole.

M. Don Stewart, président-directeur général, Compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada: Honorables sénateurs, étant le dernier à m'adresser à vous ce matin, j'ai pensé que je ferai mieux d'être bref. Toutefois, je ne voudrais pas que l'on croit pour autant que je ne suis pas pleinement en faveur du projet de loi C-59.

C'est avec plaisir que je saisis cette deuxième occasion de comparaître devant vous pour le compte de la compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada. Cette société appuie le projet de loi C-59 qu'elle juge être un cadre approprié, raisonnable et applicable pour transformer de grandes sociétés mutuelles canadiennes en sociétés par actions.

Tout comme mes collègues, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Stewart. Nous entendrons d'abord le sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, merci. Bienvenue messieurs. Peut-être devrais-je d'abord révéler que je suis un ancien employé de Sun Life. J'ai quitté cette compagnie en 1970 et je crois que la Loi sur la prescription n'a plus d'effet depuis longtemps.

Le sénateur Angus: Vous restez ouvert à certaines options.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais je ne suis pas souscripteur. Je m'y suis bien plu. J'étais au service d'investissements et si la direction de l'époque n'avait pas été si ouverte, à une époque où il était assez inhabituel pour quelqu'un qui appartenait à une société plutôt conservatrice de se lancer en politique, je ne serais pas entré en politique municipale, ce qui signifie que je ne serais peut-être pas ici aujourd'hui en votre agréable compagnie. C'est donc un plaisir très personnel pour moi, même si cette rencontre est brève, puisque c'est votre société qui m'a donné mon premier véritable emploi.

J'aimerais savoir combien il y a de souscripteurs admissibles en dehors du Canada et dans combien de pays ils se trouvent.

M. Stewart: Nous avons juste au-dessus d'un million de souscripteurs admissibles au total à Sun Life. Ils se répartissent comme suit: 400 000 au Canada; 230 000 au Royaume-Uni; 210 000 aux Philippines; 160 000 aux États-Unis; 50 000 à Hong Kong et encore quelque 20 000 qui se répartissent essentiellement en Irlande, aux Bermudes et à Malte.

M. Nield: À Canada sur la vie, nous sommes encore en train de compter parce qu'il y a une différence entre souscripteurs et polices. Je n'ai pas le chiffre précis mais 55 p. 100 des souscripteurs que nous avons seraient Canadiens, 18 p. 100 viendraient des États-Unis, 18 p. 100 du Royaume-Uni et 9 p. 100 de la République d'Irlande.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les deux autres n'ont pas besoin de répondre. Je voulais simplement me faire confirmer qu'il y a des souscripteurs dans le monde entier qui vont pouvoir bénéficier de cette offre.

Cela m'amène à la question que j'ai posée au ministre: pouvez-vous garantir que, quelle que soit l'offre finalement conclue, elle s'appliquera à tous les souscripteurs, où qu'ils résident, même si vous tombez sur un État qui voudrait faire ajouter un petit adoucisseur ou faire retirer quelque chose et sans l'approbation de qui toute l'affaire tomberait ou pouvez-vous au contraire faire une offre qui ne s'adresser qu'à certains souscripteurs ou à la majorité de vos souscripteurs, s'il y a certains États qui ne sont pas prêts à accepter les conditions que vous avez adoptées? Autrement dit, lorsque l'offre est faite, s'applique-t-elle à tous les souscripteurs, ou qu'ils résident, et les conditions sont-elles les mêmes pour tous?

M. D'Alessandro: C'est certainement là l'intention. Jusqu'ici, l'idée est que les principes qui ont mené à la détermination des valeurs, soient maintenus pour les différents souscripteurs et que les mêmes formules soient utilisées de façon universelle dans le monde. Dans le cas de Manuvie, rien ne semble indiquer que nous n'y parviendrons pas. Il paraît que les règles qui seront arrêtées seront soumises à des experts. Chacun des États retiendra ses propres conseillers qui lui diront si la part de gâteau que l'on est en train de lui distribuer est juste et raisonnable et a été déterminée de façon appropriée.

Jusqu'ici, nous n'avons pas lieu de croire qu'il sera nécessaire de parfaire le système au fur et à mesure.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous dites que l'intention est de faire telle ou telle chose, mais est-ce là un engagement?

M. D'Alessandro: Prenons un scénario dans lequel, par exemple, les législateurs de Hong Kong décident: «Non, nous ne croyons pas que vous dussiez utiliser une formule des quatre facteurs pour répartir ces valeurs entre les résidents de notre pays. Nous pensons que vous devriez avoir recours à une formule des trois facteurs». Qu'est ce que cela signifierait-il? Cela signifierait que le morceau de gâteau qui leur revient ne changera pas mais que la répartition de ce gâteau au sein de cet État pourrait être le résultat de quatre coupes différentes, conformément à la loi de ce pays.

C'est très hypothétique. Si cela devait être adopté, aurions-nous violé le principe selon lequel les droits de tous doivent être calculés exactement de la même façon? Légèrement, en effet. Nous aurions calculé les droits dans chaque entité géographique exactement de la même façon, puis, dans chacun de ces états, nous devrions accepter la loi en vigueur dans l'État.

Le sénateur Lynch-Staunton: Supposons que l'un de ces États n'apprécie pas votre publicité.

M. D'Alessandro: Tout est approuvé à l'avance.

Le sénateur Lynch-Staunton: Supposons que ce ne le soit pas. Si je pose la question, c'est parce qu'il me semble qu'il s'agit là d'un exercice extrêmement complexe et que vous espérez que tout sera terminé dans les plus brefs délais. En fait, on nous a pressé d'adopter ce projet de loi en décembre sans même l'examiner; cela doit donc être encore très urgent. Le ministre a déclaré que l'automne n'était pas un bon moment pour mettre des actions en vente, je suppose donc que vous voudrez le faire cet été.

Cela signifie-t-il que tous les États concernés ont vu, accepté et approuvé la documentation qui, en ma connaissance, n'est pas disponible ici?

M. D'Alessandro: Non, nous avons entrepris des discussions alors que nous nous préparions à cette démutualisation.

En fait, chers collègues, n'hésitez pas à donner votre avis.

Au cours de processus de démutualisation, nous ne sommes pas restés à rien faire, parce que la loi faisait son chemin au Parlement. Nous avons entamé des discussions, par exemple, pour préciser le type de pratiques de comptabilité qui serait acceptable et le genre de conditions d'inscription à la bourse applicables selon les pays.

Il y a donc eu beaucoup de discussions. Nos sociétés sont bien connues et ont une très bonne réputation dans chacun des pays ou nous distribuerons des actions. Dans le cas de Manuvie, nous sommes très chaleureusement accueillis. On est tout à fait favorable à cela. Les pays estiment que c'est très positif pour leurs citoyens.

Le sénateur Lynch-Staunton: Lorsque les sociétés feront leur première offre publique, s'adresseront-elles seulement aux souscripteurs ou profiteront-elles de cette première offre pour offrir des actions à des souscripteurs non admissibles?

M. Astley: Sénateurs, on s'attend à ce que chacune des sociétés fasse une offre à des actionnaires institutionnels à peu près au même moment afin d'aider à susciter un marché animé qui profite à tous.

Pour ma société, lorsque les souscripteurs seront invités à voter sur la démutualisation, on leur demandera aussi d'indiquer s'ils souhaitent ou non recevoir les actions ou la valeur équivalente en espèces. Ceux qui choisiront l'espèce recevront en fait cet argent des actionnaires de l'extérieur, non pas directement mais par l'intermédiaire de la société.

Dans ce processus, les souscripteurs seront les principaux actionnaires après la démutualisation qui représenteront probablement de 75 à 85 p. 100 du total des actions. Le reste sera pris par les nouveaux actionnaires institutionnels qui sont venus aider les souscripteurs souhaitant cette valeur en espèces. Cela aidera aussi à mettre de l'ordre dans le marché. C'est là le processus qu'envisage ma société.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les souscripteurs seront-ils admis à acheter d'autres chairs au moment de l'offre publique, en même temps que les investisseurs institutionnels ou seront-ils limités aux actions ou à l'espèce auxquelles ils ont droit au départ?

M. Astley: Chaque société pourra faire les choses différemment, selon qu'elle souhaite ou non trouver du capital additionnel. Ce sera à chacune de décider.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce serait toutefois possible?

M. Astley: Oui, en effet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Oliver a discuté des implications fiscales qu'il faudrait préciser. Une façon d'éviter l'impôt, je suppose, est d'offrir, plutôt que des actions ou des espèces, un montant équivalent de réduction de primes ou de prestations ou des deux. Le ministre a dit que ce serait possible pour qu'il n'a rien qui l'en empêcherait. Est-ce que certaines des sociétés l'envisagent?

M. Astley: Nous avons envisagé différentes solutions. Ma société, le Groupe La Mutuelle, a conclu que le mieux était d'offrir aux souscripteurs le choix entre actions et espèces. Nous ne poursuivons pas la possibilité de prestations accrues dans la proposition que nous ferons aux souscripteurs. C'est une option tout à fait valide mais notre conseil d'administration a choisi de ne pas la retenir.

M. D'Alessandro: Nous avons également examiné cet aspect-là. Nous avons conclu qu'il serait préférable d'offrir le choix entre les actions et l'argent. Si je ne me trompe pas, cette troisième possibilité n'a été offerte qu'à deux ou trois reprises dans le cas d'une démutualisation étant donné la nature complexe d'une telle transaction, surtout lorsqu'il s'agit d'une démutualisation dans plusieurs pays comme la nôtre. Quelle est la valeur d'un rabais de prime ou d'une bonification dans le pays «A» par rapport au pays «B»? Il est beaucoup simple de quantifier les titres, les espaces et la valeur marchande, ainsi évitant cette complexité supplémentaire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur D'Alessandro, juste avant Noël, votre société a publié une annonce invitant les titulaires de polices expirées à remettre leur police en vigueur pour tirer profit d'une offre d'actions éventuelle. En quoi cela avantage-t-il votre société?

M. D'Alessandro: Nous n'avons pas publié cette annonce parce que ce serait avantageux pour la société. Nous étions d'avis qu'il nous incombait d'informer les titulaires de polices expirées qu'il était peut-être dans leur intérêt de se renseigner sur la question en raison du profit considérable qu'ils pourraient tirer. À vrai dire, une telle démarche était plutôt problématique pour nous, mais nous avons suivi les conseils de nos avocats. Par exemple, si la police de quelqu'un expire trois mois avant l'entrée en vigueur de la démutualisation ou bien trois mois avant notre annonce en ce qui concerne la date de la démutualisation, cette personne-là pourrait se voir privée d'une prestation considérable contre le paiement d'une prime modeste. Nous voulions nous assurer que nos souscripteurs l'avaient bien compris. Nous avons voulu informer les souscripteurs de la situation, mais le but de cette démarche n'était pas d'avantager la société.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que les trois autres sociétés ont fait de même?

M. Stewart: Tout le monde l'a fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle a été la réponse?

M. Astley: Ma société n'a pas publié d'annonces dans les journaux, mais nous avons écrit une lettre à chacun des souscripteurs susceptibles d'avoir une police expirée qui pourrait être rétablie. Très peu de souscripteurs nous ont répondu. Environ 200 d'entre eux ont exprimé le désir de rétablir la police.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le but visé était plutôt d'éviter toute responsabilité ultérieure, au cas où quelqu'un dirait qu'on aurait dû l'informer.

M. Astley: On voulait également être juste à leur égard.

Le sénateur Meighen: Messieurs, vous représentez quatre sociétés différentes, toutes de la même industrie. À part le prix, comment est-ce que ces propositions se démarquent l'une de l'autre? Vous attendez-vous à ce que ces propositions aux souscripteurs soient très différentes?

En répondant au sénateur Lynch-Staunton, vous avez tous dit que vous êtes déjà entrés en communication avec les souscripteurs. Je ne vous reproche pas -- au contraire -- de vous être concertés dans le but de déterminer comment traiter, de façon équitable, les souscripteurs. Jusqu'à quel point avez-vous réussi à le faire, sans qu'on vous accuse de connivence?

M. Stewart: Évidemment, la présence de nous quatre ici aujourd'hui pour manifester notre appui au projet de loi C-59 en dit long sur la collaboration au Canada.

Nos souscripteurs résident dans des pays différents. Par conséquent, il y aura quelques différences dans les détails de la démutualisation. Plusieurs de nos sociétés sont très présentes au Royaume-Uni, ou la démutualisation a déjà une histoire assez longue et détaillée. Nous avons tendance à suivre le modèle de l'industrie là-bas, plutôt que de suivre le modèle canadien.

Deux de nos sociétés font affaire dans divers pays asiatiques. Afin de composer avec les autorités là-bas, il nous a été très utile de travailler ensemble à échelon élevé. Cependant, nous avons tous collaboré de façon générale garder des solutions propres à la société au niveau des détails.

Le sénateur Meighen: Examinons, en particulier, les avantages d'une police bonifiée par rapport aux espèces ou aux actions? M. Astley et M. D'Alessandro ont tous les deux dit avoir envisagé cette possibilité.

Le sénateur Oliver: Ils l'ont examiné mais ils l'ont rejetée.

Le sénateur Meighen: Est-ce que les deux autres compagnies ont étudié cette possibilité? En tant qu'industrie, avez-vous discuté de cette question?

M. Stewart: La gestion a toujours examiné cette question du point de vue de la société en particulier.

En effet, nous avons étudié cette possibilité et nous allons le faire dans les cas plutôt rares où le souscripteur ayant droit de vote ne peut pas recevoir d'actions. Normalement, c'est le genre de situation où le titulaire de police ayant droit de vote est une société elle-même, et les modalités sont inscrites ou précisées d'une certaine façon. Cependant, il existe une petite exception. Nous avons conclu que cette option ne pourrait pas être offerte à tout le monde pour diverses raisons, y compris l'expérience des autres pays.

Le sénateur Meighen: Aux fins du procès-verbal, et corrigez-moi, messieurs, si je me trompe, mais si vous décidiez d'offrir une bonification de police comme option, cette bonification serait imposable, n'est-ce pas? Une telle option ne serait pas exempte d'impôt?

M. Nield: L'impôt serait peut-être différé, parce que vous n'êtes assujetti à l'impôt qu'au moment où le montant dépasse votre contribution.

Le sénateur Meighen: Monsieur Nield, est-il difficile de trouver les souscripteurs?

M. Nield: Oui.

Le sénateur Meighen: En pareil cas quelle sorte d'annonces ou de campagne publicitaire comptez-vous faire et pendant combien de temps allez-vous offrir cette possibilité?

M. Nield: Toutes les sociétés ont quasiment le même problème, c'est-à-dire leur liste d'adresses et leurs dossiers peuvent être acceptables pour les affaires courantes, mais lorsqu'il s'agit d'une répartition d'actions, tout à coup ces listes ne conviennent plus. Il est difficile et assez cher de consulter les dossiers pour qu'ils soient accessibles afin de permettent d'entrer en communication avec tout le monde. Nous avons entamé un tel processus et, en ce qui concerne les autres, je suis certain qu'elles sont à diverses étapes de ce processus qui consiste à établir une liste d'adresses à jour et adéquate.

Le sénateur Meighen: Quant au déploiement du fonds, devrons-nous attendre jusqu'à l'envoi de ces offres pour connaître vos intentions ou bien avez-vous déjà fait des déclarations à ce sujet qui sont plus détaillées qu'une simple déclaration générale?

M. Nield: Je n'ai pas entendu une société annoncer qu'elle allait réunir des capitaux supplémentaires. Cela dépend du moment choisi et du marché. Robert Astley a bien expliqué la situation; quant à ma propre société, nous demandons aux souscripteurs s'ils préfèrent du comptant ou des actions. Nous allons déterminer le nombre de personnes demandant du comptant et nous allons par la suite réunir ces capitaux, en espérant créer un marché. À ce moment-là, nous allons examiner l'état du marché et décider si nous désirons réunir des capitaux supplémentaires. Ma société n'a pas encore pris sa décision.

Le sénateur Meighen: Est-ce que quelqu'un parmi vous a déjà une opinion quant à la suggestion formulée par ce comité dans son rapport en réponse à la commission MacKay, dont le sénateur Kroft vous a parlé tout à l'heure, en ce qui concerne la possibilité de hausser de 10 à 20 p. 100 le pourcentage dans le cas des actions de vote et d'aller même jusqu'à 30 p. 100 pour celles ne donnant pas droit de vote?

M. Astley: Monsieur le sénateur, si vous me le permettez, j'aimerais répondre à cette question en premier. Ce sont des questions importantes et je crois que tout le monde autour de cette table va vouloir participer à ce débat. Cependant, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas d'une question fondamentale pour l'adoption du projet de loi C-59. Le gouvernement a dit qu'il entend examiner toutes ces questions dans deux ans. Ce matin, le ministre a même dit que, à son avis, on pourrait faire cet examen encore plus tôt. Je suis certes de cet avis.

Le sénateur Stewart: J'aimerais revenir au fondement du modèle mutuel. Lorsque vos sociétés ont adopté un tel modèle, quels avantages aviez-vous prévus? Par exemple, a-t-on pensé qu'une société mutuelle serait plus intéressante aux yeux d'un souscripteur éventuel qu'une société qui ne l'était pas? En présumant que les circonstances sont les mêmes que vous avez connues au moment de devenir des sociétés mutuelles, à quoi est-ce qu'on renonce?

M. Stewart: Dans notre cas, la mutualisation a été terminée en décembre 1962, quatre ans après avoir commencé. Vers la fin de 1962, environ 50 p. 100 du chiffre d'affaires de la compagnie consistait en polices d'assurance-vie individuelle à participation. Les souscripteurs représentés, alors, une très grande part du chiffre d'affaires de la société. Actuellement, je le répète, nous avons environ un million de souscripteurs ayant droit de vote et le nombre total des clients de la société dépasse 12 millions. La société consacre beaucoup moins d'efforts à cette clientèle, ce qui entraîne une divergence dans la façon dont elle traite les clients. C'est une raison importante pour nous d'aller de l'avant. En plus, il est très clair, et je n'ai pas besoin d'insister sur la différence qui existe entre les conditions économiques d'aujourd'hui, et celles du début des années 60, notamment la mondialisation, la technologie de l'information et tout le reste qui font que le milieu actuel est très différent de ce qu'il était alors.

Le sénateur Stewart: Quelqu'un d'autre veut-il présenter un argument différent?

M. D'Alessandro: Je soutiens que le fait de conserver la forme mutuelle, vu le milieu dans lequel nous fonctionnons, aurait pour effet de nous marginaliser, à la longue, en tant qu'institution. Nous subissons la concurrence non seulement d'autres sociétés d'assurances, comme c'était le cas autrefois, mais aussi de la part d'autres institutions financières, banques, fonds mutuels, et cetera.

Je crois que ce phénomène n'est pas uniquement canadien. C'est effectivement un phénomène global, et c'est pourquoi tous les pays où il existe des mutuelles sont en train de légiférer afin de leur permettre de changer de forme. Il était très intéressant ce matin d'entendre ce que font les Sud-Africains, les Australiens, les Britanniques et les Américains, et d'apprendre qu'il y a à peine quelques semaines, deux des grandes sociétés d'assurances japonaises ainsi que leur gouvernement ont annoncé leur intention d'amorcer ce processus, qui est par ailleurs bien lancé chez nous.

Le sénateur Stewart: Je ne demande pas à ces témoins de me répondre sur ce point-ci, mais quelles seront les conséquences pour les coopératives de crédit? Je ne leur demanderai pas d'exprimer une opinion.

Ma question suivante est très différente de la première. Elle porte sur les programmes. Je voudrais comprendre le processus. Premièrement, vous allez, armés des meilleurs conseils possibles, décider de la valeur des actions qui seront réparties aux souscripteurs qui ne veulent pas recevoir d'espèces. Est-ce que j'ai raison?

M. Astley: Non, pas tout à fait, parce que le prix final de l'émission d'actions ne sera pas établi avant la dernière journée de l'offre présentée aux actionnaires institutionnels, ce que nous appelons le spectacle itinérant. Les règlements exigent qu'une gamme de valeur qui reflète les conditions actuelles du marché soit présentée aux souscripteurs. La conversion aura effectivement lieu quelques mois plus tard. C'est à ce moment-là que l'on établira le prix de manière définitive.

Le sénateur Stewart: Au moment de choisir entre le comptant et les actions, les souscripteurs ne savent pas vraiment quelle sera la valeur des actions?

M. Astley: Pas de façon précise.

M. D'Alessandro: Pour précisions, ils ne savent pas, à ce moment-là, la valeur du comptant non plus. Le comptant se substitue aux actions.

Le sénateur Stewart: D'accord.

M. D'Alessandro: Je pourrai peut-être expliquer cela d'une autre manière. Nous passons beaucoup de temps à découper le gâteau en différents morceaux. Les calculs sont très complexes. La valeur des morceaux sera déterminée au moment de fixer le prix de l'émission avec les meilleures données disponibles, et cetera. Une fois cette valeur établie, le souscripteur se verra offrir un choix soit de recevoir sa valeur au comptant soit sous la forme d'actions.

Le sénateur Stewart: Est-ce que j'aurais raison de dire que la valeur réelle sera fixée lorsque vous vous adresserez au marché?

M. D'Alessandro: Précisément. C'est le marché qui décidera en fin de compte de la valeur de ces actions.

Le sénateur Oliver: L'un des articles de journaux qui citait vos compagnies laissait entendre que la démutualisation est surtout bonne pour les Canadiens parce qu'elle aura pour effet de créer des dizaines de milliers de nouveaux emplois. Pourriez-vous m'aider à voir d'où viendront tous ces nouveaux emplois suite à la démutualisation?

M. Nield: Le point de départ serait l'argent qui sera injecté dans l'économie.

Le sénateur Oliver: Avez-vous fait des calculs à cet égard?

M. D'Alessandro: Des calculs faits par d'autres pays qui ont déjà procédé à la démutualisation démontrent un accroissement important du PIP. Au Royaume-Uni, un quart de 1 p. 100 de l'accroissement du PIB est attribué à la démutualisation. Si on utilise le même genre de paramètres au Canada, on constate que l'accroissement du PIB se traduit par un accroissement du nombre d'emplois: la population dépense de l'argent et consomme des biens et ces biens-là doivent d'abord être fabriqués. Je ne peux pas vous dire que nous allons créer trois emplois à Ottawa et six à Toronto. Cependant, je pense que s'il y a une augmentation du pouvoir d'achat, il y aura également un accroissement de l'activité économique.

Le sénateur Oliver: J'aimerais revenir à la question que j'ai posée au ministre concernant les exigences du vote. Quels sont vos points de vue à ce sujet?

Jusqu'où avez-vous l'intention d'aller pour informer les souscripteurs de la démutualisation, de leurs droits et responsabilités, et cetera? Serez-vous prêt à embaucher et payer des experts-conseils en planification fiscale et financière?

M. Astley: Je pourrais peut-être commencer par vous parler des projets de ma compagnie à cet égard, et ensuite permettre aux autres d'en faire autant.

Dans le cas du Groupe La Mutuelle, nous avons annoncé notre intention de solliciter l'approbation des souscripteurs en décembre 1997. Il y en a été beaucoup question dans le rapport annuel de l'année suivante, et ce document a été envoyé à tous les souscripteurs admissibles. Nous continuons d'utiliser les médias électroniques pour communiquer avec nos souscripteurs. L'automne dernier, nous avons envoyé à chaque souscripteur un livret qui résumait les points saillants de la démutualisation. Nous avons également tenu des réunions de souscripteurs dans toutes les régions du pays.

Avant d'envoyer toute la documentation concernant la proposition de transformation elle-même, nous avons l'intention d'envoyer à nos souscripteurs une carte postale pour les avertir que cette trousse d'information va arriver sous peu et qu'il sera important de l'examiner. Ensuite, ils vont recevoir la proposition elle-même, et nous avons également l'intention de leur envoyer par la suite une autre carte postale pour leur rappeler d'exercer leur droit de vote et d'indiquer s'ils préfèrent avoir du comptant ou des actions.

Voilà le genre de programme que nous avons créé. Nous pensons que c'est tout ce que nous pouvons faire pour rejoindre presque 1 million de Canadiens. Nous nous attendons à ce qu'un pourcentage raisonnable de souscripteurs votent. Cependant, nous ne le savons pas vraiment, car cela ne s'est jamais fait auparavant au Canada. Je ne suis pas en faveur d'une disposition de la loi qu'exigerait une participation minimum, car nous n'avons pas l'expérience voulue pour adopter un tel règlement.

M. Stewart: Nous avons mis en place des mesures semblables à celles décrites par M. Astley, mais nous sommes un peu plus en retard. Nous commençons à peine à faire des exposés dans toutes les régions du pays à l'intention des souscripteurs pour les informer directement de nos projets. Deux des sociétés l'ont déjà fait, et nous allons commencer à le faire plus tard ce mois-ci.

En général, nous suivons la même voie au Canada. Dans d'autres pays, la démutualisation s'est déjà faite et est mieux connue. Le grand public, surtout au Royaume-Uni, connaît assez bien les avantages de la démutualisation. Par conséquent, notre campagne de sensibilisation sera moins importante là-bas, même si la documentation sera semblable. Cependant, nous pensons faire des séances d'information semblables aux Philippines, car nous estimons que la situation dans ce pays est semblable à celle du Canada.

M. Nield: Nous serons probablement la quatrième des quatre sociétés à faire la démutualisation. L'un des avantages d'être le dernier c'est que nous tirons une leçon des erreurs commises par nos collègues. J'écoute avec intérêt leurs projets. Nous pensons faire comme eux en grande partie.

Je pourrais donner des détails sur le Royaume-Uni et l'Irlande. Non seulement y a-t-il eu plusieurs mutualisations, mais -- si je peux revenir sur la question des sociétés de crédit mutuel -- les sociétés d'épargne immobilière là-bas ont aussi été démutualisées. Il n'en reste probablement qu'une seule de taille considérable au Royaume-Uni. La démutualisation a suscité beaucoup d'excitation, alors que les gens ouvraient des comptes. Les gens là-bas connaissent bien les avantages de la démutualisation. Ils savent qu'ils recevront des sommes additionnelles, sous forme d'argent comptant ou d'actions.

Les problèmes reliés aux communications en Irlande ainsi qu'au Royaume-Uni sont différents de ceux au Canada, et les États-Unis se situent quelque part au milieu.

Le sénateur Oliver: Au Canada, iriez-vous jusqu'à offrir aux souscripteurs des opinions juridiques et des conseils de planification financière?

M. Nield: Non. Nous allons faire de notre mieux pour communiquer avec eux. J'ai appris au fil des ans que, lorsqu'on offre des conseils juridiques sur des aspects financiers de l'assurance-vie, on n'arrive jamais à comprendre parfaitement les circonstances des gens. Nous conseillons à nos clients d'obtenir leurs propres conseils personnels.

Les souscripteurs recevront une trousse de documentation qui est très complète et qui contiendra des réponses à presque toutes leurs questions pourvu qu'ils soient prêts à les lire. Il existera toujours des situations particulières où les gens auront besoin de conseils personnalisés sur les aspects juridiques ou financiers. Nous ne voudrions pas nous mêler de cela.

Le sénateur Angus: Les règlements vous ont été envoyés. Ils ont été discutés et même négociés tout le long des consultations. Vous demandez maintenant que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible et que les règlements soient promulgués en même temps que le projet de loi. Est-ce que je vous comprends bien?

M. D'Alessandro: Oui.

Le sénateur Angus: Êtes-vous à l'aise avec les règlements sous leur forme actuelle?

M. Nield: Oui.

Le sénateur Angus: Vous avez contribué suffisamment à leur rédaction, et cetera?

M. Nield: Oui.

M. Astley: Oui.

Le sénateur Di Nino: J'ai encore une question qui n'est pas claire dans mon esprit. Nous avons entendu certaines expressions telles que «propriétaires actuels», «souscripteurs votant», «souscripteurs», et ainsi de suite. Lesquels recevront du comptant ou des actions, étant donné que vous offrez tous une gamme de services, dont certains sont considérés comme des polices tandis que d'autres ne le sont pas? Vous pouvez peut-être me l'expliquer.

M. Nield: La répartition visera ce qu'on appelle nos souscripteurs participants. Il s'agit d'une catégorie particulière de polices qu'on émet. Ces souscripteurs ont droit de vote et le droit de participer à la répartition d'un excédent.

M. Steward a parlé de l'évolution de cette catégorie depuis 35 ans; autrefois elle représentait un fort pourcentage de notre chiffre d'affaires, alors qu'aujourd'hui elle compte pour un plus petit pourcentage. Il y a dans toutes les sociétés un nombre considérable de personnes qui ont un droit de propriété et de vote. En ce qui concerne les transactions avec les actionnaires, cela ne ressemble pas du tout aux autres organisations où 15 000 ou 20 000 personnes représentent un très grand nombre de gens avec qui il faut communiquer. Nous avons tous des centaines de milliers de personnes avec qui nous devons communiquer. Cependant, cela ne représente pas la totalité des souscripteurs d'aucune des sociétés.

Le sénateur Di Nino: Les personnes et les compagnies qui font affaire avec vos sociétés, vos régimes collectifs et les autres services que vous offrez ne participeraient pas à la répartition. Seules les personnes dont la police comporte un dividende y participeraient.

M. Nield: Certaines personnes ou compagnies pourraient être visées; cependant; cela varie selon la société. Toute personne qui a une police participative a un droit de vote et de propriété.

M. Astley: J'aimerais ajouter un renseignement, monsieur le président. La situation varie selon la société. Dans le cas de ma société, il existe certaines catégories de souscripteurs non participants qui détiennent des polices d'assurance-vie et des rentes et qui traditionnellement ont eu le droit de vote. Ces souscripteurs-là qui ont droit de vote pourraient aussi participer. Il y a plusieurs autres catégories de clients qui n'ont jamais eu le droit de vote dans les affaires de la société. Comme l'a dit M. Nield, ils n'y participent pas.

Le sénateur Di Nino: S'ils avaient le droit de vote, alors ils pourraient participer, n'est-ce pas?

M. Astley: C'est exact.

Le sénateur Callbeck: Pouvez-vous me donner quelques exemples de personnes qui détiennent des polices mais qui n'ont pas le droit de vote?

M. Astley: Je pourrais donner l'exemple d'une personne qui reçoit une rente fixe, où le montant du revenu mensuel est fixe et préétabli; la société ne pouvait pas modifier les dividendes ou tout autre avantage financier. Dans la plupart des sociétés, ces souscripteurs-là n'auraient pas le droit de vote parce qu'il s'agit strictement d'une relation contractuelle. Il ne s'agit pas de relation discrétionnaire ou de participation à la société.

Le sénateur Callbeck: Toute personne qui détient une police d'assurance-vie aurait le droit de vote, n'est-ce pas?

M. Astley: Nous ne pouvons pas dire oui de façon catégorique, parce que certains souscripteurs ayant une police d'assurance-vie non participante n'auraient pas le droit de vote. Le critère fondamental, c'est le droit de voter et d'exercer un contrôle sur les affaires de la société au moyen du vote collectif.

Le sénateur Callbeck: Le moment venu, certaines personnes qui n'ont pas le droit de vote ne s'attendront-elles pas à recevoir leurs chèques?

M. Astley: Cela se peut. Cependant, les règles d'admissibilité sont très claires dans la loi et dans les règlements.

Le sénateur Callbeck: Vous n'y voyez pas de difficulté.

M. Astley: Non.

Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné avoir tenu des rencontres partout au pays. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Y a-t-il eu des assemblées dans chaque province?

M. D'Alessandro: Notre société a terminé sa série de rencontres. Nous avons tenu des réunions dans tous les grands centres du Canada. J'en ai présidé quatre ou cinq et les autres administrateurs ont présidé les autres. Nous avons annoncé les réunions dans les journaux. Nous avons encouragé nos agents dans les différents districts à inviter les souscripteurs à assister aux réunions pour savoir ce qu'était la démutualisation de la bouche même des administrateurs. Il y a eu un exposé suivi d'une période de questions et réponses. Les taux de participation n'étaient pas exceptionnels, mais les rencontres étaient animées. Les participants étaient généralement un peu âgés. Ils étaient curieux de savoir comment la démutualisation pourrait les affecter.

Pourquoi avons-nous fait cela? Au fond, nous voulions susciter un peu d'enthousiasme et informer la presse locale. Ainsi, la population pourrait lire au sujet de l'événement et débuter le processus. Une fois ce projet de loi adopté et que nous serons plus près de la date où il faut vraiment dresser la liste, la question de démutualisation attirera beaucoup plus d'attention dans les médias que jusqu'ici. Voilà ce que nous avons fait. C'était notre objectif.

Le sénateur Callbeck: C'est pour cette raison que j'ai posé ma question. Je suis certaine que, à l'approche de la date, les questions seront nombreuses. J'aimerais savoir comment les souscripteurs recevront les renseignements, outre la poste. Avez-vous un numéro sans frais?

M. D'Alessandro: Oui, ainsi qu'un site Web et une série d'envois postaux. Ils recevront une trousse complète de documents semblables à ce que toute société distribue lorsqu'elle procède à une émission publique.

M. Astley: Quelques centaines de pages.

M. Nield: Ce n'est pas un petit document.

Le sénateur Callbeck: Ils ne le liront pas.

M. D'Alessandro: Comme nous avons dit plus tôt, que peut-on y faire?

Le président: Messieurs les invités, merci beaucoup d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui.

La séance est levée.


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